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Université de Bordeaux 2022-2023

L3 Stratégie, décisions et politiques économiques

ECONOMIE MONETAIRE ET FINANCIERE INTERNATIONALE


Dossier de TD n° 1 (deux premières séances)

La balance des paiements et l’ajustement

I-Documents joints
1) E. Dor (2022), « La dépréciation de l’euro face au dollar ajoute de de l’inflation à
l’inflation », The Conversation, 14 juillet.
2) M.J. Cougard et al. (2022), « Euro-dollar : les gagnants et les perdants d’une situation
inédite depuis vingt ans », Les Echos, 12 juillet.
3) P. Verge (2022), « La chute brutale de l’euro en cinq questions », Les Echos, 11 juillet
4) G. de Calignon (2022), « Euro faible : le pouvoir d’achat des entreprises américaines
augmente en Europe », Les Echos, 12 juillet
II-Lectures complémentaires
1) Dupuy M. (2022), Economie monétaire et financière internationale, Ellipses, 2ème
édition
2) Dupuy M. (2019), Fiches d’économie internationale, Ellipses
3) Banque de France (2022), La balance des paiements et la position extérieure de la
France, Rapport annuel 2021

III-Travail à effectuer
Exercice 1
Le tableau suivant présente un extrait de la balance des paiements de la France pour
l’année 2021.
Millions d’euros Avoirs Engagements Net
Investissements de portefeuille dont : 98 767 104 079 -5 312

Actions et titres d’organismes de placement collectif 40 324 49 215 -8 891


Titres de créances à long terme 37 610 73 019 -35 409
Titres de créance à court terme 20 832 -18 155 38 987

1-Interprétez les différentes valeurs des avoirs et des engagements. Vous enregistrez en
crédit/débit les opérations portant sur les différents éléments qui composent les
investissements de portefeuille.
Il y a eu plus d’exportations que d’importation d’actions et titres d’organismes de
placemment collectifs et de titres de créances à long terme alors qu’il y a eu plus
d’importations que d’exportations de titres de créance à court terme car il y a eu une baisse
des engagements pour ces derniers titres. En somme il y a eu plus d’exportation
d’investissement de portefeuille

Les avoirs en investissements de portefeuille ont augmenté pour s’établir à 98 milliards


d’euros et les achats de titres Français pour les non résidents ses ont établis à 104 milliards
d’euros.

Crédit :
Actions et titres d’organismes de placement collectif 49 215
Titres de créances à long terme 73 019

= 122 234

Débit :

Actions et titres d’organismes de placement collectif 40324


Titres de créances à long terme 37610
Titres de créance à court terme 18155 + 20832

= 116 921

Solde = 5312

2-En 2021, la France est-elle exportatrice ou importatrice nette de capitaux, et pour quel
montant, au titre :
a) des investissements de portefeuille importatrice car Net négatif 5 312
b) des actions et titres d’organismes de placement collectif importatrice car Net négatif
8 891

c) des titres de créances à long terme importatrice car Net négatif 35 409
d) des titres de créance à court terme exportatrice car Net positif 38 987
Vous justifierez vos réponses.
3-Nestlé a acheté 19 % du capital de l’Oréal pour un montant de 28 milliards d’euros. Cet
achat a été financé par crédit bancaire accordé par un consortium de banques françaises.
a) Cette opération est-elle enregistrée en investissement de portefeuille ? Pourquoi ?
Comme il s’agit d’un achat de plus de 10% de l’entreprise c’est un IDE
b) Enregistrez l’opération en crédit/débit après avoir identifié les postes concernés.
crédit débit
311. IDE social 28 milliards 343. Autre investiseement : prêt 28
milliards
c)
4-Vérifiez que, pour l’année 2021, la balance des paiements de la France est équilibrée aux
erreurs et omissions près (document à récupérer sur Moodle).

Compte de transactions courantes +compte de capital – compte financier = - (erreurs et


omissions nettes)
8961+11733-3028=-(17666)

La balances des paiements est bien équilibrée

Exercice 2
Les tableaux suivants retracent la balance des paiements de la zone euro pour l’année 2021.
Compte des transactions courantes
Montant (milliards d’euros) en % du PIB
Solde ? 2.5
Transactions courantes Crédit ? 35.8
Débit ? 33.3

Solde 296.4 2.4


Biens Crédit 2513.6 20.5
Débit 2217.2 18.1

Solde 123.1 1.0


Services Crédit 982.9 8.0
Débit 859.8 7.0

Solde 53.3 0.4


Revenus primaires Crédit 751.1 6.1
Débit 697.8 5.7

Solde -163.0 -1.3


Revenus secondaires Crédit 134.7 1.1
Débit 297.7 2.4

Compte de capital
Montant (milliards de dollars) En % du PIB
Solde 42.6 0.3
Crédit 124.5 1.0
Débit 81.9 0.7

Compte financier
Montant (milliards de dollars) En % du PIB
Net 274.9 2.3
Investissements directs Avoirs 107.3 0.9
Engts -167.6 -1.4

Net 511.9 4.1


Investissements de Avoirs 752.0 6.1
portefeuille Engts 240.1 2.0

Net 53.0 0.4


Instruments financiers Avoirs 53.0
dérivés Engts

Net -580.1 -4.8


Autres investissements Avoirs 163.6 1.3
Engts 743.7 6.1

Net 128.7 1.1


Avoirs de réserve Avoirs 128.7 1.1
Engts
1-Calculez et interprétez les soldes suivants : balance commerciale, balance courante, solde
du compte financier1.

Balance commerciale = exportations – importations =269.4 milliards


Balance de biens et services = 419.5 milliards
Solde du compte financier = 388.4 milliards
Solde des opérations courantes = 309.8 milliards

2-La zone euro dégage-t-elle un besoin ou une capacité de financement ? Quel est son
montant ?
Capacité de financement car BOC +SCK = 309.8+42.3=352.4 >0

3-La balance des paiements de la zone euro est-elle « naturellement » équilibrée ?


La balance des paiements est naturellement équilibrée mais dans la réalité il y a un poste
d’ajustement qui est le poste erreurs et omissions

4-Déterminez le montant du poste « erreurs et omissions nettes ».

BOC +SCK-SCF = EON


309.8+42.6-388.4=-36
EON =36

5-En 2021, le taux d’investissement domestique de la zone euro s’est établi à 22.8 % du PIB.
Compte tenu des éléments précédents et en vous basant sur les identités comptables
fondamentales, vous déterminerez le taux d’épargne national de la zone euro.

%BOC+%I =%epargne nationale = 2.5+22.8=25.4

Exercice n° 3

Soit un pays, la Suisse, exportant un unique bien, du fromage, à destination de l’Espagne.


1
Vous déterminerez l’ensemble des soldes sur la base d’un enregistrement des opérations en crédit et débit.
En 2018, la Suisse a exporté 50 000 fromages à destination de l’Espagne au prix de CHF 20
l’unité.
Le taux de change est alors: 1 EUR = 1.1 CHF.

En 2019, la Suisse a exporté 48 000 fromages à destination de l’Espagne au prix de CHF


20.50 l’unité.

Le CHF s’est apprécié de 10% entre les deux dates.

Déterminez et interprétez l’élasticité prix (définie positivement) des exportations de la Suisse

2000
Baisse de X = =4 %
50000
0.5
Augmentation de P =
20

Augmentation de e = 10%

P x* = 0.125

0.04
Elasticité = + 0.32
0.125

La courbe en J est la forme que prend l’évolution du solde commercial au cours du temps après une dévaluation. Avec le
temps en abscisse et les variations de la balance commerciale en ordonnées, la courbe en J de la balance commerciale
montre une détérioration du solde commercial après la dévaluation et une remontée au fil du temps. On impute aux
élasticités-prix la raison de la forme de la courbe.

Le solde de la balance commerciale d’un pays dépend à la fois de l’écart conjoncturel entre ce pays et le reste du monde et
de la compétitivité de ses produits. Une dévaluation améliore en monnaie étrangère la compétitivité des exportations mais
renchérit les importations. Les importations sont d’autant plus chères que leurs prix sont libellés en devise. Dans un
premier temps, après la dévaluation, le renchérissement automatique des importations creuse le solde commercial. À plus
long terme, la compétitivité accrue des exportations joue : les exportations augmentent, les importations baissent du fait
de la baisse de pouvoir d’achat enregistrée. Le solde commercial s’améliore alors.

J. Robinson (1936) et A. Lerner (1945) ont défini dans le théorème des élasticités critiques appelé aussi condition de
Marshall-Lerner la condition nécessaire pour qu’une dévaluation réussisse. Pour que le solde commercial s’améliore il faut
que la somme des élasticités prix des importations et des exportations soit supérieure à 1.

L’application de ce théorème est critiquée pour deux raisons. La première est que le calcul des élasticités est délicat et pose
des problèmes d’agrégations. La seconde vient de ce que ce théorème repose sur des hypothèses de fixation de prix très
simplificatrices qui sont appliquées à la courbe en J de façon permanente. Or, l’évolution du solde commercial en forme de J
s’explique par des élasticités prix qui varient avec le délai qui suit la dévaluation.

Le théorème en lui-même est critiqué par les auteurs non keynésiens car il repose sur une logique keynésienne de relance
par la demande. Le solde commercial apparaît alors comme une variable clé du plein emploi. La dévaluation de la monnaie
n’est plus alors considérée que comme un moyen d’assurer un emploi maximum.

La courbe en J vient de ce que l’effet prix est beaucoup plus rapide que l’effet volume. Autrement dit, dans un premier
temps l’effet prix joue en renchérissant les importations à volume constant d’importation et d’exportation. L’effet volume
c’est-à-dire l’augmentation des exportations par augmentation des parts de marché et la baisse des importations par
réduction des importations par moindre pouvoir d’achat ne vient qu’après coup. Il résulte aussi de la condition Marshall-
Lerner que plus le déficit initial est grand plus les élasticités prix doivent être fortes pour que le solde commercial retrouve
une valeur positive.

Cependant, l’évolution au cours du temps du solde commercial dépend de trois critères. Le premier concerne le contenu en
matières premières des importations. Si les importations en matières premières facturées en devises représentent un poste
important dans les importations, une dévaluation va provoquer un creux plus important dans un premier temps et un
redressement limité par la suite. En effet, les matières premières ne sont pas forcément substituables à des produits
nationaux. Le second facteur concerne le comportement des exportateurs. La courbe en J fait l’hypothèse que le prix des
exportations en monnaie nationale ne varie pas. Cela exclut la possibilité qu’ont les exportateurs de moduler leurs marges
bénéficiaires. Or, les exportateurs peuvent avoir un comportement de marge. Si les exportateurs vendent dans un pays
dont la monnaie s’apprécie, ils peuvent accroître leurs marges pour bénéficier de profits accrus en monnaie nationale. S’ils
vendent dans un pays dont la monnaie se déprécie ils peuvent réduire ces marges pour limiter leur perte de part de marché
en freinant la hausse de leurs prix en devises. Enfin, la dévaluation à moyen terme augmente les exportations donc la
production, ce qui suscite la hausse des importations. La hausse des prix importés se répercute sur les prix domestiques et
réduit ainsi la compétitivité.

Exercice n° 4

Le tableau suivant présente les résultats d’estimations des élasticités-prix du commerce


extérieur du Canada (les élasticités sont définies positivement).

Elasticités-prix à court terme Elasticités-prix à long terme


Exportations Importations Exportations Importations
0.13 0.18 0.56 0.90

1-Interprétez les élasticités précédentes.

Une hausse de 10% des prix en exportations en monnaie étrangère provoque une baisse de 1.3
% du volume des exportations à court terme

2-Est-il opportun pour le Canada de laisser sa monnaie se déprécier ?

Le Canada n’a aucun intérêt à laisser sa monnaie se déprécier à court terme. Cependant sur le
long terme il y a un intérêt

3-En quoi les résultats de ces estimations permettent-ils d’expliquer le phénomène de courbe
en J ? Vous justifierez votre réponse.

Pour que le solde commercial s’améliore il faut que la somme des élasticités prix des
importations et des exportations soit supérieure à 1

4-En l’absence de comportements de marge, quels sont les effets d’une appréciation de 10 %
du dollar canadien sur :

a) le prix des exportations canadiennes en monnaie étrangère

Augmentation de 10%
b) le prix des importations canadiennes en dollar canadien

Baisse de 10%

c) le volume des exportations canadiennes (on considère uniquement l’effet à long terme)

Baisse de 5.6%

d) le volume des importations canadiennes (on considère uniquement l’effet à long


terme).

Augmentation de 9%

5-On suppose maintenant qu’il y a des comportements de marge. Quel est le comportement de
marge des exportateurs canadiens lorsqu’une dépréciation de 10 % du dollar canadien
provoque à long terme une hausse de 3 % du volume des exportations canadiennes ?

−0.03
On isole le dénominateur et on trouve =0.0536
0.56

Exercice n° 5
Soit le tableau suivant :
Effets estimés sur la zone euro d’une appréciation de 10 % de l’euro contre toutes
monnaies (écart au scénario central, en points de pourcentage)

Impact sur Année


1 2 3 4
Volume des exportations * -2,5 -4,7 -5,2 -4,6
Volume des importations * -2,3 -4,2 -4,1 -3,1
Inflation -0,2 -0,4 -0,7 -0,8
Prix d'exportation en euro * -0,8 -1,6 -2,3 -2,9
Prix d'importation en euro* -0,6 -1,2 -1,8 -2,5
* y compris intra-zone

Notes de lecture : Excepté pour l’inflation, les nombres du tableau représentent l’impact cumulé (exemple : le
volume des importations est amputé de 4.1 points au bout de la troisième année) ; le taux de croissance entre
deux périodes est obtenu au premier ordre par la différence entre ces nombres. Pour l’inflation, l’effet se lit
directement (exemple : l’inflation est diminuée de 0.4 point la deuxième année). La différence entre deux
périodes souligne l’accélération ou la décélération des prix à la consommation.
Source : Cachia (2008)

1-a) De combien l’inflation dans la zone euro est-elle réduite la première année ? la quatrième
année ?
b) Comment est appelé le phénomène sous-jacent ? Comment peut-on expliquer ce
phénomène (quelle variable, dont l’évolution est retracée dans le tableau, joue un rôle clé ?)?
2- Comment évoluent les prix d’exportation en euro ? De combien ces prix sont-ils en retrait
au bout de quatre ans ? Comment pouvez-vous expliquer cette évolution ?
3- a)Comment évolue le volume des exportations ? De combien est-il en retrait au bout de
trois ans ? Comment pouvez-vous expliquer cette évolution ?
b) Comment évolue le volume des exportations entre la troisième et la quatrième année ?
Quel est le rôle joué par les prix domestiques dans cette évolution ?

Sujet de synthèse
Euro faible : force ou faiblesse pour la zone Euro ?
Texte n° 1

La dépréciation de l’euro face au dollar ajoute de l’inflation à l’inflation


E. Dor, The Conversation, 14 juillet 2022

Ces derniers mois, l’euro s’est progressivement déprécié jusqu’à atteindre la parité avec le
dollar, le 12 juillet. La devise européenne a ainsi décroché de 19 % depuis son haut récent du
6 janvier 2021, et de 37 % depuis son record absolu du 22 avril 2008, lors de la crise
financière.

Cette dépréciation reflète en partie la forte appréciation du dollar, car l’euro se maintient
mieux en termes de la plupart des autres devises. Ainsi, au cours des mêmes périodes, la
dépréciation du taux de change effectif de l’euro s’est limitée à 8 % depuis le 6 janvier 2021,
et 17,5 % depuis le 22 avril 2008 à l’époque de la crise financière. Cette tendance résulte
d’une combinaison de plusieurs causes.

D’abord, le décalage de politique monétaire est très grand, avec un différentiel de taux
d’intérêt très en faveur du dollar. La Réserve fédérale (Fed) avait déjà moins baissé les taux
que la Banque centrale européenne (BCE), et a évité jusqu’alors les taux négatifs. Mais
ensuite, la Fed a commencé à resserrer la politique monétaire bien avant la BCE, qui ne va
qu’initier la hausse de ses taux directeurs le 21 juillet. La Fed a déjà augmenté ses taux
directeurs de 0,25 point le 17 mars, de 0,5 le 5 mai puis de 0,75 le 16 juin, soit une intensité
supérieure à ce que la BCE suggère jusqu’à présent (une première hausse de 0,25 point puis
une deuxième, de 0,25 ou 0,5 point, en septembre).
Dissensions à la BCE
Ensuite, il y a des dissensions connues entre les membres du conseil des gouverneurs à propos
de l’ampleur et du rythme du resserrement monétaire, entre ceux qui veulent être très prudents
et ceux qui veulent une réponse très forte pour juguler l’inflation. En raison de ces
dissensions, les perspectives de taux d’intérêt restent assez incertaines en zone euro, alors que
la Fed affiche une détermination très claire pour augmenter ses taux directeurs aussi forts que
nécessaire. Encore une fois, cette divergence entre la BCE et la Fed plaide en faveur du dollar.

Les dissensions entre les membres du conseil des gouverneurs de la BCE portent aussi sur la
nécessité d’instaurer un nouvel instrument contre la fragmentation de la zone euro, donc un
programme d’achats sélectifs d’obligations publiques des pays très endettés pour comprimer
les écarts entre les taux de financement des différents États membres de la zone euro, les
« spreads ». Le gouverneur de la Bundesbank a montré clairement son opposition à ce qu’un
tel programme soit de grande ampleur et de longue durée.

Il a indiqué que la BCE devait se concentrer sur la lutte contre l’inflation, et que les pays
surendettés devaient mener la politique d’austérité budgétaire nécessaire pour limiter leurs
déficits et dettes et comprimer ainsi les spreads. Pour les marchés, les possibilités pour la BCE
de contrôler les spreads, et ainsi maintenir l’intégrité de l’union monétaire, restent donc
incertaines. Une nouvelle crise des dettes souveraines de la zone euro reste possible. Cela
entretient une défiance des marchés envers l’euro.

Enfin, une autre source de défiance envers l’euro vient des risques de récession et surtout des
problèmes de l’Allemagne. L’Allemagne reste le moteur de la zone euro mais est menacée de
graves problèmes. Son secteur industriel est très affecté par les pénuries de composantes
importées à cause des confinements en Asie et maintenant avec les problèmes
d’approvisionnement en gaz et pétrole russes. Les exportations vers l’Asie décélèrent
également. Dans le même temps, la valeur des importations d’énergie par l’Allemagne
augmente énormément.

L’Europe menacée de récession…


En conséquence, le surplus commercial en valeur de l’Allemagne s’est effondré. Le poids de
l’Allemagne est tel que c’est toute la zone euro qui est menacée de récession. De toute
manière, l’extrême dépendance de la zone euro aux importations d’énergie issue de Russie
rend ses perspectives très incertaines, comparées à celles des États-Unis bien davantage
autosuffisants. Cela conduit les marchés à préférer le dollar à l’euro.

Il y a une forte probabilité de récession aux États-Unis comme en zone euro. Mais la récession
outre-Atlantique est susceptible d’être moins forte et moins longue. Les causes de la
dépréciation de l’euro contre le dollar ont donc une forte probabilité de persister. À moins
qu’un choc asymétrique affecte par surprise les États-Unis, les fondamentaux vont rester assez
longtemps en faveur du dollar et en défaveur de l’euro.

Globalement, la dépréciation de l’euro contre le dollar implique une détérioration des termes
de l’échange pour les pays de l’union monétaire. En effet, pour obtenir les dollars nécessaires
à l’achat d’une même quantité de biens et services produit par la zone dollar, la quantité de
biens et services à produire et vendre par la zone euro augmente. Autrement dit, une même
quantité de biens et services de la zone euro s’échange contre de moins en moins de biens et
services de la zone dollar. Du point de vue inverse, une même quantité de biens et services de
la zone dollar s’échange contre une quantité croissante de biens et services de la zone euro.

… mais plus attractive


Pour de mêmes prix de vente en euros, il y a une baisse des prix de vente en dollars des biens
et services produits par les pays de la zone euro. Pour des acheteurs de la zone dollar, il y a
donc une hausse de l’attractivité des biens et services de la zone euro et donc sur sa
compétitivité. Cela peut donc stimuler les exportations des pays de la zone euro vers la zone
dollar. En ce qui concerne les services, il y a par exemple le tourisme. Pour de mêmes prix en
euros, les pays de l’union monétaire sont moins chers en dollars pour des touristes américains,
par exemple.

Il convient évidemment de relativiser cet avantage car il concerne uniquement les


exportations vers la zone dollar. Or la plupart des pays de la zone euro exportent beaucoup
vers d’autres pays de la zone euro. Néanmoins, la dépréciation de l’euro contre le dollar peut
fort favoriser les exportations de biens de l’Allemagne (qui exporte 37,61 % de ses biens et
33,56 % de ses services vers la zone euro), mais moins celles du Portugal (65,77 % et
51,93 %).
Il n’en reste pas moins qu’au bilan, la dépréciation de la monnaie européenne face à la devise
américaine ajoute de l’inflation à l’inflation. En effet, la zone euro subit déjà fortement
l’augmentation des prix en dollars du pétrole et des matières premières alimentaires,
métalliques et autres.

Les prix en dollars de toute une série de composantes industrielles en pénurie, ainsi que du
fret maritime, augmentent aussi déjà fortement depuis l’année passée. Lorsque ces prix en
dollars sont convertis en euro, la hausse est encore supérieure à cause de la dépréciation de la
monnaie unique. Les coûts en euros des entreprises européennes augmentent donc très
fortement, et elles doivent le répercuter sur leurs prix de vente aux consommateurs.

Les consommateurs subissent une forte augmentation des prix en euros des biens et services
de consommation importés directement de la zone dollar. Mais les prix des biens et services
de consommation produits dans l’union monétaire augmentent aussi très fortement à cause de
la hausse des coûts en euros des matières premières et composantes importées qui sont
transformées.

Une politique monétaire plus resserrée ?


Normalement, la dépréciation de l’euro contre le dollar, parce qu’elle est inflationniste, doit
impliquer le renforcement du resserrement de politique monétaire. Comme cette dépréciation
augmente encore les perspectives d’inflation de la zone euro, la BCE devrait donc resserrer
fortement la politique monétaire. Les hausses successives des taux directeurs qui sont
planifiées à partir de ce mois pourraient finalement être d’une ampleur supérieure à ce qui a
été initialement considéré.

Pour éviter que des hausses exagérées des « spreads » empêchent la BCE de procéder à des
augmentations des taux directeurs assez fortes, il reste néanmoins essentiel qu’un instrument
contre la fragmentation, sous forme d’achats sélectifs d’obligations publiques des pays très
endettés moyennant une conditionnalité légère, soit instauré.
Texte n° 2

Euro-dollar : les gagnants et les perdants d'une situation inédite depuis


vingt ans

L'euro continue de baisser et se rapproche de la parité avec le dollar. Une aubaine pour
certaines entreprises, un cauchemar pour d'autres.

Par Marie-Josée Cougard, Yann Duvert, Enrique Moreira, Julien Dupont-Calbo, Virginie
Jacoberger-Lavoué, Sharon Wajsbrot

Publié le 12 juil. 2022 à 06:30Mis à jour le 12 juil. 2022 à 17:40

La dernière fois, c'était en 2002. L'euro faible , quasiment égal au dollar, cela ne s'était pas vu
depuis vingt ans. Pour les entreprises françaises, c'est une situation à double tranchant : il y a
celles qui en profitent pour gagner des parts de marché à l'export, et celles qui payent plein
pot leur dépendance au billet vert pour leurs approvisionnements.

« Globalement, pour la moyenne des entreprises françaises, c'est plutôt une bonne chose. Mais
il y a des cas particuliers très ennuyeux », juge un représentant du monde économique, qui
précise que le sujet n'anime que depuis quelques jours les conversations des patrons, ceux-ci
ayant déjà fort à faire avec les multiples tensions sur les approvisionnements et l'inflation
galopante. Revue non exhaustive des gagnants et des perdants de la parité euro-dollar.

Les Etats-Unis sont de loin le meilleur client de l'Europe et de la France dans


l'agroalimentaire. Et cette situation n'a cessé de s'accentuer depuis 2008. A elle seule, la
France affiche un excédent commercial de près de 5 milliards d'euros avec les Etats-Unis. Les
exportations françaises outre-Atlantique ont plus que doublé depuis 2010, tandis que les
importations n'ont pratiquement pas bougé.

« Ce n'est pas la baisse progressive de l'euro ces dernières années qui explique l'explosion de
l'excédent commercial de la France ou de l'Europe avec les Etats-Unis, mais l'engouement des
Américains pour les vins et spiritueux italiens et français », affirme Vincent Chatellier,
l'économiste de l'Inrae (Institut national sur la recherche agronomique).

Dans ces conditions, la dégradation actuelle du dollar sur l'euro ne va pas bouleverser la
donne. « On est plus dans le seuil psychologique que dans un chamboulement des cartes »,
juge le chercheur, même si l'alignement du dollar sur l'euro devrait faciliter le commerce
européen.

Le consommateur américain, touché par l'inflation, verra la hausse des prix des produits
européens tempérée par la hausse du dollar. Les Américains riches s'offriront donc sans
retenue particulière, au contraire, champagne et cognac - la très grosse part de l'excédent
commercial de la France. Les vins et spiritueux comptent pour 4,2 milliards d'euros sur les
4,5 milliards d'excédent.

L'aéronautique a le sourire

Une chose est sûre : l'évolution de la parité euro-dollar est « toujours monitorée de très près
dans la filière », confirme le Groupement des industriels de l'aéronautique et de l'espace
(Gifas). Et pour cause, dans un secteur où la grande majorité des coûts est exprimée en euros
pour des recettes principalement en dollars, la baisse de valeur de la monnaie européenne
renforce la compétitivité des grands groupes du Vieux Continent.

Louis Gallois, l'ex-PDG d'Airbus, avait ainsi coutume de dire qu'une baisse de 10 centimes de
l'euro face au dollar se traduisait par 1 milliard d'euros de bénéfices additionnels. En 2015, à
l'occasion d'une autre dépréciation de l'euro face au dollar, le président de l'époque de
l'avionneur européen, Marwan Lahoud, avait fait sienne la célèbre formule de la mère de
Napoléon au lendemain de la bataille d'Austerlitz : « Pourvou que ça doure ».

La formule vaut cependant moins pour les grands équipementiers de la filière, comme Thales
ou Safran, qui « sont aujourd'hui des groupes internationaux, travaillant sur tous les continents
et qui vendent aussi bien à Airbus qu'à Boeing », rappelle-t-on au Gifas.

Le luxe a le vent dans le dos

L'euro faible rappelle de bons souvenirs au luxe. « Sa faiblesse constitue un atout puisque les
groupes de luxe produisent en euro », relève Luca Solca, analyste chez Bernstein. Les géants
français exportent hors d'Europe l'essentiel de leurs produits - le plus souvent façonnés dans
l'Hexagone ou en Italie -. La dépréciation de l'euro va mécaniquement leur bénéficier.

Les groupes les plus investis aux Etats-Unis et en Asie voient donc se profiler de belles
perspectives. « L'effet des devises donnera une croissance significative au chiffre d'affaires
mais il est trop tôt pour envisager de quel ordre », estime un autre analyste. LVMH
(propriétaire des « Echos ») a réalisé, en 2021, 86 % de ses ventes hors de la zone euro. Les
chiffres sont similaires pour Kering… L'euro faible peut réjouir le secteur « qui pourrait
augmenter ses marges », souligne Luca Solca.

Pour tous ceux qui achètent en dollar et en yuan pour vendre en euro, c'est la soupe à la
grimace. « Tout ce qui arrive de Chine pour être écoulé dans les magasins français et
européens coûte plus cher. Le pire, c'est que cela vient s'ajouter à l'envolée des prix
logistiques », pointe un industriel. En première ligne, les grandes enseignes qui se fournissent
en Asie ou sur le pourtour méditerranéen - notamment celles de la mode ou du jouet.

Le tourisme va profiter à plein du retour de clients américains

Après de longs mois de restrictions sanitaires, les Américains ont fait leur grand retour en
France. Pour cette clientèle dont le panier moyen figure parmi les plus élevés, la faiblesse
actuelle de l'euro promet de ne rien gâcher. « Il y a un effet bénéfique, les dépenses sur le
territoire français vont augmenter », prédit Christophe Laure, directeur général de
l'Intercontinental Paris le Grand, qui observe depuis trois mois un bond des réservations
venues des Etats-Unis.

« On a clairement un taux de change qui a un impact quand le dollar s'apprécie face à l'euro »,
confirme Vanguelis Panayotis, directeur général de MKG. Une étude réalisée par le cabinet de
conseil montre ainsi que le nombre de nuitées des touristes américains évolue en fonction de
la valeur des deux monnaies, avec une augmentation constante depuis que l'euro navigue sous
les 1,2 dollar.

La France du tourisme se dirige vers un été radieux

Pour autant, le phénomène ne semble pas expliquer à lui seul l'engouement retrouvé de la
clientèle américaine. « Le retour aurait été le même avec un euro plus fort, d'autant que
l'augmentation est particulièrement visible dans les palaces. L'effet prix y est anecdotique »,
estime Jean-François Rial, PDG du groupe Voyageurs du Monde et président de l'Office du
tourisme et des congrès de Paris. A l'inverse, un dollar fort pourrait avoir un impact sur les
voyages des Français aux Etats-Unis, « mais pas énormément, car le phénomène de « revenge
travel » est trop fort », selon le dirigeant.

Neutre pour les géants du pétrole et de l'automobile

Pour des pétroliers comme TotalEnergies qui vendent leur production en dollars et publient
leurs comptes en dollars, la chute de l'euro a peu d'impact sur les ventes. La chute de l'euro
face au dollar pourrait toutefois faciliter le versement du dividende promis par TotalEnergies
à ses actionnaires, puisque cela réduit mécaniquement le coût de la hausse de ce dividende. Ce
dernier doit progresser de 5 % en 2022.

Dans l'industrie automobile, l'impact est aussi limité. Au contraire des grands rivaux
allemands, l'industrie automobile française, n'exporte guère de l'Europe vers la Chine ou les
Etats-Unis. Quand les grands noms du secteur ont des positions dans les zones dollar, ils
produisent la plupart du temps à proximité. En revanche, certains seront peut-être légèrement
pénalisés dans leur approvisionnement par la hausse du yuan, la devise chinoise étant au plus
haut depuis 2015.
Texte n° 3

La chute brutale de l'euro en cinq questions

La monnaie unique a atteint la parité avec le dollar, une situation inédite depuis 20 ans. Qui
bénéficie de ce mouvement, qui en pâtit ? Explications.

Les grands perdants de la chute de l'euro face au dollar sont les petites entreprises non exportatrices,
et les ménages, qui voient leur pouvoir d'achat s'éroder. (Adil Benayache/SIPA)

Par Pauline Verge

Publié le 11 juil. 2022 à 18:00Mis à jour le 12 juil. 2022 à 17:39

L'euro a atteint la parité avec le dollar, une première depuis 2002. La monnaie unique
européenne subit depuis plusieurs jours un mouvement de chute très brutal, et de l'ordre de
13 % sur un an. Cette dépréciation est accompagnée d'une forte inflation et une croissance qui
tourne au ralenti. Retour en cinq points sur un phénomène violent qui percute aussi bien les
entreprises que les particuliers.

1. Pourquoi l'euro chute-t-il si brutalement ?

La chute de la monnaie unique est l'effet de causes multifactorielles : l'inflation, les craintes
de récession, la guerre aux portes de l'Europe.

L'inflation galopante qui touche les secteurs de l'énergie, les matières premières, se double en
effet d'une croissance ralentie. La situation en Ukraine se révèle source d'une série de
menaces économiques. Le tout fait craindre l'arrivée d'une récession. Selon l'indice PMI
publié début juillet, l'activité économique en zone euro a fortement ralenti au mois de juin, et
atteint son plus bas niveau depuis 16 mois.

Une inquiétude qui, à son tour, nourrit la chute du cours de l'euro, alors que le dollar continue
de grimper en s'adjugeant la quasi-parité avec la monnaie unique.

C'est que dollar, lui, est stimulé par la politique monétaire de la Fed, qui a remonté ses taux
directeurs de trois quarts de points dès la mi-juin, alors que la BCE, qui doit entamer le
mouvement en juillet, est en retard. Aux yeux des investisseurs, qui font le pari que la Fed va
continuer à remonter ses taux, le dollar se renforce dans son rôle de valeur refuge face à
l'euro.
2. Quels sont les plus hauts et bas historiques de l'euro face au dollar ?

Le plus bas historique de l'euro, à 0,8230 dollar, est atteint le 26 octobre 2000. La valeur est
inférieure à son cours d'introduction, en janvier 1999, dans un contexte de récession du début
des années 2000.

Le 15 juillet 2008, l'euro passe au-dessus de la barre du 1,60 dollar et atteint son plus haut
historique. Ce pic s'explique avant tout par une chute du billet vert, plombé par la crise des
subprimes.

Le 8 mai 2014, l'euro se retrouve à son plus haut niveau atteint depuis fin octobre 2011, à
1,3993 dollar. La décision de la Banque centrale européenne de laisser à un niveau
historiquement bas son taux directeur y est pour beaucoup, alors que la reprise économique se
confirme en zone euro, après la crise de la dette.

Le 16 mars 2015, l'euro retombe à 1,06 dollar. Ce recul est le résultat de l'adoption en
juin 2014 par la BCE de mesures de soutien à l'économie. Leur mise en place, avec une
nouvelle baisse des taux directeurs à la clé, avait pour but de déprécier l'euro face aux autres
monnaies pour soutenir la croissance européenne et atteindre l'objectif d'inflation fixé par la
BCE.

En 2018, le retour de la croissance en zone euro, et des doutes sur l'économie américaine, font
flamber l'euro face au dollar. Le 2 février 2018, l'euro atteint 1,25 dollar.

Début 2020, la monnaie européenne subit les craintes liées à la propagation de l'épidémie de
coronavirus en Chine. Le 20 mars 2020, l'euro baisse à 1,07 dollar. Dernière étape, l'euro vaut
ce lundi 11 juillet 1,0072 dollar : c'est la quasi-parité.

3. Qui profite de la chute ?

Une dépréciation monétaire est généralement stimulante pour l'activité : les produits vendus
dans la monnaie concernée gagnent en compétitivité, les exportations sont dynamisées.

L'industrie manufacturière est, en zone euro, la principale gagnante de cet effet car elle
exporte davantage. Parmi les plus avantagés, les secteurs du luxe et de l'aéronautique, qui
vendent beaucoup en zone dollar. Autre domaine favorisé, en France en particulier,
l'agroalimentaire.

La parité euro/dollar va bénéficier également au secteur touristique avec une augmentation du


pouvoir d'achat des ressortissants américains, qataris et jordaniens.

Selon une étude menée par le cabinet de conseil MKG, le nombre des nuitées des touristes
américains est particulièrement sensible à la valeur des deux monnaies. Un avantage à
nuancer car selon Jean-François Rial, président de l'Office du tourisme et des congrès de
Paris, « le retour aurait été le même avec un euro plus fort, d'autant que l'augmentation est
particulièrement visible dans les palaces ».
4. Qui en pâtit ?

Les grands perdants sont les petites entreprises non exportatrices, et les ménages, qui voient
leur pouvoir d'achat s'éroder.

Pour une large majorité d'acteurs économiques français et européens, cette dépréciation de
l'euro est un facteur aggravant. « Beaucoup de flux entre l'Europe et l'Asie sont libellés en
dollars, de même pour les matières premières et les composants électroniques, explique
Emmanuel Arabian, directeur Financement et Trésorerie d'un groupe Industriel et
administrateur de l'AFTE. Cet affaiblissement va donc peser sur les importations ».

Sectoriellement, ce sont les métiers exposés au pétrole qui souffrent le plus de la dépréciation
de la monnaie unique. Tandis que le prix du baril a augmenté d'environ 46 % en dollars
depuis début 2022, son prix en euros s'est élevé à près de 60 % de plus. Et tandis que les
trésoriers des grandes entreprises sont rompus à la protection contre les risques de change, les
PME sont le plus souvent relativement démunies.

Les particuliers sont quant à eux directement frappés dans leur budget quotidien : la moyenne
de l'inflation en zone euro a atteint 8,6 % en juin (et de près 6 % en France). Deux
conséquences, une perte de pouvoir d'achat, et un début de ralentissement de la
consommation, de 0,3 % en mai, dans l'alimentaire. Les ménages font aussi des économies sur
les ventes en ligne et les carburants. Selon le délégué général de la Fédération du Commerce
et de la Distribution, Jacques Creyssel, les Français ont déjà réduit leurs consommations en
loisirs, habillement et produits d'hygiène.

Autre conséquence négative, le tourisme à l'étranger, en particulier en zone dollar. Le voyage


estival outre-Atlantique est devenu un luxe.

5. Que peuvent faire les institutions monétaires ?

Pour maîtriser l'inflation, la Banque centrale européenne a lancé un mouvement


d'augmentation de ses taux directeurs. Une solution délicate à manier, car si elle agit trop fort
sur ce levier, elle risque de pénaliser la croissance, alors que celle-ci est déjà faible. Le
résultat pourrait être catastrophique pour certains pays pour qui la dette deviendrait trop
lourde à supporter.

L'institution européenne est en pleine réflexion pour mener à bien ce défi, avec des marges de
manoeuvre étroites. Le chantier est à la fois technique et politique. En attendant, la
conjoncture mondiale et la situation du conflit en Ukraine risquent de peser. Dans ce contexte,
toute reprise de l'euro doit être vue « comme un rebond de court terme », prévient Fawad
Razaqzada, analyste chez StoneX, qui craint que, sans changement majeur sur le front
international, l'euro ne poursuive sa baisse.
Texte n° 4

Euro faible : « Le pouvoir d'achat des entreprises américaines augmente en


Europe »

Avec la flambée du prix des matières premières, la balance commerciale de la zone euro se
détériore et les craintes de récession augmentent, ce qui bénéficie au dollar, explique
l'économiste Julien Marcilly. Les industriels, gros consommateurs d'électricité, sont très
touchés, la baisse de l'euro alourdissant la facture énergétique. Les entreprises américaines
pourraient aussi faire leur marché en Europe.

Guillaume de Calignon

Publié le 12 juil. 2022 à 08:05Mis à jour le 12 juil. 2022 à 08:36

Pourquoi l'euro se rapproche-t-il de la parité avec le dollar ?

La première raison de l'évolution du taux de change entre l'euro et le dollar, c'est la montée
générale de l'aversion des investisseurs pour le risque. Celle-ci bénéficie au dollar, vu comme
une réserve valeur sûre, ainsi qu'au franc suisse . D'ailleurs, on pourrait dire que c'est le billet
vert qui s'apprécie plutôt que l a monnaie européenne qui se déprécie . La valeur de l'euro par
rapport aux devises des pays émergents a en effet tendance à augmenter.

Comme les tensions inflationnistes se renforcent en Europe et pèsent sur la consommation des
ménages, les craintes de récession en Europe montent. Dans ce scénario, l'actif le plus sûr,
c'est encore le dollar. Ensuite, avec la flambée du prix des matières premières, la balance
commerciale de la zone euro se détériore. La zone affiche même un déficit commercial . La
demande de monnaie européenne est moins forte alors que celle pour le dollar augmente.

Cette baisse vous paraît-elle durable ?

En général, les économistes jugent que le taux de change d'équilibre entre l'euro et le dollar se
situe autour de 1,20 dollar pour un euro. Mais la guerre en Ukraine et la hausse du prix des
hydrocarbures pourraient bien remettre ce chiffre en cause. Si le conflit ukrainien dure et si le
prix de l'énergie ne baisse pas, alors la balance commerciale de la zone euro pourrait être
durablement dégradée et l'euro rester plus faible que dans le passé.

Quels problèmes pose cette dévaluation de l'euro ?

La dégradation du commerce extérieur de la zone euro traduit une perte de revenus pour les
Européens. En clair, la hausse des prix de l'énergie est un transfert de revenus de la zone euro
vers le reste du monde , principalement au profit des producteurs d'hydrocarbures, dont les
Etats-Unis font partie. Les Américains vendent aujourd'hui leur gaz au prix fort. Leurs
revenus augmentent et il ne serait pas impossible qu'ils rachètent des entreprises européennes
au cours des prochains trimestres. Le pouvoir d'achat des entreprises américaines est en
hausse en Europe avec la baisse du cours de l'euro.

L'autre conséquence de la faiblesse de l'euro, c'est qu'elle nourrit l'inflation puisqu'elle


renchérit le prix des importations. Or 48 % des importations en provenance de l'extérieur de
l'Union européenne sont libellées en dollars. Quand on regarde l'énergie, 80 % des achats à
l'étranger de l'UE sont en monnaie américaine. La situation est différente selon les pays mais
dans chacun d'eux, la dépréciation de l'euro participe à la hausse de l'inflation.

Quels secteurs vous semblent les plus à risque ?

Cela dépend beaucoup du type d'entreprises . Globalement, les industriels, qui consomment
beaucoup d'énergie pour produire, sont plus touchés par la baisse de l'euro. C'est
particulièrement le cas de la chimie, de la sidérurgie, de la métallurgie, du papier mais aussi
des fertilisants et de l'agroalimentaire. Mais tous les industriels au sens large sont touchés.
L'avantage de la zone euro, c'est que la moitié du commerce a lieu entre les Etats-membres et
donc que les vulnérabilités au taux de change sont moindres qu'ailleurs.

Dans quelle mesure les exportations européennes peuvent-elles être relancées par le recul de
l'euro ?

Le raisonnement classique, c'est que la baisse d'une devise améliore la compétitivité des
entreprises. Une dépréciation de l'euro de 10 % entraîne une hausse des exportations vers les
pays étrangers de 7 % à 8 %. Mais si la valeur de l'euro a reculé par rapport au dollar, ce n'est
pas le cas vis-à-vis de beaucoup d'autres devises. En moyenne, le taux effectif de l'euro, c'est-
à-dire le taux de change vis-à-vis des autres monnaies, pondérées par leur poids dans le
commerce extérieur de la zone euro, n'a baissé que de 3 % depuis le début de l'année.

En revanche, à l'intérieur de la zone euro, la compétitivité va évoluer. L'inflation est très


différente selon les pays européens. Or les coûts des entreprises varient en fonction de la
hausse des prix. Et la France affiche un des taux d'inflation les plus faibles. Comme l'inflation
est de 6,5 % en France en juin sur un an alors qu'elle atteint 8,5 % en Italie et 10 % en
Espagne, la compétitivité des entreprises françaises face à leurs concurrentes italiennes et
espagnoles va donc augmenter de respectivement 2 et 3,5 points.

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