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Table des matières
Bibliographie
Généralités (1 - 12)
Titre 1 - Champ d'application de la responsabilité contractuelle (13 - 141)
o Chapitre 1 - Exclusion de la responsabilité contractuelle pour les situations
non contractuelles (14 - 100)
Section 1 - Situations sans contrats (14 - 21)
Art. 1 - Exemples de rapport non contractuel (16 - 18)
Art. 2 - Exemples de rapports contractuels (19 - 21)
Section 2 - Situations liées à la formation du contrat (22 - 37)
Art. 1 - Rupture fautive des négociations contractuelles (22 - 26)
Art. 2 - Éviction irrégulière d'un candidat à l'attribution d'un contrat
public (27 - 37)
Section 3 - Situations où le contrat est nul, « invalide » ou annulé (cas
de responsabilité extracontractuelle entre les parties) (38 - 53)
Art. 1 - Recours en contestation de validité du contrat (38 - 43)
Art. 2 - Question de procédure : jurisprudence « Citécable Est » (44 - 46)
Art. 3 - Actions en responsabilité extra-contractuelle (47 - 53)
§ 1 - Responsabilité quasi contractuelle : enrichissement
sans cause (47 - 48)
§ 2 - Responsabilité quasi délictuelle : la faute de l'administration
(49 - 51)
§ 3 - Dispositions législatives spéciales (52 - 53)
Section 4 - Situations où le contrat est achevé (54 - 78)
Art. 1 - Principes généraux (55 - 60)
Art. 2 - Perpétuation des effets de certaines clauses contractuelles après
l'expiration du contrat (61)
Art. 3 - Cas particulier des garanties postcontractuelles dans les contrats
publics de fournitures ou de services (62 - 65)
Art. 4 - Cas particulier des garanties postcontractuelles dans les contrats
publics de travaux (66 - 78)
§ 1 - Réception des travaux (66 - 75)
A - Extinction des rapports contractuels (66 - 69)
B - Prolongation des rapports contractuels (70 - 75)
§ 2 - Cas particulier des obligations contractuelles des maîtres
d'œuvre après la réception des ouvrages (76 - 78)
Section 5 - Situations où le requérant est un tiers par rapport au contrat (79 -
100)
Art. 1 - Les tiers au contrat ne peuvent se prévaloir des stipulations de ce
contrat pour rechercher la responsabilité contractuelle ou quasi délictuelle
des cocontractants (80 - 88)
§ 1 - Principe (80 - 83)
§ 2 - Exceptions (84 - 88)
Art. 2 - Les tiers au contrat peuvent rechercher la responsabilité
délictuelle ou quasi délictuelle des cocontractants (89 - 100)
o Chapitre 2 - Primauté de la responsabilité contractuelle en cas de situation contractuelle
(101 - 119)
Section 1 - Exclusion de toute autre forme de responsabilité (103 - 106)
Art. 1 - Exclusion des responsabilités extracontractuelles pour faute (103
- 105)
Art. 2 - Exclusion des responsabilités extracontractuelles sans faute (106)
Section 2 - Portée du principe de primauté (107 - 119)
Art. 1 - Conséquences sur le terrain de la compétence juridictionnelle
(107 - 108)
Art. 2 - Conséquences procédurales (109 - 119)
§ 1 - Irrecevabilité des requêtes mal fondées (110 - 111)
§ 2 - La responsabilité contractuelle n'est pas d'ordre public (112 -
119)
o Chapitre 3 - Clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité contractuelle (120 -
141)
Section 1 - Questions de légalité (121 - 138)
Art. 1 - Clauses exonératoires de responsabilité (121 - 128)
Art. 2 - Clauses limitatives de responsabilité (129 - 138)
Section 2 - Portée (139 - 141)
Titre 2 - Conditions d'existence de la responsabilité contractuelle (142 - 320)
o Chapitre 1 - Fait générateur (143 - 276)
Section 1 - Faute contractuelle (146 - 213)
Art. 1 - Fautes de l'administration contractante (146 - 193)
§ 1 - Non-exécution, par l'administration, de ses obligations
contractuelles (147 - 152)
§ 2 - Mauvaise exécution, par l'administration, de ses obligations
contractuelles (153 - 157)
§ 3 - Retard, par l'administration, à exécuter ses obligations
contractuelles (158 - 160)
§ 4 - Travaux supplémentaires demandés au cocontractant (161 -
167)
§ 5 - Manquements de l'administration à ses obligations
contractuelles de nature financière (168 - 179)
A - Modification unilatérale du prix stipulé au contrat
(168)
B - Retards de paiement (169 - 173)
C - Non-respect des clauses de variation de prix (174 -
177)
D - Retard fautif dans la mainlevée des garanties (178 -
179)
§ 6 - Exercice irrégulier, par l'administration, de ses prérogatives
contractuelles (180 - 193)
A - Exercice irrégulier du pouvoir de sanction, notamment
de résiliation du contrat (180 - 186)
B - Exercice irrégulier du pouvoir de contrôle
et de direction (187)
C - Exercice irrégulier du pouvoir de modification
unilatérale (188 - 193)
Art. 2 - Fautes du cocontractant de l'administration (194 - 208)
§ 1 - Généralités (194 - 200)
§ 2 - Fautes de l'architecte (201 - 202)
§ 3 - Fautes de l'entrepreneur (203)
§ 4 - Portée des clauses pénales (204 - 208)
Art. 3 - Degré de la faute (209 - 213)
Section 2 - Faits non fautifs (214 - 276)
Art. 1 - Exercice régulier, par l'administration contractante, de ses
prérogatives contractuelles de puissance publique (216 - 222)
§ 1 - Exercice régulier du pouvoir de modification unilatérale
dans un but d'intérêt général (217 - 218)
§ 2 - Exercice régulier du pouvoir de résiliation unilatérale
dans un but d'intérêt général (219 - 222)
Art. 2 - Exercice régulier, par l'administration contractante, de ses
prérogatives extracontractuelles de puissance publique : le fait du prince
(223 - 246)
§ 1 - Conditions préalables à l'existence d'un fait du prince (224 -
230)
A - L'acte administratif doit être imputable
à l'administration contractante (225 - 227)
B - L'acte administratif doit être imprévisible au moment
de l'accord des volontés (228 - 230)
§ 2 - Les hypothèses de fait du prince (231 - 246)
A - Mesures générales qui ne peuvent être prises que
par l'État (231 - 238)
B - Mesures générales qui peuvent être prises par toutes
les collectivités publiques (239 - 246)
Art. 3 - Existence d'une situation d'imprévision (247 - 276)
§ 1 - Définitions (248 - 253)
§ 2 - Conditions de l'obligation d'indemnisation à la charge
de l'administration contractante (254 - 276)
A - Le fait générateur de la responsabilité doit être
extérieur aux deux parties au contrat. (255 - 256)
B - Le fait générateur de la responsabilité contractuelle
doit avoir été imprévisible pour les deux parties,
en particulier pour le cocontractant. (257 - 263)
C - Le fait générateur de la responsabilité doit entraîner
un bouleversement de l'économie du contrat. (264 - 270)
D - Le fait générateur de la responsabilité doit être
temporaire et ne peut rendre l'exécution du contrat
impossible. (271 - 272)
E - La responsabilité contractuelle est enfin engagée
à condition que le cocontractant poursuive l'exécution
du contrat malgré les difficultés financières qu'il
rencontre. (273 - 276)
o Chapitre 2 - Préjudice (277 - 308)
Section 1 - Preuve de l'existence d'un préjudice (278 - 283)
Section 2 - Existence d'un préjudice réparable (284 - 308)
Art. 1 - Caractères du préjudice réparable (284 - 297)
§ 1 - Le préjudice doit être certain (285 - 290)
§ 2 - Le préjudice doit être spécial en cas de fait du prince (291 -
297)
Art. 2 - Nature du préjudice réparable (298 - 308)
§ 1 - Préjudice matériel (298 - 299)
§ 2 - Préjudice moral (300 - 308)
A - Atteinte à la réputation professionnelle et/ou
à l'honorabilité du cocontractant (301 - 302)
B - Droit moral de l'architecte sur son œuvre (303 - 308)
o Chapitre 3 - Lien de causalité (309 - 320)
Section 1 - Nécessité du lien de causalité (315 - 318)
Section 2 - Méthodes de détermination du lien de causalité par le juge
administratif du contrat (319 - 320)
Titre 3 - Mise en œuvre de la responsabilité contractuelle (321 - 478)
o Chapitre 1 - Débiteur de l'obligation de réparation contractuelle (324 - 412)
Section 1 - Obligation à la dette (327 - 385)
Art. 1 - Le contractant, auteur du fait générateur, seul obligé à la dette
(327 - 345)
§ 1 - Principes : théorie de l'imputabilité (327 - 334)
§ 2 - Portée du principe (335 - 345)
A - Irresponsabilité contractuelle des mandataires
de l'administration contractante (335 - 337)
B - Irresponsabilité contractuelle des fonctionnaires
chargés de l'exécution du contrat (338 - 340)
C - Responsabilité contractuelle du cessionnaire
du contrat (341 - 345)
Art. 2 - Exonération de l'obligation à la dette (346 - 385)
§ 1 - Fait de force majeure (347 - 368)
A - Extériorité (351 - 354)
B - Imprévisibilité (355 - 359)
C - Irrésistibilité (360 - 362)
D - Fait de force majeure et clauses contractuelles (363 -
368)
§ 2 - Faute de la victime ou fait du cocontractant (369 - 377)
§ 3 - Cas fortuit (378)
§ 4 - Caractère non exonératoire du fait du tiers (379 - 385)
Section 2 - Contribution à la dette (386 - 412)
Art. 1 - Situations ordinaires (388 - 391)
Art. 2 - Situations en l'absence de clauses organisant la contribution
à la dette (392 - 404)
§ 1 - Pluralité de contractants liée à une pluralité de contrats (392
- 399)
§ 2 - Pluralité de contractants dans un même contrat (400 - 404)
Art. 3 - Situations en présence de clauses de solidarité (405 - 412)
o Chapitre 2 - Réparation du préjudice subi (413 - 478)
Section 1 - Modalités de fond (414 - 445)
Art. 1 - Réparation en nature (415 - 426)
§ 1 - Réparation en nature par l'administration cocontractante
(417 - 420)
§ 2 - Réparation en nature par le cocontractant de l'administration
(421 - 426)
Art. 2 - Réparation en argent (427 - 445)
§ 1 - Principe de la réparation intégrale du préjudice (429 - 434)
§ 2 - TVA (435 - 436)
§ 3 - Intérêts (437 - 445)
Section 2 - Modalités procédurales (446 - 478)
Art. 1 - Titulaire de l'action en réparation (447 - 457)
§ 1 - Situation en cas de pluralité de cocontractants (447 - 450)
§ 2 - Situations en cas de succession de contractants (451 - 457)
Art. 2 - Exercice de l'action en réparation (458 - 478)
§ 1 - Principales règles procédurales (458 - 469)
§ 2 - Stipulations contractuelles organisant une procédure pré-
contentieuse (470 - 478)
Index alphabétique
Actualisation (107)
Responsabilité contractuelle
Philippe TERNEYRE
Professeur à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour
Centre de recherche « Pau Droit public »
mai 2018
Table des matières
Généralités 1 - 12
Bibliographie
Généralités
3. De manière générale, le contrat administratif est, comme tout contrat, un acte
juridique résultant d'un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes en
vue de déterminer leurs droits et obligations. Lorsqu'on est en présence d'un
authentique contrat, celui-ci est administratif, lorsqu'il répond à des critères à la
fois organiques et matériels ou à une définition législative.
5. Tout d'abord il faut que le contrat soit conclu par une personne morale de droit
public avec une autre personne publique (auquel cas, il y a présomption
« d'administrativité », sauf dans le cas où, eu égard à son objet, il ne fait naître
entre les parties que des rapports de droit privé, T. confl. 21 mars 1983, UAP,
Lebon 537 ; AJDA 1983. 356, concl. Labetoulle) ou une personne de droit
privé.
8. Ensuite, le contrat conclu par une collectivité publique est administratif si la loi
dispose que la catégorie à laquelle il se rattache est administrative et/ou relève
de la compétence de la juridiction administrative. Ainsi des conventions relatives
à des travaux publics, à l'occupation du domaine public (CGPPP, art. L. 2331-1
), des baux emphytéotiques conclus par les collectivités territoriales sur leur
domaine en application des articles L. 1311-2 et suivants du code général des
o
collectivités territoriales (CGCT, art. L. 1311-3-4 ), des marchés publics
o
ordinaires ou des marchés de partenariat (Ord. n 2015-899 du 23 juill. 2015,
art. 3) ou des concessions de service ou de travaux auxquelles sont assimilées les
o
délégations de service public (Ord. n 2016-65 du 29 janv. 2016, art. 3).
9. Enfin, s'il n'appartient à aucune de ces catégories, le contrat conclu par une
collectivité publique sera administratif, soit s'il fait participer le cocontractant à
l'exécution du service public (CE 20 avr. 1956, Épx Bertin, Lebon 167) qui,
notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante
dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du
« régime exorbitant des contrats administratifs » (T. confl. 13 oct. 2014, Sté Axa
o
France, req. n 3963 , Lebon ; AJDA 2014. 2031 ; AJDA 2014. 2180, chron.
J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; D. 2014. 2115, obs. M.-C. de Montecler
; AJCT 2015. 48, obs. A.-S. Juilles ; RFDA 2014. 1068, concl. F. Desportes ).
10. Il faut cependant signaler une exception relative aux contrats conclus par les
services publics industriels avec leurs usagers : même s'ils constituent une
modalité d'exécution du service public et même s'ils comportent des clauses
exorbitantes du droit commun, ils ne sont pas des contrats administratifs (CE,
sect., 13 oct. 1961, Éts Campanon-Rey, Lebon 567).
12. A priori, parce que les contrats administratifs obligent les parties à exécuter
leurs obligations avec la même force que dans les contrats de droit privé, la
responsabilité contractuelle en droit public est de même nature qu'en droit privé.
Toutefois, parce que, dans un contrat administratif, est présente une personne
publique – qui ne se départit jamais de ses prérogatives exorbitantes – et parce
que ce contrat est toujours peu ou prou relatif au service public, la responsabilité
contractuelle, notamment des personnes publiques, présente un certain degré
d'originalité tant en ce qui concerne son champ d'application, ses conditions
d'existence que sa mise en œuvre.
er
Titre 1 - Champ d'application de la responsabilité contractuelle
re
Section 1 - Situations sans contrats
15. À cet égard, du point de vue du juge de cassation, la question de savoir s'il
existe entre des personnes des relations contractuelles relève de l'appréciation
souveraine des juges du fond (CE 28 juin 1999, Min. Équipement c/ SICTOM des
o o
Combrailles, req. n 145849 et n 158026, Lebon T. 892 ).
er
Art. 1 - Exemples de rapport non contractuel
17. De même, selon une jurisprudence constante, l'usager d'un service public
administratif est toujours, vis-à-vis du service, dans une situation légale et
réglementaire. En conséquence, quand bien même un tel usager signe avec le
service « un contrat de séjour » (dans un établissement médico-social),
l'administration n'engage sa responsabilité envers l'usager que sur un fondement
me o
quasi délictuel en cas d'accident (CE 5 juill. 2017, M A., req. n 399977 , BJCP
o
2017, n 115, p. 355, concl. G. Pellissier ; AJDA 2017. 2418, note G. Clamour ;
AJCT 2017. 572, obs. C. Otero ; AJ Contrat 2017. 440, obs. F. Lepron ).
20. Dans le même sens, les conventions conclues par l'État et des régions pour la
réalisation d'une ligne ferroviaire, prévoyant des engagements financiers de
l'État, ont valeur contractuelle. Si l'État peut les résilier unilatéralement pour
motif d'intérêt général, il doit indemniser les collectivités au titre des préjudices
directs et certains subis (CE 21 déc. 2007, Région du Limousin et autres, req.
o
n 293260 , AJDA 2008. 7 ; AJDA 2008. 481, note J.-D. Dreyfus ; BJCP
o
2008, n 57, p. 138, concl. Prada-Bordenave).
er
Art. 1 - Rupture fautive des négociations contractuelles
26. Par ailleurs, alors même que l'administration aurait donné des assurances
que le contrat serait signé, cet « engagement » ne peut créer aucun droit à la
conclusion du contrat. La perte du bénéfice que le partenaire pressenti escomptait
de l'opération ne saurait, dans cette hypothèse, constituer un préjudice
o
indemnisable (CE 9 déc. 2016, Sté Foncière Europe, req. n 391840 , Lebon ;
AJDA 2017. 690, note G. Clamour ; AJDA 2016. 2407 ; AJCT 2017. 291, obs.
M. Yazi-Roman ; AJ Contrat 2017. 83, obs. F. Lepron ; RTD com. 2017. 297,
obs. F. Lombard ).
ACTUALISATION
27. Recours Tarn-et-Garonne. Moyens du concurrent évincé. - Une
erreur commise par l'acheteur public sur le prix de la prestation prévue par
un marché ne constitue pas, par elle-même, un vice du consentement
entraînant l'annulation du contrat (CE 9 nov. 2018, Sté Cerba, req.
o
n 420654 , Lebon ; AJDA 2018. 2215, obs. M.-C. de Montecler ).
30. Son action indemnitaire est par ailleurs subordonnée au fait qu'il ait qualité
pour demander une telle indemnité, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il n'a pas été
admis à présenter une offre dans le cadre d'un appel d'offres restreint (CE 6 déc.
o o
1995, Dpt de l'Aveyron et Sté J.-C. Decaux, req. n 148964 et n 149403,
Lebon 428 ) ou lorsqu'il n'est pas capable de réaliser la totalité du contrat
o
(CAA Lyon, 27 janv. 2000, M. Rouchy, BJCP 2000, n 11, p. 284). En revanche,
une entreprise qui avait manifesté, lors d'un appel d'offres finalement déclaré
infructueux, son intérêt à obtenir un marché peut demander réparation du
préjudice résultant des irrégularités ayant entaché, selon elle, la procédure de
passation du marché négocié qui a suivi, alors même qu'elle s'est abstenue de
présenter une offre lors de cette seconde consultation afin de protester contre ces
o
irrégularités (CE 12 mars 1999, Entreprise Porte, req. n 171293 , Lebon
T. 889 ). En revanche, l'éventuel préjudice causé à une société en liquidation
par l'interruption des négociations pour l'attribution d'une délégation de service
public (DSP) présente un caractère indirect pour les associés de la société qui ne
justifient dès lors d'aucun intérêt à agir pour demander à être indemnisés en leur
nom propre (CAA Douai, 23 mars 2004, MM. X et Y, Contrats Marchés publ. 2004,
o
n 127).
31. En outre, au cas où une loi valide les illégalités commises par l'administration
dans la conclusion d'un contrat sous réserve « des droits éventuels à
l'indemnisation des tiers », cette loi doit être comprise comme n'excluant pas la
possibilité de mettre en cause la responsabilité de l'administration pour l'illégalité
o
commise (CE 30 juin 1999, Sarfati, req. n 193925 , Lebon 222 ).
– ensuite, lorsque l'entreprise évincée n'a « jamais été mise en position d'obtenir
o
le marché » (CE 19 avr. 1985, Cne de Vitrolles, Dr. adm. 1985, n 291) ou si
l'éviction est la conséquence d'une irrégularité formelle dans l'attribution du
marché mais que son offre était de toutes les façons irrecevable (insuffisance des
garanties professionnelles ou financières, offre de prix anormalement basse, etc.)
ou irrégulière, le candidat non retenu ne peut prétendre à aucune indemnité
(CE 4 juin 1976, Desforets, Lebon 301. – CE 25 oct. 1978, SA Louis Borghèse,
Lebon T. 870. – CE 13 juin 1979, Sté Olgema, Lebon T. 794. – CE 9 déc. 1987,
Chambre d'agriculture des Deux-Sèvres, Lebon 404. – CE 8 oct. 2014, SIVOM de
o o
Saint-François Longchamp Montgellafrey, req. n 370990 , BJCP 2015, n 98,
p. 49, concl. B. Dacosta) ;
ACTUALISATION
33. Évaluation des préjudices d'un candidat évincé à l'issue d'une
procédure irrégulière. - Dans le cadre d'un litige portant sur l'éviction d'un
candidat d'un contrat public à l'issue d'une procédure irrégulière, le juge
détermine quels préjudices pouvaient être effectivement indemnisés au
regard des pièces du dossier (CE 28 févr. 2020, Sté Régal des Iles, req.
o
n 426162, Lebon ; AJDA 2020. 487, obs. Benoit ).
ACTUALISATION
34. Évaluation du manque à gagner. Prise en compte de la seule
période d'exécution initiale du marché. - Lorsqu'il est saisi par une
entreprise qui a droit à l'indemnisation de son manque à gagner du fait de
son éviction irrégulière à l'attribution d'un marché, il appartient au juge
d'apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain.
Dans le cas où le marché est susceptible de faire l'objet d'une ou de plusieurs
reconductions si le pouvoir adjudicateur ne s'y oppose pas, le manque à
gagner ne revêt un caractère certain qu'en tant qu'il porte sur la période
d'exécution initiale du contrat, et non sur les périodes ultérieures qui ne
peuvent résulter que d'éventuelles reconductions (CE 2 déc. 2019,
Groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine, req.
o
n 423936, AJDA 2019. 2467, obs. Maupin ).
36. Le Conseil d'État s'est interrogé sur la question de savoir s'il devait appliquer
à l'indemnisation des préjudices subis par les candidats irrégulièrement évincés
de l'attribution d'un contrat public sa jurisprudence sur l'indemnisation des pertes
de chance de guérison en matière de responsabilité hospitalière évaluée à une
fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance
perdue. Le Conseil d'État a préféré maintenir la solution traditionnelle dans le
o
domaine contractuel (CE 8 févr. 2010, Cne de La Rochelle, req. n 314075 ,
o
AJDA 2010. 240 ; BJCP 2010, n 70, p. 169, concl. Dacosta).
er
Art. 1 - Recours en contestation de validité du contrat
ACTUALISATION
39. Recours Béziers I. Durée d'exercice du recours. - L'action en
contestation de la validité du contrat ouverte aux parties par la jurisprudence
o
Béziers I (CE, ass., 28 déc. 2009, Cne de Béziers, req. n 304802 ,
Lebon 509, concl. ; AJDA 2010. 142, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi )
er
peut être exercée pendant toute la durée de ce contrat (CE 1 juill. 2019,
o
Assoc. pour le musée des îles Saint-Pierre-et-Miquelon, req. n 412243 ,
AJDA 2019. 1369, obs. de Montecler ).
ACTUALISATION
41. Responsabilité quasi-délictuelle. Entente. Indemnisation. -
Reconnaissant implicitement la compétence du juge administratif, y compris
dans le cas où la collectivité victime de l'entente a mis en cause non
seulement son contractant mais aussi d'autres sociétés ayant participé à la
manœuvre anticoncurrentielle, la Haute juridiction administrative juge, en
application de la jurisprudence Département de l'Eure (CE 24 févr. 2016, req.
o
n 395194 , Lebon 144 avec les concl. ; AJDA 2016. 407 ), l'action
recevable en dépit de la faculté de la personne publique d'émettre un titre
exécutoire. Pour évaluer l'ampleur du préjudice subi par une personne
publique au titre du surcoût lié à des pratiques anticoncurrentielles, il
convient de se fonder sur la comparaison entre les marchés passés pendant
l'entente et une estimation des prix qui auraient dû être pratiqués sans cette
entente, en prenant notamment en compte la chute des prix postérieure à
son démantèlement ainsi que les facteurs exogènes susceptibles d'avoir eu
une incidence sur celle-ci (CE 27 mars 2020, Sté Signalisation France, req.
o
n 420491, AJDA 2020. 705 ; D. 2020. 764, obs. M.-C. de Montecler )
Quelques mois après avoir confirmé le droit des départements à être
indemnisés dans l'affaire dite du « cartel des panneaux routiers » (CE
27 mars 2020, Sté Signalisation France, RDI 2020. 382, obs.
I. Hasquenoph ), le Conseil d'État précise les actions ouvertes aux
départements victimes du dol imputable au cocontractant (CE 10 juill. 2020,
o
req. n 420045, AJDA 2020. 1446, obs. Pastor )
42. En revanche, si l'objet du contrat est illicite (CE 10 juill. 2013, Cne de Vias,
o
req. n 362304 , Lebon ; AJDA 2013. 1480 ; RDI 2013. 552, obs. P. Soler-
Couteaux ), si celui-ci n'a pas de cause (CE 15 févr. 2008, Cne La Londe-les-
o
Maures, req. n 279045 , Lebon ; AJDA 2008. 327 ; AJDA 2008. 575, chron.
J. Boucher et B. Bourgeois-Machureau ), s'il contient une clause illicite de tacite
o
reconduction (CE 17 oct. 2016, Cne de Villeneuve-le-Roi, req. n 398131 ,
Lebon ; AJDA 2017. 231, note G. Clamour ; AJDA 2016. 1954 ; AJCT 2017.
158, obs. P. Jacquemoire ) ou si le consentement de l'administration a été vicié,
le juge du contrat prononce ou déclare l'invalidité du contrat (ou de la clause) et
le litige doit être réglé sur un terrain extracontractuel, c'est-à-dire, s'il est
indemnitaire, sur le fondement des responsabilités quasi contractuelles et quasi
délictuelles.
ACTUALISATION
42. Irrégularité d'une clause par son contenu illicite. - La Cour de
cassation évoque la jurisprudence établie Béziers I du Conseil d'État pour
écarter l'application d'une clause de révision des tarifs des droits de place
illégale d'un contrat tenant au caractère illicite du contenu de ces stipulations
re o
(Civ. 1 , 22 mai 2019, n 18-15.536, AJDA 2019. 1135, obs. Maupin ).
er
§ 1 - Responsabilité quasi contractuelle : enrichissement sans cause
49. Toujours selon les mêmes arrêts cités au paragraphe précédent, il est décidé
que « dans le cas où le contrat est écarté en raison d'une faute de
l'administration, l'entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de
responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la
réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il
peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses
exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été
effectivement privé du fait de sa non-application, notamment du bénéfice auquel
il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain
quasi contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que
l'exécution du contrat lui aurait procurée ; que, saisi d'une demande d'indemnité
sur ce fondement, il appartient au juge d'apprécier si le préjudice allégué
présente un caractère certain et s'il existe un lien de causalité direct entre la
faute de l'administration et le préjudice ».
o
52. L'article 89 de l'ordonnance n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics dispose que, pour les marchés de partenariat, « en cas
d'annulation, de résolution ou de résiliation du contrat par le juge, faisant suite
au recours d'un tiers, le titulaire du marché de partenariat peut prétendre à
l'indemnisation des dépenses qu'il a engagées conformément au contrat dès lors
qu'elles ont été utiles à l'acheteur. Peuvent figurer parmi ces dépenses, s'il y a
lieu, les frais liés au financement mis en place dans le cadre de l'exécution du
contrat, y compris, le cas échéant, les coûts pour le titulaire afférents aux
instruments de financement et résultant de la fin anticipée du contrat. La prise en
compte des frais liés au financement est subordonnée à la mention, dans les
annexes du marché de partenariat, des principales caractéristiques des
financements à mettre en place pour les besoins de l'exécution du marché.
Lorsqu'une clause du contrat du marché de partenariat fixe les modalités
d'indemnisation du titulaire en cas d'annulation, de résolution ou de résiliation du
contrat par le juge, elle est réputée divisible des autres stipulations du contrat ».
o
53. De façon symétrique, l'article 56 de l'ordonnance n 2016-65 du 29 janvier
2016 relative aux contrats de concession dispose que, « en cas d'annulation, de
résolution ou de résiliation du contrat de concession par le juge, faisant suite au
recours d'un tiers, le concessionnaire peut prétendre à l'indemnisation des
dépenses qu'il a engagées conformément au contrat dès lors qu'elles ont été
utiles à l'autorité concédante, parmi lesquelles figurent, s'il y a lieu, les frais liés
au financement mis en place dans le cadre de l'exécution du contrat y compris, le
cas échéant, les coûts pour le concessionnaire afférents aux instruments de
financement et résultant de la fin anticipée du contrat. Cette prise en compte des
frais liés au financement est subordonnée à la mention, dans les annexes du
contrat de concession, des principales caractéristiques des financements à mettre
en place pour les besoins de l'exécution de la concession. Lorsqu'une clause du
contrat de concession fixe les modalités d'indemnisation du concessionnaire en
cas d'annulation, de résolution ou de résiliation du contrat de concession par le
juge, elle est réputée divisible des autres stipulations du contrat ». Le Conseil
d’État juge que cette disposition ne s’applique que lorsque l’annulation, la
résiliation ou la résolution du contrat résulte d’une décision juridictionnelle
intervenue à compter du 31 janvier 2016, lendemain du jour de la publication de
o
l’ordonnance (CE 9 mars 2018, Sté GSN-DSP, req n 406669 , Lebon ; AJDA
2018. 538 ).
er
Art. 1 - Principes généraux
57. En revanche, s'il peut être fait la preuve que le cocontractant a commis une
faute pendant l'exécution du contrat, sa responsabilité contractuelle est engagée
même si le dommage survient alors que le contrat a cessé de produire ses effets
o
(CE 11 juill. 2008, OPDHLM du Var et Generali France, req. n 285651 ).
58. Quid des responsabilités qui peuvent se trouver engagées pour des
prestations effectuées par les parties contractantes après que leur contrat a pris
fin ? Ces responsabilités ne peuvent être qu'extracontractuelles.
59. Il peut s'agir tout d'abord d'une responsabilité quasi contractuelle, comme un
arrêt du 23 février 1983 (Min. Éducation c/ Sté Anonyme SMAC Acieroïd, Lebon
T. 783 ) en donne un exemple : il s'agissait d'une entreprise qui,
postérieurement à l'exécution des travaux faisant l'objet du marché conclu avec
le maître de l'ouvrage, avait été amenée à effectuer des travaux supplémentaires.
Selon l'arrêt, dès lors que ces travaux ont utilement bénéficié au maître de
l'ouvrage, qu'ils ont été exécutés postérieurement à la date à laquelle la réception
définitive, abusivement retardée par l'État, aurait dû être prononcée, et ne
peuvent par suite être regardés comme résultant des obligations nées des clauses
du marché, qui n'avaient plus d'effet après cette date, qu'ils n'avaient pas enfin
pour effet de réparer des désordres engageant la responsabilité décennale de
l'entreprise, cette dernière a droit au remboursement du montant des travaux,
qui correspond à l'enrichissement dont a bénéficié l'État maître d'ouvrage. C'est là
un cas d'application de la théorie de l'enrichissement sans cause. On en trouve
d'autres illustrations dans la poursuite de l'exécution du service par le
concessionnaire du service public dont la concession est arrivée à terme (CE,
ve
sect., 20 mars 1942, Dame VV Bastit, Lebon 92 : concessionnaire du service de
distribution d'énergie électrique ayant poursuivi l'exécution du service pendant
près de trois mois après la fin de la concession : « toutes les dépenses exposées
er
par la dame Bastit du 1 janvier au 24 mars 1934 doivent être regardées comme
ayant été utiles et comme ayant profité à la commune, laquelle a perçu à son
profit, à partir de la fin de la concession, toutes les recettes de
l'exploitation ». – CE 22 févr. 1967, Sté du gaz de Nogent-l'Artaud et extensions
c/ Cne de Nogent-l'Artaud et autres, Lebon 87).
63. Dans les marchés de fournitures une personne publique peut former devant
la juridiction administrative une action pour « vices cachés » à l'encontre du
vendeur sur le fondement direct des articles 1641 et suivants du code civil
o
(CE 24 nov. 2008, CHR d'Annecy, req. n 291539 . – CE 7 avr. 2011, Sté
o o
Ajaccio Diesel, req. n 344226 ; BJCP 2011, n 76, p. 205, concl. Dacosta.
o
– CE 27 mars 2017, Sté Sodimat, req. n 395442 ). Le délai de deux ans prévu
pour exercer l'action court à compter du jour de la découverte du vice par
l'acheteur.
er
§ 1 - Réception des travaux
67. À cet égard, il appartient au juge de soulever d'office le moyen d'ordre public
selon lequel la responsabilité contractuelle ne peut être invoquée après la
réception définitive des travaux (CE 31 mars 1989, Cne du Chesnay
o
c/ Entreprises Chagraud et autres, req. n 83583 , Lebon T. 788 ; D. 1990.
Somm. 66, obs. Terneyre . – CAA Paris, 24 avr. 2001, M. Jankovic et autres,
o
BJCP 2001, n 18, p. 448).
69. La règle selon laquelle le maître de l'ouvrage doit supporter les obligations
du propriétaire et de l'utilisateur vaut dès la réception de l'ouvrage, y compris s'il
n'en prend pas possession. La seule exception concerne les frais accessoires
découlant des travaux de reprise imposés aux constructeurs par les réserves
émises par le maître de l'ouvrage lors de cette réception (CE 14 mai 2008, Sté
o o
Cofathec et autres, req. n 276664 , BJCP 2008, n 60, p. 325, concl. Boulouis).
ACTUALISATION
74. Conséquences de la notification du décompte général. - Si le
maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif
de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son
préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du
constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus
postérieurement à l'établissement du décompte. Il appartient alors au maître
de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des
participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à
raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci,
soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance
puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves (CE 19 nov.
2018, Institut national de recherche en sciences et technologies pour
o
l'environnement et l'agriculture [INRSTEA], req. n 408203 , AJDA 2018.
2274, obs. Maupin ).
77. Sur ces bases, le Conseil d'État juge ainsi que l'obligation de conseil par
l'architecte du maître de l'ouvrage au moment de la réception des travaux ne se
limite pas à appeler l'attention de ce dernier sur les seules défectuosités
susceptibles de rendre l'ouvrage impropre à sa destination et d'entrer à ce titre
dans le champ de la garantie décennale, mais porte sur l'ensemble des malfaçons
apparentes faisant obstacle à une réception sans réserve. Un manquement de
l'architecte sur ce dernier point est ainsi susceptible d'engager sa responsabilité
contractuelle à l'égard du maître de l'ouvrage (CE 8 juin 2005, Ville de Caen, req.
o o
n 261478 , Lebon T. 970 ; BJCP 2005, n 42, p. 370, concl. Boulouis).
Lorsqu'il a connaissance de désordres survenus en cours de chantier qui, sans
affecter l'état de l'ouvrage achevé, ont causé des dommages au maître de
l'ouvrage, il appartient au maître d'œuvre chargé d'établir le décompte général du
marché, soit d'inclure dans ce décompte, au passif de l'entreprise responsable de
ces désordres, les sommes correspondant aux conséquences de ces derniers, soit,
s'il n'est pas alors en mesure de chiffrer lesdites conséquences avec certitude,
d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur la nécessité pour lui, en vue de
sauvegarder ses droits, d'assortir la signature du décompte général de réserves
relatives à ces conséquences. À défaut, il commet une faute de nature à engager
sa responsabilité contractuelle à l'égard du maître de l'ouvrage (CE 6 avr. 2007,
os
CHG de Boulogne-sur-Mer, req. n 264490 et 264491, Lebon 163 ; BJCP
o
2007, n 52, p. 215, concl. Boulouis). En revanche, le devoir de conseil du maître
d'œuvre au moment de la réception ne concerne que l'état de l'ouvrage achevé et
ne s'étend donc pas aux désordres causés à des tiers par l'exécution du marché.
Ainsi, le maître d'œuvre ne commet aucune faute en s'abstenant d'attirer
l'attention du maître de l'ouvrage sur la nécessité pour lui, en vue de sauvegarder
ses droits, d'assortir la réception de réserves relatives aux conséquences de tels
désordres (même arrêt).
ACTUALISATION
77. Action en responsabilité contractuelle contre le maître d'œuvre
après la réception des travaux. Absence. - Le Conseil d'État précise les
conséquences de la réception des travaux sur les rapports contractuels entre
le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre. Indépendamment de la décision du
maître d'ouvrage de réceptionner les prestations de maîtrise d'œuvre prévue
par les stipulations de l'article 32 du cahier des clauses administratives
générales (CCAG) applicables aux marchés de prestations intellectuelles, la
réception de l'ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître
d'ouvrage et le maître d'œuvre en ce qui concerne les prestations
indissociables de la réalisation de l'ouvrage, au nombre desquelles figurent,
notamment, les missions de conception de cet ouvrage (CE 2 déc. 2019, Sté
o
Guervilly), req. n 423544, AJDA 2019. 2462, obs. Maupin ).
78. Le caractère apparent ou non des vices en cause lors de la réception est sans
incidence sur le manquement du maître d'œuvre à son obligation de conseil, dès
lors qu'il avait eu connaissance de ces vices en cours de chantier (CE 28 janv.
o
2011, Sté Cabinet d'études Marc Merlin et autres, req. n 330693 , BJCP 2011,
o
n 75, p. 90, concl. Boulouis). La responsabilité contractuelle du maître d'œuvre
pour les désordres survenus après la réception des travaux ne se rattache pas à
une cause juridique distincte de la responsabilité contractuelle à raison des fautes
commises par ce dernier durant les travaux. Elle peut donc être invoquée pour la
première fois en appel lorsque le demandeur n'a mis en cause, en première
instance, que la responsabilité contractuelle pour faute du maître d'œuvre
o o
(CE 9 juill. 2010, Cne de Lorry-lès-Metz, req. n 310032 , BJCP 2010, n 72,
p. 349, concl. Dacosta).
ACTUALISATION
78. Architecte. Obligation d'information d'une nouvelle
réglementation applicable. - La responsabilité des maîtres d'œuvre pour
manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se
sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres
affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la
personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou
d'assortir la réception de réserves. Ce devoir de conseil implique que le
maître d'œuvre signale au maître d'ouvrage l'entrée en vigueur, au cours de
l'exécution des travaux, de toute nouvelle réglementation applicable à
l'ouvrage, afin que celui-ci puisse éventuellement ne pas prononcer la
réception et décider des travaux nécessaires à la mise en conformité de
o
l'ouvrage (CE 10 déc. 2020, req. n 432783, AJDA 2020. 2469, obs.
Maupin ).
79. Le propre du contrat, en droit administratif comme en droit privé, est de lier
et de ne lier que les parties qui l'ont conclu : ce principe entraîne l'exclusion de la
responsabilité contractuelle des parties vis-à-vis des tiers. Il n'empêche que le
contrat est une donnée par rapport à laquelle les tiers peuvent faire valoir
certains droits : mais ce ne peut être qu'au titre de la responsabilité délictuelle ou
quasi délictuelle.
er
Art. 1 - Les tiers au contrat ne peuvent se prévaloir des stipulations
de ce contrat pour rechercher la responsabilité contractuelle ou quasi
délictuelle des cocontractants
er
§ 1 - Principe
80. Le principe de l'effet relatif des contrats vaut pour les contrats administratifs
comme pour les contrats de droit privé : les dispositions de l'article 1199 du code
civil, selon lesquelles « le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties ; les
tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraint de
l'exécuter », sont applicables aux premiers comme aux seconds. Il en résulte que
les tiers au contrat administratif ne peuvent se prévaloir des stipulations de celui-
ci pour engager la responsabilité contractuelle des parties envers eux (en ce sens,
par ex., CE 15 févr. 1961, Goumy, Lebon T. 1092 : un tiers ne peut se prévaloir,
à l'encontre d'une commune, de l'inexécution par l'entrepreneur chargé des
travaux de viabilité, des obligations résultant du contrat passé par ce dernier avec
la commune : les délais d'exécution d'un contrat n'étant stipulés que dans
l'intérêt des parties, la commune n'a commis aucune faute à l'égard d'un tiers
envers lequel elle n'a pris aucun engagement, en négligeant de faire respecter les
délais contractuels par ladite entreprise. – CE 23 juin 1976, Latty et Cne de Vaux-
sur-Mer, Lebon 329 : à propos d'un contrat « qui a seulement pour objet
l'exploitation d'un établissement commercial appartenant à la commune » et qui
ne contient pas de clauses stipulées dans l'intérêt des voisins de l'établissement
en cause n'autorise pas « le Sieur Latty, tiers à ce contrat, à se prévaloir des
obligations qu'il imposait aux parties qui l'ont signé pour dénoncer dans la
carence du maire une faute engageant envers lui la responsabilité quasi
délictuelle de la commune ». – CE 8 déc. 1976, Sté Travaux Hydrauliques et
Entreprises générales, Lebon T. 806 : une société qui a été chargée, par une
administration, de travaux rendus plus onéreux par des opérations de
construction menées préalablement par une autre société, peut, à l'évidence,
obtenir réparation dans le cadre du marché qui la lie à l'administration, mais n'est
pas recevable à invoquer les stipulations du contrat qui lie l'autre société à la
même administration et auquel elle n'était pas partie. – CE 17 févr. 1978, Sté Cie
française d'Entreprise, Lebon 88 : « la société […] qui est un tiers par rapport au
contrat conclu […] ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir de la mauvaise
exécution dudit contrat à l'occasion du litige qui l'oppose au CHR ». – CE 5 févr.
1982, Dondel et autres, Lebon 53 : « Le SIVOM n'est pas fondé à exciper de
manquement aux obligations stipulées dans la convention conclue entre l'État,
maître de l'ouvrage et MM…, chargés de la direction générale des travaux, à
laquelle il n'était pas partie, pour soutenir que la responsabilité des architectes
est, à raison de ces fautes, engagée à son égard ». – T. confl. 23 janv. 1989,
me
Préfet de la Loire c/ T. com. Saint-Étienne, D. 1989. 367, concl. M Flipo : la
responsabilité de l'État vis-à-vis des créanciers d'une entreprise mise en
liquidation des biens, qui a accordé à cette entreprise une aide, ne peut trouver
sa source dans un contrat ou un quasi-contrat, en l'absence de tout lien entre
l'État et lesdits créanciers).
81. Il en va ainsi en particulier pour une personne liée elle-même par contrat
avec une collectivité publique ou une personne privée liée par contrat avec cette
collectivité publique : elle ne peut se prévaloir des clauses du contrat que cette
collectivité a passé avec une troisième personne pour s'exonérer de sa propre
responsabilité. Par exemple, un architecte condamné, sur le fondement de la
garantie contractuelle, à réparer les dommages survenus dès l'achèvement des
travaux dont il avait été chargé par une commune d'établir le projet et de diriger
l'exécution, ne peut invoquer, pour être déchargé en tout ou partie de sa
responsabilité, la circonstance que la faute serait commune à l'entreprise chargée
du gros œuvre et à l'ingénieur-conseil rémunéré par cette entreprise, dès lors que
l'entreprise et l'ingénieur-conseil étaient liés à la commune par un contrat
distinct, indépendant du sien (CE 29 juill. 1983, Bouget, Lebon 349 , sol. impl. –
V., dans le même sens, CE, sect., 30 janv. 1981, SARL Gallego Frères et Cie,
Lebon 43).
§ 2 - Exceptions
84. Stipulation pour autrui. - Selon l'article 1205 du code civil, « on peut
stipuler pour autrui ». « Le bénéficiaire (de la stipulation) est investi d'un droit
direct à la prestation contre le promettant dès la stipulation » (C. civ.,
art. 1206 ). La stipulation pour autrui engendre ainsi des relations triangulaires
entre le stipulant, le promettant et le tiers bénéficiaire : le stipulant et le
promettant passent un contrat dont on admet qu'un tiers, non partie à ce contrat,
puisse bénéficier. La stipulation pour autrui fait alors naître une créance au profit
d'un tiers à la différence de la « promesse » pour autrui qui fait naître une dette.
Le tiers, bénéficiaire de la stipulation pour autrui, est donc titulaire de l'action en
responsabilité contractuelle qu'il pourra exercer à la place de l'une des parties à la
convention.
87. C'est ainsi, par exemple, qu'est irrecevable l'action oblique engagée par les
requérants, cautions solidaires entre eux d'un prêt consenti à une société, qui ne
peuvent être regardés comme créanciers, car n'ayant pas acquitté la dette de
cette société (TA Versailles, 29 nov. 1978, Cts Lemoine, Lebon 624). De même,
un SIVOM ayant chargé l'État de construire une piscine, ne peut exercer l'action
oblique contre les architectes cocontractants de l'État dans la mesure où il ne
peut être regardé comme créancier de l'État puisqu'il lui a expressément donné
quitus lors de la rétrocession de l'ouvrage (CE 5 févr. 1982, Dondel et autres,
Lebon 53). Ce dernier arrêt laisse cependant sous-entendre que le SIVOM était
bien créancier de l'État pendant la construction de l'ouvrage et qu'il disposait
donc, le cas échéant, d'une action oblique contre les constructeurs avec lesquels il
n'était pas lié par le contrat. De même encore, une action oblique contre l'État ne
peut être engagée dès lors que le requérant n'établit pas que des engagements
n'auraient pas été exécutés par l'État envers son débiteur (CE 20 oct. 2000,
o o
M. Perreau, req. n 192851 , Lebon 455 ; BJCP 2000, n 17, p. 345, concl.
Mignon). De même, un maître d'ouvrage ne peut exercer une action oblique à
l'encontre des constructeurs au lieu et place du maître d'ouvrage délégué dès lors
que la convention de maîtrise d'ouvrage déléguée réservait à ce dernier la qualité
pour rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs (CE 14 oct.
o
2005, S.A.N. de Saint-Quentin en Yvelines, req. n 256158 ).
88. Assuré. - Par dérogation à l'effet relatif des contrats et dès lors que l'article
L. 124-3 du code des assurances ouvre un droit d'action directe à l'encontre de
l'assureur de la personne responsable d'un dommage, une personne victime d'un
dommage peut demander au juge administratif l'indemnisation de son préjudice
par l'assureur de la personne publique responsable de ce dommage, bien qu'elle
ne soit pas partie au contrat administratif d'assurance conclu par cette personne
o
publique (CE 15 mai 2013, Cté de cnes d'Épinal-Golbey, req. n 357810 , BJCP
o
2013, n 90, p. 372, concl. B. Dacosta ; AJDA 2013. 1026 ).
89. S'ils sont étrangers au contrat, les tiers peuvent cependant trouver dans
celui-ci un titre à engager la responsabilité des parties qui l'ont conclu, sur le
terrain délictuel ou quasi délictuel. La conclusion du contrat peut tout d'abord
os
constituer une faute (V. supra, n 146 s.) ; certaines clauses du contrat, sans
être des stipulations pour autrui, peuvent donner aux tiers des droits dont la
violation engage la responsabilité extracontractuelle des parties contractantes ;
enfin, dans certains cas, la situation du cocontractant de l'une des parties à un
premier contrat lui permet de revendiquer auprès de l'autre partie à ce même
contrat le respect d'obligations extracontractuelles.
91. De même, classiquement, on sait que les usagers d'un ouvrage public ou les
tiers à celui-ci, construit à la suite d'un marché de travaux publics, sont
recevables à former une action en responsabilité extracontractuelle à l'encontre
tant du maître d'ouvrage public que des constructeurs.
101. Lorsque les parties sont liées par un contrat, elles ne peuvent rechercher
leurs responsabilités respectives que dans le cadre de ce contrat. Le principe de
l'absorption des responsabilités extracontractuelles par la responsabilité
contractuelle est commun au droit privé et au droit administratif. Lorsque les
parties se sont placées sur un terrain contractuel, la voie extracontractuelle leur
er
est fermée. C'est ce qu'affirme le Conseil d'État dans un arrêt du 1 décembre
1976, Berezowski (Lebon 521 : « le sieur Berezowski, qui est lié à la commune
par un contrat, ne peut exercer à l'encontre de la commune en raison des
troubles dont il demande réparation, d'autre action que celle procédant de ce
contrat »).
re
Section 1 - Exclusion de toute autre forme de responsabilité
er
Art. 1 - Exclusion des responsabilités extracontractuelles pour faute
103. Lorsque des parties sont liées par un contrat, elles ne peuvent invoquer
comme fautes l'une contre l'autre que celles qui se rattachent à l'exécution de
leur contrat ; elles ne peuvent se placer hors du contrat pour rechercher la
responsabilité du cocontractant. La solution est constante en droit privé. Elle ne
l'est pas moins en droit administratif. Le commissaire du gouvernement Corneille
affirmait ainsi dans ses conclusions sur l'arrêt du Conseil d'État du 22 décembre
1922, Lassus (RD publ. 1923. 428) : « Dès l'instant où le plaignant est non un
tiers mais une partie à un contrat passé avec l'auteur du dommage, la faute
contractuelle absorbe la faute délictuelle ».
105. Le principe de primauté joue y compris pour les personnes qui sont
subrogées dans les droits de la victime (V., pour une compagnie d'assurances,
CAA Nancy, 26 sept. 1989, UAP, Lebon 334 ).
er
Art. 1 - Conséquences sur le terrain de la compétence juridictionnelle
er
§ 1 - Irrecevabilité des requêtes mal fondées
117. Il reste que, comme on l'a indiqué plus haut, lorsque le juge saisi d'un litige
engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle est conduit à constater, le
cas échéant d'office, la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre
le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, un
moyen tiré de la faute consistant, pour l'un d'eux, à avoir passé un contrat nul,
bien que ce moyen qui n'est pas d'ordre public, repose sur une cause juridique
o
nouvelle (CE 20 oct. 2000, req. n 196553 , Sté Citecable Est, BJCP 2001,
o
n 14, p. 54, concl. Savoie).
re
Section 1 - Questions de légalité
er
Art. 1 - Clauses exonératoires de responsabilité
121. A priori, les clauses d'exonération totale devraient être considérées comme
illicites, car contraires soit aux principes généraux du droit, soit à l'ordre public
constitutionnel qui censure les lois instituant un régime d'irresponsabilité totale
o
(V. Cons. const. 12 oct. 1982, n 82-144 DC, Rec. Cons. const. 61 : dans cette
décision, le Conseil décide, au nom du respect du principe d'égalité, que sont
inconstitutionnelles les dispositions législatives instituant au profit de catégories
particulières de personnes physiques ou morales des régimes d'irresponsabilité
civile totale).
122. Mais, tant le juge administratif que le juge judiciaire n'ont encore adopté
une solution générale et aussi radicale en droit de la responsabilité contractuelle.
Pour ces derniers, les clauses d'exonération sont en principe licites, mais elles ne
couvrent pas la faute lourde du responsable (V. CE 9 mars 1977, CCI de Douai,
o
Lebon T. 897) ou, a fortiori, sa fraude ou son dol (V. infra, n 213).
130. De même, sont licites les clauses favorables aux maîtres d'ouvrage qui
étendent la garantie décennale à toutes les défectuosités pouvant se manifester
durant le délai de garantie (CE 15 déc. 1950, Cie française des conduites d'eau,
Lebon 620. – CE 12 déc. 1954, Sté Deloffre, Lebon 675), ou celles qui allongent
la durée de la garantie (CE 2 déc. 1892, Ville de Denain,
Lebon 861. – CE 21 janv. 1927, Cie générale des eaux c/ Van Zuylen,
Lebon 96. – CE 21 juin 1967, Huot, Lebon T. 857. – CE 29 mars 1968, Entreprise
de travaux publics Pecher et Ligozat, Lebon 219 . – CAA Versailles, 10 mars
o o
2009, M. Dufournet, req. n 07VE1223, BJCP 2009, n 65, p. 347).
137. En revanche, décident les mêmes arrêts, rien ne s'oppose à ce que les
stipulations du contrat prévoient une indemnisation inférieure au montant du
préjudice subi par le cocontractant privé. Un autre arrêt va même jusqu'à décider
que « aucun principe n'interdit qu'un contrat administratif comporte une clause
excluant toute indemnité du contractant en cas de résiliation par la personne
o
publique » (CE 19 déc. 2012, Sté AB Trans, req. n 350341 , AJDA 2013. 722
). Une telle solution, qui se doit d'être confirmée (V. peut-être « Cne du Croisic »,
o
préc. supra, n 136), est extrêmement critiquable, car insuffisamment protectrice
du droit à l'équilibre financier du contrat administratif.
138. Enfin, il s'avère que, pour les motifs précités, la clause d'indemnisation est
illicite, l'une des parties peut demander au juge même, après la clôture de
l'instruction, la condamnation de la personne publique à l'indemniser du préjudice
qu'elle estime avoir subi du fait de la résiliation par l'administration sur le
fondement des « règles générales applicables, dans le silence du contrat, à
l'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation du contrat pour un motif
d'intérêt général ». En revanche, il n'appartient pas au juge de se prononcer
o
d'office sur ce point (CE 3 mars 2017, Sté Leasecom, req. n 392446 , Lebon ;
AJDA 2017. 494 ; AJDA 2017. 1678, note F. Lombard ; AJCT 2017. 336, obs.
o
S. Hul ; RTD com. 2017. 297, obs. F. Lombard ; BJCP 2017, n 113, p. 211,
concl. G. Pellissier).
Section 2 - Portée
140. La solution est la même pour l'application des clauses par lesquelles
l'entreprise titulaire d'un marché de travaux publics s'engage à garantir le maître
d'ouvrage des condamnations prononcées contre celui-ci à la suite de dommages
imputables aux travaux qui font l'objet du marché : ces clauses sont tenues en
échec par la faute lourde du maître de l'ouvrage (CE 10 févr. 1961, Ville de
Béziers, Lebon 113. – CE 12 oct. 1973, SEITA, Lebon 565, concl. Gentot
. – CE 22 juin 1987, Boulon et Sté générale d'entreprises,
Lebon 225. – CE 16 mai 1994, Sté des transports intercontinentaux et Opéra,
o
req. n 118332 , Lebon 241 ).
er
Chapitre 1 - Fait générateur
re
Section 1 - Faute contractuelle
er
Art. 1 - Fautes de l'administration contractante
146. Il n'est pas question ici de dresser une liste exhaustive de tous les
manquements susceptibles d'engager la responsabilité contractuelle de
l'administration ; une telle entreprise serait vouée à l'échec, car cela reviendrait à
analyser toutes les obligations contractuelles de l'administration, tâche impossible
puisqu'il existe autant d'obligations qu'il y a de contrats. La seule démarche
concevable consistera, par conséquent, à réunir, par grandes catégories, les
manquements que l'on rencontre le plus fréquemment dans la jurisprudence
administrative.
er
§ 1 - Non-exécution, par l'administration, de ses obligations
contractuelles
154. Tout d'abord, l'administration peut avoir mal préparé le contrat et, ainsi,
manqué à ses obligations ; il peut s'agir, en premier lieu, d'erreurs ou omissions
techniques dans les plans fournis par l'administration ou dans l'estimation du
volume des travaux (CE 23 janv. 1952, Compagno, Lebon 773. – CE 25 oct.
1961, ASR de Blois, Lebon 582 : « Erreur, lors de l'établissement du projet » de
nature à engager la responsabilité de l'administration. – CE 7 févr. 1962, Dame
ve
VV Sutra, Lebon T. 1020. – CE 16 févr. 1972, OPHLM de la Ville de Nantes,
Lebon 148. – CE 7 déc. 1973, Sieurs Le Couteur et Sloan, Lebon 705
. – CE 11 févr. 1983, Sté Entreprise Caroni, Lebon 60) ou de mauvaises
informations géologiques données au titulaire du contrat (CE 14 mai 2008,
o
Collectivité territoriale de Corse, req. n 282312 ). Plus grave est le
manquement de la collectivité publique « dans la conception même du projet » ou
dans l'insuffisante précision des obligations à la charge des cocontractants
(CE 29 juin 1951, Secr. d'État à la Défense nationale c/ Sieur Debernardy, RD
publ. 1952. 523 : « Le génie n'a pas, à ce sujet, dans les textes mêmes du
marché donné suffisamment de précision pour donner loyalement à
l'entrepreneur le moyen d'analyser à l'avance la répercussion de ces difficultés
sur le prix de revient du béton spécial mis en place ». – V. aussi CE 24 juin 1953,
Boumier, RD publ. 1954. 197 : « Prévisions erronées » ; et CAA Lyon, 30 déc.
1992, SITCOM des Combrailles, Lebon T. 1108 : dossier technique impropre à
alerter le cocontractant sur les risques présentés par le choix du site d'exécution
du contrat). De même, la mise en œuvre du contrat en un lieu différent de celui
primitivement prévu et ayant pour conséquence de causer au cocontractant un
préjudice, est également générateur de l'allocation de dommages et intérêts à la
charge de l'administration (CE 13 juill. 1965, Sté Nationale de Construction,
Lebon 464).
161. En premier lieu, pour que les travaux supplémentaires soient rémunérés en
sus du prix du marché, encore faut-il qu'il s'agisse bien de travaux…
supplémentaires, c'est-à-dire de prestations non prévues dans les stipulations
contractuelles. À cet égard, si la tâche du juge n'est pas toujours techniquement
aisée, ce dernier refuse tout droit à indemnité à l'entrepreneur qui ne s'est pas
suffisamment « assuré, avant de signer le marché, de l'étendue des obligations
qu'il devait assumer »… et des aléas qu'il pouvait rencontrer (CE 18 mars 1981,
Entreprise Bazzani, RD publ. 1981. 1730. – CE 30 nov. 1982, SCOP
o
« L'Hirondelle », Contrats Marchés publ. 1984, n 205, p. 18. – CE 23 sept. 1983,
Les électriciens de France Jules Verger Delporte, Contrats Marchés publ. 1984,
o
n 205, p. 19. – CE 7 juin 1985, M. Paul Lepage, RD publ. 1985. 1703).
162. En deuxième lieu, comme la plupart des cahiers des charges disposent que
l'entrepreneur « doit proposer en temps utile les adjonctions et modifications qu'il
y a lieu d'apporter » aux travaux, les prestations supplémentaires peuvent alors
faire l'objet d'un accord entre celui-ci et le maître de l'ouvrage sous forme le plus
souvent, mais non exclusivement, d'un avenant modificatif. Dans ce cas, la
rémunération de l'entrepreneur ne posera pas de problème et sera calculée soit
d'un commun accord, soit sur la base des prix du marché initial.
164. Si l'ordre de service qui prescrit les travaux supplémentaires est régulier en
la forme, la rémunération de l'entrepreneur se fera tantôt sur une base
contractuelle, tantôt sur une base indemnitaire. Elle se fera sur une base
contractuelle lorsqu'il est fait correctement application de clauses contractuelles
permettant, par exemple, « un changement dans l'importance des diverses
natures d' « ouvrages » (CCAG travaux, art. 17) ou « une augmentation dans la
masse des travaux » (CCAG travaux, art. 15), puisque ces clauses prévoient une
compensation financière au profit de l'entrepreneur. Elle pourra se faire sur une
base indemnitaire (responsabilité contractuelle de l'administration) lorsque le
maître de l'ouvrage dépasse le cadre de ces clauses en imposant à l'entrepreneur
des modifications qui ont pour effet de bouleverser l'économie générale du projet
ou de porter atteinte à la substance du marché telle qu'elle avait été initialement
envisagée par les parties.
167. On constate ainsi qu'il peut exister – certes, au prix d'un artifice juridique –,
au cours de l'exécution du contrat, une certaine coexistence d'une responsabilité
contractuelle et de responsabilités extracontractuelles, et ce, sans que le principe
de primauté joue. Il y a là, incontestablement, une solution très originale par
rapport au droit privé d'une part, et au principe de primauté d'autre part, mais
conforme à la souplesse déjà constatée du contentieux contractuel, élaboré par le
juge administratif.
168. La première obligation qui pèse sur l'administration (tout aussi bien que sur
le cocontractant) est celle de respecter le principe de l'irrévocabilité du prix. Le
prix stipulé dans le contrat ne peut être modifié – généralement à la baisse – par
l'administration contractante ; il ne pourrait l'être que par accord entre les parties
contractantes ou pour motif d'intérêt général. Ce principe a été réaffirmé à
plusieurs reprises par le Conseil d'État (CE 20 mars 1946, Michelin,
Lebon 89. – CE 9 mars 1951, Didonna, Lebon 149 : « Les prix sont immuables et
lient les parties ». – CE 10 juill. 1954, Sté Heulin et Cie,
Lebon 462. – CAA Nantes, 11 juin 1992, Min. de la Culture, Lebon 537 :
décision tendant à réduire le montant d'une subvention contractuelle sans qu'il
soit possible de se prévaloir de la réduction du montant des crédits alloués par la
loi de finances). À cet égard, l'arrêt « Société Heulin » précité doit être
spécialement mentionné puisqu'il y est affirmé « que le requérant est fondé à
soutenir que la suppression de la majoration de prix a constitué à son égard une
modification injustifiée des clauses contractuelles fixant sa rémunération ». De
même, « une fois signées, les clauses automatiques (de révision de prix) forment
la loi des parties et doivent s'appliquer à la lettre » (CE 16 mai 1941, Cne de
Vizille, Lebon 93). Ainsi, toute atteinte unilatérale aux clauses contractuelles
touchant à la rémunération du cocontractant constitue un fait générateur de la
responsabilité de l'administration (si le caractère définitif des prix stipulés dans un
contrat s'oppose, à toute modification ultérieure, ce principe ne saurait recevoir
application dans le cas exceptionnel où il s'agit d'une erreur purement matérielle,
ou en cas de fraude ou dol, et d'une nature telle qu'il est impossible à la partie de
s'en prévaloir de bonne foi. V. CE 3 juill. 1963, Sté Entreprise Edmond Patry,
Lebon 417). Par ailleurs, si le caractère définitif des prix stipulés à un marché
s'oppose à toute modification ultérieure de ces prix par l'une des parties, ce
principe ne fait pas obstacle à ce que l'une des parties obtienne, en cas de
résiliation du contrat pour un motif autre que la faute du cocontractant de
l'administration, le paiement des travaux qu'elle a réellement exécutés
o
(CE 29 sept. 2000, Sté Dezellus Métal Industrie, req. n 186916 , Lebon 382).
B - Retards de paiement
169. Les retards de règlement par rapport aux délais prévus dans le contrat
constituent des fautes engageant la responsabilité contractuelle de
l'administration. Toutefois, l'évolution du droit écrit des contrats administratifs fait
qu'aujourd'hui, un retard « simple » de paiement déclenche l'application
automatique d'un mécanisme soit contractuel, soit légal et réglementaire.
o
170. D'une part, en effet, le décret n 2013-269 du 29 mars 2013 dispose que
« le dépassement du délai de paiement (45 ou 50 jours) ouvre de plein droit et
sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice
d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai ». D'autre
o
part, la directive communautaire n 2000/35 du Parlement et du Conseil du
o
29 juin 2000 (JOCE, n L 200, 8 août) concernant la lutte contre le retard de
paiement dans les transactions commerciales (applicable aux contrats
administratifs) précise que les États membres doivent introduire dans leur droit
interne des dispositions visant soit à ce que des intérêts soient exigibles le jour
suivant la fin du « délai de paiement » fixé dans le contrat, soit, si cette date
n'est pas fixée dans le contrat, à ce que des intérêts soient automatiquement
exigibles trente jours après la date de réception, par le débiteur, de la facture.
Toutefois, pour certaines catégories de contrats à définir par la législation
nationale, la directive du 29 juin 2000 permet aux États de fixer le délai
d'exigibilité des intérêts à un maximum de soixante jours s'ils empêchent les
parties au contrat de dépasser ce délai ou s'ils fixent un taux d'intérêt obligatoire
dépassant sensiblement le taux légal.
171. Dès lors, depuis 2002 en France, tous les titulaires de contrats
administratifs à objet économique doivent pouvoir invoquer ce mécanisme leur
permettant de bénéficier d'intérêts moratoires en cas de retard de paiement de
l'administration.
172. Pour les autres, s'applique toujours l'article 1231-6 du code civil selon lequel
le débiteur en retard est redevable d'intérêts au taux légal à compter d'une
sommation de payer adressée par le créancier et sans que celui-ci ait à
démontrer une perte (V. CE 23 juill. 1974, Min. Éducation nationale, Lebon 458).
173. Par ailleurs, pour tous les titulaires de contrats publics, s'applique le dernier
alinéa de l'article 1231-6, selon lequel « le créancier auquel son débiteur en
retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut
obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la
créance ». Et de fait, il est admis que la personne publique peut être de
« mauvaise foi », encore que la jurisprudence utilise plutôt les termes « mauvais
vouloir » (V. CE 22 déc. 1976, Sté Établissements Jean Bernard, Lebon T. 1001 :
le refus systématique de vérifier les mémoires présentés par l'entrepreneur
constitue une faute assimilable par sa gravité à un mauvais vouloir. – CE 27 mai
1983, Cne de La Queue-en-Brie, Lebon T. 783 : retards dus à des négligences
graves dans la gestion du budget communal et au mauvais vouloir de la
commune. – CAA Nancy, 19 déc. 1989, SA Mursol Revet Sol, Lebon T. 784 ).
176. Il reste que si la loi suspend l'application des clauses de variation de prix
pour des raisons de politique économique, l'administration contractante « ne
commet aucune faute en refusant de faire application de la formule de révision »
(CE 16 janv. 1959, Ville du Touquet-Paris-Plage, Lebon T. 901. – CE 13 nov.
1964, SA Lantrua et Olivier, Lebon 549. – CE 21 mai 1969, Entreprise Marc
Varnier, Lebon 261 ). Il y a là une limite très importante à la mise en jeu de la
responsabilité contractuelle dans un domaine très « sensible » pour les
cocontractants de l'administration.
183. Beaucoup plus importante, car d'une portée pratique très grande, est la
non-responsabilité contractuelle de l'administration lorsque les manquements du
cocontractant à ses obligations sont si graves, qu'en toute hypothèse, la sanction
est justifiée au fond, malgré une irrégularité formelle. Ainsi, à propos de l'absence
d'une mise en demeure, le Conseil d'État reconnaît-il que « de graves difficultés
financières […] compromettant la réalisation des travaux […] justifiaient la mise
en régie […] ; qu'eu égard au caractère justifié au fond de la mise en régie, la
société ne saurait prétendre à l'allocation d'une indemnité » (CE 5 janv. 1973,
OPHLM de la Ville de Paris, Lebon 13). Il en est de même lorsque « des
irrégularités graves » peuvent être retenues à la charge des fournisseurs et que
« des retards de livraison très importants leur sont imputables » (CE 9 nov. 1932,
Sté Weil-Haeringer, Lebon 942). Les solutions sont les mêmes à propos de
l'absence ou en raison du caractère irrégulier des procédures consultatives
préalables ; c'est ainsi que, dans l'arrêt de section « Sté Coopérative agricole de
production-La Prospérité fermière », le juge reconnaît que l'irrégularité formelle
aurait pu, le cas échéant, ouvrir droit à indemnité « mais, qu'en l'espèce,
l'administration était fondée, eu égard à la méconnaissance par la société de ses
obligations contractuelles, à prononcer » la sanction qualifiée de « justifiée »
(CE 10 mai 1963, Lebon 289 ; RD publ. 1963. 585, concl. Braibant). De même
enfin, le titulaire d'un marché de travaux publics mis en régie de façon irrégulière
« n'est pas fondé, eu égard à la gravité des manquements dont il s'est rendu
coupable, à demander une indemnité pour le préjudice subi, du fait de la mesure
dont il s'agit » (CE 7 oct. 1960, SAMEC, RD publ. 1961. 405. – V., égal.,
CE 26 avr. 1978, SARL Sodilab, RD publ. 1978. 1490).
184. Il reste que, lorsque la sanction a pour objet d'en faire supporter les
conséquences onéreuses au cocontractant (mise en régie, déchéance du
concessionnaire, résiliation « aux frais et risques »), la jurisprudence décide que
« le non-respect des formalités a toujours pour effet d'exonérer le cocontractant
des conséquences de la sanction et, ceci, quelle que soit la gravité des
manquements qui peuvent lui être, par ailleurs, reprochés » (pour une
jurisprudence constante, V. CE 10 mars 1967, Sté Technical c/ OPHLM de la
Seine, Lebon 104 : résiliation aux risques et périls : « que la mesure […] était
irrégulière ; que, par suite, la requérante ne saurait être tenue de supporter les
conséquences onéreuses qui en seraient résultées ». – CE 5 janv. 1973, OPHLM
Ville de Paris, Lebon 13. – TA Paris, 17 juin 1981, Joubert, Lebon T. 812. – TA
Paris, 8 nov. 1985, Entreprise Ozilou, Lebon 317. – CAA Lyon, 27 juin 1989,
Centre hospitalier de la Fontonne, Lebon T. 784. – CE 26 mai 1999, SARL Bonnet
o
TP, req. n 145230 , Lebon T. 883 . – TA Dijon, 3 mai 2007, SA Roggiani, req.
o o
n 0502448, BJCP 2007, n 53, p. 303, concl. Bataillard. – CE 30 janv. 2008,
o
OPAC de la Ville de Clermont-Ferrand, req. n 278770 . – CE 15 nov. 2012, Sté
o
Travaux Guil-Durance, req. n 349840 , Lebon ; AJDA 2012. 2194 ; RDI
2013. 215, obs. R. Noguellou ; AJCT 2013. 200, obs. S. Hul , le cocontractant
est déchargé des surcoûts résultant de la résiliation).
190. De même, dans le cadre d'une concession entre l'État et la Ville de Saint-
Malo, concernant l'établissement et l'exploitation d'un port de plaisance, le préfet
« avait unilatéralement modifié les limites de la concession (réduction du domaine
de la concession) ». Or, pour indemniser la ville, le préfet voulait faire application
d'une clause de la concession relative à la suppression partielle ou totale des
installations ; parallèlement, la ville voulait se voir appliquer une autre clause,
plus favorable, relative au retrait de la concession. Pour la Haute Assemblée, la
modification des limites de la concession ne recouvrait ni le champ d'application
de la clause invoquée par le préfet, ni celui de la clause invoquée par la ville ;
mais, et c'est là l'intérêt fondamental de l'affaire, au-delà de l'interprétation
contradictoire des clauses du contrat, la décision unilatérale modificatrice a eu
des conséquences onéreuses pour la ville (dépenses inutiles d'aménagement,
diminution des recettes d'exploitation) ; « dès lors, le préjudice éprouvé par la
ville de Saint-Malo et imputable à cette décision doit, même en l'absence de toute
stipulation expresse du cahier des charges applicables au cas de l'espèce, être
réparé par l'État » (CE 27 oct. 1978, Ville de Saint-Malo, Lebon 401 ; D. 1979.
366, note Joly).
192. Ainsi, dans un arrêt « Sté des Établissements Marius Series » (CE, sect.,
25 juin 1971, Lebon 482 ; AJDA 1973. 97, note J. M. G.), où un contrat
prévoyait que « des modifications pouvaient être apportées aux travaux par les
maîtres de l'ouvrage », le Conseil d'État relève que « les modifications prescrites
en l'espèce n'ont pas été telles qu'il s'agissait d'un ouvrage nouveau, étranger à
l'objet des marchés initiaux ». De même, dans une autre affaire (CE 17 févr.
1978, Sté « Cie française d'Entreprise », Lebon 88), la Haute Assemblée a décidé
que si le maître de l'ouvrage pouvait imposer à son cocontractant la construction
« d'ouvrages non prévus au contrat » – sous réserve du paiement des travaux
effectués en sus du forfait prévu au marché –, ces changements ne pouvaient
« impliquer aucune modification essentielle aux conditions du marché ».
er
§ 1 - Généralités
198. Parmi les fautes les plus courantes se rapportant à des obligations générales
du cocontractant, on peut citer les manquements à l'obligation d'exécution
personnelle du contrat (V. par ex. CE 5 janv. 1951, Cne de Lesparrou, Lebon 3),
les retards dans l'exécution du contrat (V. par ex. CE 3 mai 1961, Sté Entreprise
Thomas Kotland et OPHLM du département de la Seine, Lebon 290), la non-
constitution d'une caution bancaire (CE 14 mai 2008, Épx A. c/ Ville d'Annecy,
o
req. n 284362 ), ou plus simplement l'inexécution pure et simple de tout ou
partie des prestations faisant l'objet du contrat (CE 8 août 2008, Sté la Cie
o
fermière de l'établissement thermal de Vichy, req. n 292380 ).
201. À l'architecte sont souvent reprochées des fautes dans l'établissement des
devis ou la conception de tout ou partie de l'édifice (V. par ex. CE 31 oct. 1947,
Gutton c/ OPHLM du département de Seine-et-Oise, Lebon 396. – CE 16 oct.
1968, Plazzi et Traversa, Lebon 492. – CE 29 janv. 1969, Bienvenu,
Lebon 45. – CE 28 oct. 1970, Auffret et Min. Éducation nationale c/ Sté Le Breton
et autres, Lebon 621 ; AJDA 1970. 702, note Montmerle. – CE 20 déc. 1972,
Maillard et Ducamp, Lebon 821 ; D. 1973. 588, note Bréchon-Moulènes), dans
er
l'étude des sols (CE 1 juill. 1970, Cne de Sainteny, Lebon 451. – CE 12 déc.
1973, Stym-Popper, Lebon T. 1037), dans la direction, le contrôle et la
surveillance des travaux (V. par ex. CE 14 juin 1963, OPHLM de la Loire,
Lebon 931 ; AJDA 1963. 642, note Besnard. – CE 3 mars 1982, Synd.
intercommunal Lyon Saint-Fons Vénissieux et autre, Lebon 97), ou dans les
renseignements et les conseils qu'ils devaient donner au maître de l'ouvrage
(CE 18 mai 1962, Bernard, Lebon T. 891 ; AJDA 1963. 32, note Morin. – CE,
sect., 7 avr. 1967, Entreprise Bouhana, Cne de Barentin, Robinne et Payenne-
er
vile, JCP 1967. II. 15103, note Liet-Veaux. – CE 1 juill. 1970, Cne de Sainteny,
préc.), notamment au moment de la réception de l'ouvrage (CE 20 oct. 1976,
Ville du Havre, Lebon T. 4084) ou de la vérification des décomptes des
er o
entreprises (CE 1 oct. 1993, MM. Vergnaud et Gaillard, req. n 60526 ,
D. 1994. Somm. 228, note Terneyre ).
202. À cet égard, « la mission de l'architecte ne se limite pas à l'indication, lors
de l'établissement des pièces des marchés à passer entre le maître de l'ouvrage
et les entrepreneurs, des résultats à atteindre ; […] il lui appartient également
soit d'indiquer avec une précision suffisante les modalités d'exécution que
l'entrepreneur doit observer, soit, le cas échéant, de vérifier et de contrôler les
plans et projets établis par l'entrepreneur » (CE 27 nov. 1974, Talbourdeau,
Lebon 595 ).
206. Il est toujours loisible aux parties de s'accorder, même sans formaliser cet
accord par un avenant, pour déroger aux stipulations du contrat initial, y compris
en ce qui concerne les pénalités de retard. Ainsi, une cour administrative d'appel
ne commet pas d'erreur de droit en jugeant, par une appréciation souveraine
exempte de dénaturation, qu'en ayant accordé à son cocontractant des reports
successifs de délais, une commune devait être réputée avoir renoncé à lui infliger
des pénalités de retard (CE 17 mars 2010, Cne d'Issy-les-Moulineaux, req.
o
n 308676 ).
ACTUALISATION
210. Défaut de surveillance du maître d'œuvre. Faute simple. - La
responsabilité du maître d'œuvre au titre du défaut de surveillance est
engagée sur le terrain de la faute simple (CE 19 nov. 2018, Sté Travaux du
o
Midi Var, req. n 413017 , AJDA 2018. 2275 ).
212. Un troisième cas est celui des fautes commises par l'administration dans
l'adoption de certaines mesures consécutivement aux fautes de son
cocontractant. Il s'agit des marchés de substitution qu'elle conclut avec un
nouveau fournisseur pour pallier la carence du titulaire d'un premier marché ;
seule une faute lourde de l'administration dans la passation des marchés de
substitution peut engager sa responsabilité vis-à-vis de son premier cocontractant
(CE 27 mars 1957, Carsalade, Lebon 216. – CE, sect., 5 nov. 1982, Sté Propetrol,
Lebon 381 ; AJDA 1983. 259, concl. Labetoulle. – CE 29 mai 1981, Roussey,
Lebon 813 ).
er
Art. 1 - Exercice régulier, par l'administration contractante, de ses
prérogatives contractuelles de puissance publique
216. Parce que les clauses contractuelles ne peuvent prévoir tous les cas de
figure possibles et parce que l'administration, gardienne de l'intérêt général et de
la continuité des services publics, ne peut accepter l'exécution de contrats
contraires à ses objectifs, les collectivités publiques contractantes sont investies
soit sur la base du contrat, soit en dehors de toute clause contractuelle, de
prérogatives contractuelles de puissance publique destinées à modifier ou à
résilier les contrats administratifs dont l'exécution serait contraire à l'intérêt
général. L'exercice régulier de telles prérogatives, dans la mesure où il va porter
atteinte à la force obligatoire du contrat, est alors susceptible d'engager la
responsabilité contractuelle sans faute de l'administration.
er
§ 1 - Exercice régulier du pouvoir de modification unilatérale
dans un but d'intérêt général
217. Le Conseil d'État a eu l'occasion de rappeler que les auteurs d'un décret,
disposant que « l'autorité organisatrice peut, au cours d'un contrat, apporter
unilatéralement des modifications à la consistance des services et à leurs
modalités d'exploitation (…) », s'étaient bornés à faire application des « règles
générales applicables aux contrats administratifs » (CE 2 févr. 1983, Union des
Transports publics, urbains et régionaux, Lebon 33 ; RFDA 1984. 45 note
Llorens ; RD publ. 1984. 212, note Auby). Selon une autre formulation, le Conseil
d'État indique que, « en vertu des règles générales applicables aux contrats
administratifs, la personne publique peut apporter unilatéralement dans l'intérêt
général des modifications à ses contrats (y compris les clauses financières) » ;
l'autorité organisatrice des transports peut ainsi, en cours de contrat, apporter
unilatéralement des modifications à la consistance des services et à leurs
modalités d'exploitation, le cocontractant, tenu de respecter ses obligations
contractuelles ainsi modifiées, ayant droit au maintien de l'équilibre financier de
son contrat (CE 27 oct. 2010, Synd. intercommunal des transports publics
o o
Cannes, Le Cannet, Mandelieu La Napoule, req. n 318617 , BJCP 2010, n 73,
p. 417, concl. Dacosta).
219. La faculté pour l'administration de résilier à tout moment pour des motifs
d'intérêt général les contrats qu'elle a passés n'est pas discutable. Elle est
reconnue par la jurisprudence administrative comme une « règle applicable aux
contrats administratifs » (CE 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, Lebon 246)
et ce, même si le contrat ne l'a pas prévu (CE 2 févr. 1987, Sté France 5,
Lebon 28 : « il appartient à l'autorité concédante, en vertu des règles générales
applicables aux contrats administratifs et sous réserve des droits d'indemnisation
du concessionnaire, de mettre fin avant son terme à un contrat de concession dès
lors qu'il existe des motifs d'intérêt général justifiant, à la date à laquelle elle
prend sa décision, que l'exploitation du service concédé doit être abandonnée ou
établie sur des bases nouvelles ; qu'elle peut user de cette faculté alors même
qu'aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu'aucune stipulation
contractuelle, n'en ont organisé l'exercice ») et ce, même si le contrat est conclu
entre deux personnes publiques (CE 24 nov. 2008, Synd. mixte des eaux et de
o
l'assainissement de la région du Pic Saint Loup, req. n 290540 , BJCP 2009,
o
n 63, p. 151, concl. Dacosta. – CE 4 juin 2014, Cne d'Aubigny-les-Pothées, req.
o
n 368895 , Lebon ; AJDA 2014. 1183 ; AJCT 2016. 139, étude J.-D.
Dreyfus ; RTD com. 2014. 568, obs. G. Orsoni . – CE 27 févr. 2015, Cne de
o
Béziers, req. n 357028 , Lebon, concl. ; AJDA 2015. 423 ; AJDA 2015. 1482,
note P. Bourdon ; D. 2015. 630, obs. J.-M. Pastor ; AJCT 2015. 268, obs.
S. Dyens ; AJCT 2016. 139, étude J.-D. Dreyfus ).
220. Par-delà le débat sur la nature des motifs pouvant justifier une telle
résiliation – somme toute assez largement entendue –, il ne fait aucun doute que
cette résiliation constitue un fait de nature à engager la responsabilité
contractuelle de l'administration. Ainsi, peut-on relever certaines motivations qui
démontrent bien l'existence d'une authentique obligation de réparation :
« considérant que la circonstance que la résiliation aurait été prononcée pour un
motif d'intérêt général ne fait pas obstacle à ce que les consorts Cazautets
reçoivent une indemnité pour manque à gagner » (CE 8 déc. 1967, Ets Cazautets,
RD publ. 1968. 942).
ACTUALISATION
222. Écotaxe. Résiliation unilatérale. Absence de motif d'intérêt
général. - La résiliation du contrat de partenariat liant l'État à la société
Écomouv'dans le cadre de la mise en œuvre de l'écotaxe n'était justifiée par
aucun motif d'intérêt général. Si, en vertu des règles générales applicables
aux contrats administratifs, la personne publique contractante peut toujours,
pour un motif d'intérêt général, résilier unilatéralement un contrat, le défaut
d'un tel motif est de nature à faire naître une faute pouvant engager sa
responsabilité. Pour estimer que la résiliation n'était pas justifiée par un motif
d'intérêt général, le tribunal relève que « si un vice entachant la régularité
juridique du contrat de partenariat pouvait fonder légalement la décision de
le résilier, l'État ne précise ni […] les règles ou principes de valeur
constitutionnelle qui auraient été méconnus ni la nature et l'origine des
o
critiques qu'il formule » (TA Cergy-Pontoise, 18 juill. 2018, req. n 1507487,
AJDA 2018. 1523, obs. Maupin ).
er
§ 1 - Conditions préalables à l'existence d'un fait du prince
224. Pour qu'un acte administratif soit constitutif d'un fait du prince, deux
conditions préalables doivent être réunies : premièrement, l'acte doit être
imputable à l'administration contractante ; deuxièmement, il doit être
imprévisible au moment de l'accord de volonté des parties contractantes.
A - L'acte administratif doit être imputable à l'administration
contractante
225. La première condition pour qu'un fait dommageable soit constitutif d'un fait
du prince implique qu'il soit imputable à la personne publique cocontractante ;
dès lors, il ne saurait y avoir, par exemple, fait du prince pour un acte de
puissance publique émanant de l'État et affectant les conditions d'exécution des
contrats des collectivités locales. L'exigence de cette condition est très stricte,
bien qu'il n'en ait pas toujours été ainsi dans la jurisprudence.
228. Le fait du prince, dont se plaint le cocontractant, doit avoir été imprévisible
au moment de la conclusion du contrat. De façon logique et équitable, en effet,
on considère que si le fait du prince pouvait normalement avoir été prévu au
moment de la conclusion du contrat, il est à présumer que le cocontractant
l'aurait pris en considération, notamment pour l'établissement du prix. À ce
propos, la jurisprudence est également certaine : « Au mois d'octobre 1919, le
requérant ne pouvait pas ignorer les conditions économiques telles que la hausse
du coût de la main-d'œuvre et celle du prix des charbons, qui ont obligé les
pouvoirs publics à autoriser un nouveau relèvement des prix de chemin de fer »
(CE 14 mai 1926, Pouillard, Lebon 498. – V. égal. CE 19 nov. 1926, Cie générale
transatlantique, Lebon 891. – CE 25 févr. 1949, Ville de Melun,
Lebon 94. – CE 7 mai 1982, Sté Sogeparc-Paris, Lebon T. 669).
233. À cet égard, on peut citer l'arrêt du Conseil d'État du 28 avril 1939,
« Compagnie des Chemins de Fer de l'Ouest » (RD publ. 1940. 58, concl. Josse,
note Jeze), pour sa valeur d'exemple.
235. Dès lors, on peut dire aujourd'hui qu'une loi peut engager la responsabilité
contractuelle de l'État si cette loi affecte une donnée dont on peut considérer
qu'elle a été essentielle, déterminante dans la conclusion du contrat, une donnée
dont la prise en considération a décidé le cocontractant à conclure le contrat ou
modifié un élément essentiel du contrat. Toutefois, il convient, dès à présent, de
souligner que cette condition propre à l'acte législatif devra se cumuler avec celle
relative à la spécialité du préjudice dont on verra qu'elle constitue une condition
particulière du préjudice dans le cas de la responsabilité contractuelle sans faute
de l'administration.
238. À cet égard, on remarquera que c'est en se basant sur les solutions de cette
affaire que le commissaire du Gouvernement BERNARD demandait en concluant
dans l'affaire « Compagnie Radio-électrique » (CE, ass., 30 mars 1966,
Lebon 257 ), son extension au domaine de la responsabilité extracontractuelle.
Selon M. BERNARD, en effet, « il résulte de cet arrêt « SNCF », qu'en matière
contractuelle, la théorie de l'irresponsabilité de l'État, du fait des conventions
internationales, est abandonnée et que des conventions internationales […] ont
été soumises au même régime de responsabilité que les lois. Certes, il s'agissait
dans cette affaire, de responsabilité contractuelle, mais on ne voit vraiment pas
pourquoi les conventions internationales seraient soumises au même régime que
les lois, dans le domaine de la responsabilité contractuelle, et à un régime
différent, dans le domaine de la responsabilité extracontractuelle » ; on sait,
depuis, que son argumentation a été suivie.
240. Ainsi, par exemple, lorsqu'une commune adjuge une coupe de bois à une
entreprise, et que peu de temps après, de façon irréversible, elle interdit, en
vertu de ses pouvoirs de police administrative, la circulation de véhicules de plus
de 3, 5 tonnes sur une voie communale que les camions de l'entreprise
adjudicataire devaient nécessairement emprunter, les conditions d'exécution du
contrat vont, par conséquent, se trouver affectées du fait de l'exercice régulier,
par la collectivité publique, de ses pouvoirs de police administrative (TA Pau,
o
25 avr. 1978, Sté des Établissements Lombardi c/ Cne de Borce, req. n 2458,
inédit). De même, lorsque le maire exerce ses pouvoirs de police pour mieux
organiser un marché communal géré par un tiers en vertu d'une convention
o
conclue avec la commune (CE 2 déc. 2009, EURL Mandon, req. n 301279 ).
er
§ 1 - Définitions
249. En principe, dit la Haute assemblée dans cet arrêt (et ce principe est
toujours valable aujourd'hui), « un contrat de concession règle d'une façon
définitive, jusqu'à son expiration, les obligations respectives du concessionnaire
et du concédant ; le concessionnaire est tenu d'exécuter le service prévu dans les
conditions précisées au traité (…) et la variation du prix des matières premières
en raison des circonstances économiques constitue un aléa du marché (…),
chaque partie étant réputée avoir tenu compte de cet aléa dans les calculs et
prévisions qu'elle a fait avant de s'engager ».
251. Il s'agit là, contrairement à ce qui est parfois avancé par une partie de la
doctrine qui n'y voit pas un mécanisme de responsabilité (V. L. RICHER et
e o
F. LICHÈRE, Droit des contrats administratifs, 10 éd., 2016, LGDJ, n 535), d'une
théorie permettant d'engager la responsabilité contractuelle de l'administration
dont le Conseil d'État vient de décider qu'elle présentait, aux côtés de la théorie
du « fait du Prince », les caractères d'une responsabilité contractuelle sans faute
o
(V. CE 28 juill. 2011, MM. Burnet, req. n 332256 : « même en l'absence de
faute contractuelle de la commune, la convention conclue entre celle-ci et MM.
Burnet était susceptible de fonder un droit à indemnité de ces derniers pour
imprévision ou pour acte unilatéral non fautif de la personne publique
cocontractante ». – V. aussi en ce sens : E. FELMY, concl. sur CAA Marseille,
o
24 févr. 2014, Sté casino de Lamalou-les-Bains, req. n 12MA00109 , JCP Adm.,
o
n 43, 27 oct. 2014, 2296), sans que celle-ci soit toutefois d'ordre public
o
(CE 11 juill. 2014, MM. Burnet, req. n 359980 , Lebon T. 741 ; AJDA 2014.
2342 ) à la différence de la responsabilité extracontractuelle sans faute
(CE 29 nov. 1974, Époux G., Lebon 599).
252. Par ailleurs, confirmant l'idée qu'une situation d'imprévision fait peser sur
l'administration contractante, même sans clause contractuelle à cet effet, une
obligation contractuelle d'indemnisation du cocontractant, il est jugé à plusieurs
reprises par le Conseil d'État que le cocontractant d'une personne publique peut
demander à cette dernière une indemnité d'imprévision à tout moment de la vie
du contrat : en cours d'exécution de celui-ci, une fois que le contrat a pris
normalement fin (CE 12 mars 1976, Dpt des Hautes-Pyrénées c/ Sté Sofilia,
Lebon 155) et même lorsque le contrat est résilié, infirmant la thèse selon
laquelle l'indemnité d'imprévision ne serait due que si le contrat est mené jusqu'à
o
son terme normal (CE 10 févr. 2010, Sté Prest’Action, req. n 301116 , Lebon ;
AJDA 2010. 293 ; RDI 2010. 265, obs. R. Noguellou ).
ACTUALISATION
253-1. Conditions de versement d'une indemnité d'imprévision. - Une
société n'est pas fondée à solliciter le versement d'une indemnité
d'imprévision lorsque les circonstances imprévisibles ne sont pas
principalement à l'origine du déficit d'exploitation (CE 21 oct. 2019, Sté
o
Alliance, req. n 419155, Lebon ; AJDA 2019. 2087, obs. Maupin ).
255. Tel est toujours le cas, pour des contrats publics unissant, comme ici, une
collectivité publique à une entreprise privée : des guerres, des crises
économiques mondiales (celle de 1928, celle de 2008, V. CAA Marseille, 24 févr.
o
2014, Sté Casino de Lamalou-les-Bains, préc. supra, n 251), des hausses
brutales des prix des matières premières (V. M. FRANC, concl. sur CE 29 avr.
1981, M. Bernard c/ Ville de Nouméa, CJEG 1982. 9), des changements brutaux
de législation, des hausses de salaires et des charges (CE 29 mai 1991, EPA de la
o
ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, req. n 92551 , Lebon T. 1048 ;
D. 1991. Somm. 376, obs. Ph. Terneyre ), de phénomènes naturels.
o
257. Dans l'arrêt fondateur précité du « Gaz de Bordeaux » (V. supra, n 144), le
Conseil d'État avait estimé que les titulaires de contrats administratifs devaient
assumer les aléas normaux de la vie économique pouvant avoir des répercussions
sur le cours de l'exécution du contrat. En conséquence, pour que puisse jouer la
théorie de l'imprévision, les faits générateurs du bouleversement de l'économie
du contrat doivent alors déjouer toutes les prévisions qu'avaient et qu'auraient
raisonnablement pu faire les parties lors de la conclusion du contrat. Et, comme
le relève le commissaire du gouvernement M. FRANC devant la Haute assemblée,
« votre jurisprudence est sur ce point assez rigoureuse et vous recherchez si, au
moment de la conclusion du contrat, il n'y avait pas des signes avant-coureurs de
la crise » ou si « l'aléa était imprévisible pour un entrepreneur averti » (concl. sur
CE 29 avr. 1981, Bernard, CJEG 1982. 9).
– lorsque, à l'époque à laquelle a été conclu le marché, la variation des prix était
prévisible (CE 10 févr. 1943, Aurran, Lebon 36), ce qui est désormais
systématiquement le cas des variations des prix pétroliers dont il faut postuler
qu'ils sont volatils (TA Nice, 20 oct. 2006, Sté Eurovia Méditerranée, AJDA 2007.
424, concl. F. Dieu . – CAA Marseille, 3 avr. 2008, Sté Braga Vesigne, req.
o
n 06MA01355. – CAA Nancy, 27 janv. 2011, Sté Eurovia Champagne, req.
o
n 10NC00154).
259. À cet égard, s'agissant des « lois Aubry » de 1997-1998 sur la réduction du
temps de travail, celles-ci étaient « prévisibles », dans leur principe et leurs
conséquences, pour un marché conclu le 23 décembre 1998 (CAA Lyon, 27 déc.
o
2007, Sté La Rayonnante, req. n 04LY00758 ). Il en est également ainsi
lorsque, à la date de conclusion d'une concession de remonte-pente, la
désaffectation du public pour le secteur où se trouvait cette remontée mécanique
était prévisible (CE 23 janv. 1959, Cne d'Huez, Lebon 67), et lorsqu'un marché
publicitaire est conclu en mars 1999 entre la Ville de Dieppe et un prestataire et
que son exécution est affectée par l'arrêt de la liaison maritime avec l'Angleterre
à la même époque, mais prévisible par tous (CE 10 févr. 2010, Sté Prest’Action,
o
préc. supra, n 252).
262. De même encore, pour les parties à une concession de casino conclue en
2004, « la crise économique survenue en 2008 était imprévisible lors de la
conclusion du contrat et était extérieure aux parties » (CAA Marseille, 24 févr.
o
2014, Sté casino de Lamalou-les-Bains, préc. supra, n 251). En revanche, dans
cette dernière affaire, n'étaient pas imprévisibles pour un acteur économique
raisonnablement attentif à son environnement professionnel (un casinotier) le
développement des jeux en ligne et l'accroissement du contrôle du blanchiment.
263. En outre, et surtout, une indemnité d'imprévision peut quand même être
accordée pour un événement par lui-même prévisible, voire même déjà existant
au moment de la signature du contrat, si les conséquences financières de cet
événement étaient, elles, imprévisibles : ainsi, par exemple, de la taxation des
prix du gaz – prévisibles – mais dont les conséquences financières ont dépassé ce
qui était prévisible (CE 22 févr. 1963, Ville d'Avignon, Lebon 115) ; de même
pour un camping situé à Chamonix sur une zone à risque connu, mais dont les
conséquences de cette localisation se sont aggravées au fur et à mesure de
l'évolution de la réglementation applicable aux zones inondables (V. l'affaire préc.
o
« MM. Burnet », supra, n 251).
264. Comme l'a décidé le Conseil d'État en 1916 sans jamais revenir sur sa
jurisprudence, le cocontractant de l'administration doit toujours envisager un
certain aléa dans l'exécution du contrat. Ce n'est que lorsque cet aléa est dépassé
que la situation d'imprévision peut jouer. Pour reprendre une fois encore les
o
termes de l'arrêt « Gaz de Bordeaux » (préc. supra, n 144), il faut que les
circonstances imprévues entraînent des majorations du prix de revient « déjouant
tous les calculs », dépassant « certainement les limites extrêmes des majorations
ayant pu être envisagées par les parties lors de la passation du contrat ». L'état
d'imprévision n'est, de la sorte, admis que si « l'économie du contrat se trouve
absolument bouleversée ».
265. S'agissant des seuils à partir desquels le juge administratif estime que le
montant total d'un contrat public est bouleversé sur toute sa durée, on ne peut ici
faire état que de jurisprudences particulières qui, juxtaposées, révèlent
cependant certaines tendances de la part du juge.
266. Il en est ainsi « pour une hausse prétendument imprévisible des salaires qui
aurait entraîné le bouleversement de l'économie de chacun des marchés, en
admettant que l'existence de clause de variation des prix n'ait pas été de nature à
permettre de couvrir l'intégralité des hausses de salaires, l'économie des marchés
litigieux ne peut être regardée comme ayant été modifiée dans une proportion
suffisante, alors surtout que l'entreprise intéressée n'allègue aucune absence de
bénéfices au titre des années antérieures » (TA Rennes, 11 avr. 1973,
Établissements Marius Series, Lebon 780).
268. Il en est encore de l'entreprise qui « affirme avoir dû supporter des charges
extracontractuelles imprévisibles résultant d'une part de l'intervention de la loi du
16 juillet 1976 ramenant de 48 heures à 44 heures la durée hebdomadaire du
travail dans le secteur du bâtiment et d'autre part de la sècheresse de l'été
1976 ; qu'elle évalue les incidences économiques de ces événements
respectivement à 537 622 F et 101 787 F ; que cette charge supplémentaire ne
représente que 3 % environ du montant définitif du marché et ne saurait dès lors
être regardée comme ayant entraîné un bouleversement de l'équilibre financier
du marché qui, seul, aurait pu ouvrir droit à indemnité au profit de la société »
(CE 30 nov. 1990, Sté Coignet entreprise, Lebon T. 875).
269. En revanche, dans les cas où le Conseil d'État reconnaît l'existence d'une
situation d'imprévision, il ne fait – hélas pour la doctrine et les praticiens – que
constater le bouleversement de l'économie générale du contrat sans indiquer le
niveau de celui-ci au regard du montant initial du marché (V. par ex. : CE 5 févr.
1947, Cne de Villeparisis, Lebon 643. – CE 29 mai 1991, EPA de Saint-Quentin-
o
en-Yvelines, préc. supra, n 261).
272. Comme le juge de façon plus moderne le Conseil d'État, « au cas où des
circonstances imprévisibles ont pour effet de bouleverser le contrat et où les
conditions économiques nouvelles ont créé une situation définitive qui ne permet
plus au concessionnaire d'équilibrer ses dépenses avec les ressources dont il
dispose, la situation nouvelle ainsi créée constitue bien un cas de force majeure
et autorise à ce titre le concessionnaire, comme d'ailleurs le concédant, à défaut
d'un accord amiable sur une orientation nouvelle à donner à l'exploitation, à
demander au juge la résiliation de la concession avec indemnité s'il y a lieu »
o
(CE 14 juin 2000, Cne de Staffelfelden, req. n 184722 , Lebon ; D. 2000.
196 , et les obs. ; RDI 2000. 565, obs. F. Llorens ).
274. Il reste que cette présentation des choses est aujourd'hui, d'un point de vue
juridique et même de bon sens, largement inexacte. D'une part, comme on l'a
relevé, le Conseil d'État considère depuis peu que la résiliation du contrat ne fait
pas obstacle au versement d'une indemnité d'imprévision pour la période
antérieure à cette mesure (CE 10 févr. 2010, Sté Prest’Action, préc. supra,
o
n 252).
276. Bref, tout cela pour dire que cette dernière condition ne doit pas être
comprise comme obligeant le cocontractant à se ruiner pour assurer coûte que
coûte l'exécution du contrat en cas de situation économique imprévisible et
comme autorisant l'administration contractante à ne pas faire de meilleurs efforts
pour rapidement aider son cocontractant à surmonter cette situation.
Chapitre 2 - Préjudice
re
Section 1 - Preuve de l'existence d'un préjudice
278. Une partie au contrat ne peut prétendre que l'autre partie est débitrice à
son égard d'une obligation de réparation, si elle ne fait pas la preuve qu'elle a
effectivement subi un dommage. Cette règle est valable quelle que soit la partie
au contrat et quel que soit le fait dommageable qui peut en être la cause ; elle
implique, en outre, lorsque le préjudice subi recouvre une série de préjudices
distincts, que la preuve de chacun de ces préjudices soit faite séparément.
279. La preuve de l'existence d'un préjudice doit être rapportée quelle que soit la
partie cocontractante. Il ne peut être mis à la charge du cocontractant de
l'administration une obligation de réparation que si cette dernière fait la preuve
qu'elle a personnellement subi un préjudice du fait de la faute contractuelle de
son cocontractant. Cette exigence est très stricte et motive le rejet de la
demande de l'administration (V. par ex., parmi une abondante jurisprudence :
CE 26 avr. 1950, Sté Électrique de Madagascar, Lebon 235. – CE 8 avr. 1959,
SITAU de la Ville de Nice, Lebon 216. – CE 19 avr. 1961, Synd. intercommunal
d'Électrification de la région d'Olargues, Lebon 248. – CE 12 déc. 1973, Cts Stym-
Popper, Lebon T. 1039. – CE 19 mars 1982, Sté nationale de construction, Lebon
T. 677). On peut rappeler, à cet égard, que le concédant du service public ne
peut prétendre engager la responsabilité contractuelle du concessionnaire si, en
réalité, le préjudice a été causé aux usagers de la concession (CE 30 avr. 1948,
Ville de Nantes c/ Borelli, Lebon 188 : « La ville ne justifie pas d'un préjudice
distinct de celui qui a été individuellement subi par les usagers, lequel ne pouvait
donner lieu à réparation au profit de la collectivité »).
er
Art. 1 - Caractères du préjudice réparable
er
§ 1 - Le préjudice doit être certain
286. Tout d'abord, il est bien évident qu'un préjudice n'est certain que dans la
mesure où le fait générateur a pu, matériellement, causer un préjudice ; c'est
pourquoi, si le titulaire d'un contrat comportant occupation du domaine public
(exploitation d'une piscine privée) invoque la responsabilité contractuelle d'une
commune, en raison d'une de ses délibérations créant une piscine municipale,
celui-ci « ne saurait prétendre avoir subi un préjudice du fait de l'intervention de
cette délibération […] qui n'a reçu aucun commencement d'exécution » (CE 6 avr.
1979, Sté « La Plage de la Forêt », Lebon T. 882 ; AJDA 1979. 29).
293. De fait, la plupart des décisions du Conseil d'État, concernant les mesures
générales prises par l'administration contractante dans le cadre de ses pouvoirs
extracontractuels, dénient au cocontractant tout droit à indemnité en soulignant
que ces mesures « lui ont fait supporter des charges supplémentaires dans les
mêmes conditions que tous les autres commerçants, industriels ou
entrepreneurs ».
294. C'est ainsi, par exemple, que dans l'arrêt « Compagnie des Tramways
Électriques de Limoges » (CE 23 janv. 1952, Lebon 52), le Conseil d'État précise
que des mesures de délestage électrique ont fait subir au cocontractant « les
mêmes effets dans les mêmes conditions que les autres industriels et usagers de
la région et qu'ainsi le préjudice qu'il a subi ne lui est pas spécial ». De même,
dans l'affaire « secrétaire d'État aux Forces Armées » (CE 26 mars 1954,
Lebon 52), l'obligation légale de verser des cotisations sociales à un fonds de
péréquation a fait supporter « une charge supplémentaire de ce chef qui n'était
pas spéciale à l'entreprise ». Ou enfin, si un retard de paiement peut bien être la
cause d'un préjudice commercial, « il ne résulte pas de l'instruction que la
dépréciation monétaire, enregistrée durant la période pendant laquelle la
commune s'est abstenue de payer son entrepreneur, ait causé à celui-ci un
préjudice spécial et distinct de celui subi par la généralité des détenteurs de
e
créances d'argent » (CE 30 nov. 1965, [2 esp.], Cne de Bure-Les-Templiers
c/ Sieur Blanchard, Lebon 578).
er
§ 1 - Préjudice matériel
ACTUALISATION
299. Marché à bons de commande. Indemnisation en cas de
résiliation irrégulière. Détermination du montant. - Si le titulaire d'un
marché résilié irrégulièrement peut prétendre à être indemnisé de la perte du
bénéfice netdont il a été privé, il lui appartient d'établir la réalité de ce
préjudice. Dans le cas d'un marché à bons de commande dont les documents
contractuels prévoient un minimum en valeur ou en quantité, le manque à
gagner ne revêt un caractère certain qu'en ce qu'il porte sur ce minimum
o
garanti (CE 10 oct. 2018, Sté du docteur Jacques Franc, req. n 410501 ,
AJDA 2018. 1989, obs. Maupin ).
303. Il s'agit là d'un préjudice moral subi par une catégorie particulière de
cocontractants de l'administration ; mais, ici aussi, l'atteinte à ce droit doit
dépasser un certain seuil pour que le préjudice, qui en résulte, soit considéré
comme réparable.
307. C'est ainsi que le Conseil d'État juge que « si en raison de la vocation d'un
orgue installé dans un édifice destiné à accueillir des manifestations d'ordre
culturel ou artistique, le professionnel qui, en se conformant aux indications nées
d'un marché public, a opéré la restructuration complète d'un tel instrument ne
peut prétendre imposer au maître de l'ouvrage une intangibilité absolue de son
œuvre ou de l'édifice qui l'accueille, ce dernier ne peut toutefois porter atteinte au
droit de l'auteur de l'œuvre en apportant des modifications à l'ouvrage que dans
la seule mesure où elles sont rendues strictement indispensables par des
impératifs esthétiques, techniques ou de sécurité publique, légitimés par les
nécessités du service public et notamment la destination de l'instrument ou de
l'édifice ou son adaptation à des besoins nouveaux » (CE 14 juin 1999, Conseil de
o
fabrique de la Cathédrale de Strasbourg, BJCP 1999, n 7, p. 583, concl.
Combrexelle. – V. aussi CAA Nantes, 27 déc. 2002, Ville de Cholet, AJDA 2004.
2114 : les modifications apportées, en exécution d'une décision administrative,
à une œuvre architecturale peuvent constituer une atteinte au droit moral sur
leur œuvre, conféré à ses auteurs de cette œuvre par le code de la propriété
intellectuelle. Cette atteinte est de nature à ouvrir, à ces auteurs, droit à une
indemnité, lorsque les modifications excèdent celles qui sont rendues strictement
indispensables, notamment, par les nécessités du service public. – CE 11 sept.
o o
2006, Agopyan, req. n 265174 , BJCP 2006, n 49, p. 432, concl. Casas : un
architecte a un droit moral sur son œuvre. L'ouvrage n'est pas pour autant
intangible, mais le maître de l'ouvrage ne peut y apporter que des modifications
rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques, techniques ou
de sécurité publique légitimés par les nécessités du service public. En l'absence
de justification du caractère indispensable des modifications apportées au stade
de football de Nantes par le maître de l'ouvrage, l'architecte a droit à être
indemnisé du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à son droit moral sur son
œuvre).
308. Sur le fond, ces solutions sont toujours pertinentes mais elles relèvent
désormais de la compétence de la juridiction judiciaire. En effet, depuis que
l'article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle (tel qu'il résulte de l'article
o
196 de la loi n 2011-525 du 17 mai 2011) a confié aux juridictions judiciaires
« les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et
artistique », le Tribunal des conflits juge que « la recherche de la responsabilité
contractuelle des personnes morales de droit public en matière de propriété
littéraire et artistique relève de la compétence des juridictions de l'ordre
o
judiciaire » (T. confl. 7 juill. 2014, M. Minisini, req. n 3955 , Lebon ; AJDA
2014. 1463 ; AJDA 2014. 2364, note J.-M. Pontier ; RDI 2015. 180, obs.
N. Foulquier ; RTD com. 2014. 611, obs. F. Pollaud-Dulian ), exceptée lorsque
la demande tend à l'exécution de travaux en réparation de ce préjudice moral, si
l'immeuble a le caractère d'un ouvrage public (T. confl. 5 sept. 2016, Assoc.
o
Philarmonie de Paris, req. n 4069 , Lebon ; AJDA 2016. 1662 ; AJCT 2017.
108, obs. P. Noual ; RTD com. 2016. 747, obs. F. Pollaud-Dulian ).
310. Par ailleurs, et surtout, la notion de causalité doit être bien précisée, car elle
recouvre en droit administratif une double notion inhérente à la théorie de
l'imputabilité. À cet égard, certaines analyses privatistes permettent de mieux
comprendre les données du problème.
re
Section 1 - Nécessité du lien de causalité
315. En matière contractuelle, l'existence d'un lien de cause à effet entre le fait
dommageable et le préjudice subi par le cocontractant est une condition
également nécessaire à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle des
collectivités publiques. En l'absence d'un tel lien, le juge du contrat n'examinera
même pas l'existence ou l'inexistence d'un lien d'imputabilité. Le Conseil d'État a,
maintes fois, rappelé cette condition, en mêlant d'ailleurs étroitement causalité et
imputabilité.
316. C'est ainsi, par exemple, que la Haute Assemblée relève, dans l'arrêt
« Société des Établissements Hugues et Cie » (CE 16 juin 1954, Lebon 355), que
« tous ces faits (imputables à l'administration contractante) ont “causé” à
l'entrepreneur un préjudice ». De même, en matière de résiliation, la
responsabilité de l'administration ne saurait être engagée que s'il existe bien un
lien de cause à effet entre l'interruption du contrat et le préjudice subi. Dans un
arrêt « Société Les Avions de Leseurre » (CE 23 juill. 1952, RD publ. 1953. 194),
le Conseil d'État dénie, ainsi, tout droit à indemnité au titulaire d'un marché de
fournitures de matériel aérien pour un préjudice qui « est imputable soit au
bombardement, soit à des pillages en cours de transport […]. L'indemnité de
résiliation ne saurait être affectée par ces événements qui ne sont pas la
conséquence directe et nécessaire de l'arrêt du marché » (le requérant ne
pouvant alors prétendre à être indemnisé du préjudice subi au titre de la
législation sur les dommages de guerre. – V. aussi CAA Lyon, 23 sept. 1997, Min.
o
Équipement c/ CCI de Nice, req. n 94LY01164 , Lebon T. 932 : dès lors que
l'État n'était pas en situation de refuser nécessairement des demandes
d'autorisation qui auraient été présentées par les sociétés privées concurrentes,
cette carence ne peut cependant pas être regardée comme directement à l'origine
du préjudice d'exploitation allégué par le concessionnaire, qui peut seulement
prétendre à obtenir réparation du préjudice né des pertes de redevances
o
auxquelles il avait droit. – CE 13 juin 2012, Sté Fouchard, req. n 343788 , « la
société titulaire d'un marché public a droit à l'indemnisation intégrale des
préjudices subis du fait de retards dans l'exécution du marché imputables au
maître de l'ouvrage ou à ses autres cocontractants et distincts de l'allongement
de la durée du chantier lié à la réalisation de travaux supplémentaires, dès lors
que ce préjudice apparaît certain et présente avec ces retards un lien de causalité
directe »).
320. C'est ainsi que dans une affaire où le requérant soutenait que des retards
de paiement (du dixième du prix du marché, seulement) lui avaient causé de
graves difficultés financières, le juge du contrat relève « qu'il ne résulte pas des
pièces du dossier que ces difficultés aient eu pour cause le retard apporté à lui
verser le solde du marché […] alors même que la société reconnaît qu'elle a été
titulaire [pendant cette période de retard] d'autres marchés » (CE 5 mai 1961,
Min. de la Construction c/ Sté Cuillerai, Lebon 303). En revanche, lorsqu'un
« ensemble de circonstances » laisse penser que ces difficultés financières sont
vraiment dues à des comportements fautifs de l'administration, le juge
administratif reconnaît l'existence d'un lien de causalité entre ces fautes et les
difficultés de trésorerie. C'est ainsi que dans l'affaire « ministre de la Défense
c/ Laboratoires R. Derveaux » (CE 20 févr. 1976, RD publ. 1976. 1538), le
Conseil d'État, après avoir relevé que l'administration avait manqué à nombre de
ses obligations contractuelles de nature financière, et sefondant sur les
conclusions unanimes des trois experts désignés par le tribunal administratif,
impute « la crise de trésorerie, subie par la Société Derveaux, au comportement
des services de l'aéronautique militaire à son égard ».
323. En second lieu, le demandeur devra déterminer avec précision quels sont les
différents éléments permettant « la réparation du préjudice subi ».
er
Chapitre 1 - Débiteur de l'obligation de réparation
contractuelle
re
Section 1 - Obligation à la dette
er
Art. 1 - Le contractant, auteur du fait générateur, seul obligé à la dette
er
§ 1 - Principes : théorie de l'imputabilité
329. Dans la plupart des cas, cette imputabilité est « évidente » et n'est relevée
que de façon implicite par le juge du contrat qui l'assimile d'ailleurs alors au lien
de causalité. Mais il arrive parfois à la Haute Assemblée, généralement lorsque le
lien d'imputabilité n'est pas établi, de rappeler de la façon la plus nette cette
condition : l'administration n'est tenue d'indemniser son cocontractant des
conséquences dommageables d'un retard de paiement ou d'un dépassement des
délais d'exécution que si ces retards lui sont imputables (CE 5 juin 1957, Sté
Georges et Cie, Lebon 382. – CE 4 juill. 1957, Sté Niortaise de Constructions
Mécaniques, Lebon 443. – CE 11 juill. 1960, Sté Les Fils de Braneyre, Lebon
T. 1051. – CE 3 mai 1961, Sté Ets Thomas Kotland, Lebon 290) et l'on ne saurait
imputer à l'administration contractante l'échec des pourparlers ultérieurs, prévus
par le contrat, lorsque cette dernière est intervenue dans le sens des intérêts du
cocontractant (CE 18 mars 1959, Sieur Peter et ONN, Lebon 189). De même, le
retard dans l'exécution de travaux confiés à une société étant imputable, d'une
part, à des faits du maître de l'ouvrage, d'autre part, à une erreur des architectes
ainsi qu'aux retards apportés par d'autres entreprises cocontractantes dans
l'exécution des ouvrages dont elles avaient la charge, il n'y a pas de
responsabilité de la société à l'égard du maître de l'ouvrage à raison de ce retard
(CE 28 janv. 1976, Sté des ateliers Delestrade Ramser Comte réunis, Lebon 68
).
334. c) Enfin, si le fait dommageable ne doit pas être imputable à une personne
publique autre que la collectivité contractante, il ne doit pas, bien entendu, non
plus être imputable à une autorité étrangère (non française) ; si, au cours de
l'exécution d'un contrat administratif entre une personne publique française et un
cocontractant français, ce dernier subit un dommage du fait d'une autorité
étrangère, la responsabilité contractuelle de l'administration française ne saurait
être engagée.
338. En droit privé, le débiteur est responsable des faits des personnes qui
participent à l'exécution de ses obligations contractuelles. Il existe ainsi un
principe général de responsabilité contractuelle du fait d'autrui : les représentés
sont contractuellement responsables du dommage causé par leurs représentants
dans l'exécution de l'obligation contractuelle du représenté.
342. Celle-ci peut comporter d'autres aménagements. Elle peut stipuler que, pour
les circonstances antérieures à la cession, le cédant reste titulaire de l'obligation
de réparer (aussi bien que du droit à réparation). Elle peut également prévoir que
le cédant reste, après la cession, garant de l'exécution du contrat par le
cessionnaire, et continue donc à assumer la responsabilité pouvant découler de la
mauvaise exécution du contrat (CE 24 juin 1927, Ville de Castelnaudary,
er
S. 1927. 3. 90. – 1 mars 1940, Sté ouvrière d'entreprise de maçonnerie et
parties similaires, Lebon 86). En revanche, le cessionnaire du titulaire d'un
marché public faisant l'objet d'une procédure judiciaire qui, en vertu du jugement
prononçant la cession, ne reprend que l'actif à l'exclusion de tout élément du
passif ne peut être tenu de réparer sur le terrain de la responsabilité contractuelle
les désordres imputables à son auteur (CAA Paris, 27 sept. 2001, Centre
o
hospitalier Paul Guiraud, Contrats Marchés publ. 2002, n 12).
er
§ 1 - Fait de force majeure
347. La force majeure est exonératoire dans tous les systèmes de responsabilité,
civile et administrative, pour faute et sans faute. Spécialement, elle rompt le lien
de causalité entre la faute commise par l'un des cocontractants et le préjudice
subi par l'autre, de la même manière qu'elle excuse celui des cocontractants
qu'elle a empêché d'exécuter ses obligations contractuelles. Elle peut donc aussi
bien retirer à l'inexécution du contrat son caractère fautif, qu'au préjudice qui en
est résulté, son caractère direct. Selon le nouvel article 1231-1 du code civil, le
débiteur de l'obligation de réparation contractuelle n'est relevé de cette obligation
que s'il « justifie que l'exécution (du contrat) a été empêchée par la force
majeure ».
348. Il faut observer ici que, dans les contrats administratifs, la force majeure
peut avoir d'autres effets, notamment celui d'entraîner la résiliation du contrat,
spécialement en liaison avec la théorie de l'imprévision. Ainsi, au cas où des
circonstances imprévisibles ont eu pour effet de bouleverser le contrat et que les
conditions économiques nouvelles ont en outre créé une situation définitive qui ne
permet plus au concessionnaire d'équilibrer ses dépenses avec les ressources
dont il dispose, la situation nouvelle ainsi créée constitue un cas de force majeure
et autorise à ce titre le concessionnaire, comme d'ailleurs le concédant, à défaut
d'un accord amiable sur une orientation nouvelle à donner à l'exploitation, à
demander au juge la résiliation de la concession, avec indemnité s'il y a lieu, et
en tenant compte tant des stipulations du contrat que de toutes les circonstances
o
de l'affaire (CE 14 juin 2000, Cne de Staffelfelden, BJCP 2000, n 13, p. 434,
concl. Bergeal).
A - Extériorité
351. Pour qu'il y ait force majeure, il faut tout d'abord que l'événement dont se
prévaut le cocontractant pour s'exonérer de sa responsabilité lui soit extérieur,
qu'il soit indépendant de sa volonté et de son activité. Cette condition est
particulièrement en cause à propos des relations entre le cocontractant et
d'autres personnes, notamment ses employés, ses fournisseurs et sous-traitants.
Ces différentes personnes, en raison des liens qui les unissent au cocontractant,
ne sont pas exactement des tiers pour celui-ci ; il peut agir sur elles ; son propre
comportement peut avoir déterminé le leur. Dès lors, la force majeure, faute
d'extériorité par rapport au cocontractant, peut ne pas se trouver accomplie.
354. Lorsque le contrat est conclu avec l'État et que le fait de force majeure est
imputable à un changement de législation ou de réglementation
gouvernementale, la condition d'extériorité n'est pas remplie (CAA Paris, 25 mai
1993, Sté Renoveco, Lebon T. 874 ).
B - Imprévisibilité
359. Cependant, avec l'arrêt Société GTM, le Conseil d'État vient tempérer ces
solutions très sévères : il y est dit en effet que l'inondation en question « est
exclusivement imputable à la conjonction exceptionnelle d'une pluviosité d'une
extrême intensité, d'une crue importante de la Garonne et d'une marée
particulièrement forte, conjonction qui doit être assimilée à un cas de force
majeure ». En d'autres termes, pris en eux-mêmes, chacun de ces phénomènes
n'était pas imprévisible mais, « conjugués », ils devaient être assimilés à un cas
de force majeur puisqu'au demeurant – même si le juge ne le dit pas – la
probabilité de survenance d'un tel concours de circonstances est d'ordre
centenaire (CE 27 mars 1987, D. 1987. Somm. 434, obs. Terneyre. – V. aussi
o
CE 15 nov. 2017, Sté Swisslife Assurances de biens et autres, req. n 403367 ,
Lebon ; AJDA 2017. 2278 , « conjonction exceptionnelle de phénomènes de
grande intensité », à propos de pluies dans le sud-est de la France en décembre
2003).
C - Irrésistibilité
365. Par ailleurs, ces clauses exigent le plus souvent des conditions de forme que
le cocontractant doit strictement respecter ; faute d'avoir réclamé dans les délais
prévus, le cocontractant ne peut se prévaloir de la force majeure (CE 17 nov.
1920, Rigaud, Lebon 967. – CE 22 juill. 1931, Min. de la Guerre,
Lebon 811. – CE 10 déc. 1938, Sté Entreprise Coop française,
Lebon 930. – CE 29 juill. 1943, Sté des Ateliers de Wagons de Brignond,
Lebon 220. – CE 3 nov. 1950, Min. de la Guerre, Lebon 530. – CE 12 juill. 1969,
Sté Schwenck Frères, Lebon 405 ). Il ne pourrait en être autrement qu'en cas
d'irrégularités excusables, car minimes (TA Dijon, 17 juill. 1967, Entreprise Frot
et Plisson, Lebon 602), et surtout lorsque l'administration a connu, dès qu'ils se
sont produits, les événements de force majeure et a prescrit diverses mesures
pour y faire face ; dans ces conditions, cela « n'autorise pas l'administration à
refuser de prendre à sa charge les conséquences onéreuses de mesures qu'elle a
été amenée à prescrire » en raison du fait que « l'entrepreneur n'aurait pas jugé
utile de faire constater l'existence du cas de force majeure dans les formes
définies au cahier des charges » (CE 29 avr. 1959, Min. des Forces Armées c/ Sté
Robinet et Fils, Lebon T. 1036).
366. En troisième lieu, il semble que, dans certaines affaires, le juge administratif
du contrat soit moins exigeant dans la réunion des éléments constitutifs de la
force majeure dans le seul but de faire bénéficier le cocontractant d'un droit à
indemnité. C'est ainsi, par exemple, que dans une affaire où des pluies
présentaient le caractère d'un événement de force majeure « en raison de leur
abondance et de leur durée exceptionnelle » (huit mois) et ouvraient ainsi droit à
indemnité au profit du requérant, le Conseil d'État a, compte tenu des
circonstances de l'affaire, manifestement privilégié la condition d'imprévisibilité et
minoré celle d'irrésistibilité (CE 19 févr. 1975, Min. d'État chargé de la Défense
nationale, Lebon 143 ) ; de plus, cette attitude « bienveillante » est confirmée
dans cette même affaire, lorsque la Haute Assemblée, pour faire jouer la clause
d'indemnité, est allée jusqu'à reconnaître « qu'une erreur de conception de
l'administration, rendant inévitables les désordres, était assimilable à la force
majeure ».
368. Il faut, dès lors, considérer que ces clauses ont pour objet essentiel
d'assurer la continuité du service public exécuté par le cocontractant en lui
attribuant une indemnité compensatrice lorsque cette continuité est affectée par
un cas de force majeure, mais qu'elles ne sauraient jouer en toutes
circonstances, notamment lorsque la force majeure rend toute exécution
définitivement impossible (pour un exemple d'application de cette clause,
o o
V. CE 11 déc. 1991, SARL Sonexa, req. n 81588 , préc. supra, n 357 : en
l'espèce, la société avait droit, en application du cahier des clauses
administratives générales, à la réparation des pertes de matériel directement
provoquées par la force majeure. Elle a eu droit en conséquence au paiement de
la valeur non amortie, appréciée à la date du sinistre, du matériel perdu. En
revanche, elle ne pouvait prétendre à l'indemnisation du manque à gagner, qui
est imputable à la résiliation du contrat, ni, faute de justifications permettant
d'apprécier le bien-fondé de sa demande, au paiement de sommes que l'une des
sociétés représentées a dû régler à l'union pour le recouvrement de la sécurité
sociale et des allocations familiales. Elle n'aurait pu non plus prétendre en ce qui
la concerne, ainsi d'ailleurs que les sous-traitants, à l'indemnisation des pertes,
qui ne sont pas directement imputables au sinistre, engendrées par les
immobilisations de matériel et de personnel provoquées par la désorganisation du
chantier. Il en est de même des frais d'études du marché).
370. Le fait d'un cocontractant n'est, au sens strict, une cause d'exonération de
la responsabilité de l'autre que lorsqu'il apparaît comme ayant lui-même
contribué à la réalisation du préjudice dont se plaint le cocontractant qui l'a
accompli. Même si un premier contractant a commis une faute vis-à-vis du
second, le rôle qu'a joué celui-ci dans la réalisation de son propre préjudice rompt
le lien de causalité nécessaire pour que la responsabilité du premier soit engagée.
371. Le fait du cocontractant est, le plus souvent, fautif, qu'il émane du
contractant de l'administration ou de l'administration contractante. Au premier, il
est reproché d'avoir, par ses propres manquements, contribué à la réalisation du
dommage. Ainsi, avant la conclusion du contrat, il n'a pas accompli les diligences
qui lui auraient permis d'éviter certains inconvénients (V. par ex. CE 11 juill.
1960, OPHLM de la Seine c/ Sté entreprise Labalette, RD publ. 1961.
403. – CE 19 mars 1969, Cne de La Colle-sur-Loup, RD publ. 1969.
1148. – CE 8 nov. 1972, SARL Tubes et Tuyaux de Toulouse-Auterive, RD publ.
1974. 1173. – CE 11 févr. 1983, Sté Entreprise Caroni, Lebon 60). Au cours de
l'exécution du contrat, négativement, il n'a pas pris les précautions nécessaires
pour empêcher certains dégâts ou, positivement, il a adopté des mesures qui en
ont provoqué d'autres (parmi de nombreux exemples, V. CE 24 juin 1953,
Boumier, RD publ. 1954. 197. – CE 31 mars 1954, Entreprise Macquart et Cie,
Lebon 198 ; AJDA 1955. 226, note J. A. – CE 15 avr. 1959, Ville de Puteaux
c/ Schwab, Lebon 236. – CE 25 oct. 1961, ASR de Blois, Lebon 582. – CE 20 déc.
1961, Jacquet, Lebon 722. – CE 16 févr. 1962, Secr. d'État aux PTT, RD publ.
1962. 1024. – CE 13 mars 1963, Sté Deromedi, Lebon 160. – CE 24 janv. 1975,
Clerc-Renaud, Lebon 55. – CE 4 juill. 1975, Sté générale technique, Lebon
T. 1132. – CE 20 févr. 1976, Min. Défense c/ Laboratoires R. Derveaux,
Lebon 110. – CE 11 févr. 1983, Sté Entreprise Caromi, Lebon 60. – CE 8 nov.
1985, Entreprise Ozilou, Lebon 317 : résiliation du contrat prononcée par
l'administration irrégulièrement en la forme, mais justifiée quant au fond par les
fautes du cocontractant).
377. Il n'est pas possible de trouver une clef rigoureuse et unique qui permette
de déterminer de manière générale dans quelle proportion le fait du cocontractant
atténue la responsabilité de celui dont la faute est invoquée. La répartition peut
se faire par moitié (V. par ex. CE 31 mars 1954, Entreprise Macquart et Cie,
Lebon 198. – CE 13 mars 1963, Sté Deromedi, Lebon 160. – CE 8 nov. 1963, Cne
de Castelmoron-sur-Lot, Lebon 544. – CE 20 févr. 1976, Min. Défense
c/ Laboratoires R. Derveaux, Lebon 110). Elle peut comporter aussi des
proportions très différentes : 1/3-2/3 (CE 20 déc. 1961, Jacquet, Lebon 722) ;
2/5-3/5 (CE 19 janv. 1972, OPHLM de Romainville, RD publ. 1973. 289) ; 1/10-
9/10 (CE 16 juin 1954, Sté des Ets Hughes et Cie et Secr. d'État aux Forces
o
armées, Lebon 355. – CE 6 mai 1977, Ville d'Amiens, Dr. adm. 1977, n 177).
Tout est question d'espèce : c'est au juge qu'il revient de faire « une exacte
appréciation » ou « une juste appréciation » de la part de responsabilité encourue
par les deux parties, selon les formules qu'il emploie couramment.
378. Le cas fortuit, c'est-à-dire le fait accidentel dont la cause est inconnue, ne
permet pas d'engager la responsabilité contractuelle du débiteur dès lors que la
cause de sa faute n'est pas administrée (V. CE 14 mai 1990, CGEE, req.
os
n 80614 et 80840, D. 1991. Somm. 105, obs. Terneyre . – TA Nice, 8 janv.
o o
2008, CCI Nice-Côte d'Azur, req. n 0403324, BJCP 2008, n 57, p. 99, concl.
Dieu).
379. De manière générale, le fait du tiers n'est pas une cause d'exonération dans
la responsabilité contractuelle. Le Conseil d'État a eu l'occasion de rappeler ce
principe dans un arrêt « Commune de Gagnac-sur-Cère » (CE 27 mai 1988,
D. 1988. 465, note Terneyre : en l'état d'une convention conclue entre une
commune et le Fonds forestier national qui prévoit que lorsque des dommages
sont causés aux peuplements forestiers effectués par la commune grâce à un prêt
consenti par le Fonds, avant que la commune ait intégralement remboursé sa
dette, le Fonds est fondé à exiger le montant de la fraction restant due de sa
créance, la circonstance que la commune ne serait pas l'auteur des dommages ne
fait pas obstacle à ce que le Fonds lui réclame, en sa qualité de cocontractant, la
e
fraction de la créance qu'il détient sur elle) ou dans l’arrêt « M Muriel Amauger »
o
(CE 24 nov. 2010, req. n 328189 , Lebon ; AJDA 2010. 2289 ; BJCP 2011,
o
n 74, p. 18, concl. N. Boulouis, dans le cadre de l'exécution d'un marché public
industriel).
380. Le tiers au contrat conclu avec une personne publique peut ainsi lui-même
être lié à cette personne publique par un autre contrat.
381. Il importe peu que la personne publique contractante ait passé, pour la
réalisation de la même activité, plusieurs contrats avec des cocontractants
différents, qui ne sont pas eux-mêmes liés contractuellement :
fondamentalement, ils restent tiers par rapport aux contrats qu'a passés leur
administration contractante avec d'autres personnes. Le fait de ces autres
personnes n'est pas exonératoire ni de leur propre faute, ni de celle de
l'administration. Ainsi, en particulier, un constructeur ne peut se prévaloir des
fautes d'un autre constructeur dès lors que sa propre faute a contribué à la
réalisation du dommage (V. en ce sens, not. CE 27 févr. 1974, Cne de Gouaux,
Lebon 153 : « le constructeur dont la responsabilité est recherchée… n'est
fondé à se prévaloir vis-à-vis du maître de l'ouvrage de l'imputabilité à un autre
constructeur, cocontractant du maître de l'ouvrage, de tout ou partie des
désordres litigieux et à demander en conséquence que sa responsabilité soit
écartée ou limitée, que dans la mesure où ces désordres ou cette partie des
désordres ne lui sont pas également imputables ». – V. aussi CE 10 juill. 1974,
Descottes-Genon, Lebon 423. – CE 2 juill. 1975, Cie d'assurances la Protectrice,
Lebon 402). Notamment, l'entrepreneur ne saurait se dégager de sa propre
responsabilité en invoquant la faute de l'architecte (V. par ex. CE 8 mars 1961,
Sté les Charpentiers de Paris et Hillion, Lebon 169. – CE 25 mai 1966, Sté
anonyme de constructions industrielles publiques et privées, Lebon 364), ni
l'architecte se dégager de la sienne en invoquant les fautes de l'entrepreneur
(V. par ex. CE 10 nov. 1967, Sauvan et Mutuelle des architectes français,
Lebon 424). À l'inverse, l'administration ne peut se retrancher derrière les fautes
d'une entreprise pour chercher à s'exonérer des retards qui lui sont imputables
(CE 17 nov. 1967, Sté des ateliers de construction Nicou et Cie, Lebon 429 ;
AJDA 1968. 309, concl. Dutheillet de Lamothe ; RD publ. 1968. 401, note
Waline. – Dans le même sens, CE 30 nov. 1938, Roudier,
Lebon 900. – CE 29 juill. 1943, Villemain, Lebon 219. – CE 25 févr. 1949, Ville de
Melun, Lebon 94).
382. Les mêmes solutions sont reprises lorsque c'est le cocontractant de
l'administration lui-même qui passe un contrat avec une autre personne pour
l'exécution de son contrat. Le cocontractant du cocontractant de l'administration
est un tiers à la fois par rapport à celle-ci et au contrat qu'elle a conclu ; il n'est
pas un tiers par rapport au cocontractant de l'administration puisqu'il est lié à lui
par contrat. L'exemple classique de cette hypothèse est celui des sous-traitants
des entrepreneurs ou fournisseurs de l'administration auxquels ces entrepreneurs
ou fournisseurs confient l'exécution d'une partie de leur marché. Il peut
également s'agir de cocontractants qui ne sont même pas des sous-traitants : les
entrepreneurs et fournisseurs peuvent passer des sous-commandes ou
commandes secondaires auprès de fabricants de matériaux ou de marchandises
nécessaires à l'exécution de leur marché ; il s'agit de contrats d'achat dont les
exécutants n'ont pas la qualité de sous-traitants. Ils sont, si l'on peut dire, encore
plus tiers par rapport à l'administration qui a conclu le marché initial avec
l'entrepreneur ou le fournisseur, car ils ne sont pas chargés de l'exécution de ce
marché.
385. Dans de telles hypothèses, le fait des tiers n'est pas une cause
d'exonération de la responsabilité du cocontractant : plus radicalement, il révèle
que ce cocontractant n'a pas lui-même commis de faute et que le préjudice dont
se plaint l'autre partie n'est pas résulté du comportement reproché au
cocontractant (V. CE 29 juill. 1983, Bouget, Lebon 349 ; CJEG 1984. 11, concl.
Labetoulle).
er
Art. 1 - Situations ordinaires
388. De façon générale, le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics
et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence
de la juridiction administrative, quel que soit le fondement juridique de l'action
engagée, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé
o
(T. confl. 2 juin 2008, Souscripteurs des Lloyds de Londres, n 3621 ,
o
Lebon 555 . – T. confl. 28 mars 2011, Cne de la Clusaz, n 3773 ), en
particulier les constructeurs avec leurs sous-traitants (T. confl. 16 nov. 2015,
o
Métropole européenne de Lille, req. n 4029, Lebon 755 ; AJDA 2015. 2237 ;
AJCT 2016. 223, obs. S. Hul ).
ACTUALISATION
391. Action en paiement direct d'un sous-traitant contre le
mandataire du maître d'ouvrage. - Le Conseil d'État précise à quelles
conditions le juge saisi d'une action en paiement direct d'un sous-traitant
accepté peut mettre à la charge du mandataire du maître d'ouvrage le
paiement des sommes dues. Il peut le faire « si et dans la mesure où il
résulte de l'instruction devant lui que ce versement est au nombre des
missions qui incombent au mandataire en vertu du contrat qu'il a conclu avec
le maître d'ouvrage ». De plus, « il en va de même lorsque le sous-traitant
demande, en application des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du
code de justice administrative, une provision » (CE 18 sept. 2019, Sté
o
communale de Saint-Martin dite Semsamar, req. n 425716, Lebon ; AJDA
2019. 1838, obs. Maupin ).
er
§ 1 - Pluralité de contractants liée à une pluralité de contrats
405. Les clauses de solidarité sont des clauses par lesquelles les cocontractants,
se déclarant solidaires, s'engagent à assurer non seulement les obligations qui
sont mises à la charge de chacun d'eux, mais encore celles des autres ;
conséquemment, lorsque l'un des contractants solidaires a manqué à ses
obligations, les autres doivent réparer le préjudice qui en résulte pour la partie
cotractante à l'égard de laquelle avait été souscrite cette obligation.
406. De telles clauses sont fréquentes dans les marchés publics : ainsi le CCAG
applicable aux marchés de travaux prévoit, à l'article 2.31, que « les
entrepreneurs groupés sont solidaires lorsque chacun d'eux est engagé pour la
totalité du marché et doit pallier une éventuelle défaillance de ses partenaires » ;
même lorsque les entrepreneurs sont seulement conjoints, « l'un d'entre eux,
désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, est solidaire de chacun des
autres dans les obligations contractuelles de celui-ci à l'égard du maître de
l'ouvrage ».
407. La solidarité ainsi convenue peut être de deux types : il peut s'agir d'une
solidarité parfaite ou seulement d'une obligation in solidum.
409. Le contrat peut limiter la solidarité des parties à une obligation in solidum,
qui a les mêmes caractéristiques que l'obligation in solidum pouvant, même en
l'absence de stipulation contractuelle, lier les contractants à raison de leurs fautes
indissociables ou communes. Il permet encore au créancier de poursuivre chacun
des codébiteurs pour le tout et le paiement effectué par l'un d'eux libère les
autres vis-à-vis du créancier. Mais les effets secondaires de la solidarité parfaite
ne se produisent pas.
411. Mais, dans tous les cas, quel que soit le degré de perfection de la clause,
chacun des cocontractants auxquels elle s'applique est tenu d'assurer la
réparation du préjudice subi par celui au profit duquel elle a été stipulée
(CE 29 juill. 1983, Bouget, Lebon 349 . – CE 15 juin 1983, Sté Entreprise
Solétanche, Lebon 258 ). C'est seulement au cas où la clause ne couvrirait pas
la totalité des prestations qui font l'objet du contrat, qu'elle ne pourrait leur être
opposée pour des préjudices échappant à son champ d'application (CE 25 juill.
1980, Ville de Saint-Ouen-l'Aumône, Lebon 342 ).
re
Section 1 - Modalités de fond
414. Il n'est pas exclu que la réparation puisse être effectuée en nature, mais ce
ne peut être que dans certaines hypothèses. Le plus souvent, la réparation est
effectuée en argent, ce qui soulève nombre de questions à propos de la fixation
de la somme due au contractant qui a droit à une indemnité.
er
Art. 1 - Réparation en nature
er
§ 1 - Réparation en nature par l'administration cocontractante
427. La réparation en argent est constituée, c'est une évidence, par l'attribution
d'une somme d'argent – les dommages-intérêts – à la victime du préjudice. La
question essentielle de la réparation en argent est celle de la détermination du
montant de l'indemnité ainsi allouée à la victime. En l'absence de stipulations
particulières dans le contrat à ce sujet, il faut appliquer les règles de droit
commun. Mais les parties peuvent avoir convenu du montant des sommes qui
seraient dues au cocontractant.
§ 2 - TVA
§ 3 - Intérêts
439. Ils ne sont dus que si leur créancier les réclame expressément par une
sommation de payer. Celle-ci peut prendre plusieurs formes. Elle peut être
constituée par une simple mise en demeure (CE 16 févr. 1917, Cie des chargeurs
réunis c/ État, Lebon 168. – CE, sect., 8 juin 1973, Dijon et Min. Anciens
combattants, Lebon 409), par une assignation en justice, aussi bien d'ailleurs
devant une juridiction compétente (CE 21 mai 1931, Malatrez, Lebon 560. –
CE 30 mars 1938, Sinapi, Lebon 331. – CE 11 févr. 1970, Bortuzzo et Martin
Bellet, Lebon 107) que devant une juridiction incompétente (CE 26 juill. 1918,
Épx Lemonnier, Lebon 761 . – CE 9 juill. 1969, Assoc. syndicale de
reconstruction de Bordeaux c/ de Lascoups, Lebon T. 885).
440. Si la sommation de payer est ainsi nécessaire pour que les intérêts
moratoires soient dus, à partir de quelle date commencent-ils à courir ? Il faut
distinguer selon que la sommation de payer est faite par une mise en demeure ou
par une demande en justice. Dans le premier cas, ils courent du jour de la mise
en demeure ou, plus exactement, du jour où le débiteur en a eu connaissance.
Dans le second cas, la jurisprudence a adopté successivement des solutions
différentes (AUBIN, concl. sur CE, sect., 28 nov. 1975, Ville de Douai,
Lebon 604 . – MODERNE, note sous CE 23 juill. 1974, Min. Éducation nationale
c/ Union des travaux et d'entreprises, JCP 1975. II. 18122). Elle a d'abord admis
que les intérêts moratoires couraient à partir de la demande en justice (CE 3 déc.
1958, Min. Industrie et commerce c/ Sté Entreprise Lajoinie, Lebon T. 950). Puis
le Conseil d'État a considéré qu'ils ne couraient que du jour où l'évaluation du
préjudice principal, auquel doivent s'ajouter les intérêts moratoires, pouvait être
effectuée (CE 21 juill. 1970, Rinaudo, Lebon T. 1207). Désormais, par son arrêt
précité du 28 novembre 1975, Ville de Douai, le Conseil d'État est revenu à une
solution plus générale : les intérêts courent de la demande introductive
d'instance ; si, à cette date, le demandeur n'avait encore droit à aucune somme
principale, les intérêts partiront du jour où sa créance principale sera née
(CE 29 janv. 1971, Cie d'entreprises électriques mécaniques de travaux publics,
Lebon T. 1110).
441. Le taux des intérêts moratoires est le taux légal. Selon l'article L. 313-3 du
code monétaire et financier, il est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai
de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire,
fût-ce par provision (CE 26 mai 1982, Ville de Chamonix-Mont-Blanc et autres,
Lebon T. 672), c'est-à-dire à compter de la notification de la décision à la partie
o
débitrice (CE 18 mai 2011, Sté Seg Fayart, req. n 344394). Toutefois, parce que
l'article L. 313-3 précité précise que « le juge de l'exécution peut, à la demande
du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur,
exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant », le Conseil
d'État, ayant constaté que « l'emprunt requis pour payer le solde des sommes
dues pèsera lourdement et pour de longues années sur les finances de la
commune, qui a moins de 1 200 habitants », accorde à la commune la réduction
d'un tiers de la majoration de cinq points du taux d'intérêt légal (CE 16 déc.
o
2009, Cne de Saint-Paul-en-Pareds, req. n 309774 , AJDA 2009. 2435 ).
444. Mais outre les intérêts moratoires, des intérêts compensatoires peuvent être
dus pour couvrir le préjudice, indépendamment du retard à payer la dette, causé
par la mauvaise foi du débiteur. Ici encore, la solution est établie par le dernier
alinéa de l'article 1153 du code civil. Il ne s'agit plus d'intérêts au sens strict – qui
ne se rapportent qu'au produit du principal – mais de dommages-intérêts
destinés à réparer un préjudice qui présente tous les caractères nécessaires pour
ouvrir droit à réparation et qui résulte d'une faute grave du cocontractant : cette
condition est réalisée par un mauvais vouloir systématique (V. CE 14 avr. 1948,
Barbe, Lebon 159. – CE 9 nov. 1949, Marquis c/ Ville de Nanterre, Lebon 467. –
CE, ass., 28 juill. 1951, Delville, Lebon 465. – CE 5 juin 1957, Simon, AJDA 1957.
373. – Du même jour, Sté Georges et Cie, Lebon 382. – CE 4 juill. 1957, Sté
niortaise de constructions mécaniques, Lebon 443. – CE 8 mars 1961, Sté
Entreprise générale de bâtiment et de travaux publics Cassigneul,
Lebon 160. – CE 19 déc. 1962, Sté anonyme d'ameublement métallique
corrézien, Lebon T. 1026. – CE 22 mai 1968, Sté nouvelle des entreprises
électriques Coopelec, Lebon 326. – CE 30 janv. 1974, Sté Di Placido et Cie, Lebon
T. 1053. – CE 26 nov. 1975, Sté Entreprise Py, Lebon T. 1136. – CE 17 nov.
o
2008, Entreprise Aubelec et autre, req. n 294215 ). Les dommages-intérêts
compensatoires sont eux-mêmes susceptibles de donner lieu à des intérêts
moratoires et à la capitalisation de ceux-ci.
445. La capitalisation des intérêts est, comme les intérêts eux-mêmes, réglée par
le code civil, dont l'article 1343-2 dispose : « Les intérêts échus, dus au moins
pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une
décision de justice le précise ». Cette dernière condition est constamment
appliquée (V. par ex. CE 14 déc. 1917, Dedeyn, Lebon 831. – CE 20 nov. 1930,
Pellerin, Lebon 959. – CE 30 oct. 1951, Sté Citroën, Lebon 507. – CE 23 janv.
1952, Secr. d'État aux Forces armées c/ Chambouvet, Lebon 50. – CE, sect.,
28 nov. 1975, Ville de Douai, préc. – CE 30 avr. 1982, Min. Éducation nationale
c/ Sté Dumez, Lebon 164). La capitalisation doit normalement faire l'objet d'une
demande en justice (CE 26 janv. 1900, Ville de Castelsarrasin, Lebon 63),
présentée à l'expiration de l'année pour laquelle la capitalisation est due
(CE 14 déc. 1917, Dedeyn, préc.), à moins que le contrat n'en ait disposé
autrement. Elle ne peut être accordée à partir d'une date autre que celle de la
demande en justice (CE, sect., 6 mai 1983, Sté d'exploitation des Ets Roger
Revellin, Lebon 180, concl. Roux ). Le Conseil d'État se rallie à la position de la
o o
Cour de cassation (Com. 23 janv. 1990, n 88-15.506 , Bull. civ. IV, n 19) à
propos de l'hypothèse dans laquelle le paiement du principal est intervenu avant
que l'entreprise créancière ne demande la capitalisation des intérêts. Il admet
que, malgré le paiement du principal et l'interruption corrélative du cours des
intérêts, la demande de capitalisation doit être faite sur le fondement de l'article
o
1154 du code civil (CE 4 mai 2007, Sté Sapibat Guyane, req. n 264009 , AJDA
o
2007. 1231 ; Dr. adm. 2007, n 115, obs. Menemenis).
er
Art. 1 - Titulaire de l'action en réparation
er
§ 1 - Situation en cas de pluralité de cocontractants
447. Le contrat peut avoir été conclu non pas seulement entre deux, mais entre
plusieurs parties. Lorsque le fait de l'une d'elles (faute, si c'est une partie privée,
faute mais aussi mesure non fautive, s'il s'agit d'une partie publique) est de
nature à engager sa responsabilité, quel est ou quels sont ceux des
cocontractants qui peuvent demander réparation ? La réponse se trouve dans la
considération du préjudice subi par chacun d'eux. Seuls peuvent avoir droit à
réparation ceux d'entre eux qui ont subi un préjudice répondant, dans sa na et
ses caractères, aux conditions de la responsabilité contractuelle. Ainsi, ce n'est
pas parce que l'une des parties a commis une faute dans l'exécution du contrat
que toutes les autres parties au contrat ont droit à réparation.
448. La seule difficulté qui peut se poser à ce sujet concerne la solidarité entre
certaines des parties au contrat. Généralement, la solidarité n'est envisagée qu'au
titre des obligations qui pèsent sur les parties : elle détermine en particulier les
titulaires de l'obligation de réparer. Ne peut-elle, à l'inverse, porter sur les
titulaires du droit à réparation ?
450. Cette solidarité a tous les aspects de la solidarité parfaite, par analogie avec
celle qui peut peser sur les débiteurs. Chacun des titulaires du droit à réparation
peut rechercher la responsabilité contractuelle du ou des cocontractants
débiteurs, mettre en œuvre la procédure permettant d'obtenir réparation et
recevoir cette réparation pour l'intégralité du préjudice subi. Mais, s'agissant d'un
préjudice commun aux deux créanciers solidaires, il ne peut donner lieu à une
double réparation : celle-ci n'est due qu'une seule fois. Si le débiteur a indemnisé
intégralement l'un des deux cocontractants qui a recherché sa responsabilité
contractuelle, il a éteint sa dette. L'autre cocontractant ne peut engager contre lui
une nouvelle action en responsabilité contractuelle pour obtenir lui-même
réparation. S'il veut obtenir une part de la réparation qu'a assurée le débiteur, il
doit se tourner vers le cocontractant au profit duquel le débiteur s'est acquitté de
sa dette. On trouve à ce sujet la même solution, mais inversée, que celle qui
prévaut entre codébiteurs solidaires : lorsque le créancier a obtenu de l'un d'eux
réparation, il ne peut plus demander réparation aux autres, mais le débiteur
condamné peut se retourner vers ses codébiteurs ; de la même manière, lorsque
le débiteur a indemnisé l'un des créanciers solidaires, les autres créanciers
solidaires ne peuvent plus s'adresser à ce débiteur ; ils peuvent seulement se
retourner vers le créancier qui a obtenu réparation.
451. Le contrat peut avoir été conclu à l'origine par deux ou plusieurs parties,
auxquelles, en cours de contrat, voire à la fin du contrat, ont été substituées
d'autres personnes. Qui, des parties originaires ou de leurs successeurs, peut
obtenir réparation ? Il faut distinguer selon que la partie à laquelle il a été
succédé est l'administration contractante ou son cocontractant.
457. Il reste que, dans le cas d'un marché conclu entre l'État français et une
société privée ayant pour objet la construction de vedettes destinées à être
cédées à un État étranger, en l'absence de clause dans le contrat stipulant que
les droits à garantie de l'État français seraient transférés à l'État étranger avec la
cession des bâtiments, l'État français a qualité pour mettre en jeu la
responsabilité contractuelle du constructeur à raison d'une avarie survenue à une
vedette après sa recette définitive, alors même que cette recette a eu pour effet
de transférer la propriété du bâtiment à l'État étranger (CAA Bordeaux, 2 juin
o o
1997, SARL Guy Couach Plascoa, req. n 94BX00333 et n 94BX00334, Lebon
T. 937 . – V. aussi CE 9 juill. 1965, Sté « Les Pêcheries de Keroman »,
Lebon 418 ).
er
§ 1 - Principales règles procédurales
464. À partir de là, de deux choses l'une en termes de délais et ce, y compris
désormais en matière de travaux publics :
ACTUALISATION
467. Prescription de l'action en réparation des pratiques
anticoncurrentielles. - Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008,
les actions fondées sur la responsabilité quasi délictuelle des auteurs de
pratiques anticoncurrentielles se prescrivaient par dix ans à compter de la
manifestation du dommage. Après l'entrée en vigueur de cette loi, la
prescription de ces conclusions est régie par les dispositions de l'article 2224
du code civil. S'appliquent, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du
9 mars 2017, les dispositions de l'article L. 482-1 du code de commerce. Le
délai de dix ans applicable avant 2008 est donc passé à cinq ans, aux termes
des deux derniers textes cités (CE 22 nov. 2019, SNCF Mobilités, req.
o
n 418645, Lebon ; AJDA 2019. 2410, obs. de Montecler ).
ACTUALISATION
469. Titre exécutoire et action en responsabilité extra-contractuelle.
Cumul. - Pour recouvrer une créance née d'un contrat, une personne
publique peut soit émettre un titre exécutoire, soit saisir le juge administratif,
sans pouvoir cumuler les deux actions. Mais, même si elle a émis un titre
exécutoire, elle peut aussi saisir le juge d'une demande en responsabilité
extra-contractuelle (CE 10 juill. 2020, Cne de La Remaudière, req.
o
n 429522, AJDA 2020. 1449, obs. Pastor ).
470. Les parties aux marchés publics de travaux sont très fréquemment liées par
des stipulations contractuelles qui, notamment mais pas exclusivement, par
renvoi aux différents cahiers des clauses administratives générales (CCAG)
prédéterminés par arrêtés ministériels (pour le CCAG-Travaux V. Arr. du 8 sept.
2009, modifié par Arr. du 3 mars 2014), organisent entre les parties au marché
une procédure de règlement des différends qui déroge à celle précitée de droit
commun du code de justice administrative, en particulier en obligeant le
cocontractant à former, auprès de l'administration contractante, une réclamation
« administrative » préalable (alors même que l'on se trouvait, avant le décret
o
JADE [préc. supra, n 458], dans le domaine des travaux publics) et en prévoyant
des délais spéciaux de recours au juge selon les circonstances.
471. Quand bien même ces stipulations trouvent leur source dans des modèles
rédigés par arrêtés ministériels, il a toujours été admis que, dès lors que les
parties s'y réfèrent, cette référence leur confère une portée intégralement
o
contractuelle (V. CE 31 juill. 1996, Canac, req. n 124065 , Lebon 333 ;
D. 1997. Somm. 293, obs. Ph. Terneyre ; RDI 1996. 562, obs. F. Llorens et P.
Terneyre ; RDI 2002. 229, obs. M. Brisac . – CE 29 déc. 2008, M. Bondroit,
o
req. n 296948 , Lebon T. 816). Par voie de conséquence, quand ces arrêtés
ministériels sont modifiés, les modifications ne s'appliquent pas aux stipulations
des marchés en cours d'exécution qui y font référence. En revanche, toujours en
raison de cette nature contractuelle des CCAG, quand ils sont intégrés dans des
marchés publics, les parties à ces marchés peuvent décider d'y déroger en cours
d'exécution du contrat (CE 25 mars 2002, Sté GTM International, req.
o
n 187885 , Lebon 113 ; RDI 2002. 226, obs. J.-D. Dreyfus ), l'administration
pouvant même y déroger unilatéralement lorsqu'elle entend renoncer à l'un de
ses droits ou délais qui y est souscrit et que le cocontractant ne s'y oppose pas
o
(CE 16 déc. 2009, Sté DG Entreprise, req. n 305567 ).
472. Par ailleurs, le code de justice administrative tel qu'il résulte du décret JADE
de 2016 n'empêche toujours pas les parties à un marché public de travaux d'y
déroger et ce, pour deux raisons.
473. Premièrement, avant ce décret, il n'a jamais été contesté que les parties à
un contrat public de travaux pouvaient librement, malgré les dispositions alors en
vigueur de l'article R. 421-1 du code de justice administrative qui ne soumettaient
les litiges relatifs aux travaux publics à aucun délai et à aucune décision préalable
de l'administration, organiser un mode particulier de règlement des litiges avec
obligation de réclamation préalable à l'administration avant toute requête
contentieuse. Symétriquement, le juge n'a jamais autorisé une partie à de tels
contrats à ne pas appliquer ces obligations contractuelles de règlement des
litiges, dérogatoires au code de justice administrative, en invoquant le caractère
d'ordre public des dispositions de ce code. Tout au contraire, la jurisprudence est
très claire sur le respect dû par les parties contractantes à ces stipulations, en
particulier lorsqu'elles dérogent aux délais contentieux de droit commun (V. par
ex. CE 13 juill. 1963, Schneider, Lebon 463. – CE 17 févr. 1978, Sté Entreprise
o
Rhodanienne de constructions générales, req. n 1522).
475. Il résulte donc de cet arrêt que, si elles le souhaitent, les parties à un
contrat public de travaux peuvent toujours aujourd'hui librement organiser des
« règles particulières de saisine du juge administratif du contrat », dérogatoires à
celles de droit commun qui figurent dans la partie réglementaire du code de
justice administrative en matière, par exemple, de procédures préalables à la
saisine du juge, de délais ou d'opposabilité des délais. Et, si tel est le cas, les
dispositions réglementaires du code de justice administrative sont inapplicables
au litige et le moyen tiré de leur méconnaissance, soulevé par l'une des parties
au contrat, est inopérant. De la nature contractuelle – mais impérative – des
stipulations qui organisent, dans les contrats administratifs, le règlement des
litiges entre les parties (ces stipulations n'ont, en effet, pas d'effet à l'égard des
tiers et ne concernent que les litiges dont la nature est précisée dans le contrat),
il en résulte deux conséquences contentieuses.
476. D'une part, la procédure qu'elles instituent n'est pas d'ordre public, ce qui
signifie que le juge saisi n'a pas le pouvoir de relever d'office leur
o
méconnaissance (CE 8 déc. 1995, Sté Sogéa, req. n 138873 , Lebon 434 ; RDI
1996. 207, obs. F. Llorens et P. Terneyre . – CE 29 sept. 2000, Sté Dezellus
o
Industrie, req. n 186916 , Lebon 381 ; RDI 2001. 64, obs. P. Soler-Couteaux
). En conséquence, le juge ne déclare irrecevable le recours dont il est saisi en
méconnaissance de la clause contractuelle de règlement des différends que si la
partie intéressée invoque expressément cette irrégularité. Toutefois,
conformément à un autre principe jurisprudentiel, la partie qui a la qualité de
défendeurs en première instance a toujours la possibilité d'invoquer cette
méconnaissance pour la première fois en appel (CE 15 oct. 1976, Sté Nord-
Travaux, Lebon 423. – CE 11 oct. 1989, Sté de protection des murs et pignons,
Lebon T. 866 ; D. 1990. Somm. 249, obs. Ph. Terneyre ).
477. D'autre part, l'existence même d'un recours « administratif » prévu au
contrat « fait obstacle à ce qu'une des parties saisisse directement le juge
administratif, y compris le juge statuant en référé ». Si, avant l'intervention du
décret JADE, il était admis que ce dernier puisse être saisi « dès lors qu'une des
parties a engagé la procédure de recours préalable, sans attendre que celle-ci soit
parvenue à son terme » (CE 16 déc. 2009, Sté Architecture Groupe 6, req.
o
n 326220 , Lebon 134, concl. N. Boulouis ; AJDA 2009. 2432 ; RDI 2010.
156, obs. R. Noguellou ), cette jurisprudence n'a plus lieu d'être depuis que ce
décret fait obligation qu'une décision de rejet soit née avant que puisse être
introduit un recours tendant au paiement d'une somme d'argent. En tout état de
cause, une demande d'expertise adressée au juge du référé ne suspend pas les
délais contractuels que les parties doivent respecter pour régler à l'amiable leur
o
litige avant de saisir le juge (CE 18 sept. 2015, Sté Avena BTP, req. n 384523 ,
AJDA 2015. 2418 ).
Index alphabétique
■Action directe 94
■Action oblique 86 s.
■Agrément du sous-traitant 97
■Architecte
⚪
droit moral 303 s.
⚪
fautes de l' 201 s.
⚪
préjudice moral 302
■Avalanches 357
■Baux emphytéotiques 8
■Causes juridiques
⚪
distinctes 113
⚪
nouvelles 44, 117
■Chance sérieuse 33
■Clause réglementaire 92
■Contrat administratif 2 s., 12, 38 s., 80, 83, 88, 108, 111, 137, 194, 214, 247,
254, 334
■Contrat de concession 53, 85, 136, 219, 222, 230, 249, 341
■Contrat de louage d’ouvrage 14
■Domaine public
⚪
occupant régulier 222
■Éviction irrégulière 27 s.
■Extériorité 351 s.
V. Force majeure
■Faillite 319
■Fautes de l'architecte
V. Architecte
■Fautes contractuelles 73
■Force majeure 271 s., 312, 347 s., 363 s., 374, 428
■Foudre 357
■Fournisseurs 183, 195, 212, 221, 332, 351, 353, 360, 382 s., 400 s.
■Fraude 66, 122, 168, 213
■Inondations 358 s.
■Irrésistibilité 360 s.
V. Force majeure
■Libéralités
⚪
interdiction aux personnes publiques de consentir des 135, 222
■Lien de causalité 49 s., 309 s.
■Mandataire
⚪
explicite 6
⚪
implicite 7
■Marché de partenariat 8, 52
■Marché de travaux publics 76, 91, 140, 183, 336, 388, 404
■Mise en demeure 147, 149, 158, 181, 183, 187, 408, 438 s.
■Modification unilatérale
⚪
exercice irrégulier du pouvoir de 188 s.
⚪
exercice régulier du pouvoir de 217 s.
⚪
prix stipulé au contrat (du) 168
■Mouvements de terrain 357
■Neige 357
■Obligation de conseil 77 s.
■Réception
⚪
définitive 59, 67 s., 72, 131, 178 s., 453
⚪
réserves (avec) 70
■Remboursement
⚪
frais (des) 32 s.
■Réparation
⚪
argent (en) 420, 424, 426 s.
⚪
nature (en) 415 s.
■Représentation 400
■Résiliation-sanction 186
■Responsabilité extracontractuelle
⚪
pour faute 23
⚪
sans faute 106, 251
■Retard 158 s.
⚪
fautifs 159
⚪
paiement (de) 169 s., 320
■Signature
⚪
avenant (d'un) 230
⚪
contrat (de) 41, 47, 230, 250, 263
⚪
convention internationale (d'une) 237
⚪
décompte général (du) 77
■Sous-traitant 94 s., 170, 299, 351, 353, 361, 368, 372, 382 s., 388 s., 455
■Spécialité du préjudice
V. Préjudice spécial
■Tacite reconduction
⚪
clause illicite 42
■Vent 357
■Vétusté 434
■Vice caché 63
V. Garantie des vices cachés
Quelques mois après avoir confirmé le droit des départements à être indemnisés
dans l'affaire dite du « cartel des panneaux routiers » (CE 27 mars 2020, Sté
Signalisation France, RDI 2020. 382, obs. I. Hasquenoph ), le Conseil d'État
précise les actions ouvertes aux départements victimes du dol imputable au
o
cocontractant (CE 10 juill. 2020, req. n 420045, AJDA 2020. 1446, obs. Pastor
)