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UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE

ECOLE DOCTORALE SCIENCES DE L’HOMME ET DE LA SOCIETE

MANDAT ET RESPONSABILITE CIVILE


THESE

pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L'UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE

Discipline : Droit privé (section 01)

présentée et soutenue publiquement le 26 novembre 2013

par

Anne GILSON – MAES

Directeur de thèse : Madame Cécile PERES

Professeur à l’Université de REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE

Jury

Monsieur Pierre BERLIOZ - Examinateur


Professeur à l’Université de REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE

Monsieur Olivier DESHAYES – Rapporteur


Professeur à l’Université de CERGY-PONTOISE

Monsieur Cyril GRIMALDI - Rapporteur


Professeur à l’Université de PARIS XIII

Monsieur Denis MAZEAUD – Président de jury


Professeur à l’Université de PARIS II

Madame Cécile PERES – Directeur de thèse


Professeur à l’Université de REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE

1
2
Je tiens à remercier Madame le Professeur Cécile PERES pour ses précieux
conseils et pour avoir dirigé ce travail de recherche avec tant d’attention et de
bienveillance.

Qu’elle veuille bien trouver ici l’expression de ma profonde reconnaissance.

3
4
Je tiens également à remercier, très sincèrement, mes parents et Pierre pour
leurs patientes relectures.

5
6
A Louis-Marie, notre petit ange parti trop tôt.

7
8
Sommaire

INTRODUCTION GENERALE

Partie 1 – La déconstruction du régime de responsabilité civile dans le mandat

Titre 1 – La spécificité du mandat

Chapitre 1 – Le critère de distinction : l’action « au nom d’autrui »


Chapitre 2 - Les effets de l’action « au nom d’autrui » sur l’action pour autrui

Titre 2 - La mise en œuvre de la responsabilité civile dans le mandat : état des lieux du droit
positif

Chapitre 1 – La mise en œuvre de la responsabilité civile dans le cadre de la relation


interne
Chapitre 2 – La mise en œuvre de la responsabilité civile dans le cadre de la relation
externe

Partie 2 – La reconstruction du régime de responsabilité civile dans le mandat

Titre 1 – La réparation du dommage subi par le tiers dans le cadre de la mission de


représentation : l’obligation à la dette

Sous-Titre 1 – L’existence d’une responsabilité par représentation en droit positif


Chapitre 1 – La reconnaissance d’une responsabilité par représentation
Chapitre 2 – La mise en œuvre de la responsabilité par représentation

Sous-Titre 2 – La place de la responsabilité par représentation dans le droit de la


responsabilité civile
Chapitre 1 – Un nouveau droit commun de la responsabilité civile
Chapitre 2 – L’articulation de la responsabilité par représentation avec les autres
régimes de responsabilité civile

Titre 2 - Le rayonnement de la responsabilité par représentation sur le lien interne : la contribution à


la dette

Chapitre 1 – L’admission d’une action en contribution


Chapitre 2 – L’exercice de l’action en contribution

CONCLUSION GENERALE

9
10
INTRODUCTION

1. A propos de la gestion pour autrui. Selon un proverbe de SAVARY, « qui fait ses
affaires par commission va à l’hôpital en personne »1. La formule est connue. Elle résume
exactement la défiance éprouvée, dès la fin du dix-huitième siècle, à l’égard de ceux qui
gèrent les biens d’autrui. Ainsi, en 1776, Adam SMITH faisait remarquer, à propos de grands
groupements économiques de son époque, que « les directeurs de ces sortes de compagnie
étant les régisseurs de l’argent d’autrui plutôt que de leur propre argent, on ne peut guère
s’attendre qu’ils y apportent cette vigilance exacte et soucieuse que les associés apportent
souvent dans le maniement de leurs fonds »2. Dans la littérature, ce sentiment a été
parfaitement décrit par Honoré DE BALZAC qui écrivait en 1825 qu’« il y a des agents
d’affaires de toutes les espèces : comme les reptiles, il faudrait les classer par familles et les
décrire soigneusement, depuis celui qui ruine la veuve, sous prétexte de lui faire obtenir une
pension, jusqu’à celui qui escompte à 12% des billets qu’il passe à 4 à la banque ; mais alors
il faudrait faire un livre et nous n’avons à dépenser que l’espace d’un paragraphe.
Résumons-nous donc : Sur 20 agents d’affaires, il y a 19 fripons au moins. Donc, il faut faire
ses affaires soi-même, et ne pas se jeter avec préméditation dans un guêpier »3.

2. En droit, cette approche s’est traduite par une certaine rigueur à l’égard des gérants des
affaires d’autrui, cristallisée dans le célèbre adage « culpa est immiscere se rei ad se non
pertinenti »4. Selon cette maxime, « c'est une faute de se mêler d'une chose qui ne vous
regarde pas ». On trouve un exemple évocateur de cette sévérité au détour d’un projet de loi
relatif à la responsabilité des propriétaires de navire. A cette occasion, un membre de
l’Académie royale des sciences et belles-lettres avait proposé « de multiplier et d’aggraver

1
J. SAVARY DES BRUSLONS, Dictionnaire universel de Commerce, Tome 1, « A-E », ouvrage posthume par PH.-
L. SAVARY, PARIS, 1723, spéc. p. 17 ; Œuvres de Monsieur Jacques SAVARY - Le parfait négociant ou
instruction générale pour ce qui regarde le commerce de France et des pays étrangers, Tome 1, par PH.-L.
SAVARY, 1757, spéc. p. 104.
2
A. SMITH, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Tome IV, 1776 , traduction par G.
GARNIER, PARIS, H. Agasse, Imprimeur-Libraire, 1802, p. 104.
3
H. DE BALZAC, Code des gens honnêtes, PARIS, Librairie nouvelle, 1854, spéc. p. 123.
4
M. THEVENOT-DESSAULES, Dictionnaire du Digeste ou Substance des pandectes justiniennes, Tome 2, « M-
Z », revu par M. LESPARAT et M. DUSSANS, PARIS, Imprim. des frères MAME, 1809, spéc. p. 212.

11
(…) autour des capitaines les obstacles à l’abus de leurs pouvoirs »5 afin de prémunir les
propriétaires de navire du danger auquel ils « sont exposés de voir toute leur fortune "toute
leur existence" compromise par l’abus qu’un capitaine imprudent ou malhonnête peut faire
de son mandat ! »6. De l’avis général, ce danger serait consubstantiel au rapport de gérant à
géré7. Il se traduirait par le risque « que l’agent profite de sa position de supériorité pour
imposer une conduite de l’affaire conforme à ses intérêts, mais contraire à ceux du
principal »8.

3. Aussi de nombreux travaux ont-ils contribué à encadrer plus sévèrement l’action des
gérants pour autrui9. Cette approche a d’ailleurs trouvé un appui dans les réflexions
développées par les tenants de l’analyse économique du droit 10. En effet, suivant celles-ci,
celui qui s’en remet à un autre pour la gestion de ses affaires se trouve en danger potentiel11.

5
M. LEMONNIER, « Examen du projet de loi sur la responsabilité des propriétaires de navire », in Actes de
l'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, BORDEAUX, H. Gazay Imprimeur, 1840, p.
96.
6
Ibid., p. 97.
7
L’expression avait déjà été utilisée par Monsieur DIDIER à propos « du rapport de représentant à représenté »
(PH. DIDIER, De la représentation en droit privé, préface d’Y. LEQUETTE, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit
privé, Tome 339, 2000, spéc. n° 207, p. 157) mais Madame BALIVET l’a plus récemment étendue à toute
situation de gestion des biens d’autrui (B. BALIVET, Les techniques de gestion pour autrui, sous la direction de
B. MALLET-BRICOUT, LYON 3, thèse dactylo., 2005, spéc. n° 545, p. 442).
8
PH. DIDIER, thèse précitée, n° 206, p. 156.
9
P.-F. CUIF, Le contrat de gestion, préface de L. AYNES, PARIS, Economica, 2004 ; PH. DIDIER, thèse précitée ;
N. DISSAUX, La qualification d’intermédiaire dans les relations contractuelles, préface de CH. JAMIN, L.G.D.J.,
Bibliothèque de droit privé, 2007, Tome 485, spéc. n° 948 et s., pp. 423 et s. ; A. COURET, « L’intérêt social »,
Cah. de droit de l’entreprise, 4/1996, p. 1, spéc. n° 45 et s., pp. 9 et s..
10
L’analyse économique du droit est née aux Etats-Unis, au début des années 1950, sous l’impulsion de
Messieurs CALABRESI et POSNER, deux juristes américains (R.-A. POSNER, Economic analysis of law, Wolters
Kluwer Law & Business, 7th édition, 2007. Pour une traduction française voir R.-A. POSNER, L’analyse
économique du droit, par S. HARNAY et A. MARCIANO PARIS, éd. Michalon, Coll. Le bien commun, 2003) et
d’un économiste britannique (R. COASE, L'entreprise, le marché et le droit, traduit de l'anglais et présenté par A.
BOUALEM, PARIS, éd. d'Organisation, 2005). Il s’agit principalement de démontrer les interférences entre le
droit et l’économie en mettant en exergue les effets économiques des règles juridiques. Selon Monsieur
MACKAAY (E. MACKAAY, S. ROUSSEAU, Analyse économique du droit, Dalloz, éd. Thémis, coll. Méthodes du
droit, 2008, spéc. n° 23, p. 7), l’idée ne serait toutefois pas totalement nouvelle. Dès le début du dix-huitième
siècle certains penseurs dont HOBBES ou MARX amorcèrent un rapprochement entre le droit et l’économie (voir
également O. DESCAMPS, « Brefs repères historiques sur la prise en compte de l’économie par le droit »,
L'efficacité économique en droit, ouvrage précité, spéc. pp. 23 et s. : l’auteur constate qu’en réalité le facteur
économique s’est immiscé dans les rapports de droit dès l’Antiquité, les seconds permettant de réguler le
premier. Il démontre plus généralement qu’au cours de l’Histoire le développement des échanges économiques a
toujours été prétexte à la conceptualisation des besoins juridiques et que, réciproquement, l’affermissement de
règles juridiques a porté l’essor du commerce. L’ensemble de ces interactions aurait ainsi favorisé une doctrine
mercantiliste. Mais celle-ci, à la différence de l’analyse moderne de l’économie du droit, n’utilise pas encore
l’économie comme critère d’efficacité des règles de droit. (Voir M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations – Le
contrat, P.U.F., coll. Thémis, 2ème éd., 2007, spéc. n° 39, pp. 82-83). L’objet de l’analyse économique du droit
consiste donc à utiliser des concepts économiques pour mieux expliquer les phénomènes juridiques mais aussi et
surtout pour mieux en évaluer l’efficacité. De ce point de vue-là, l’analyse économique du droit repose sur une
philosophie utilitariste ayant pour finalité la maximisation des intérêts individuels. Ainsi, pour Monsieur
POSNER, le droit se fonderait sur l’efficacité qu’il propose de définir à partir du critère de la maximisation des
richesses (R.-A. POSNER, L’analyse économique du droit, ouvrage précité, spéc. pp. 69 et s.). Par exemple, une

12
4. Plus généralement, les travaux consacrés à la gestion par autrui ont essentiellement
mis l’accent sur le comportement du gérant à l’égard du géré. Cependant, en dépit de leurs
indéniables apports, ils n’ont pas épuisé la question. Aussi est-il apparu nécessaire et opportun
de prolonger la réflexion relative à la gestion pour autrui en la scrutant à travers le prisme
particulier des rapports du mandat et de la responsabilité. Ce sujet s’est imposé pour une
double raison. D’une part, le contrat de mandat a connu ces dernières années un véritable
engouement. Le succès de ce contrat, dont témoigne la multiplication du recours au mandat
dans la loi et dans la pratique ainsi que l’attention que lui prête la doctrine contemporaine
depuis quelques années, justifie une étude approfondie, rendant compte du renouvellement de
cette figure contractuelle classique. D’autre part, si le droit commun de la responsabilité civile
a donné lieu à de multiples travaux, les rapports du droit de la responsabilité civile et du droit
des contrats spéciaux sont restés en partie assez inexplorés.

5. A l’heure où l’on envisage sérieusement de réformer le Code civil dans ses


dispositions relatives au droit commun des obligations, le droit des contrats spéciaux, et les

règle de responsabilité civile n’est efficace qu’à condition d’être dictée par un « objectif de minimisation des
coûts associés aux accidents » (R.-A. POSNER, op. cité, spéc. p. 98). En France, cette démarche pluridisciplinaire
ne semble pas avoir de réel succès. Pourtant, les travaux doctrinaux en faveur d’une prise en compte de l’analyse
économique du droit ne sont pas si rares. Parmi d’autres on évoquera ici la thèse de Monsieur MAITRE consacrée
à une analyse économique de la responsabilité civile (G. MAITRE, La responsabilité civile à l'épreuve de
l'analyse économique du droit, préface de H. MUIR WATT, L.G.D.J., Coll. Droit & économie, 2004) ; celle du
Professeur LAITHIER qui propose d’orienter le choix de la sanction de l’inexécution d’un contrat en fonction de
leur efficacité économique (Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat,
préface de H. MUIR WATT, L.G.D.J., Bibliothèque de droit privé, Tome 419, 2004) ou encore celle de Madame
FABRE-MAGNAN (M. FABRE-MAGNAN, De l’obligation d’information dans les contrats : Essai d’une théorie,
thèse précitée. Du même auteur : Droit des obligations – Le contrat, op. cité, spéc. pp. 89 et s.). Il faut signaler
aussi quelques articles dans lesquels une place essentielle lui fut accordée : par ex. CH. MOULY, « Analyse
économique du droit régissant le transfert de propriété », in « Faut-il retarder le transfert de propriété ? », Cah.
du droit de l’entrep., 1995.5, pp. 6 et s.. L’on note, également, la tenue d’un colloque qui lui fut entièrement
consacrée (L'efficacité économique en droit, ouvrage précité). Pour un ouvrage récent voir B. DEFFAINS, S.
FEREY, Analyse économique du droit et théorie du droit : perspectives méthodologiques, avec le soutien du
G.I.P. Mission Droit et justice, Univ. de NANCY, ouvrage dactylo, 2010. Il est vrai que l’ensemble de ces
ouvrages ne résulte pas d’une démarche d’ensemble mais plutôt d’intérêts ponctuels. Il n’en reste pas moins que
la présence de l’analyse économique du droit n’est finalement pas si discrète. Le Professeur PERES relève ainsi
que les rédacteurs du Code Napoléon n’y ont pas été insensibles et que, plus généralement, certaines branches du
droit ou certaines règles juridiques se fondent directement sur l’efficacité économique. (C. PERES, « Rapport
introductif », L'efficacité économique en droit, , sous la direction de S. BOLLEE, Y.-M.. LAITHIER et C. PERES,
Economica, Coll. Etudes juridiques, Tome 33, 2010, pp. 1 et s., spéc. n° 7, pp. 10 et s.). L’on peut sans doute
voir, dans le contenu des règles de responsabilité civile afférentes au mandat, une illustration de cette efficacité
économique du droit. Si la finalité du mandat est de valoriser certains intérêts économiques, alors l’efficacité
sera avérée lorsque celui à qui la gestion est confiée fournira un effort supplémentaire à celui que le mandant
aurait obtenu s’il s’était exécuté personnellement. Résultat qui peut être atteint par la crainte de la sanction.
11
Cette hypothèse a été dénommée « situation d’agence » par les économistes. Pour des références
bibliographiques sur la théorie de l’agence voir. M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations – Le contrat, op. cité,
spéc. pp. 102 et s. ; E. MACKAAY, S. ROUSSEAU, Analyse économique du droit, op. cité, spéc. n° 252 et s., pp. 68
et s ; PH. DIDIER, De la représentation en droit privé, op. cité, spéc. n° 206 et s., p. 155 et s. ; G. MAITRE, La
responsabilité civile à l'épreuve de l'analyse économique du droit, op. cité, spéc. n°415 et s., pp. 242 et s..

13
rapports qu’il tisse avec le droit de la responsabilité civile, pourrait d’ailleurs inspirer plus
largement le législateur. De même que le contrat de vente a fortement inspiré les rédacteurs
du Code civil de 1804 pour la partie du code relative au droit commun des contrats, le contrat
de mandat pourrait, le cas échéant, constituer une source particulièrement stimulante
d’inspiration en vue de l’édification de nouvelles règles de responsabilité civile dont
l’application pourrait ne pas lui être réservée. Précisément, l’étude croisée du mandat et de la
responsabilité civile offre l’intérêt de montrer que le droit positif pourrait utilement s’enrichir
en reconnaissant que le mandant n’est pas seulement engagé par les actes juridiques conclus
par le mandataire mais aussi par les faits juridiques illicites qu’il est susceptible de commettre
au préjudice des tiers. Ce nouveau cas de responsabilité, s’il est apte à rayonner en dehors de
l’hypothèse du mandat, trouve cependant dans ce contrat un terrain d’application
particulièrement fertile. Quoi qu’il en soit, avant d’entrer dans le détail des développements
qui permettront d’échafauder cette hypothèse, il convient, à ce stade introductif, de donner
une première vue tant du contrat de mandat que de ses liens avec l’institution de la
responsabilité civile.

6. A propos du mandat12. En l’état actuel du droit positif, le mandat connaît une grave
« crise d’identité »13. Qualifié de « véritable couteau suisse des contrats »14, de « contrat

12
A propos du mandat voir, parmi d’autres :
- Des ouvrages du XIXème siècle et du début du XXème siècle : CH. AUBRY et CH. RAU, Droit civil Français,
Tome 6, Petits contrats et responsabilité, par P. ESMEIN, Librairies techniques, 6ème édition, 1951, spéc. § 410 et
s., pp. 197 et s. ; L.-E. BARTHELEMY, Du mandat en droit romain et en droit civil français, TOULOUSE,
impr. de la Boë, 1886 ; F. CAGNINACCI, Le mandat dans la doctrine de l’Ancien régime, XIIIe-XVIIIe siècles,
NANCY, Société d’impr. typo, 1962 ; C. GIVERDON, L’évolution du contrat de mandat, PARIS, thèse
dactylographiée, 1947 ; CH. FALQUE-PIERROTIN, Les éléments constitutifs du contrat de mandat : recherche
d’une définition, CAEN, Dalloz, 1933 ; M. PLANIOL, « La transformation du mandat depuis le droit romain », in
Revue critique de législation et de jurisprudence, Tome 22, 1893, p. 200 ; R.-TH. TROPLONG, Le droit civil
expliqué – Du mandat, Tome 16, PARIS, Charles Hingray, 1846.
- Des travaux plus récents : A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux civils et commerciaux,
Montchrestien, coll. Domat droit privé, 9ème édition, 2011, spéc. n° 900, pp. 427 et s. ; FR. COLLART-DUTILLEUL
et PH. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, Dalloz, coll. Précis, 9ème édition, 2011, spéc. n° 628 et s.,
pp. 541 et s. ; J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER,
Les principaux contrats spéciaux, L.G.D.J., coll. Traité de droit civil, sous la direction de J. GHESTIN, 3ème
édition, 2012, spéc. n° 31100, pp. 993 et s. ; PH. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux,
Defrénois, coll. Droit civil, 6ème édition, 2012, spéc. n° 520, pp. 273 et s.. PH. PETEL, Le contrat de mandat,
Dalloz, coll. Connaissance du droit, 1994 ; PH. DIDIER, op., cité, spéc. n° 38 et s., pp. 28 et s. ; P. PUIG, La
qualification du contrat d'entreprise, sous la direction de B. TEYSSIE, PARIS, éd. Panthéon-Assas, Coll. Droit
privé, 2002 ; N. DISSAUX, thèse précitée, spéc. n° 211 et s., pp. 92 et s. ; A.-L. GRIZON, La qualification de
mandat, sous la direction de F. LABARTHE, PARIS, thèse dactylo., 2010. J.-L. GAZZANIGA, « Mandat et
représentation dans l’ancien droit », Revue droits, n° 6, p. 21, spéc. n° 23 ; M.-L. ISORCHE, « A propos du
mandat sans représentation », D., 1999, Chron., p. 369 ; PH. LE TOURNEAU, « Mandat », in Répertoire civil,
Dalloz, spéc. n° 63 à 98 ; M. MEKKI, « Mandat - Définition et caractères distinctifs », J.Cl. Civil Code, « Art.
1984 à 1990 », spéc. n° 1 à 5 ; L. PFISTER, « Un contrat en quête d’identité », in Le mandat, un contrat en crise,
ouvr. coll. sous la direction de N. DISSAUX, Economica, Coll. Etudes juridiques, Tome 37, 2011, pp. 1 et s., spéc.
n° 3, p. 3 ; D. TOMASIN, « A la recherche d’une distinction entre mandat et contrat de travail », in Mélanges
dédiés au Président Michel DESPAX, préface de B. BELLOC et A. ARSEGUEL, P.U. de Toulouse, 2002, p. 203 ; P.

14
fourre-tout »15, de convention aux « mille visages »16, le mandat n’en finit pas de susciter des
discussions, au point qu’un auteur a pu s’interroger sur l’existence réelle ou putative du
mandat17. Si la fréquence de la terminologie dans le discours juridique laisse entrevoir, en
partie, la formidable vitalité de ce « jeune vieillard qui a l’avenir devant lui »18, ce franc
succès est à l’origine de la véritable crise d’identité à laquelle le mandat est aujourd’hui
confronté. Aussi certains n’hésitent-ils pas à dire qu’il eût été « plus sage de laisser le mandat
dans l’oubli où l’effondrement de l’empire romain l’avait jeté »19. Ainsi, l’expression de
« mandat de représentation » concurrence celle de « mandat sans représentation » ; de même,
l’idée d’un « contrat de représentation » imparfaite entre en conflit avec celle de « contrat de
représentation parfaite »20. L’on rencontre encore celles de « mandat légal » (l’on pense, par
exemple, au mandat entre époux21) ou de « mandat judiciaire » (dans l’hypothèse de la
représentation judiciaire des incapables22 ou des entreprises en difficulté23). En dépit de leurs
ressemblances, ces situations sont bien différentes. Le contrat de mandat, parce qu’il est un
accord de volontés, se distingue très nettement des hypothèses de représentation légale ou
judiciaire. La dissociation entre l’autorité habilitante et le titulaire des droits conduit au
dessaisissement du représenté, ce qui n’est guère compatible avec l’esprit du mandat selon
lequel c’est le mandant qui « donne la main » à son mandataire. C’est la raison pour laquelle
nous nous en tiendrons ici aux seules formes conventionnelles de mandat24.

TRISSON-COLLARD, « Tentative de distinction des contrats d’entreprise et de mandat fondée sur l’objet du
contrat », L.P.A., 7 février 2001, n° 27, p. 4.
13
L’expression est empruntée à Monsieur DISSAUX : Le mandat, un contrat en crise, op. cité.
14
J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les
principaux contrats spéciaux, op. cité, n° 31000, p. 983.
15
M. MEKKI, « Mandat – Définition et caractères distinctifs », op. cité, spéc. n° 10.
16
FR. COLLART-DUTILLEUL et PH. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 628, p. 541.
17
PH. DIDIER, De la représentation en droit privé, op. cité, spéc. n° 78, p. 50.
18
PH. PETEL, Le contrat de mandat, op. cité, spéc. p. 123.
19
PH. DIDIER, De la représentation en droit privé, thèse précitée, spéc. n° 78, p. 50.
20
Sur l’ensemble de ces expression, voir, en particulier, l’excellent article de Madame ISORCHE : « A propos du
mandat sans représentation », op. cité.
21
Par exemple, selon l’article 222 du Code civil, « Si l'un des époux se présente seul pour faire un acte
d'administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu'il détient individuellement, il est réputé,
à l'égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte. ».
22
Art. L. 471-1 et s. du Code de l’action sociale et des familles.
23
Art. L. 611-3 du Code de commerce.
24
La lettre de l’article 1984 du Code civil confirme cette analyse. En effet, il existe, au terme de ce texte qui
définit le mandat, deux références à la nature contractuelle du mandat. D’une part, il est précisé que l’existence
d’un mandat suppose une offre par laquelle « une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque
chose » suivie d’une acceptation sans laquelle le contrat ne peut se former. Autrement dit, tous les ingrédients
nécessaires à la naissance d’un contrat sont expressément visés par la définition ; mais surtout, le renvoi au
mécanisme de la rencontre des consentements exclut l’hypothèse d’un mandat légal ou judiciaire qui, au
contraire, est imposé à la volonté individuelle, par la loi ou le juge, entraînant le dessaisissement du représenté.
La technique est donc différente de celle mise en œuvre dans le mandat conventionnel.

15
7. Cette plasticité puise ses origines dans l’hétérogénéité du mandat romain. A cette
époque, tout est susceptible de faire l’objet d’un mandat25. Du latin « mandatum », le terme
est issu de « mandare » qui signifie confier, remettre, ordonner quelque chose, donner
instruction. Autrement dit, ce qui importe, c’est de confier à quelqu’un en qui on a une
confiance absolue, le soin de « faire quelque chose ». Pour les Romains, le seul trait distinctif
du contrat était sa gratuité26, par opposition au contrat de louage nécessairement conclu à titre
onéreux27. En pratique, l’affirmation de la gratuité fut toutefois pervertie ou, à tout le moins,
subit de sérieuses dérogations. En effet, selon un texte d’ULPIEN28, l’existence d’un mandat
pouvait se concilier avec l’ « honorarium » – sorte de présent destiné à manifester sa gratitude
au mandataire – distincte de la « merces » (la rémunération) du locateur d’ouvrage. La
nuance, bien que fragile, permit d’assurer la pérennité du principe de la gratuité tout au long
de la période romaine29.

8. L’on retrouve, au Moyen Age, une controverse identique. Lors de la redécouverte du


mandat, la plupart des juristes est restée fidèle à la tradition romaine et au critère de la
gratuité30. COQUILLE, par exemple, écrivait que « tout mandat est gratuit, et a sa source
d’honnêteté et d’amitié et c’est chose contraire à l’amitié que le salaire »31. POTHIER,
également, affirmait qu’« il est de l’essence du mandat qu’il soit gratuit »32. Pourtant, à cette
époque également, le critère de la gratuité fut tout autant malmené par la pratique. Au début
du XVIIIème siècle, les juristes de l’ancien droit admettaient en effet relativement facilement
que la gestion des affaires d’autrui, sous les traits d’un mandat, n’était pas exclusive d’une

25
J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les
principaux contrats spéciaux, op. cité, n° 31001et 31002, pp. 984 et s. ; M. MEKKI, « Mandat – Définition et
caractères distinctifs », op. cité, spéc. n° 10 ; L. PFISTER, « Un contrat en quête d’identité », op. cité, spéc. n° 2,
pp. 2 – 3.
26
Ibid.. L’ignorance quasi absolue d’un mécanisme de représentation par le droit romain, en raison du
formalisme contractuel et du caractère éminemment personnel des obligations, explique d’ailleurs que le mandat
romain n’ait jamais été conçu comme un contrat représentatif, ou de façon seulement très exceptionnelle. En ce
sens voir, not., : L. PFISTER, « Un contrat en quête d’identité », op. cité, spéc. n° 2 et s., pp. 2 et s. ; A.-L.
GRIZON, La qualification du contrat de mandat, op. cité, spéc. n° 83 et s., pp. 55 et s..
27
L. PFISTER, « Un contrat en quête d’identité », op. cité, spéc. n° 2, pp. 2 – 3.
28
ULPIEN, D., 17, 1, 6 : « Si remunerandi gratia honor intervenit, erit mandati actio ». Littéralement : « si c’est
une rémunération honorifique, il y aura action de mandat ».
29
L. PFISTER, op. cité, spéc. n° 3, pp. 3 – 4.
30
Pour un aperçu général, voir L. PFISTER, article précité, spéc. n° 8, pp. 7-8.
31
G. COQUILLE, Questions et responses sur les articles des Costumes de France par Me Guy C OQUILLE, Sieur de
ROMANEY, PARIS, 1644, spéc. p. 570.
32
POTHIER, Œuvres de POTHIER – Annotées et mises en corrélation avec le Code civil et la législation actuelle
des contrats de bienfaisance, selon les règles tant du for de la conscience que du for extérieur, par M. HUTTEAU,
Tome I, PARIS, 1807, spéc. n° 22, p. 19.

16
récompense, dès lors qu’elle ne s’appréciait pas comme la contrepartie du service rendu, mais
manifestait la gratitude du mandant33.

9. Cette solution reposait sur une distinction inconnue du droit romain34 selon laquelle
certaines activités – les arts libéraux – n’étaient pas appréciables en argent et étaient, de ce
fait, insusceptibles de faire l’objet d’un louage d’ouvrage (celui-ci se définissait par la
35
réalisation d’une activité mécanique) . Une distinction entre le louage d’ouvrage et le
mandat, fondée non plus sur la seule gratuité mais sur l’objet du contrat, est ainsi
progressivement apparue. Et c’est au cours de la même période que se dessine une influence
dont les répercussions devaient s’avérer décisives pour le contrat de mandat. En effet, sous
l’influence du droit canon, le principe du consensualisme prend une importance considérable
et donne l’impulsion nécessaire à la reconnaissance d’un mécanisme de la représentation dans
le mandat36. Pour autant, à cette époque, rares sont les auteurs à considérer la représentation
comme un élément distinctif du mandat37. Quoi qu’il en soit, ce renouvellement de la
conception du mandat a profondément influencé notre perception actuelle de cette figure
juridique. En particulier, la transparence du mandataire est généralement présentée
comme un trait caractéristique du mandat, par contraste à l’opacité de certains gérants
pour autrui, le commissionnaire notamment38.

10. De ses origines romaines, le mandat n’a conservé que le caractère intuitu personae. A
mesure que le critère de la gratuité a reculé, celui de la représentation s’est affirmé. Dans
notre droit, cette modification a été amorcée en 1804 par le législateur napoléonien, bien que
son importance ait été minorée. D’un côté, le caractère essentiel de la gratuité du mandat a été
nié39 ; de l’autre, les fondations d’un contrat essentiellement représentatif ont été posées40.

33
Cela supposait, pour les juristes de cette époque, que la somme versée n’ait pas été prévue par une convention
et que l’objet de la mission se définisse par l’accomplissement d’une activité libérale (par opposition aux
activités mécaniques) non appréciable en argent. Sur cette question : L. PFISTER, article précité, spéc. n° 10 et s.,
pp. 8 et s..
34
Elle puiserait ses sources, néanmoins, dans des fragments de la compilation justinienne. L. PFISTER, article
précité, spéc. n° 12, pp. 9 et s..
35
Ibid..
36
L. PFISTER, article précité, spéc. n° 15 et s., pp. 11 et s.. Il semblerait même, qu’à cette époque, la
représentation contractuelle ne puisse se concevoir en dehors du mandat.
37
Ibid.. M. MEKKI, « Mandat – Définition et caractères distinctifs », op. cité, spéc. n° 10. A.-L. GRIZON, La
qualification du contrat de mandat, op. cité, spéc. n° 97 et s., pp. 63 et s..
38
A propos de la distinction entre la transparence du mandataire et l’opcité du commissionnaire : infra n° 166 et
s..
39
Selon l’article 1986 du Code civil, « le mandat est gratuit s'il n'y a convention contraire ». Autrement dit,
selon ce texte, la gratuité demeure de principe, mais elle n’est plus d’ordre public.
40
En effet, selon l’article 1984 du Code civil : « le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne
donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ». Or, généralement, il est
admis que la terminologie « en son nom » renvoie au mécanisme de la représentation.

17
Néanmoins, si le mandat du Code civil est désormais très éloigné de ce que fut son lointain
ancêtre41, il en conserve sa caractéristique principale : le mandat est un contrat par lequel
une personne accomplit quelque chose pour autrui.

11. En effet, selon les termes de l’article 1984 du Code civil, le mandat se définit, comme
la convention par laquelle « une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque
chose pour le mandant et en son nom »42. En dépit de la tournure vague de ce texte, il est
généralement admis, en doctrine43 comme en jurisprudence44, que la formule « faire quelque
chose » exprime l’exigence d’un acte juridique. Pourtant, certains intermédiaires dont la
mission se borne à l’exécution d’un acte matériel se sont vus reconnaître, par la loi, la
jurisprudence ou la doctrine, la qualité de mandataire. C’est le cas de l’agent commercial ou
de l’agent immobilier qui ont été ainsi qualifiés, par le décret du 23 décembre 1958 pour le
premier et par la loi du 2 janvier 1970 pour le second. C’est encore le cas du courtier que l’on
assimile parfois à un mandataire non représentant45. L’extension du mandat à la plupart des
branches du droit privé, également, semble avoir transformé son visage. Que l’on songe à
ceux qui interviennent en matière extrapatrimoniale (le mandat donné à une personne de
confiance46, le mandat de protection future47), à ceux qui offrent aux « mandants » un « don

41
A propos du mandat en droit romain : infra n° 56 et s..
42
Nous soulignons.
43
A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux, op. cité, spéc. n° 909 et s., pp. 432 et s. ; FR. COLLART-
DUTILLEUL et PH. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 639, pp. 554 et s. ; J. HUET, G.
DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les principaux contrats
spéciaux, op. cité, spéc. n° 31110, pp. 998 - 999 ; PH. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, Les contrats
spéciaux, op. cité, spéc. n° 541, p. 289. A.-L. GRIZON, La qualification du contrat de mandat, op. cité, spéc. n°
283 et s., pp. 208 et s.. F. LABARTHE, « La distinction du mandat et du contrat d’entreprise », in Le mandat, un
contrat en crise, op. cité, pp. 39 et s. ; F. LEDUC, « Deux contrats en quête d’identité, les avatars de la distinction
entre le contrat de mandat et le contrat d’entreprise », in Etudes offertes à Geneviève Viney, sous la direction de
J.-S. BORGHETTI, O. DESHAYES et C. PERES, L.G.D.J., Lextenso éditions, 2008, pp. 595 et s. ; P. TRISSON-
COLLARD, « Tentative de distinction des contrat d’entreprise et de mandat fondée sur l’objet du contrat », L.P.A.,
7 février 2001, pp. 4 et s..
44
Civ. 1, 19 février 1968 – Pourvoi n° 64-14.315 : G.A.J.C., 11ème édition, no 260; D., 1968, p. 393. Com. 8
janvier 2002 - Pourvoi n° 98-13.142 ; Bull. civ., 2002, IV, no 1 : D., 2002., A.J., 567, obs. E. CHEVRIER ; ibid.,
Somm., 3009, obs. D. FERRIER ; C.C.C., 2002, no 87, note L. LEVENEUR ; Droit et patrimoine, juin 2002, p. 105,
obs. P. CHAUVEL ; R.T.D. Civ., 2002, 323, obs. P.-Y. GAUTIER. Civ. 1, 28 novembre 2007 - Pourvoi n° 05-
13.153 : D., 2008, Panorama, 2245, obs. V. BREMOND, M. NICOD, J. REVEL.
45
N. DISSAUX, thèse précitée, spéc. n° 251, p. 112.
Cette conception du courtage est entretenue par la jurisprudence qui utilise l’expression de « mandat
d’entremise ». Pour des illustrations récentes voir par exemple Civ. 1, 24 avril 2013 – Pourvoi n° 11-26.876 ;
arrêt publié au bulletin. Civ. 1, 28 juin 2012 - Pourvoi n° 10-20.492 ; arrêt publié au bulletin.
Un arrêt rendu par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation le 17 juin 2009 (Civ. 3, 17 juin 2009 -
Pourvoi n° 08-13.833 ; Bull. civ., 2009, III, n° 148) semblait pourtant remis en cause l’expression de « mandat
d’entremise » au profit de celle de « contrat d’entremise ». (En ce sens, à propos de cet arrêt : B. BOULOC,
R.T.D. Com., 2010, p. 183 ; C. GRIMALDI, « Mandat et courtage », in Le mandat, un contrat en crise, op. cité, p.
79 et s., spéc. n° 2, p. 80 ; M. THIOYE, A.J.D.I., 2010, p. 155). Mais cette interprétation n’a pas été adoptée par
tous : N. DISSAUX, « La nature juridique du mandat d’entremise », D., 2009, p. 2724.
46
Art. L. 1111-6 du Code de la Santé publique créé par la loi du 22 avril 2005 n° 2005-370.

18
d’éternité »48 (les mandats dits de prévention49) là où le mandat classique disparaît50 ou
encore aux mandats imposés (en matière de protection des personnes physiques ou morales
notamment51) dont l’exécution est parfois encadrée par un juge ou un conseil de famille52 là
où le contrat défini à l’article 1984 du Code civil s’accomplit en toute liberté (dans les limites
prévues par la loi, naturellement53). En dépit de ces utilisations hétéroclites, il apparaît
néanmoins évident que l’intérêt de celui à qui l’on attribue la qualité de « mandant »
constitue le cœur de l’opération envisagée, ce qui signifie que ce dernier en sera, en
principe, le principal bénéficiaire.

12. C’est sans doute la raison pour laquelle le mandat a fait l’objet d’un mouvement de
professionnalisation sans précédent, concrétisant ainsi l’une des dernières transformations du
mandat. La technique du mandat permettant la valorisation de ses intérêts, de plus en plus de
professionnels y ont recouru. A ce propos, un auteur écrivait, il y a plus de vingt ans déjà, que
« l'amitié a cessé d'être à la base de ce contrat, et [que] la plupart des contrats de mandat
sont, en ce temps, conclus par des professionnels »54. A titre d’exemple, l’on peut citer ici le
mandat de l’agent d’assurances dont le régime a été modifié récemment par une loi de 2005 55,
celui de l’agent artistique56 ou du généalogiste57, la gérance de mandat58, le mandat du notaire
ou encore celui de l’avocat59. Les raisons qui expliquent l’essor des mandats professionnels
sont variées. Elles résident dans le développement considérable de l’activité commerciale, tant
en terme de volume que de distance, dans la complexité croissante et dans
l’hyperspécialisation de l’activité juridique dont l’exercice requiert, de plus en plus souvent,

47
L’article 478 du Code civil précise en effet que le mandat de protection future « s'étend à la protection de la
personne ».
48
N. DISSAUX, « Avant-propos », in Le mandat, un contrat en crise ?, op. cité, spéc. n° 1, pp. IX.
49
L’on songe évidemment au mandat de protection future et au mandat à effet posthume.
50
L’article 2003 3° du Code civil précise en effet que la mort du mandat constitue l’une des causes d’extinction
du mandat.
51
L’on pense ici aux mandataires à la protection des incapables (art. L. 471-1 et s. du Code de l’action sociale et
des familles) ou aux mandataires judiciaires dans le cadre d’une procédure collective (art. L. 611-3 du Code de
commerce).
52
Sur certaines limites apportées aux pouvoirs de certains mandataires : F. BICHERON, « L’utilisation du mandat
en droit de la famille », in Le mandat, un contrat en crise, op. cité, p. 97, spéc. n° 29 et s., p. 106 et s..
53
Par exemple, pour les actes de disposition, l’exigence d’un mandat spécial a été posée à l’article 1988 du Code
civil.
54
PH. LE TOURNEAU, « De l'évolution du mandat », op. cité, p. 157.
55
Loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire
dans le domaine de l'assurance. J. O. du 16 décembre 2005.
56
Articles L. 7121-9 et s. du Code du travail.
57
Article 36 de la loi du 23 juin 2006.
58
La gérance-mandat est définie à l'article L. 146-1 du Code de commerce comme le « contrat par lequel une
personne physique ou morale confie la gestion d’un fonds de commerce ou d’un fonds artisanal dont il demeure
propriétaire à un "gérant-mandataire" tout en acceptant de supporter les risques liées à l’exploitation du bien ».
59
Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, J.O. du
5 Janvier 1972.

19
des connaissances particulières. Il semble alors que, en toute hypothèse, l’intérêt du mandant
demeure la cause principale du recours au mandat. Pour cette raison, contrairement à une idée
reçue, la professionnalisation qui a eu lieu ne s’est pas limitée à la seule qualité de
mandataire. S’il est incontestable que l’exercice de cette activité s’est spécialisé, il est tout
aussi certain que celle de mandant a largement suivi ce mouvement. Autrement dit, de plus en
plus de professionnels ont, pour les besoins de leurs activités, fait appel aux services d’un
mandataire. Le mandat n’est plus exclusivement un contrat d’amis : il est désormais au cœur
de la vie des affaires, au service des intérêts des commerçants, banquiers, industriels,
entrepreneur, hommes d’affaires, … Ce phénomène apparaît parfois clairement dans les
termes de la loi : selon l’article L. 134-1 in fine du Code de commerce, par exemple, l’agent
commercial serait un mandataire qui agit « au nom et pour le compte de producteurs,
d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux »60 ; de même, l’agent
artistique reçoit « mandat à titre onéreux d'un ou de plusieurs artistes du spectacle aux fins de
placement et de représentation de leurs intérêts professionnels »61. Dans certaines hypothèses,
la professionnalisation de la qualité de mandant ne s’est pas accompagnée de la
professionnalisation de celle de mandataire. C’est le cas du droit du transport : en ce domaine
en effet, le mandataire du transporteur demeure bien souvent un salarié-préposé de
l’entreprise de transport62, ce qui signifie que cet intermédiaire demeure un profane63.

13. Cette évolution confirme la place centrale qu’occupe l’intérêt du mandant lors de
l’exécution du mandat ; mais elle témoigne également de la modification du rapport de forces
qui existe entre les parties au contrat. Le donneur d’ordres n’est pas nécessairement en
position d’infériorité mais peut, à l’inverse, bénéficier d’une supériorité économique. Dans
ces conditions, cette évolution ne peut être ignorée par le droit de la responsabilité civile
relatif au contrat de mandat.

14. Mandat et responsabilité civile : un domaine non exploré. En dépit ou, peut-être, en
raison de l’enthousiasme qu’il suscite, le contrat de mandat reste, à ce jour, en partie

60
Nous soulignons.
61
Nous soulignons.
62
Les qualités de mandataire et de salarié ne sont en effet plus incompatibles. D’une part, l’hypothèse d’un
mandat rémunéré a été autorisé en 1804 au terme d’un article 1986 du Code civil qui dispose que « le mandat est
gratuit s'il n'y a convention contraire » ; d’autre part, la jurisprudence a peu à peu admis, au début des années
1980, que le mandataire pouvait être le préposé de son mandant. Les deux critères de la condition de salarié que
sont le versement d’une rémunération et un lien de subordination étant réunies, il en résulte que, théoriquement,
le mandataire peut être salarié. Nous reviendrons plus longuement sur cette question. (Voir, infra n° 386 et s..)
63
Sur la reconnaissance de la qualité de mandataire du conducteur : Com., 24 novembre 1987 – Pourvoi n° 86-
14.424 ; Bull. civ., 1987, IV, n° 248.

20
inexploré. C’est le cas, en particulier, des rapports qu’il entretient avec le droit de la
responsabilité civile. Précisément, pour l’instant, les travaux consacrés à ce sujet ont
essentiellement porté sur la responsabilité du mandataire vis-à-vis du mandant. Par exemple,
la responsabilité contractuelle du mandataire à l’égard du mandant a été examinée en
profondeur64. En revanche, d’autres pans ont été pratiquement passés sous silence. C’est le
cas, en particulier, de la responsabilité du mandant à l’égard du mandataire ou de la
responsabilité des parties à l’égard des tiers65. Plus généralement, aucune étude d’ensemble
n’a été consacrée, à ce jour, aux rapports du mandat et de la responsabilité civile.

15. Cette relative indifférence étonne, et ce pour au moins deux raisons. D’une part, à une
époque où les procès en responsabilité civile ne cessent de se multiplier, cette question
apparaît plus que jamais d’actualité. Au regard de l’enthousiasme extraordinaire des praticiens
pour ce contrat, ces risques de litiges sont désormais bien réels. En effet, comme on l’a
rappelé, le vingtième siècle est celui de la multiplication des mandats : parmi les contrats
spéciaux, celui-ci est sans nul doute celui qui a été le plus décliné, multiplié, revisité. Depuis
plus de cinquante ans, le mandat a « doublé en volume »66 et il n’est « plus possible de le [le
mandat] regarder comme un "petit contrat"67. Il est devenu "grand" ! »68. Que l’on songe aux
assurances, aux opérations de banque, au monde des transports, à celui du commerce ou de la
grande distribution, … il est incontestable que le mandat est désormais une technique bien
connue du monde des affaires. Plus récemment, de nouveaux mandats ont également fleuri en
droit de la famille. Le mandat à effet posthume, par exemple, permet à un individu de confier,
pour le temps où il ne sera plus, la gestion de sa succession à une personne de confiance69 ; de

64
Par exemple : PH. DIDIER, op. cité ; PH. PETEL, Les obligations du mandataire, préface de M. CABRILLAC,
Litec, Coll. Bib. De droit de l’entrep., Tome 20, 1988. Voir également, dans les ouvrages généraux, l’importance
qui est accordée à chacune de ces questions. A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux, op. cité, spéc. n°
927 et s., pp. 442 et s. ; FR. COLLART-DUTILLEUL et PH. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cité,
spéc. n° 642 et s., pp. 559 et s. ; J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J.
MOREL-MAROGER, Les principaux contrats spéciaux, op. cité, spéc. n° 31222 et s., pp. 1083 et s. ; PH.
MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux, op. cité, spéc. n° 566, pp. 311 et s..
65
Ibid..
66
PH. REMY, « La jurisprudence des contrats spéciaux. Quarante ans de chroniques à la revue trimestrielle de
droit civil », in L'évolution contemporaine du droit des contrats : Journées René Savatier – POITIERS - 24-25-
octobre 1985, P.U.F., coll. Publications de la Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers, 1986, pp. 103
et s., spéc. p. 106.
Voir également : voir : CL. GIVERDON, L’évolution du contrat de mandat, thèse précitée ; Le mandat, un
contrat en crise, ouv. coll. sous la direction de N. DISSAUX, op. cité.
67
Cette expression fait référence au qualificatif qui lui fut accordé, au début du XIX ème siècle, lors de la
codification. La doctrine de l’époque avait en effet distingué les « petits » des « grands », les premiers étant ceux
qui apparaissaient d’une utilité moindre.
68
PH. LE TOURNEAU, « De l'évolution du mandat », Dalloz, 1992, p. 157. Il serait même, selon, les propos de
l’auteur, « devenu un des deux "super-grands" ».
69
Le mandat à effet posthume a été introduit dans notre doit par la loi du 23 juin 2006, n° 2006-728.

21
même, le mandat de protection future offre la possibilité aux parents d’un enfant handicapé,
de désigner la personne qui sera la mieux placée pour prendre soin des intérêts de leur enfant
lorsqu’eux-mêmes ne pourront plus y pourvoir70. Selon nous, ce phénomène quantitatif
augmente de manière significative les risques de litige. D’autre part, le mandat étant un
contrat tourné vers les tiers, le problème de la responsabilité civile des parties à leur égard
peut se poser en raison, par exemple, de la mauvaise exécution ou de l’inexécution du contrat
conclu par l’intermédiation du mandataire, d’une mauvaise action de l’intermédiaire lors de
l’accomplissement de sa mission, ou encore de l’exécution fidèle d’instructions défectueuses.

16. La définition du problème de la responsabilité dans le mandat. Aussi sommes-


nous convaincue de l’utilité et de l’intérêt d’une étude croisée portant sur les rapports du
contrat de mandat et de la responsabilité civile. En l’état, l’absence de réflexions d’ensemble
sur la mise en œuvre de la responsabilité civile dans le mandat conduit à occulter certaines
spécificités ou certains traits nouveaux de ce contrat. Par exemple, les conséquences de la
professionnalisation de cette figure juridique n’ont été envisagées qu’à travers la
responsabilité du mandataire. Pour la majorité de la doctrine, cette évolution doit conduire à
un durcissement de la responsabilité du mandataire. Cette conception s’insère parfaitement
dans la logique de défiance généralement exprimée vis-à-vis des gérants pour autrui. Elle
n’est pourtant pas exempte de critiques. En effet, si confier la gestion de ses biens à un tiers
comporte nécessairement des risques, ce péril s’accompagne aussi – et surtout – de
l’espérance ferme en une gestion plus dynamique et / ou plus efficace et / ou plus qualifiée
que ne pourrait l’être une gestion personnelle. L’idée soulignée ici est que l’intérêt du
mandant est, tout autant sinon plus que le risque encouru par ce dernier, au cœur du
mécanisme. Malgré cela, il semble que le risque ait pris une place prépondérante dans le
traitement juridique du mandat, au point, peut-être, d’occulter ce qui est de son essence même
: l’action pour le compte et dans l’intérêt du mandant.

17. En outre - et surtout -, cette conception rejette dans l’oubli une partie de l’évolution du
mandat : la professionnalisation de la qualité de mandant71. En effet, lors de développements
précédents, il a été précisé que la professionnalisation du mandat était bilatérale et atteignait
autant l’exercice de l’activité de mandataire que celle de mandant 72. Pourtant, de manière

70
Les mandats de protection future (le pluriel doit ici être utilisé : il convient en effet de distinguer selon que le
mandat de protection future est donné pour soi ou pour autrui) ont été introduits dans notre droit par la loi du 5
mars 2007, n° 2007-293.
71
Supra, n° 14.
72
Ibid..

22
générale, les conséquences de cette évolution ont surtout été envisagées à travers la
responsabilité du mandataire et la plupart des auteurs qui l’ont évoquée ont considéré que la
responsabilité du mandataire devait être durcie73. A rebours, il semble que cette évolution
contemporaine soit indolore pour le mandant, tant à l’égard de sa propre responsabilité qu’en
faveur d’un adoucissement de la responsabilité du mandataire74.

18. Pourtant, deux raisons invitent à considérer que l’évolution recommandée ne peut se
limiter à un durcissement de la responsabilité du mandataire. D’une part, l’essor considérable
de l’activité commerciale qui a généré le développement exceptionnel de ce contrat souligne
l’omniprésence de l’intérêt du mandant75. D’autre part, la bilatéralisation de la
professionnalisation du mandat suggère que, dans de nombreuses hypothèses, le mandant
conserve un certain contrôle sur l’activité du mandataire76. Cette apparente rigueur pourrait
surprendre et apparaître contradictoire par rapport à certains aspects du droit positif qui, dans
une certaine mesure, prend en compte la situation précaire ou, à tout le moins,
économiquement dépendante, du mandataire. En effet, depuis une trentaine d’années, la loi et
la jurisprudence semblent s’orienter dans le sens d’une meilleure protection de cet
intermédiaire. En attestent, notamment, la multiplication des statuts légaux qui ont pour
objectif un meilleur encadrement de la profession de mandataire. Cette tendance se vérifie
aussi – et surtout - avec le développement de la notion de mandat d’intérêt commun dont la
finalité est précisément de protéger le mandataire contre le pouvoir du mandant de révoquer le
mandat quand bon lui semble77. De ce point de vue, l’on se retrouve face à un décalage entre
une vision doctrinale dominée par un souci de rigueur à l’égard du mandataire et l’évolution
du droit positif qui contredit, dans une certaine mesure, cette approche.

19. C’est surtout à propos de la responsabilité des parties à l’égard des tiers que les
attentes se font les plus pressantes, tant les études consacrées à ce sujet sont peu nombreuses,

73
F. OUAEDRAOGO, La responsabilité civile du mandataire, sous la direction de B. GROSS, NANCY 2, thèse
dactylo., 1991 ; PH. PETEL, Les obligations du mandataire, op. cité, spéc. p. 2 et s. ; PH. LE TOURNEAU, « De
l'évolution du mandat », op. cité.
74
Ainsi, dans un arrêt rendu le 3 avril 2007 par la première Chambre civile dans lequel la Cour de cassation, il a
été jugé que « le notaire, professionnellement tenu d'informer et d'éclairer les parties sur les incidences fiscales
des actes qu'il établit, ne peut être déchargé de son devoir de conseil envers son client par les compétences
personnelles de celui-ci » (Civ. 1, 3 avril 2007 - Pourvoi n° 06-12.831 ; Bull. civ., 2007, I, n° 142). Nous
soulignons.
75
Supra, n° 13 et 14. .
76
Ibid..
77
Pour plus de développements à propos de la notion de mandat d’intérêt commun : infra n° 153 et s. et 336 et
s..

23
en particulier en ce qui concerne la responsabilité civile délictuelle78. Elle n’est toutefois que
le reflet du désintérêt du législateur pour cette question. En effet, sur les vingt-sept
dispositions que comporte le Titre XIII du Livre 3ème du Code civil, aucune ne s’y intéresse.

20. Cette situation étonne. En effet, on l’a vu, l’objet de ce contrat se définit généralement
par la préparation et la conclusion d’un acte juridique pour le mandant. Autrement dit, c’est
essentiellement en matière précontractuelle que le mandataire intervient. Dans l’hypothèse
d’un dommage subi par les tiers, c’est donc la question de la responsabilité délictuelle qui
devrait être posée. Dans ce cas de figure, « le responsable délictuel est déterminé par des
règles d'imputation légales et jurisprudentielles qui dépendent de la nature du fait
générateur »79. « Lorsque le fait est personnel, son imputation à un responsable suppose de
qualifier ce dernier d'auteur d'une faute objective. (…) Lorsque le fait générateur est le fait
d'autrui, les articles 1384 alinéas 1, 4 et 5 interprétés par la jurisprudence visent en matière
extracontractuelle des personnes dotées d'une qualité ou plutôt d'une fonction particulière
impliquant l'exercice d'une autorité »80. Parce que, dans le mandat, l’intermédiaire est
l’unique interlocuteur du tiers et parce qu’il est considéré comme agissant librement, il est
généralement en première ligne.

21. Au regard du contexte dans lequel le dommage est causé, ce choix pourrait, dans une
certaine mesure, apparaître incohérent. En effet, celui-ci a pu se réaliser parce qu’un ordre
avait été émis. Autrement dit, si le rôle de l’intermédiaire est indéniable lors de la
« réalisation » du risque, celui du mandant en tant que « donneur d’ordres » est prépondérant
quant à sa « création ». Par conséquent, désigner le seul mandataire comme responsable du
dommage subi par le tiers suppose que le voile tombe sur le rôle initial du mandant : celui-ci
peut, par exemple, avoir délivré un mandat défectueux. Par ailleurs, la faute du mandataire
peut avoir été commise dans l’intérêt du mandant. Par voie de conséquence, la mise en œuvre
de la responsabilité civile du mandataire pourrait parfois constituer une solution sévère pour
ce dernier, ou transformer l’exercice du mandat en jeu dangereux pour un intermédiaire
tiraillé entre les ordres de celui pour lequel il agit et les intérêts de celui auprès duquel il
intervient.

78
Voir, cependant, N. DISSAUX, La qualification d’intermédiaire dans les relations contractuelles, op. cité, n°
1320 et s., pp. 549 et s..
79
J.-CH. SAINT-PAU, « Droit à réparation - Rapports entre responsabilités délictuelle et contractuelle », in J.Cl.
Civil Code, « Art. 1146 à 1155 », Fasc. 15, 2013, spéc. n° 17.
80
Ibid., spéc. n° 17 à 19.

24
22. A plusieurs égards, cette orientation semble incompatible avec certains aspects du
mandat. Tout d’abord, la mise en œuvre de la seule responsabilité du mandataire apparaît
contradictoire avec la finalité même de ce contrat qui se définit par la valorisation des intérêts
du mandant. Ensuite, le choix de la seule responsabilité du mandataire va à l’encontre de
l’idée selon laquelle le mandataire est un intermédiaire transparent. A supposer ce principe
avéré, cela reviendrait à admettre qu’il ne s’applique, en définitive, que partiellement. Plus
précisément, cette transparence ne serait invocable qu’en ce qui concerne les bénéfices de
l’opération, celle-ci devant être mise de côté en ce qui concerne les risques de l’opération.
Sans doute conforme à l’idée selon laquelle celui « qui cause à autrui un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », cette distribution des rôles est en
revanche en contradiction avec l’esprit du mandat. Enfin, cette sévérité apparait difficilement
conciliable avec l’évolution contemporaine du mandat et, en particulier, avec la
professionnalisation de l’activité de mandant. En effet, le plus souvent, le pouvoir
économique repose sur les épaules du mandant. Or, cette conception conduirait à faire peser le
risque sur l’acteur le plus faible. Par conséquent, la dissociation entre la décision et l’action
d’une part et entre l’attribution et la valorisation des bénéfices d’autre part posent question :
dans quelle mesure celui qui tire avantage de l’activité économique de ses agents pourrait-il
être tenu pour responsable des dommages éventuellement subis pas les tiers ?

23. La théorie du risque. L’on voit poindre ici la célèbre théorie du risque née, à la fin du
dix-neuvième siècle, sous la plume de Jean LABBE81 mais systématisée par Raymond
SALEILLES82 et Louis JOSSERAND83. Pour l'essentiel, cette proposition visait à remédier aux
insuffisances de la faute comme fondement de la responsabilité civile. C'est dans le domaine
des accidents du travail que les carences les plus flagrantes ont été relevées, parce que le
besoin de réparation des victimes se heurtait régulièrement aux exigences d'une faute prouvée.
En effet, à l'époque de la révolution industrielle, le développement du machinisme
s’accompagna bien souvent d’une multiplication des causes de dommages dans l’entreprise…
sans qu’une faute quelconque ne puisse toujours être relevée. Guidés par le souci évident
d’améliorer l’indemnisation de ces victimes, certains auteurs prirent l’initiative d’un

81
En effet, dans un article paru en 1890, Jean LABBE évoquait déjà un principe selon lequel « celui qui perçoit
les émoluments procurés par l'emploi d'une machine, susceptible de nuire aux tiers, doit s'attendre à réparer les
préjudices que cette machine causera » (nous soulignons). S., 1890, 4, 18.
82
R. SALEILLES, Les accidents du travail et la responsabilité civile - Essai d'une théorie objective de la
responsabilité délictuelle, PARIS, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence, A. ROUSSEAU Editeur, 1897 ;
du même auteur, « Le risque professionnel dans le code civil », La réforme sociale, 1898, pp. 634 et s..
83
L. JOSSERAND, De la responsabilité du fait des choses inanimées, PARIS, Librairie nouvelle de droit et de
jurisprudence, A. ROUSSEAU Editeur, 1897.

25
renouvellement du fondement de la responsabilité civile délictuelle. C’est la notion de risque
qui devait jouer ce rôle, mais cette idée fut comprise différemment84.

24. Pour Raymond SALEILLES, le risque correspondait à la contrepartie du profit retiré par
l’activité d’autrui. « Que celui qui a les profits supporte les risques »85 écrivit-il à propos de
l’arrêt Teffaine. De son côté, Louis JOSSERAND formulera l’idée d’un « risque créé », c’est-à-
dire que celui qui introduit un risque dans la vie d’autrui doit en répondre s’il se réalise. Ces
deux théories, bien que distinctes, sont voisines et conduisent toutes deux à l’éviction de la
faute. Dans ces deux hypothèses, c’est sur celui qui dispose du fonctionnement d’une
entreprise que repose l’obligation de réparer… quand bien même aucune faute ne pourrait être
retenue à son encontre. De ce point de vue, le problème de la responsabilité repose sur « un
problème scientifique de causalité »86 qui conduit à éluder toute connotation morale. Si le
succès de cette théorie est indéniable87, son rôle en tant que fondement de la responsabilité
civile est plus limité88 ce qui signifie que l’ensemble de la matière est demeurée attachée au
concept de la faute.

25. A l’époque contemporaine, cette analyse a plus récemment inspiré d’autres auteurs qui
ont également cherché à faire coïncider le risque avec le profit, les avantages d’une activité
avec la responsabilité.

26. Première piste : l’utilisation du mécanisme de la responsabilité du fait d’autrui.


Pour parvenir à ce résultat, certains ont proposé d’exploiter les ressources de la responsabilité
du fait d’autrui. Madame DEL CONT suggère ainsi « d’appréhender les accidents de l’échange
marchand à travers ce modèle (…) et de faire rentrer les agents économiques dépendants

84
J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations – Le fait juridique, Tome 2, Sirey, coll. Université, série
Droit privé, 14ème édition, 2011, spéc. n° 70, pp. 81 et s..
85
Note R. SALEILLES à propos de l’arrêt Teffaine, Civ., 16 juin 1896, D.P., 1897, 1, p. 433.
86
J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, op. cité, spéc. n° 70, p. 81.
87
Certaines solutions mises en place par le législateur ou la jurisprudence attestent en effet de manière
incontestable de l’intégration de la théorie du risque dans notre positif. L’on pense, par exemple, au mécanisme
de la responsabilité du fait des choses qui reprend l’essentiel des propositions de SALEILLES et JOSSERAND ; à la
loi du 9 avril 1898 relative aux accidents du travail qui consacre l’idée d’un risque professionnel ; au déclin des
responsabilités pour faute et à l’explosion des responsabilités de plein droit (à titre d’exemple, l’on peut évoquer
l’évolution de la responsabilité du commettant pour le fait du préposé ou celle relative à la responsabilité pour
trouble du voisinage) qui, implicitement, se justifient par la nécessité de garantir certains risques. Or, si l’objectif
des auteurs était, non pas d’expliquer le droit existant, mais de transformer certaines solutions pour parer à
certains inconvénients (G. VINEY, Introduction à la responsabilité, L.G.D.J., coll. Traité de droit civil, sous la
direction de J. GHESTIN, 3ème édition, 2008, spéc. n° 49, pp. 109), il est tout à fait certain que cet objectif a été
largement atteint
88
Voir, not. : G. VINEY, Introduction à la responsabilité, op. cité, spéc. n° 50 et s., pp. 111 et s..

26
dans la catégorie des "personnes dont on doit" répondre »89. Elle justifie cette idée en
rappelant que le principe général de responsabilité du fait d’autrui, comme celui de la
responsabilité du fait de choses, s’inscrit dans un mouvement visant à promouvoir
« l’imputation matérielle des risques d’une activité sur le sujet juridique qui en exerce le
contrôle et la maîtrise »90. L’auteur évoque ainsi très clairement la thèse du risque-profit que
certains ont pu qualifier de fondement de la responsabilité du fait d’autrui91. Une dizaine
d’années plus tard, Monsieur DE BOÜARD reprend le flambeau et préconise également de
rattacher la responsabilité du propriétaire économique au régime de responsabilité défini par
le premier alinéa de l’article 1384 du Code civil. Il procède d’une manière semblable à celle
de son prédécesseur en invoquant « le profit que retire le partenaire dominant de l’activité
exercée sous son contrôle par l’entrepreneur économiquement dépendant »92.

27. Envisagées sous l’angle du « risque-profit », ces propositions sont stimulantes. En tout
état de cause, elles ouvrent une piste de réflexion à l’égard d’une possible mise en œuvre de la
responsabilité du mandant pour le fait du mandataire. Autrement dit, ces travaux nous invitent
à nous interroger sur la possible extension de la responsabilité du fait d’autrui à la relation
mandant-mandataire93.

28. A ce stade, cette approche appelle deux séries de remarques. D’une part, le recours au
mécanisme de la responsabilité du fait d’autrui dans le cadre du mandat supposera de vérifier
que les éléments constitutifs d’une telle responsabilité sont réunis et, notamment, que le lien
formé entre le mandant au mandataire se confond parfaitement avec celui qui unit le primo-
responsable au garant. D’autre part, la mise en œuvre de la responsabilité du fait d’autrui
supposera de mettre de côté l’une des spécificités du mandat : la transparence du mandataire.
En effet, techniquement, la responsabilité du répondant ne fait pas disparaître celle d’autrui 94.
Autrement dit, la mise en œuvre de la responsabilité du fait d’autrui dans l’hypothèse du
mandat ne devrait pas permettre de mettre suffisamment en lumière la situation particulière du
mandataire.

89
C. DEL CONT, Propriété économique, dépendance et responsabilité, préface de F. COLLART-DUTILLEUL et G.
J. MARTIN, PARIS, L'Harmattan, coll. Logiques juridiques, 1997, spéc. p. 275.
90
Ibid., p. 268.
91
Voir notamment P. JOURDAIN, « La responsabilité du fait d’autrui à la recherche de ses fondements », in
Etudes à la mémoire de Christian LAPOYADE-DESCHAMPS, ouvrage précité, pp. 67 et s..
92
F. DE BOÜARD, La dépendance économique née d’un contrat, préface de G. VINEY, L.G.D.J, Coll.
Bibliothèque de l’Institut André TUNC, Tome 13, 2007, spéc. n° 702 et s., pp. 393 et s..
93
Certains arrêts de jurisprudence vont d’ailleurs on ce sens : Civ. 1, 27 mai 1986 - Bull. civ. n° 134.
94
Pour plus de développements sur cette question : infra n° 632 et s.. A propos du cas particulier de la
responsabilité du commettant et de l’immunité du préposé : infra n° 399 et s..

27
29. Seconde piste : une responsabilité reposant sur les caractéristiques du mandat.
C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’une autre voie doit pouvoir être envisagée. A
notre sens, celle-ci devrait s’appuyer plus particulièrement sur les caractéristiques du mandat.
Cette piste a été évoquée par Madame VINEY. En effet, dans son Traité de responsabilité
civile, elle a souligné que « dans l’ordre économique, il est également inévitable que le
régime de responsabilité incombant à ceux qui profitent de l’activité d’autrui pour les
dommages causés par un agent d’exécution ou par un professionnel en situation de
dépendance soit lié au développement des formes de collaboration telles que le salariat, la
sous-traitance, les contrats de distribution intégrée, par exemple la concession commerciale,
la franchise… »95.

30. En substance, cela revient à considérer que la détermination d’une responsabilité, en


matière économique, repose préalablement sur l’identification précise de la technique
juridique utilisée pour le développement de l’activité correspondante. En suivant cette
approche méthodologique, nous tenterons ici de montrer qu’étant articulé sur la technique
juridique de la représentation, le contrat de mandat peut être la source d’une responsabilité
fondée sur la représentation.

31. Au premier abord, cette suggestion semble incongrue tant la technique représentative
paraît incompatible avec le fait juridique. En effet, le mécanisme de la représentation est
généralement enfermé dans le carcan de l’acte juridique et il semble impossible de l’en
extirper. Pourtant, plusieurs éléments, à la fois historiques et juridiques, permettent de lever
cet obstacle. L’examen du droit romain, tout d’abord, montre que le mécanisme de la
représentation peut s’étendre au fait juridique. Ainsi, les juristes de cette époque ont autorisé
le recours à la représentation en matière de possession96. De même, il fut admis que la faute
de l’esclave permettait à la victime d’obtenir réparation auprès du maître en se faisant payer
une réparation par le biais de l’action noxale97. Le droit comparé, ensuite, offre des
illustrations convaincantes. Le droit allemand, en particulier, a consacré un régime de
responsabilité par représentation98. Mais surtout, l’examen attentif du droit positif montre
qu’un nouveau régime de responsabilité par représentation pourrait parfaitement trouver sa
place aujourd’hui dans notre système juridique. De fait, l’expression « responsabilité par

95
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, coll. Traité de droit civil, sous la direction de J.
GHESTIN, L.G.D.J., 3ème édition, 2006, spéc. n° 788, pp. 903 – 904. Nous soulignons.
96
F. GIRARD, Manuel élémentaire de droit romain, par F. SENN, PARIS, Dalloz, 2003, spéc. pp. 294 et s..
97
PH. DIDIER, De la représentation en droit privé, op. cité, spéc. n° 56, pp. 36 et s..
98
Infra, n° 438.

28
représentation » est d’ores et déjà couramment utilisée à propos de la responsabilité pénale
des personnes morales. Si, en matière de responsabilité civile, l’usage est encore inhabituel, il
n’en reste pas moins que l’utilisation de cette expression dans notre droit autorise la réflexion.

32. A notre avis, cette voie présenterait plusieurs intérêts. D’une part, elle suppose que
l’on s’intéresse à l’identité du mandat, c’est-à-dire que l’on prenne position sur ce qui fait sa
spécificité. En effet, proposer un régime de responsabilité économique fondé sur la forme de
collaboration mise en œuvre suppose, précisément, que soit identifié avec exactitude cette
forme de collaboration. Autrement dit, suivre cette direction impose de s’interroger
préalablement sur la définition du mandat, donc de lui donner un visage. D’autre part, en
prenant appui sur la forme de collaboration mise en œuvre dans le mandat, la responsabilité
ainsi définie est susceptible d’apparaître comme le corollaire du but recherché par les parties
au contrat principal, qu’il s’agisse du profit escompté par le maître de l’affaire ou, à l’inverse,
de la non-participation aux risques par l’intermédiaire. Cette conception d’une responsabilité
déduite de la technique de collaboration aurait ainsi pour avantage de mettre en exergue les
spécificités de la collaboration ainsi considérée.

33. Il est évident que si la possibilité théorique d’un régime de responsabilité par
représentation devait être reconnue, de nombreuses questions pratiques s’inviteraient dans
notre travail. Il conviendrait notamment de s’interroger sur le régime juridique de cette
responsabilité, sur son domaine d’application (spécifique au mandat ? à la représentation
conventionnelle ? élargie à toutes situation de représentation ?), sur sa place en droit de la
responsabilité civile et sur son articulation éventuelle avec les règles classiques définies par
les articles 1382 et suivants du Code civil. De ce point de vue, c’est la question de ces
caractéristiques propres qui devrait également être réglée. Il conviendrait encore de se
demander si le mandant dispose d’éventuels moyens de défense contre le mandataire ou si un
partage de responsabilité est envisageable. En d’autres termes, c’est le problème de l’étendue
de la transparence du mandataire qui devrait être posée.

34. Plan. Cependant, ces propositions ne peuvent être formulées sans avoir d’abord cerné
avec précision l’identité du contrat de mandat. Cette première démarche est primordiale car
c’est elle qui permettra de déterminer si le droit positif de la responsabilité civile est
aujourd’hui bien adapté à la spécificité du mandat. C’est la raison pour laquelle la première
partie de ce travail sera consacrée à l’analyse critique des liens actuels entre la responsabilité
civile et le contrat de mandat. Précisément, il sera procédé en premier lieu à la déconstruction

29
du lien existant entre le mandat et la responsabilité civile, c’est-à-dire, au sens littéral du
terme, au « désassemblage des parties d’un tout »99 « par l’analyse »100 (Partie 1). Cette
étape franchie, il sera possible, sur la base des résultats obtenus, de formuler une proposition
de reconstruction du droit positif en vue d’orienter le droit de la responsabilité civile vers une
meilleure prise en compte de la spécificité du contrat de mandat (Partie 2).

99
Le nouveau Littré, sous la direction de J. PRUVOST, 2004, v° « déconstruction ».
100
Le petit Robert, texte remanié et amplifié de J. REY-DEBOVE et A. REY, 2012, v° « déconstruction ».

30
Partie 1 – La déconstruction du régime de responsabilité civile
dans le mandat

35. Problématique. Notre première partie consacrée à la « déconstruction du régime de


responsabilité dans le mandat » aura pour objet l’analyse critique des liens actuels entre le
droit de la responsabilité civile et le contrat de mandat. Il ne s’agira pas de « détruire »
l’approche juridique qui a pu être effectuée sur le sujet mais, plus humblement, de vérifier la
cohérence du régime de responsabilité au regard de la spécificité du mandat. Plus
précisément, le mandat se définissant comme un contrat de gestion pour autrui - ce qui
signifie que le bénéficiaire de l’opération ne sera pas celui qui agit mais celui qui commande -
nous nous sommes interrogée, lors de notre introduction, sur le point de savoir dans quelle
mesure le mandant qui tire avantage de l’activité économique de son mandataire pourrait être
tenu pour responsable des dommages éventuellement subis pas les tiers.

36. A cette fin, il a été établi que deux voies pouvaient être envisagées. L’une, classique,
reposerait sur le mécanisme de la responsabilité par représentation ; l’autre, plus novatrice, se
déduirait de la technique de collaboration mise en œuvre dans le mandat. Cette seconde
alternative appelle deux remarques. D’une part, cette option ne présente d’intérêt que si les
règles habituelles sont insuffisantes, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas suffisamment adaptées à
la spécificité du mandat. D’autre part, cette voie ne peut être suivie si l’identité du mandat n’a
pas été préalablement cernée.

37. Plan. Pour ces raisons, nous débuterons cette première partie par identifier la
spécificité du mandat (Titre 1). Cette opération précèdera l’examen de la responsabilité civile
telle qu’elle est actuellement mise en œuvre en droit positif. Plus précisément, il s’agira
d’apprécier l’efficacité et la cohérence des règles de responsabilité au regard de la spécificité
du mandat (Titre 2).

31
32
Titre 1 – La spécificité du mandat

38. Problématique. Afin de cerner avec précision la spécificité du contrat de mandat, il


convient de procéder à l’opération de qualification101. Celle-ci a pour objectif d’isoler la
figure juridique du mandat parmi les différentes conventions d’intermédiation en mettant en
évidence les caractéristiques qui lui sont propres. Pour cela, nous allons nous mettre en quête
de l’élément qui permet l’identification du mandat. Il s’agit donc de découvrir l’élément
essentiel du mandat102, également qualifiée « prestation caractéristique »103.

101
A propos de l’opération de qualification : G. CORNU, Droit civil - Introduction au droit, Montchrestien, coll.
Domat Droit privé, 13ème édition, spéc. n° 194, p. 107 ; F. GENY, Science et technique en droit privé positif :
nouvelle contribution à la critique de la méthode juridique, Tome III, PARIS, Sirey, 1925, spéc. n° 181, pp. 11
et s. ; J. GHESTIN, G. GOUBEAUX, Traité de droit civil - Introduction générale, Tome 1, L.G.D.J., 2ème édition,
1983, n° 35 et s., pp. 28 et s. ; H. KELSEN, Théorie pure du droit, trad. CH. EISENMANN, Dalloz, 1962, pp. 1, 94
et s., 100 et 101. J.-FR. OVERSTAKE, Essai de classification des contrats spéciaux, préface de J. BRETHE DE LA
GRESSAYE, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 91, 1969, spéc. pp. 31 et s.. CH. ATIAS,
« Réflexions sur les méthodes de la science du droit », D., 1983, chronique XXVI, pp. 145 et s. ; H. MAZEAUD,
« Essai de classification des obligations », R.T.D. Civ., 1936, pp. 1 et s.. J.-L. BERGEL, Théorie générale du
droit, Dalloz, coll. Méthodes du droit, 5ème édition, 2012, spéc. n° 192, pp. 246 et s.. Du même auteur : J.-L.
BERGEL, « Différence de nature (égale) différence de régime », R.T.D. Civ., 1984, pp. 255 et s.. Concl. CHENOT,
sous C.E., 10 février 1950, Recueil Conseil d’Etat, p. 100.
102
C’est à partir d’un fragment d’ULPIEN aux termes duquel « si nihil convenit, tunc ea praestabuntur quae
naturalitere insunt hujus judicii potestae » (littéralement « Si rien est convenu [par les parties au contrat], alors
les éléments manquants seront appliqués par l’autorité judiciaire en fonction de la nature du contrat »), que les
juristes romanistes ont élaboré la distinction, aujourd’hui classique, entre les éléments essentiels, les éléments
naturels et les éléments accidentels. (Sur la distinction voir par exemple P.-F. GIRARD, Manuel élémentaire de
droit romain, par F. SENN, PARIS, Dalloz, 2003, pp. 472 et s. ; F. TERRE, L'influence de la volonté individuelle
sur les qualifications, préface de R. LE BALLE, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 2, 1957, n° 33 et
s., p. 35 et s. ; G. GOUBEAUX, La règle de l'accessoire en droit privé, préface de D. TALON, 1969, L.G.D.J., coll.
Bibliothèque de droit privé, Tome 93, n° 143 et s., p. 214 et s. ; J. ROCHFELD, Cause et type de contrat, préface
de J. GHESTIN, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 311, 1999, n° 158, p. 147 ; C. PERES, La règle
supplétive, préface de G. VINEY, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 421, 2004, spéc. n° 528 et s.,
pp. 511 et s..) Dans son Traité des obligations, POTHIER expose ainsi que les juristes ont, depuis le XVIIème
siècle, entrepris de distinguer « trois différentes choses dans chaque contrat, celles qui sont de l'essence du
contrat, celles qui sont seulement de la nature du contrat, et celles qui sont accidentelles au contrat ». S’agissant
des premières, ce sont celles « sans lesquelles ce contrat ne peut subsister ; faute de l'une de ces choses, où il n'y
a pas du tout de contrat, ou c'est une autre espèce de contrat ». (POTHIER, Traité des obligations, selon les
règles, tant du for de la conscience que du for extérieur, Tome 1, PARIS, Debure l’aîné, nouv. édition revue et
augmentée, 1764, § 111, spéc. n° 5 et s., pp. 11 et s..)
Autrement dit, l’obligation essentielle ou prestation caractéristique est l’élément qui permet de
distinguer les contrats spéciaux les uns par rapport aux autres. Lorsque le contrat est conclu à titre onéreux, cette
obligation essentielle désigne « la prestation réelle rémunérée » ; lorsque le contrat est conclu à titre gratuit, la
prestation caractéristique est la prestation unique principale ; lorsque le contrat est conclu dans l’intérêt commun
des parties, il s’agit de la prestation finale. Pour le mandat, il s’agira donc toujours de la prestation promise par le
mandataire, l’obligation principale du mandant ne se définissant généralement (mais non systématiquement) que
par une obligation de rémunération et, épisodiquement, par l’obligation de maintenir le pouvoir de
représentation. M.-E. ANCEL, La prestation caractéristique du contrat, op. cité, spéc. n° 158 et s., pp. 111 et s..
103
Généralement, ces différentes notions sont tenues pour synonymes par la doctrine qui utilise indifféremment
l’une ou l’autre terminologie. Madame ANCEL, néanmoins, nuance ces propos. Outre le fait que l’expression
« prestation caractéristique » soit d’origine anglo-saxonne et que celle d’« obligation essentielle » présente
« une élégance et une ampleur française » (nous soulignons), (M.-E. ANCEL, La prestation caractéristique du

33
39. A cette fin, nous avons choisi de nous appuyer sur la définition du mandat qui a été
insérée dans le corps même de la loi. En effet, selon l’article 1984 du Code civil, le mandat
est, non seulement, un contrat de gestion pour autrui, mais il est aussi – et surtout – un contrat
par lequel le mandataire s’engage à « faire quelque chose pour le mandant et en son nom ». A
l’inverse, le commissionnaire est défini à l’article L. 132-1 du Code de commerce comme
« celui qui agit en son propre nom ». Autrement dit, c’est dans la formule action « au nom
d’autrui » que résiderait le critère d’identification du mandat104.

40. Si cette hypothèse était avérée, l’influence de ce critère sur le régime juridique du
contrat de mandat pourra être analysée. En effet, l’influence que l’élément essentiel exerce sur
le régime juridique du contrat en cause ne laisse guère de place au doute. Qu’elle entretienne
des liens avec la cause105 ou définisse l’économie générale du contrat106, qu’elle facilite
l’organisation de l’ensemble des règles applicables à une convention107 ou écarte de
l’application de certaines clauses qui lui porteraient directement atteinte108, « la prestation
caractéristique », écrit Madame ANCEL, « apparaît comme la prestation qui pèse le plus
fortement et le plus spécifiquement sur l’ensemble du régime de telle ou telle figure
contractuelle »109. De ce point de vue, l’originalité et la spécificité du mandat pourront être
révélées et les obligations mises à la charge des parties au mandat précisées. Indirectement,
c’est donc la question de la mise en œuvre de la responsabilité civile dans le mandat qui est
posée puisque, chaque fois que l’un ou l’autre des cocontractants ne respectera pas ses
engagements, une action en responsabilité civile pourra être mise en œuvre. Ainsi, en révélant
l’originalité du mandat, nous pourrons, par la suite, vérifier que le droit positif de la
responsabilité civile est aujourd’hui bien adapté à la spécificité de ce contrat. Dans la

contrat, préf. de L. AYNES, Economica, coll. Recherches juridiques, Tome 2, spéc. n° 150, pp. 104 - 105), la
première serait, pour deux raisons, mieux adaptée. D’une part, le terme prestation porterait en lui le dynamisme
du contrat ; d’autre part, celui de caractéristique renverrait plus clairement à une typologie (M.-E. ANCEL, op.
cité, spéc. n° 151, p. 105). Mais, selon nous, il ne s’agit là que d’une querelle de mots et nous utiliserons sans
distinction l’une ou l’autre formule.
104
En ce sens également : M.-E. ANCEL, op. cité, n° 159, p. 112.
105
J. ROCHFELD, Cause et type de contrat, op. cité, spéc. n° 143, pp. 134 et s..
106
G. RIPERT et J. BOULANGER, Traité de droit civil d'après le traité de Planiol, Tome 2, L.G.D.J., 1957, spéc.
n° 241, p. 99 ; J.-FR. OVERSTAKE, op. cité, spéc. p. 31 ; A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux civils
et commerciaux, op. cité, spéc. n° 8, pp. 5-6.
107
M.-E. ANCEL, op. cité, spéc. n° 286 et s., pp. 211 et s..
108
Tel est le sens de la jurisprudence Chronopost., Com., 22 octobre 1996 – Pourvoi n° 93-18.632 ; Bull. civ.,
1996, IV, n° 261 : JCP G., 1997, II, 22881, note D. COHEN ; JCP G., 1997, I, 4025, no 17, obs. G. VINEY ; JCP
G., 1997, I, 4002, no 1, obs. M. FABRE-MAGNAN ; D., 1997, p. 121, note A. SÉRIAUX ; D., 1997, p. 145, note CH.
LARROUMET ; D., 1997, p. 175, obs. PH. DELEBECQUE ; C.C.C., 1997, comm. n° 24, obs. L. LEVENEUR ; R.T.D.
Civ., 1997, p. 418, obs. J. MESTRE ; R.T.D. Civ., 1998, p. 213, note N. MOLFESSIS.
109
M.-E. ANCEL, op. cité, spéc. n° 7, p. 5.

34
négative, l’hypothèse que nous avons formulée d’une responsabilité par représentation pourra
être étudiée.

41. Plan. Pour toutes ces raisons, nous commencerons par vérifier que l’expression action
« au nom d’autrui » définit le critère d’identification du mandat (Chapitre 1) avant de
préciser les effets sur le régime juridique de ce contrat (Chapitre 2).

35
36
Chapitre 1 – Le critère de distinction : l’action « au nom d’autrui »

42. Plan. Les difficultés à appréhender la représentation comme critère d’identification du


contrat de mandat suggère que mandat et représentation ne peuvent être confondus. Plus
précisément, le mandat (support contractuel) n’absorberait pas la représentation (technique
d’imputation des effets d’un contrat conclu pour autrui) (Section 2). Reconnaître la structure
dualiste du mandat présenterait pour nous un intérêt majeur : celui de pouvoir nous interroger
sur la possible existence d’une responsabilité par représentation. Cette hypothèse, que nous
avons formulée lors de notre introduction, semble en effet difficilement soutenable dès lors
que mandat et représentation se confondent. En l’absence de théorie générale de la
représentation, c’est au travers du mandat que le régime juridique de ce mécanisme a été
élaboré. Or, l’objet du mandat se définissant par l’accomplissement d’un acte juridique, la
technique représentative s’est également trouvée enfermée dans le carcan de l’acte juridique.
De ce point de vue, seuls les effets d’un acte juridique seraient, en principe, à la charge du
représenté. La responsabilité par représentation que nous évoquons étant de nature
délictuelle110, cette hypothèse ne peut sérieusement être examinée sans que la distinction du
mandat et de la représentation ne soit affirmée.

43. Quoi qu’il en soit, la dissociation du mandat et de la représentation ne modifie en rien


l’identité du contrat de mandat : théoriquement séparables, l’un et l’autre devront être réunis
pour que le contrat puisse recevoir la qualification de mandat (Section 1).

110
Supra, n° 437.

37
Section 1 - L’identification du contrat de mandat à partir du critère de
l’action « au nom d’autrui »

44. Plan. L’identification du mandat à partir du critère de l’action « au nom d’autrui »


suppose, dans un premier temps, que soit précisé le sens de cette expression (§1) pour que,
dans un second temps, l’on puisse montrer que sa caractérisation détermine ou exclut
l’existence d’un mandat (§2).

§1- La signification du critère

45. Problématique. L’on admet généralement que la terminologie « action au nom


d’autrui » fait référence à la représentation. De ce point de point de vue, ce mécanisme
constituerait le critère d’identification du mandat. Encore faut-il s’accorder sur le sens
véritable de cette notion.

46. Approche notionnelle de la représentation. Si l’on en croit la variété des termes


utilisés en doctrine, définir la notion de représentation s’avère être une entreprise délicate tant
ce terme recouvre des situations disparates. Tantôt parfaite, tantôt imparfaite 111, directe ou
indirecte112, représentation réelle113 ou représentation personnelle, représentation fiduciaire ou
objective114 il n’y aurait pas « une » mais « des » représentations. A moins de considérer,
comme le suggèrent certains auteurs, que le mot « représentation » est le genre qui regroupe
tous ces éléments115. L’évolution technique observée à propos du mécanisme brouille encore

111
Infra, n° 50.
112
H.-G. NICOLEANO, De la représentation indirecte, PARIS, 1912.
113
M.-P. DUMONT, L’opération de commission, préface de J.-M. MOUSSERON, Litec, coll. Bibliothèque de droit
de l’entreprise, Tome 45, 2000, n° 386 et s., pp. 307 et s..
114
PH. DIDIER, De la représentation en droit privé, préface d’Y. LEQUETTE, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit
privé, Tome 339, 2000 : l’auteur oppose la représentation objective propre aux situations qu’ils qualifient de
fermées et dans laquelle le représentant n’a aucun pouvoir d’appréciation à la représentation fiduciaire mise en
place dans les situations ouvertes, c’est-à-dire dans celles qui supposent un contrôle du représentant dès lors que
ce dernier bénéficie d’une marge de manœuvre plus large.
115
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, Dalloz, coll. Précis, 10ème édition, 2009, n°
173 et s., pp. 182 et s..

38
un peu plus les pistes. En effet, dans une première acception – la plus ancienne116 – la
représentation est synonyme de transmission117. Il ne reste aujourd’hui que de rares
applications de la « représentation » entendu ainsi, mais cet aspect, qualifié par un auteur de
« fossilisé »118, n’a néanmoins pas totalement disparu du Code de 1804. On en rencontre une
application illustre en droit des successions : aux termes d’un article 751 du Code civil, il est
en effet précisé que « la représentation est une fiction juridique qui a pour effet d’appeler à la
succession les représentants aux droits du représenté». Dans une seconde direction – la
définition contemporaine119 – la représentation est le mécanisme par lequel une personne perd
sa qualité de tiers à un acte juridique120. D’une signification à une autre, l’on observe toutefois
un glissement de sens : dans sa fonction de transmission c'est au représentant que bénéficient
les effets du mécanisme de la représentation121 ; au contraire, si l'on retient la conception
contemporaine, c'est le représenté qui en est le bénéficiaire direct122.

47. C’est cette dernière signification qui s’est finalement imposée dans le paysage
juridique français et c’est celle que nous retiendrons dans la présente étude. Une comparaison
entre ces deux notions présente néanmoins un intérêt. Malgré l’apparent antagonisme qui les
entoure, il est à noter un point commun : l’absence du représenté. Dans les deux hypothèses, il
s’agit en effet de rendre présente aux yeux de tiers une personne qui n’aurait dû – selon toute
vraisemblance – pouvoir prétendre à rien. Dans le premier cas, la transmission d’un droit
conduit à ce qu’une personne en devienne titulaire à la place d’une autre ; dans le second, la
116
Cet aspect technique est apparu très tôt, et l’on en trouve déjà plusieurs traces dans la littérature française du
XIIIème siècle : BEAUMANOIR, Coutumes de Beauvaisis, XIIIème siècle, publiées en 1899 par A. SALMON,
réimpression de 1970, n° 474.
117
Le Code Napoléonien ne comporte d’ailleurs aucun dispositif général de la représentation. Seul le cas
particulier des successions utilise ce terme mais c’est alors au sens de transmission qu’il faut le comprendre.
118
PH. DIDIER, op. cité, n° 37, p. 26.
119
Le sens moderne de la représentation a été ignoré de la majorité des juristes jusqu’au 13 ème siècle, époque à
laquelle renaissent les échanges commerciaux et diplomatiques. Néanmoins, il semble que, pour des raisons de
pure opportunité, certaines avoueries ecclésiastiques y avaient déjà recours au 9ème siècle. L’Eglise ne pouvant
plaider devant des laïcs, elle aurait eu recours à des mandataires ad litem qui, dans certaines régions, auraient
même eu le privilège de conclure des actes juridiques. F. SENN, L’institution des avoueries ecclésiastiques en
France, PARIS, A. Rousseau, 1903. .
120
PH. DIDIER, op. cité, n° 36, p. 25-26.
121
Exemple, article 751 du Code civil : « La représentation est une fiction juridique qui a pour effet d’appeler à
la succession les représentants aux droits du représenté ».
122
Exemple, article 474 du Code civil : « La personne en tutelle est représentée dans les actes nécessaires à la
gestion de son patrimoine dans les conditions et selon les modalités prévues au titre XII ».
Cette substitution s’explique par une confusion entre la cause et l’effet de la représentation. (Pour une
analyse approfondie de cette confusion entre les différentes acceptions du mot représentation : voir PH. DIDIER,
op. cité, n° 26 et s., pp. 19 et s..) Alors que le premier usage révèle la relation de l’auteur (le de cujus) à l’ayant-
cause à titre universel (l’héritier), c'est-à-dire la cause d’un effet juridique (la transmission d’un droit), le second
désigne l’effet juridique de la représentation, c'est-à-dire la perte de la qualité de tiers. Il n’en reste pas moins que
l’évolution du contenu de la représentation n’est que formelle. Le fond, lui, demeure inchangé. Quelle que soit la
conception retenue, le concept de la représentation maintient le cap : l’objectif persiste dans celui de faire
intervenir une personne qui, au regard des circonstances, aurait dû être ignorée.

39
perte de la qualité de tiers à un acte juridique aboutit à ce que la qualité de partie soit attribuée
à un autre que celui qui a réalisé l’acte. Autrement dit, l’absence se présente
systématiquement comme un élément constitutif de toutes les formes de représentation. Mais,
selon les hypothèses, l’absence repose sur une cause de nature juridique (par exemple,
l’indignité ou le prédécès d’un descendant qui l’exclut de la succession du de cujus,
l’incapacité d’un mineur à contracter, …) ou résulte d’un défaut de présence physique lors de
la conclusion de l’acte en raison d’une rupture de l’unité de lieu et/ou de l’unité de temps
et/ou de non-visibilité123 (l’éloignement géographique, l’impossibilité de se déplacer, le
souhait de ne pas rencontrer son cocontractant, …). Il convient donc de prendre position sur le
sens que nous donnerons, dans nos développements à venir, à la notion d’absence.

48. Dans une thèse récente124, un auteur a montré que l’absence pouvait être comprise de
deux manières différentes. Selon que l’on se situe en droit des personnes ou en droit des
contrats, l’absence se définit comme un état ou comme un défaut de présence physique. Mais
surtout, dans la première hypothèse, l’absence est unilatérale alors que dans la seconde, elle
est bilatérale. Parce que le mandat est un contrat dont l’objet est la conclusion d’actes
juridiques, nous retiendrons la notion d’absence en tant que « défaut de présence physique
simultanée des cocontractants »125. De ce point de vue, la représentation doit être comprise
comme « une technique juridique offrant l’opportunité à des personnes qui ne sont pas en
présence physique simultanée l’une de l’autre de communiquer et de conclure un contrat »126.
Elle « permet donc à des parties éloignées de communiquer »127.

49. Approche historique de la représentation. Historiquement, il semble que la


représentation soit apparue à l’époque romaine128 sous des traits incertains néanmoins. La
pensée juridique romaine, viscéralement pragmatique, s’adaptait mal aux abstractions trop
123
G. BRUNAUX, Le contrat à distance au XXIème siècle, préface de N. SAUPHANOR-BROUILLAUD, L.G.D.J.,
coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 524, 2010, spéc. n° 58 et s., pp. 46 et s..
124
Ibid., spéc. n° 53, pp. 51 - 52.
125
Ibid., spéc. n° 58 et s., pp. 56 et s..
126
G. BRUNAUX, thèse précitée, spéc. n° 116, p. 77.
127
Ibid..
128
Quelques auteurs ont néanmoins émis l’hypothèse que certaines cités grecques auraient connu des formes
approchantes de contrat pour autrui. (Pour une approche générale de l’Antiquité grecque voir not. L. BEAUCHET,
Histoire du droit privé de la République Athénienne - Les obligations, Tome 4, éd. Chevalier-Marescq et cie,
1897, p. 374. Pour des développements relatifs au mandat voir CL. GIVERDON, L’évolution du contrat de
mandat, PARIS, 1947, spéc. n° 9, p. 8 ; pour des développements relatifs au contrat de commission voir G.
SAUTEL, « L’histoire du contrat de commission jusqu’au code de commerce » in Le contrat de commission –
Etudes de droit commercial, ouvrage coll. sous la direction et avec une préface de J. HAMEL, Dalloz,
Publications de l'Institut des sciences juridiques et financières appliquées aux affaires de la Faculté de droit de
Paris, 1949, pp. 23 et s., spéc. pp. 25 – 26). On peut alors supposer que la question de la représentation soit
apparue de façon précoce. Malheureusement, le mode d’action de ces intermédiaires demeure difficilement
déterminable, raison pour laquelle il est enseigné que l’apparition de la représentation est plus tardive.

40
théoriques. Par exemple, pour qu’un contrat soit valablement formé, il était exigé
l’accomplissement de certains rites ou formalités destinés à préciser et à entourer la volonté
de chacune des parties129. Cette conception du contrat explique la faible attirance des Romains
envers la représentation : en l’absence de l’accomplissement de ces rites ou du prononcé de
certaines paroles par le contractant, il était juridiquement impossible d’admettre que le contrat
fut valablement formé.

50. Avec le temps, cette position s’est néanmoins atténuée. Le souci constant de la
recherche de l’efficacité juridique a montré les limites d’une conception trop formaliste du
contrat. En effet, la défiance éprouvée à l’égard de la technique représentative imposait au
pater familias de tout faire lui-même. Or, le recours systématique au ritualisme faisait
obstacle au souhait de dynamiser les relations commerciales. Ainsi, pour remédier à des
situations parfois lourdes, le droit romain admit progressivement une certaine forme de
représentation, sans toutefois s’affranchir totalement de ces exigences formalistes130. D'une
part, la représentation ne fut autorisée qu'à l'égard de personnes dites en puissance (celles
qualifiées d’alieni juris - le fils ou l'esclave du pater familias131 - qui continuent la personne
du chef de famille132) ; d'autre part, la technique de la représentation en droit Romain
aboutissait toujours à l'engagement du représentant corrélativement à celui du représenté133.
En d'autres termes, la représentation en droit romain s'apparentait à ce que certains appellent,
en droit français, le mécanisme de la représentation imparfaite, c’est-à-dire à une situation
dans laquelle le représentant agit pour le compte du représenté, mais en son nom propre.

129
Voir par exemple V. J. ORTOLAN, Explication historique des Institutes de l’Empereur Justinien, par J.-E.
LABBE, 12ème édition, 1883, p. 199, n° 1337. J.-L. GAZZANIGA, Introduction historique au droit des obligations,
P.U.F., coll. Droit fondamental, 1992, spéc. n° 145, pp. 160 - 161 ; EU. PILON, Essai d’une théorie de la
représentation dans les obligations, CAEN, thèse dactylo., 1897, n° 4 et s..
130
J.-L. GAZZANIGA, Introduction historique au droit des obligations, ibid., spéc. n° 145, pp. 160 – 161.
131
Ce n’est que bien plus tard que pareil mécanisme fut admis en faveur des personnes sui juris.
132
E. FOUCAULT, Droit romain – De la représentation dans le mandat et la gestion d’affaires, PARIS, éd.
Pédone-Lauriel, 1893, spéc. p. 10. ; A. GIFFARD et R. VILLERS, Droit romain et ancien droit français : les
obligations, Dalloz, coll. précis, 4ème édition, 1976, n° 285, p. 198.
133
En partant de ce constat, certains auteurs en ont conclu qu’il ne s’agissait pas, en réalité, d’une véritable
représentation. La représentation désignerait en effet l’intervention d’une personne au nom d’une autre,
l’intervenant n’étant pas touché par les effets juridiques de l’acte. Or, le mécanisme du droit romain permet au
créancier d’avoir deux débiteurs : celui présent à l’acte et celui au nom duquel il a été exécuté. Ces auteurs
poursuivent en contestant la dénomination de représentation imparfaite pour une pratique qui n’avait jamais été
qualifiée de telle par les juristes romains. Ce terme est en réalité apparu très récemment dans la littérature
juridique. F. GIRARD, Manuel élémentaire de droit romain, op. cité, pp. 713-716 ; M. PLANIOL, Traité
élémentaire de droit civil, Tome 1, Principes généraux, les personnes la famille, les incapables, les biens, par G.
RIPERT, L.G.D.J., 12ème édition, 1932, n° 298 et s., p. 122 ; H. CAPITANT, Introduction à l’étude du droit civil,
PEDONE, 2ème édition, 1904, p. 331; EU. MAGNIN, De la représentation à Rome dans les actes extrajudiciaires
spécialement ceux extinctifs d’obligations, PARIS, 1899, p. 55.

41
51. Il fallut attendre la forte influence du droit canonique134 pour que l’existence d’une
représentation parfaite soit enfin reconnue135. Le souhait de l’Église de moraliser les relations
juridiques et de les adapter aux vertus de la Chrétienté permit de franchir le pas. En accordant
valeur à la parole donnée136, les juristes canoniques placèrent peu à peu le consentement
donné au premier rang des conditions nécessaires à la formation du contrat. Dès lors, la
reconnaissance de la représentation parfaite n’était plus qu’une formalité, et l’affirmation
selon laquelle qui facit per alium facit per se137 fut consacrée.

52. La cohabitation représentationnelle en droit français ? La reconnaissance de cette


forme de représentation ne s’accompagna pas, toutefois, de la déchéance de la représentation
dite imparfaite. Au contraire, à partir des XIII et XIVème siècles, c’est à une cohabitation entre
la représentation parfaite et la représentation imparfaite que nous assistons puisque l’une et
l’autre conservent leurs particularités, conception qui perdure aujourd’hui138. De la sorte, la
conception française duale est bien le fruit de deux héritages lointains. Pourtant, peut-on
légitimement penser que l’homonymie des termes utilisés constitue un gage d’identité ? A
notre sens, une telle conclusion est difficile et il nous semble que la ressemblance entre la
représentation parfaite et la représentation imparfaite n’est en réalité qu’un mirage qui masque
de profondes divergences. En premier lieu, lorsqu’il y a représentation parfaite, le
représentant agit « au nom de ». A l’inverse, lorsque la représentation n’est qu’imparfaite,
l’intermédiaire agit « in proprio nomine ». Par voie de conséquence, dans la première
hypothèse, le représenté rentre spirituellement et juridiquement dans le champ contractuel, ce
qui permet la communication entre les parties extrêmes. Au contraire, dans la seconde, le
dialogue est impossible parce que le donneur d’ordre demeure, spirituellement et
juridiquement, en dehors du champ contractuel. Autrement dit, il ne se produit aucune
rencontre des volontés entre les parties extrêmes. Cette différence explique, en second lieu,

134
Voir EU. PILON, op. cité, n° 4, p. 7 ; J.-L. GAZZANIGA, Introduction historique au droit des obligations, op.
cité, spéc. n° 146, pp. 161 - 162.
135
Le caractère indiscutable de la représentation parfaite fut rapidement soutenu au XIV ème siècle par BARTOLE,
éminent jurisconsulte italien de son époque et professeur de droit spécialiste en droit romain (PH. MALAURIE,
Anthologie de la pensée juridique, éd. Cujas, v° BARTOLE). Une partie de ses travaux porta sur une étude
comparée des conditions de formation du contrat en droit romain et en droit français. D’abord profondément
attaché à l’analyse romaine il s’en détacha finalement pour devenir l’un des précurseurs du consensualisme. J.-L.
GAZZANIGA, « Mandat et représentation dans l’ancien droit », Rev. droits n° 6, p.21, n° 23.
136
L’importance accordée à la parole se manifeste au travers du serment.
137
« Celui qui agit par l’intermédiaire d’un autre, agit dans son propre intérêt. »
138
Supra, n° 52.

42
que l’automaticité de la représentation parfaite s’oppose au caractère indirect de la
représentation imparfaite139.

53. De ce point de vue, la représentation parfaite a vraiment pour but de « rendre présent »
un absent alors que la représentation imparfaite n’a d’autre finalité que de faciliter la
circulation des obligations. Autrement dit, lorsque la représentation est parfaite, le
représentant agit véritablement « au nom d’autrui » ; à l’inverse, lorsque ladite représentation
n’est qu’imparfaite, il effectue l’action en son propre nom. Cette conception de la
représentation imparfaite exclut, selon nous, que cette technique puisse justement définir le
mandat ce qui signifie que, dans ce contrat, soit la représentation est parfaite, soit elle ne l’est
pas.

§2- L’utilisation du critère

54. Plan. L’embarras rencontré par les juristes français à reconnaître que la représentation
est l’élément essentiel du mandat provient principalement de la difficulté à admettre que notre
droit positif a tranché en faveur d’un mandat distinct de celui dont il est l’héritier 140. En effet,

139
C’est à ce résultat qu’aboutissent les rédacteurs du projet de réforme du droit des obligations initié par la
Chancellerie. Tout en reconnaissant l’existence d’une représentation imparfaite, ces auteurs admettent que, selon
le mode d’action du représentant, « au nom d’autrui » ou « en son propre nom », le lien établi entre les parties
extrêmes est direct ou ne l’est pas. Projet de réforme du droit des contrats, 2008, source :
http://www.chairejlb.ca/pdf/reforme_all.pdf, spéc. art. 37, alinéas 1 et 2.
140
En droit comparé, la position de la doctrine française n’est pas isolée, elle est même relativement classique.
Depuis la fin du XIXème siècle, la plupart des codificateurs européens qui ont repris la figure du mandat se sont
voulus fidèles à la conception romaine. De ce fait, ils ont élaboré une définition du contrat excluant la
représentation de ces éléments essentiels. Le droit allemand, par exemple, définit le mandat comme la gestion
gratuite des affaires d’autrui. (Voir §662 du B.G.B. : « En acceptant un mandat le mandataire assume
l’obligation de s’occuper gratuitement pour le compte du mandant de l’affaire confiée par celui-ci ». M.
PEDAMON, Code civil Allemand, Traduction commentée, Dalloz, Coll. Juriscope, 2010, p. 248.) Pourtant, de la
même manière que l’article 1986 du Code civil français le prévoit, une disposition du B.G.B. précise qu’il est
possible d’y déroger en admettant parfois que la gestion objet du contrat soit entreprise contre rémunération.
(Voir §675 du BGB. Dans ce cas les juristes Allemands appliquent les règles du contrat onéreux. Münchener
Kommentar zum Bürgerliches Gesetzbuch (MunchKom), 2ème édition, 1986, Beck (München), Bd II (2), §662,
note 16.) De son côté, le Code civil italien détermine le mandat comme le contrat par lequel un mandataire
conclut des actes juridiques pour le mandant. La question de l’imputation des effets juridiques est cependant
extérieure au mandat puisqu’elle suppose l’existence d’un pouvoir de représentation indépendant du mandat.
(Voir l’article 1703 du Codice civile.) Toutefois, certains auteurs étendent le mandat aux actes matériels (CIAN et
TRABUCCHI, Commentario breve al Codice civile, 4ème édition, Cedam (Milano), 1992, art. 1703, note 3.). Le
législateur suisse de 1911 a, quant à lui, refusé de rechercher un hypothétique critère : il s’est contenté de définir
le mandat par ce qu'il n'était pas. (Avant la réforme du droit des obligations, le premier Code Suisse écartait
clairement celui de la gratuité (article 392 alinéa 2 : « Il n’est dû de rémunération au mandataire que si l’usage
ou la convention lui en assure une. ») ainsi que celui de la profession libérale. (Cette exclusion se constate au

43
le mandat romain est d’abord conçu comme un service d’amis, ce qui explique qu’il devait
toujours être conclu gratuitement : c’était là le critère d’identification du contrat141. La
question de la place de la représentation ne s’est jamais posée à cette époque, en raison,
principalement, de l’ignorance absolue d’un principe de représentation parfaite142. Or, non
seulement le critère de la gratuité a été expressément abandonné par les rédacteurs du Code
civil qui ont consacré la possibilité de conclure un mandat rémunéré 143 ; mais surtout, il
semble que les termes de l’article 1984 du Code civil selon lequel « le mandat ou procuration
est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour
le mandant et en son nom », définissent un mandat essentiellement représentatif (A). De ce
point de vue, le critère de la représentation permettrait véritablement de distinguer le mandat
des autres contrats d’intermédiaire (B).

A- La consécration d’un mandat essentiellement représentatif

55. Plan. Au regard de l’évolution du mandat et de la représentation, le lien entre le


contrat et la technique juridique est relativement récent. Historiquement, le premier critère à
avoir été proposé est celui de la gratuité (1). Celui-ci est aujourd’hui largement dépassé, mais
certains ne reconnaissent pas que le choix opéré par le législateur en 1804 soit celui de la
représentation (2).

1- La conception du mandat avant 1804

56. Le lien mandat – représentation à Rome et dans l’Ancien droit. L’ignorance quasi
absolue d’un principe de représentation et, en tout état de cause, d’un principe de
représentation parfaite144, a conduit les jurisconsultes romains à considérer la gratuité comme
le trait distinctif du contrat de mandat. La règle selon laquelle « mandatum gratuitum esse

travers du contexte démocratique dans lequel ce code a été rédigé : V. ROSSE, Manuel du droit fédéral des
obligations, Larose (PARIS) - Payot (LAUSANNE), 1892, n° 447.) Malheureusement, aucun critère précis ne
fut proposé et, en réalité, ce ne sont pas moins de quatre critères qui furent avancés, y compris celui de la
représentation : V. ROSSE, ibid., n° 448.).
141
Supra, n° 9 et infra n° 56. .
142
Supra, n° 49 et 54.
143
Article 1986 du Code civil : « Le mandat est gratuit s'il n'y a convention contraire ».
144
Supra, n° 49 et 54.

44
debet »145 tirait son origine d’un devoir moral et d’amitié incompatible avec le salaire146.
Pourtant, déjà à cette époque, l’affirmation de la gratuité fut pervertie par la pratique ou, à tout
le moins, subit de nombreuses dérogations147. Au Moyen Age, la question fut plus ouverte,
notamment avec l’admission progressive d’un mécanisme de représentation parfaite148. Mais,
dans un premier temps, la plupart des juristes anciens restèrent fidèles à la tradition romaine et
au critère de la gratuité149 et rares furent les auteurs à s’affranchir totalement du poids de
l’histoire, bien que le critère soit réellement malmené150.

57. Dans un second temps, par le biais d’un rapprochement avec la procuration,
l’admission d’un lien entre le mandat et la représentation va progressivement émerger : ce
contrat est en effet présenté comme celui permettant de nouer des liens avec les tiers, ce que
ne permet pas la procuration coutumière151. Cette conception n’est pourtant pas absolue
puisque la relation avec le tiers ne relève toujours pas de l’essence du mandat. Ainsi, DOMAT
considère que le mandat est le contrat par lequel « celui qui ne peut vaquer à ses affaires
donne pouvoir à un autre de le faire pour lui, comme s’il était présent : soit qu’il faille
simplement gérer, et prendre soin de quelques biens ou de quelque affaire, ou que ce soit
pour traiter avec d’autres »152. Chez POTHIER, la conception n’est pas si tranchée. S’il définit
la mission dévolue au mandataire comme « la gestion d’une ou plusieurs affaires »153, il
précise que celle-ci doit s’effectuer « en sa place »154. Il soutient par ailleurs, dans une section
relative à ce qui est de l’essence du mandat, que « le mandant est censé la faire [une affaire]
lui-même par le ministère du mandataire, lorsqu'il exécute son mandat, suivant cette règle,
qui mandat, ipse secisse videtur155 »156. Autrement dit, selon ce point de vue, le mandant est
« rendu présent » par le mandataire aux yeux des tiers. Malheureusement, d’autres éléments

145
Littéralement : « le mandat doit être gratuit ».
146
Sur ce point voir L. PFISTER, « Un contrat en quête d’identité » in Le mandat, un contrat en crise, ouvr. coll.
sous la direction de N. DISSAUX, Economica, Coll. Etudes juridiques,Tome 37, 2011, pp. 1 et s., spéc. n° 3, p. 3.
147
Supra, n° 9 et 56.
148
Supra, n° 4 et 56.
149
Pour un aperçu général, voir L. PFISTER, article précité, spéc. n° 8, pp. 7-8.
150
BEAUMANOIR, notamment, affirme que « nulle franche personne n’est tenue à servir autrui pour rien ». L.
PFISTER, article précité, spéc. n° 7, p. 6.
151
En ce sens voir, notamment, PH. DIDIER, De la représentation en droit privé, thèse précitée, spéc. n° 59, pp.
38-39.
152
J. DOMAT, Les lois civiles dans leur ordre naturel, par H. DE HERICOURT, Tome I, PARIS, 1767, section 1,
§1, spéc. p. 128 ; J. DOMAT, Œuvres complètes de J. DOMAT, par J. REMY, Tome 1, PARIS, 1835, spéc. p. 355.
Nous soulignons.
153
POTHIER, Œuvres de POTHIER – Traité des contrats de bienfaisance, selon les règles tant du for de la
conscience que du for extérieur, Tome 2, Traité du contrat de mandat, par M. HUTTEAU, PARIS,1807, spéc. n°
1, p. 1. Nous soulignons.
154
Ibid..
155
Littéralement : « Qui mandate est réputé faire ses affaires lui-même ».
156
POTHIER, Œuvres de POTHIER, op. cité, spéc. n° 10, pp. 8-9.

45
brouillent les pistes, notamment lorsqu’il écrit qu’« il est de l'essence du contrat de mandat
que le mandant ait la volonté de charger, à ses propres risques, [et non pas d’être engagé] le
mandataire de l’affaire et de l’en indemniser »157. Autrement dit, selon POTHIER, le mandant
est engagé envers le mandataire à réparer toutes les pertes que ce dernier peut subir, mais non
à exécuter une obligation au bénéfice du tiers cocontractant.

58. Le lien mandat – représentation dans les projets de codification. Dans les premiers
projets de codification, la référence à la représentation est plus précise, elle n’est cependant
pas encore décisive. Dans sa première version présentée en 1793, CAMBACERES définit le
mandat comme « l’acte par lequel on constitue un mandataire pour gérer ou contracter en
son nom »158. L’expression « en son nom » fait incontestablement référence à la
représentation, mais la large définition de l’objet de la mission du mandataire fait naître le
doute quant au caractère essentiel du critère, la gestion du patrimoine n’impliquant pas
nécessairement des actes juridiques et, par voie de conséquence, des rapports avec les tiers.
De semblables remarques peuvent être formulées à propos des projets suivants : dans ses
deuxième et troisième versions, CAMBACERES définit le mandat comme un « pouvoir de gérer
les affaires d’autrui »159. De nouveau, l’insertion du terme « pouvoir »160 renvoie à la
représentation, mais l’objet de ce pouvoir (la gestion des affaires d’autrui) l’en éloigne.

59. Il faut préciser par ailleurs que l’engagement du mandant suppose que ce dernier
ratifie les actes conclus par le mandataire. Ainsi, dans le premier projet de CAMBACERES,
l’article 13 du Titre X précise que « le mandant est tenu de ratifier ce qu’a fait le mandataire,
et de le décharger des obligations qu’il a contractées, en exécution du mandat, s’il n’en a pas
excédé le pouvoir »161. Autrement dit, si la représentation était envisagée, celle-ci ne serait

157
Ibid., spéc. n° 18, p. 17.
158
P.-A. FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Tome 1, PARIS, Videcoq, 1936,
Article 1er du Titre X, « Du mandat », spéc. p. 91.. Nous soulignons.
159
P.-A. FENET, ouvrage précité. Pour le 2ème projet de CAMBACERES (1794) voir l’article 261 du Titre XIII, p.
135 ; pour le 3ème projet (1796) voir l’article 1063 du Titre XIII, p. 319.
160
La terminologie a également été utilisée dans le projet présenté par la Commission (1801). Dans ce texte le
mandat est en effet défini comme « l’acte par lequel quelqu’un donne pouvoir à un autre de faire pour lui et en
son nom une ou plusieurs affaires ». Voir P.-A. FENET, ouvrage précité, Tome II, Article 1984 du Titre XVII, p.
392.
161
Voir P.-A. FENET, ouvrage précité, Tome I, Article 13 du Titre X, p. 92. Pour le 2 ème projet de CAMBACERES
voir l’article 269 du Titre XIII, p. 136 (dans ce texte, cependant, il semble que la ratification ne soit nécessaire
qu’en cas de dépassement de pouvoir) ; pour le 3 ème projet voir l’article 1073 du Titre XIII, p. 320. Pour le projet
de la Commission, voir P.-A. FENET, ouvrage précité, Tome II, Article 29 du Titre XVII, p. 395, (les rédacteurs
ont toutefois distingué l’obligation d’ « exécuter » de l’obligation de « ratifier », ce qui permettrait de supposer
qu’en certaines hypothèses la représentation est directe).

46
qu’indirecte. Ce qui, pour des raisons exposées précédemment, exclut que celle-ci ait été
érigée au rang d’élément essentiel du contrat de mandat162.

60. Synthèse. A la veille du Code civil, le mandat est donc plutôt conçu comme un contrat
naturellement représentatif, c’est-à-dire que l’absence du mécanisme de la représentation
parmi les éléments constitutifs du contrat n’exerce aucune influence sur la qualification de
mandat. Cette approche est directement issue d’une longue tradition historique selon laquelle
seul le mandat pouvait supposer la représentation mais où tout mandat n’entraînait pas
systématiquement représentation. Le choix opéré par les rédacteurs du Code civil se présente
donc comme révolutionnaire, ce qui explique sans doute, qu’aujourd’hui encore, certains
auteurs continuent d’affirmer que la représentation n’est qu’un élément naturel du mandat163.

2- La conception du mandat dans le Code civil de 1804

61. Plan. Bien qu’à la lecture des articles 1984 et suivants du Code civil, les références au
mécanisme de la représentation soient relativement nombreuses (a), la doctrine, d’hier ou
d’aujourd’hui, récuse le caractère essentiel de la représentation dans le mandat. Pourtant, dès
la fin du XIXème siècle, la jurisprudence a consacré la nature essentiellement représentative du
mandat. Une affirmation qui, à ce jour, n’a jamais été remise en cause par le Cour de
cassation (b).

a- L’analyse des articles 1984 et suivants du Code civil

62. Plan. L’analyse littérale de l’article 1984 du Code civil (i), ainsi que celle d’autres
dispositions du régime applicable au mandat (ii) établit que le mandat est essentiellement
représentatif.

162
Pour la seule raison que la représentation est ou n’est pas. Supra, n° 45 et s..
163
Sur l’ensemble de la question : M.-L. IZORCHE, « A propos du mandat sans représentation », D., 1999, Chron.,
p. 369.

47
i- L’interprétation de la définition légale du mandat : l’article 1984
du Code civil

63. Les imperfections de l’article 1984 du Code civil. La rédaction de l’article 1984 du
Code civil comporte incontestablement des imperfections, notamment l’expression selon
laquelle le mandataire doit « faire quelque chose » pour le mandant. Cette formule, un peu
vague, confère au mandat une redoutable plasticité et lui fait courir le risque de le concevoir
comme un contrat « fourre-tout ». On lui a ainsi reproché de définir « une opération ayant
une portée très générale »164 et d’entretenir la confusion avec d’autres contrats pour lesquels
le débiteur s’engage également à « faire quelque chose ». C’est le cas, notamment, du contrat
de louage d’ouvrage dont il est dit, à l’article 1787 du Code civil, que c’est le contrat par
lequel « on charge quelqu'un de faire un ouvrage ».

64. Mais le mandataire ne s’engage pas seulement à « faire quelque chose » pour le
mandant, il s’engage aussi - et surtout - à effectuer cette action au nom de ce mandant.
L’article 1984 du Code civil dispose en effet que « le mandat ou procuration est un acte par
lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et
en son nom ». La formulation choisie est manifestement plus précise qu’il n’y paraît ; et sur
certains points, les critiques exposées sont peut-être même excessives, sauf à vouloir « se
débarrasser d’un texte gênant (…) »165. En réalité le lien avec la représentation n’est pas si
incertain car chacune des locutions présentes est directement évocatrice du mécanisme de la
représentation.

65. Analyse littérale du texte. Le terme « procuration », tout d’abord, rappelle


directement le mécanisme de la représentation, bien que l’insertion de celui-ci dans la
définition du mandat subisse régulièrement les foudres doctrinales. Elle procèderait en effet
d’une confusion entre l’instrumentum – c’est-à-dire l’écrit qui contient la substance de l’acte
juridique166 - et le negotium – la substance de l’acte juridique elle-même ou encore la question
de fond que vise cet acte167. Or, la procuration ne constitue rien d’autre que la preuve écrite de

164
A.-L. GRIZON, La qualification du contrat de mandat, sous la direction de F. LABARTHE, PARIS XI, thèse
dactylo., 2010, spéc. n° 103 et s., pp. 70 et s..
165
J. VALERY, Des caractères distinctifs du contrat de mandat dans le Code civil, Thèse AIX, 1898, spéc. p. 92.
166
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, sous la direction G. CORNU, avant-propos de PH.
MALINVAUD, P.U.F., coll. Quadrige, 2011, v° « instrumentum ».
167
Ibid., v° « negocium ».

48
l’existence d’un pouvoir168. Elle est l’acte unilatéral qui confère le pouvoir à un bénéficiaire,
et non le mandat qui est un contrat synallagmatique169. En atteste l’alinéa 2 de l’article 1984
qui dispose que le mandat « ne se forme que par l'acceptation du mandataire ». Autrement
dit, il n’y aura représentation conventionnelle que si l’offre de pouvoir (manifestation
unilatérale de volonté) est acceptée (échange de volontés), c’est-à-dire si le contrat de mandat
est définitivement formé. De ce point de vue, si l’assimilation du mandat à la procuration
manifeste très certainement une « faute de langage »170, elle n’en présente pas moins
l’avantage d’indiquer que « le mandat implique, comme la procuration, la notion de
représentation »171.

66. Le terme « pouvoir », ensuite, fait également référence à la représentation, bien qu’un
auteur ait entrepris, dans le cadre de sa thèse, de réduire le lien entre le pouvoir et la
représentation172. Pour Monsieur GAILLARD, l’un et l’autre définissent des techniques
concurrentes d’imputation des effets d’un acte passé par un individu dans un intérêt au moins
partiellement distinct du sien173. Mais, selon l’auteur, dans les hypothèses où l’agent intervient
pour le compte d’un groupement non personnifié (par exemple, la famille)174, il ne peut être
considéré comme un représentant, parce que la représentation suppose l’exercice d’un droit
subjectif, donc d’une personne175. Néanmoins, Monsieur GAILLARD n’exclut pas tout à fait
que, dans certaines hypothèses, le pouvoir et la représentation se rejoignent 176. Plus
précisément, il affirme que l’« on n’a pas coutume de concevoir de pouvoirs indépendamment
de la représentation. La représentation est la finalité du pouvoir »177. Autrement dit, le lien
entre l’un et l’autre demeure puisque, en tout état de cause, le pouvoir permet d’imputer des
obligations à un tiers. Seule l’automaticité entre le pouvoir et la représentation, c’est-à-dire
l’absorption du premier par la seconde, est niée, et non le lien lui-même178. En revanche, s’il
n’est pas inenvisageable de rencontrer un pouvoir qui ne soit pas un pouvoir de
représentation, la réciproque ne semble pas admissible. Admettre une représentation sans

168
Ainsi, pour Louis JOSSERAND, « le législateur a commis l’erreur de le confondre [l’instrumentum] avec le
contrat lui-même, "le mandat ou procuration", c’est identifier à tort l’instrumentum avec l’acte juridique dont il
n’est que l’extériorisation ».
169
Pour plus de développement sur la distinction mandat – pouvoir de représentation : infra, n° 134 et s..
170
J. VALERY, thèse précitée, p. 91.
171
J.-F. OVERSTAKE, Essai de classification des contrats spéciaux, thèse précitée, p. 93.
172
E. GAILLARD, Le pouvoir en droit privé, préface de G. CORNU, PARIS, Economica, coll. Droit civil, série
études et recherches, 1985.
173
Ibid., spéc. n° 281 et s., pp. 183 et s..
174
Ibid., spéc. n° 295 et s., pp. 194 et s..
175
Ibid., spéc. n° 21 et s., pp. 22 et s. et n° 64 et s., pp. 48 et s..
176
Ibid., spéc. n° 332 et s., pp. 221 et s..
177
Ibid., spéc. n° 332, p. 222.
178
Ibid., spéc. n° 250 et s., pp. 162 et s..

49
pouvoir apparaît au contraire dénué de sens : agir par représentation supposant d’engager
autrui, l’action pour autrui doit être légitimée, et c’est précisément dans le pouvoir que se
trouve cette justification179. D’ailleurs, le pouvoir est l’une des conditions classiquement
présentées comme constitutive de situation de représentation180.

67. Enfin, suivant l’article 1984 du Code civil, le mandataire doit faire quelque chose pour
le mandant et « en son nom ». A notre sens, cet élément est le plus significatif et le plus
évocateur du mécanisme de la représentation. Loin d’être dénuée d’effets, cette formule
introduit au contraire le donneur d’ordre dans l’esprit du tiers en le rendant véritablement
présent181. De la sorte, l’acceptation du tiers se conformera à une offre exclusivement
imputable au mandant, et non à son messager. Par conséquent, c’est avec ce dernier - et ce
dernier uniquement - que le tiers qui accepte l’offre souhaite s’engager ; mais c’est aussi avec
le maître de l’affaire - et le maître de l’affaire seulement - que le tiers peut s’engager : pour
qu’une offre soit valable il faut que celle-ci soit ferme, non équivoque et irrévocable. Tel n’est
pas le cas de celle qui émane du messager. De la sorte, le mandant est ab initio dans le contrat
et, de spirituelle, sa présence devient juridique.

68. Synthèse : l’article 1984 du Code civil définit le mandat comme un contrat
essentiellement représentatif. Malgré de nombreuses hésitations doctrinales à propos de la
nature essentiellement représentative du mandat182, en dépit des maladresses rédactionnelles
de l’article 1984 du Code civil qui brouillent quelque peu l’identité de ce contrat, il semble
bien que le législateur de 1804 ait conçu le mandat comme un contrat essentiellement
représentatif. Cette conclusion repose par ailleurs sur d’autres arguments que celui de
l’analyse de l’article 1984 précité : les articles 1990 et 1997 du Code civil, notamment,
corroborent cette analyse.

ii- L’analyse fondée sur les autres textes du Code civil

69. Domaine de recherche. L’article 1984 du Code civil mis à part, le régime juridique
du mandat est riche de références à la représentation. La logique voudrait que l’on évoque ici
l’article 1998 alinéa premier qui dispose que « le mandant est tenu d'exécuter les

179
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité, v° « pouvoir ».
180
Supra, n° 52 et s..
181
Ibid..
182
Sur l’ensemble de la question : Madame IZORCHE : « A propos du mandat sans représentation », op. cité.

50
engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné ».
Parce qu’il définit l’effet le plus caractéristique de ce mécanisme (l’engagement du
représenté), ce texte réaliserait une allusion claire au mécanisme de la représentation. Il est
vrai qu’il est difficile de soutenir que la représentation ne soit pas de l’essence du mandat si
l’engagement du mandant est érigé en obligation principale du contrat. Néanmoins, nous
examinerons cette disposition plus en profondeur ultérieurement, car il nous semble que celle-
ci peut s’expliquer indépendamment du mécanisme de la représentation183. En revanche, deux
autres textes vont retenir notre attention : les articles 1990 et 1997 du Code civil.

70. Article 1990 du Code civil. L’article 1990, en premier lieu, appelle plusieurs
réflexions. Dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 1965184 ce texte dispose qu’ « un
mineur non émancipé peut être choisi pour mandataire (…) »185, ce qui signifie qu’un
incapable peut contracter au nom d’autrui. Autrement dit, la capacité juridique du mandataire
est indifférente à l’exercice des droits dont le mandant est titulaire. Il est évident que cette
disposition ne peut s’expliquer sans faire référence au mécanisme de la représentation : par le
jeu de cette technique juridique, le mandataire est en dehors de l’opération juridique qui se
noue. De ce fait, il importe peu que sa volonté soit efficace puisqu’elle est inutile.

71. Ce texte pourrait toutefois laisser perplexe : si la capacité d’exercice du mandataire est
inutile lors de l’exécution de la mission, elle devrait néanmoins être requise lors de la
formation du contrat de mandat. En effet, parce qu’il est un « contrat à double détente »186, le
mandat suppose au moins la conclusion de deux actes juridiques : un premier entre le mandant
et son mandataire (le mandat), un second – par le truchement du mandataire - entre le
mandant et le tiers187. Par ailleurs, si la volonté de l’incapable est en principe inutile, ce n’est
toutefois que dans une certaine mesure. Par hypothèse, elle est parfois nécessaire pour
compléter celle du mandant : lorsque le mandat est donné en termes généraux par exemple, ou
encore lorsque l’exécution de la mission nécessite une certaine marge d’appréciation188.

72. Article 1997 du Code civil. En second lieu, l’article 1997 qui dispose que « le
mandataire qui a donné à la partie avec laquelle il contracte une suffisante connaissance de
183
Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.
184
Avant la réforme, ce texte faisait référence à la femme mariée qui, à l’époque, était considéré comme
incapable.
185
Par la suite, il semble que cette disposition ait été étendue à tous les incapables. Voir par exemple : Civ., 5
décembre 1933 : G.P., 1934, pp. 230 et s.. (En l’espèce il s’agissait d’un pouvoir délivré à une femme mariée.)
186
A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 906, p. 431.
187
L’anomalie apparente de ce texte sera analysée ultérieurement. Infra, n° 127 et s..
188
Notons au passage que ce genre de situation devrait être courant puisque la qualité de mandataire suppose par
ailleurs une certaine indépendance dans l’exercice de ses fonctions.

51
ses pouvoirs, n’est tenu d’aucune garantie pour ce qui a été fait au-delà, s’il ne s’y est
personnellement soumis » plaide également en faveur du mécanisme de la représentation. En
effet, ce texte affirme la transparence de l’intermédiaire qui reste dans les limites du pouvoir
donné et qui n’est donc pas tenu personnellement189, mais il doit en aller de même lorsque la
méconnaissance des termes de la mission provient du tiers et non du mandataire Encore une
fois, c’est le mécanisme de la représentation qui explique cette disposition. Le mandataire qui
s’est fait connaître auprès du tiers comme agissant « au nom de » se place ainsi en dehors du
champ contractuel envisagé par ce dernier. Peu importe alors que le tiers contracte en dehors
des limites du pouvoir puisque le mandataire « n’a ni agi ni promis en son nom »190.

73. Synthèse. Bien que la thèse d’un mandat essentiellement représentatif n’ait jamais fait
l’unanimité en doctrine191, il semble bien que le législateur a érigé le mécanisme de la
représentation au rang de critère essentiel du contrat de mandat. En tout état de cause, c’est
cette conception qui, dès le XIXème siècle, a été expressément consacrée en jurisprudence.

b- L’interprétation doctrinale et jurisprudentielle de l’article 1984 du


Code civil

74. L’émergence d’un lien systématique mandat – représentation en doctrine. Nous


laisserons ici de côté les opinions divergentes de la doctrine contemporaine à propos du
caractère essentiel ou naturel de la représentation dans le mandat pour nous concentrer sur les
travaux des premiers commentateurs, en particulier ceux qui ont relevé l’existence d’un lien
entre le mandat et la représentation.

75. Traditionnellement, l’on attribue la paternité du mandat représentatif à Jean-Baptiste


DUVERGIER192, jurisconsulte renommé du XIXème siècle. En réalité, il semblerait que l’idée ait
été émise bien avant lui : Émile VINCENS, juriste peu connu de ce début de siècle, aurait en

189
Cette solution s’explique à la fois par le mécanisme de la représentation et par le jeu de l’article 1998 DU
Code civil.
190
Propos du Tribun TARRIBLE. Voir P.-A. FENET, précité, p. 594.
191
Sur l’ensemble de la question : Madame IZORCHE : « A propos du mandat sans représentation », op. cité.
192
En ce sens : F. LABARTHE et C. NOBLOT, Le contrat d'entreprise, L.G.D.J., coll. Traité des contrats, 2008,
spéc. n° 207, p. 116 ; F. LABARTHE, « Du louage d’ouvrage ou contrat d’entreprise, dilution d’une notion », in
Le contrat au début du XXIe siècle - Etudes offertes à Jacques GHESTIN, L.G.D.J., 2001, spéc. n° 16, p. 497 ; F.
LEDUC, « Deux contrats en quête d’identité. Les avatars de la distinction entre le contrat de mandat et le contrat
d’entreprise », in Etudes offertes à Geneviève Viney, sous la direction de J.-S. BORGHETTI, O. DESHAYES et C.
PERES, L.G.D.J., Lextenso, 2008, p. 595, spéc. n° 9, p. 610.

52
effet franchi le pas dès 1821 en affirmant que « le propre du mandat étant que le mandataire
agit au nom du mandant, il ne contracte aucune obligation personnelle (…). En effet, il n’est
que le représentant de la personne du commettant : c’est celui-ci qui s’engage directement
par l’organe d’un simple préposé, et absolument comme il ne restait en son propre nom »193.
Il n’en reste pas moins que DUVERGIER est sans doute le premier à avoir démontré la
pertinence et la systématicité du lien mandat – représentation. Sans exclure la possibilité d’un
mandat gratuit l’auteur démontre, dans un ouvrage paru en 1837194, l’insuffisance du critère
de la gratuité195 dès lors que l’on admet que les arts libéraux (œuvres de l’esprit) puissent faire
l’objet d’un salaire, de la même manière que les arts mécaniques (œuvres manuelles)196.
C’était là, en effet, le critère de distinction unanimement admis entre le mandat et le louage
d’ouvrage : l’objet contractuel du premier appartenant aux arts libéraux, la gratuité était de
principe197. Mais l’admission d’une contrepartie à l’accomplissement d’une activité libérale
rendait le critère de la gratuité inopérant. Autrement dit, la gratuité était un élément
simplement naturel – et non essentiel - du mandat198, c’est-à-dire un élément dont la présence
– ou l’absence – n’influe en rien sur la qualification du contrat. Pour cette raison, la nécessité
d’adopter un autre critère d’identification se fit jour et l’auteur proposa alors une nouvelle
lecture de l’article 1984 du Code civil pour laquelle il préconisa d’accorder plus d’importance
à la locution « en son nom »199. Selon DUVERGIER, le mandant étant nécessairement engagé
envers le tiers, il y aurait forcément représentation200.

76. La consécration de ce lien systématique en jurisprudence. Cette thèse ne reçut pas


immédiatement l’approbation de l’ensemble de la doctrine. TROPLONG, par exemple, contredit
la démonstration en rappelant que, pour les rédacteurs du Code civil, « la rétribution
autorisée du mandataire [était] moins un lucre qu’une indemnité »201. Certains auteurs,

193
E. VINCENS, Exposition raisonnée de la législation commerciale et examen critique du Code de commerce,
Tome 2, éditions Barrois, 1821, spéc. p. 118.
194
J.-B. DUVERGIER, Le droit civil français, suivant l'ordre du code, Tome 19 du Traité de TOULLIER, Tome 4,
impr. Renouard, 1837.
195
Ibid., spéc. n° 268, pp. 290 et s.. Le critère de la gratuité fut corrompu par la pratique : « les faits lui
donnaient de rudes et nombreux démentis », même ouvrage spéc. n° 268, p. 291.
196
Sur la distinction improbable entre le salaire et la rémunération : ibid., spéc. n° 268, pp. 291 et s..
197
Ibid., spéc. n° 268, pp. 290 et s.. A une certaine époque la distinction était à ce point fondamentale « qu’on
n’a pas hésité à dire que la stipulation d’un prix en faveur du mandataire convertit le mandat en louage
d’ouvrage ». (Ibid., n° 268, p. 291). DUVERGIER présente les opinions de deux jurisconsultes de l’Ancien droit
(VINNIUS et POTHIER) : voir ibid., spéc. n° 268, pp. 293 et s..
198
Supra, n° 39 et s..
199
Ibid., spéc. n° 272, pp. 312 et s..
200
Ibid., spéc. n° 272, p. 313.
201
R. TROPLONG, Le droit civil expliqué suivant l'ordre des articles du code – De l’échange et du louage, Tome
16, PARIS, Charles Hingray, 1840, n° 810, p. 44.

53
toutefois, y adhérèrent pleinement, notamment VALERY202 qui reprit ce raisonnement dans sa
thèse de doctorat. Le droit positif devait leur donner raison. Par un arrêt en date du 14 avril
1886, la chambre civile de la Cour de cassation consacra la théorie élaborée par DUVERGIER
en affirmant que « le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le
pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ; qu’ainsi le caractère
essentiel de ce contrat consiste dans le pouvoir donné au mandataire de représenter le
mandant (…) »203. Depuis, la jurisprudence rappelle fréquemment le caractère essentiellement
représentatif du contrat de mandat chaque fois que de ce critère dépend la qualification
juridique de la convention juridique et, par voie de conséquence, l’issue du litige.

77. Ainsi, à propos de la distinction entre le mandat et le contrat de commission, il a été


rappelé que le commissionnaire « agit en son propre nom » alors que l'agent commercial
« n'agit qu'en représentation de son mandant »204. De même, à propos du contrat d’entreprise,
il a été jugé, dans un arrêt rendu le 19 février 1968 par la première chambre civile de la Cour
de cassation, qu’il supposait, à la différence du contrat de mandat, l’accomplissement d’actes
matériels sans pouvoir de représentation. Or, constatant que la mission de confier la
construction d’une maison à un entrepreneur pour un prix déterminé impliquait la conclusion
d’un acte juridique, les juges du droit ont requalifié le contrat litigieux en un mandat205. De la
même manière, le « correspondant » d’un banquier ayant pour « mission générale de
promotion et de diffusion des produits de financement de la banque auprès des
concessionnaires et particuliers de son territoire » n’est pas un mandataire, parce qu’il
n’avait pas « le pouvoir d'accomplir (…) des actes juridiques [au nom du banquier] »206.
L’impresario ou agent artistique, encore, n’agit pas comme mandataire mais comme simple
intermédiaire et l’artiste n’est pas tenu, pour cette raison, des engagements pris à l'égard des
tiers207. L’on peut citer, enfin, le contrat de concession aux termes duquel le concessionnaire
bénéficie d’un droit de place dans l’un des magasins de la société lui permettant de vendre des
objets choisis par le concédant. La Cour d’appel de PARIS constatant que « les clients n'
[avaient] manifesté leur volonté d'acquérir les objets qui leur ont été présentés que lors de
leur passage aux caisses » a légitimement pu retenir « que les préposés de M. X [le

202
J. VALERY, Des caractères distinctifs du contrat de mandat dans le Code civil, thèse précitée.
203
Civ., 14 avril 1886 : D.P., 1886, I, 220.
204
Com., 29 juin 2010 - Bull. civ., 1991, IV, no 114.
205
Civ. 1, 18 février 1968 – Bull. civ., 1968, I, n° 69 : G.A.J.C., 11ème édition, n° 260 ; JCP G., 1968, II, 15490.
206
Com., 2 mars 2010 - Pourvoi n° 08-14.250 : R.J.D.A. 2010, no 616.
207
Com., 22 mai 1991 - Bull. civ., 1991, IV, no 173 : JCP G., II, 21865 ; R.T.D. Civ., 1992, p. 86.

54
concessionnaire] n'ont effectué que des actes matériels de présentation de produits à
l'exclusion d'actes juridiques »208.

78. Synthèse du A. Malgré une reconnaissance tardive et malheureusement toujours


contestée, il est indubitable que le mécanisme de la représentation, auquel renvoie l’acception
« action au nom d’autrui », constitue le critère essentiel du contrat de mandat. A l’épreuve, il
apparaît clairement que cet élément suffit à distinguer le contrat de mandat de la plupart des
autres contrats d’intermédiaire.

B- La distinction du mandat et des contrats d’intermédiaire

79. Plan. A côté du mandat, d’autres contrats d’intermédiaire mettent en place une action
« au nom d’autrui ». Pour certains d’entre eux, la qualification de mandat a été retenue par la
loi. Prenons l’exemple du mandat de protection future209. Voilà un contrat dans lequel un
individu en charge d’autres « de le représenter pour le cas où, (…), elle ne pourrait plus
pourvoir seule à ses intérêts »210. Légalement, le critère de la représentation est posé.
Pourtant, la qualification de mandat est loin d’être évidente et une partie de la doctrine
s’interroge sur la pertinence de cette dénomination211 en raison, notamment, des différences
de régime entre le mandat classique et celui-ci212. Il en va de même des mandats dits
judiciaires : le mandat judiciaire de protection des majeurs, le mandat judiciaire de l’époux, le
mandat judiciaire des entreprises en difficulté... Et de manière générale, de tous les mandats
donnés par une autorité autre que le titulaire des droits gérés par autrui. Dans ces hypothèses,
le dessaisissement du pseudo-mandant est acquis parce que ce dernier ne dispose plus de la
capacité d’exercer lui-même les droits qui sont confiés au mandataire. Par voie de
conséquence, le régime juridique du contrat ne peut que s’en trouver affecté dès lors que le

208
Com., 8 janvier 2002 - Bull. civ., 2002, IV, no 1 : D., 2002, A.J., 567 ; D. 2002, Somm. 3009.
209
Loi du 5 mars 2007, codifiées aux art. 477 à 497 du Code civil.
210
Art. 477 du Code civil.
211
Voir, par exemple, Madame CHIARINY-DAUDET qui s’interroge sur la remise en cause de la théorie générale
des obligations par l’insertion, dans notre droit, du mandat à effet posthume et du mandat de protection future.
(L’auteur répond par la négative.) A.-C. CHIARINY-DAUDET « Les nouvelles représentations de la volonté en
droit de la famille », L.P.A., 28 novembre 2007, n° 238, pp. 6 et s.. Voir également Madame HEBERT qui admet
la qualification de mandat pour ces deux contrats mais qui considère, néanmoins, qu’il s’agit-là de « mandats
bien singuliers ». S. HEBERT, « Le mandat de prévention : une nouvelle forme juridique ? », D., 2008, pp. 307 et
s., spéc. n° 22. Voir également les propos de Monsieur NOGUERO qui constate que « la terminologie n'est pas
fixée avec rigueur » et pour qui le mandat de protection future se distingue clairement du mandat de droit
commun. D. NOGUERO, « Interrogations au sujet du mandat de protection future », D., 2006, pp. 1133 et s..
212
Cette question sera abordée plus longuement lors de développements ultérieurs. Infra, n° 86 et s..

55
maître de l’affaire n’est plus, au sens littéral du terme, un donneur d’ordre. A l’inverse, à
propos de la convention définie par l’article 1984 du Code civil, la représentation mise en
place n’a pas pour effet de remédier à une incapacité du mandant. Pour preuve, il convient de
remarquer que ce dernier est, non seulement, le titulaire des droits gérés, mais aussi – et
surtout – l’auteur de la délégation de pouvoir. Autrement dit, pour distinguer les vrais des
faux mandats, il faut rechercher si l’exercice du pouvoir de représentation repose, ou non, sur
le dessaisissement du mandant (1).

80. Parallèlement, d’autres contrats de gestion pour autrui s’accomplissent au nom du


gérant et non du géré. Pour ceux-ci, la difficulté est moindre : si l’action « in proprio
nomine » exclut la représentation, alors l’exécution d’une action « in proprio nomine » est
incompatible avec la qualification de mandat (2).

1- La distinction du « vrai » et des « faux » mandats

81. Le véritable mandat : l’absence de dessaisissement du mandant. A notre sens, le


vrai mandat est celui pour lequel le mandant conserve la possibilité d’exercer lui-même ses
droits et pouvoirs de gestion sur ses biens personnels car le pouvoir confié est un pouvoir
délégué et non un pouvoir abandonné. Rappelons en effet que, dans le mandat, la présence de
la représentation est volontaire213, ce qui signifie qu’elle ne résulte pas des circonstances214 et
qu’elle est le fruit d’un acte délibéré du mandant215. La règle est à ce point acquise que le
législateur a prévu, à l’article 2003 du Code civil, une cause d’extinction du mandat dans
l’hypothèse de la disparition de l’aptitude du mandant à exercer lui-même ses droits. Par
conséquent, l’exercice des droits doit pouvoir s’effectuer de manière concurrente par le
mandant et par le mandataire. Sur ce point la doctrine est unanime : le mandant garde sa
pleine capacité d’exercice216.

213
Le mandat est un contrat : supra, n° 7.
214
Infra, n° 95 et s..
215
Supra, n° 7.
216
En ce sens : D. FENOUILLET, « Le mandat de protection future ou la double illusion », Défrénois, 2009, p.
142, spéc. n° 31 ; M. GRIMALDI, « Le mandat à effet posthume », Defrénois, 2007, n°1, pp. 3 et s., spéc. n° 5 ; L.
LEVENEUR, « Intérêts et limites du mandat de protection future », in Mélanges en l’honneur du professeur G.
CHAMPENOIS, ouvrage coordonné par F. BICHERON, S. GAUDEMET, C. GRIMALDI, L. POULET, Défrénois, 2012,
p. 571, spéc. n° 3, p. 576.

56
82. Par conséquent, lorsque la mise en œuvre d’une institution se traduit par le
dessaisissement du donneur d’ordre, la qualification de mandat doit être immédiatement
exclue. La question est alors de rechercher quand ce dessaisissement peut être constaté. Or, on
sait que le dessaisissement résulte, le plus souvent, d’une décision judiciaire ou de la loi, à
titre de sanction ou par mesure de protection217. En d’autres termes, il y a dessaisissement
lorsque l’origine du pouvoir ne provient pas de celui qui en bénéficiera directement218. Il n’y a
donc pas délégation (opération par laquelle le titulaire du droit en transfère l’exercice à une
autre personne219) mais attribution (action de conférer un pouvoir à un tiers220). Appliquée à la
matière contractuelle, cette distinction entre la délégation et l’attribution serait mise en œuvre
chaque fois que le pouvoir détenu par le supposé mandataire est conféré par un autre que le
titulaire des droits exercés ; c’est-à-dire chaque fois qu’il y a dissociation entre l’autorité
habilitante et la personne représentée, parce que la première n’est pas titulaire des droits
exercés. De la sorte, on s’aperçoit qu’il y a dissociation entre l’ordre émis et le destinataire
final de l’ordre : en réalité, pour des raisons de fait ou de droit, la volonté du représenté est
niée. Seuls ses intérêts sont pris en compte, et ce sont eux, d’ailleurs, qui motivent
l’attribution du pouvoir.

83. Le mandat à effet posthume. A cet égard, l’exemple du mandat à effet posthume221
est particulièrement évocateur. Cette nouvelle figure juridique constitue sans aucun doute
l’une des innovations majeures du droit patrimonial de la famille de ce début du siècle. Bien
que le législateur l’ait expressément qualifiée de mandat, cette dénomination est loin de faire
l’unanimité en doctrine. Il serait, selon certains auteurs, plus proche d’une institution
fiduciaire que du contrat de l’article 1984222. Quoi qu’il en soit, le mandat à effet posthume
n’est certainement pas un mandat, pour deux raisons au moins.

84. La première découle de la lettre de l’article 812 du Code civil qui définit le contrat
comme celui par lequel « toute personne peut donner (…) mandat d'administrer ou de gérer,

217
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité, V° « Dessaisissement ». Concernant le mandat
de protection future, voir infra n° 86 et s..
218
L’hypothèse d’un mandat légal ou judiciaire ayant été exclu de notre domaine de recherche, l’hypothèse d’un
tel dessaisissement dans le mandat ne se pose pas.
Cette règle a été expressément posée dans le cadre du projet de réforme initiée par la Chancellerie : voir
l’article 42, alinéas 1 et 2, du projet. Projet de réforme du droit des contrats, op. cité.
219
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité, V°« Délégation ».
220
Ibid., V° « Attribution ».
221
Loi du 23 juin 2006, codifiée aux articles 812 à 812-7 du Code civil.
222
A ce propos, voir l’analyse de Monsieur GRIMALDI qui compare le mandat à effet posthume à une institution
fiduciaire (M. GRIMALDI, « Le mandat à effet posthume », op. cité) ou celle de Monsieur MALAURIE qui
rapproche ce contrat du trust anglo-saxon (PH. MALAURIE, « Examen critique du projet de loi portant réforme
des successions et des libéralités », Defrénois, 2005).

57
(…) tout ou partie de sa succession pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs
héritiers identifiés ». Manifestement, le critère de la représentation est absent alors que nous
retrouvons celui de l’intérêt. Mais ce vide textuel ne constitue pas un obstacle dirimant,
d’autant plus que, pour certains auteurs223, le régime du contrat se fonderait sur la technique
représentative dès lors que les effets des actes accomplis par le mandataire se réalisent dans le
patrimoine des héritiers224. Mais parce qu’il est imposé aux héritiers par le de cujus, la
qualification de mandat – ainsi que celle de commission – doit être rejetée définitivement. En
effet, bien qu’agissant pour le compte de l’héritier, le mandataire tient son pouvoir du défunt,
ce qui signifie qu’il n’agit pas « au nom » des héritiers. De ce point de vue, la finalité de ce
contrat est principalement économique : il s’agit avant tout de préserver les intérêts de
l’héritier. Où l’on retrouve le motif inhérent à toute situation de représentation forcée…

85. La conséquence immédiate : les héritiers sont dessaisis, c’est-à-dire qu’ils perdent,
pour un temps donné, « tout ou partie de leur pouvoir de gestion »225. D’ailleurs, l’objectif du
mandat à effet posthume est précisément de prévoir la transmission de la succession : il
touche, non pas à l’acquisition des droits héréditaires, mais à l’exercice de ces droits par les
héritiers. Il y a donc dérogation à l’article 724 du Code civil selon lequel « les héritiers
désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt » ; c’est-à-
dire qu’ils ont un droit direct sur les biens successoraux. A l’inverse, en présence du mandat
de l’article 812, les héritiers doivent passer par le mandataire qui fait, en réalité, office
d’intermédiaire entre le de cujus et eux… et non entre le mandant et le tiers cocontractant226.

223
En ce sens : A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 972, p.
474.
224
Cette analyse est cependant contredite par la majorité de la doctrine qui considère que le mandat à effet
posthume est un mandat forcé sans représentation. Sur ce point voir F. BICHERON, « L’utilisation du mandat en
droit de la famille », in Le mandat, un contrat en crise ?, op. cité, spéc. n° 46, pp. 112, et les références citées.
225
P. CATALA, « La loi du 23 juin 2006 et les colonnes du temple », Droit de la famille, 2006, n° 11, étude 43,
spéc. n° 3 ; M. GRIMALDI, op. cité, spéc. n° 5 ; S. HEBERT, op. cité, spéc. n° 7 ; PH. MALAURIE, op. cité, n° 24, p.
1963.
226
Cette remarque nous inviterait d’ailleurs à émettre l’idée selon laquelle le mandataire posthume n’est pas un
intermédiaire contractuel au sens strict dès lors que l’action de ce dernier n’est pas de contracter avec autrui,
seulement de gérer pour autrui.
Il convient toutefois de signaler que le dessaisissement des héritiers n’est que relatif. « En raison de la
contrainte que fait peser sur eux le mandat à effet posthume, le législateur a entendu ménager une porte de
sortie aux héritiers intéressés en leur permettant de mettre fin au mandat en aliénant les biens qui en forment
l'objet », (G. WICKER, « Successions – Mandats successoraux - Le mandat à effet posthume », in J.Cl. Civil
Code, « art. 812 à 812-7 », Fasc. unique, 2008, spéc. n° 123). Ainsi a-t-il été prévu, au terme de l’article 812-4 5°
du Code civil, que « l'aliénation par les héritiers des biens mentionnés dans le mandat » mettait fin au contrat. A
ce sujet, il a été jugé, dans un arrêt récent, que cette disposition était d’ordre public. En effet, la 1 ère chambre
civile de la Cour de cassation a affirmé, le 12 mai 2010 que « les pouvoirs d'administration ou de gestion qui
peuvent être conférés au mandataire posthume en vertu des articles 812, alinéa 1er et 812-1 du code civil, ne lui
permettent pas de s'opposer à l'aliénation par les héritiers des biens mentionnés dans le mandat, laquelle

58
86. Le mandat de protection future donné pour autrui. Si l’on revient au mandat de
protection future, s’agit-il d’un mandat ? S’agissant de ce contrat, la réponse ne peut être
unique car il existe non pas un, mais deux mandats de protection future : le premier, celui que
nous avons déjà évoqué, est donné pour soi227 ; le second est donné pour autrui228.

87. Concernant le mandat de protection future donné pour autrui, l’éviction de la


qualification de mandat repose sur des raisons semblables à celles que nous venons de
développer à propos du mandat à effet posthume. Si le contrat défini par l’alinéa 3 de l’article
477 du Code civil n’est pas un mandat, c’est parce qu’il est donné par un autre que celui qui
sera représenté. Or, nous savons maintenant que la dissociation entre la volonté habilitante et
la volonté représentée est exclusive d’un mandat parce qu’elle entraîne le dessaisissement du
titulaire des droits exercés.

88. Le mandat de protection future donné pour soi. En revanche, si l’on s’attache au
mandat de protection future donnée pour soi, les choses ne sont pas aussi simples. Dans ce
contrat, le pouvoir de représentation est confié au mandataire par le mandant : il n’y a donc
pas dissociation entre la volonté habilitante et la volonté représentée. Par ailleurs, le mandat
de protection future ne constituerait pas une mesure d’incapacité229 et il n’y aurait, de ce fait,
aucun dessaisissement. Les partisans de la pleine capacité du mandant invoquent, au soutien
de leur thèse230, le droit commun du mandat, auquel renvoie l’article 478 du Code civil, et qui
n’exclut jamais la capacité du mandant. L'absence de disposition légale claire en faveur de
l'incapacité semble d’ailleurs aller en ce sens puisque, selon l'article 1123 du Code civil, «

constitue l'une des causes d'extinction de celui-ci ». (Civ. 1, 12 mai 2010 – Pourvoi n° 09-10.556 ; Bull. civ.,
2010, I, no 117 : D., 2010, 2392, obs. M. NICODIN spec. n° 10 ; JCP G., 2011, no 251, § 2, obs. R. LE GUIDEC ;
A.J.F., 2010, 287, obs. CH. VERNIERES ; Dr. fam., 2010, no 104, obs. B. BEIGNIER ; Defrénois, 2010, 2373, obs.
A. CHAMOULAUD-TRAPIERS ; G.P., 2010, p. 22, note A. DENIZOT ; R.D.C., 2011, p. 203, obs. F. BICHERON ;
R.T.D. Civ., 2010, p. 527, obs. J. HAUSER ; R.T.D. Civ., 2010, p. 602, obs. M. GRIMALDI). Avec force et clarté,
l’on ne peut que constater que le juge accorde aux héritiers le pouvoir de s’auto-ressaisir de l’hérédité dont ils
ont été privés par le de cujus. L’on perçoit aisément que cette jurisprudence risque de freiner considérablement
l’essor du mandat à effet posthume ou, à tout le moins, de lui confisquer l’un de ses intérêts majeurs (sur ce
point, la doctrine est unanime : ibid.). Quoi qu’il en soit, elle n’influe en rien sur la qualification dudit contrat
qui, pour les raisons précédemment évoquées, n’est pas un mandat. En réalité, si les héritiers disposent
désormais de la liberté de s’auto-ressaisir, cette possibilité n’a pas pour effet de transformer le mandat à effet
posthume en vrai mandat (ce qui supposerait que le mandat survive et que le mandataire agisse sur les
instructions de l’héritier et non du de cujus), seulement d’y mettre fin.
227
Art. 477 alinéa 1 du Code civil.
228
Art. 477 alinéa 2 du Code civil.
229
Sur la question voir, parmi d’autres, D. FENOUILLET, op. cité, spéc. n° 31 ; A.-M. LEROYER, « Loi n° 2007-
308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs », R.T.D. Civ., 2007, pp. 394 et s..
230
Voir également, A. DELFOSSE et N. BAILLON-WIRTZ, « Le mandat de protection future », JCP. N., I, 147, no
1 ; M.-C. FORGEARD et N. LEVILLAIN, « Mandat de protection future et pratique notariale », Défrénois, 2008, p.
529, spéc. n° 48 et s. ; L. LEVENEUR, « Intérêts et limites du mandat de protection future », op. cité, spéc. n° 3,
pp. 576 et s..

59
toute personne peut contracter si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi ». La lecture
des travaux préparatoires à la loi du 7 mars 2007231 renforce cette idée puisque l'on y apprend
que la nullité des actes conclus par le mandant seul a été exclue, le mandat de protection
future n’instaurant pas une mesure d'incapacité. Telle serait, enfin, « la position de
l’Administration dans la notice explicative relative au mandat sous seing privé » qui précise
que « le mandat ne vous fait perdre ni vos droits, ni votre capacité juridique ». Ce dernier
argument est difficilement recevable parce qu’il contrevient à l’article 34 de la Constitution
qui dispose que c’est la loi – et non le règlement – qui intervient à propos de l'état et la
capacité des personnes. Ainsi, la thèse de la pleine capacité du mandant n’est-elle pas admise
par tous. Ses opposants232 s’appuient majoritairement sur l’incompatibilité entre la mise en
œuvre du mandat de protection future et le régime juridique du droit commun du mandat,
l’insuffisante protection qui résulterait de la survie de la capacité233 et procèdent à une
comparaison avec la sauvegarde de justice pour laquelle l’incapacité du majeur a été
expressément exclue, sauf pour les actes pour lesquels un mandataire a été désigné234.

89. A notre sens, il est effectivement difficile de voir, dans le mandat de protection future,
un vrai mandat. En effet, s’il est difficile de conclure à l’incapacité juridique du mandant, il
convient néanmoins de « concilier capacité et incapacité : dans le domaine où le mandat
donne au mandataire un pouvoir de représentation, il y a incapacité du majeur et nullité des
actes qu'il accomplit lui-même ; hors ce domaine, en revanche, le majeur conserve sa pleine
capacité »235. Cette formule invite à penser que, dans le domaine du mandat, le mandant est
bel et bien dessaisi, ce qui exclurait, pour les raisons précédemment définies, la qualification
de mandat236. Quoi qu’il en soit, dans les domaines où le mandant conserve sa capacité, celle-
ci doit être nuancée : en tout état de cause, les actes qu’il peut effectuer seront fragilisés. Par
voie de conséquence, l’annulation du contrat conclu par le majeur sera facilitée et une action

231
Rapport A.N. no 3557, 10 janvier 2007, p. 193 (source : http://www.assemblee-
nationale.fr/12/rapports/r3557.asp). Par ailleurs, à plusieurs reprises, le rapport précise que « le mandat de
protection future se définit donc comme un régime de représentation (c’est consubstantiel à l’idée de mandat), et
non comme un régime d’incapacité ».
Voir également : Rapport Sénat, no 212, p. 183 (source : http://www.senat.fr/rap/l06-212/l06-212.html).
232
A.-M. LEROYER, op. cité.
233
Pour un exposé clair et minutieux du caractère illusoire de la protection mise en place par un mandat de
protection future : D. FENOUILLET, op. cité ; L. LEVENEUR, « Intérêts et limites du mandat de protection future »,
op. cité.
234
Art. 435 du Code civil : « La personne placée sous sauvegarde de justice conserve l'exercice de ses droits.
Toutefois, elle ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné en
application de l'article 437. »
235
D. FENOUILLET, op. cité, spéc. n° 31. Dans le même sens, D. NOGUERO, « Interrogations au sujet du mandat
de protection future », D., 2006, p. 1133.
236
A notre connaissance, cette question n’a encore jamais été tranchée en jurisprudence.

60
en rescision pour lésion sera éventuellement admise. L’une et l’autre de ces actions constitue
une mesure de protection à l’égard du majeur dont les facultés sont altérées, c’est-à-dire qu’il
est le seul, en principe à pouvoir en bénéficier. Pourtant, l’action en nullité comme l’action en
rescision sont ouvertes aux héritiers pendant une durée de cinq ans à compter du décès de leur
auteur237.

90. Quelle conclusion peut-on tirer de l’analyse de ce dispositif ? Tout d’abord, l’acte que
le majeur est autorisé à conclure par lui-même n’est définitif qu’à l’expiration d’un délai
quinquennal après sa mort. S’il n’y a pas incapacité d’exercice, on serait néanmoins tenté d’y
voir une capacité limitée. Ensuite, la volonté du mandant n’est plus reine puisque ses héritiers
peuvent la contester. A cet égard, il convient d’ailleurs de rappeler que le mandant de
protection future perd le droit de révoquer ad nutum le mandataire238, « ce qui n’est pas
rien »239. Selon l’article 483 du Code civil, le pouvoir de révocation appartient au juge dans
l’hypothèse, soit de la mise en place d’une mesure judiciaire de protection (curatelle ou
tutelle ; soit lorsque, sur demande d’un intéressé, la continuation du mandat de protection
future apparaît inutile. A chaque fois, l’immixtion du pouvoir judiciaire dans une relation qui
n’est plus exclusivement contractuelle est attestée. Enfin, c’est l’intérêt patrimonial du
donneur d’ordre qui, véritablement, constitue le fil d’Ariane du mandat de protection future
dès lors que l’absence d’un tel intérêt justifie la remise en cause de l’acte passé. Or, on ne
devrait pouvoir exclure l’hypothèse dans laquelle un individu, même affaibli, puisse trouver
un intérêt moral à conclure un acte qui lui soit économiquement défavorable.

91. Ainsi, le mandat de protection future conclu pour soi n’est, pas plus que le mandat de
protection future conclu pour autrui ou le mandat à effet posthume, un « vrai » mandat. Si la
présence du critère représentation et l’absence de dissociation entre la volonté habilitante et la
volonté représentée ne permettent pas immédiatement de refouler la qualification de mandat,
il n’en reste pas moins que cette dénomination est bel et bien usurpée. Il en va de même des
mandats que l’on dit sans représentation et qui, en réalité, sont, plus simplement, des contrats
de gestion pour autrui accomplis « in proprio nomine ».

237
Art. 488 alinéa 2 du Code civil : « L'action n'appartient qu'à la personne protégée et, après sa mort, à ses
héritiers. Elle s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 1304 ».
238
Pour plus de développements relatifs à la révocation ad nutum, infra n° 197 et s...
239
L. LEVENEUR, « Intérêts et limites du mandat de protection future », op. cité, spéc. n° 4, p. 578.

61
2- La distinction de l’action « au nom d’autrui » et de l’action « in proprio
nomine »

92. L’action in proprio nomine : définition. Selon l’article L. 132-1 premier alinéa du
Code de commerce, « le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom240 ». Il s’agit là
de la principale caractéristique du contrat de commission, celle qui permet sa distinction
d’avec le mandat, l’un et l’autre étant des contrats conclus « pour le compte d’autrui ». Ce
principe a été clairement affirmé par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 6 juillet 1960
par la première Chambre civile et aux termes duquel « le contrat de commission (…) est
caractérisé par le fait que le commissionnaire agit en son propre nom et qu’au contraire le
mandataire agit au nom de son commettant »241. Confirmée depuis par la haute juridiction242,
la règle est aujourd’hui bien ancrée en droit positif243. Très récemment, encore, les juges du
droit recourraient à ce critère de l’action « en son propre nom » pour rejeter la qualification de
commission du contrat litigieux244.

93. De l’action « in proprio nomine » résulte l’engagement de l’intermédiaire envers le


245
tiers : celui-ci agit en tant que vendeur246 ou acquéreur247 et plus généralement en tant que

240
Nous soulignons.
241
Com., 6 juillet 1960 - Bull. civ., 1960, IV, n° 279.
242
Voir, par exemple, Com., 3 mai 1965 - Bull. civ., 1965, IV, n° 280 : « (…) à la différence d'un mandataire, le
commissionnaire agit en son nom propre ou sous un nom social qui n'est pas celui de son commettant ».
243
Civ. 1, 10 février 1998 - Bull. civ., 1998, I, n° 59. « Attendu que le commissionnaire de transport est celui qui
agit en qualité d'intermédiaire libre du choix des voies et moyens et conclut les conventions de transport en son
propre nom. » Pour une application plus récente, voir Com., 14 janvier 2004 - Bull. civ., 2004, IV, n°
12 : « Attendu que le commissaire de transport qui agit en son propre nom, est responsable envers le
transporteur, des dommages causés par la marchandise au moyen de transport ». Pour une analyse du contrat de
commission voir, en particulier, M.-P. DUMONT, L’opération de commission, thèse précitée, n° 414 et s., p. 333
et s..
244
Com., 29 juin 2010 - Bull. civ., 2010, IV, n° 114 : « Il résulte des articles L. 132-1 et L. 134-1 du code de
commerce que, si le commissionnaire et l'agent commercial agissent l'un comme l'autre pour le compte d'un
cocontractant, en revanche, le premier agit en son propre nom alors que le second n'agit qu'en représentation de
son mandant ».
245
Voir également, infra, n° 170 et s..
246
Com., 7 mai 1962 - Bull. civ., 1963, III, n° 240 : C’est à bon droit que la Cour d’appel qui constaté « que le
commissionnaire, qui agit pour le compte d'un commettant en son propre nom, est personnellement tenu des
obligations contractées envers les tiers en cette qualité et que [le commissionnaire acheteur] devait payer le prix
des marchandises achetées ».
247
Com., 13 mai 1958 - Bull. civ., 1958, III, n° 187 : « Si la décision déférée relève que la commande a été
passée par B. et L. [les commissionnaires] d'ordre et pour compte de la Maison S. à Téhéran [le commettant], il
ressort de l'ensemble des constatations de la Cour d'appel que B. et L. étaient non pas de simples intermédiaires
(...), mais les commissionnaires en France de la Maison S. ; que c'est, dès lors, sans aucune contradiction que la
Cour d'appel a, en tirant les conséquences par elles déduites, reconnu à B. et L. [les commissionnaires] la
qualité d'acquéreurs personnels, (…) ».

62
cocontractant248. Par voie de conséquence, lorsqu’il agit in proprio nomine, c’est à
l’intermédiaire qu’incombe la mise en œuvre d’une action en responsabilité contre un tiers
défaillant, et, à l’inverse, c’est à lui que revient l’exécution du contrat conclu par
intermédiation.

94. Mais l’action « in proprio nomine » implique-t-elle pour autant nécessairement que le
tiers ne connaisse pas l’identité du donneur d’ordre, ce qui signifierait à l’inverse que la
révélation du nom du commissionnaire soit constitutive des effets du mandat ? A ce propos,
on s’est demandé un temps si l’alinéa 2 de l’article L. 132-1 du Code de commerce, qui
dispose que « les devoirs et droits du commissionnaire qui agit au nom d’un commettant sont
déterminés par le titre XIII du livre III du Code civil », ne visait pas précisément cette
hypothèse. Deux positions étaient effectivement envisageables : d’un côté, il n’était pas
impossible de voir un mandataire dans le commissionnaire qui se voit imposer le régime du
mandat ; de l’autre, on pouvait également être sensible à la terminologie utilisée par le
législateur qui continue de qualifier cet intermédiaire de commissionnaire. Il faut remarquer
par ailleurs que le législateur est resté silencieux sur les droits et devoirs du commettant. Ce
vide textuel laisse envisager deux possibilités : soit le commettant se voit également appliquer
le régime du mandat, soit il demeure soumis à celui de la commission. En réalité, la question
qui se pose est évidemment de rechercher le sens précis à accorder à la périphrase « en son
nom ».

95. L’interprétation extensive de l’action in proprio nomine. De longue date, la


jurisprudence a donné une interprétation extensive de l’action en nom personnel qui n’exclut
pas la connaissance par le tiers de la personne du commettant. L’examen de certaines
solutions révèle que le droit positif ne fait pas la distinction. Dans un arrêt en date du 7 mai
1962249, par exemple, un commissionnaire avait passé une commande de tissus pour le
compte d’un donneur d’ordre étranger. En raison d’un retard de livraison, ce dernier n’avait
réglé qu’une partie du prix. Le tiers cocontractant réclama alors le reste du prix à
l’intermédiaire qui, pour se défendre, affirma qu’il ne pouvait être tenu personnellement
puisque la société demanderesse « ne pouvait ignorer l’identité du destinataire des
marchandises ». La Cour de Cassation approuva la Cour d’appel d’avoir constaté la

248
Pour une application en matière de commission au transport : Com., 30 octobre 2000 : JCP G., 2001, II,
10 644, note D. AMMAR.
249
Com., 7 mai 1962 - Bull. civ., 1962, III, n° 240.

63
responsabilité du commissionnaire au motif qu’il « agissait en son propre nom et non pas
comme un simple mandataire puisque la facture devait être établie à son nom (…) ».

96. Cette solution a été réaffirmée depuis250, mais certains arrêts laissent penser que des
liens directs pourraient s’établir entre le commettant et le tiers. Par le truchement du
distributeur d’un cinéma (le commissionnaire), un producteur de films (le commettant) est
ainsi admis à inscrire de manière privilégiée la créance qu’il dispose contre l’exploitant d’une
salle de cinéma (le tiers cocontractant)251. De la même manière, l'assureur d’un commettant
dispose d’une action de nature contractuelle contre un manutentionnaire engagé par le
commissionnaire252. La réciproque, en revanche, semble plus difficile à admettre. Il a ainsi été
jugé que « le transporteur maritime n'a d'action à l'encontre du commettant du
commissionnaire de transport que si celui-ci a agi, non pas en son propre nom (…) mais au
nom de son commettant »253. En tout état de cause, l’admission de liens directs entre les
parties extrêmes ne signifie pas qu’il y ait représentation puisque le commissionnaire ne
disparaît pas et demeure tenu envers le tiers. Autrement dit, c’est le contenu de la volonté lors
de la formation du contrat d’intermédiaire qui permet de dire si, oui ou non, il y a
représentation… et par conséquent de qualifier le contrat de mandat ou de commission.

97. Il nous semble toutefois qu’il faut différencier selon que la révélation est fortuite -
c’est l’hypothèse que nous venons d’évoquer - ou au contraire volontaire, qu’elle a été
effectuée contre le gré ou avec l’accord du commettant. Lorsque la révélation se fait en dépit
d’une interdiction formulée du donneur d’ordre, il semble évident que les effets de la
représentation - à savoir la transparence - ne peuvent trouver à s’appliquer. Des faits
semblables avaient été jugés par la cour d’appel de ROUEN qui, non seulement avait retenu la
responsabilité contractuelle du commissionnaire, mais encore exclut la possibilité de tout lien
entre le commettant et le tiers cocontractant254. La solution inverse aurait été très étonnante
car elle aurait signifié que la qualification d’un contrat, et par voie de conséquence le régime
applicable, pourrait ne dépendre que d’une seule partie255. Or, si le droit positif exige un
accord de volontés, c’est précisément pour éviter ce genre de situation.

250
Voir par exemple Com., 19 janvier 1980 : Droit maritime français, 1980, 715.
251
Civ., 11 avril 1995 – Bull. civ., 1995, n° 166 : D., 1995, I.R., 129.
252
Com., 20 février 1996 – Bull. civ., 1996, IV, n° 60 : D., 1996, p. 290, note PH. DELEBECQUE ; R.T.D. Civ.,
1996, p. 621, n° 1, obs. P. JOURDAIN.
253
Com., 30 octobre 2000 (2 arrêts) : JCP G., 2001, II, 10644 note D. AMMAR. Dans le même sens : Com., 9
décembre 1997 : JCP G., 1998, II, 10261 note O. LITTY.
254
C.A. ROUEN, 25 juin 1904 : D.P., 1906, 2, 191.
255
Ce qui constituerait, par ailleurs, une atteinte à la prohibition de la stipulation pour autrui.

64
98. La connaissance ab initio de l’identité du donneur d’ordre par le tiers. En
revanche, l’hypothèse dans laquelle la possibilité de la connaissance de l’identité du
commettant par le tiers-cocontractant n’a pas été exclue par les parties principales pose plus
de difficultés. À ce sujet, le domaine de la grande distribution offre des exemples
particulièrement éclairants.

99. Dans ce secteur en effet, certaines entreprises ou sociétés recourent fréquemment au


contrat d’intermédiaire pour faciliter la distribution des biens qu’elles produisent. Dans cette
optique, le donneur d’ordre préfèrera la figure du mandat, de la commission, de la franchise,
…, selon les objectifs qu’il s’est personnellement fixés. Mais quel que soit le choix opéré, il
est fréquent que le consommateur - tiers au contrat d’intermédiaire - connaisse le nom du
véritable bénéficiaire économique. Pour autant, la jurisprudence ne considère pas qu’il s’agit
là d’un motif de requalification du contrat. La désormais célèbre affaire Chattawak l’illustre
particulièrement bien256.

100. Une société de distribution avait conclu un contrat d’affilié avec le réseau Chattawak.
Par la suite, souhaitant changer l’emplacement de son magasin, le distributeur signa un
compromis de cession de droit au bail, sans l’accord de ladite société. Pour cette raison, cette
dernière rompit le contrat. Afin que des indemnités lui soient versées, la société distributrice
saisit les tribunaux pour que lui soit reconnue la qualité d’agent commercial. A l’appui de ses
prétentions, elle invoqua un agissement au nom d’autrui. Dans un premier temps, cette
demande fut accueillie257. Plusieurs éléments venaient en effet corroborer cette thèse : tout
d’abord, les recettes étaient déposées sur un compte ouvert au nom de la société Chattawak ;
ensuite, les correspondances adressées à la société distributrice mentionnaient la
dénomination de l’entreprise productrice ; enfin, les tickets de caisse comportaient le nom de
la société-réseau. En dépit de ces constatations, la chambre commerciale de la Cour de
Cassation, dans un arrêt rendu le 29 juin 2010, casse la décision de la Cour d’appel au motif

256
Le feuilleton Chattawak a démarré par un arrêt de la C.A. de PARIS en date du 13 décembre 2006, cassé par
la chambre commerciale le 26 février 2008. (Pourvoi n° 06-20772 : JCP G., 2008, II, 10094, note D. MAINGUY
et J.-L. RESPAUD ; JCP E., 2008, 1710, D. DISSAUX ; D., 2008, p. 2907, obs. D. FERRIER ; C.C.C., 2008, comm.
95, obs. N. MATHEY). Le deuxième arrêt de la C.A. de PARIS (9 avril 2009- JurisData n° 2009-378726 : voir
JCP E., 2009, 1842, N. DISSAUX ; D., 2009, p. 1942, obs. D. FERRIER ; C.C.C., 2009, comm. 264, obs.
N. MATHEY) a également été cassé par la chambre commerciale (29 juin 2010 – Bull. civ., 2010, IV, n° 114 :
voir JCP G., 2010. 876, note C. GRIMALDI ; JCP E., 2010, 1694, note N. DISSAUX ; JCP E., 2010, 1860, note F.
AUQUE ; D., 2010, Actu., 1703, obs. E. CHEVRIER ; C.C.C., 2010, n° 223, obs. N. MATHEY ; R.T.D. Com., 2011,
p. 687, note B. SAINTOURENS).
257
C.A., PARIS, 13 décembre 2006, ibid..

65
que les circonstances de fait précitées étaient insuffisantes pour retenir la qualification d’agent
commercial, en d’autres termes pour caractériser une action « au nom d’autrui »258.

101. En définitive, cette décision signifie que la connaissance du nom du donneur d’ordre
par le tiers n’exerce véritablement aucun effet dès lors que les parties au contrat principal
n’ont pas souhaité recourir au mécanisme de la représentation. Dans cet arrêt, en effet, les
factures étaient établies au nom du donneur d’ordre – et non à celui de l’intermédiaire - ce qui
distingue cette situation d’une révélation simplement fortuite259. Par conséquent, à n’en pas
douter, le consommateur - ou plus précisément la consommatrice ! - ne pouvait ignorer que la
société distributrice agissait pour une autre qu’elle-même et que le véritable bénéficiaire
n’était autre que la société Chattawak. Malgré cela, la Cour de Cassation ne retient pas la
qualification de mandat : la connaissance par le tiers du nom du donneur d’ordre, même au
moment de la formation du contrat, est indifférente de la nature juridique de la convention.

102. La primauté de la volonté initiale. L’on en vient alors à établir une triple conclusion.
Tout d’abord, l’action « in proprio nomine » est un élément essentiel du contrat de
commission260 sur lequel les parties se sont accordées, de la même manière que l’action au
nom d’autrui est inhérente au mandat. Il signifie que le commissionnaire sera engagé
personnellement envers le tiers, quel que soit l’état d’esprit du tiers. Ensuite, la qualification
du contrat est indifférente au comportement du mandataire. Elle est le seul résultat de
l’échange des volontés, ce pourquoi les parties se sont engagées. Ainsi que l’a démontré M.
FERRIER, « le consentement des parties s’est formé sur un contrat de commission et non sur
un contrat de mandat »261. Il appartient donc au juge de rechercher quelle était la véritable
intention des parties au moment de la formation du contrat, indépendamment de la
qualification donnée ou de la – mauvaise – exécution de la convention. Enfin, le contrat de
commission n’est pas adaptable ou modifiable : pas plus que le contrat de mandat, il ne définit
pas le modèle du contrat d’intermédiaire. Il est un contrat d’intermédiaire qui présente une
particularité : celle de ne créer aucun lien entre le donneur d’ordre et le tiers cocontractant.

103. A l’inverse, la spécificité du contrat de mandat est de faire naître un rapport direct
entre les parties extrêmes. Autrement dit, la représentation concerne essentiellement le rapport
des parties principales aux tiers, à l’exclusion de celui qui se noue entre les parties elles-

258
Com., 29 juin 2010, ibid..
259
Tel pourrait être le cas, par exemple, lorsque les factures sont établies au nom du seul intermédiaire.
260
En ce sens : O. LITTY, Com., 9 décembre 1997, note précitée.
261
M. FERRIER, Droit de la distribution, LexisNexis, coll. Manuels, 6ème édition, 2012, spéc. n° 265, p. 125.

66
mêmes. Plus précisément, la représentation détermine la mise en œuvre des effets de l’action
accomplie par le mandataire au nom du mandant. Il convient alors de reconnaître l’existence
concomitante de deux liens distincts. Le premier concernerait le lien contractuel qui se forme
entre le mandant et le mandataire ; le second, qui s’appuierait sur le contenu du premier,
déterminerait plus spécifiquement le rapport des parties avec les tiers. Cela signifierait que le
mandat repose, non pas sur une structure moniste, mais sur une structure dualiste.

67
Section 2 – La structure du mandat

104. Problématique. L’évolution historique du mandat montre que les rapports de ce


contrat avec le mécanisme de la représentation ont été parfois difficiles, manifestement
chaotiques et très certainement « accidentels »262. Il n’en reste pas moins que le mandat, tel
qu’il a été défini dans le Code Napoléon, est un contrat essentiellement représentatif263. Mais
cette analyse n’empêche pas, pour autant, de distinguer, au sein du mandat, le support
contractuel de la technique représentative. Autrement dit, l’absorption de l’un par l’autre n’est
sans doute pas absolue : mandat et représentation sont très certainement dissociables,
théoriquement du moins. Pour preuve : la représentation existe en dehors du mandat. L’on
pense, notamment, à la représentation légale des enfants mineurs par leurs parents ou à la
représentation judiciaire de majeurs protégés. La séparation du mandat et de la représentation
aurait pour avantage de mettre clairement en évidence deux liens parfaitement distincts, celui
qui unit le mandant à son mandataire (le lien interne) et celui qui se forme, par l’action du
mandataire, entre le mandant et le tiers (le lien externe). A l’inverse, lorsque mandat et
représentation sont confondus, les effets de l’opération à l’égard des tiers ne sont qu’un effet
du contrat parmi d’autres. Autrement dit, la situation du tiers est uniquement analysée à
travers la relation mandant – mandataire. Les intérêts pratiques que cette proposition offre ne
seront pas négligeables. A notre sens, la reconnaissance de la structure dualiste du mandat
contribuera à renouveler l’approche de certaines règles de droit positif dont le contenu peut
étonner. Il s’agit, par exemple, de l’article 1990 qui permet à un mineur d’être mandataire
alors même que l’incapacité d’exercice qu’il subit devrait l’empêcher de contracter ou des
articles 2005 et 2008 qui font perdurer les effets de la représentation à l’égard de
l’intermédiaire ou des tiers alors que le mandant n’est plus. Mais, pour notre sujet, l’intérêt
d’une telle césure est ailleurs que dans la compréhension de certaines dispositions du Code
civil. L’influence de la théorie séparatiste peut en effet se faire sentir directement sur le
régime juridique du mandat et, en particulier, sur les règles relatives à la responsabilité civile.
D’une part, en reconnaissant l’autonomie du mandat et de la représentation, il est possible de
distinguer nettement le lien contractuel formé entre le mandant et son mandataire (le rapport
interne) du lien formé avec les tiers cocontractants (le rapport externe). De cette manière,
c’est la situation du tiers qui accèdera à une véritable prise en compte. D’autre part,

262
Nous empruntons l’expression à Monsieur DIDIER : PH. DIDIER, De la représentation en droit privé,
thèse précitée, spéc. n° 61 et s., pp. 40 et s..
263
Supra, n° 61 et s..

68
l’hypothèse que nous avons formulée d’une responsabilité par représentation pourra ainsi
être sérieusement examinée : en admettant la dissociation du mandat et de la représentation, il
ne sera plus nécessaire de s’appuyer sur le régime juridique du contrat pour connaître celui de
la représentation. Ainsi, il sera possible d’envisager que le représenté ait à répondre des
conséquences d’un fait juridique commis par le représentant.

105. Deux conceptions européennes du mandat et de la représentation. On observe,


dans les droits européens, deux approches distinctes des liens qui existent entre le mandat et la
représentation ; trois si l’on y ajoute les droits du common law de tradition coutumière. D’un
côté, l’on trouve les droits d’inspiration napoléonienne264 - principalement265 issus du droit
romain - dans lesquels le phénomène de la représentation est traité essentiellement au travers
du mandat. Outre le droit français, on pense au droit belge – qui constitue d’ailleurs une
« adaptation locale » de notre droit266 - au droit autrichien267, aux droits ibériques268, …

106. A rebours de cette tendance existent les droits d’inspiration germanique dans lesquels
le rapport de représentation est traité indépendamment du rapport de mandat. Le chef de file
de ce schéma n’est autre que le droit allemand. A la suite du Reichstag, qui a adopté, en 1896,
le « Bürgerliches Gesetzbuch » (B.G.B.) ou Code civil allemand entré en vigueur le 1er janvier
1900269, de nombreux autres codificateurs – ou « re-codificateurs » - européens ont adopté

264
Promulgué le 21 mars 1804, le code civil des Français, futur Code Napoléon, a inspiré le système juridique de
nombreux pays, en particulier tous les pays et nations soumis ou annexés à l’Empire français : B. SCHMIDLIN,
« Le mouvement des codifications en Europe : la formation du système du Code civil français », in Le Code civil
français dans le droit européen, Actes du colloque sur le bicentenaire du Code civil français organisé à Genève
les 26-28 février 2004, préface de O. GUILLOD et R. ROTH, BRUXELLES, éditions Bruylant, 2005, pp. 45 et s.,
spéc. pp. 45-46. Cette influence se ressent particulièrement sur les codes européens élaborés au cours du XIXe
siècle. B. SCHMIDLIN, Ibid.. Voir également J. BART, « Le code Napoléon, un code à vocation européenne ? »,
Ibid., pp. 65 et s..
265
Principalement, mais non exclusivement. Bien que les origines romaines soient éminemment présentes dans
les codifications du XIXème siècle, elles sont parfois concurrencées par des sources plus locales qui ont imprégné
plus ou moins fortement le droit latin. Ainsi le Code Napoléon compile des textes ou des règles issues du droit
romain et d’autres issus de la Coutume de PARIS. A ce sujet voir J.-L. HALPERIN, « Le regard de l’historien », in
Le Code civil 1804-2004 – Livre du Bicentenaire, Ouvrage collectif sous la direction de J. CARBONNIER, Dalloz,
2004, pp. 43 et s., spéc. pp. 47 et s..
266
Tant que la Belgique était annexée à la France, c’est le code Napoléon qui était en vigueur sur ce territoire.
Mais avec la défaite de WATERLOO et le traité de VIENNE, la Belgique est rattachée aux Pays-Bas dans
lesquels une commission est déjà mise en place pour remplacer le code français. Demeurés francophiles de cœur,
les Belges réclament néanmoins de participer à l’élaboration d’un code qui ne s’éloignerait pas trop du code
français. Une nouvelle commission, composée à majorité de Belges, est donc mise en place et va voter un code
belge qui, dans l’ensemble, s’éloignera très peu du code français.
267
Le code autrichien ou « Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch » (A.B.G.B.) est entré en vigueur le 1 er janvier
1812. F.-S. MEISSEL, « Le Code civil autrichien, contrepartie du Code civil français ? » in Le Code civil français
dans le droit européen, op. cité, pp. 119 et s..
268
Le Code civil portugais, promulgué le 1er juillet 1867, précède de plus de 20 ans le code civil espagnol qui,
adopté en 1889, est l’un des codes européens le plus tardif.
269
Sur le B.G.B., voir not. W. ERNST, « Le B.G.B. en tant que codification », in Le Code civil français dans le
droit européen, op. cité pp. 141 et s..

69
cette présentation. On peut citer à cet égard le Code suisse de 1911270, le Codice civile italien
promulgué en 1942271, le Code hollandais de la deuxième moitié du 20ème siècle272, …

107. Plan. A ce jour, le succès de la césure entre le mandat et la représentation dans les
droits européens est incontestable. A ce propos, des auteurs allemands ont constaté, dans un
ouvrage consacré au droit comparé que, « cette pensée [la dissociation entre mandat et
représentation] a d’abord été accueillie dans le code civil allemand, mais a ensuite conquis le
monde : c’est un fait que, depuis 1900, aucune nouvelle codification civile de portée générale
n’a omis de distinguer, sous une forme ou sous une autre, mandat et pouvoir de
représentation »273. Il se dégage ainsi un sentiment de clivage entre les législations de
tradition essentiellement romaniste qui entretiennent la confusion entre le mandat et la
représentation, et celles, plus modernes, qui distinguent nettement le support contractuel de la
technique juridique (§ 1). Cette perception est sans doute un leurre car une approche dualiste
de la structure du mandat peut très certainement être universellement constatée (§ 2).

270
La codification du droit des obligations suisse est le fruit d’une alternative franco-germanique. Si l’on ressent
essentiellement des inspirations de traditions allemandes, quelques traces du droit français demeurent nettement.
Voir not. B. WINIGER, « Le Code suisse dans l’embarras entre B.G.B. et Code civil français », in Le Code civil
français dans le droit européen, op. cité, pp. 153 et s..
271
Le premier code italien adopté en 1865 est inspiré essentiellement du code Napoléon. Considéré comme trop
archaïque, une réforme est envisagée à la fin de la première guerre mondiale. La commission mise en place en
1923 donnera le nouveau « Codice civile » promulgué en 1942.
272
Le livre VI « Droit des obligations en général » et le livre VII « Contrats spéciaux » du « Bürgerlijk
Wetboek » sont adoptés en 1992. Si le code néerlandais reste de tradition française, de nombreuses inspirations
viennent du côté allemand. C’est l’exemple du mandat : si le législateur néerlandais propose une théorie générale
de la représentation à l’article 60 du livre VI, le mécanisme est repris au sujet du mandat dans le livre VII. Voir,
not., D. DANKERS-HAGENAARS, « Le nouveau code civil néerlandais, un lointain cousin dans la famille du droit
français », in Le Code civil français dans le droit européen, op. cité, pp. 179 et s. ; E. HONDIUS, « Le Code civil
et les Néerlandais », in Le Code civil 1804-2004 – Livre du Bicentenaire, op. cité, p. 613, spéc. pp. 615 et s..
273
K. ZWEIGERT, H. KÖTZ, Einführung in die Rechtsvergleichung auf dem Gebiete des Privatrechts, Tome II,
Institutionen, TÜBINGEN, éd. J.C.B. Mohr, 1984, spéc. p. 117. Dans le texte : « Dieser Gedanke hat zunächst
im deutschen Bürgerlichen Gesetzbuch Aufnahme gefunden, aber von dort einen erstaunlichen Siegeslauf um die
Welt angetreten es ist in der Tat nach 1900 keine umfassende Zivilrechtskodifikation mehr in Kraft getreten, die
nicht in irgendeiner Form Auftrag und Vollmacht voneinander hätte ».

70
§ 1 - L’analyse structurelle du mandat dans les droits européens : un clivage
apparent

108. Plan. Historiquement, le mécanisme de la représentation se confond avec le contrat de


mandat. C’est en effet grâce à ce terreau fertile que cette technique a pu se développer et
trouver ses lettres de noblesse en l’admission d’une théorie parfaite274. Fidèles à cette
conception, les pays qui ont suivi la tradition romaine (dont les codificateurs napoléoniens)
ont été moins enclins à élaborer une théorie générale de la représentation (A). Il s’en dégage
ainsi une idée d’assimilation entre l’un et l’autre que l’on peut parfois regretter. Doctrine et
jurisprudence ont pourtant activement travaillé à la construction de règles relatives au régime
juridique de la représentation. L’on sait, par exemple, que la mise en œuvre de la technique
suppose un pouvoir ou une déclaration de représentation275. Il ne suffit pas que les parties
principales se soient mises d’accord, encore faut-il que le tiers en ait été informé276. Cette
évolution, relativement moderne au regard de l’histoire du mandat et de la représentation, a
été considérée en Europe à des époques plus récentes puisque la plupart des législateurs du
XXème siècle a consacré une théorie de la représentation indépendante du mandat. La
dissociation entre le support contractuel et la technique représentative qui est ainsi proposée
(B) est source d’enseignements pour notre droit, d’autant plus que le régime juridique du
mandat en droit français n’est pas fondamentalement imperméable à toute distinction entre le
contrat et la technique mise en œuvre.

109. Naturellement, les avantages de la théorie séparatiste ne sont pas exclusivement


d’ordre théorique, où la démonstration n’aurait que peu d’intérêt. A notre sens, l’influence de
la dissociation sur les règles de responsabilité civiles dans le mandat est perceptible. D’une
part, les intérêts respectifs des différents acteurs et la place qu’ils occupent dans l’exécution
du mandat seront plus facilement identifiables. Par voie de conséquence, la réparation de la
violation de l’un de ces intérêts pourrait être mesurée à la hauteur de leur importance. D’autre
part – et surtout -, le tiers accèderait enfin à une véritable autonomie : sa situation ne serait
plus appréciée uniquement au travers de la relation mandant – mandataire. Par voie de
conséquence, l’éventualité d’une responsabilité du fait d’autrui serait peut-être plus facilement
réalisable.

274
Supra, n° 4.
275
Supra, n° 52 et s..
276
Dans l’hypothèse où, évidemment, seule la représentation parfaite constitue une véritable représentation, ce
que nous croyons. Ibid..

71
A- La confusion du mandat et de la représentation

110. Mandat et représentation : un lien récurrent. Dès le Moyen Age, la représentation


se confond avec le mandat277. La raison en est relativement simple : à cette époque l’utilité du
mandat est de favoriser le développement des relations juridico-commerciales avec des tiers
au contrat. Or, c’est précisément grâce à ce procédé technique que des liens extérieurs
peuvent naître. La finalité du mandat étant identique à la fonction assignée à la représentation,
il fut très rapidement admis que la seconde ne pouvait être recherchée ailleurs que dans le
premier278. POTHIER, par exemple, ne fait pas référence à la représentation ailleurs que dans le
mandat279. De là à assimiler l’un à l’autre, il n’y a qu’un pas qui fut vite franchi. AUBRY et
RAU, notamment, définissent le contrat de mandat et le mécanisme de la représentation en des
termes identiques280.

111. L’assimilation entre l’acte juridique et la technique est d’ailleurs entretenue par la
jurisprudence. En témoigne un arrêt rendu le 13 novembre 1934 par la Chambre des requêtes
de la Cour de cassation281. Un marché est conclu entre un intermédiaire et un vendeur de bois
pour la fourniture de 44 grumes. Ce dernier n’ayant pas été payé, il assigne, en paiement du
prix convenu, non seulement son interlocuteur, mais également celui pour le compte duquel
l’affaire avait été faite. La juridiction commerciale saisie retient la responsabilité du seul
maître de l’affaire au motif que l’intermédiaire avait la qualité de mandataire. La décision est
contestée par le supposé mandant pour qui la qualité de mandataire était incompatible avec le
mode de rémunération choisi et avec les obligations auxquelles était tenu l’agent. L’argument
est rejeté par la Chambre des requêtes qui approuve les juges du fond d’avoir déduit de
l’exercice de l’action effectué « au nom de » l’existence d’un mandat. Autrement dit, pour la
Cour de cassation, la présence de la représentation emporte de facto la qualification de contrat
de mandat.

277
En ce sens voir par ex. P. OURLIAC, J. DE MALAFOSSE, Histoire du droit privé - Les Obligations, Tome 1,
P.U.F., coll. Thémis droit privé, 2ème édition, 1969, spéc. n° 283, p. 310.
278
Voir par exemple Claude GIVERDON qui constate avec prudence que « mandat et représentation sont donc
deux institutions que confond le Code civil » et « qu’à chaque fois que l’on se retrouve en présence d’un cas de
représentation on ait eu tendance à tout ramener au mandat ». CL. GIVERDON, L’évolution du contrat de
mandat, thèse précitée, spéc. n° 87, p. 66.
279
POTHIER, Œuvre de POTHIER – Traité des contrats de bienfaisance, selon les règles tant du for de la
conscience que du for extérieur, op. cité, spéc. n° 88, p. 64.
280
C. AUBRY et C. RAU, Droit civil Français, Tome 6, Petits contrats et responsabilité, par P. ESMEIN,
Librairies techniques, 6ème édition, 1951, § 410, p. 197.
281
Req., 13 novembre 1934 : S., 1935, 1, 60.

72
112. Représentation et article 1998 du Code civil. C’est sans doute au travers de l’article
1998 du Code civil, qui dispose que « le mandant est tenu d'exécuter les engagements
contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné », que la parenté
entre l’acte juridique et la technique mise en œuvre est la plus symptomatique. En effet, ce
texte caractérise à la fois la finalité du mandat (l’engagement du mandant à l’égard du
cocontractant) et le rôle de la représentation (l’établissement d’un lien juridique entre le
représenté et les tiers). Certains auteurs considèrent d’ailleurs que ce texte vise directement le
mécanisme de la représentation. Monsieur BENABENT, écrit ainsi que « l’article 1998 explicite
la conséquence principale de cette représentation : le mandant est tenu d’exécuter les
engagements contractés par le mandataire »282 ; Messieurs MALAURIE, AYNES et GAUTHIER,
également, identifient l’article 1998 du Code civil au mécanisme de la représentation283. Et
pourtant, ce texte peut faire l’objet de plusieurs explications : celle d’un renvoi à la
représentation, celle de la définition de l’une des obligations du mandant envers le
mandataire.

113. La confusion entre la représentation et le mandat a été dénoncée dès la fin de la


première moitié du XXème siècle. Claude GIVERDON, par exemple regarde avec méfiance les
figures juridiques qualifiées de mandat légal ou judiciaire284. Selon l’auteur, la prépondérance
du rôle du représenté s’accommode mal, dans ces contextes, avec l’incapacité du mandant285.
Aussi, à partir d’une présentation convaincue et solidement étayée de la solution séparatiste
du droit allemand286, il affirme qu’en droit français également « mandat et représentation
peuvent être légitimement considérés comme n’allant plus nécessairement de pair »287. De
même, dans une réédition de l’ouvrage d’AUBRY et RAU parue en 1975, Messieurs PONSARD
et DEJEAN DE LA BATIE écrivent que « cette définition donnée par AUBRY et RAU et par la
plupart des auteurs (…) n’est pas parfaitement exacte. Elle traduit l’idée d’une coïncidence,
et même d’une confusion du mandat avec la représentation, qu’a favorisée le fait que le Code
civil ne contient pas de dispositions générales sur la représentation »288. Chez les juristes
français, cette analyse a été reprise et approfondie très récemment. Dans leurs thèses,

282
A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 953, p. 459.
283
PH. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux, op. cité, spéc. n° 570, p. 317.
284
CL. GIVERDON, thèse précitée, spéc. n° 87, p. 66.
285
Ibid., spéc. n° 88, pp. 66-67.
286
Ibid., spéc. n° 89, pp. 67-68.
287
Ibid., spéc. n° 90, p. 68.
288
C. AUBRY et C. RAU, Droit civil Français, Tome 6, Petits contrats et responsabilité, op. cité, § 410, spéc. p.
198.

73
Messieurs CHEN289 et QUIEVY290 entreprennent de distinguer de façon systématique le contrat
de mandat d’une part et le mécanisme de la représentation d’autre part.

114. Le premier prend pour point de départ l'idée selon laquelle il peut y avoir
représentation sans mandat - et inversement - ce qui exclut, selon l'auteur, qu'il y ait
coïncidence entre l’une et l’autre291. A partir d'une analyse des conditions et des effets de la
représentation, il établit ensuite toutes les divergences qui existent entre le régime juridique de
la représentation et le régime juridique du mandat (notamment quant à la source ou, en
particulier, quant à la nature volontaire du mécanisme). Si nous adhérons pleinement à la
conclusion de Monsieur CHEN, le raisonnement suivi ne nous convainc guère, pour la simple
et bonne raison qu’il part, en partie, du postulat de l’existence d’un mandat sans
représentation, ce que nous excluons. Sur ce point, la démarche du second, Monsieur QUIEVY,
diffère quelque peu. À partir du constat de l'incohérence de certaines dispositions du Code
civil - et en particulier de celle qui admet qu'un mineur peut être mandataire (article 1997 du
Code civil)292 - il montre que l'ensemble de ces textes ne peut être compris qu'à condition de
dissocier intellectuellement le mandat et la représentation. Pour autant, l’auteur exclut
l’hypothèse d’un mandat sans représentation car, « pour que le contrat de gestion des affaires
d'autrui puisse devenir un mandat, il faut que s’y greffe un second acte juridique par lequel le
donneur d'ordre donne pouvoir au gérant contractuel de le représenter »293. Malgré quelques
différences de points de vue, tous deux considèrent que le mandat se définit par un contrat de
gestion pour autrui294 auquel se rajoute, épisodiquement pour l’un, systématiquement pour
l’autre295, un acte juridique unilatéral d’habilitation296. En cela, les solutions adoptées par
Messieurs CHEN et QUIEVY font expressément référence aux solutions adoptées par certains
de nos voisins européens.

289
CH.-W. CHEN, Apparence et représentation en droit positif français, préface de J. GHESTIN, L.G.D.J., coll.
Bibliothèque de droit privé, Tome 340, 2000, spéc. n° 42 et s., pp. 28 et s..
290
J.-F. QUIEVY, L’anthropologie juridique de la personne morale, préface de D. R. MARTIN, L.G.D.J., coll.
Bibliothèque de droit privé, Tome 510, 2008, spéc. n° 118, pp. 206 et s..
291
CH.-W. CHEN, thèse précitée, spéc. n° 43, pp. 28 – 29.
292
J.-F. QUIEVY, L’anthropologie juridique de la personne morale, op., cité, spéc. n° 118, pp. 206 – 207.
293
J.-F. QUIEVY, ibid., spéc. n° 120, p. 208.
294
CH.-W. CHEN, op., cité, spéc. n° 78 et s., pp. 47 - 48 ; J.-F. QUIEVY, op., cité, spéc. n° 119, pp. 207 – 208.
295
CH.-W. CHEN, op., cité, spéc. n° 43, pp. 28 – 29.
296
J.-F. QUIEVY, op., cité, spéc. n° 120, p. 208.

74
B- Les exemples avérés de dissociation du mandat et de la représentation

115. La solution germaniste. A la différence du droit civil et de la plupart des


codificateurs de ce début du XIXème siècle, certaines législations européennes ont entrepris
d’intégrer une théorie de la représentation dans le droit commun des contrats. Ce fut plus
particulièrement le cas du législateur allemand qui, le premier franchit le pas. L’élaboration
d’une théorie autonome de la représentation est née d’un constat amer : l’absence de
« compréhension globale de la notion de représentation »297. Dans un article paru en 1866298,
le théoricien et publiciste LABAND299, avec le concours de JHERING300, dégagea la distinction
entre un pouvoir abstrait de représentation et un contrat de base conclu entre l’agent et
l’intermédiaire. Alors que le second, envisagé en droit allemand comme le lien interne, a
uniquement pour objet de régir les relations entre le donneur d’ordre et l’intermédiaire, le
premier, appelé lien externe, a vocation à réglementer les rapports entre les parties au contrat
de base et les tiers. Le contrat de base, ou contrat d’exécution, est un contrat de gestion qui
peut prendre la forme d’un mandat, d’un louage, d’un contrat de service ou d’ouvrage, … et
être conclu indifféremment à titre gratuit ou onéreux.

116. Cette théorie du pouvoir abstrait, qui fut à l’origine de la séparation entre le lien
interne et le lien externe, remporta un succès immédiat outre-Rhin. Le législateur allemand la
traduisit dès 1896301 en termes pratiques pour l’insérer dans le B.G.B. Ainsi, l’on retrouve
dans la partie générale du Code allemand, une théorie autonome de la représentation –
Stellvertretung302 - alors que le mandat – die Auftrag - demeure parmi les rapports spéciaux
d’obligation303. Il en résulte une dissociation originale dans laquelle deux actes juridiques -
l’un bilatéral et l’autre unilatéral304 - sont requis pour que le contrat en cause ressemble à celui

297
A. RIEG, Art. Représentation in Encyclop., Dalloz, Droit civil, Vol. VI, 1975, I.
298
P. LABAND, « Die Stellvertretung beidem Abschluss von Rechtsgeschäft nach dem allgemeinen
Handelsgesetzbuch », Z.H.R., 10. 183, spéc. 203 et s..
299
Paul LABAND était un juriste allemand et professeur de droit de la 2 ème moitié du XIXème et début du XXème
siècle. Il est un publiciste reconnu, spécialiste de droit constitutionnel et de droit administratif
300
Rudolf VON JHERING était un juriste allemand du XIXème siècle.
301
Année de la codification allemande. Supra, n° 106.
302
§ 164 à 181 du Titre V du BGB. Le législateur allemand distingue la représentation volontaire fondée sur un
pouvoir qui suppose une procuration : Vollmacht conféré par un acte unilatéral (Bevollmächtigung) de la
représentation volontaire sans pouvoir. M. PEDAMON, Code civil allemand, op. cité, v° §164 et s.
303
§ 662 à 674 du Titre XII du B.G.B., Code civil Allemand, op. cité, pp. 248 et s.. Le législateur l’envisage
comme la gestion gratuite d’une affaire. Il semble donc que la conception romaine l’emporte (bien que la
pratique constate l’existence de mandat conclus à titre onéreux). M. PEDAMON, ibid..
304
Sur la nature de l’acte abstrait qui confère le pouvoir voir not. M. F ROMONT, A. RIEG, Introduction au droit
allemand, Tome III, éd. Cujas, coll. de l’Institut de droit comparé de DIJON et STRASBOURG : les systèmes de
droit contemporains, pp. 60 et s. ; M. PEDAMON, Le contrat en droit allemand, L.G.D.J., Coll. Droit des affaires,
2ème édition, 2004, spéc. n° 98 et s., pp. 74 et s. ; M. FROMONT, Droit allemand des affaires - Droit des biens et

75
de l’article 1984 du Code civil français. Concrètement, pour que le mandat allemand puisse
être assimilé au mandat français, il doit être constaté, selon les termes du § 662 du B.G.B305,
qu’une personne a, non seulement, confié la gestion d’une affaire à une autre qui l’a accepté
(rapport spécial et bilatéral) mais aussi – et surtout – que le premier a attribué au second le
pouvoir de représentation définit au § 164 du même Code306 (acte unilatéral). Un lien externe
et un lien interne qui ne s’excluent ni ne s’incluent, mais qui, combinés l’un à l’autre,
transforment le contrat de base en un contrat de mandat représentatif auquel s’appliquera un
régime particulier. Ainsi, la représentation n’est pas envisagée comme un effet juridique mais
comme la cause du contrat de mandat.

117. L’influence germaniste sur les droits européens et sur le droit européen.
L’attractivité de cette solution a aujourd’hui très largement dépassé les frontières allemandes.
Cette approche est même largement prédominante dans le droit européen 307. D’une part,
d’autres législateurs l’empruntèrent et la codifièrent à leur tour. A cet égard il convient de
mentionner l’exemplarité et l’exhaustivité du Codice civile dont le rédacteur « n’a jamais
perdu de vue les solutions dictées par le B.G.B. »308. D’autre part, les divers projets de
codification européens de droit des contrats proposent tous une réglementation autonome de
la représentation quand le mandat demeure encore parmi les contrats spéciaux309. Autrement
dit, les européanistes considèrent la représentation sous l’angle d’un mécanisme général alors
que le mandat demeure à l’état de rapport spécial d’obligation. Cette distinction tient à
l’opposition fondamentale entre un rapport externe et un rapport interne : le premier est traité
exclusivement dans le cadre de la représentation, le second principalement à l’égard du
mandat.

des obligations - Droit commercial et du travail, Montchrestien, coll. Domat droit privé, 2001, spéc. n° 140, pp.
82 – 83.
305
Dans le texte : « Durch die Annahme eines Auftrags verpflichtet sich der Beauftragte, ein ihm von dem
Auftraggeber übertragenes Geschäft für diesen unentgeltlich zu besorgen ». « En acceptant un mandat, le
mandataire assume l’obligation de s’occuper gratuitement pour le compte du mandant de l’affaire confiée par
celui-ci ». M. PÉDAMON, Code civil allemand, op. cité, v° §164, p. 248.
306
Dans le texte : « Eine Willenserklärung, die jemand innerhalb der ihm zustehenden Vertretungsmacht im
Namen des Vertretenen abgibt, wirkt unmittelbar für und gegen den Vertretenen ». « Toute déclaration de
volonté, qu’émet une personne au nom du représenté dans les limites du pouvoir de représentation qui lui
appartient, produit directement ses effets au profit ou à l’encontre du représenté. (…). ». Ibid., v° §164, p. 58.
307
Supra, n° 105 et s..
308
Code européen des contrats - avant-projet, par l’Académie des privatistes européens, sous la direction de G.
GANDOLFI, Livre Premier, MILANO, édition Giuffrè, 2004, spéc. n° 2, p. 143.
309
Supra, n° 105 et s..

76
118. Ainsi, les principes Unidroit310, dans leur version la plus récente, envisagent la
représentation à l’intérieur d’un Chapitre relatif à la formation du contrat comme « le pouvoir
d’une personne (le représentant) de produire des effets dans la situation juridique d’une autre
personne (le représenté) relativement à la conclusion ou à l’exécution311 d’un contrat avec un
tiers »312. Il est précisé, ensuite, que le pouvoir de représentation « ne régit à la fois que les
rapports entre, d’une part le représenté ou le représentant et, d’autre part, le tiers »313. Dans
des termes similaires, les principes européens du droit des contrats dégagés par la
Commission LANDO314 posent les bases du rapport avec les tiers. Dans ce texte, la
représentation est définie dans un Chapitre 3 (entre le chapitre relatif à la formation du contrat
et celui dédié à la validité de la convention) qui lui est exclusivement consacré comme « le
pouvoir d’un représentant ou d’un autre intermédiaire d’obliger le représenté en vertu d’un
contrat avec un tiers »315. Ces deux projets ont en commun de reconnaître à la fois la
représentation directe et la représentation indirecte puisque la révélation de l’identité n’est pas
une condition de la mise en œuvre des effets de la représentation316. Dans une veine un peu
différente, le projet GANDOLFI317, relatif à l’élaboration d’un Code européen des contrats,
entrevoit la représentation sous l’angle de ses effets juridiques. Dans le 3ème Titre (« Des effets
du contrat ») du premier Livre relatif aux « contrats en général », la représentation est ainsi
vue comme la technique juridique par laquelle les effets « de l’acte conclu par un sujet
autorisé par l’intéressé à agir au nom de celui-ci et pour son compte » se produisent
« directement vis-à-vis du représenté lui-même (…) si le tiers qui a conclu le contrat a eu
connaissance du rapport de représentation »318. Manifestement, les rédacteurs ont eu

310
Les principes d’unidroit relatifs aux contrats du commerce international, par l’Institut international pour
l’unification du droit privé, 2010, document en ligne, v° Art. 2.2.1 et s..
311
De manière originale, ce projet propose d’étendre la représentation à l’exécution d’une obligation, c’est-à-dire
à une période au cours de laquelle le représenté est déjà engagé à l’égard des tiers. A notre sens, une telle
extension méconnaît le sens de la représentation qui vise au contraire à établir un lien direct entre les parties
extrêmes.
312
Ouvrage précité, article 2.2.1 1°.
313
Ouvrage précité, article 2.2.1 2°.
314
Projet de cadre commun de référence – Principes contractuels communs, sous la direction de B.
FAUVARQUE-COSSON et D. MAZEAUD, G. WICKER et J.-B. RACINE, Association Henri CAPITANT des amis de la
culture juridique française, Avant-propos de B. FAUVARQUE-COSSON, et D. MAZEAUD, Introduction de G.
WICKER et J.-B. RACINE, Société de Législation comparée, coll. Droit privé comparé et européen, Vol. 7, 2008,
spéc. pp. 285 et s. pour les motifs, et pp. 796 et s. pour les textes proposés.
315
Ibid..
316
Article 3. 102 1° in fine des principes dégagés par la Commission Lando : « Il importe peu que l’identité du
représenté soit révélée lorsque le représentant agit ou qu’elle doive être révélée ultérieurement » : Article 2.2.1
1° in fine « Le représenté agit en son propre nom ou au nom du représenté ».
317
Code européen des contrats - avant-projet, op. cité, spéc. n° 2, p. 143.
318
Ibid., art. 60 du projet, spéc. n° 2, p. 23.

77
l’intention d’exclure l’hypothèse d’une représentation indirecte, ce qui nous semble être le
plus correct319. C’est probablement la voie choisie par les membres de la Commission dirigée
par le professeur CATALA qui ont précisé, à l’article 1119-1 de l’avant-projet de réforme du
droit des obligations, que « le représenté est seul engagé par les actes accomplis par le
représentant dans la limite de ses pouvoirs »320. Autrement dit, un lien direct s’établit
nécessairement entre les parties extrêmes, ce qui exclut le principe d’une représentation
indirecte.

119. La conception de la représentation dans les droits du Common Law. Sur ce point,
des solutions analogues apparaissent dans le cadre de la théorie de l’agence que connaissent
les droits du Common Law321. Proche du mécanisme de la représentation, l’agency se définit
comme la situation dans laquelle un individu donne pouvoir (autorithy) à un autre d’agir
activement et, notamment, de conclure des contrats en son nom322. Elle s’en distingue
néanmoins nettement en ce qu’elle recouvre un champ d’application beaucoup plus large :
alors que l’objet de l’agency s’étend à la réalisation d’actes matériels, l’objet de la
représentation ne peut être conçu autrement que comme la formation d’actes juridiques. Sur la
forme, l’agency ne signifie pas systématiquement qu’un contrat lie le principal à l’agent. Cette
règle se justifie avant tout par la conception originale du contrat en Common Law qui exige,
pour sa formation, outre la rencontre d’une offre et d’une acception, la preuve d’une
« consideration »323, c’est-à-dire « le fait, ou l’engagement de l’autre, de donner, de faire ou
de ne pas faire quelque chose en contrepartie »324. Or, l’examen du contenu de l’agency
montre que celle-ci peut être gratuite, autrement dit que l’agent agit sans considération. Mais
la nature ambivalente de l’agency s’explique également par le fait que l’agent peut être
mineur et, par conséquent, juridiquement incapable à prendre part à un rapport contractuel.
Dans cette dernière hypothèse, l’agency résulte d’une manifestation unilatérale de volonté325.

319
Supra, n° 52 et s..
320
Nous soulignons. Ce n’est pas le chemin suivi, en revanche, par les rédacteurs du projet de réforme initié par
la Chancellerie, ces derniers ayant expressément choisi de consacrer la distinction entre la représentation parfaite
et la représentation imparfaite. Projet de réforme du droit des contrats, op. cité, spéc., art. 37.
321
Pour des références générales sur l’Agency voir not. R. DAVID, D. PUGSLEY, Les contrats en droit anglais,
avec la collaboration de F. GRIVART DE KERSTRAT, L.G.D.J., 2ème édition, 1985, spéc. n° 312 et s., pp. 219 et s. ;
O. MORETEAU, Droit anglais des affaires, Dalloz, coll. Précis, 1ère édition, 2000, n° 169 et s., pp. 105 et s. ; M.
FABRE-MAGNAN, Droit des obligations – Contrat et engagement unilatéral, P.U.F., coll. Thémis, 2ème édition,
2010, spéc. p. 102 ainsi que les nombreuses références de l’auteur ; B. CORIAT et O. WEINSTEIN, Les nouvelles
théories de l'entreprise, PARIS, Librairie générale française, coll. Références, 1995, spéc. pp. 93 et s..
322
O. MORETEAU, ouvrage précité, n° 169, p. 105.
323
R. DAVID, D. PUGSLEY, ouvrage précité, spéc. n° 16, p. 19.
324
Ibid., spéc. n° 127, p. 95.
325
En ce sens, O. MORETEAU, ouvrage précité, n° 177, p. 108.

78
Cette figure anglo-saxonne ne se confond donc pas nécessairement avec notre mandat qui, en
revanche, est nécessairement de nature contractuelle326.

120. Il ressort de ces développements que l’agency anglo-saxonne se distingue clairement


du support juridique sur lequel elle se greffe. Autrement dit, le pouvoir de représentation est
envisagé comme un mécanisme juridiquement autonome. Il en résulte que l’on retrouve, dans
les droits du Common Law, cette distinction fondamentale entre les relations internes et les
relations externes. Ainsi, lorsque l’agent est un incapable, par exemple, les obligations
auxquelles est normalement tenu tout intermédiaire sont limitées327. En revanche, à l’égard
des tiers, ce qui importe véritablement, c’est qu’il ait été informé de l’identité du principal au
moment de la formation du contrat. Cette exigence explique que l’agency exercera parfois des
effets alors même que le principal n’avait pas délivré de pouvoir328 et, à l’inverse, que la mise
en œuvre de la théorie de l’agence soit impossible parce que l’agent avait omis de révéler
l’identité du principal au tiers329.

§ 2 - L’analyse structurelle du mandat en droit français

121. Plan. La démonstration de la structure dualiste du mandat (A) permettra de mettre en


exergue l’omniprésence de l’intérêt du mandant à l’exécution du mandat. Dès lors, une
réflexion portant sur la nature juridique du mandat sera menée (B).

122. L’un et l’autre de ces éléments donneront de la matière à l’analyse de la responsabilité


civile dans le mandat. D’un côté, l’omniprésence de l’intérêt du mandant à l’exécution du
mandat soutiendra l’hypothèse d’une responsabilité du fait d’autrui dans le mandat. De
l’autre, l’identification de la nature juridique du contrat de mandat ouvrira la porte sur le
contenu des obligations contractuelles des parties au contrat. Indirectement, c’est donc la
question de la responsabilité qui est posée, dans l’éventualité où ces obligations seraient mal
exécutées ou inexécutées.

326
Supra, n° 7.
327
R. DAVID, D. PUGSLEY, ouvrage précité, spéc. n° 314, p. 222.
328
Ibid., spéc. n° 345, p. 248.
329
Ibid., spéc. n° 343, p. 247.

79
A- La réalisation de la dissociation en droit français

123. Problématique. L’idée d’une dissociation entre le mandat et la représentation n’est


pas totalement neuve chez les juristes français. Il y a plus d’un siècle, PLANIOL l’avait
exprimée en des termes similaires lorsqu’il affirmait que « ce que nous appelons mandat est
une convention double : il y a à la fois concession du pouvoir de représentation conféré au
mandataire par le mandant, et promesse d’un service à rendre »330. L’évolution historique du
mandat plaide d’ailleurs largement en ce sens : ce n’est que tardivement que la représentation
a été identifiée comme l’élément essentiel du contrat de mandat331, ce qui pourrait signifier
que l’un et l’autre sont, au moins théoriquement, divisibles.

124. Indirectement, les débats relatifs à l’existence d’un mandat non


représentatif soutiennent cette thèse : s’il est possible d’imaginer l’un sans l’autre, c’est que
l’un et l’autre ne sont finalement pas si inséparables qu’il y paraît. Pour autant, si l'un et
l'autre peuvent être séparés, ils devront être conjointement réunis pour que la qualification de
mandat ne soit pas discutable. L’on peut ajouter à cela que la représentation existe en dehors
du mandat (dans le cadre de la représentation des entreprises en difficultés, ou des incapables
majeurs ou mineurs, par exemple) et la confusion fréquemment constatée entre le contrat et la
technique juridique apparaît alors sérieusement obérée.

125. Plan. Ceci étant dit, la reconnaissance de la structure dualiste du contrat de mandat
semble s’imposer (2) tant les incohérences relevées à l’encontre de la thèse moniste sont
nombreuses (1).

1- Les limites de la confusion du mandat et de la représentation

126. Exposé du problème. Cette dissociation se recommande avant tout de la structure


même du Code civil. En effet, l’organisation du titre relatif au mandat semble s’organiser
autour de ces deux éléments. Si les chapitres I332 et IV333 paraissent orientés vers le pouvoir de

330
M. PLANIOL, « La transformation du mandat depuis le droit romain », Revue critique de législation et de
jurisprudence, 1893, pp. 197 et s..
331
Supra, n° 56 et s..
332
« De la nature et de la forme du mandat. »
333
« Des différentes manières dont le mandat finit. »

80
représentation, les chapitres II334 et III335 sont au contraire rigoureusement centrés sur le
rapport interne. Plus précisément, un certain nombre de dispositions légales relatives au
régime juridique du contrat de mandat conforte largement cette thèse.

127. L’article 1990 du Code civil. Parmi les incohérences relevées dans le corps du régime
juridique du mandat, il faut d’abord évoquer l’article 1990 du Code civil qui dispose qu’« un
mineur non émancipé peut être choisi pour mandataire (…) ». Lors de précédents
développements, nous avions déjà relevé les contradictions que cette disposition
comportait336. Selon l’angle sous lequel on l’envisage, ce texte peut dérouter. Si
l’incapacité337 du mandataire se comprend aisément lorsque l’on s’attache au seul contrat
conclu pour le mandant ; elle est en revanche beaucoup plus surprenante concernant la
conclusion du contrat de mandat lui-même338. Or, si le lien entre le mandat et le pouvoir de
représentation était aussi indéfectible qu’il y paraît, la nullité relative du contrat devrait
contaminer le pouvoir de représentation, et, par voie de conséquence, tous les actes juridiques
conclus par un mandataire incapable.

128. La seule explication valable se situerait alors dans une analyse dualiste du mandat,
c’est-à-dire dans la combinaison d’un lien interne qui se limiterait au rapport mandant -
mandataire (le mandat) et d’un lien externe qui ferait apparaître le rapport direct qui existe
entre le mandant et les tiers (la représentation). Seul le premier trouverait véritablement sa
source dans un accord de volontés. Selon Monsieur QUIEVY, celui-ci s'analyserait même
comme un contrat à part entière qu’il se propose de nommer contrat de gestion des affaires
d'autrui339. Par cette formule, l'auteur exprime l’idée selon laquelle une personne confie à une
autre l’exécution d’une opération dont « les effets à venir de l'opération accomplie par le
gérant contractuel sont destinés à bénéficier en définitive au donneur d'ordre, immédiatement
ou ultérieurement. (…) ». Il montre ainsi que l’intérêt du donneur d’ordre est au cœur du
mandat et qu’il s’agit là du point commun à toute intermédiation. En effet, « on peut ainsi
qualifier les contrats de commission et de prête-nom de contrat de gestion des affaires
d'autrui aux côtés du mandat, car le commissionnaire et le prête-nom souscrivent un contrat,
l’un dans l’intérêt du commettant, l'autre dans celui du "donneur d’ordre", demeuré en

334
« Des obligations du mandataire. » Sous-entendu, envers le mandant.
335
« Des obligations du mandant. » Sous-entendu, envers le mandataire.
336
Supra, n° 70 et s..
337
Bien que l’article 1990 vise le seul mineur émancipé, la jurisprudence a étendu cette règle à toute sorte
d’incapacité. Ibid..
338
Ibid..
339
J.-F. QUIEVY, L’anthropologie juridique de la personne morale, op. cité, 2008, n° 119, p. 207.

81
retrait »340. Or, selon le premier alinéa de l'article 389-3 du Code civil, la loi peut autoriser un
mineur à agir lui-même. Dans ce cas de figure, l'acte litigieux demeure néanmoins sujet à
rescision ou à une action en nullité. Mais alors, celle-ci n'est plus automatique et il incombe
au mineur d'en démontrer le préjudice. C'est d'ailleurs le sens de l'article 1990 in fine du Code
civil qui précise que « le mandant n'aura d’action contre lui que d'après les règles générales
relatives aux obligations des mineurs ». Parallèlement, le lien externe se fonderait sur un acte
unilatéral, c'est-à-dire sur un acte pour lequel une seule volonté est requise, celle de son auteur
(dans le cas présent, celle du mandant)341. Par conséquent, la fragilité du mandat ne pourrait
en aucune manière fragiliser le pouvoir de représentation : dans l’éventualité d’une action
contre le premier, celle-ci ne devrait pas être de nature à remettre en cause la validité du
second.

129. C’est la solution mise en œuvre par l’ensemble des législations (en vigueur ou à l’état
de simple projet) qui entreprennent de distinguer le support juridique de la gestion pour autrui
du mécanisme de la représentation : en toute hypothèse, l’autonomie du mécanisme juridique
permet d’expliquer aisément pourquoi un incapable peut être représentant. En droit allemand,
par exemple, la délivrance du pouvoir étant l’objet d’un acte unilatéral du représenté, la
capacité de l’intermédiaire n’est plus requise342. De fait, les risques de contamination du
pouvoir de représentation par la nullité relative du contrat de mandat sont écartés. Dans les
projets européens d’harmonisation du droit des contrats, également, on évoque un pouvoir
attribué343 ou conféré344 par le représenté au représentant. Dans les droits du Common Law,
enfin, la nature contractuelle de l’agency n’est pas systématique, elle peut au contraire résulter
d’une simple manifestation unilatérale de volonté345.

130. Les articles 2005 et 2009. En second lieu, l’on songe aux articles 2005 et 2009 du
Code civil qui disposent, pour le premier, que « la révocation notifiée au seul mandataire ne
peut être opposée aux tiers qui ont traité dans l'ignorance de cette révocation, (…) », et, pour
le second, que « les engagements du mandataire sont exécutés à l'égard des tiers qui sont de

340
CH.-W. CHEN, Apparence et représentation en droit positif français, op., cité, spéc. n° 43, pp. 28 - 29 ; J.-F.
QUIEVY, thèse précitée, spéc. n° 1119, pp. 207 – 208.
341
En ce sens, J.-F. QUIEVY, thèse précitée, n° 120, p. 208. Voir également CH.-W. CHEN, Apparence et
représentation en droit positif français, op., cité, spéc. n° 55 et s., pp. 35 et s..
342
§165 du B.G.B., M. PEDAMON, Code civil Allemand, op. cité, p. 58 : « la validité d’une déclaration de
volonté émise par ou envers un représentant n’est pas compromise par le fait que celui-ci ne jouit que d’une
capacité limitée dans l’exercice de ses droits ».
343
Les principes d’unidroit relatifs aux contrats du commerce international, op. cité, art. 2.2.2 1° ; Projet de
cadre commun de référence, op. cité, spéc. art. 3.201 1°.
344
Code européen des contrats - avant-projet, op. cité, art. 62 1°, p. 23.
345
Supra, n° 119.

82
bonne foi » alors même que le mandat est révoqué. Afin d’assurer la sécurité juridique, le
législateur protège le tiers qui, de bonne foi, a cru à la persistance de la procuration. Ce souci
de protection est par ailleurs d’autant plus efficace qu’il appartient au mandant de démontrer
la mauvaise foi du tiers, et non au tiers de prouver qu’il ignorait réellement la révocation du
mandataire. Ainsi, l'arrêt qui décide qu'un mandant n'est pas lié par la transaction conclue par
son mandataire après révocation du mandat « parce qu'il appartenait au tiers contractant de
s'assurer que le mandataire tenait bien du mandant le pouvoir de transiger », doit-il être
cassé pour violation de l’article 2005346. En d’autres termes, le lien interne n’est plus – il a été
révoqué par le mandant – mais le lien externe persiste – le mécanisme de la représentation
joue à l’égard de certains tiers. A cet égard la formulation choisie par les membres de la
Commission LANDO est parfaitement explicite lorsqu’il est dit que « le pouvoir d’un
représentant subsiste jusqu’à ce que le tiers sache ou doive savoir que (…) »347.

131. L’article 2008. Enfin, en troisième et dernier lieu, la lettre de l’article 2008 conforte
l’analyse dualiste du contrat. Selon ce texte, lorsque « le mandataire ignore la mort du
mandant ou l'une des autres causes qui font cesser le mandat, ce qu'il a fait dans cette
ignorance est valide ». Afin de protéger le mandataire qui ignorait légitimement la mort du
mandant, le législateur fait perdurer les effets de la représentation à son égard. De la même
manière, le mandat (lien interne) a disparu, mais le pouvoir de représentation (lien externe)
persiste : il n’est pas de facto anéanti et les actes conclus par le mandataire postérieurement à
l’une des cause de cessation du mandat demeurent à la charge du mandant 348. Néanmoins,
cette protection est moindre que celle dont bénéficie le tiers cocontractant puisque, à l’inverse
de l’article 2005, c’est à l’intermédiaire qu’il incombe de rapporter la preuve de son
ignorance. A cet égard, un arrêt de la chambre sociale en date du 22 juin 1978 est
particulièrement éclairant. Dans cette affaire, une Caisse de retraite avait versé des allocations
retraite à une banque mandataire. A la suite du décès du mandant, le tiers réclame à la banque
les sommes qu’elle avait virées postérieurement à cet évènement. La demande, rejetée par les
juges du fond, est accueillie par la Cour de cassation au motif « qu’il lui appartient [au

346
Civ. 3, 10 janvier 1984 - Bull. civ., 1984, III, n° 7 : JCP G., 1984, IV, 87. Voir également Req., 23 mai 1870 :
D.P., 1872, 5, p. 310.
347
Projet de cadre commun de référence, op. cité, spéc. art. 3.209 1°.
348
Dans le même sens, J.-F. QUIEVY, thèse précitée, n° 120, p. 210.

83
mandataire] d’apporter la preuve de l’ignorance qui lui permet de bénéficier d’une exception
à la règle de l’article 2003 » à laquelle déroge l’article 2008 du Code civil349.

132. Au terme de ces développements, il apparaît clairement que, dans la lettre de la loi, la
cohérence de l’analyse moniste qui conduit à assimiler mandat et représentation se heurte à
certaines limites. C’est la raison pour laquelle nous allons désormais rechercher si, en droit
français également, la thèse de la structure dualiste selon laquelle le contrat de l’article 1984
du Code civil et le mécanisme de la représentation sont dissociables pourrait être consacrée.

2- La structure dualiste du mandat en droit français

133. Plan. L’analyse de la conception moniste du contrat de mandat révèle les limites de la
confusion entre le mandat et la représentation auxquelles ne se heurte pas la théorie dualiste
connue de certains de nos voisins. Bien que le législateur français ne l’ait pas expressément
consacrée, il semble, au regard de l’observation du droit positif (a) que cette théorie peut être
intégrée dans notre droit (b).

a- L’approche empirique

134. Problématique. Selon l’article 1998 du Code civil, « le mandant est tenu d'exécuter
les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné.
Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou
tacitement ». Pour beaucoup d’auteurs, ce texte évoquerait directement le mécanisme de la
représentation. Ainsi, Messieurs COLLART-DUTILLEUL et DELEBECQUE affirment que « si le
mandataire a agi dans la limite de son pouvoir, la représentation joue et rend le mandant
partie aux conventions conclues par son mandataire »350.

135. Il serait sans doute vain de nier toute ressemblance entre cette disposition et les effets
de la représentation. Qu’il y ait concordance entre l’une et les autres ou que l’on relève des
traits communs ne signifie pas, pour autant, qu’il y ait similitude, et encore moins confusion,

349
Soc., 22 juin 1978 - Bull. civ., 1978, V, n° 511. Voir également : Civ., 25 avril 1864 : D.P., 1864, 1, p. 182 ;
Civ. 2, 17 mars 1961 - Bull. civ., 1961, II, n° 233.
350
FR. COLLART-DUTILLEUL et PH. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 654, p. 569.

84
amalgame ou incorporation. Aussi, affirmer que le régime juridique du mandat évoque
directement le mécanisme de la représentation nous semble être un raccourci un peu simpliste.
En effet, seul l’article 1984 du Code civil qui dispose que « le mandat ou procuration est un
acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le
mandant et en son nom351 » évoque expressément l’accomplissement d’une action au nom de.
Or, non seulement cet élément constitue le critère de distinction du mandat352, mais il est aussi
- et surtout - celui qui traduit la présence essentielle de la représentation dans les éléments
constitutifs du contrat353. Autrement dit, l’absence de toute référence au critère de l’action
« au nom d’autrui » nous autorise à douter d’un lien quelconque entre l’article 1998 du Code
civil et la représentation354.

136. Examen de la jurisprudence. Certaines décisions jurisprudentielles vont d’ailleurs


largement dans le sens d’une distinction entre l’article 1998 du Code civil et la représentation.
L’on constate en effet que de nombreux arrêts de la Cour de cassation, qui se fondent sur le
texte précité, évoquent l’engagement du mandant sans référence expresse au mécanisme de la
représentation. Dans le cadre de la gestion d’une copropriété, par exemple, la Chambre
sociale de la Cour de cassation constate que le syndic n’était pas tenu de verser les salaires
dus aux employés de la copropriété, parce qu’au regard de l’article 1998 du Code civil, seul
« le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire conformément
au pouvoir qui lui a été donné »355. De la même manière, le mandataire d’une société
d’assurance qui a agi dans l’exercice de ses fonctions n’est pas tenu de réparer le dommage
subi par la victime de l’assuré. Selon l’article 1998 du Code civil, nous disent les juges du
droit, seule la compagnie d’assurance (le mandant) pouvait y être tenue356. On peut encore
citer un arrêt rendu par la troisième chambre civile et dans lequel les juges de la Cour de
cassation rappellent qu’ « en application de l’article 1998 le mandant est tenu d'exécuter les
engagements contractés par le mandataire ». Dans cette affaire un architecte, mandataire

351
C’est nous qui soulignons.
352
Supra, n° 45 et s...
353
Ibid...
354
Il y a presque deux siècles, DURANTON avait déjà souligné que la généralité de l’article 1998 du Code civil en
signalant que le texte ne disait pas « que le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le
mandataire en son nom, de lui mandant ». (DURANTON, Cours de droit français suivant le Code civil, Tome 18,
PARIS, 4ème édition, 1844, spéc. n° 261, p. 241.) Il en concluait également à l’absence de lien entre ce texte et la
représentation. Toutefois, dans l’esprit de l’auteur, ces propos visent surtout à démontrer que la représentation
n’est pas de l’essence du mandat. Sur ce point, nous ne pouvons rejoindre l’auteur : si ce texte ne fait pas
directement référence à la représentation, tel n’est pas le cas de l’article 1984 du Code civil. Autrement dit, si
une dissociation entre l’article 1998 du même Code et la représentation est probable, aucune conclusion sur le
caractère essentiel de la représentation ne peut être tirée.
355
Soc., 16 mai 1974 - Bull. civ., 1974, V, 1974, n° 307.
356
Civ. 1, 27 novembre 1984 - Bull. civ., 1984, I, n° 318.

85
d’une société, avait conclu un contrat avec une entreprise aux termes duquel celle-ci devait
effectuer différents travaux. Suite à la défaillance de l’intermédiaire, l’entrepreneur assigne la
société mandante en paiement. Cette action est rejetée par la Cour d’appel d'AIX-EN-
PROVENCE au motif que seul l’architecte pouvait être mis en cause. L’arrêt est cassé : selon
les juges du droit, seule la « société était tenue d'exécuter les obligations contractées par M. X
[le mandataire] »357.

137. A l’inverse, d’autres arrêts qui se réfèrent explicitement au mécanisme de la


représentation se fondent uniquement sur l’article 1984 du Code civil pour justifier
l’engagement direct du mandant envers les tiers. Dans un premier temps, le lien entre ce texte
et la représentation fut surtout implicite. Ainsi, la Haute juridiction se contente d’affirmer
qu’au regard du texte précité, « l'exécution des obligations contractuelles passées par un
mandataire au nom358 et pour le compte de son mandant incombe à ce dernier seul »359 ou
« qu’il résulte [de ce texte] que les clauses du contrat conclu par le mandataire dans la limite
de son pouvoir s’imposent au mandant »360.

138. Dans la jurisprudence récente, ce lien est encore plus explicite. Ainsi, dans un arrêt en
date du 3 novembre 2010, la chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé qu’« en
conséquence des dispositions générales de l'article 1984 du Code civil, le mandat social est
un contrat de représentation »361. Dans une affaire dans laquelle la qualification d’un contrat
était l’objet du litige362, les juges du fond rejettent la qualification de mandat au motif que le
contrat litigieux « interdisait formellement [à l’intermédiaire] de conclure tout contrat au
nom ou pour le compte du second ». Par un arrêt du 28 septembre 2010, les juges du droit
cassent la décision de la Cour d’appel de PARIS, ils lui reprochent de ne pas avoir vérifié,
« ainsi qu'elle y était invitée, que l'exécution du "contrat partenaire", telle que les parties
l'avaient mise en œuvre, impliquait un pouvoir de représentation » ce qui constituait une
violation de l’article 1984 du Code civil363. Enfin, dans une décision rendue le 22 janvier 2002

357
Civ. 3, 23 novembre 2005 – Pourvoi n° 04-17.437.
358
Nous soulignons. La terminologie fait en effet directement référence au mécanisme de la représentation.
Supra, n° 38 et s., 55 et s...
359
Civ. 1, 27 novembre 1978 : arrêt précité.
360
Com., 21 mars 1983 : arrêt précité.
361
Soc. 3 novembre 2010 : Juris-data n° 09-71.939. Nous soulignons.
362
Com., 28 septembre 2010 - Juris-data n° 09-68.253. Les faits sont relativement classiques : une société (les
Etablissements André BONI), conclut avec Société française de Radiotéléphone un contrat de commercialisation
et de distribution d'équipements de radiotéléphonie mobile de l'ensemble des offres SFR. Par la suite le contrat
est dénoncé. La société BONI, souhaitant obtenir des indemnités de rupture, invoque un mandat d’intérêt
commun, ce que conteste la société SFR.
363
Ibid..

86
la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle qu’au regard de l’article 1984 du
Code civil, le mandat implique un pouvoir de représentation364.

139. Conclusion : l’assimilation entre l’article 1998 du Code civil et le mécanisme de la


représentation n’est pas fermement consacrée en jurisprudence. Manifestement, le lien
entre l’article 1998 du Code civil et le mécanisme de la représentation n’est pas
fondamentalement établi en jurisprudence alors qu’il l’est beaucoup plus clairement en ce qui
concerne l’article 1984. Mais alors, si l’article 1998 ne fait pas référence à la représentation –
c’est-à-dire aux rapports avec les tiers – il ne reste plus qu’une seule explication plausible : ce
texte définit un élément qui ne concerne que le seul rapport mandant - mandataire. Plusieurs
éléments corroborent cette thèse. Il s’agit, en premier lieu, de la situation de cette disposition
dans le Titre XIII relatif au contrat de mandat. On la retrouve dans le Chapitre III « Des
obligations du mandant » (sous-entendu : Des obligations du mandant envers le mandataire)
et non dans un chapitre qui exposerait la nature ou les effets du mandat. Il s’agit, en second
lieu, de l’extension à laquelle l’on assiste parfois « des effets du mandat » à d’autres contrats
d’intermédiaire pour lesquels la représentation est exclue. Il en est ainsi du contrat de
commission : l’alinéa 2 de l’article L.132-1 du Code de commerce précise que « les devoirs et
les droits du commissionnaire qui agit au nom d'un commettant sont déterminés par le Titre
XIII du Livre III du code civil ». Il en va de même de la convention de prête-nom. A cet égard,
la Cour de cassation rappelle en effet que « les rapports entre le prête-nom et le mandant sont
régis par les règles relatives aux obligations du mandant et du mandataire ». Les juges
constatent alors que les prête-noms devaient être tenus pour libérés, et qu’à l’inverse, le
donneur d’ordre était tenu de supporter les conséquences des actes conclus pour son
compte365.

140. En réalité, ce ne sont pas les effets du mandat que l’on constate en présence d’un
contrat de commission ou d’une convention de prête-nom, mais les effets d’une action pour
autrui366 qui exige, en toute hypothèse, que le donneur d’ordre reprenne à son compte les
bénéfices de l’action menée pour son compte. Trois remarques peuvent ainsi être formulées à

364
Com., 22 janvier 2002 - Juris-data n° 99-14.640 : « Il résulte de l'article 1984 du Code civil que le mandat est
le contrat par lequel une personne appelée mandant donné à une autre appelée mandataire le pouvoir que celle-
ci accepte d'accomplir en son nom et pour son compte un ou plusieurs actes juridiques et qu'en conséquence, le
mandataire n'agit pas en son nom personnel, mais au nom du mandant ; qu'il ressort des propres constatations
de l'arrêt [que les faits] ne caractérisaient pas l'existence d'une représentation (…), la cour d'appel a privé son
arrêt de base légale au regard de l'article 1984 du Code civil ».
365
Civ. 3, 1er décembre 1971 – Bull. civ., 1971, III, n° 595 : D., 1972, 248.
366
Dans le même sens voir J.-F. QUIEVY, L’anthropologie juridique de la personne morale, thèse précitée, spéc.
n° 119, pp. 207-208.

87
propos de l’article 1998 du Code civil. Tout d’abord, ce texte rappelle que le mandat, avant
d’être un contrat de représentation, est un contrat pour autrui. C’est sur ce terrain-là que l’on
peut exiger du maître de l’affaire, ensuite, qu’il exécute les engagements qui ont été pris pour
son compte. Peu importe, à ce moment-là, la technique qui va permettre ce résultat : il ne
s’agit là que d’une application du principe de la force obligatoire du contrat. Cette
caractéristique justifie, enfin, que l’exercice de l’action soit soumis à autorisation. En tout état
de cause, le donneur d’ordre n’est pas engagé si l’intermédiaire a dépassé les termes de sa
mission.

141. Désormais, il apparaît nettement que la distinction entre l’article 1998 du Code civil
(c’est-à-dire le mandat) et le mécanisme de la représentation transparait dans le discours
juridique. Il nous appartient, à présent, de l’expliciter.

b- L’approche théorique

142. La dissociation du mandat et de la représentation. Certaines dispositions légales367


nous ont donné à réfléchir sur la pertinence d’une conception moniste de ce contrat, c’est-à-
dire d’une conception selon laquelle mandat et représentation seraient confondus. Celle-ci
n’est pas de droit positif et résulte principalement d’un vide législatif relatif à l’existence
d’une théorie autonome de la représentation. A rebours de cette théorie, l’évolution historique
du contrat de mandat368 suggère au contraire que le mandat repose sur une structure dualiste
qui dissocierait le contrat du mécanisme de la représentation. D’autres arguments corroborent
ceux que nous avons exposés à propos des incohérences relevées dans le régime juridique du
mandat369, notamment le débat autour de l’existence d’un mandat sans représentation370 ou les
situations de représentation sans mandat371 qui montrent bien que l’assimilation entre l’un et
l’autre est loin d’être acquise. D’une certaine manière, la dissociation entre le support
contractuel (le mandat) et la technique mise en œuvre (la représentation) est tacitement
admise.

367
Supra, n° 126 et s..
368
Ibid..
369
Ibid..
370
Ibid..
371
Ibid..

88
143. Selon l’article 1984 du Code civil, le mandat suppose l’exécution d’une action pour le
compte du mandant et en son nom. Or, nous savons que la terminologie « en son nom »
renvoie au mécanisme de la représentation, c’est-à-dire à la question du rapport des parties
avec les tiers cocontractants372. Par déduction, l’exigence d’une action pour le compte du
mandant fait référence au lien qui unit les seules parties au contrat. En d’autres termes, il faut
distinguer l’existence d’un rapport externe (celui qui s’établit grâce au jeu de la
représentation) de celle d’un rapport interne (celui qui ne concerne que les seules parties au
mandat). De ce point de vue, l’objet contractuel du mandat (rapport interne) est indépendant
de la manière dont vont se réaliser les effets juridiques à l’égard des tiers (rapport externe).

144. Le contenu de la dissociation. Plus précisément, le contenu du rapport interne


rappelle que le mandat a vocation à faciliter la mise en œuvre d’une gestion pour autrui. Ce
qui implique, par voie de conséquence, que l’intérêt du mandant soit, en toute hypothèse, au
cœur de l’action accomplie par le mandataire. Il s’agit même de « l’élément essentiel du
mandat »373 ou, en tous cas, de sa « raison d’être »374 puisque, en tout état de cause, « il s’agit
d’un élément logique dans les rapports internes »375. Il indique que « les effets à venir de
l’opération accomplie par le gérant contractuel sont destinés à bénéficier en définitive au
donneur d’ordre, immédiatement ou ultérieurement »376. Il est principalement défini au
travers des obligations du mandataire (les articles 1991 et suivants du Code civil) et
corrélativement des obligations du mandant (les articles 1998 et suivants du Code civil). De
cette réciprocité d’engagements l’on déduit la nature nécessairement contractuelle du rapport
interne. C’est à cette conclusion qu’aboutit Monsieur QUIEVY pour qui cette « relation interne
du mandat s’analyse, en vérité, en un contrat à part entière »377. L’auteur propose même
d’envisager la gestion pour autrui le plus largement possible : selon lui, « il importe peu, pour
l’existence du contrat de gestion des affaires d’autrui, que l’opération à accomplir soit un
acte matériel ou un acte juridique »378. Sur ce point, nous ne pouvons l’approuver : il a été
précisé, lors de l’introduction, que l’objet du mandat supposait nécessairement la conclusion
d’un acte juridique379.

372
Supra, n° 45..
373
A. BENABENT, Les contrats spéciaux, ouvrage précité, spéc. n° 910, p. 433.
374
CH.-W. CHEN, Apparence et représentation en droit positif français, op. cité, spéc. n° 80, p. 47.
375
Ibid..
376
J.-F. QUIEVY, thèse précitée, n° 119, p. 207.
377
Ibid..
378
Ibid..
379
Supra, n° 10.

89
145. Parallèlement au rapport interne existe un rapport externe, c’est-à-dire celui qui
détermine le lien des parties au contrat avec les tiers. Dans le cadre du mandat, c’est le
mécanisme de la représentation qui décrit la manière dont se réalisent les effets juridiques
entre les parties extrêmes et qui justifie que ce lien obligatoire soit direct et automatique. Il est
visé plus particulièrement par le législateur au travers des dispositions relatives à la minorité
du mandataire (article 1990 du Code civil), à la fin du mandat (articles 2004 et suivants du
Code civil) ou au maintien du pouvoir de représentation dans l’hypothèse de l’extinction du
mandat (articles 2008 et 2009 du Code civil). A l’inverse du rapport interne, le rapport externe
résulte d’une seule expression de volonté, celle du représenté. De ce point de vue, l’attribution
du pouvoir de représentation caractérise l’existence d’un acte juridique unilatéral 380 qui, selon
l’article 2004, peut être révoqué à tout moment. Ceci explique pourquoi un mineur peut être
mandataire sans que les actes par lui conclus ne soient fragilisés381.

146. La dissociation de l’article 1998 et de la représentation. Reste l’assimilation


fréquemment rencontrée entre le mécanisme de la représentation et l’article 1998 alinéa 1 qui
dispose que « le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire,
conformément au pouvoir qui lui a été donné ». Cette confusion rend difficile l’opération de
dissociation entre le mandat, support contractuel, et la représentation, technique juridique
d’imputation des effets du contrat conclu par intermédiation. Dans une thèse récente, un
auteur a démontré que l’engagement était le critère de l’acte juridique382. De ce fait, le contrat
se réduit à la rencontre de deux engagements qui se manifestent dans une offre et dans une
acceptation383. Fondu dans le moule contractuel, l’engagement produit deux effets distincts :
d’une part, la créance d’obligations à la charge de l’émetteur ; d’autre part l’attribution d’un
pouvoir de contrainte au destinataire de l’engagement384. Seul l’engagement valable est pris
en compte par le droit, c’est-à-dire celui auquel l’auteur a librement consenti ou auquel il a
librement accepté de se soumettre385. C’est la raison pour laquelle l’auteur fait le lien entre
l’engagement véritable et le principe de la force obligatoire qu’il définit comme l’exigence

380
En ce sens voir J.-F. QUIEVY, thèse précitée, n° 120, pp. 208 et s. ; CH.-W. CHEN, op. cité, spéc. n° 55 et s.,
pp. 35 et s..
381
Supra, n° 70 et s...
382
C. GRIMALDI, Quasi-engagement et engagement en droit privé : recherches sur les sources de l'obligation,
préface de Y. LEQUETTE, Defrénois, Coll. Doctorat et notariat, Tome 23, 2006.
383
Ibid., n° 58, p. 27.
384
Ibid., n° 932 et s., p. 453 et s..
385
Ibid., n° 948 et s., p. 436 et s..

90
sociétale de respecter les promesses imposées à celui qui veut, parce que cette volonté suscite
des attentes légitimes386.

147. Appliquée au mandat, cette thèse vient corroborer l’idée selon laquelle seul le mandant
est soumis à la force obligatoire du contrat conclu pour lui. La conclusion du contrat pour son
compte et en son nom fait de l’intermédiaire un messager de l’engagement du mandant
auquel répond le tiers. A l’inverse, le mandataire se situe ab initio en dehors de
l’engagement : non seulement, aucune obligation ne naît à sa charge387 ; mais encore, aucun
pouvoir de contrainte ne pèse sur ses épaules388.

148. Il résulte de ces développements que, pour expliquer l’obligation du mandant à


exécuter les contrats conclus en son nom, le recours à la représentation n’est pas nécessaire.
En réalité, l’article 1998 du Code civil se contente de rappeler - si besoin était - le principe de
la force obligatoire du contrat conclu par le mandataire qui pèse, en toute hypothèse sur le
mandant seul. Si l’insertion de ce texte ne présente que peu d’intérêt sur ce point, on doit
néanmoins lui reconnaître le mérite de préciser que le mandant demeure lié par le pouvoir
initialement donné, autrement dit, la volonté émise. Aussi, souhaiterions-nous reprendre les
termes que Monsieur GRIMALDI utilisa à propos de l’article 1134 du Code civil : « rayerions-
nous nous cet article [1998] du code que la force obligatoire de l’engagement [du mandant]
ne s’en ressentirait pas moins »389.

149. La concomitance du lien interne et du lien externe. La réciprocité d’engagements


qui existe entre les parties extrêmes s’explique aisément sans qu’il soit besoin de recourir au
mécanisme de la représentation. Mais la séparation du mandat et de la représentation ne
signifie pas pour autant que la seconde ne soit plus un élément essentiel du premier. Car s’ils
sont « théoriquement séparables l’un de l’autre »390, il n’en demeure pas moins qu’ils sont «
indivisiblement combinés pour sa qualification »391, ce qui explique que, en tout état de cause,
le mandat est un contrat de représentation : l’analyse dualiste du mandat n’empêche pas
d’imposer aux parties au contrat un rapport de représentation.

150. De la sorte, l’on voit apparaître de manière éclatante l’existence de deux liens
concomitants. L’un, le rapport interne au mandat, est un rapport strictement contractuel qui se

386
Ibid., n° 1119 et s., p. 533 et s...
387
Supra, n° 92 et s..
388
Ibid..
389
C. GRIMALDI, op. cité, n° 1123, p. 535.
390
J.-F. QUIEVY, thèse précitée, n° 118, p. 206.
391
Ibid..

91
définit par « la promesse d’un service à rendre »392 ; l’autre, le rapport externe, l’exécution
par représentation du service promis. De ce point de vue, c’est le contenu du premier qui
légitime la mise en œuvre du second. Ainsi, ce que nous appelons mandat est une
« convention double » 393 : d’une part le lien de mandat au sens strict, d’autre part le lien de
représentation. D’une certaine manière, le premier définit les intérêts du mandant et le second
les réalise. L’on perçoit ainsi toute la place qu’ils occupent lors de l’exécution du mandat, ce
qui nous porte à réfléchir sur la nature juridique du mandat.

B- La nature juridique du mandat

151. La nature permutative du mandat d’intérêt exclusif. Depuis la fin des années 1990,
il est permis de distinguer entre les contrats-échange et les contrats-organisation. Dans un
article paru en 1999394, Monsieur DIDIER montre que certains contrats « ont pour objet une
permutation au terme de laquelle le bien de A se trouve entre les mains de B et le bien de B
entre les mains de A »395. Ce type de contrat « établit entre les parties un jeu à somme nulle
en ceci que l'un des contractants gagne nécessairement ce que l’autre perd, et les intérêts des
contractants y sont donc largement divergents, même s'ils peuvent ponctuellement
converger »396. Pour l’auteur, il s’agit-là d’un « contrat-échange », ce que Madame LEQUETTE
qualifie de « contrat-permutation » afin de dissiper toute ambiguïté avec l’échange
économique397. Aux côtés de ce contrat cohabite le « contrat-organisation » encore dénommé
« contrat-alliance »398 ou « contrat-concentration »399. Celui-ci institue « une coopération
entre A et B, lesquels mettent en commun des choses qui jusque-là leur étaient propres et les
emploient à une activité conjointe »400. Par voie de conséquence, ce contrat « crée entre les
parties les conditions d'un jeu de coopération où les deux parties peuvent gagner et perdre

392
M. PLANIOL, « La transformation du mandat depuis le droit romain », op. cité.
393
Ibid..
394
P. DIDIER, « Brêves notes sur le contrat organisation » in L’avenir du droit – Mélanges en hommage à
François TERRE, P.U.F, 1999, p. 636.
395
Ibid..
396
Ibid..
397
S. LEQUETTE, Le contrat-coopération – Contribution à la théorie général du contrat, thèse précité, spéc. n°
19, p. 25. C’est le terme que nous retiendrons dans nos développements à venir.
398
J.-F. HAMELIN, Le contrat-alliance, préface de N. MOLFESSIS, Economica, coll. Recherches juridiques, Tome
30, 2012.
399
S. LEQUETTE, op. cité, spéc. n° 20, p. 26. C’est également le terme que nous retiendrons dans nos
développements à venir.
400
P. DIDIER, op. cité.

92
conjointement, et leurs intérêts sont structurellement convergents même s'ils peuvent
ponctuellement diverger »401.

152. Selon cette présentation, le mandat appartiendrait à la catégorie des contrats-échange


dès lors que, conformément à ce que nous venons de préciser, l'exécution du mandat se
caractérise par une réciprocité d'engagement402. Il convient néanmoins de préciser de quelles
prestations il est question. Celle à laquelle s'engage le mandataire est aisément identifiable : il
s'agit, à n'en pas douter, de l'obligation de gérer selon les intérêts exclusifs du mandant. En
revanche, celle à laquelle ce dernier est tenu est plus floue. Nous pourrions nous contenter de
dire que le mandant s’oblige, conformément à l’article 1998 du Code civil, à exécuter
personnellement les contrats conclus en son nom. Mais, pour deux raisons, cela nous paraît
difficilement acceptable. D’une part, nous venons de voir ce que ce texte avait d’inutile en ce
qu’il rappelle simplement la force obligatoire du contrat conclu au nom du mandant. D’autre
part, dans les contrats-permutation, l’obligation réciproque est celle qui constitue la
contrepartie de l’obligation promise. Or, l’article 1998 précité définit, non pas la
compensation attendue par le mandataire, mais la suite logique de l’obligation de
l’intermédiaire de gérer « au nom d’autrui ». A ce titre, l’obligation de rémunération paraît
mieux appropriée403. Certes, dans le mandat, elle n’est qu’éventuelle, mais la possible gratuité
des contrats-permutations (la donation par exemple), ne change rien à leur nature.
Simplement, ainsi que le relève Monsieur CHENEDE, le transfert de valeur opéré sera
seulement de nature unilatérale404.

153. La nature coopérative du mandat d’intérêt commun. Une réflexion doit encore être
menée à propos de ce que l’on appelle le mandat d’intérêt commun. A côté du mandat tel
qu’il a été défini à l’article 1984 du Code civil, la jurisprudence a progressivement dégagé
l’existence d’un mandat dit d’intérêt commun405. A l’inverse du mandat d’intérêt exclusif, le
mandat d’intérêt commun repose sur plusieurs intérêts distincts, mais néanmoins intimement

401
Ibid..
402
Infra, n° 153 et s..
403
En ce sens : M.-E. ANCEL, La prestation caractéristique du contrat, op. cité, spéc. n° 159, p. 112 ; F.
CHENEDE, Les commutations en droit privé, préface d’A. GHOZI, Economica, coll. Recherches juridiques, Tome
17, 2007, spéc. n° 154, p. 154 ; J.-F. HAMELIN, thèse précitée, spéc. n° 188, p. 134 ; S. LEQUETTE, op. cité, spéc.
n° 270 - 271, pp. 192 et s..
404
FR. CHENEDE, op. cité, spéc. n° 33, p. 41.
405
Sur la notion d’intérêt commun voir not. A. BENABENT, « Le contrat d’intérêt commun », Colloque
CSNCRA, PARIS, avril 1990 ; T. HASSLER, « L’intérêt commun », R.T.D. Com., 1984, 581. Sur la notion de
mandat d’intérêt commun voir également CH. PIGACHE, Le mandat d’intérêt commun, thèse PARIS, 1991 ; J.
GHESTIN, « Le mandat d’intérêt commun », in Les activités et les biens de l'entreprise : Mélanges offerts à Jean
DERRUPE, Litec, 1991 ; D. ALEXANDRE, « Art. 1984 à 2010 », in J.-Cl. Civ., Fasc. H, spéc. n° 27 et s..

93
liés406. Autrement dit, l’accomplissement de l’objet contractuel de ce mandat n’a pas pour
unique finalité la satisfaction des intérêts du mandant, mais vise à réaliser également certains
intérêts du mandataire. Toutefois, il ne suffit pas, pour que le mandat soit qualifié « d’intérêt
commun », qu’une rémunération ait été prévue par les parties au contrat407, que le mandat
consacre l’exercice exclusif de la médecine408 ou soit un contrat de concession exclusive409.
Autrement dit, la consécration d’un mandat dit d’intérêt commun n’a pas vocation à
caractériser l’existence d’un intérêt du mandataire qui serait supérieur. Au contraire, un
mandat sera d’intérêt commun lorsque l’intérêt du mandataire convergera vers celui du
mandant. Autrement dit, plus que la poursuite conjointe de deux projets particuliers, c’est bel
et bien d’un projet unique qu’il s’agit ce qui suppose que l’intérêt du mandataire soit lié à la
réalisation de l’objet du mandat lui-même. Ainsi, le développement d’une clientèle410
commune justifie l’intérêt commun. Il en va de même de toute participation à une entreprise
intéressant les deux parties ou de la diffusion de la presse par des distributeurs qui ont, comme
le journal, un intérêt direct à la distribution, même s’ils ne courent aucun risque financier411.

154. En introduisant la notion d’intérêt commun dans un contrat appartenant,


traditionnellement, à la catégorie des contrats-permutation, la jurisprudence puis le
législateur412 ont jeté le trouble quant à la nature juridique du mandat d’intérêt commun. Si
certains auteurs ont relevé la nature hybride du mandat d’intérêt-commun413, la plupart a
continué de le considérer comme un contrat-échange. Dans le cadre de leurs thèses, Messieurs
CHENEDE414 et HAMELIN415 ont expressément exclu la qualification de contrat-concentration
dès lors que le mandat d’intérêt commun ne remplit aucun des deux critères du contrat-
coopération que sont, la mise en commun de biens ou de services au profit d’une activité
commune, et la répartition des résultats de cette entreprise entre les cocontractants 416. En
revanche, et en dépit des particularités affirmées du mandat d’intérêt exclusif, l’un et l’autre

406
Pour plus de développements : infra, n° 336 et s..
407
Civ., 4 mars 1914 : D.P., 1916, I, p. 68.
408
Civ. 1, 25 juin1996 - Bull. civ., 1996, I, n° 269.
409
Com., 7 octobre 1997 - Bull. civ., 1997, IV, n° 252.
410
Com., 2 juillet 1979 - Bull. civ., 1979, IV, n° 222.
411
Com., 2 mars 1993 - Bull. civ., 1993, IV, n° 90 ; Com., 29 février 2000 - Bull. civ., 2000, IV, n° 44.
412
La notion jurisprudentielle de mandat d’intérêt commun a en effet été consacrée par le législateur. En ce sens,
voir not. l’article 1831-1 du Code civil qui dispose expressément que « le contrat de promotion immobilière est
un mandat d'intérêt commun » ou l’article L. 134-4 du Code de commerce qui précise que les contrats d’agence
commerciale « sont conclus dans l'intérêt commun des parties ».
413
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité, n° 78, pp. 93-94.
414
F. CHENEDE, Les commutations en droit privé, thèse précitée.
415
J.-F. HAMELIN, Le contrat-alliance, thèse précitée.
416
F. CHENEDE, op. cité, n° 154, p. 154.

94
montrent que ce contrat continue d’obéir aux critères retenus pour le mandat-échange. Ainsi,
le mandat d’intérêt commun « réalise une ou plusieurs permutations de valeurs entre les
cocontractants » : d’une part, l’obligation de gestion ; d’autre part, l’obligation - éventuelle417
- de rémunération qui « n’a en soi aucun intérêt pour le mandant »418. Autrement dit, il
s’agirait toujours d’une « obligation d’intérêt exclusif »419.

155. Il nous paraît difficile d’adhérer aux résultats proposés par Messieurs CHENEDE et
HAMELIN, à moins d’admettre une solution qui gomme, au maximum, la spécificité des
contrats d’intérêt commun420. Si la voie de la nature hybride empruntée par Messieurs TERRE,
SIMLER et LEQUETTE est séduisante, elle est toutefois incomplète en ce qu’elle ne pose pas
clairement les bases de de ce modèle. Prenant acte de ce que la distinction classique entre les
contrats-permutation et les contrats-concentration ne rend plus parfaitement compte de la
diversité contractuelle, Madame LEQUETTE a alors proposé de reconnaître l’existence d’un
contrat-coopération qui se situerait à mi-chemin entre le contrat-permutation et le contrat-
concentration421. Selon l’auteur, ce contrat se définirait comme le contrat par lequel une partie
s’engage à fournir des moyens à l’autre partie (ce que l’auteur dénomme « prestation
instrumentale ») qui s’engage à les exploiter dans leur intérêt commun (la « prestation
finale »)422. Ainsi, dans le mandat d’intérêt commun, comme dans tout contrat-coopération, il
existe une communauté d’intérêts423. Pour autant, cette communauté d’intérêts ne consacre
pas une identité d’intérêts424. Concrètement, le projet déterminé par l’objet contractuel du
mandat-coopération (généralement le développement d’une clientèle425) est commun au
mandant et au mandataire, mais l’intérêt du mandant (les bénéfices – les risques – liés à
l’exploitation de cette clientèle) ne se confond pas avec celui du mandataire (la rémunération
en fonction de la valeur de la clientèle). S’appuyant ensuite sur les travaux de Madame
ANCEL426, l’auteur montre ainsi que la prestation la plus importante à laquelle s’engage le

417
A cet égard Monsieur HAMELIN rappelle en effet que le mandat d’intérêt commun, comme le mandat d’intérêt
exclusif, peut être conclu à titre onéreux comme à titre gratuit. J.-F. HAMELIN, thèse précitée, spéc. n° 188, p.
134.
418
Ibid..
419
Ibid..
420
En ce sens : S. LEQUETTE, Le contrat-coopération – Contribution à la théorie général du contrat, thèse
précitée, spéc. n° 6, pp. 9-10.
421
S. LEQUETTE, Le contrat-coopération – Contribution à la théorie général du contrat, thèse précitée.
422
Ibid., spéc. n° 192, p. 136.
423
Ibid., spéc. n° 269, pp. 191 – 192.
424
Ibid., spéc. n° 201 et s., pp. 142 et s. et n° 212 et s., pp. 152 et s..
425
Ibid., spéc. n° 269 et 270, pp. 191 et s..
426
M.-E. ANCEL, La prestation caractéristique du contrat, op. cité, spéc. n° 177, p. 125.

95
mandant réside dans le maintien du pouvoir de représentation afin que le mandataire puisse
mener à bien le projet commun427.

156. Les intérêts pratiques de la qualification juridique du mandat. Ces dernières


remarques montrent à quel point l’intérêt du mandant est au cœur du mandat, qu’il soit
d’intérêt exclusif ou d’intérêt commun. C’est la raison pour laquelle nous croyons qu’il exerce
une influence déterminante sur le régime juridique du contrat et, par voie de conséquence, sur
les règles de responsabilité civile. Cette affirmation semble évidente si l’on se situe dans le
cadre du lien interne dont l’objet principal est la gestion pour autrui ; mais elle doit l’être tout
autant à l’égard du lien externe qui réalise les effets de la gestion pour autrui directement dans
le patrimoine du mandant et manifeste, par voie de conséquence, l’extériorité du mandataire.

157. A cet égard, l’analyse structurelle du mandat facilite l’expression de cet intérêt en ce
qu’il distingue clairement l’objet et les effets de la gestion pour autrui. Mais, à notre sens, les
avantages de la dissociation se répercuteront également sur la situation du tiers. D’une part,
opérer une séparation entre le rapport interne et le rapport externe du mandat facilite
l’autonomie du traitement juridique du cocontractant par rapport au contenu du lien
contractuel formé entre le mandant et le mandataire. En effet, le concernant, l’essentiel est le
rapport que celui-ci souhaite établir avec le mandant, peu important alors qu’il se forme par
intermédiation. Or, lorsque le mandat se confond avec la représentation, les intérêts du tiers ne
sont envisagés qu’à travers la relation mandant – mandataire. Cela ne signifie pas que le tiers
soit mal ou moins bien protégé, cela montre simplement que sa condition personnelle n’est
pas pleinement examinée. D’autre part, admettre la structure dualiste du mandat favorisera
sans doute, en droit de la responsabilité civile, la prévisibilité de l’issue des procès en
réparation intentés par les tiers et pourrait constituer une étape vers la reconnaissance d’une
responsabilité économique de celui qui utilise, à son profit, l’activité de tiers428.

427
S. LEQUETTE, op. cité, spéc. n° 270, pp. 192 – 193.
428
C’est le vœu formulé par deux auteurs dans des thèses remarquées que nous avons présentées lors de
l’introduction (supra, n° 29 et s.), et sur lesquelles nous reviendrons plus longuement dans le second titre de
cette première partie (infra, n° 420 et s.) : C. DEL CONT, Propriété économique, dépendance et responsabilité,
préface de F. COLLART-DUTILLEUL et G. J. MARTIN, PARIS, éd. L'Harmattan, coll. Logiques juridiques, 1997,
spéc. pp. 267 et s. ; F. DE BOÜARD, La dépendance économique née d'un contrat, préface de G. VINEY, PARIS,
L.G.D.J., coll. Bibliothèque de l'Institut André TUNC, Tome 13, 2007, spéc. n° 694 et s., pp. 389 et s.. En ce sens,
voir également PH. BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle, Litec, coll. Manuel, 2ème édition, 2009, spéc.
n° 566 et s., pp. 292 et s. ; ainsi que l’article de M.-P. BLIN-FRANCHOMME, « Le critère de "garde" des personnes
au regard du principe général de responsabilité civile du fait d’autrui », L.P.A., 24 novembre 1997, pp. 5 et s.,
spéc. p. 10.
Il faut préciser par ailleurs que la règle à toutes les chances d’être consacrée si, par extraordinaire, le
projet de réforme des obligations venait à être adopté puisque les rédacteurs du texte ont proposé d’introduire un

96
158. Quoi qu’il en soit, l’ensemble de ces éléments suggère que l’utilisation du critère de
l’action au nom d’autrui exerce une influence décisive sur le contenu et les effets de l’action
pour le compte d’autrui, c’est-à-dire sur le contenu des obligations respectives des différents
acteurs. C’est ainsi que la question de la responsabilité civile se fait jour : chaque fois que
l’une des obligations qui aura été définie sera mal exécutée ou inexécutée, la responsabilité
civile constituera l’une des réponses possibles à l’expression d’un impératif de réparation.

article 1360 aux termes duquel il est affirmé que « en l'absence de lien de préposition, celui qui encadre ou
organise l'activité professionnelle d'une autre personne et en tire un avantage économique est responsable des
dommages causés par celle-ci dans l'exercice de cette activité. Il en est ainsi notamment des établissements de
soins pour les dommages causés par les médecins qu'ils emploient. Il appartient au demandeur d'établir que le
fait dommageable résulte de l'activité considérée. De même, est responsable celui qui contrôle l'activité
économique ou patrimoniale d'un professionnel en situation de dépendance, bien qu'agissant pour son propre
compte, lorsque la victime établit que le fait dommageable est en relation avec l'exercice du contrôle. Il en est
ainsi notamment des sociétés mères pour les dommages causés par leurs filiales ou des concédants pour les
dommages causés par leurs concessionnaires ».

97
98
Conclusion du Chapitre

159. Synthèse. En dépit des hésitations doctrinales, il est tout à fait certain que le droit
positif a érigé le mécanisme de la représentation comme critère essentiel du contrat de
mandat. A ce propos, il convient de préciser que la représentation à laquelle il est fait
référence est une représentation nécessairement parfaite429 et incontestablement volontaire430.
Ce qui, en 1804, a été discrètement inscrit dans la loi a, depuis lors, été confirmé
solennellement par la jurisprudence. Désormais, il est incontestable que c’est sur cet élément
que repose la qualification de mandat. A cet égard, il est indifférent que le mandat soit conclu
dans l’intérêt exclusif ou dans l’intérêt commun des parties.

160. Cette analyse n’empêche pas de distinguer, au sein du mandat, le contrat et la


technique représentative, distinction qui fait apparaître les liens interne et externe. L’idée, loin
d’être académique, trouve de sérieux arguments dans le corps même de la loi. Mais l’intérêt
de cette démonstration n’est pas seulement d’ordre théorique. La distinction du mandat et de
la représentation permet de mettre en avant l’existence de deux liens juridiques avec leurs
intérêts propres. D’un côté, un lien interne qui définit le contenu de la gestion pour autrui. A
ce titre, le rapport mandant – mandataire met en avant l’intérêt des parties au contrat principal.
De l’autre, un lien externe qui concerne exclusivement le rapport des parties externes entre
elles, c’est-à-dire les intérêts contraires du mandant et du tiers cocontractant. Il convient
néanmoins de remarquer que, théoriquement dissociables, ces deux éléments doivent être
réunis pour que le contrat en cause reçoive la qualification de mandat.

161. Problématique. La réflexion doit maintenant être poursuivie. Si le mandat-


permutation a pour finalité la conciliation d’intérêts contraires et le mandat-coopération
l’union d’intérêts divergents, alors il serait bon de rechercher comment, concrètement, ces
intérêts sont protégés. En d’autres termes, il s’agit de rechercher comment l’action « au nom
d’autrui » influe l’exercice d’une « action pour autrui ». En toile de fond, l’on voit poindre la
question de la responsabilité civile puisque, de la mauvaise exécution d’une action pour
compte d’autrui accomplie « au nom d’autrui » naîtra, le cas échéant, une action en
responsabilité.

429
Supra, n° 45 et s..
430
Ibid...

99
100
Chapitre 2 - Les effets du critère de l’action « au nom d’autrui » sur le régime
juridique de l’action accomplie « pour le compte autrui »

162. Plan. La structure dualiste du mandat met au jour la cohabitation entre deux liens
contractuels parfaitement distincts - mais néanmoins indissociables - qui définissent des
intérêts différents. Concrètement, le mandat est un contrat par lequel un mandant confie une
mission de nature juridique à un mandataire (lien interne) dont les effets se ressentiront
exclusivement entre les parties extrêmes (lien externe). La représentation est donc à la fois
« dans » (en tant qu’élément essentiel, élément d’identification du mandat) et « hors » du
mandat. Elément caractéristique du contrat, sa présence devrait en principe peser fortement
sur son régime juridique.

163. Parce que la représentation définit le lien externe, il semble évident que les effets de
l’action « au nom d’autrui » se répercuteront, en premier lieu, dans le rapport des parties avec
les tiers (Section 1). Bien que la représentation concerne seulement le lien externe, elle puise
sa source dans l’accord contractuel conclu entre les parties au mandat. A ce titre, la présence
de la technique représentative devrait également se ressentir, en second lieu, dans le cadre de
la relation des parties au contrat principal (Section 2). Ainsi, en précisant le contenu des
différentes obligations promises, la représentation exercerait pleinement son rôle
centralisateur du régime juridique du mandat. Indirectement, c’est donc la question de la
responsabilité dans le mandat qui est en jeu puisque la violation de l’une ou l’autre des
obligations est susceptible d’ôter tout intérêt à l’un des acteurs en présence.

101
Section 1- Les effets de l’action « au nom d’autrui » à l’égard des tiers
cocontractants

164. Plan. A titre liminaire, il convient de préciser ici que la distinction entre le mandat
d’intérêt exclusif et le mandat d’intérêt commun ne sera pas prise en compte dans cette
section. En effet, parce que l’ « intérêt commun » définit une obligation de rémunération en
fonction de la valeur de la clientèle, il ne concerne que les parties principales, à l’exclusion de
leurs rapports avec les tiers. A l’égard de ces derniers, les effets de l’action « au nom
d’autrui » sur l’exercice de l’action pour autrui ont été parfaitement résumés par le tribun
TARRIBLE lors de la présentation du Code civil : une fois sa mission accomplie affirma–t-il,
« la personne du mandataire disparaît comme un échafaudage devenu inutile après la
construction de l'édifice »431. L’expression traduit exactement l’effacement du mandataire à
propos des conséquences de l’action qu’il a menée pour autrui, qu’il s’agisse des bénéfices ou
des risques. L’idée est présente, notamment, au travers de l’article 2000 du Code civil qui
précise que le donneur d’ordre « doit aussi indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a
essuyées à l'occasion de sa gestion (…) » ou de l’article 1998 du même Code qui rappelle que
« le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire ». Cette
dernière disposition est la plus caractéristique du principe de l’extériorité du mandataire parce
qu’elle signifie précisément qu’un lien direct s’établit entre les parties extrêmes. En d’autres
termes, l’action « au nom d’autrui » consacre la transparence du mandataire par opposition à
l’opacité du commissionnaire (§1). Cette distinction exerce une influence sur le régime
juridique de l’action pour autrui (§2) puisque, de la transparence ou de l’opacité de
l’intermédiaire dépendra la distribution des qualités de partie et de tiers au contrat conclu par
intermédiation et, par voie de conséquence, l’attribution des qualités de demandeur et de
défendeur à une action en responsabilité.

165. Ces quelques précisions introductives évoquent l’idée d’une action altruiste du
mandataire, c’est-à-dire d’une action dans laquelle l’intermédiaire n’obtient aucun avantage
direct et apparent. Cela ne signifie pas que l’action ne présente aucun intérêt patrimonial pour
le mandataire : ce dernier peut bénéficier, par exemple, d’une rémunération. Cela signifie
simplement que les effets de l’action bénéficieront à un autre que lui. Autrement dit, l’action

431
Recueil complet des discours prononcés lors de la présentation du Code civil par les divers orateurs du
Conseil d’Etat et du Tribunat, Tome 1, Discours, PARIS, Imprimeurs de l’Institut de France, 1850, v° « Du
mandat », spéc. p. 692.

102
altruiste est l’action exécutée dans l’intérêt d’autrui et non dans son intérêt propre. De ce point
de vue, l’altruisme – au sens où nous l’entendons – se distingue de la gratuité qui détermine
l’absence de contrepartie. Ainsi, l’action altruiste du mandataire peut s’accomplir
gratuitement ou contre rémunération : altruisme et gratuité ne s’excluent ni ne s’incluent.

§1- La distinction entre les intermédiaires transparents et les intermédiaires opaques

166. Le mandataire est un intermédiaire transparent. Le rejet de l’existence d’un


« mandat sans représentation » conduit à dénoncer l’assimilation que l’on rencontre parfois
entre les effets juridiques d’un vrai mandat et les effets juridiques d’un pseudo mandat.
Monsieur BENABENT, par exemple, écrit que ces contrats de mandat sans représentation «
n’en produisent pas moins tous les effets du contrat de mandat entre les parties à ce contrat
»432. A notre sens, il est permis de douter de l’exactitude de cette proposition en ce qu’elle ne
décrit que partiellement les effets juridiques du mandat ou de la commission. S’il est vrai
qu’entre les parties au contrat principal c’est le donneur d’ordre qui, en toute hypothèse,
recueillera finalement les bénéfices de l’opération juridique conclue pour son compte, il ne
s’agit là que d’une description de la finalité économique du contrat d’intermédiaire qui,
indubitablement, est commune au contrat de mandat ou au contrat de commission. L’un et
l’autre, en revanche, « obéissent à une technique différente (…) »433, ce qui suppose donc d’en
distinguer clairement les effets.

167. C’est à l’égard des tiers que se ressent, dans un premier temps, cette différence de
technique juridique. Contractuellement, le tiers au mandat ne dispose d’aucune action contre
le mandataire : dans l’hypothèse d’une inexécution des obligations, c’est au mandant - et au
mandant seulement – qu’il devra en réclamer l’exécution434. Ainsi a-t-il été jugé que
« l’exécution des obligations contractuelles passées par un mandataire au nom et pour le

432
A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux civils et commerciaux, op. cité, n° 911, p. 434.
433
C. GRIMALDI, « La commission-affiliation en quête d’une reconnaissance », note sous Com., 29 juin 2010,
JCP G., 2010, p. 1626, spéc. p. 1627. A propos de la commission-affiliation voir également N. DISSAUX, « La
commission-affiliation : un monstre juridique ? », R.T.D. Com., 2011, p. 33.
434
Nous reviendrons plus longuement, lors de développements ultérieurs, sur l’influence du mécanisme de la
représentation sur les règles de responsabilité lors d’une inexécution ou d’une mauvaise exécution du contrat
conclu par intermédiation. Infra, n° 170 et s..

103
compte de son mandant incombe à ce dernier seul »435. A l’inverse, le commissionnaire n’est
jamais déchargé à l’égard des tiers, que le transfert des droits et obligations ait été constaté ou
non436. La Cour de cassation a ainsi plusieurs fois rappelé que le commissionnaire était
personnellement tenu envers le tiers cocontractant dès lors qu’il agissait in proprio nomine,
qu’il soit question du paiement du prix d’une acquisition437, de la garantie des vices cachés438,
etc. Par conséquent, cette différence entre les techniques juridiques utilisées se ressentira
également, nous le verrons, dans le cadre du rapport principal439. La réalisation de la finalité
économique dans le patrimoine du donneur d’ordre répond à des principes divergents selon
qu’elle s’appuie, ou non, sur le mécanisme de la représentation. En présence d’un mandat, le
mandant est ab initio titulaire des droits ou obligations qui résultent de l’action du mandataire.
Autrement dit, aucun élément ne transite par le patrimoine du représentant. En revanche,
lorsque l’opération économique déterminée par les parties au contrat principal ne repose pas
sur la technique représentative, le donneur d’ordre n’en recueillera les bénéfices qu’au terme
d’un double transfert : du patrimoine du tiers vers celui de l’intermédiaire d’une part, du
patrimoine de l’intermédiaire vers celui du donneur d’ordre d’autre part. Dans une affaire
jugée en 1936 par la chambre des requêtes, la Cour de cassation a ainsi clairement rappelé que
le prête-nom n’était pas un mandataire et que de ce point de vue-là « l’opération juridique
comport[ait] une double transmission de propriété »440.

168. Synthèse. Cette distinction intermédiaire transparent – intermédiaire opaque met en


évidence toute l’importance de l’action exécutée « au nom d’autrui ». A la différence d’une
action menée pour autrui mais in proprio nomine, la gestion exécutée « au nom d’autrui »
permet l’établissement d’un lien unique et direct entre les parties extrêmes à la place de deux
liens juridiques successifs. Cet aspect, particulièrement caractéristique du contrat de mandat,
se ressent à tous les niveaux lors de la mise en œuvre de la distinction des intermédiaires
transparents et des intermédiaires opaques.

435
Civ. 1, 14 novembre 1978 - Bull. civ., 1978, I, n° 346.
436
En ce sens voir par ex. CH. LARROUMET, Les obligations - Le contrat, sous la direction de CH. LARROUMET,
Tome III, Economica, coll. Droit civil, 5ème édition, spéc. n° 165, p. 143.
437
Com., 18 janvier 1955 - Bull. civ., 1955, III, n° 30
438
Com., 7 mai 1962 - Bull. civ., 1962, III, n° 240.
439
Infra, n° 188 et s..
440
Req., 10 février 1936 : D.P., 1937, 1, p. 92.

104
§2- La mise en œuvre de la distinction entre les intermédiaires transparents et les
intermédiaires opaques

169. Plan. En pratique, la présence (ou l’absence) du mécanisme de la représentation dans


les éléments constitutifs du contrat d’intermédiaire n’est pas sans incidence sur le régime
juridique du contrat, en particulier dans les rapports des parties avec les tiers. En effet, la
transparence du mandataire traduit l’extériorité de celui-ci aux charges et bénéfices de
l’opération menée au nom d’autrui. Concrètement, cela signifie que le caractère représentatif
(ou non représentatif) du contrat d’intermédiaire règle la question de la distribution des
qualités de partie et de tiers au contrat conclu par intermédiation (A). Par voie de
conséquence, c’est le sort des actions en responsabilité civile contractuelle qui est fixé
puisque, de la distribution des qualités de partie et de tiers au contrat intermédiaire dépend
l’attribution de la qualité de demandeur ou de défendeur à une action contractuelle (B).

A- La distribution des qualités de partie et de tiers au contrat conclu par intermédiation

170. L’attribution de la qualité de partie. Par application de l’article 1998 du Code civil,
« le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire ». Il en résulte
que la qualité de partie au contrat est attribuée au seul donneur d’ordre et qu’au regard du lien
direct qui se crée avec le tiers, « l'exécution des obligations contractuelles passées par un
mandataire au nom et pour le compte de son mandant incombe à ce dernier seul [le
mandant] »441. Ainsi, dans le cadre d’un mandat de gestion d’une copropriété, « les salaires
dus au personnel en service dans un immeuble en copropriété constituent une charge de la
copropriété et non une dette personnelle du syndic et que la demande en payement desdits
salaires ne peut être dirigée que contre le syndicat des copropriétaires de l’immeuble, seul
débiteur des salaires (…) »442. De ce point de vue, le mandataire se contente véritablement de
n’être qu’un simple intermédiaire au sens étymologique du terme : « intermedia : qui est au
milieu ».

441
Civ.1, 14 novembre 1978 - Bull. civ., 1978, I, n° 346. Voir également Civ.3, 23 nov. 1988 : JCP G., 1989, IV,
30.
442
Soc., 16 mai 1974 - Bull. civ., 1974, V, n° 307.

105
171. Dans le cadre d’un contrat de commission, en revanche, c’est le commissionnaire qui
est « personnellement tenu des obligations contractées envers le tiers »443. Et l’on constate en
effet que, dans l’hypothèse d’une commission à la vente, c’est ce dernier qui est tenu de la
garantie des vices cachés à l’égard du tiers acquéreur 444 ou de l’obligation de délivrance445 ;
réciproquement, en présence d’une commission à l’acquisition, c’est à l’intermédiaire que
revient l’obligation d’en payer le prix446. Il en va de même lorsque la commission a pour objet
le transport de marchandise, le transporteur ne dispose d’aucune action contre le commettant
pour le recouvrement du fret, même lorsque le commissionnaire – unique cocontractant du
tiers – est en liquidation judiciaire et ne peut s’acquitter447 ; ou lorsque la commission est de
nature boursière, le commettant, vendeur des valeurs de bourse, « n’a d’action que contre
l’agent de change [le commissionnaire] » et qu’« il n’a pas comme débiteur personnel
l’acheteur desdites valeurs »448. De cet engagement personnel on en déduit que c’est à
l’intermédiaire qui agit en son propre nom qu’il appartient, le cas échéant, d’exiger du tiers
l’exécution de la prestation due449 ; a contrario, c’est auprès de l’intermédiaire que le tiers
doit agir dans l’hypothèse d’une inexécution du commettant450.

172. Dès-lors, doit-on en tirer la conclusion que la qualité de partie au contrat conclu par
intermédiation est attribuée au commissionnaire seul ? Il semblerait que oui, la Cour de
cassation ayant jugé dès la fin du XIXème siècle que le contrat commissionné ne se forme
qu’entre l’intermédiaire et le cocontractant451. Dans le cas d’une commission boursière, par
exemple, la chambre des requêtes a affirmé que « le contrat ne se forme qu'entre les agents de
change qui ont concouru à la négociation, chacun d'eux ignorant le commettant de
l'autre »452 ; de la même manière, la chambre commerciale a reconnu que c’était au
commissionnaire qu’était attribuée « la qualité d’acquéreur personnel »453 ou que « le
commissionnaire de transport [était] celui qui agi[ssai]t en qualité d'intermédiaire libre du

443
Com., 7 mai 1962 - Bull. civ., 1962, III, n° 240.
444
C.A., PARIS, 13 juin 1892 : D.P., 1893, 2, 420.
445
Com., 7 mai 1962 - Bull. civ., 1963, III, n° 240.
446
Com., 18 janvier 1955 - Bull. civ., 1955, III, n° 30.
447
En ce sens voir par exemple Com., 9 décembre 1997 – Bull. civ., 1997, IV, n° 333 ; Com., 30 octobre 2000 :
JCP G., 2001, II, 10 644, note D. AMMAR.
448
Req., 3 mai 1887 : S., 1890, 1, 303.
449
Civ., 11 avril 1995 - Bull. civ., 1995, I, n° 166.
450
M.-P. DUMONT, L’opération de commission, thèse précitée, n° 423 et s., p. 342. Com., 13 novembre 1972 :
G.P., 1973, 1, somm. p. 26 ; Com., 15 juillet 1963 : arrêt précité ; Com., 7 mai 1962 : arrêt précité.
451
Voir par exemple Req., 3 mai 1887 : précité ; voir également Civ., 14 juin 1892 : D.P., 1892, 1, 500.
452
Civ., 14 juin 1892 : D.P., 1892, 1, 500.
453
Com., 13 mai 1958 - Bull. civ., 1958, III, n° 187.

106
choix des voies et moyens et conclu[ai]t les conventions de transport en son propre nom »454.
Dans un arrêt en date du 7 mai 1962455, la Cour de Cassation rappelle ainsi les conséquences
de l’agissement « in proprio nomine ». Dans cette affaire, une commande de tissus avait été
passée par une société de commission pour le compte d’un commettant. En raison d’un retard
dans la livraison, ce dernier ne s’acquitte que d’une partie du prix, ce qui amène la société
venderesse à réclamer la somme due au commissionnaire. La Cour de Cassation, qui relève
que l’intermédiaire agissait « en son nom propre », approuve la Cour d’appel d’en avoir
déduit qu’il était de ce fait « personnellement » engagé envers le tiers cocontractant456.

173. Un paradoxe : la dissociation entre les qualités de partie et de titulaire des droits
exercés. L’exemple du droit de propriété. De la sorte, l’on arrive à un paradoxe : une
personne est partie à un contrat auquel elle est pourtant étrangère puisque les effets de
l’opération juridique se produiront dans le patrimoine d’un autre. « D’évidence, il y a quelque
magie dans le contrat de commission. N’est-ce pas là extraordinaire qu’un individu puisse
être partie à un contrat alors que les effets dudit contrat se produiront dans le patrimoine
d’un autre ? »457. En vérité il y a là un second mystère : n’est-il pas extraordinaire qu’un
individu soit qualifié de vendeur ou d’acquéreur d’un bien dont il n’est, à aucun moment, le
propriétaire ?

174. La question a en effet été posée de savoir si, en présence d’un contrat commissionné
comportant un transfert de propriété, le bien litigieux passait directement du patrimoine d’une
partie extrême à l’autre, ou s’il s’arrêtait par celui de l’intermédiaire. Encore une fois, la
solution a été posée au XIXème siècle458, mais elle a été confirmée plus récemment. Si c’est en
matière d’importation de produits étrangers que ces litiges sont les plus fréquents459, les
échanges franco-français nous offrent néanmoins quelques exemples. Ainsi, peut-on citer un
arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendu le 7 mars 2000460. Dans cette
affaire, Monsieur D., qui avait la double casquette de marchand et de commissionnaire, avait
ouvert deux comptes pour chacune de ses activités avant d’en ordonner la fusion. À la suite du
redressement judiciaire dont il fit l’objet, la banque déclara sa créance pour un montant

454
Civ. 1, 10 février 1998 – Bull. civ., 1998, I, n° 59.
455
Com., 7 mai 1962 : arrêt précité.
456
L’arrêt est cassé partiellement, mais sur un autre fondement que celui de l’engagement personnel du
commissionnaire.
457
C. GRIMALDI, « La commission-affiliation en quête d’une reconnaissance », note sous. Com., 29 juin 2010,
JCP G., 2010, p. 1626, spéc. p. 1627.
458
Crim., 18 novembre 1882 : D., 1883, 1, 230.
459
M.-P. DUMONT, L’opération de commission, op. cité, n° 282, p. 231.
460
Com., 7 mars 2000 - Bull. civ., 2000, IV, n° 46.

107
équivalent au solde des deux comptes, alors que seul le compte commissionnaire était en
réalité créditeur. C’est la raison pour laquelle les commettants de Monsieur D. s’y opposèrent,
réclamant le paiement des sommes correspondant aux ventes effectuées pour leur compte. La
Cour d’appel, dont la décision sera confirmée par la Cour de cassation, accueillit cette
demande au motif que « n’étant pas soutenu que les mandants auraient donné leur accord à
la fusion des comptes (…) la compensation n’était pas opposable » et que « les sommes
inscrites sur le compte « commissionnaire » n’y avaient été déposées par Monsieur D. qu’en
qualité de mandataire de ses clients à qui elle devait revenir ». En d’autres termes, à aucun
moment le commissionnaire n’est devenu propriétaire des fonds issus des ventes effectuées
pour autrui, c’est-à-dire qu’elles n’ont à aucun moment transité par son patrimoine. C’est vrai
lorsqu’il s’agit de commission à la vente : l’autorisation de vendre pour autrui n’emporte pas
transfert de propriété461 ; c’est vrai également pour la commission à l’acquisition462 : le bien
cédé échoit directement dans le patrimoine du commettant.

175. La résolution du paradoxe : la dissociation entre l’obligatio et le debitum. Pour


résoudre l’aporie selon laquelle le commissionnaire vend ou achète un bien dont il n’est
jamais le propriétaire, plusieurs voies peuvent être envisagées. La première s’appuierait sur
une rénovation de la notion de partie juridique au contrat à laquelle s’est consacrée une partie
de la doctrine depuis le début des années 1990463. On sait en effet depuis longtemps que la
conception traditionnelle des parties et des tiers fondée sur le principe de l’autonomie de la
volonté est insuffisante. Prenant acte de ce que certaines personnes pouvaient être qualifiées
de « partie » au cours de l’exécution du contrat - sans avoir participé à la formation de l’acte -
il a été proposé de l’élargir aux « personnes liées par les effets obligatoires »464. Si la
proposition lancée présente le mérite « d’inviter la doctrine à sortir [d’une] relative
torpeur »465 elle s’est néanmoins heurtée à certaines critiques466 qui ont amené à une seconde
proposition : l’attribution de la qualité de parties ne se ferait plus au regard du seul critère de
la volonté, mais également par application d’un critère légal467. Autrement dit, c’est un

461
Ibid..
462
Voir M. GUTZWILLER, Contrats par commissionnaires : Étude XXIV, FRIBOURG, 1947, pp. 16 et s..
463
J. GHESTIN, « La distinction entre les parties et les tiers au contrat », JCP G., 1992, I, 3628 ; J.-L.
AUBERT, « A propos d'une distinction renouvelée des parties et des tiers », R.T.D. Civ., 1993, p. 263 ; C.
GUELFUCCI-THIBIERGE, « De l'élargissement de la notion de partie au contrat... à l'élargissement de la portée du
principe de l'effet relatif », R.T.D. Civ., 1994, p. 275 ; J. GHESTIN, « Nouvelles propositions pour un
renouvellement de la distinction des parties et des tiers », R.T.D. Civ., 1994, p. 777.
464
J. GHESTIN, op. cité, JCP G., 1992, I, 3628, n° 4.
465
J.-L. AUBERT, op. cité, spéc. n° 24.
466
J.-L. AUBERT, op. cité ; C. GUELFUCCI-THIBIERGE, op. cité. Voir également J. GHESTIN, (op. cité, R.T.D.
Civ., 1994, p. 777) qui reprend les arguments de ces contradicteurs.
467
C. GUELFUCCI-THIBIERGE, op. cité, spéc. n° 24 ; J. GHESTIN, ibid., n° 8 et s..

108
élargissement quant à la source qui s’opère. Monsieur DESHAYES a toutefois exposé les
limites d’une définition élargie des qualités de partie et de tiers 468. Celle-ci aboutirait en effet
à un simple truisme, celui de considérer que « les conventions n’ont d’effet qu'entre les
personnes entre lesquelles elles ont effets ; elles ne nuisent point aux personnes sur lesquelles
elles ne produisent pas d'effet »469. Or, l'auteur démontre que « certaines personnes sont
directement affectées par des contrats qu'elles n'ont pas conclus (cessionnaire de contrat,
héritier d’un cocontractant, etc.) »470, ce qui n’est d’ailleurs nullement contesté. Autrement
dit, soit il s’agit-là d’une exception, soit il s’agit de parties au contrat. Mais alors on en revient
à l’évidence que nous venons d’évoquer471.

176. Cette conception rénovée de la notion de partie présente par ailleurs l’inconvénient
d’être exclusivement attachée à la question de l’imputation des effets obligatoires. Autrement
dit, c’est au seul stade de l’exécution du contrat que la question de l’attribution de la qualité
de partie se résout. Une telle approche demeure largement insuffisante à expliquer en quoi une
personne - le commissionnaire – pourrait être partie à un acte sans être propriétaire des biens
qu’il vend ou qu’il achète : en tout état de cause, celui-ci demeure personnellement obligé
envers le tiers alors que le commettant échappe au principe de la force obligatoire à l’égard du
tiers472. Il conviendrait alors de distinguer les parties et les tiers selon le moment de la vie du
contrat (formation ou exécution de la convention), et non plus seulement par rapport à
l’étendue des effets obligatoires. Cela reviendrait à opposer les parties contractantes aux
parties obligées473. C’est le sens de la seconde voie. Dans sa thèse, Monsieur DISSAUX474
établit que tout intermédiaire doit en réalité être considéré comme la partie procédurale à la
formation du contrat. A partir d’une approche binaire de la convention (le contrat est à la fois
une procédure et l’acte juridique auquel aboutit cette procédure)475, l’auteur démontre qu’il
existe une catégorie de partie qui ne serait pas contractante. Ainsi, la notion de partie ne peut-
elle être comprise sans que ne soit précisé l’angle sous lequel la convention est envisagée, car
l’expression « partie au contrat » « peut désigner une personne prenant part à la procédure

468
O. DESHAYES, La transmission de plein droit des obligations à l'ayant-cause à titre particulier, préface de G.
VINEY, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de l'Institut André TUNC, Tome 5, 2004, spéc. n° 156 et s., pp. 143 et s..
469
O. DESHAYES, ibid., spéc. n° 157, p. 144.
470
Ibid., n° 157, pp. 144-145.
471
Ibid..
472
Dans le même sens : M.-P. DUMONT, L’opération de commission, op. cité, spéc. n° 552 et s., pp. 437 et s..
473
O. DESHAYES, op. cité, spéc. n° 139, p. 128.
474
N. DISSAUX, La qualification d’intermédiaire dans les relations contractuelles, préface de CH. JAMIN,
L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 485, 2007, spéc. n° 451 et s., pp. 206 et s..
475
Ibid., spéc. n° 467 et s., pp. 211 et s..

109
contractuelle ou une personne lié par les effets du contrat »476. Aussi pertinente soit-elle, cette
démonstration n’explique toujours pas l’étendue de la répartition des effets du contrat. Partie
procédurale, le commissionnaire est également, à certains points de vue, partie obligée, ce que
l’on ne constate pas dans le mandat477.

177. Une autre voie doit donc être envisagée. Celle-ci consiste à reprendre les travaux sur la
divisibilité de l’obligation478. Pour cela, il nous faut partir de l’observation selon laquelle le
commissionnaire est personnellement obligé envers le tiers - parce que c’est auprès de
l’intermédiaire que ce tiers devra se tourner pour exiger l’exécution du contrat - mais que
c’est dans le patrimoine du commettant que la finalité économique se réalise. A cet égard, l’on
distingue, depuis le droit romain, entre l’ « obligatio » et le « debitum »479, le premier étant
défini comme « la relation de créance et de dette envisagée du point de vue de sa substance
économique »480 et le second comme « le rapport d’obligation considéré d’un point de vue
strictement juridique »481. En d’autres termes, il oppose le « lien substantiel » au « lien de
sujétion »482, c’est-à-dire « le droit d’exiger, au besoin par la contrainte, l’exécution de la
prestation due »483.

178. Or, c’est exactement ce que l’on observe si l’on analyse la commission : le commettant
est ab initio le bénéficiaire de l’opération économique conclue pour son compte, mais c’est un
bénéficiaire qui ne prend pas le risque d’être poursuivi pour l’exécution du contrat. De la
sorte, il n’est plus tout à fait vrai d’affirmer que le lien entre le commettant et le tiers n’est
qu’indirect, nous aurions plutôt envie de dire qu’il est et qu’il n’est pas. Plus simplement, le
lien serait incomplet : il est si on l’envisage du côté de l’obligatio et il n’est pas si on
l’envisage du côté du debitum. A l’inverse, dans le mandat, le lien qui se forme entre les
parties extrêmes est complet dès l’origine, puisqu’il touche à la fois la relation de créance et le
rapport d’obligation484. C’est ce qui explique pourquoi dans le contrat de mandat « l’exécution
des obligations contractuelles passées par un mandataire au nom et pour le compte de ce
mandant incombe à ce dernier seul »485. C’est ce qui justifie, également, que ce soit au

476
Ibid., spéc. n° 471, p. 212.
477
Supra, n° 92 et s. et 170 et s..
478
F.-K. COMPARATO, Essai d’analyse dualiste de l’obligation en droit privé, préface de A. TUNC, Dalloz, 1964.
479
Sur la distinction voir M. LEDUC, « Réflexions sur la convention de prête-nom, contribution à l’étude de la
représentation imparfaite », R.T.D. Civ., 1999, p. 283 et s., spéc. n° 23 et s..
480
Ibid., n° 23.
481
Ibid..
482
Ibid., n° 23 et s..
483
Ibid., n° 23.
484
Supra, n° 170 et s..
485
Civ.1, 14 novembre 1978 - Bull. civ., 1978, I, n° 346 (arrêt précité). Supra, n° 170 et s..

110
mandant, et non au mandataire, que soit attribuée la qualité de demandeur ou de défendeur à
une action en responsabilité civile contractuelle.

B- L’attribution des qualités de demandeur et de défendeur à une action en responsabilité


contractuelle

179. L’irresponsabilité de principe du mandataire. Sous l'influence du mécanisme de la


représentation486, le contrat conclu par intermédiation ne concerne que les parties extrêmes.
Quant au mandataire, « il disparaît de la scène juridique » pour laisser la place aux véritables
bénéficiaires de l’opération économique : à l’ère précontractuelle dont il était la figure de
proue succède la phase contractuelle à laquelle il est étranger, sauf l’hypothèse de clause de
ducroire487. Logiquement, si l’acte ne peut bénéficier au mandataire, il ne peut non plus lui
nuire. Autrement dit, il n’est ni tenu de l’exécution des engagements contractuels, ni
responsable de la mauvaise exécution du contrat. Ainsi, un agent d'assurance, mandataire de
la société avec laquelle une personne a contracté, n’est pas tenu de réparer le dommage causé
par celle-ci, cette obligation incombant au seul mandant488. Ou encore, les significations faites
au mandataire font courir les délais contre le seul mandant489.

180. Un exemple significatif de l’irresponsabilité contractuelle du mandataire peut être


relevé dans le droit de la vente. Le mandataire qui agit sans dépasser les limites de sa mission
ne sera tenu à aucune garantie contre les vices cachés. En revanche, si ce dernier avait agi en
qualité de vendeur, il y aurait été tenu. A cet égard, un arrêt rendu par la Cour d’appel de
DIJON le 7 janvier 1998 est particulièrement évocateur490. Une personne acquiert un véhicule
automobile d'occasion auprès d’un vendeur professionnel, mandataire du propriétaire. Après
que la vente a été conclue, il s'est avéré que le kilométrage au compteur était très inférieur au
kilométrage réellement parcouru. L’acquéreur intente alors une action en garantie des vices
cachés contre le mandataire avec lequel le contrat avait été formé. Celui-ci est débouté par les
juges du fond au motif que « le vendeur seul [le mandant] s'était engagé, dans le mandat de

486
Supra, n° 45 et s..
487
Il y a clause de ducroire lorsque le mandant confie, outre la formation du contrat, l’exécution des
engagements nés du contrat.
488
Civ. 1, 27 novembre 1984 - Bull. civ., 1984, I, n° 318.
489
Com., 6 avril 1999 - Bull. civ., 1999, IV, n° 83.
490
C.A., DIJON, 7 janvier 1998 - Numéro JurisData 1998-041685.

111
vente, à rester responsable des conséquences des vices cachés et à certifier le kilométrage du
véhicule »491.

181. Dans deux hypothèses toutefois, l’irresponsabilité du mandataire en raison de


l’inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat n’a plus lieu d’être. La première vise la
situation dans laquelle l’inexécution des obligations est imputable au mandataire. Dans un tel
cas de figure, il va naturellement engager sa responsabilité, tant en ce qui concerne son
donneur d’ordre que le tiers. Il en va ainsi lorsque « la non-réalisation du marché intervenu
entre le défendeur éventuel et son acheteur (…) était due à la faute qu’a commise ce dernier
[le mandataire] »492. La seconde concerne les hypothèses où le mandataire s’est porté
ducroire, c'est-à-dire qu’il s’est engagé à exécuter l’obligation qu’il a contractée pour autrui.
Dans ce contexte, l’intermédiaire doit veiller à la bonne exécution du contrat et garantir, le cas
échéant, l’exécution effective du contrat493. Toutefois, il ne faut pas voir là des exceptions au
principe de l’irresponsabilité contractuelle du mandataire car, en tout état de cause, il ne s’agit
que d’applications classiques du droit commun des contrats. En raison du principe de l’effet
relatif des contrats, l’exécution d’une nouvelle norme contractuelle ne peut nuire aux tiers et,
à l’inverse, les tiers engagent leur responsabilité s’ils lui portent atteinte. Par ailleurs, une
référence à la règle de la force obligatoire suffit à expliquer que le mandataire qui a promis de
garantir l’exécution du contrat par lui conclu engage sa responsabilité s’il ne parvient pas à ce
résultat.

182. La responsabilité contractuelle du mandant. C'est donc au mandant qu’incombe


l'exécution des obligations nées du contrat494 ; mais c’est à ce dernier, également, qu’est
attribuée la qualité de partie (demandeur ou défendeur) à une action judiciaire relative à
l’exécution (ou à l’inexécution) des engagements contractuels495. Par exemple, c’est à lui, et
non au mandataire-représentant, que revient la tâche d’en réclamer l’exécution au tiers
cocontractant. Ainsi, un agent de voyage, mandataire d'une société pour l’organisation d'un
séjour à SEVILLE, n'est pas habilité à appeler en garantie la Compagnie aérienne avec

491
En ce sens voir également Civ. 1, 20 juin 1995 - Pourvoi n° 93-15.510 ; C.A., CAEN, 3 octobre 1995, Société
Haras des coudraies de Mortalla - Numéro JurisData 1995-04445.
492
Req., 17 novembre 1903 : D.P., 1904, I, 10.
493
Com., 22 octobre 1996 - Bull. civ., 1996, IV, n° 246 : C.C.C., 1997, n° 21, obs. L. LEVENEUR ; D., 1998,
p. 511, note D. ARLIE ; R.T.D. Civ., 1997, p. 653, note J. MESTRE.
494
Voir par exemple J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-
MAROGER, Les principaux contrats spéciaux, L.G.D.J., coll. Traité de droit civil, sous la direction de J. GHESTIN,
3ème édition, 2012, n° 31202 et s., pp. 1068 et s. ; PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des
contrats, Dalloz, coll. Dalloz action, 9ème édition, 2012 - 2013, spéc. n° 4093 et s., pp. 1190 et s..
495
Ibid..

112
laquelle il a contracté et qui n'a pas rempli son obligation de transport496. Parallèlement, le
tiers victime d'une inexécution ne dispose d’aucune autre option que celle de se retourner
contre le mandant. Dans une affaire dans laquelle un couple d’acquéreur avait acheté un
ensemble mobilier auprès d’un intermédiaire agissant au nom et pour le compte d’une société,
il a ainsi été jugé que le tiers acquéreur ne pouvait réclamer l’exécution forcée de la vente
auprès du mandataire alors même que le mandant, déclaré en état de liquidation judiciaire, se
trouvait dans l’impossibilité de satisfaire son créancier497. De même, il a été jugé que seul
le titulaire du compte sur lequel ont été indûment versés des fonds était tenu de les restituer, le
mandataire n'y étant pas obligé en cette seule qualité498. Enfin, un syndic de copropriété ne
peut être condamné au paiement des soldes de comptes ouverts par lui, alors que lesdits
comptes avaient été ouverts, non à titre personnel mais en sa qualité de mandataire499.

183. Historiquement, cette solution est originale. Pour des raisons déjà évoquées, le droit
romain primitif ne connaissait pas la représentation au sens où nous l’utilisons ici et y était
même profondément hostile500. L’admission tardive d’une forme de représentation, fut
toutefois incomplète ou, pour reprendre les termes aujourd’hui utilisés, imparfaite. Dans cette
perspective, le tiers disposait non pas d’un, mais de deux débiteurs 501, avec tous les avantages
que cela pouvait signifier pour lui : dans l’hypothèse d’une carence du mandant, le demandeur
à une action en réparation pouvait tout aussi bien agir contre l’un ou l’autre. Cette règle
perdura jusqu’aux XIV-XVème siècle, époque à laquelle l’attachement canonique de l’Eglise à
la parole donnée fut tel que la reconnaissance de la représentation parfaite alla de soi502. Cette
étape permit de reconnaître la seule responsabilité contractuelle du représenté et,
corrélativement, l’irresponsabilité contractuelle du représentant.

184. En droit comparé, la solution est en revanche identique à celle que nous avons
présentée à propos du droit français. La plupart de nos voisins ont en effet entériné la
responsabilité contractuelle du mandant pour les contrats conclus par le truchement d’un
représentant. En droit allemand, par exemple, la règle est posée au § 164 alinéa 1 du B.G.B.
selon lequel « toute déclaration de volonté faite par une personne, dans les limites de son
pouvoir de représentation, au nom du représenté, produit un effet direct au profit et à

496
Civ. 1, 22 juin 2004 - Bull. civ., 2004, I, n° 181.
497
Civ. 1, 14 novembre 1978 - Bull. civ., 1978, I, n° 346.
498
Civ. 1, 25 juin 1996 - Bull. civ., 1996, I, n° 266.
499
Civ. 1, 27 novembre 1984 - Bull. civ., 1984, I, n° 318.
500
Supra, n° 49 et s. et n° 54 et s..
501
Ibid..
502
Supra, n° 4 et n° 56.

113
l’encontre du représenté »503. Les projets d’harmonisation européenne ne sont d’ailleurs pas
en reste puisque la plupart d’entre eux préconise de consacrer la responsabilité contractuelle
du représenté. L’article 60 du Code GANDOLFI, par exemple, dispose que « le contrat conclu
par un sujet produit directement ses effets vis-à-vis du représenté lui-même (…) »504. L’article
2.2.1 des principes Unidroit, également, rappelle que le pouvoir de représentation a pour effet
« de produire des effets dans la situation juridique d’une autre personne »505.

185. Synthèse de la première section. A l’égard des tiers, le régime relatif à la


responsabilité contractuelle est, en tous points, conforme à la conception d’un mandat
essentiellement représentatif. En autorisant le mandataire à agir en son nom, le donneur
d’ordre est doublement lié au tiers : il en est ainsi d’un point de vue économique puisqu’il est
le seul à pouvoir recueillir directement les bénéfices de l’opération (l’obligatio) ; il l’est
également d’un point de vue juridique dès lors qu’il est le seul à pouvoir réclamer (ou à se
voir réclamer) l’exécution des prestations promises (le debitum)506.

186. De ce point de vue, la représentation exerce une influence considérable sur le régime
juridique de l’action pour autrui. Par le jeu de celle-ci, le mandataire est, ab initio, en dehors
du lien noué entre les parties extrêmes, qu’il s’agisse des bénéfices ou des risques de
l’opération. Autrement dit, en matière contractuelle (en matière délictuelle, en revanche,
l’influence de la représentation semble inexistante) il importe peu que les circonstances, la
maladresse ou même la mauvaise foi de l’intermédiaire révèle l’identité du donneur d’ordre,
seul compte le contenu de la volonté exprimée lors de la formation du contrat principal. Dans
l’hypothèse d’un mandat, le mandant a accepté de rentrer directement en contact avec les
tiers. Dans cette optique, le mandataire n’est que le moyen de parvenir au résultat escompté.
A l’inverse, dans le cadre d’un contrat de commission (ou autre contrat sans représentation),
le commettant n’a pas souhaité nouer des relations avec le tiers. Le commissionnaire est donc
un moyen pour conserver l’anonymat.

187. A l’égard des tiers, l’influence du critère de l’action « au nom de » sur l’action pour
autrui est évidente. A notre sens, il ne peut en aller différemment dans le cadre du rapport des

503
M. PEDAMON, Code civil Allemand, op. cité, v° §164 al. 1.
504
Code européen des contrats - avant-projet, op. cité, art. 60, p. 23.
505
Les principes d’unidroit relatifs aux contrats du commerce international, op. cité, v° Art. 2.2.1 et s..
506
Si le projet de réforme du droit des obligations venait à être adopté, la règle serait sans doute inscrite dans la
loi puisque les rédacteurs du texte proposent d’insérer un article 1119-1 aux termes duquel « le représenté est
seul engagé par les actes accomplis par le représentant dans la limite de ses pouvoirs ».

114
parties entre elles : en laissant la gestion de tout ou partie de son patrimoine au mandataire, le
mandant exprime un sentiment de confiance relativement fort.

115
Section 2- Les effets de l’action « au nom d’autrui » à l’égard des parties au
contrat de mandat

188. Problématique. La présence du mécanisme de la représentation parmi les éléments


constitutifs du mandat et ce qui s’ensuit – l’engagement direct et automatique du mandant à
l’égard des tiers – évoque l’idée d’une confiance relativement forte du mandant envers son
mandataire. C’est d’ailleurs le point de vue adopté par plusieurs auteurs qui considèrent que le
mandat révèle une confiance particulière. Ce sentiment serait même, pour le doyen CORNU,
l’une des clés de voûte du contrat507.

189. Mais la confiance n’est sans doute pas une notion spécifique au seul contrat de
mandat. D’autres institutions connaissent, elles aussi, une certaine forme de confiance. A cet
égard l’on pense évidemment au mécanisme de la fiducie dont le nom fait directement
référence à la notion de confiance508 ; cela évoque, également, le principe de non-rétroactivité
de la loi qui se justifie par la nécessité de protéger « la confiance légitime » du justiciable509
ou, encore, à la théorie de l’apparence qui aurait pour finalité la protection de la confiance du
tiers ayant commis une erreur légitime510. Plus généralement, certains auteurs ont proposé
d’expliquer le principe de la force obligatoire du contrat par l’idée d’une confiance inhérente
à la matière contractuelle511.

190. A l’évidence, la confiance est un concept diffus en droit positif. La question qui se
pose alors est la suivante : la confiance dans le mandat est-elle supérieure à la confiance
régnant en droit des obligations ou, à tout le moins, présente-t-elle quelques spécificités qui
l’estampillent d’une certaine originalité ? Et surtout, est-elle susceptible d’entretenir des liens
avec les règles de responsabilité applicables au mandat ?

191. La notion de confiance en général. Apprécier le rôle de la confiance dans le cadre de


la théorie générale des obligations ou dans celui, plus restreint, du mandat, se heurte à une
difficulté : celle de circonscrire avec précision les contours de la notion. Etymologiquement,

507
G. CORNU, « Du sentiment en droit civil », Extrait des Annales de la Faculté de Liège, 1963, pp. 189 et s.,
spéc. p. 195.
508
Infra, n° 194 et s..
509
Com., 22 octobre 2002 - Bull. civ., 2002, IV, n° 150.
510
Sur ce thème voir, en particulier, la thèse de Madame DANIS-FATOME : A. DANIS-FATOME, Apparence et
contrat, préface de G. VINEY, coll. L.G.D.J., Bibliothèque de droit privé, Tome 414, 2004, spéc. n° 849 et s., pp.
511 et s..
511
Infra, n° 195.

116
le terme est issu du latin « confidentia » qui a donné la confidence512. Dans le langage
courant, la confiance évoque « l’assurance, l’espérance ferme de celui, celle, qui se fie à
quelqu’un ou quelque chose »513. Elle renvoie à un sentiment, « celui qui fait qu’on se fie à
quelqu’un ou quelque chose »514, « qu’on se fie à soi-même »515. La confiance est donc, avant
tout, « une attitude psychologique »516.

192. La notion de confiance en droit. Il est fait mention, enfin, de l’« intuitus personae »,
c'est-à-dire d’une caractéristique qui intéresse certaines relations contractuelles dans
lesquelles la considération d’autrui est particulièrement forte517. Si cette notion juridique est
mieux 518 connue du droit positif, elle demeure encore difficilement saisissable. Tout au plus
avons-nous l’alinéa 2 de l’article 1110 du Code civil519 qui en constituerait le siège. Plusieurs
études ont néanmoins été menées sur ce thème ce qui a permis, non pas d’en établir le contenu
précis, mais d’en relever certains critères. Ainsi, il a été dit qu’il reposait sur la qualité
particulière d’un individu, sur le lien qui existe entre la prestation et la personne, sur la
relation entre le créancier et le débiteur, … Quoiqu’il en soit, tous s’accordent pour affirmer
que la notion traduit l’importance accordée à la personne du cocontractant520, mais sans pour
autant en nier le caractère relatif521. Autrement dit, l’intuitus personae vise, de la même
manière que la confiance, une relation particulière entre deux individus. Il convient toutefois
de remarquer que, dans l’hypothèse de l’intuitus personae, la considération de la personne est
constatée lors d’un moment unique : celui de la formation du contrat. Autrement dit, l’intuitus
personae traduit l’idée de confiance à un moment précis de la vie du contrat, celui de sa
naissance. A ce titre, l’intuitus personae justifie parfaitement la nullité d’un contrat lorsqu’il y
a eu erreur sur la personne, mais il ne pourra pas justifier les raisons pour lesquelles un

512
F. GAFFIOT, Dictionnaire latin français, PARIS, Hachette, 1934, V° « Confidentia ».
513
Le petit Robert, op. cité, v° « confiance ».
514
Le nouveau Littré, op. cité, v° « confiance ».
515
Le petit Robert, op. cité, v° « confiance ».
516
J.-Y. MONFORT, « Accueil des participants », in La confiance en droit privé des contrats, op. cité, pp. 1 et s.,
spéc. p. 2.
517
Littéralement cette expression latine signifie « en considération de la personne ». Vocabulaire juridique -
Association Henri CAPITANT, op. cité, V° « intuitu personae ».
518
Pour une étude approfondie du caractère intuitu personae voir, not., M.-J. LOYER-LEMERCIER,
L’intermédiaire contractuel, sous la direction de M. D. MAZEAUD, thèse PARIS, 2006 ; G. KOSTIC, L’intuitu
personae dans les contrats de droit privé, thèse PARIS, 1997 ; F. VALLEUR, L' intuitus personae dans les
contrats, thèse PARIS, 1938 ; D. HOUTCIEFF, « Contribution à l’étude de l’intuitu personae », R.T.D. Civ., 2003,
p. 3.
519
Article 1110 alinéa 2 du Code civil : l’erreur « n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la
personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la
cause principale de la convention ».
520
En ce sens voir la définition précitée proposée par le doyen CORNU dans le Vocabulaire juridique de
l’Association Henri CAPITANT, op. cité.
521
En ce sens, F. VALLEUR, thèse précitée spéc. n° 12, p. 30.

117
créancier pourrait se débarrasser d’un cocontractant qui aurait fait naître un sentiment de
méfiance. En revanche, nous pensons que le sentiment doit perdurer tout au long de
l’exécution du contrat, ce qui reviendrait à dire que la différence entre l’intuitus personae et la
confiance se situe dans le moment de leur appréciation. Il conviendra de le vérifier.

193. Plan. L’ensemble de ces éléments nous apprend néanmoins qu’en droit la notion de
confiance renvoie à une même idée : celle de la relation à autrui522. Mais, dans ces différentes
hypothèses, l’attention accordée à l’identité d’autrui ne revêt pas la même intensité. Si, à
l’évocation de l’intuitus personae, elle semble essentielle ; il n’en va pas de même à propos de
la « croyance en la bonne foi, loyauté, sincérité et fidélité d’autrui ». Dans ce cas précis, ce
sont d’abord des qualités particulières qui sont attendues, mais peu importe, ensuite, le nom
de celui qui en fait preuve. Le contrat de mandat étant conclu intuitu personae523, il est
raisonnable de penser que la confiance initialement exprimée par le mandant est d’une
intensité particulière (§1). L’on peut alors espérer que la mise en œuvre de celle-ci influe,
d’une manière ou d’une autre, sur le régime juridique de l’exécution de la mission (§2).

§1- L’expression d’une confiance particulière

194. Problématique. A toutes époques524, la notion de confiance a suscité l’engouement de


la doctrine525. L’on a pu dire à son égard qu’elle était « l’âme des contrats civils eux-

522
Sur ce point, le vocabulaire juridique diffère sensiblement du vocabulaire courant qui envisage la confiance,
tantôt comme un sentiment que l’on éprouve envers soi, tantôt comme un sentiment que l’on éprouve envers
l’autre. Cette approche est plus pertinente eu égard à notre champ d’études : il semble difficile en effet
d’admettre que, dans une matière ayant pour objet la régulation des rapports juridiques entre deux individus, la
confiance puisse être envisagée sous l’angle d’une relation à soi.
523
Infra, n° 192.
524
Sur l’ancienneté de la notion voir A. LOYSEL, Institutes coutumières avec des notes d'Eusèbe de Laurière,
Tome 1, par M. DUPIN et E. LABOULAY, PARIS, Videcoq, Nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée,1846,
version électronique sur Google Livres, spéc. n° 357, p. 359.
525
Les études relatives à la place de la confiance dans le droit des obligations sont très nombreuses. Parmi
d’autres, nous citerons en priorité les travaux précités d’E. LEVY qui est, à n’en pas douter, l’auteur français le
plus favorable à l’intégration de la confiance à la théorie générale des obligations (E. LEVY, « Responsabilité et
contrat », R.C.L.J., 1899, p. 361). Il faut mentionner, également, les thèses et le colloque qui lui ont été
entièrement consacrés : A. CHIREZ, De la confiance en droit contractuel, sous la direction de N. DEJEAN DE LA
BATIE, NICE, thèse dactylographiée, 1977 ; V. EDEL, La confiance en droit des contrats, sous la direction de R.
CABRILLAC, MONTPELLIER I, thèse dactylographiée, 2006 ; La confiance en droit privé des contrats, sous la
direction de V.-L. BENABOU et M. CHAGNY, op. cité, pp. 1 et s., spéc. p. 2. Il convient également de signaler une
thèse très récente qui porte sur la perte de cette confiance légitime et les conséquences qui en découlent sur
l’existence ou l’exécution du contrat : A. ALBARIAN, De la perte de confiance légitime en droit contractuel :

118
mêmes »526, celle qui « entraîne à contracter »527. Les terminologies utilisées sont
relativement nombreuses528, mais l’idée qui prédomine toujours est celle selon laquelle un
sentiment de « confiance en la promesse du débiteur »529 précède toujours la formation du
contrat dont elle justifie les effets de droit.

195. En pratique, les applications du principe de confiance seraient nombreuses. Par


exemple, il présiderait toujours à l'échange des consentements530, voire il en serait la cause
génératrice531. De là à considérer que la confiance définit le fondement véritable de la force
obligatoire du contrat, il n’y a qu’un pas qui fut allègrement franchi par certains membres de
la doctrine532, en raison, notamment, du déclin du dogme de l’autonomie de la volonté533.

essai d'une théorie, préface de J. MESTRE, éd. Mare & Martin, coll. Bibliothèque des thèses, 2012. Un article,
enfin, a été entièrement consacré au rôle de la confiance en droit des contrats : O. ANSELME-MARTIN, « Le
sentiment de confiance, cause génératrice et sustentatrice du contrat », in Des contrats civils et commerciaux aux
contrats de consommation : mélanges en l’honneur du Doyen Bernard GROSS, sous la direction de Xavier
HENRY, préface d’E. CRIQUI, Presses universitaires de NANCY, 2009, pp. 21 et s.. Parallèlement, d’autres
travaux ont intégré, dans une démonstration plus large, des développements portant sur la place de la confiance
en droit des contrats. A ce sujet voir notamment : G. BERLIOZ, Le contrat d’adhésion, préface de B. GOLDMAN,
L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 132, 1973 ; A. DANIS-FATOME, Apparence et contrat, thèse
précitée, spéc. n° 849 et s., pp. 511 et s.. X. DIEUX, Le respect dû aux anticipations légitimes d’autrui : essai sur
la genèse d’un principe général de droit, L.G.D.J., Bruylant, 1995, spéc. n° 40, pp. 96 et s. ; PH. STOFFEL-
MUNCK, L’abus dans le contrat : essai d’une théorie, préface de R. BOUT, L.G.D.J., Bibliothèque de droit privé,
Tome 485, 2000, spéc. n° 234 et s. pp. 205 et s. et n° 644 et s., pp. 474 et s..
526
G. CORNU, note sous A.P., 13 décembre 1962 - G.A.J.C., 11ème éd., n°267 : R.T.D. Civ., 1963, pp. 572 et s.,
spéc. p. 574.
527
J. CARBONNIER, Droit et passion du droit sous la 5ème République, Flammarion, 1996, spéc. p. 172.
528
L’expression la plus fréquemment utilisée est celle de « confiance légitime » (A ce sujet voir, en particulier,
les travaux précités d’Emmanuel LEVY. Voir également : P.-Y. GAUTIER, « Confiance légitime, obligation de
loyauté et devoir de cohérence : identité ou lien de filiation », in La confiance en droit privé des contrats, op.
cité, pp. 109 et s. ; PH. STOFFEL-MUNCK, thèse précité, not. n° 650, p. 477) mais l’on rencontre également celles
de « confiance conviviale » (J. CARBONNIER, Droit et passion du droit sous la 5ème République, op. cité), de
« confiance juridicisée » (F. TERRE, « Synthèse », in Le doute et le droit, Dalloz, coll. Philosophie et théorie
générale du droit, 1994, pp. 1 et s., spéc. p. 7) ou de « confiance expectative » (G. BERLIOZ, thèse précitée, spéc.
n° 367, p. 172).
529
G. ROUHETTE, Contribution à l’étude critique de la notion de contrat, sous la direction de R. RODIERE,
PARIS, thèse dactylographiée, 1965, spéc. § 114, p. 413.
530
A cet égard voir, par exemple : A. ALBARIAN, thèse précitée, spéc. n° 5, pp. 30 et s. ; G. CORNU, op. cité,
spéc. p. 73 ; PH. STOFFEL-MUNCK, thèse précitée, spéc. n° 239, pp. 208-209.
531
Parmi d’autres voir : A. ALBARIAN, ibid. et les références citées par l’auteur ; J. CARBONNIER, Droit civil –
Les obligations, P.U.F., coll. Thémis Droit privé, 22ème éd. refondue, 2000, spéc. n° 36, p. 86. Voir, surtout,
Monsieur qui souhaite que « le sentiment de confiance soit consacré en qualité de cause du contrat » : O.
ANSELME-MARTIN, « Le sentiment de confiance, cause génératrice et sustentatrice du contrat », op. cité, pp. 23
et s., spéc. p. 38.
532
Sur ce thème voir, en particulier, les travaux d’Emanuel LEVY qui, le premier, affirma que « ce qui fait le lien
contractuel, c’est la confiance qu’inspire au créancier la promesse du débiteur » : E. LEVY, article précité, spéc.
p. 383. Voir également : J. CARBONNIER, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 21, p. 64. L’auteur
expose la pensée de Gino GORLA qui développa la thèse de la confiance comme fondement du principe de la
force obligatoire du contrat dans la doctrine italienne. Du même auteur : « Introduction », in L'évolution
contemporaine du droit des contrats : Journées René Savatier – POITIERS - 24-25-octobre 1985, P.U.F., coll.
Publications de la Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers, 1986, spéc. p. 35. Pour l’éminent
professeur, le principe de confiance devrait même être officiellement consacré dans la loi. A. ALBARIAN, thèse
précitée, spéc. n° 16, p. 50 ; X. DIEUX ; thèse précitée, spéc. n° 40 et s., pp. 96 et s. ; G. ROUHETTE, Contribution
à l’étude critique de la notion de contrat, thèse précitée, spéc. § 114, p. 409 et s. ; PH. STOFFEL-MUNCK, thèse

119
Dans cette optique, la disparition de la confiance devrait justifier – ou en tout cas faciliter – la
disparition du contrat534.

précitée, spéc. n° 644 et s., pp. 474 et s.. Voir enfin : J. SCHMIDT-SZALEWSKI, « La force obligatoire à l’épreuve
des avants-contrats », R.T.D. Civ., 2000, pp. 26 et s. et H. KENFACK, « La consécration de la confiance comme
fondement de la force obligatoire du contrat », in La confiance en droit privé des contrats, op. cité, pp. 117 et s..
Pour l’auteur, la confiance est loin d’être, en droit Français, le centre de gravité du contrat. S’il admet toutefois
qu’elle puisse jouer un rôle d’importance dans la théorie des obligations mais déplore qu’elle soit l’objet d’un
concept si flou. Il en tire la conclusion que la généralisation de ce concept supposerait, avant toute chose, une
définition précise de ses contours.
Quelle que soit la pertinence de ces travaux, ils font directement échos au mécanisme de la « reliance »
défini, dans les droits de la Common law, comme l’un des fondements possibles de la force obligatoire du
contrat. (En ce sens : PH. MALAURIE, L. AYNES, PH. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, coll. Droit
civil, 5ème édition, 2011, spéc. n° 752, p. 374 ; O. ANSELME-MARTIN, « Le sentiment de confiance, cause
génératrice et sustentatrice du contrat », op. cité, spéc. p. 26 ; P.-S. ATIYAH, « L’évolution du droit anglais : de
l’accord vers la reliance et l’exclusion de la responsabilité pour vices dans la vente de marchandise », Le contrat
aujourd’hui : comparaisons franco-anglaises, sous la direction de D. TALLON et D. HARRIS, L.G.D.J., coll.
Bibliothèque de droit privé, Tome 196, 1987.) Littéralement, le terme de « reliance » se traduit par celui de
confiance. Mais cette « confiance – reliance » est une confiance qui repose sur un ou plusieurs élément(s)
extérieur(s), objectif(s) et observable(s) dans le comportement du débiteur. (Voir PH. MORETEAU, Droit anglais
des affaires, op. cité, spéc. n° 22, pp. 13-14. Pour cette raison, un auteur français a comparé le principe de la
reliance avec celui de l’apparence : A. DANIS-FATOME, Apparence et contrat, thèse précitée, spéc. n° 857, pp.
518 – 519.) De ce fait, la violation de la « reliance » cause un préjudice autonome qu’il convient de réparer en
tant que tel. En apparence, la confiance semble donc exercer une influence réelle sur le régime juridique du
contrat, mais certains auteurs s’interrogent sur la pertinence du concept. (A ce sujet, voir A. ALBARIAN, thèse
précitée, spéc. n° 333, spéc. p. 415.)
533
Les termes du débat relatif au déclin du principe de l’autonomie de la volonté sont très connus et il ne sera pas
nécessaire de l’approfondir. Nous en rappellerons toutefois quelques grandes lignes.
En France, le reflux du mouvement autonomiste a été révélé au travers d’une jurisprudence qui s’est
arrogée le droit d’interpréter le contrat à partir de ce que les juges considéraient comme le juste équilibre
contractuel et non plus exclusivement à partir de la volonté du sujet de droit. (C’est ainsi que l’obligation de
sécurité, par exemple, fut découverte.) L’intervention du législateur suivit rapidement : au terme de plusieurs
réformes (notamment dans le domaine du droit du travail puis, plus récemment, du droit de la consommation),
celui-ci sembla « diriger » le contrat en apportant plusieurs limites à l’expression de la liberté contractuelle.
Mais les critiques doctrinales du principe sont plus anciennes. Les premières d’entre elles virent le jour
outre-Rhin et contribuèrent, au cours du XIXème siècle, au reflux des « Willenstheorie » et « Erklärungstheorie »
allemandes au profit de la primauté du droit objectif. C’est BRINZ (pourtant adepte fidèle de la
« Willenstheorie ») qui, le premier, affirma que « Nicht irgend eine Absicht oder der Wille des Handelnden,
sondern wie schon des Name andeutet, der Wille des Rechtes gibt einer Handlung den Charakter eines
Rechtsgeschäftes ». (Littéralement : « ce n’est pas n’importe quelle intention ou n’importe quelle volonté de
l’individu, mais – comme l’expression juridique le laisse entendre – la volonté du droit qui confère à une action
le caractère d’acte juridique »). A. BRINZ, Lehrbuch der Pandekten, Zweite Abtheilungn, éd. Erlangen, 1860,
spéc. § 312, p. 1388. Pour un exposé plus complet – et en Français – de la pensée positiviste allemande, voir A.
RIEG, « Le contrat dans les doctrines allemandes du XIXème siècle », Arch. de Philo. du droit, 1968, Tome 13, pp.
31 et s., spéc. n° 15-16, pp. 40 et s.. Pour l’essentiel, l’ensemble de ces travaux vise à démontrer que tout effet
juridique, mais celui défini par la volonté individuelle, ne peut se produire que dans la mesure où la loi le
prévoit.
La controverse fut poursuivie en France, principalement sous l’impulsion des travaux d’Emmanuel
GOUNOT (E. GOUNOT, Le principe de l'autonomie de la volonté en droit privé : contribution à l'étude critique de
l'individualisme juridique, Université de Bourgogne, 1912, thèse dactylographiée) et Léon DUGUIT (L. DUGUIT,
Traité de droit constitutionnel, Tome 1, La règle de droit – Le problème de l’Etat, PARIS, Ed. de Boccard, 3ème
éd., 1927, pp. 316 et s., spéc. pp. 358 et s.) qui ont repris bon nombre de critiques des auteurs allemands. Voir
également la thèse de Monsieur ROUHETTE : Contribution à l’étude critique de la notion de contrat, thèse
précitée. L’ensemble de ces réflexions a pour objet de démontrer que la volonté est, en elle-même, incapable de
produire des effets de droit.
534
En ce sens, voir B. HABRIAL, La rupture unilatérale des relations contractuelles, sous la direction de P.
CHAUVEL, CLERMONT I, 2005, spéc. n° 309, p. 212. Comp. : A. ALBARIAN, op. cité, spéc. n° 123 et s., pp. 166
et s.. L’auteur considère que c’est précisément cette anormalité qui vient briser ce comportement grave. Voir,

120
196. A l’épreuve, il semble pourtant que notre droit soit peu enclin à accueillir cette règle.
Non seulement, la résolution d’un contrat, judiciaire ou unilatérale, consiste plus
généralement à éviter une « injustice qui consisterait à ce que l’une des parties fournisse ce
qu’elle avait promis sans recevoir la contrepartie convenue »535 plutôt qu’à sanctionner
l’existence d’une crise de confiance536 ; mais, surtout, la mise en œuvre d’une sanction
contractuelle suppose la démonstration d’éléments objectifs venant corroborer la perte de
confiance tels que l’anormalité ou la gravité du comportement de l’un des cocontractants537.
De ce point de vue, il est difficile d’admettre que la confiance fonde le droit commun des
contrats dès lors que sa disparition ne génère aucune conséquence sur la survie du contrat.

197. Sur ce point, le mécanisme de la révocation ad nutum qui accorde au mandant la


possibilité de « révoquer sa procuration quand bon lui semble »538 paraît aller bien au-delà. A
notre sens, c’est au cœur de cette disposition particulière que s’exprime le mieux la spécificité
de la confiance dans le mandat parce qu’elle justifie l’idée selon laquelle « l’urgence ou la
déloyauté extrême dans l’exécution d’un contrat reposant sur une relation de confiance
puisse justifier à titre exceptionnel le retrait unilatéral d’un contractant »539. Si ce principe

cependant, quelques arrêts de jurisprudence dans lesquels la confiance semble avoir été considérée de manière
autonome par les juges. Ainsi, dans un arrêt rendu le 5 février 2002, la Chambre commerciale de la Cour de
cassation admet que « la rupture des relations commerciales » soit « justifiée par une perte de confiance ».
(Com., 5 février 2002 – Pourvoi n° 99-16.095.) De même, il a déjà été admis que la crise de confiance constitue
un élément réparable du préjudice. (Com., 7 janvier 2004 – Pourvoi n° 01-10.429.) Lors de développements
ultérieurs, nous verrons que, dans le cadre des contrats spéciaux, et en particulier dans le mandat, la confiance est
plus facilement envisagée en elle-même. Infra, n° 201 et s..
535
J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations – Le rapport d’obligations, Tome 3, Sirey, coll.
Université, série Droit privé, 7ème édition, 2011, spéc. n° 246, p. 233.
536
En ce sens voir not. A. ALBARIAN, op. cité, spéc. n° 118, pp. 161 - 162.
537
Il s’agit, par exemple, des difficultés rencontrées par un maître d’ouvrage lors de la construction d’une
maison de retraite qui légitiment la disparition du contrat pour crise de confiance (Com., 19 juin 2007 – Pourvoi
n° 06-11.907) ; il s’agit, également, des risques de récidive présentés par un salarié ayant quitté son lieu de
travail en omettant de payer des piles électriques qu’il emportait avec lui (Soc., 11 février 2009 – Pourvoi n° 07-
42.584) ; il s’agit, encore, de la tentative de dissimulation d'un prélèvement personnel effectué par un associé
sous l'apparence du paiement d'une dette sociale qui justifie la perte de confiance des cocontractants à l’égard de
son auteur (Com., 18 juin 1991 – Pourvoi n° 90-11.581). A l’inverse, l’absence de gravité dans le comportement
du cocontractant invalide la rupture du contrat, que la confiance ait été perdue ou non, l’auteur de la rupture
engageant alors, le plus souvent, sa responsabilité. (En ce sens, voir par ex. : Civ. 1, 13 janvier 1998 – Bull. civ.,
1998, I, n° 16 ; Com., 18 novembre 2008 – Pourvoi n° 07-20.304.) Ainsi, le refus d'exécuter les consignes
strictes ne légitime pas la rupture du contrat pour crise de confiance si aucun avertissement ou aucune sanction
disciplinaire ne corroborent la gravité du comportement du cocontractant (Soc., 18 février 2004 – Bull. civ.,
2004, V, n° 54).
538
Article 2004 du Code civil.
539
T. GENICON, « Point d'étape sur la rupture unilatérale du contrat aux risques et périls du créancier», Revue des
contrats, 2010, n° 1, pp. 44 et s., spéc. p. 45.

121
était confirmé, il confirmerait que la confiance est l’« âme du mandat »540 et que « le mandat
de représentation est basé sur la confiance »541.

198. Plan. Le droit de rupture unilatérale du mandat par le mandant semble donc une
caractéristique essentielle de la spécificité de la confiance dans le mandat. Pour s’en assurer,
nous commencerons par examiner l’originalité du principe de la révocation ad nutum (A)
avant de montrer que le régime de ce principe conforte l’idée d’une confiance particulière
dans le mandat (B).

A- L’originalité de la révocation ad nutum

199. Problématique. Il a été affirmé, à propos des contrats à durée déterminée pour
lesquels la faculté de rompre avant le terme est exceptionnelle, qu’il était normal, pour les
contrats « qui reposent d’ordinaire sur une confiance personnelle entre les parties, (…) qu’il
puisse y être mis fin lorsque cette confiance vient à disparaître »542. De manière générale,
plusieurs auteurs ont ainsi pu expliquer que, « lorsque les relations contractuelles impliquent
une dose particulière d’entente voire de confiance »543, la jurisprudence admettait qu’ « une
faute particulièrement grave d’un des cocontractants pouvait, sinon justifier, du moins
expliquer que l’autre prenne les devants et mette un terme à l’exécution du contrat, sans
attendre une décision de justice »544. Selon cette théorie, tout contrat reposant sur une certaine
forme de confiance (le mandat, la fiducie, le contrat de travail, le contrat de société, …)
devrait pouvoir être rompu à tout moment, sans préavis et sans l’intervention de l’autorité
judiciaire. Dans un tel cas de figure, le mandat ne présenterait pas de spécificité
supplémentaire par rapport aux autres contrats de confiance.

200. A l’analyse, il apparaît clairement que notre droit n’est pas particulièrement favorable
à cette théorie. Concrètement, ce que nous avons pu constater dans le cadre de la théorie
générale des obligations545 peut être étendu aux contrats spéciaux546 : le plus souvent, une

540
J.-J. CLAMAGERAN, Du louage d’industrie, du mandat et de la commission, en droit romain, dans l’ancien
droit français et dans le droit actuel, PARIS, éd. A. Durand, 1856, spéc. n° 332, p. 298.
541
Civ. 2, 19 octobre 2006 – Pourvoi n° 05-20.945.
542
J. FLOUR, J.-L. AUBERT ET E. SAVAUX, Les obligations – L’acte juridique, Tome 1, Tome 3, Sirey, coll.
Université, série Droit privé, 15ème édition, 2011, spéc. n° 380, pp. 386 – 387.
543
Nous soulignons.
544
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 660, p. 669.
545
Supra, n° 194 et s..

122
crise de confiance doit être corroborée par des éléments objectifs pour que la révocation du
contrat soit fondée. Par conséquent, s’il s’avérait que la simple perte de confiance suffise à
légitimer la mise en œuvre de la révocation ad nutum, alors ce principe montrerait, à n’en pas
douter, la véritable spécificité de la confiance dans le mandat. Pour le vérifier, nous allons
examiner le traitement juridique de la rupture unilatérale de certains contrats spéciaux pour
lesquels l’idée de confiance semble prépondérante.

201. Les limitations légales du droit de rompre unilatéralement. Dans le cadre de


fiducie, dont le nom évoque directement la confiance547, il est certain qu’une crise de
confiance ne peut légitimer à elle seule une rupture unilatérale. Le législateur lui-même est
venu l’interdire en imposant, au terme du deuxième alinéa de l’article 2028 du Code civil, que
le contrat de fiducie soit « révoqué qu'avec son accord [du bénéficiaire] ou par décision de
justice ». Cela signifie que la disparition de la fiducie suppose, au mieux, l’accord des parties,
au plus, l’intervention du juge548. Autrement dit, dans la fiducie, le rôle de la confiance, s’il
est avéré549, se limite à la formation (et éventuellement à l’exécution) mais ne s'étend pas à la
question de la survie du contrat. De ce point de vue, il est difficile d'admettre que la confiance
constitue véritablement et pleinement le fondement du contrat de fiducie.

202. En droit commercial, le législateur est également venu limiter le droit de rompre
unilatéralement. Depuis une loi du 15 mai 2001, l’auteur d’une rupture sans préavis de
relations commerciales établies engage sa responsabilité550. Avant cette réforme, il n’était
légalement pas exigé de ce dernier qu’il en fournisse le motif, mais, il n’était pas rare, en
pratique, que sa responsabilité soit engagée. Tel était le cas, par exemple, d’une société « qui
invoque une série de motifs délibérément fallacieux » et qui « viole l'obligation
d'exclusivité »551 ; ou de celle qui, au préalable, avait demandé à son partenaire économique
« d'importants efforts d'investissement et de publicité »552 ; ou encore du caractère brutal et

546
Pour une opinion contraire : O. ANSELME-MARTIN, « Le sentiment de confiance, cause génératrice et
sustentatrice du contrat », op. cité, spéc. p. 35.
547
Infra, n° 218.
548
En d’autres termes, la rupture du contrat de fiducie obéit au droit commun.
549
Infra, n° 220 et s..
550
Sur la rupture des relations commerciales établies voir notamment D. LEGEAIS, Droit commercial et des
affaires, Sirey, coll. droit privé, 20ème édition, 2012, spéc. n° 666, pp. 335 - 336 ; F. LEFEBVRE, Mémento
pratique Francis LEFEBVRE- Droit des affaires - Concurrence – Consommation, 2009 – 2010, éd. Francis
Lefèbvre, spéc. n° 836 ; L. VOGEL, Traité de droit des affaires – Du droit commercial au droit économique,
Tome 1, L.G.D.J., Lextenso, 19ème édition, 2010, spéc. n° 787 et s., pp. 805 et s..
551
Com., 5 octobre 1993 – Bull. civ., 1993, IV, n° 326.
552
Com., 5 avril 1994 - Bull. civ., 1994, IV, n° 149.

123
inattendue de la rupture553. En d’autres termes, la jurisprudence imposait seulement que cette
faculté de résiliation unilatérale soit subordonnée à l’absence d’abus de droit dans les
circonstances de la rupture. Depuis 2001, la solution est différente. Elle a été codifiée aux
articles 442-6, 4° et 5° du Code de commerce qui légalisent la nécessité de respecter un délai
de préavis raisonnable. En d’autres termes, c’est désormais le droit commun des contrats à
durée indéterminée qui s’applique, et c’est à l’auteur de la rupture d’en démontrer la
légitimité. L’appréciation du caractère raisonnable de la durée du préavis s’apprécie
souverainement par les juges du fond qui utilisent, à cet égard, des critères aussi variés que
l’ancienneté des relations commerciales554, le domaine de l’activité555, l’organisation
spécifique d’une activité556, l’exclusivité du contrat557, …

203. Les limitations jurisprudentielles du droit de rompre unilatéralement. D’autres


illustrations tirées de la jurisprudence montrent que la confiance ne suffit pas à légitimer la
rupture du contrat. A ce sujet, le droit du travail offre des exemples particulièrement
intéressants. Si, en cette matière, d’autres motifs, tels que la volonté de protéger la personne
faible qu’est le salarié, pourront être invoqués, il n’en reste pas moins, qu’en l’état actuel du
droit positif, le droit social atteste du faible rôle joué par la perte de confiance lors de la
rupture du contrat. Conclu intuitu personae, le contrat de travail « s’apparente à un acte de
confiance mutuelle entre l’employeur et l’employé »558. A ce titre, la disparition de la
confiance devrait permettre la rupture du contrat sans qu’aucun motif objectif ne doive être
invoqué. Un arrêt rendu le 29 mai 2001 par la Chambre sociale de la Cour de cassation est
venu affirmer le contraire559. A la fin des années 1980, une société embauche un directeur
administratif et financier avec pour mission principale la responsabilité de la comptabilité de
la société. Après avoir constaté plusieurs fautes de gestion et après l’avoir mis en garde à
plusieurs reprises, l’employeur décide de se séparer de son directeur. L’affaire est portée
devant les juges qui vont décider que la rupture du contrat de travail ne procède pas d'une
cause réelle et sérieuse. De façon tout à fait nette, la Cour de cassation va confirmer en tous
points l’arrêt de la Cour d’appel au motif que « la perte de confiance de l'employeur ne peut

553
Com., 28 juin 1994 : C.C.C., 1994, n° 218.
554
C.A., ROUEN, 3 novembre 1998 : Cahiers du droit de l’entreprise, 1999, n° 2, p. 32.
555
C.A., PARIS, 25 juin 2003 : D., 2004, Somm. 1159.
556
T.G.I., 5 novembre 2004.
557
Com., 12 mai 2004 - Bull. civ., 2004, IV, n° 86.
558
P. LEWY, D. DE LA BURGADE, « La relation de confiance dans l'occupation des emplois supérieurs de la
fonction publique territoriale », Act. juridique de la Fonction publique, 2003, pp. 16 et s..
559
Soc. 29 mai 2001 – Bull. civ., 2001, V, n° 285 : D., 2002, p. 921, note A. GARDIN.

124
jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement 560 même quand elle repose sur
des éléments objectifs ; que seuls ces éléments objectifs peuvent, le cas échéant, constituer
une cause de licenciement, mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour
l'employeur ». Pour la plupart des commentateurs, cette solution est celle qui est venue mettre
un terme définitif à l'invocation de la perte comme motif de licenciement561. Bien que certains
auteurs aient cru déceler, lors d’arrêts postérieurs, un retour à la légitimité de la rupture du
contrat de travail fondée sur une perte de confiance562, il est tout à fait certain, qu’en l’état
actuel du droit positif, cette crise de confiance doive être confortée par des éléments d’une
particulière gravité563. La solution précitée de 2001 a d’ailleurs été confirmée, dans un arrêt
très récent rendu le 7 décembre 2011, par la Chambre sociale de la Cour de cassation564.

204. La jurisprudence relative à la rupture du contrat de société ou à celle du contrat


d’entreprise confirme qu’une crise de confiance est souvent insuffisante à légitimer une
rupture unilatérale si elle n’est étayée par des éléments purement objectifs. A propos du
contrat de société, il a ainsi été jugé, à plusieurs reprises, que seule « la gravité de la faute
commise par la société X [était] de nature à justifier la rupture du contrat par la société
Y »565. Il en va de même en ce qui concerne le contrat d’entreprise alors même que la lettre de
l’article 1794 du Code civil aurait pu suggérer une solution différente. En effet, au terme de ce
texte, « le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, (…) ». Malgré cela,
les juges vérifient quasiment systématiquement la gravité des faits reprochés à
l’entrepreneur566. Très récemment, les magistrats de la Cour d’appel de VERSAILLES ont
d’ailleurs rappelé que lorsqu’ « aucun fait ne pouvait justifier une perte de confiance envers le
constructeur qui n'a commis aucune faute (…) la rupture du contrat est imputable au maître
de l'ouvrage seul »567. L’insuffisance de la confiance à propos de la rupture du contrat de
travail ou du contrat d’entreprise s’explique sans doute par des raisons économiques liée à la
volonté de protéger le cocontractant le plus faible. Mais, quoi qu’il en soit, cette jurisprudence

560
Nous soulignons.
561
Ibid..
562
A. ALBARIAN, op. cité, spéc. n° 232 et s., pp. 291 et s..
563
Voir, par exemple, l’arrêt rendu par la Chambre mixte de la Cour de cassation le 18 mai 2007 au terme duquel
les juges ont affirmé « qu'un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise ne permet pas en lui-même
de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel il est survenu ». Ch. Mixte, 18 mai 2007
– Bull. civ., 2007, Ch. mixte, n° 3 : JCP E., 2007, 1844, note C. PUIGELIER ; D., 2007, p. 2137, note J. MOULY.
564
Soc., 7 décembre 2011 – Pourvoi n° 09-67.367.
565
Com., 15 septembre 2009 – Pourvoi n° 08-15.872.
566
Voir références sous note 615 et 616.
567
C.A. VERSAILLES, 15 février 2010 – Juris-data n° 2010-001418. Les juges reprennent une idée déjà
avancée par des magistrats d’une autre Cour d’appel qui avait rappelé que la confiance étant une notion
subjective, il était tout à fait nécessaire de la justifier au regard des circonstances de l'espèce : C.A. AIX-EN-
PROVENCE, 7 novembre 2002 – Juris-data n° 2002-19965.

125
confirme que des éléments objectifs doivent être avancées pour que la rupture du contrat soit
entérinée, qu’il y ait – ou non – crise de confiance.

205. Confiance et rupture unilatérale du mandat. A notre sens, la faible influence de la


crise de confiance lors de la rupture d’un contrat est problématique si l’on considère que ce
sentiment fonde la force obligatoire du contrat. Dans cette perspective, en effet, la disparition
de la confiance devrait justifier à elle-seule, c’est-à-dire sans la démonstration d’un
quelconque autre motif ou sans l’intervention de l’autorité judiciaire, la disparition du contrat.

206. Il semble bien que, dans le mandat, un tel mécanisme existe. En effet, selon l’article
2004 du Code civil, « le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble »568, dès
lors que la confiance qu’il éprouvait envers son mandataire a disparu. Cette disposition, qui
consacre le principe de la révocation ad nutum, est particulièrement sévère pour le
mandataire. Mais elle trouve sa justification dans l'importance accordée à la confiance
initialement donnée par le donneur d’ordre à l’intermédiaire et dont elle constitue la
contrepartie569. Dans l'esprit, la disparition de celle-ci suffit à légitimer la disparition du
contrat, sans préavis ou même sans explication. Elle ne requiert aucune forme et peut être
expresse ou tacite570. Que le mandat ait été conclu pour une durée déterminée ou
indéterminée, « le mandant est libre de révoquer à tout moment son mandat »571.
Corrélativement, le mandataire dispose de la possibilité de se libérer du mandat dont il est
chargé572, faculté qui demeure interdite au fiduciaire573. Le contrat de mandat semble donc
bien reposer sur une relation de confiance particulière, spécifique, originale.

207. La révocation ad nutum des mandataires et la révocation ad nutum des dirigeants.


Il n’y a guère qu’en droit des sociétés que l’on retrouve quelques règles proches de celles de
la révocation ad nutum des mandataires. En effet, à propos de la révocation des dirigeants

568
Sur la révocation ad nutum voir not. FR. COLLART-DUTILLEUL et PH. DELEBECQUE, Contrats civils et
commerciaux, op. cité, n° 635, pp. 549 et s. ; PH. MALAURIE, L. AYNES, Les contrats spéciaux, op. cité, n° 555 et
s., pp. 298 et s. ; P.-H. ANTONMATTEI et J. REYNARD, Droit civil - Les contrats spéciaux, Lexisnexis, coll.
Manuels, 7ème édition, 2013, n° 508 et s., pp. 430 et s. ; J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la
collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les principaux contrats spéciaux, op. cité, n° 31273 et s., pp. 1123 et s..
569
A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 960, pp. 464 – 465 ;
FR. COLLART-DUTILLEUL et PH. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 635, pp. 549 et
s. ; PH. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux, op. cité, spéc. n° 555, p. 298.
570
Il s’agit, par exemple, de la nomination d’un nouveau mandataire : voir l’article 2006 du Code civil.
571
Civ. 1, 2 mai 1984 – Bull. civ., 1984, I, n° 143. Voir, à propos d’un mandat conclu pour une durée
déterminée : Civ. 3, 27 avril 1988 - Bull. civ., 1988, III, n° 80 : D., 1989, p. 351, note CH. ATIAS. « Le mandat
est librement révocable même si sa durée est déterminée. ». Pour un exemple concernant un mandat stipulé
irrévocable : Civ. 1, 5 février 2002 - Bull. civ., 2002, I, n° 40.
572
Article 2007 du Code civil : « Le mandataire peut renoncer au mandat, en notifiant au mandant sa
renonciation ».
573
Supra, n° 201.

126
sociaux, le législateur a admis que certains d’entre eux soient révocables « à tout moment ».
C’est l’hypothèse, par exemple, du Président du Conseil d’Administration de S.A. 574 ou du
Directeur de S.A.R.L. 575.

208. Il existe néanmoins plusieurs différences notables avec la révocation ad nutum des
mandataires. En effet, la révocation de certains d’entre eux (le gérant de S.A.R.L576, les
membres du directoire577, le Directeur général de S.A. 578) est subordonnée à la démonstration
de justes motifs ou, à tout le moins, d’une cause légitime579. Cette exigence suppose que
l’auteur de la révocation donne les raisons de sa décision, ce qui paraît aller à l'encontre du
caractère discrétionnaire de la révocation ad nutum. A l’inverse, le Président580 et les
membres du Conseil d’Administration581 sont révocables sans justes motifs. Pour cette raison,
le régime de cette révocation se présente comme une véritable révocation ad nutum. Mais, là
encore, il existe une différence avec la révocation ad nutum des mandataires. Afin de modérer
la précarité des fonctions des dirigeants de S.A., la révocation de ces dirigeants sociaux est
soumise, depuis un arrêt Pesnelle rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation
le 26 avril 1994582, au principe du contradictoire. Cette différence de nature procédurale avec
la révocation ad nutum des dirigeants sociaux ne transforme pas pour autant la nature de la
révocation dès lors que la sanction de l'irrégularité est, non pas la nullité de la décision prise,
mais la mise en œuvre de la responsabilité de l'auteur de la révocation583.

209. Synthèse. Cette comparaison entre la révocation des mandataires et celle des
dirigeants sociaux confirme l’importance du sentiment de confiance dans le mandat. Le
régime juridique de la révocation des dirigeants sociaux nous enseigne toutefois que le droit

574
Art. L. 225-47 du Code de commerce : « Le conseil d'administration peut le [le Président du C.A.]révoquer à
tout moment. » Nous soulignons.
575
Art. L. 225-55, al. 1 du Code de commerce : « Le directeur général est révocable à tout moment par le
conseil d'administration. » Nous soulignons.
576
Art. L. 223-25 du Code de commerce : « Le gérant peut être révoqué par décision des associés (…). Si la
révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts. » Nous soulignons.
577
Art. L. 225-61 du Code de commerce « Les membres du directoire ou le directeur général unique peuvent être
révoqués par l'assemblée générale, (…). Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à
dommages-intérêts. » Nous soulignons.
578
Art. L. 225-55, al. 2 : « Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-
intérêts. » Nous soulignons.
579
B. SAINTOURENS, « Société civile », in Répertoire de droit des sociétés, Dalloz, 2013, spéc. n° 79 – 80.
580
Voir l’article L. 225-47 du Code de commerce précité.
581
Art. L. 225-18, al. 2 du Code de commerce : « [Les administrateurs] peuvent être révoqués à tout moment par
l'assemblée générale ordinaire. » Nous soulignons.
582
Com., 26 avril 1994 – Pourvoi n° 92-15.884 ; Bull. civ., 1994, IV, n° 158 : Rev. sociétés, 1994, p. 725, note
D. COHEN ; R.T.D. Com., 1994, p. 736, obs. B. PETIT et Y. REINHARD ; Bull. Joly, 1994, p. 831, § 221, note P.
LE CANNU ; JCP E., 1995, II, n° 22369, note D. GIBIRILA.
583
Com., 26 avril 1994 : arrêt précité.

127
positif n’est pas indifférent au sort de ceux qui exercent une activité au bénéfice d’autrui.
Autrement dit, il semble que l’on trouve là un subtil équilibre entre deux intérêts contraires :
celui de la société et celui du dirigeant de société. Il n’en reste pas moins que la libre
révocabilité du mandat atteste de la spécificité du rôle joué par la confiance dans le cadre du
mandat, en particulier lorsque le contrat a été conclu pour une durée déterminée ou a été
stipulée irrévocable. Dans ces hypothèses, en effet, les parties s’étaient engagées fermement et
une telle solution n’allait pas de soi584. Certes, lorsque l’un des cocontractants se délie
prématurément d’un engagement qu’il avait pris fermement, ou lorsque la rupture porte
préjudice au partenaire contractuel, ce dernier ouvre la porte à une possible mise en œuvre de
sa responsabilité, mais cela n’atteint en rien la vigueur de la révocation ad nutum et, par voie
de conséquence, de l’intensité de la pénétration de la confiance dans le mandat.

B- La vigueur de la révocation ad nutum

210. Le caractère impératif de la révocation ad nutum. A propos du principe de la


révocation ad nutum, les professeurs MALAURIE, AYNES et GAUTIER ont écrit que l’ « on ne
peut concevoir de mandat que si le mandant a confiance dans le mandataire »585. Ils
expriment ainsi l’idée selon laquelle tout mandat est par principe révocable, qu’il ait été
conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. De ce fait, la prérogative définie par
l’article 2004 du Code civil est impérative et montre à quel point l’idée de confiance est au
cœur du mandat : ce texte reçoit une application sans faille, bien que la jurisprudence ait
admis quelques tempéraments586.

211. Au regard du principe de la force obligatoire du contrat, une telle solution ne


s’imposait pas. L’on aurait pu considérer, au contraire, que l’insertion d’un terme dans un
contrat aurait pu avoir pour conséquence principale de le rendre irrévocable pour la durée
déterminée. Mais, dans le mandat, l’intensité de la confiance contractuelle est telle que la libre
révocabilité du contrat est une prérogative dont le mandant n’est jamais privé. Fondement
essentiel du contrat de mandat, la confiance est essentielle et l’on ne peut imaginer qu’un

584
Infra, n° 337 et s..
585
PH. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux, op. cité, n° 555, p. 298.
586
Il s’agit, notamment, de l’abus de droit ou des clauses d’irrévocabilité que nous allons aborder dans quelques
lignes. Il s’agit, également, du mandat d’intérêt commun. Nous verrons ultérieurement que, dans cette hypothèse,
le tempérament consacré par la jurisprudence n’atteint pas directement la libre révocabilité du mandat mais
impose seulement l’indemnisation du mandataire. Infra, n° 337 et s..

128
mandat persiste alors même que la confiance a disparu. Cependant, lorsque le mandat a été
stipulé irrévocable, la révocation anticipée permet au mandataire de recouvrer son droit à
indemnité. Ainsi, un syndic de copropriété révoqué avant que la durée des fonctions n’ait
expiré peut obtenir l’allocation de dommages et intérêts, mais en aucun cas une obligation de
se maintenir dans le mandat ne peut être prononcée à l’encontre du mandant587. De ce point de
vue, l’insertion d’une clause d’irrévocabilité ne porte pas atteinte à l’essence du mandat
puisque son inexécution ne se résoudra pas autrement que par la mise en œuvre de la
responsabilité civile du mandant. Il en va de même de l’agent immobilier bénéficiaire d’un
mandat stipulé irrévocable et dont la mission spéciale de rechercher un acquéreur « ne prive
pas le mandant du droit de renoncer à l’opération »588. La jurisprudence a cependant précisé
que l’indemnisation du mandataire n’avait plus lieu lorsque la révocation anticipée du mandat
était motivée par une faute relevée à l’encontre du mandataire. Ainsi, dans un arrêt rendu par
la première chambre civile le 23 mai 1979, la Cour de cassation a rappelé que « s'il est loisible
aux parties de stipuler que le mandat ne pourra être révoqué sans que le mandataire reçoive
une indemnité, cette dérogation au principe posé par l'article 2004 du Code civil ne
s'applique pas lorsque la révocation du mandat est rendue nécessaire par une faute imputable
au mandataire »589.

212. Une seule limite : l’abus de droit. L’impossibilité de priver le mandant de son droit
de rompre unilatéralement le mandat montre que la confiance est véritablement un élément
constitutif du contrat de mandat. Mais la révocation ad nutum n’autorise pas le mandant à user
d’une totale liberté dans l’exercice de ce droit. Dans une hypothèse, l’abus de droit, ce dernier
peut voir sa responsabilité engagée. De manière générale, il s’agira de la rupture brutale qui
ne repose sur aucune raison valable ou qui est motivée par une intention de nuire590. Il en va
ainsi de la révocation d’un agent publicitaire par une association alors même qu’aucune
« considération relative aux prix pratiqués ou à la qualité de ses services » n’était
constatée591, ou encore de la révocation intempestive alors même qu’aucun reproche ou
aucune faute ne fut relevée à l’encontre du mandataire durant l’exercice de ses fonctions 592,
ou enfin de la révocation d’un mandataire qui avait pourtant « largement contribué au

587
Civ. 3, 27 avril 1988, précité.
588
Civ. 1, 30 mai 2006 - Bull. civ., 2006, I, n° 269 : C.C.C., 2006, comm. n° 1, note L. LEVENEUR.
589
Civ. 1, 23 mai 1979 - Bull. civ., 1979, I, n° 153.
590
Com., 7 juillet 1992 – Pourvoi n° 90-17.885 ; Req., 30 octobre 1940 : G.P., 1940, 2, p. 262 ; Civ. 3, 27 mars
1973 : D., 1973, I.R., p. 110. Voir également Civ. 3, 27 mars 1973 : D., 1973, I.R., p. 110 ; Civ. 1, 2 mai 1984 -
Bull. civ., 1984, I, n° 143.
591
Com., 4 mai 1982 - Bull. civ., 1982, IV, n° 149.
592
Civ. 3, 27 mars 1973 : arrêt précité.

129
lancement des produits »593. En revanche, au regard de la nature du droit, c’est naturellement
au mandataire que reviendra la charge de démontrer l’abus de droit et le caractère
dommageable de la rupture.

213. Reste à qualifier le fondement de cette responsabilité. Sur ce point, la controverse est
abondante. Si pour les uns il s’agit d’une faute contractuelle594, puisque relative à un droit
contractuel, pour les autres c’est une faute délictuelle595 car c’est le droit commun de l’abus
de droit qui doit s’appliquer. En pratique, la jurisprudence a adhéré à cette théorie puisque
c’est toujours sur le fondement de l’article 1382 du Code civil qu’elle sanctionne le
mandant596. Ainsi, dans un arrêt rendu le 27 octobre 1998 par la Chambre commerciale, la
Cour de cassation a, au visa de l’article 1382 du Code civil, retenu la responsabilité du
mandant qui avait rompu de manière abusive le contrat qui le liait à son agent597.

214. Confiance et intuitus personae. L’examen du régime de la révocation ad nutum


montre à quel point le maintien du mandat est lié à la conservation de la confiance du
mandant envers le mandataire. En cela, la confiance se démarque effectivement de l’intuitus
personae. Si ce caractère traduit sans doute l’idée de confiance au moment précis de la
naissance du contrat, ce caractère ne disparaît pas et ne peut légitimer, à lui seul, la disparition
du contrat. Il serait vain de nier, en effet, que le contrat de mandat n’a plus été conclu en
considération de la personne du mandataire parce qu’ultérieurement la confiance dans le
cocontractant a disparu. De ce point de vue, l’intuitus personae se distingue de la confiance ce
qui signifie que tous les contrats intuitus personae ne seront pas nécessairement soumis au
même régime en ce qui concerne la confiance.

215. En revanche, il est désormais possible d’affirmer que la confiance est bel et bien le
cœur du mandat. C’est la raison pour laquelle nous pensons que, lors de l’exécution du
mandat, cette confiance exerce un rôle particulier. Par voie de conséquence, une violation de
la confiance pourrait être source de responsabilité.

593
Com., 12 décembre 1967 - Bull. civ., 1967, III, n° 411 : JCP G. 1968, II, 15534, note J. HEMARD.
594
Dans ce sens : J. GHESTIN, « L'abus dans les contrats », G.P., 1981, 2, Doctr. p. 379 ; PH. STOFFEL-MUNCK,
L’abus dans le contrat : essai d’une théorie, préface de R. BOUT, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé,
Tome 337, 2000 ; P. ANCEL, Critères et sanctions de l'abus de droit en matière contractuelle, Cahiers du droit
de l’entreprise, 1/1999, pp. 30 et s..
595
En ce sens : Com., 3 décembre 1963 - Bull. civ., 1963, III, n° 520 : J.C.P. G., 1964, II, 13512 ; R.T.D. Com.,
1964, p. 376, obs. J. HEMARD ; D., 1964, somm., p. 70. Com., 27 octobre 1998 - Bull. civ., 1998, IV, n° 256 :
R.J.D.A., 1999, n° 32.
596
Ibid..
597
Com., 27 octobre 1998 - Bull. civ., 1998, IV, n° 256 : arrêt précité.

130
§2- La mise en œuvre de la confiance du mandant

216. Plan. La reconnaissance d’un lien de confiance spécifique dans le mandat suggère
l’existence de règles particulières. A ce stade de nos développements, l’influence de la
confiance n’a été perçue qu’au moment de son extinction avec le mécanisme particulier de la
révocation ad nutum. Mais si le droit offre au mandant la possibilité de se délier de son
engagement sans préavis, sans justification et sans sanction, nous pensons que cette protection
doit s’étendre, d’une manière ou d’une autre, à l’exécution du contrat de mandat. L’idée
d’obligations fondées sur la confiance s’impose alors comme une réponse possible. Il
s’agirait, chaque fois que cela est possible, d'apprécier leur intensité en fonction d’éléments
ayant pu alimenter ce sentiment de confiance. Par exemple, dans l’hypothèse où ce sont des
compétences professionnelles qui ont incité le mandant à contracter, la mauvaise exécution de
l’obligation de diligence devrait être corrigée plus sévèrement. Dans cette optique, la
responsabilité, qui viendrait sanctionner leur violation, serait la mesure de la confiance
initialement exprimée (A). La prépondérance de la confiance dans le mandat nous invite alors
à penser que l’exercice même du pouvoir de représentation s’en ressent (B).

A- Le respect d’obligations fiduciaires

217. La place de la confiance dans le trust anglo-saxon et dans la fiducia romaine.


L’importance particulière de la confiance dans le mandat fait naturellement songer à la notion
de « fiduciary relationship »598 du droit anglo-saxon. Cette relation particulière, fondée sur la
confiance, « est ainsi qualifiée chaque fois que l'equity impose à la personne investie d'une
mission de confiance des obligations qui l’empêchent d'abuser de cette dernière »599.
L’illustration la plus emblématique de cette « fiduciary relationship » est sans aucun doute le
trust anglo-américain qui est l’instrument juridique permettant de séparer la titularité et la

598
Sur ce thème voir not. M.-F. PAPANDREOU-DETERVILLE, Le droit anglais des biens, Avant-propos de CL.
WITZ, préface de G. SAMUEL, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 418, 2004, spéc. n° 605, pp. 423
et s. ; F. BARRIERE, La réception du trust au travers de la fiducie, préface de M. GRIMALDI, Litec, Coll.
Bibliothèque de droit de l'entreprise, 2004, spéc. n° 338, pp. 261 et s..
599
M.-F. PAPANDREOU-DETERVILLE, op. cité, spéc. n° 605, pp. 423 – 424.

131
charge de biens ou droits de leurs bénéfices600. Ce mécanisme réalise donc l'idée d'un
patrimoine d'affectation, théorie longtemps ignorée du droit français601.

218. En raison des demandes insistantes de certains professionnels et des besoins de la


pratique, une institution équivalente a finalement été introduite, il y a peu, dans notre droit
positif602. Dénommé « fiducie », elle doit son nom à la fiducia romaine dont elle est
l'héritière603. Cette appellation évoque directement Fides, la déesse romaine de la fidélité et du
respect de la parole donnée. Autrement dit, dès ses origines les plus lointaines, l’idée d'une
confiance particulière est au cœur de l’institution. La formation de la fiducia en est d'ailleurs
caractéristique. Pour exister, celle-ci suppose la réunion de deux éléments : un transfert de

600
Pour des références générales sur le trust anglo-saxon voir, en priorité, la thèse très complète de Madame
PAPANDREOU-DETERVILLE : M.-F. PAPANDREOU-DETERVILLE, op. cité. Voir également : F. BARRIERE, thèse
précitée ; P.-F. CUIF, Le contrat de gestion, préface de L. AYNES, Economica, Coll. Recherches juridiques, 2004,
spéc. n° 40 et s., pp. 45 et s. ; O. MORETEAU, Droit anglais des affaires, op. cité, spéc. n° 603, pp. 350 – 351..
Voir enfin, le dossier « Trusts : quelles perspectives pour l’optimisation patrimoniale ? », Droit et patrimoine,
décembre 2004, pp. 59 et s. et en particulier l’article de Monsieur TIRARD qui donne quelques points de repère
sur la notion de trust et effectue une comparaison avec des mécanismes du droit français. J.-M. TIRARD, « Trust
patrimonial et droit fiscal français », Revue Droit et patrimoine, op. cité, spéc. pp. 60 et s..
601
Depuis Charles AUBRY et Charles RAU, le patrimoine est indivisiblement lié à la personnalité juridique.
(C. AUBRY et C. RAU, Droit civil Français, Tome 9, Filiations - Successions, par P. ESMEIN, PARIS, Librairies
techniques, 6ème édition, 1953, § 573, pp. 305 et s. et plus spéc. § 575, pp. 310 et s..) Depuis lors, selon une
opinion couramment admise, « toute personne a nécessairement un patrimoine (…) » et « la même personne ne
peut avoir qu’un seul patrimoine ». (C. AUBRY et C. RAU, op. cité, spéc. § 573, p. 307.)
Il en résulte une incompatibilité théorique entre le droit français d’une part et l’idée d’un patrimoine
d’affectation d’autre part. Malgré certaines critiques, parfois virulentes (à ce propos voir, en particulier la thèse
de Monsieur HIEZ qui préconise l’abandon pur et simple de la notion de patrimoine, du moins dans son sens
technique : D. HIEZ, Étude critique de la notion de patrimoine en droit privé actuel, préface de PH. JESTAZ,
L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 399, 2003), la théorie d’AUBRY et RAU a résisté au temps.
Les réflexions relatives à l’unité ou la divisibilité du patrimoine en droit français sont très nombreuses
mais le débat sur la reconnaissance d’un patrimoine d’affectation dans notre droit a été récemment relancé avec
la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée a été relancé.
Aussi mentionnerons-nous, parmi les très nombreux travaux sur ce thème, quelques commentaires postérieurs à
ce texte. A ce propos, voir le commentaire de Monsieur SAINTOURENS qui considère que le législateur s’est
affranchi de la théorie de l'unicité du patrimoine en permettant à un professionnel de créer un patrimoine
distinct : B. SAINTOURENS, « L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée - Commentaire de la loi n° 2010-
658 du 15 juin 2010 », Revue des sociétés, 2010 pp. 351. Voir également : A.-M. LEROYER, « Entrepreneur
individuel à responsabilité limitée - Loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 », R.T.D. Civ., 2010, p. 632 ; A.-L.
THOMAT-RAYNAUD, « Le patrimoine d’affectation : réflexions sur une notion incertaine », Revue Lamy Droit
Civil, 2010, n° 72. Pour une approche originale, voir l’article de Monsieur BERLIOZ pour qui l’idée d’affectation
n’est pas, en réalité, pas étrangère à la théorie d’AUBRY et RAU mais se heurtait, jusqu’à la loi du 15 juin 2010, à
différents obstacles (dont l'obligation, pour les créanciers non bénéficiaires de l’affectation, de ne pas agir sur les
biens affectés ; et l’obligation, pour les créanciers bénéficiaires de l’affectation, de n'exercer leurs poursuites que
sur les biens affectés) et à un formalisme très lourd. P. BERLIOZ, « L'affectation au cœur du patrimoine », R.T.D.
Civ., 2011, p. 635. Pour une opinion favorable au maintien de la théorie de l’unité du patrimoine voir : M.
MEKKI, « Le patrimoine aujourd'hui », JCP G., 2011, 1258.
602
Il s’agit de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 qui a introduit la fiducie dans notre droit.
603
En ce sens voir, F. BARRIERE, op. cité, spéc. n° 17, p. 35 ; V. EDEL, La confiance en droit des contrats, op.
cité, spéc. n° 7 et s., pp. 20 et s.. Voir également J.-PH. DOM, « La fiducie-gestion et le contrat de société »,
Revue des sociétés, 2007, pp. 481 et s., spéc. n° 2 et 3 ; CH. LARROUMET, « La loi du 19 février 2007 sur la
fiducie : Propos critiques », D., 2007, pp. 1350 et s., spéc. n° 1 et , du même auteur, « La fiducie inspirée du
trust », D., 1990, pp. 119 et s., spéc. n° 3 ; CL. WITZ, « Fiducie – Introduction et constitution », in J.Cl. Civil
Code, « Art. 2011 à 2030 », Fasc. 10, 2012, spéc. n° 2.

132
propriété (la datio) et l'engagement du fiduciaire d'utiliser les droits transmis en conformité
avec l'intention du constituant604. Ce second élément, appelé « pactum fiduciae », est, pour la
plupart des auteurs, l'élément caractéristique de la fiducie605. Il venait limiter les effets du
transfert de propriété en encadrant l'action du fiduciaire. De ce point de vue, c’est bien
l’expression de cette confiance qui, en lui donnant vie, donne à l’institution son originalité.

219. A notre connaissance, l’on ne retrouve pas, en droit français ou en droit comparé, de
formalité approchante qui montre toute l’importance du rôle de la confiance au sein d’un
rapport contractuel ou institutionnel. Néanmoins, dans les droits de la common law, il est tout
à fait certain que l’idée d’une relation fondée essentiellement sur la confiance - la « fiduciary
relationship » - constitue le cœur même du trust606. La proximité entre ce mécanisme et une
institution fiduciaire à la française607 laisse penser que le législateur a introduit dans notre
droit une forme particulière de confiance qui exerce, sur le régime juridique d’un contrat, un
rôle particulier. C'est la raison pour laquelle une analyse conjointe du trust et de la fiducie
permettra de rendre compte des répercussions possible d’une confiance spécifique sur des
règles juridiques. Pour notre sujet, l’intérêt est de montrer de quelle manière un principe de
confiance a pu influencer le régime juridique d’un contrat afin de rechercher, ensuite,
comment cette confiance spécifique a pu se répercuter sur le contenu des règles du mandat.
Indirectement, ces éléments pourraient apporter quelques éléments de réponse sur la manière
de concevoir la responsabilité civile dans le mandat ou, à tout le moins, préciser le contenu de
certaines obligations caractéristiques.

604
F. BARRIERE, op. cité, spéc. n° 23 et s., pp. 39 et s..
605
F. BARRIERE, op. cité, spéc. n° 26 et s., pp. 41 et s. ; V. EDEL, op. cité ; R. JACQUELIN, De la fiducie, sous la
direction de PH. JALABERT, PARIS, A. Giard, Librairie-Editeur, 1891, spéc. n° 3 et s., pp. 9 et s..
606
En ce sens voir F. BARRIERE, op. cité, spéc. n° 338, pp. 261 et s.. Voir également les propos tenus par
Monsieur CUIF qui montre que le contenu de la relation fiduciaire est organisé autour de la protection des droits
du bénéficiaire et des obligations du trustee. P.-F. CUIF, Le contrat de gestion, op. cité, spéc. n° 44, pp. 48 et s..
Comparer avec les travaux de Madame THOMAT-RAYNAUD qui préconise de définir avec précision les contrats
fiduciaires qui permettraient l’affectation de certains biens à un patrimoine distinct de celui du propriétaire. A.-L.
THOMAT-RAYNAUD, op. cité, spéc. n° 994, pp. 451-452.
607
Pour une comparaison entre le trust et la fiducie voir la thèse précitée de Monsieur BARRIERE. Voir également
F. BARRIERE, « La loi instituant la fiducie : entre équilibre et incohérence », JCP E., 2007, 2053 ; S. NAHON,
« La fiducie à la française : mythe ou réalité », Revue Lamy Droit des Affaires, 2007, n° 13 ; E. SENECAL, «Un
trust, version française », JCP G., 2007, n° 27, act. 316 ; CL. WITZ, « La fiducie française face aux expériences
étrangères et à la convention de La Haye relative au trust », D., 2007, pp. 1369 et s. qui rappelle que le trust a été
fréquemment invoqué lors des travaux préparatoires de la loi du 19 février 2007.
Pour une opinion nettement plus nuancée voir le commentaire de Monsieur LARROUMET sur la loi du 19
février 2007 qui souligne les différences entre le trust et la fiducie : CH. LARROUMET, « La loi du 19 février 2007
sur la fiducie : propos critiques », art. précité. Dans le même sens : PH. MARINI, « Enfin la fiducie à la française
! », D., 2007, pp. 1347 et s.. Il convient de souligner que, généralement, la fiducie est considérée comme une
pâle copie du trust.

133
220. Le rôle de la confiance dans le trust et la fiducie française. Concrètement, dans la
Common law, l’importance accordée à la « fiduciary relationship » se caractérise au travers
d’obligations spécifiques qualifiées de fiduciaires608 : les fiduciary duties. « La particularité
de cette relation implique de mettre à la charge du fiduciaire-trustee des obligations afin de
s’assurer de la bonne réalisation de l’affectation. Il s’agit d’une obligation à deux facettes, se
composant du devoir de loyauté et du devoir d’attention. Cette obligation prend le nom de
fiduciary duties ou obligation fiduciaire »609. A notre sens, l’existence même de ces
obligations démontre l’importance fondamentale de la confiance dans l’institution. Le
constituant se place dans une situation périlleuse en accordant de larges pouvoirs à un tiers,
mais il prend toutes les précautions utiles en imposant à ce gérant certaines obligations très
strictes sanctionnées, si besoin est, rigoureusement610.

221. Ainsi, conformément à son devoir de diligence, le trustee doit agir avec soin et
compétence en fonction des qualités qui sont les siennes611. A défaut, ce dernier est
personnellement tenu de toutes les pertes subies612. Si la loi française n’évoque pas
expressément l’existence d’un tel devoir613, l’article 2026 du Code civil affirme cependant
que « le fiduciaire est responsable, sur son patrimoine propre, des fautes qu'il commet dans
l'exercice de sa mission ». A la lecture de ce texte, l’on comprend aisément que le fiduciaire
répond de ses fautes de gestion. Or, pour un auteur, celles-ci ne sont rien d’autre que la
608
En ce sens : F. BARRIERE, La réception du trust au travers de la fiducie, spéc. n° 555 et s., pp. 440 et s. ; PH.
DIDIER, De la représentation en droit privé, thèse précitée, n° 224 et s., pp. 173 et s., spéc. n° 239 et s., pp. 183
et s. ; M.-F. PAPANDREOU-DETERVILLE, op. cité, spéc. n° 603 et s., pp. 419 et s..
609
F. BARRIERE, op. cité, spéc. n° 555, pp. 440 – 441.
610
Supra, n° 191 et s..
611
Pour certains auteurs, les tribunaux anglo-saxons seraient en effet plus rigoureux envers le trustee
professionnel qu’envers le trustee profane (F. BARRIERE, op. cité, spéc. n° 558, p. 452). En tout état de cause, le
Trustee act de 2000 préconise d’apprécier le degré de diligence selon les connaissances ou la professionnalité du
trustee. Au terme du premier article du texte précité, il est en effet précisé que « Whenever the duty [of care]
applies to a trustee, he must exercise such care and skill as is reasonable in the circumstances, having regard in
particular : (a) to any special knowledge or experience that he has or holds himself out as having, and (b) if he
acts as trustee in the course of a business or profession, to any special knowledge or experience that it is
reasonable to expect of a person acting in the course of that kind of business or profession (…) » qui signifie que
« Chaque fois que le devoir, [de diligence] s'applique à un fiduciaire, il convient de l’apprécier compte tenu en
particulier (a) des connaissances particulières ou de l’expérience qu'il possède ou dit posséder, et (b) s’il agit à
titre de fiduciaire dans le cadre d'une entreprise ou d'une profession, des connaissances ou de l’expérience
particulière qu'il est raisonnable d'attendre d'une personne agissant dans le cadre de ce genre d'entreprise ou de
profession ».
Cela étant dit, la jurisprudence anglo-saxonne demeure attachée à une appréciation de l’intensité de
l’obligation en fonction de la rémunération ou de la gratuité de l’activité du trustee (F. BARRIERE, op. cité, spéc.
n° 579, p. 458 ; M.-F. PAPANDREOU-DETERVILLE, Le droit anglais des biens, op. cité, spéc. n° 721 et s., pp. 522
- 523). Néanmoins, il s’agit là d’une différence importante avec le droit français et notamment avec l’examen de
la responsabilité du mandataire puisque, nous le verrons, les juges observent quasi-exclusivement le mode
d’intervention, gratuit ou rémunéré, du mandataire.
612
M.-F. PAPANDREOU-DETERVILLE, op. cité, spéc. n° 722, pp. 522 – 523.
613
Il convient en effet de remarquer que, dans la loi du 19 février 2007, le terme « obligation de diligence »
n’apparaît jamais.

134
violation d’une obligation de diligence dont elles sont la face négative 614. Autrement dit,
l’expression utilisée dans ce texte indiquerait l’existence d’une telle obligation. De même, le
trustee, comme le fiduciaire, a l’obligation d’agir en conformité avec l’affectation des biens
fiduciés (les pouvoirs dont ce dernier est titulaire ont été déterminés par un acte constitutif
initial)615 et de toujours privilégier les intérêts du trust ou de la fiducie616. En d’autres termes,
il s’agit, dans la mesure du possible, d’éviter les conflits d’intérêts. Dans cette optique, le
gérant a l’interdiction d’acquérir ou de tirer profit de l’un des biens affectés 617. A nouveau les
sanctions sont relativement lourdes puisqu’en toutes hypothèses, les biens ou profits acquis
illégalement devront être restitués618. En droit français, une règle équivalente a été édictée à
l’article 1596 du Code civil qui prohibe à certains individus (dont le fiduciaire) l’acquisition
des biens qu’ils sont chargés de gérer pour autrui619.

222. La confiance dans le mandat. A plusieurs égards, la présentation ainsi faite de


l’obligation fiduciaire évoque certains aspects du régime juridique du mandat. La
représentation que le mandat implique porte en elle la même ambiguïté que celle relative à la
notion de confiance620 entre, d’une part, la fragilité du représenté à laisser un tiers agir à sa
place et, d’autre part, la volonté de ce dernier de minimiser les risques. Un auteur a ainsi
montré que toute situation de représentation doit faire naître, à la charge du représentant, des
obligations fiduciaires comportant une facette « devoir de diligence » et une facette « devoir
de loyauté »621. Ainsi, de la même manière que le fiduciaire, le mandataire est titulaire de
larges pouvoirs et, de la même manière que le fiduciaire, le mandataire doit agir avec soins et
compétences622, selon les instructions reçues623 en évitant toutes situations de conflit624. A la
lumière de ces développements, il semble que les obligations dont le mandataire est tenu
puissent être comparées aux obligations fiduciaires imposées au trustee ou au fiduciaire625.
Cette proximité entre les obligations de l’un et les obligations de l’autre donne à penser que la
614
PH. DIDIER, op. cité, spéc. n° 237, p. 181.
615
M.-F. PAPANDREOU-DETERVILLE, op. cité, spéc. n° 720, p. 521.
616
M.-F. PAPANDREOU-DETERVILLE, op. cité, spéc. n° 725, pp. 524 et s. ; F. BARRIERE, op. cité, spéc. n° 556 et
s., pp. 441 et s..
617
Ibid..
618
F. BARRIERE, op. cité, spéc. n° 559 et s., pp. 443 et s. ; M.-F. PAPANDREOU-DETERVILLE, op. cité, spéc. n°
726, pp. 524 et s..
619
Art. 1596 du Code civil : « Ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni
par personnes interposées : (…) Les fiduciaires, des biens ou droits composant le patrimoine fiduciaire.
620
Supra, n° 191 et s..
621
PH. DIDIER, op. cité, spéc. n° 220 et s., p. 171 : l’auteur propose d’instaurer un « contrôle fiduciaire » chaque
fois qu’un représentant agit pour le compte et au nom d’un représenté.
622
Infra, n° 250 et s..
623
Infra, n° 290 et s..
624
La prohibition définie par l’article 1596 du Code civil est en effet applicable au mandataire.
625
Infra, n° 220 et s..

135
relation mandant – mandataire se fond dans le concept de « fiduciary relationship ». Par
conséquent, le régime juridique de l’exécution du mandat s’appuie bel et bien sur la
reconnaissance d’une confiance particulière. Concrètement, il conviendra toutefois de vérifier,
lors de l’examen des règles de responsabilité civile, que l’appréciation de la gravité de la
violation de l’obligation dite fiduciaire par le mandataire fait l’objet d’une analyse concrète,
de la même manière que la responsabilité du trustee dépend de ses qualités personnelles.

223. Néanmoins, la proximité entre les obligations du trustee, celles du fiduciaire et celles
du mandataire ne montre pas encore en quoi la confiance dans le mandat serait supérieure,
d’une manière ou d’une autre, à celle présente dans le trust ou la fiducie, alors même que
l’existence d’un droit de rupture unilatérale suggérait le contraire. Nous allons donc
rechercher si, dans le cadre plus spécifique de l’exercice du pouvoir de représentation, le
sentiment de confiance exprimé par le mandant au mandataire exerce une influence
particulière.

B- L’indisponibilité du pouvoir

224. Plan. Ainsi que l’a affirmé le professeur BENABENT626, l’exercice d’un pouvoir de
représentation ne se conçoit pas sans une certaine dose de confiance. La confiance étant, avant
tout, un lien personnel, il semble impossible d’admettre que le mandataire puisse disposer
librement du pouvoir de représentation qui lui a été confié. La nature subjective du lien de
confiance n’interdit pas, toutefois, que le titulaire du pouvoir de représentation fasse appel aux
services d’un tiers dans l’accomplissement de sa mission. En effet, en insérant, dans l’article
1994 du Code civil, une disposition selon laquelle « le mandataire répond de celui qu'il s'est
substitué dans la gestion », le législateur de 1804 a expressément autorisé le mandataire à se
substituer un tiers dans sa mission. Cette possibilité, loin d’être évidente, a fait l’objet de
débats houleux lors des travaux préparatoires du Code civil (1). Les opposants à la
substitution de mandataire avaient sans doute tort de voir, dans cette institution, une atteinte à
la personnalité du lien de confiance tant les règles qui la composent montrent à quel point
celle-ci est préservée (2). Autrement dit, si le mandataire dispose du droit de se substituer un
tiers, il lui est interdit de céder le pouvoir dont il est titulaire.

626
A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 961, p. 465.

136
225. La réception de la substitution de mandataire dans notre droit positif confirme
l'originalité de la confiance dans le mandat par rapport à d'autres contrats pour lesquels l'idée
de confiance est forte. Dans la fiducie par exemple il ne semble pas que celle-ci ait été
autorisée, bien que le législateur ne l’ait pas expressément interdite. Mais, selon l’article 2019
du Code civil, le contrat de fiducie (comportant, notamment, l’identité du fiduciaire) et ses
avenants doivent faire l’objet d’une publication au service des impôts. Autrement dit, l’Etat
conserve un droit de regard sur l’activité des fiduciaires alors qu’il accorde toute liberté au
mandataire. C’est là un signe caractéristique de la confiance accordée au second et de la
méfiance éprouvée à l’égard du premier627.

1- L’autorisation de la substitution de mandataire

226. La substitution de mandataire628 avant le Code de 1804. Avant le Code civil, le


mécanisme de la substitution de mandataires demeurait à l’état « embryonnaire »629. Le droit
romain et l’Ancien droit l’ignoraient très largement, pour des raisons différentes cependant. Si
le premier admettait un mandat, il s’agissait toutefois d’une figure très différente de celle que

627
La mesure, prévue pour des raisons fiscales, avait pour objectif de lutter contre tout risque de fiducie occulte.
(En ce sens : G. BLANLUET, J.-P. LE GALL, « La fiducie, une œuvre inachevée. Un appel à une réforme après la
loi du 19 février 2007 », JCP G., 2007, I, 169, n° 27, spéc. n° 18 et s..) Quoi qu’il en soit, cette disposition
atténue l’influence que la confiance exerce sur le régime juridique du contrat de fiducie.
628
Pour des références sur l’institution de la substitution de mandataire, voir la très belle thèse de B. MALLET-
BRICOUT, La substitution de mandataire, préface de CH. JAMIN, éditions Panthéon-Assas, coll. droit privé, 2000.
Voir également la thèse de N. JEULAND, Essai sur la substitution de personne dans un rapport d'obligation,
préface de L. CADIET, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 318, 1999 et celle de PH. PETEL, Les
obligations du mandataire, préface de M. CABRILLAC, Litec, coll. Bibliothèque Droit de l’entreprise, Tome 20,
1988, spéc. n° 286 et s., pp. 183 et s.. Pour des références plus générales voir en particulier les ouvrages de A.
BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 929, pp. 443 et s. ; FR.
COLLART-DUTILLEUL et PH. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 637, pp. 552 et s. ;
J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les principaux
contrats spéciaux, ouvrage précité, spéc. n° 31116, p. 1003 ; PH. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, Les
contrats spéciaux, op. cité, spéc. n° 561, pp. 305 - 306 et les articles de M. MEKKI, « Mandat – Obligations du
mandataire à l'égard du mandant et des tiers », in J.Cl. Civil Code, « Art. 1991 à 2002 », Fasc. 10, 2010, spéc. n°
47 et s. ; PH. LE TOURNEAU, « Mandat », in Répertoire civil, Dalloz, 2012, spéc. n° 239 et s.. Enfin, sur la
substitution de mandataires en droit romain et dans l’ancien droit, voir M. DELAMARRE, M. LE POITVIN, Traité
du contrat de commission, PARIS, éd. DELAMOTTE Aîné, 1841, spéc. n° 49 et s., pp. 119 et s. ; M. DUPIN,
Œuvres de Pothier contenant les Traités du Droit français, Tome 3, Traité du Contrat de mandat,
BRUXELLES, H. Tarlier, Libraire-Editeur, 1831, spéc. n° 99, pp. 258 et 259 ; P.-A. FENET, Recueil complet des
travaux préparatoires du Code civil, op. cité, Tome XIV, spéc. pp. 572 et s., voir également p. 599 ; J.-P.
MOLITOR, Les obligations en droit Romain – Cours professé à l’Université de Gand, publications posthumes
d’après les manuscrits de l’auteur, Tome 2, GAND, éd. L. HEBBELYNCK, 1852, spéc. n° 749 et s., pp. 420 et s. ;
R.-TH. TROPLONG, Le droit civil expliqué – Du mandat, op. cité, Article 1994, n° 445 et s., pp. 423 et s..
629
Nous empruntons l’expression à Blandine MALLET-BRICOUT, thèse précitée, n° 12 p. 20.

137
nous connaissons aujourd’hui. Conclu à titre gratuit et sans représentation parfaite630, le
mandat était souvent donné à une personne dite en puissance, fils, ami ou affranchi 631. De ce
point de vue, le mandat romain est véritablement une histoire d’amitié et de confiance, « et
rien au monde n’est plus personnel que la confiance »632. De fait, « la loi romaine ne prévoit
même pas le cas d’une substitution »633 et celle-ci ne sera d’ailleurs que peu ou prou abordée
par la doctrine romaniste634. A peine relève-t-on l’obligation pour les héritiers de « poser tous
les actes de conservation dont ils sont capables »635 car « ils agiraient contre la bonne foi
s’ils ne le faisaient pas »636. Toutefois, il ne faut pas voir là une forme de « substitution post-
mortem637 »638 car, en tout état de cause, après la mort du mandataire, ses héritiers « n’ont
plus ni droit ni obligations d’exécuter le mandat »639, précisément parce qu’il s’agit d’un
« acte de confiance »640.

227. L’ancien droit, en revanche, ignora le contrat lui-même jusqu’à une époque tardive
puisque c’est seulement à partir du XIIIème siècle que cette figure réapparut peu à peu641, sans,
pour autant, que le mécanisme de la substitution ne fut abordé. Seul POTHIER l’évoquera avec

630
Supra, n° 9 et n° 56 et s.. La représentation n’a été admise que tardivement en droit romain et sous une seule
forme : la forme imparfaite. Profondément pragmatique, la pensée romaine était en effet imperméable à des
abstractions trop théoriques.
631
Supra, n° 4, 52 et 56 et s..
632
J.-J. CLAMAGERAN, Du louage d’industrie, du mandat et de la commission, en droit romain, dans l’ancien
droit français et dans le droit actuel, PARIS, 1856, éd. A. DURAND, spéc. n° 67, p. 61.
633
M. DELAMARRE, M. LE POITVIN, Traité du contrat de commission, op. cité, spéc. n° 54, p. 125.
634
Parmi d’autres, voir par exemple : J.-J. CLAMAGERAN, op. cité, spéc. n° 67, p. 61 ; P.-F. GIRARD, Manuel
élémentaire de droit privé, ouvrage précité, spéc. pp. 623 et s. ; J.-P. MOLITOR, Les obligations en droit Romain
– Cours professé à l’Université de Gand, ouvrage précité, spéc. n° 749 et s., pp. 420 et s.. Voir également M.
DELAMARRE, M. LE POITVIN (Traité du contrat de commission, op. cité) , qui l’excluent purement et simplement
(M. DELAMARRE, M. LE POITVIN, ibid., spéc. n° 54, p. 125). Pour une opinion contraire et sans doute isolée voir
la thèse de Gustave LE JOLIS qui estime au contraire « que les textes ne peuvent laisser douter que le fait de se
substituer un tiers ne fut parfaitement autorisé à Rome ». G. LE JOLIS, Du Mandat et de la commission, en droit
romain, dans notre ancien droit et dans notre droit actuel, PARIS, éd. Pédone, 1881, spéc. n° 334, p. 274.
635
J.-P. MOLITOR, op. cité, spéc. n° 737, p. 405.
636
Ibid..
637
Le mandat post-mortem est un mandat continué, c’est-à-dire que le mandataire continue d’agir au nom et pour
le compte des héritiers de la même manière qu’il agissait pour le défunt. Les premiers se trouvent donc engagés
dans les mêmes conditions que l’aurait été le second. Un tel résultat n’est pas admissible dans le mandat de droit
romain. Sur le mandat post-mortem : PH. LE TOURNEAU, « Mandat », op. cité, spéc. n° 421 et s. ; G. WICKER,
« Successions – Mandats successoraux - Le mandat à effet posthume », op. cité, spéc. n° 16. Sur les
conséquences du décés du mandant en droit romain : J.-J. CLAMAGERAN, op. cité, spéc. n° 67, p. 60 ; M.
DELAMARRE, M. LE POITVIN, Traité du contrat de commission, op. cité, spéc. n° 440 et s., pp. 787 et s. ; P.-F.
GIRARD, Manuel élémentaire de droit privé, ouvrage précité, spéc. p. 623 ; G. LE JOLIS, Du mandat et de la
commission, en droit romain, dans notre ancien droit et dans notre droit actuel, op. cité, spéc. n° 147, p. 111 ; J.-
P. MOLITOR, op. cité, spéc. n° 737, p. 405.
638
B. MALLET-BRICOUT, thèse précitée, n° 12, p. 20. P.-F. GIRARD, Manuel élémentaire de droit privé, ouvrage
précité, spéc. p. 624.
639
J.-P. MOLITOR, op. cité.
640
Ibid..
641
Supra, n° 4 et 52.

138
précisions642. Celui-ci considère qu’elle est en principe interdite parce qu’ « il est évident, en
ce cas, que le mandataire a excédé les bornes du mandat, et que ce qui a été fait n’oblige pas
le mandant, s’il ne juge pas à propos de le ratifier »643. Toutefois, il admet que lorsque la
substitution n’est pas expressément interdite et que la nature qui fait l’objet du mandat ne
requiert pas certaines habilités particulières, le mandataire puisse recourir à un tiers pour
l’exécution du mandat644. Autrement dit, POTHIER n’est pas fondamentalement hostile à la
légitimité d’une substitution encadrée645.

228. La réception de l’institution de la substitution de mandataire par le législateur


français. En réalité, le sujet de la substitution ne sera véritablement abordé que lors des
travaux préparatoires du Code civil, et ce de manière passionnée646. Au cœur des débats, le
caractère intuitus personae647 du contrat de mandat qui plaidait largement en défaveur d’un tel
mécanisme. Ainsi, CAMBACERES s’oppose fermement au mécanisme de la substitution parce
que « lorsqu’il n’a pas été autorisé par le mandant, il est évident que, dans ce cas, ce dernier
n’a accordé sa confiance qu’au mandataire et non à celui par lequel il s’est fait
remplacer »648. TREILHARD lui répond que « le mandataire répond de celui qu’il emploie et
qu’ainsi le mandant a une garantie »649. En outre TREILHARD, BERLIER et TRONCHET
soulignent la rigueur et l’inutilité650 d’une interdiction totale : « le mandataire peut être
malade ou empêché de toute manière : il faut cependant que l’affaire dont il s’est chargé ne
souffre pas de cet obstacle »651. Autrement dit, dans certaines circonstances, il peut apparaître
louable de se décharger de l’exécution de l’obligation 652. En tout état de cause, « en se
dégageant, [le mandataire] ne met pas en péril l’intérêt de celui qui l’a constitué : c’est assez

642
M. DUPIN, Œuvres de Pothier contenant les Traités du Droit français, Tome 3, Traité du Contrat de mandat,
op. cité, spéc. n° 99, p. 140.
643
Ibid., spéc. n° 99, p. 258.
644
Ibid., spéc. n° 99, p. 259.
645
En ce sens : G. LE JOLIS, Du mandat et de la commission, en droit romain, dans notre ancien droit et dans
notre droit actuel, op. cité, spéc. n° 334, p. 274. Pour une opinion contraire : M. DELAMARRE, M. LE POITVIN,
Traité du contrat de commission, op. cité, spéc. n° 54, p. 125 ; TROPLONG, Le droit civil expliqué – Du mandat,
op. cité, n° 447, pp. 428 et s..
646
Sur le contenu de cette très vive discussion et les motifs invoqués par chacun des intervenants voir P.-A.
FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Tome XIV, op. cité, spéc. pp. 572 et s..
647
Sur le caractère intuitu personae voir not. : F. VALLEUR, L' intuitus personae dans les contrats, op. cité ; G.
KOSTIC, L’intuitu personae dans les contrats de droit privé, thèse précitée ; D. HOUTCIEFF, « Contributions à
l’étude de l’intuitu personae », R.T.D. Civ., janvier-mars 2003, p. 3. Sur la substitution de mandataire : J. HUET,
G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les principaux contrats
spéciaux, n° 31116, p. 1075 ; B. MALLET-BRICOUT, thèse précitée ; M.-J. LOYER-LEMERCIER, L’intermédiaire
contractuel, thèse précitée.
648
P.-A. FENET, op. cité, spéc. p. 572.
649
Ibid., p. 573.
650
Nous soulignons ; ces termes reviennent à plusieurs reprises tout au long de la discussion.
651
Ibid..
652
BERLIER, ibid., p. 574.

139
de se soumettre à l’obligation rigoureuse de répondre de celui qu’il commet à sa place »653.
Ces derniers auront finalement gain de cause, « CAMBACERES se rend[ant] à ces
observations »654.

229. Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui encore, l’opinion doctrinale la plus répandue
s’étonne de ce mécanisme655. Monsieur BENABENT, par exemple, écrit que « le caractère
intuitu personae aurait dû interdire la substitution »656 ; Monsieur HUET, également,
constate que « la substitution de mandataires constitue une exception manifeste à l’intuitus
personae »657 ; Messieurs COLLART-DUTILLEUL et DELEBECQUE, encore, s’étonnent de cette
faculté qu’ils considèrent « a priori surprenante »658. Et pourtant, loin de nier l’expression
d’une profonde confiance du mandant envers son mandataire, l’autorisation de la substitution
de mandataire en constitue probablement l’expression la plus aboutie659.

2- Les garanties à la substitution de mandataire

230. L’indisponibilité du pouvoir de représentation. Assurément, la consécration d’un


mécanisme de substitution de mandataire confirme l’idée d’une profonde confiance du
mandant envers son mandataire. Trois raisons principales viennent étayer cette vision. En
premier lieu, le législateur a pris soin d’évoquer un pouvoir « substitué », et non un pouvoir
« cédé ». Or, que l’on regarde du côté du vocabulaire courant ou du vocabulaire juridique, ces
deux expressions décrivent des situations différentes. Lorsque l’on utilise le terme de
« cession », l’on renvoie à l’idée d’un transfert ou d’une transmission660. Autrement dit, le
cédant disparaît au profit du cédé. A l’inverse, la terminologie « substitution » fait référence à
la notion de remplacement661… qui laisse entière la question de l’effacement de la personne

653
TRONCHET, ibid., p. 573
654
P.-A. FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, ouvrage précité, spéc. p. 574.
655
Ibid..
656
A. BENABENT Droit civil - Les contrats spéciaux civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 929, p. 443. En gras
dans le texte.
657
J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les
principaux contrats spéciaux, op. cité, spéc. n° 31116, p. 1003.
658
FR. COLLART-DUTILLEUL et PH. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 637, p. 552.
659
En ce sens voir B. MALLET-BRICOUT, thèse précitée, n° 2, p. 16.
660
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité ; Le nouveau Littré, op. cité ; Le petit Robert,
op. cité.
661
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité ; Le nouveau Littré, op. cité ; Le petit Robert,
op. cité. B. MALLET-BRICOUT, thèse précitée, n° 716 et s., pp. 432 et s..

140
remplacée662. Si certains auteurs se sont attachés à démontrer la polysémie du terme
substitution663, il est certain que, dans le mandat, la substitution n’entraîne jamais
l’effacement du mandataire664. En d’autres termes, le pouvoir de représentation « confié » par
le mandant au représenté est intransmissible, entre vifs665 ou à cause de mort666 : la
substitution de mandataire ne produit aucun effet translatif, seulement un effet additif667.

231. La nécessité de la substitution au regard des intérêts du mandant. En deuxième


lieu, l’introduction d’un tiers dans le rapport d’obligations initial résulte parfois de la
nécessité. Parce que le mandataire est tenu « d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure
chargé », celui-ci est parfois, dans l’intérêt de son mandant, tenu de désigner un substitué
« pour accomplir les actes dont il n'est pas raisonnable de penser qu'il les accomplira

662
En ce sens, voir également B. MALLET-BRICOUT, thèse précitée, n° 735 et 736, pp. 439 - 440.
663
En ce sens, voir B. MALLET-BRICOUT, thèse précitée, n° 735, p. 439 et les auteurs cités.
664
Sur le régime juridique de la substitution de mandataire : infra, n° 301 et s..
665
En raison de l’intransmissibilité du pouvoir de représentation, il est désormais possible de dénoncer la
qualification de mandat attribuée par le législateur à l’agence commerciale. En effet, aux termes de l’article
L.134-1 du Code de commerce, « l'agent commercial est un mandataire ». L’agence commerciale serait donc un
mandat en vertu duquel l’intermédiaire serait chargé de représenter des commerçants ou d’autres agents
commerciaux. Parce que la mission du supposé mandataire est, selon ce texte, « de négocier et, éventuellement,
de conclure des contrats », la qualification de mandat est généralement contestée par la doctrine. Néanmoins,
nous verrons ultérieurement que cet argument est insuffisant parce qu’une activité de négociation peut, en réalité,
faire l’objet d’une mission de représentation. En revanche, l’analyse du régime juridique de l’agence
commerciale permet de mettre en exergue un élément qui le distingue définitivement du mandat : la possibilité
de la cession de contrat. En ce sens voir J.-M. LELOUP, Agents commerciaux, Delmas, 6ème édition, 2005, n° 322.
Pourtant, parce que l’agent commercial est un mandataire, on ne lui reconnaît pas la possibilité d’être titulaire
d’un fonds de commerce, et par voie de conséquence d’une clientèle propre (à cet égard, voir la jurisprudence
Chattawak précitée. Supra, n° 100). Or, l’alinéa 3 de l’article L. 134-13 du Code de commerce permet à l’agent
commercial de « céder à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence » ; une
cession qui, par ailleurs, est fiscalement assimilée à celle d’un fonds de commerce (Com., 24 mars 1998 : JCP
N., 1998, p. 1513. Voir cependant D. FERRIER qui préfère y voir une délégation imparfaite : Le droit de la
distribution, op. cité, spéc. n° 182 et s., pp. 92 et s.). Pas de droit de propriété donc, mais un droit de cession.
Afin de résoudre ce hiatus, Monsieur DISSAUX propose de distinguer entre deux clientèles (N. DISSAUX, note
sous C.A., PAU, 16 décembre 2010 : « Agent commercial et commissionnaire-affilié : une différence de fond(s)
? », JCP G., 2011, 1246). La première, la clientèle finale, est constituée des tiers cocontractants avec lequel le
commerçant contracte ; la seconde, la clientèle initiale, est composée de son ou de ses mandants. Et si la
première est attachée au donneur d’ordre, la seconde lui est personnelle. Et à ce titre, il peut en disposer
librement. Par voie de conséquence, c’est le pouvoir de représentation dont est titulaire l’agent commercial qui
est librement cessible. La Cour de cassation a d’ailleurs déjà eu l’occasion d’affirmer que le droit de présentation
est de droit dans le cadre de l’agence commerciale et que le donneur d’ordre ne peut refuser une candidature de
l’héritier qu’en présence « d’une insuffisance réelle et prouvée » (Com., 22 mai 1967 : JCP G., 1968, II, 15389,
note P. L.). Dans cette affaire, l’entreprise mandante - qui s’était opposée à la reprise de l’activité de son agent
décédé par l’un des héritiers sans la démonstration du moindre motif légitime – a vu sa responsabilité engagée au
motif que « le contrat d’un agent conférait aux héritiers le droit de continuer la représentation ou de présenter
un successeur, offrant toutes garanties morales et professionnelles (…) ».
666
En ce sens, l’article 2003 du Code civil prend soin de préciser que le mandat s’éteint « par la mort (…) du
mandataire ». Le pouvoir de représentation confié par le mandant à un mandataire est donc intransmissible à ses
héritiers. Il s’agit-là d’une exception au principe de la transmissibilité des obligations aux héritiers. Le principe
est défini à l’article 1122 du Code civil aux termes duquel il est affirmé qu’ « on est censé avoir stipulé pour soi
et pour ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la
convention ».
667
PH. LE TOURNEAU, « Mandat », op. cité, spéc. n° 239.

141
personnellement »668. C’est l’hypothèse évidente d’un mandat donné à un non-professionnel
mais dont l’objet même nécessite certaines connaissances précises ou un certain savoir-faire.
Il en va ainsi du mandat d’acheter du matériel agricole confié par un agriculteur à un
commercial ne disposant d’aucune connaissance particulière en la matière : ce dernier, pour
échapper à la mise en œuvre de sa responsabilité en raison de la mauvaise exécution du
mandat, ne peut se contenter d’invoquer sa méconnaissance du sujet669. Dans certains
domaines professionnels, la substitution est même nécessaire : l’avocat, par exemple, doit
parfois obligatoirement recourir à d’autres professionnels pour la réalisation de certains actes
judiciaires (c’est le cas de l’huissier qui dispose d’un monopole pour certaines activités
comme la signification des actes) ; dans le domaine bancaire également, le banquier
mandataire doit souvent recourir à un confrère pour certaines activités, internationales
notamment. De ce point de vue là, l’introduction d’un tiers dans le rapport d’obligations
atteste d’une gestion scrupuleuse des intérêts du mandant. En tout état de cause, l’autorisation
de se substituer un tiers illustre parfaitement l’indépendance dont jouit le mandataire dans
l’exercice de sa mission et qui exprime la confiance du mandant envers ce dernier.

232. La contrepartie de l’autorisation de la substitution : l’institution d’une


responsabilité contractuelle du fait d’autrui. Mais encore faut-il que cette indépendance
nécessaire à l’accomplissement de sa mission ne porte pas atteinte aux intérêts du donneur
d’ordre. Aussi, l’autorisation de la substitution de mandataire devait-elle, en troisième lieu,
s’accompagner d’un garde-fou : l’instauration d’un régime de responsabilité du mandataire du
fait du sous-mandataire. Ainsi que le relève Madame MALLET-BRICOUT, en créant un régime
de responsabilité contractuelle du fait d’autrui par lequel le mandataire initial est responsable,
à l’égard du mandant, de toutes les fautes commises par le mandataire substitué dans
l’exercice de la mission670, le législateur « crée un juste équilibre (…) entre la confiance
originelle placée dans le mandant dans le mandataire et la défiance raisonnable qu’il doit
malgré tout conserver à son égard »671.

233. L’on retrouve ainsi, dans la consécration de cette responsabilité contractuelle du fait
d’autrui, toute l’ambiguïté et toute la spécificité d’un sentiment qui, en droit, oscille entre
l’acceptation d’une certaine fragilité et la volonté de s’en prémunir672. De ce point de vue, la

668
Art. 2.2.8 Principes Unidroit .
669
Com., 31 janvier 1956 - Bull. civ., 1956, III, n° 47.
670
Le régime de cette responsabilité sera étudié ultérieurement : infra, n° 301 et s..
671
B. MALLET-BRICOUT, La substitution de mandataire, thèse précitée, n° 3, p. 16.
672
Supra, n° 191 et s..

142
responsabilité du mandataire pour le fait du sous-mandataire est la parfaite illustration de
l’état de confiance qui règne dans le mandat lors de l’exécution de la mission qui en constitue
l’objet.

143
144
Conclusion du Chapitre

234. Synthèse. Le recours à la terminologie « au nom d’autrui » a permis de lever de


nombreuses incertitudes concernant le mandat. Il fallait, pour cela, admettre que l’expression
faisait référence au mécanisme de la représentation parfaite673.

235. Tout d’abord, cette notion a permis de mieux cerner le mandat lui-même. Il s’agit
d’un contrat de représentation ayant pour objet l’accomplissement d’une mission pour
autrui. La reconnaissance de ce critère a facilité la distinction entre un vrai mandat et les faux
mandats d’une part et entre les actions réalisées au nom d’autrui et celles effectuées in proprio
nomine d’autre part. Ce faisant, l’originalité de la structure du mandat a été mise au jour : la
dissociation entre un lien interne (la relation mandant - mandataire) et un lien externe (le
rapport mandant - tiers)674. Si des références au droit comparé ont permis d’inspirer une
réflexion en ce sens675, l’examen des incohérences de l’assimilation mandat – représentation a
grandement facilité la démonstration676. Il s’est ainsi avéré que la structure dualiste du contrat
de mandat n’était pas tout à fait étrangère au droit français, bien que le législateur de 1804 ne
l’ait pas expressément consacrée. Ont ainsi été révélées, ensuite, deux aspects fondamentaux
du contrat : la confiance du mandant677 et l’altruisme du mandataire678. Par voie de
conséquence, ce sont certains aspects du régime juridique qui lui est applicable qui ont pu,
enfin, émerger. De cette manière, certaines règles de responsabilité civile ont d’ores et déjà pu
faire l’objet de développements approfondis. Par exemple, l’irresponsabilité contractuelle du
mandataire pour l’inexécution679 ou la mauvaise exécution du contrat conclu par
intermédiation ou l’irresponsabilité du mandant pour rupture unilatérale du mandat a pu être
expliquée680. Mais, à ce stade de nos développements, il convient de remarquer que la
question de la responsabilité délictuelle n’a absolument pas été abordée. Autrement dit, cet
aspect de la responsabilité civile y semble étranger.

236. Problématique. L’adoption de la structure dualiste du mandat présente toutefois


plusieurs avantages. En premier lieu, la confiance du mandant et l’altruisme du mandataire

673
Supra, n° 45 et s..
674
Supra, n° 142 et s..
675
Supra, n° 115 et s..
676
Supra, n° 126 et s..
677
Supra, n° 194 et s..
678
Supra, n° 166 et s..
679
Supra, n° 179 et s..
680
Supra, n° 199 et s..

145
peuvent être considérés de manière indépendante, chacun dans le lien juridique dans lequel ils
s’expriment. En second lieu, l’intérêt du tiers peut être envisagé de manière autonome, sans
qu’une analyse du rapport mandant – mandataire ne soit nécessaire.

237. A notre sens, l’examen des règles de responsabilité civile dans le mandat ne peut faire
l’économie de ces différents éléments. En effet, pour apprécier l’efficacité du régime
juridique de la responsabilité civile dans ce contrat, il est absolument nécessaire d’en saisir
toute la spécificité. C’est ce à quoi nous allons désormais nous atteler.

146
Conclusion du Titre

238. Une définition du mandat. A partir de la terminologie action « au nom d’autrui », il a


été possible de découvrir la véritable identité du mandat :

C’est un contrat, de nature essentiellement représentative681, par lequel le mandant


confie l’accomplissement d’un acte juridique à un mandataire qu’il a volontairement
choisi.

239. Le recours au mécanisme de la représentation permet ainsi de distinguer avec netteté le


contrat de mandat des autres contrats d’intermédiaire et, en particulier, du contrat de
commission avec lequel il est fréquemment confondu.

240. Les spécificités du régime juridique du mandat. En raison de la présence essentielle


de la représentation dans les éléments constitutifs du mandat, certains traits caractéristiques de
son régime juridique ont été mis au jour.

1- La représentation est la cause de la transparence du mandataire682. A l’égard des tiers,


en matière contractuelle, ce dernier est juridiquement absent : le lien obligatoire qui se
forme lors de l’accomplissement de l’action « au nom d’autrui » ne concerne que les
seules parties extrêmes (qui seules ont émis une volonté en ce sens), à l’exclusion du
mandataire. Ce lien obligatoire s’étend, non seulement à l’obligatio, mais aussi et
surtout au debitum683. Autrement dit, le représentant n’est jamais engagé par les effets
obligatoires du contrat conclu par intermédiation dont il n’a pas à supporter
l’exécution. Par voie de conséquence, le mandataire est étranger à une éventuelle
action en responsabilité contractuelle pour inexécution ou mauvaise exécution du
contrat conclu avec les tiers684. En revanche, la transparence du mandataire ne se
perçoit pas en matière extracontractuelle.

2- De ce point de vue, la représentation met en avant l’intérêt du mandant à la mission


accomplie par le mandataire, autrement dit l’extériorité économique de ce dernier aux

681
Supra, n° 61 et s..
682
Supra, n° 166 et s..
683
Supra, n° 169 et s..
684
Supra, n° 179 et s..

147
bénéfices. La solution est identique que le mandat soit conclu dans l’intérêt exclusif du
mandant ou dans l’intérêt commun des parties.

3- A l’égard des parties au contrat principal (le mandat), la représentation manifeste ainsi
la confiance du mandant pour son mandataire685. Cette confiance traduit toute
l’ambiguïté de leur relation : d’un côté, le mandant accepte une certaine fragilité
(laisser un tiers s’ingérer et agir en toute indépendance dans ses affaires personnelles) ;
de l’autre, le représenté souhaite se protéger contre tout risque éventuel. Certains
moyens lui ont ainsi été offerts. Il s’agit, principalement, du principe de la révocation
ad nutum que l’on ne retrouve nulle part ailleurs686. En toute hypothèse, le mandant
peut révoquer son mandataire, sans motif, sans préavis, et sans risquer de voir sa
responsabilité civile mise en œuvre (sauf abus de droit)687.

241. Problématique. La représentation révèle ainsi les différents intérêts des parties au
mandat et s’impose définitivement comme l’élément autour duquel s’organisent les
différentes prestations attendues. La question est désormais de rechercher jusqu’à quel point
la présence du mécanisme de la représentation parmi les éléments constitutifs du mandat peut
exercer une influence sur le régime juridique de la responsabilité civile dans le mandat. S’il
est certain que le sort d’une action en responsabilité contractuelle n’y est pas indifférent, en
l’état actuel de nos développements, une telle conclusion ne s’impose pas à propos des actions
en responsabilité délictuelle. En effet, en ce domaine, il semble que la transparence du
mandataire n’ait pas lieu de s’appliquer. Cette observation nous amène à penser que, en l’état
actuel du droit positif, les effets de la représentation ne se déploient pas pleinement. Ce
constat apparaît contradictoire avec la place centrale que ce mécanisme occupe dans les
éléments constitutifs du mandat, confirmant ainsi tout l’intérêt d’une reflexion en ce sens s’il
apparaissait que le droit positif de la responsabilité civile n’était pas suffisemment adapté.

685
Supra, n° 194 et s..
686
Supra, n° 199 et s..
687
Supra, n° 210 et s..

148
Titre 2 - La mise en œuvre de la responsabilité civile dans le mandat : état des
lieux du droit positif

242. Problématique. Le mandat étant identifié, il convient désormais d’examiner plus


précisément les règles de responsabilité civile qui lui sont applicables en droit positif.
L’opération d’identification a permis de mettre au jour certaines spécificités du mandat dont il
conviendra de tenir compte. Celles-ci devront guider notre réflexion portant sur la cohérence
du droit de la responsabilité appliqué au mandat. En particulier, l’intérêt du mandant s’est
imposé comme le cœur du mécanisme, que le mandat soit conclu dans l’intérêt exclusif du
donneur d’ordre ou dans l’intérêt commun des parties. A notre sens, un régime de
responsabilité adapté aux caractéristiques du mandat devrait, autant que faire se peut, prendre
en compte cet aspect.

243. Mais, parce que l’objet du mandat se définit par l’accomplissement d’un acte
juridique, l’exécution du contrat suppose nécessairement l’intervention d’un tiers. En raison
du mécanisme de la représentation, aucun lien de droit ne se crée entre le mandataire et le
tiers cocontractant. Si cette conclusion s’impose en matière contractuelle, elle est en revanche
plus incertaine en matière de responsabilité délictuelle. Pourtant, l’extériorité qui est de mise,
tant au regard de l’objet du mandat que de la technique d’imputation, devrait faciliter une
réflexion en ce sens.

244. Plan. Ces éléments nous incitent à envisager la responsabilité civile sous deux angles
différents. Le premier concerne la relation mandant – mandataire : il s’agit de s’interroger sur
les modalités de réparation du dommage né dans le cadre du rapport interne (Chapitre 1). Le
second se rapporte à la situation du tiers et concerne, plus précisément, l’indemnisation du
préjudice subi par ce dernier (Chapitre 2).

149
150
Chapitre 1 – La mise en œuvre de la responsabilité civile dans le cadre de la
relation interne

245. Plan. En toute hypothèse, le mandataire s’engage à agir au nom et pour le compte du
mandant. Juridiquement, cette mission repose sur certaines obligations précises que nous
devrons examiner. A l’inverse, le mandant s’engage, selon que le mandat est d’intérêt exclusif
ou d’intérêt commun, à rémunérer l’intermédiaire en fonction des services rendus ou à
maintenir le pouvoir de représentation qui a été attribué688. Dans chacune de ces
configurations, la méconnaissance des engagements pris, par l’une ou l’autre des parties au
contrat de mandat, doit être sanctionnée. A cet égard, la mise en œuvre de la responsabilité
civile constitue la réponse la mieux adaptée.

246. Parce que l’action du mandataire constitue le cœur même de l’opération définie dans le
mandat et parce que le contenu de sa responsabilité a suscité un réel intérêt en doctrine, nous
débuterons l’examen de la responsabilité civile par les règles applicables à la responsabilité du
mandataire (Section 1) avant de nous tourner vers celles applicables à la responsabilité du
mandant (Section 2).

688
Sur la distinction mandat coopération – mandat permutation : supra, n° 151 et s..

151
Section 1 – La responsabilité du mandataire

247. Plan. Dans le régime juridique du mandat, les règles relatives à la responsabilité du
mandataire établies par le législateur de 1804 ne sont pas légion. Sur les vingt-sept
dispositions que compte le titre XIII du Livre III du Code civil, seules trois d’entre elles ayant
exclusivement pour objet la réparation d’un dommage relatif à l’inexécution ou à la mauvaise
exécution de la mission de gestion y font directement référence (§1) : l’article 1991 qui
évoque l’inexécution du mandat par le mandataire, l’article 1992 qui définit l’existence d’une
faute de gestion et l’article 1994 qui pose un principe de responsabilité contractuelle du fait
d’autrui dans l’hypothèse d’une substitution de mandataire. Mais parce que celui-ci agit pour
le compte et surtout au nom du mandant, il semble difficile d’envisager que le mandataire
puisse agir sans en référer d’une quelconque manière à celui dont il tient son pouvoir. C’est la
raison pour laquelle il paraît évident que l’intermédiaire est également tenu d’une obligation
accessoire d’information d’origine jurisprudentielle (§2).

§1- La responsabilité du mandataire dans le cadre de l’inexécution ou de la


mauvaise exécution de son obligation principale de diligence

248. Plan. En principe, le mandataire est tenu de s’exécuter personnellement. C’est la


raison pour laquelle sa responsabilité est, à l’égard du mandant, avant tout personnelle (A).
Toutefois, comme tout cocontractant, cet intermédiaire est toujours autorisé à introduire un
tiers dans l’exécution du rapport interne689. Mais, cette substitution ne s’accompagne jamais
d’une décharge du mandataire initial690, ce qui explique l’existence d’un régime légal de
responsabilité contractuelle du fait d’autrui (B).

689
Supra, n° 226 et s..
690
Supra, n° 230 et s..

152
A- La responsabilité du mandataire pour son fait personnel

249. Plan. L’obligation de diligence à laquelle est tenu le mandataire se compose de deux
facettes dont la méconnaissance engage systématiquement la responsabilité du mandataire à
l’égard du mandant. En premier lieu, l’obligation de diligence signifie que le mandataire est
tenu d’exécuter sa mission jusqu’au bout (1). Pour ce faire, ce dernier dispose d’une certaine
indépendance. Celle-ci est toutefois strictement encadrée puisque, en tout état de cause, il
demeure soumis à l’obligation d’agir avec loyauté envers son donneur d’ordre (2). Définie
ainsi, l’obligation de diligence trouve un écho, dans les droits de Common law, dans les
fiduciary duties inhérentes aux fiduciary relationship691. En droit français, l’originalité de
l’obligation de diligence du mandataire est cependant moins marquée car il est certain que,
dans notre droit, tout cocontractant doit agir avec attention et loyauté.

1- La responsabilité du mandataire pour inexécution ou mauvaise exécution de la


mission

250. Généralités. A l’égard du mandant, la responsabilité du mandataire pour son fait


personnel est réglementée par les articles 1991 et 1992 du Code civil. Le premier de ces textes
est relatif à la continuation de la mission. Il dispose que « le mandataire est tenu d'accomplir
le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient
résulter de son inexécution ». Le second se rapporte à l’exécution de la mission proprement
dite et énonce que « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il
commet dans sa gestion ». Il est ensuite précisé que « la responsabilité relative aux fautes est
appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un
salaire ». Vraisemblablement, le principe posé par le législateur est celui d’une responsabilité
subjective, c’est-à-dire d’une responsabilité attachée au concept de la faute. L’intérêt est
évidemment d’inciter l’intermédiaire à agir avec diligence pour échapper à toute charge de
réparation. Dans cette optique, la condamnation est la contrepartie d’un comportement

691
Supra, n° 220 et s..

153
déficient. A ce titre, l’obligation de diligence devrait être qualifiée d’obligation de moyens, ce
qui signifierait que la charge de la preuve incomberait au mandant692.

251. En pratique, les choses ne sont pas si claires. Bien que la responsabilité personnelle du
mandataire ait été expressément souhaitée par les pères du Code civil693, les textes proposés
par le législateur ne sont pas « très parlants »694. En tout état de cause, ils ont été l’objet de
plusieurs controverses doctrinales à propos de l’étendue ou du régime de cette responsabilité
et ont été le siège de nombreuses hésitations jurisprudentielles. L’article 1992, par exemple,
est rédigé en termes très généraux et une lecture simplement littérale de ce texte ne permet pas
véritablement d’en percevoir le régime juridique695. Certains arrêts de la Cour de cassation
donnent ainsi à penser que le mandataire serait frappé d’une « présomption de faute »
autrement qualifiée « présomption de responsabilité » dont il ne pourrait se décharger qu’en
rapportant la preuve d’un cas fortuit. Dans cette hypothèse, l’obligation de diligence
s’analyserait en une obligation de résultat. Par exemple, dans un arrêt rendu le 30 novembre
1945 par la chambre sociale de la Cour de cassation, les juges ont affirmé que « hors le cas de
force majeure, le mandataire était présumé en faute s’il n’exécutait pas ses obligations »696.
Par ailleurs, même lorsqu’une faute de l’agent doit être démontrée par le donneur d’ordre,
l’appréciation du fait dommageable ne prend pas toujours en considération les qualités
propres du mandataire. Nous verrons en effet, qu’en principe, celle-ci s’effectue in abstracto,
c’est-à-dire selon une technique qui ne prend pas en compte le comportement de l’auteur de la
faute dans son individualité, mais seulement par référence au modèle général du bon père de
famille.

252. Plan. Ces premiers éléments constituent une invitation à explorer plus avant le droit
positif de la responsabilité civile du mandataire afin de déterminer s’il est satisfaisant. Or,
l’examen de ces règles permet de mettre au jour leur insuffisance, aussi bien en ce qui
concerne la responsabilité du mandataire pour inexécution ou mauvaise exécution de la
mission (a), que celle applicable à la détermination du seuil de la faute (b).

692
Sur la fonction moralisatrice attribuée au droit de la responsabilité civile, voir infra n° 671 et s..
693
P.-A. FENET, ouvrage précité, Tome XIV, p. 587.
694
R. DE QUENAUDON, « Mandat », in J.Cl. Responsabilité, Fasc. 40, spéc. n° 15 ; FR. COLLART-DUTILLEUL et
PH. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 644, p. 560 ; J. HUET, G. DECOCQ, C.
GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les principaux contrats spéciaux, op.
cité, n° 31228, p. 1085.
695
En ce sens voir not. P.-H. ANTONMATTEI et J. REYNARD, Droit civil - Les contrats spéciaux, op. cité, spéc. n°
486, pp. 414 et s. ; FR. COLLART-DUTILLEUL et PH. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cité, spéc.
n° 644, p. 560 et s..
696
Soc. 30 novembre 1945 : D., 1946, 155.

154
a- Le régime juridique de la responsabilité du mandataire pour
inexécution ou mauvaise exécution de la mission

253. Problématique. Selon les termes de l’article 1992 du Code civil, l’exigence d’une
faute paraît s’imposer. Dans ce cas de figure, la question qui se pose alors est celle de savoir
qui, du créancier ou du débiteur, doit supporter la charge de la preuve. Appartient-il au
mandant de rapporter la preuve de la faute de son mandataire ou est-ce, au contraire, à ce
dernier de démontrer que la cause du dommage réside dans un cas de force majeure afin de
s’exonérer de sa responsabilité ? En d’autres termes, s’agit-il d’un régime de responsabilité
pour faute prouvée ou d’un régime de responsabilité fondé sur une présomption de
responsabilité ? L’on en revient ainsi au problème plus général de l’option entre l’obligation
de résultat et l’obligation de moyens et, par voie de conséquence, à la difficulté initiale : celle
de l’exigence ou de l’indifférence d’une faute du mandataire. Le législateur ayant été fort peu
prolixe à ce sujet, ce sont les tribunaux qui ont été amenés à se prononcer. Sur ce point, la
réponse a évolué.

254. D’une obligation de résultat à une obligation de moyens. Dans un premier temps,
c’est une obligation de résultat que la jurisprudence a d’abord cru déceler. La Cour de
cassation a ainsi affirmé que « hors les cas de force majeure le mandataire était présumé en
faute s’il n’exécutait pas ses obligations »697. A titre d’exemple on peut citer un arrêt très
ancien dans lequel la responsabilité d’un notaire avait été engagée698. Dans cette affaire, ce
professionnel avait reçu mandat de prêter une somme d’argent à un tiers et de négocier des
sûretés pour le remboursement de cette somme. Pour cela, il obtint qu’une maison de
l’emprunteur fut spécialement affectée en garantie du prêt convenu. Quelques années plus
tard, des poursuites expropriatives eurent lieu et le bien fut vendu aux enchères. Le prêteur
réclama alors le paiement de la somme dont il était créancier, conformément aux garanties
dont il était titulaire. Mais, en raison d’une dépréciation immobilière, il ne put obtenir
l’ensemble de la somme due. S’estimant victime d’une mauvaise gestion, le mandant intente
une action en responsabilité contre son mandataire. En réponse, le notaire rappelle qu’au
moment où la garantie a été acceptée, celle-ci était largement suffisante et qu’aucune faute ne
peut ainsi être retenue contre lui. L’argument est rejeté par la Cour de cassation qui approuve
la Cour d’appel d’avoir constaté la responsabilité de l’intermédiaire du seul fait de

697
Soc., 30 novembre 1945 : arrêt précité.
698
Civ., 21 juin 1893 : S., 1893, 1, p. 339.

155
l’inexécution de l’objet du mandat, en précisant que c’était au mandataire de rapporter la
preuve d’un cas de force majeure. D’autres arrêts, moins lointains, rappellent que, hors cas
fortuit, la seule inexécution de l’obligation fait présumer la faute du mandataire699. Ainsi, le
mandataire ayant reçu mission de vendre un véhicule automobile doit répondre du vol du bien
si la preuve d’un cas de force majeure n’est pas correctement rapportée par le mandataire700.
De même, la responsabilité du Pari Mutuel Urbain (P.M.U.) est engagée si, à la suite de la
rupture des lignes téléphoniques causée par un orage survenu la nuit précédente, il invoque un
cas de force majeure pour justifier l’inexécution de sa mission, sans rapporter la preuve de
l’impossibilité d’exécution de ses obligations de mandataire701.

255. Si cette analyse perdura quelque temps, les juridictions du fond se rattachèrent par la
suite à l’existence d’une obligation de moyens en exigeant du mandant qu’il rapporte la
preuve d’une faute de son mandataire. Dans un arrêt de 1964, la responsabilité d’une agence
de voyage fut engagée sur le fondement de l’article 1992 alinéa 1 alors même qu’elle n’avait
pas commis de faute lourde. Les juges rappelèrent que, quelle que soit la gravité de la faute, la
preuve de la méconnaissance « d’une obligation générale de prudence et de diligence »702
suffisait à engager la responsabilité703. De la sorte, c’était au mandant de démontrer la faute
du mandataire et, en particulier, la méconnaissance de cette obligation, la simple inexécution
n’étant plus suffisante. De même, dans une affaire jugée en 1965, la Cour de cassation
approuve les juges du fond d’avoir constaté la responsabilité du mandataire qui, n’ayant pas
agi en bon père de famille, n’avait pas mené à bien la mission qui lui avait été confiée704.

256. La distinction entre l’inexécution et la mauvaise exécution. A la fin des années


1980 une distinction selon laquelle il y a lieu de différencier selon l’inexécution ou la
mauvaise exécution du mandat par le mandataire fut introduite en jurisprudence. Dans un
arrêt rendu le 18 janvier 1989, la première chambre civile a ainsi jugé que « si le mandataire
est, sauf cas fortuit, présumé en faute du seul fait de l'inexécution de son mandat, cette
présomption ne saurait être étendue à l'hypothèse d'une mauvaise exécution de ce

699
Voir Soc., 30 novembre 1945 : précité.
700
Civ. 1, 1er juin 1954 : D., 1954, Jurisprudence, p. 611.
701
Civ. 1, 19 février 1963 - Bull. civ., 1963, I, n° 110.
702
D’ailleurs, pour certains auteurs, cette expression désigne expressément l’obligation de diligence.
H. et L. MAZEAUD et A. TUNC, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et
contractuelle, Tome 1, Montchrestien, 6ème édition, 1965, n° 103 – 110.
703
Civ. 1, 24 juin 1964 - Bull. civ., 1964, I, n° 341 : G.P., 1964, 2, p. 260. Autre exemple : Civ. 1, 8 janvier 2002
- Pourvoi n° 99-16.142.
704
Civ. 1, 8 décembre 1965 - Bull. civ., 1965, I, n° 686.

156
dernier »705. Aux termes de cette formule, le régime est désormais celui d’une obligation de
résultat en présence d’une inexécution totale du mandat par le mandataire et d’une obligation
de moyens en présence d’une simple mauvaise exécution.

257. Cette jurisprudence se recommande d’une doctrine dont l’autorité n’est pas discutée.
René SAVATIER, par exemple, écrivait que « l’inexécution de l’obligation, si elle comportait
un résultat non atteint, fait présumer la faute du mandataire ». Pour sa part, le doyen
RODIERE estimait que cette présomption de faute n’était pas admissible lorsque le mandataire
s’est mal exécuté. A notre sens, la solution doit être saluée. Il serait en effet absurde
d’imposer au mandant de rapporter la preuve d’une quelconque faute lorsque la gravité du
comportement du mandataire est telle qu’il n’y a pas le début d’un commencement de résultat.
En revanche, en présence d’une mauvaise exécution, il est le mieux placé pour établir que le
résultat souhaité n’a pas été atteint. Pourtant, si quelques auteurs contemporains l’ont
accueillie favorablement, en particulier Monsieur LARROUMET pour qui cette solution
correspond à une vraie logique, une large part de la doctrine l’a regardée avec une certaine
circonspection. Monsieur MEKKI, notamment, considère que la distinction ainsi opérée
correspond « souvent plus à une différence de degré que de nature »706. Les Professeurs LE
TOURNEAU707 et POUMAREDE708, également, qui affirment regretter la formulation « de la
règle [posée par l'arrêt du 18 janvier 1989 qui] laisse entendre que le principe est, en matière
de mandat, la présomption de faute, alors que ce régime nous paraît l'exception ». Monsieur
JOURDAIN, encore, déplore les difficultés relatives à la mise en œuvre de la distinction, « la
frontière entre inexécution et mauvaise exécution n’ [étant] déjà pas toujours facile à
tracer »709.

258. Quelles que soient les critiques qui ont pu être prononcées à l’encontre de ce principe,
il convient toutefois de préciser que, pour la plupart des auteurs, c’est la « diabolica divisio
» que compose la distinction entre les obligations de moyens et de résultat qui pose
problème710. Malgré cela, en l’état actuel du droit positif, c’est cette solution qui est appliquée

705
Civ. 1, 18 janvier 1989 - Bull. Civ., 1989, I, n° 26 : D., 1989, 302, note CH. LARROUMET ; R.T.D. Civ., 1989,
p. 558, obs. P. JOURDAIN ; R.T.D. Civ., 1989, p. 572, obs. P. REMY.
706
M. MEKKI, « Mandat – Obligations du mandataire à l'égard du mandant et des tiers », op. cité, spéc. n° 37.
707
PH. LE TOURNEAU, « Mandat », op. cité, spéc. n° 297.
708
PH. LE TOURNEAU, M. POUMAREDE, « Contrats et obligations - Classification des obligations - Autres
distinctions des obligations de moyens et des obligations de résultat », in J.Cl. Civil Code, « Art. 1136 à 1145 »,
Fasc. 40, 2007, spéc. n° 49.
709
R.T.D. Civ., 1989, p. 558, obs. P. JOURDAIN. Dans ce sens également : PH. LE TOURNEAU, M. POUMAREDE,
ibid..
710
En ce sens : M. MEKKI, op. cité, spéc. n° 37 ; PH. LE TOURNEAU, M. POUMAREDE, op. cité, spéc. n° 49 ; PH.
LE TOURNEAU, op. cité, spéc. n° 297.

157
encore aujourd’hui et il appartient aux juges de distinguer selon qu’il y a eu ou non un
commencement d’exécution. Dans un arrêt plus récent, la première chambre civile de la Cour
de cassation a ainsi eu l’occasion de réaffirmer que « si le mandataire est, sauf cas fortuit,
présumé en faute du seul fait de l'inexécution de son mandat, cette présomption ne saurait
être étendue à l'hypothèse de la mauvaise exécution de ce dernier »711. Ainsi, l’inexécution
d’une obligation d’information est en elle-même suffisante à engager la responsabilité du
mandataire712, il en va de même de la non-remise d’une traite au mandant713. En revanche, il
appartient au mandant de démontrer l’abus du mandataire dans le cadre d’une gestion de
portefeuilles714, ou encore, lorsque la mission confiée comporte un aléa, de rapporter la
preuve d’une négligence fautive du mandataire715. Reste à préciser, désormais, le seuil de la
faute qui est exigé en jurisprudence.

b- Le régime juridique de la faute du mandataire : l’article 1992 alinéa


2 du Code civil

259. Plan. Selon l’article 1992 alinéa 2, « la responsabilité relative aux fautes est
appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un
salaire ». De cette manière, le législateur semble manifester une certaine indulgence à l’égard
de certains mandataires (i). La mise en œuvre de ce texte, toutefois, montre que cette
bienveillance n’est que relative (ii).

i- La distinction entre les mandataires bénévoles et les mandataires


rémunérés

260. Exposé du problème. Entre les partisans d’une responsabilité pour faute lourde et
ceux favorables à une responsabilité pour toute faute - même légère - les débats furent

711
Civ. 1, 16 mai 2006 - Bull. civ., I, n° 241 : D., 2006, I.R., 1564.
712
Civ. 1, 8 avril 2010 : D., 2010, Actu. 1019.
713
Com., 14 janvier 1997 - Bull. civ., 1997, IV, n° 17 :; R.T.D. Com., 1997, 506, obs. B. BOULOC.
714
Com., 27 mai 1997 - Bull. civ., 1997, IV, n° 155.
715
Com., 7 octobre 1997 - Bull. civ., 1997, IV, n° 243.

158
âpres716. Au cœur de la discussion, l’incontournable confiance qui s’accommode mal de la
commission d’une faute quelconque ainsi que la dimension altruiste et gratuite du mandat et
l’existence d’un service rendu à un ami qui imposerait « de ne pas faire la loi trop dure à ceux
qui le rendent »717. POTHIER, par exemple, souhaitait envisager la responsabilité du
mandataire uniquement dans l’hypothèse de la faute lourde718. A l’inverse, d’autres auteurs,
tel DOMAT719 un siècle plus tôt, ont suggéré que « s’il est de son devoir de ne pas tromper la
confiance du mandant », le mandataire ne doit commettre aucune faute. D’ailleurs, lors de la
présentation du projet de loi sur le mandat au corps législatif, BERLIER expliquait qu’il n’était
pas permis que le mandataire ne remplisse pas « correctement sa charge ». Dès lors, toute
faute, même légère, pouvait suffire à engager sa responsabilité.

261. Finalement, le législateur opta pour une solution médiane. Les termes du débat se
trouvèrent ainsi cristallisés dans le contenu de l’article 1992 alinéa 2 aux termes duquel « la
responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat
est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire ». Autrement dit, le régime institué par le
législateur de 1804 est un régime de responsabilité pour faute, mais le seuil de cette faute
dépend de la gratuité ou de l’onérosité du mandat. La règle ainsi définie opère un compromis
relativement satisfaisant entre les deux piliers principaux du mandat : la confiance et
l'altruisme. Car la confiance n'exclut pas la défaillance, en particulier lorsque le mandataire
est profane. En revanche, la confiance ne souffre pas la légèreté dans l’action, précisément
parce que la légèreté est l’ennemie de la confiance. Il en va ainsi que le mandataire soit
profane ou habitué, qu’il intervienne gratuitement ou contre rémunération. Et de ce point de
vue, lorsque la confiance est bafouée, elle nécessite réparation.

262. L'on peut regretter, cependant, que la distinction mandataire profane – mandataire
professionnel n’apparaisse pas dans la lettre de l’article 1992 du Code civil. Cet oubli trouve
néanmoins une justification solide dans le souvenir de l’état d’esprit qui régnait, en 1804, à
propos de l’attrait du mandat. Considéré majoritairement comme un « petit » contrat, le
mandat avait surtout vocation à être conclu avec un ami… et non avec un professionnel.
Autrement dit, l’idée d’un mandat de professionnel étant inconcevable, elle ne pouvait pas
716
En filigrane, ce débat rappelle la distinction officiellement en vigueur sous l’Ancien droit entre les fautes
légères et lourdes. En principe abolie en 1804, elle perdure néanmoins. L’hypothèse de la responsabilité du
mandataire à titre gratuit en est un exemple marquant. Infra, n° 263 et s..
717
P.-A. FENET, précité, p. 587.
718
POTHIER, Œuvres de POTHIER annotées et mises en corrélation avec le code civil et la législation actuelle, par
J.-J. BUGNET, Tome 2, PARIS, Videcoq père et fils, Delamotte, 1848, appendice pp. 497 et s..
719
P. PONT, Explication théorique et pratique du Code Napoléon – Des petits contrats, Tome 1, PARIS,
Cotillon, Librairie du Conseil d’Etat, 1863, p. 500.

159
être insérée dans la loi. Il conviendra cependant de vérifier, dans la suite des développements,
si le phénomène contemporain de la professionnalisation des mandataires a conduit à une
évolution du régime de responsabilité qui leur est applicable.

263. La théorie des trois fautes : présentation. En dépit d’un objectif clairement affiché
des Pères du Code civil de dégager des règles universelles et éternelles720, on voit perdurer ici
le principe de la gradation des fautes que connaissaient l’Ancien droit 721 et, dans une moindre
mesure, le droit romain722. La casuistique qui régnait alors, fortement teintée de culture gréco-
latine et manifestement influencée par le Christianisme, conduisit la majorité des juristes à
introduire des distinctions entre les fautes lourdes d’une part et les fautes légères ou même
très légères d’autre part723. Ces différences de traitement se justifiaient par l’idée que c’est la
gravité de la faute qui aménage la réparation724 et, en matière contractuelle, par l’intérêt
apporté par le contrat à l’auteur de l’inexécution725. En d’autres termes, il s’agissait de ne pas
être trop sévère avec celui dont le comportement n’était finalement pas si grave. DOMAT
écrivait ainsi que « s’il arrive quelque dommage par une suite imprévue d’un fait innocent,
sans qu’on puisse imputer de faute à l’auteur de ce fait, il ne sera pas tenu [à
réparation] »726. En revanche, « ceux qui font quelques ouvrages ou quelques travaux, d’où il
peut suivre quelque dommage à d’autres personnes en seront tenus s’ils n’ont usé des
précautions nécessaires pour le prévenir »727 ; il en va de même des dommages « qui arrivent
par l’ignorance des choses que l’on doit savoir »728 ou de ceux que l’on peut empêcher729, ...
DOMAT concluait ainsi que l’auteur d’un délit civil doit être tenu plus lourdement que l’auteur
d’une simple faute730.

720
En ce sens : J. GHESTIN, G. GOUBEAUX, Traité de droit civil - Introduction générale, op. cité, n° 131 et s., pp.
91 et s. ; G. VINEY, Introduction à la responsabilité, L.G.D.J., coll. Traité de droit civil, sous la direction de J.
GHESTIN, 3ème édition, 2008, spéc. n° 14, pp. 21 - 22.
721
G. VINEY, Introduction à la responsabilité, op. cité, n° 11 et s., pp. 13 et s..
722
G. VINEY, « La responsabilité », Arch. de philo. du droit, 1990, p. 274, spéc. p. 281.
723
G. VINEY, Introduction à la responsabilité, op. cité.
724
J. DOMAT, Œuvres complètes de Jean DOMAT - Les Lois civiles dans leur ordre naturel, le droit public et
legum delectus, par J. REMY, Tome 1er, nouvelle édition, PARIS, Firmin Didot Père et Fils, Charles Béchet,
Libraire de jurisprudence,1828, Livre II, Titre VIII, Section IV, article 3, p. 480.
725
G. VINEY, op. cité, n° 12, spéc. p. 19. Pour une présentation précise de la théorie des trois fautes et du lien
qu’elle exerce avec l’intérêt du contrat voir G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile,
op. cité, spéc. n° 595, p. 616.
726
J. DOMAT, op. cité, article 3, p. 480.
727
Ibid., article 4, p. 481.
728
Ibid., article 5, p. 481.
729
Ibid., article 8, p. 482.
730
Ibid., article 10, p. 481.

160
264. A l’aube du Code civil, cette thèse ne faisait néanmoins plus l’unanimité. Défendue
par certains auteurs dont POTHIER731, elle fut sévèrement combattue par d’autres. Un avocat
parisien, en particulier, en dénonça la rigidité et le caractère artificiel732. Pour Denis LEBRUN,
cette distinction est d'abord incertaine car s' « il est aisé de diviser in abstracto tous ces
degrés »733, il est en revanche impossible « de les diviser dans le fait, sans nous rejeter dans
l'incertitude d’où nous voulions nous tirer »734. Elle est également incomplète puisque de
cette « division de la diligence en trois espèces (…) s'ensuit nécessairement (…) des
négligences dans le plus grand nombre des contrats »735. Surtout, pour ce coutumier des
prétoires du Royaume de France, cette théorie « est trop subtile pour pouvoir être
régulièrement suivie dans la pratique »736.

265. Pour une fois, l’opinion de POTHIER ne fut pas suivie et la théorie des trois fautes fut
officiellement abrogée par le législateur de 1804. L’énoncé des motifs présenté au Conseil
d’Etat en atteste : « cette division est plus ingénieuse qu’utile en pratique », « la théorie (…)
ne peut que répandre une fausse lueur », « l’équité elle-même répugne à des idées
subtiles »737. Dans son discours, le tribun TARRIBLE exprime, en des termes qui ne laissent la
place à aucune interprétation, tout l’intérêt d’un principe général et universel. Il écrit que la
disposition selon laquelle « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage,
oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » définit une règle « pleine de
sagesse » parce qu’elle « embrasse dans sa vaste latitude tous les genres de dommages et les
assujettit à une réparation uniforme qui a pour mesure la valeur du préjudice souffert ». De
cette manière, poursuit-il « tout est soumis à la même loi, tout est déclaré susceptible d’une
appréciation qui indemnisera la personne lésée des dommages quelconques qu’elle a
éprouvés »738.

266. La théorie des trois fautes : application. Malgré cette ligne de conduite, il est
incontestable que l’on retrouve, çà et là, quelques restes de l’ancienne distinction, et le

731
POTHIER, Œuvres de POTHIER annotées et mises en corrélation avec le code civil et la législation actuelle,
ouvrage précité. Voir en particulier l’appendice pp. 497 et s. qui constitue la réponse aux critiques de Denis
LEBRUN sur la distinction entre les trois degrés de la faute. D. LEBRUN, Essai sur la prestation des fautes,
PARIS, Antoine Bavoux Libraire, 1813.
732
D. LEBRUN, ibid.. Voir également H. et L. MAZEAUD, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile
délictuelle et contractuelle, Tome 1, op. cité, n° 681 et s., p. 766 et s., spéc. n° 682 p. 767 – 768.
733
D. LEBRUN, op. cité, spéc. p. 24.
734
Ibid..
735
Ibid., spéc. pp. 19-20.
736
Ibid., spéc. p. 30.
737
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile, op. cité.
738
Recueil complet des discours prononcés lors de la présentation du Code civil par les divers orateurs du
Conseil d’Etat et du Tribunat, op. cité, spéc. n° 1382, p. 522.

161
contenu de l’article 1992 du Code civil en constitue une illustration. La ferme intention de
rompre avec la théorie des trois fautes n’a donc pas effacé toute technique de différenciation.
Dans sa thèse, Madame SICHEL démontre d’ailleurs l’utilité de la notion de gravité en droit de
la responsabilité civile739. En dehors de l’hypothèse du mandat que nous venons d’évoquer,
plusieurs exemples confirment en effet la continuité de la distinction : les recours entre
coauteurs, l’article L. 113-1 alinéa 2 du Code des assurances qui dispose que « l'assureur ne
répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de
l'assuré », l’éviction, dans le droit de la responsabilité contractuelle, des clauses relatives à
l’étendue de la réparation lorsque la faute du débiteur est une faute grave.

267. Selon Madame SICHEL, cet inventaire témoigne du besoin éprouvé par le juriste de
prendre en compte la gravité des comportements répréhensibles et atteste du rôle central joué
par la notion en droit de la responsabilité civile. Mais, selon l’auteur, la compréhension qui en
est faite doit être revisitée. L’approche exclusivement moniste de la notion de gravité qui est
effectuée en droit positif constituerait la cause des dysfonctionnements qui atteignent le
mécanisme. Pour Madame SICHEL, « il existe fondamentalement deux types de gravité et ce
serait méconnaître la structure intrinsèque de la notion que de la réduire à un seul
tenant »740. L’idée, évoquée auparavant sous la plume de plusieurs auteurs741, met ainsi en
exergue la dimension duale de la gravité de la faute.

268. La première dimension de la gravité, de nature subjective, s’attache strictement à


l’élément intellectuel de la faute. Elle apparaît lorsque « l’agent a eu conscience de la nocivité
de sa conduite et, surtout, lorsqu’en dépit de la connaissance qu’il avait des effets
éventuellement dommageables de cette conduite, il a pris la décision clairvoyante de

739
L. SICHEL, La gravité de la faute en droit de la responsabilité civile, sous la direction de G. LOISEAU, PARIS
1, thèse dactylo., 2011.
740
Ibid., n° 566, spéc. p. 762.
741
La dualité de la gravité de la faute a d’abord été mise en évidence par Monsieur DEJEAN DE LA BATIE qui
entreprend de démontrer, dans sa thèse de doctorat, les liens qui existent entre l’appréciation in abstracto et la
gravité objective de la faute d’une part et entre l’appréciation in concreto et la gravité subjective de la faute
d’autre part. (N. DEJEAN DE LA BATIE, Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil
français, préface de H. MAZEAUD, L.G.D.J., coll Bibliothèque de droit privé, Tome 57, 1965). La démarche sera
reprise par la suite par Monsieur PUECH (L’illicéité dans la responsabilité civile extracontractuelle, préface de A.
RIEG L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 129, 1973) et Madame ROUJOU DE BOUBEE (Essai sur la
notion de réparation, préface de P. HEBRAUD, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 135, 1974).
Dans une veine un peu différente, MADAME GRARE considère que les composantes objectives et subjective de la
gravité définissent les deux étapes du raisonnement judiciaire, la première permettant la poursuite et la seconde
obligeant à une appréciation mesurée (Recherches sur la cohérence de la responsabilité délictuelle, préface de
Y. LEQUETTE, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de thèses, Tome 45, 2005, n° 95, p. 75).

162
l’adopter, le blâme moral et social s’impose »742. De ce point de vue, la gravité subjective est
constituée par l’accomplissement d’une faute intentionnelle ou inexcusable dont la
démonstration suppose que l’on s’intéresse à la conscience de l’agent lui-même. Il convient
en effet de « s’assurer non seulement de la faculté de son auteur à saisir la nature, le sens et
la portée de ses agissements, mais surtout de la réalité même de cette perception »743. Parce
que « la conscience est un état »744 et qu’ « elle est de l’ordre du fait »745, son examen
implique une appréciation in concreto746.

269. La seconde dimension porte sur l’élément matériel de l’acte répréhensible. Il s’agit
alors de mesurer les suites possibles de la faute commise et de considérer objectivement le
danger qu’elle réalise747. Madame SICHEL qualifie cette faute de « faute lourde de
conséquences »748. Au premier abord, l’expression semble manifester une confusion entre
« deux des trois conditions de mise en jeu de la responsabilité civile – le fait générateur et le
dommage –, ce qui paraît théoriquement acceptable »749 parce qu’elle suppose d’ « apprécier
la gravité de la faute à l’aune de ses conséquences »750. Malgré cela, les applications
jurisprudentielles sont nombreuses et il est impossible de les ignorer. Pour résoudre la
contradiction, l’auteur propose de prendre en compte, non pas les conséquences réelles, mais
les conséquences potentielles de l’acte. « A l’analyse », écrit-elle « les conséquences dont il
convient de tenir compte pour déterminer la gravité objective d’une faute ne sont pas celles
que ladite faute a effectivement entraînées, mais celles qu’elle était potentiellement
susceptible de générer »751. « Il apparaît ainsi très clairement que l’appréciation de la gravité
des fautes ne relève pas tant d’une question de degré, que d’une question de nature »752. C’est
donc vers une approche plus conceptuelle que graduelle que se tourne Madame SICHEL.

270. Cette proposition nous amène alors à la conclusion selon laquelle l’usage qui est fait,
en droit positif, de la notion de gravité s’est quelque peu éloigné du mécanisme de la
gradation des fautes que connaissaient le droit romain et l’Ancien droit, dès lors que l’idée de

742
L. SICHEL, La gravité de la faute en droit de la responsabilité civile, op. cité, n° 323, spéc. p. 429.
743
Ibid., n° 325, spéc. p. 433. Pour l’auteur, cette approche de la gravité subjective permet d’exclure certains
individus inaptes à cette compréhension, les mineurs et les majeurs protégés.
744
Ibid., n° 327, spéc. p. 436.
745
Ibid..
746
Ibid., spéc. n° 327, pp. 432 et s..
747
Ibid., op. cité, n° 323, spéc. p. 430.
748
Ibid., op. cité, spéc. n° 330 et s., pp. 440 et s..
749
Ibid., op. cité, n° 303, spéc. p. 440.
750
Ibid..
751
Ibid., op. cité, n° 331, spéc. p. 443.
752
Ibid., op. cité, n° 566, spéc. p. 762.

163
morale n’est plus strictement au cœur du système. C’est également à cette conclusion
qu’aboutissent Messieurs DEJEAN DE LA BATIE et PUECH qui considèrent que la notion de
gravité subjective n’intervient que de manière résiduelle753. Radical, Monsieur PUECH affirme
ainsi que « le droit de la responsabilité civile n’a pas en vue la gravité morale de la
transgression, mais sa gravité objective »754. A l’analyse, la mise en œuvre de la distinction
entre les mandataires bénévoles et les mandataires rémunérés semble bien correspondre à
cette position.

ii- La mise en œuvre de la distinction

271. Présentation générale du régime de l’alinéa 2 de l’article 1992 du Code civil.


L’alinéa 2 de l’article 1992 du Code civil introduit une distinction selon la qualité du
mandataire. Il ressort en effet de ce texte qu’il est imposé aux magistrats de faire preuve d’une
plus grande sévérité à l’égard des mandataires rémunérés et, inversement, de montrer plus
d’indulgence à ceux qui agissent gratuitement. Cette faveur accordée aux mandataires
bénévoles n’a rien d’exceptionnel ; elle n’est qu’une application parmi d’autres de la
longanimité admise plus généralement à l’égard de tout prestataire de service gratuit. Le
dépositaire, par exemple, doit être traité avec « plus de rigueur (…) s'il a stipulé un salaire
pour la garde du dépôt »; de même, la responsabilité du prêteur est plus légère que celle du
bailleur ou du vendeur : alors qu’au terme de l’article 1891 du Code civil755, la preuve de la
connaissance d’un vice doit être rapportée pour que la responsabilité du premier soit engagée ;
le simple constat d’une défectuosité suffit, selon l’article 1641 du même Code756, à établir la
responsabilité des seconds.

272. Cependant, cette indulgence dont bénéficient les mandataires bénévoles n’est que
relative. Etonnante affirmation que celle-ci et qui va à l’encontre du texte précité, mais cette
assertion tient au fait que la disposition est rédigée en termes généraux, ce qui laisse plus de
place à l’interprétation. D’ailleurs, toutes les incertitudes à l’égard de ce texte n’ont pas été
immédiatement levées. L’on s’est ainsi demandé si l’alinéa 2 de l’article 1992 se limitait à la

753
N. DEJEAN DE LA BATIE, Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil français, op. cité,
spéc. n° 146 et s., pp. 126 et s..
754
M. PUECH, L’illicéité dans la responsabilité civile extracontractuelle, op. cité, spéc. n° 77, p. 80.
755
« Lorsque la chose prêtée a des défauts (…) le prêteur est responsable, s'il connaissait les défauts ». Nous
soulignons.
756
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue (…) ». Nous soulignons.

164
seule appréciation de la faute ou s’il s’étendait à l’obligation de réparation. Par ailleurs,
certaines discussions eurent lieu à propos du problème de l’appréciation de la faute. Enfin,
d’autres interrogations portèrent sur le caractère impératif ou suggestif de la disposition :
s’agissait-il, d’une « simple faveur » ou, au contraire, d’un « avantage de droit »757 dont le
mandataire pouvait se prévaloir dès lors que la gratuité est relevée ? En d’autres termes, le
législateur souhaitait-il proposer ou imposer au juge une appréciation bienveillante de la
responsabilité du mandataire bénévole ?

273. L’étendue de l’article 1992 alinéa 2. En dépit de la relative imprécision de ce texte,


les incertitudes relatives à l’interprétation de l’article 1992 alinéa 2 n’empiètent pas sur la
question de l’objet de la réparation. Depuis le tout début des années 1980758, un point, au
moins, est acquis. En raison du principe de la réparation intégrale mis en œuvre en droit de la
responsabilité civile, cette directive « ne concerne que l’appréciation de la faute, et non
l’étendue de la réparation »759. Concrètement, cela signifie que le montant des dommages et
intérêts alloués au mandant sera fixe, que le mandataire intervienne à titre gratuit ou à titre
onéreux. Autrement dit, dès lors qu’une faute suffisante est constatée, le juge va pouvoir
prononcer le montant de la réparation sans avoir à prendre en compte le caractère bénévole ou
rémunéré de son activité. En pratique, il n’est d’ailleurs pas si rare que les tribunaux
sanctionnent lourdement les mandataires bénévoles. A ce sujet, deux arrêts sont
particulièrement évocateurs. Dans une première affaire, deux mandataires co-intervenaient au
service d’un mandant, l’un à titre onéreux, l’autre à titre gratuit. Malgré cet élément, l’un et
l’autre vont voir leur responsabilité engagée à parts égales 760. Dans une seconde affaire, un
clerc de notaire obtient d’une cliente qu’elle prête une certaine somme à un tiers. Ce dernier
étant insolvable, le mandant ne put en obtenir le remboursement. Une action en responsabilité
est engagée. Devant les juges, le mandataire invoque la gratuité de son intervention. Cet
argument est rejeté par les tribunaux qui rappellent que l’article 1992 ne concerne « que
l’appréciation de la faute et non l’étendue de la réparation »761. La qualité de professionnel
pourrait évidemment être invoquée pour justifier la sévérité des juges à l’encontre de ces
mandataires. Mais, si cet aspect a probablement guidé les juges, l’argument n’est

757
Req., 2 mars 1891 : D.P., 1892, 1, 31 ; S., 1895, 1, 493.
758
Civ. 1, 4 janvier 1980 – Pourvoi n° 78-41.291 ; Bull. civ., 1980, I, n° 11.
759
Voir également : J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-
MAROGER, Les principaux contrats spéciaux, op. cité, n° 31230, pp. 1087 et s. ; Civ. 1, 14 juin 2000 : C.C.C.,
2000, n° 156, note L. LEVENEUR.
760
Req., 2 mars 1891 : D., 1992, 1, 31 ; S., 1995, 1, 493.
761
Civ. 1, 4 janvier 1980 - Bull. civ., 1980, I, n° 11 : R.T.D. Civ., 1981, p. 406, obs. G. CORNU.

165
juridiquement pas convaincant, l’article 1992 précité ne faisant pas référence aux qualités
personnelles de l’intermédiaire mais à la seule gratuité ou onérosité du contrat.

274. Ainsi, il apparaît clairement, en jurisprudence, que l’objet de la réparation - c’est-à-


dire le montant de l’indemnisation allouée à la partie demanderesse - n’est pas affecté par la
règle de l’alinéa 2 de l’article 1992. Cette solution se justifie aisément par le principe de la
réparation intégrale qui accorde une place essentielle à l’indemnisation du préjudice. En
matière contractuelle, la règle est d’ailleurs précisée à l’article 1149 du Code civil selon lequel
il est affirmé que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte
qu'il a faite et du gain dont il a été privé, (…) ». Nous reviendrons toutefois ultérieurement
sur l’appréciation de cette règle qui, en pratique, peut poser question. Mais pour l’heure, nous
allons nous intéresser au contenu exact de cette faveur bénéficiant aux mandataires bénévoles,
qui concerne l’appréciation de la faute.

275. La définition du seuil de la faute du mandataire. Le problème de l’appréciation de


la faute soulève deux questions, d’une part celle de la technique à mettre en œuvre et d’autre
part celle du seuil à retenir. Sur ce point, il est en principe exigé - dans l’hypothèse d’une
intervention à titre gratuit - que la faute relevée à l’encontre du mandataire soit une faute
lourde ou grave. C’est donc bien de gravité « objective »762 qu’il est question. Le caractère
fautif de l’acte est par exemple exclu lorsque la légèreté blâmable d’un mandataire bénévole
était motivée par l’intérêt du mandant. Ainsi, la mandataire d’un groupe de parieuses qui, « de
bonne foi dans l'intérêt du groupe avec la croyance erronée d'un succès plus probable du
numéro substitué », modifie l’un des numéros de la combinaison choisie par les mandantes,
échappe à la mise en œuvre de sa responsabilité si la modification s’avère finalement
désastreuse pour le donneur d’ordre763. De nombreux auteurs invoquent à cet égard la faute de
moyen allégée764. A l’inverse, lorsque le mandataire intervient à titre onéreux, une faute
légère suffit pour que sa responsabilité soit engagée. Par référence à l’article 1137 du Code
civil, qui pose une règle générale selon laquelle « l'obligation de veiller à la conservation de
la chose, soit que la convention n'ait pour objet que l'utilité de l'une des parties, soit qu'elle
ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins

762
Supra, n° 267 et s..
763
Civ. 1, 16 mai 2006 - Bull. civ., 2006, I, n° 241 ; Civ. 1, 5 février 1975 : D., 1975, 410, note R. RODIERE.
Voir également, à propos de l’assistance bénévole, devant un conseil de prud'hommes, d’un délégué syndical :
Soc., 8 juillet 2008 – Pourvoi n° 07-17.013.
764
G. CORNU, obs. sous Civ. 1, 4 janvier 1980 - Bull. civ., 1980, I, n° 11 ; R.T.D. Civ., 1981, p. 407 ; G. VINEY
et P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, n° 533-2, p. 518.

166
d'un bon père de famille », la doctrine majoritaire765 et la jurisprudence se prononcèrent en ce
sens. Ainsi, la Cour de cassation n’eut de cesse d’affirmer que le mandataire n’était
responsable « que des fautes que n’eut pas commis un bon père de famille »766. Récemment,
un mandataire n’ayant pas informé ses mandants de la portée rétroactive d’une jurisprudence
voyait sa responsabilité engagée, alors même que les donneurs d’ordre connaissaient la teneur
de la décision et ne s’étaient pourtant pas manifestés. En dépit de cela, ils intentent une action
en responsabilité contre l’intermédiaire. Déboutés en appel, les demandeurs à l’action civile
se pourvoient en cassation. Dans un arrêt rendu le 12 juillet 2007 par la première Chambre
civile, la Cour casse l’arrêt au motif « qu’il entre dans les obligations du (…) mandataire
rémunéré (…) d'attirer leur attention [celle du mandant] sur la portée rétroactive d'une
jurisprudence »767.

276. Malgré une jurisprudence très fournie, un auteur fit néanmoins remarquer, dans les
années 1950, qu’aucun arrêt ne permettait véritablement de marquer le seuil entre la faute
légère et la faute grave puisqu’aucune décision n’avait permis de constater la responsabilité
d’un mandataire rémunéré là où un mandataire bénévole avait été exonéré768. Il fallut attendre
le début des années 2000 pour qu’une décision – une seule semble-t-il ! - atténue cette
difficulté769. En vertu d’un mandat, un banquier se voit confier une mission l’autorisant à
effectuer « toutes opérations d’achat et de vente de valeurs mobilières ». Peu de temps après,
le mandant – qui constate une baisse importante de la valeur de ses titres - lui reproche des
fautes de gestion. Le mandataire se retrouve alors attrait en justice au motif que, selon le
demandeur, les choix peu judicieux effectués par l’intermédiaire constituaient un manquement
à ses obligations de professionnel. Contre toute attente, la demande est rejetée en première et
seconde instance. Le feuilleton se poursuit devant la Cour de cassation… devant laquelle le
plaignant n’obtint pas plus de succès. Ce dernier avait en effet omis un détail : la gratuité
« salvatrice »770 du mandat confié. Car c’est bien au regard de cette gratuité que la Cour de
cassation rejette le pourvoi et la responsabilité du mandataire. Dans son arrêt rendu le 14 juin
2000, la première Chambre civile rappelle à cet effet que « la responsabilité est appliquée
moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit ». Elle approuve ainsi les juges du

765
En ce sens voir M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français - Contrats civils, deuxième
partie, par A. ROUAST, R. SAVATIER, J. LEPARGNEUR, A. BESSON, Tome 11, L.G.D.J, 1954, spéc. n° 1471 et s..
766
Req., 21 janvier 1890 : D.P., 1891, 1, 380 ; S., 1890, 1, 408.
767
Civ. 1, 12 juillet 2007 - Bull. civ., 2007, I, n° 266. Dans le même sens : Civ. 1, 2 octobre 1984 - Bull. civ.,
1984, I, n° 243 : R.T.D. Civ., 1986, 134 obs. J. HUET ; Civ. 1, 5 février 1957 : D., 1957, 178.
768
Civ. 1, 19 février 1975 : S., 1975, 411, note R. RODIERE.
769
Civ. 1, 14 juin 2000 : C.C.C., 2000, comm. n° 156, note L. LEVENEUR.
770
Nous empruntons l’expression à M. LEVENEUR, Civ. 1, 14 juin 2000 précité.

167
fond d’avoir retenu la responsabilité du mandataire bénévole « sans se fonder exclusivement
sur le niveau de connaissance [du mandataire] en matière de marchés boursiers »771.

277. Si le mandataire avait été rémunéré, il est fort à parier que ce dernier aurait vu sa
responsabilité engagée, d’autant plus que, dans cette affaire, il intervenait dans le cadre de son
activité professionnelle. Or, il est précisé dans l’arrêt que la responsabilité du mandataire ne
pouvait être retenue parce que « les choix peu judicieux faits par le mandataire ne
constituaient pas un manquement à son obligation de conseil (…) »772. Lors de
développements ultérieurs, nous verrons que l’obligation de conseil est l’une des obligations
spécifiques qui incombe aux mandataires professionnels. Par conséquent, si le mandataire
bénévole ne voit pas sa responsabilité engagée lorsque la faute qui lui est reprochée ne
constitue pas un manquement à une obligation professionnelle, alors cela signifie que la faute
légère est celle qui méconnaît le devoir général de prudence et de diligence et la faute lourde
celle qui constitue une violation à une obligation spécifique.

278. La responsabilité du mandataire professionnel. À ce propos, l’arrêt précité rendu


par la première chambre civile le 14 juin 2000773 est particulièrement intéressant sur la
question de la prise en compte, en droit positif, de la professionnalisation de la fonction de
mandataire lors de l'examen de la responsabilité de cet intermédiaire. À en croire cette
décision, l'influence exercée par cette évolution est relativement faible puisque la preuve de la
gratuité du mandat suffit à évincer les compétences professionnelles du mandataire.
Autrement dit, si l’attention portée aux qualités propres de l’agent n’est pas nulle, elle est
largement primée par la distinction officiellement consacrée par le législateur.

279. Et pourtant, très rapidement, les juges n’ont pas hésité à reconnaître une présomption
d’onérosité à l’égard des mandats de professionnel. Cette jurisprudence fait écho à la sévérité
que l’on a pu établir à l’encontre des mandataires professionnels bénévoles, avec plus d’acuité
toutefois. En effet, dans ce cas de figure, la rigueur exprimée à l’égard des professionnels est
clairement affirmé et a même été juridicisée. A l’inverse, la fermeté apparemment professée à
l’égard des professionnels bénévoles ne peut que se déduire des circonstances. A notre
connaissance, la présomption d’onérosité a été consacrée au tout début des années 1980, dans
un arrêt rendu par la première Chambre civile le 11 février 1981. Les faits étaient les suivants.
Un couple confie à un mandataire le soin de traiter en leur nom pour la construction d’une

771
Civ. 1, 14 juin 2000 : arrêt précité.
772
Ibid.. Nous soulignons.
773
Ibid..

168
maison. Par la suite, le mandat est révoqué et les mandants refusent de régler au mandataire
l’ensemble des prestations exécutées par l’agent. Ce dernier les assigne donc en paiement des
rémunérations dues. Devant la cour d'appel, la demande est rejetée au motif qu'il
appartiendrait au mandataire de prouver qu'un salaire avait été effectivement prévu par les
parties au mandat. L'arrêt est cassé par la cour de cassation qui affirme, au contraire, que « le
mandat est présumé salarié en faveur des personnes qui font profession de s'occuper des
affaires d'autrui »774. Depuis, cette solution a été confirmée : le 16 juin 1998, par exemple, la
première Chambre civile approuve une Cour d’appel d’avoir rappelé que « gratuit par nature,
le mandat est présumé salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa
profession habituelle »775.

280. Cette jurisprudence doit évidemment être saluée. In fine, c'est la mise en œuvre de la
responsabilité du mandataire professionnel qui s'en trouve simplifiée. Néanmoins, cette prise
en compte est encore insuffisante à rendre compte de l'ampleur de la professionnalisation du
contrat de mandat. En tout état de cause, le distinguo professionnel – profane n’est, dans le
meilleur des cas, qu’une étape dans la mise en œuvre de la distinction gratuité – onérosité.
Autrement dit, le constat de la qualité professionnelle de l’intermédiaire permettra, sauf
preuve contraire (la présomption est simple), la démonstration de l’onérosité du mandat qui, à
son tour, justifiera l’exclusion de toute bienveillance à son égard. Autrement dit, ce n’est pas
la qualité de professionnel qui permet de durcir la responsabilité du mandataire, mais
l’intervention à titre onéreux qui est ainsi présumée. Concrètement, cela signifie que la seule
présence du caractère professionnel n’est pas suffisante à alourdir la responsabilité du
professionnel.

281. Distinctions « mandat conclu à titre gratuit – mandat conclu à titre onéreux » et
« mandataire professionnel – mandataire profane » : comparaison. A notre sens, cette
approche n’est pas satisfaisante parce qu’elle autorise un traitement équivalent entre l’action
gratuite du professionnel et celle du profane (ou, à l’inverse, entre l’action rémunérée du
professionnel et celle du profane). S’il est certain que l’action gratuite du mandataire
professionnel est peu fréquente, il n’en reste pas moins qu’il ne s’agit pas que d’une
hypothèse d’école comme en atteste l’arrêt rendu par le première Chambre civile de la Cour

774
Civ. 1, 11 février 1981 - Bull. civ., 1981, I, n° 50.
775
Civ. 1, 16 juin 1998 - Bull. civ., n° 211 : C.C.C., 1998, comm. n° 127. Voir également Civ. 1, 19 décembre
1989 - Bull. civ., 1989, I, n° 399.

169
de cassation le 14 juin 2000776. Or, quel que soit le mode d’intervention du mandataire, il est
incontestable que le professionnel dispose de compétences supplémentaires à celles du
profane. De ce point de vue, il semble légitime d’attendre plus de celui-là, ce qui équivaudrait
à exclure, de façon systématique, toute bienveillance à son égard. Autrement dit, ce que nous
suggérons ici, c’est d’accorder la primauté à la distinction « mandataire professionnel –
mandataire profane » à la place de « mandat conclu à titre gratuit – mandat conclu à titre
onéreux ».

282. Cette substitution apparaîtrait sans doute plus conforme à l’esprit du mandat. L’on
peut évoquer à cet égard l’évolution contemporaine de ce contrat qui fut principalement
marquée par un important mouvement de professionnalisation et qui constitua l’une des
causes principales de son succès. Mais ce n’est pas là l’argument le plus convaincant. A y
regarder de plus près, la distinction « mandataire professionnel – mandataire profane »
s’adapte mieux aux spécificités du mandat. En effet, la mise en œuvre de cette distinction
suppose que l’on s’intéresse plus particulièrement à la personnalité du mandataire. En d’autres
termes, la distinction « mandataire professionnel – mandataire profane » repose sur des
éléments subjectifs : les compétences de l’intermédiaire. A l’inverse, l’appréciation de la
gratuité ou de l’onérosité fait appel à un élément purement objectif : le mode d’intervention
du mandataire.

283. Or, il a été établi, lors de développements précédents, que le mandat était un contrat de
confiance et qu’une relation de confiance ne pouvait s’établir qu’entre deux personnes qui se
sont choisies. Concrètement, cela signifie que la confiance ne se donne pas un individu
lambda mais à une personne déterminée. A ce titre, les compétences professionnelles peuvent
être rentrées en compte lors du choix du mandataire et il semble incohérent de les faire
disparaître derrière l’éventuelle gratuité du contrat. Pour cette raison, une substitution entre la
distinction classique « mandat gratuit – mandat onéreux » et celle plus moderne qui oppose le
mandataire professionnel au mandataire profane apparaîtrait plus en harmonie avec l’esprit du
mandat.

284. La technique d’appréciation de la faute. Reste l’épineuse question de la technique


d’appréciation de la faute. Sur ce point, les choses ne furent pas beaucoup plus claires. Au
regard de la nature objective de la gravité, c’est vers une appréciation in abstracto que les
regards auraient dû se tourner immédiatement. Pourtant, la doctrine hésita longtemps - et
776
Civ. 1, 14 juin 2000 : arrêt précité.

170
hésite encore - avec une appréciation in concreto777. Compte tenu de l’analogie faite avec le
contrat de dépôt – qui, « lorsqu’il est gratuit, ne procure d’utilité qu’au déposant »778 - et
l’article 1927 du Code civil relatif à la responsabilité du dépositaire, c’est la seconde qui,
pendant un temps, emporta les faveurs doctrinales779.

285. Ce texte dispose en effet que « le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose
déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent ». En
d’autres termes, la preuve de sa faute est subordonnée à une appréciation concrète et
individuelle de son comportement. Le mandataire, à qui on applique « une responsabilité
moins rigoureuse » peut-il, dès lors, bénéficier de cette même appréciation in concreto ? En
réalité, il ne semble pas que ce soit là la volonté du législateur. Il paraît même que le
rapprochement avec la responsabilité du dépositaire soit hasardeux. Au contraire, en raison de
l’alinéa 2 de l’article 1372 du Code civil, qui dispose que « [Le gérant d’affaires] se soumet à
toutes les obligations qui résulteraient d'un mandat780 exprès que lui aurait donné le
propriétaire », le lien avec la responsabilité de ce dernier est plus qu’explicite. Or, l’article
1374 évoque expressément le recours à une appréciation in abstracto. Le législateur a en effet
pris soin de s’appuyer sur la terminologie générale du « bon père de famille » dont elle est la
caractéristique. En revanche, il a fait preuve de plus de précisions quant à la définition de
l’obligation du dépositaire alors que l’article 1992 fait uniquement référence à l’application de
la responsabilité.

286. L’examen de la jurisprudence semble toutefois démontrer une réelle préférence des
juges pour l’appréciation in abstracto et l’arrêt de 2000781 nous autorise à affirmer que c’est
effectivement elle qui s’est finalement imposée. Dans cet arrêt en effet les juges n’ont pas
tenu compte des compétences du mandataire, se focalisant uniquement sur la gratuité du
mandat. Au regard de la nature objective de la gravité, cette solution semble effectivement
s’imposer.

777
En faveur de l’appréciation in abstracto : FR. COLLART-DUTILLEUL et PH. DELEBECQUE, Contrats civils et
commerciaux, op. cité, n° 644, p. 561 ; N. DEJEAN DE LA BATIE, Appréciation in abstracto et appréciation in
concreto, op. cité, n° 86, p. 77 ; J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J.
MOREL-MAROGER, Les principaux contrats spéciaux, op. cité, n° 31230, p. 1087 et s.. En faveur de
l’appréciation in concreto : TROPLONG, Le droit civil expliqué – Du mandat, n° 933 ; H. et L. MAZEAUD et A.
TUNC, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, Tome 1, op. cité,
n° 706-19.
778
R.-TH. TROPLONG, Le droit civil expliqué – Du mandat, op. cité, n° 388, p. 376.
779
Ibid., spéc. n° 86, p. 77.
780
Nous soulignons.
781
Arrêt précité. Dans le même sens : Civ. 1, 2 avril 1962 - Bull. civ., 1962, I, n° 190 ; Civ. 1, 8 décembre 1965 -
Bull. civ., 1965, I, n° 686 ; Civ. 1, 4 janvier 1980 - Bull. civ., 1980, I, n° 11.

171
287. Synthèse. Il ressort ainsi de ces développements que le régime de l’alinéa 2 de
l’article 1992 du Code civil définit une règle de bienveillance à l’égard des mandataires
bénévoles qui ne concerne que l’appréciation de la faute. Sur ce point, seul le seuil retenu
diffère selon que le mandataire intervient à titre gratuit ou contre rémunération puisque la
technique d’appréciation de la faute (in abstracto) est, pour chaque hypothèse, identique. A
notre sens, cela n’est pas suffisant pour assurer aux mandataires bénévoles un véritable
régime de faveur puisque, en aucune façon, leur responsabilité ne peut être atténuée.
Néanmoins, cette règle s’explique aisément. Une première justification peut être trouvée dans
le principe de la réparation intégrale dont il est question, en matière contractuelle, à l’article
1149 du Code civil.

288. Ceci dit, la mise en œuvre de ce texte n’est pas si absolue qu’il y paraît et ce principe
supporte de nombreuses dérogations, certaines d’origine légales. Pour cette raison, l’idée d’un
aménagement de la règle de la réparation intégrale, lorsque le mandataire intervient à titre
gratuit ou en tant que profane, pourrait être explorée.

289. L’opportunité d’un tel aménagement devra toutefois être démontrée car une deuxième
justification vient conforter l’application de la règle : en tout état de cause, le mandat repose
sur un lien de confiance renforcée dont la violation appelle réparation… quelle que soit la
qualité ou le mode d’intervention de l’auteur de la faute. Nous reviendrons sur l’ensemble de
ces questions ultérieurement car, pour l’heure, c’est la question du devoir de loyauté dû par le
mandataire au mandant qui doit retenir notre attention.

2- La responsabilité du mandataire pour déloyauté envers le mandant

290. Problématique. Avant toute chose, il convient de préciser que l’action loyale du
mandataire suppose que ce dernier exécute fidèlement les instructions transmises par le
mandant. Cela ne signifie pas, toutefois, qu’il soit privé de toute liberté lors de
l’accomplissement de sa mission. En effet, l’exigence de loyauté exprime surtout l’idée que le
mandataire doit, en toute hypothèse, privilégier les intérêts du mandant. Cela lui impose, le
cas échéant, de faire preuve d’initiative.

291. L’exécution fidèle des instructions du mandant. Dans le cadre du mandat (ou, plus
généralement, des contrats de gestion pour autrui), le respect de la volonté du donneur d’ordre

172
est primordial parce que c’est elle qui légitime l’action de l’intermédiaire. A ce titre,
l’obligation de fidélité devrait être qualifiée d’obligation de résultat.

292. A l’épreuve, le droit positif semble correspondre à cette prescription. Il est d’usage, en
effet, que la jurisprudence reconnaisse une faute présumée là où un mandataire peu
scrupuleux a transgressé les ordres émis. Ainsi, une banque a l’obligation d’effectuer le
virement ordonné par son client à la date convenue, cela même si le solde du compte créditeur
était insuffisant782. Plus récemment, la banque qui accepte le chèque d’une tierce personne
alors qu’il avait été exigé par le mandant un paiement émanant du seul destinataire de la
marchandise a vu sa responsabilité engagée, cette dernière ne s’étant pas conformée « aux
instructions strictes » de son client783. L’on peut encore citer l’exemple de l’agent général
d'assurance qui se voit sanctionner pour avoir pris l'initiative d'accorder une réduction de
primes alors que « le contenu du contrat de mandat ne lui donn[ait] pas le pouvoir de
consentir des remises aux assurés »784.

293. Le recours au régime de l’obligation de résultat ne constitue néanmoins pas un


obstacle à l’irresponsabilité du mandataire, la présomption de faute n’étant que simple. Il n’est
en effet pas impossible à ce dernier de démontrer son absence de faute par la preuve d’une
cause étrangère. Dans l’affaire précitée du pari manqué785, la Cour de cassation a été
particulièrement claire sur cette éventualité puisqu’elle reproche au P.M.U. de ne pas avoir
justifié « d’aucune tentative, d’aucune demande, en un mot d’aucune diligence précise et
déterminée pour se mettre en rapport direct avec l’hippodrome… et assurer
l’accomplissement de son mandat ».

294. Cela étant dit, le régime de cette obligation est à intensité variable. Elle dépend, en
effet, du degré de précision des stipulations contractuelles786. Plus le mandat sera rédigé en
termes généraux et plus la liberté du mandataire de choisir les moyens d’accomplir sa mission
sera grande. Il devra donc, si besoin est, faire preuve d’initiative. A défaut, ce dernier engage
sa responsabilité. Il en va ainsi de l’huissier qui, en l’absence d’instruction précise provenant
du mandant, ne fixe pas de date pour la signature d’un acte de vente, méconnaissant ainsi les

782
Com., 23 avril 1985 - Bull. civ., 1985, IV, n° 121.
783
C.A., PARIS, 3 Avril 2003 : Jurisdata n° 2003-210795.
784
C.A., POITIERS, 28 juin 2000 : Jurisdata n° 2000-168017.
785
Civ., 19 février 1963 - Bull. civ., 1963, I, n° 110 : arrêt précité.
786
Sur la question voir, not., PH. PETEL, Les obligations du mandataire, op. cité, spéc. n° 241 et s., pp. 150 et s..

173
intérêts de celui pour lequel il agit787. Cette liberté demeure toutefois strictement encadrée par
la nécessité de toujours privilégier les intérêts du mandant.

295. La primauté accordée aux intérêts du mandant. C’est là l’aspect essentiel de


l’obligation de loyauté : le mandataire doit toujours agir dans les meilleurs intérêts du
mandant. Encore une fois, cette affirmation s’applique au mandat d’intérêt exclusif788 (le
mandat permutation) comme au mandat d’intérêt commun789 (le mandat-coopération)790.
Autrement dit, en toute hypothèse lorsque la volonté du mandant n’a pas été expressément
exprimée, le mandataire se doit d’agir « de la façon la plus propice aux intérêts de celui-ci [le
mandant] »791.

296. La primauté accordée aux intérêts du mandant sert de justification à la prévention des
conflits d’intérêts. Dans l’esprit, cette règle signifie qu’une contradiction entre les intérêts du
donneur d’ordre et ceux de l’intermédiaire doit interdire toute possibilité de représentation.
L’on retrouve ainsi toute l’ambiguïté du lien de confiance : si l’un des cocontractants accepte
de courir certains risques en laissant un tiers agir à sa place, c’est à la condition, dans la
mesure du possible, de se prémunir contre ces éventuels désagréments. Concrètement, le
législateur français a posé une prohibition de principe à l’article 1596 du Code civil selon
lequel « ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni pour eux-mêmes, ni par
personnes interposées : (...). Les mandataires des biens de ceux dont ils sont chargés de
vendre (...). »792.

297. Ainsi définies, l’obligation de loyauté et la prévention des conflits d’intérêts ne


résolvent pas toutes les difficultés. Par exemple, quel comportement le mandataire devrait-il
adopter si, d’aventure, le conflit auquel il est confronté concerne, non pas les intérêts du
mandant et les siens, mais les intérêts et la volonté du mandant ? De même, si les instructions
transmises par le mandant sont défectueuses, pourrait-il refuser de les exécuter sans voir sa

787
Civ. 1, 9 juillet 1985 - Bull. civ., 1985, I, n° 219.
788
Pour de récentes illustrations, voir, parmi d’autres : Civ. 1, 26 septembre 2012 – Pourvoi n° 11-16.959 ; Civ.
1, 12 juin 2012 – Pourvoi n° 11-15.620 ; Civ. 2, 29 septembre 2011 – Pourvoi n° 10-16.541.
789
Manque à son obligation de loyauté le mandataire qui présente de faux contrats afin d’obtenir les indemnités
qu’il sollicite (Com., 29 novembre 2011 – Pourvoi n° 10-25.874) ; celui qui porte atteinte à la finalité commune
du mandat (Com., 24 mai 2011– Pourvoi n° 10-16.969) ; celui qui prospecte pour des intérêts autres que ceux de
son mandant (Com., 7 octobre 2008 – Pourvoi n° 07-16.918 ; Com., 7 octobre 2008 – Pourvoi n° 07-42.391) ;
celui qui cache à son mandant l'exercice, durant le mandat, d'une activité similaire au profit d'un concurrent
(Com., 15 mai 2007 – Pourvoi n° 06-12.282 - Bull. civ., 2007, IV, n° 128) ; ou encore qui facilite l’ouverture
d’un point de vente rendant difficile l’activité du mandant (Com., 25 février 2003 – Pourvoi n° 99-20.147).
790
Sur la distinction mandat-permutation – mandat-coopération : supra, n° 151 et s..
791
Ibid..
792
Cette règle est analogue à celle présente dans les droits de la Common law aux termes de laquelle le trustee à
l’interdiction formelle d’acquérir des biens affectés. Supra, n° 221.

174
responsabilité engagée à l’égard du mandant793 ? Toutes ces questions qui, en l’état actuel du
droit positif, n’ont pas trouvé réponse devront faire l’objet d’une attention particulière.

298. Synthèse du A. L’examen des règles de la responsabilité civile personnelle du


mandataire établit que le législateur, confirmé en cela par la jurisprudence, a réussi à trouver
un certain équilibre entre la fragilité du mandant et l’altruisme de l’agent. Si certaines règles
montrent que l’intermédiaire bénéficie d’une véritable confiance (notamment la liberté dont il
jouit dans l’accomplissement de son action), d’autres rappellent que cette confiance est
encadrée et qu’il existe des moyens de prévenir certains risques (en particulier les règles
relatives à la prévention des conflits d’intérêts). L’obligation principale du mandataire est
ainsi largement comparable aux fiduciary duties qui incombent au trustee. L’examen des
sanctions applicables, toutefois, ne dévoile pas de rigueur particulière à l’égard du mandataire
comme c’est le cas dans la Common law794. Au contraire, celles-ci sont en tous points
conformes aux sanctions traditionnellement mises en œuvre dans le cadre d’un procès en
responsabilité civile.

299. Dans l’ensemble, le bilan est donc relativement satisfaisant. La seule ombre que nous
regrettons provient de la neutralité avec laquelle la responsabilité du mandataire à l’égard du
mandant est mise en œuvre. Pourtant, il nous semble que la subjectivité du rapport de
confiance exige une appréciation plus circonstanciée du contexte dans lequel le dommage est
né. Cette indifférence au contexte dans lequel le dommage intervient se ressent à deux
niveaux. D’une part, le juge use couramment de la technique de l’appréciation in abstracto
pour apprécier l’existence ou la gravité de la faute du mandataire. Cela signifie que le juge
évalue les faits litigieux par référence au modèle du bon père de famille sans s’intéresser outre
mesure à la personnalité de son auteur795. D’autre part, l’aspect professionnalisation est
insuffisamment pris en compte et disparaît derrière la distinction officielle qui existe entre les
mandats gratuits et les mandats rémunérés. Autrement dit, l’élément qui peut avoir guidé le
mandant dans son choix et qui, en tout état de cause, a pris une place prépondérante au cours
de ces dernières années, demeure secondaire dans le cadre de la mise en œuvre de la
responsabilité. Ultérieurement, nous reviendrons sur ces deux difficultés afin de proposer
certains remèdes.

793
Nous verrons ultérieurement que, en l’état actuel du droit positif, le mandataire engage, en principe, sa
responsabilité à l’égard des tiers dans l’hypothèse où ce dernier exécute des instructions défectueuses. Infra, n°
352 et s..
794
Supra, n° 221 et s..
795
Infra n° 284 et s..

175
300. L’état des lieux des règles de la responsabilité personnelle du mandataire dans le cadre
de son obligation principale est désormais achevé et il convient, à présent, d’observer celles
relatives à la substitution de mandataire.

B- La responsabilité du mandataire du fait d’un sous-mandataire

301. L’article 1994 du Code civil : un texte lacunaire. Lorsque l’on évoque un principe
de confiance dans le mandat, l’idée d’introduire un tiers dans le rapport d’obligation paraît
incongrue. La consécration d’un mécanisme de substitution dans ce contrat dément toutefois
cette affirmation796. Selon l’article 1994 du Code civil, le mandataire est responsable du fait
du sous-mandataire lorsqu’il « n'a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu'un », ou lorsque
« ce pouvoir lui a été conféré sans désignation d'une personne, et que celle dont il a fait choix
était notoirement incapable ou insolvable ». A l’épreuve, ce texte s’avère parsemé
d’incertitudes797. En effet, le législateur n’énonce expressément que deux hypothèses dans
lesquelles le mandataire est responsable du fait du substitué. Mais qu’en est-il, par exemple,
du mandat muet ? Comment, donc, interpréter ce silence ? Deux voies sont envisageables :
soit la substitution est, hormis les cas expressément cités, interdite ; soit la substitution est
toujours autorisée mais le mandataire n’encourt aucune responsabilité.

302. A notre sens, aucune de ces interprétations ne peut être retenue. En effet, malgré les
difficultés rencontrées lors des débats relatifs à l’autorisation ou à la substitution de
mandataires, il a été finalement décidé qu’elle constituait un droit du mandataire798, bien que
certains faisaient valoir que la substitution ne devrait être admise que dans les cas où elle avait
été autorisée799. Or, au regard de l’utilité de la substitution, la validité de cette institution ne
fait plus aucun doute800. En l’état actuel du droit positif, il est désormais acquis que
l’éventuelle interdiction de la substitution par le mandant ne la rend pas pour autant illicite si
le mandataire y a néanmoins recours. Dans un arrêt en date du 10 juin 1960801, la première

796
Pour plus de développements, supra, n° 226 et s..
797
Sur les insuffisances de ce texte voir B. MALLET-BRICOUT, thèse précitée, n° 237 et s., pp. 169 et s..
798
P.-A. FENET, précité, p. 599.
799
Voir la discussion entre CAMBACERES, TREILHARD et TRONCHET, in P.-A. FENET, op. cité, p. 573.
800
En ce sens voir B. MALLET-BRICOUT, thèse précitée ; J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec
la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les principaux contrats spéciaux, op. cité, n° 31153, pp. 1033 et s. ; R.
DE QUENAUDON, « Mandat », in J.Cl. Responsabilité, Fasc. 40.
801
Civ. 1, 10 juin 1960 - Bull. civ., 1960, I, n° 314. Pour une illustration récente : Civ. 1, 12 juin 2012 – Pourvoi
n° 11-14.470.

176
chambre civile rejette l’argumentation selon laquelle l’interdiction de la substitution
invaliderait le lien juridique qui naîtrait entre le mandant et le mandataire substitué. Dans cette
affaire, le donneur d’ordre fait valoir que le statut particulier de son mandataire « interdi[sai]t
toute substitution de mandat ». La thèse a été repoussée par les juges du droit qui ont constaté
l’existence d’un sous-mandat. Un an plus tard, dans des faits sensiblement différents802, la
Cour de cassation rejette également l’argumentation des défendeurs tout en retenant que les
termes du mandat semblaient interdire la substitution803.

303. Mais alors, au regard du lien de confiance que le mandat met en œuvre, le recours à la
substitution de mandataire doit systématiquement s’accompagner du régime de la
responsabilité contractuelle du fait d’autrui car, en aucune façon, le mandataire ne peut s’auto-
décharger de ses obligations à l’égard du mandant.

304. La substitution n’entraîne que rarement la décharge générale du mandataire


initial. Entérinée ou non par le mandant, la substitution n’emporte pas libération du
mandataire initial. Cette règle se justifie aisément par le principe de la force obligatoire du
contrat qui interdit à tout individu de se délier de son engagement sans l’accord de son
partenaire contractuel. Par conséquent, l’interprétation selon laquelle l’autorisation permettrait
l’exemption ne peut être admise : non seulement, cette solution porterait atteinte au principe
précité ; mais, surtout, elle ferait naître un régime excessivement favorable à l’égard du
mandataire principal. Il suffirait, pour se libérer unilatéralement de ses obligations, de
désigner un substitué tout en restant dans la limite du pouvoir donné… alors même que le
principe de la force obligatoire du contrat interdit à un cocontractant de sortir du lien
contractuel sans l’assentiment de l’autre. Ce précepte est ici d’autant plus important que le
mandat comporte un fort caractère intuitu personae804 qui indique que la mission a été
personnellement confiée. Par conséquent, le mandataire ne saurait devenir totalement étranger
à ce qui a été initialement prévu.

305. Pour cette raison, le droit positif est venu apporter de sérieux tempéraments mais
également de nombreuses précisions à la règle légale. Le premier mandataire n’est jamais
totalement déchargé, que l’on se situe au moment de la formation ou de l’exécution du

802
A l’inverse de l’affaire précédente, c’est le mandataire et non le mandant qui invoque cette interdiction pour
la raison suivante : ayant été empêché pendant un certain temps de remplir ses fonctions, il souhaite recouvrir ses
droits et souhaite, par conséquent, que la substitution soit invalidée.
803
Civ. 1, 26 décembre 1961 - Bull. civ., 1961, I, n° 625. Attendu que les mandants « ne prévoyaient aucune
possibilité de substitution que la nature de la mission confiée ne permettait pas de présumer ».
804
Supra, n° 192 et 214.

177
mandat, qu’il y ait eu autorisation ou non805. Bien sûr, ainsi qu’en dispose l’article 1994
premier alinéa, l’hypothèse d’une absence d’interdiction constitue le domaine de prédilection
de la responsabilité du premier mandataire, mais l’autorisation n’est jamais exclusive de
responsabilité. Ainsi, dans tous les cas, le premier intermédiaire s’oblige, au moment de la
substitution, « à transmettre les instructions reçues par le mandant »806, une transmission qui
doit nécessairement être fidèle à la volonté initialement exprimée par le mandant. En outre,
lors de l’exécution du mandat par un substitué, il reste tenu « d’une obligation de surveillance
vis-à-vis du mandataire substitué pour la bonne exécution du mandat »807, de lui transmettre,
en temps utile, les informations nécessaires à l’exécution de la mission808, de « s’assurer de la
validité des actes effectués par le substitué »809 et, de manière générale, de vérifier la
conformité de « toutes les obligations qui dérivent du mandat »810.

306. Ainsi, à côté de la responsabilité contractuelle du fait d’autrui dont l’article 1994 est le
siège811, c’est une responsabilité du fait personnel qui est manifestement consacrée, de façon
automatique et systématique, par les tribunaux. De la sorte, la jurisprudence vient
considérablement étendre le domaine de la responsabilité du mandataire puisque le législateur
avait, semble-t-il, souhaité la réduire à certaines hypothèses. Toutefois, un arrêt relativement
récent est venu atténuer cette organisation. Les faits étaient les suivants : un mandat avait été
donné à une banque française afin qu’elle procède à un virement vers une banque espagnole,
laquelle devait remettre les fonds à un bénéficiaire désigné par le donneur d’ordre. L’argent
ayant été reçu par erreur par un autre client, le mandant assigna le mandataire originaire en
restitution de la somme. La demande fut accueillie par la Cour d’appel au motif que la banque
devait, « en sa qualité de mandataire originaire, répondre envers ses mandants de
l'établissement qu'il était substitué ». L’arrêt fut cassé par la chambre commerciale de la Cour
de cassation qui considéra, au contraire, que l’obligation du mandataire envers le mandant
« était sérieusement contestable » lorsque le mandant avait « non seulement autorisé la
substitution mais encore désigné la personne du substitué ». La portée de cette décision
doit toutefois être appréciée avec prudence celle-ci se justifiant amplement par le fait que la
substitution avait été imposée par le mandant au mandataire.
805
Pour une analyse générale voir B. MALLET-BRICOUT, thèse précitée, spéc. n° 276 et s..
806
Com., 23 novembre 1970 - Bull. civ., 1970, IV, n° 312.
807
Civ. 1, 29 mai 1980 - Bull. civ., 1980, I, n° 163.
808
Civ. 1, 4 mars 1980 - Bull. civ., 1980, I, n° 72.
809
C.A., NÎMES, 1ère Chambre civile, sect. A, 15 avril 2008 : arrêt n° 06/03892.
810
Civ. 1, 10 décembre 1912 : D., 1914, 1, p. 97, note L. LACOUR.
811
Toutefois, selon certaines thèses il ne s’agirait pas, à proprement parler, d’une responsabilité du fait d’autrui,
l’exigence d’une faute personnelle du mandataire initial étant exigée. Voir B. MALLET-BRICOUT, thèse précitée,
spéc. n° 248 et s..

178
307. Les effets de la substitution à l’égard du mandant. La permanence de la
responsabilité du mandataire est particulièrement heureuse pour le mandant. « Dans tous les
cas812 » précise l’alinéa 2 de l’article 1994, « le mandant peut agir directement contre la
personne que le mandataire s'est substituée. ». Et puisque nous venons de voir que le
mandataire n’est que très rarement libéré813, il faut en conclure que le mandant dispose
généralement de deux actions : l’une envers le mandataire initial, l’autre envers le mandataire
substitué. De la sorte, il sera possible, pour ce dernier, de préférer une action contre le
mandataire, voire de cumuler une action contre le mandataire avec une action contre le sous-
mandataire.

308. Cependant, l’action directe du mandant contre le mandataire substitué814 sera


conditionnée par la preuve d’une faute du sous-mandataire815. En raison du principe de la
force obligatoire, le mandant ne peut en effet exiger plus du sous-mandataire que ce qu’il
aurait pu demander à son mandataire. Ainsi, la demande du mandant invoquant la mauvaise
exécution du mandat par le mandataire substitué doit être rejetée s’il est avéré que le
dommage dont il est l’auteur avait été généré par la défectuosité des instructions transmises
par le mandataire initial816. La solution doit évidemment être saluée : admettre la
responsabilité du sous-mandataire alors même qu’aucun comportement déficient ne pouvait
lui être reproché (dans cette affaire, les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation,
avait relevé l’absence de faute du mandataire substitué qui s’était contenté d’exécuter
fidèlement les ordres reçus) reviendrait en effet à autoriser à ce que la responsabilité du
substitué soit plus sévère que celle du substituant, ce dernier ne pouvant voir sa responsabilité
engagée que sur le fondement d’une faute.

309. Synthèse de la section. Bien que l’obligation de diligence à laquelle est tenu le
mandataire soit comparable aux fiduciary duties, son régime juridique ne montre pas
suffisamment, à notre sens, la place déterminante de la confiance dans la relation mandant -

812
Nous soulignons.
813
Supra, n° 230 et s.. Hormis deux hypothèses donc : celle où le mandant aurait expressément déchargé le
mandataire initial, et celle où le mandant aurait autorisé la substitution et désigné le substitué.
814
Sur l’action directe du mandant voir not. : G. BAUDRY-LACANTINERIE par A. WAHL, Traité théorique et
pratique de droit civil, Tome XXI, Librairie de la Société du recueil de lois et des arrêts, 1900, n° 580, p. 425 ;
C. AUBRY et C. RAU, Droit civil Français, Tome 6, Petits contrats et responsabilité, op. cité, § 413, pp. 220 et s.
; B. MALLET-BRICOUT, thèse précitée, spéc. n° 395 et s., pp. 271 et s..
815
Civ. 1, 26 novembre 1981 - Bull. civ., 1981, I, n° 355. Cette action directe existe, que le mandant ait ou non
expressément autorisé la substitution ou que le substitué connaisse ou non l’existence du mandat (Civ. 1,
27 décembre 1960 : D., 1961, p. 491, obs. M. BIGOT ; Com., 8 avril 1976 - Bull. civ., 1976, IV, n° 111).
816
Civ. 1, 26 novembre 1981 - Bull. civ., 1981, I, n° 355.

179
mandataire. Si, dans l’hypothèse d’une violation de l’obligation de diligence, certains aspects
de la responsabilité du mandataire sont relativement satisfaisants (notamment la gravité de la
sanction dès lors qu’une faute est constituée), d’autres doivent faire l’objet d’une réflexion.
En particulier, le fait que la responsabilité soit appréciée selon la technique de l’appréciation
in abstracto est critiquable, notamment lorsque les éléments ayant pu motiver le mandant à
contracter demeurent en dehors du champ d’appréciation de la gravité de la faute. C’est
particulièrement évident à l’égard du caractère professionnel du mandataire : alors même que
celui-ci est déterminant pour la « réussite » du mandat, il n’est que rarement pris en compte
lors de l’examen de sa responsabilité pour violation de l’obligation de diligence. A l’égard du
régime juridique de l’obligation d’information, les critiques sont moindres.

§2- La responsabilité du mandataire dans le cadre de l’inexécution ou de la


mauvaise exécution de son obligation accessoire d’information

310. La distinction du devoir et de l’obligation. A titre liminaire, il convient de préciser


le sens des termes qui seront utilisés. Dans sa jurisprudence, la Cour de cassation utilise
indifféremment les termes d’« obligation » ou de « devoir ». Par exemple, dans un arrêt rendu
le 30 octobre 1985, la première Chambre civile de la Cour de cassation rappelle que le
mandataire est tenu « d'une obligation de renseignement et de conseil vis à vis de son
mandant »817 alors que le 18 avril 1989 la même Chambre constate le manquement du
mandataire « à son devoir de conseil »818. Il est vrai que, dans la pratique, devoir et obligation
se confondent. Les définitions couramment admises de ces deux termes sont d’ailleurs très
proches : alors que le devoir est synonyme d’obligation dans un sens vague pour désigner tout
ce qu’une personne doit faire ou ne pas faire, l’obligation résulte quant à elle d’un devoir

817
Civ. 1, 30 octobre 1985 - Bull. civ., 1985, I, n° 277. Pour une application récente voir par exemple Civ. 3, 28
septembre 2011 – Pourvoi n° 10-10.162 : « Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que Mme X... avait conféré à
son mandataire, professionnel, un mandat général de gestion, faisant obligation au mandataire de renseigner le
mandant sur les règles d'ordre public de fixation du fermage et de l'informer quant aux conditions de mise en
conformité du bail ».
818
Civ. 1, 18 avril 1989 – Bull. civ., 1989, I, n° 150. Pour une application récente voir par exemple Civ. 2, 7
juillet 2011 – Pourvoi n° 10-21.719 : « Qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, M. Z..., mandataire d'une
société de courtage, exerçait une activité d'intermédiaire en assurance, et était, à ce titre, personnellement tenu
envers ses clients d'un devoir d'information et de conseil (…) ».

180
d’origine légale819. Ainsi, la seule distinction faite entre ces deux notions serait leurs natures
propres. Pourtant, la doctrine distingue clairement l’obligation du devoir et il est donc
nécessaire de s’arrêter un instant sur le contenu de ces notions.

311. Dans son ouvrage de la Théorie générale des normes, KELSEN oppose la norme morale
à la norme juridique820. Selon cet auteur, la norme n’est juridique que lorsqu’elle commande
le comportement d’autrui en posant une sanction comme obligatoire. La norme morale est
quant à elle plus générale et n’est pas accompagnée de façon systématique par une sanction.
Reprenant cette distinction, un auteur821 définit l’obligation comme la fonction normative
essentielle, c'est-à-dire celle par laquelle il est permis d’exiger un certain comportement d’une
certaine personne. Au contraire, le devoir s’impose, de manière générale, à la conduite
d’autrui. Dans cette optique, il apparaît que le devoir pèse de façon constante et non
personnelle sur tous, alors que l’obligation s’analyse par rapport aux personnes qu’elle met en
jeu. L’objectivité du devoir s’opposerait donc à la subjectivité de l’obligation : autrement dit,
l’obligation s’analyserait en un devoir circonstancié. D’une certaine manière, l’on peut
opposer l’éventualité du devoir à l’actualité de l’obligation : la mutation du devoir en
obligation est hypothétique, il faut pour cela que les circonstances la faisant naître soient
réunies. Le « tu ne causeras point de dommage à autrui » que cristallise l’article 1382 du
code civil est un devoir, la réparation ne devient obligation que lorsque les circonstances d’un
dommage sont réunies. Le devoir peut alors être défini comme « certaines règles d’origine
légale et de caractère permanent »822 et l’obligation comme « la face passive du lien de droit
établi entre une ou plusieurs personnes »823.

312. Plan. Par voie de conséquence, si un « devoir » d’information pèse sur tout
cocontractant, le mandataire devrait être tenu d’une « obligation » d’information dont le
contenu ou le régime juridique de suivrait l’équilibre des cocontractants. De ce point de vue,
les règles de la transmission de l’information constitueront, à n’en pas douter, un terrain
privilégié de l’observation de la professionnalisation du mandat et des conséquences qui en
découlent sur le régime juridique du contrat. En d’autres domaines, il est très vite apparu que
les juges étaient plus sévères à l’égard de ceux dont les capacités ou connaissances dénotaient

819
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité.
820
H. KELSEN, Théorie générale des normes, traduit de l’allemand par O. BEAUD et F. MALKANI, P.U.F., coll.
Léviathan, 1996, pp. 175 et s..
821
J. AGLO, Normes et symbole : Les fondements philosophiques de l’obligation, L’Harmattan, coll. La
philosophie en commun, 1998, pp. 144 et s..
822
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité.
823
Ibid..

181
un savoir particulier. Autrement dit, le contenu de l’information est à intensité variable, et
c’est la qualité professionnelle ou l’ignorance du débiteur (et du créancier ?) qui oriente le
choix du juge (A). L’exécution d’un contrat de mandat génère plusieurs obligations
d’information à la charge du mandataire. Celle, commune à tous cocontractants, qui impose
au mandataire de transmettre toute information qui pourrait s’avérer utile au mandant ; celle,
plus spécifique au mandat, qui est définie à l’article 1993 du Code civil aux termes duquel
« tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion ». Ceci étant dit, nous
n’effectuerons pas plus de distinction dans nos développements ultérieurs car il n’existe pas
de différence fondamentale entre le régime juridique de la délivrance de l’une ou de l’autre
(B).

A- L’intensité variable de l’obligation d’information

313. Distinction des différentes obligations d’information. Dans la théorie générale de


l’information824, le terme d’ « information » est générique. La jurisprudence utilise
indifféremment plusieurs notions (obligation d’alerter, d’éclairer, d’avertir…) qui ont toutes
comme point commun d’inciter le détenteur d’une information à la transmettre à son
interlocuteur. Dans le mandat, la Cour de cassation use de la terminologie « renseignement »
et « conseil »825. Indubitablement, ces deux expressions ne sont pas synonymes. Au sens
courant, déjà, on relève une différence de degré. Alors que le renseignement décrit « un fait
que l’on porte à la connaissance de quelqu’un », le conseil se définit comme
l’« opinion donnée à quelqu’un sur ce qu’il convient de faire ». Autrement dit, la première
information est objective, brute, standardisée ; la seconde est subjective, originale et orientée.

314. Plus exigeante que l’obligation de renseignement, l’obligation de conseil exige, outre
l’apport quantitatif d’informations techniques, une appréciation qualitative de ces différents
éléments, c’est-à-dire « une mise en lumière de l’opportunité même de certaines
décisions »826. En d’autres termes, le créancier de l’obligation de conseil attend du débiteur
qu’il l’oriente, lui indique la voie à suivre. « Le débiteur ne se borne plus à énoncer les faits.
Il doit, au moins partiellement, faire apparaître à l’autre partie leurs conséquences quant à

824
Voir, en particulier, M. FABRE-MAGNAN, De l’obligation d’information dans les contrats : Essai d’une
théorie, préface de J. GHESTIN, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 221, 1992.
825
Supra, n° 310.
826
M. FABRE-MAGNAN, thèse précitée, p. 385, n°471.

182
l’opportunité de conclure le contrat envisagé »827. C’est l’information la plus complète que le
bénéficiaire puisse espérer et elle va bien au-delà du respect des instructions reçues. Un
avocat, par exemple, doit – quelles que soit les instructions reçues - conseiller son client sur
l’étendue des moyens de défense qui sont à sa disposition et lui indiquer ce qu’il convient de
faire828. En pratique, ce devoir de conseil ne s’impose pas aux seuls mandataires
professionnels mais à tout professionnel, quel que soit l’objet de l’intervention. On la retrouve
ainsi dans le contrat d’entreprise829, du rédacteur d’actes830, du garagiste831… et plus
généralement dans toute relation contractuelle dans laquelle un déséquilibre existe. Fort
logiquement le mandat ne pouvait y échapper chaque fois que le pouvoir est donné à un initié.

315. Ainsi, « l’obligation de conseil se distingue de l’obligation de renseignement


uniquement par le contenu, le degré de l’information transmise »832. La première est une
« incitation »833, une « mise en relation du renseignement brut avec l’objectif poursuivi par le
créancier de l’obligation d’information »834 quand la seconde n’est qu’un « simple fait
brut »835, « objectif »836.

316. Mise en œuvre : examen de la jurisprudence. De ce point de vue là, le conseil est
manifestement plus contraignant pour le débiteur que le simple renseignement837. Dans cette
optique, il est largement souhaitable que, pour éviter d’engager sa responsabilité, le
mandataire professionnel doive se plier à une obligation de conseil et le mandataire néophyte
à une obligation de renseignement.

317. Ponctuellement, c’est le législateur lui-même qui l’a expressément prévu pour certains
mandats de droit spécial. A cet égard, l’on pense essentiellement à l’avocat, qu’il agisse en
tant que mandataire ou en tant que représentant ad litem. Concernant ce professionnel838,
l’article 412 du Code de procédure civile dispose en effet que « la mission d'assistance en

827
J. GHESTIN, Traité de droit des obligations – Les obligations : le contrat, formation, Tome 2, L.G.D.J, 1988,
spéc. n° 458, p. 374.
828
Civ. 1, 9 mai 1996 - Bull. civ., 1996, I, n° 191.
829
Par exemple : Civ. 1, 25 novembre 2003 - Bull. civ., 2003, I, n° 235.
830
Par ex. : Civ. 1, 7 juillet 1998 - Bull. civ., I, n° 238.
831
Par ex. : Com., 25 février 1981 - Bull. civ., 1985, IV, n° 109.
832
M. FABRE-MAGNAN, thèse précitée, p. 385, n° 471.
833
R. SAVATIER, « Les contrats de conseil professionnel en droit privé », D., 1972, 1, chron. pp. 137 et s., spéc.
n° 10.
834
En ce sens, M. FABRE-MAGNAN, thèse précitée, n°476, p. 389.
835
Ibid..
836
R. SAVATIER, op. cité.
837
En ce sens, M. FABRE-MAGNAN, thèse précitée, n° 472, pp. 385-386.
838
Sur la responsabilité de l’avocat voir not. H. ADER, A. DAMIEN, Règles de la profession d’avocat, avec la
collaboration de S. BIGOT DE LA TOUANNE, Dalloz, coll. Dalloz action, 3ème éd., 2011-2012, spéc. n° 90 et s., pp.
753 et s..

183
justice emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie839 et de présenter sa défense sans
l'obliger », ce qui signifie que le conseil constitue, ab initio, un aspect de la mission qui lui est
dévolue. Mais, le plus souvent, c’est la jurisprudence qui est venue consacrer cette obligation
de conseil à l’égard de la plupart des mandataires professionnels840. Tel est le cas du notaire841
pour lequel un tel devoir a été reconnu dès la fin du XIXème siècle. Dans un arrêt en date du 4
avril 1872, la chambre civile de la Cour de cassation constate la responsabilité d’un notaire
qui, tout en connaissant la situation obérée du vendeur n’avait transmis « que des informations
équivoques qui ne pouvaient éclairer suffisamment un campagnard ignorant et illettré »842.
Par la suite, la solution n’a pas varié et a été constamment reprise ; à titre d’exemple on peut
mentionner un arrêt rendu par la chambre des requêtes le 22 janvier 1890 dans lequel les juges
du droit ont affirmé que « le notaire institué (…) a également pour mission d’éclairer ses
clients sur les conséquences de leurs engagements et de suppléer par son initiative à leur
inexpérience »843 ; on peut encore citer un arrêt de la première chambre dans lequel la Cour de
cassation sanctionne une Cour d’appel pour avoir exonéré de toute responsabilité le notaire «
sans préciser les éléments desquels il déduisait que le notaire avait rempli son obligation de
conseil en éclairant l'acquéreur sur les risques que comportait l'acte qu'il signait, compte
tenu de la complexité de la situation juridique »844 ; ou enfin, plus proche de nous, un arrêt de
2007 dans lequel la Cour juge que « le notaire, professionnellement tenu d'informer et
d'éclairer les parties sur les incidences fiscales des actes qu'il établit, ne peut être déchargé
de son devoir de conseil envers son client par les compétences personnelles de celui-ci »845.

318. Parallèlement, d’autres mandataires professionnels se sont également vus imposer,


afin d’échapper à la mise en œuvre de leur responsabilité, cette obligation de conseil. C’est
notamment le cas de l’agent immobilier846, pour lequel il a été jugé qu’il « [était] tenu d'une
obligation de renseignement et de conseil vis à vis de son mandant et [qu’]il [devait],

839
Nous soulignons.
840
Plus généralement, il faut souligner que cette obligation de conseil a été étendue à la plupart des
cocontractants professionnels, mandataire, intermédiaire, gérant pour autrui ou autre.
841
Sur la responsabilité des notaires voir not. J. DE POULPIQUET, La responsabilité civile et disciplinaire des
notaires : de l'influence de la profession sur les mécanismes de la responsabilité, préface de P.-A. SIGALAS,
L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 136, 1974. Du même auteur, La responsabilité des notaires :
civile, disciplinaire, pénale, Dalloz, coll. Dalloz référence, 2ème édition, 2009.
842
Civ. 4 avril 1872 : D.P., 1872, 1, p. 363.
843
Req., 22 janvier 1890 : D.P., 1872, 1, p. 194.
844
Civ. 1, 12 mai 1976 - Bull. civ., 1976, I, n° 168.
845
Civ. 1, 3 avril 2007 - Bull. civ., 2007, I, n° 142.
846
L. MAUPAS, « Le devoir d'information de l'agent immobilier », L.P.A., 18 octobre 2007, p. 4 ; P. PILLET,
« L'obligation d'information et de conseil de l'agent immobilier à l'égard de l'acquéreur », A.J.D.I., 2008, 1ère
partie « A la recherche de la nature de l'obligation », p. 263 et 2ème partie « A la recherche du contenu de
l'obligation », p. 366.

184
notamment, lui donner des informations loyales sur la valeur du bien mis en vente, lorsqu'il
apparaît que le prix demandé est manifestement sous-évalué sans raison »847. L’agent
d’affaires, également, est, « en raison de sa qualité de professionnel, mandataire salarié, tenu
d'une obligation de conseil »848. Le courtier d’assurance, encore, « commerçant indépendant
et professionnel de l'assurance, [qui] a à l'égard de son client une obligation de conseil et
d'exacte information »849.

319. L’obligation de mise en garde. Plus récemment, l’on a vu émerger en jurisprudence,


l’existence d’une obligation de mise en garde. Celle-ci se définit comme l’obligation par
laquelle le débiteur d’une information doit attirer l’attention du créancier sur les risques de
l’opération. Plus souple que l’obligation de conseil, l’obligation de mise en garde est en
revanche plus contraignante que l’obligation de renseignement. Elle suppose, outre la
transmission de l’information, que le sachant souligne les difficultés objectives de l’acte
envisagé. L’obligation de mise en garde a été mise au jour, au milieu des années 1990, dans
un arrêt rendu le 27 juin 1995 par le première Chambre civile de la Cour de cassation à propos
de la responsabilité du banquier850. Les faits étaient les suivants : afin de financer la
construction de leur maison, un couple obtient un crédit bancaire. Ne parvenant pas à le
rembourser, ils assignent l’établissement de crédit au motif que le professionnel a manqué à
son obligation de renseignement. Pour sa défense, ce dernier démontre avoir parfaitement
exécuté l’ensemble des obligations qui sont imposés aux établissements bancaires.
L’argument n’est pas reçu par la Cour de cassation qui constate la responsabilité du banquier
« qui consent un prêt dont les charges sont excessives au regard de la modicité des ressources
de l'emprunteur, sans avoir mis en garde cet emprunteur sur l'importance de l'endettement
résultant de l'octroi de ce prêt ». Avec cet arrêt, les premières pierres de l’édifice étaient
jetées851, mais tout restaient encore à construire. C’est au terme d’un feuilleton jurisprudentiel

847
Civ. 1, 30 octobre 1985 - Bull. civ., 1985, I, n° 277. Sur le caractère professionnel de l’obligation, voir par
exemple Civ. 1, 18 avril 1989 - Bull. civ., 1989, I, n° 150 : « Manque à son devoir de conseil l'agent immobilier
qui omet d'informer l'acheteur de l'immeuble vendu par son entremise de l'existence des désordres apparents qui
affectent celui-ci et qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier il ne peut ignorer ».
848
Com., 10 février 1970 - Bull. civ., 1970, IV, n° 47.
849
Civ. 1, 6 novembre 1984 – Bull. civ., 1984, I, n° 291.
850
Civ. 1, 27 juin 1995 - Bull. civ., 1995, I, n° 287 : D., 1995, p. 621, note S. PIEDELIEVRE ; R.T.D. Com., 1996,
p. 100, note M. CABRILLAC ; R.T.D. Civ., 1996, p. 384, note J. MESTRE ; JCP E. 1996, II, p. 722, note D.
LEGEAIS ; Défrenois 1995, p. 1416, note D. MAZEAUD ; Revue de Droit bancaire, 1995, p. 185, note F.-J.
CREDOT et Y. GERARD ; E. SCHOLASTRIQUE « Les devoirs du banquier dispensateur de crédit. », Défrénois,
1996, p. 689.
851
Pour plusieurs auteurs, les premiers signes de cette obligation de mise en garde sont apparus l’année
précédente : Civ. 1, 8 juin 1994 - Bull. civ., I, n° 206 ; R.T.D. Com., 1995, p. 170, note M. CABRILLAC ; JCP E.,
1995, II, p. 652, note D. LEGEAIS ; Revue de Droit bancaire, 1994, p. 173, note F.-J. CREDOT et Y. GERARD.

185
qui dura dix années que l’existence d’une obligation de mise en garde devait être pleinement
consacrée852.

320. D’abord limitée au prêt bancaire, l’obligation de mise en garde a ensuite été étendue à
d’autres hypothèses, notamment aux prestataires de service d’investissement et aux
assurances emprunteur. Mais, plus intéressant pour notre sujet, l’existence d’une obligation de
mise en garde a été révélée dans le mandat. Plus précisément, ce sont les banquiers
mandataires qui se sont vus imposées cette obligation853.

321. L’intérêt principal de cette nouvelle obligation est d’instituer une obligation
d’information équilibrée. L’examen du régime juridique de la mise en garde montre en effet
que les juges s’attachent aux compétences respectives des parties, et, en particulier, à celles du
créancier de l’information. Plus précisément, au travers du critère original de l’emprunteur
« non averti », c’est la capacité intellectuelle, à comprendre ou à ne pas comprendre les
risques encourus qui est prise en compte. Cette exigence est particulièrement évidente dans
les termes de l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation et dans lequel
il est affirmé que l’existence d’une obligation de mise en garde est rejetée au motif que
l’emprunteur « était en mesure d’appréhender les risques et l’opportunité du crédit »854. A
notre sens, cette distinction averti – non averti présente l’avantage de coller au plus près de la
réalité, ce que ne permet pas la distinction professionnel – non professionnel. Alors que la

852
A partir de 1995, l’on assiste en effet à une opposition entre la première Chambre civile particulièrement
protectrice des intérêts de l’emprunteur (par ex. Civ. 1, 8 juin 2004 - Bull. civ., 2004, I, n° 166 : D., 2004, A.J.,
p. 1897 ; R.T.D. Com., 2004, p. 581, note D. LEGEAIS ; JCP E., 2004 , p. 1442, note D. LEGEAIS ; JCP G., 2004,
II, 10142, note Y. DAGORNE-LABBE ; Revue Banque et Droit, nov.- déc. 2004, p. 5, note T. BONNEAU ; G.P., 27-
31 mars 2005, note F. BOUCARD ; Revue de droit bancaire, juillet-août 2004, n° 158, note F.-J. CREDOT et Y.
GERARD) et la Chambre commerciale profondément attachée aux intérêts du banquier. (Par ex. Com., 11 mai
1999 - Bull. civ., IV, n° 95 : D., 1999, I.R., p. 155 ; R.T.D. Com., 1995, p. 733, note M. CABRILLAC ; JCP E.,
1995, II, p. 1730, note D. LEGEAIS. Voir également : Com., 26 mars 2002 - Bull. civ., 2002, IV, n° 57 : D., 2002,
A.J., p. 1341, note A. LIENHARD ; R.T.D. Com., 2002, p. 523, note M. CABRILLAC ; R.T.D. Civ., 2002, p. 507,
note J. MESTRE et B. FAGES ; R.D.I., 2003, p. 57, note H. HEUGAS – DARRASPEN ; JCP G., 2002, IV, 1828 ; JCP
E., 2002, II, p. 652, note A. GOURIO. Com., 24 septembre 2003 - Bull. civ., 2003, IV, n° 137 : D., 2003, A.J., p.
2568 ; R.T.D. Com., 2004, p. 142, note D. LEGEAIS ; R.D.I., 2004, p. 181, note H. HEUGAS – DARRASPEN ; JCP
G., 2003, IV, 2778 ; Revue Banque et Droit, janvier- février 2004, p. 57, note T. BONNEAU.)
A cette époque, la divergence entre les deux chambres était telle qu’un alignement s’avérait nécessaire.
Par trois arrêts en date du 12 juillet 2005, la première chambre civile introduit une distinction entre l’emprunteur
averti et l’emprunteur profane, opérant ainsi un infléchissement en faveur de la position commercialiste. (Civ. I,
12 juillet 2005 - Bull. civ., 2005, I, n° 324, n°325, n° 326, n°327 ; D., 2005, A.J., p. 2276, note X. DELPECH et
Jur. p. 3094, note B. PARANCE ; R.T.D. Com., 2005, p. 820, note D. LEGEAIS; JCP E., 2005 , p. 1359, note D.
LEGEAIS ; JCP G., 2005, II, 10140, note A. GOURIO ; Revue Banque et Droit, nov.- déc. 2005, p. 80, note T.
BONNEAU ; R.D.I., 2006, p. 123, note H. HEUGAS – DARRASPEN.) Par trois arrêts du 3 mai 2006 la chambre
commerciale instaure un devoir de mise en garde au profit des emprunteurs profanes, professionnels ou pas,
(Com., 3 mai 2006 – Bull. civ., 2006, IV, n° 101, 102, 103), mettant ainsi un terme à la divergence
jurisprudentielle.
853
Civ. 1, 12 juillet 2007 – Bull. civ., 2007, I, n° 266.
854
Com., 12 décembre 2006 – Bull. civ., 2006, IV, n° 243.

186
première distinction suppose que l’on apprécie la personnalité des parties (il s’agit donc d’un
critère subjectif), la seconde repose sur des éléments objectifs, l’intervention dans ou en
dehors du domaine professionnel. C’est la raison pour laquelle il nous semble opportun
d’étendre cette obligation à d’autres hypothèses que celle du banquier mandataire. En effet, au
regard de l’évolution du mandat855, de plus en plus de mandants sont avertis des risques que
représentent pour eux la vie des affaires. Pour autant, au regard de la définition qui est donné
du critère « professionnel », il n’est pas certain qu’ils soient reconnus comme tel chaque fois
qu’ils feront appel à un intermédiaire pour des besoins annexes à leur activité professionnelle.

322. Synthèse. Dans l’ensemble, l’examen du contenu du devoir d’information est donc
relativement satisfaisant. Il montre, en effet, que la Cour de cassation s’est appuyée sur les
déséquilibres en présence. Sans doute, le système est perfectible, mais il n’en reste pas moins
que, de manière générale, elle a pris acte de certaines évolutions du contrat.

B- Le régime juridique de l’exécution de l’information

323. La preuve de l’existence de l’obligation d’information. Reste un dernier point à


éclaircir, celui du régime juridique de l’obligation d’information. Sur laquelle des parties au
contrat de représentation pèse la charge de la preuve ? L’éventuelle professionnalité du
représenté peut-elle constituer un moyen d’exonération pour le représentant ?

324. Selon l’article 1315 du Code civil, « celui qui réclame l'exécution d'une obligation
doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le
fait qui a produit l'extinction de son obligation ». Autrement dit, deux questions se posent,
l’une relative à l’existence de l’obligation, l’autre à celle de son exécution. Concernant la
question de l’existence de l’obligation, l’article 1315 précité est clair : c’est au créancier de
l’obligation de la démontrer et il en va de même dans les relations entre professionnel et
néophyte. Ainsi, à propos de la responsabilité des notaires, la Cour de cassation a jugé que
« le devoir de conseil qui pèse sur les notaires n'a pas de caractère absolu et dépend des
circonstances de la cause »856.

855
Supra, n° 14 et s..
856
Civ. 1, 7 février 1990 - Bull. civ., 1990, I, n° 37.

187
325. La preuve de l’exécution de l’obligation de conseil. Concernant le problème de
l’exécution de l’obligation d’information, la réponse n’est pas si évidente. Certains arrêts
laissent penser que le régime juridique de l’inexécution d’une obligation d’information serait
celui d’une obligation de résultat. Autrement dit, le mandataire, présumé responsable, ne
pourrait se dégager qu’en fournissant la preuve de son absence de faute. Par exemple, à
propos de l’obligation de conseil de la société de bourse mandataire, il a été récemment
rappelé, dans un arrêt rendu le 22 mars 2011 par la première Chambre commerciale de la
Cour de cassation, « que c'est à celui qui est contractuellement tenu d'une obligation
particulière de conseil de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation »857. De
même, dans un litige opposant un maître d’ouvrage à un entrepreneur, la responsabilité du
constructeur a été retenue pour ne pas avoir apporté la preuve de l'exécution de leur obligation
d'information858. L’on peut encore citer un arrêt rendu le 9 décembre 1997 par la première
chambre civile de la Cour de cassation dans lequel il a été décidé « que le médecin est tenu
d'une obligation particulière d'information vis-à-vis de son patient et qu'il lui incombe de
prouver qu'il a exécuté cette obligation »859. A l’inverse, d’autres décisions de la Cour de
cassation suggèrent que la sanction de l’inexécution d’une obligation d’information obéit aux
règles applicables à l’obligation de moyens. Ainsi, dans un arrêt en date du 28 février 1989, la
première Chambre civile de la Cour de cassation a confirmé une décision la Cour d’appel de
VERSAILLES ayant jugé qu’il « appartient à celui qui reproche à un notaire d'avoir manqué
à son obligation de conseil d'en apporter la preuve »860. Plus récemment, la Chambre
commerciale de la Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel d’avoir « décidé qu'il
incombait à la société mandante d'établir que la Société générale avait, en tant que banque
présentatrice, manqué à ses obligations de mandataire et, notamment qu'elle l'aurait informée
avec retard du défaut de provision du chèque »861.

326. Apparemment contradictoire, cette jurisprudence trouve toutefois une explication


logique si l’on prend soin de distinguer l’« émission » de l’information de la
« compréhension » ou de l’« utilité » de son contenu par celui qui la reçoit. A la lecture des
arrêts précités, il apparaît en effet que la preuve de l’absence de faute appartient au débiteur
toutes les fois qu’il n’a pas informé son cocontractant (le médecin, par exemple, qui

857
Com., 22 mars 2011 – Pourvoi n° 10-13.727.
858
Com., 28 avril 2011 – Pourvoi n° 10-14.516 et 10-14517.
859
Civ. 1, 25 février 1997 - Bull. civ., 1997, I, n° 75 : JCP G., 1997, IV, 881, note G. VINEY ; R.C.A., 1997,
chron. 8, CH. LAPOYADE-DESCHAMPS ; R.T.D. Civ., 1997, p. 434, note. P. JOURDAIN ; G.P., 1997, I, 274.
860
Civ. 1, 28 février 1989 - Bull. civ., 1989, I, n° 99.
861
Com., 20 mars 2007 – Pourvoi n° 05-21.046.

188
n’informe pas son patient des risques relatifs à une intervention chirurgicale 862 ou la société
de bourse qui ne conseille pas son mandant des différentes possibilité d’investissement863) et
que la preuve de l’inexécution de l’obligation incombe au créancier lorsque le litige porte sur
l’utilité864, la compréhension865 ou l’inexactitude de l’information transmise866.

327. Du point de vue de l’obligation de conseil, cela revient à considérer qu’elle se


compose de deux éléments. L’un est commun à toutes les déclinaisons du devoir général
d’information (renseignement, mise en garde ou conseil) : il s’agit de la « transmission »
brute de l’information ; l’autre, qui exige que le contenu de l’information soit adapté, utile et
donc compris par le destinataire, suppose une explication supplémentaire puisque le conseil se
définit comme une information complète867. Autrement dit, l’obligation matérielle de
communiquer l’information est de résultat ; l’obligation subjective de conseil, qui implique
que le créancier comprenne l’information est de moyen. C’est sur cet aspect que la
caractéristique essentielle du conseil se situe : par définition, cette variété de l’obligation
d’information comporte un aléa, les qualités intellectuelles du réceptionnaire. Pour cette
raison, la mise en œuvre de la responsabilité du mandataire pour inexécution de l’obligation
d’information ne peut, à l’égard de cette composante, être de plein droit.

328. Le conseil doit-il être utilisé correctement par le créancier ? Reste à savoir, dans
l’hypothèse d’une obligation de conseil, si le débiteur doit s’assurer que le créancier prend la
bonne décision. Le conseil étant une information orientée, l’on pourrait être tenté de répondre
par l’affirmative. Mais une telle orientation serait en totale contradiction avec l’esprit du
contrat de mandat dans lequel le mandant – c’est-à-dire le créancier de l’obligation –
demeure, en toute hypothèse, le donneur d’ordre. Qu’il soit inexpérimenté, profane ou à
l’inverse un professionnel averti, il conserve la maîtrise de la définition du contenu de la
mission. De ce fait, le débiteur ne doit en aucun cas s’assurer que le créancier utilise
correctement les informations données.

329. Synthèse. L’examen du régime de responsabilité civile sanctionnant un manquement


contractuel du mandataire dans l’exécution de son mandat est riche d’enseignements. Dans
l’ensemble, les règles exposées confirment une certaine sévérité à l’égard du mandataire. Au

862
Civ. 1, 25 février 1997 - Bull. civ., 1997, n° 75. Arrêt précité.
863
Com., 22 mars 2011 – Pourvoi n° 10-13.727. Arrêt précité.
864
Civ. 2, 2 décembre 2003 - Pourvoi n° 01-17.760.
865
Civ. 2, 30 juin 2004 - Pourvoi n° 03-14.614.
866
Com., 20 mars 2007 – Pourvoi n° 05-21.046 : arrêt précité. (En l’espèce, l’inexactitude n’avait pas été
démontrée.)
867
Infra, n° 313 et s..

189
regard de la caractéristique principale du lien interne, la confiance du mandant 868, cette
rigueur est justifiée. Malgré cela, un aspect de la responsabilité du mandataire mérite
discussion : la prééminence de la distinction mandat gratuit – mandat onéreux au détriment
d’une distinction mandataire professionnel – mandataire néophyte. L’évolution du contrat de
mandat montre en effet que la première distinction n’est plus suffisamment ancrée dans la
réalité869. Aussi, une réflexion relative à une éventuelle substitution entres ces deux
distinctions nous semble pertinente, sans, pour autant, que cela n’entraîne de profonds
bouleversements. Sur ce point, une comparaison avec l’état du droit positif dans le cadre de la
responsabilité du mandataire pour violation de son obligation d’information sera judicieuse.
Mais pour l’heure, nous allons désormais tourner nos regards vers le régime de la
responsabilité du mandant à l’égard de son mandataire.

868
Supra, n° 194 et s..
869
Supra, n° 14 et s..

190
Section 2 – La responsabilité du mandant

330. Plan. Parce que le contenu des obligations du mandant diffère selon que le mandat est
d’intérêt exclusif ou d’intérêt commun, l’examen de la responsabilité du mandant suppose que
l’on effectue une distinction entre, d’une part, le mandat-permutation (§1) et, d’autre part, le
mandat-coopération870 (§2).

§1- La responsabilité du mandant dans le cadre d’un contrat-permutation

331. Le faible intérêt pour la responsabilité du mandant dans le cadre du mandat-


permutation. A l’opposé de l’intérêt suscité par la responsabilité du mandataire, la doctrine
est fort peu prolixe, pour ne pas dire totalement muette, à l’égard de la responsabilité du
mandant lorsque le mandat est de nature permutative, c’est-à-dire lorsqu’il est conclu dans
l’intérêt exclusif du mandant871. Un tour d’horizon des ouvrages consacrés aux contrats
spéciaux révèle en effet le peu d’intérêt accordé à cette question872. Deux raisons, au moins,
expliquent ce silence. La première repose sur une vision économique du mandat. A partir des
années 1930873, juristes et économistes se sont intéressés à la situation dans laquelle une

870
Supra, n° 151 et s..
871
A titre de rappel, le mandat appartient à la catégorie des contrats-permutation lorsque les parties sont unies
par un rapport d’obligations réciproques (S. LEQUETTE, Le contrat coopération, op. cité, spéc. n° 54 et s., pp. 47
et s.) et interdépendantes (S. LEQUETTE, ibid., spéc. n° 65 et s., pp. 53 et s.) ; c’est-à-dire lorsque le mandataire
s’engage à conclure des actes juridiques au nom et pour le compte du mandant et lorsque, à l’inverse, le mandant
s’engage à rémunérer le mandataire en fonction des services rendus (S. LEQUETTE, ibid., spéc. n° 271, p. 194).
De manière plus générale, le contrat est de permutation lorsque les parties s’offrent le moyen de satisfaire leurs
besoins et en garantissant leurs échanges.
872
FR. COLLAT- DUTILLEUX et PH. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, op. cité, n° 658, pp. 573 - 574 ;
PH. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux, op. cité, n° 569 et s., pp. 316 et s. ; P.-H.
ANTONMATTEI et J. REYNARD, Droit civil - Les contrats spéciaux, op. cité : ces ouvrages envisagent la
responsabilité du mandataire sans soulever celle du mandant ; J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER,
avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les principaux contrats spéciaux, op. cité, n° 31273 et s., pp. 1123
et s. qui n’envisage que l’hypothèse de la révocation ad nutum. Par ailleurs, si certaines thèses ont été consacrées
entièrement à la responsabilité du mandataire (à titre d’exemple : J.-V. LEBLOND, Le notaire mandataire et sa
responsabilité, thèse PARIS, Sirey, 1935 ; PH. PETEL, Les obligations du mandataire, thèse précitée ; F.
OUEDRAOGO, La responsabilité civile du mandataire, thèse NANCY 1991) ; une seule, assez ancienne de
surcroît, traite de la responsabilité du mandant : T. SERE DE LANAUZE, La responsabilité civile du mandant du
fait de son mandataire, TOULOUSE, thèse dactylo., 1979.
873
Pour des références bibliographiques sur la théorie de l’agence voir. M. FABRE-MAGNAN, Droit des
obligations – Contrat et engagement unilatéral, op. cité, spéc. pp. 102 et s. ; E. MACKAAY, S. ROUSSEAU,
Analyse économique du droit, Dalloz, éd. Thémis, coll. Méthodes du droit, 2008, spéc. n° 252 et s., pp. 68 et s. ;
G. MAITRE, La responsabilité civile à l'épreuve de l'analyse économique du droit, préface de H. MUIR WATT,

191
personne s’en remet à une autre pour la gestion de ses affaires874. Ces travaux ont révélé le
danger, pour la première, de se retrouver dans la dépendance du second. Dans un état
d’infériorité, le géré perd une part de sa liberté tandis que le gérant use d’un pouvoir intrusif.
Or, « qui fait ses affaires par commission, va à l’hôpital en personne » disait SAVARY. De
cette orientation potentiellement dangereuse est apparu le besoin pressant d’encadrer le
pouvoir de l’un, et non de surveiller le comportement de l’autre.

332. La seconde raison découle d’une approche juridique plus technique. Pour l’essentiel,
les rapports entre le mandant et son mandataire sont régis par les articles 1998 et suivants du
Code civil. Or, si l’on laisse l’article 1998 du Code civil qui concerne exclusivement les
rapports du mandant avec les tiers de côté, l’on sait que le mandant est principalement tenu à
des obligations financières et indemnitaires. Ainsi, ce dernier s’engage à rembourser au
mandataire l’ensemble des avances ou frais éventuellement dépensés lors de l’exercice de la
mission875 ; il s’oblige également à le rémunérer si un salaire a été prévu876 ; le mandant doit
encore indemniser le mandataire de l’ensemble des préjudices que ce dernier a pu subir877.
Hormis pour des questions de preuve ou de définition du préjudice, l’ensemble de ces
dispositions n’a guère posé de difficulté en jurisprudence, les règles parfaitement connues de
la responsabilité contractuelle878 ayant permis d’y répondre879. Par ailleurs, l’on sait que le
mandant n’est pas tenu de maintenir le pouvoir de représentation et qu’il peut le révoquer à
tout moment sans engager sa responsabilité, sauf abus de droit 880. Enfin, en vertu de l’article
1134 alinéa 3 du Code civil, le mandant est tenu à une obligation de bonne foi envers son
partenaire contractuel. Comme tout cocontractant, ce dernier doit exécuter loyalement le
contrat auquel il est partie. Par conséquent, chaque fois que le comportement du mandant
gêne le mandataire dans l’exécution de sa mission, il engagera sa responsabilité. Il s’agirait,

L.G.D.J., Coll. Droit & économie, 2004, spéc. n° 415 et s., pp. 242 et s.. Voir également supra, n° 3, références
sous note 9 et 10.
874
Cette hypothèse a été dénommée « situation d’agence » par les économistes. Elle est constituée par l’alliance
entre un principal et un agent, le second agissant aux lieu et place du premier.
875
Articles 1999 et 2000 du Code civil.
876
Article 1999 in fine du Code civil.
877
Article 2000 du Code civil.
878
Pour des ouvrages généraux sur la responsabilité civile contractuelle voir not. M. FABRE-MAGNAN, Droit des
obligations – Contrat et engagement unilatéral, op. cité, spéc. n° 212 et s. ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E.
SAVAUX, Les obligations – L’acte juridique, op. cité ; J. GHESTIN, CH. JAMIN et M. BILLIAU, Traité de droit civil
- Les effets du contrat, L.G.D.J., 3ème édition, 2001 ; PH. MALAURIE, L. AYNES, PH. STOFFEL-MUNCK, Les
obligations, op. cité ; H., L. et J. MAZEAUD, Traité de la responsabilité civile, op. cité ; G. VINEY, Les conditions
de la responsabilité civile, ouvrage précité, spéc. n° 483 et s., pp. 428 et s...
879
Pour une présentation exhaustive de la question, voir M. MEKKI, « Mandat – Obligations du mandant – Effets
entre les parties – Effets à l'égard des tiers », in, J.Cl. Civil Code, « Art. 1991 à 2002 », Fasc. 20, 2010.
880
L’ensemble de la question ayant d’ores et déjà été développée, nous renvoyons à nos développements
antérieurs. Supra, n° 210 et s..

192
par exemple, d’une omission de fournir toutes les informations nécessaires, de ne pas prendre
de mesures concrètes et suffisantes pour permettre à l’intermédiaire de pratiquer des prix
concurrentiels881, … On pourrait ainsi penser que le contenu obligationnel lié au
comportement du mandant est suffisamment développé.

333. Les difficultés techniques. Et pourtant, s’en tenir à cette séduisante conclusion tient
de l’illusion : certaines questions demeurent encore en suspens. Dans certaines hypothèses, il
pourrait être difficile d’admettre que toutes les obligations du mandant sont de nature
contractuelle. Par conséquent, c’est la question de la nature de la responsabilité du mandant
qui pourrait parfois se poser. C’est le cas, notamment, de l’obligation à laquelle il est tenu
d’« indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa
gestion »882. Peut-on, véritablement et sans déformer la notion de contrat, concevoir, au
moment de la formation du mandat, que le mandant y ait expressément consenti alors même
que la question de l’indemnisation ne se posait pas encore ? Ne s’agirait-il pas, plus
exactement, d’une obligation légale, auquel cas le régime de la responsabilité délictuelle883
serait plus adapté dans l’éventualité d’une inexécution ? En l’état actuel du droit positif, et
bien que la règle définie par l’article 2000 du Code civil soit de nature supplétive884, certains
auteurs affirment qu’il est impossible de l’aménager lorsque le mandat a été conclu à titre
gratuit885.

334. A une certaine époque, la nature des obligations nées, non pas de la rencontre de deux
volontés individuelles mais de la loi, a tenu en haleine une partie de la doctrine qui contestait
leur valeur contractuelle886. Pour ces auteurs, « les parties n’ont pas été libres, en contractant,

881
Com., 24 novembre 1998 - Bull. civ., 1998, IV, n° 277 : D., 1999, I.R., 9 ; JCP G., II, 10210, note Y. PICOD ;
ibid., I, 143, n° 6, note CH. JAMIN ; Défrénois, 1999, 371, obs. D. MAZEAUD ; R.T.D. Civ., 1999, p. 98, obs. J.
MESTRE et p. 646 obs. P.-Y. GAUTIER.
882
Art. 2000 du Code civil.
883
En ce sens : FR. CHENEDE, Les commutations en droit privé, thèse précitée, spéc. n° 355, pp. 332 et s.. Sur la
distinction : H. et L. MAZEAUD et A. TUNC, op. cité., Tome 1, spéc. n° 103, pp. 109 s. ; G. VINEY, Introduction à
la responsabilité, op. cité, spéc. n° 191, pp. 527 et s..
884
Arrêt de principe : Req., 9 février 1938 : D.H., 1938, 213. « Les dispositions de l’article 2000 n’étant pas
d’ordre public, il peut y être dérogé par la convention des parties. Ainsi, il peut être convenu d’un forfait
excluant tout autre versement. »
Pour une application plus récente : Civ. 1, 6 décembre 2007 – Pourvoi n° 05-14.419. « Mais attendu
qu'après avoir à bon droit énoncé que les dispositions de l’article 2000 du Code civil, selon lesquelles le
mandant doit indemniser le mandataire des pertes qu'il a subies à l'occasion de sa gestion, ne sont pas d'ordre
public et qu'il peut donc y être dérogé lorsque les parties adoptent des conditions différentes. »
Pour des développements à propos du lien entre la règle supplétive et le contrat, voir C. PERES, La règle
supplétive, thèse précitée, n° 346 et s., pp. 317 et s., spéc. n° 349, pp. 320 et s. et n° 382, pp. 352 et s..
885
A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux civils et commerciaux, op. cité, n° 945, p. 453.
886
Ce débat est désormais révolu : désormais, l’on admet sans aucune difficulté que des obligations peuvent être
de nature contractuelle alors même qu’elles n’ont pas été expressément envisagées par les parties.

193
de refuser ou d’accepter ces dispositions impératives (…) c’est donc bien la loi qui oblige les
cocontractants et non point le contrat »887. Les partisans de cette thèse se sont principalement
appuyés sur un arrêt controversé rendu par la Chambre des requêtes le 26 janvier 1910 888. Les
faits étaient les suivants : à la suite de manœuvres frauduleuses, les gérants d’une société
avaient obtenu des actionnaires une augmentation de capital. Découvrant le pot-aux-roses, ces
derniers exercent une action en responsabilité contre les auteurs du trouble. La question se
posait donc de savoir de quelle responsabilité il s’agissait. Pour la Cour de cassation, il s’agira
d’une responsabilité délictuelle parce « les articles [des statuts de la société] ne doivent pas
être seulement considérés comme l’interprétation naturelle de la volonté des parties » dès lors
qu’ils établissent également « des règles qui sont l’expression formulée de principes de
morale générale et d’utilité publique ». Cette position n’a toutefois jamais emporté la
conviction. D’ailleurs, dès 1804, il était clair, avec l’article 1135 du Code civil selon lequel
« les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les
suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature », que de
l’application de la loi pouvait résulter des obligations de nature contractuelle. Plusieurs
considérations ont pu être avancées, notamment le souci d’uniformité889 ou l’exclusion de la
responsabilité délictuelle pour des litiges concernant deux personnes unies par un contrat890.
Pour Monsieur JACQUES, la raison qui conduit à admettre la nature contractuelle des
obligations de l’article 1135 du Code civil est ailleurs. Dans sa thèse de doctorat891, l’auteur
montre que l’accord de volonté que nous nommons contrat ou convention n’est pas,
« juridiquement parlant, la convention. Au plus, cet accord constitue la prémisse et l’une des
composantes de cette norme qu’est la convention »892. Ce texte conduit ainsi à
l’enrichissement de l’accord initial d’obligations complétives et fondamentalement893
inexprimées, de nature contractuelle mais de source légale. Par voie de conséquence, « il
convient d’envisager les sources d’obligations contractuelles (au pluriel), et non la source au

887
A. BRUN, Rapports et domaine des responsabilités contractuelle et délictuelle, préface de L. JOSSERAND,
Sirey, 1931, spéc. n° 176, p. 192.
888
Req., 26 janvier 1910 : S., 1911, 1, 105, note J. PERROUD.
889
R. RODIERE, « Etudes sur la dualité des régimes de responsabilité - Première partie – La réalité de la
distinction entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle, JCP G., 1950, I, 861, spéc. n° 25.
890
G. VINEY, Introduction à la responsabilité civile, op. cité, spéc. n° 186, pp. 504 et s. ; J. HUET, Responsabilité
contractuelle et responsabilité délictuelle – Essai de délimitation entre les deux ordres de responsabilité,
PARIS, 1978, spéc. n° 321, p. 301 ; H. MAZEAUD, « Responsabilité délictuelle responsabilité contractuelle »,
R.T.D. Civ., 1929, p. 551, spéc. n° 76, pp. 632 et s.. Voir également, note J. PERROUD précitée.
891
PH. JACQUES, Regards sur l'article 1135 du Code civil, préface de F. CHABAS, Dalloz, Nouvelle bibliothèque
de thèses, Tome 46, 2005.
892
Ibid., spéc. n° 117, p. 232.
893
Ibid., spéc. n° 217 et s., pp. 440 et s..

194
singulier, entendue de la seule volonté des parties »894. L’article 1135 du Code civil définit
ainsi « une règle d’appréciation du contenu des accord de volontés »895 ayant pour finalité
« d’inscrire ces accords au sein même du droit objectif »896. C’est ainsi, seulement, que
l’accord de volontés prend le nom de convention. De ce point de vue, l’obligation qu’est la
règle définie par l’article 2000 du Code civil (notamment) est contractuelle.

335. Cela étant dit, l’intérêt de la distinction entre la source contractuelle ou légale de
l’obligation d’indemnisation est essentiellement d’ordre théorique. Si le régime de la
responsabilité contractuelle et celui de la responsabilité délictuelle ont longtemps été
profondément différents, il n’en va plus tout à fait de même aujourd’hui, au point que la
distinction est critiquée et sa disparition souhaitée. Pourtant, malgré le rapprochement
incontestable entre les deux ordres de responsabilité, l’on ne peut affirmer qu’il existe
désormais une parfaite similitude. Par exemple, la sanction de l’inexécution contractuelle
dépend du contenu de l’obligation contractuelle, par définition variable (en fonction de la
nature de l’obligation ou de la volonté des parties) ; ou encore, le dommage imprévisible est
exclu du champ d’application de la responsabilité contractuelle alors qu’en matière délictuelle
le dommage est par principe imprévisible897. Quoi qu’il en soit, en l’état actuel du droit
positif, la question de la nature de l’obligation définie par l’article 2000 du Code civil n’a
jamais été posée et la jurisprudence se contente, dans l’ensemble, de rappeler au mandant son
obligation sans soulever la question de la nature de son éventuelle responsabilité. Autrement
dit, que l'obligation ait été expressément définie par les parties au contrat ou imposée par la
loi, la responsabilité du mandant sera de nature contractuelle. Il en va de même dans
l'hypothèse d'un mandat coopération.

§2- La responsabilité du mandant dans le cadre d’un contrat-coopération

336. Bref rappel : le mandat-coopération d’intérêt commun. Afin d’atténuer les dangers
de la révocation ad nutum à l’égard des mandataires professionnels, la jurisprudence a

894
Ibid., spéc. n° 338, p. 720.
895
Ibid..
896
PH. JACQUES, ibid., spéc. n° 338, p. 721.
897
Pour un exposé général de la question, voir G. VINEY, Introduction à la responsabilité civile, op. cité, spéc. .
n° 167 et s., pp. 422 et s. et n° 232 et s., pp. 636 et s..

195
progressivement dégagé la notion de mandat d’intérêt commun. Lors de développements
précédents898, il a été établi que ce mandat particulier appartenait à la catégorie des contrats-
coopération. L’exécution de ceux-ci « doit s’attacher non seulement à garantir l’exécution
des prestations essentielles par les parties, mais aussi à permettre leur mise en relation dans
le cadre d’un projet commun et ce, pendant une certaine durée ». En présence d’un mandat-
coopération d’intérêt commun, l’on a pu écrire que « parmi ces prestations réelles [que le
mandant doit], la plus importante, celle qui est constante, c’est celle que constitue le pouvoir
de représentation »899. Autrement dit, c’est au travers de la permanence du pouvoir de
représentation900 que le double objectif des contrats-coopération repose principalement.
L’importance de cette prestation nous laisse penser que les règles relatives à la rupture du
mandat-coopération vont différer de celles relatives à la révocation du mandat-permutation.
Par voie de conséquence, la responsabilité du mandant risque de s’en trouver modifiée.

337. L’aménagement du régime juridique du mandat-coopération : le principe de la


rupture conventionnelle du mandat d’intérêt commun. A l’examen, il existe bien une
différence de régimes, en droit positif, entre les règles applicables à la révocation d’un mandat
classique et celles propres à la rupture anticipée d’un mandat dit d’intérêt commun. La notion
de mandat d’intérêt commun dégagée par la jurisprudence a en effet permis de tempérer
fortement la règle de la révocation ad nutum particulièrement dangereuse pour les
mandataires dont l’exercice de la profession d’intermédiaire est l’activité principale. De
longue date, la jurisprudence admet ainsi que « lorsque le mandat a été donné dans l’intérêt
du mandant et du mandataire, il ne peut pas être révoqué par la seule volonté de l’une des
parties »901. A notre sens, cet aménagement rappelle le subtil équilibre réalisé, en droit des
sociétés, à propos de la révocation des dirigeants sociaux. Bien que ces derniers puissent être
révoqués à « tout moment », le régime juridique de ce mécanisme montre que le droit positif
n’est pas indifférent au sort de ces derniers et à la précarité de leur activité. En posant la
condition, d’un juste motif ou d’une cause légitime, ou en exigeant que le dirigeant puisse
s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés, il apparaît que le droit positif réalise un fragile
équilibre entre les différents intérêts en présence.

898
Supra, n° 153 et s...
899
S. LEQUETTE, op. cité, spéc. n° 270, pp. 192 – 193.
900
Supra, n° 153 et s..
901
Civ., 13 mai 1885 : D.P., 1885, I, p. 350.

196
338. Pour autant, le mandat d’intérêt commun n’est pas irrévocable et la présence d’un
intérêt commun ne prive pas la révocation d’effet902, ce qui montre à quel point le maintien de
la confiance du mandant est essentiel à la survie du mandat. Mais, à l’inverse de la révocation
du mandat d’intérêt exclusif, la fin des relations contractuelles donne systématiquement droit
à des dommages et intérêts, sans qu’il soit besoin de démontrer l’insertion d’une clause
d’irrévocabilité ou l’existence d’un abus de droit. Autrement dit, en présence d’un intérêt
commun la révocation est présumée illégitime alors qu’en présence d’un mandat d’intérêt
exclusif, la rupture est présumée légitime.

339. Le droit du mandataire d’obtenir une indemnité n’est cependant pas absolu. Dans deux
hypothèses, le mandat peut être révoqué sans entraîner la moindre obligation d’indemnisation
à la charge du mandant. La première est relative à la rupture légitime, lorsqu’elle est
consécutive à une faute du mandataire (par exemple, lorsque le mandataire manque à son
obligation de loyauté903 ou à son obligation de conserver les fichiers de clientèle904, ou encore
lorsque l’action du mandataire est insuffisante905) ou lorsqu’elle est dictée par des motifs
objectifs (restructuration de l’entreprise ou baisse de l’activité commerciale906). La seconde se
fonde sur l’expression de la volonté des parties au mandat d’écarter cette protection
jurisprudentielle. La règle du droit à indemnité n’étant pas d’ordre public, il a été très vite
admis que la révocation pouvait s’effectuer « suivant les clauses et conditions spécifiées au
contrat »907 et, le cas échéant, priver le mandataire de son droit à indemnité. Cette
jurisprudence est à ce point acquise que les juges n’ont pas hésité à constater la validité de
clause permettant la résiliation d’un mandat d’intérêt commun sans préavis908. Cette
atténuation est souvent considérée comme fragilisant la finalité protectrice du mandat
d’intérêt commun mais, quoi qu’il en soit, elle est de droit positif et il convient de compter sur
elle. A notre sens, en portant atteinte à l’équilibre opéré entre l’intérêt du mandant et l’intérêt
du mandataire, la jurisprudence confirme que le mandat est, quelles que soient les orientations
légales et jurisprudentielles ou l’évolution contemporaine, un contrat de confiance conclu
dans l’intérêt principal du mandant.

902
Civ. 1, 2 octobre 2001 - Bull. civ., 2001, I, n° 239.
903
Com., 15 mai 2007 - Bull. civ., IV, n° 128.
904
Com., 25 juin 1991 : D., 1992, 249.
905
Civ. 1, 17 mars 1987 - Bull. civ., 1987, I, n° 94.
906
Civ. 1, 21 novembre 1966 - Bull. civ., 1966, I n° 444. Com., 3 juin 1997 - Bull. civ., 1997, IV, n° 172. Com.,
18 janvier 2000 – Pourvoi n° 97-21.368. Pour une application récente : Com., 3 avril 2012 – Pourvoi n° 11-
15.518.
907
Com., 3 juillet 2001 – Pourvoi n° 98-16.691 ; Bull. civ., 2001, IV, n° 131. Com., 18 janvier 2000 – Pourvoi
n° 97-21.368.
908
Civ. 3, 30 octobre 1961 - Bull. civ., 1961, I, n° 386.

197
340. Synthèse. La consécration d’un mandat-coopération dit d’intérêt commun et
l’aménagement du régime juridique qui s’ensuit propose ainsi une lecture intéressante de
l’évolution de la jurisprudence relative à la responsabilité au regard de la professionnalisation
du contrat de mandat. Contrairement aux idées reçues et à l’analyse économique des années
1930, le déséquilibre n’est pas toujours là où on l’attend. Aussi était-il nécessaire d’encadrer,
dans la mesure du possible, les prérogatives du mandant. A notre sens, les règles ainsi posées
pourraient faciliter une réflexion portant sur l’aménagement du régime de responsabilité là où
la jurisprudence a été encore trop frileuse à prendre acte du nouveau visage du mandat. Pour
autant, la reconnaissance d’un mandat d’intérêt commun ne transforme pas le visage du
mandat qui demeure un contrat de confiance conclu dans l’intérêt principal du mandant.

198
Conclusion du Chapitre

341. Bilan. Dans le cadre de la relation interne, l'état des lieux du droit positif est
relativement satisfaisant. L'ensemble des règles définies par le législateur et parfois précisées
par la jurisprudence obéit, en effet, à l’objectif que nous avions préalablement fixés, à savoir
le respect de la confiance du mandant.

342. Problématique. L'on ne peut toutefois se satisfaire totalement des solutions que nous
venons d'exposer. Un point, au moins, nous semble regrettable : alors même que le mandat de
professionnel définit aujourd'hui le lieu commun de ce contrat 909, cet élément n’exerce qu’une
faible influence sur le contenu des règles de responsabilité civile qui lui sont applicables. En
effet, afin de « de ne pas faire la loi trop dure à ceux qui le rendent [le service] »910, les
rédacteurs du Code civil ont inséré une disposition favorable à ceux qui interviennent à titre
gratuit. Or, celle-ci n'est aujourd'hui plus suffisamment adaptée à la réalité, en particulier
parce qu'elle s'attarde sur des éléments objectifs sans tenir compte des compétences
particulières des parties au contrat, notamment celles du mandataire911. Pourtant, au regard de
l'évolution du mandat, il est certain que cet aspect a compté dans le succès du contrat.
Autrement dit, l'un des critères les plus présents demeure, d’un point de vue juridique, absent
du régime. C’est la raison pour laquelle nous avons suggéré qu’une substitution de la
distinction « professionnel – néophyte » soit opérée aux lieu et place de la distinction
« gratuité – onérosité ». Nous verrons, dans la deuxième partie, comment cela peut devenir
possible. Pour l’heure, c’est la responsabilité des parties principales à l’égard des tiers qui va
retenir notre attention.

909
Supra, n° 14 et s..
910
P.-A. FENET, précité, p. 587.
911
Supra, n° 284 et s..

199
200
Chapitre 2 – La mise en œuvre de la responsabilité civile dans le cadre de la
relation externe

343. Exposé du problème. Lors des développements précédents, il a été établi que l’objet
du mandat avait pour finalité principale la satisfaction des intérêts du mandant. Cet aspect
apparaît plus distinctement au travers de la relation externe du contrat : le mandataire agit
mais ne récolte pas ce qu’il sème, sauf l’éventuelle reconnaissance du mandant et sauf un
éventuel intéressement dans l’hypothèse d’un mandat-coopération. En raison de la nature
essentiellement représentative du mandat, nous avons pu constater que cette transparence
s’imposait en matière contractuelle et nous ne reviendrons pas sur cette question dans le
présent chapitre912. En revanche, en matière délictuelle, la question n’a pas encore été
abordée, notamment parce que la référence à la technique représentative ne permet pas, en
principe, de la résoudre. Pourtant, la dissociation entre la décision (émise par le mandant) et
l’action (effectuée par le mandataire) d’une part et entre l’attribution et la valorisation des
bénéfices d’autre part pourrait poser question : dans quelle mesure le mandant qui tire
avantage de l’activité économique de son mandataire pourrait-il être tenu pour responsable
des dommages éventuellement subis pas les tiers ?

344. Cette interrogation évoque l’hypothèse d’une responsabilité du fait d’autrui.


Incontestablement, cette solution présenterait un avantage certain pour le mandataire, mais
elle ne s’y limiterait sans doute pas. A notre sens, elle favoriserait probablement également la
situation du tiers cocontractant. En effet, au regard de la professionnalisation du mandat, il est
presque certain que, très souvent, le mandant disposera de capacités indemnisatrices plus
confortables que ne le seraient celles du mandataire. Pour cette raison, le choix d’une
responsabilité du fait d’autrui contribuera certainement à faciliter la réparation du dommage
subi par le tiers victime. Si cet élément ne peut, à lui seul, orienter les solutions, il n’en reste
pas moins qu’il peut alimenter la réflexion.

345. - Plan. Malheureusement, il n’en est pas tout à fait ainsi. Dans le cadre de la relation
externe, la place de la responsabilité du fait personnel est le principe (Section 1) ne laissant à
la responsabilité du fait d’autrui qu’un espace réduit (Section 2).

912
Supra, n° 179 et s..

201
Section 1- La suprématie de la responsabilité personnelle

346. Généralités. Généralement, c’est sur le fondement de la responsabilité du fait


personnel que le tiers au mandat cherche à obtenir réparation du dommage subi.
Concrètement, cela signifie que l’action civile est dirigée contre le mandataire, auteur direct
de la faute. Cette construction est conforme à l’objectif de moralisation poursuivi par les
rédacteurs du Code civil qui voulurent rattacher le droit de la responsabilité civile au concept
de la faute913. Selon ce schéma, il suffit alors de rechercher l’auteur matériel du dommage
pour en connaître le responsable, c'est-à-dire celui sur lequel pèsera l’obligation de réparation
du préjudice subi par le tiers. Dans le cadre d’un mandat, en présence de plusieurs acteurs, la
difficulté réside précisément dans son identification. Par définition, le mandataire est un
tiers914 aux effets d’un contrat néanmoins matériellement conclu par lui. Il est donc, en
principe, exclu des charges contractuelles. C’est en effet dans le patrimoine du mandant que
vont naître, directement et immédiatement, la totalité des créances et dettes nées de l’action
du mandataire915. Par conséquent, c’est sur le mandant que, en toutes hypothèses, pèseront les
obligations liées à la responsabilité contractuelle.

347. Plan. En retour, qualifié par certains auteurs de « partie »916 à la formation du
contrat917, le mandataire en est au moins l’acteur principal. C’est la raison pour laquelle la

913
G. VINEY, Introduction à la responsabilité civile, ouvrage précité, spéc. n° 16, pp. 23 et s. ; J. FLOUR, J.-L.
AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations – Le fait juridique, Tome 2, Sirey, coll. Université, série Droit privé, 14 ème
édition, 2011, n° 96, pp. 115 - 116.
914
Sur la notion de « tiers » et de « partie » voit not. J. GHESTIN, « La distinction des parties et des tiers », JCP
G., 1992, I, 3628 ; J. GHESTIN, « Nouvelles propositions pour un renouvellement de la distinction des parties et
des tiers », R.T.D. Civ., 1994, p. 777 ; J. GHESTIN, CH. JAMIN et M. BILLIAU, Traité de droit civil -, Les effets du
contrat, op. cité, n° 682 et s., pp. 729 et s. ; J.-L. AUBERT, « A propos d’une distinction renouvelée des parties et
des tiers », R.T.D. Civ., 1993, pp. 263 et s. ; C. GUELFUCCI-THIBIERGE, « De l’élargissement de la notion de
partie au contrat… à l’extension de la portée du principe de l’effet relatif », R.T.D. Civ., 1994, pp. 275 et s. .
915
Sur l’irresponsabilité du mandataire : Supra, n° 179 et s..
916
Voir également, supra n° 175 et s..
917
Voir not. H. KELSEN, La théorie juridique de la convention, Archives de philosophie du droit, 1940, pp. 33 et
s. : l’auteur démontre que la définition de la convention comporte deux acceptions. L’une, dynamique, s’entend
de la procédure qui vise à aboutir à un accord. Dans cette optique, c’est celui qui négocie qui est partie à la
convention. L’autre, plus classique, se limite au résultat auquel aboutit cette procédure de concertation et désigne
l’acte lui-même. Le qualificatif de « partie » sera alors naturellement attribué à celui qui est lié par l’acte. N.
DISSAUX, La qualification d’intermédiaire dans les relations contractuelles, thèse précitée, pp. 206 et s., n° 451
et s. ; M. STORCK, Essai sur le mécanisme de la représentation en droit privé, préface D. HUET-WEILLER,
L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 172, n° 32 et s.. L’auteur définit la convention comme la
réunion de trois éléments : un élément prérogative, un élément lien de droit et un élément volonté. Une personne
peut donc agit selon trois modes d’intervention : comme attributaire du droit exercé, comme la personne engagée
par les droits exercés ou comme auteur de l’acte. Voir également, supra, n° 176.

202
jurisprudence a fait de ce dernier918 le défendeur habituel des actions en responsabilité
délictuelle. Les règles actuelles étant essentiellement tournées vers la responsabilité
personnelle, c’est principalement le mandataire qui sera condamné pour les dommages
délictuels causés au tiers (§1). La règle se justifie aisément par le principe de la primauté de la
responsabilité personnelle selon lequel « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui
un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »919. Or, tant que le
contrat – objet du mandat - n’est pas définitivement formé, seul le mandataire agit et se
trouve, par voie de conséquence, en mesure de causer un dommage, volontairement ou non.
Bien qu’apparemment imparable, ce principe est néanmoins déconnecté du contexte dans
lequel le dommage est créé et, en particulier, du fait que l’action est menée « pour le compte
d’autrui » et selon les prescriptions d’autrui. Toutefois, on ne peut faire totalement abstraction
de certains arrêts de la Cour de cassation qui, ponctuellement, suggèrent que la jurisprudence
tente d’introduire quelques remèdes à la sévérité de la règle énoncée (§2).

§1- Le principe de la responsabilité personnelle du mandataire

348. La responsabilité délictuelle du mandataire : principes généraux. En matière de


responsabilité civile délictuelle, le législateur est resté fort peu prolixe. Ce silence s’explique
aisément par le faible intérêt, lors de la codification de 1804, pour la question des rapports des
parties au mandat avec les tiers. Pour l’essentiel, c’est donc à travers la relation interne que la
situation de ces individus est réglée. Or, tant que l'opération économique n'est pas
définitivement accomplie, le mandataire demeure l'interlocuteur principal du tiers avec lequel
il contracte. Aussi, c'est généralement vers celui-ci que se tourneront tous les regards dans
l’hypothèse d’un dommage subi par le tiers920 : par exemple, lorsque le contrat conclu par
intermédiation est défectueux ; lorsque sa formation porte atteinte au droit d’autrui (en
présence, notamment, d’un pacte de préférence ou d’une promesse de contrat) ; lorsque

918
Le qualificatif de « philanthrope » était d’autant plus authentique qu’en 1804, conformément à l’esprit du
droit romain, le contrat de mandat était conçu quasiment exclusivement comme un service d’amis. Ce n’est plus
aussi vrai aujourd’hui, petit mandat est devenu grand et intéresse désormais davantage les professionnels de la
vie économique. Voir supra, n° 9 et 59 et s..
919
Art. 1382 du Code civil.
920
Voir par exemple J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-
MAROGER, Les principaux contrats spéciaux, op. cité, n° 31240, pp. 1097 - 1098 ; PH. LE TOURNEAU (dir.),
Droit de la responsabilité et des contrats, op. cité, spéc. n° 4096 et s., pp. 1191 et s..

203
l’exécution du mandat est la cause directe du dommage (parce que les informations transmises
sont fallacieuses…) ; … À cet égard, la jurisprudence est sans appel : « le mandataire est
personnellement responsable envers les tiers des délits ou quasi-délits qu'il peut commettre à
leur préjudice dans l'accomplissement de sa mission »921. Il a été précisé, dans un arrêt rendu
par la chambre commerciale le 9 mai 1985, que « la responsabilité du mandataire ne peut être
engagée à l'égard d'une personne autre que son mandant, que sur le fondement délictuel ou
quasi délictuel »922. Autrement dit, à l’égard du mandataire, l'objet de la demande du tiers doit
se limiter à la simple allocation de dommages-et-intérêts et non à l’exécution en nature du
contrat. Ainsi, dans l’arrêt précité du 9 mai 1985, la Cour d’appel de BORDEAUX a été
sanctionnée pour avoir condamné un intermédiaire « à répondre des erreurs ou des
négligences de son mandant »923.

349. Si l’Avant-projet de réforme du droit des obligations venait à être adopté, ce principe
serait expressément consacré. Ce texte prévoit en effet, à l’alinéa 2 de l’article 1119-1, que
« le représentant répond des fautes qu’il a pu commettre dans l’exercice de ces pouvoirs,
notamment s’il en résulte une cause de nullité de l’acte accompli au nom du représenté ». A
l’inverse, dans le paysage européen, la solution n’est pas si commune. Ainsi, selon le droit
allemand, le donneur d’ordre924 « qui commande à un autre un travail est obligé de réparer à
sa place le dommage que cet autre cause illégalement à un tiers lors de la réalisation de ce
travail »925. Autrement dit, le B.G.B. pose expressément le principe d’une responsabilité du
fait d’autrui. Du côté des différents projets d’harmonisation européenne du droit des contrats,
la position adoptée n’est pas si évidente. Si le principe de la responsabilité personnelle du
représentant a été clairement posé lorsque ce dernier agit sans pouvoir ou au-delà de ses
pouvoirs926, ces textes ne disent rien de la question d’une faute commise par ce dernier à

921
Civ. 3, 6 janvier 1999 - Bull. civ., 1999, III, n° 3. Dans le même sens voir par ex. Crim., 30 novembre 1999 -
Bull. crim., 1999, n° 282. ; Civ.1, 13 octobre 1992 - Bull. civ., 1992, III, n° 250 ; Com., 9 mars 1977 - Bull. civ.,
1977, IV, n° 79.
922
Com., 9 mai 1985 - Bull. civ., 1985, IV, n° 143.
923
C.A., BORDEAUX, 21 juin 1983 : Ibid..
924
Cette disposition est en effet plus large que l’article 1384 al. 5 du code civil français et vise toute hypothèse
dans laquelle une personne recourt aux services d’un tiers pour l’accomplissement d’une mission.
925
Dans le texte : « Wer einen anderen zu einer Verrichtung bestellt, ist zum Ersatz des Schadens verpflichtet,
den der andere in Ausführung der Verrichtung einem Dritten widerrechtlich zufügt. » Source : www.gesetze-im-
internet.de/bgb/index.html.
926
Selon l’article 3 : 204 2° des Principes du droit européen du contrat, « le représentant est tenu de payer au
tiers les dommages et intérêts qui rétabliront ce dernier dans la situation où il se serait trouvée si le représentant
avait agi en vertu d'un pouvoir »926. La règle est reprise en des termes quasiment identiques par l’article 2.2.6 des
principes Unidroit.
Seul le Code GANDOLFI apporte une nuance de taille (Code européen des contrats - avant-projet, op.
cité, V° « Article 64 »). L’article 64 du texte précité prévoit en effet que le tiers peut avoir « la faculté de

204
l’occasion de l’exercice des pouvoirs. En revanche, dans l’hypothèse d’une faute
précontractuelle, c’est la responsabilité de la partie qui a entrepris des tractations qui est
engagée927. Toute la difficulté réside donc dans l’identification de cette « partie » : s’agit-il de
la partie contractante, auquel cas ces différents projets rejoindraient la solution allemande, ou
de la partie procédurale, ce qui conduirait à un alignement avec la position française928 ?

350. La responsabilité délictuelle du mandataire : applications. En effet, en droit


français, les circonstances dans lesquelles le mandataire peut engager sa responsabilité
délictuelle à l’égard des tiers sont envisagées largement et il n’est nul besoin de relever une
absence, un dépassement ou un abus de pouvoir. Au contraire, la Cour de cassation a maintes
fois réaffirmé que « le mandataire est personnellement responsable envers les tiers des délits
et quasi délits qu'il peut commettre à leur préjudice dans l'accomplissement de sa mission ».
Il importe peu que la faute qui est reprochée au mandataire soit un acte positif ou une simple
abstention. Par exemple, le mandataire qui donne au tiers avec lequel il conclut une
interprétation erronée de la volonté de son mandant commet une faute qui engage sa
responsabilité à l’égard du cocontractant, alors même que le caractère volontaire n’était pas
relevé929. De même, le gérant mandataire d’une Société civile immobilière ayant reçu le
commandement d’assister à une vente sur saisie immobilière de divers appartements, qui
n’avertit pas l’acquéreur de la menace qui pèse sur la jouissance des parts sociales, engage sa
responsabilité à l’égard de ce dernier sur le fondement de l'article 1382 du Code civil930.

351. Par ailleurs, il est certain que la faute commise lors de l’exécution d’un contrat est
susceptible d’engager la responsabilité de son auteur à l’égard des tiers931. Appliqué au

considérer le contrat comme conclu ». L’intérêt de cette proposition se perçoit essentiellement à travers le tiers
dont les intérêts patrimoniaux sont préservés. A son égard, la sécurité des transactions est sauvée. Cette
disposition fait échos à la théorie française de l’apparence qui a pour fonction principale la protection de la
confiance légitime du tiers. Dans une moindre mesure, ce texte invite à une certaine prudence au moment du
choix du représentant et lors de la définition de la transmission des instructions afin d’éviter tout désaveu.
Indirectement, cette proposition protège également l’intérêt des parties au contrat principal.
Pour un aperçu d’ensemble : Principes contractuels communs, op. cité, pp. 296 et s..
927
Pour un aperçu d’ensemble : Ibid., pp. 264 et s..
928
Sur la distinction partie contractante – partie procédurale, supra, n° 176. .
929
Dans ce sens : Civ. 1, 11 avril 1995 - Bull. civ., 1995, I, n° 171 ; D., 1995, somm., 231, obs. PH. DELEBECQUE
; R.T.D. Civ., 1995, p. 895, obs. P. JOURDAIN.
930
Civ. 1, 1er février 1984 - Bull. civ., 1984, I, n° 47.
931
Aux termes de l’article 1165 du Code civil, « les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ;
elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121 ». Selon ce texte,
le contrat ne crée, en principe, aucun lien d’obligation de quelque nature que ce soit entre l’un ou l’autre des
cocontractants et les tiers. Cette règle trouve son explication dans le souhait de protéger la liberté et la sécurité
juridique des individus. Elle a toutefois été dénoncée par certains auteurs pour lesquels une application trop
rigoureuse de ce texte conduirait à l’isolement du contrat (H. LALOU, « 1382 contre 1165 ou la responsabilité

205
mandat, ce principe facilite la mise en œuvre de la responsabilité du mandataire à l’égard du
tiers cocontractant. Ainsi, l’avocat qui oublie de surenchérir pour le compte et au nom de son
mandant est tenu de réparer le préjudice subi par le tiers pour insuffisance du prix obtenu 932 ;
de même, le commissaire-priseur, représentant du vendeur, qui omet de vérifier la provenance
des biens soumis à la vente alors qu’il en avait l’obligation, engage sa responsabilité à l’égard
de l’acquéreur933. A cet égard, il convient de préciser que, depuis un arrêt rendu en assemblée
plénière le 6 octobre 2006934, il n’est plus besoin que la faute contractuelle commise par l’un
des cocontractants constitue la violation d’une obligation générale de prudence et de
diligence, la simple défaillance contractuelle suffisant à engager la responsabilité du débiteur
sur le fondement de l’article 1382 du Code civil lorsque ce manquement a directement causé

délictuelle des tiers à l'égard d'un contractant ou d'un contractant à l'égard des tiers », D.H., 1928, chron. p. 69).
Pour René SAVATIER, par exemple, le contrat présente « un côté social », c’est-à-dire qu’il « concerne (…) à
certains points de vue la société et, par conséquent, les tiers » (R. SAVATIER, « Le prétendu principe de l'effet
relatif des contrats », R.T.D. Civ., 1934, p. 525). De ce point de vue-là, le contrat est à la fois une norme
individuelle et un fait social. A ce titre, il ne peut pas ignorer et être ignorée des tiers.
En réponse à ces critiques fut dégagé le principe de l’opposabilité du contrat aux tiers qui permit de
considérer l’acte juridique comme un fait juridique à l’égard des tiers. De cette manière, les tiers au contrat sont
admis à invoquer la situation juridique créée par le contrat lors d’une action civile, en responsabilité notamment.
Sur le fond, cette règle ne suscita guère de difficultés. D’un point de vue technique, en revanche, quelques
embarras virent le jour, en particulier celui de connaître la nature de la faute invocable par les tiers. A cet égard,
deux théories ont été défendues : la relativité de la faute contractuelle et l’identité de la faute délictuelle. Selon la
première de ces thèses, le tiers, demandeur à une action en réparation, doit rapporter la preuve de l'existence
d'une « faute délictuelle envisagée en elle-même indépendamment de tout point de vue contractuel » (Voir par
ex. Civ. 3, 15 octobre 1970 - Bull. civ., 1970, III, n° 515. La formule a été fréquemment reprise). Autrement dit,
la démonstration d’un manquement contractuel du débiteur est en lui-même insuffisant à fonder une action en
responsabilité délictuelle. Selon la seconde, « les tiers à un contrat sont fondés à invoquer tout manquement du
débiteur contractuel lorsque ce manquement leur a causé un dommage, sans avoir à rapporter d'autre preuve »
(Voir par ex. Civ. 1, février 2001 - Bull. civ., 2001, I, n° 35), ce qui signifie qu’à l’égard des tiers faute
contractuelle et faute délictuelle sont assimilées.
En jurisprudence, la solution a fait l’objet d’une « valse-hésitation » pour reprendre l’expression
formulée par Monsieur BILLIAU (M. BILLIAU, note précitée). Dans un premier temps, le principe de l’identité des
fautes contractuelles et délictuelles a été clairement rejeté (Civ.1, 9 octobre 1962 - Bull. civ., 1962, I, n° 405). Le
tiers devait donc démontrer que l’auteur du manquement contractuel avait également porté atteinte à une
obligation de portée générale. Dans un second temps, la Cour de cassation s’est montrée plus favorable à cette
thèse, admettant alors que tout manquement contractuel constituait également une faute délictuelle à l’égard des
tiers (Soc., 2 mars 1972 : R.T.D. Civ., 1973, p. 128, obs. G. DURRY). Mais dans un troisième temps, la chambre
commerciale de la Cour de cassation est revenue vers la règle de la relativité de la faute contractuelle (Voir par
ex. Com., 5 mars 2002 – Pourvoi n° 98-21022), quand la première Chambre restait fidèle à la théorie de
l’assimilation (Voir par ex. Civ. 1, février 2001, précité).
Inévitablement, cette fracture annonçait un arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation. Celui-
ci intervint le 6 octobre 2006 (Bull. civ., 2006, A.P., n° 9 : arrêt précité). Selon l’Assemblée plénière, « le tiers à
un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors
que ce manquement lui a causé un dommage ». Il semble que, de cette manière, la Cour de cassation mette
l’accent sur le lien de causalité plus que sur le contenu de la faute génératrice de responsabilité.
932
Civ. 1, 18 mai 2004 - Bull. civ., 2004, I, n° 141 : D., 2005, pan. 187, note D. MAZEAUD ; C.C.C., 2004, n°
121, note L. LEVENEUR ; R.T.D. Civ., 2004, 502, obs. P. MESTRE et B. FAGES et 516, obs. P. JOURDAIN.
933
Civ. 1, 18 janvier 2000 - Bull. civ., 2000, I, n° 12 : D., 2000, p. 901, note M. CREVEL.
934
A.P., 6 octobre 2006 - Bull. civ., 2006, A.P., n° 9 : (parmi d’autres) D., 2006, p. 2285, note G. VINEY ; JCP
G., 2006, II, 10181, note M. BILLIAU ; R.C.A., 2006, Etude n° 17, note L. BLOCH ; R.T.D. Civ., 2007, p. 115,
obs. J. MESTRE et B. FAGES ; R.T.D. Civ., 2007, p. 123, obs. P. JOURDAIN.

206
le dommage subi par le tiers935. Cette règle devrait toutefois être remise en cause si l’avant-
projet de réforme du droit des obligations était adopté. En effet, selon l’alinéa 1 de l’article
1341 de ce code, « en cas d'inexécution d'une obligation contractuelle, ni le débiteur ni le
créancier ne peuvent se soustraire à l'application des dispositions spécifiques à la
responsabilité contractuelle pour opter en faveur de la responsabilité extracontractuelle »936.

352. La responsabilité délictuelle du mandataire est à ce point acquise que le respect de la


mission dévolue à l’intermédiaire, voire la démonstration d’instructions fallacieuses du
mandant, est indifférent au sort du litige. Aussi, les juridictions du fond qui rejettent la
responsabilité de l’intermédiaire au motif que « la démonstration d'une faute extérieure à son
mandat permettrait seule de retenir sa responsabilité propre »937 sont-elles régulièrement
rappelées à l’ordre par les juges du droit. C’est ainsi que la Cour d’appel de PARIS 938 fut
sanctionnée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu par la 3ème chambre civile le 6 janvier
1999 au seul motif que « le mandataire est personnellement responsable envers les tiers des
délits ou quasi-délits qu'il peut commettre à leur préjudice dans l'accomplissement de sa
mission »939. Plus symptomatique du contexte dans lequel le fait générateur est réalisé, un
arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 13 octobre 1992
condamne la Cour d’appel de PARIS qui, ayant constaté que « c'est sur les instructions
formelles de ses mandantes que l'administrateur de biens [le mandataire] a été obligé
d’agir » rejette la responsabilité de l’agent940. De même, le gérant d’immeuble qui, sur les
ordres de son mandant, fait accomplir des travaux de réfection d’un conduit de cheminée,
engage sa responsabilité à l’égard d’un locataire pour le préjudice subi en raison de la

935
Le principe a ensuite été confirmé à maintes reprises, tant par les Chambres civiles (Civ. 1, 15 mai 2007 –
Pourvoi n° 05-16.926 ; Bull. civ., 2007, I, n° 193 : JCP G., 2007, IV, n° 2244. Civ. 1, 4 juin 2007 - Pourvoi n°
05-13.946. Civ. 1, 6 décembre 2007 - Pourvoi n° 06-12.905. Civ. 3, 4 juillet 2007 - Pourvoi n° 06-15.776 ; Bull.
civ., 2007, III, n° 122. Civ. 3, 12 septembre 2007 - Pourvoi n° 06-15.329 ; Bull. civ., 2007, III, n° 142.) que par
la Chambre commerciale (Com., 6 mars 2007 - Pourvoi n° 04-13.689 ; Bull. civ., 2007, IV, n° 84. Com., 3 juin
2008 - Pourvoi n° 06-13.761 ; Bull. civ., 2008, IV, n° 110. Com., 21 octobre 2008 - Pourvoi n° 07-18.487).
L’alignement de la Chambre commerciale sur la solution mise en œuvre par les Chambres civiles atteste de
l’unité qui règne en jurisprudence sur ce point puisque, avant l’arrêt de 2006, c’était surtout la Chambre
commerciale qui œuvrait en faveur de la théorie de la relativité de la faute contractuelle.
Pour des illustrations très récentes voir, parmi d’autres : Com., 23 octobre 2012 – Pourvoi n° 11-22.263.
Civ. 3, 6 juin 2012 – Pourvoi n° 11-14.318 et 11-14.997. Com., 13 septembre 2011 – Pourvoi n° 10-20.406.
Com., 12 juillet 2011 – Pourvoi n° 06-17.155. Civ. 3, 22 juin 2011 – Pourvoi n° 10-16.308 ; Bull. civ., 2011, III,
n° 109. Civ. 3, 28 avril 2011 – Pourvoi n° 10-13.646.
936
Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, sous la direction de P. CATALA,
Rapport commandé par le Ministère de la Justice, La documentation française, 2006, art. 1341, p. 171.
937
C.A., PARIS, 10 mai 1996.
938
Ibid..
939
Civ. 3, 6 janvier 1999 - Bull. civ., 1999, III, n° 3 ; D., 2000, p. 426, note C. ASFAR. Nous soulignons.
940
Civ. 3, 13 octobre 1992 - Bull. civ., 1992, III, n° 250.

207
diminution de jouissance du bien loué941. De nombreuses autres illustrations peuvent venir
conforter cette idée : l’expert qui, sur les ordres de son mandant, achemine un véhicule
accidenté chez un garagiste différent de celui choisi par le propriétaire engage sa
responsabilité à l’égard de ce dernier pour la privation de jouissance942 ; le commissaire-
priseur qui, conformément aux informations de son client, affiche des éléments erronés dans
le catalogue destiné aux futurs acquéreurs est susceptible d’être condamné à réparer les
conséquences dommageables de l’annulation de la vente à l’égard de l’acquéreur 943 ; l’agent
qui vend un terrain pour lequel il était stipulé qu’il était occupé à titre de simple tolérance par
les propriétaires engage sa responsabilité à l’égard de l’acquéreur s’il s’avère que l’occupant
était en réalité titulaire d'un contrat de bail944.

353. La responsabilité délictuelle du mandataire : appréciation critique. Ces derniers


exemples sont particulièrement révélateurs de certaines incohérences relatives à la
responsabilité personnelle du mandataire. Si l’on admet que le mandataire peut engager sa
responsabilité à l’égard des tiers chaque fois que les actes accomplis par lui dans le cadre de
sa mission leur sont préjudiciables, ce mandataire risque de se retrouver dans une position
difficile lorsque les instructions qui lui ont été fournies sont défectueuses : soit il obéit à son
mandant et c’est sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil que sa
responsabilité sera constatée dans le cadre d’une action en réparation du dommage subi par le
tiers ; soit il lui désobéit, et c’est sur le terrain de la responsabilité civile contractuelle que
celui-ci sera condamné.

354. Mais ce ne sont pas là les seules raisons qui nous préoccupent. Pour des raisons
établies précédemment945, l’on ne peut totalement se satisfaire de l’absence de corrélation
entre les bénéfices et les risques de la mission. Economiquement, cela contribue à établir une
situation dans laquelle un individu profite sans jamais avoir à se soucier des conséquences
éventuellement dommageables. Dès lors, pourquoi ne pas imaginer que la gestion par
interposition de personne devienne le moyen d’être à la fois « dans » et « en dehors » des
affaires selon l’objectif recherché, c’est-à-dire selon que l’on souhaite profiter des avantages
de l’opération ou, au contraire, échapper aux conséquences dommageables ? Mais surtout,
cette position dissimule le rôle prédominant du mandant dans l’exécution du mandat. En effet,

941
Civ. 1, 20 avril 1977 - Bull. civ., 1977, I, n° 181.
942
Civ.1, 27 janv. 2004 - Pourvoi n° 01-13.986.
943
Civ. 1, 22 avril 1997 - Bull. civ., 1997, I, n° 129 : Defrénois, 1997, p. 1436, note A. BÉNABENT.
944
Civ. 1, 28 janvier 1964 - Bull. civ., 1964, I, n° 51.
945
Sur la théorie du risque : supra, n° 26 et s..

208
bien que la prestation caractéristique du contrat- la mission de représentation – soit accomplie
par le mandataire, la personne du mandant est omniprésente toute au long de l’exercice du
pouvoir de représentation. D’une part, il ne faut pas oublier que l’objet du contrat de mandat
est défini par le mandant qui, au sens littéral du terme, est un donneur d’ordre. Malgré
l’indépendance dont bénéficie le mandataire lors de la gestion pour autrui, celui-ci est tenu de
respecter ce qui lui a été prescrit. C’est là l’un des aspects principaux de son obligation de
diligence. Autrement dit, l’on peut considérer que le mandant crée le risque. Ainsi, même
s’il ne le réalise pas, son rôle causal dans l’apparition d’un dommage ne peut être occulté.
D’autre part, la mission du mandataire est, par définition, toujours tournée vers la valorisation
des intérêts du mandant. Or, l’intérêt de ce dernier ne coïncide pas nécessairement avec celui
du tiers, ce qui signifie que la survenance d’un dommage ne résulte pas obligatoirement d’une
action défectueuse de la part de l’intermédiaire. En d’autres termes, l’action du mandataire,
bien que préjudiciable pour le cocontractant, peut être restée circonscrite dans les limites du
pouvoir donné.

355. Il est sans doute trop tôt pour affirmer que ces éléments ont trouvé écho dans la
jurisprudence. Néanmoins, il est certain que, de façon ponctuelle, la Cour de cassation a
parfois cherché à atténuer quelque peu sa sévérité à l’égard du mandataire.

§2- Les aménagements à la responsabilité personnelle du mandataire

356. Le remède proposé : le contexte de la commission du fait dommageable. Certains


arrêts de la Cour de Cassation suggèrent que les juges ne sont finalement pas si insensibles au
contexte dans lequel le préjudice naît. Il semble en effet que le lien entre le fait dommageable
et l’objet altruiste de la mission confiée au mandataire constitue parfois une cause
exonératoire de responsabilité pour l’intermédiaire.

357. Dans une première direction, les juges ont parfois rejeté la responsabilité délictuelle du
mandataire qui s’était rendu coupable d’un manquement à l’une de ses obligations
contractuelles si le comportement défectueux n’était pas également constitutif d’une violation
d’un devoir général de prudence et de diligence. Cette tendance se perçoit essentiellement à
travers la jurisprudence de la Chambre commerciale de la Cour de cassation favorable à la

209
théorie de la relativité de la faute contractuelle selon laquelle le tiers victime d’un
manquement contractuel doit rapporter la preuve de l'existence d'une faute délictuelle
distincte de la faute contractuelle946. Par exemple, dans une affaire jugée en 1997, des
armateurs reprochent au mandataire (courtier en assurance) de leur cocontractant (un chantier
naval) d’avoir omis de conseiller son mandant de prendre une garantie supplémentaire dans le
contrat que les parties extrêmes avaient conclu ensemble. De ce manquement contractuel
résultait une impossibilité pour ces derniers d’obtenir réparation de leur entier préjudice. Sur
le fondement de ce manquement à l’obligation de conseil du mandataire professionnel, le tiers
cocontractant intente une action en responsabilité délictuelle. La demande est rejetée au motif
que « si la faute contractuelle d'un mandataire à l'égard de son mandant peut être qualifiée
de faute quasi délictuelle à l'égard d'un tiers, c'est à la condition qu'elle constitue aussi la
violation d'une obligation générale de prudence et diligence »947.

358. Dans une deuxième direction, la distinction entre la faute personnelle et la faute
détachable des fonctions a été proposée. Ainsi, le représentant d’une association mise en
liquidation judiciaire n’est pas responsable du dommage subi par le tiers-vendeur demeuré
impayé dès lors « qu'aucune faute détachable de ses fonctions n'est établie à son
encontre »948. De même, dans un arrêt de la première chambre civile rendu le 1 er février 1984,
la Cour de cassation a jugé que « commet une faute personnelle, détachable du contrat de
mandat949 le liant à une société civile immobilière, et engage ainsi sa responsabilité sur le
fondement de l'article 1382 du Code civil, le gérant, qui, à l'occasion d'une vente sur saisie
immobilière (…), n'avertit pas ce dernier [le tiers acquéreur] de la menace qui pesait sur la
jouissance de ses parts sociales »950. L’on peut encore citer un arrêt de la 2ème chambre civile
de la Cour de cassation rendu le 4 octobre 1995 dans lequel les juges ont précisé que c’était
« dans l'exécution de ses obligations contractuelles [que] la société [mandataire] avait
commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle en raison des dommages
qui en étaient résultés pour les tiers »951. Par une analyse a contrario, l’on pourrait être tenté
de croire que la constatation d’un lien entre le fait dommageable et le préjudice invoqué par le
tiers aurait suffi à rejeter la responsabilité du mandataire.

946
Supra, n° 351, références sous note 931.
947
Com., 17 juin 1997 – Bull. civ., 1997, IV, n° 187. Dans le même sens : Com., 2 avril 1996 : Bull. civ., 1996,
IV, n° 101.
948
Civ. 2, 19 février 1997 – Bull. civ., 1997, I, n° 53.
949
C’est nous qui soulignons.
950
Civ. 1, 1er février 1984 – Bull. civ., 1984, I, n° 47.
951
Civ. 2, 4 octobre 1995 – Bull. civ., 1995, I, n° 230.

210
359. Enfin, dans une troisième direction, la Cour de cassation a introduit une distinction
entre la bonne ou mauvaise foi du mandataire lorsque le mandat est défectueux. Ainsi, lorsque
l’intermédiaire exécute un mandat qu’il savait – ou aurait dû savoir – imparfait, la mauvaise
foi de l’agent justifie que sa responsabilité soit mise en œuvre. Par exemple, est
personnellement responsable le mandataire qui, sur les ordres de son mandant, vend un
véhicule acquis comme ferraille et doté d’un faux certificat du dernier propriétaire, alors
même qu’il avait conscience des conséquences éventuellement dramatiques de cette
activité952. A l’inverse, les magistrats traitent avec compréhension le mandataire qui,
totalement de bonne foi, a accompli une mission qui s’est révélée néfaste pour les tiers. Ainsi,
une banque dont la responsabilité était recherchée par le créancier de son mandant voit sa
responsabilité rejetée pour « s'être strictement conformée aux instructions reçues de son
mandant ». Dans cette affaire, il fut reproché aux juges du fond de ne pas avoir suffisamment
caractérisé en quoi le fait qui lui était imputable (en l’espèce, la banque avait, lors du
paiement de la dette au tiers, retenu les frais d’intervention qui lui étaient dus) constituait une
faute délictuelle953. Enfin, en l’absence d’instruction précise, il ne saurait être reproché au
mandataire d’avoir finalement pris la mauvaise décision954.

360. Appréciation critique. Cette jurisprudence doit être approuvée. Elle présente un
avantage non négligeable, celui de faire coïncider les bénéfices de l'opération avec les risques
éventuels955. Malheureusement, les outils proposés à cette fin ne sont sans doute pas
parfaitement adaptés aux circonstances.

361. Tout d’abord, les solutions aux termes desquelles le manquement contractuel du
mandataire ne constitue pas une faute délictuelle à l'égard des tiers lorsque celui-ci ne
s’accompagne pas d’un manquement à une obligation générale de prudence et de diligence ne
sont probablement plus d’actualité aujourd’hui, ce qui signifie que le tiers est largement admis
à invoquer un manquement contractuel du mandataire. En effet, depuis l'arrêt rendu le 6
octobre 2006 par l'assemblée plénière de la Cour de cassation, une telle distinction n’a plus
lieu d’être956. Autrement dit, toute déficience contractuelle du mandataire devrait dorénavant

952
Ch. Mixte, 26 mars 1971 – Bull. civ., 1971, arrêts Cour de Cass. Chambre Mixte n° 6 : JCP G., 1971, II,
16762, note M. LINDON.
953
Com., 14 février 1989 - Bull. civ., 1989, IV, n° 64.
954
Civ. 1, 7 décembre 1959 - Bull. civ., 1959, I, n° 521.
955
Sur la théorie du risque : supra, n° 26 et s..
956
A.P., 6 novembre 2006 : arrêt précité.
Ce principe a été réaffirmé à plusieurs reprises. Pour une illustration très récente voir, par exemple,
l’arrêt rendu le 6 juin 2012 par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation au terme duquel les juges ont
rappelé que « le tiers à un contrat [peut] invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un

211
être sanctionnable à l’égard des tiers au contrat, sans qu’aucune condition supplémentaire ne
doive être constatée. Par voie de conséquence, l’on peut s’interroger sur l’applicabilité de la
règle définie à l’article 1992 alinéa 2 du Code civil selon laquelle « la responsabilité relative
aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui
qui reçoit un salaire »957. En effet, pour que le manquement du débiteur soit constitutif d’une
faute délictuelle, il suffirait que ce comportement corresponde aux éléments de la faute au
sens de l’article 1382 du Code civil. D’une part, selon ce texte, il importe peu que l’auteur de
la faute intervienne à titre gratuit ou à titre onéreux puisque, par définition, l’idée même d’une
rémunération est inconcevable avec une responsabilité extracontractuelle. D’autre part, la
mise en œuvre de l’article 1992 alinéa 2 précité conduit à distinguer entre la faute légère du
mandataire rémunéré et la faute lourde du mandataire bénévole, une distinction qui est
inconnue de l’article 1382 qui sanctionne, de la manière la plus générale qui soit, « tout fait
quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage (…) »958. Dès lors, il n’est
absolument pas certain que la distinction entre le mandataire bénévole et le mandataire
rémunéré soit encore prise en compte, d’autant plus qu’il s’agit là d’un élément qui concerne
le rapport interne et non le rapport externe.

362. Ensuite, le caractère aléatoire des réponses ici présentées ne plaide pas en faveur d’une
quelconque stabilité jurisprudentielle. Au contraire, ces épisodes apparaissent inachevés. Dans
l’arrêt du 13 février 1992, par exemple, il semble difficile d’admettre que le mandataire avait
conscience du caractère fallacieux des instructions qui lui avait été transmises 959. Dans cette
affaire, il aurait sans doute été plus juste de s’en tenir à la méconnaissance d’une obligation
contractuelle du mandataire professionnel.

363. Enfin, les raisons pour lesquelles la Cour de cassation décide parfois d'exonérer le
mandataire de sa responsabilité sont vraisemblablement à rechercher dans le contenu du lien
mandant – mandataire. L’on constate ainsi que c’est la bonne foi du mandataire960 ou

manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (…) ». Civ. 3, 6 juin 2012 –
Pourvoi n° 11-14.318 et 11-14997.
957
Supra, n° 259 et s...
958
Hormis l’hypothèse d’un partage de responsabilité, la gravité de la faute est en principe indifférente en
matière délictuelle. En ce sens : A. BENABENT, Droit civil - Les obligations, Montchrestien, coll. Domat droit
privé, 13ème édition, 2012, spéc. n° 554, p. 401 ; PH. BRUN, Responsabilité civile extra-contractuelle, op. cité,
spéc. n° 363 et s., pp. 187 et s. ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations – Le fait juridique, op.
cité, n° 112, pp. 134 et s. ; F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, ouvrage précité,
spéc. n° 726, p. 736.
959
Civ. 3, 13 octobre 1992 - Bull. civ., 1992, III, n° 250.
960
Com., 14 février 1989 - Bull. civ., 1989, IV, n° 64.

212
l’intervention bénévole d’un président d’association961 qui facilite sa mise hors de cause alors
que la qualité professionnelle ou le caractère rémunéré962 y sont indifférents. S’il est louable
de vouloir récompenser celui qui a bien agi ou agi en ami, un tel raisonnement n’augure pas
d’une quelconque prévisibilité à l’égard du tiers si le sort de l’action par lui intentée dépend
de l’examen du comportement du mandataire. A l’inverse, si la situation du tiers était
envisagée de manière autonome, les risques d’insécurité juridique pourraient sans doute être
atténués voire disparaître. Or, c'est précisément ce que nous souhaitions éviter en proposant
de distinguer le lien interne du lien externe963.

364. Synthèse. Il résulte de ces développements que les efforts d’adaptation ou


d’atténuation de la responsabilité personnelle du mandataire, s’ils ont le mérite d’ouvrir la
réflexion sur une éventuelle irresponsabilité délictuelle du mandataire, ne sont pas suffisants.
La règle selon laquelle « le mandataire est responsable des délits et quasi-délits qu’il avait pu
commettre, soit spontanément, soit même sur les instructions du mandant dans
l’accomplissement de sa mission »964 demeure le principe, et les quelques décisions
jurisprudentielles qui se veulent favorables à l’intermédiaire n’ont aucunement vocation à
prendre sa place.

365. Il faut donc en tirer la conclusion que, dans le cadre du lien externe, le régime de la
responsabilité personnelle ne convient pas. Pour cette raison, il convient désormais de
regarder du côté de la responsabilité délictuelle du fait d’autrui qui, dans le cadre de la
réparation d’un dommage subi par un tiers au mandat, est mise en œuvre de manière plus
exceptionnelle.

961
Civ. 2, 19 février 1997 – Bull. civ., 1997, I, n° 53.
962
C’est nous qui soulignons.
963
Supra, n° 142 et s..
964
Supra, n° 346 et s..

213
Section 2- La place exceptionnelle de la responsabilité du fait d’autrui

366. Exposé du problème. Dans un arrêt rendu le 10 juillet 1944, la Cour d’appel de
PARIS affirma que « le mandant est responsable vis-à-vis des tiers des fautes commises par
le mandataire dans l’exercice de son mandat »965. Sur le fond, cette solution doit être
approuvée tant elle est conforme à la spécificité altruiste du mandat. Du point de vue des tiers,
en premier lieu, puisque c’est le bénéficiaire de l’affaire – le véritable partenaire juridico-
économique du tiers - qui engage sa responsabilité à leurs égards ; du point de vue des parties
au contrat principal, en second lieu, puisque la responsabilité du mandant n’est pas exclusive
de celle du mandataire : il est en effet précisé dans l’arrêt que le premier dispose d’un recours
contre le second dans l’hypothèse où le dommage subi par le tiers résulte d’une faute de
gestion966. Techniquement, en revanche, cette décision se heurte à une critique, celle de ne pas
avoir précisé expressément le fondement sur lequel la responsabilité du mandant était engagée
pour un fait imputable au mandataire.

367. L’hypothèse de la responsabilité contractuelle du fait d’autrui. Théoriquement,


plusieurs voies sont envisageables. La première consiste à se tourner vers les règles de la
responsabilité contractuelle du fait d’autrui967. D’origine prétorienne, ce régime de
responsabilité a longtemps été ignoré du droit français. Aujourd’hui encore, le principe est
généralement méconnu de la doctrine968 alors même qu’il est bien plus ancien que son alter-
ego délictuel consacré en 1991969. La question qui se pose alors est celle de savoir si, dans le

965
C.A., PARIS, 10 juillet 1944 : D., 1945, Jurisp., p. 62.
966
Ibid..
967
Pour plus de développements sur le régime de la responsabilité contractuelle du fait d’autrui, Infra, n° 368.
968
G. VINEY, P. JOURDAIN, Introduction à la responsabilité, op. cité, spéc. n° 170, p. 442.
969
C’est en 1991, seulement, qu’un principe général de responsabilité délictuelle du fait d’autrui a été dégagé.
(A.P., 29 mars 1991, arrêt Blieck - Bull. civ., 1991, A.P., n° 1 : G.A.J.C., 11ème édition, n° 218-219 ; D., 1991,
Chron. 157, G. VINEY ; D., 1991, 324, note CH. LARROUMET ; JCP G., 1991, II, 21673, note J. GHESTIN ; G.P.,
1992, 2, 513, note F. CHABAS ; Défrénois, 1991, 729, obs. J.-L. AUBERT ; R.T.D. Civ., 1991, 312, note J.
HAUSER et 541 obs. P. JOURDAIN.) En ce qui concerne un principe général de responsabilité contractuelle du fait
d’autrui, les premières manifestations sont apparues dès la fin de la première moitié du XXème siècle. Elles sont
le fait de Cours d’appel (voir par ex. : C.A., ANGERS, 27 mai 1941 : G.P., 1941, 2, p. 296). Pour une
consécration explicite, il faut attendre le tout début des années 1960, soit plus de trente années avant la
jurisprudence Blieck. (Civ. 1, 18 octobre 1960 : D., 1961, Jurisp., p. 125 ; JCP G., 1960, II, 11846, note
R. SAVATIER ; R.T.D. Civ., 1960, p. 120, note A. TUNC. Cette solution concerne un cas de responsabilité
médicale : un patient, victime de paralysie intenta une action en responsabilité délictuelle contre le chirurgien qui
avait eu recours aux services du médecin anesthésiste. Accueillie devant les juges du droit, la Cour de cassation
confirme l’arrêt mais rétablit le fondement contractuel en rappelant que « le chirurgien, investi de la confiance
de la personne sur laquelle il va pratiquer une opération, est tenu, en vertu d’un contrat qui le lie à cette
personne, de faire bénéficier celle-ci, pour l’ensemble de l’intervention, de soins consciencieux, attentifs et
conformes aux données de la science. Il répond, dès lors, des fautes que peut commettre le médecin auquel il a

214
cadre de la réparation du dommage causé par le mandataire, les règles de la responsabilité
contractuelle sont applicables. Pour le déterminer, il convient de rappeler brièvement ce que
signifie la terminologie « responsabilité contractuelle du fait d’autrui ».

368. Concrètement, ce mécanisme qu’exige la force obligatoire du contrat se définit comme


celui qui impose la réparation d’un dommage contractuel au débiteur qui s’est substitué un
tiers pour l’exécution de sa mission. Quatre conditions doivent donc être cumulativement
réunies pour la mise en œuvre de ce régime de responsabilité : un engagement du débiteur à
exécuter une obligation, l’introduction d’un tiers dans le rapport d’obligation, l’absence de
décharge de responsabilité consentie par le créancier et une inexécution contractuelle
imputable au tiers. A notre sens, la première condition fait défaut. En effet, le plus souvent, le
mandataire a pour mission, non pas d’exécuter une obligation déjà constituée, mais de
favoriser la formation d’un contrat. Dans cette configuration, le mandataire intervient avant
que le mandant ne soit débiteur, ce qui exclut l’applicabilité du principe de la responsabilité
contractuelle du fait d’autrui.

369. Episodiquement, le mandataire peut se voir confier d’autres missions telles que résilier
un contrat, recevoir ou effectuer un paiement. Dans cette situation l’utilité de la responsabilité
contractuelle du fait d’autrui pourrait se poser dès lors qu’il s’agit, non pas de « créer » une
obligation mais de l’éteindre. La légitimité de la responsabilité contractuelle du fait d’autrui
demeure toutefois subordonnée à la question de la nature juridique de ces actes. Or, l’on sait
que la nature juridique du paiement fait débat. Pour la plupart des auteurs, il s’agirait d’un
acte juridique970, mais certains y voient plutôt un fait juridique971 972
. La première alternative
ne poserait guère de problème si elle était avérée : aucun obstacle ne devrait empêcher le
recours à la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle du fait d’autrui dès lors que
toutes les conditions précitées sont réunies973. La seconde hypothèse, en revanche, se
heurterait à deux séries de difficultés. D’un côté, une condition essentielle au régime de
responsabilité contractuelle du fait d’autrui - l’engagement du débiteur à exécuter une

recours pour l’anesthésie, et qu’il se substitue, en dehors de tout consentement du patient, pour
l’accomplissement d’une partie inséparable de son obligation ».)
970
A. BENABENT, Droit civil - Les obligations, op. cité, spéc. n° 783, pp. 562 - 563 ; PH. MALAURIE, L. AYNES et
PH. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, op. cité, spéc. n° 1088 ; PH. MALINVAUD et D. FENOUILLET, Droit des
obligations, op. cité, spéc. n° n° 663 ; G. MARTY, P. RAYNAUD et PH. JESTAZ, Les obligations, op. cité, n° 194 ;
F. TERRE, PH. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 1315, pp. 1307 – 1308.
971
N. CATALA, La nature juridique du paiement, préface de J. CARBONNIER, L.G.D.J., Coll. Bibliothèque de
droit privé, Tome 25, 1961.
972
Pour une analyse dualiste et distributive du paiement : G. LOISEAU, « Réflexion sur la nature juridique du
paiement », JCP G., 2006, I, 171.
973
Supra, n° 368.

215
obligation - serait manquante. Dans ce contexte, le recours au régime de responsabilité
contractuelle du fait d’autrui serait exclu. De l’autre, c’est la qualification de mandat elle-
même qui serait critiquable - et par conséquent, l’opération en cause serait en dehors de notre
domaine de recherche - dès lors qu’il a été précisé, lors de nos développements introductifs974,
que l’objet juridique du mandat se définissait nécessairement par l’accomplissement d'un acte
juridique. En l’état actuel du droit positif, on assiste à une véritable divergence
jurisprudentielle entre les différentes Chambres de la Cour de cassation. Si la troisième
Chambre civile975 et la Chambre sociale976 demeurent fidèles à l’analyse classique et voient
dans le paiement un acte juridique ; la première Chambre civile a clairement adopté, depuis
un arrêt rendu le 16 septembre 2010977, la conception selon laquelle le paiement serait un fait
juridique. Le désaccord actuel des Chambres sur la nature juridique du paiement ne permet
donc pas de répondre définitivement à l’applicabilité de la responsabilité contractuelle du fait
d’autrui dans le mandat. L’hypothèse d’une responsabilité contractuelle du fait d’autrui
demeure donc théoriquement possible. Mais, dans cette éventualité, la mise en œuvre de la
responsabilité contractuelle du fait d’autrui ne pose aucune difficulté lorsque les conditions
sont réunies, et il n’est pas besoin, pour cette raison, de développer cette question plus
longuement.

370. L’hypothèse de la responsabilité délictuelle du fait d’autrui. Il ne reste donc


d’autre possibilité que celle de la responsabilité délictuelle du fait d’autrui. Mais en cette
matière, les choix sont multiples. Parmi les cas spéciaux expressément visés par le législateur
nous retiendrons, tout d’abord, celui de la responsabilité du commettant pour le fait de son
préposé tel qu’il a été défini au cinquième alinéa de l’article 1384 du Code civil. Selon cette
disposition, les commettants doivent répondre « du dommage causé par leurs (…) préposés
dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ». Apparemment, le contexte du mandat est
proche de celui énoncé dans le texte précité. Aussi faudra-t-il se demander si ce régime de
responsabilité peut être appliqué de manière générale à tout dommage causé par un
mandataire. Il faut signaler, ensuite, les multiples hypothèses dans lesquelles la mise en œuvre
de la responsabilité du fait d’autrui est subordonnée à la preuve d’une faute personnelle du
garant, d’autant plus que l’on en trouve quelques illustrations dans le cadre du mandat. Enfin,
974
Supra, n° 10.
975
Civ. 3, 27 février 2008 – Pourvoi n° 06-17.928 : D., 2008, p. 783 ; JCP G., 2008, IV, 1598.
976
Soc., 11 janvier 2006 - Pourvoi n° 04-41.231 ; Bull. civ., 2006, V, n° 6.
977
Civ. 1, 16 septembre 2010 – Pourvoi n° 09-13.947 ; Bull. civ., 2010, I, n° 173. Cette solution vient confirmer
un arrêt rendu par la même chambre le 6 juillet 2004 mais dont la portée avait été relativisée par la doctrine. Civ.
1, 6 juillet 2004 – Pourvoi n° 01-14.618 ; Bull. civ., 2004, I, n° 202 : JCP G., 2004, II, 10193, note G. NICOLAS ;
JCP E., 2004, 1642, note S. PIEDELIEVRE ; Rev. des contrats, 2005, p. 286, obs. PH. STOFFEL-MUNCK.

216
notre étude serait incomplète si l’on ne s’interrogeait pas sur les possibilités d’appliquer le
principe général de la responsabilité délictuelle du fait d’autrui dégagée par la jurisprudence
Blieck. Si à ce jour aucun arrêt ne permet d’envisager concrètement cette possibilité, certains
traits généraux de ce principe ont été révélés par la jurisprudence, bien que l’évolution ne soit
pas encore achevée. Aussi nous faudra-t-il examiner l’applicabilité de ce texte au mandat.

371. Plan. A ce stade de nos développements, trois possibilités sont donc


envisageables pour favoriser la thèse du risque-profit978 : la responsabilité du commettant, la
responsabilité du fait d’autrui fondée sur une faute personnelle et le principe général de la
responsabilité du fait d’autrui. Les deux premières sont relativement classiques (§1) alors que
la troisième (§2) résulte d’une évolution plus récente au regard de l’histoire de la
responsabilité du fait d’autrui.

§1- Les solutions classiques

372. Plan. Nous envisagerons successivement le régime de la responsabilité du mandant


pour un dommage causé par le mandataire sur le fondement d’une faute personnelle (A) puis
nous examinerons la compatibilité entre la responsabilité du commettant édictée par l’article
1384 alinéa 5 du Code civil et le contrat de mandat (B).

A- La responsabilité du mandant sur le fondement d’une faute personnelle

373. Plan. A l’exposé du principe (1) succèdera l’examen critique de la responsabilité du


mandant pour le fait du mandataire fondé sur une faute personnelle (2).

978
Supra, n° 26 et s..

217
1- Exposé du principe

374. Exposé de la jurisprudence. Afin de constater la responsabilité du mandant pour un


dommage causé par le mandataire, les juges retiennent parfois l’existence d’une faute
personnelle imputable au seul mandant. Le plus souvent, c’est une faute dans le choix (culpa
in eligendo) ou dans la surveillance (culpa in vigilando) qui est invoquée.

375. La solution n’est pas récente : à la fin du XIXème siècle le principe était déjà posé.
Ainsi, dans un arrêt rendu le 4 décembre 1899 par la Chambre civile de la Cour de cassation,
les juges ont rappelé que « bien qu’il ne soit pas établi que le mandant n’ait point établi le
mandataire en vue d’une dissimulation frauduleuse, il est responsable, envers le tiers de
bonne foi, du dol et de la fraude du mandataire qu’il a imprudemment choisi »979. De même,
une Cour d’appel a jugé que des mandants étaient civilement responsables à l’égard des tiers
de bonne foi victimes d’un détournement frauduleux « pour avoir employé un mandataire
sans scrupule »980. L’on peut encore citer une affaire dans laquelle des propriétaires donnent
mandat à un intermédiaire de vendre des parts sociales. Pour ce faire, le mandataire omet
volontairement de signaler à l’acquéreur la situation désastreuse de la société. L’apprenant, ce
dernier exerce une action en nullité du contrat de vente et une action en responsabilité contre
les mandants. Pour leur défense, ces derniers rappellent que « le mandant ne serait pas
responsable des fautes personnelles du mandataire sauf s’il avait commis une faute dans le
choix du mandataire » et que « le fait de signer une procuration de vendre des parts d’une
société ne serait pas constitutif d’une faute, quand bien même la situation de la société serait
obérée ». Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, rejettent l’argumentation au
motif que, tout en connaissant la situation réelle de ladite société, ces derniers « avai[en]t
donné néanmoins mandat de vendre les parts sans se réserver le moindre contrôle sur les
conditions dans lesquelles ces cessions pouvaient intervenir »981.

376. Qualification juridique de la responsabilité du mandant pour un dommage causé


par le mandataire fondée sur une faute personnelle. S’agit-il réellement d’une
responsabilité pour autrui ? Au regard de l’exigence d’une faute imputable au mandant, la
logique serait de répondre par la négative. Le problème de la qualification de ce type de

979
Civ., 4 décembre 1899 : D.P., 1900, 1, 14 ; S. 1900, 1, 137.
980
C.A., AIX-EN-PROVENCE, 24 janvier 1944 : G.P., 1944, 1, 160. Dans cette affaire, l’intermédiaire avait été
pénalement condamné pour s’être fait livrer à domicile et à crédit des marchandises par le fournisseur attitré du
mandant.
981
Civ. 1, 23 mai 1977 - Bull. civ., 1977, I, n° 244. Nous soulignons.

218
responsabilité civile n’est pas propre à la situation du mandant qui aurait à répondre de faits
commis par son mandataire. Plus généralement, le droit de la responsabilité civile pour autrui
connaît des hypothèses semblables qui invitent à s’interroger sur la nature véritable de ces
responsabilités982. La tendance générale, en doctrine983 comme en jurisprudence984, serait de
leur refuser la qualification de responsabilité du fait d’autrui, bien que cette question n’ait pas
été, en réalité, explicitement posée985.

377. Cependant, cette réponse doit être au moins partiellement nuancée986. En effet, la faute
commise par le mandant n’est pas la cause directe de la réalisation du dommage ; elle n’en est
que l’élément qui en facilite l’accomplissement. Et puisqu’en droit de la responsabilité
civile987, la survenance d’un dommage est la condition sine qua non de la recevabilité d’une
action, en l’absence de fait dommageable exécuté par le mandataire la faute du mandant ne
sera pas sanctionnable… que ce dernier ait mal choisi ou mal surveillé le mandataire. En
d’autres termes, la faute réalisée par ce dernier crée le risque mais ne le réalise pas. La cause
de cette responsabilité demeure donc la faute commise par le mandataire, et non celle
commise par le mandant. De ce point de vue, il n’est pas faux de considérer la responsabilité
du mandant pour un dommage causé par le mandataire fondée sur une faute personnelle
comme une responsabilité du fait d’autrui, dès lors que l’élément véritablement générateur de
la responsabilité du mandant réside dans le fait du mandataire, c’est-à-dire dans un « fait
d’autrui »988.

982
Cette question n’est pas propre à la responsabilité du mandant fondée sur une faute personnelle en raison d’un
dommage commis par son mandataire. D’autres cas similaires invitent également à se la poser. Tel est par
exemple le cas de la responsabilité de l’instituteur pour un fait de l’élève ou encore de la responsabilité des
parents avant le revirement Bertrand.
983
Sur ce point voir en particulier F. GRUA, « La responsabilité civile de celui qui fournit le moyen de causer un
dommage », R.T.D. Civ., 1994, p. 1.
984
Par exemple : Soc., 9 novembre 1982 : Droit social, 1983, p. 175, 1ère espèce ; Soc., 26 juillet 1984 – Bull.
civ., 1984, V, n° 331.
985
De manière générale, la doctrine se contente d’étudier les hypothèses particulières de l’article 1384 sous le
titre « responsabilité du fait d’autrui » sans s’interroger explicitement sur les exemples de responsabilité fondée
sur une faute personnelle pour un dommage commis par autrui. En réalité, ce faible intérêt pour ces cas
spécifiques se justifie sans doute par le faible intérêt pratique qui en serait tiré, bien que les exemples soient très
nombreux.
986
Egalement en ce sens : G. VINEY, Les conditions de la responsabilité, ouvrage précité, spéc. n° 788-9, pp. 916
et s..
987
En droit pénal la solution serait différente puisque le dommage n’est pas une condition systématiquement
exigée par le législateur pour la mise en œuvre d’une action publique. En revanche, la faute pénale doit avoir été
strictement définie par les textes. En l’espèce, la faute de surveillance ou de choix du mandataire serait
assimilable à la faute de mise en danger délibérée d’autrui que définie l’article 223-1 du Code pénal.
988
Le terme « autrui » renvoie à l’idée d’altérité : or, si « autrui » est un « autre que moi », alors le « « fait
d’autrui » est celui commis par un autre que moi (pour notre sujet : le fait d’autrui est donc celui commis par un
autre que le répondant). Pour plus de développements sur la notion de « fait d’autrui » : voir infra, n° 631.

219
378. Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de la responsabilité du mandant pour un fait de
son mandataire fondée sur une faute personnelle ne nous semble pas être un choix cohérent,
que ce régime reçoive le qualificatif de « responsabilité du fait personnel » ou celui de
« responsabilité du fait d’autrui ».

2- Critique du principe

379. - L’application déjouée de l’exigence d’autorité. A notre sens, le choix d’une


responsabilité du mandant fondée sur une faute personnelle atteste d’une application déjouée
de l’exigence d’autorité, qu’il s’agisse d’une culpa in eligendo ou d’une culpa in vigilando.

380. La faute imputable au mandant peut être une faute dans le choix de son mandataire. En
1804, le mandat fut relégué au rang des petits contrats et n’était pas conçu autrement que
comme un service d’amis. Le recours à un mandat était donc le fruit d’une démarche
nécessairement volontaire, tant dans le choix de ce contrat que dans le titulaire du pouvoir
donné. Aussi, une responsabilité fondée sur la culpa in eligendo n’était-elle pas totalement
saugrenue. Plus de 200 ans après l’entrée en vigueur du Code civil, le contrat de mandat est,
avec le contrat d’entreprise, l’un des contrats les plus prisés des praticiens. Il ne fait plus
nécessairement l’objet d’une démarche volontaire… que l’on se situe au stade du choix du
contrat (devant certaines juridictions, par exemple, le ministère d’avocat est obligatoire ou
encore, pour l’accomplissement de certains actes, il est parfois imposé de recourir à un
notaire) ; ou au stade du choix du mandataire (l’avocat peut avoir été désigné d’office, dans
l’hypothèse d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, le juge peut désigner un
mandataire pour représenter l’ensemble des créanciers, …). Aussi, les situations dans
lesquelles le choix du mandataire - voire le choix de recourir au mandat – étant réduites à
peau de chagrin, il apparaît que ces solutions constituent surtout une hypothèse d’école.

381. De même, la faute du mandant peut être constituée par une faute de surveillance. Mais
encore faut-il que la surveillance du mandataire soit chose possible pour le mandant. Or, il
nous semble que trop souvent, elle est inenvisageable. D’une part, un premier obstacle
apparaît dès lors que l’on évoque la professionnalisation du contrat de mandat. Lorsqu’un
profane fait appel aux services d’un professionnel, comment envisager sérieusement que le
mandant puisse contrôler les actes de son mandataire. D’autre part, il existe une contradiction

220
certaine entre affirmer l’indépendance du mandataire et l’existence d’un pouvoir de
surveillance à son égard.

382. Une jurisprudence trop casuistique et manifestement déconnectée de la spécificité


altruiste du mandat. Envisager une responsabilité fondée sur une faute personnelle du
mandant nécessite de procéder à une appréciation très concrète de la relation principale. Si
cette allure casuistique présente l’avantage de la souplesse et de l’adaptabilité, elle se heurte,
en revanche, à certaines limites dont l’impossibilité de couvrir toutes les hypothèses de
dommage causé par un mandataire pour le compte du mandant. Concrètement, cette solution
est vouée à voir son champ d’application restreint à certains mandats bien particuliers pour
lesquels la naissance d’un contrat de mandat reste le fruit d’une démarche purement
volontaire, ou encore lorsque la surveillance demeure envisageable.

383. Enfin, cette possibilité ignore la spécificité altruiste du mandat. Si la responsabilité du


mandant est parfois retenue, c’est en méconnaissance du contexte dans lequel le dommage est
causé. En réalité, ce régime de responsabilité se contente, de la manière la plus objective qui
soit, de constater et de sanctionner l’existence d’une faute. Pour toutes ces raisons, la
responsabilité du mandant fondée sur une faute personnelle ne nous paraît pas réellement
convaincante ; et ce d’autant plus que, dès l’origine, la responsabilité de l’un n’est pas
exclusive de celle de l’autre.

384. L’inadéquation de la responsabilité du mandant pour un fait du mandataire fondée sur


une faute personnelle nous amène ainsi à regarder du côté des « vraies » responsabilités du
fait d’autrui et, plus particulièrement, celle du commettant pour un fait de son préposé.

B- La responsabilité du mandant sur le fondement de l’article 1384 alinéa 5 du Code civil

385. Plan. D’un point de vue théorique, l’applicabilité du régime de responsabilité défini
par l’article 1384 alinéa 5 du Code civil, ne semble, au regard de l’évolution de la conception
de la notion de préposition, poser guère de difficultés (1). C’est sans compter un certain
nombre d’obstacles pratiques dont il est impossible de faire l’économie (2).

221
1- L’applicabilité théorique de la responsabilité de l’article 1384 alinéa 5 au
mandat

386. Mandat et préposition : état des lieux. En 1804, les rédacteurs du Code civil ont créé
un régime spécial de responsabilité du fait d’autrui aux termes duquel « les maîtres et les
commettants » doivent répondre « du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans
les fonctions auxquelles ils les ont employés »989. La mise en œuvre de ce corps de règles
repose sur l’existence d’un lien de préposition, c’est-à-dire sur la présence d’un pouvoir
d’autorité et de surveillance corroboré par un rapport de subordination990. De ce fait, la
relation mandant-mandataire semble très éloignée du lien commettant-préposé puisque celle-
là suppose une certaine indépendance qui est en principe exclue de celle-ci.

387. Pourtant, dès le début du XXème siècle, la Cour de cassation n’a pas hésité à affirmer
que « l’existence d’un mandat n’excluait pas nécessairement l’établissement d’un rapport de
commettant à préposé »991. Ce faisant, la mise en œuvre de la responsabilité du mandant pour
un fait commis par le mandataire sur le fondement de l’article 1384 alinéa 5 était
envisageable. De fait, à plusieurs reprises, la Cour de cassation a eu l’occasion de retenir la
responsabilité du mandant pris en sa qualité de commettant. Il en va ainsi dans un arrêt rendu
le 4 décembre 1945 par la Chambre civile de la Cour de cassation. Les faits sont simples : un
fils occasionne un accident en conduisant la voiture de son père, causant ainsi des blessures à
des tiers. Pour obtenir réparation, les victimes poursuivent le père sur le fondement de l’article
1384 alinéa 5. Le raisonnement est suivi par la Cour d’appel qui constate que le fils utilisait le
véhicule en vertu d’un « mandat paternel général et permanent ». Devant la Cour de
cassation, le père conteste la décision ; il considère que les juges du fond ne se sont pas
expliqués « directement sur le droit de direction, de surveillance et de contrôle possédé par le
mandant ». L’argumentation est rejetée au motif que « dans les circonstances de fait relevées
(…) la qualification de mandat général et permanent (…) implique pour le père, dans l’esprit
desdits juges, un pouvoir de contrôle et de direction »992. Il convient toutefois de remarquer
que, dans cette affaire, les juges prennent soin de constater l’existence d’un lien de
préposition au sens classique du terme, c’est-à-dire d’un lien caractérisant une autorité

989
Article 1384 alinéa 5 du Code civil.
990
Voir par exemple J. GHESTIN, CH. JAMIN ET M. BILLIAU, Traité de droit civil -, Les effets du contrat, op. cité,
n° 737, p. 793 ; PH. MALAURIE, L. AYNES, PH. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, op. cité, n° 1335, pp. 768 et s.
; J. FLOUR, J.-L. AUBERT ET E. SAVAUX, Les obligations – Le fait juridique, op. cité, n° 209 et s., pp. 262 et s..
991
Civ., 16 juin 1936 : D.H., 1936, p. 427 ; S., 1936, 1, p. 321, note L. JOSSERAND.
992
Civ. 4 décembre 1945 : JCP G., 1946, II, 3110.

222
effective du commettant sur le préposé. Autrement dit, l’on se situe encore dans une
application classique de l’article 1384 alinéa 5 qui exclut la responsabilité du commettant
lorsqu’aucun pouvoir d’autorité n’est relevé993.

388. L’assouplissement de la notion de préposition. Par la suite, pourtant, il semble que


cette contrainte se soit fortement atténuée. Un arrêt relativement important a reconnu, sur le
fondement de l’article 1384 alinéa 5, la responsabilité d’une clinique pour les faits d’un
médecin salarié, alors même que l’exercice de la médecine semblait incompatible avec
l’exigence classique d’une théorie effective du commettant sur son préposé994. Dans cette
affaire, aucun contrat de mandat n’est relevé entre les parties. Néanmoins le renouvellement
constaté de la notion de préposition doit amener une réflexion sur l’applicabilité de ce texte en
présence d’un tel contrat, d’autant plus que cette jurisprudence a été confirmée par la suite à
plusieurs reprises. Si c’est essentiellement en matière médicale que cette évolution a été
remarquée995, elle ne lui est pas restée circonscrite. Ainsi, a-t-il été jugé qu’un professionnel
pouvait être le commettant de l’artisan auquel il fait appel pour satisfaire sa clientèle alors
même que l’indépendance de ce dernier était constatée996. De même, le contrat d’entreprise
n’est pas exclusif d’un lien de préposition s’il est constaté qu’il est de l’intérêt de
l’entrepreneur de recourir aux services d’un transporteur. Autrement dit, « le lien de
préposition peut se déduire de l’intérêt d’une personne à utiliser les services d’une autre pour
les besoins de son entreprise »997. Plus éloquent, encore, un arrêt a affirmé que « l'existence
d'un lien de préposition n'implique pas nécessairement, chez le commettant, les connaissances
techniques pour pouvoir donner des ordres avec compétence »998. A l’évidence, l’idée qui
caractérise aujourd’hui le lien de préposition est celle de la collaboration à l’intérêt d’autrui, et
non plus celui de la subordination juridique. Ce très net assouplissement de la notion de
préposition que montre cette jurisprudence devrait amener l’élargissement du domaine
d’application de 1384 alinéa 5 à des domaines qui ne sont pourtant pas ses matières de
prédilection. La question est donc de savoir si le mandataire peut en bénéficier.

993
En ce sens voir par ex. Civ. 1, 5 octobre 1955 : G.P., 1955, 2, jurisprudence, p. 345 ; C.A., PARIS 15 janvier
1964 : G.P., 1964, I, 293.
994
Soc. 5 février 1960 - Bull. civ, 1960, IV, n° 112.
995
Et en ce domaine, la jurisprudence est abondante. Pour quelques illustrations voir, parmi d’autres : Crim., 13
décembre 1983 – Bull. crim., 1983, n° 342 ; Crim., 5 mars 1992 – Bull. crim., 1992, n° 101 : JCP G., 1993, II,
22013, note F. CHABAS ; R.T.D. Civ., 1993, note P. JOURDAIN ; Civ. 1, 30 octobre 1995 – Bull. civ., 1995, n°
383.
996
Crim., 22 mars 1998 – Bull. crim., 1998, n° 142.
997
Civ. 2, 11 décembre 1996 – Pourvoi n° 94-17870 : R.C.A., 1997, n° 83.
998
Civ. 2, 11 octobre 1996 - Bull. civ., 1996, II, n° 175.

223
389. La réponse de la Cour de cassation ne s’est pas fait attendre longtemps. Dès la fin des
années 1980, certains arrêts constatant la responsabilité du mandant sur le fondement de
l’article 1384 alinéa 5 font référence à une conception édulcorée de la préposition. A notre
connaissance, la première décision à avoir recours à la notion renouvelée du lien de
préposition dans le cadre du mandat a été rendue par la première chambre civile de la Cour de
cassation le 27 mai 1986. En l’espèce, un président directeur général et un directeur général
sont condamnés pour avoir volontairement porté des coups à un salarié tout juste licencié par
la société qu’ils représentent. Sur le fondement de l’article 1384 alinéa 5 du Code civil, la
société est déclarée civilement responsable du préjudice subi par la victime. Celle-là appelle
donc en garantie l’assureur auprès duquel elle avait souscrit une police couvrant sa
responsabilité civile dans le cadre de ses activités professionnelles. La Cour de cassation, qui
retient « que la qualité de mandataire ainsi attribuée à certains organes dirigeants d'une
société n'est pas nécessairement exclusive de celle de préposé » sanctionne la Cour d’appel de
PARIS pour avoir débouté la société de sa demande au motif que les auteurs de la faute, « en
raison de leurs fonctions de dirigeants, avaient la qualité de mandataires sociaux » et « qu'ils
n'en étaient donc pas les préposés »999. Depuis, en des termes plus ou moins clairs, la solution
a été réitérée : l’indépendance ou l’exercice d’une fonction de direction au sein d’une
entreprise, n’est désormais plus un obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité du
commettant pour le fait de son préposé1000.

390. L’assouplissement jurisprudentiel de la notion de préposition : la résurgence de


l’intérêt ? Déconcertants au premier abord, ces arrêts s’expliquent par l’évolution de la
conception de la notion de lien de préposition1001. D’abord envisagée sous l’angle d’une

999
Civ. 1, 27 mai 1986 - Bull. civ., 1986, I, n° 134.
1000
Crim., 4 octobre 2000 – Pourvoi n° 99-80649. Pour une application en matière de mandat apparent, voir
Crim., 16 juin 1999 - Pourvoi n° 98-81940.
1001
Sur la notion de « préposition » et les aménagements apportés par la jurisprudence voir not. J. FLOUR, J.-L.
AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations – Le fait juridique, op. cité, spéc. n° 209 et s., pp. 262 et s. ; PH. LE
TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op. cité, spéc. n° 7500 et s., pp. 1846 et s. ; H. ET L.
MAZEAUD, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, Tome 1, op. cité,
spéc. n° 878 et s., pp. 952 et s. ; F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, ouvrage
précité, spéc. n° 829 et s., pp. 827 et s. ; G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, ouvrage
précité, spéc. n° 792 et s., pp. 980 et s.. N. DISSAUX, La qualification d’intermédiaire dans les relations
contractuelles, thèse précitée, spéc. n° 1329 et s., pp. 551 et s. ; J. JULIEN, La responsabilité civile du fait d'autrui
: rupture et continuité, préface de PH. LE TOURNEAU, Presses universitaires d’Aix-Marseilles, coll. Institut de
droit des affaires, 2001, n° 154 et s., pp. 186 et s.. EU. AYISSI MANGA, « Préposé et responsabilité », Revue de la
recherche juridique – Droit prospectif, 2002-2, pp. 715 et s. ; G. BLANLUET, « La responsabilité professionnelle
du fait d’autrui », in La responsabilité professionnelle. Une spécificité réelle ou apparente, L.P.A., 11 juillet
2001, pp. 89 et s. ; PH. BRUN, « L’évolution des régimes particuliers de responsabilité du fait d’autrui », in La
responsabilité du fait d’autrui. Actualités et évolutions, Actes du colloque organisé par l’Université du Maine le
2 juin 2000, R.C.A., n° hors-série, novembre 2000, pp. 10 et s., spéc. n° 18 et s., spéc. p. 12. Pour un examen

224
autorité effective, la préposition se caractérisait par un critère de subordination. Cette analyse
classique a toutefois progressivement été abandonnée au profit d’une conception plus
abstraite. Il ne s’agirait plus de rechercher la subordination de l’un par rapport à l’autre, mais,
plus simplement, de vérifier que l’un agit pour l’autre et à son profit1002. En d’autres termes,
c’est de l’intérêt donneur d’ordre que se déduirait le lien de préposition1003. Du risque-autorité
nous voici arrivés au risque–profit car, pour reprendre une expression de M. BLANLUET, « on
ne peut vouloir la rose sans les épines »1004 c'est-à-dire les avantages sans les inconvénients.
Or, en consacrant implicitement la théorie du risque-profit, la jurisprudence entérine les
souhaits de la doctrine1005. Dès lors, la responsabilité du commettant s’étend sur un domaine
d’application beaucoup plus large car, manifestement, le risque–profit s’assied sur de plus
larges fondements que ceux du risque–autorité.

391. Dans cette perspective, assimiler le mandataire au préposé apparaît judicieux, tant « la
ligne de partage ainsi tracée entre la qualité de mandataire et celle de préposé s’avère ténue
voire obsolète »1006. Il est indubitable, en effet, que l’action menée par le mandataire
s’effectue principalement et parfois même exclusivement au profit du mandant ; mais surtout,
il est incontestable que l’exécution du mandat s’effectue conformément aux instructions. En
attestent l’article 1989 du Code civil qui rappelle que « le mandataire ne peut rien faire au-
delà de ce qui est porté dans son mandat », l’article 1993 du même Code qui impose à « tout
mandataire (…) de rendre compte de sa gestion, (…) » ou l’article 2004 qui pose le principe
de la révocation ad nutum. L’ensemble de ces dispositions invite à reconnaître une forme de
pouvoir de surveillance et de direction du mandant sur le mandataire, tout en admettant que ce
dernier demeure indépendant lors de l’accomplissement de sa mission. De là à affirmer que le
premier contrôle le second, il n’y a qu’un tout petit pas. Certains l’ont d’ailleurs franchi.
Monsieur LE TOURNEAU, par exemple, convient que désormais « les mandants tendent à être
regardés, vis-à-vis des tiers, comme des commettants du mandataire »1007 parce que « le
mandat comprend intrinsèquement un ordre donné au mandataire (…) tenu de l'exécuter
fidèlement »1008.

comparé en droit européen voir H. SLIM, « Recherches sur la responsabilité du fait d’autrui en droit comparé »,
in La responsabilité du fait d’autrui. Actualités et évolutions, op. cité, spéc. n° 3 à 11, pp. 52 - 54.
1002
G. VINEY, Les conditions de la responsabilité, op. cité, spéc. n° 792, p. 980.
1003
Civ. 2, 11 décembre 1996 : R.C.A., 1997, n° 83.
1004
G. BLANLUET, « La responsabilité professionnelle du fait d’autrui », op. cité, spéc. p. 91.
1005
Supra, n° 27 et s..
1006
N. DISSAUX, thèse précitée, spéc. n° 1335, p. 553.
1007
PH. LE TOURNEAU, « De l'évolution du mandat », D., 1992, pp. 157 et s..
1008
Ibid..

225
392. Synthèse. D’un point de vue théorique, la responsabilité définie par le cinquième
alinéa de l’article 1384 du Code civil n’est pas incompatible avec le mandat. Ce constat
semble largement favorable à une mise en œuvre généralisée de la responsabilité du
commettant dans le mandat. Toutefois, une telle conclusion ne saurait tout à fait prospérer
sans qu’une confrontation entre la nature de la responsabilité du commettant et la réalité du
mandat ne soit menée.

2- L’impossibilité pratique de l’application de l’article 1384 alinéa 5 au mandat

393. Plan. Bien que d’un point de vue théorique, la voie ouverte par l’assouplissement de la
notion de préposition soit alléchante, l’extension de la responsabilité du commettant au
contrat de mandat n’est sans doute pas le choix le plus judicieux. En consacrant une immunité
civile au profit du préposé, la jurisprudence Costedoat rendue par l’Assemblée plénière le 25
février 20001009 a opéré un profond bouleversement de la nature de la responsabilité du
commettant. Désormais, celle-ci s’analyse comme une garantie, tant à l’égard de la victime
que du préposé. Si cette solution peut trouver explication lorsque le garant est plus solvable
que le primo-responsable, il n’en va pas de même lorsque, à l’inverse, c’est le primo-
responsable qui dispose d’une plus grande capacité de réparation que le garant. Or, l’évolution
du contrat de mandat constatée depuis plusieurs années1010 pourrait nous mener vers de tels
rivages (a).

394. Par ailleurs, l’applicabilité de la responsabilité du commettant au contrat de mandat et


l’aménagement de la notion de préposition ne gomment pas toute distinction entre le préposé
et le mandataire. S’il est acquis que le premier ne peut être gardien, la réciproque n’est pas
vraie à l’égard du mandataire. Autrement dit, la compatibilité théorique entre les qualités de
mandataire et de gardien réfute l’équation selon laquelle le mandataire est un préposé qui
obéit aux ordres du mandant et travaille à la valorisation de ses intérêts (b).

1009
A.P., 25 février 2000, arrêt Costedoat - Bull. civ., 2000, A.P., n° 2 : G.A.J.C., 11ème édition, n° 217 ; D.,
2000, Sommaire, 467, note F. DELEBECQUE et 673 note PH. BRUN ; JCP G., 2000, I, 241, n° 16, obs. G. VINEY et
II, 10295, n° 7, concl. R. KESSOUS, note M. BILLIAU ; R.T.D. Civ., 2000, p. 582, obs. P. JOURDAIN ; G.P., 24
août 2000, 2, 1462, note F. RINALDI ; R.C.A., 2000, Chron. 11 par H. GROUTEL et Chron. 22 par CH. RADE.
1010
Supra, n° 13 et s..

226
a- L’impossible application de l’article 1384 alinéa 5 du Code civil au
mandat au regard de la nature de la responsabilité du commettant

395. La conception de la responsabilité du commettant avant la jurisprudence


Costedoat. L’assouplissement de la notion de préposition et l’apparente consécration du
critère du profit en lieu et place de celui de la subordination1011 favorisent l’attribution de la
qualité de commettant au mandant et, par voie de conséquence, l’applicabilité de la
responsabilité définie par l’article 1384 alinéa 5 du Code civil dans le mandat. Toutefois, au
regard de la jurisprudence Costedoat, le doute renaît. Rendu par l’Assemblée plénière de la
Cour de cassation le 25 février 20001012, cet arrêt a profondément bouleversé la responsabilité
du commettant, au point d’opérer, peut-être, un véritable changement de nature1013.

396. Classiquement, la responsabilité de l’article 1384 alinéa 5 était conçue comme une
garantie à l’égard de la seule victime, ce qui signifiait que la responsabilité du commettant ne
se substituait pas à celle du préposé, elle ne faisait que s’y ajouter 1014. Pour cette raison, la
Cour de cassation rappelait régulièrement que « le préposé reconnu responsable d'un
dommage ne peut exercer un recours contre son commettant sur le fondement de ce texte qui
s'applique seulement en faveur des victimes »1015. De ce point de vue là, cette dernière pouvait
librement choisir d’agir contre le commettant et / ou le préposé1016 ; mais surtout, celui-là

1011
Supra, n° 388 et s..
1012
A.P., 25 février 2000, Arrêt Costedoat ; arrêt précité.
1013
En ce sens voir par exemple Monsieur BRUN qui évoque à la fois une « métamorphose de l'article 1384
alinéa 5 » et une « mutation profonde » (PH. BRUN, note sous A.P., 25 février 2000, arrêt précité, spéc. n° 7 et
11) ; Monsieur DISSAUX qui utilise l’expression de « véritable mutation génétique » (N. DISSAUX, thèse précitée,
spéc. n° 1344, p. 556) ; Monsieur BILLIAU qui qualifie cette solution de « coup d'État judiciaire » (M. BILLIAU,
note sous A.P., 25 février 2000 précitée, spéc. n° 2).
1014
Sur ce point voir not. C. AUBRY et C. RAU, Droit civil Français, Tome 6, Petits contrats et responsabilité,
op. cité, § 447, pp. 577 – 579 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations – Le fait juridique, ouvrage
précité, spéc. n° 219 et s., pp. 280 et s. ; PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op.
cité, spéc. n° 7558 et s., pp. 1860 et s. ; H. ET L. MAZEAUD, Traité théorique et pratique de la responsabilité
civile délictuelle et contractuelle, Tome 1, op. cité, spéc. n° 927 et s., pp. 1002 et s. ; F. TERRE, PH. SIMLER, Y.
LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, ouvrage précité, spéc. n° 837 et s., pp. 839 et s. ; G. VINEY – P.
JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, op. cité, spéc. n° 810 et s., pp. 1013 et s.. Voir également l’article
de CH. RADE, « Droit à réparation, Responsabilité du fait d'autrui - Domaine : responsabilité des commettants »,
in J.Cl. Civil Code, « Art. 1382 à 1386 », Fasc. 143, 2007.
1015
Pour une illustration voir par ex. Civ. 2, 28 octobre 1987 - Bull. civ., 1987, II, n° 214.
1016
Voir par exemple Civ. 2, 28 octobre 1987 (arrêt précité) dans lequel les juges de la Cour de cassation
constatent qu’une décision devenue irrévocable a prononcé la responsabilité solidaire du commettant et du
préposé. Pour un exemple d’une action de la victime contre le commettant seul voir Civ. 2, 11 mars 1971 - Bull.
civ., 1971, II, n° 113 ; pour une action de la victime contre le préposé seul voir Crim., 16 octobre 1958 - D.,
1959, Somm. 21 : « La responsabilité civile que l’article 1384 alinéa 5 du Code civil fait peser sur les
commettants a été édictée dans le seul intérêt de la victime du dommage ; par suite, le préposé est sans qualité
pour se faire grief de ce que cette responsabilité n’a pas été retenue ».

227
disposait toujours d’une action récursoire contre celui-ci1017. En doctrine, ce schéma fut
majoritairement critiqué et nombreuses furent les voix à entrer en dissonance avec cette
jurisprudence1018. Pour l’essentiel, il fut remarqué que, techniquement 1019, c’était sur le
préposé que pesait l’intégralité de la réparation1020. Madame VINEY déplora ainsi l’extrême
sévérité de la solution accentuée par le décalage avec l’état du droit positif à l’égard de la
responsabilité des dirigeants sociaux1021.

397. Dès 1993, ces critiques portèrent. Le 12 octobre de cette année, un arrêt dissident de la
Chambre commerciale de la Cour de cassation affirma en effet que, n’étant pas contesté que
les préposés « avaient agi dans le cadre de la mission qui leur était impartie par leur
employeur et qu'il n'était pas établi qu'ils en avaient outrepassé les limites » c’est à bon droit
que la Cour d’appel de BORDEAUX, qui n’avait relevé « aucune faute personnelle (…) à
l'encontre de ces préposés » avait rejeté la responsabilité des préposés à l’égard de la
victime1022. Pourtant, aucune portée véritable ne lui fut accordée et il fallut attendre le célèbre
arrêt Costedoat pour qu’enfin l’évolution désirée soit consacrée1023.

398. Le revirement de l’Assemblée plénière du 25 février 2000 : la jurisprudence


Costedoat. Deux propriétaires terriens s’adressent à une société afin de procéder, par
hélicoptère, au traitement herbicide de certaines de leurs parcelles. Les opérations furent
menées un jour de grand vent. Pour cette raison, une propriété voisine fut atteinte par les
substances toxiques et les végétaux furent endommagés. Les victimes engagèrent alors une
action en responsabilité contre plusieurs personnes, la société et le pilote d’hélicoptère

1017
Pour une illustration voir par ex. Civ. 2, 28 octobre 1987 (arrêt précité) ; voir également Civ. 1, 25 novembre
1992 - Bull. civ., 1992, II, n° 293.
1018
Pour un état des lieux de l’ensemble des critiques voir G. VINEY, « La responsabilité personnelle du
préposé », in Etudes à la mémoire de Christian LAPOYADE-DESCHAMPS, éd. par le Centre d'études et de
recherches en droit des affaires et des contrats, Université Montesquieu, BORDEAUX IV, Presses universitaires
de BORDEAUX, 2003, pp. 83 et s. ; M.-T. RIVES-LANGE, « Contribution à l’étude de la responsabilité des
maîtres et commettants (pour une nouvelle approche de la question) », JCP G., 1970, I, 2309. Voir également H.
ET L. MAZEAUD, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, Tome 1, op.
cité, spéc. n° 927, pp. 1002 et s..
1019
En pratique, toutefois, il fut constaté que les recours du commettant contre le préposé étaient relativement
rares. Voir par ex. PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op. cité, spéc. n° 7559, p.
1860.
1020
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile, op. cité, spéc. n° 811-1, p. 1015.
1021
G. VINEY, « La responsabilité personnelle du préposé », in Etudes à la mémoire de Christian LAPOYADE-
DESCHAMPS, op. cité, spéc. pp. 85 et s..
1022
Com.12 octobre 1993, arrêt Société des parfums Rochas - Bull. civ., 1993, IV, n° 338 : D., 1994. p. 124, note
G. VINEY ; R.T.D. Civ., 1994, p. 111, obs. P. JOURDAIN.
1023
Il convient toutefois de signaler l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 30
octobre 1995 (Civ. 1, 30 octobre 1995 - Bull. civ., 1995, IV, n° 393 : JCP G., 1996, I, 3944, note G. V INEY ;
R.T.D. Civ., 1994, p. 136, obs. P. JOURDAIN) et qui constitue, selon Madame VINEY, le seul épisode pouvant être
rapproché de la jurisprudence Rochas (G. VINEY – P. JOURDAIN, ouvrage précité, spéc. n° 811-3, p. 1018).

228
notamment, la première prise en sa qualité de commettant, le second en tant que préposé. La
Cour d’appel retint la responsabilité de tous les défendeurs. Le pilote condamné se pourvut en
cassation, invoquant l’absence de faute personnelle. L’argument fut retenu par les juges du
droit qui sanctionnèrent les juges du fond en rappelant que « n'engage pas sa responsabilité à
l'égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été
impartie par son commettant ».

399. La plupart des commentateurs de l’arrêt conclurent à l’irresponsabilité1024 du préposé


lorsque ce dernier agit dans les limites de la mission qui lui est dévolue1025. Et de fait, cette
jurisprudence aboutit à ce que la garantie accordée classiquement aux seules victimes profite
également aux préposés. Autrement dit, le demandeur à l’action civile se trouve
systématiquement privé d’un recours contre le préposé1026. A notre sens, cette transformation
de la responsabilité du commettant constitue un frein non négligeable à l’extension de la
responsabilité du commettant au mandant. En effet, s’il est concevable que le commettant plus
solvable garantisse son préposé, une telle proposition est plus difficilement transposable
lorsque la solvabilité du garant n’est pas assurée. Dans la première hypothèse, les espoirs
d’indemnisation effective n’étant pas amoindris, l’irresponsabilité du préposé est, du point de
vue de la victime, un moindre mal. Or, si dans le cadre d’une relation classique (par exemple,
celle qui existe entre un employeur et son employé) une telle répartition des ressources ne

1024
A.P., 25 février 2000, arrêt Costedoat, arrêt précité.
1025
Parmi d’autres voir, par exemple, Monsieur BRUN qui qualifie le préposé de « Coupable et irresponsable »
(PH. BRUN, note sous A.P., 25 février 2000 précitée). Il en va de même de Monsieur BILLIAU (M. BILLIAU, note
sous A.P., 25 février 2000, précitée, not. n° 1), de Monsieur JOURDAIN (M. JOURDAIN, note sous AP 25 février
2000 précitée, not. p. 1), de Madame RINALDI (F. RINALDI, note sous A.P., 25 février 2000 précitée, not. p. 1).
1026
Il s’agit là du point le plus sensible, celui derrière lequel se sont ralliés la quasi-totalité des commentateurs.
L’irresponsabilité ou plus exactement l’immunité est affirmée au détriment de la victime. (Voir par ex. M.
BILLIAU, note sous A.P., 25 février 2000, précitée, not. n° 4 ; PH. BRUN, note sous A.P., 25 février 2000,
précitée, spéc. n° 15 ; M. JOURDAIN, note sous A.P., 25 février 2000, précitée ; F. RINALDI, note sous A.P., 25
février 2000, arrêt précité. Voir également G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, op. cité,
spéc. n° 812, p. 1021). Son « inconstitutionnalité », également, a été reprochée. Elle aurait en effet pour
conséquence de méconnaître les prescriptions de l’article 1382 du Code civil selon lequel « tout fait quelconque
de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » alors
même que seul le législateur dispose du pouvoir de modifier ou d'abroger cette règle (M. BILLIAU, note sous
A.P., 25 février 2000, arrêt précité, spéc. n° 2). Il nous faut toutefois nuancer ces propos. D’une part, l’immunité
du préposé cède lorsque ce dernier a dépassé les limites de sa mission. D’autre part, le domaine de cette
immunité s’est considérablement raréfié depuis. Ainsi, l’immunité du préposé tombe en présence d’une faute
pénale intentionnelle (A.P., 14 décembre 2001, arrêt Cousin - Bull. civ., A.P., n° 17 ; D., 2002, p. 1230, note J.
JULIEN ; D., 2002, p. 1317, note D. MAZEAUD ; D., 2002, p. 2117, note B. T HULLIER ; R.T.D. Civ., 2002, p. 109,
note P. JOURDAIN ; JCP G., 2002, II, 10026, comm. M. BILLIAU et I, 124, n° 7, obs. G. VINEY ; JCP E., 2002, n°
6, p. 275, comm. C. BRIERE ; R.C.A., 2000, n° 11, chron. H. GROUTEL), qu’il y ait condamnation ou non (Crim.,
7 avril 2004 - Bull. crim., 2004, n° 9,, « le préposé qui a intentionnellement commis une infraction ayant porté
préjudice à un tiers engage sa responsabilité civile à l'égard de celui-ci, alors même que la juridiction
répressive qui, saisie de la seule action civile, a déclaré l'infraction constituée en tous ses éléments, n'a
prononcé contre lui aucune condamnation pénale »).

229
pose guère de difficulté1027, cette conclusion demeure plus aléatoire dans le cadre de la
relation mandant-mandataire. D’une part, il est notoire que l’activité de mandataire s’est
considérablement professionnalisée1028 et il est presque certain que les situations dans
lesquelles l’intermédiaire sera plus solvable sinon mieux assuré que le mandant ne seront pas
qu’hypothèses d’école. Pour cette raison, il nous semble au contraire indispensable, et nous
reviendrons longuement sur ce point ultérieurement, de préserver la possibilité que le mandant
exerce une action récursoire contre le mandataire1029. D’autre part, l’équilibre entre les parties
n’est pas à sens unique : mandat service d’amis ou mandat de professionnel, tantôt le rapport
de force sera en faveur du mandant, tantôt il le sera en faveur du mandataire. Aussi ne peut-on
admettre que le régime de responsabilité ayant pour objet de « désigner la personne chargée
de prendre, pour le compte de l’entreprise, l’assurance destinée à protéger les tiers »1030 soit
étendu sans aucune limite au mandat.

400. Synthèse. A y regarder de plus près, l’apparente harmonie entre la responsabilité du


commettant et le contrat de mandat laisse apparaître de sérieux signes de fragilité.
Bouleversant profondément la nature juridique de la responsabilité édictée par l’article 1384
alinéa 5 du Code civil, la jurisprudence Costedoat devrait freiner considérablement
l’extension de la responsabilité du commettant à des hypothèses où l’immunité du préposé
n’est pas opportune. En tout état de cause, elle éloigne la possibilité d’étendre ce texte de
manière absolue au mandat. La compatibilité modérée entre ce régime de responsabilité et le
contrat de mandat est, par ailleurs, renforcée par la concordance théorique entre les fonctions
de mandataire et de gardien d’une chose.

1027
Et des garanties de ressources. Il est entendu que l’employeur sera généralement mieux assuré que son client.
1028
Supra, n° 14.
1029
Supra, n° 791 et s..
1030
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, op. cité, spéc. n° 791-1, p. 977.

230
b- L’impossible application de l’article 1384 alinéa 5 du Code civil au
mandat au regard de la compatibilité théorique des qualités de
mandataire et de gardien

401. Exposé du problème. De jurisprudence constante, les qualités de préposé et de


gardien d’une chose sont incompatibles1031. La solution est fermement ancrée en droit positif
depuis le début du siècle ; elle a été posée en des termes qui ne laissent place à aucune
interprétation dans un arrêt rendu le 27 avril 1929 par la Chambre civile de la Cour de
cassation aux termes duquel « bien que la chose dommageable ait été confiée à un préposé en
vue de son fonctionnement, le patron ou le commettant n’en a pas moins conservé la garde et
la responsabilité exclusive »1032. Le principe a été maintes fois réaffirmé depuis. Ainsi, le 1er
avril 1998 la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation sanctionne une Cour d’appel
pour avoir attribué à un préposé la qualité de gardien d’une fourgonnette « alors que ces deux
qualités sont incompatibles »1033. Par conséquent, lorsque le préposé use normalement de la
chose dans l’exercice de ses fonctions, c’est au commettant qu’incombe l’obligation de
répondre du fait de la chose. La règle est à ce point acquise qu’il importe peu que la chose
appartienne au commettant ou au préposé. La Cour de cassation a en effet admis que « le
commettant devient gardien de la chose appartenant au préposé quand celui-ci l’utilise dans

1031
Sur l’ensemble de la question voir C. AUBRY et C. RAU, Droit civil Français, Tome 6, Petits contrats et
responsabilité, op. cité, § 448 bis, pp. 602 et s ; A. BENABENT, Droit civil - Les obligations, op. cité, spéc. n°
613, p. 436 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations – Le fait juridique, ouvrage précité, spéc. n°
255, p. 336 ; PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op. cité, spéc. n° 7838, p. 7849 ;
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, ouvrage précité, spéc. n° 684, pp. 738 et s.. Voir
également J. JULIEN, thèse précité, spéc., n° 163 et s., pp. 201 et s..
1032
Civ., 27 avril 1929 : D.P., 1929, 1, p. 129, note G. RIPERT.
1033
Civ. 2, 1er avril 1998 : R.T.D. Civ., 1998, p. 914, obs. J. MESTRE. Pour d’autres illustrations voir par ex. Civ.,
30 décembre 1936 : D.P., 1937, 1, 5, note R. SAVATIER ; S., 1937,1,137, note H. MAZEAUD : « Attendu qu'en
l'absence d'une faute relevée dans les termes de l'article 1382 du Code civil, la responsabilité d'un accident
causé par une chose ne saurait incomber à la fois à celui qui en use, envisagé comme son gardien, et à celui qui
la lui a confiée, envisagée non comme en ayant conservé la garde, mais comme le commettant du premier » ;
Civ. 2, 2 décembre 1970 – Bull. civ., 1970, II, n° 334 : « la garde est alternative et non cumulative, et les
qualités de gardien et de préposé sont incompatibles » ; Civ. 2, 11 avril 2002 – Bull. civ., 2002, II, n° 72 : «
Mais attendu que l'arrêt retient que M. X..., propriétaire du camion, n'a pas transféré à son préposé, dont il est
civilement responsable, la garde des éléments de la structure du véhicule ayant causé le dommage et qu'il était,
seul, tenu de conserver en bon état de fonctionnement et d'assurer ; que dès lors, comme exclusivement exercée
contre le préposé qui ne disposait pas de l'ensemble des pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle du véhicule
impliqué, l'action de la société Fondis et de l'assureur de cette dernière ne peut être accueillie » (R.T.D. Civ.,
2002, p. 519, obs. P. JOURDAIN).
Pour des illustrations plus récentes de l’incompatibilité entre les fonctions de gardien et de préposé :
Civ. 2, 18 octobre 2012 – Pourvoi n° 11-14.155. Civ. 2, 10 novembre 2009 – Pourvoi n° 08-20.273 - Bull. civ.,
2007, II, n° 262. Civ. 2, 24 mai 2007 – Pourvoi n° 05-21.355 - Bull. civ., 2007, II, n° 134. Civ. 2, 13 décembre
2005 – Pourvoi n° 04-30.424. Civ. 2, 20 juin 2002 – Pourvoi n° 00-17.081 - Bull. civ., 2007, II, n° 143.

231
l’intérêt du commettant pour accomplir la mission qui lui est confiée par ce dernier »1034.
L’antinomie entre les qualités de gardien et de préposé se justifie essentiellement par les
définitions que nous connaissons de la garde et de la préposition.

402. Si le préposé est celui qui se trouve dans un état de subordination et que la garde
suppose un pouvoir d'usage, de direction et de contrôle1035, alors la préposition chasse le
gardien. Pourtant, nous venons de voir que la notion de préposition avait considérablement
évolué depuis les années 19601036. Il semble qu’aujourd’hui le critère soit plus exactement
celui de « l’action pour le compte de »1037. Or, si la responsabilité du commettant était
réellement applicable dans le cadre du mandat, la qualité de mandataire devrait exclure celle
de gardien de la même manière que celle-ci est écarté par l’existence d’un lien de préposition.
L’idée est donc de savoir si le mandataire peut avoir à répondre du fait d’une chose alors
même qu’il agit pour autrui.

403. Eléments de réponse. A notre connaissance, le Cour de cassation ne s’est jamais


expressément prononcée en faveur ou en défaveur d’une telle possibilité. Toutefois, nous
avons relevé deux arrêts de Cour d’appel qui suggèrent que cette possibilité ne peut pas
totalement être exclue.

404. Le premier a été rendu par la Cour d’appel de MONTPELLIER le 25 septembre


20021038. Dans le cadre de l’exécution de son mandat, un agent immobilier met à la
disposition des locataires un lit encastrable. Celui-ci, en s’écroulant brusquement, va être la
cause d’un grave accident dont sera victime l’un des enfants des locataires. Sur le fondement
de la garde de la chose dont dispose l’alinéa 1 de l’article 1384 du Code civil, les parents
intentent une action en responsabilité contre le mandataire. Les juges du fond vont accueillir
l’action au motif que, « parmi les obligations inhérentes à un contrat de location, entre
nécessairement celle de garnir le logement avec des meubles qui ne soient pas dangereux ».
Or, tel n’était pas le cas du lit pour lequel le mandataire « n'ignorait pas qu'il présentait un
risque anormal de chute ». Cette décision est particulièrement intéressante dès lors que,
manifestement, la qualité de mandataire n’exclut pas celle de gardien d’une chose alors même
qu’il n’était pas nié que ce dernier agissait dans l’intérêt du mandant. Autrement dit, il semble

1034
Civ. 3, 24 janvier 1973 - Bull. civ., 1973, III, n° 72.
1035
Ch. Réunies, 2 décembre 1941 : D., 1941, p. 25, rapport M. LAGARDE et note G. RIPERT ; JCP G., 1942, II,
1766, note M. MIHURA ; S., 1941, 1, 217, rapport M. LAGARDE et note M. MAZEAUD ; G.P., 1941, 2, 467.
1036
Supra, n° 388 et s..
1037
Ibid..
1038
C.A., MONTPELLIER, 25 septembre 2002 : JurisData n° 2002-199915.

232
clairement concevable que les qualités de mandataire et de gardien ne soient pas
incompatibles.

405. Plus récent, le second a été rendu le 31 mars 2009 par des juges toulousains1039. Il est
relatif à l’éventualité d’un transfert de la garde de la chose du propriétaire mandant à son
mandataire. De nouveau, les faits concernent un mandat d’agent immobilier. Lors d’une
visite, l’une des employées de l’agence à laquelle a été confiée le mandat de vendre chute à
travers le plancher du grenier et se blesse grièvement. La victime exerce donc une action en
responsabilité contre les propriétaires de la maison sur le fondement de l’article 1384 alinéa
1er. Pour leur défense, ces derniers invoquent le transfert du pouvoir de garde au mandataire.
L’argument est rejeté par la Cour d’appel au motif que « en l'absence de mandat exclusif
donné par les vendeurs à l'agence immobilière, celle-ci n'avait l'usage de l'immeuble que
pour un laps de temps limité et pour un usage déterminé dans l'intérêt des propriétaires. Elle
n'avait donc pas reçu les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle des bâtiments, de sorte
qu'il ne peut y avoir eu transfert de garde »1040. Dans cette affaire, la responsabilité du fait des
choses du mandataire n’est pas envisagée, mais les termes de l’arrêt ne permettent pas
d’exclure totalement un transfert de la garde par le mandant au mandataire. En effet, dans
l’exposé des motifs les juges du fond prennent soin de relever que le mandat de vendre confié
à l’agence immobilière n’était pas exclusif et que c’est en raison de l’absence d’exclusivité
que le transfert du pouvoir de garde n’a pas pu s’effectuer. A contrario, l’éventualité d’un
mandat exclusif permettrait-il d’engager ce transfert ? A notre sens, une réponse positive n’est
pas à exclure.

406. Synthèse. Manifestement, la question de l’antinomie ou de la compatibilité entre la


fonction de mandataire et la qualité de gardien d’une chose n’a pas été expressément tranchée.
Ces quelques signaux nous conduisent toutefois à considérer que l’une n’est pas exclusive de
l’autre. Du reste, les deux notions ne sont théoriquement pas incompatibles dès lors que,
contrairement au préposé, le mandataire dispose en principe de toute latitude pour mener à
bien sa mission. En tout état de cause, ce vide constitue un argument supplémentaire en
défaveur de l’application de la responsabilité du commettant à la réparation des dommages
causés par le mandataire puisque, à l’inverse, l’incompatibilité entre les qualités de préposé et
de gardien a été expressément consacrée. A notre sens, il n’est pas souhaitable d’étendre cette
solution au mandat. Au contraire, parce qu’il contribuerait à asseoir l’indépendance du

1039
C.A., TOULOUSE, 31 mars 2009 : JurisData n° 2009-016263.
1040
Nous soulignons.

233
mandataire lors de l’exercice de sa mission, il nous semble opportun d’autoriser le cumul
entre les qualités de mandataire et de gardien d’une chose, chaque fois que les circonstances
le permettent, notamment lorsque ce dernier agit en tant que professionnel.

407. Ainsi, bien que le mandataire, comme le préposé, agisse conformément aux
instructions et dans l’intérêt d’un autre, le recours à l’article 1384 alinéa 5 du Code civil n’est
pas adapté, au moins de manière systématique. L’hypothèse de la mise en œuvre d’une
responsabilité du fait d’autrui n’est cependant pas encore à exclure définitivement, il nous
reste en effet à envisager la solution du principe général de responsabilité du fait d’autrui
fondé sur le premier alinéa de l’article 1384 du Code civil.

§2- La responsabilité du mandant sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du


Code civil

408. Plan. L’examen de l’extension du principe général de responsabilité du fait d’autrui au


contrat de mandat débutera par une présentation de l’évolution de ce régime de responsabilité
(A) pour envisager ensuite plus spécifiquement la compatibilité entre l’application de la règle
au « contrôle de l’activité d’autrui » et le contrat de mandat (B).

A- La consécration d’un principe général de responsabilité du fait d’autrui

409. Le revirement Blieck. L’alinéa premier de l’article 1384 du Code civil au terme
duquel « on est responsable des choses dont on a la garde et des personnes dont on doit
répondre1041 » fut longtemps considéré, par la doctrine ou la jurisprudence, comme un texte
introductif. Le 29 mars 1991, en rendant le célèbre arrêt Blieck1042, l’Assemblée plénière de la
Cour de cassation lui donna enfin ses véritables lettres de noblesse. Pourtant, rien ne

1041
Nous soulignons.
1042
A.P., 29 mars 1991, Blieck - Bull. Civ. n° 1 : G.A.J.C., 11ème édition, n° 218-219 ; D., 1991, 324, note CH.
LARROUMET ; JCP G., 1991, II, 21673, note J. GHESTIN ; G.P., 1992, 2, 513, note F. CHABAS ; Défrénois, 1991,
729, obs. AUBERT ; R.T.D. Civ., 1991, 312, note J. HAUSER et 541 obs. P. JOURDAIN ; D., 1991, Chron. 157, G.
VINEY ; R.C.A., 1991, comm. 128 et chron. n° 9, H. GROUTEL.

234
prédestinait cette « humble phrase »1043 à devenir le terrain privilégié de deux des évolutions
les plus spectaculaires du droit de la responsabilité civile. Initiée au cours du XIX ème siècle
avec l’avènement d’un principe général du fait des choses1044, « la merveilleuse histoire de
l’article 1384 alinéa premier du Code civil »1045 ne devait pas s’arrêter avec l’arrêt
Jeand’heur. Toutefois, cette seconde avancée fut longue à aboutir car, en dépit de nombreuses
sollicitations doctrinales1046, de la résistance constatée chez certaines juridictions du fond de
l’ordre judiciaire1047, de prémices avérées dans la jurisprudence administrative1048, de la
reconnaissance d’un principe général de responsabilité contractuelle du fait d’autrui 1049, la
Cour de cassation demeurait traditionnellement opposée à l’émergence d’un principe général
de responsabilité délictuelle du fait d’autrui. Il faut dire que la volonté des Pères du Code civil
de ne voir dans cette « courte phrase »1050 qu’un effet préliminaire, ajoutée à certaines
hostilités doctrinales1051 à lui accorder la moindre destinée justifie en partie la frilosité des
juges du droit.

410. Ce n’est qu’en 1991 que cet acte se joua. D’un coup de baguette magique, cette
décision particulièrement attendue déjoua les prévisions des rédacteurs du Code civil en
faisant de ces quelques lignes le texte salvateur des insuffisances flagrantes de la
responsabilité pour autrui. Désormais, la liste des cas de responsabilité n’était plus limitative
et il fallait, pour l’avenir, compter sur une jurisprudence créatrice. Malheureusement, l’arrêt
Blieck affirma l’existence d’un principe général, sans pour autant en étayer les conditions ou
le domaine d’application. Au contraire, les enseignements livrés par l’Assemblée plénière

1043
G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, L.G.D.J., 4ème édition, n° 113, p. 202.
1044
Arrêt Jand’heur, Ch. Réunies, 13 février 1930 - Bull. civ., 1930, n° 34.
1045
R. SAVATIER, « Le gouvernement des juges en matière de responsabilité civile », in Introduction à l’étude du
droit comparé : recueil d’études en l’honneur d’E. Lambert, Tome 1, Detlev Auvermann, 1973, pp. 453 et s.,
spéc. p. 453.
1046
C’est le Procureur général MATTER qui, le premier, se lança dans un plaidoyer en faveur d’un principe
général de responsabilité du fait d’autrui (Concl. sous chambres réunies, 13 février 1930, arrêt Jeand’heur : D.P.,
l930, 1, 57). Cette idée fut relayée par DEMOGUE (Traité des obligations en général, Tome IV, Librairie Arthur
Rousseau, 1925, n° 819 et s.) puis surtout par SAVATIER qui le défendit ardemment en 1933 dans un article
intitulé « La responsabilité générale du fait des choses que l’on a sous sa garde a-t’ elle pour pendant une
responsabilité générale du fait des personnes dont on doit répondre ? », D.H., 1933, chron. p. 81.
1047
T.I. DIJON, 29 février 1965 : D., 1965, p. 439 ; R.T.D. Civ., 1965, p. 651 ; T.E. POITIERS, 29 mars 1965 :
R.T.D.S.S., 1966, pp. 262 et s. ; T.E. CHAMBERY, 1er juin 1977 : G.P., 1977, 2, somm. p. 340.
1048
C.E., 3 février 1956, arrêt Thouzelier ; C.E., 13 juillet 1967, arrêt Département de la Mozelle ; C.E., 13 MAI
1987, arrêt Dame Piollet.
1049
Civ. 1, 18 octobre 1960 : admet la responsabilité d’un chirurgien pour les fautes commises par
l’anesthésiste ; Civ. 1, 25 mai 1963 : la Cour de cassation adopte pour la première fois une formule très générale.
Pour de plus amples développements sur la responsabilité contractuelle du fait d’autrui. Supra, n° 368.
1050
M. PLANIOL, « Etudes sur la responsabilité civile : responsabilité du fait des choses », Rev. critique, 1906, p.
89.
1051
Dans leur Traité de responsabilité civile, les frères MAZEAUD furent les plus ardents combattants d’un
principe général de responsabilité délictuelle du fait d’autrui. La riposte fut si vive et si sévère que SAVATIER lui-
même revint dessus.

235
sont peu nombreux. Certains commentateurs avaient d’ailleurs cru y voir la volonté des juges
d’en limiter le domaine, ces derniers ayant pris soin de relever que le centre « était destiné à
recevoir des personnes handicapées mentales encadrées dans un milieu protégé » et qu’il
« avait accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ce
handicapé »1052. En dépit de cette interprétation toutefois, la jurisprudence postérieure
entreprit de développer le domaine du principe général de responsabilité du fait d’autrui.

411. Le domaine de l’arrêt Blieck. A la suite de l’arrêt Blieck, qui admit la responsabilité
d’un centre éducatif pour le fait d’un handicapé mental, la garde d’autrui fut la première
direction prise par la Cour de cassation. Très vite, le principe d’une responsabilité fondée sur
« un pouvoir d’organisation, de direction et de contrôle de la vie d’autrui » fut consacré, que
l’auteur du dommage soit un mineur ou un majeur handicapé mental. D’abord limité aux
personnes morales – ce qui demeure le domaine de prédilection de l’article 1384 alinéa 1 - il
fut ensuite appliqué aux personnes physiques1053 dès lors qu’un pouvoir juridique (c'est-à-dire
un pouvoir transmis par l’autorité judiciaire) était relevé. La garde d’autrui ne devait pas être
le seul domaine d’application et quelques années à peine après 1991, l’alinéa 1 de l’article
1384 fut appliqué au contrôle de l’activité d’autrui. Ce furent les associations sportives qui, à
l’occasion de deux affaires, virent les premières leur responsabilité engagée sur ce fondement.
Les faits étaient simples. Dans la première espèce, un joueur de rugby blessa un autre joueur ;
dans la seconde, une bagarre dégénéra, au cours d’un match, entre les joueurs des équipes
adverses, causant ainsi la mort accidentelle de l’un d’entre eux. La victime et les ayants-droit
de la victime exercèrent alors une action en responsabilité contre le club sportif. Condamnées
par les juges du fond, les associations formèrent alors un pourvoi. Par deux arrêts en date du
22 mai 1995, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation confirma les arrêts de Cour
d’appel au motif que « les associations sportives ayant pour mission d'organiser, de diriger et

1052
Madame VINEY, par exemple, sembla exclure l’hypothèse que l’Assemblée plénière ait voulu consacrer un
principe général. « C'est ce qui explique » selon elle, « la rédaction assez factuelle de l'arrêt » (G. VINEY, note
sous A.P., 29 mars 1991, précitée). Il en va de même de Monsieur J OURDAIN qui exprime l’idée selon laquelle il
n’est pas certain « que la Cour de cassation ait entendu poser un principe général de responsabilité du fait
d'autrui comparable à celui qui existe dans la responsabilité du fait des choses », (P. JOURDAIN , note sous A.P.,
29 mars 1991, précitée) ou encore de Monsieur GROUTEL qui énonce que « la Cour de cassation s'est
volontairement bornée à écarter le caractère limitatif de la liste de l'article 1384, lorsque certaines conditions
sont remplies » (H. GROUTEL, note sous A.P., 29 mars 1991, précitée, spéc. p. 1). A l’inverse, Monsieur GHESTIN
affirme que « la reconnaissance d'un principe général de responsabilité du fait d'autrui apparaît bien comme le
seul moyen dont disposait la Cour de cassation pour donner une solution satisfaisante aux diverses situations,
manifestement non visées par les alinéas 4 et suivants de l'article 1384, même interprétés de façon extensive » (J.
GHESTIN, note sous A.P., 29 mars 1991, précitée, spéc. n° 15) ; Monsieur LARROUMET, également, invoque la
lenteur l'élaboration du droit jurisprudentiel pour affirmer l’avènement d’un principe général de responsabilité du
fait d’autrui (CH. LARROUMET, note sous A.P., 29 mars 1991, précitée, spéc. n° 8).
1053
Crim., 28 mars 2000 - Bull. crim., 2000, n° 14.

236
de contrôler l'activité de leurs membres au cours des compétitions sportives auxquelles ils
participent sont responsables, au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, des
dommages qu'ils causent à cette occasion »1054. D’abord limitée aux compétitions1055, la
solution fut rapidement appliquée aux rencontres amicales ou aux périodes d’entrainement1056
pour être étendue, ensuite, à de simples activités de loisir1057, et même à une association de
supporters1058.

412. Vingt ans après l’arrêt Blieck, le principe général de responsabilité du fait d’autrui
concerne ainsi deux séries d’hypothèses. La première s’attache à étendre le modèle de la
responsabilité parentale à d’autres titulaires du pouvoir de contrôle sur le mode de vie de
certaines personnes ; la seconde rappelle la responsabilité du commettant en se fondant
exclusivement sur l’idée de contrôle de l’activité d’autrui. Pour cette raison, au regard de
l’évolution que subit actuellement la notion de préposition, l’on peut s’interroger sur
l’opportunité de l’extension de cette responsabilité aux hypothèses dans lesquelles le
responsable contrôle l’activité d’autrui : la ressemblance entre les deux régimes peut faire
douter de la pertinence d’une dualité de fondements. Quoi qu’il en soit, c’est dans cette
catégorie que la responsabilité du mandant pour les faits du mandataire pourrait
éventuellement être envisagée. Néanmoins, cela supposerait qu’un triple pouvoir de direction,
d’organisation et de contrôle de l’activité du mandataire puisse être attribué au mandant. A
notre sens, une telle hypothèse demeure difficilement admissible.

B- L’inapplicabilité de l’article 1384 alinéa 1er dans le cadre du mandat

413. L’extension apparente du domaine de la responsabilité générale du fait d’autrui.


L’extension du champ d’application du principe général de responsabilité du fait d’autrui
amorcée en 19951059 nous invite à nous interroger sur l’applicabilité de ce texte au mandat. A
maints égards, la formulation choisie par la deuxième chambre le 22 mai 1995 n’est pas si
éloignée de celle relevée à propos de certains arrêts relatifs à la responsabilité du mandant

1054
Civ. 2, 22 mai 1995 - Bull. civ., 1995, II, n° 155 : R.C.A., 1995, comm. 36, par H. GROUTEL ; JCP G., 1995,
II, 22550, note J. MOULY et I, 3893, n° 4, obs. G. VINEY ; R.T.D. Civ., 1995, p. 899, n° 4, obs. P. JOURDAIN ;
D., 1996, somm. p. 29, obs. F. ALAPHILIPPE.
1055
Ibid..
1056
Civ. 2, 22 septembre 2005 : R.C.A., 2005, Comm. 313.
1057
Civ. 2, 12 décembre 2002 - Bull. civ., 2002, II, n° 289 . D. 2002, 1450. (Association de majorettes.)
1058
CA Aix-en-Provence, 9 octobre 2003 : R.C.A., 2004, Comm. 89.
1059
Civ.2, 22 mai 1995 - Bull. civ., 1995, II, n° 155 : arrêt précité.

237
pour un dommage causé par son mandataire. Certains arrêts relatifs à la responsabilité du
mandant pour un fait commis par le mandataire évoquent même expressément un « droit de
direction, de surveillance et de contrôle possédé par le mandant »1060. Dès lors, n’est-il pas
tentant d’affirmer que le mandant dispose toujours d’un pouvoir de direction, d’organisation
et de surveillance sur le mandataire de la même manière qu’une association exerce ce pouvoir
sur l’ensemble de ses membres ? Sans nul doute, cette proximité favorise la comparaison –
voire l’uniformisation des solutions - ; mais à notre sens, elle invite à la prudence.

414. Si l’on admet assez facilement, qu’en toute hypothèse, le mandant – également
qualifié de donneur d’ordre - « dirige » l’activité du mandataire en lui confiant une mission
dont il est seul à déterminer le contenu, il est plus difficile de s’accommoder de l’idée selon
laquelle le premier « organiserait » le second et, à plus fortes raisons, qu’il le
« surveillerait ». Non seulement, la caractéristique principale de l’exercice de la fonction de
mandataire – l’indépendance – s’oppose au critère de l’« organisation » de l’activité ; mais
surtout, pour les mêmes raisons que celles relatives à la responsabilité du commettant, au
regard de la professionnalisation du mandant, le rapport mandant – mandataire ne s’acclimate
pas toujours avec l’exercice d’un pouvoir de surveillance.

415. Par ailleurs, il paraît hasardeux d’affirmer, qu’en l’état actuel du droit positif, la
responsabilité du mandant puisse raisonnablement être envisagée sur le fondement de l’article
1384 alinéa 1. En dépit de l’hétérogénéité relevée par la plupart des auteurs, il nous semble
qu’un consensus puisse se former autour de l’exigence d’une mission dont le garant a la
charge, que cette mission ait pour objet l’état1061 ou l’activité d’autrui. En effet, il est constant
que l’ensemble des situations dans lesquelles le principe général de responsabilité du fait
d’autrui a été appliqué est celui dans lequel une personne (généralement une personne
morale : une association) exerce volontairement une mission d’encadrement de l’activité du

1060
Civ. 4 décembre 1945 : arrêt précité. Egalement : Civ., 16 juin 1936 précité.
1061
Ainsi, la formule utilisée par l’Assemblée plénière dans l’arrêt Blieck (A.P., 29 mars 1991 – Bull. Civ. n° 1 :
arrêt précité) aux termes de laquelle la responsabilité de l’association a pu être retenue parce qu’elle « avait
accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ce handicapé, (…) » a-t-elle
été reprise systématiquement. Parmi d’autres voir par exemple Civ.2, 20 janvier 2000 - Bull. civ., 2000, II, n°
15 : JCP G., 2000, I, 241, n° 14, obs. G. VINEY ; R.T.D. Civ., 2000, p. 588, n° 7, obs. P. JOURDAIN ; R.C.A.,
2000, comm. 111, obs. P. VAILLIER : « Attendu que la personne physique ou morale à qui le juge des enfants
confie la garde d'un mineur en danger en application des articles 375 et suivants du Code civil, ayant pour
mission d'organiser, de diriger et de contrôler le mode de vie du mineur, est responsable des dommages qu'il
cause à cette occasion, y compris aux autres enfants placés dans l'établissement ». Crim., 28 mars 2000 - Bull.
crim., 2000, n° 140 : JCP G., 2000, I, 241, n° 10, obs. G. VINEY ; R.T.D. Civ., 2000, p. 586, n° 6, obs.
P. JOURDAIN ; « Attendu que, pour déclarer Z [le tuteur] civilement responsable de Y [le pupille mineur] sur le
fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, la cour d'appel relève qu'il avait accepté, en qualité de
tuteur, la garde du mineur et la charge d'organiser et de contrôler à titre permanent son mode de vie ».

238
primo-responsable. Il en est ainsi des associations sportives pour lesquelles il a été maintes
fois rappelé qu’elles avaient « pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de
leurs membres (…) »1062, d’une association de scouts qui, de la même manière, ont « pour
mission durant un camp d'été d'organiser, de diriger et de contrôler les activités de ses
membres »1063 ou encore d’une association de majorettes qui « à l'occasion du défilé organisé
par celle-ci (…) avait pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de ses
membres »1064.

416. En apparence, l’accroissement progressif et continu du domaine de la responsabilité


générale du fait d’autrui semble incontestable. Aussi serions-nous tentés de croire que celui-ci
puisse bientôt contaminer la responsabilité du mandant pour un dommage causé par le
mandataire si, d’aventure, cette question devait être posée à la Cour de cassation. Mais une
telle conclusion serait sans doute un peu rapide car, en dépit d’une jurisprudence abondante,
les faits concernent toujours certains types d’association. En réalité, depuis 20021065, aucune
innovation notable ne peut venir soutenir la thèse de l’extension incontrôlée du champ
d’application de la responsabilité du fait d’autrui. Bien au contraire, la jurisprudence récente
semble vouloir enrayer la généralisation du principe de responsabilité du fait d’autrui fondé
sur le premier alinéa de l’article 1384 du Code civil et souhaiter ainsi adopter une conception
plus stricte de la mission du groupement mis en cause.

417. L’essoufflement de l’extension du domaine de la responsabilité générale du fait


d’autrui. Le premier symptôme de ce retour à plus de rigueur a été initié dans une affaire où
la responsabilité d’un syndicat était recherchée pour le fait de ses adhérents. Lors d'une
manifestation d'agriculteurs organisée par un syndicat, des dommages avaient été occasionnés
aux équipements d'un supermarché. Pour cette raison, la société exploitante exerça une action
en responsabilité contre le syndicat sur le fondement de l’article 1384 alinéa premier du Code
civil. En raison du pourvoi formé par la société, la deuxième Chambre civile de la Cour de

1062
Civ.2, 22 mai 1995 - Bull. civ., 1995, II, n° 155 (arrêt précité). Voir également Civ. 2, 3 février 2000 - Bull.
civ., II, n° 26 ; JCP G., 2000, II, 10316, note J. MOULY et I, 241, n° 15, obs. G. VINEY ; D., 2000, jurispr., p. 862,
note S. DENOIX DE SAINT MARC et p. 465, note P. JOURDAIN ; R.C.A., 2000, comm. 110, obs. H. GROUTEL. Civ.
2, 13 mai 2004 - Bull. civ., 2004, II, n° 232 : R.C.A., 2000, étude n° 15, par CH. RADE. Civ.2, 22 septembre 2005
- Bull. civ., 2005, II, n° 233. A.P., 29 juin 2007 - Bull. civ., 2007, A.P., n° 7.
1063
C.A., PARIS, 9 juin 2000 - Juris-Data n° 2000-121119 : R.C.A., 2000, comm. 74, obs. L. GRYNBAUM.
1064
Civ. 2, 12 décembre 2002 - Bull. civ., 2002, II, n° 289 : R.C.A., 2003, comm. 28 et chron. 4, par
H. GROUTEL ; L.P.A., 7 avril 2003, n° 69, p. 11, note F. BUY ; R.T.D. Civ., 2003, p. 305, n° 4, obs. P. JOURDAIN.
1065
En 2002, la Cour de cassation constate la responsabilité d’une association de majorette pour le fait d’un de
ses membres : Civ. 2, 12 décembre 2002, arrêt précité. Depuis, les arrêts relatifs à l’application de l’article 1384
alinéa 1 du Code civil concernent tous des aspects plus ou moins nouveaux de la responsabilité des associations
sportives pour le fait de ses adhérents.

239
cassation fut saisie. Elle confirma en tous points la décision de première instance au motif
« qu'un syndicat n'ayant ni pour objet ni pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler
l'activité de ses adhérents au cours de mouvements ou manifestations auxquels ces derniers
participent, les fautes commises personnellement par ceux-ci n'engagent pas la responsabilité
de plein droit du syndicat auquel ils appartiennent »1066.

418. Le second signal de ce frein à l’extension du champ d’application du principe général


de responsabilité du fait d’autrui est intervenu à propos de la responsabilité des associations
communales de chasse. On s’est demandé un temps si celles-ci étaient tenues de réparer les
dommages causés par leurs membres. Les juridictions du fond y semblaient favorables. Dans
une décision du 29 février 1996, par exemple, le Tribunal de grande instance de CUSSET
affirma qu’« une association de chasse, ayant pour mission d’organiser, de diriger et de
contrôler l’activité de ses membres au cours d’une chasse à laquelle ils participent, est
responsable, au sens, de l’article 1384 alinéa 1er, du Code civil, des dommages qu’ils causent
à cette occasion »1067. De même, la Cour d’appel de DIJON jugea que « le président de la
société de chasse, organisatrice de la battue litigieuse, qui avait placé l'auteur du coup de feu
lors de l'action de chasse et lui avait donné des consignes de sécurité, est en cette qualité
responsable, sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, des chasseurs dont il
doit répondre »1068. Toutefois, la Cour de cassation rejeta cette voie en proclamant, le 11
septembre 2008, que « les associations de chasse n'ont pas pour mission d'organiser, de
diriger et de contrôler l'activité de leurs membres et n'ont donc pas à répondre de ceux-
ci »1069.

419. La première de ces décisions pouvait sans doute s’expliquer par différents motifs.
Depuis une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 22 octobre 19821070, il est en
effet acquis que la responsabilité d’un syndicat ne peut être engagée sur un autre fondement
que l’article 1382 du Code civil. Depuis lors, la Cour de cassation distingue strictement les
fautes personnellement imputables au syndicat1071 de celles qui sont le fait des adhérents1072.

1066
Civ. 2, 26 octobre 2006 - Bull. civ., 2006, II, n° 299 ; R.T.D. Civ., 2007, p. 357, note P. JOURDAIN ; R.C.A.,
2006, n° 12, comm. 365, CH. RADE ; JCP G., 2007, II, 10004, comm. J. MOULY ; JCP S., 2006, 1990, Comm. par
O. LIPERINI.
1067
T.G.I. CUSSET, 29 février 1996 : JCP G., 1997, II, 22849, note J. MOULY.
1068
DIJON, 5 septembre 2002 - Juris-Data n° 2002-192423 ; JCP G., 2003, IV, 1413.
1069
Civ. 2, 11 septembre 2008 - Bull. civ., 2008, II, n° 192 ; R.C.A., 2006, n° 12, comm. 313, H. GROUTEL ; JCP
G. 2007, II, 10184, comm. J. MOULY.
1070
Cons. const., 22 octobre 1982 - décision n° 82-144 DC.
1071
Soc., 9 novembre 1982 – Bull. civ., 1982, V, n° 614 : « Si la responsabilité civile d'un syndicat ne peut en
principe être engagée à l'occasion de l'exercice du droit de grève constitutionnellement reconnu, notamment du

240
Face à ces aspects de nature politique, d’autres arguments plus techniques pouvaient être
invoqués, notamment l’absence d’autorité effective du syndicat sur les syndiqués 1073, ou
encore les difficultés relatives à l’identification de l’auteur du fait générateur1074 et, par voie
de conséquences, l’établissement d’un lien indiscutable avec le syndicat. Mais une autre
interprétation aurait peut-être pu être avancée, celle selon laquelle la Cour de cassation
exprimait la volonté de circonscrire le principe général de responsabilité du fait d’autrui dans
de plus strictes limites1075. A cet égard la seconde décision est moins équivoque. Il convient
en effet de remarquer que les faits de l’espèce sont relatifs à un dommage causé au cours
d’ « une battue aux chevreuils organisée par l'Association communale de chasse »1076.
Autrement dit, l’hypothèse selon laquelle l’Association disposait, au moment de la
commission du dommage, d’un pouvoir de direction, de contrôle et de surveillance a sans
doute été exclue un peu rapidement1077.

420. Une nouvelle extension du principe général de la responsabilité du fait d’autrui ?


Quelle que soit l’interprétation choisie, il est néanmoins incontestable que ces décisions
alimentent la thèse de l’inapplicabilité de l’article 1384 alinéa dans le mandat. En effet, en
l’état actuel du droit positif, il apparaît clairement que l’absence de toute mission de direction,
d’organisation et de surveillance exclut la mise en œuvre de ce texte. Or, dans le mandat, c’est
le mandataire – et non le mandant - qui se voit confier une mission.

421. Pourtant, l’on a pu constater que certains auteurs invitaient la jurisprudence à étendre
le principe général de responsabilité du fait d’autrui à des hypothèses dans lesquelles un
propriétaire économique tire avantage de l’activité de ses agents1078. Mais, chez ces auteurs, le
rattachement à la théorie du risque-autorité demeure l’un des aspects prédominants de cette
responsabilité économique du fait d’autrui. En effet, ni Madame DEL CONT1079, ni Monsieur

fait du préjudice indirect subi par des tiers, il en est autrement lorsque le syndicat a effectivement participé à des
faits ne pouvant se rattacher à l'exercice normal du droit de grève ».
1072
Soc., 9 novembre 1982 – Bull. civ., 1982, V, n° 615 : « Mais attendu que les juges du fond ont énoncé que
les syndicats n’étaient pas les commettants des grévistes, que ceux-ci exerçaient individuellement le droit de
grève, et qu’il n’apparaissait pas que les syndicats aient, par instruction ou par tout autre moyen, commis des
fautes en relation avec les dommages invoqués ».
1073
J. MOULY, note sous Civ. 2, 26 octobre 2006 précitée.
1074
P. JOURDAIN, note sous Civ. 2, 26 octobre 2006 précitée.
1075
En ce sens voir également O. LIPERINI, comm. sous Civ. 2, 26 octobre 2006, arrêt précité .
1076
Civ. 2, 11 septembre 2008 – arrêt précité. Nous soulignons.
1077
En ce sens : J. MOULY, note sous Civ. 2, 11 septembre 2008 précitée.
1078
Pour plus de développements sur la question : supra, n° 29 et s.. C. DEL CONT, Propriété économique,
dépendance et responsabilité, thèse précitée ; F. DE BOÜARD, thèse précitée.
1079
L’auteur commence d’ailleurs sa démonstration en rappelant toute l’importance de l’autorité dans la
responsabilité du fait d’autrui en général. C. DEL CONT, op. cité, spéc. pp. 267 et s..

241
DE BOÜARD ne se départissent totalement de l’idée selon laquelle le primo-responsable est
dans un état de subordination à l’égard du garant. Ainsi Madame DEL CONT définit l’agent
économique comme « un sujet formellement indépendant qui, dans le cadre de son activité
économique, se trouve placé sous le contrôle et sous la direction d’un autre sujet juridique, le
propriétaire économique. En raison du lien de dépendance, l’agent économique dominé
devient un simple rouage d’une activité d’ensemble, un "instrument" du processus sur lequel
il n’exerce pas d’influence déterminante, de prérogatives de maîtrise »1080. L’auteur conclut
en affirmant expressément qu’en déplaçant le risque de l’activité sur le propriétaire
économique il s’agit tout simplement « de renouer, de restaurer le lien fondamental entre le
pouvoir et la responsabilité »1081. De même, Monsieur DE BOÜARD applique cette
responsabilité générale du fait d’autrui à des situations de « filiérisation »1082 c’est-à-dire des
relations dans lesquelles un intégré (un commerçant filialisé) participe à l’activité économique
d’une entreprise intégratrice et qu’il ne dispose, pour le développement de son propre
commerce, d’aucune possibilité d’initiative (ni stratégie de développement, ni gestion
autonome de ses affaires)1083. Autrement dit l’intégré se situe dans une relation de dépendance
non pas juridique, comme c’est le cas pour le salarié, mais économique envers l’entreprise
intégratrice laquelle « dispose à son égard de pouvoirs d’organisation, de direction et de
contrôle »1084. De ce point de vue là, « toute personne que l’exécution d’un contrat place en
situation de dépendance économique par rapport à son cocontractant se trouve fatalement,
quoique à des degrés divers, en état de subordination professionnelle à l’égard de celui-
ci »1085.

422. A notre sens, l’omniprésence du principe d’autorité au sein de la responsabilité du fait


d’autrui n’est pas de bon augure quant à l’hypothèse d’une responsabilité économique dans le
mandat fondée sur un fait d’autrui. En effet, l’indépendance du mandataire lors de l’exécution
de sa mission est parmi les caractéristiques les plus affirmées du mandat. Or, l’idée d’une
autorité du mandant sur le mandataire semble difficilement compatible avec celle de
l’exercice indépendant de la fonction de mandataire. Pour autant, ces craintes devront être
observées de plus près avant d’être rejetées ou, au contraire, retenues. Néanmoins, ces
propositions ont, dans une certaine mesure, été entendues. Afin d’ajuster le droit de la
1080
C. DEL CONT, ibid., spéc. p. 276. Nous soulignons.
1081
Ibid..
1082
Nous empruntons cette terminologie à Monsieur DE BOÜARD qui l’a défini de manière très précise dans sa
thèse. F. DE BOÜARD, thèse précitée, spéc. n° 49 et s., pp. 31 et s..
1083
Ibid., spéc. n° 127 et s., pp. 75 et s..
1084
Ibid., thèse précitée, spéc. n° 147, p. 86.
1085
Ibid., thèse précitée, spéc. n° 154, p. 92.

242
responsabilité civile du fait d’autrui aux transformations économiques, il est apparu utile aux
membres de la Commission CATALA d’insérer un article 1360 alinéa 2 au terme duquel, « en
l'absence de lien de préposition, celui qui encadre ou organise l'activité professionnelle d'une
autre personne et en tire un avantage économique est responsable des dommages causés par
celle-ci dans l'exercice de cette activité »1086. Cette disposition fait clairement écho aux
souhaits précédemment évoqués. En effet, bien qu’elle ait pour point de départ la volonté de
remédier à la stricte redéfinition de la relation commettant – préposé opérée dans le projet de
réforme du droit des obligations, elle contribuerait surtout, selon Madame VINEY, à « faire
peser une part des responsabilités encourues à la suite des dommages causés à l'occasion des
activités économiques sur les véritables décideurs »1087.

423. Cette disposition a été principalement prévue pour les établissements de santé pour le
fait des médecins qu’ils emploient, mais la liste proposée n’étant pas limitative, cette
responsabilité pourrait être étendue à d’autres hypothèses et il nous appartient de nous
interroger sur l’applicabilité de ce texte au mandat. Pour la mise en œuvre de ce texte, trois
conditions ont été prévues : l’encadrement ou l’organisation de l’activité professionnelle de
l’auteur du dommage par le répondant, un avantage économique pour le donneur d’ordre et un
lien entre l’exercice de l’activité et le fait dommageable. Les deux dernières conditions ne
devraient guère poser de difficulté : la deuxième (l’avantage économique pour le donneur
d’ordre) fait écho à la théorie du risque-profit qui, précisément, avait orienté notre réflexion
initiale ; la troisième (le lien entre l’exercice de l’activité et le fait dommageable) est
relativement classique et permet de circonscrire la responsabilité du répondant dans des
limites prédéfinies afin de ne pas trop alourdir les risques de son entreprise.

424. La première (l’encadrement ou l’organisation de l’activité professionnelle de l’auteur


du dommage par le répondant), en revanche, laisse plus de place à l’incertitude. Au premier
regard elle semble remplie. Elle fait référence au lien qui peut exister, non pas entre le primo-

1086
Le deuxième alinéa de ce texte a prévu que serait « responsable celui qui contrôle l'activité économique ou
patrimoniale d'un professionnel en situation de dépendance, bien qu'agissant pour son propre compte, lorsque
la victime établit que le fait dommageable est en relation avec l'exercice du contrôle ». Au regard de la condition
du contrôle de l’activité économique ou patrimoniale de l’activité du professionnel, cette disposition nous paraît
peu adaptée au mandat dès lors qu’aucun lien de cette nature n’existe sauf, peut-être, l’hypothèse du mandat
d’intérêt commun.
En revanche, il convient de remarquer que le projet de réforme rédigé sous la direction du professeur
TERRE n’évoque pas l’existence d’une telle responsabilité. Au contraire, ce texte restreint le domaine
d’application de la jurisprudence Blieck en excluant les hypothèses dans lesquelles une personne contrôlant
l’activité d’autrui pouvait voit sa responsabilité engagée. Pour une réforme du droit de la responsabilité civile,
sous la direction de FR. TERRÉ, Dalloz, Thèmes & commentaires, 2011, spéc. p. 153.
1087
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, op. cité, spéc. n° 789-25, pp. 963 – 964.

243
responsable et l’agent, mais entre le répondant et l’activité en cause. Or, en tant que « donneur
d’ordre », il est certain que le mandant organise l’activité du mandataire ou, à tout le moins,
en fixe les limites. De là à admettre que la condition de l’encadrement ou de l’organisation de
l’activité d’autrui est remplie, il y a un pas qui ne se franchit pas facilement. En effet, cela
suppose de passer outre les situations dans lesquelles le mandant est un particulier qui s’en
remet aux compétences d’un mandant professionnel. Dans cette configuration, il semble
difficile de considérer que le mandant encadre ou organise effectivement l’activité du
mandataire. Cela revient à dire que la responsabilité prévue par l’article 1360 alinéa 1 de
l’Avant-projet Catala ne pourrait être appliquée au mandat de façon générale.

425. Synthèse. En l’état actuel du droit positif, la persistance d’un lien avec la notion de
subordination exclut la possibilité d’appliquer le principe général de responsabilité du fait
d’autrui au mandat de façon systématique. En effet, pour des raisons déjà plusieurs fois
évoquées, la théorie du risque-autorité ne peut être étendue au mandat. En réalité, du pouvoir
d’organisation, de contrôle et de surveillance du garant sur le primo-responsable l’on ne
retrouve généralement, dans la relation mandant – mandataire, que l’élément relatif à la
direction d’autrui. Il faut donc désormais se résigner à l’idée, qu’au regard des particularités
du mandat (la prééminence de l’intérêt du mandant mais l’absence de subordination du
mandataire), aucune des solutions que propose le droit de la responsabilité du fait d’autrui
n’est pleinement satisfaisante.

244
Conclusion du Chapitre

426. Bilan. En dépit de la dissociation entre l’action du mandataire et l’attribution des


avantages de l’opération au mandant, il est impossible, en l’état actuel du droit positif, de
recourir à la responsabilité du fait d’autrui dans le mandat, du moins de manière générale. Au
cas par cas, une application circonstanciée apparaîtra sans doute opportune. Mais, en
fonctionnant ainsi, l’on prend le risque d’instaurer une inégalité injustifiée entre les différents
protagonistes, mandant, mandataire ou tiers. Quoi qu’il en soit, la place de la responsabilité du
fait personnel demeure prépondérante, en matière contractuelle1088 comme en matière
délictuelle, et ce n’est que ponctuellement que l’un des régimes de responsabilité du fait
d’autrui peut trouver à s’appliquer (celui de la responsabilité du commettant… voire celui du
principe général ?), lorsque le contenu de la relation interne au mandat le permet.
Généralement, ce choix s’opérera lorsque le mandant aura lui-même quelque chose à se
reprocher (une faute dans le choix du mandataire ou une faute de surveillance par exemple),
lorsqu’il avait connaissance ou au moins un intérêt à l’action défectueuse du mandataire ou
encore lorsqu’il bénéficie d’une certaine autorité sur son agent. A l’inverse, le sort de l’action
en responsabilité semble indifférent au fait que l’agent soit resté fidèle aux instructions
éventuellement défectueuses du donneur d’ordre ou qu’il soit resté dans le cadre du pouvoir
donné.

427. Autrement dit, l’on pourrait être tenté de croire que la solution d’un procès en
réparation intenté par le tiers dépende avant tout de l’analyse préalable du rapport interne et
non de l’examen du rapport dans lequel l’action se situe.

428. L’on ne peut se satisfaire de cette perspective. A notre sens, faire dépendre le sort
d’une action en responsabilité délictuelle exercée par le tiers cocontractant d’une analyse de la
relation mandant–mandataire est source de difficultés. En premier lieu, cette sujétion est
synonyme d’imprévisibilité – voire d’insécurité - pour le tiers. L’examen préalable du rapport
interne aboutira inévitablement à des résultats divergents, imposant alors des solutions
imprévisibles pour le tiers qui ne connaît pas nécessairement tous les tenants et les
aboutissants du contenu de la relation contractuelle interne. En second lieu, cette étape
obligatoire empêchera la possibilité, à l’égard des tiers, d’un régime de responsabilité unifié

1088
Naturellement, la place essentielle de la responsabilité du fait personnel en matière contractuelle n’est pas
l’objet de nos propos tant cette solution est satisfaisante et conforme à l’esprit du mandat.

245
puisque des rapports internes contraires devraient, en tout état de cause, appeler des solutions
juridiques opposées. Autrement dit, l’on voit se dessiner, en toile de fond, le risque d’un
traitement inégalitaire des tiers en fonction du contenu d’une relation contractuelle à laquelle
ils sont étrangers.

429. Problématique. Doit-on se résigner à renoncer à la possibilité de voir émerger un


régime de responsabilité commun à toutes les relations externes ? Nous ne le pensons et,
surtout, nous ne l’espérons pas. Mais cela nécessiter d’explorer certaines voies inconnues du
droit positif en accordant au mécanisme de la représentation une fonction qui lui est jusqu’à
présent refusée, officiellement du moins.

246
Conclusion Partie 1

430. L’identification du mandat. Toute étude relative à l’examen de règles de droit exige,
en premier lieu, que soit identifié avec précision le domaine de recherche. Aussi avons-nous
d’abord isolé la figure du mandat parmi l’ensemble des contrats d’intermédiaire que connaît le
droit positif.

431. A partir de la terminologie « action au nom d’autrui » présente dans les termes de
l’article 1984 du Code civil, il a pu être vérifié que le mandat avait été conçu par le législateur
comme un contrat de gestion pour autrui de nature essentiellement représentative.
L’identification de ce critère a permis d’isoler la figure juridique du mandat parmi l’ensemble
des techniques d’intermédiation que connaît le droit positif. En outre, le recours au
mécanisme de la représentation comme critère d’identification du mandat a permis de mettre
en exergue la structure dualiste du mandat : d’un côté, l’on remarque l’existence d’un lien
interne – le lien mandant – mandataire – qui se définit comme un contrat de gestion pour
autrui ; de l’autre, l’on constate la formation d’un lien externe – le lien mandant – tiers
cocontractant – qui se noue par l’action du mandataire. Si l’un et l’autre sont théoriquement
dissociables, ils sont en pratique intimement liés.

432. Cette étape accomplie, certaines particularités propres au mandat ont pu être ainsi
mises à jour. En se plaçant du côté de la relation interne, l’on a pu apprécier l’intensité de la
confiance exprimée par le mandant envers son mandataire qui, non seulement confie la
gestion de ses affaires à un tiers mais qui, surtout, accepte d’être automatiquement et
directement liés par les conséquences – positives ou négatives – de l’action de son agent. En
se tournant vers le cadre de la relation externe, l’on distingue l’omniprésence de l’intérêt
patrimonial du mandat et, a contrario, de la prééminence de l’altruisme du mandataire qui se
place, ab initio, en dehors des bénéfices obtenus.

433. L’état des lieux des règles de responsabilité civile applicables au mandat. Ce
travail effectué, l’examen du contenu des règles de responsabilité civile mises en œuvre en
présence d’un mandat pouvait débuter. A l’épreuve, le bilan est apparu en demi-teinte.

434. Dans le cadre du rapport interne, le régime de responsabilité a semblé relativement


satisfaisant. Les règles mises en œuvre en droit positif montrent en effet toute la spécificité de
ce lien particulier. La confiance, fondement de la relation mandant – mandataire, se manifeste

247
au travers de plusieurs règles. L’on pense, notamment, à l’obligation de diligence du
mandataire ou à l’interdiction de se porter acquéreur des biens confiés par le mandant qui font
référence aux obligations fiduciaires découvertes à propos du trust anglo-saxon. Il est à
regretter, cependant, l’insuffisante intégration de la distinction entre les mandataires
professionnels et les mandataires profanes. S’il est certain que le droit positif a su tirer parti de
cette évolution, il est non moins certain que la distinction principale demeure celle opérée
entre un mandat conclu à titre gratuit et un mandat conclu à titre onéreux, celle autour de
laquelle s’organise les règles du mandat, notamment celles applicables à la responsabilité
civile. De ce point de vue, une réflexion portant sur la possible consécration de ce nouveau
système nous semble être opportun.

435. A l’égard de la relation externe, l’état des lieux des règles de responsabilité civile
apparaît en revanche plus contradictoire. D’une part, l’altruisme dont fait preuve le
mandataire est, pour l’essentiel, indifférent. Bien que ce soit principalement le mandant qui
tire avantage de l’activité du mandataire, il n’a que rarement, et de façon relativement
aléatoire, à supporter les éventuelles conséquences dommageables de l’action de
l’intermédiaire. Il en va de même de la transparence du mandataire qui, en matière
extracontractuelle, n’a pas vocation à s’appliquer. D’autre part, lorsque l’action pour compte
d’autrui est prise en compte par les juges, il est difficile de trouver, au travers des différentes
décisions jurisprudentielles, une quelconque cohérence à la mise en œuvre exceptionnelle de
la responsabilité du mandant pour le fait de son mandataire. Pour cette raison, il nous semble
que c’est essentiellement sur ce point que la reconstruction du régime de responsabilité civile
doit s’effectuer. Pour cela, nous nous interrogerons sur la possibilité de fonder la
responsabilité sur la technique de représentation mise en œuvre dans le mandat, c’est-à-dire
de faire reposer la responsabilité externe sur le mécanisme de la représentation.

248
249
250
Partie 2 – La reconstruction du régime de responsabilité civile
dans le mandat

436. Formulation de la problématique. L’examen de la spécificité du mandat a montré,


qu’en toutes hypothèses, l’exécution du contrat est entièrement tournée vers la satisfaction des
intérêts du donneur d’ordre. Pour cette raison, l’idée d’une responsabilité du mandant pour
le(s) fait(s) du mandataire a germé. Cette proposition fait directement référence à la théorie du
risque-profit. Lors de nos développements introductifs, il avait été précisé que deux voies
pouvaient être suivies. La première, qui est liée au développement de la responsabilité du fait
d’autrui, a d’ores et déjà été fermée. En effet, le mécanisme de la responsabilité du fait
d’autrui demeure fortement lié au principe du risque-autorité, principe difficilement
compatible avec celui de l’exercice indépendant de la fonction de mandataire. La seconde
voie, qui reste encore à explorer, repose sur la forme de collaboration qui permet à une
personne de profiter de l’activité d’autrui. Pour notre sujet, cette forme de collaboration se
définit au travers du mécanisme de la représentation. Autrement dit, l’hypothèse que nous
formulons ici est celle selon laquelle le mandant serait responsable des fautes de son
mandataire par le jeu de la technique représentative.

437. Sitôt énoncée, l’idée d’une responsabilité par représentation semble aussitôt mort-née
tant elle paraît incongrue. En effet, le mécanisme de la représentation est en principe enfermé
dans le carcan de l’acte juridique et il semble impossible de l’en extirper1089. Or, la
responsabilité dont il serait question serait une responsabilité délictuelle puisqu’applicable à
des dommages réalisés lors de la phase précontractuelle1090. En effet, lors de notre première
partie, il a été établi que l’action du mandataire se limitait généralement à la préparation et à

1089
Sur ce point voir, not. : A. BENABENT, Droit des obligations, op. cité, spéc. n° 41, pp. 35 ; M. FABRE-
MAGNAN, Droit des obligations – Contrat et engagement unilatéral, op. cité, spéc. p. 512 ; J. FLOUR, J.-L.
AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations – L’acte juridique, op. cité, n° 426, p. 425 ; PH. MALAURIE, L. AYNES,
PH. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, op. cité, n° 802, p. 415 ; F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil
– Les obligations, op. cité, spéc. n° 173, p. 182. Voir également, H. et L. MAZEAUD, J. MAZEAUD, Leçons de droit
civil : Obligations, Tome 2, Vol. 1, Théorie générale, par F. CHABAS, Montchrestien, 9ème édition, 1998, spéc. n°
147 et s., pp. 143 et s. ; E. GAILLARD, Le pouvoir en droit privé, thèse précitée ; M. STORCK, Essai sur le
mécanisme de la représentation dans les actes juridiques, thèse précitée, spéc. n° 259 et s., pp. 193 et s.. Pour
une approche plus nuancée : J. GHESTIN, CH. JAMIN et M. BILLIAU, Traité de droit civil - Les effets du contrat,
op. cité, n° 929 et s., pp. 995 et s. ; ou critique : PH. DIDIER, De la représentation en droit privé, op. cité, spéc. n°
151 et s., pp. 106 et s.. Voir également, supra, n° 110 et s..
1090
Supra, n° 367 et s..

251
la formation du contrat1091. Par conséquent, l’éventuel dommage causé par ce dernier lors de
l’accomplissement de sa mission et subi par le tiers interviendra en dehors de tout contrat, ce
qui exclut l’application de la responsabilité contractuelle. Il nous faut donc apporter une
précision : l’objet de notre démonstration ne sera pas d’établir qu’un fait juridique peut, tout
autant que l’acte juridique, définir l’objet d’une mission de représentation. A l’évidence, sur
ce point-là, la réponse est nécessairement négative : parce qu’il ne résulte pas d’un accord de
volontés, il est inconcevable qu’un acte matériel puisse constituer l’objet de la représentation.
Il s’agira donc, plus simplement, de rechercher dans quelle mesure les conséquences d’un fait
juridique commis par un représentant peuvent être imputées à un représenté.

438. Quelques éléments historiques et juridiques au soutien de l’hypothèse d’une


responsabilité par représentation. Définie ainsi, l’idée d’une responsabilité par
représentation apparaît possible. A y regarder de plus près, on s’aperçoit même qu’elle
dispose, à l’échelle du temps et de l’espace, de solides appuis. Si l’on se réfère au droit
romain, par exemple, l’admission progressive d’une forme de représentation1092 s’était
étendue au fait juridique. Il est acquis, en effet, que la représentation fut autorisée en matière
de possession1093. En matière de responsabilité délictuelle, il semble également que la faute de
l’esclave donnait le droit à la victime d’obtenir réparation auprès de son maître en se faisant
payer une réparation par le biais de l’action noxale1094. Ce cas particulier s’explique sans
doute par des raisons d’opportunité et l’impossibilité pour l’esclave de dédommager lui-même
la victime. Il n’en reste pas moins que la règle témoigne de l’existence possible d’une
représentation en matière de fait délictuel. A cet égard, le droit comparé offre des illustrations
beaucoup plus parlantes. Le droit allemand, en particulier, admet clairement la possibilité
d’une responsabilité par représentation. A l’inverse des principes admis en droit français, la
solution germanique permet que ceux qui se sont faits représenter pour leurs affaires voient
leur responsabilité engagée en tant que représenté. En effet, au terme du § 831 du
Bürgerliches Gesetzbuch qui dispose que « wer einen anderen zu einer Verrichtung bestellt,
ist zum Ersatz des Schadens verpflichtet, den der andere in Ausführung der Verrichtung

1091
La seule hypothèse dans laquelle le mandataire interviendrait après la conclusion du contrat est celle de la
clause de ducroire qui permet au mandant de confier à l’intermédiaire, outre la formation du contrat, l’exécution
des obligations nées du contrat. Dans ce cas de figure, la responsabilité sera naturellement contractuelle. Plus
précisément, les règles mises en œuvre seront celles de la responsabilité contractuelle du fait d’autrui qui ne
posent guère de difficulté. Supra, n° 367 et s..
1092
Supra, n° 50 et s..
1093
P.-F. GIRARD, Manuel élémentaire de droit romain, op. cité, spéc. pp. 294 et s..
1094
PH. DIDIER, De la représentation en droit privé, op. cité, spéc. n° 56, pp. 36 et s..

252
einem Dritten widerrechtlich zufügt1095 »1096. La responsabilité ainsi définie est manifestement
plus large que celle conçue à l’article 1384 alinéa 5 de notre Code civil, parce qu’elle vise
toute relation de maître d’affaires à agent, peu importe qu’il y ait ou non de lien de
représentation. Par voie de conséquence, lorsqu’un tel lien n’est pas constitué, ceux qui se
seront faits représenter « ne seront pas responsables en tant que commettant mais en tant que
représentés »1097.

439. Notre droit positif, enfin, n’est sans doute pas aussi imperméable à cette hypothèse
qu’il y paraît. L’expression « responsabilité par représentation » a même été expressément
utilisée, tant par le législateur que par la Cour de cassation, à propos de la responsabilité
pénale des personnes morales1098. En matière de responsabilité civile, le principe d’une
responsabilité par représentation ne peut pas être tout à fait exclu, bien qu’il n’ait jamais été
clairement reconnu. En effet, malgré la nature particulière des personnes morales, leur
personnalité juridique a été reconnue par le législateur, à propos de la société commerciale,
dès 18671099. A ce titre, elles disposent des mêmes droits et sont tenus aux mêmes obligations

1095
Source : www.gesetze-im-internet.de/bgb/index.html.
1096
Littéralement : « Qui commande à un autre un travail est obligé de réparer à sa place le dommage que cet
autre cause illégalement à un tiers lors de la réalisation de ce travail ».
Pour une traduction légèrement différente voir M. PEDAMON, Code civil Allemand, op. cité, v° § 831 :
« celui qui prépose un autre à une fonction est tenu de réparer le préjudice que cet autre cause illicitement à un
tiers ». A notre sens, l’utilisation par Monsieur PEDAMON du terme « prépose » crée la confusion avec la notion
de préposition que connaît le droit français alors même que la responsabilité définie par ce texte est plus large
que celle visée à l’alinéa 5 de l’article 1384 du Code civil. Pour preuve, l’intitulé du § 831 , « Haftung für den
Verrichtungsgehilfen » se traduit par « Responsabilité du fait des assistants » et non « Responsabilité pour les
préposés ». (M. PEDAMON, ibid..)
1097
R. POPESCO-RAMNICEANO, De la représentation dans les actes juridiques en droit comparé, op. cité, spéc. p.
470.
1098
Article 121-2 alinéa 1 du Code pénal : « Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables
pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par
leurs organes ou représentants ».
Voir également : J.-CH. SAINT-PAU, « La faute diffuse de la personne morale », D., 2004, pp. 167 et s.,
spéc. n° 3 ; S. MESSAI-BAHRI, La responsabilité civile des dirigeants sociaux, préface de P. LE CANNU, I.R.J.S.
éditions, coll. Bibliothèque de l’Institut de recherche juridique de la Sorbonne – André TUNC, Tome 18, 2009. Se
reporter également aux références citées par les auteurs.
Quant à la jurisprudence, elle utilise parfois expressément l’expression « responsabilité pénale par
représentation ». Voir, par ex. : Crim., 2 octobre 2012 – Pourvoi n° 11-84.415, arrêt publié au bulletin ; Crim.,
29 mars 2011 – Pourvoi n° 11-90.007 ; Bull. crim., 2011, n° 64 ; Crim., 23 novembre 2010 – Pourvoi n° 09-
85.115 ; Bull. crim., 2010, n° 186.
1099
Il s’agit de la loi du 24 juillet 1867 relative aux sociétés commerciales. En matière civile, la reconnaissance
de la personnalité juridique des êtres désincarnés fut plus tardive. Le premier texte en ce sens est la loi du 21
mars 1884, dite loi WALDECK- ROUSSEAU, autorisant la création des syndicats professionnels. Viennent ensuite
la loi du 1er juillet 1901 qui consacre la liberté d’associations et la loi du 4 janvier 1978 qui admet officiellement,
enfin, la personnalité juridique des sociétés civile.
Dans tous les cas, il semble que la jurisprudence ait été plus encline à reconnaitre la personnalité
juridique des groupements moraux. Par exemple, une décision du 30 août 1959 de la Chambre civile de la Cour
de cassation permet à une société d’arrosage d’agir en justice. (Civ., 30 août 1959 : D.P., 1859, 1, 365 ; S., 1860,
1, 359.) Une décision du 23 février 1891 de la Chambre des requêtes est particulièrement éloquente (Req., 23
février 1891 - Grands arrêts, n° 15 : D.P., 1891, 1, 337 ; S., 1892, 1, 73, note E. MEYNAL). Dans un attendu

253
que les personnes physiques. Leur vie juridique, néanmoins, s’accomplit nécessairement par
le truchement d’un représentant qui, non seulement, peut engager contractuellement l’être
moral, mais peut également être à l’origine de la mise en œuvre de sa responsabilité civile
extracontractuelle. Selon une jurisprudence bien assise, cette responsabilité serait
personnelle… alors même que le fait dommageable a été commis par le représentant1100. La
dissociation opérée entre la cause et les conséquences de la responsabilité des personnes
morales nous paraît toutefois difficilement compatible avec cette solution.

440. Plan. Ces précisions historiques et juridiques nous invitent à croire en l’existence
d’une responsabilité par représentation en droit français (Titre 1). Parce que le mandant
profite de l’activité du mandataire et parce que l’objet du mandat se définit principalement par
la satisfaction des intérêts du premier, à l’exclusion de ceux du second, la responsabilité par
représentation apparaîtra, d’un strict point de vue économique, sans doute équitable. D’un
point de vue juridique, en revanche, certaines difficultés pourraient se faire jour. En effet,
l’existence d’une situation de représentation suppose l’attribution d’un pouvoir. En principe,
l’utilisation de celui-ci par le représentant doit s’effectuer conformément aux intérêts du
représenté. Or, au premier abord, la mise en œuvre de la responsabilité par représentation du
représenté présente quelques contradictions avec l’idée de la valorisation des intérêts du
mandant. Pour cette raison, l’hypothèse d’une mauvaise utilisation de ce pouvoir de
représentation par le mandataire pourrait être avancée. Par voie de conséquence, le premier
pourrait être tenté de mettre en cause la responsabilité du second ou, à tout le moins, d’obtenir
un recours contre le véritable auteur du dommage. C’est la raison pour laquelle nous
envisagerons, dans le second titre, la question de la contribution à la dette (Titre 2).

maintes fois commenté, la Cour de cassation affirme qu’« une société civile, aussi bien qu’une société
commerciale, constitue une personne morale, distincte des associés et est, à l’exclusion de ceux-ci, propriétaire
du fonds social ».
Pour un aperçu général et historique de la difficile introduction de la personnalité juridique des
personnes morales depuis le droit romain, voir : G. DE PIERRE DE VELLEFREY, De la société (loi du 24 juillet
1867), POITIERS, thèse impr. de E. DONNAUD, 1875. N. BARUCHEL, La personnalité morale en droit privé :
éléments pour une théorie, préface de B. PETIT, L.G.D.J, coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 410, 2004,
spéc. n° 4 et s., pp. 2 et s..
1100
Pour des illustrations récentes, voir, parmi d’autres : Com., 29 janvier 2013 – Pourvoi n° 11-21.011 et 11-
24.713 ; Com., 8 janvier 2013 – Pourvoi n° 11-27.120 ; Civ. 3, 5 décembre 2012 – Pourvoi n° 11-22.862.

254
Titre 1 – La réparation du dommage subi par le tiers dans le cadre de la
mission de représentation : l’obligation à la dette

441. Plan. Bien que l’idée d’une responsabilité par représentation dispose de solides
appuis, à la fois historiques et juridiques, sa présence dans notre droit reste encore à
démontrer (Sous-titre 1). A supposer son existence avérée, notre droit de la responsabilité
civile se verrait enrichi de nouvelles règles de responsabilité. Mais l’hypothèse d’une
responsabilité du mandant pour le fait de son mandataire, même fondée sur la technique
représentative, évoque très fortement la responsabilité du fait d’autrui fondée sur une
compréhension élargie du risque-profit. Dès lors, nous pensons que la question de
l’autonomie de ce régime doit être posée.

442. Cette interrogation est directement liée à celle de l’articulation de la responsabilité par
représentation avec d’autres régimes de responsabilité civile. Par exemple, dans l’éventualité
où les conditions de la responsabilité du commettant seraient également réunies, il nous
faudra opter pour le choix de l’application concurrente ou exclusive de l’un des régimes. Pour
y répondre, il conviendra d’examiner la nature des liens entretenus par ce nouveau régime
avec les régimes traditionnels de responsabilité ; autrement dit, de s’interroger sur la place que
la responsabilité par représentation serait amenée à occuper dans notre droit (Sous-titre 2).

255
256
Sous-Titre 1 – L’existence d’une responsabilité par représentation en droit
positif

443. Plan. A l’étude de la reconnaissance d’une responsabilité civile par représentation en


droit français (Chapitre 1) succèdera l’examen de ses conditions de mise en œuvre (Chapitre
2).

257
258
Chapitre 1 – La reconnaissance d’une responsabilité par représentation

444. Problématique. L’hypothèse selon laquelle le mandant serait responsable des fautes
de son mandataire par le jeu de la technique représentative apparaît, de prime abord, peu
convaincante. Le lien qui existe entre le mécanisme de la représentation et l’acte juridique
devrait exclure, en principe, l’extension des effets de ce mécanisme aux obligations nées d’un
fait juridique. Il convient en effet de rappeler que le rôle du mandataire se limite généralement
à la conclusion du contrat entre le mandant et le tiers. Par voie de conséquence, en l’absence
de tout contrat valablement formé, le dommage éventuellement subi par le futur cocontractant
devra être réparé par application des règles de la responsabilité délictuelle1101.

445. Plan. Quelques éléments historiques et de droit comparé ont montré, toutefois, que
cette proposition disposait de solides appuis1102. Plus important, l’examen de notre droit
suggère que notre système juridique n’y est pas tout à fait réfractaire. Néanmoins, notre
démonstration ne peut se limiter à la présentation de ces quelques manifestations
jurisprudentielles qui révèlent l’existence d’une responsabilité par représentation en droit
positif (Section 1). C’est la raison pour laquelle, nous devrons expliquer, d’un point de vue
plus technique, les raisons qui nous amènent à l’affirmer (Section 2).

1101
Lors de développements précédents, il a en effet été établi que l’éventuelle responsabilité du mandant pour le
fait du mandataire serait essentiellement de nature délictuelle. Supra, n° 367 et s...
1102
Supra, n° 438 et s..

259
Section 1 – L’approche empirique de la responsabilité par représentation

446. Plan. Malgré l’apparente inexistence d’une responsabilité par représentation dans le
mandat en droit positif, il apparaît que la jurisprudence n’y est pas fondamentalement hostile
(§1) et que la doctrine est beaucoup plus partagée sur le sujet qu’on ne le pense (§2).

§1- La présence équivoque d’une responsabilité par représentation en jurisprudence

447. Plan. En dépit d’une jurisprudence fort peu abondante, les germes d’une
responsabilité par représentation du mandant pour le fait de son mandataire existent dans le
paysage juridique français. Implicitement, plusieurs décisions évoquent plus ou moins
clairement l’existence d’un tel régime (A). Pourtant, selon la théorie classique de la
représentation, la mise en œuvre de ce mécanisme n’est admissible que dans les hypothèses
où il y a eu déclaration de volonté. Autrement dit, la représentation devrait s’appliquer dans le
cadre des seuls actes juridiques1103, ce qui semble contradictoire avec l’hypothèse d’une
responsabilité délictuelle par représentation. Pour cette raison, il conviendra de présenter
précisément les raisons qui nous conduisent à considérer que les arrêts cités évoquent un
régime de responsabilité par représentation (B).

A- L’exposé de la jurisprudence relative à l’hypothèse d’une responsabilité par


représentation

448. L’arrêt du 29 avril 1998 rendu par la troisième Chambre civile de la Cour de
cassation. Un arrêt rendu par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation le 29 avril
19981104 est particulièrement évocateur de l’existence d’une responsabilité par représentation
dans le mandat. Dans cette affaire, afin de faciliter la vente d’un bien immobilier dont il était

1103
Supra, n° 110 et s ..
1104
Civ. 3, 29 avril 1998 - Bull. civ., 1998, III, n° 87 : JCP E., 1998, pan., 1017 ; R.T.D.Civ., 1998, p. 930, note
P.-Y. GAUTIER ; R.D.I., 1998, p. 386, note J.-C. GROSLIERE et C. SAINT-ALARY-HOUIN ; R.T.D. Civ., 1999, p.
89, note J. MESTRE ; A.J.D.I., 1999, p. 491, note F. COHET-CORDEY.

260
chargé, un mandataire s’était rendu coupable d’un dol envers les tiers-cocontractants. Les
acquéreurs avaient en effet été démarchés par le mandataire en vue de la réalisation d'un
investissement locatif. Pour cela, il leur transmet des informations sur la garantie locative de
l’appartement litigieux qui s’avèrent rapidement erronées. C’est la raison pour laquelle les
acquéreurs lésés vont assigner le mandant en nullité du contrat de vente pour dol. Pour se
défendre, ce dernier invoque la faute personnelle du mandataire et le dépassement de pouvoir.
Ni la Cour d’appel, ni la Cour de cassation n’entendent ces arguments. Au contraire, l’une et
l’autre reconnaissent que le mandant « était responsable du dol commis envers les époux (…)
par [le mandataire] dans l’exécution de son mandat ».

449. Sans le nommer expressément, cette décision s’appuie manifestement sur le


mécanisme de la représentation1105. En matière de dol, en effet, seul celui qui émane du
cocontractant est en principe sanctionné, sauf l’hypothèse d’une collusion frauduleuse, ce qui
n’était pas démontré. Or, dans le cas présent, le dol émane du représentant, il n’en reste pas
moins qu’il vicie le consentement du cocontractant. Il faut donc en conclure que le
représentant n’est pas un véritable tiers, et qu’en raison de sa qualité de représentant, les
conséquences du dol commis par lui ne l’atteignent pas. Il est vrai, cependant, que les juges
du fond avaient relevé que le mandant « avait connaissance des informations fallacieuses
communiquées par [le mandataire] ». Cette motivation peut toutefois étonner, la
connaissance de l’action de l’intermédiaire par le donneur d’ordre n’étant pas, en soi, une
condition d’application des effets de la représentation. Dans sa note 1106, Monsieur GAUTIER le
relève également en rappelant que la conscience du représenté est étrangère à la mise en
œuvre de la représentation1107. Elle n’est, tout au plus, qu’une faute génératrice de
responsabilité. Doit-on en déduire que la Cour de cassation hésite sur le fondement
représentatif de la responsabilité du mandant ? Sans doute ! D’autant plus que d’autres
décisions vont dans le même sens.

1105
Il faut d’ailleurs préciser que cette décision est rendue au visa de l’article 1998 du Code civil. Or, nous avons
vu que le rapprochement entre ce texte et la représentation n’est pas si évident. Supra, n° 134 et s. et n° 142 et s..
Pour cette affaire, la référence à l’article 1998 est d’autant plus critiquable que ce texte ne vise que le domaine
des engagements contractuels alors que l’on se situe dans le cas présent en matière délictuelle.
1106
P.-Y. GAUTIER, note précitée.
1107
Monsieur GAUTIER formule la même réflexion à l’égard du profit retiré par le mandant. Selon l’auteur, il
« n’a rien à voir avec la représentation ». Sur ce point nous ne le suivrons pas totalement : si l’existence d’un
profit n’est, pas plus que l’état d’esprit du représenté, une condition d’application des effets de la représentation,
nous pensons toutefois que l’intérêt d’autrui permet parfois d’en délimiter le cadre. Infra, n° 542 et s..

261
450. Panorama jurisprudentiel1108. La solution que nous venons de présenter n’est
effectivement pas nouvelle ; il semblerait même qu’elle soit relativement ancienne. A notre
connaissance, la première décision évoquant l’hypothèse d’une responsabilité par
représentation date de la première moitié du XIXème siècle. Dans un arrêt rendu le 14 juin
1847, la Chambre des requêtes de la Cour de cassation affirme que les mandants « ne peuvent
argumenter de la disposition de l’article 1998 du Code civil pour rejeter les conséquences du
dol et de la fraude du mandataire »1109. Dans cette affaire, le liquidateur mandataire des
associés avait commis une fraude envers une compagnie d’assurance en exagérant sciemment
le montant du sinistre. Pour cette raison, ce tiers intente une action en nullité et en
responsabilité contre le mandant pour les faits commis par le mandataire. L’action étant
accueillie favorablement par la Cour royale de PARIS, les donneurs d’ordres se pourvoient en
cassation. Pour leur défense, ces derniers invoquent un dépassement de pouvoir et une
violation de l’article 1998 du Code civil. L’argument n’est pas retenu par les juges du droit
qui rappellent que « la société était engagée par le fait de son représentant »1110. Cinquante
années plus tard, cette solution est de nouveau consacrée par la même Chambre qui proclame
que « le mandant est responsable des conséquences préjudiciables des manœuvres du
mandataire agissant dans les limites de son mandat »1111 ou par la Chambre civile qui, dans
des termes similaires, affirme également qu’« un mandant peut, bien qu’il n’ait pas institué
son mandataire en vue d’une dissimulation frauduleuse, être déclaré responsable, envers un
tiers de bonne foi, du dol et de la fraude de son mandataire »1112.

451. Episodiquement, semblables décisions ont été rendues dans d’autres domaines que
celui privilégié du dol ou de la fraude1113. Dans un arrêt du 31 mars 1981 par exemple, la
première Chambre civile de la Cour de cassation confirme qu’une société d’assurance est
responsable « du dommage causé par la faute, l’imprudence ou la négligence de ses employés
ou mandataire »1114. Plus récemment, dans un arrêt en date du 15 février 20061115, la
troisième Chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « le syndicat des copropriétaires

1108
Les arrêts cités dans ce paragraphe seront analysés plus profondément dans des développements ultérieurs.
Infra, n° 453 et s..
1109
Req., 14 juin 1847 : D.P., 1847, 1, 332.
1110
Ibid..
1111
Req., 30 juillet 1895 : D.P., 1896, 1, 132.
1112
Civ., 4 décembre 1899 : S., 1900, 1, 311.
1113
La dimension subjective de la fraude ou du dol suggère d’ailleurs que l’hypothèse d’une responsabilité par
représentation soit étendue aux matières dans lesquelles cet aspect psychologique est absent. Nous reviendrons
sur ce point ultérieurement.
1114
Civ. 1, 31 mars 1981 - Bull. civ., 1981, I, n° 108.
1115
Civ. 3, 15 février 2006 : G.P., 2006, 3195.

262
[mandant] est responsable à l’égard des copropriétaires [tiers-cocontractant] des fautes
commises par le syndic, son mandataire, dans l’exercice de ses fonctions ». Dans cette affaire,
des travaux de remise en état, ayant été financés par une indemnité d’assurance versée au
syndicat des copropriétaires, étaient restés inachevés. Pour cette raison, le copropriétaire lésé
assigne le syndicat en responsabilité. La demande est rejetée par la Cour d’appel au motif «
qu’il n’était pas démontré que ce dernier ait commis une faute contractuelle à l’égard de ce
copropriétaire ». Sur le fondement de l’article 1998, l’arrêt est cassé par la Cour de
cassation1116.

452. Synthèse. La référence au mécanisme de la représentation et, par voie de conséquence,


l’affirmation d’un régime de responsabilité par représentation n’est toutefois pas évidente. Il
nous appartient donc, désormais, d’exposer plus précisément les raisons qui nous conduisent à
affirmer que la jurisprudence a consacré – implicitement mais sûrement – un régime de
responsabilité par représentation.

B- L’interprétation de la jurisprudence relative à l’hypothèse d’une responsabilité par


représentation

453. Les arguments en défaveur d’une responsabilité par représentation. L’ensemble


des décisions qui ont été présentées ont été rendues en matière de dol ou de fraude. Autrement
dit, la responsabilité du mandant a été constatée pour un fait délictuel du représentant, ce qui
pourrait signifier que les effets de la représentation peuvent s’étendre aux effets juridiques
d’un fait juridique1117. Néanmoins, pour plusieurs raisons, la présence du mécanisme de la
représentation demeure relativement discrète. En premier lieu, la référence à l’article 1998 du

1116
Pour d’autres applications voir not. : Com., 13 juin 1995 - Bull. civ., 1995, IV, n°175 (« Mais attendu que
retenant que le représentant de la venderesse chargé par l'établissement de crédit de proposer ses financements
aux clients potentiels, puis de les recommander à son approbation, n'est pas, pour la conclusion des contrats, un
tiers, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que les manœuvres dolosives de ce représentant, viciant le
consentement des clients, sont opposables à l'établissement (…) ») ; Com., 24 mai 1994 - Bull. civ., 1994, IV n°
184 : R.T.D. Civ., 1995, p. 99 (« Mais attendu, que retenant que le représentant de la venderesse ayant été
chargé par l'établissement de crédit de proposer ses financements aux clients potentiels, puis de les
recommander à son approbation, n'est pas, pour la conclusion des contrats, un tiers, la cour d'appel a décidé, à
bon droit, que les manœuvres dolosives de ce représentant, viciant le consentement des clients, sont opposables à
l'établissement (…) ») ; Com., 27 novembre 1972 : G.P., 1973, I, 259, note G. DELAISI (« Attendu qu’en l’état
actuel de ces constatations et appréciations, la Cour d’appel qui n’a commis aucune dénaturation, a pu décider
que la responsabilité de la société [le mandant] a été engagée par les agissements dolosifs de ses représentants
(…) ».
1117
Sans qu’il soit besoin, d’ailleurs, de considérer que le fait juridique doive constituer l’objet de la mission de
représentation, ce qui, juridiquement, est inadmissible.

263
Code civil obscurcit l’identification du fondement juridique de cette solution et rend difficile
l’établissement du lien entre la responsabilité du mandant et la représentation. En effet, lors de
développements précédents, nous avons exposé l’inutilité de l’assimilation de ce texte à cette
technique juridique1118. L’obligation du mandant « d'exécuter les engagements contractés par
le mandataire » se justifie principalement, à notre sens, par le principe de la force obligatoire
qui impose à tout cocontractant de respecter ce qu’il a promis. Cela étant, l’inutilité de
l’article 1998 du Code civil n’est pas admise par tous. Au contraire, pour la plupart des
auteurs, nous avons vu que cette disposition constituait le siège de la représentation1119.
Autrement dit, il est impossible, sur le fondement de ce seul argument, d’exclure tout à fait
que, dans l’esprit des magistrats de la Cour de cassation, la représentation du mandant par le
mandataire ne constitue par le fondement de la responsabilité du mandataire.

454. Un second argument, en revanche, semble plus difficilement conciliable avec


l’hypothèse d’une responsabilité par représentation du mandant. La référence à certains
aspects du comportement du mandant, en second lieu, évoque plutôt l’hypothèse d’une
responsabilité personnelle du mandant envers les tiers. Il lui est ainsi reproché d’avoir choisi
imprudemment le mandataire1120, d’avoir eu connaissance du caractère fallacieux des
informations que l’agent transmet au tiers1121 ou, encore, d’avoir un intérêt personnel au
comportement répréhensible du représentant1122. Or, aucun de ces éléments n’est
fondamentalement utile à la mise en œuvre des effets de la représentation. Pour autant,
l’hypothèse d’une responsabilité personnelle du mandant est toute aussi incertaine, d’une part,
parce qu’aucun renvoi en ce sens n’est exprimé, d’autre part, parce que le comportement qui
lui est reproché n’est pas nécessairement constitutif d’une faute civile au sens de l’article
1382 du Code civil. Il en va ainsi de la présence d’un intérêt du mandant qui justifie sa
responsabilité personnelle à l’exclusion de celle du mandataire, alors même que cet élément
est indifférent à la mise en œuvre de la responsabilité du fait personnel.

455. Les arguments en faveur d’une responsabilité par représentation. A l’inverse,


d’autres éléments vont plus clairement dans le sens d’une responsabilité par représentation, à

1118
Supra, n° 142 et s ..
1119
Supra, n° 112 et s..
1120
Voir par exemple Req., 14 juin 1847, arrêt précité : « Attendu que (…) il est non moins certain que les
associés sont responsables du choix qu’ils ont fait de ce mandataire ».
1121
Voir, par exemple, Req., 30 juillet 1895, arrêt précité : « Attendu que la Compagnie [le mandant] (…)
connaissant leurs manœuvres dolosives, non seulement elle n’a pas protesté, mais les a approuvées dans ses
assemblées générales (…) ».
1122
Voir par exemple Civ. 3, 29 avril 1998, arrêt précité : « Attendu que (…) la SCI (…) avait bénéficié du dol ».

264
commencer par les références nombreuses à l’absence de dépassement de pouvoir1123. L’on se
souvient, en effet, que le lien entre le pouvoir et la représentation est fréquent1124, et qu’il ne
peut y avoir de représentation sans l’octroi initial d’un pouvoir1125. Or, la théorie de la
représentation justifie l’effacement du représentant lorsque ce dernier est resté dans les limites
du pouvoir donné. A cet égard, il faut souligner que les différentes décisions citées constatent
la responsabilité du mandant envers le tiers, mais ne se prononcent pas sur celle du
mandataire. Autrement dit, aucun élément ne permet de démontrer que le mandataire « aurait
dépassé les limites des pouvoirs de représentation conférés par le mandant »1126, ce qui
accrédite la responsabilité du seul mandant1127.

456. Par ailleurs, seul l’effacement du mandataire au regard de la théorie de la


représentation explique pourquoi le dol du mandataire a pu être considéré comme étant celui
du mandant. En effet, en imaginant même que les juges aient souhaité, en citant l’article 1998
du Code civil, faire référence au mécanisme de la représentation, ce texte, qui exprime
l’effacement du mandataire à propos des « engagements contractés par le mandataire »1128,
n’explique en rien l’effacement de l’intermédiaire au moment de la conclusion du contrat et,
plus généralement, lors de la période précontractuelle. Or, la question réellement posée aux
juges du droit dans les différentes espèces énoncées était de déterminer si le mandataire était
véritablement un tiers par rapport au mandant. Autrement dit, il s’agissait de savoir si l’on
assiste, ou non, à l’effacement du mandataire. L’on sait, en effet, que le dol doit en principe
émaner du seul cocontractant. En raison du contexte de représentation, le mandant est le
cocontractant et le mandataire l’auteur matériel. En dépit de cette organisation, le mandant
voit sa responsabilité engagée : c’est dire que le mandataire n’est pas un véritable tiers par
rapport au mandant, c’est assimiler le dol de l’un au dol de l’autre.

457. Pourtant, au regard du caractère intentionnel du dol, il aurait pu apparaître choquant


d’admettre la responsabilité d’un individu chez qui cette intention de tromper n’est pas

1123
Dans l’ensemble des arrêts que nous avons cités, il est fait allusion de ce dépassement de pouvoir
qu’invoquent les différents mandants pour échapper leur responsabilité. Mais, ainsi que le relève Monsieur
GAUTIER, ces mandataires ont « mal agi pour bien faire ». Autrement dit, c’est dans le respect de la volonté du
donneur d’ordre que l’intérêt du mandant est valorisé… aux dépens du malheureux tiers.
1124
Supra, n° 66 et s ..
1125
Ibid..
1126
Civ. 3, 29 avril 1998, arrêt précité. Mais toutes les espèces précitées comportent une mention analogue.
1127
A contrario, lorsque les limites de la mission sont dépassées, le mandant n’est pas responsable des fautes
commises par le mandataire. Voir notamment : Civ., 24 février 1930 : G.P., 1934, 1, p. 654 ; Civ., 24 février
1934 : G.P., 1934, 1, p. 654 ; Crim., 3 mai 1940 : G.P., 1940, 2, p. 28. Mais nous aurons l’occasion de revenir sur
ce point très prochainement. Infra, n° 539 et s..
1128
Article 1998 du Code civil. Nous soulignons.

265
nécessairement relevée. C’est la raison pour laquelle il nous semble possible de considérer,
qu’en dépit d’un contentieux principalement limité au dol et à la fraude, la jurisprudence ne se
limite pas exclusivement à cette matière1129. En effet, si les juges acceptent de reconnaître la
responsabilité du mandant en un domaine où la dimension subjective est primordiale, cela
suggère qu’ils y soient d’autant plus enclins lorsque celle-ci ne se vérifie pas. Dans un arrêt
rendu le 31 mars 1981 par la première Chambre, la Cour de cassation va d’ailleurs en ce sens
en affirmant, en présence d’une faute ordinaire de l’intermédiaire, qu’une société d’assurance
est responsable « du dommage causé par la faute, l’imprudence ou la négligence de ses
employés ou mandataire »1130.

458. Synthèse. Les développements qui précèdent ont montré que le droit positif n’ignore
pas tout à fait le mécanisme de la responsabilité par représentation, même s’il n’est pas
reconnu ouvertement. En substance, la responsabilité par représentation existe donc bel et
bien dans notre droit positif. Cette hypothèse est par ailleurs corroborée par certains travaux
qui attestent que la doctrine elle–même n’y est pas fondamentalement opposée.

§2- L’accueil mitigé d’une responsabilité par représentation en doctrine

459. L’accueil mitigé de la responsabilité par représentation dans la doctrine du


XIXème et du début du XXème siècle. L’éventualité d’une responsabilité par représentation du
mandant pour une faute commise par le mandataire a été envisagée par la doctrine, tantôt avec
enthousiasme, tantôt avec circonspection. Si certains auteurs l’admettent, d’autres n’y
adhèrent absolument pas. Ainsi, au XIXème siècle, Charles DEMOLOMBE écrivait que la partie
représentée « ne sera pas tenue des dommages et intérêts qui pourraient être dus par le
mandataire en raison du dol commis par lui, car ce dol lui est personnellement imputable, et
la partie qui ne lui avait pas donné mandat pour le commettre, n’a pas été représentée par lui
dans la perpétration de son dol »1131. A la même époque, Albert TISSIER affirmait, à propos
de l’arrêt rendu le 15 juin 1898 par la Chambre civile de la Cour de cassation que « le
principe de la représentation [doit entraîner] (…) l’obligation de subir les effets du dol de

1129
Cet aspect sera analysé plus en profondeur lors de développements relatifs aux conditions de mise en œuvre
de la responsabilité par représentation. Infra, n° 532 et s..
1130
Civ. 1, 31 mars 1981 - Bull. civ., 1981, I, n° 108.
1131
C. DEMOLOMBE, Des contrats ou des obligations conventionnelles en général, Tome 1, BRUXELLES, J.
Stiénon, 1868, n° 187, p. 32.

266
leurs mandataires, tant au point de vue de la nullité de l’acte que de la réparation du
préjudice causé »1132.

460. Au cours de la première moitié du XXème siècle, AUBRY et RAU consentaient à la


recevabilité d’une action en nullité lorsque le mandataire avait extorqué par dol le
consentement du tiers, tout en s’opposant à ce « que la partie représentée [soit] responsable
des dommages et intérêts à raison du dol commis par ce dernier »1133. Dans le même temps,
PLANIOL, RIPERT et SAVATIER commencèrent par affirmer que « le principe de la
représentation n’existe que pour les engagements volontairement pris par le mandataire, non
pour ses délits et quasi-délits »1134 tout en expliquant que cette règle supportait de nombreuses
exceptions, notamment dans l’hypothèse d’instructions vicieuses ou lorsqu’un « un contrat est
obtenu par le dol du mandataire »1135. Dans ce cas de figure, « on admet que la
représentation du mandant par le mandataire s’applique au dol (…) »1136.

461. Pour ces auteurs, ce régime particulier qui permet l’extension de la représentation à un
fait juridique, se justifie par le caractère indissociable qui existe entre le dol et le contrat1137.
Mais, cela est sans doute vrai, également, pour tous les faits du mandataire qui ont été
accomplis dans les limites de la mission qui lui a été confiée. Autrement dit, cette solution
devrait pouvoir être étendue à tous les faits juridiques qui présentent un lien inséparable avec
le pouvoir de représentation.

462. L’accueil mitigé de la responsabilité par représentation dans la doctrine


contemporaine. Aujourd’hui encore, la doctrine est très partagée sur la question. En effet,
certains auteurs s’y opposent catégoriquement. Madame COHET-CORDEY, par exemple, refuse
l’éventualité d’une responsabilité par représentation parce qu’elle « n’a pas trait à un acte
juridique accompli par le mandataire (…) mais à un fait juridique »1138. Monsieur MESTRE,
également, y semble plutôt hostile puisque, s’il admet que le mandant endosse les
conséquences du dol du mandataire, c’est à la condition que « le mandant ait lui-même
quelque chose à se reprocher »1139. A l’inverse, une autre portion de la doctrine se prononce

1132
A. TISSIER, note sous Civ., 15 juin 1898 : S., 1899, 1, p. 210.
1133
C. AUBRY et C. RAU, Cours de droit civil français d’après la méthode de Zacharie, Tome 4, Les obligations,
par E. BARTIN, PARIS, Éditions Techniques, 6ème édition, 1942, § 243 bis, p. 444, note 28.
1134
M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français - Contrats civils, 2ème partie, par A.
ROUAST, R. SAVATIER, J. LEPARGNEUR, A. BESSON, Tome 11, L.G.D.J, 1954, spéc. n° 1502, p. 954.
1135
Ibid., spéc. n° 1502, p. 955.
1136
Ibid..
1137
Ibid..
1138
F. COHET-CORDEY, note précitée sous Civ. 3, 29 avril 1998.
1139
J. MESTRE, note précitée sous Civ. 3, 29 avril 1998.

267
dans des termes plutôt favorables. Il en va ainsi des professeurs MALAURIE, AYNES et
GAUTIER qui constatent qu’en conséquence du principe de la représentation, le mandant « se
trouve engagé, même par le dol de son mandataire »1140. De même, Monsieur GAUTIER écrit,
à propos de l’arrêt rendu le 29 avril 1998 par le 3ème Chambre civile de la Cour de cassation,
que les effets de la représentation n’exigent nullement, pour se produire, la constatation de la
connaissance éventuelle par le mandant du dol du mandataire ou du bénéfice retiré par le
maître de l’affaire. « En d'autres termes, », conclut l’auteur, « c'est la pure technique de la
représentation qui produit le résultat de l'engagement du mandant, pas son éventuelle
complicité, mâtinée de responsabilité civile »1141.

463. La profonde discorde qui existe en doctrine à propos de l’existence d’une


responsabilité par représentation du mandant pour les dommages causés par le mandataire lors
de l’exécution de sa mission n’est pas très surprenante. Elle trouve sa justification dans le lien
traditionnel qui unit la représentation à l’acte juridique1142. Pourtant, les arrêts que nous avons
cités précédemment évoquent très clairement l’extension des effets juridiques de la
représentation au fait juridique1143. Dès lors, cette contradiction manifeste entre ces quelques
éléments de droit positif et la théorie de la représentation nous invite à prendre le problème de
la représentation autrement. Cela afin de démontrer l’existence d’un régime de responsabilité
par représentation en droit français.

1140
PH. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux, ouvrage précité, n° 570, p. 317.
1141
P.-Y. GAUTIER, note précitée sous Civ. 3, 29 avril 1998.
1142
Supra, n° 110 et s..
1143
Supra, n° 453 et s..

268
Section 2 – L’approche théorique : la démonstration de l’existence d’une
responsabilité par représentation en droit positif

465. Plan. La réception de la responsabilité par représentation du mandant pour les faits de
son mandataire par la jurisprudence semble certaine, malgré le lien classique qui existe entre
la représentation et l’acte juridique. La confirmation de son existence (§2) commande
toutefois l’adoption d’une approche nouvelle de la théorie de la représentation (§1).

§1- Le renouvellement de la notion de représentation

466. Plan. La conception de la technique représentative étant classiquement enfermée dans


le carcan de l’acte juridique, l’influence de ce mécanisme sur la responsabilité délictuelle est
quasi inexistante. Aussi, il convient de se débarrasser de cette limite qui nous semble
critiquable (A) afin d’appréhender plus largement les effets de la représentation (B). De cette
manière, il sera possible d’envisager la présence d’un régime de responsabilité par
représentation au sein du droit de la responsabilité civile.

A- La critique de la théorie classique de la représentation

467. Présentation de la théorie classique de la représentation. En apparence, les


contours de la représentation semblent relativement bien connus : la représentation est le
mécanisme par lequel « une personne investie d’un pouvoir (…) accomplit, au nom et pour le
compte d’une autre, un acte juridique dont les effets se produisent directement sur la tête du
représenté »1144. Selon cette définition, la représentation apparaît cantonnée à l’acte juridique.
Cela signifie qu’il ne peut y avoir recours à ce mécanisme juridique si l’acte en cause n’a pas
vocation à faire naître des effets de droit, c’est-à-dire des obligations puisque, selon une

1144
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité.

269
interprétation majoritaire depuis le XVIIème siècle « le principal effet du contrat, c’est
l’obligation … »1145.

468. Dans l’ensemble, cette acception de la représentation varie assez peu et les définitions
proposées1146 sont relativement peu diversifiées1147. Il est tout à fait remarquable, en effet, que
la plupart des formulations choisies par la doctrine présentent cette même particularité
d’intégrer, dans la définition de la représentation, les effets qu’elle engendre. De ce fait, les
effets juridiques – c’est-à-dire le régime applicable – est indissociable du contenu de la
notion. Plus précisément, ce sont les effets juridiques qui permettent la qualification de
représentation, le contenu de la notion et les effets qu’elle fait naître n’ayant alors aucune
autonomie intellectuelle. Or, en principe, c’est la qualification juridique d’une situation qui
permet l’attribution du régime de droit adéquat, et non l’inverse.

469. Les insuffisances de la théorie classique de la représentation. C’est donc une


définition bancale qui est proposée, l’inconvénient de cette présentation étant de faciliter une
vision elle-même inachevée et incomplète des effets de la représentation. En effet, plusieurs
signes laissent penser que le lien systématique qui est effectué entre la représentation et l’acte
juridique est abusif. Le plus évident réside dans l’existence d’une jurisprudence équivoque,
mais néanmoins appuyée, d’une responsabilité par représentation1148. En effet, dans ces arrêts,
les juges ont retenu la responsabilité d’un mandant pour un fait juridique commis par le
mandataire (plus précisément, un dol, une fraude ou une négligence fautive), ce qui signifie
que la Cour de cassation n’a pas hésité à étendre les effets de la représentation en dehors de
l’acte juridique. De cette manière, elle porte un coup fatal à l’affirmation selon laquelle la
représentation et l’acte juridique sont indissociables.

470. Cette restriction repose toutefois sur de solides arguments. Le problème de la


représentation étant de rechercher comment les effets de l'acte effectué par le représentant se

1145
F. HELO, La jurisprudence française, Tome 2, E. Loyson, 1665, p. 122. Dans le même sens voir par exemple
J. GHESTIN, CH. JAMIN ET M. BILLIAU, Traité de droit civil - Les effets du contrat, op. cité, n° 737, p. 793 ; PH.
MALAURIE, L. AYNES, PH. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, op. cité, n° 1335, pp. 768 et s. ; J. FLOUR, J.-L.
AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations – L’acte juridique, op. cité, n° 439, p. 391.
1146
Voir par exemple J. GHESTIN, CH. JAMIN ET M. BILLIAU, Traité de droit civil -, Les effets du contrat, op. cité,
n° 737, p. 793 ; PH. MALAURIE, L. AYNES, PH. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, op. cité, pp. 768 et s. ; J.
FLOUR, J.-L. AUBERT ET E. SAVAUX, Les obligations – L’acte juridique, op. cité, n° 439, p. 391.
1147
Sauf l’exception notable de la représentation imparfaite qui, pour certains auteurs, est une espèce du genre
représentation. Pour autant ces auteurs ne donnent pas une définition de la représentation, ils se contentent de
démontrer que suivant les situations les effets seront plus ou moins immédiats. PH. LE TOURNEAU, « Mandat »,
in Répertoire Civil, Dalloz, spéc. n° 59 ; J. GHESTIN, CH. JAMIN et M. BILLIAU, Traité de droit civil - Les effets
du contrat, op. cité, p. 793 ; PH. MALAURIE, L. AYNES, PH. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, op. cité, pp. 768 et
s. ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations – L’acte juridique, op. cité, n° 439, p. 391.
1148
Supra, n° 448 et s..

270
produisent dans le patrimoine du représenté, encore faut-il que des effets juridiques soient
constatés. Or, « lorsqu’il s’agit d'un acte matériel, il n'y a pas à déterminer, comme pour les
actes juridiques, comment l’acte accompli par le représentant produira ses effets au profit et
à l'encontre du représenté »1149. Ainsi, à la suite de JHERING1150, le droit français semble avoir
assimilé cette doctrine allemande1151 selon laquelle la représentation suppose un acte
juridique. Toujours, selon JHERING, « toute action n’est pas un acte juridique » et « l’on ne
peut donner ce nom qu’à celles qui ont des effets juridiques. Mais tout ce qui est accompli
dans l’acte juridique lui-même ou à son occasion n’est pas de nature juridique (…). C’est sur
cette distinction que repose toute la notion de représentation, car le représentant se distingue
de l’aide précisément par cette circonstance que sa coopération est de nature juridique »1152.

471. Pour plusieurs raisons, cette vision est toutefois largement erronée. D’un côté, il est
faux de dire que seuls les actes juridiques font naître des obligations. A cet égard, le fait
juridique est certainement la meilleure illustration. Si la représentation d’un fait juridique ne
se conçoit pas1153, la question de l’imputation des effets de droit du fait juridique doit être
posée, d’autant plus qu’« il arrive que les effets d’un fait juridique aient été voulus »1154,
parfois même sur l’ordre du mandant1155. A l’inverse, il arrive « que ceux d’un acte juridique
ne l’aient pas été »1156. Pour ceux-ci, la difficulté est moindre. Par application de l’article
1135 du Code civil qui dispose que « les conventions obligent non seulement à ce qui est
exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation
d’après sa nature », le consentement1157 du contractant recouvre également ces obligations
non voulues. Par ailleurs, il existe aussi des actes matériels qui modifient, dans une certaine
mesure, les rapports entre les individus. Il s’agit principalement des négociations de
contrat1158 qui, lorsqu’elles ne sont encadrées par aucun cadre juridique contraignant, placent

1149
CH. LARROUMET, Les obligations - le contrat, sous la direction de CH. LARROUMET, Tome III, Economica,
coll. Droit civil, 5ème édition, spéc. n° 154, p. 136.
1150
JHERING, cité par PH. DIDIER, De la représentation en droit privé, op. cité, spéc. n° 151, p. 106.
1151
Pour une analyse critique de ce lien systématique entre la représentation et l’acte juridique voir en particulier
PH. DIDIER, ibid., spéc. n° 151 et s., pp. 106 et s..
1152
JHERING, op. cité.
1153
Sur ce point voir not. M. STORCK, Essai sur le mécanisme de la représentation dans les actes juridiques,
thèse précitée, spéc. n° 260 et s., pp. 195 et s. ; PH. DIDIER, op. cité.
1154
C. GRIMALDI, Quasi-engagement et engagement en droit privé : recherches sur les sources de l'obligation,
thèse précitée, spéc. n° 50, p. 21.
1155
Supra, n° 348 et s..
1156
Ibid..
1157
Nous verrons ultérieurement que le consentement n’est autre que le critère véritable de l’acte juridique.
1158
La qualification juridique des pourparlers pose toutefois question. S’agit-il d’un acte juridique ou n’est
encore qu’un acte matériel ? En l’absence de contrat définitivement formé, cette seconde alternative semble
s’imposer. Pour une certaine partie de la doctrine, cette solution ne va pourtant pas de soi.

271
néanmoins les futurs (éventuels) cocontractants en « liberté surveillée »1159. D’un autre côté,
certains actes juridiques ne font naître aucune obligation et n’ont pour d’autre objet que de les
transférer (cession de créance) ou même de les éteindre (remise de dette, paiement). Doivent-
ils être exclus du domaine de la représentation ? A l’évidence, cette option est critiquable et
n’est d’ailleurs pas mise en œuvre par le droit positif. En vertu de l'article 1239 du Code civil,
par exemple, le paiement peut être fait au créancier « ou à quelqu'un ayant pouvoir de lui, ou
qui soit autorisé par justice ou par la loi à recevoir pour lui » ; de même, d’après l’article
1988 du Code civil, le mandat de vente (ou, selon les termes exacts, le mandat d’aliéner) est
valable s’il est exprès1160 alors même que l’objet de ce contrat est « seulement » de transférer
un droit de propriété.

Au tout début du XXème siècle, SALEILLES exprimait déjà l’idée selon laquelle « il y a quelque chose
d’artificiel et d’insuffisant, (…), à n’attribuer de valeur juridique qu’à l’acte juridique proprement dit, au sens
étroit du mot ». (Nous soulignons.) « Dans la réalité », poursuit l’auteur, « les parties ne distinguent pas, ou du
moins ne le font-elles que très insuffisamment, le fait de rédiger un projet définitif et de l’adresser à l’une
d’elles, du fait d’en consentir successivement, et sous réserve de retrait éventuel, chacun des points essentiels ».
Il termine en rappelant que les négociations d’un contrat « constituent déjà un fait ayant une valeur juridique,
non pas une valeur décisive, constituant une manifestation concrète et définitive, comme ce sera le cas d’une
déclaration de volonté proprement dite, mais n’en présentant pas moins un rapport de caractère juridique déjà
existent et établi entre les parties ». R. SALEILLES, « De la responsabilité précontractuelle à propos d’une étude
nouvelle sur la matière », R.T.D. Civ., 1907, pp. 697 et s., spéc. p. 712. Dans la droite ligne de SALEILLES,
EISENMANN proposa ainsi une définition étendue de l’acte juridique qu’il nomme « acte-opération juridique ».
Selon l’auteur, cet acte juridique se conçoit comme « la totalité des faits et gestes qui sont accomplis ou requis
pour aboutir à l’édiction d’une norme juridique ». CH. EISENMANN, Cours de droit administratif, Tome I,
PARIS, L.G.D.J., 1982, spéc. p. 400. Messieurs GHESTIN, BILLIAU et JAMIN, à leur tour, ont adopté une
démarche similaire. Ils considèrent ainsi que « la réalisation d’actes juridiques est susceptible de participer
d’ores et déjà à la conclusion de l’acte juridique ». J. GHESTIN, CH. JAMIN et M. BILLIAU, Traité de droit civil -
Les effets du contrat, op. cité, spéc. n° 929, p. 999.
Parfois, certains auteurs assimilent la phase de négociations à l’offre contractuelle (P. GOTHOT, « Les
pourparlers contractuels » in La renaissance du phénomène contractuel – Centre droit et vie des affaires de
Liège, 1971, p. 21) qu’ils qualifient expressément d’acte juridique. (En ce sens voir J.-M. LELOUP, Agents
commerciaux : statuts juridiques, stratégies professionnelles, Delmas, 6ème édition, 2005, spéc. n° 335, p. 55.)
Sur la qualification juridique de l’offre de contracter voir, en particulier, la thèse de Jean-Luc AUBERT, Notions
et rôles de l'offre et de l'acceptation dans la formation du contrat, préface de J. FLOUR, L.G.D.J., coll.
Bibliothèque de droit privé, Tome 109, 1970, spéc. pp. 123 et s.. L’auteur propose une subtile distinction entre
l’offre adressée à personne déterminée comportant un délai et les autres offres. Voir également J. CARBONNIER,
qui présente les difficultés relatives à la qualification de l’offre de contracter : Droit civil – Les obligations,
ouvrage précité, spéc. n° 28, pp. 75-76. Plus critique voir N. DISSAUX, La qualification d’intermédiaire dans les
relations contractuelles, thèse précitée, spéc. n° 265 et s., pp. 123 et s..)
A notre sens, cette confusion est contestable car « pourparlers et offre correspondent à des "périodes
juridiques différentes" ». (B. LASSALES, « Les pourparlers », Revue de la recherche juridique – Droit prospectif,
1994 – 3, pp. 825 et s., spéc. p. 826.) En effet, l’offre est au moins un engagement juridique unilatéral obligeant
son auteur alors que les pourparlers sont constitués, plus généralement, d’une succession d’actes. Quelle que soit
la qualification retenue à propos des négociations contractuelles, il n’en reste pas moins qu’il est absolument
certain qu’elles vont créer, entre les parties, un certain rapport juridique. (En ce sens voir not. J. CARBONNIER,
Droit civil – Les obligations, ouvrage précité, spéc. n° 28, pp. 76 – 77 ; D. MAZEAUD , « La genèse des contrats :
un régime de liberté surveillée », Revue Droit et patrimoine, juill.-août 1996, pp. 44 et s..)
1159
D. MAZEAUD , op. cité, p. 44. L’auteur démontre que cette période précontractuelle, loin d’être un « no
man’s land juridique » et est au contraire fortement réglementée par le droit.
1160
Pour un exemple de mandat de vente voir Civ. 1, 6 juillet 2000 – Bull. civ., 2000, I, n° 209.

272
472. En réalité, par application du principe de l’autonomie de la volonté, il est inutile
d’invoquer la technique représentative dans toutes les hypothèses où l’effet juridique prend sa
source dans un acte juridique. Non seulement, l’article 1998 du Code civil rappelle que « le
mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire » ; mais surtout, la
règle de la force obligatoire du contrat suffit à expliquer et imposer le lien contractuel entre
les seules parties extrêmes. En d’autres termes, le lien entre la représentation et l’acte
juridique créateur d’obligation(s) est à la fois inutile et incomplet, dans le cadre de la
représentation conventionnelle du moins. En revanche, lorsque l’effet juridique est
involontaire, le problème reste ouvert : doit-il être rattaché à l’activité personnelle de
l’intermédiaire ou à la mission confiée par le donneur d’ordre ? Les limites de la théorie
classique de la représentation ne permettant pas de répondre à cette question, il nous
appartient de revisiter la notion.

B- La conception nouvelle : le lien juridique obligatoire

473. Plan. Les insuffisances que nous avons relevées nous conduisent à envisager les effets
de la représentation comme la création d’un lien juridique obligatoire sur lequel s’imputerait
l’ensemble des effets juridiques nés de l’action du représentant. Avant de montrer que cette
analyse peut effectivement être suivie (2), nous allons brièvement la présenter (1).

1- La présentation du lien juridique obligatoire

474. Définition du lien juridique obligatoire. La définition de la représentation la plus


couramment retenue est celle selon laquelle une personne est engagée par les actes conclus en
son nom et pour son compte par une autre personne1161. Cette conception de la représentation
nous semble trop réductrice. Pour cette raison, nous préférons la définir plus simplement
comme la technique juridique par laquelle un agent agit au nom et pour le compte d’une
autre personne. Ainsi déconnectée de ses effets, la définition proposée va nous permettre
d’envisager une analyse plus large de ses conséquences juridiques et, parmi elles, l’attribution
1161
Voir par exemple J. GHESTIN, CH. JAMIN ET M. BILLIAU, Traité de droit civil - Les effets du contrat, op. cité,
n° 737, p. 793 ; PH. MALAURIE, L. AYNES, PH. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, op. cité, spéc. n° 808 et s., pp.
415 et s. ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations – L’acte juridique, op. cité, n° 439, p. 391.

273
de la responsabilité civile. Il sera alors possible d’étudier de plus près l’impact de la
représentation sur le régime d’un contrat représentatif et, en particulier, sur celui du mandat.

475. Indépendamment de ses effets juridiques, nous savons que la représentation entraîne la
création d’un lien direct et immédiat entre le patrimoine du représenté et celui du tiers
cocontractant1162. De cette manière, le donneur d’ordre peut exiger directement du tiers qu’il
s’exécute, et réciproquement. En revanche, ce que nous ignorons, c’est le champ d’application
de ce lien juridique : doit-il être enfermé dans les effets juridiques précisément recherchés et
envisagés par les parties ? Peut-il, au contraire, être élargi à toutes les conséquences juridiques
consécutives à l’action du représentant, qu’elles aient été expressément définies ou non par les
parties au contrat de mandat ? Nous avons déjà démontré ce que le lien systématique entre le
contrat et la représentation avait d’inutile et d’incomplet1163, raison pour laquelle nous
privilégierons la seconde proposition qui nous semble, par ailleurs, plus fidèle à l’esprit de la
représentation.

476. Conséquences : la possibilité de la responsabilité par représentation ? Si cette


analyse se vérifiait, la définition des effets juridiques devrait être reformulée. Actuellement,
on exprime l’idée d’une imputation dérogatoire ou d’une déportation des effets juridiques1164 ;
nous lui préférons celle de « création d’un lien juridique obligatoire »1165 entre deux
individus. Dès lors qu’une situation de représentation serait reconnue, un lien juridique se
créerait immédiatement entre les deux parties extrêmes, à condition, bien sûr, que les
conditions constitutives de la représentation soient réunies1166. Sur ce lien se grefferaient, non
pas les seules obligations nées du contrat, mais toutes les conséquences juridiques nées de
l’action du représentant et dont elles sont indissociables. Néanmoins, pour échapper à
certaines dérives ou éviter de trop lourds engagements à la charge du représenté, la naissance
de ce lien juridique serait subordonnée à la vérification de certaines conditions1167. A notre
connaissance, l’hypothèse d’une responsabilité civile par représentation n’a jamais été
avancée en Doctrine1168. Si certains auteurs n’ont pas exclu la possibilité d’étendre les effets

1162
Supra, n° 467 et s..
1163
Supra, n° 134 et s. et n° 142 et s..
1164
PH. DIDIER, thèse précitée, spéc. n° 167 et s., pp. 117 et s..
1165
Sur la distinction entre la force obligatoire et le contenu obligationnel du contrat voir P. ANCEL, « Force
obligatoire et contenu obligationnel du contrat », R.T.D.Civ., 1999, pp. 771 et s..
1166
A titre de rappel, il s’agit la délivrance d’un pouvoir par le représenté (ou par l’autorité habilitante), de
l’intention de représenter par le représentant et de la déclaration de représentation auprès du tiers.
1167
Infra, n° 532 et s..
1168
Sauf en ce qui concerne la responsabilité civile des personnes morales, un auteur a déjà utilisé cette
expression : S. MESSAI-BAHRI, La responsabilité civile des dirigeants sociaux, op. cité.

274
de la représentation au fait juridique1169, jamais cette voie n’a été explorée en profondeur.
Toutefois, avant d’être validée, cette analyse mérite d’être vérifiée et précisée.

2- La réalité du lien juridique obligatoire

477. Le critère du lien obligatoire : le consentement du mandataire. Parce que l'acte


juridique serait le seul événement créateur d'obligations voulues par les parties, le mécanisme
de la représentation s'y est généralement limité1170. Nous venons de voir ce que cette
conception avait d'inexact. Non seulement l'acte juridique n'est pas le seul événement créateur
d'obligations ; mais encore, les conséquences qui en découlent ne sont pas nécessairement
voulues alors que celles qui proviennent d'un fait juridique le sont parfois 1171. Parallèlement,
la jurisprudence met ponctuellement à la charge du mandant les conséquences de certains faits
juridiques commis dans le cadre de la mission dévolue au mandataire1172. Il faut alors
admettre que ce n'est pas la seule volonté du représenté qui constitue le critère de son
engagement1173 à l’égard du tiers… et l’absence d’engagement du représentant envers le tiers
cocontractant. En d’autres termes, la volonté, à elle seule, est insuffisante à déterminer
l’existence d’un lien obligatoire entre les parties extrêmes.

478. L’erreur communément admise est de rechercher la cause de ce lien direct au moment
de la conclusion du second contrat1174. Or, à notre sens, lorsque la représentation est de nature

1169
PH. DIDIER, op. cité.
1170
Supra, n° 110 et s..
1171
C’est l’hypothèse, par exemple, de la faute intentionnelle, de la rupture abusive de négociation, du
mensonge.
1172
Nous l’avons vu, notamment, au travers de la jurisprudence évoquant l’existence d’un mécanisme de
responsabilité par représentation. Supra, n° 448 et s..
1173
Selon Madame TODOROVA, « l’engagement constitue une variété de cause efficiente de la contrainte
juridiquement effective ». L. TODOROVA, L’engagement en droit, PARIS, 2007, spéc. p. 55. Sur la notion
d’engagement voir également C. GRIMALDI, Quasi-engagement et engagement en droit privé : recherches sur les
sources de l'obligation, thèse précitée, spéc. n° 45 et s., pp. 19 et s..
1174
Cette confusion est particulièrement perceptible dans les travaux relatifs à l’identification du fondement de la
représentation : de nombreuses analyses doctrinales s’attachent en effet à rechercher un ersatz de volonté à
travers celle exprimée par le représentant. (Pour une présentation détaillée voir M. STORCK, Essai sur le
mécanisme de la représentation dans les actes juridiques, thèse précitée, n° 109 et s., pp. 81 et s. ; N. DISSAUX,
La qualification d’intermédiaire dans les relations contractuelles, thèse précitée, pp. 180 et s. ; J. GHESTIN, CH.
JAMIN ET M. BILLIAU, Traité de droit civil - Les effets du contrat, op. cité, n° 926 et s., pp. 990 et s. ; G. WICKER,
Les fictions juridiques - Contributions à l’analyse de l’acte juridique, op. cité, n° 50 et s., pp. 60 et s..)
Si l’on en croit les nombreuses thèses qui lui ont été consacrées, le fondement de la représentation serait
introuvable. A notre sens, cet échec s’explique justement par la méthode suivie : la plupart de ces ouvrages
s’attachent à décrire « comment » et non « pourquoi ».

275
contractuelle, la cause de ce lien doit être identifiée en aval, c’est-à-dire dès la conclusion du
contrat de représentation, en l’occurrence, le mandat. En effet, comme le souligne très
justement le Professeur BENABENT, le mandat est un contrat à « double détente »1175, c’est-à-
dire qu’il a pour objet, ab initio, la conclusion d’un second contrat dont les effets juridiques
doivent naître directement et automatiquement dans le patrimoine du mandant. C’est donc dès
la formation du mandat qu’il convient de rechercher la cause de ce lien direct entre les parties
extrêmes et l’engagement du mandant envers le tiers.

479. Or, « en matière d'actes juridiques, la volonté (phénomène psychologique) à la


différence du consentement (phénomène juridique) est insuffisante à produire des effets

Historiquement, les plus anciennes sont les thèses dites subjectivistes, c'est-à-dire celles qui se réfèrent à
la volonté pour expliquer les effets de la représentation. D’une théorie fondée sur une expression fictive de la
volonté, à l’expression d’une collaboration entre les parties à la représentation, le panel des déclinaisons de cette
analyse est large. Leur point commun est d’essayer de montrer « comment », au moment précis de la conclusion
du second contrat, la volonté du représenté s’exprime.
La substitution de thèses objectives aux thèses subjectives n’a pas permis de contourner cet écueil : de
la même manière, la plupart s’attache à démonter « comment » le représenté intervient à l’acte, malgré son
absence physique. Monsieur STORCK (Essai sur le mécanisme de la représentation dans les actes juridiques,
thèse précitée), par exemple, proposa d’analyser l’acte juridique comme la réunion de trois éléments
indissociables « un élément volonté : une personne manifeste sa volonté d'agir ; un élément prérogative : cette
manifestation de volonté correspond à l'exercice d'un droit subjectif qui confère aux individus une puissance
créatrice ; un lien de droit : qui résulte de cette activité exercée », (ibid., spéc. n° 33, p. 34). Partant de là, il
démontre ensuite qu’un individu peut intervenir à trois titres différents : comme auteur, comme titulaire du droit
exercé, comme engagé par les effets juridiques (ibid., spéc., n° 34 et s., pp. 36 et s.). Ainsi la représentation serait
« un mode d'action qui correspond à une forme particulière de réalisation d'un acte juridique », (ibid., spéc. n°
127, p. 93).
Dans sa thèse, Monsieur DIDIER évoque l’hypothèse selon laquelle le fondement de la représentation
serait la définition de l’intérêt du représenté par le représentant. (De la représentation en droit privé, thèse
précitée, spéc. n° 179 et s., pp. 128 et s.). Outre le fait que cet intérêt doit être déterminé lors de la formation du
contrat conclu par intermédiation, cette proposition ne parvient pas à expliquer l’établissement d’un lien direct
lorsqu’il y a représentation et l’absence d’un tel lien dans les contrats de gestion pour autrui sans représentation.
Or, « l’intermédiaire est toujours chargé d’accomplir un acte, avec des tiers, dans l’intérêt de celui qui l’envoie
». (M.-L. IZORCHE, « A propos du mandat sans représentation », D., 1999, Chronique pp. 369 et s., spéc. n° 29.
Nous soulignons.) En ce sens voir également N. DISSAUX, La qualification d’intermédiaire dans les relations
contractuelles, thèse précitée, n° 404, p. 183. L’intérêt d’autrui pourrait donc fonder l’action pour autrui mais en
aucun cas la représentation qui est une technique particulière d’action pour autrui. En tout état de cause, ce
critère est insuffisant à expliquer les différences de régime entre les différentes variétés d’action pour autrui (la
création ou l’absence de lien direct entre le donneur d’ordre et le tiers).
Reste le système imaginé par Monsieur DISSAUX (La qualification d’intermédiaire dans les relations
contractuelles, thèse précitée, spéc. n° 406 et s., pp. 185 et s.). Pour cela, l’auteur s’appuie sur les travaux relatifs
à la distinction des parties et des tiers (sur le sujet, voir : J. GHESTIN, « La distinction des parties et des tiers »,
JCP, 1992, I, 3628 ; J. GHESTIN, « Nouvelles propositions pour un renouvellement de la distinction des parties et
des tiers », JCP G., 1994, p. 777 ; J. GHESTIN, CH. JAMIN ET M. BILLIAU, Traité de droit civil - Les effets du
contrat, op. cité, n° 682 et s., pp. 729 et s. ; PH. SAINT-HILAIRE, Le tiers à l’acte juridique, préface de J. HAUSER,
L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 333, 2000, pp. 15 et s. ; N. DISSAUX, thèse précitée, spéc. n°
409 et s., pp. 186 et s..). Il démontre ainsi que le fondement de la représentation se situe dans l’attribution de la
qualité de « partie » à celui qui est représenté, et celle de « tiers à l’acte » à celui qui représente. (N. DISSAUX,
thèse précité, spéc. n° 406 et s., pp. 185 et s..) Convaincante, cette thèse suppose néanmoins d’exclure
l’hypothèse d’une représentation imparfaite puisque, dans une telle configuration, le représentant ne perd pas
systématiquement sa qualité de partie et, corrélativement celle-ci n’est pas toujours attribuée au représenté.
Autrement dit, cette thèse n’explique pas pourquoi cette attribution est parfois directe et parfois indirecte.
1175
A. BENABENT, Droit civil - Les contrats spéciaux civils et commerciaux, op. cité, spéc. n° 906, p. 431.

276
juridiques »1176. En d’autres termes, ce n’est pas la « volonté » du mandant qui justifie
l’engagement de ce dernier, mais son « consentement » qui exprime son vouloir et qui se
définit « comme un acte de soumission au droit objectif»1177. Pour Monsieur GRIMALDI, ce
consentement est révélateur, précisément, d’un engagement juridique, c’est-à-dire d’une
« promesse saisie par le droit et se traduisant soit par l’adhésion à un statut (à des
obligations prédéterminées) soit par la production directe d’effets de droit, notamment
d’obligations (d’obligations librement déterminées) »1178.

480. L’étendue du lien obligatoire : l’engagement du mandataire. C’est donc dans


l’étendue de l’engagement du mandant révélé par l’expression de son consentement qu’il
convient de rechercher l’étendue du lien obligatoire entre les parties extrêmes. En devenant
partie au contrat de mandat, le mandant a consenti à ce que le mandataire agisse pour son
compte mais aussi – et surtout - en son nom, c’est-à-dire qu’il a accepté d’entrer directement
et automatiquement en contact avec les tiers. Or, c’est essentiellement1179 dans le cadre de
la période précontractuelle que le mandataire intervient. En effet, sur la base du contrat de
mandat, le mandataire a pour mission de conclure un contrat avec un tiers. Par conséquent, si
l’action du mandataire est nécessairement d’origine contractuelle, les obligations qui en
résultent seront, éventuellement, de nature extracontractuelle. En effet, loin d'être un « no
man's land »1180 juridique, la période précontractuelle1181 est au contraire « très largement
irriguée par le droit »1182. Aussi, le consentement du mandant portant sur le droit accordé au
mandataire d’agir pour son compte et en son nom lors de la préparation puis de la conclusion
du contrat, il nous semble juridiquement plus exact d’admettre que l’engagement du mandant
représenté doit porter sur tous les aspects de la période précontractuelle - et non sur sa seule
issue - à condition, évidemment, que les termes du contrat de mandat aient été respectés.

481. De ce point de vue, la question de l’imputation d’une obligation non contractuelle se


posera forcément, notamment dans l’hypothèse où le cocontractant intentera une action en
responsabilité précontractuelle. Dans ce cas de figure, le mandant devrait être tenu de réparer

1176
C. GRIMALDI, thèse précitée, spéc. n° 51, p. 22.
1177
M.-A. FRISON-ROCHE, « Remarques sur la distinction de la volonté du consentement en droit des contrats »,
R.T.D.Civ., 1995, pp. 573 et s., spéc. n° 3.
1178
C. GRIMALDI, thèse précitée, spéc. n° 58, p. 27.
1179
Supra, n° 367 et s..
1180
D. MAZEAUD, « La genèse des contrats: un régime de liberté surveillée », op. cité, pp. 44 et s..
1181
Sur la période précontractuelle voir not. D. MAZEAUD, op. cité.
1182
J. MESTRE, « La période précontractuelle et la formation du contrat », L.P.A., 2000, n° 90, pp. 7 et s.. De
même, D. MAZEAUD, démontre que, malgré le silence du droit positif relatif à la période précontractuelle, le
droit positif a injecté « une certaine dose de sécurité » (D. MAZEAUD, op. cité).

277
le dommage subi par le tiers, ce qui suggère de prendre définitivement parti sur l’existence
d’une responsabilité par représentation.

§2- L’admission de la responsabilité par représentation du mandant pour les faits de


son mandataire

482. Problématique. L’objet de nos développements sera de vérifier, concrètement, que les
faits juridiques commis par le mandataire peuvent être greffés sur le lien juridique obligatoire
créé entre les parties extrêmes, et imputés au mandant. Certains d’entre eux pourront
matériellement être rattachés à l’expression de la volonté du mandant, d’autres lui seront
étrangers. Nous allons examiner ces deux situations successivement.

483. Les faits juridiques rattachables à l’expression de la volonté du mandant. Dans le


cadre d'une action pour autrui, le dommage subi par le tiers est, par définition, causé par
l’intermédiaire. Son origine, en revanche, peut provenir d'une instruction fallacieuse du
donneur d’ordre ou d'une décision souveraine de l'agent. Pourtant, le droit positif ne distingue
pas. De jurisprudence constante, il est acquis que « le mandataire est responsable des délits et
quasi-délits qu’il avait pu commettre, soit spontanément, soit même sur les instructions du
mandant dans l’accomplissement de sa mission »1183. Cette jurisprudence est néanmoins
contestable en ce que le dommage trouve son fondement dans un comportement imputable au
seul mandant, dès lors qu’il est acquis que le mandataire doit, en toute hypothèse, agir
conformément aux ordres qui lui sont donnés.

484. A cet égard, l’exemple de la rupture abusive des pourparlers est particulièrement
éclairant. Lorsque le mandant émet un ordre en ce sens, deux voies s’ouvrent au mandataire :
soit il obéit à celui dont il sert les intérêts et il doit répondre d’une faute délictuelle envers le
tiers, soit il lui désobéit et c’est sa responsabilité contractuelle qui risque d’être engagée. En
revanche, si l’on se place du côté du tiers, l’alternative est toute autre. S’il est vrai que son
interlocuteur matériel n’est autre que le mandataire, c’est avec le mandant qu’il espère
contracter. Aussi est-ce bien ce dernier qui est engagé par le contenu des négociations, et qui
doit également être lié par une rupture abusive. Monsieur GRIMALDI reconnaît là un quasi-

1183
Civ.1, 13 octobre 1992 - Bull. civ., 1992, III, n° 250 : arrêt précité. Nous soulignons.

278
engagement1184. Selon l’auteur, le quasi-engagement est un fait juridique illicite1185 (c’est-à-
dire celui pour lequel il n’y a eu aucun consentement de l’engagé1186), qui fait naître une
attente chez le tiers. Plus généralement, il serait de l’essence du quasi-engagement d’être
unilatéral1187 et apparent1188. Il se fonde sur une faute qui se définit comme « le fait d’avoir
trompé la croyance légitime d’un individu »1189. De ce point de vue, le quasi-engagement se
voit sanctionné par « la création forcée d’un engagement de nature contractuelle »1190. Il
démontre par la suite que l’engagement informel de contracter – les pourparlers - constitue
l’une des applications possibles du quasi-engagement, en ce sens qu’il constitue,
véritablement, un engagement unilatéral et apparent lorsqu’« à partir d’un certain seuil, l’une
des parties peut avoir cru légitimement que la partie était jouée »1191. Or, si l’on applique le
mécanisme du quasi-engagement aux négociations menées par un mandataire au nom et pour
le compte du mandant, c’est en la personne du donneur d’ordre que l’on retrouve toutes les
caractéristiques du quasi-engagement. En effet, il est certain que l’offre de contracter provient
du seul mandant. Autrement dit, l’auteur de l’engagement unilatéral n’est autre que ce dernier,
à l’exclusion du mandataire. Par voie de conséquence, c’est encore chez le mandant que l’on
retrouve l’apparence de l’engagement puisqu’en principe, le mandataire ne se présente pas
autrement que comme le messager de celui-ci. Aussi, l’engagement forcé1192 qui peut en
résulter1193 devrait-il logiquement être imputé à ce dernier.

485. En tout état de cause, cette conclusion doit s’imposer que la rupture abusive provienne
d’un ordre du mandant ou de l’exercice souverain de sa mission par le mandataire. Toutefois,
cette dernière hypothèse pourrait soulever quelques objections, dès lors que la rupture abusive
n’est plus directement rattachable au donneur d’ordre. Il n’en demeure pas moins que le
mandataire agit par représentation du mandant. Or, il est désormais acquis que la

1184
Pour une étude approfondie du quasi engagement : C. GRIMALDI, thèse précitée, spéc. n° 100 et s. et en part.
n° 199 et s., pp. 97 et s..
1185
Par opposition au fait juridique licite : le quasi-contrat.
1186
Ibid., spéc. n° 51 et s., pp. 22 et s.
1187
Ibid., spéc. n° 217, p. 102.
1188
Ibid., spéc. n° 202 et s., pp. 97 et s..
1189
Ibid., spéc. n° 217, p. 102.
1190
Ibid.. Nous soulignons.
1191
Ibid., spéc. n° 272, p. 122.
1192
Ibid., spéc. n° 212 et s., pp. 100 et s..
1193
A condition, évidemment, que les circonstances relèvent une rupture abusive des pourparlers. Il faut
néanmoins souligner qu’en l’état actuel du droit positif, les juges rechignent à forcer l’engagement. L’auteur
d’une rupture abusive, s’il est sanctionné, n’encourt encore d’autre sanction que la mise en œuvre de sa
responsabilité. Par ailleurs, le montant des dommages-et-intérêts se limite à la perte subie et non au gain manqué.
(Voir en ce sens l’arrêt Manoukian, Com., 26 novembre 2003 - Bull. civ., 2003, IV, n° 86.) Cependant, cet état
des lieux n’est pas de nature à remettre en cause nos conclusions puisqu’il ne s’agissait pas de savoir quelle
sanction est mise en œuvre mais « qui » doit être sanctionné.

279
représentation est un mécanisme tourné vers les tiers. Aussi, l’offre émise est-elle
systématiquement, pour le tiers, celle du représenté.

486. Les faits juridiques non rattachables à l’expression de la volonté du mandant -


représenté. Reste tous les autres cas où le fait générateur ne peut en aucune façon être
rattaché à un engagement ou à un quasi-engagement : c’est l’exemple récurrent du dol, de
l’omission d’information, d’une légèreté coupable dans l’accomplissement d’un acte (non-
respect des délais imposés ou des formes prescrites, …). En d’autres termes, il s’agit de savoir
si les actes purement matériels pourraient ou non faire l’objet de la représentation. Sur ce
point, la doctrine y est majoritairement hostile. Cependant, la question est mal posée. Il ne
s’agit pas de savoir si l’acte matériel peut être l’objet de la représentation (sur ce point, nous
ne pouvons que nous aligner sur cette doctrine : le fait juridique, parce qu’il ne résulte pas
d’un échange de consentements, ne peut constituer un objet contractuel) ; mais de savoir si la
représentation peut s’étendre aux effets juridiques d’un acte matériel. Or, ainsi que le suggère
Henri CAPITANT « la représentation s’applique aussi bien aux effets juridiques des actes
matériels qu’aux actes juridiques proprement dits »1194. A condition, toutefois, que le lien
avec le mandat ne soit pas trop distendu.

487. A cet égard, deux hypothèses doivent être distinguées. Dans la première, c’est le
mandant qui est à l’origine du fait dommageable (falsification de comptes de sociétés pour
que l’intermédiaire obtienne plus facilement un marché ou la signature d’un contrat,
l’omission de signaler au mandataire l’existence de vices sur le bien que le mandant l’a chargé
de vendre, …). Dans ce contexte, le lien avec la mission confiée est manifeste et ne doit pas
poser de problème : les conséquences juridiques de celui qui n’a été qu’un instrument doivent
être imputées au donneur d’ordre. Dans la seconde, c’est le mandataire qui, en l’absence
d’instruction défectueuse, a commis un fait dommageable. A nouveau, il faut différencier :
selon l’état d’esprit de l’intermédiaire au moment de la réalisation du dommage, le lien avec
le mandat sera ou ne sera pas. En premier lieu, le mandataire a agi conformément aux ordres
qui lui ont été donnés dans le respect des intérêts du mandant : par exemple, il n’informe pas
le tiers-cocontractant que le bien qu’il est chargé de vendre se situe en zone inondable ou que
la construction d’une usine polluante est imminente. Dans cette optique, le lien avec la
mission est suffisamment caractérisé pour que ce soit le mandant qui ait à répondre des
conséquences dommageables et non le mandataire. En second lieu, le mandataire a agi sans

1194
Henri CAPITANT, « Les effets des obligations », R.T.D. Civ., 1932, pp. 721 et s., en partic. p. 726.

280
que l’intérêt du donneur d’ordre ne soit privilégié (il a usé de manœuvres trompeuses pour
dissuader un cocontractant parce que ses intérêts personnels, et non l’intérêt d’autrui, lui
dictaient d’en choisir un autre). Autrement dit, le mandataire est sorti des limites fixées par le
mandat : il n’est plus protégé par le pouvoir de représentation. Dans ce cas, le lien avec le
mandat est suffisamment distendu pour que ce soit le mandataire, et non le mandant, qui voit
sa responsabilité engagée. En d’autres termes, il s’agit de regarder si le fait dommageable est
rattachable ou extérieur à la mission confiée au mandataire : plus précisément, il faut
rechercher si l’acte du représentant est indissociable ou non de la mission de représentation.

488. Synthèse : la réception de la responsabilité par représentation. Il résulte de ces


développements que les effets de la représentation ne peuvent être limités aux seuls effets
consentis et préalablement définis par les parties. Au contraire, ils doivent être envisagés de la
façon la plus large qui soit. La représentation, effet automatique du contrat de mandat,
entraîne la création d’un lien juridique obligatoire entre le mandant représenté et le tiers
cocontractant. Sur ce lien s’imputent toutes les conséquences juridiques nées de l’action du
mandataire représenté, qu’elles aient été, ou non, volontairement recherchées par les parties.
Ainsi, les effets de la représentation sont définis, non pas comme l’imputation dérogatoire des
seules obligations nées du contrat, mais comme la naissance d’un lien particulier, direct et
immédiat. Chemin faisant, il est apparu qu’un régime de responsabilité par représentation peut
être envisagé.

489. Ceci étant dit, il convient de préciser que ce lien obligatoire, bien que résultant du
mécanisme de la représentation, se fonde sur le pouvoir donné qui, dans le mandat, est de
nature volontaire. Il ne faut pas oublier en effet qu’il y a représentation parce qu’il y a mandat,
celle-là étant un élément essentiel de celui-ci. Néanmoins, c’est parce qu’il y a représentation
que ce lien obligatoire atteint les effets juridiques non volontaires. S’il est vrai que la
représentation est inutile lorsqu’il est question des seules obligations contractuelles 1195, la
réciproque est impossible lorsqu’il s’agit des obligations précontractuelles ou délictuelles.
Dans cette hypothèse, la représentation est au contraire primordiale car, sans elle, aucune
responsabilité par représentation du mandant pour les faits du mandataire n’est envisageable.
Si l’on compare avec la commission, par exemple, qui est un contrat pour autrui sans
représentation, l’absence de technique représentative exclut engagement contractuel direct1196.

1195
Supra, n° 142 et s..
1196
Supra, n° 170 et s..

281
282
Conclusion du Chapitre 1

490. Synthèse : la recevabilité de la responsabilité par représentation en droit français.


De prime abord, l’hypothèse d’une responsabilité par représentation du mandant pour le fait
du mandataire apparaissait peu convaincante. Pourtant, l’examen de la jurisprudence a vite
révélé que notre droit positif n’y était pas fondamentalement hostile. En effet, l’analyse
approfondie de certaines décisions de la Cour de cassation a montré que, ponctuellement, la
responsabilité du mandant avait été engagée sur le fondement de la représentation.

491. La reconnaissance de la responsabilité par représentation en droit français a supposé,


toutefois, que certaines difficultés soient résolues. Nous allons résumer notre démonstration
en plusieurs propositions.

1- Le lien entre le mécanisme de la représentation et l’acte juridique est


abusif. Il repose sur une définition erronée selon laquelle il y a
représentation lorsqu’« une personne investie d’un pouvoir (…) accomplit
au nom et pour le compte d’une autre un acte juridique dont les effets se
produisent directement sur la tête du représenté ». L’inconvénient de cette
définition est d’intégrer, au cœur de la notion, les effets qu’elle engendre. Il
en résulte une présentation incomplète et inachevée des effets de la
représentation.

2- Nous proposons alors la définition suivante : la représentation est la


technique juridique par laquelle un agent agit pour le compte et au nom
d’une autre personne.

3- Ainsi déconnectée de ses effets, la définition proposée nous a permis


d’envisager plus largement les conséquences juridiques de la
représentation. A partir de l’hypothèse selon laquelle la représentation a
pour effet l’établissement d’un lien juridique obligatoire entre les parties
extrêmes, nous avons pu nous interroger sur l’imputabilité au mandant de
certains faits juridiques commis par le mandataire.

4- Pour cela, le critère du lien obligatoire a dû être posé. Il a été établi que
celui-ci réside dans le consentement du mandant, au moment de la
formation du mandant, d’être lié par l’ensemble des conséquences

283
juridiques de l’action du mandataire. Dès lors, plus aucun obstacle ne se
heurte à la reconnaissance de la responsabilité par représentation du
mandant pour le fait du mandataire, à partir du moment où l’acte du
représentant est indissociable de la mission de représentation.

492. Problématique. Cette étape accomplie, d’autres difficultés doivent désormais trouver
réponse. En effet, l’admission d’un régime de responsabilité n’est d’aucune utilité si ces
conditions de mise en œuvre ne sont pas parfaitement identifiées. C’est ce que nous allons
aborder.

284
Chapitre 2 – La mise en œuvre de la responsabilité par représentation

494. Plan. L’exposé du contenu de la responsabilité par représentation suppose, dans un


premier temps, que l’on identifie avec précision le régime juridique qui lui est propre (Section
1) et que l’on s’interroge, dans un second temps, sur son domaine d’application (Section 2).

285
Section 1 – Le régime juridique de la responsabilité par représentation

495. Plan. La présentation du régime juridique de la responsabilité par représentation


suppose que l’on évoque plusieurs questions. La première, la plus évidente, est relative à
l’exposé de ses conditions de mise en œuvre (§1). La seconde porte sur l’étendue de la
réparation. Plus précisément, nous nous interrogerons sur le pouvoir de la volonté individuelle
d’aménager ou de limiter les effets de la responsabilité par représentation (§2).

§1- Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité par représentation

496. Problématique. A ce stade de nos développements, l’hypothèse d’une responsabilité


par représentation n’a été envisagée qu’à partir d’une étude spécifique au seul mandat. Dans
cette continuité, l’examen des conditions constitutives de ce régime de responsabilité devrait
s’y limiter. Mais ce serait se priver d’un terrain d’observation beaucoup plus vaste : la
responsabilité des personnes morales. En effet, lors de l’introduction de cette seconde partie,
nous avons rappelé que l’expression « responsabilité par représentation » avait d’ores et déjà
été expressément utilisée à propos de la responsabilité pénale des personnes morales. Pour
cette raison, l’idée que la responsabilité civile des groupements se fonde également sur ce
mécanisme s’est faite jour.

497. Dans l’éventualité où cette proposition serait recevable, l’extension de la


responsabilité par représentation en dehors du mandat serait, à bien des égards,
particulièrement opportune. D’une part, cela confirmerait la réalité et la possibilité d’un tel
régime dans notre système juridique. D’autre part, un examen approfondi de la responsabilité
civile des personnes morales – dont les règles sont désormais parfaitement établies et connues
– ouvrira la porte à une réflexion portant sur les conditions de mise en œuvre d’un régime de
la responsabilité par représentation.

498. Plan. C’est la raison pour laquelle cette étude débutera par l’observation attentive de
la responsabilité de personnes morales (A) à partir de laquelle nous tirerons les conclusions
nécessaires (B).

286
A- L’approche empirique : le contenu de la responsabilité civile des personnes morales

499. Problématique. Pour notre sujet, l’observation de la responsabilité civile des


personnes morales ne présente d’intérêt que s’il s’agit d’une responsabilité par représentation.
Or, en l’état actuel du droit positif, cette expression n’a été formellement utilisée qu’à propos
de leur responsabilité pénale. En d’autres termes, l’extension de la responsabilité par
représentation à la responsabilité civile des personnes morales n’est, à ce stade de nos
développements, qu’une supposition.

500. Plan. Il convient donc de prendre position sur la nature de la responsabilité civile des
personnes morales (1). Dans l’hypothèse où il sera démontré que cette responsabilité repose
effectivement sur le mécanisme de la représentation, nous pourrons en tirer tous les
enseignements utiles à l’exposé des conditions d’un régime de responsabilité par
représentation (2).

1- La nature de la responsabilité des personnes morales

501. Plan. S’il est unanimement admis qu’une personne morale est responsable, à l’égard
des tiers, des fautes commises par ses dirigeants1197, l’identification du fondement de ce
régime de responsabilité a fait l’objet de nombreuses controverses 1198 qui, d’ailleurs, ne sont

1197
La solution est couramment admise depuis la 2 ème moitié du XIXème siècle. Voir, par exemple : Civ.,
15 janvier 1872 : D.P., 1872, 1, p. 165 ; Civ., 28 novembre 1876 : D.P., 1877, 1, p. 65. Pour des illustrations
récentes de la responsabilité des personnes morales pour un fait commis par le dirigeant : Civ. 2, 4 octobre 2012
– Pourvoi n° 11-18.050 ; Com., 2 octobre 2012 – Pourvoi n° 11-21.362 ; Civ. 3, 23 mai 2012 – Pourvoi n° 10-
25.414.
1198
C. AUBRY et C. RAU, Cours de droit civil français, Tome 6, Petits contrats et responsabilité, op. cité, § 444
bis, pp. 440 et s. ; A. BENABENT, Droit des obligations, op. cité, spéc. n° 588, p. 426 ; PH. BRUN, Responsabilité
civile extracontractuelle, op. cité, spéc. n° 352, p. 181 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations –
Le fait juridique, op. cité, spéc. n° 99, p. 122 ; Sous la direction de PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la
responsabilité et des contrats, op. cité, spéc. n° 1372 et s., pp. 542 et s. ; PH. MALAURIE, L. AYNES, PH.
STOFFEL-MUNCK, Les obligations, ouvrage précité, spéc. n° 40, p. 23 ; R. SAVATIER, Traité de la responsabilité
civile en droit français civil, administratif, professionnel, procédural, Tome 1, Les sources de la responsabilité
civile, L.G.D.J., 2ème édition, 1951, spéc. n° 206, p. 255 ; A. SERIAUX, Manuel de droit des obligations, P.U.F.,
Coll. Droit fond., 2006, spéc. n° 130, p. 476 ; F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations,
op. cité, spéc. n° 725, pp. 735 – 736 ; G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, op. cité,
spéc. n° 848, pp. 1072 et s. ; P. JOURDAIN, « Droit à réparation – Responsabilité fondée sur la faute -
Responsabilité du fait personnel », in J.Cl. Resp. civ. et ass., Fasc. 123, 2008, spéc. n° 9. S. MESSAI-BAHRI, La
responsabilité civile des dirigeants sociaux, op. cité, spéc. n° 611 et s., pp. 211 et s..

287
peut-être pas tout à fait closes1199. Pourtant, il a été remarqué, à plusieurs reprises, que « selon
la doctrine française de la représentation1200 (…), tout fait dommageable d’un dirigeant ou
d’un délégataire régulier doit donc être réputé le fait même de l’entreprise, qui en répond
personnellement (et non "pour le fait de son dirigeant") »1201.

502. En doctrine les discussions ont porté essentiellement sur la question de la nature réelle
ou fictive de ces êtres désincarnés1202. En jurisprudence, les réponses apportées firent l’objet
d’un va-et-vient entre la responsabilité du fait personnel et celle de la responsabilité du fait
d’autrui. A la fin des années 1960, il semble toutefois que la Cour de cassation ait tranché
définitivement en faveur du régime défini par les articles 1382 et 1383 du Code civil 1203. Le
choix de la nature personnelle de la responsabilité des personnes morales (a) n’a toutefois pas
mis un terme à la controverse puisque l’identification du fondement de cette responsabilité
suscite encore quelques difficultés (b).

a- Une responsabilité personnelle

503. Les termes de la controverse doctrinale sur le choix du régime applicable à la


responsabilité des personnes morales. En doctrine, les auteurs ont longtemps été divisés sur
le point de savoir si la responsabilité des personnes morales pour un fait matériellement
commis par un organe ou un dirigeant devait être sanctionnée sur le terrain de la
responsabilité personnelle ou sur celui de la responsabilité du fait d’autrui. En faveur de
l’application du régime des articles 1382 et 1383 du Code civil, les uns expliquaient que

1199
A ce propos, voir G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, op. cité, spéc. n° 788-7, p.
915 : les auteurs s’interrogent sur la pertinence du recours au régime de la responsabilité personnelle puisque, en
tout état de cause, « la finalité de cette responsabilité consiste bien à faire endosser par une personne juridique
(la personne morale) les conséquences dommageables de l’activité d’une autre ».
1200
Nous soulignons.
1201
J.-F. BARBIERI, « Responsabilité de l’entreprise et responsabilité de ses salariés. A la recherche de l’équilibre
perdu », in Mélanges dédiés au Président Michel DESPAX, préface de B. BELLOC et A. ARSEGUEL, Presses de
l'Université des sciences sociales de TOULOUSE, 2001, pp. 141 et s, spéc. n° 5, p. 145. En gras dans le texte.
Voir également : J.-F. BARBIERI, ibid., spéc. n° 4 et s., pp. 144 et s. : dans le cadre d’une comparaison
entre l’irresponsabilité du préposé et celle du dirigeant – représentant, l’auteur combat les tentatives
d’assimilation de ces deux régimes de responsabilité. Pour l’auteur, tout rapprochement est incongru pour la
simple raison que, « quelles que soit leurs fonctions et sauf s’ils ont reçu délégation de pouvoirs d’un dirigeant,
ils ne représentent pas l’entreprise, aux activités de laquelle ils participent en état de subordination » (ibid.,
spéc. n° 7, p. 146. Nous soulignons.) ; S. MESSAI-BAHRI, La responsabilité civile des dirigeants sociaux, thèse
précitée, spéc. n° 628, p. 216.
1202
Pour plus de développements sur les termes de ce débat, infra, n° 503 et s..
1203
Civ. 2, 17 juillet 1967 – Bull. civ., 1967, II, n° 261 : G.P., 1967, 2, p. 235, note CH. BLAEVOËT ; R.T.D. Civ.,
1968, p. 149, obs. G. DURRY.

288
l’organe ou dirigeant ne faisait rien d’autre qu’exprimer et exécuter la volonté du groupement
qui, par nature, est distincte de la sienne propre1204. A l’inverse, les auteurs soutenant
l’exclusivité d’une responsabilité du fait d’autrui justifiaient ce parti pris en rappelant que
l’action de la personne morale n’étant envisageable que par l’intermédiaire d’une personne
physique. Ce schéma devait être étendu à la mise en œuvre de la responsabilité de l’être
désincarné1205

504. De manière générale, « cette question est très largement liée au débat classique sur la
nature juridique de la personnalité morale, opposant les partisans de la théorie de la réalité à
ceux de la fiction »1206. Selon la thèse de la fiction de la personne morale1207, la responsabilité
du groupement est rejetée au motif que « la faute étant un acte, sujet à reproche, et supposant

1204
Pour une présentation favorable à une responsabilité de la personne morale fondée sur un fait personnel voir
not. : A. BENABENT, Droit des obligations, op. cité, spéc. n° 588, p. 426 ; PH. BRUN, Responsabilité civile
extracontractuelle, op. cité, spéc. n° 352, p. 181 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations - Le fait
juridique, op. cité, spéc. n° 99, p. 122. PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op.
cité, spéc. n° 1372, p. 542 ; PH. MALAURIE, L. AYNES, PH. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, ouvrage précité,
spéc. n° 40, pp. 23 -24 ; R. SAVATIER, Traité de la responsabilité civile en droit français civil, administratif,
professionnel, procédural, Tome 1, Les sources de la responsabilité civile, ouvrage précité, spéc. n° 207, pp.
256 et s. ; A. SERIAUX, Manuel de droit des obligations, ouvrage précité, spéc. n° 130, pp. 476 - 477 ; F. TERRE,
PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 725, pp. 735 - 736 ; G. VINEY – P.
JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, op. cité, spéc. n° 848 et s., pp. 1072 et s..
1205
Pour une présentation favorable à une responsabilité de la personne morale fondée sur un fait d’autrui, voir,
en particulier, C. AUBRY et C. RAU, Cours de droit civil français, Tome 6, Petits contrats et responsabilité, op.
cité, § 444 bis, pp. 440 et 441.
1206
P. JOURDAIN, « Droit à réparation – Responsabilité fondée sur la faute - Responsabilité du fait personnel »,
op. cité, spéc. n° 10. Pour une première approche des théories de la réalité et de la fiction des personnes morales
voir not. : J. CARBONNIER, Droit civil : Les personnes, P.U.F., coll. Thémis, Droit privé, 21ème édition, 2000,
n° 199 et s., pp. 411 et s. ; CH. LARROUMET, Introduction à l'étude du droit privé, sous la direction de CH.
LARROUMET, Tome 1, Economica, Coll. Droit civil, 5ème édition, 2006, spéc. n° 359 et s., pp. 230 et s. ; PH.
MALAURIE, L. AYNES, Les personnes - La protection des mineurs et des majeurs, Défrénois, coll. Droit civil,
5ème édition, 2010, spéc. n° 349, p. 161 ; H. et L. MAZEAUD, J. MAZEAUD, F. CHABAS, Leçons de droit civil :
Les personnes, Tome 1, Vol. 2, La personnalité - Les incapacités, par. F. LAROCHE-GISSEROT, Montchrestien,
8ème édition, 1997, spéc. n° 756 et s., pp. 317 et s. ; F. TERRE, D. FENOUILLET, Les personnes – La famille - Les
incapacités, Dalloz, coll. Précis droit privé, 8ème édition, 2012, spéc. n° 246-247, p. 231. Voir également : N.
BARUCHEL, La personnalité morale en droit privé : éléments pour une théorie, thèse précitée, spéc. n° 33 et s.,
pp. 22 et s. ; L. MICHOUD, La théorie de la personnalité morale et son application en droit français, Tome 1 et
2, L.G.D.J., 2ème édition par L. TROTABAS, 1924 ; J.-F. QUIEVY, Anthropologie juridique de la personne morale,
thèse précitée, spéc. n° 3, p. 2 ; G. WICKER, Les fictions juridiques, Contributions à l’analyse de l’acte juridique,
préface de J. AMIEL-DONAT, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 253, 1997, spéc. n° 207 et s., pp.
200 et s..
1207
Certains auteurs pour qui la personnalité morale n’est qu’une « marionnette intellectuelle » (M. DE
VAREILLES-SOMMIERES, Les personnes morales, L.G.D.J., 1919, spéc. p. 352) ont entrepris de faire la chasse
aux fictions. Ils ont de ce fait contesté l’existence même de la personnalité morale. Si cette négation s’est
appuyée sur divers fondements, les principales voies explorées ont été celles de la propriété collective (ce sont
les membres du groupement et non le groupement lui-même qui sont propriétaires des biens appartenant à la
prétendue personne morale : voir en particulier . RIPERT et J. BOULANGER, Traité de droit civil d'après le traité
de Planiol, op. cité, p. 977) et du patrimoine sans sujet ou patrimoine d’affectation (dans cette hypothèse la
personne morale n’est autre chose qu’ « un patrimoine se soutenant, pour ainsi dire, par ses seules forces ou, du
moins, par l’affectation unique qui en cimente les éléments » : J. CARBONNIER, Droit civil : Les personnes,
ouvrage précité, spéc. n° 200, p. 413). Pour une présentation générale de ces théories négatrices voir not.
J. CARBONNIER, ibid., spéc. n° 200, pp. 412-413 ; N. BARUCHEL, thèse précitée, spéc. n° 37 et s., pp. 24 et s. ;
L. MICHOUD, thèse précitée, spéc. n° 16 et s., pp. 37 et s..

289
donc un être doué de raison, une personne morale ne peut commettre une faute »1208.
Autrement dit, l’attribution fictive de la personnalité juridique à un être dépourvu de réalité
physique se limite aux effets patrimoniaux1209. De ce fait, la responsabilité de la personne
morale ne devrait pouvoir être engagée que sur le fondement d’une responsabilité du fait
d’autrui. A l’inverse, la théorie de la réalité de la personne morale admet généralement qu’un
groupement personnalisé commette une faute personnelle « en raison des actes illicites
commis par leurs organes », parce qu’il est « dans la logique de la réalité des personnes
morales de faire considérer ici comme réel ce qui ne l’est pas vraiment »1210.

505. La position jurisprudentielle. Aujourd’hui, ce débat ne présente plus guère


d’intérêt1211, la nature personnelle de la responsabilité des personnes morales ayant été
consacrée1212. Il est vrai, cependant, qu’à certaines époques, le doute était permis. Ainsi, au
début du XXème siècle, la responsabilité de la personne morale fut parfois retenue sur le
fondement de l’article 1384 alinéa 5. Dans un arrêt rendu le 8 mai 1940 par la Chambre des
requêtes de la Cour de cassation, par exemple, les juges, pour condamner une société à
rembourser un prêt obtenu abusivement par l’un des associés, relèvent que celui-ci s’était
présenté comme « préposé » auprès du prêteur et qu’il convenait, dès lors, d’appliquer la
responsabilité définie par l’article 1384 alinéa 51213. Pourtant, dès le XIXème siècle, la Cour de
cassation admettait la responsabilité « directe et personnelle » de l’être désincarné « de toutes
les conséquences dommageables du fait de son gérant dans les opérations sociales »1214, et
considérait ainsi que la société commettait « une faute grave et personnelle qui l'obligeait

1208
C. AUBRY et C. RAU, Cours de droit civil français, Tome 6, Petits contrats et responsabilité, op. cité, § 444
bis, p. 441.
1209
J. CARBONNIER, ouvrage précité, spéc. n° 199, p. 412.
1210
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 725, p. 736.
1211
En ce sens voir N. BARUCHEL, thèse précitée, spéc. n° 30, p. 19 ; J.-F. QUIEVY, thèse précitée, spéc. n° 3, p.
3. Cet auteur se démarque néanmoins en partant du principe que le législateur aurait tranché en faveur de la
théorie de la fiction en ayant décidé « que les sociétés jouissent de la personnalité morale au jour de leur
immatriculation ». Dans l'ensemble, cette opinion n’est pas suivie en doctrine qui considère au contraire que « le
législateur n’a pas formellement pris parti », ce qui explique que « le juge, appelé à statuer sur la question de la
personnalité juridique de certains groupements, a dû énoncer des principes directeurs ». N. BARUCHEL, thèse
précitée, spéc. n° 81 p. 47. Voir également CH. LARROUMET, Introduction à l'étude du droit privé, op. cité, n°
361, p. 231) ; G. WICKER, thèse précitée, spéc. n° 203, p. 197. Voir également J. HAMEL, « La personnalité
morale et ses limites », D., 1949, chron. p.141 ; G. GOUBEAUX, « Personnalité morale, droit des personnes et
droit des biens », in Aspects actuels du droit commercial français : études dédiées à René ROBLOT, L.G.D.J.,
1984, p. 199, spéc. n° 9, pp. 205 - 206.
1212
Infra, n° 505 et s..
1213
Req., 8 mai 1940 : G.P., 1940, 2, p. 85.
1214
Civ., 15 janv. 1872 : D.P., 1872, 1, p. 165.

290
envers le déposant [le tiers cocontractant] à réparer le dommage qui en avait été la
suite »1215.

506. En l’état actuel du droit positif, la jurisprudence paraît revenir à plus de clarté. En
effet, il semble désormais acquis que la responsabilité des personnes morales soit une
responsabilité personnelle. A la fin des années 1960, il se pourrait même que la Cour de
cassation ait franchi un cap en condamnant toute référence à la responsabilité du fait d’autrui.
Dans un arrêt rendu par la 2ème Chambre civile le 17 juillet 19671216 une Cour d’appel a été
sanctionnée pour avoir refusé de condamner une personne morale sur le fondement de
l'article 1382, alors même que le dommage avait été causé par l’un des organes de la société.
La Cour de cassation en profite, par ailleurs, pour écarter expressément la référence à la
responsabilité du commettant. Dans cette affaire, un ouvrier avait été tué au cours d’une
manœuvre effectuée sur un chantier. En réparation de leur préjudice, les ayants-droit de la
victime exercent une action en responsabilité contre la société dans laquelle cette dernière
travaillait sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. Pour rejeter leur demande, la Cour
d’appel énonce que la responsabilité « d’une personne morale ne pouvait être recherchée sur
le terrain de la faute », car « seule la personne physique (…) était susceptible de l’être ».
L’arrêt est cassé par les juges qui affirment, au contraire, que « la personne morale répond
des fautes dont elle s'est rendue coupable par ses organes et en doit la réparation à la victime
sans que celle-ci soit obligée de mettre en cause, sur le fondement de l'article 1384, 5ème
alinéa, lesdits organes pris comme préposés ». Depuis, cette solution, qui a été reprise
intégralement dans un arrêt rendu dix ans plus tard par la même Chambre 1217, est
régulièrement mise en œuvre par la Haute juridiction qui semble définitivement convaincue
par le caractère personnel de la responsabilité des personnes morales1218, que le dommage
causé par l’organe ou le dirigeant trouve son origine dans une infraction à la sécurité du
travail1219, dans une négligence fautive1220, dans l’organisation du service de
1221 1222
l’établissement , dans l’inexécution d’une obligation contractuelle ou plus généralement
dans tout fait dommageable.

1215
Civ., 28 nov. 1876 : D.P., 1877, 1, p. 65.
1216
Civ. 2, 17 juillet 1967 – Bull. civ., 1967, II, n° 261 : arrêt précité.
1217
Civ. 2, 27 avril 1977 - Bull. civ., 1977, II, n° 108.
1218
Pour des applications récentes voir, parmi d’autres : Civ. 2, 29 mars 2012 – pourvoi n° 11-12.948 ; Com., 22
novembre 2011 – Pourvoi n°10-30.101 (arrêt publié au bulletin) ; Civ. 3, 2 février 2011 – Pourvoi n°09-69.447 ;
Crim., 11 janvier 2011 – Pourvoi n°10-80.449.
1219
Pour une application récente voir Civ. 2, 17 mars 2011 – Pourvois n° 09-17439 et 09-17488.
1220
Civ. 2, 24 mars 1980 – Bull. civ., 1980, II, n° 71.
1221
Civ. 1, 15 décembre 1999 – Bull. civ., 1999, I, n° 351. (En l’espèce, il s’agissait d’une clinique.)

291
507. Il nous faut toutefois signaler un arrêt rendu par la deuxième Chambre civile de la
Cour de cassation le 15 mai 2008, aux termes duquel les juges ont affirmé que « la
responsabilité de la société était fondée sur le fait d'autrui prévu à l'article 1384, alinéa 5, du
code civil, et non sur une faute personnelle de la société fondée sur l'article 1382 du même
code »1223. Cet arrêt, apparemment dissident, est pour le moins déroutant. Faut-il considérer
que la Cour de cassation a opéré un retour en arrière1224 ? L’on pourrait en effet être tenté de
le croire dès lors que, s’il est parfois admis que la responsabilité de la société soit engagée sur
le fondement de l’article 1384 alinéa 5 du Code civil, c’est à la condition que l’auteur matériel
de la faute cumule les qualités d’organe et de préposé. Tel n’était pas le cas en l’espèce
puisque le gérant fautif était également le propriétaire de la société.

508. Les faits étaient les suivants. Un père met à la disposition de son fils des locaux situés
dans une annexe de sa maison d’habitation. Ce dernier y installe le siège de la société dont il
est le gérant et entreprend d’en aménager les bureaux pour l’exercice de son activité. Pour
cela, il pose une porte-fenêtre dans l’une des pièces du bâtiment. Peu après, la poignée de
cette porte-fenêtre se déboîte dans la main de l’épouse du propriétaire alors qu’elle la fermait.
Déséquilibrée, celle-ci brise la protection provisoire mise en place le long du balcon et chute
lourdement sur le sol. Blessée, la victime exerce alors une action en responsabilité contre son
mari, propriétaire des lieux, contre la société de son fils et ce dernier, pris en sa qualité de
gérant. La Cour d’appel, confirmée, par la Cour de cassation, retient pour moitié la
responsabilité du père pour sa faute personnelle et celle de la société sur le fondement de la
faute commise par son gérant. Or, dans cette affaire, les juges ne précisent pas exactement en
quoi la faute du propriétaire se distingue de celle du représentant de la société. Autrement dit,
leurs fautes respectives (la mauvaise réalisation des travaux) se confondent, alors même que
l’intérêt du propriétaire se distingue nécessairement de celui de la personne morale. Par
conséquent, le fait générateur de responsabilité n’est pas exclusivement rattachable à une
activité exécutée pour le compte de la seule société, ce qui peut expliquer que la
responsabilité de cette dernière soit engagée sur le fondement d’un fait d’autrui. Quoi qu’il en
soit, cet arrêt demeure isolé et n’a pas été confirmé depuis. Il n’est donc pas du tout certain
qu’à l’avenir la Cour de cassation revienne vers la responsabilité du fait d’autrui.

1222
Pour une obligation de sécurité voir par exemple Civ. 2, 27 avril 1977 - Bull. civ., 1977, II, n° 108 : arrêt
précité.
1223
Civ. 2, 15 mai 2008 – Pourvoi n° 06-22.171 ; Bull. civ., 2008, II, n° 108 : R.T.D. Civ., 2008, p. 680, note P.
JOURDAIN.
1224
Nous empruntons l’expression à Monsieur JOURDAIN : note précitée sous Civ. 2, 15 mai 2008.

292
509. Au contraire, au regard de la vision anthropomorphique avec laquelle sont considérés,
en jurisprudence1225, les êtres désincarnés, une telle alternative ne semble pas être dans l’air
du temps1226. Or, se réapproprier les règles de la responsabilité du fait d’autrui à propos de la
responsabilité civile des personnes morales reviendrait, précisément, à percevoir le
groupement personnalisé comme une simple fiction sans volonté propre. Autrement dit,
l’expression d’une volonté commune, indépendante de celles de ses membres, serait niée.
Juridiquement, cela contrevient à l’idée selon laquelle la reconnaissance d’une personnalité
résulte toujours d’une « construction juridique »1227, qu’il s’agisse de la personnalité juridique
d’une personne physique ou de celle d’une personne morale1228. Techniquement, un retour à
la responsabilité du fait d’autrui ne serait pas sans créer un certain nombre de problèmes, dont
la nécessité de relever, systématiquement, l’existence d’un lien de préposition entre le
groupement et son représentant. D’ailleurs, et pour s’en tenir à ce seul exemple, l’existence
d’un tel rapport n’est pas constaté par les juges du fond dans l’arrêt précité, ce qui constituait
l’un des moyens au pourvoi1229. C’est la raison pour laquelle cette décision nous semble
critiquable et, en tout état de cause, insuffisante à justifier la renaissance de la responsabilité
des personnes morales fondée sur un fait d’autrui.

510. Synthèse. La nature personnelle de la responsabilité des personnes morales semble


donc bel et bien consacrée, de manière définitive, par le droit positif. Pour autant, toutes les
difficultés n’ont pas totalement disparu, le mécanisme qui permet l’imputation juridique à la
personne morale d’un fait matériellement commis par une personne physique n’ayant pas été
clairement identifié en jurisprudence. Pour y remédier, la doctrine a imaginé différents
systèmes parmi lesquels nous citerons la théorie de la volonté1230 et la théorie de

1225
V. WESTER-OUISSE, « La jurisprudence et les personnes morales. Du propre de l'homme aux droits de
l'homme », JCP G., 2009, I, 129. L’auteur constate que, depuis le début des années 1990, les juges contribuent à
la « mystification » de la personne morale en lui prêtant des sentiments qui, théoriquement, sont le propre de
l’homme, en lui reconnaissant l’existence d’un « préjudice moral » ou encore en lui accordant des droits
extrapatrimoniaux (honneur, vie privée, …).
1226
Pour une critiques de ces « dérives anthropomorphiques » voir V. WESTER-OUISSE, « Dérives
anthropomorphiques de la personnalité morale : ascendances et influences », JCP G., 2009, I, 137. Madame
WESTER-OUISSE regrette cette nouvelle approche qui tend « à la traiter, non plus à l'aune de la personne
physique – technique juridique – mais de l'être humain ». Pour l’auteur, « la personnification des activités
humaines doit demeurer une technique juridique » afin d’éviter la « déshumanisation » du droit.
1227
V. H. et L. MAZEAUD, Leçons de droit civil : Obligations, op. cité, spéc. n° 1985, p. 1122.
1228
Ainsi, pour les frères MAZEAUD, la nature personnelle de la responsabilité des personnes morales définit le
prolongement nécessaire de l'idée de personnalité morale. V. H. et L. MAZEAUD, ibid., n° 1986 et s., pp. 1124 et
s..
1229
Civ. 2, 15 mai 2008 : arrêt précité.
1230
Pour une présentation générale de la théorie de la volonté voir N. BARUCHEL, thèse précitée, spéc. n° 50 et s.,
pp. 31 et s. et les références citées par l’auteur ; L. MICHOUD, La théorie de la personnalité morale et son
application en droit français, thèse précitée, spéc. n° 36, p. 75.

293
l’institution1231, la théorie de l’organe1232 ou la théorie de la représentation et, enfin, la théorie
de l’incarnation1233. Or, selon le choix opéré, la responsabilité des personnes morales est ou
n’est pas une responsabilité par représentation. Il convient donc de prendre position sur cette
question afin de déterminer si la responsabilité de la personne morale constitue une
déclinaison de la responsabilité par représentation.

b- Une responsabilité par représentation

511. Exposé du problème. Affirmer la nature personnelle de la responsabilité des


personnes morales ne procède, pour le moment, que d’une analyse descriptive. Or, ce qui
nous importe réellement, ce n’est pas seulement « de savoir (…) ce que la personne morale
est – une fiction ou une réalité (…) ; mais de savoir comment elle fonctionne »1234. En
d’autres termes, il s’agit, pour notre sujet, de rechercher concrètement par quel moyen ou
quelle technique la commission d’un fait dommageable par un dirigeant engage la
responsabilité personnelle de la personne morale. L’intérêt est de vérifier s’il s’agit réellement
d’une responsabilité par représentation, ceci afin de confirmer la possibilité d’un tel système
dans notre droit et de disposer d’un plus large domaine de réflexion sur la question du régime
de cette nouvelle responsabilité.

512. Afin de comprendre le fonctionnement de la personne morale, plusieurs systèmes ont


été imaginés en doctrine. Le premier repose sur la technique représentative. Il est le plus
couramment exposé en doctrine et le plus vraisemblable au regard de la jurisprudence1235,
bien qu’il ne fasse pas l’unanimité1236. Il fonctionne par analogie avec la représentation des
incapables pour lesquels il est nécessaire de suppléer à leur volonté. Cette représentation
repose, selon les cas, sur un mandat, sur la loi ou sur une représentation sui generis1237. Le

1231
Pour une présentation générale de la théorie de l’institution voir N. BARUCHEL, ibid., spéc. n° 55 et s. pp. 33
et s. ; L. MICHOUD, op. cité, spéc. n° 39, pp. 83 ; M. HAURIOU, « La théorie de l’institution et la fondation »,
Cah. de la nouv. journée, 1925, n° 4 ; H. GURVITCH, « Les idées maîtresses de Maurice HAURIOU », Arch. Philo.
du droit, 1931, pp. 155 et s..
1232
La doctrine organique ou organiciste s’est surtout construite en Allemagne (pour une brève présentation voir
N. BARUCHEL, thèse précitée, spéc. n° 48 et s., pp. 31-32) mais pour une réappropriation par un auteur français
voir la thèse magistrale précitée de Léon MICHOUD.
1233
J.-F. QUIEVY, Anthropologie juridique de la personne morale, thèse précitée, spéc. n° 157 et s., pp. 255 et s..
1234
Ibid., spéc. n° 6, p. 6.
1235
Supra, n° 505 et s..
1236
Nous reviendrons sur ce point ultérieurement : infra, n° 511 et s..
1237
Pour un exposé de la représentation sui generis, voir J.-F. QUIEVY, op. cité, spéc. n° 152 et s., pp. 246 et s..

294
second, la théorie de l’organe, a été principalement soutenue en Allemagne et dans les pays de
droit d’inspiration germanique1238. Il s’appuie sur une comparaison entre le corps humain
(composé de plusieurs cellules dont la combinaison fait naître la volonté de la personne
physique) et la société (dont la volonté propre procède d’une lutte entre les membres qui la
composent pour faire ressortir une opinion majoritaire). En France cette proposition a fait peu
d’adeptes1239, bien qu’elle ait été réutilisée par Léon MICHOUD au soutien de sa thèse1240. Le
troisième, le plus récent1241, a pour point de départ les insuffisances des deux théories
précédentes. Raisonnant par analogie avec la figure théologique de l’incarnation de Dieu par
Jésus-Christ, Monsieur QUIEVY propose la théorie de l’incarnation de la personne morale par
son dirigeant. Il définit ainsi le dirigeant comme une « émanation »1242 de la société avec
laquelle il se confond, ce qui aboutit alors à ce que « la société [se fasse] homme pour que
l’homme devienne la société »1243. Afin de remédier aux écueils constatés dans le cadre de la
théorie de l’organe1244, l’auteur postule que le dirigeant conserve, dans ce système, une
identité propre et distincte de la personne morale, de la même manière que le Christ se
démarque de l’Être divin qui l’envoie1245.

513. Le rejet de la théorie de l’organe et de la théorie de l’incarnation. Opter pour l’une


ou l’autre de ces propositions n’est pas chose aisée. De fait, il semble qu’elles soient parfois
confondues par les auteurs présentant les règles de responsabilité civile de la personne morale.
Madame VINEY, par exemple, évoque à la fois la représentation, l’incarnation et la théorie de
l’organe lorsqu’elle affirme que les principes relatifs à la responsabilité du fait d’autrui « ne
sont pas directement applicables lorsque le dommage est provoqué par un individu chargé de

1238
N. BARUCHEL, thèse précitée, spéc. n° 48, p. 30.
1239
Ibid., n° 49, p. 31.
1240
L. MICHOUD, La théorie de la personnalité morale et son application en droit français, spéc. n° 60 et s., pp.
128 et s.. Selon Léon MICHOUD, la thèse de la représentation présente un défaut incontournable, celui de la
nécessité d’un acte juridique ou de la loi pour l’attribution du pouvoir de représentation alors que « la qualité de
l’organe découle au contraire de la constitution même de la personne morale » (L. MICHOUD, ibid., spéc. n° 60,
p. 129). De ce fait, « quand il y a organe, (…), c’est la personne juridique qui agit elle-même ; son organe n’est
pas quelque chose qui soit distinct d’elle ». (Ibid..) L’auteur en tire alors une conséquence immédiate :
« l’organe ne possède comme tel aucune personnalité juridique distincte de celle de la personne morale »
(L. MICHOUD, ibid., spéc. n° 61, p. 131) car il « n’est pas, en tant qu’organe, une personne distincte » (Ibid..)
Autrement dit, « l’organe de la personne morale incarne sa vie juridique toute entière » (L. MICHOUD, ibid.,
spéc. n° 61, p. 130) ce qui signifie que « derrière l’organe il n’y a rien » (G. JELLINEK, System der subjectiven
öffentlichen Rechte, TUBINGEN, 1905, spéc. p. 29) parce que l’organe n’est rien d’autre que la société. L’idée
est parfaitement résumée par Jean CARBONNIER lorsqu’il affirme que, de ce point de vue-là, « la personne
morale est un organisme où les cellules composantes ont perdu leur individualité ». (J. CARBONNIER, ouvrage
précité, spéc. n° 201, p. 413.)
1241
J.-F. QUIEVY, thèse précitée, spéc. n° 157 et s., pp. 255 et s..
1242
J.-F. BARBIERI, note sous Crim., 3 janvier 2006 : L.P.A., 10 mai 2006, n° 93 p. 9.
1243
J.-F. QUIEVY, thèse précitée, spéc. n° 157, p. 257.
1244
Supra, n° 513 et s..
1245
J.-F. QUIEVY, thèse précitée, spéc. n° 179 et s., pp. 288 et s..

295
représenter la personne morale (…), c'est-à-dire un organe social qui ne peut (…) être
considéré comme un préposé du fait qu’il incarne la personne morale »1246. Il faut cependant
admettre que la proximité de deux d’entre elles (la théorie de l’organe et celle de
l’incarnation) est particulièrement forte1247 et que l’imputation de l’acte effectué par le
dirigeant au profit de la personne morale ne peut véritablement s’expliquer sans un recours à
la représentation1248. Toutefois, quelle que soit la voie empruntée pour déterminer la teneur du
rapport existant entre la volonté de la personne morale et la volonté du dirigeant, il faut avoir
conscience que la structure repose sur la combinaison de deux volontés distinctes : celle de
l’être désincarné et celle de la personne physique. Cette distinction, seule, permet d’expliquer
que le comportement du second puisse engager la responsabilité du premier, sans que la
responsabilité de l’auteur matériel du fait générateur ne soit engagée. A l’inverse, si l’on
confond les deux personnalités juridiques, il est difficile de justifier que seule la responsabilité
de la personne morale est mise en cause, à l’exclusion de celle du dirigeant.

514. Or, si l’on admet que l’organisation structurelle d’une personne morale fait cohabiter
deux personnalités juridiques distinctes (celle de la personne morale et celle de la personne
physique), il est impossible de retenir la théorie de l’organe. Cette théorie présente en effet
l’inconvénient majeur de provoquer l’effacement de l’organe, alors même que le droit positif
y est profondément hostile1249. Par ailleurs, la métaphore sur laquelle elle repose « procède
d’une analogie biologique fallacieuse » car dans le corps humain « la vie descend de la
volonté de l’homme à son organe » alors que, dans cette théorie, « elle remonte de l’organe à
la personne morale »1250. Pour autant, le processus par lequel « l’acte accompli cesse d’être
celui de l’organe pour devenir celui de la personne morale »1251 n’est pas expliqué. Ce même
reproche peut être proféré à l’encontre du mécanisme de l’incarnation. D’ailleurs, le père de
ce système recourt à la technique représentative pour expliquer l’engagement de la personne
morale en raison de l’acte commis par le dirigeant1252. Autrement dit, à elle-seule, la thèse de
l’incarnation est insuffisante à expliquer « comment » fonctionne la personne morale.

1246
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, ouvrage précité, spéc. n° 848, p. 1073.
1247
Le père de la théorie de l’incarnation affirme d’ailleurs que « l’idée que le dirigeant « incarne » l’être moral
se repère en doctrine dès les balbutiements de la théorie de l’organe ». J.-F. QUIEVY, thèse précitée, spéc. n°
157, p. 255. Il est notable en effet que les partisans de la théorie de l’organe utilisent le verbe « incarner » pour
définir le lien qui existe entre la personne juridique et le dirigeant. Voir not. L. MICHOUD, thèse précitée.
1249
Infra, n° 528 et s..
1250
M. LORNE, La responsabilité civile des personnes morales et de leurs représentants, PARIS, Sirey, 1910,
spéc. p. 93.
1251
J.-F. QUIEVY, thèse précitée, spéc. n° 183, p. 292.
1252
Par exemple, J.-F. QUIEVY, thèse précitée, spéc. n° 172, p. 277.

296
515. La possibilité de la représentation. Il ne nous reste donc d’autre choix que la
technique représentative pour expliquer le fonctionnement de la personne morale et, par voie
de conséquence, la nature personnelle de ces êtres désincarnés. Dans son ouvrage, Léon
MICHOUD trouvait critiquable que « la personnalité de ce dernier [le représentant] [ne soit]
jamais complètement supprimée et elle se manifeste par des actes qui, sous certains rapports,
ont une valeur juridique, même dans les cas où la représentation est le plus étendue »1253.
Plus loin l’auteur écrit que « le représenté et le représentant sont et restent deux personnes
distinctes ; la personne juridique et l’organe sont et restent une seule personne »1254. Ce que
l’auteur présente comme un inconvénient de la théorie de la représentation constitue pourtant,
à notre sens, l’atout majeur du mécanisme. En effet, l’attribution de la personnalité juridique à
un être moral ne peut jamais avoir pour effet la disparition de celui qui agit en son nom : l’on
s’en aperçoit notamment avec la survie de certaines actions en responsabilité dirigées contre
la personne physique, seule ou avec la personne morale1255.

516. Nous sommes relativement favorables, toutefois, aux arguments de certains auteurs
qui rappellent que l’on ne représente pas de la même manière une personne morale et une
personne physique. L’argument tombe sous le sens car « le droit de représentation est
nécessairement plus étendu que celui du représentant ordinaire »1256 puisqu’il a vocation à
intervenir dans tous les domaines de la vie juridique, et pas seulement dans le cadre de la
conclusion de contrats. Mais il est néanmoins insuffisant : de la même manière que l’on ne
représente pas une personne morale comme l’on représente une personne physique, la
représentation d’un mandant juridiquement capable n’est pas identique à celle d’un individu
juridiquement incapable. Dans cette dernière hypothèse, le représentant a également pour
mission de suppléer à l’insuffisance de la volonté de l’incapable, comme cela est à propos de
la représentation des personnes morales. La seule différence véritable réside dans la cause de
la suppléance de volonté : elle est d’ordre matériel pour la personne morale (dont le contenu
de la volonté est nécessairement apprécié par rapport au dirigeant) et d’ordre juridique pour la
personne physique (dont la volonté est matériellement existante mais juridiquement
inefficace)1257.

1253
L. MICHOUD, thèse précitée, spéc. n° 61, p. 130.
1254
Ibid., spéc. n° 61, p. 131.
1255
Infra, n° 528 et s..
1256
L. MICHOUD, thèse précitée, spéc. n° 61, p. 130.
1257
Pour cette raison, nous ne nous arrêterons pas sur certaines propositions doctrinales de considérer que la
représentation légale de la personne morale par une personne physique est spéciale (voir not. PH. MERLE, Droit
commercial : sociétés commerciales, avec la collaboration d’ANNE FAUCHON, Dalloz, coll. Précis droit privé,

297
517. Une représentation sans mandat. C’est donc bien en vertu de la technique
représentative que la volonté des personnes morales trouve à s’exprimer. Cela étant dit, il
reste encore quelques incertitudes à lever. Confirmer que le dirigeant représente la société ne
permet pas de déterminer le fondement de cette représentation. Deux hypothèses sont
envisageables : celle d’une représentation d’origine légale et celle d’un mandat de
représentation. Selon l’alternative choisie, l’intérêt pour notre sujet est plus ou moins évident.
Si la responsabilité par représentation des personnes morales repose sur une représentation
légale, alors il conviendra d’admettre que le domaine de la responsabilité par représentation
s’étend en dehors du mandat. A l’inverse, si la représentation de la personne morale résulte
d’un mandat, la question reste ouverte.

518. A notre sens, l’hypothèse d’un mandat social est risquée et difficile à mettre en œuvre.
En effet, s’il y a mandat, il y a contrat ; et s’il y a contrat, il y a accord de deux volontés. Or,
imaginer qu’une personne morale puisse être partie à un contrat alors même que sa volonté ne
peut encore être exprimée – puisque représentant il n’y a pas encore – repose à l’évidence sur
une contradiction difficilement résoluble. D’ailleurs, certains auteurs n’ont pas manqué de
relever la contrariété : qui, de la société, des associés ou des actionnaires, le dirigeant serait-il
le mandataire ? De même, de qui le dirigeant - mandataire tiendrait-il ses pouvoirs ?

519. A l’inverse, le choix d’une représentation d’origine légale est sans doute plus
conforme à la réalité, d’autant plus que de nombreux arguments – textuels, jurisprudentiels et
doctrinaux - s’invitent dans le débat. L’article L. 225 – 56 du Code de commerce, par
exemple, dispose, en son alinéa 2, que le dirigeant « représente la société dans ses rapports
avec les tiers ». Ici, le renvoi au mécanisme représentatif se fait sans aucune précision, alors
que dans sa rédaction précédente, issue de la loi du 24 juillet 1966, la référence au mandat
était explicite. L’article 117 de la loi précisait en effet que « le conseil d'administration
détermine l'étendue et la durée des pouvoirs délégués aux directeurs généraux. Lorsqu'un
directeur général est administrateur, la durée de ses fonctions ne peut excéder celle de son
mandat ». De même, l’article 57 du Code de procédure civile précise que toute demande en
justice introduite par une personne morale doit contenir, à peine d’irrecevabilité l’identité de
« l'organe qui les représente légalement ». De son côté la jurisprudence n’est pas avare de
références au mécanisme de la représentation sans que le lien avec un mandat ne soit constaté.

16ème édition, 2013, spéc. n° 94, pp. 129 et s..). En effet, dire que la représentation est sui generis n’apporte
aucun élément susceptible de nous éclairer d’une manière nouvelle sur l’organisation structurelle de la personne
morale et sur les rapports entre la société et ses dirigeants : soit il y a représentation, soit il n’y en a pas. Mais,
dès lors que le mécanisme est admis, ses effets s’appliquent de manière globale.

298
Très tôt, les juges de la Cour de cassation ont même qualifié le dirigeant de « représentant
légal ». Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 15 janvier 1872, par exemple, la
Chambre civile affirme que « le gérant d’une société en commandite simple est le
représentant légal de la société et la personnifie dans ses rapports avec les tiers »1258 ; de
même, la Chambre des requêtes confirme quelques années plus tard que les administrateurs
sont les représentants légaux de la société1259. Depuis, la terminologie a été reprise
régulièrement par la Haute juridiction et il ne fait plus guère de doute, en jurisprudence,
qu’une personne morale soit représentée légalement par ses organes dirigeants1260. Cette
conception semble d’ailleurs relativement bien admise en doctrine qui se plie à l’idée d’une
représentation légale : c’est généralement ce mécanisme qui est utilisé pour expliquer la
responsabilité civile des personnes morales du fait de leurs dirigeants1261. D’ailleurs, même
parmi les auteurs qui réfutent cette thèse, toute référence à la technique représentative n’est
pas supprimée. Le théoricien de l’« incarnation », par exemple, souligne que « la
responsabilité de la personne morale est engagée par son fait personnel commis par
représentation par son organe ou représentant »1262. Toutefois, la représentation serait vidée
de toute connotation technique ne visant que la seule « manifestation juridique dans le monde
sensible de la personne morale »1263 par son dirigeant. Or, c’est précisément la signification
que nous lui avons accordée : par le jeu de la représentation, un absent est « rendu
présent »1264 ce dont il découle un effet juridique principal : le lien juridique obligatoire1265.

520. Il est vrai toutefois que les références légales au mandat n’ont pas été définitivement
gommées. L’article L. 225-102-1 du Code de commerce, notamment, vise expressément le
« mandataire social ». Il en va de même de l’article L. 225-37 ou L. 225-270 du même Code.
Il nous semble néanmoins qu’il faut y voir là un abus de langage. En effet, pour la raison que
nous avons déjà évoquée, aucune représentation contractuelle n’est envisageable dès lors
qu’aucune volonté ne peut être exprimée.

1258
Civ., 15 janvier 1872 : S., 1872, 1, p. 9.
1259
Req., 30 juillet 1895 : S., 1896, 1, p. 288.
1260
Pour d’autres exemples de la même époque de représentation légale de la personne morale voir not. : Civ., 30
octobre 1928 : D., 1930, 1, p. 9 ; Req., 31 mai 1928 : S., 1929, 1, p. 289. Pour des applications très récentes de la
terminologie voir parmi de très nombreux exemples Civ. 1, 6 octobre 2011 - Pourvoi n° 10-23.520 ; Soc. 28
septembre 2011 – Pourvoi n° 10-25.508 ; Soc. 21 septembre 2011 – Pourvoi n° 10-14.726.
1261
Voir not. G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, ouvrage précité, n° 848, pp. 1072 et
s. ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations - Le fait juridique, ouvrage précité, n° 99, p. 122.
1262
J.-F. QUIEVY, Anthropologie juridique de la personne morale, thèse précitée, spéc. n° 172, p. 277. L’auteur
fait par ailleurs des références fréquentes au pouvoir que reçoit le dirigeant pour « incarner la société ». Or, nous
avons précédemment démontré le lien indissociable entre le pouvoir et la représentation.
1263
J.-F. QUIEVY, ibid..
1264
Supra, n° 45 et s..
1265
Supra, n° 473 et s..

299
521. Synthèse. Au terme de ces développements, il apparaît clairement que la
responsabilité des personnes morales est une responsabilité personnelle qui se fonde sur la
représentation légale du groupement par ses organes ou dirigeants. L’idée d’une
responsabilité fondée sur la technique représentative ne serait donc pas spécifique au seul
mandat. L’avantage d’une responsabilité par représentation, reçue et mise en œuvre par le
droit positif, est double : d’une part, il témoigne de la possibilité d’un tel régime de
responsabilité ; d’autre part, un examen approfondi du régime de la responsabilité par
représentation des personnes morales nous apportera, à n’en pas douter, de nombreux
enseignements relatifs aux conditions de mise en œuvre d’un régime de responsabilité par
représentation.

2- Les enseignements tirés de la responsabilité par représentation des personnes


morales pour la responsabilité par représentation dans le mandat

522. Le report de la responsabilité du représentant sur le représenté. La nature


représentative de la responsabilité des personnes morales pour le fait de leurs dirigeants
consacre le report des conséquences de la responsabilité du représentant sur le représenté1266.
Autrement dit, le dirigeant, qui agit ès qualités bénéficie, à l’égard des tiers, d’un effet
exonératoire de responsabilité1267. A l’inverse, le groupement moral doit supporter les
conséquences d’une responsabilité qui lui est réputée personnelle1268. Cela est vrai en matière
contractuelle1269, mais il en va de même à propos du fait juridique. Concrètement, pour
certains auteurs, l’effacement du représentant mettrait un terme à l’éventualité d’un recours

1266
F. DESCORPS-DECLERE, « Pour une réhabilitation de la responsabilité civile des dirigeants sociaux », R.T.D.
Com., 2003, p. 25 ; S. MESSAI-BAHRI, La responsabilité civile des dirigeants sociaux, op. cité, spéc. n° 638, pp.
218-219 ; G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, ouvrage précité, spéc. n° 848 et s., p.
1073. Pour une opinion plus nuancée, voir I. GROSSI, « La responsabilité des dirigeants », in Entreprises et
responsabilité civile, Actes du colloque de l’institut de droit des affaires d’Aix-Marseille du 13 juin 2003, Droit
et patrimoine, septembre 2003, Dossier, pp. 50 et s. : l’auteur écrit que, malgré un transfert progressif de la
responsabilité de l’individu vers la responsabilité du groupement juridique, « la responsabilité des dirigeants a
donc encore de beaux jours devant elle ».
1267
S. MESSAI-BAHRI, op. cité, spéc. n° 638 et s., pp. 218 et s.. Voir également les propos tenus par Monsieur
DONDERO qui considère qu’il s’agit là d’une immunité civile : B. DONDERO, « L’immunité des dirigeants
d’entreprise », in Les immunités de responsabilité civile, ouvrage collectif sous la direction d’O. DESHAYES,
P.U.F., C.E.P.R.I.S.C.A., coll. Colloques, 2010, pp. 37 et s..
1268
S. MESSAI-BAHRI, op. cité, spéc. n° 628, p. 216.
1269
Supra, n° 179 et s..

300
des tiers contre les dirigeants1270. A notre sens, il est toutefois difficile d’admettre que la
jurisprudence ait adopté une position aussi tranchée puisque, en tout état de cause, toute
possibilité de mise en œuvre de la responsabilité personnelle du dirigeant n’a pas été
définitivement gommée1271.

523. La solution, aujourd’hui pérenne1272, est qualifiée par Madame MESSAI-BAHRI,


d’indispensable1273 et d’opportune1274. Elle est indispensable parce qu’il est essentiel, « dès
lors que l’on reconnaît à la société la personnalité juridique, (…) d’en tirer toutes les
conséquences en termes d’obligations et de responsabilités »1275. À cet égard, il convient de
souligner que la reconnaissance d’une responsabilité par représentation dans le mandat ne
revêt pas ce même degré de nécessité. Alors que la représentation de la personne morale
contribue au fonctionnement du groupement et à l’expression juridique de sa volonté, la
représentation dans le mandat favorise plus simplement la gestion des intérêts patrimoniaux
du mandat. Dans ce contexte, cette hypothèse de responsabilité par représentation se justifie
surtout par des motifs d’opportunité qui visent à « trouver un juste équilibre »1276 entre la
répartition des risques générés par l’activité sociale et la prudence qui est de rigueur quand on
gère les affaires d’autrui.

524. Cela étant dit, qu’il s’agisse de l’une ou de l’autre déclinaison de la responsabilité par
représentation, la mise en œuvre de la responsabilité du représenté s’apprécie toujours par
rapport au comportement du représentant, le fait générateur de responsabilité étant
matériellement commis par lui. Nous le verrons ultérieurement à propos de la responsabilité

1270
PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op. cité, spéc. n° 5002, p. 1399 ; S.
MESSAI-BAHRI, op. cité, spéc. n° 638, pp. 218-219 ; B. DONDERO, op. cité ; A. COURET, « Rapport de
synthèse », in Entreprises et responsabilité civile, op. cité, pp. 102 et s..
1271
En ce sens : I. GROSSI, « La responsabilité des dirigeants », op. cité. Pour une illustration récente voir Com.,
9 mars 2010 – Pourvois n° 08-21.547 et 08-21793 ; Bull. civ., 2010, IV, n° 48 : « attendu que la mise en œuvre
de la responsabilité des administrateurs et du directeur général à l'égard des actionnaires agissant en
réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi n'est pas soumise à la condition que les fautes imputées
à ces dirigeants soient intentionnelles, d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice normal des
fonctions sociales ».
1272
Si l’irresponsabilité du dirigeant qui agit dans le cadre de ses fonctions est désormais acquise, il n’en a pas
toujours été ainsi. Au contraire, pendant un temps, la jurisprudence niait toute possibilité d’exonération. Ainsi,
les juges de la Cour de cassation n’ont pas hésité à affirmer que l’exonération du dirigeant devait être exclue et
que, « au cas où une faute a été commis dans la gestion, le fait que le gérant ait agi dans l’exercice de ses
fonctions ne saurait soustraire ce dernier à la responsabilité personnelle encourue conformément aux règles de
droit commun ». Com., 28 novembre 1961 – Bull. civ., 1961, IV, n° 446 : JCP G., 1962, II, 12504, note J. R. ;
R.T.D. Com., 1962, 425, note R. RODIÈRE. Dans le même sens, voir par ex. : Com., 10 février 1969 – Bull. civ.,
IV, n° 49 ; Com., 15 mars 1971 – Pourvoi n° 68-13.137 ; Bull. civ., 1969, IV, n° 81.
1273
S. MESSAI-BAHRI, op. cité, spéc. n° 639, p. 219.
1274
Ibid., spéc. n° 640, p. 219.
1275
Ibid., spéc. n° 639, p. 219.
1276
S. MESSAI-BAHRI, op. cité, spéc. n° 640, p. 219.

301
par représentation du mandant, mais nous pouvons d’ores et déjà le préciser à propos de la
responsabilité des personnes morales. Il a en effet été affirmé que « la faute intentionnelle [de
la personne morale] (…), s'appréci[ait] en la personne du dirigeant de droit ou de fait de
celle-ci »1277, que la révocation brusque et vexatoire d’un gérant, sur la demande de l’un des
associés majoritaires1278, la faute de gestion d’un gérant de société1279 ou encore la publicité
mensongère émise par un dirigeant1280 engageait la société. Il convient ainsi de remarquer que
la nature de la faute commise par le dirigeant importe peu dès lors que ce dernier a agi dans le
cadre de ses fonctions. Il peut s’agir, par exemple, d’un manquement à une obligation
contractuelle1281, de la méconnaissance d’un devoir légal1282, d’un délit ou d’un quasi-
délit1283.

525. La condition du report de responsabilité : l’exigence d’un pouvoir de


représentation. Ce système de report de responsabilité est parfois vivement critiqué en
doctrine1284. Il est vrai qu’un phénomène exonératoire illimité aurait pour conséquences
néfastes de faire peser des risques inconsidérés sur le groupement et, réciproquement, de
favoriser la déresponsabilisation du dirigeant. Pour cette raison, il était nécessaire d’encadrer
l’effacement du dirigeant dans le cadre des actions en responsabilité délictuelle.

526. Une première limite à l’exonération du représentant se constate au travers de


l’exigence d’un pouvoir de représentation. L’acte ou, pour ce qui nous intéresse, le fait
juridique, qui engage le dirigeant est celui qui a été accompli ès qualités c'est-à-dire « au nom
de » la société. Si le lien entre la représentation et la responsabilité pénale a été expressément
consacré par le législateur en droit pénal1285, la jurisprudence multiplie les références au
pouvoir de représentation1286. Cette condition est évidente car, pour reprendre les termes

1277
Civ. 1, 6 avril 2004 – Pourvoi n° 01-03.494 ; Bull. civ., 2004, I, n° 108 : D., 2004, I.R., p. 1425.
1278
Com., 1, 1er février 1994 – Pourvoi n° 92-11.171 ; Bull. civ., 1994, IV, n° 53 : JCP G., 1994, II, 22432.
1279
Com., 12 juin 2012 – Pourvoi n° 11-14.724.
1280
Crim., 7 février 2012 – Pourvoi n° 11-84.789.
1281
Voir, à propos de la mauvaise exécution d’un mandat de conseil : Com., 3 mai 2012 – Pourvoi n° 11-19.203.
1282
Par ex., pour une infraction à la sécurité du travail : Crim., 11 juillet 1967 – Bull. crim., 1967, n° 215.
1283
Civ. 1, 6 avril 2004 : arrêt précité.
1284
En ce sens voir, parmi d’autres, I. GROSSI, « La responsabilité des dirigeants », op. cité ; F. DESCORPS-
DECLERE, « Pour une réhabilitation de la responsabilité civile des dirigeants sociaux », op. cité.
1285
Voir l’article 121-2 alinéa 1 du Code pénal précité.
1286
Pour des références jurisprudentielles expresses au pouvoir de représentation voir, not. Crim., 23 novembre
2010 – Pourvoi n° 09-85.115 ; Bull. crim, 2010, n° 186 ; Crim., 20 juin 2006 – Pourvoi n° 05-87.147 ; Crim., 20
juin 2006 – Pourvoi n° 05-85.255 ; Bull. crim., 2006, n° 669. Soc., 11 Juillet 2012 – Pourvoi n° 10-26.393 ;
PARIS, 14 Juin 2012 – arrêt n° 11/01498, JurisData n° 2012-014826 ; POITIERS, 31 Janvier 2012 – arrêt n° 68,
11/00580, JurisData n° 2012-011286 ; Soc., 23 novembre 2011 – Pourvoi n° 10-20.288 ; Civ. 2, 9 Septembre
2010 - Pourvoi n° 09-14.081.

302
utilisés par le professeur ROUAST, « sans pouvoir, pas de représentation »1287. Elle est surtout
conforme à la conception que nous avions proposé de la représentation qui consiste à
« rendre présent »1288 un absent et à créer un lien obligatoire entre les partie extrêmes1289. Il
convient néanmoins d’apporter certaines précisions. Si les pouvoirs légaux du représentant de
société ont été définis largement1290, en raison notamment, de la particularité de la
représentation d’une personne morale1291, ils peuvent avoir été limités statutairement1292. L’on
pourrait alors très bien imaginer que le report de responsabilité soit également subordonné au
respect de l’objet social tel qu’il a été défini dans les statuts. Pour des raisons essentiellement
pratiques1293, ce n’est pas la voie suivie par le législateur qui a préféré entériner la démarche
favorable aux victimes initiée par la jurisprudence1294, en affirmant que « les clauses
statutaires limitant les pouvoirs des gérants qui résultent du présent article sont inopposables
aux tiers »1295. La démonstration d’une violation des pouvoirs légaux par le représentant se
résout naturellement par la mise en œuvre exclusive de la responsabilité de ce dernier1296.

1287
A. ROUAST, Droit civil approfondi – La représentation dans les actes juridiques, PARIS, Les Cours du droit,
1947 – 1948, cité par Madame MESSAI-BAHRI, dans sa thèse, op. cité, spéc. n° 1150, p. 374.
1288
Supra, n° 45 et s..
1289
Supra, n° 473 et s..
1290
J.-F. QUIEVY, Anthropologie juridique de la personne morale, op. cité, spéc. n° 114, p. 200 ; S. MESSAI-
BAHRI, La responsabilité civile des dirigeants sociaux, op. cité, spéc. n° 1152, p. 375.
1291
Nous verrons, ultérieurement, que cette différence n’affecte guère le régime juridique de la responsabilité par
représentation dans le mandat par rapport à la responsabilité par représentation des personnes morale. En effet, la
question qui se pose réellement n’est pas de savoir quel est « l’étendue » de ces pouvoirs mais quels « comment »
les effets de ce pouvoir vont être mis en place.
1292
Sur la nature mixte de l’objet statutaire : voir S. MESSAI-BAHRI, op. cité, spéc. n° 1160, p. 377.
1293
L’exclusion de la responsabilité de la personne morale, dans l’hypothèse d’un dépassement des pouvoirs
statutaires, était en effet préjudiciable pour les victimes qui ne pouvait espérer obtenir de réparation que du
dirigeant et non de la société, c’est-à-dire, généralement, le moins solvable des deux, alors même qu’elle n’avait
pas toujours été en mesure de vérifier que le dirigeant agit dans le cadre de ses fonctions.
1294
Tout d’abord, la Cour de cassation chercha l’existence d’une faute imputable à la personne morale et
prononça sa condamnation sur le fondement de l’article 1382 du Code civil au motif que le dépassement
statutaire aurait été rendu possible par un manquement aux obligations de la société (Req., 14 janvier 1920 :
S., 1920, 1, p. 272). Puis, les juges assimilèrent l’organe ou dirigeant au préposé afin d’appliquer les règles de la
responsabilité du commettant à l’encontre de la personne morale (en ce sens : Req., 8 mai 1940 : G.P., 1940, 2,
p. 85). Enfin, la théorie du mandat apparent fut utilisée. Le principe fut consacré dans un arrêt rendu par
l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 13 décembre 1962 au terme duquel il fut affirmé que « le
mandant [une banque] peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence d'une faute
susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire [le président-
directeur général de la Banque] est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à
ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs ». (A.P., 13 décembre 1962 – Pourvoi n° 57-11.569 ; Bull. des
arrêts de la Cour de cass., Ass. Plén., n° 2 : JCP G., 1963, II, 13105, note P. ESMEIN ; D., 1963, p. 277, note
J. CALAIS-AULOY.)
1295
Article L. 221-5 al. 3 du Code de commerce relatif au statut des sociétés en nom collectif. Pour les S.A.R.L.,
voir l’article L. 223-18 alinéa 6 et pour les sociétés anonymes, voir les articles L. 225-35 alinéa 2 (relatif au
conseil d'administration de la direction générale) et L. 225-64 alinéa 3 (à propos du directoire et du conseil de
surveillance) du même Code.
1296
En ce sens : S. MESSAI-BAHRI, La responsabilité civile des dirigeants sociaux, op. cité, spéc. n° 1170 et s.,
pp. 379 et s..

303
527. Une seconde limite à l’exonération du dirigeant peut être constatée dans l’hypothèse
d’une procédure collective. Selon l’article L. 651-2 du Code de commerce1297, « lorsque la
liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le
tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider
que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les
dirigeants de droit ou de fait, (…) ». Cette procédure, dérogatoire de la responsabilité de droit
commun des dirigeants, ne permet pas à ces derniers de s’abriter derrière la personnalité
juridique de la société1298. Si cette action est principalement destinée à renforcer l’efficacité
de la procédure1299, elle vise aussi à ne pas trop favoriser le dirigeant dont la légèreté blâmable
a conduit à la liquidation de l’entreprise. Pour cette raison, toute « faute de gestion » nous dit
la loi, suffit à la mise en œuvre de la responsabilité dirigeant. Cette notion, relativement
imprécise, a été interprétée largement par la jurisprudence qui admet aussi bien la poursuite
d’une activité déficitaire1300 ou abusive1301 qu’un détournement de clientèle1302, une
déclaration tardive de la cessation des paiements1303 ou, encore, l’omission d’information au
nouveau gérant des différents contentieux en cours et l’absence de provision de ces créances
litigieuses1304. Il peut s’agir, également, d’une simple imprudence lors de la délégation des
pouvoirs à des intervenants extérieurs à la société1305, de la passivité du dirigeant lors de la
gestion de l’entreprise1306 ou, plus simplement, du manque de rigueur même non grave et non
frauduleux1307.

528. La survie de l’action en responsabilité contre le dirigeant : la « faute séparable des


fonctions ». Il est d’autres hypothèses dans lesquelles, sans agir en dehors du cadre de la
représentation, la faute commise par le dirigeant n’exclut pas sa responsabilité personnelle.

1297
Avant une ordonnance du 18 décembre 2008, il existait une autre procédure définie à L. 652-1 du Code de
commerce et qui avait pour conséquence d’obliger les dirigeants aux dettes sociales lorsqu’il était démontré que
ce dernier avait agi dans un intérêt personnel. Sur ce point voir, not. C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des
entreprises en difficulté, Montchrestien, Coll. Domat droit privé, 2011, 7 ème édition, spéc. n° 1076, pp. 717 –
718.
1298
M. JEANTIN, P. LE CANNU, Droit commercial – Entreprises en difficulté, Dalloz, coll. Précis droit privé, 7ème
édition, 2007, spéc. n° 1248, p. 764. Sur l’exclusivité de la procédure voir, en partic., Com., 28 février 1995 : D.,
1995, p. 155, note F. DERRIDA.
1299
En ce sens voir not. G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, op. cité, spéc. n° 864, p.
1102.
1300
Com., 5 juin 2012 – Pourvoi n° 11-16.404. Voir également Com., 14 janvier 2004 – Pourvoi n° 02-15.595 :
Droit des sociétés, 2004, n° 168, note J.-P. LEGROS ; Com., 27 avril 1993 – Bull. civ., 1993, IV, n° 151.
1301
Com., 12 juillet 2011 – Pourvoi n° 09-72.406.
1302
Com., 10 janvier 2012 – Pourvoi n° 10-28.067.
1303
Com., 13 juillet 2012 – Pourvoi n° 10-17.624.
1304
Com., 5 avril 2011 – Pourvoi n° 10-16.713
1305
Com., 30 juin 2009 - Pourvoi n° 08-16.823.
1306
Com., 30 octobre 2009 – Pourvoi n° 98-12.431.
1307
Com., 15 juin 2011 – Pourvoi n° 10-18.585.

304
Dès le début des années 19701308, Madame VINEY montrait que la Cour de cassation justifiait
la mise en œuvre de sa responsabilité par la nature personnelle des faits qui lui étaient
reprochés1309. Autrement dit, la jurisprudence aurait fait apparaître une condition constitutive
de la responsabilité des dirigeants.

529. Par la suite, cette tendance s’est confirmée1310 : dès lors que l’extériorité entre les
fonctions et le fait dommageable pouvait être caractérisé, le dirigeant se voyait refuser l’effet
exonératoire propre à la représentation1311. La notion de « faute séparable des fonctions » a
été précisée dans un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 20
mai 2003 comme la faute intentionnelle « d'une particulière gravité incompatible avec
l'exercice normal des fonctions sociales »1312. Bien que la plupart des commentateurs de la
décision ait estimé que cette définition devait être parfaite1313, il semble néanmoins pouvoir
être affirmé que trois éléments constituent cette faute séparable des fonctions1314 : l’intention,
la gravité et l’anormalité. D’ores et déjà, il convient de remarquer qu’il n’est pas nécessaire
que la faute ait été commise dans l’intérêt du dirigeant. Cela étant dit, des trois critères qui
sont exposés, les deux premiers sont relativement classiques. Ils présentent néanmoins un
intérêt, celui de prendre en compte la gravité de la faute et non la seule extériorité du fait
dommageable. Madame MESSAI-BAHRI parle, à cet égard, de « circonstances
aggravantes »1315. La faute séparable des fonctions dépasse donc largement la simple faute de

1308
C’est-à-dire à une époque où la jurisprudence n’était jamais hostile au cumul des responsabilités entre celle
de la personne morale et celle du dirigeant.
1309
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, ouvrage précité, spéc. n° 857, pp. 1086 et s..
1310
Ibid. ; P. JOURDAIN, « Droit à réparation – Responsabilité fondée sur la faute – Responsabilité du fait
personnel », op. cité, spéc. n° 27.
1311
Par ex. : Com., 4 octobre 1988 – Pourvoi n° 86-18.974 ; Bull. civ., 1988, IV, n° 265 : « Attendu qu'en
statuant ainsi, sans relever aucune circonstance d'où il résulterait que M. X... ait commis une faute extérieure à
la conclusion ou à l'exécution du contrat conclu entre la société Sometrap et la société Loridan, la cour d'appel
n'a pas donné de base légale à sa décision ». Nous soulignons.
1312
Com., le 20 mai 2003 – Pourvoi n° 99-17.092 ; Bull. civ., 2003, IV, n° 84 : D., 2003, p. 1502, obs.
A. LIENHARD et p. 2623, note B. DONDERO ; D., 2004, p. 266, note J.-C. HALLOUIN ; JCP G., 2003, II, 10178,
note S. REIFEGERSTE ; R.T.D. Civ., 2003, p. 509, obs. P. JOURDAIN ; R.T.D. Com., 2003, p. 523, note J.-P.
CHAZAL et Y. REINHARD ; Rev. soc. 2003, p. 479, note J.-F. BARBIERI ; Bull. Joly, 2003, p. 786, obs. H. LE
NABASQUE.
1313
Voir, not. J.-F. BARBIERI, P. JOURDAIN, P. CHAZAL et Y. REINHARD, B. DONDERO : notes précitées. Certains
auteurs se sont par ailleurs interrogées sur la portée véritable de l’arrêt (P. JOURDAIN, . P. CHAZAL et Y.
REINHARD, H. LE NABASQUE : notes précitées).
1314
En ce sens : B. DONDERO, P. JOURDAIN, J.-F. BARBIERI : notes précitées. Contra voir S. MESSAI-BAHRI, La
responsabilité civile des dirigeants sociaux, op. cité, spéc. n° 1219, p. 390.
1315
S. MESSAI-BAHRI, op. cité, spéc. n° 1215 et s., pp. 390 et s..

305
gestion qui suffit, dans l’hypothèse d’une liquidation ou d’un redressement judiciaire de la
personne morale, à la mise en œuvre de la responsabilité du dirigeant1316.

530. La troisième composante, en revanche, nous semble plus intéressante. Pourtant, l’on a
pu lire, à son propos, qu’elle apparaissait comme « le moins important, ne visant, semble-t-il,
qu'à souligner l'exigence d'une faute grave »1317 ; qu’elle avait pour objectif de ne pas ouvrir
trop largement la voie à une action en responsabilité des tiers1318 ou encore qu’il ne s’agissait
que d’un simple renvoi au bon père de famille1319. A notre sens, aucune de ces interprétations
ne peut être retenue. La juxtaposition entre l’intentionnalité et la particulière gravité suffit à
souligner l’exigence d’une faute grave de la même manière qu’elle permet de limiter les
actions des tiers puisque la faute grave n’est pas nécessairement intentionnelle et, à l’inverse,
« l'insistance de la formule "d'une particulière gravité" conduit à penser qu'il conviendrait de
distinguer la faute intentionnelle vénielle »1320. Par ailleurs, l’expression « exercice normal »
ne peut faire référence au bonus pater familias car, à l’évidence, le dirigeant d’entreprise est
l’antithèse du bon père de famille. Au contraire, l’on espère, d’un comportement « normal »
du premier, qu’il agisse dans le seul intérêt de la société conformément aux compétences qui
sont les siennes. Autrement dit, la terminologie ferait référence à des « normes de gestion ».
La faute séparable des fonctions serait ainsi celle que l’on n’attend pas d’un dirigeant diligent.

531. Synthèse. L’exposé du contenu de la responsabilité des personnes morales pour le fait
de leurs dirigeants a dévoilé certaines particularités d’un régime de responsabilité par
représentation, en particulier l’extériorité – de principe – du dirigeant à l’action civile dirigée
par le tiers. Certes, cette solution s’explique d’abord par la nature spécifique des personnes
morales dont la volonté propre ne peut s’exprimer qu’à travers son dirigeant ; mais, si l’on
considère que c’est le pouvoir de représentation qui fait office d’écran entre les parties
extrêmes, alors il devient possible d’envisager que, dans le cadre de la représentation des
personnes physiques, la représentation joue ce même rôle. Il convient, désormais, de les
mettre plus clairement en évidence afin de préciser les conditions de mise en œuvre d’une
responsabilité par représentation et d’en tirer les conséquences, le cas échéant, dans le cadre
du mandat.
1316
Pour une comparaison entre la « faute de gestion » et la « faute séparable des fonctions » et pour une
première approche des discussions doctrinales portant sur la nécessité, ou non, d’exiger que la faute de gestion
soit également séparable des fonctions voir G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité,
ouvrage précité, spéc. n° 863, pp. 1100 et s..
1317
B. DONDERO, note précitée, spéc. n° 4.
1318
J.-F. BARBIERI, note précitée.
1319
S. MESSAI-BAHRI, op. cité, spéc. n° 1220, p. 391.
1320
J.-F. BARBIERI, note précitée, spéc. n° 9.

306
B- L’approche théorique : les conditions constitutives d’une responsabilité par
représentation

532. Exposé des données du problème. A l’image de l’ensemble du droit de la


responsabilité civile, la responsabilité par représentation suppose, un fait générateur, un
dommage et un lien de causalité entre le premier et le second. Mais, comme tout régime de
responsabilité original, celui-ci requiert des conditions particulières ou, à tout le moins, les
conditions classiques s’interprètent selon des principes qui lui sont propres1321.

533. L’examen des règles applicables à la responsabilité civile des personnes morales pour
le fait de leurs dirigeants a mis en lumière toute l’importance qui devait être accordée au
pouvoir de représentation qui, à n’en pas douter, constitue le poumon de ce régime de
responsabilité1322. L’on a vu, ainsi, que le fait générateur de responsabilité devait avoir été
commis par un représentant, dans le cadre du pouvoir de représentation. En principe, le
dépassement « objectif » des limites qui ont été posées exclut la mise en œuvre de la
responsabilité du représenté pour le fait du représentant, sauf si le tiers atteste de son
incapacité légitime à connaître l’étendue exacte des pouvoirs de l’intermédiaire. Dans cette
hypothèse, c’est également la référence au pouvoir de représentation qui justifie la solution,
mais cette fois-ci appréciée du point de vue du cocontractant. En revanche, le dépassement
« subjectif » est insuffisant à exclure tout à fait la responsabilité de la personne morale qui
peut se retrouver en concours avec celle du dirigeant. La règle est à nouveau essentiellement
protectrice des intérêts du tiers qui conserve la possibilité d’obtenir réparation de la part du
représenté, généralement plus solvable que le représentant ; mais elle l’est également à l’égard
de la personne morale qui dispose toujours d’un recours en contribution contre son dirigeant
chaque fois que ce dernier a manqué à ses devoirs ou n’a pas respecté les intérêts de celui
pour lequel il agit. L’on comprend ainsi que la représentation est véritablement le cœur du
système de responsabilité, qu’il s’agisse de la relation entre le représenté et son représentant
ou de celle qui unit ces derniers aux tiers. Si l’on se souvient que la représentation est tournée
vers les tiers, cette organisation se conçoit aisément et ne souffre, à notre sens, d’aucune
critique.

534. En réalité, il n’est qu’une seule hypothèse dans laquelle la responsabilité de la


personne morale ne semble jamais pouvoir être mise en cause (hormis la violation des

1321
Infra, n° 684 et s..
1322
Supra, n° 482 et s..

307
pouvoirs légaux de représentation) : la liquidation judiciaire de la société. Autrement dit,
lorsque la « capacité juridique »1323 de l’être représenté est douteuse – c’est-à-dire que
l’exercice du pouvoir de représentation révèle l’incapacité du représenté à gérer lui-même ses
affaires – les règles de la responsabilité par représentation doivent être exclues.

535. Plan. Ainsi, le pouvoir de représentation détermine, à la fois le cadre de la


responsabilité par représentation (le lien entre le fait générateur de responsabilité et la mission
de représentation) et le contenu du rapport représenté – représentant. Le principe se vérifie à
propos de la responsabilité par représentation du mandant pour le fait de son mandataire.
D’une part, la qualification de mandat ayant été exclue lorsque le pouvoir de représentation
est attribué1324, l’hypothèse d’un dessaisissement est inconcevable à propos de la
responsabilité par représentation dans le mandat. Par voie de conséquence, le rapport de
représentation mandant – mandataire reflète nécessairement un rapport librement accepté.
Mais, parce que la question de l’extension de la responsabilité par représentation à d’autres
situations que celles du mandat ou de la personne morale peut se poser, il nous appartient
d’examiner le contenu du rapport de représentation (2). D’autre part, à l’examen de la
jurisprudence1325, l’exigence d’un lien entre la faute commise par le mandataire et la mission
qui lui a été confiée apparaît clairement (1).

536. L’exposé de ces conditions évoque très fortement celles applicables à la responsabilité
du fait d’autrui. L’on pourrait alors s’interroger sur le point de savoir si notre responsabilité
par représentation n’est pas, finalement, une application particulière de la responsabilité du
fait d’autrui, ce qui contredirait certainement la jurisprudence applicable à la responsabilité
des personnes morales selon laquelle cette responsabilité par représentation est une
responsabilité personnelle. L’ensemble de ces questions sera examiné plus en profondeur
ultérieurement, dans le cadre du second sous-titre de ce Titre 1.

1323
Nous mettons cette expression entre guillemets parce que, lorsque le représenté est une personne morale,
l’incapacité juridique se comprend difficilement. En revanche, la terminologie est lus adéquate lorsque le
représenté est une personne physique. C’est la raison pour laquelle nous insistons autant sur la nécessaire
capacité juridique du représenté lors de la mise en œuvre de la responsabilité du représentant. Infra, n° 551 et s..
1324
Supra, n° 81 et s..
1325
Supra, n° 448 et s..

308
1- Un fait du représentant

537. Exposé du problème. Admettre la responsabilité par représentation du mandant -


représenté pour un fait matériellement imputable au mandataire - représentant n’est pas sans
conséquence sur l’équilibre de la relation entre les parties à la situation de représentation. Il a
en effet pour résultat principal de sanctionner un donneur d’ordre matériellement étranger au
fait dommageable et de déresponsabiliser un intermédiaire matériellement responsable. Si, au
regard de la répartition des intérêts économiques, cette distribution se justifie1326, il apparaît
toutefois essentiel d’encadrer strictement la mise en œuvre de cette responsabilité, et, en
particulier, la constitution du fait générateur. L’objectif de cette opération est d’éviter que tout
fait du représentant suffise à engager la responsabilité du représenté, à moins de confier au
premier un pouvoir extraordinaire car dépourvu de toute sanction éventuelle (au moins vis-à-
vis des tiers1327) et de placer le second dans une situation potentiellement dangereuse.

538. L’examen de la responsabilité des personnes morales a montré que, dans l’hypothèse
d’une violation objective (dépassement de pouvoir) ou subjective (mauvaise utilisation du
pouvoir de représentation), la responsabilité du groupement était atténuée, voire exclue. De la
sorte, deux conditions devront être réunies pour que le fait d’un mandataire ou d’un
représentant soit générateur de la responsabilité du mandant - représenté. La première, la plus
évidente, le fait litigieux doit avoir été commis dans les limites du pouvoir donné. Autrement
dit, le fait générateur doit avoir effectivement été réalisé dans le cadre de la représentation. La
seconde est consécutive à la première, le mandataire ne doit pas avoir eu d’intérêt personnel
quelconque au moment de la prise de décision1328. Encore une fois, ceci ne signifie pas que
l’agent doit être complètement désintéressé, ceci rappelle simplement que ses intérêts
personnels ne doivent pas interférer avec la décision prise. Nous allons examiner tour à tour
chacune de ces conditions.

539. Le fait dommageable doit avoir été commis dans le cadre de la représentation.
C’est sans doute un truisme que de le rappeler, mais le fait du mandataire doit forcément avoir
été commis dans le cadre de la représentation pour que la responsabilité du mandant soit
engagée sur ce fondement. Il s'agit là d’une condition essentielle sans laquelle aucune
responsabilité par représentation ne peut être mise en œuvre. Cette exigence est apparue très

1326
Supra, n° 28 et s..
1327
Sur le recours du mandant contre son mandataire : infra, n° 791 et s.
1328
Sur le lien entre la représentation et l’intérêt d’autrui : supra, n° 170 et s..

309
nettement à propos de la responsabilité des personnes morales puisque la violation des
pouvoirs légaux de représentation par le dirigeant est exclusive de la responsabilité du
groupement représenté. Dans le cadre du mandat, les données du problème sont légèrement
différentes puisque l’étendue des pouvoirs de représentation du mandataire n’a pas été définie
par la loi. Cela étant dit, l’essentiel demeure inchangé : l’absence ou le dépassement des
pouvoirs de représentation exclue la mise en œuvre de la responsabilité du mandant. À cet
égard, la jurisprudence est particulièrement éloquente et l'ensemble des décisions qui
évoquent un tel régime prend en effet la peine d'y faire référence. Dans l'arrêt de la troisième
Chambre civile de la Cour de cassation rendu le 29 avril 19981329, par exemple, les juges
justifient leur décision par le fait que le mandataire n'a pas « dépassé les limites des pouvoirs
de représentation conférés par le mandant » ; de même, dans son arrêt rendu le 31 mars 1981,
la première Chambre civile rappelle également que l’auteur du fait dommageable « agit dans
l’exercice de ses fonctions de mandataire rémunéré de la compagnie, laquelle est responsable
des fautes qu’il commet en cette qualité »1330. Un siècle plus tôt la Chambre des requêtes
admettait déjà la responsabilité du mandant pour un fait imputable au mandataire « agissant
dans les limites de son mandat »1331 ou refusait au mandant de se prévaloir de l’article 1998
alinéa 2 du Code civil pour rejeter les conséquences du dol et de la fraude du mandataire1332 ;
la Chambre civile également fait référence au pouvoir donné pour fonder la responsabilité du
mandant1333.

540. A l’inverse, dans d’autres arrêts où la responsabilité du mandant n’a pas été constatée,
les juges prennent soin de motiver cette irresponsabilité par le dépassement de pouvoir du
mandataire. Dans un arrêt rendu par la Chambre civile le 24 février 19301334, la Cour de
cassation rejette la responsabilité du mandant au motif qu’il « n'est pas, par le seul effet du
contrat de mandat, responsable civilement des infractions commises par le mandataire à
l'occasion de l'exercice de son mandat » ; dans un autre en date du 3 mai 19401335, la
Chambre criminelle s’exprime en des termes similaires. Dans les deux espèces, le mandataire
avait fait l’objet de poursuites pénales pour des fautes commises en dehors des fonctions
auxquelles il avait été assigné. (Dans la première, le mandant avait demandé à un transporteur
1329
Civ. 3, 29 avril 1998 - Bull. civ., 1998, III, n° 87 : JCP E., 1998, pan. 1017 ; R.T.D. Civ., 1998, p. 930, note
P.-Y. GAUTIER ; R.T.D. Civ., 1999, p. 89, note J. MESTRE ; A.J.D.I., 1999, p. 491, note F. COHET-CORDEY. Arrêt
précité.
1330
Civ. 1, 31 mars 1981 - Bull. civ., 1981, I, n° 108.
1331
Req., 30 juillet 1895 : D.P., 1896, 1, 132. Arrêt précité.
1332
Req., 14 juin 1847 : D.P., 1847, 1, 332.
1333
Civ., 4 décembre 1899 : Sirey, 1900, 1, 311.
1334
Civ., 24 févr. 1930 : G.P., 1934, 1, p. 654.
1335
Crim., 3 mai 1940 : G.P., 1940, 2, p. 28.

310
de récupérer des marchandises et lui avait remis la somme nécessaire pour en acquitter les
droits, ce dont il s’était abstenu ; dans la seconde le mandataire était chargé de vérifier le
fonctionnement d’une voiture et avait occasionné un accident alors qu’il la conduisait pour
son plaisir personnel.) C’est dire, de façon tangible, l’importance du cadre représentatif dans
lequel doit être commis le fait générateur de la responsabilité : dans les limites du pouvoir, les
règles de la responsabilité par représentation sont applicables ; au-delà de ces limites, l’on
revient aux règles de la responsabilité personnelle.

541. L’on perçoit alors toute l’importance de fixer les limites exactes du pouvoir donné. Et
c’est là qu’une difficulté est mise à jour car tous les mandats ne sont pas définis en termes
précis1336. Or, s’il est relativement facile de déterminer le cadre de représentation lorsque le
mandat est spécial1337 (par exemple, lorsque le mandant donne pouvoir au mandataire
d’acquérir un appartement à PARIS, ce dernier n’est pas habilité à acheter une maison en
banlieue parisienne, fut-ce à un prix intéressant pour le maître de l’affaire ; de même, il
n’entre pas dans le mandat de l'avocat de consentir à la vente d’un bien immobilier alors qu’il
avait été seulement chargé par le propriétaire de mener une procédure tendant à l'expulsion du
locataire qui n'avait pas accepté l'offre de vente du logement 1338) ; l’obstacle n’est plus le
même lorsque, donné en termes généraux, il embrasse l’ensemble des affaires du mandant
(par exemple lorsqu’il s’agit d’un mandat général de gérer et d’administrer les biens du
mandant, ou lorsque le mandant confère au mandataire le pouvoir de contracter des emprunts
sans préciser desquels il s’agit1339). Dans cette optique, comment établir les limites à ne pas
dépasser ? Comment s’assurer que l’intermédiaire agit véritablement selon la volonté du
donneur d’ordre alors même que celui ne l’a pas précisément définie ?

542. Le fait dommageable doit être étranger aux intérêts du mandataire. C’est ici
qu’intervient la seconde condition précédemment suggérée : l’absence d’intérêt personnel du
mandataire au moment de la prise de décision. En effet, lorsque l’intermédiaire bénéficie

1336
Article 1987 du Code civil : « Il est ou spécial et pour une affaire ou certaines affaires seulement, ou général
et pour toutes les affaires du mandant. » ; Article 1988 du Code civil « Le mandat conçu en termes généraux
n'embrasse que les actes d'administration. ».
1337
Cette affirmation n’a cependant rien d’absolu : même dans l’hypothèse d’un mandat spécial, le mandataire
bénéficie d’une certaine marge de manœuvre, ne serait-ce que par la possibilité de choisir lui-même le
cocontractant (sauf cas exceptionnel ou le mandant désigne lui-même la personne) ; autre possibilité, lorsque le
donneur d’ordre donne mandat de vendre un bien qui vaut 100, l’intermédiaire peut le vendre 110 (intérêt
manifeste) mais également 90 si le contexte le justifie. Autrement dit, la mission peut avoir été précisément
définie, il n’en reste pas moins que l’intermédiaire demeure souverain lorsqu’il s’agit de choisir les moyens pour
parvenir à la finalité exprimée par le donneur d’ordre. En réalité, rares sont les situations où l’agent est
totalement lié par la volonté de celui pour lequel il agit.
1338
Civ. 1, 16 mars 1994 - Bull. civ., 1994, I, n° 99.
1339
Civ. 1, 21 novembre1995 - Bull. civ., 1995, I, n° 417.

311
d’une plus large marge de manœuvre, elle ne doit pas constituer un prétexte pour avantager
ses propres affaires. Deux exemples vont nous permettre d’illustrer ce principe. A donne
mandat à B de vendre un bien immobilier. B est séduit par l’offre, mais au regard de l'article
1596 du Code civil, il ne peut se porter acquéreur. Deux acheteurs potentiels se présentent. Le
premier, C, est très intéressé, il dispose, par ailleurs, de toutes les garanties nécessaires. Le
second, D, est plus hésitant car ses capacités financières sont plus faibles. Sachant cela, B
dissuade C et incite D à acheter, parce qu’il espère que ce dernier sera rapidement obligé de
vendre à son tour. Ici, le choix du mandataire révèle son intérêt personnel, ce qui le fait sortir
du cadre de la représentation. A l’inverse, imaginons un banquier, titulaire d'un mandat
général d'administrer les comptes d’une société, qui falsifie les données bancaires afin de faire
accéder sa cliente à des placements plus intéressants. Dans un tel cas de figure, le mandataire
n’a aucun intérêt à agir de cette manière. Dans l’hypothèse d’une action en responsabilité
intentée par un cocontractant, l’intermédiaire serait couvert par le pouvoir qui lui a été
donné1340. En d’autres termes, seuls les intérêts du mandant doivent prédominer lorsque le
mandataire choisit d’effectuer un acte plutôt qu’un autre1341.

543. A cet égard, l’arrêt de la troisième Chambre civile rendu le 29 avril 19981342 est,
encore une fois, riche d’enseignements. Une société immobilière fait édifier un ensemble
immobilier dont elle confie la vente à une société de commercialisation. Le mandataire
démarche un couple d'investisseurs, alléché par l’offre formulée par une autre société
mandataire de la S.C.I. aux termes de laquelle ce second mandataire s’engage, en contrepartie
de la mise à disposition du bien, à garantir une certaine rentabilité forfaitaire aux acquéreurs.
L'affaire, s’avérant finalement moins juteuse qu’ils ne l’avaient espérée, les acquéreurs
assignent en nullité de la vente et en dommages-et-intérêts la société immobilière, les deux
mandataires et la banque qui leur a consenti le prêt. Les juges du fond, dont la décision est
confirmée en tous points par les juges du droit, accèdent partiellement à cette demande en
accueillant favorablement la demande en nullité et en condamnant in solidum la société
vendereresse et le mandataire auteur de l'offre de garantie. En revanche, le mandataire ayant
eu pour mission de conclure le contrat de vente échappe à toute responsabilité, sans que pour
autant les juges ne s’expliquent sur cette irresponsabilité.

1340
Dans l’hypothèse, évidemment, où le rapport de représentation est constitué infra, n° 547 et s.). Par ailleurs,
ceci ne suppose pas que le mandant ne puisse, au titre de la contribution à la dette, se retourner contre le
mandataire (infra, n° 791 et s.) ; voire qu’il engage sa responsabilité contractuelle envers ce dernier si les
conditions sont réunies.
1341
En ce sens voir PH. DIDIER, De la représentation en droit privé, op. cité, spéc. n° 180 et s., pp.129 et s..
1342
Civ. 3, 29 avril 1998, arrêt précité.

312
544. En dépit de ce silence, les circonstances de fait nous apportent de nombreux
éclaircissements. L’on remarque en effet que, sur les deux mandataires, seul celui qui avait un
intérêt réel à la conclusion de la vente est condamné, c’est-à-dire celui qui obtient la mise à
disposition du bien immobilier. A l’inverse, le mandataire chargé de recueillir le
consentement de l’acquéreur ne trouve d’autre intérêt que celui de faciliter la vente dont il a
été chargé. De cette manière, si l’on peut très certainement lui reprocher d’avoir violé son
obligation de conseil vis-à-vis du tiers (en l’espèce il s’agissait d’un professionnel) l’on ne
peut le tancer d’avoir agi en dehors du pouvoir donné : non seulement, il a respecté les termes
de la mission ; mais encore, il l’a accomplie sans interférer avec ses propres intérêts1343.
Autrement dit, en l’absence de mandat de vendre, ce dernier n’aurait sans doute pas commis
le moindre dol.

545. La nature de la faute génératrice de responsabilité. Reste un dernier point à régler :


celui de la nature de la faute du mandataire génératrice de la responsabilité par représentation
du mandant. Nous avons vu, lors de développements précédents, que le contentieux évoquant
l’existence de ce régime se limitait essentiellement au dol1344, c’est-à-dire à une faute dans
laquelle l’intention de l’auteur de la faute était prépondérante. Faut-il en tirer la conclusion
que les règles de la responsabilité par représentation ne s’envisagent qu’à travers le dol du
mandataire ? A notre sens, cette conception est trop hâtive. Au contraire, l’idée que la
représentation puisse s’étendre à des faits pour lesquels la dimension subjective est
prépondérante nous encourage à penser que la responsabilité par représentation est d’autant
plus concevable lorsque cet élément intentionnel ne se vérifie pas.

546. Une comparaison avec la responsabilité des personnes morales confirme d’ailleurs
cette vision puisque, dans cette hypothèse, tout fait dommageable est générateur de
responsabilité, qu’il s’agisse d’un dol, d’une fraude, d’un manquement à une obligation légale
ou contractuelle, etc.1345. Autrement dit, lors de la mise en œuvre de la responsabilité par
représentation, la nature de la faute commise par le représentant n’importe pas, dès lors que
les circonstances de sa commission sont attachées au pouvoir de représentation1346. Reste à
définir le lien qui unit le titulaire du pouvoir de représentation au représenté.

1343
Sur le conflit d’intérêt, supra, n° 542 et s.. (Sujet abordé relativement aux règles de responsabilité dans le
lien interne.)
1344
Supra, n° 448 et s..
1345
Supra, n° 501 et s..
1346
Cet aspect, en revanche, pourra être pris en compte lors l’un éventuel recours en contribution. Infra, n° 791
et s..

313
2- L’examen du rapport de représentation

547. Problématique. L’examen de la responsabilité par représentation des personnes


morales a montré toute l’importance du pouvoir de représentation lors de la mise en œuvre de
la responsabilité par représentation. Mais tout pouvoir de représentation est-il nécessaire et
suffisant à la mise en œuvre du régime ou doit-on considérer, au contraire, que le lien
représentant – représenté doit revêtir certaines qualités ? A la différence du lien de
préposition, le rapport de représentation recouvre des situations profondément différentes :
selon les hypothèses, le représenté demeurera ou non maître de ses affaires, sera en mesure de
diriger et contrôler efficacement ou pas l’action du représentant. Or, si tout lien de préposition
suffit à la mise en œuvre de la responsabilité du commettant, il semble difficile d’admettre
que tout rapport de représentation justifie la responsabilité du représenté pour le fait de son
représentant. Cette difficulté se fera plus particulièrement ressentir en présence d’un mandat
donné par un profane à un particulier1347.

548. A ce stade de nos développements, l’existence d’une responsabilité par représentation


n’a été constatée qu’au travers de la responsabilité des personnes morales et dans le cadre du
mandat. Or, la représentation existe en dehors de ces situations et l’extension du régime
pourrait être suggérée. Il convient donc de mieux définir le contenu de ce rapport de
représentation afin de mieux circonscrire, à l’avenir, les contours de ce régime de
responsabilité.

549. La neutralité de l’origine du pouvoir de représentation. De manière générale, l’on


sait que la représentation est soit volontaire, soit imposée par la loi ou l’autorité judiciaire.
Lorsque la représentation est imposée, il paraît difficile d’autoriser la mise en œuvre de la
responsabilité du représenté pour le fait du représentant. C’est d’ailleurs la voie choisie par le
législateur allemand qui, tout en reconnaissant un régime de responsabilité par
représentation1348, a refusé catégoriquement de faire supporter les conséquences de la faute
délictuelle du représentant par le représenté lorsque ce dernier est incapable 1349. Si l’on
compare la représentation du mandant avec la représentation de l’incapable, cette éviction
s’explique. D’un côté l’efficacité de la volonté du représenté est théoriquement absolue, de
l’autre elle est simplement inexistante, qu’il s’agisse de la mise en œuvre de la représentation

1347
Infra, n° 553 et s..
1348
Supra, n° 438 et s..
1349
M. PEDAMON, Code civil Allemand, op. cité, v° § 632.

314
ou du contenu de sa mission. Elle serait même en totale contradiction avec les règles de la
responsabilité du fait d’autrui. Si l’on observe la situation du mineur incapable, par exemple,
les parents – dont ils sont les représentants légaux – sont responsables de plein droit des faits
de leur enfant. Aussi serait-il incohérent et inapproprié d’admettre également la responsabilité
de l’enfant pour les faits de ses parents au seul motif que le premier est représenté par les
seconds.

550. Pourtant, énoncée ainsi, cette exclusion ne tient pas. En effet, nous avons vu que la
représentation des personnes morales était de nature légale, donc imposée. Malgré cela,
l’hypothèse d’une responsabilité civile par représentation des personnes morales a été
confirmée. Autrement dit, ce n’est pas l’origine de la représentation qui justifie, à elle seule,
que certains représentés puissent échapper aux conséquences dommageables d’un fait
juridique commis par le représentant. En revanche, toujours à propos de la responsabilité des
personnes morales, il a été établi que celle-ci était exclue toutes les fois où, dans le cadre
d’une procédure collective, le dirigeant commet une faute de gestion 1350. Il convient donc de
s’interroger sur les raisons de cette paralysie afin d’apporter quelques précisions sur le
contenu du rapport de représentation.

551. Un rapport de représentation non consécutif du dessaisissement du représenté.


L’on pourrait évidemment penser, pour expliquer cet état de fait, à un argument d’ordre
pratique : si la personne morale est en situation de liquidation judiciaire, c’est qu’elle connaît
des difficultés financières. Rajouter à celles-ci une nouvelle dette de réparation serait un non-
sens, alourdissant ainsi le passif social. Mais l’on pourrait également avancer un argument
plus théorique : le jugement d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire
s’accompagne ipso facto du dessaisissement du débiteur1351. Si, depuis la loi du 26 juillet
2005, lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants demeurent en principe en
fonction, sauf « disposition contraire des statuts ou décision de l'assemblée générale » ou
« cas de nécessité »1352, il n’en reste pas moins que le dessaisissement s’observe, celui-ci étant
par nature impératif1353. Autrement dit, les dirigeants continuent d’exercer leurs fonctions de
représentation, mais il ne s’agit alors que d’une représentation d’une personne morale

1350
La procédure est prévue à l’article L. 651-2 du Code de commerce.
1351
Article L. 641-9, I, al.1 du Code de commerce : « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation
judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de
la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation
judiciaire n'est pas clôturée ».
1352
Article L. 641-9 II, al. 1 du Code de commerce.
1353
Com., 18 janvier 2000 – Pourvoi n° 97-20.587.

315
juridiquement incapable, cette mesure présentant « les traits généraux d’une incapacité de
protection »1354. Certes, il pourrait être objecté que le dessaisissement de la personne morale
ne s’observe qu’à compter de la date du jugement d’ouverture, mais que les fautes de gestion
peuvent être antérieures à cette date. Néanmoins, par comparaison avec le régime de la
protection des personnes physiques, l’on pourrait considérer que les actes accomplis au nom
de la personne morale soient suspects. En effet, selon l’article 464 du Code civil, pendant une
durée de deux ans précédant la mise en œuvre de la mesure, les actes effectués par le majeur
protégé font l’objet d’une certaine méfiance permettant, le cas échéant, leur réduction ou leur
nullité.

552. L’on en vient alors à considérer que, plus que la nature de la représentation, c’est la
condition de l’absence de dessaisissement du représenté qui importe. Concrètement, seules les
hypothèses dans lesquelles le représenté conserve la possibilité de conserver personnellement
ses affaires permettent le recours aux règles de la responsabilité par représentation.

553. Un rapport de représentation éclairé ? Toujours dans l’idée de s’assurer d’un relatif
équilibre, doit-on exiger que le rapport de représentation soit également éclairé, c’est-à-dire
que le représenté ait été en mesure de contrôler et de diriger efficacement l’action du
représentant ? Les situations de représentation sont très disparates et d’éventuels déséquilibres
peuvent s'instaurer en faveur de l'un ou l'autre des partenaires. A notre sens, trois
configurations doivent être distinguées. La première intéresse les mandats donnés par des
professionnels à d’autres professionnels, qu’il s’agisse d’employés ou de collaborateurs. A cet
égard, on peut citer le mandat donné par un notaire à l’un de ses clercs, ou le mandat donné
par une société d’assurance à l’un de ses agents. Dans cette configuration, la finalité est avant
tout économique. Le mandant dispose de toutes les compétences nécessaires pour arriver à ses
fins, sauf celle de l’ubiquité. La technique du mandat lui permet de pallier ce manque et de
réaliser une belle opération. La seconde concerne les mandats donnés par des néophytes à des
professionnels. L’exemple topique est celui du mandat du banquier ou de l’avocat. Bien que
la recherche du gain soit encore présente, la finalité diffère sensiblement : l’objectif est
également de bénéficier des conseils avisés d’un professionnel averti. La troisième, enfin, vise
les mandats service d’amis. Ils sont aujourd’hui de plus en plus rares, mais n’ont pas encore
totalement disparu du paysage juridique. L’on songe, notamment, au mandat entre époux.

1354
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, op. cité, spéc. n° 1095, p. 731.

316
554. A l’évidence, le rapport de force ne penche pas toujours du même côté. Les
compétences intellectuelles ou professionnelles, en particulier, ne sont pas l’apanage du seul
mandant ou du seul mandataire. S’il est vrai que, d’un point de vue économique, le grand
gagnant sera systématiquement le mandant, seul maître de l’affaire, la pression exercée sur le
mandataire sera, en revanche, fort différente selon la nature de la relation qui les unit ou ses
capacités personnelles à parvenir au résultat escompté par celui pour qui il agit. Aussi, pour
faire jouer les règles de la responsabilité par représentation, il pourrait être souhaitable de
proposer au mandant des moyens de se prémunir contre un éventuel déséquilibre qui lui serait
préjudiciable.

555. Il s'avère alors que c'est principalement dans le cadre du mandat donné par un profane
à un professionnel que ce genre de difficultés peut émerger. C’est sans doute dans ce cas de
figure que l’hypothèse d’une responsabilité par représentation apparaîtra la plus inefficace,
inéquitable, dangereuse. Sur ce point, les critiques pourraient être nombreuses. Non
seulement, le pouvoir économique pèsera plus rarement en faveur du mandant ; mais surtout,
le professionnel aura généralement pris soin d’assurer son activité. Par voie de conséquence,
le tiers ne disposera pas du meilleur « payeur » et cette solution apparaîtra sévère pour le
mandant, déresponsabilisante pour le mandataire : à tous niveaux, la mise en œuvre de la
responsabilité par représentation n’apparaîtra pas opportune dans cette situation.
Malheureusement, la représentation étant un mécanisme tourné vers les tiers, il semble
difficile de pouvoir corriger ces risques d’iniquité tant que l’on se place au niveau de
l’obligation à la dette. En effet, la mise en place des effets de la représentation est indifférente
au contenu de la relation principale, le mécanisme est au contraire automatique dès lors que
les conditions sont réunies.

556. Plusieurs pistes pourraient néanmoins être explorées, afin de remédier à ces risques
d’iniquité. Une première consisterait à dire que la faute professionnelle du mandataire
agissant pour le compte d’un profane est d’une gravité telle qu’il est sorti des limites de sa
mission de représentation qui suppose une action dans l’intérêt d’autrui. Autrement dit, la
faute qui lui est reprochée est extérieure aux fonctions auxquelles il est assigné. En effet, dans
cette situation, celui qui s’en remet aux mains d’un sachant espère généralement, outre la
valorisation de son patrimoine, bénéficier de ses conseils avisés. Autrement dit, dans cette
configuration, la faute du mandataire peut suggérer plus particulièrement une mauvaise
utilisation du pouvoir de représentation par ce dernier. Cette solution supposerait néanmoins
que le mandant rapporte la preuve de la faute du mandataire, sauf à supposer que la faute de

317
dernier est présumée. Ce mécanisme évoque la notion de « faute séparable des fonctions »
que l’on a rencontrée lors de l’examen de la responsabilité des personnes morales1355. Il
apparaît néanmoins relativement peu compatible avec le système de responsabilité par
représentation car il repose sur l’appréciation de la relation mandant – mandataire, alors que
l’on se situe dans le cadre de la réparation du dommage subi par le tiers. Quoi qu’il en soit,
son utilité pratique paraît faible et sa mise en œuvre faible : à propos de la responsabilité des
personnes morales, cette « faute séparable des fonctions » a été qualifiée d’introuvable1356.
Une seconde piste reposerait sur une exclusion pure et simple de la responsabilité par
représentation lorsque le mandat a été donné par un profane à un professionnel. Cette solution
serait sans doute plus efficace que la première et certainement plus simple à mettre en place.
Les motifs invoqués (ne pas être trop sévère avec les mandants profanes, éviter la
déresponsabilisation du mandataire professionnel qui agit pour le compte d’un particulier,
préserver les droits du tiers, contourner la complexité du système et de la multiplication des
procédures) auront sans doute une connotation plus politique que juridique, mais il n’est pas
certain qu’ils soient irrecevables. Par le passé, il est d’ailleurs apparu que le législateur et la
Cour de cassation se sont appuyés sur de tels arguments, pour, par exemple, proposer un
système de protection des consommateurs, consacrer une immunité civile au bénéfice du
préposé, refuser l’extension du principe de responsabilité du fait d’autrui aux syndicats. Quoi
qu’il en soit, nous avons vu, que les actions récursoires étaient, non seulement, largement
ouvertes au représenté, mais surtout nécessaires chaque fois que la mise en œuvre de la
responsabilité du représenté résultait d’une exécution déficiente du pouvoir de représentation.
Aussi, au stade de la contribution à la dette, il sera absolument fondamental de s’appuyer sur
le rapport principal afin de rectifier les éventuels déséquilibres consécutifs à une mauvaise
information du donneur d’ordre1357.

557. Synthèse. Au terme de ces développements, deux conditions apparaissent nécessaires


pour la mise en œuvre d’une responsabilité par représentation : d’une part, un rapport de
représentation non consécutif à un dessaisissement du représenté et, d’autre part, un fait
générateur commis dans le cadre du pouvoir de représentation. Ainsi définie, la responsabilité
par représentation « participe de l'idée qu'il est normal de limiter la responsabilité de ceux qui
causent un dommage en agissant au service et dans l'intérêt d'autrui aux seuls cas de fautes

1355
Supra, n° 528 et s..
1356
Infra, n° 764 et s..
1357
Infra, n° 791 et s..

318
suffisamment extérieures aux fonctions exercées »1358. Les règles qui la gouvernent ne sont
finalement pas si éloignées de celles applicables à la responsabilité du commettant car l’on
retrouve à la fois la condition d’un lien particulier entre le représenté et le représentant, et
l’exigence d’un fait rattachable à la mission qui a été dévolue à l’agent 1359. Comme pour le
régime de l’article 1384 alinéa 5, la responsabilité par représentation est de type délictuel
(puisque le dommage intervient lors de la période qui précède le contrat) ce qui, en théorie,
laisse peu de place à la volonté individuelle.

§2 - La place de la volonté individuelle dans la mise en œuvre de la responsabilité


par représentation

558. Définition du problème. Le rôle de la volonté individuelle dans la mise en œuvre de


la responsabilité par représentation au titre de l’obligation à la dette 1360 doit être évoqué1361.
Serait-il possible au mandant, et plus généralement à tout représenté dont la responsabilité
pourrait être engagée sur le fondement de la représentation1362, de limiter voire d’exclure sa
responsabilité envers les tiers pour un fait dommageable commis par l’intermédiaire ?

559. Plan. La réponse à cette question doit s’effectuer en deux temps. En premier lieu, il
nous appartient de nous interroger sur l’opportunité d’une telle réflexion. En effet, il convient
de rappeler que c’est au stade de la formation du contrat que la responsabilité par
représentation intervient puisque le rôle du représentant est d’engager le représenté et non

1358
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, op. cité, spéc. n° 788, p. 904.
1359
S’agissant du régime ou des recours possibles du responsable contre le primo-délinquant, ces deux régimes
de responsabilité sont toutefois profondément différents : supra, n° 395 et s. et infra, n° 791 et s...
1360
Le rôle de la volonté individuelle au titre de la contribution à la dette sera étudié ultérieurement.
1361
Pour des références générales sur la place de la volonté individuelle en matière de responsabilité délictuelle
voir not. : G. VINEY – P. JOURDAIN, Les effets de la responsabilité, coll. Traité de droit civil, sous la direction de
J. GHESTIN, L.G.D.J., 3ème édition, 2011, spéc. n° 212 et s., pp. 504 et s. ; H. et L. MAZEAUD, F. CHABAS, Traité
théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, préface de H. CAPITANT, Tome III,
Vol. 2, Montchrestien, 6ème édition, 1983, spéc. n° 2567 et s., pp. 91 et s. ; A.- S. MUZUAGHI, Le déclin des
clauses d'exonération de responsabilité sous l'influence de l'ordre public nouveau : étude de droit comparé,
Libye-Égypte-France, préface de P. BONASSIES, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, 1981,Tome 168,
spéc. n° 308 et s., pp. 207 et s. ; Y. CHARTIER, La réparation du préjudice, Dalloz, 1983, spéc. n° 139 et s., pp.
188 et s. ; PH. DELEBECQUE, « Régime de la réparation – Modalités de la réparation – Règles particulières à la
responsabilité contractuelle – Conventions relatives à la responsabilité », in J.-Cl. Resp. civ., Fasc. 210, 2012,
spéc. n° 10 et s. ; PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op. cité, spéc. n° 1054 et
s., pp. 473 et s. ; B. STARCK, « Observations sur le régime des clauses de non-responsabilité ou limitatives de
responsabilité », D., 1974, 1, p. 157, en partic. n° 20 à 24.
1362
Voir, à propos de la responsabilité par représentation des personnes morales autre partie de la thèse ; sur
l’extension du régime à d’autres représentés personne physique : infra, n° 573 et s..

319
d’exécuter sa volonté1363. Or, le droit positif est relativement hostile à l’admission de
conventions portant sur la responsabilité délictuelle. S’il est arrivé que le législateur
intervienne en défaveur de ces clauses (l’article L. 415-6 du Code rural, notamment, dispose
que sera « réputée non écrite toute clause insérée dans les baux stipulant que les détenteurs
du droit de chasse (…) ne sont pas responsables au sens des articles 1382 et suivants du code
civil, des dégâts causés aux cultures par les lapins de garenne et le gibier vivant dans leurs
bois »)1364, c’est en général la jurisprudence qui a essayé de les éliminer, bien que la question
se soit rarement posée. Moins fréquents en matière de responsabilité délictuelle qu’en matière
de responsabilité contractuelle, quelques exemples peuvent illustrer nos propos et l’on peut
citer, parmi d’autres, un arrêt de la Chambre des requêtes qui proclame qu’« il n’est pas plus
permis de s’exonérer, d’avance, par convention, des fautes de ses préposés que de ses propres
fautes »1365 ; l’on peut également mentionner un arrêt du 28 novembre 1962 rendu par la 2ème
Chambre civile de la Cour de cassation qui affirme « qu'en cette matière sont nulles les
clauses d'exonération ou d'atténuation de responsabilité, les articles 1382 et 1383 du Code
civil étant d'ordre public et leur application ne pouvant être paralysée d'avance par une
convention »1366 ou, encore, un arrêt de la même Chambre rendu le 15 juin 1994 et selon
lequel le fait « qu'il n'existe pas de lien contractuel entre l'avocat, rédacteur du cahier des
charges, et l'adjudicataire» ne permet pas à cet avocat de « s'exonérer de ses fautes par une
clause de non-responsabilité »1367. A propos du mandat, il a ainsi été jugé que la clause
insérée dans un acte de vente, excluant tout recours de l'acquéreur, contre le mandataire du
vendeur, pour sa responsabilité quasi délictuelle n’était pas valable1368. Néanmoins, la
doctrine est nettement moins tranchée, pour ne pas dire très critique à l’égard d’une
distinction qui « partout (…) paraît ignorée »1369. D’ailleurs, nous verrons que certains

1363
Supra, n° 367 et s..
1364
Pour d’autres exemples, voir H. et L. MAZEAUD, F. CHABAS, Traité théorique et pratique de la
responsabilité civile délictuelle et contractuelle, op. cité, n° 2572-2, p. 108.
1365
Req., 27 nombre 1911: Sirey, 1915, 1, p. 113.
1366
Civ. 2, 28 novembre 1962 - Bull. civ., 1962, II, n° 755 ; D., 1963, p. 465. Sur le recours à la notion d’ordre
public voir également : Civ. 2, 17 février 1955 – Grands arrêts, Tome 2, n° 182 : D., 1956, p. 17, note P.
ESMEIN ; J.C.P. G., 1955, II, 8951, note R. RODIERE.
1367
Civ. 2, 15 juin 1994 - Bull. civ., 1994, II, n° 155. Civ. 1, 20 juin 1995 – Bull. civ, 1995, I, n° 270 ; Pourvoi
n° 93-15.510.
1368
Civ. 1, 20 juin 1995 – Pourvoi n° 93-15.510 ; Bull. civ., 1995, I, n° 270 ; D., 1963, p. 465.
1369
G. VINEY ,« Rapport de synthèse » in Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité en Europe,
sous la direction de J. GHESTIN, Actes du colloque des 13 et 14 décembre 1990, Centre de droit des obligations
de l’Université de PARIS 1, L.G.D.J., coll. Droit des affaires, 1991, pp. 329 et s.. Voir également, G. VINEY – P.
JOURDAIN, Introduction à la responsabilité civile, ouvrage précité, n° 214, p. 599 ; P. DURAND, Des conventions
d’irresponsabilité, thèse PARIS, 1931, n° 154, p. 402. Il faut souligner, en effet, que le droit français se
différencie non seulement du droit allemand et des droits qui s’en inspirent et du Common law, qui ignore
complètement la distinction ; mais également de systèmes juridiques plus proches du nôtre, notamment le droit

320
auteurs recommandent d’étendre le régime des clauses limitatives ou restrictives de
responsabilité civile contractuelle à la responsabilité délictuelle. Aussi, nous devrons d’abord
prendre position sur la possibilité d’accueillir ces clauses dans le cadre de la responsabilité
délictuelle (A). En second lieu, il faudra nous assurer de la compatibilité de ces clauses avec
le mécanisme de la représentation qui fonde la réparation du dommage subi par le tiers
cocontractant (B).

A- L’admissibilité théorique de la convention portant sur la responsabilité par


représentation

560. Les termes du débat. « Les clauses relatives à la responsabilité délictuelle sont, à
première vue, surprenantes : comment une personne peut-elle prétendre se libérer par avance
de sa responsabilité à raison du préjudice qu'elle causera à une future victime qui lui est, par
hypothèse, étrangère, puisqu'elle n'a pas contracté avec elle ? »1370. Néanmoins, si
l’organisation des conséquences d’une action en responsabilité délictuelle par la volonté
individuelle est relativement rare, leur existence est néanmoins incontestable. L’hypothèse la
plus familière est celle de deux contractants (même entre deux parties contractuelles, une
action en responsabilité délictuelle demeure envisageable1371) ou futurs contractants (lorsqu’il
y a précontrat, il y a la possibilité d’y insérer une clause relative à une rupture abusive des
négociations) qui insèrent dans l’acte juridique une telle clause. Mais l’on peut imaginer
également que deux cocontractants prévoient les conséquences d’un dommage consécutif à
leur activité commune et subi par un tiers. Loin d’être une hypothèse d’école, de telles
conventions sont au contraire fréquentes en droit de l’entreprise ou de la construction1372.

belge qui reconnaît très largement la validité des conventions portant sur la responsabilité délictuelle (Cour de
cass. de Belgique, 21 janvier 1907 : P.A.S., 1907, 1, 135). L’ignorance européenne et les critiques doctrinales
françaises « devrai[en]t logiquement conduire à son abandon » (G. VINEY, « Rapport de synthèse », in Avant-
projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, ouvrage précité) si le projet CATALA venait à être
adopté puisqu’il a été proposé de valider les « clauses excluant ou limitant la réparation, même si elles affectent
une responsabilité de nature extra-contractuelle » (Voir, G. VINEY, ibid.).Voir également l’article 1382 de
l’avant-projet : « Les conventions ayant pour objet d'exclure ou de limiter la réparation sont en principe
valables, aussi bien en matière contractuelle qu'extra-contractuelle », ibid., p. 175).
1370
Y. CHARTIER, op. cité, n° 139, p. 188.
1371
H. et L. MAZEAUD, F. CHABAS, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et
contractuelle, op. cité, n° 2567, pp. 91-92 ; Y. CHARTIER, op. cité, n° 139, p. 188 ; A.- S. MUZUAGHI, Le déclin
des clauses d'exonération de responsabilité sous l'influence de l'ordre public nouveau : étude de droit comparé,
Libye-Égypte-France, op. cité, n° 295, p. 197 ; B. STARCK, « Observations sur le régime des clauses de non-
responsabilité ou limitatives de responsabilité », op. cité, n° 20, p. 159.
1372
G. VINEY, « Les clauses aménageant la responsabilité des constructeurs », Revue de droit immobilier, 1982,
pp. 319 et s. ; Y. SAINT JOURS, note sous Soc., 21 mars 1972 : J.C.P. G., 1972, II, 17236.

321
Elles posent toutefois question, tant au niveau de l’admissibilité de ces clauses en matière
délictuelle que du respect du principe de l’effet relatif des contrats. Ce sont celles-ci qui,
précisément, nous intéressent. Mais, déjà, une remarque doit être formulée. En supposant que
la responsabilité par représentation existe en dehors du mandat1373 et en admettant que la
volonté permette d’aménager la responsabilité par représentation, il faut néanmoins préciser
que cette possibilité ne concernera que la représentation qui se rattache à l’expression de la
volonté du représenté. La définition de la clause nous le rappelle puisqu’il s’agit d’une
« clause particulière d’un acte juridique »1374, c’est-à-dire une manifestation de volonté.

561. Ceci étant dit, peut-on accorder un tel pouvoir à la volonté individuelle alors même
que ces clauses s’appliqueront à la responsabilité délictuelle ? En dépit d’une jurisprudence
apparemment profondément hostile1375, nous avons d’ores et déjà précisé que la doctrine
proposait une réponse beaucoup plus nuancée qu’un refus systématique de ces
conventions1376. Dans l’ensemble, les auteurs sont même extrêmement critiques à l’égard de
la position de la Cour de cassation1377. La justification selon laquelle seule la responsabilité
délictuelle est d’ordre public est « discutable et discutée »1378, « sommaire »1379 et
dogmatique1380. Regrettant l’absolutisme de cette condamnation jurisprudentielle envers les
conventions portant sur la responsabilité délictuelle, certains auteurs ont proposé d’introduire
certaines distinctions. SAVATIER, par exemple, distinguait selon la nature de la règle violée.
Soit la faute porte atteinte à « un devoir légal déterminé ou à un devoir moral défini » et alors
« la jurisprudence a raison de regarder la clause d’irresponsabilité comme contraire à
l’ordre public » ; soit « la faute viole simplement le devoir général de ne pas nuire à autrui »
et « la victime peut, en général, renoncer, d’avance, à une réparation, puisqu’elle aurait pu,
d’avance, consentir à l’acte dommageable »1381. Plus proches de nous, les professeurs TERRE,
SIMLER et LEQUETTE ont affirmé que cette interdiction n’avait été « véritablement consacrée
1373
Infra, n° 573 et s..
1374
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité.
1375
Supra, n° 559 et s.. Pour un exposé détaillé, voir également H. et L. MAZEAUD, F. CHABAS, Traité théorique
et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, op. cité, n° 2570, pp. 99 et s. ; PH.
DELEBECQUE, « Régime de la réparation – Modalités de la réparation – Règles particulières à la responsabilité
contractuelle – Conventions relatives à la responsabilité », op. cité, n°10 et s..
1376
Supra, n° 559 et s..
1377
G. VINEY – P. JOURDAIN, Introduction à la responsabilité civile, ouvrage précité, n° 173, pp. 453 et s. ; H. et
L. MAZEAUD, F. CHABAS, op. cité, n° 2571, pp. 102 et s. ; Y. CHARTIER, op. cité, n° 141, p. 191 ; A.- S.
MUZUAGHI, op. cité, n° 313 et s., pp. 210 et s..
1378
PH. DELEBECQUE, op. cité, n° 16.
1379
G. VINEY – P. JOURDAIN, op. cité.
1380
H. et L. MAZEAUD, F. CHABAS, op. cité, n° 2570, p. 99.
1381
R. SAVATIER, Traité de la responsabilité civile en droit français civil, administratif, professionnel,
procédural, Tome 2, Conséquences et aspects divers de la responsabilité, L.G.D.J., 2ème édition, 1951, spéc. n°
664, pp. 243 – 244.

322
qu’à propos de cas de responsabilités pour faute à prouver »1382. En d’autres termes, seule la
responsabilité dictée par l’article 1382 du Code civil serait réellement d’ordre public. Madame
BACACHE-GIBEILI, également, suggère de distinguer selon la nature du dommage et de
n’admettre les clauses relatives à la responsabilité qu’en présence d’un dommage aux biens, à
l’exclusion des dommages corporels1383. Une partie de la doctrine est même allée plus loin en
souhaitant abolir l’interdiction des conventions portant sur la responsabilité délictuelle. Elle
propose ainsi d’opérer « un rapprochement entre toutes les clauses d’exonération, qu’elles
soient d’origine délictuelle ou contractuelle »1384, parce qu’« en thèse générale (…) les
clauses de non-responsabilité délictuelle apparaissent pleinement légitimes ; elles ne sont
contraires ni à la loi ni à l’ordre public »1385.

562. Parce qu’elles proposent de mettre un terme à l’absolutisme régnant en matière de


convention portant sur la responsabilité délictuelle, ces différentes suggestions sont
alléchantes. Pourtant, elles ne sont pas exemptes de critiques, ou, tout au moins, de certaines
difficultés. Elles imposent en effet d’adopter un critère permettant d’apprécier le caractère
d’ordre public de l’obligation transgressée. Or, ce choix est manifestement versatile. Doit-on
regarder la gravité du dommage ? La nature de l’obligation transgressée ? Par ailleurs, elles
pourraient avoir pour conséquence d’accepter que, dans certaines hypothèses, l’obligation de
réparation soit niée, alors même que la responsabilité est juridiquement reconnue. En d’autres
termes, cela faciliterait la déresponsabilisation. Quant à l’abolition pure et simple de
l’interdiction, elle contribue purement et simplement à nier la spécificité des deux ordres de
responsabilité ce qui, en l’état actuel du droit positif, n’est pas envisageable.

563. La distinction selon l’objet de la convention : définition. De façon plus nuancée,


certains auteurs préconisent de distinguer « obligation et responsabilité (…), en matière
délictuelle comme en matière contractuelle »1386. Plus précisément, il s’agit de séparer la
responsabilité de la réparation c’est-à-dire les conditions d’existence des conséquences de la
responsabilité. En d’autres termes, les clauses exonératoires ou exclusives de responsabilité

1382
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité, n° 869, pp. 876 et s..
1383
M. BACACHE-GIBEILI, Les obligations, la responsabilité civile extracontractuelle, Economica, Coll. Traité
de droit civil, Tome 5, 2ème édition, 2012, spéc. n° 465 – 466 – pp. 527 et s..
1384
Y. CHARTIER, op. cité, n° 141, p. 191.
1385
H. et L. MAZEAUD, F. CHABAS, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et
contractuelle, op. cité, n° 2571, p. 103. Voir également A.- S. MUZUAGHI, op. cité, n° 313 et s. ; G. VINEY – P.
JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, op. cité, n° 836 et s., pp. 1066 et s..
1386
H. et L. MAZEAUD, F. CHABAS, ibid., p. 102.

323
seraient nulles, alors que les clauses limitatives de réparation pourraient être admises 1387. Il
s’agit alors de « rechercher non pas si le devoir dont la méconnaissance crée l'obligation
délictuelle ou quasi délictuelle est impératif ou d'ordre public, mais si la responsabilité qui le
sanctionne est ou non d'ordre public »1388. Dans l’hypothèse où la responsabilité n’est pas
d’ordre public, il serait alors possible d’aménager les conditions d’existence de la
responsabilité. Les frères MAZEAUD donnent l’exemple de l’industriel, notamment, qui obtient
de ses voisins une convention de non-responsabilité pour les dommages créés par son activité
et leur octroie, en contrepartie, certains avantages financiers1389. Dans cette situation, ils
considèrent que la clause est nécessairement valable et n’entre pas en contradiction avec
l’ordre public, parce qu’elle a « été conclue par des gens prudents et avisés »1390 et qu’elle n’a
d’autre but que celui d’éviter un litige sur le montant de l’indemnisation due. (Et non de
priver une victime de son droit à réparation). A condition, donc, qu’elle ne porte pas sur un
régime de responsabilité d’ordre public.

564. L’idée générale est qu’on ne peut permettre à un individu d’éluder les conséquences de
sa responsabilité, alors même que toutes les conditions sont réunies ; mais qu’il est admissible
de modifier la perception d’un régime de responsabilité. D’ailleurs, force est de reconnaître
que la jurisprudence valide épisodiquement de telles clauses lorsqu’elles n’ont pas pour
conséquences de porter gravement atteinte aux droits de la victime. C’est le cas, notamment,
de ce qu’on l’on nomme les « pactes analogues à l'assurance »1391, c’est-à-dire les
conventions ayant pour objet de déplacer l’obligation de réparation du dommage subi par le
tiers d’un contractant à un autre. Leur validité ne fait aucun doute parce qu’ils « présente[nt]
la particularité de ne pas lier les victimes qui ne sont pas appeler à y consentir »1392 : le droit
à réparation des victimes est ainsi préservé. C’est l’exemple, également, de la théorie de
l’acceptation des risques qui a pour conséquence de modifier les conditions objectives d’un
cas de responsabilité et non de nier les conséquences d’une responsabilité reconnue1393.

1387
En ce sens : G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, op. cité, n° 836 et s., pp. 1066 et
s. ; A.- S. MUZUAGHI, op. cité, n° 313 et s., pp. 210 et s. ; PH. DELEBECQUE, « Régime de la réparation –
Modalités de la réparation – Règles particulières à la responsabilité contractuelle – Conventions relatives à la
responsabilité », op. cité, n° 17 et s..
1388
H. et L. MAZEAUD, F. CHABAS, op. cité, spéc. n° 2571, p. 102.
1389
Ibid., spéc. n° 2572, p. 103.
1390
Ibid..
1391
Sur la notion de « pacte analogues à l'assurance », voir not. G. VINEY – P. JOURDAIN, Les effets de la
responsabilité, op. cité, n° 212, p. 407 et PH. DELEBECQUE, op. cité, n° 21 et s..
1392
G. VINEY – P. JOURDAIN, Ibid..
1393
Sur l’acceptation des risques et l’influence exercée sur l’appréciation de la responsabilité civile de l’auteur de
la faute : voir G. VINEY – P. JOURDAIN, Ibid., spéc. n° 573 et s., pp. 584 et s..

324
565. La distinction selon la nature juridique de la convention : appréciation. D’un
point de vue théorique, un tel système est séduisant. Juridiquement, il ne souffre d’ailleurs
d’aucune critique véritable. L’idée de séparer l’applicabilité d’un régime de responsabilité de
ses éventuelles conséquences juridiques est même particulièrement cohérente parce qu’elle
suit les différentes étapes du raisonnement : 1- est-ce que la faute génératrice du dommage est
constitutive d’un cas de responsabilité ; 2- si oui, l’obligation de réparation est une
conséquence inévitable. En revanche, d’un point de vue pratique, il ne résoudra sans doute pas
les complications révélées par les propositions précédentes. Au contraire, ce système risque
de n’avoir d’autre conséquence que celle de déplacer les embarras d’un point vers un autre.
En tout état de cause, la distinction entre la responsabilité et l’obligation ne permet pas de
faire l’économie de l’appréciation d’un ordre public ; mais, au lieu de l’appliquer à
l’obligation transgressée, ce travail s’appliquera à la responsabilité qui la sanctionne.

566. Pour autant, ces difficultés ne sont pas, à elles seules, de nature à rejeter la validité de
toute clause relative à la responsabilité délictuelle parce qu’il n’existe, à l’inverse, aucun
argument à en légitimer l’interdiction. Aussi rejoignons-nous l’ensemble de la doctrine
favorable à l’admission de ces conventions. La validité de ces clauses excluant ou limitant la
réparation pourrait d’ailleurs devenir de droit positif si le projet de réforme du droit des
obligations venait à être adopté. Les membres de la commission ont en effet proposé
d’introduire un article 1383 aux termes duquel « les conventions ayant pour objet d'exclure ou
de limiter la réparation sont en principe valables, aussi bien en matière contractuelle
qu'extracontractuelle »1394. Certaines limites ont toutefois été posées1395, notamment celle
d’« exclure ou limiter la réparation d'un dommage corporel dont il est responsable »1396 ou
celle d’« exclure ou limiter la réparation du dommage qu'on a causé par sa faute »1397.

567. Synthèse. Aux termes de ces développements, il convient d’admettre désormais


qu’aucun obstacle d’ordre théorique ne se heurte véritablement à la possibilité d’admettre une
convention ayant pour objet l’aménagement de la responsabilité délictuelle, sauf cas
particulier. Par conséquent, il est possible d’envisager que les parties à un rapport de
représentation aient prévu une clause modifiant le régime de la responsabilité y afférent, à

1394
Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, ouvrage précité, V° « art. 1382 », p.
187.
1395
Pour l’essentiel, les limites qui ont été posées par les membres de la Commission correspondent aux limites
qui ont été posées en jurisprudence. G. VINEY, « Exposé des motifs », in Avant-projet de réforme du droit des
obligations et de la prescription, op. cité, spéc. 8°, p. 169.
1396
Ibid., précité, V° « art. 1382-1 », p. 187.
1397
Ibid., précité, V° « art. 1382-4 », p. 187.

325
condition toutefois que la responsabilité par représentation ne soit pas d’ordre public ou
qu’elle ne porte pas sur l’un des exceptions admises.

B- L’illégitimité pratique de la convention portant sur la responsabilité par représentation

568. Exposé du problème. Du seul point de vue de l’équité, l’admission de convention


ayant pour objet l’aménagement de la responsabilité par représentation est, dans certaines
configurations, largement souhaitable. Il s’agit, en particulier, des mandats (ou plus
généralement, dans l’hypothèse où la responsabilité par représentation est applicable en
dehors du mandat, des situations de représentation1398) donnés par un mandant (ou représenté)
profane à un mandataire (ou représentant) professionnel. En pratique, l’on peut toutefois
douter de la fréquence de ces clauses dans de tels cas de figure : non seulement, nous avons
proposé d’exclure la mise en œuvre de la responsabilité par représentation dans un tel cas de
figure1399 ; mais surtout, il semble peu plausible qu’un mandant profane y songe ou qu’un
mandataire professionnel le propose à son cocontractant. Dans ce contexte, admettre que la
représentation se limitera aux obligations contractuelles, à l’exclusion (par exemple) des
obligations délictuelles, n’est moralement pas inconcevable. Mais, pour savoir si de tels
aménagements sont admissibles, encore faut-il déterminer si la responsabilité par
représentation est, ou non, d’ordre public.

569. Ce régime de responsabilité n’étant pas encore de droit positif, (officiellement du


moins), il est inutile de rechercher si, dans la jurisprudence, le caractère impératif de cette
responsabilité a pu être consacré. L’examen des limites au pouvoir de la volonté individuelle
expressément déterminées par les juges n’est pas non plus très éclairant. L’on sait, par
exemple, que la faute intentionnelle et la faute lourde ne peuvent faire l’objet d’aucune clause
de non-responsabilité, qu’il s’agisse de la responsabilité délictuelle ou contractuelle 1400. Mais,
en tout état de cause, aucune de ces interdictions jurisprudentielles ne peuvent justifier la
prohibition des clauses limitatives de responsabilité dans le cadre de la responsabilité par
représentation. Au mieux pourront-elles seulement en constituer certaines illustrations.

1398
A propos de la nature représentative de la responsabilité des personnes morales : supra, n° 511 et s.. Infra, n°
573 et s..
1399
Supra, n° 556 et s..
1400
La solution est admise depuis très longtemps. (Par ex. : Civ. 1, 5 janvier 1961 - Bull. civ., 1961, I, n° 7 ;
Com., 20 décembre 1962 - Bull. civ., 1962, III, n° 530.) Pour des applications récentes : Com., 13 septembre
2011 – Pourvoi n° 09-70.305 ; Com., 16 novembre 2010 – Pourvoi n° 09-68.926.

326
570. Le pouvoir de la volonté individuelle et les effets de la représentation. Il ne reste
donc d’autre voie à explorer que celle d’analyser la responsabilité par représentation elle-
même. Autrement dit, il convient d’apprécier si, au regard des éléments constitutifs de cette
responsabilité, la volonté individuelle peut trouver à s’exprimer. La représentation étant le
fondement de la responsabilité que nous proposons, il s’agit de vérifier que ce mécanisme ne
subit pas, en présence d’une clause limitative ou exclusive de la responsabilité du représenté,
des atteintes telles que l’on aboutisse à un mécanisme déformé. C’est ici que le bât blesse :
admettre que la volonté individuelle puisse intervenir sur la mise en œuvre de la
responsabilité par représentation, c’est autoriser l’influence de la volonté individuelle sur la
technique représentative elle-même.

571. Or, à deux reprises nous avons nié cette possibilité. Une première fois lorsqu’il s’est
agi de prendre position sur le contenu du concept de la représentation : en rejetant la théorie
de la représentation imparfaite, c’est la place assignée à la volonté qui était contestée 1401. En
effet, ce mécanisme dépend, en réalité, d’un double postulat : d’une part, l’acceptation du tiers
de changer de cocontractant ; d’autre part, de la volonté du représenté de reprendre à son
compte les contrats qui ont été conclus dans son intérêt. Une seconde fois en définissant les
effets de la représentation : en invoquant l’existence d’un lien obligatoire, direct et
automatique, c’est à nouveau la place de la volonté individuelle dans la définition de l’étendue
des effets de la représentation qui est réfutée1402. Non seulement, les parties au rapport de
représentation n’ont pas la possibilité de choisir le moment où le lien juridique obligatoire va
se créer entre les parties extrêmes ; mais surtout, celles-ci ont l’interdiction de trier entre les
obligations qui viendront se greffer sur ce lien juridique et celles qui lui resteront étrangères.
En d’autres termes, la représentation est ou n’est pas, mais à partir du moment où « elle est »
l’ensemble de ces effets juridiques trouveront à s’appliquer. Par conséquent, l’hypothèse
d’une convention aménageant la responsabilité par représentation est à exclure, du moins au
titre de l’obligation à la dette. Sans doute cette conclusion apparaîtra sévère lorsque le rapport
de représentation fait apparaître un déséquilibre en défaveur du mandant (quoiqu’en pratique,
leur insertion semble peu vraisemblable1403), mais nous savons déjà que, dans le cadre de la
responsabilité par représentation, le mécanisme des actions récursoires revêt une importance
particulière.

1401
Supra, n° 45 et s..
1402
Supra, n° 473 et s..
1403
Supra, n° 568.

327
572. Synthèse. Au terme de ces développements, les contours de la responsabilité par
représentation sont désormais bien définis. La question de son domaine d’application va ainsi
pouvoir être précisée. S’il a d’ores et déjà été démontré que ce régime trouvait à s’appliquer
dans le cadre du mandat et dans celui de la responsabilité des personnes morales, il convient à
présent de rechercher si le mécanisme de la responsabilité par représentation peut être étendu
à d’autres hypothèses de représentation que celles-ci, voire, éventuellement, si ce régime de
responsabilité peut s’appliquer universellement à toutes les hypothèses de représentation.

328
Section 2 – Le domaine de la responsabilité par représentation

573. Définition du problème. A ce stade de nos développements, c’est essentiellement


dans le cadre du mandat, puis dans celui de la responsabilité des personnes morales, que
l’existence d’une responsabilité par représentation a été reconnue. Pourtant, par commodité de
langage, nous avons surtout utilisé l’expression plus courte de « responsabilité par
représentation ». Or, cette seconde terminologie est manifestement plus large que celle de
« responsabilité par représentation du mandant pour le fait du mandataire » ou de
« responsabilité par représentation de la personne morale pour le fait de son dirigeant »
parce qu’elle englobe toute hypothèse de représentation. De ce fait, l’éventuelle extension de
cet ensemble de règles à d’autres hypothèses que le mandat s’invite dans nos propos.

574. Plan. C’est la raison pour laquelle nous nous interrogerons, dans un premier temps,
sur la question de la possible extension de la responsabilité par représentation à d’autres
situations que celles précitées (§1) avant d’envisager, dans un second temps, celle de son
universalité (§2).

§1- La possible extension de la responsabilité par représentation des personnes


physiques en dehors du mandat

575. Problématique et plan. Lors de développements précédents, il a été établi que


l’origine de la représentation était indifférente à l’admission ou au rejet d’une situation de
responsabilité par représentation. Ce qui importe, c’est que le représenté ne soit pas dessaisi
de ses droits, c’est-à-dire, qu’il conserve la possibilité de les exercer lui-même. Par
conséquent, il est apparu que la responsabilité par représentation du représenté pour le fait du
représentant devait être exclue toutes les fois qu’elle résultait d’une incapacité du représenté.
Hormis cette hypothèse, l’on peut envisager que la responsabilité par représentation soit
étendue à d’autres configurations, dès lors que les conditions précédemment exposées (un fait
du représentant et l’absence de dessaisissement du représenté) sont constatées. Le mandat
n’épuise pas à lui seul toutes les hypothèses de représentation et rien n’indique que la
responsabilité par représentation doit lui être réservée.

329
576. Parmi les différentes déclinaisons de représentation, il est toutefois une figure
juridique qui mérite plus amples approfondissements : le mandat apparent. Il pourrait être
étonnant, après avoir énoncé une étude en dehors du mandat, de se limiter à cette seule
hypothèse. En effet, comme son nom semble l’indiquer, le « mandat apparent » serait un
« mandat ». Mais, au-delà de cette dénomination commune, il existe de profondes différences
qui font naître le doute sur la nature véritable du mandat apparent. En effet, lors de notre
introduction, il a été établi que la nature juridique du mandat était nécessairement
contractuelle. Or, lorsque le mandat n’est qu’apparent, la représentation peut jouer, non
seulement contre les intérêts du mandant1404, mais aussi – et surtout – contre sa volonté. Pour
cette raison, le doute sur la nature contractuelle du mandat apparent – et, par conséquent, sur
le bien-fondé de cette qualification – est permis. Il conviendra alors de s’interroger sur la
nature juridique du mandat apparent (A) pour, éventuellement, aborder la question de la
responsabilité par représentation (B).

A- La nature juridique du mandat apparent

577. La notion de contrat : le rôle du consentement. La présence du terme « mandat »


fait référence à la notion de contrat. Mais, pour plusieurs raisons, la nature contractuelle du
mandat apparent est difficilement recevable dès lors que la situation est imposée par le juge à
la volonté individuelle. Or, malgré les nombreux assauts subis par le principe de l’autonomie
de la volonté depuis 18041405, le consentement demeure le fondement du contrat. Pourtant, en

1404
Il s’agit là d’une spécificité qui, non seulement, distingue la représentation dans le mandat apparent de la
représentation dans le mandat. Mais qui, plus généralement, distingue la représentation apparente des autres
situations de représentation.
1405
Sur les atteintes au principe de l’autonomie de la volonté (origines et portée) voir not. CH. LARROUMET, Les
obligations - le contrat, op. cité, spéc. n° 120 et s., pp. 98 et s., F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil –
Les obligations, op. cité, spéc. n° 33 et s., pp. 38 et s. ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT ET E. SAVAUX, Les obligations –
L’acte juridique, op. cité, spéc. n° 111 et s., pp. 90 et s. ; L. JOSSERAND, « Aperçu général des tendances
actuelles de la théorie des contrats », R.T.D. Civ., 1937, p. 1 et « Le contrat forcé et le contrat légal » D., 1940,
Chronique p. 1 ; J. MESTRE, « L’évolution du contrat en droit privé français », in L’évolution contemporaine du
droit des contrats, Journées René SAVATIER organisées les 24-25-octobre 1985 par la Faculté de droit et des
sciences sociales de POITIERS, l'Ordre des avocats de la Cour d'appel de POITIERS et le Conseil régional du
Notariat, P.U.F., 1986, p. 40 ; La nouvelle crise du contrat, sous la direction de CH. JAMIN et D. MAZEAUD, actes
du colloque organisé le 14 mai 2001 par le centre René-Demogue de l'Université de LILLE II, Dalloz, coll.
Thèmes et commentaires, 2003 ; Les concepts contractuels français à l’heure du droit européen des contrats,
sous la direction de P. REMY-CORLET et D. FENOUILLET, actes du colloque organisé les 30 et 31 janvier 2003 par
l'Institut Charles Dumoulin de la Faculté Jean Monnet, PARIS XI, Dalloz coll. Thèmes et commentaires, 2003 ;
adde « La réforme du droit des contrats : projets et perspectives », R.D.C., 2006.

330
raison de ces nombreuses atteintes1406, certains auteurs ont cru devoir rechercher le fondement
du contrat ailleurs que dans la volonté. L’intérêt, par exemple, a été l’une des thèses
avancées1407. D’autres pistes ont été explorées comme l’équité ou l’utilité économique1408.
Aucune d’entre elles n’est toutefois exempte de critiques parce qu’elles ont pour conséquence
directe de réduire la volonté individuelle à celui de déclencher l’application de la règle de
droit. Toutefois, en dépit de ces attaques, il ne paraît pas possible de nier complètement la
place de la volonté dans la formation et la détermination du contrat car « il est impossible de
considérer qu’un rapport entre un créancier et un débiteur résulte d'un contrat s'il n'y a pas
eu, même implicitement, un échange des volontés des sujets dans le rapport de droit »1409.

578. Ces propos présentent l’immense avantage de ne pas nier complètement le rôle de la
volonté individuelle. Néanmoins, ils reposent sur une vision erronée de la volonté qui, en
droit, « est insuffisante à produire des effets juridiques »1410. C'est le consentement qui traduit
juridiquement l’existence d’une volonté et constitue le critère de l’acte juridique1411 car le
consentement est l’expression de la « puissance »1412 de la volition. Or, selon l'article 1108 du
Code civil, le consentement est une condition essentielle du contrat 1413, ce qui signifie que
l'absence de consentement exclut la qualification de convention.

579. L’absence de consentement dans le mandat apparent : l’exclusion de la nature


contractuelle. Si l’on applique cette règle au mandat apparent, il apparaît très vite que c’est
au prix de déformations considérables que l’on parvient à constater un ersatz de
consentement. En effet, selon Monsieur LARROUMET, « la théorie de l’apparence peut

1406
Certaines sont d’origine légale. L’on pense, par exemple, à la protection du consommateur et à la volonté du
législateur d’encadrer le démarchage et la vente à domicile, la vente à distance. L’on peut évoquer également
certaines règles particulières relatives aux baux : le refus du renouvellement d’un bail de droit commun qui doit
être justifié par le bailleur, le maintien dans les lieux prévu au profit de certains preneurs. D’autres sont le fait du
juge qui, à plusieurs reprises, a « forcé » le contrat (l’expression est empruntée à L. JOSSERAND (« L'essor
moderne du concept contractuel », in Recueil d'études sur les sources du droit en l'honneur de F. GENY, Tome II,
PARIS, E. Duchemin, 1977, pp. 333 s.), et a été reprise par L. LEVENEUR (« Le forçage du contrat », Droit et
patrimoine, 1998, n° 58, pp. 69 s.)) en imposant aux parties certaines obligations, notamment celle de sécurité ou
d’information.
1407
Supra, n° 195 et s., références sous note 583 et 584.
1408
Il s’agit plus généralement des thèses qui déclinent l’idée d’un « solidarisme contractuel ». Ibid..
1409
CH. LARROUMET, Les obligations - le contrat, op. cité, spéc. n° 136, p. 117.
1410
C. GRIMALDI, Quasi-engagement et engagement en droit privé : recherches sur les sources de l'obligation,
thèse précitée, spéc. n° 51, p. 22.
1411
Ibid..
1412
M.-A. FRISON-ROCHE, « Remarques sur la distinction de la volonté du consentement en droit des contrats »,
op. cité, pp. 573 et s., spéc. n° 10. Dans le même sens : F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les
obligations, op. cité, spéc. n° 93, pp. 111-112.
1413
Art. 1108 du Code civil : « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention : Le
consentement de la partie qui s'oblige ; (….) ».

331
permettre de se fonder sur un consentement qui n’existe qu’en apparence »1414. Aussi doit-on
s’interroger sur la notion de « consentement apparent ». Notre droit n'est pas hermétique à
une distinction entre différentes formes de volonté. C'est souvent aux expressions de « volonté
déclarée » (celle qui a été extériorisée par son auteur) et de « volonté réelle » (c’est-à-dire une
« opération mentale, une disposition intérieure »1415) qu’il est fait référence1416, la première
bénéficiant d'un avantage sur la seconde1417. Cet ordre des choses s'explique par le caractère
apparent de la volonté déclarée quand la volonté réelle est interne au cocontractant. Aussi, une
dissymétrie entre l'une et l'autre peut-elle se résoudre de deux manières : soit la preuve d’une
erreur dirimante est rapportée par son auteur et il sera tenu compte de sa volonté réelle (mais
alors, cette solution fait figure d’exception)1418 ; soit il échoue et c’est la volonté déclarée,
parce que apparente, qui l’emporte1419. Reste que cette « volonté apparente » repose sur de
véritables fondements : pour être visible, elle a au moins été déclarée. En d’autres termes, la
prise en compte de la volonté apparente s’explique par l’existence d’un contrat valable dont
elle n’est que le soutien.

580. Tel n'est plus le cas lorsque l'apparence intervient en dehors de toute expression de
volonté. Dans cette optique, c'est « le fait juridique de l'apparence »1420 qui, de manière
autonome, crée des obligations à la charge d'un individu1421, à savoir, pour ce qui nous
intéresse, le mandant. En réalité, aucun consentement de l’obligé ne peut être relevé puisque,
par hypothèse, s’il y a mandat apparent c’est qu’il y a défaut ou dépassement de pouvoir. Or,
c’est précisément au travers de ce pouvoir que se manifeste la volonté du mandant, c’est-à-
dire l’acceptation anticipée de ce dernier à être engagé par les actes qui vont être conclus en
son nom dans le cadre de l’action du représentant1422. De fait, l’absence de consentement est
exclusive de l’existence d’un contrat. Par conséquent, il est désormais possible de confirmer
notre postulat de départ : le mandat apparent n’est pas un contrat de mandat au sens strict du

1414
CH. LARROUMET, Les obligations - le contrat, op. cité, spéc. n° 231, p. 207.
1415
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 93, pp. 111-112.
1416
Sur le diptyque volonté réelle – volonté déclarée voir not. C. GRIMALDI, Quasi-engagement et engagement
en droit privé : recherches sur les sources de l'obligation, thèse précitée, spéc. n° 1103 et s., pp. 523 et s. ; A.
DANIS-FATOME, Apparence et contrat, thèse précitée, spéc. n° 849 et s., pp. 511 et s..
1417
Ibid. En droit allemand, c’est la solution inverse qui est retenue : primauté est accordée à la volonté interne.
C. GRIMALDI, ibid., spéc., n° 1105, p. 524.
1418
C. GRIMALDI, ibid., spéc. n° 1106-1, pp. 524-525.
1419
Ibid..
1420
J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations – L’acte juridique, op. cité, spéc. n° 428, p. 404.
1421
Dans ce sens, voir également A. DANIS-FATOME, Apparence et contrat, thèse précitée, spéc. n° 938 et s., pp.
571 et s..
1422
Supra, n° 478 et s..

332
terme, il est une forme de représentation (légale ou judiciaire selon les cas) fondée sur
l’apparence, qui, de toutes les manières, n’a jamais pour effet de valider un contrat.

581. Synthèse. La terminologie « mandat apparent » détermine donc une situation de


représentation légale1423 ou judiciaire. Mais, à la différence des hypothèses classiques de
représentation, la reconnaissance de la représentation par le juge vient sanctionner l’apparence
légitime. Autrement dit, dans le mandat apparent, la représentation s’effectue au regard des
tiers. Dans cette optique, l’admission de la responsabilité par représentation du « mandant
apparent » pour le fait du « mandataire apparent » apparaîtrait cohérente, la protection des
intérêts du tiers ayant été l’un des éléments qui a motivé l’idée d’une responsabilité du
mandant pour le fait du mandataire. Mais, encore faut-il vérifier qu’il n’y ait aucune
incompatibilité entre l’apparence (fondement du mandat apparent) et le fait juridique. En
effet, c’est généralement en matière contractuelle que la théorie de l’apparence est invoquée
comme substitut (lorsque l’acte juridique est inefficace) ou soutien (lorsqu’un décalage
apparaît entre ce que l’un des cocontractants croyait obtenu et ce qu’il a véritablement reçu)
d’un contrat. A l’inverse, le rôle de l’apparence à l’égard de la matière extracontractuelle est
plus énigmatique et n’a, à notre connaissance, jamais été traité.

B- La responsabilité par représentation du « mandant apparent »

582. La théorie de l’apparence et la responsabilité par représentation. Le faible intérêt


pour la question, tant pratique que théorique, peut s’expliquer par le lien ténu entre le mandat
apparent et le contrat de mandat. Or, si le premier est une espèce du second, alors le domaine
du mandat apparent devrait se limiter également à l’acte juridique, de la même manière que,
classiquement, l’objet contractuel du mandat s’y est limité1424. Lors de développements
précédents, nous avons pu constater ce que ces affirmations avaient d’erroné. Non seulement,
les effets de la représentation (et non l’objet de la représentation) ne se limitent pas aux
conséquences juridiques de l’acte juridique1425 ; mais, surtout, le mandat apparent n’est pas
une variété de mandat, il est une application originale du mécanisme de la représentation1426.

1423
L’article 2005 du Code civil dispose en effet que « la révocation notifiée au seul mandataire ne peut être
opposée aux tiers qui ont traité dans l'ignorance de cette révocation, sauf au mandant son recours contre le
mandataire ».
1424
Supra, n° 110 et s..
1425
Supra, n° 438 et s. pour une approche historique, et supra, n° 453 et s. pour une présentation du droit positif.
1426
Supra, n° 577 et s..

333
De ce point de vue là, c’est la représentation qui doit constituer le cœur de la réflexion, et non
l’apparence qui n’en définit qu’une particularité. Pour cette raison, l’exclusion de la
responsabilité par représentation du mandant apparent apparaît difficile à admettre. Au
contraire, dans cette situation, la représentation joue généralement contre le représenté qui
peut être engagé, malgré sa volonté contraire ou absente, qu’une faute soit retenue à son
encontre ou non1427.

583. Cette analyse est confirmée par l’examen du contenu de la responsabilité des
personnes morales. En principe, la mise en œuvre de la responsabilité par représentation du
groupement juridique est subordonnée au respect du cadre des pouvoirs de représentation1428.
Si l’étendue de ces pouvoirs est en principe légalement définie, elle peut avoir été
statutairement limitée sans que les tiers ne soient avertis ou aient eu la possibilité de vérifier la
légitimité des pouvoirs du représentant de la société. Pour cette raison, afin de protéger les
tiers de possibles dépassements de pouvoirs, le droit positif a cherché à retenir la
responsabilité de l’être désincarné, alors même que la validité du pouvoir était contestable.
C’est la jurisprudence qui a débuté ce mouvement en ayant recours, précisément, au
mécanisme du mandat apparent. La solution, clairement consacrée dans un arrêt de
l’Assemblée plénière rendu le 13 décembre 19621429 a été, depuis, régulièrement mise en
œuvre. Dans certaines affaires, l’objet de la demande des tiers s’est même limité à la mise en
œuvre de la responsabilité délictuelle du représenté. Très récemment, la deuxième Chambre
civile de la Cour de cassation a ainsi admis la responsabilité d’une société pour la fraude
commise par un intermédiaire dont le mandat avait été révoqué1430. De même, dans un arrêt
rendu le 31 mai 1983, la première Chambre civile a constaté, dans le cadre d’une action en
annulation d’un protocole d’accord, la responsabilité délictuelle du mandant apparent 1431. Par
la suite, le législateur a confirmé que, dans certaines hypothèses, l’absence de représentation
réelle ne devait pas être opposable aux tiers qui, par conséquents, sont protégés par le
mécanisme de l’apparence1432.

1427
Dans une jurisprudence rendue le 13 décembre 1962, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation rappelle
clairement que « le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence d'une
faute susceptible de lui être reprochée ». A.P., 13 décembre 1962 - Bulletin des arrêts Cour de cassation, Ass.
plén., n° 2 : JCP G., 1963, II, 13105, note P. ESMEIN ; D. 1963, p. 277, note J. CALAIS-AULOY.
1428
Supra, n° 539 et s..
1429
A.P., 13 décembre 1962 : arrêt précité.
1430
Civ. 2, 15 septembre 2011 – Pourvoi n° 10-25.754. Déjà : Civ. 2, 25 mars 1987 – Pourvoi n° 86-10.040.
1431
Civ. 1, 31 mai 1983 - Pourvoi n° 82-12.327 ; Bull. civ., 1983, I, n° 161.
1432
Voir, à propos de la société en nom collectif, de la société à responsabilité limitée, de la société anonyme et
de la société civile les articles L. 221-5, L. 223-18, L. 225-35 et L. 225-64 du Code de commerce et l’article

334
584. La condition : la croyance légitime du tiers. Cela étant dit, lorsque la représentation
n’est qu’apparente, la mise en œuvre de la responsabilité par représentation ne peut sans doute
être identique à la mise en œuvre de la responsabilité par représentation dans le cadre d’une
représentation réelle. Il convient alors de se référer au mécanisme de l’apparence afin de
déterminer dans quelles hypothèses la représentation apparente pourrait permettre la mise en
œuvre de la responsabilité du représenté.

585. De jurisprudence constante, il est acquis que la représentation apparente ne peut jouer
en faveur des tiers si ces derniers ne rapportent pas la preuve de leur croyance légitime à
propos des pouvoirs de représentation du mandant apparent. Pour Madame DANIS-
FATOME1433, la notion de « croyance légitime du tiers trompé par l’apparence » doit être
considérée comme le « critère unique de l’engagement créé »1434. A l’examen, il semble bien
que ce soit cet élément qui, en toutes hypothèses, justifie la mise en œuvre de l’apparence, à
l’exclusion, notamment, de la mauvaise foi du représentant apparent1435 ou de la faute du
représenté apparent1436. De jurisprudence constante, la démonstration par le tiers de sa
croyance légitime fonde l’apparence1437 alors que celui qui n’a pu valablement l’établir n’est
pas fondé à l’invoquer1438. Pour l’auteur, la croyance légitime se définit comme une
« erreur »1439 « excusable »1440 qui caractérise à la fois le décalage entre la réalité objective et
la croyance du tiers et l’impossibilité de ce dernier à connaître la vérité. Ce second élément
explique que le degré d’exigence varie selon la nature du contrat et la qualité des parties1441,
autrement dit, que l’apparence soit appréciée au cas par cas. L’arrêt de l’Assemblée plénière
du 13 juin 1962 appuie cette thèse en précisant qu’il y a croyance légitime lorsque « les
circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs »1442.

1849 du Code civil qui affirment que « les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants qui résultent du
présent article sont inopposables aux tiers ».
1433
A. DANIS-FATOME, Apparence et contrat, thèse précitée.
1434
Ibid., n° 882 et s., pp. 536 et s..
1435
Par ex. : Civ. 2, 15 septembre 2011 et Civ. 2, 25 mars 1987 : arrêts précités.
1436
A.P., 13 décembre 1962 : arrêt précité.
1437
Pour des applications récentes : Civ. 1, 12 juillet 2012 – Pourvoi n° 11-13.161 ; Com., 10 juillet 2012 -
Pourvoi n° 11-11.062 ; Com., 22 mai 2012 - Pourvoi n° 11-17.935 ; Civ. 1, 20 octobre 2011 - Pourvoi n° 10-
21.477 ; Civ. 3, 21 juin 2011 – Pourvoi n° 10-20.887.
1438
Pour des applications récentes : Civ. 3, 30 mai 2012 – Pourvoi n° 11-11.993 ; Civ. 1, 26 janvier 2012 –
Pourvoi n° 11-11.467 ; Soc., 18 janvier 2012 – Pourvoi n° 10-23.832 et 10-23.833 ; Com., 22 novembre 2011 –
Pourvoi n° 10-23.125 ; Com., 5 avril 2011 – Pourvoi n° 10-16. 436.
1439
A. DANIS-FATOME, Apparence et contrat, op. cité, n° 896 et s., pp. 546 et s..
1440
Ibid., n° 901 et s., pp. 550 et s..
1441
Ibid., n° 917 et s., pp. 561 et s..
1442
A.P., 13 décembre 1962 : arrêt précité.

335
586. A notre sens, cette exigence se justifie doublement parce qu’elle a pour effet de
circonscrire avec plus de netteté le domaine d’application de l’apparence – et, par voie de
conséquence, d’en améliorer la prévisibilité - tout en ayant à cœur de protéger les différentes
intérêts en présence : celui du représenté apparent engagé malgré sa volonté, et la victime de
l’apparence. A cet égard, l’exemple de la responsabilité par représentation fondée sur la
représentation en est un exemple particulièrement évocateur puisqu’il illustre une situation
dans laquelle la représentation joue contre l’intérêt même du représenté tout en étant mesurée
par la bonne du tiers.

587. A ce stade de nos développements, il apparaît désormais nettement que la


responsabilité par représentation ne se limite pas au mandat mais qu’elle peut, au contraire,
être étendue à d’autres hypothèses de représentation. Doit-on en conclure que le nouveau
régime est universel ? C’est la question à laquelle nous allons aussitôt répondre.

§2- L’universalité de la responsabilité par représentation

588. Plan. L’universalité du régime que nous proposons est attestée au travers de
l’extension généralisée de la responsabilité par représentation, à partir du moment où les
conditions qui la constituent sont réunies (A). Ce système apparaîtra sans doute très favorable
aux mandataires et, plus généralement aux représentants qui en bénéficieront ; il pourrait
également s’avérer complexe par la multiplication des procédures. L’on voit poindre ici
quelques critiques auxquelles il faut répondre. Il s’agira, pour nous, de démontrer l’utilité de
la responsabilité par représentation (B).

A- La généralité de la responsabilité par représentation

589. Le caractère universel de la responsabilité par représentation. A l’issue de nos


développements, relatifs au domaine d’application de la responsabilité par représentation, il
apparaît que le nouveau régime peut être mis en œuvre dans des hypothèses très diverses

336
recouvrant à la fois la représentation des personnes morales1443 et la représentation des
personnes physiques1444. Il est apparu qu’il importait peu, en définitive, que la représentation
soit volontaire ou imposée (légalement1445 ou judiciairement1446), ou même que la
représentation s’exerce contre la volonté de ce dernier1447. En définitive, ce qui compte
réellement, c’est que la représentation constatée ne caractérise pas une incapacité du maître de
l’affaire à gérer personnellement ses affaires. Autrement dit, il semble que la responsabilité
par représentation ne puisse être exclue que dans deux hypothèses : lorsque le représenté est
dessaisi de ses droits1448 ou lorsque le mandat est donné par un profane à un professionnel1449.

590. Cette solution pourrait sans doute sembler sévère si elle ne s’accompagnait d’un
garde-fou : le droit attribué au représenté d’exercer une action récursoire contre le
représentant1450. Comme l’a montré très justement le professeur DIDIER, la représentation
constitue toujours un facteur de risque, même si elle a pour objet la valorisation des intérêts
du représenté. De ce point de vue, la combinaison entre le contenu de la responsabilité par
représentation et l’existence d’une action récursoire favorise, à notre sens, l’équilibre entre
l’acceptation, par le représenté, d’un certain risque et l’altruisme exprimé par le représentant.

591. L’organisation de la responsabilité par représentation. Cela étant dit, la disparité


entre les différentes applications de la responsabilité par représentation exige, à notre sens,
l’aménagement ou l’adaptation de certaines règles au contexte dans lequel le régime est mis
en œuvre. Nous l’avons d’ailleurs constaté à travers l’exemple du mandat apparent : pour que
les règles de la responsabilité par représentation soient mises en œuvre, il convient de vérifier
la croyance légitime du tiers1451. Autrement dit, il semble que la responsabilité par
représentation largo sensu que nous avons définie se compose de règles plus ou moins
générales, plus ou moins spéciales.

592. Cette constatation nous amène à de nouvelles interrogations portant sur la place de la
responsabilité par représentation dans le droit de la responsabilité civile et sur celle de la
responsabilité par représentation du mandant pour le fait de son mandataire dans le régime de

1443
Supra, n° 511 et s..
1444
A propos de la responsabilité par représentation en dehors du mandat : supra, n° 573 et s..
1445
C’est l’hypothèse de la représentation des personnes morales.
1446
C’est l’hypothèse de la représentation dans le mandat apparent.
1447
Comme ça peut être le cas dans le mandat apparent.
1448
Supra, n° 551 et s..
1449
Mais alors, cette exclusion repose sur des motifs essentiellement d’ordre politique. Supra, n° 555 et s..
1450
Infra, n° 791 et s..
1451
Supra, n° 584 et s..

337
la responsabilité par représentation. L’ensemble de ces questions devra retenir notre
attention ; mais, pour l’heure, nous allons rappeler l’utilité du système proposé.

B- L’utilité de la responsabilité par représentation

593. Problématique. Nous avons bien conscience que la thèse que nous formulons
bouleverse profondément le visage de la responsabilité civile dans le mandat. Aux lieu et
place de l’appréciation casuistique de la responsabilité telle qu’elle appliquée en l’état actuel
du droit positif, nous proposons un système de responsabilité unique, orienté par l’économie
du mandat et de la représentation. Il pourrait lui être reproché de ne pas permettre la souplesse
et l’adaptation que permet le premier système ; mais il présente, en revanche, l’avantage de la
prévisibilité et de l’équité. Au-delà de ces observations générales, nous pensons que le régime
de responsabilité par représentation est, à plusieurs égards, bénéfique.

594. Les avantages économiques de la responsabilité par représentation. En premier


lieu, la responsabilité par représentation colle à l’économie du mandat et, plus généralement,
de toute situation de représentation. A plusieurs reprises, nous avons eu l’occasion de préciser
que le mandat et la représentation étaient au service des intérêts du mandant – représenté. Par
ailleurs, hormis dans une hypothèse sur laquelle nous reviendrons (le mandat donné par un
profane à un professionnel)1452, le pouvoir économique appartient, le plus souvent au
mandant. L’évolution de ce contrat a en effet montré que le mandat était, désormais, un outil
au service des professionnels, hommes d’affaires, chefs d’entreprise, banquiers, assureurs,
commerçants, … Cela ne signifie pas que le mandat de bienfaisance ou le mandat d’ami a
disparu, cela indique, simplement, qu’il n’est plus l’archétype du contrat de mandat.

595. De ce point de vue, ce système de responsabilité constitue la contrepartie de ceux qui


profitent de l’activité d’autrui. A contrario, il permet de ne pas faire la loi trop dure à ceux qui
agissent dans l’intérêt d’autrui. En ce sens, la responsabilité par représentation apparaît
compatible avec les nouvelles orientations légales et jurisprudentielles selon lesquelles
l’impératif de protection des acteurs les plus faibles devient la référence1453. Cette politique
juridique se perçoit, notamment, au travers de la protection du consommateur, de la

1452
Supra, n° 555 et s..
1453
F. DE BOÜARD, La dépendance économique née d’un contrat, préface de G. VINEY, L.G.D.J, Coll.
Bibliothèque de l’Institut André TUNC, Tome 13, 2007, spéc. n° 27 et s., pp. 18 et s..

338
consécration d’une immunité civile au bénéfice du préposé, de la protection de l’acheteur
contre les vices cachés, …

596. La réaffirmation de l’utilité du mécanisme de la représentation. En deuxième lieu,


nous pensons que reconnaître l’existence d’un système de responsabilité par représentation
permet de réaffirmer l’utilité du mécanisme de la représentation. Malgré les utilisations
pratiques nombreuses de la technique représentative dans notre droit, l’intérêt de ce
mécanisme a souvent posé question. Ainsi de Léon DUGUIT qui écrit, au cours de la première
moitié du XXème siècle, que « cette notion de représentation m’a toujours fortement
embarrassé. Après de longs efforts, je suis enfin arrivé à comprendre qu’elle est
complètement inutile et qu’il faut l’éliminer entièrement. Il était complètement inutile
d’imaginer la représentation et il est complètement inutile de chercher à l’expliquer »1454.
Dans une certaine mesure, les propos de l’auteur sont avérés, du moins en ce qui concerne la
représentation conventionnelle et, plus précisément, la représentation conventionnelle en
matière contractuelle. En effet, lors de développements précédents, nous avons expliqué que,
dans ce cadre précis, il n’est pas absolument nécessaire de recourir à la technique
représentative pour expliquer pourquoi les effets de l’acte conclu par le représentant
n’atteignent que le représenté. Par le jeu des principes de l’autonomie de la volonté et de la
force obligatoire du contrat, il est évident que le seul contractant du tiers est le donneur
d’ordre qui, seul, a émis une volonté en ce sens et sera, par conséquent, seul engagé. A
l’inverse, le représentant n’est qu’un « messager » et ne dévoile pas la moindre intention de
s’engager1455.

597. En revanche, en matière délictuelle, son rôle est apparu plus important, alors même
qu’il était totalement inconnu de notre droit. Pourtant, plusieurs éléments historiques1456 et
quelques décisions jurisprudentielles suggéraient l’inverse1457. La reconnaissance d’un régime
de responsabilité par représentation a permis de mettre en évidence la place de la
représentation en matière délictuelle, ou, plus précisément, a permis de prendre conscience
que les conséquences juridiques d’un fait juridique n’étaient pas nécessairement en dehors du
domaine d’application de la représentation. Chemin faisant, c’est toute l’utilité du mécanisme
qui a pu être rénovée.

1454
L. DUGUIT, Traité de droit constitutionnel, Tome 1, La règle de droit – Le problème de l’Etat, PARIS, Ed.
de Boccard, 3ème éd., 1927, spéc. p. 427.
1455
Supra, n° 146 et s..
1456
Supra, n° 438 et s..
1457
Supra, n° 447 et s..

339
598. Les avantages de la responsabilité par représentation pour les parties au contrat
de mandat. Enfin, en troisième et dernier lieu, la responsabilité par représentation présente
des avantages pour les protagonistes eux-mêmes. A l’égard des mandataires, tout d’abord, qui
sont probablement les premiers bénéficiaires de ce système, la reconnaissance de l’existence
d’un régime de responsabilité fondé sur le mécanisme de la représentation est un véritable
privilège. Elle leur permet, d’atténuer le risque que représentait, pour eux, l’accomplissement
d’une activité effectuée principalement dans l’intérêt d’autrui. Cela ne leur garantit pas,
toutefois, l’irresponsabilité : en tout état de cause, ils pourront répondre de leurs éventuelles
fautes dans le cadre d’un recours du mandant.

599. Ensuite, à l’égard des mandants, la responsabilité par représentation apparaît


manifestement plus sévère : en principe, en toutes hypothèses, leur responsabilité devrait être
engagée, à partir du moment où les conditions constitutives du régime sont réunies 1458. Afin
de juger du bien-fondé de notre proposition à leur encontre, il convient néanmoins de
distinguer selon que le mandant est un professionnel ou un profane. D’un point de vue
quantitatif, nous avons vu que la première hypothèse était la plus fréquente. Cet outil est en
effet particulièrement utile pour qui veut dynamiser ses affaires. Economiquement parlant, ce
nouveau régime ne posera aucune difficulté dans cette situation. Mais il en va de même d’un
point de vue juridique. D’une part, ce système permet de responsabiliser ceux qui utilisent, à
leur profit, l’activité d’autrui. Autrement dit, l’introduction d’un mécanisme de responsabilité
par représentation dans le paysage juridique les oblige à prendre leurs responsabilités et à
supporter les risques de leurs activités, puisqu’en définitive, l’activité de leur mandataire
prolonge la leur. En ce sens, la responsabilité par représentation nous paraît supérieure au
principe selon lequel le mandataire répond, à l’égard des tiers, des délits et quasi-délits qu’ils
ont pu commettre dans l’accomplissement de leur mission, même sur instruction du
mandant1459. D’autre part, et surtout, ce système leur permet de bénéficier des actions
récursoires, ce que ne permet pas, en principe, le régime de la responsabilité du commettant.
En effet, bien que l’activité de représentation soit réalisée principalement dans leur intérêt, il
n’en reste pas moins que l’intermédiaire doit utiliser son pouvoir de représentation avec
diligence. Or, la mise en œuvre de la responsabilité du mandant pour le fait du mandataire fait
naître le doute sur la légitimité de son action. Par conséquent, il est tout-à-fait souhaitable que
le mandant puisse disposer d’un recours contre le mandataire. En ce sens, la responsabilité par

1458
Supra, n° 532 et s..
1459
Supra, n° 348 et s..

340
représentation est finalement plus favorable pour ce dernier que ne l’est la responsabilité
définie par l’article 1384 alinéa 5.

600. La deuxième hypothèse – le mandant est un profane - est moins fréquente, mais elle
n’a pas encore disparu. A nouveau, il faut distinguer : soit le mandataire est un profane, soit il
est un professionnel. A notre sens, pour des raisons similaires à celles que nous venons
d’exposer, le premier cas ne devrait guère poser de difficulté : le mandant profite de l’activité
d’autrui et peut bénéficier d’un recours dans l’hypothèse d’une faute du représentant. Le
second cas est en revanche plus problématique. Tout d’abord, sauf dans de rares cas de figure
(par exemple, lorsque le mandant est un riche propriétaire terrien), le pouvoir économique
pèsera rarement en sa faveur. Ensuite, le mandataire professionnel aura, généralement, pris
soin d’assurer son activité, ce qui ne sera pas le cas du mandant profane. Par ailleurs, le
particulier qui fait appel aux services d’un professionnel souhaite généralement, en plus
d’assurer le dynamisme de ses affaires, bénéficier des compétences particulières de
l’intermédiaire. A ce titre, il est en droit d’attendre « plus » que s’il ne s’était exécuté lui-
même. Enfin, dans certaines situations, le recours à un mandataire lui sera imposé. Par
exemple, devant certaines juridictions, le justiciable est obligé de se faire représenter par un
avocat1460. Pour toutes ces raisons, la mise en œuvre de sa responsabilité pour une faute
commise par son mandataire pourrait apparaître particulièrement sévère, injuste, inéquitable.
Pourrions-nous alors envisager que, dans ce cas de figure, il soit fait exception au mécanisme
de la responsabilité par représentation ? A notre sens, une telle option n’est pas juridiquement
cohérente avec le système de la responsabilité par représentation. En effet, elle suppose
d’admettre que, dans certaines hypothèses, les effets de la représentation ne sont pas
automatiques, ce qui n’est pas compatible avec son régime juridique. L’introduction d’une
action récursoire, en revanche, se présente, comme une solution complexe – elle suppose la
multiplication des procédures – mais équitable. Nous verrons en effet que ce mécanisme
repose sur l’examen des obligations réciproques des parties. Or, lorsque le rapport de force est
déséquilibré en défaveur du mandant, il est souhaitable que les obligations qui lui sont
imposées soient appréciées plus strictement1461. En pratique, il apparaît d’ailleurs que la
jurisprudence est particulièrement sévère envers les professionnels1462. Reste une troisième
possibilité : l’exclusion pure et simple de la responsabilité par représentation dans ces

1460
C’est le cas, notamment, devant le Tribunal de grande instance. Voir les articles 750 et s. du Code de
procédure civile.
1461
Infra, n° 919 et s..
1462
Supra, n° 247 et s..

341
hypothèses. Parce qu’elle présente l’avantage de la simplicité et de l’équité, c’est la solution
que nous préconisons. La justification demeure toutefois plus politique que juridique : elle
aurait pour conséquence de ne pas sanctionner trop durement le profane et de ne pas
déresponsabiliser le professionnel.

601. Les avantages de la responsabilité par représentation pour les tiers


cocontractants. Enfin, à l’égard des tiers, les avantages de ce système ne sont également pas
insignifiants. En effet, en l’état actuel du droit positif, le traitement juridique du tiers n’est pas
appréhendé de manière autonome : c’est uniquement au travers du lien mandant – mandataire
que sa situation est prise en compte. Cela ne signifie pas qu’il soit bien ou mal protégé, cela
indique simplement, que son sort dépend d’éléments qui lui sont extérieurs. Pour deux
raisons, cela nous semble difficilement acceptable : d’une part, les intérêts de ce personnage
ne se confondent en aucune façon avec ceux des mandant et mandataire, et peuvent même, à
certains égards, être antagonistes ; d’autre part, cette exigence introduit la possibilité d’un
traitement inégal des tiers victimes.

602. Par exemple, au terme de l’article 1997 du Code civil, il a été précisé que « le
mandataire qui a donné à la partie avec laquelle il contracte en cette qualité une suffisante
connaissance de ses pouvoirs n'est tenu d'aucune garantie pour ce qui a été fait au-delà ». En
principe, cette règle ne concerne que les actes juridiques conclus par le mandataire en qualité
d’intermédiaire1463. Elle ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de sa responsabilité
délictuelle, dans l’hypothèse d’un délit ou d’un quasi-délit, même lorsque ce dernier a agi
conformément au pouvoir qui lui a été confié1464. Cette règle protège donc insuffisamment le
mandataire. Mais il en va de même à l’égard du tiers. En effet, s’il est possible à ce dernier de
mettre en cause l’intermédiaire, encore faut-il que la preuve d’une faute soit démontrée. Or,
selon la qualité de professionnel ou de profane du mandataire, l’exigence ne sera pas la
même : s’il s’agit d’un mandataire profane, la preuve de l’existence d’un délit ou d’un quasi-
délit doit être rapportée1465 ; à l’inverse, s’il agit en tant que professionnel, le simple
manquement à une obligation de conseil suffit1466. Pour ce faire, il appartient donc au tiers,
demandeur à l’action civile, de rechercher des éléments qui concernent pourtant
essentiellement la relation mandant – mandataire, alors même qu’il s’agit-là d’une relation à

1463
M. MEKKI, « Mandat – Obligations du mandataire à l'égard du mandant et des tiers », in J.Cl. Civil Code,
« Art. 1991 à 2002 », Fasc. 10, 2010, spéc. n° 56 et s..
1464
Ibid., spéc. n° 60 et s..
1465
Par ex.: Civ. 3, 6 janvier 1999 - Bull. civ., 1999, III, n° 3 : D., 2000, p. 426, note M. ASFAR
1466
Par ex.: Civ. 1, 18 avril 1989 – Bull. civ., 1989, I, n° 150 : R.T.D. Civ., 1990, p. 267, obs. J. MESTRE.

342
laquelle il est étranger. Autrement dit, les litiges se régleraient au travers de l’examen de la
relation mandant-mandataire ce qui montrerait le peu d’autonomie du traitement juridique de
la situation du tiers.

603. Synthèse : la cohérence du système. Ces dernières remarques témoignent de la


cohérence du système au regard du droit de la responsabilité civile. L’expansion actuelle de la
responsabilité du commettant pour les faits de son préposé a supporté de nombreuses critiques
qui, pour la plupart, sont justifiées. Le développement de cette responsabilité conduit en effet
à appliquer ce régime à des hypothèses dans lesquelles le rapport d’autorité est absent et où
seul le profit réalisé par le pseudo commettant motive la décision des juges. Par conséquent,
reconnaître l’existence d’un régime de responsabilité par représentation permettrait de
« sortir » certaines hypothèses de la responsabilité du commettant et de redonner, ainsi, une
unité au droit de la responsabilité civile en distinguant les responsabilités fondées sur le profit
des responsabilités fondées sur l’autorité.

604. Une dernière question doit être réglée, celle du caractère de cette responsabilité par
représentation. Doit-on souhaiter qu’un texte de loi soit introduit ou l’œuvre jurisprudentielle
est-elle suffisante ? En l’état actuel du droit positif, un tel régime de responsabilité existe
d’ores et déjà en substance. Les difficultés à le reconnaître proviennent de la conception trop
stricte du mécanisme de la représentation. Pour ces raisons, l’intervention législative ne nous
semble pas absolument nécessaire. En revanche, ce qui nous paraît fondamental, c’est
l’introduction, dans le Code civil, d’une théorie générale de la représentation. Dans cette
hypothèse, plusieurs points devraient être réglés par le législateur. Tout d’abord, la définition
du mécanisme de la représentation lui-même. Ce point ayant déjà été abordé, nous
rappellerons simplement les termes de notre proposition :

« La représentation est la technique juridique par laquelle une personne agit au nom et pour
le compte d’une autre. »

605. Ensuite, c’est le problème du domaine de la représentation qui doit être précisé.
Actuellement, il est confiné dans les limites de l’acte juridique. Nous proposons de l’étendre
aux conséquences de certains faits juridiques :

606. « Le représenté est seul engagé par les actes accomplis par le représentant dans la
limite de ses pouvoirs. »

343
607. « Le représenté est également engagé par les faits juridiques commis par le
représentant lorsque le lien entre le fait dommageable et la mission confiée est manifeste. »

608. Enfin, et plus particulièrement en ce qui concerne la responsabilité par représentation,


il nous semble indispensable de préciser les situations dans lesquelles ce régime doit être
exclu.

609. « Toutefois, l’engagement du représenté est exclu pour les faits juridiques commis par
le représentant toutes les fois où la mission de représentation s’accompagne du
dessaisissement du représenté.

610. La responsabilité par représentation est également exclue lorsque le pouvoir de


représentation a été donné par un profane à un professionnel. »

611. Les textes que nous proposons seraient intégrés dans la théorie générale de la
représentation, mais ils ne constitueraient pas la totalité de la théorie générale de la
représentation. Plus précisément, une proposition de refonte du mécanisme a été proposée par
les membres de la Commission CATALA pour la réforme du droit des obligations ou par les
rédacteurs du projet initié par la Chancellerie et, pour l’essentiel, nous y renvoyons. Cela étant
dit, la réforme du Code civil n’ayant pas encore eu lieu, nos différentes propositions
pourraient venir compléter – ou se substituer à – celles qui ont déjà été intégrées dans le
projet.

344
Conclusion du Sous-Titre 1

612. Synthèse. Lors de l’introduction de cette seconde partie, nous avons rappelé que
l’expression « responsabilité par représentation » n’était pas tout à fait inconnue de notre
droit : en matière pénale, elle a même été expressément utilisée à propos de la responsabilité
des personnes morales. Dès lors, l’hypothèse – qui a pu être vérifiée - d’une responsabilité
civile par représentation des personnes morales s’est faite jour.

613. Cette démonstration présentait pour nous plusieurs intérêts.

1- Tout d’abord, le fondement représentatif de la responsabilité civile des


personnes morales a confirmé la possibilité d’un tel régime en droit français.
Ainsi, c’est notre proposition initiale – la responsabilité par représentation du
mandant pour le fait du mandataire – qui s’en est trouvée confortée.

2- Ensuite, la reconnaissance d’un régime de responsabilité par représentation en


dehors du mandat a ouvert la voie à une réflexion portant sur le domaine de la
responsabilité par représentation. En effet, le mandat n’épuise pas toute
hypothèse de représentation et la question de l’extension de ce régime à
d’autres situations que ce contrat devait être posée. A l’examen, il est apparu
que la responsabilité par représentation pouvait être étendue, dès lors que les
conditions qui la constituent sont réunies.

3- Enfin, l’examen approfondi du régime de la responsabilité civile des personnes


morales nous a permis d’identifier, avec plus de sérénité, les conditions
constitutives d’un régime de responsabilité par représentation. Outre celles
applicables à tout régime de responsabilité (un fait générateur, un dommage et
un lien de causalité), deux conditions ont été définies. Il s’agit d’un « fait du
représentant » (qui, en réalité, définit une application particulière du fait
générateur de responsabilité) et d’un « rapport de représentation ».

614. Problématique. L’exposé de ces conditions évoque très fortement la responsabilité du


fait d’autrui, faisant naître ainsi de nouvelles interrogations. L’apparente proximité entre ces
deux régimes pourrait suggérer que la responsabilité par représentation ne constitue, en
définitive, qu’une déclinaison de la responsabilité du fait d’autrui. Cette conception
contredirait, cependant, la jurisprudence de la Cour de cassation qui affirme le caractère

345
personnel de la responsabilité par représentation des personnes morales. Autrement dit, la
qualification de la responsabilité par représentation est incertaine et il nous appartient de
prendre position sur ce point. La résolution de cette difficulté est directement liée à
l’articulation de ce nouveau régime avec les autres régimes de responsabilité. Par exemple,
lorsque les conditions de la responsabilité du commettant sont également réunies, peut-il y
avoir application concurrente entre les deux corps de règles ou l’un d’eux va-t-il s’appliquer
de manière exclusive ? L’ensemble de ces questions se rapportent, plus généralement, à la
place occupée par la responsabilité par représentation dans notre droit.

346
Sous-Titre 2 – La place de la responsabilité par représentation dans le droit de
la responsabilité civile

615. La permanence de l’alternance « droit commun – droit spécial ». Le « tiraillement


constant »1467 entre le droit commun et les droits spéciaux affecte l'ensemble du droit
privé1468. L'opposition entre l'un et l'autre est d’ailleurs un phénomène récurrent que l'on doit
accueillir comme un symptôme ordinaire de l’organisation des régimes juridiques : on la
retrouve dans la plupart des branches, du droit privé comme du droit public : régime général
des obligations et droit des contrats spéciaux, droit pénal général et droit pénal spécial, droit
des sociétés et droit des sociétés particulières, droit administratif général et droit administratif
spécial, …

616. Si ce balancement entre les deux pôles est parfois critiqué - en particulier dans les
ouvrages relatifs au droit de la responsabilité civile, en raison du morcellement qu’il
provoque1469 - l'on doit admettre qu'il constitue une manifestation essentielle de l'utilisation
des termes « commun » et « spécial ». Autrement dit, l’existence d’un principe général se
conçoit difficilement sans l’existence de dispositions particulières. Ainsi que l'écrivait Paul
VANDEREYCKEN, un régime n'est ni de droit commun, ni de droit spécial parce que « c'est

1467
L. CLERC-RENAUD, Du droit commun et des régimes spéciaux en droit extracontractuel de la réparation,
sous la direction de PH. BRUN, CHAMBERY, thèse dactylographiée, 2006, spéc. n° 3, p. 12.
1468
Pour des références générales sur le sujet voir not. les articles de J.-P. CHAZAL, « Réflexions
épistémologiques sur le droit commun et les droits spéciaux », in Études de droit de la consommation : Liber
amicorum Jean CALAIS-AULOY, Dalloz, 2004, p. 279 ; R. GASSIN, « Lois spéciales et droit commun », D., 1961,
chron., p. 91 ; F. GRUA, « Les divisions du droit », R.T.D. Civ., 1993, p. 59 ; D. MAZEAUD, « L’imbrication du
droit commun et des droits spéciaux », in Forces subversives et forces créatrices en droit des obligations –
Rétrospectives et perspectives à l’heure du Bicentenaire du Code civil, ouvrage coll. sous la direction de G.
PIGNARRE, Dalloz, 2005, p. 73 ; F. POLLAUD-DULLIAN, « Du droit commun au droit spécial – et retour », in
Aspect contractuels du droit des affaires - Mélanges en l’honneur de Y. GUYON, Dalloz, 2003, p. 73 ; H.
ROLAND, L. BOYER, Adages du droit français, PARIS, Litec, 4ème édition, 1996, n° 152, p. 296. Voir également
les thèses de AU. BALLOT-LENA, La responsabilité civile en droit des affaires – Des régimes spéciaux vers un
droit commun, préface de PH DUBOIS, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 493, 2008 ; L. CLERC-
RENAUD, Du droit commun et des régimes spéciaux en droit extracontractuel de la réparation, thèse précitée ;
CH. GOLDIE-GENICON, Contribution à l'étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial des contrats,
préface de Y. LEQUETTE, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 509 ; M. POUMAREDE, Régimes de
droit commun et régimes particuliers de responsabilité civile, sous la direction de C. SAINT-ALARY-HOUIN,
TOULOUSE, thèse dactylographiée, 2003 ; B. SAINTOURENS, Essai sur la méthode législative. Droit commun,
Droit spécial, sous la direction de J. DERRUPPE, thèse dactylographiée, 1986.
1469
Sur la crise et l’éclatement du droit de la responsabilité civile voir, not., les thèses de L. CLERC-RENAUD, op.
cité, spéc. n° 1, pp. 11 et s. et M. POUMAREDE, op. cité, n° 1 et s., pp. 1 et s.. Voir également F. LEDUC,
« L’œuvre du législateur : vices et vertus des régimes spéciaux », in La responsabilité civile à l’aube du XXIème
siècle : bilan prospectif, Actes du colloque de l’Université de Savoie, R.C.A., n° hors-série juin 2001, pp. 50 et
s.. PH. BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle, ouvrage précité ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX,
Les obligations – Le fait juridique, ouvrage précité, spéc. n° 86 et s., pp. 99 et s. ; F. TERRE, PH. SIMLER, Y.
LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, ouvrage précité, spéc. n° 673, pp. 685 - 686 ; G. VINEY, Introduction à
la responsabilité civile, ouvrage précité, spéc. n° 33, pp. 75 – 76.

347
uniquement un rapport de construction mentale qui fait d'une disposition, une règle, et de
l’autre, une exception »1470. En quelque sorte, les droits spéciaux doivent être appréciés
comme constituant l'alter ego du droit commun, et réciproquement.

617. La pertinence du couple « droit commun – droit spécial ». Ceci étant dit, de
nombreuses opportunités découlent de cette articulation droit commun – droits spéciaux, à
commencer par l’apport d’éléments de réponse aux éventuels concours d’actions. Lorsque
plusieurs règles de droit sont applicables (par exemple, pour ce qui nous intéresse, lorsque le
mandataire auteur du fait dommageable est également le préposé du mandant), l’organisation
entre règles de droit commun et règles de droit spécial aide à la résolution des conflits,
notamment par l’application de la règle « Generalia specialibus non derogant »1471.
Toutefois, ces multiples avantages ne peuvent être véritablement perçus qu'à la seule
condition que chaque règle juridique soit rangée dans la catégorie qui lui échoit. À défaut,
leurs fonctions respectives ne peuvent trouver à s'appliquer, et il en résulte un amas
désordonné de règles de droit. Aussi, l'émergence d'un nouveau corps de règles impose de
s’interroger sur son appartenance à l’une ou l’autre de ces branches, ceci afin d’éclaircir le
rapport qu’il entretient avec le droit de la responsabilité civile ou la place qu’il occupe dans
l’ensemble de la matière en cause.

618. Plan. C’est la raison pour laquelle la reconnaissance d’une responsabilité par
représentation suggère que l’on s’interroge sur sa qualité de droit commun ou de droit spécial
de la responsabilité. Pour ce faire, la qualification de ce régime juridique de droit commun ou
de droit spécial de la responsabilité civile constituera l’étape imposée (Chapitre 1), pour
observer, par la suite, les rapports de la responsabilité par représentation avec le reste de la
responsabilité civile (Chapitre 2).

1470
P. VANDEREYCKEN, Méthode positive de l'interprétation juridique, BRUXELLES, 1907, Ed. FalkFils
(BRUXELLES), FélixAlcan (PARIS), n° 155.
1471
Pour quelques éléments sur le contenu de la règle, voir not. H. ROLAND, L. BOYER, Adages du droit français,
op. cité, n° 152, p. 296.

348
Chapitre 1 – Un nouveau droit commun de la responsabilité civile

619. La notion de droit commun et de droit spécial. La notion de droit commun a


souvent été présentée comme ambiguë et pour le moins équivoque1472. L’ancienneté de la
distinction « droit commun - droit spécial » explique en partie les difficultés à
l’appréhender1473. Les « mutations sémantiques qu’elle a subies »1474 depuis lors ont semé le
trouble1475. Le caractère relatif de la notion peut toutefois être atténué si l’on se restreint à un
référentiel donné1476. Pour notre sujet, il s’agira du droit de la responsabilité civile.

620. Si l’on s’en tient aux définitions données par le dictionnaire le Capitant, serait
commun ce qui « s’applique en principe (sauf exception) à toutes les personnes et à toutes les
affaires »1477 et spécial ce qui « est propre à une espèce d’actes ou de faits »1478. Les régimes
de droit commun seraient ainsi des régimes généraux qui se distingueraient « du droit spécial
par [leur] capacité à concerner un plus grand nombre de situations juridiques »1479 quand les
régimes spéciaux permettent seulement « de prolonger l’application des régimes de droit

1472
Sur ce point voir not. R. GASSIN, art. précité, spéc. n° 4, p. 92 ; F. GRUA, art. précité, spéc. n° 6 et s. ; L.
CLERC-RENAUD, thèse précitée, n° 8, p. 22 ; CH. GOLDIE-GENICON, thèse précitée, n° 3, p. 5.
1473
La distinction était déjà connue d’Aristote. En ce sens : H. ROLAND, L. BOYER, Adages du droit français, op.
cité, spéc. p. 297. Sur ce point voir également R. GASSIN, « Lois spéciales et droit commun », op. cité, spéc. n°
2 ; J. ELLUL, Histoire des Institution - L’Antiquité, P.U.F., coll. Quadrige, 2ème édition, 2011, p. 166.
1474
J.-P. CHAZAL, « Réflexions épistémologiques sur le droit commun et les droits spéciaux », op. cité, pp. 279
et s., spéc. p. 281.
1475
Il est généralement admis que ce concept puise ses origines dans le jus commune romain dont il est fait
mention dans le Digeste. (En ce sens voir not. J.-P. CHAZAL, art. précité, spéc. pp. 281 et s. ; CH. GOLDIE-
GENICON, thèse précitée, n° 2, pp. 2 et s. ; M. POUMAREDE, thèse précitée, n° 17, p. 23). A cette époque, le jus
commune - synonyme de jus gentium - faisait référence à un droit naturel et commun à tous les peuples (J.-P.
CHAZAL, article précité, p. 282 ; CH. GOLDIE-GENICON, ibid. ; P.-F. GIRARD, Manuel élémentaire de droit
Romain, ouvrage précité) « parce que fondé sur la raison commune et dicté par la nature » (CH. GOLDIE-
GENICON, ibid., n° 2, p. 3). On le distinguait alors du jus civilis qui désignait, à l’inverse, un ensemble des règles
propres à un certain peuple et n’avait d’autre objet que de régir les relations entre les citoyens romains (J.-P.
CHAZAL, article précité, p. 282 ; P.-F. GIRARD, op. cité., n° 2). En France la notion prit toutefois une tournure
plus politique parce que la diversité des coutumes médiévales et l’hétérogénéité juridique du Royaume
nécessitait l’avènement d’un droit commun à l’ensemble du territoire. Aussi, l’œuvre unificatrice entreprise dès
le XVIème siècle vise à extraire certaines règles érigées au rang de modèle et de droit commun de la France (J.-P.
CHAZAL, article précité, pp. 282 et s. ; CH. GOLDIE-GENICON, ibid. ; J. BART, Histoire du droit : de la chute de
l'Empire romain au XIXe siècle, Montchrestien, coll. Domat droit privé, 2ème édition, 2009, pp. 133 et s.. A cet
égard, le Code de 1804 en constitue certainement l’expression la plus aboutie. C’est à ce moment-là que le sens
accordé au vocable « droit commun » glissa du droit d’un territoire donné vers l’élection d’une matière au rang
de « matrice » (J.-P. CHAZAL, art. précité, spéc. p. 284) du système juridique. C’est le droit civil qui s’est vu
attribuer « ce rôle de droit commun », c’est-à-dire qu’il reçut pour fonction celle d’« imposer ses principes et ses
règles aux autres branches » (J.-P. CHAZAL, art. précité, spéc. p. 285).
1476
En ce sens voir, en particulier, CH. GOLDIE-GENICON, thèse précitée, n° 3, pp. 5 et s..
1477
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité, v° « droit commun »
1478
Ibid., v° « droit spécial»
1479
M. POUMAREDE, thèse précitée, n° 18, p. 24 et spéc. note 236 : l’auteur explique qu’il faut manier avec
précaution le critère quantitatif qui ne reflète pas toujours la réalité.

349
commun et, le cas échéant, de les adapter à la situation concrète »1480. Ce sont des « lois
générales qui déterminent les règles applicables à tous les cas qui composent un genre donné
de rapports juridiques »1481 alors que les lois spéciales « donnent une règle particulière à une
série de cas déterminés »1482.

621. Dans ce contexte, le droit commun se verrait attribuer le rôle de « matrice » alors que
le droit spécial en « assurer[ait] le prolongement »1483, en « préciser[ait] le sens »1484 et « en
aménager[ait] l’application pour certaines situations particulières »1485. En droit de la
responsabilité, les régimes spéciaux auraient plus précisément pour objet d’améliorer les
résultats obtenus par le droit commun (en particulier ceux relatifs à la réparation du
dommage) lorsque celui-ci apparait inadapté1486.

622. La spécificité du droit commun de la responsabilité civile. Appliquée au droit de la


responsabilité civile, cette approche signifierait l’appartenance de la responsabilité par
représentation à la catégorie des régimes spéciaux puisqu’applicable aux seuls représentés
pour les faits commis dans le cadre de leur mission par leur représentant. A l’inverse, la règle
de l’article 1382 du Code a vocation à s’appliquer à « tout fait de l’homme » dès lors qu’il
cause « à autrui un dommage ».

623. Mais cette conclusion, aussi attractive soit-elle, ne peut nous satisfaire entièrement,
surtout sur le fondement de ce seul argument. Car s’il est vrai que les articles 1382 et 1383
définissent un principe général, ils ne définissent pas « le » droit commun mais « un » droit
commun de la responsabilité civile. En effet, depuis le début du XXème siècle, plusieurs
travaux doctrinaux vont dans le sens d’un droit commun de la responsabilité qui serait plural.
C’est Monsieur LEDUC1487 qui, le premier, a mis en évidence l’existence de quatre régimes
génériques qui, seuls, appartiendraient au droit commun de la responsabilité civile : « le
régime général de responsabilité contractuelle (art. 1146 et s.), le régime général de
responsabilité extra contractuelle du personnel, le régime général de responsabilité extra
contractuelle du fait des choses et le régime général de responsabilité extra contractuelle du

1480
M. POUMAREDE, thèse précitée, n° 20, p. 27.
1481
R. GASSIN, art. précité, spéc. n° 1, p. 91.
1482
Ibid..
1483
CH. GOLDIE-GENICON, thèse précitée, n° 5, p. 9.
1484
AU. BALLOT-LENA, thèse précitée, n° 16, p. 23.
1485
Ibid.. Sur le rôle attribué aux droits spéciaux voir not. R. GASSIN, article précité, n° 2, p. 91 ; L. CLERC-
RENAUD, thèse précitée, n° 5, pp. 16 et s.. ; M. POUMAREDE, Régimes de droit commun et régimes particuliers
de responsabilité civile, thèse précitée, spéc. n° 20, p. 27.
1486
L. CLERC-RENAUD, thèse précitée, n° 5, p. 17.
1487
F. LEDUC, « Le droit de la responsabilité hors le Code civil », L.P.A., 6 juillet 2005, n° 133, p. 3.

350
fait d’autrui »1488 parce qu’ils n’ont pas, au-dessus d’eux, « un régime plus vaste englobant
potentiellement [leur] domaine d’application »1489. Selon cet auteur, le droit commun de la
responsabilité se comprendrait comme l’ensemble des « principes fondamentaux de la
responsabilité civile » qui s’appliquent « à tous les régimes de responsabilité quels qu’ils
soient »1490. Par la suite, cette théorie a été reprise et approfondie. Le professeur POUMAREDE,
en particulier, lui a donné une tournure plus complète en utilisant cette dimension plurielle du
droit commun de la responsabilité comme point de départ de sa thèse1491. Partant de
l’insuffisance des critères actuellement proposés (la source – la faute ou le risque – et le
fondement – délictuel ou contractuel) pour la distinction entre le droit commun et les droits
spéciaux de responsabilité1492, l’auteur en propose un nouveau : le domaine d’application de
la responsabilité civile1493, c'est-à-dire « l’ensemble des personnes ou des matières auxquelles
s’applique une règle »1494. Ce faisant, il reconnaît la nature plurielle du droit commun de la
responsabilité dès lors « qu’il existe, en droit positif, quatre manières de causer un dommage
à autrui »1495.

624. Plan. Afin de déterminer si la responsabilité par représentation appartient au droit


commun de la responsabilité du fait personnel ou à celui de la responsabilité du fait d’autrui,
il convient donc de rechercher si le fait du représentant correspond à un fait personnel ou à un
fait d’autrui (Section 1). L’incompatibilité entre le fait du représentant d’une part, et le fait
personnel ou le fait d’autrui d’autre part, fera ainsi apparaître le caractère autonome de la
responsabilité par représentation (Section 2).

1488
Ibid., spéc. p. 7.
1489
Ibid., spéc.
1490
F. LEDUC, article précité, p. 6.
1491
M. POUMAREDE, Régimes de droit commun et régimes particuliers de responsabilité civile, thèse précitée.
1492
Ibid., spéc. n° 29 et s., pp. 37 et s..
1493
Ibid., spéc. n° 131 et s., pp. 97 et s..
1494
Ibid., spéc. n° 131, p. 97.
1495
Ibid., spéc. n° 270, p. 178.

351
Section 1 – L’incompatibilité entre les qualifications traditionnelles et la
responsabilité par représentation

625. Plan. Parce que le dommage subi par le tiers cocontractant est causé par une personne
(le représentant), la responsabilité du fait des choses est, de facto, exclue. Lors de
développements précédents, il a également été établi que la responsabilité par représentation
ne pouvait être de nature contractuelle. Il ne reste donc que la responsabilité délictuelle, du
fait personnel ou du fait d’autrui. Au regard des circonstances, la seconde paraît mieux
appropriée parce que le fait dommageable n’est pas commis par celui qui doit en répondre. En
effet, la responsabilité par représentation a pour conséquence la mise en œuvre de la
responsabilité d’un individu alors que le fait dommageable a été commis par un autre.
Toutefois, nous verrons que la responsabilité par représentation ne répond pas parfaitement
aux exigences de la responsabilité du fait d’autrui (§1), ce qui nous obligera à nous tourner du
côté de la responsabilité du fait de l’homme. Mais, là encore, la confrontation entre les
éléments constitutifs de la responsabilité personnelle et la responsabilité par représentation
montrera l’incompatibilité entre les deux concepts (§2).

§1- Le rejet de la qualification de « responsabilité du fait d’autrui »

626. Plan. Le rejet de la qualification de « responsabilité du fait d’autrui » suppose, dans


un premier temps, que l’on s’arrête sur le contenu de ce concept (A) pour, dans un second
temps, confronter les caractéristiques de cette responsabilité avec celles de la responsabilité
par représentation (B).

352
A- La notion de « responsabilité du fait d’autrui »

627. Plan. Dernier-né du droit de la responsabilité civile, le droit commun de la


responsabilité du fait d'autrui peine à se forger une véritable identité1496. Pourtant, près de
vingt ans après son éclosion1497, et quatre-vingts ans après les premiers souhaits formulés en
ce sens1498, rares sont les voix à s'élever encore contre l'admission d'un principe général. Au
contraire, la plupart des ouvrages récents lui attribue avec raison le titre de « droit commun de
la responsabilité civile »1499.

628. Il est vrai que l'apparente hétérogénéité qui règne en ce domaine constitue un obstacle
de taille à la réalisation de l'unité. De nombreux exemples en attestent : depuis l’arrêt
Levert1500, par exemple, un simple fait causal de l’enfant mineur est suffisant pour que la
responsabilité de ses parents soit engagée alors que, partout ailleurs, l’exigence d’une faute est

1496
Dans l’ensemble, la notion de responsabilité du fait d’autrui est peu étudiée. Pour une présentation de la
notion et des essais de conceptualisation de la notion voir cependant G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de
la responsabilité civile, ouvrage précité, spéc. n° 788-7 et s., pp. 914 et s. ; J. JULIEN, La responsabilité civile du
fait d'autrui : rupture et continuité, thèse précitée, spéc. p. 35 ; C. ROUX, Pour une théorie générale de la
responsabilité du fait d'autrui, sous la direction de P. COLLOMB, NICE, thèse dactylo., 2001. Voir également la
thèse déjà citée de M. POUMAREDE (Régimes de droit commun et régimes particuliers de responsabilité civile,
thèse précitée) qui démontre que le fait d’autrui est la condition d’application du droit commun de la
responsabilité du fait d’autrui. Voir enfin la thèse de Monsieur PERDRIX qui, à partir du critère rénové de la
« garde d’autrui », propose de réorganiser la responsabilité des personnes gardées ou détenues afin que soit
reconnue l’unité et la spécificité de la responsabilité du fait d’autrui fondée sur le contrôle de la vie d’autrui. L.
PERDRIX, La garde d’autrui, préface de G. VINEY, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 521, 2010.
1497
L’étape décisive dans la reconnaissance d’un principe général de responsabilité du fait d’autrui date de 1991.
C’est l’arrêt Blieck, en effet, qui vient couronner une longue et lente floraison. (A.P., 29 mars 1991 - Bull. Civ.,
1991, n° 1 ; G.A.J.C., 11ème édition, n° 218-219 : D., 1991, 324, note CH. LARROUMET ; JCP G., 1991, II, 21673,
note J. GHESTIN ; G.P., 1992, 2, 513, note CHABAS ; Défrénois, 1991, 729, obs. AUBERT ; R.T.D. Civ., 1991,
312, note J. HAUSER et 541 obs. P. JOURDAIN ; D., 1991, Chron. 157, G. VINEY ; R.T.D. Civ., 1991, 541, note. P.
JOURDAIN). Toutefois, quelques bourgeons, étaient d’ores et déjà apparus de longue date. (Entre une doctrine
appelante, une jurisprudence administrative affirmée et une jurisprudence civile balbutiante, les prémisses étaient
déjà largement dessinés : Supra, n° 409.), raison pour laquelle l’orientation suivie par l’assemblée plénière est,
pour certains auteurs, souvent qualifiée à tort d’historique. (Sur ce point voit not. H. GROUTEL, « La
responsabilité du fait d’autrui : un arrêt (à moitié ?) historique », R.C.A., 1991, chron. n° 9).
1498
On se souvient que dès l’arrêt Jeand’heur (Concl. sous chambres réunies, 13 février 1930, arrêt Jeand’heur,
D.P., l930, 1, 57), l’idée d’un principe de responsabilité générale du fait d’autrui fut largement relayée en
Doctrine par DEMOGUE et par SAVATIER. Supra, n° 409.
1499
Sur ce point, A. BENABENT, Droit civil - Les obligations, op. cité ; PH. BRUN, Responsabilité civile extra-
contractuelle, op. cité ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations – Le fait juridique, op. cité ; F.
TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité ; G. VINEY, P. JOURDAIN, Les conditions
de la responsabilité civile, op. cité.
Voir également les thèses portant sur l’articulation du droit commun et des règles spéciales en droit de
la responsabilité civile : L. CLERC-RENAUD, Du droit commun et des régimes spéciaux en droit extracontractuel
de la réparation, op. cité et, en particulier, celle de M. POUMAREDE, Régimes de droit commun et régimes
particuliers de responsabilité civile, op. cité.
1500
Civ. 2, 10 mai 2001 – Pourvoi n° 99-11.287 ; Bull. civ., 2001, II, n° 96 : R.C.A., 2001, chron 18 ; D., 2001,
p. 2851, note O. TOURNAFOND ; D., 2002, p. 1315, obs. D. MAZEAUD ; JCP G., 2001, II, 10613, note J. MOULY ;
JCP G., 2002, I, 124, n° 20, obs. G. VINEY ; R.T.D. Civ., 2001, p. 601, obs. P. JOURDAIN ; Defrénois, 2001,
p. 1275, note E. SAVAUX.

353
requise. De même, la responsabilité de l’instituteur pour le fait de l’élève est une
responsabilité pour faute prouvée alors que celle des parents ou du commettant est une
responsabilité de plein droit. L’on peut encore citer l’immunité civile dont bénéficie, depuis
l’arrêt Costedoat1501, le préposé et qui demeure inconnue des autres responsabilités du fait
d’autrui. Mais si l’on admet que « l'existence d'un principe général est une question de fond et
non de forme »1502, les disparités qui existent d'une règle à une autre ne peuvent être l'origine
d'une disgrâce du droit commun de la responsabilité civile du fait d'autrui1503. Ainsi, en
délaissant les questions de forme pour des critères de fond, l'on ne peut manquer d'observer
l'existence de certaines caractéristiques communes. L’une est apparente : il s’agit de
l’exigence d’un fait générateur de responsabilité commis par autrui (1) ; l’autre n’est que
sous-jacente : il s’agit de l’existence d’un rapport spécial d’autorité entre le répondant et
l’auteur matériel du fait dommageable (2).

1- L’exigence d’un fait d’autrui

629. La dissociation entre le fait générateur de responsabilité et l’obligation de


réparation. Bien qu'en droit français l'existence de la responsabilité civile du fait d'autrui ne
fasse l’objet d'aucun doute1504, aucune définition ne semble en avoir été donnée1505. De ce
vide théorique émerge une difficulté : celle d'identifier avec certitude ce qu'est un régime de
responsabilité du fait d'autrui. Dans deux hypothèses, cette gêne se fait particulièrement
ressentir. La première concerne toutes les situations dans lesquelles la responsabilité d'un
individu est mise en œuvre pour un dommage causé par un autre en raison d'une faute qui lui

1501
A.P., 25 février 2000 – Pourvoi n° 97-17.378 ; Bull. civ., Ass. plén., n° 2 : G.A.J. Civ., 2008, n° 225, p. 484 :
D., 2000, p. 673, note PH. BRUN ; D., 2000, p. 467, note PH. DELEBECQUE ; R.T.D. Civ., 2000, p. 582, obs. P.
JOURDAIN ; JCP G., 2000, I, 10295, note M. BILLIAU ; JCP G., 2000, I, 241, n° 16 et s., obs. G. VINEY ; R.C.A.,
2000, chron. 11, H. GROUTEL.
1502
C. ROUX, thèse précitée.
1503
L’idée d’un droit commun de la responsabilité du fait d’autrui pourrait toutefois ne pas perdurer si le projet
de réforme du droit des obligations venait à être adopté. En effet, aux termes du second alinéa de l’article 1355
de ce texte, la responsabilité du fait d’autrui « a lieu dans les cas et aux conditions prévues aux articles 1356 à
1360 (..) ». (Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, sous la direction de P.
CATALA, op. cité.) La conception de la responsabilité du fait d’autrui qui en résulterait serait celle d’un ensemble
de règles spéciales et toute tentative de généralisation serait irrémédiablement stoppée. Mais, là encore, nous
croyons qu’une certaine unité pourrait s’observer autour de certaines caractéristiques communes, en particulier
l’exigence expressément définie par l’article 1355 alinéa 2 in fine de constater que le fait dommageable est « de
nature à engager la responsabilité de l'auteur direct du dommage ». Sur le sujet : PH. LE TOURNEAU, « Les
responsabilités du fait d’autrui dans l’avant-projet de réforme », Revue des contrats, 2007, n° 1, p. 109.
1504
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile, ouvrage précité, spéc. n° 788, p. 903.
1505
J. JULIEN, La responsabilité civile du fait d'autrui : rupture et continuité, thèse précitée, spéc. p. 35.

354
est personnellement imputable (surveillance, éducation, choix,…). Ce modèle est très fréquent
en droit français et concerne de nombreux cas : à cet égard on peut citer la responsabilité des
parents avant l'arrêt BERTRAND1506, la responsabilité de l'instituteur1507, la responsabilité civile
d’un cafetier pour le meurtre commis par l’un de ses clients excité pat l’alcool qu’il lui avait
servi1508, la responsabilité d’un individu chargé occasionnellement de la surveillance d’un
enfant mineur1509, la responsabilité du syndicat pour les dommages causés par les
grévistes1510, la responsabilité du banquier dont le comportement négligent a favorisé
l’émission de chèque sans provision par le client1511, … La seconde est plus particulière et se
fonde, précisément, sur un rapport de représentation. C’est à propos de la responsabilité des
personnes morales que ce problème a parfois été posé1512 : bien que le représenté n’ait aucune
indépendance par rapport au représentant, il n’en reste pas moins que la mise en œuvre de la

1506
Ce n’est que depuis l’arrêt Bertrand rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 2,
19 février 1997 - Bull. civ., 1997, II, n° 55 : G.A.J.C., 2008, n° 216, p. 445) que la responsabilité des père et
mère du fait de leur enfant est de plein droit, ce qui signifie qu’une faute retenue à leur encontre n’est plus
nécessaire. Pour des références générales sur cet arrêt très important voir not. JCP G., 1997, II, 22848,
Commentaire de R. KESSOUS, Avocat général à la Cour de cass., note G. VINEY ; D., 1997, jurispr. p. 265, note
P. JOURDAIN et chron. p. 279, par CH. RADE ; D., 1997, p. 290., note D. MAZEAUD ; R.T.D. Civ., 1997, p. 648,
note J. HAUSER ; R.T.D. Civ., 1997, p. 668, obs. P. JOURDAIN ; R.C.A., Chron. n° 9, note F. LEDUC ; Rev. de
droit sanitaire et soc., 1997, p. 660, note A. DORSNER-DOLIVET ; G.P., 1997, 1, jurispr. p. 572, note CHABAS ;
L.P.A., 15 septembre 1997, p. 12, note M. LEBRETON.
1507
Voir not. Civ. 2, 11 mars 1981 – Bull. civ., 1981, II, n° 55 : « La responsabilité des instituteurs pour les
dommages causés par leurs élèves pendant que ceux-ci sont sous leur surveillance ne peut être retenue que si
une faute invoquée contre eux est prouvée, ce qui exclut l'application à leur encontre de la responsabilité fondée
sur l'article 1384 alinéa 1er du code civil ».
1508
NANCY, 28 janvier 1987, Arrêt Société Hôtel et Garage de l'Europe c/ Keller.
1509
Sur l’appréciation de la faute de surveillance des grands-parents chez qui l’enfant auteur du dommage
séjournait : Civ. 2, 18 mars 2004 - Bull. civ., 2004, II, n° 140 (en l’espèce, rejet de la responsabilité des grands-
parents).
1510
Rejet de la responsabilité de plein-droit d’un syndicat pour les agissements de ses adhérents au cours des
manifestations : Civ.2, 26 octobre 2006 - Bull. civ., 2006, II, n° 299.
1511
Com., 31 mai 1988 - Bull. civ., 1988, IV, n° 174 : « Attendu qu'ayant retenu que la banque avait mis à la
disposition de X. le moyen d'émettre des chèques sans provision et de causer, par là-même, un préjudice à leurs
bénéficiaires, la cour d'appel a caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi
par Y. »
1512
Sur la nature de la responsabilité des personnes morales voir not. C. AUBRY et C. RAU, Cours de droit civil
français, Tome VI, Petits contrats et responsabilité, ouvrage précité, spéc. § 444 bis, pp. 440 et 441 ; J. FLOUR,
J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations – Le fait juridique, op. cité, spéc. n° 99, p. 122 ; R. SAVATIER, Traité
de la responsabilité civile en droit français civil, administratif, professionnel, procédural, Tome 1, Les sources
de la responsabilité civile, op. cité, spéc. n° 207, pp. 256 et s. ; F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil –
Les obligations, op. cité, spéc. n° 725, pp. 735 – 736 ; PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des
contrats, spéc. n° 1372 et s., pp. 542 et s. ; G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile,
ouvrage précité, spéc. n° 788-7, p. 915. Voir également les thèses de N. BARUCHEL, La personnalité morale en
droit privé : éléments pour une théorie, thèse précitée, spéc. n° 208 et s., pp.114 et s. ; J. GUYENOT, La
responsabilité des personnes morales publiques et privées - Considérations sur la nature et le fondement de la
responsabilité du fait d'autrui, préface de J. CARBONNIER, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de la faculté de droit et
des sciences économiques de l’Université d’Alger, Tome 31, 1959, spéc. n° 119 et s., pp. 93 et s. ; M. LORNE, La
responsabilité civile des personnes morales et de leurs représentants, Sirey, 1910, spéc. pp. 100 et s. ; S.
MESSAI-BAHRI, La responsabilité civile des dirigeants sociaux, thèse précitée, spéc. pp. 345 et s. ; A. MESTRE,
Les personnes morales et le problème de leur responsabilité pénale, Lib. nouvelle de droit et de jurisprudence,
1899, spéc. pp. 295 et s. ; J.-F. QUIEVY, Anthropologie juridique de la personne morale, thèse précitée, spéc. n°
170 et s. pp. 272 et s.. Voir enfin G. WICKER, « Personne morale », in Répertoire civil, Dalloz, spéc. n° 81 et s..

355
responsabilité de l’être moral résulte de l’activité de la personne physique. Aussi,
l’appartenance de ce régime à la catégorie « responsabilité du fait d’autrui » pourrait-elle être
admise.

630. L’indécision relative à ce concept n’est pourtant pas insoluble. D’ailleurs, une lecture
littérale du premier alinéa de l'article 1384 du Code civil nous apporte un premier élément de
réponse non négligeable : en affirmant que l’« on est responsable non seulement du dommage
que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des
personnes dont on doit répondre, (…) », cette « courte »1513 et« humble phrase »1514 présente
l’immense avantage de mettre, côte-à-côte, « son propre fait » et « le fait des personnes dont
on doit répondre ». Autrement dit, il est des cas où l’obligation de réparation ne coïncide pas
avec la commission du fait dommageable : il y a dissociation entre la cause et la conséquence
de la responsabilité. Ceci étant dit, plusieurs acceptions de la responsabilité du fait d’autrui
peuvent être défendues : soit il y a responsabilité du fait d’autrui chaque fois qu’une personne
est déclarée responsable du dommage causé par une autre (conception la plus large qui inclut
tout forme de dissociation entre le fait générateur de responsabilité et l’obligation de
réparation) ; soit la responsabilité du fait d’autrui exclut toutes les hypothèses où une faute
personnelle du répondant est exigée. « A vrai dire, cette question est rarement posée de façon
explicite par la doctrine (…) [qui] ne s’interroge pas directement sur la nature des autres
hypothèses de responsabilité pour faute personnelle à l'occasion d'un dommage causé
matériellement par autrui »1515. La méconnaissance de ce concept n’est toutefois pas une
fatalité. En réalité, une perception plus exacte du fait d’autrui permettrait de mieux saisir
l’autonomie véritable de la responsabilité du même nom.

631. L’autonomie de la responsabilité du fait d’autrui1516. Pour résoudre l’aporie, il est


indispensable de définir la notion de « fait d’autrui ». Or, si autrui est un « autre que
moi »1517, alors le fait d'autrui est celui qui a été commis par un individu qui n’est pas moi.
Loin d’être un pléonasme, cette affirmation apporte au contraire un élément de réponse au

1513
Terminologie utilisée par PLANIOL lors de l’avènement d’un principe général de responsabilité du fait des
choses. (« Etudes sur la responsabilité civile – Deuxième étude – Responsabilité du fait des choses », Revue
critique, 1906, p. 89.)
1514
G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, op. cité, spéc. n° 113, p. 202.
1515
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile, ouvrage précité, spéc. n° 788-9, p. 916.
1516
Sur l’émancipation de la responsabilité du fait d’autrui par rapport à la responsabilité du fait personnel voir le
très bel article de Monsieur POUMAREDE paru récemment dans un ouvrage offert au professeur LE TOURNEAU :
M. POUMAREDE, « L’avènement de la responsabilité civile du fait d’autrui », in Libre droit - Mélanges en
l'honneur de Philippe LE TOURNEAU, préface de B. BEIGNIER, Dalloz, 2008, pp. 839 et s..
1517
C. ROUX, thèse précitée.

356
problème de la qualification des responsabilités du fait d’autrui fondées sur un fait personnel.
Généralement, la doctrine voit dans ces hypothèses de responsabilité des « fausses »
responsabilités du fait d’autrui1518, ce que confirme la jurisprudence qui se place
systématiquement sur le terrain des articles 1382 et 1383 du Code civil1519. Ce consensus nous
paraît pourtant, dans une certaine mesure, critiquable. En effet, la cause du dommage et, par
voie de conséquence, de la responsabilité mise en œuvre, réside bien dans le fait d’autrui, et
non dans le faute du répondant qui n’est pas sanctionnable en l’absence de dommage. A notre
sens, l’exigence d’une faute imputable au répondant ne constitue pas le fait générateur de sa
responsabilité personnelle, mais une condition supplémentaire d’une hypothèse particulière de
responsabilité du fait d’autrui. Autrement dit, la responsabilité du fait d’autrui fondée sur un
fait personnel serait, en définitive, une « vraie » responsabilité du fait d’autrui1520, mais une
responsabilité spéciale1521. Quoi qu’il en soit, il faut accueillir l’idée selon laquelle la

1518
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile, ouvrage précité, spéc. n° 788-9, p. 917.
1519
Ibid..
1520
C’est à un résultat similaire qu’aboutissent les membres de la commission pour la réforme du droit de la
responsabilité civile réunie par le professeur TERRE sous l’égide de l’Académie des sciences morales et
politiques. Les auteurs de ce texte soulignent, en effet, que, dans le cadre de la responsabilité du fait d’autrui, le
dommage a toujours été causé par un autre que celui qui doit en répondre. Autrement dit, selon les termes de ce
projet, la responsabilité du fait d’autrui doit, en réalité, être considérée comme un mécanisme particulier
d’imputation de l’obligation de réparation consécutive à la réalisation d’un dommage. Pour une réforme du droit
de la responsabilité civile, FR. TERRÉ (dir.), op. cité, spéc. pp. 154 et s..
1521
Le débat relatif à la distinction entre les « vraies » et les « fausses » n’est pas récent. Dès le début du
XIXème siècle, certains auteurs avaient remarqué que toutes les responsabilités qualifiées de « responsabilité du
fait d’autrui » ne reposaient pas toujours sur un comportement dommageable imputable au seul auteur direct de
la faute mais également sur une faute, généralement de surveillance, du garant. Ainsi, pour les professeurs
MAZEAUD et TUNC, il est « quelque peu abusif de parler dans de telles hypothèses de responsabilités "du fait
d’autrui" : dans une telle hypothèse, ce n’est pas "du fait d’autrui" que répondent ces personnes, mais de leur
fait personnel ». (H. et L. MAZEAUD et A. TUNC, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile
délictuelle et contractuelle, Tome I, ouvrage précité, spéc. n° 708, pp. 823 – 839.)
Par la suite, les cas de responsabilité du fait d’autrui fondés sur une faute personnelle du garant ont été
progressivement et majoritairement dénoncés comme n’étant que des applications de la responsabilité du fait
personnel. (Parmi d’autres, voir par exemple, à propos de la responsabilité des parents : J. BORE, « La
responsabilité des parents pour le fait des choses ou des animaux dont leur enfant mineur a la garde », JCP G.,
1968, I, 2180 ; de la responsabilité dans les conflits sociaux : G. VINEY, « Responsabilité collective et relations
collectives de travail », Droit social, 1988, pp. 416 et s., spéc. n° 1 et s., pp. 418 et s. ; à propos de la
responsabilité de l’instituteur : J. MOULY, « Sport », in Répertoire de droit civil, Dalloz, spéc. n° 164. Pour une
analyse similaire dans le cadre de la responsabilité civile contractuelle, voir, à propos de la vente à distance : D.
FENOUILLET, « Vente à distance », Revue des contrats, pp. 568 et s..). Dans l’ensemble, cette analyse a été
largement confortée par la jurisprudence qui, le plus souvent, se fondait sur les règles définies par les articles
1382 et 1383 du Code civil pour mettre en œuvre la responsabilité d’une personne pour le dommage causé par
une autre en raison d’une faute personnelle du garant.
Pour une analyse générale de la distinction vraie – fausses responsabilité du fait d’autrui voir, en
particulier, J. MOULY, « Peut-il exister une véritable responsabilité civile du fait d'autrui ? », R.C.A., septembre
2008, étude 10. L’auteur distingue les « fausses responsabilités du fait d'autrui » qui « déguis[ent] une
responsabilité personnelle pour faute » et qu’il assimile à « une garantie de la solvabilité d'autrui » des
« véritable(s) responsabilité[s] du fait d'autrui » qu’il qualifie de « responsabilité de substitution ». Voir
également G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile, ouvrage précité, spéc. n° 788-9,
pp. 916 et s. ; J.-B. DONNIER, L’autorité en droit privé, sous la direction de A. SERIAUX, AIX-MARSEILLE,
Thèse dactylo.,1992, spéc. n° 305 ; F. GRUA, « La responsabilité de celui qui fournit le moyen de causer le

357
responsabilité du répondant pour le fait d’un autre et la responsabilité de l’auteur du fait
dommageable sont indépendantes l’une de l’autre. Cette autonomie se déploie d’ailleurs de
manière très flagrante au travers des relations entre ces deux responsabilités. En premier lieu,
il faut accepter que la responsabilité de l’auteur du dommage ne constitue pas en soi une
condition de la responsabilité du répondant. Etonnante affirmation que celle-ci puisque
l’opinion la plus courante voudrait que celui qui doit répondre du fait d’un autre ne soit pas
tenu plus sévèrement que l’auteur lui-même. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence
exige, le plus souvent, qu’une faute soit constituée à l’encontre du gardé1522. Mais la
responsabilité des parents pour le fait de leur enfant mineur rappelle que la responsabilité du
gardé ne constitue pas nécessairement un préalable à la responsabilité du fait d’autrui. Depuis
le célèbre arrêt LEVERT1523, en effet, il est acquis que « la responsabilité de plein droit
encourue par les père et mère du fait des dommages causés par leur enfant mineur habitant

dommage », R.T.D. Civ., 1994, pp. 1 et s. ; J. JULIEN, PH. LE TOURNEAU, « La responsabilité extra-contractuelle
du fait d’autrui dans l’avant-projet de réforme du Code civil », in Etudes offertes à Geneviève Viney, sous la
direction de J.-S. BORGHETTI, O. DESHAYES et C. PERES, L.G.D.J., Lextenso, 2008, pp. 579 et s. : ces auteurs
s’interrogent sur la pérennité de cette distinction vraie – fausse responsabilité du fait d’autrui et, par voie de
conséquence, sur l’avenir de l’unité de la responsabilité du fait d’autrui car, écrivent-ils « actuellement, toutes les
responsabilités du fait d'autrui présentent un seul et même visage du point de vue de leur régime juridique. Il
s'agit de cas de responsabilité objective, c'est-à-dire sans faute, et donc détaché de toute analyse du
comportement des civilement responsables » (J. JULIEN, PH. LE TOURNEAU, op. cité, spéc. n° 12, p. 591). Or,
selon Messieurs JULIEN et LE TOURNEAU, « les textes proposés ne se départissent pas totalement de l'idée selon
laquelle la responsabilité du fait d'autrui est lié à la surveillance d'autrui » (J. JULIEN, PH. LE TOURNEAU, op.
cité, spéc. n°12, p. 592). Voir, surtout, l'article de Monsieur POUMAREDE qui montre que ce n’est « que très
récemment et encore timidement » que le fait d’autrui a « émergé en tant que tel » ce qui signifie que, pour
l’essentiel, « les rares régimes de responsabilité du fait d'autrui demeuraient dans son giron [de la
responsabilité du fait personnel] » (M. POUMAREDE, article précité, spéc. pp. 840 - 841). L’auteur affirme ainsi
que ce n'est qu'à partir du moment où le fait d'autrui « a acquis les galons de fait générateur de responsabilité ne
se confond[ant] plus avec le fait personnel du responsable » (M. POUMAREDE, article précité, spéc. p. 863) que
la responsabilité du fait d'autrui est devenu, au sens strict du terme, une véritable responsabilité et non plus un
simple mécanisme de garantie profitable à la victime. M. POUMAREDE, article précité, plus partic. pp. 855 et s..
1522
Ainsi, pour la responsabilité du commettant, la Cour de cassation a jugé qu’une association sportive prise en
sa qualité de commettant ne pouvait voir sa responsabilité engagée dès lors qu’il n’était pas prouvé que le joueur
salarié avait commis « une faute caractérisée par une violation des règles du jeu » (Civ. 2, 8 avril 2004 - Bull.
civ., 2004, II, n° 194). Il en va de même en matière de responsabilité générale du fait d’autrui pour laquelle la
deuxième chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion d’approuver les juges du fond ayant rejeté la
responsabilité d’un club de rugby alors qu’il n’était pas établi que le joueur auteur du dommage « qu'aucune
faute caractérisée par une violation des règles du jeu et imputable à un joueur » n’était relevée (Civ. 2, 20
novembre 2003 – Bull. civ., 2003, II, n° 356. Voir également Civ. 2, 13 janvier 2005 – Bull. civ., 2005, II, n°
10). Toutefois, certains auteurs demeurent prudents sur une possible extension de la jurisprudence Levert à
d’autres domaines que la responsabilité des parents : pour eux, ces solutions se justifient avant tout par le
contexte particulier (activité sportive) et par l’acceptation des risques qui en découle. Voir not. F. MILLET,
« L'acceptation des risques réhabilitée ? Une application aux responsabilités du fait d'autrui », D., 2005, p. 2830.
Voir également, à propos de l’arrêt Levert (Civ. 2, 10 mai 2001 - Bull. civ., 2001, II, n° 96) et de ses éventuelles
conséquences sur la responsabilité civile : D., 2001, p. 2851, note O. TOURNAFOND.
1523
Civ. 2, 10 mai 2001 - Bull. civ., 2001, II, n° 96 : D. 2001, p. 2851, rapport de P. GUERDER, Doyen de la
deuxième Chambre civile, note O. TOURNAFOND ; D., 2002, p. 1315, obs. D. MAZEAUD ; R.T.D. Civ., 2001,
p. 601, obs. P. JOURDAIN ; JCP G., 2001, II, 10613, note J. MOULY ; JCP G., 2002, I, 124, n° 20, obs. G. VINEY ;
R.C.A., 2001, chron 18, H. GROUTEL ; Rev. de droit sanitaire et soc., 2002, p. 118, note F. MONEGER ;
Defrénois, 2001, p. 1275, note E. SAVAUX ; Dr. famille, 2002, chron. 7, par J. JULIEN.

358
avec eux n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de l'enfant ». En d’autres termes, seul
un fait causal de l’enfant est exigé pour la mise en œuvre de l’article 1384 alinéa 4, c’est-à-
dire un fait insuffisant à engager la responsabilité personnelle du mineur sur le fondement des
articles 1382 et 1383 du Code civil.

632. Mais surtout, il faut accepter, en second lieu, que la responsabilité du répondant
n’exclut en aucun cas celle du primo responsable. Dans la plupart des hypothèses de
responsabilité civile, cette assertion ne pose aucune difficulté dès lors que le mécanisme des
actions récursoires de type subrogatoire est largement admis au profit du répondant, à partir
du moment où les conditions de la responsabilité personnelle sont réunies. Théoriquement1524,
les parents qui ont indemnisé la victime conservent un recours contre leur enfant, sauf
l’hypothèse d’un fait causal de ce dernier. Il en va de même de l’association sportive qui a
réparé le dommage causé par l’un de ses adhérents ou du gardien de la personne d’autrui. En
1804, cette solution était même constante pour l’ensemble des cas prévus par le législateur.
Reste l’épineux problème de l’immunité du préposé qui semble contredire cette proposition.
Depuis la jurisprudence COSTEDOAT1525, il est établi que le préposé qui agit dans les limites de
la mission qui lui est impartie n’engage pas sa responsabilité à l’égard de la victime1526. Or,
les commentaires doctrinaux relatifs à l’immunité civile en ont déduit l’irresponsabilité du
préposé1527 « se focalisant [alors] davantage sur les limites de l'immunité plutôt que sur sa
nature intrinsèque »1528. Pourtant, il nous semble que c’est là un abus de langage, ce que
confirmeraient certains arrêts1529.

1524
En pratique il est toutefois plus douteux que des parents exercent un recours contre leur enfant en raison des
liens familiaux et d’affection qui unissent le primo-responsable au répondant. Par ailleurs, l’intérêt d’une telle
action apparaît dérisoire puisque très rares seront les hypothèses où le mineur sera plus solvable que ses parents.
1525
A.P., 25 février 2000 - Bull. civ., A.P., n° 2 ; JCP G., 2000, II, 10295 note M. BILLIAU ; JCP G., 2001, 241,
n° 16, obs. G. VINEY ; R.C.A., 2000, chron. 10 ; R.T.D. Civ., 2000, p. 582, note P. JOURDAIN ; G.P.,
24 août 2000, n° 237, p. 36, note F. RINALDI.
1526
« le préposé qui agit dans le cadre de la mission qui lui est impartie par l'employeur et qui n'en a pas
outrepassé les limites ne commet pas de faute personnelle susceptible d'engager sa responsabilité dans la
réalisation d'un dommage ».
1527
En ce sens voir not. quelques commentaires de la jurisprudence Costedoat : note P. JOURDAIN, R.T.D. Civ.,
2000, p. 582 : « En confirmant l'irresponsabilité personnelle du préposé qui n'excède pas les limites de sa
mission » ; note M. BILLIAU ; JCP G., 2000, II, 10295, note F. RINALDI ; G. P., 24 août 2000, n° 237, p. 36. Voir
également la présentation qui est faite par les auteurs d’ouvrage généraux sur la responsabilité civile.
1528
Civ. 1, 12 juillet 2007 : D., 2007, 2908, note S. PORCHY-SIMON, spéc. n° 7.
1529
Civ. 1, 12 juillet 2007, GOURRION et autres c/ MATHIEU - Bull. civ., I, n° 270 : D., 2007, p. 2908, note S.
PORCHY-SIMON ; D., 2008, p. 2894, note PH. BRUN et P. JOURDAIN ; R.T.D. Civ., 2008, p. 109, note P.
JOURDAIN ; JCP G., 2007, II, 10162, note S. HOCQUET-BERG ; R.C.A., 2007, comm. 334, obs. H. GROUTEL. Voir
également Civ. 1re, 8 décembre 1993 ; Bull. civ., 1993, I, n° 357 ; D., 1994, 235, note B. BEIGNIER ; R.C.A.,
1994, comm. 29 et chron. 3, obs. H. GROUTEL. Dans cette affaire, la Cour de cassation admet l’exercice d’un
recours subrogatoire contre l'assureur du préposé au motif que l’immunité de l'article L. 121-12 3ème alinéa 3 du

359
633. En effet, si les termes « immunité » et « irresponsabilité » sont proches, ils ne sont pas
pour autant de parfaits synonymes1530 : si l’irresponsabilité supprime la responsabilité dans
son ensemble1531, l’immunité n’en élimine que les conséquences, c’est-à-dire la sanction ou
l’obligation de réparer1532. En d’autres domaines, cette distinction est effective. En droit pénal
notamment certaines immunités1533 dites personnelles1534 ne sont rien d’autre que des causes
personnelles d’impunité qui empêchent simplement la condamnation pénale de l’accusé ou du
prévenu, mais ne s’opposent pas nécessairement à toute sanction civile ou disciplinaire ou
même à des poursuites contre un éventuel coauteur parce que l’immunité ne supprime pas le
caractère illicite de l’acte. En d’autres termes, l'immunité supprime certaines suites
d'infractions mais non l'infraction elle-même. On le perçoit aisément à travers la technique des
immunités familiales1535 qui, si elle évite à la personne protégée (et à cette dernière seulement,
ce mécanisme ne s'étendant ni au coauteur ni au complice) par l'immunité d'être poursuivie
devant les juridictions répressives1536, n'empêche jamais cette dernière d'être défendeur à une
action civile1537. On s'en rend compte également avec les immunités diplomatiques1538 qui,

Code des assurances ne bénéficie pas à ce dernier. Cette solution ne s’explique qu’à la seule condition que
l’assuré soit responsable.
1530
Pour une distinction, en droit de la responsabilité civile, de l’immunité au sens strict et de l’irresponsabilité
ou de la non-responsabilité voir : J.-S. BORGHETTI, « L’immunité et les droits européens de la responsabilité », in
Les immunités de responsabilité civile, ouvrage collectif sous la direction d’O. DESHAYES, P.U.F.,
C.E.P.R.I.S.C.A., coll. Colloques, 2010, pp. 141 et s., spéc. n° 3, p. 142. L’auteur montre que l’immunité
suppose la responsabilité.
1531
Pour une approche différente, voir L. BLOCH, L’exonération en droit de la responsabilité civile, sous la
direction de CH. RADE, BORDEAUX IV, thèse dactylo., 2003 : pour l’auteur, l’immunité se distingue seulement
de l’exonération en ce que la défense par la première est en amont de la défense par la seconde « car elle ne
permet pas d’atteindre cet "instant de raison" où dette de responsabilité pèse sur un individu » (op. cité, spéc. n°
5, p. 4). Cette présentation présente un inconvénient : celui de ne pas situer ces deux notions par rapport à
l’irresponsabilité… ce qui laisse sous-entendre que l’immunité et l’irresponsabilité sont synonymes. A notre
sens, cela n’est pas exact… et n’est pas juridiquement admissible.
1532
En ce sens voir, parmi d’autres, J.-S. BORGHETTI, article précité, spéc. n° 3 et s. ; G. VINEY, « Rapport de
synthèse », in Les immunités de responsabilité civile, ouvrage précité, pp. 159 et s., spéc. pp. 160-162.
1533
Les immunités pénales, ouvrage collectif sous la direction de G. CLEMENT et J. LEFEBVRE, P.U.F.,
C.E.P.R.I.S.C.A., coll. Colloques, 2011.
1534
Il convient en effet de distinguer les immunités de type personnel des immunités qualifiées de réels. Alors
que les premières « protègent la personne contre une possible il reconnaissance de culpabilité » (B. BOULOC,
« Rapport de synthèse », in Les immunités pénales, ouvrage précité, pp. 185 et s., spéc. p. 190), les secondes « se
présente comme des inviolabilités de certains lieux ou de documents » (op. cité, spéc. p. 191), c’est-à-dire « une
garantie particulière dont la loi enveloppe certains droits pour les protéger contre toute atteinte juridique ou
matérielle » (J. LEFEBVRE, « Immunité pénale et secret-défense », in Les immunités pénales, ouvrage précité, pp.
185 et s., spéc. p. 190).
1535
B. et G. CLEMENT, « Les immunité familiales », in Les immunités pénales, ouvrage précité, pp. 49 et s..
1536
A cet égard voir l’article 311-12 du Code pénal qui dispose que « Ne peut donner lieu à des poursuites
pénales le vol commis par une personne : 1° Au préjudice de son ascendant ou de son descendant ; 2° Au
préjudice de son conjoint, sauf lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément. »
Voir également les articles 313-3 et 312-12 du même Code qui étendent les dispositions du texte précité à
l’escroquerie et au chantage.
1537
En ce sens voir B. et G. CLEMENT, op. cité, spéc. p. 52.
1538
M. SINKONDO, « Crimes et immunités diplomatiques : le droit international peut-il à la fois souffler le chaud
et le froid », in Les immunités pénales, ouvrage précité, pp. 167 et s..

360
non seulement, ne jouent qu’à l’égard des actes relatifs à l’exercice de la fonction1539 ; mais
surtout, n’est absolue qu’en matière pénale1540. En revanche, l'on peut s'interroger sur la
pertinence de la qualification à l'égard des immunités qui font obstacle à toute action en
responsabilité (pénale, civile ou disciplinaire) et s'applique erga omnes. Par exemple,
l'immunité édictée par l'article L. 561-22 du Code monétaire et financier ayant pour objet la
lutte anti-blanchiment s'analyse plus exactement comme une autorisation à l'égard d'un fait
normalement punissable1541. Pour cette raison, il s'agit plus exactement, selon nous, d'un fait
justificatif qui supprime le caractère délictuel de l'acte1542.

634. En dépit des apparences, la jurisprudence civile n’est pas si insensible à cette
nuance1543. En témoignent quelques arrêts rendus en matière de responsabilité médicale1544.
Selon une jurisprudence bien établie, l’immunité édictée par l'article L. 121-12 alinéa 3 du
Code des assurances ne bénéficie qu'aux personnes visées par le texte 1545. De ce fait, une
action de l’assureur du commettant contre l’assureur du préposé n’est pas exclue. Or, si
l’immunité de ce dernier annonçait son irresponsabilité, l’absence de dette personnelle à
l’auteur de la faute s’opposerait à l’existence théorique du recours de l’assureur du
commettant. Pourtant, dans un arrêt en date du 12 juillet 20071546, la première chambre civile
de la Cour de cassation a reconnu à l’assureur du commettant une action récursoire contre
l’assureur du préposé. Dans un arrêt rendu le 14 novembre 2005, la Cour d’appel d’AIX-EN-
PROVENCE déclara la Croix-Rouge seule responsable tout en condamnant l’assureur du
médecin à garantir l’assureur du commettant. Sur pourvoi du médecin et de son assureur, la
Cour de cassation devait confirmer en tout point la décision rendue au motif que « l’immunité
n'emporta[it] pas l'irresponsabilité de son bénéficiaire ». Les juges du droit rejetaient ainsi
l’argumentation du demandeur selon laquelle l'assureur du commettant ne peut être subrogé
dans les droits de la victime contre l’assureur du médecin dès lors que le préposé n'engage pas
sa responsabilité à l'égard du patient, et que, par conséquent, le premier assureur ne dispose

1539
En ce sens voir M. SINKONDO, op. cité, spéc. p. 173.
1540
Ibid..
1541
En ce sens, voir F. DEFFERRARD, « Les immunités pénales dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et
le financement du terrorisme », in Les immunités pénales, ouvrage précité, pp. 117 et s., spéc. n° 9, p. 122.
1542
Sur l’assimilation des immunités agissant in rem et fermant la porte à toutes poursuites judiciaires, civiles ou
pénales, voir B. et G. CLEMENT, op. cité, spéc. pp. 54 et s. et B. BOULOC, op. cité, spéc. p. 191.
1543
Sur le thème des immunités civiles voir, en particulier, Les immunités de responsabilité civile, ouvrage
précité ; voir également : B. de BERTIER-LESTRADE, « Des fautes sans responsabilité », L.P.A., 25 janvier 2005,
pp. 5 et s. ; V. EGEA, « L’immunité en droit privé », Revue de la recherche juridique – Droit prospectif, 2008-4,
pp. 1977 et s..
1544
Ibid..
1545
Ibid..
1546
Civ. 1, 12 juillet 2007 : arrêt précité.

361
d'aucune action subrogatoire contre le second assureur. Autrement dit, la première chambre
reconnaissait implicitement, mais véritablement, le caractère procédural de l’immunité du
préposé1547. Celle-ci doit alors être envisagée comme une mesure de forme qui n’exclut pas la
responsabilité propre du préposé : le fait générateur de la responsabilité pour autrui est avant
tout un fait personnel à l’auteur matériel du dommage1548. Cette allégation nous permet alors
de reconsidérer la responsabilité du commettant comme une véritable responsabilité du fait
d’autrui, c’est-à-dire une responsabilité indirecte qui se fonde sur un fait « commis par
autrui » et non sur le caractère potentiellement dangereux ou le profit éventuellement retiré de
l’activité d’autrui.

635. Synthèse : une définition du « fait d’autrui ». Ces quelques précisions nous
permettent alors de dresser un portrait du fait d’autrui : il est un fait autonome (c’est-à-dire
qu’il se détache de la responsabilité du répondant) et libre (il s’apprécie sans référence aucune
à l’activité du répondant) qui a été commis personnellement (possibilité d’engager sa
responsabilité propre) par son auteur. Autrement dit, c’est dans la seule personne d’autrui que
les éléments constitutifs du fait générateur doivent être réunis1549.

636. L’indépendance du fait d’autrui par rapport à la personne du répondant ne doit


néanmoins pas occulter le lien essentiel qui les unit. Admettre qu’une personne soit
responsable du fait d’une autre ne se conçoit qu’en présence d’un rapport particulier entre
l’une et l’autre. C’est ici que se découvre la seconde spécificité commune à toutes les
hypothèses de responsabilité du fait d’autrui.

2- L’existence d’un rapport spécifique d’autorité

637. Exposé du problème. La spécificité de la responsabilité par représentation apparaît au


travers de la dissociation entre le fait générateur et l’obligation de réparation1550. Ce
mécanisme, qui fait obstacle à l’idée selon laquelle c’est celui qui cause le dommage qui doit
le réparer, ne peut se justifier sans l’examen de la relation qui unit le répondant à l’auteur du

1547
En ce sens : M. BACACHE, « L’immunité du préposé », in Les immunités de responsabilité civile, ouvrage
précité, pp. 15 et s.. L’auteur évoque une immunité « simplement judiciaire » (op. cité, spéc. pp. 22 et s).
1548
Voir également : M. BACACHE, op. cité, spéc. pp. 24 et s..
1549
En ce sens voir R. ROLLAND, « La double nature de la responsabilité délictuelle du fait d'autrui : garde ou
surveillance d'autrui ? », L.P.A., 19 septembre 2000 n° 187, pp. 4 et s., spéc. n°1. L’auteur écrit que : « autrui
dispose du pouvoir de contrôler son fait personnel ou le fait de sa chose ».
1550
Supra, n° 690 et s..

362
dommage. En effet, si l’on admet assez facilement qu’un individu répare pour un autre,
encore faut-il comprendre pourquoi l’obligation de réparation pèsera sur une personne plutôt
qu’une autre. De ce fait, il semble que l’identification d’une relation spéciale entre deux
individus soit un préalable à la reconnaissance d’un cas de responsabilité du fait d’autrui1551.
En d’autres termes, toute personne ne pourra être condamnée pour le fait de n’importe quelle
autre personne, quand bien même les deux quidams auraient appartenu à la même famille (un
oncle et une nièce, une grand-mère et son petit-fils), travaillé dans la même société (un salarié
expérimenté et un stagiaire), ou même participé à une entreprise commune (un maître
d’ouvrage et un entrepreneur) ou encore que l’un ait agi pour l’autre (un garagiste et son
client).

638. En droit de la responsabilité du fait d’autrui, ce lien spécifique est attaché à l’idée
d’une certaine forme d’autorité exercée par le répondant sur l’auteur du dommage. Si l’on se
réfère aux travaux préparatoires du Code civil, il semble que ce soit l'autorité qui constitue le
critère de la responsabilité du fait d'autrui. TARRIBLE, par exemple, affirma que ce régime de
responsabilité ne pouvait qu’encourager à la « vigilance des hommes chargés du dépôt sacré
de l'autorité »1552. Pourtant, la proximité de ce régime avec la responsabilité du fait des choses
a incité une certaine partie de la doctrine à transposer le critère de la garde 1553. Cet amalgame
est toutefois critiquable car autrui n’est pas une chose et une transposition pure et simple
aboutirait, « symboliquement »1554 du moins, à la réification de l’auteur matériel1555.

639. Plan. C’est la raison pour laquelle le choix de l’autorité paraît mieux approprié. Mais,
pour que cette proposition soit vérifiée (b), encore faut-il démontrer en quoi le critère de la
garde d’autrui est insuffisant (a).

1551
Cette exigence d’un lien spécial entre deux individus se manifeste notamment au travers de la nécessité d’un
fondement juridique au rapport d’autorité. Parmi toutes les personnes qui peuvent exercer, d’une manière ou
d’une autre, une certaine autorité sur l’auteur du dommage, seule celle reconnue par le droit permettra la mise en
œuvre de la responsabilité du fait d’autrui. C’est l’hypothèse, par exemple, d’un enfant confié par des parents à
un centre de vacances, à une baby-sitter ou un grand-parent. L’autorité de fait exercée sur le mineur sera
insuffisante à engager la responsabilité du gardien.
1552
J.-L. HALPERIN, Le Code civil, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 2ème édition, 2003, spéc. p. 67.
1553
Voir en partic. R. SAVATIER, D.H., 1933, chron. p. 81. Voir également, CH. RADE, « Droit à réparation -
Responsabilité du fait d'autrui – Principe général », in J.Cl., Responsabilité civile et Assurances, Fasc. 140,
2005, spéc. n° 37 et s.. Cette position était d’ailleurs d’autant plus soutenable que certains arrêts de jurisprudence
y faisaient directement référence ; CH. RADE, ibid..
1554
Ibid., spéc. n° 37.
1555
En ce sens voir not. H. GROUTEL, « L'enfant mineur ravalé au rang de simple chose ? », R.C.A., 2001, chron.
18 ; M. JOSSELIN-GALL, « La responsabilité du fait d'autrui sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er. Une
théorie générale est-elle possible ? », JCP G., 2000, I, 268 ; CH. RADE, Ibid.. Voir également les réquisitions, aux
allures de mise-en-garde de l'avocat général C. CABANNES sous l'arrêt Fullenwarth : D., 1984, jurispr. p. 525.

363
a- Le rejet de la « garde d’autrui »

640. Les tentatives d’extension du critère de la garde à la responsabilité du fait


d’autrui. L’œuvre jurisprudentielle initiée par la jurisprudence Blieck a amené une partie de
la doctrine à s’interroger sur l’identité du fondement de la responsabilité du fait d’autrui. En
raison de la référence au premier alinéa de l’article 1384 du Code civil, certains auteurs ont
proposé de s’appuyer sur le critère de la garde qui avait été dégagé à propos de la
responsabilité du fait des choses1556. Dans cette veine, un auteur a souhaité établir que ce
critère n'était autre que le fondement des responsabilités du fait des personnes dont on
contrôle, en raison de leur minorité, de leur maladie ou handicap, ou d'une décision judiciaire,
le mode de vie1557. Pour cela, il fallait dépasser l'éclatement actuel de la notion pour en
proposer une conception unitaire. Prenant acte de la nature « polysémique »1558 du concept de
garde d'autrui1559, l'auteur suggère de distinguer la « garde », au sens strict, de la « détention »

1556
Deux arguments ont été majoritairement avancés. Selon le premier, la rédaction même de l'article 1384
premier alinéa du Code civil ne s’oppose pas à ce que le critère de la garde soit transposé à la responsabilité du
fait d'autrui. En ce sens voir not. : M. PUECH, L'illicéité dans la responsabilité civile extracontractuelle, thèse
précitée, spéc. n° 125, pp. 120 – 122 ; R. SAVATIER, D.H., 1933, chron. p. 81 ; M.-P. BLIN-FRANCHOMME, « Le
critère de "garde" des personnes au regard du principe général de responsabilité civile du fait d'autrui », L.P.A.,
24 novembre 1997, n° 141, p. 5 (l’auteur qualifie d’ailleurs les deux expressions de « synonymes »). Cette thèse
n’est cependant guère convaincante et est à double tranchant puisque utilisée par les deux camps. Pour certains
auteurs, en effet, la formule consacrée par le législateur est telle que le terme de « garde » est expressément
réservé aux choses. En ce sens : M. JOSSELIN-GALL, « La responsabilité du fait d'autrui sur le fondement de
l'article 1384, alinéa 1er. Une théorie générale est-elle possible ? », op. cité, spéc. n° 14. Pour l’auteur, « la
symétrie entre la garde de la chose et la garde de la personne ne repose donc sur aucun fondement logique » ;
V. LASSERRE-KIESOW, « La garde et la responsabilité du fait d'autrui sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1
ou 4 du Code civil », L.P.A., 11 octobre 2001, n° 203, p. 12.
Selon un second argument, c’est l'utilisation abondante du terme dans la jurisprudence de la Cour de
Cassation qui autorise la transposition. (Pour Monsieur ROLLAND, l’expression exacte est réservée au pouvoir
des parents sur leur enfant mineur, mais la Cour de cassation utilise des expressions diverses, approchantes et
descriptives du pouvoir de garde dans la plupart des autres cas de responsabilité du fait d’autrui : R. ROLLAND,
« La double nature de la responsabilité délictuelle du fait d’autrui : garde ou surveillance d’autrui ? », art.
précité, n° 187, p. 4. L’on relève toutefois d’autres hypothèses dans lesquelles la Cour de cassation évoque une
« garde d’autrui » ou une garde du mineur par d’autres individus que les parents : à propos de la garde d’un
mineur en danger placé dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative Crim., 10 octobre 1996 – Bull. crim,
1996, n° 357 ; Civ. 2, 20 janvier 2000 – Bull. civ., 2000, n° 15 ; Civ. 2, 6 juin 2002 – Bull. civ., 2002, II, n° 120 ;
Civ. 2, 19 juin 2008 – Bull. civ., 2008, II, n° 144. Voir également M.-P. BLIN-FRANCHOMME, article précité). La
majorité de la doctrine est toutefois prudente à l'égard de la généralisation du critère de la garde à toute
responsabilité du fait d'autrui. Ainsi, même chez les auteurs qui admettent l'idée d'une « garde d'autrui », celle-ci
doit rester confinée aux hypothèses de responsabilité se fondant sur le contrôle de la vie autrui (Voir également
M.-P. BLIN-FRANCHOMME, op. cité. Contra, R. ROLLAND, op. cité).
1557
L. PERDRIX, La garde d’autrui, thèse précitée.
1558
Ibid., spéc. n° 136-137, pp. 97-98.
1559
L’auteur montre que, dans la jurisprudence, la « garde d’autrui » est parfois associée à l’exécution d'une
mission ou d'une prestation. Par exemple, le gardien d’un mineur a le pouvoir de retenir matériellement l’enfant ;
en revanche, à propos de la surveillance des handicapés, la notion est ignorée du droit des personnes : L.
PERDRIX, op. cité., spéc. n° 101 et s., pp. 71 et s..

364
ou de la « direction » d'autrui1560. Monsieur PERDRIX propose ainsi de considérer la « garde
d'autrui » comme « la situation juridique où une personne exerce un pouvoir de rétention sur
autrui dans l'intérêt de la société et de la personne soumise à ce pouvoir »1561. L’auteur
précise ensuite que ce pouvoir, à la différence de la « détention d’autrui », « est associé à
l’exécution d'une mission ou d'une prestation distincte dans l’intérêt de la société et de la
personne gardée » 1562.

641. Le rejet de l’extension du critère de la garde à la responsabilité du fait d’autrui.


Au premier regard, l'analyse a de quoi séduire. Exercée dans l'intérêt d'autrui, la notion de
garde ainsi définie dépasse les critiques relatives à la réification de la personne 1563. Elle ne
résiste pourtant pas à une analyse plus approfondie. En premier lieu, il est regrettable que le
critère de la garde d'autrui ne puisse être utilisé qu'à propos des seules responsabilités du fait
des personnes dont on contrôle le mode de vie, à l'exclusion de celles dont on dirige
l'activité1564. À lui seul, cet argument n'est toutefois pas suffisant : non seulement, la majorité
de la doctrine semble admettre que le droit actuel de la responsabilité du fait d’autrui se
scinde en deux domaines bien distincts1565 ; mais surtout, cette classification pourrait devenir
de droit positif si le projet de réforme du droit des obligations était adopté1566.

642. En second lieu, la notion de « garde d'autrui » ainsi exposée est fort différente de la
« garde de la chose » définie, au début des années 1940, par la Cour de cassation dans le
célèbre arrêt Franck1567. Alors que celle-ci se traduit par un triple pouvoir d'usage, de contrôle
et de direction, celle-là se caractérise par le cumul de quatre prérogatives : les pouvoirs de

1560
Sur l’ensemble de la distinction, voir L. PERDRIX, op. cité., spéc. n° 138 et s., pp. 98 et s.. Pour un exposé des
caractéristiques communes aux concepts de la « garde » et de la « détention » d’autrui voir : L. PERDRIX, op.
cité., spéc. n° 186 et s., pp. 126 et s. et pour la démonstration de leurs finalités propres voir n° 210 et s., pp. 137
et s.. Pour une présentation plus spécifique de la « direction » d’autrui voir, L. PERDRIX, op. cité., spéc. n° 223 et
s., pp. 145 et s..
1561
L. PERDRIX, op. cité., spéc. n° 136, p. 98..
1562
Ibid..
1563
Supra, n° 638.
1564
Cette exclusion est précisée par l’auteur dès l’introduction : L. PERDRIX, op. cité., spéc. n° 21, p. 16 et n° 32,
pp. 22-23. Il convient toutefois de préciser que l'auteur utilise les terminologies de responsabilité du « fait non
professionnel d’autrui » (dont la responsabilité parentale ou, plus généralement, la responsabilité du « fait d'une
personne commis en dehors de toute activité professionnelle ») et responsabilité « du fait professionnel
d'autrui » qui se justifie par « l’association à une activité et la théorie du risque profit » (à laquelle il rattache,
notamment, la responsabilité du commettant).
1565
En ce sens voir, not., M. MARTEAU-PETIT, « La dualité des critères de mise en œuvre du principe de
responsabilité du fait d'autrui », Revue de la recherche juridique - Droit prospectif, 2002-1, pp. 255 et s., en part.
n° 6, pp. 257 – 258 et les références citées.
1566
En effet, selon l’article 1355 alinéa 1 de l’avant-projet Catala, « on est responsable de plein droit des
dommages causés par ceux dont on règle le mode de vie ou dont on organise, encadre ou contrôle l'activité dans
son propre intérêt ».
1567
Ch. réunies, 2 déc. 1941 - Bull. civ., 1941, n° 292 : D.C., 1942, 25, note G. RIPERT ; S., 1941, 1, p. 217, note
H. MAZEAUD.

365
contrôler le mode de vie et de déterminer le lieu de vie (la « garde intellectuelle »1568) et les
pouvoirs de contrôler ses activités quotidiennes et de le retenir physiquement (« garde
matérielle »1569). Or, la proximité des terminologies pourrait favoriser la confusion entre les
deux notions et contribuer davantage aux critiques relatives à la réification de la personne
gardée1570 qu’à l’émergence d’une notion autonome.

643. Enfin, en troisième et dernier lieu, la conception de la garde d’autrui présentée par
Monsieur PERDRIX ne répond pas parfaitement aux spécificités de la responsabilité du fait des
personnes dont on règle le mode de vie. En effet, selon les propos de l'auteur, la garde d'autrui
réunit deux composantes distinctes : une garde intellectuelle qui se compose du pouvoir de
contrôler le mode de vie d'autrui et de choisir le lieu de vie d'autrui1571 ; une garde matérielle
qui comprend un pouvoir de rétention et un pouvoir de contrôle des activités quotidiennes1572.
Alors que la première est incessible1573, la seconde peut librement être transférée à un tiers1574.
La question qui se pose alors est la suivante : lorsque ces deux éléments sont dissociés, sur
lequel des deux gardiens pèse la responsabilité du fait de la personne gardée ? L’importance
accordée au pouvoir de rétention devrait signifier que la responsabilité incombe au gardien
matériel. Par exemple, lorsqu’un mineur est confié, par les titulaires de l’autorité parentale, à
un grand-parent, oncle, ami, centre aéré, baby-sitter,… et que l’enfant cause un dommage,
qui, du gardien intellectuel (le titulaire de l’autorité parentale, généralement les père et mère)
ou du gardien matériel, doit réparer ?

644. L’examen de la jurisprudence révèle que la responsabilité de la personne gardée


incombe généralement au gardien intellectuel. Mais les solutions sont sensiblement
différentes selon que la personne gardée est mineure ou majeure. Ainsi, en ce qui concerne la
responsabilité du fait des mineurs, les juges refusent catégoriquement de mettre en œuvre la
responsabilité du gardien matériel de l’enfant1575, que ce dernier agisse à titre bénévole1576 ou

1568
L. PERDRIX, op. cité., spéc. n° 207 et s., pp. 136 et s..
1569
Ibid..
1570
H. GROUTEL, article précité.
1571
L. PERDRIX, op. cité., spéc. n° 208, pp. 136-137.
1572
Ibid..
1573
Ibid..
1574
Ibid.. Pour l’auteur, « le gardien intellectuel prime le gardien matériel ».
1575
P. GOUDRON, « La "garde de fait" du mineur dans le contexte de la responsabilité civile du fait d’autrui »,
Droit de la famille, 2003, n° 6, chron. 20.
1576
A propos de l’exclusion de la responsabilité des grands-parents en l’absence de faute constituée à leur
encontre : Civ. 2, 5 février 2004 – Bull. civ., 2004, II, n° 50 : R.C.A., 2004, comm. 127, note H. GROUTEL ; Civ.
2, 18 mars 2004 – Bull. civ., 2004, II, n° 140 : R.C.A., 2004, comm. 216, note H. GROUTEL ; JCP G., 2004, II,
10123, note S. MOISDON-CHATAIGNIER ; Crim., 8 février 2005 – Bull. crim., 2005, n°44 : JCP G., 2005, II,
10049, note M.-F. STEINLE-FEUERBACH ; R.C.A., 2005, comm. 118, note H. GROUTEL. Voir également D.

366
dans le cadre d’une activité professionnelle1577. La seule hypothèse dans laquelle la
responsabilité de ce gardien sera constatée sera celle où une faute sera retenue à son
encontre1578. En revanche, à propos de la responsabilité du fait des majeurs handicapés, la
préférence pour la garde intellectuelle est moins évidente. Au contraire, l’exigence de la
preuve d’une faute de surveillance du gardien fait plutôt penser à l’aspect matériel de la
garde1579. La disparité entre les solutions applicables à la responsabilité du fait d’un mineur ou
à la responsabilité du fait d’un majeur est regrettable1580. Malgré cela, Monsieur PERDRIX
propose de réorganiser la responsabilité du fait d’autrui autour de la garde intellectuelle1581.
Pourtant, il s’agit d’un élément auquel le pouvoir de rétention est étranger1582… alors même
que, pour l’auteur, c’est cette prérogative qui caractérise la notion de « garde d’autrui »1583.
Autrement dit, le critère de la garde fondé sur un pouvoir de rétention est finalement inadapté

BERTOL, « L’articulation entre la responsabilité parentale et la responsabilité des tiers, gardiens temporaires des
mineurs », L.P.A., 24 juin 2005, pp. 14 et s..
1577
Pour des illustrations du refus de la mise en œuvre de la responsabilité des gardiens matériels d’un mineur
agissant dans le cadre de leur activité professionnel voir, parmi d’autres : à propos de la responsabilité d’un
internat : Civ. 2, 16 novembre 2000 : R.C.A., 2001, comm. 37 ; R.T.D. Civ., 2001, p. 603, obs. P. JOURDAIN ;
Civ. 2, 29 mars 2001 : R.C.A., comm. 177 ; D., 2002, p. 1309, obs. P. JOURDAIN. A propos de la responsabilité
d’un centre de vacances : Crim., 29 octobre 2002 – Bull. crim., 2002, n° 197 : JCP G., 2003, I, 154, obs. G.
VINEY ; R.T.D. Civ., 2003, p. 101, obs. P. JOURDAIN. A propos de la responsabilité d’un établissement
spécialisé : Crim., 18 mai 2004 – Bull. crim., 2004, n° 123 : R.T.D. Civ., 2005, p. 140, obs. P. JOURDAIN ;
R.C.A., 2004, comm. 249, note H. GROUTEL ; Civ. 2, 24 mai 2006 – Bull. civ., 2006, II, n° 136 : R.T.D. Civ.,
2006, p. 779, obs. P. JOURDAIN ; Revue des contrats, 2007, p. 286, note J.-S. BORGHETTI.
1578
A propos de la responsabilité des grands-parents et gardiens bénévoles voir l’arrêt rendu le 18 septembre
1996 par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation qui exclut la responsabilité de la grand-mère de
l’enfant au motif « qu'aucune faute n'est établie envers la grand-mère et la tante de l'enfant » et que « la
responsabilité édictée par l'article 1384, alinéa 4, du Code civil ne s'applique qu'aux père et mère » : Civ. 2, 18
septembre 1996 – Bull. civ., 1996, II, n° 217. Pour des illustrations de la responsabilité des grands-parents
fondée sur une faute personnelle : Civ. 2, 9 novembre 1971 – Bull. civ., 1971, II, n° 307 ; NANCY, 26 avril
2004 : R.C.A., 2004, comm., 362, note CH. RADE.
La solution est identique lorsqu’il s’agit d’un mineur handicapé confié par les parents à une institution
spécialisée. (Par exemple, Crim., 18 mai 2004 : arrêt précité ; Civ. 2, 24 mai 2006 – Bull. civ., 2006, II, n° 136).
Ou lorsque l’enfant est un délinquant judiciairement placé dans une association chargée de contrôler, à titre
permanent, le mode de vie du mineur. (En ce sens : Civ. 2, 9 décembre 1999 – Bull. civ., 1999, II, n°189 ; Civ. 2,
6 juin 2002 – Bull. civ., 2002, II, n° 120 : JCP G., 2003, I, 154, obs. G. VINEY ; R.T.D. Civ., 2002, p. 825, obs.
P. JOURDAIN ; R.C.A., 2002, comm. 283).
1579
C’est là l’un des principaux enseignements de l’arrêt rendu par la deuxième Chambre civile le 25 février
1998 aux termes duquel la Cour de cassation a exclu la responsabilité d’une association pour le dommage causé
par un handicapé demi-pensionnaire au motif que celui-ci « ne se trouvait plus sous l'autorité de l'association,
laquelle n'avait plus, à partir de ce moment, la surveillance et l'organisation des conditions de vie de
l'handicapé ». Civ. 2, 25 février 1998 - Bull. Civ., 1998, II, n° 62 : JCP G., 1998, I, 10149, obs. G. VINEY ;
R.T.D. Civ., 1998, p. 388, obs. P. JOURDAIN.
1580
Elle s’explique toutefois aisément par la différence de perspective qui existe entre la garde d’un mineur et la
garde d’un majeur. Alors que le mineur est, par principe, incapable, le majeur, handicapé ou non, est un citoyen à
part entière qui dispose, sauf mesure exceptionnelle, de sa pleine capacité d’aller et venir.
1581
L. PERDRIX, op. cité., spéc. n° 626 et s., pp. 403 et s.. L’auteur justifie ce choix en montrant que,
généralement, c’est au gardien intellectuel qu’incombe la responsabilité.
1582
Le pouvoir de rétention est une prérogative caractérisant le pouvoir de garde matérielle. L. PERDRIX, op.
cité., spéc. n° 208, pp. 136 – 137.
1583
Pour l’auteur, le pouvoir de retenir autrui est le fondement commun à la garde et à la détention d’autrui. L.
PERDRIX, op. cité., spéc. n° 140 et s., pp. 99 et s..

367
pour justifier la responsabilité du fait d’autrui. C’est la raison pour laquelle nous préférons
nous tourner vers la voie de « l’autorité sur autrui ».

b- L’adoption de l’« autorité sur autrui »

645. Proposition. C’est sans doute en matière de responsabilité des parents que cette
inspiration est la plus visible tant elle est intrinsèquement liée au concept de l’autorité
parentale1584 ; mais il n’en reste pas moins que l’autorité du répondant sur l’auteur matériel du
dommage estampille incontestablement tout régime de responsabilité du fait d’autrui. « Le
commettant a le pouvoir de donner des ordres et instructions à son préposé en vertu du lien
de subordination unissant celui-ci à celui-là, (….) ; l'artisan exerce l'autorité d'encadrement
que lui reconnaît le contrat d'apprentissage, (…). Même lorsque la jurisprudence applique
l'article 1384, alinéa premier, du Code civil à des associations s'occupant de personnes
handicapées, de mineurs ou de sportifs, elle relève le pouvoir d'organiser, de diriger et de
contrôler le mode de vie où l'activité du responsable primaire : (…). Le schéma est donc
toujours identique. »1585. Par conséquent, si la responsabilité par représentation est une
responsabilité du fait d’autrui, alors l’on doit retrouver cette idée d’une autorité du représenté
sur le représentant.

646. Contenu du rapport spécifique d’autorité. L’on en vient alors à devoir déterminer
plus précisément le contenu de ce lien d’autorité. Dans sa thèse, Monsieur DONNIER1586 faisait
remarquer que le terme « autorité » attirait davantage « par la force de son pouvoir
d’évocation (…) que par sa précision technique »1587. Cette apparente incertitude s’explique
par la multitude des utilisations que la notion recouvre (de l’autorité parentale à l’autorité de
la chose jugée, en passant par le principe de séparation des autorités judiciaires et
administratives ou le commandement de l’autorité légitime), mais aussi par la mutation
sémantique que le mot aurait subie. A ROME, le terme « auctoritas », dont l’autorité est
issue, indique un pouvoir de direction par opposition au pouvoir d’exécution attribué au
titulaire de la « potestas ». Déjà à cette époque les applications de la notion recouvraient deux

1584
Art. 1384 alinéa 4 du Code civil : « Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont
solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. »
1585
J. JULIEN, La responsabilité civile du fait d'autrui : ruptures et continuités, thèse précitée, spéc. n° 62, p. 88.
1586
J.-B. DONNIER, L’autorité en droit privé, thèse précitée.
1587
Ibid., spéc. n° 1, p. 1.

368
réalités contrastées : d’une part, l’intervention d’un auctor afin de « parfaire l’opération
qu’une autre personne n’a pas la capacité d’accomplir seule », et, d’autre part, un « pouvoir
moral devant lequel il devient difficile ou impossible de ne pas s’incliner »1588. En revanche,
pour le doyen HAURIOU, l’autorité désigne uniquement « une énergie spirituelle dépourvue du
pouvoir de contrainte »1589. Autrement dit, cette seconde approche, qui constitue le sens
moderne de l’autorité, repose sur des fondements plus subjectifs. Ce fut d’ailleurs l’opinion
partagée par Alvaro D’ORS, éminent romaniste de notre siècle1590. A partir d’une analyse de la
distinction entre l’« auctoritas » et la « potestas », l’auteur élabore une théorie de l’autorité
qu’il définit comme un « savoir socialement reconnu »1591, par opposition au « pouvoir
socialement reconnu »1592. L’exercice de l’autorité s’adresse alors « à l’intelligence de ceux
dont elle entend diriger l’action (…) en suscitant chez eux un assentiment (…) et non un
consentement de la volonté à ce qu’elle aurait ordonné »1593. Reste à vérifier que la
responsabilité du fait d’autrui se plie à cette conception de l’autorité. Dans l’affirmative, ce
critère serait effectivement celui qui expliquerait qu’un individu puisse être responsable du
fait d’autrui. Il conviendrait alors de vérifier que, dans le cadre de la responsabilité par
représentation, c’est également l’autorité qui justifie que le représenté soit responsable des
dommages causés par le représentant. Cela afin d’attribuer, éventuellement, le qualificatif de
responsabilité du fait d’autrui à la responsabilité par représentation.

647. Or, bien que les références doctrinales1594, jurisprudentielles1595 et même légales1596 à
cette idée d’autorité soient nombreuses, peu de définitions de ce rapport d’autorité ont été
proposées1597. Sur ce point, il faut commencer par relever que, dans aucune des hypothèses de

1588
A. MAGDELAIN, Jus imperium auctoritas : Etudes de droit romain, Publications de l’école de française de
ROME, Tome 133, 1990, spéc. p. 403.
1589
M. HAURIOU, Précis de droit constitutionnel, PARIS, Sirey, 1923, spéc. pp. 160 et s..
1590
Pour une approche française de la pensée de cet auteur espagnol, voir not. Alvaro D’ORS, Une introduction à
l’étude du droit, Présentation, traduction et notes par A. SERIAUX, Presses univ. d’AIX-MARSEILLE, 1990.
1591
Ibid., p. 8.
1592
Ibid., p. 8.
1593
J.-B. DONNIER, thèse précitée, spéc. n° 8, p. 10.
1594
Sur le lien entre l’autorité et la responsabilité du fait d’autrui voir not. J.-B. DONNIER, thèse précitée, spéc. n°
298 et s., pp. 255 et s. ; J. JULIEN, thèse précitée, spéc. n° 62 et s., pp. 87 et s. ; C. ROUX, thèse précitée ; CH.
RADE, « Droit à réparation - Responsabilité du fait d'autrui – Principe général », spéc. n° 38.
1595
Voir par exemple les décisions des juridictions du fond antérieures à la jurisprudence Blieck qui faisaient
référence à un critère de l’autorité légitime (DIJON, 27 février 1965 : D., 1965, p. 439 ; D., 1965, p. 132, note
R. LEGEAIS ; POITIERS, 22 mars 1966, Rev. de droit sanit. et soc., 1966, p. 262, note E. ALFANDARI). Voir
également certains arrêts de la Cour de cassation qui se réfèrent expressément à cette notion d’autorité : par
exemple un arrêt de la 2ème chambre civile dans lequel les magistrats relèvent que le majeur « ne se trouvait plus
sous l'autorité de l'association », (Civ. 2, 25 février 1998 ; JCP G., 1998, I, n° 14, note G. VINEY).
1596
Ex., article 1384 alinéa 4 : « Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont
solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».
1597
En effet, si plusieurs travaux doctrinaux (thèses ou articles) utilisent ce critère pour exposer les raisons d’un
mécanisme de responsabilité du fait d’autrui, ils n’expliquent pas toujours ce que ce rapport d’autorité signifie.

369
responsabilité du fait d’autrui, l’exercice de l’autorité ne conduit à une abnégation de la
volonté d’autrui1598. C’est particulièrement évident avec la responsabilité parentale dont
l’autorité s’exerce en vue de l’éducation de l’enfant ; mais il en va de même de la mission de
l’artisan qui a pour objet l’enseignement du commis, ou de celle du commettant qui a pour
fonction l’organisation du travail dans l’entreprise. Autrement dit, l’autorité du répondant ne
s’adresse pas au vouloir de la personne dirigée, mais seulement à son intelligence. De fait, le
lien d’autorité sur lequel repose la responsabilité du fait d’autrui paraît alors se conformer en
tout point au théorème que nous avons présenté.

648. Seulement, l’admission progressive d’un principe général de responsabilité du fait


d’autrui pourrait lever le doute sur cette conclusion, celui-ci repose sur un « pouvoir » de
contrôle, de direction et de surveillance de la vie ou de l’activité d’autrui1599. Il semble alors
que la pression exercée sur autrui gravisse un échelon supplémentaire, ou du moins que
l’exercice de l’autorité s’accompagne d’un pouvoir plus contraignant. Or, Monsieur DONNIER
relève que « l’autorité peut suffire à constituer un moyen de direction à elle seule, sans que
s’exerce aucun pouvoir [de commandement] sur la personne dont l’activité est dirigée »1600.
A l’analyse, il est d’ailleurs vrai que l’exercice de ce « pouvoir » s’exerce sans contrainte sur
la personne gardée ou dont l’activité est dirigée. Dans l’arrêt Blieck, par exemple, la Cour de
cassation insiste sur la « totale liberté de circulation dans la journée » dont bénéficie le
majeur protégé1601. Dans un arrêt en date du 25 juin 1996, une Cour d’appel constate le
traitement de l’auteur du dommage « en milieu ouvert »1602 ; une simple mesure d’assistance
éducative, également, n’exclut pas la responsabilité de l’établissement à qui elle est
confiée1603 ou encore l’existence d’un régime de liberté surveillée1604. De fait, l’organisation
de la vie d’autrui et la direction de l’activité d’autrui s’effectuent au moyen de propositions
non contraignantes pour le destinataire et non d’ordres qui seraient imposées. Le pouvoir dont
il est question est en réalité l’expression d’une autorité.

1598
On s’en aperçoit notamment avec la persistance de la responsabilité personnelle de la personne gardée.
Supra, n° 632 et s..
1599
Voir, not. l’attendu de la jurisprudence Blieck, Supra, n° 410.
1600
J.-B. DONNIER, thèse précitée, spéc. n° 12, p. 13.
1601
A ce propos, voir l’analyse effectuée par Monsieur PERDRIX pour qui la responsabilité du centre d’aide par le
travail se fonde sur un simple pouvoir de direction des activités d’autrui et non sur un réel pouvoir d’organisation
et de contrôle du mode de vie d’autrui. L. PERDRIX, op. cité., spéc. n° 599, pp. 375-376.
1602
ORLEANS, 25 juin 1996 - Numéro JurisData : 1996-044670.
1603
Civ. 2, 20 janvier 2002 – Bull. civ., 2002, II, n° 15.
1604
C.E., 1er février 2006 : R.C.A., 2006, n° 142.

370
649. Synthèse : une définition de l’autorité. Parvenue au terme de ces développements, il
est désormais possible de proposer une définition de l’autorité : c’est un pouvoir moral qui
s’impose en fonction de la nature ou de l’ordre des choses. Par hypothèse, il peut
s’accompagner d’un pouvoir plus contraignant, mais il n’en reste pas moins que l’autorité et
la contrainte devront être distinguées. Par conséquent, le lien d’autorité peut être conçu
comme une relation dans laquelle un individu doit obéissance à un autre sans que le second ne
puisse directement contraindre le premier.

650. Maintenant que l’on connaît les caractéristiques systématiques de la responsabilité du


fait d’autrui, il convient à présent de rechercher si la responsabilité par représentation lui
correspond pour confirmer ou infirmer l’appartenance de la responsabilité par représentation à
la responsabilité du fait d’autrui.

B- La responsabilité du fait d’autrui à l’épreuve de la représentation

651. Plan. A l’épreuve, la responsabilité par représentation ne correspond à aucune des


caractéristiques propres à la responsabilité du fait d’autrui que nous venons de déterminer : si
l’existence d’un rapport d’autorité est sérieusement contestable (1), celle d’un fait d’autrui est
tout simplement exclue (2).

1- L’existence contestable d’un rapport spécifique d’autorité

652. L’abnégation de la volonté du représentant. Dans le cadre de la responsabilité du


fait d'autrui, évoquer un lien d'autorité entre le primo-responsable et le répondant se conçoit
parfaitement dès lors que l'on envisage l'autorité comme un pouvoir moral1605. Cela est
particulièrement évident si l’on songe au lien entre un parent et son enfant. Selon l’article
371-1 du Code civil, l’autorité parentale est exercée dans le seul intérêt de l’enfant et a pour
objet de « permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Mais l’on
retrouve cet aspect dans la plupart des responsabilités du fait d’autrui : l’artisan encadre
l’activité de l’apprenti tout en lui apportant un savoir nécessaire à son épanouissement

1605
Supra, n° 646 et s..

371
professionnel ; les centres à qui sont confiés des mineurs ou des majeurs handicapés
organisent la vie d’autrui au moyen de mesures non contraignantes permettant de préserver
leur liberté1606. De manière générale, l'obéissance qui est due au détenteur de l'autorité n'a pas
pour effet d’annihiler la volonté de celui qui y est soumis. Concernant l’autorité du parent sur
son enfant, cet élément est même inscrit dans la loi, puisqu’aux termes de l’alinéa 3 du texte
précité, il a été précisé que, selon l’âge et la maturité de l’enfant, « les parents associent
l'enfant aux décisions qui le concernent ». Enfin, l'autorité qui est relevée est, en toute
hypothèse, conforme à l'idée selon laquelle elle est un savoir socialement reconnu 1607. A cet
égard, l’on pense plus particulièrement à l’autorité du commettant, à celle de l’artisan ou de
l’instituteur.

653. Il n'en va pas de même en matière de responsabilité par représentation. Dans cette
hypothèse, l'existence d'un lien d'autorité envisagé comme un lien d’obéissance dépourvu de
tout pouvoir de contrainte est beaucoup plus contestable. Non seulement la connaissance n'est
pas nécessairement du côté du donneur d'ordre (notamment lorsque le donneur d’ordre fait
appel aux compétences d’un professionnel : le mandat d’avocat par exemple)1608 ; mais
surtout, le pouvoir donné – c’est-à-dire l’élément fondateur du lien de représentation1609 – est
beaucoup plus contraignant que la simple sujétion adressée à l'intelligence de celui qui reçoit
les instructions. Certes, l'exercice de la fonction de mandataire et, plus généralement, de
représentant s'exerce de manière indépendante ; il n'en reste pas moins que ce dernier est
obligatoirement lié par la mission qui lui a été confiée1610. En d’autres termes, l’intermédiaire
est irrémédiablement ancré à l’objectif fixé initialement, seuls les moyens pour y parvenir
étant laissés à l’appréciation souveraine de l’agent.

654. Le lien de représentation n’est pas un rapport d’autorité. En réalité, le lien


d'autorité ne se confond pas avec le lien de représentation. Si l'un et l'autre entraînent une
certaine forme d'obéissance, ils ne reçoivent pas la même justification : alors que le premier
s'explique par la nature ou l'ordre des choses1611, le second se fonde avant tout sur l'intérêt
d'autrui1612. L’un n'exclut pas nécessairement l'autre, en particulier lorsque la mise en œuvre
d’une règle de responsabilité du fait d’autrui s’explique par la participation du primo-

1606
Ibid.
1607
Ibid..
1608
Sur le déséquilibre fluctuant qui existe entre le représentant et le représenté, supra, n° 553 et s..
1609
Supra, n° 66 et s..
1610
Supra, n° 291 et s..
1611
Supra, n° 290 et s..
1612
Supra, n° 645 et s..

372
responsable à l’activité du répondant1613. On le constate notamment au travers du lien de
préposition : non seulement le préposé travaille sous l'autorité du commettant, mais, en
participant à l'activité de ce dernier, le préposé agit conformément à ses intérêts. Cependant,
dans le cadre de la préposition, l'action au regard des intérêts du commettant est primée par
l'action sous son autorité. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler que la subordination
fait partie des conditions essentielles à la mise en œuvre de la responsabilité du commettant,
ce qui n’est pas le cas de son intérêt. À ce sujet, il convient d'ailleurs de préciser que, malgré
les vœux de certains auteurs, la jurisprudence n'a pas encore souhaité reconnaître une
responsabilité du fait d'autrui fondée sur le seul intérêt du garant1614. A l’inverse, dans le
rapport de représentation, l’intérêt d’autrui précède toujours l’obéissance à autrui, précisément
parce que le respect des instructions reçues se justifie par l’objet de la mission confiée : les
intérêts du donneur d’ordre. Cette hiérarchie est particulièrement importante dans les mandats
donnés en termes généraux pour lesquels, manifestement, l'exigence d'une stricte obéissance
est inadéquate. Par ailleurs, l'exercice d'une quelconque autorité n'est pas toujours possible. A
cet égard, l'on pense en particulier aux mandats donnés par un profane à un professionnel.

655. L'absence d’un authentique lien d'autorité constitue donc une première difficulté à
l'intégration de la responsabilité par représentation au sein du droit de la responsabilité du fait
d'autrui. Seul, il n’est toutefois certainement pas décisif car cet élément n’est véritablement
utile qu’à l'explication d'un autre beaucoup plus important1615 : la dissociation entre le fait
générateur et l'obligation de réparation. Or, la présence d'un fait d'autrui est, à l'analyse, loin
d'être évidente.

2- L’absence décisive de fait d’autrui

656. L’analyse des éléments de la faute. Lorsque l’on définit le fait d’autrui comme un
fait autonome et libre qui a été commis personnellement pas son auteur1616, l’on suppose alors
que tous les éléments constitutifs de la faute ont été constitués en la personne d’autrui. Si l’on
confronte cette allégation au mécanisme de la représentation, cette conclusion n’est pas

1613
A l’inverse, lorsque la règle de responsabilité du fait d’autrui s’applique au contrôle de la vie d’autrui, les
risques de confusion entre l’autorité et les intérêts du responsable sont moindres, pour ne pas dire inexistants.
1615
La prépondérance de cet élément s’explique par le rôle joué par ce « fait d’autrui » puisqu’il est le critère
d’application du droit commun de la responsabilité du fait d’autrui. Supra, n° 629 et s..
1616
Supra, n° 631 et s..

373
évidente car il appartient à l’auteur matériel de la faute (le représentant) d’exprimer et de
traduire fidèlement la volonté de son donneur d’ordre1617. Autrement dit, l’élément moral pose
question.

657. Si l’on s’arrête sur la seule application de responsabilité par représentation


officiellement consacrée par notre droit (la responsabilité civile de la personne morale)1618, la
primauté accordée à la volonté de l’être désincarné est particulièrement flagrante. Non
seulement, une abondante jurisprudence est-elle rendue sur le fondement de l’article 1382 du
Code civil1619, mais surtout l’examen des conditions de la mise en œuvre de cette
responsabilité en atteste. En effet, si l’on admet que la responsabilité par représentation est
intimement liée à la mission de représentation – c’est-à-dire à la volonté du représenté -, ces
règles de responsabilité ne devraient être appliquées qu’à la seule condition que le dommage
ait été causé par un organe agissant dans la limite de ses fonctions, à l’exclusion de tout fait
générateur commis au-delà du cadre objectif qui lui a été assigné.

658. A l’examen, nous avons pu constater que c’est bien ainsi que la responsabilité de la
personne morale est envisagée en jurisprudence. Il est notable en effet que les juges prennent
soin de vérifier si l’auteur matériel du dommage a bien agi es qualité, conformément à la
mission qui lui a été dévolue, ou s’il a abusé de son pouvoir. De la réponse à cette question
dépend en effet le régime applicable. Parce que le représentant est aussi et surtout « un être
qui veut et qui agit et qui est lui-même une personne »1620, il faut nécessairement prendre en
compte l’éventualité d’une trahison de la personne morale par la personne physique. C’est
l’hypothèse du dépassement de pouvoir : dans cette hypothèse, la responsabilité de la
personne morale devrait en théorie être exclue1621. Mais parce que cette solution était
largement défavorable aux tiers victimes des agissements des représentants, la Cour de
cassation a fortement atténué cette conception. En matière de responsabilité contractuelle,
c’est la théorie du mandat apparent qui a été à l’origine de cette évolution. En 19621622, un arrêt
de l’Assemblée plénière vint consacrer la solution rappelant simplement que « le mandant peut être

1617
Supra, n° 291 et s..
1618
Supra, n° 501 et s..
1619
Civ. 2, 24 mars 1980 - Bull. civ., 1980, II, n° 71 ; Civ. 2, 26 avril 1990 : JCP G., 1990, IV, p. 234 ; Civ. 2, 2
mai 1990 - Bull. civ., 1990, II, n° 131 ; Com., 5 févr. 1991 : D., 1991, I.R., p. 69 ; Civ. 2, 17 mars 1993 - Bull.
civ., 1993, II, n° 108 : D., 1993, I.R., p. 89.
1620
L. MICHOUD, La théorie de la personnalité morale et son application en droit français, thèse précitée, spéc.
p. 416.
1621
En ce sens voir J.-F. BARBIERI, « Responsabilité de la personne morale ou responsabilité de ses
dirigeants ? », in Aspect contractuels du droit des affaires - Mélanges en l’honneur de Y. GUYON, op. cité, spéc.
n° 23, p. 55.
1622
A.P., 13 décembre 1962 : JCP G., 1963, II, 13105, note P. ESMEIN ; D., 1963, p. 277, note J. CALAIS-AULOY.

374
engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être
reprochée »1623. En revanche, ce sont les règles de la responsabilité délictuelle du fait d’autrui,
et en particulier celles de l’article 1384 alinéa 5, qui permirent de contourner les effets
néfastes pour les tiers d’un dépassement de pouvoir. Ainsi a-t-il été jugé par la Chambre des
Requêtes que l’utilisation abusive d’un pouvoir social (en l’espèce un associé en nom collectif
avait contracté un prêt auprès d’un tiers au nom de la société et l’avait utilisé en son nom
personnel) « ne pouvait faire échec à la responsabilité encourue par la société, sur le
fondement de l’article 1384 du Code civil, du fait de son préposé »1624. De cette manière, la
Cour de cassation reconnaissait que la responsabilité de l’être désincarné pouvait être engagée
sur le fondement d’un fait personnel ou d’un fait d’autrui, selon le contexte dans lequel le fait
générateur avait été commis. Autrement dit, la distinction entreprise par les juges du droit
entre le fait commis par représentation et le fait d’autrui apparaît clairement.

659. Il en va de même en matière de responsabilité pénale : de la même façon aucune


sanction ne sera prononcée à l’encontre de la personne morale lorsque l’auteur matériel de la
faute pénale aura agi en dehors des fonctions qui lui sont assignées 1625 : pour être imputée à la
personne morale, l'infraction doit avoir été commise dans l'intérêt de la seule personne morale
prise dans sa globalité1626 . La comparaison avec la responsabilité pénale est d’ailleurs
particulièrement intéressante puisque la matière est fondamentalement opposée à l’admission
d’une responsabilité du fait d’autrui1627. Aussi la consécration de la responsabilité pénale des
êtres moraux ne pouvait–elle être autre chose qu’une déclinaison de la responsabilité du fait
personnel.

1623
En réalité la solution n’était pas nouvelle, la théorie du mandat apparent avait déjà été utilisée en
jurisprudence pour constater un lien contractuel entre un pseudo-représenté et un tiers. (Voir not., pour des
achats spéculatifs de vin : Req., 14 janvier 1920 : S., 1920, 1, p. 272 ; Com., 3 mars 1953 : Bull. civ., III, 1953,
n° 62 : Absence de critique sur des opérations analogues antérieures ; Com., 27 nov. 1956 : G.P., 1957, 1, p.
212 : Imprudence d’un conseil d’administration ayant favorisé la croyance erronée des tiers). Mais, comme le
souligne Monsieur ESMEIN (Ibid.), la solution est ici originale en ce que l’Assemblée plénière ne subordonne pas
les effets du mandat apparent à la faute du mandant apparent. Il semblerait donc que la Cour de cassation soit
revenue à une conception plus pure du mécanisme du mandat apparent (sur la notion, supra, n° 577 et s..), ce qui
méritait d’être approuvé d’un point de vue théorique, mais aussi et surtout d’un point de vue pratique puisqu’il
n’était désormais plus nécessaire de rechercher une faute parfois très improbable (en ce sens, voir note P.
ESMEIN, ibid.)
1624
Req., 8 mai 1940 : G.P., 1940, 2, p. 85. Voir également Req., 7 août 1906 : S., 1907, 1, p. 88 (En l’espèce il
s’agissait d’émission d’obligations au nom d’une société à un tiers de bonne foi qui en ignorait le caractère
frauduleux.)
1625
Pour une comparaison entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale de la personne morale : Supra,
n° 439 et s..
1626
Ibid..
1627
Ibid..

375
660. L’activité du représentant dépendante de l’activité du représenté. La place
particulière accordée à la volonté de l’être moral souligne, enfin, l’interdépendance qui existe
entre l’activité du représenté et celle du représentant. En réalité, derrière l’activité de
l’intermédiaire, c’est toujours celle du donneur d’ordre que l’on décèle : l’activité du premier
n’est autre, finalement, que l’activité du second, ce qui signifie que l’une se confond avec
l’autre. En toute hypothèse, la mission du représentant se définit toujours par
l’accomplissement des ordres donnés par le représenté. Par exemple, un mandataire
commercial a pour devoir de mener les négociations ou de conclure les contrats du mandant ;
l’avocat défend ou gère les affaires du client ; l’activité du représentant social ne se distingue
pas fondamentalement de l’activité de l’entreprise elle-même.

661. A l’inverse, dans le cadre de la responsabilité du fait d’autrui, l’activité du primo


responsable est généralement distincte de celle du répondant. Si l’on compare l’activité d’une
association sportive avec celle de ses adhérents, la première se définit comme l’organisation
d’une activité déterminée et la seconde comme l’exécution de cette activité. De même,
l’activité des parents (éducation et surveillance de leur progéniture) ou du commettant
(aménagement des conditions de travail dans l’entreprise et application des dispositions
légales et réglementaires relatives à l’hygiène, la sécurité, ...) diffère de celle des enfants
(jeux) ou du préposé (exécution de la tâche confiée par l’employeur).

662. La nette distinction entre les deux activités souligne la liberté de l’auteur du fait
générateur au moment de la commission du dommage. La personnalité de l’acte
dommageable explique ainsi l’autonomie entre la responsabilité du fait personnel et la
responsabilité du fait d’autrui. Il n’en est pas de même en matière de responsabilité par
représentation : l’activité du représentant étant l’activité du représenté, la liberté, la
personnalité et l’autonomie du fait générateur de responsabilité n’atteindront jamais le même
degré.

663. Les effets juridiques du « fait du représentant ». L’analyse théorique de la


responsabilité du fait d’autrui a montré, par ailleurs, que la mise en œuvre de la responsabilité
du répondant ne faisait pas disparaître, en principe, la responsabilité du primo-responsable1628.
A l’inverse, dans l’hypothèse d’une responsabilité par représentation, la responsabilité du
représenté entraîne la disparition du celle du représentant1629. Autrement dit, la responsabilité

1628
Supra, n° 631 et s..
1629
Supra n° 522 et s..

376
du fait d’autrui peut être regardée comme un mécanisme d’imputation d’une obligation de
réparation alors que la responsabilité par représentation doit s’analyser comme un mécanisme
de report de responsabilité.

664. Plus simplement, la responsabilité du fait d’autrui pourrait être qualifiée de


responsabilité « pour » autrui et la responsabilité par représentation de responsabilité « par »
autrui1630. Dans le premier cas, il ne s’agit pas de déplacer la responsabilité originaire mais de
lui en ajouter une nouvelle responsabilité afin d’améliorer la situation de la victime ; dans le
second, l’on constate l’élimination d’une responsabilité : les effets de la faute traversent
l’auteur de la faute pour se retrouver pour se retrouver dans le seul patrimoine du représenté.
A notre sens, cette différence entre la responsabilité du fait d’autrui et la responsabilité par
représentation est fondamentale et exclut définitivement tout rapprochement entre l’une et
l’autre.

665. Synthèse : le fait générateur de la responsabilité par représentation n’est pas un


fait d’autrui. L’ensemble des éléments exposés (l’élément volition largement altéré, la
dépendance entre l’activité du représenté et l’activité du représentant, les effets juridiques du
fait du représentant) confirme notre sentiment de départ : le fait générateur de la
responsabilité par représentation n’est pas un fait d’autrui. Du reste, les projet de réforme du
droit des obligations vont nettement en ce sens puisque le projet CATALA et le projet TERRE
proposent, aux termes des articles 1353 pour le premier et 7 pour le second, une définition de
la faute personnelle imputable à la seule personne morale1631. L’insertion de cette disposition
est d’autant plus emblématique qu’elle arrive juste après la présentation générale du fait
personnel1632, la faute de la personne morale n’étant alors envisagée autrement que comme un
fait personnel particulier1633.

666. Pour l’heure, l’examen du droit positif va largement en ce sens : certains arrêts
emblématiques semblent même traduire l’intention des juges du droit d’écarter les règles de la

1630
Cette distinction sera analysée plus en profondeur ultérieurement : infra n° 807 et s..
1631
Article 1353 de l’avant-projet CATALA : « La faute de la personne morale s'entend non seulement de celle
qui est commise par un représentant, mais aussi de celle qui résulte d'un défaut d'organisation ou de
fonctionnement ». Pour une réforme du droit de la responsabilité civile, FR. TERRE (dir.), op. cité, spéc. pp. 119
et s..
1632
Article 1352 de l’avant-projet CATALA « Toute faute oblige son auteur à réparer le dommage qu'il a causé.
Constitue une faute la violation d'une règle de conduite imposée par une loi ou un règlement ou le manquement
au devoir général de prudence ou de diligence ».
Voir également les articles 5 et 6 de l’avant-projet TERRE.
1633
Précision apportée par les auteurs du projet du réforme juste avant l’énoncé des propositions : « Une
définition de portée générale de la faute est proposée ainsi qu'une précision concernant la faute de la personne
morale qui peut tenir à son organisation ou à son fonctionnement ».

377
responsabilité du fait d’autrui dans les hypothèses où aucun dépassement de pouvoir n’est à
déplorer. Une décision rendue par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation est
relativement claire sur ce point lorsqu’elle sanctionne une Cour d’appel pour ne pas avoir
appliqué les règles de la responsabilité personnelle, au motif que « la personne morale répond
des fautes dont elle s'est rendue coupable par ses organes et en doit la réparation à la victime
sans que celle-ci soit obligée de mettre en cause, sur le fondement de l'article 1384, 5ème
alinéa, lesdits organes pris comme préposés »1634. Ce principe, relativement bien accueilli en
doctrine, a fait quelques émules en jurisprudence puisque l’affirmation a été reprise, parfois
intégralement1635. En dépit des apparences, la responsabilité par représentation n’est donc pas
une responsabilité du fait d’autrui. Cette conclusion nous oblige à nous tourner vers la
responsabilité du fait personnel.

§2- Le rejet de la qualification de « responsabilité du fait personnel »

667. Exposé du problème. La responsabilité par représentation n’étant pas une


responsabilité du fait d’autrui, il convient de se tourner vers la responsabilité du fait personnel
pour regarder si, malgré la dissociation entre la commission du fait générateur et l’imputation
de l’obligation de réparation, ce régime de responsabilité ne constituerait pas une déclinaison
de la responsabilité définie par les articles 1382 et 1383 du Code civil. Dans l’affirmative, la
responsabilité par représentation recevrait très probablement la qualification de « droit spécial
de la responsabilité civile du fait personnel » ; dans la négative, il faudra admettre qu’il s’agit
là d’un nouveau droit commun de la responsabilité ou, à tout le moins, d’une responsabilité
sui generis.

668. Responsabilité personnelle et libre-arbitre. Si le mot « responsabilité » n'apparaît


qu'au XVIIIème siècle1636, ce « néologisme »1637 puise ses racines en droit romain1638. À cette

1634
Civ.2, 17 juillet 1967 : G.P., 1967, 2, p. 235, note CH. BLAEVOËT ; R.T.D. Civ., 1968, p. 149, obs. G.
DURRY.
1635
Civ. 2, 27 avril 1977 - Bull. civ., 1977, II, 1977, n° 108 : D. 1977, I.R., p. 442.
1636
Si le mot « responsabilité » n’est admis par l’Académie française qu’en 1798, l’utilisation de l’adjectif
responsable est attestée dès la fin du XIIIe siècle. Sur l’origine et l’évolution du mot responsable voir not. J. PH.
LEVY, A. CASTALDO, Histoire du droit civil, Dalloz, coll. Précis droit privé, 2ème édition, 2010, spéc. n° 639, p.
949 ; J. HENRIOT, « Note sur la date et le sens du mot responsabilité », Archives philosophiques du droit, Tome
22, 1977, p. 59 ; M. VILLEY, « Esquisse historique sur le mot responsable », in La responsabilité à travers les
Ages, préface de J. IMBERT, p. 75, (cet article est paru également dans la revue Archives philosophiques du droit,
1977, Tome 22, p. 45) ; G. VINEY, « La responsabilité », Archives philosophiques du droit, 1990, Tome 35, p.
215, spéc. pp. 275 à 279.

378
époque, l’idée appartenait néanmoins exclusivement à la matière juridique : étaient
responsables « tous ceux qui peuvent être convoqués devant quelque tribunal, parce que pèse
sur eux une certaine obligation, (…) »1639. En raison des influences chrétiennes
particulièrement spectaculaires au Moyen-Age1640, son utilisation contemporaine le teinte
d'aspects plus moralistes et philosophiques1641. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler le
rôle relativement indifférent joué par la faute en droit romain et d’observer l’importance de
celle-ci dans notre droit1642. Désormais, est responsable celui qui doit répondre de ses actes, ce
qui signifie que « la responsabilité civile [est] la sanction d'un acte illicite et moralement
répréhensible »1643. Sous cet angle, « l'acte fautif devient la cause de cette
responsabilité »1644.

669. Cette évolution sémantique suppose toutefois que l'homme brise les chaînes qui le
relient à un être divin, marionnettiste de son état. Car si « la responsabilité, c’est le fait de
répondre. Ne le concevons-nous pas comme lié à la liberté de la personne humaine ? »1645.
De fait, l'élaboration d'un droit de la responsabilité civile ne pouvait rester indifférente au
débat millénaire opposant les partisans du déterminisme à ceux du libre-arbitre1646.
L'affirmation que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » semble avoir donné raison aux seconds.

1637
Nous empruntons la terminologie à M. V ILLEY, op. cité, spéc. p. 76.
1638
J. PH. LEVY, A. CASTALDO, op. cité ; M. VILLEY, op. cité, spéc. pp. 76-78 ; G. VINEY, op. cité, spéc. p. 75.
1639
M. VILLEY, op. cité, spéc. p. 81.
1640
G. VINEY, Introduction à la responsabilité civile, ouvrage précité, spéc. n° 11, p. 13 ; A. TUNC, La
responsabilité civile, Economica, coll. études juridiques comparatives, 2 ème édition, 1990, spéc. n° 61, p. 55 ; M.
VILLEY, op. cité, spéc. p. 82 ; G. VINEY, « La responsabilité », op. cité, spéc. p. 276.
1641
Sur le rôle moralisateur de la responsabilité civile, la doctrine est particulièrement abondante. A cet égard
voir not. G. VINEY, Introduction à la responsabilité civile, op. cité, spéc. n° 16, p. 23 ; G. RIPERT, La règle
morale dans les obligations civiles, op. cité ; B. STARCK, Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile
considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée, préface de M. Picard, édition L. Rodstein, 1947,
spéc. pp. 28 et s. ; A. TUNC, op. cité, spéc. n° 123, pp. 98-99 ; M. VILLEY, op. cité, spéc. pp. 82 et s..
1642
G. VINEY, Introduction à la responsabilité civile, op. cité, spéc. n° 7 et 8, pp. 9 à 12.
1643
Ibid., spéc. n° 16, p. 23.
1644
M. VILLEY, art. précité, spéc. p. 83.
1645
R. SAVATIER, « Personnalité et dépersonnalisation de la responsabilité civile », in Mélanges de droit,
d’histoire et d’économie offerts à Marcel LABORDE-LACOSTE, BORDEAUX, éd. Bière, 1963, p. 321.
1646
L’objet de nos propos ne sera pas de rentrer en profondeur dans le contenu de cette question métaphysique,
mais au regard de l’impact que celle-ci a exercé (directement ou indirectement) sur la conception de la
responsabilité civile, nous ne pouvons en faire l’économie et en présenterons les contours brièvement. Selon les
partisans du déterminisme, l'homme n'accède pas véritablement à la liberté. Son action ne serait autre chose, en
réalité, que la résultante d'une volonté divine ou du jeu de la nature. Pour ces auteurs (notamment SPINOZA ou
NIETZSCHE), la prétendue liberté n'est que plus n'est qu'un prétexte nécessaire et préalable à son jugement. À
l'inverse, les défenseurs du libre arbitre (DESCARTES, Saint Thomas d’AQUIN) considèrent que l'homme est
constamment confronté au bien et au mal. Ainsi, son intervention, loin d’être causale, est précédée d’un choix
réfléchi et donc responsable. Sur ce point voir not. J. JULIEN, La responsabilité civile du fait d'autrui : rupture et
continuité, thèse précitée, spéc. n° 47 et s., pp. 73 et s. ; G. VINEY, Le déclin de la responsabilité civile, préface
de A. TUNC, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 53, 1965, spéc. n° 1, p. 1.

379
670. Plan. Ainsi, la responsabilité civile du fait personnel serait une responsabilité fondée
sur l'acte libre de son auteur (A). Par conséquent, admettre que la responsabilité par
représentation soit une responsabilité de type personnel implique que le fait du représentant
ait été commis librement et personnellement par ce dernier. Pour entériner, ou au contraire
rejeter cette assertion, il nous faudra donc confronter la notion de « fait personnel » au
mécanisme de la représentation (B).

A- Le fondement de la responsabilité du fait personnel : un acte objectivement libre

671. Responsabilité et morale. Cristallisée au travers des articles 1382 et 1383 du Code
civil, la responsabilité civile élaborée par les rédacteurs du Code Napoléon est conçue comme
un droit de centré sur la notion de fait personnel 1647. Même les responsabilités spéciales du
fait d’autrui ou du fait des choses ont été conçues comme des déclinaisons de la responsabilité
personnelle. Ainsi TREILHARD exposait-il que le principe de la responsabilité personnelle
établi, « il n’y avait qu’une disposition à ajouter ; c’est qu’on est responsable du dommage
que l’on a causé par son propre fait, mais encore de celui qui a été causé par le fait des
personnes dont on doit répondre ou de choses que l’on a sous sa garde »1648. Le rayonnement
de cette règle s'observe également dans le mandat puisque la plupart des règles inscrites dans
la loi lui obéissent1649.

672. Cette suprématie se justifie aisément par la conception moralisatrice de la


responsabilité civile1650. Pour de nombreux auteurs, le droit de la responsabilité est en effet
celui qui « puise son originalité dans son aptitude à sanctionner la violation de nombreuses
règles de comportement (...) [elle] reste avant tout un puissant outil de direction des

1647
Ainsi le tribun TARRIBLE proclamait-il que pour être réparé « le dommage doit être l’effet d’une faute ou
d’une imprudence de la part de quelqu’un ».
La valeur accordée à ce principe était telle que la responsabilité personnelle a longtemps été regardée
comme le droit commun de la matière. Cette affirmation est dorénavant niée. En ce sens, voir les thèses récentes
sur le rapport entre le droit commun et les droits spéciaux de la responsabilité civile et les critiques qui sont
faites à la présentation selon laquelle la responsabilité personnelle constituerait le socle commun de la matière.
L. CLERC-RENAUD, Du droit commun et des régimes spéciaux en droit extracontractuel de la réparation, thèse
précitée ; M. POUMAREDE, Régimes de droit commun et régimes particuliers de responsabilité civile, thèse
précitée
1648
Cités par G. VINEY, Introduction à la responsabilité civile, spéc. n° 16, p. 24.
1649
A propos de la responsabilité personnelle du mandataire à l’égard des tiers : supra, n° 348 et s..
1650
Supra, n° 669 et s..

380
conduites humaines et le garant de la cohésion sociale »1651. Cette conception n’est cependant
admissible qu'à la seule condition que l'individu soit libre1652. Il fallait donc, pour cela,
s’affranchir du diktat du déterminisme. Le contexte postrévolutionnaire dans lequel s'inscrit la
rédaction du Code civil y a été très largement favorable. Cette époque, encore profondément
marquée par la philosophie des Lumières, restaure l’individu dans une humanité totalement
affranchie de toute servitude, tant terrestre que spirituelle. L’accession au libre-arbitre
confronte alors la personne au choix du bien et du mal. Le fruit de ses actes – bons ou
mauvais – prolonge une décision qui lui est personnelle. Il n’est plus le résultat d’une action
déterminée par les éléments ou les divinités. L’individu parvient ainsi au statut de maître de
son destin. « Il n’y a que ce qui dépend de la volonté qu’on ait sujet de récompenser ou de
punir »1653 affirmait l’un des plus célèbres théoriciens du libre arbitre. Désormais libre, mais
dorénavant responsable car « l'homme n'est libre qu’autant qu'il est responsable et n'est
responsable qu’autant qu'il est libre »1654 : l'émancipation à des revers que la tutelle ne perçoit
pas.

673. Responsabilité et liberté : le fait générateur de responsabilité du fait personnel,


un acte objectivement libre. Avec le temps, la fonction moralisatrice de la responsabilité
civile a paru s’étioler. Dans deux hypothèses au moins, la « clé »1655 de la responsabilité
qu’était la faute subjective n’a plus suffi. La première se situe en marge de la responsabilité
pour faute et consiste dans le développement des responsabilités de plein droit. Pour notre
sujet, cette évolution n’est néanmoins pas prépondérante car elle concerne avant tout la
responsabilité du fait des choses et la responsabilité du fait d’autrui1656. Plus intéressante pour
les présents développements, la seconde est aussi beaucoup plus pernicieuse. Si l’exigence
d’un acte fautif persiste, la définition de celui-ci est profondément modifiée. Initialement
composée d’un élément objectif (comportement objectivement incorrect) et d’un élément
intellectuel (capacité de discernement)1657, la faute a finalement été amputée de la seconde de

1651
F. CARVAL, La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, préface de G. VINEY, L.G.D.J., coll.
Bibliothèque de droit privé, Tome 250, 1995, spéc. n° 2, p. 1.
1652
Supra, n° 669 et s..
1653
Œuvres philosophiques de DESCARTES, Tome 3, par A. GARNIER, publication d’après les textes originaux,
PARIS, Librairie classique et élémentaire de L. Hachette, 1835, p. 175.
1654
J. JULIEN, op. cité, spéc. n° 46, p. 72.
1655
Nous empruntons cette terminologie à B. STARCK, thèse précitée, p. 5.
1656
Il s’agit de toutes les hypothèses dans lesquelles il n’a plus été possible au gardien d’une chose ou au
responsable d’autrui de démontrer son absence de faute pour s’exonérer de sa responsabilité.
1657
Sur la définition de la faute civile et l’abandon progressif de l’élément objectif : A. BENABENT, Droit des
obligations, op. cité, spéc. n° 540 et s., pp. 389 et s. ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations – Le
fait juridique, op. cité, spéc. n° 98 et s., pp. 118 et s. ; PH. MALAURIE, L. AYNES, PH. STOFFEL-MUNCK, Les
obligations, op. cité, spéc. n° 48 et s., pp. 28 et s. ; F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les

381
ces composantes1658. Or, en ôtant à l’acte délictuel l’élément imputabilité, c’est le rôle
moralisateur de la responsabilité lui-même qui se trouve touché puisque c’est précisément cet
élément qui justifie que l’on reproche à une personne l’acte qu’elle était capable de vouloir1659.
En d’autres termes, si l’exigence d’imputabilité signifiait que « nul ne peut être juridiquement
responsable, s'il ne l'est pas moralement »1660, alors son abandon devait signifier le sacrifice
d’un jugement moral de l’auteur de la faute.

674. Cette évolution a consacré la conception objective de la faute 1661 au détriment de la


conception classique1662. Pour autant, cette conception nouvelle n’a pas fait disparaître l’idée
d’un acte libre comme point de départ de la responsabilité du fait personnel. En effet, en
finalisant l'évolution amorcée par le législateur en 19681663, la jurisprudence n'a absolument
pas abandonné toute appréciation du comportement de l’auteur du fait dommageable : seul le
comportement non conforme à celui qu'aurait eu un homme prudent et avisé 1664 sera
sanctionnable, ce qui signifie que « sera considéré comme fautif le fait ou l'abstention qui

obligations, op. cité, spéc. n° 717 et s., pp. 730 et s. ; G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la
responsabilité civile, op. cité, spéc. n° 578 et s., pp. 593 et s..
1658
La consécration de la faute objective est d’abord le fait de la loi. Aux termes de l’article 489-2 (414-3 depuis
la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs) du Code civil, créé par la loi du 3
janvier 1968 relative aux majeurs protégés, il a été affirmé que « celui qui a causé un dommage à autrui alors
qu'il était sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation ». La règle a ensuite été
étendue aux mineurs (Civ. 1, 20 juillet 1976 – Pourvoi n° 74-10.238 ; Bull. civ., 1976, I, n° 270 : JCP G., 1978,
II, 18793, note N. DEJEAN DE LA BATIE ; Defrénois, 1977, p. 401, obs. J.-L. AUBERT ; R.T.D. Civ., 1976, p. 783,
obs. G. DURRY ) et aux infans (A.P., 9 mai 1984 – Bull. civ., 1984, A.P., n° 1 à 4 : D., 1984, p. 525, concl.
C. CABANNES, note F. CHABAS ; R.T.D. Civ., 1984, p. 508, obs. J. HUET ; JCP G., 1984, II, 20255, note N.
DEJEAN DE LA BATIE ; JCP G., 1984, II, 20256, note P. JOURDAIN) par la jurisprudence qui a interprété largement
le texte précité.
1659
P. JOURDAIN, Recherches sur l’imputabilité en matière de responsabilité civile et pénale, thèse PARIS II,
1982.
1660
J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations – Le fait juridique, op. cité, spéc. n° 99, p. 122.
1661
Cette conception était soutenue, notamment, par les frères Léon et Henri MAZEAUD (H., L. et J. MAZEAUD,
Leçons de droit civil : Obligations, Tome 2, Vol. 1, Théorie générale, spéc. n° 448, pp. 457 - 458 ; « La faute
objective et la responsabilité sans faute », D., 1985, chron. III, p. 13), Boris STARCK (B. STARCK, Essai d’une
théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée, thèse
précitée, spéc. pp. 81 et s.), ou encore Charles AUBRY et Charles RAU (C. AUBRY et C. RAU, Cours de droit civil
français, Tome VI, Petits contrats et responsabilité, ouvrage précité, spéc. § 444 bis, pp. 425 et s.) et plus
récemment par Messieurs LE TOURNEAU et CADIET (PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des
contrats, spéc. n° 6706, pp. 1651 et 1652) ou Monsieur BENABENT (A. BENABENT, Droit des obligations, op.
cité, spéc. n° 542 et s., pp. 390 et s).
1662
P. ESMEIN, « La faute et sa place dans la responsabilité civile », R.T.D. Civ., 1949, pp. 481 et s. ; R.
SAVATIER, Traité de la responsabilité civile en droit français civil, administratif, professionnel, procédural,
Tome 1, Les sources de la responsabilité civile, op. cité, spéc. n° 4, p. 5.
1663
Il s’agit de la loi du 3 janvier 1968 relative aux droits des majeurs protégés qui a admis sans restriction la
responsabilité des personnes ayant agi sous l’empire d’un trouble mental et introduit un article 489-2 anc., (414-
3 nouveau) dans le Code civil au terme duquel « celui qui a causé un trouble à autrui alors qu’il était sous
l’empire d’un trouble n’en est pas moins objet à réparation ».
1664
Pour une appréciation mitigée de la figure juridique du « bonus pater familias » voir J.-S. BORGHETTI,
« Jusqu'où ira la responsabilité à l'égard des tiers du fait d'un manquement contractuel ? », Revue des contrats,
1 avril 2009, pp. 506 et s. : l’auteur critique l’irréalisme et le « moralisme outrancier » que suggère la conception
du bon père de famille qui conduit à réduire « à néant la supposée fonction éducative et préventive de la
responsabilité pour faute, pourtant jugée essentielle » en interdisant à tout individu la moindre défaillance.

382
s'écarte de la conduite normale que chacun est en droit d'escompter d'autrui »1665. Or, en se
référant à l’« anormal »1666 que l’on peut définir comme la méconnaissance d’une norme
juridique, du rationnel, du raisonnable, la jurisprudence esquisse un retour vers le jugement de
l’auteur du fait dommageable. Mais pour cela, il faut déjà admettre que ce dernier était libre
au moment de la commission de la faute. Ainsi, l’exigence d’une liberté objective dans
l'action devient-elle la seule condition nécessaire et indispensable à la mise en œuvre de la
responsabilité du fait personnel. En définitive, le fait personnel s’entend de l’acte se rattachant
à l’activité libre d’une personne ; étant précisé, qu’en l’espèce, la liberté ne se rattache pas au
libre-arbitre mais à l’absence objective de contrainte dont le sujet aurait pu faire l’objet. Par
conséquent, l’introduction du mécanisme de la représentation ouvre la voie à de nouvelles
réflexions. La qualification de fait personnel peut-elle perdurer alors même que le
comportement du représentant est sous l’emprise du représenté dont il sert les intérêts, niant
ainsi – en tout ou partie – la liberté exigée pour la mise en œuvre de la responsabilité
personnelle ?

B- La responsabilité du fait personnel à l’épreuve de la représentation

675. Plan. S’il n’est de responsabilité civile du fait personnel sans la réalisation d’un acte
objectivement libre, le fait générateur de la responsabilité par représentation devra
nécessairement répondre à cette exigence. Afin de le vérifier, nous allons de nouveau explorer
le terrain fertile que constitue la responsabilité civile des personnes morales (1) avant d’en
tirer nos propres conclusions à l’égard de la responsabilité par représentation (2).

1- L’approche empirique : l’exemple de la responsabilité civile des personnes


morales
1665
PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, spéc. n° 6706, p. 1651.
1666
THERY, note sous Req., 20 février 1946 : D., 1947, 221 ; CH. BLAEVOET, « La place du normal et de
l’anormal dans le droit », G.P., 1966, 1, 65.

383
676. Exposé du problème. En ce qui concerne la responsabilité civile des personnes
morales, droit positif et doctrine ne sont pas à l’unisson. En effet, en dépit d’une jurisprudence
bien assise, la doctrine demeure encore partagée. Si le principe d’une responsabilité
personnelle est, à maints égards, désormais clairement affirmé par la Cour de cassation à
propos de la responsabilité des personnes morales1667, la plupart des auteurs peine à
reconnaître une responsabilité véritablement fondée sur une faute personnelle. Cette
pusillanimité s’explique aisément : au regard de la nature désincarnée de l’être moral,
l’admission d’une responsabilité personnelle ne peut suffire à écarter la dissociation entre la
commission du fait générateur par l’organe ou dirigeant et l’imputation des conséquences
juridiques au groupement juridique. De ce point de vue, la représentation n’épuise pas la
séparation entre deux personnes juridiques parfaitement distinctes. Cet aspect étant
naturellement commun à toute responsabilité par représentation – notamment celle du
mandant pour le fait de son mandataire - l’examen du fondement de la responsabilité des
personnes morales sera instructif pour l’opération de qualification de la responsabilité par
représentation dans son ensemble.

677. Ce décalage entre la pensée juridique et la pratique laisse penser que la nature
personnelle de la responsabilité des personnes morales n’est pas aussi évidente qu’il y paraît.
L’intérêt pour la question n’est pas uniquement d’ordre théorique et les conséquences
pratiques sont palpables. Par exemple, si la responsabilité des personnes morales est qualifiée
de responsabilité personnelle, l’obligation de réparation qui sera prononcée à son encontre
sera également personnelle. A l’inverse, si cette qualification est rejetée, la question reste
ouverte. C’est dans l’éventualité d’une action récursoire que ce débat revêt une importance
particulière. Nous verrons en effet ultérieurement que le mécanisme des recours repose
principalement sur la nature de la dette de réparation1668.

678. La reconnaissance de la responsabilité personnelle des personnes morales plus


partagée en doctrine. Si l'on s'en tient à la jurisprudence, la responsabilité des personnes
morales est, incontestablement, de nature personnelle. C'est en effet sur le fondement des
articles 1382 et 1383 du Code civil que la personne morale voit le plus souvent sa
responsabilité engagée1669. La doctrine est, en revanche, plus partagée. Globalement,

1667
Supra, n° 505 et s..
1668
Infra, n° 799 et s..
1669
Supra, n° 501 et s..

384
l’admission d’une responsabilité personnelle et directe s’insère dans le débat de la nature de la
personne morale. Fiction ou réalité, ce sujet a déjà été longuement abordé et, pour cette
raison, nous n’y reviendrons pas1670. A notre sens, le lien systématique entre la nature de la
personne morale et la nature de la responsabilité qu’elle encourt ne permet pas, toutefois, de
clore la controverse autour de cette question. Plus précisément, reconnaître la réalité de la
volonté de la personne morale n’emporte pas, définitivement, l’adhésion au concept de la
responsabilité personnelle : soit on admet l’existence d’une volonté propre, mais cette solution
n’est pas nécessairement exclusive d’une responsabilité du fait d’autrui (pour preuve, la
jurisprudence elle-même a oscillé entre ces deux pôles1671, bien que sa préférence actuelle
semble très largement favorable à la responsabilité personnelle1672) ; soit on la nie, et
l’hypothèse d’une responsabilité civile (personnelle ou du fait d’autrui) devrait être exclue
également.

679. En réalité, l’assimilation de la responsabilité de la personne morale au régime de la


responsabilité personnelle suppose que l’une des caractéristiques essentielles de cette
responsabilité ait été mise de côté : c’est toujours par le truchement d’un tiers que le
groupement personnalisé voit sa responsabilité engagée. Autrement dit, la justification de la
responsabilité personnelle de la personne morale repose sur un anthropomorphisme
paroxystique « dont la meilleure justification est la commodité »1673. De fait, certains auteurs
ont émis quelques réserves sur le caractère véritablement personnel de la responsabilité des
êtres moraux1674. A propos de la nature de la responsabilité des personnes morales, Madame
VINEY, par exemple, écrit que « selon l’opinion la plus répandue, il s’agirait là d’une
responsabilité pour fait personnel, l’organe ou le représentant, n’ayant pas juridiquement
d’indépendance par rapport à la personne morale qu’il incarne vis-à-vis des tiers. Pourtant
cette vue des choses nous paraît tout à fait théorique et même fictive. En effet, la finalité de ce
type de responsabilité consiste bien à faire endosser par une personne juridique (la personne
morale) les conséquences dommageables de l'activité d'une autre, (…) »1675 ; Monsieur LE

1670
Supra, n° 503 et s..
1671
Supra, n° 505 et s..
1672
Ibid..
1673
PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op. cité, spéc. n° 1372, p. 542.
1674
Parmi l’ensemble de la doctrine opposée à la reconnaissance d’une responsabilité personnelle, la majorité
s’appuie sur le caractère fictif de la personne morale. Cette thèse a déjà été présentée et nous ne reviendrons pas
sur ce point. Supra, n° 503 et s.. A l’inverse, d’autres auteurs, s’en prendre véritablement partie pour la théorie
de la réalité, rappellent que l’action des êtres moraux n’est possible que si une personne physique n’agit pour
elle. A notre sens, il s’agit là d’une caractéristique majeure à ne pas négliger, et c’est la raison pour laquelle nous
allons les privilégier dans les développements à suivre.
1675
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile, ouvrage précité, spéc. n° 788-7, p. 915.

385
TOURNEAU voit dans cette construction « un irréalisme prononcé »1676 parce que la personne
morale « ne peut pas être responsable subjectivement »1677 ; de même, Monsieur MESTRE
observait que « la personne morale ne pouvant s'exprimer et agir que par des représentants,
l'on sera toujours en présence de la volonté et de l'acte illicite d'un individu »1678. L’on peut
encore citer Messieurs TERRE, SIMLER et LEQUETTE qui affirment que « malgré l'importance
attachée à la théorie de la réalité des personnes morales et malgré l'utilisation du même mot,
à proprement parler, une personne morale n’a pas de volonté propre et, en ce sens, ne peut
pas commettre de fautes. (…) Agissant nécessairement par l'intermédiaire de personnes
physiques, elles ne pourraient être en bonne logique que responsables du fait d’autrui »1679 ;
Maurice LORNE, également, n’admet qu’exceptionnellement une responsabilité directe de la
personne morale, et uniquement lorsque cette dernière « exprime extérieurement sa
volonté »1680 (l’auteur illustre l’idée par la notion de délit collectif).

680. Synthèse. Les réticences manifestées par la doctrine à l’encontre de la nature


personnelle de la responsabilité des personnes morales nous paraissent parfaitement fondées.
Il est en effet difficile de ne pas prêter attention à la dissociation opérée entre la cause du
dommage imputable au dirigeant et les conséquences de ce dommage supportées par la
personne morale. Mais surtout, le fait générateur de responsabilité ne correspond pas
parfaitement à un fait personnel. celui-ci vient d’être défini comme un fait objectivement
libre, ce qui suppose qu’aucune contrainte n’ait pesée sur l’auteur du dommage au moment de
sa commission. Or, dans l’hypothèse d’une action par représentation, le représentant doit en
principe obéir à la volonté et / ou agir conformément aux intérêts du représenté. Plus
précisément, dans le cadre de l’activité des personnes morales, l’action du dirigeant est en
principe limitée par l’objet social et par les statuts qui règlent le fonctionnement de la société.
D’ailleurs, lorsque ce dernier sort des limites qui lui ont été fixées ou lorsqu’il utilise son
pouvoir de représentation dans un but contraire à ce qui a été fixé, sa responsabilité sera
généralement mise en cause, à l’exclusion de celle de la personne morale. C’est dire,
finalement, qu’il pèse certaines contraintes sur les épaules du dirigeant, ce qui ne permet pas
de considérer son fait comme un acte objectivement libre.

1676
PH. LE TOURNEAU, ouvrage précité, spéc. n° 1378, p. 545.
1677
Ibid..
1678
A. MESTRE, Les personnes morales et le problème de leur responsabilité pénale, thèse précitée, spéc. pp.
127 et s..
1679
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 725, p. 735. Sur ce point
voir également B. STARCK, thèse précitée, spéc. pp. 254 et s..
1680
M. LORNE, La responsabilité civile des personnes morales et de leurs représentants, thèse précitée, spéc. pp.
100 et s..

386
681. Par voie de conséquence, il semble que la responsabilité des personnes morales ne soit
pas une vraie responsabilité personnelle. Cette conclusion peut sans doute être tirée à l’égard
de toute responsabilité par représentation, et, en particulier, à propos de la responsabilité par
représentation du mandant pour le fait du mandataire.

2- L’approche théorique : le rejet de la nature personnelle de la responsabilité par


représentation

682. Problématique. L'examen de la responsabilité civile des personnes morales le suggère


: la responsabilité par représentation n'appartient pas à la catégorie des responsabilités de type
personnel. Deux arguments vont en ce sens : si l'on se place au niveau du représenté, le fait
générateur n'est pas un fait personnel ; si l'on se place du côté du représentant, le fait
générateur n'est pas un fait objectivement libre.

683. Le fait commis par représentation n’est pas un fait personnel. Le premier
argument a déjà été largement abordé1681, nous allons néanmoins le reprendre et l'expliquer.
Lors de la présentation du concept de la responsabilité civile personnelle1682, nous avons
rappelé que le principe, tel qu'il avait été voulu par les rédacteurs du Code civil et tel qu'il
était appliqué en droit positif, consiste en la commission du fait générateur par celui qui devait
en répondre1683. Manifestement, cette condition manque. Dans le cadre de la responsabilité
civile par représentation, celui qui cause le dommage (le représentant) n'est pas celui qui
répare (le représenté).

684. Le fait commis par représentation n’est pas un fait libre. Décisif, cet élément est
conforté par un second. En plus d'avoir été commis personnellement, le fait générateur d'une
responsabilité civile personnelle doit avoir été commis librement1684. Tel n'est pas le cas
lorsqu’il s’agit d’une responsabilité par représentation. En toute hypothèse, le représentant
demeure lié par les termes du pouvoir dont il est le titulaire1685 : le mandataire doit respecter le
contenu de la mission définie par le mandant1686 ; le représentant social doit agir

1681
Supra, n° 652 et s..
1682
Supra, n° 671 et s..
1683
Supra, n° 669 et s..
1684
Supra, n° 671 et s..
1685
Supra, n° 290 et s..
1686
Supra, n° 291 et s..

387
conformément à l’objet social tel qu’il a été défini dans les statuts1687. Or, si la faute visée par
les articles 1382 et 1383 du Code civil se définit comme l’acte illicite se rattachant à l’activité
libre de son auteur, c’est-à-dire celui accompli sans contrainte objective, alors l’obligation
d’agir selon les prescriptions ou les intérêts d’un donneur d’ordre exclut la liberté de l’acte
commis par représentation. Cela est vrai pour toutes les situations de représentation dans
lesquelles le dessaisissement du représenté n’a pas lieu. Cette absence de liberté dans l’action
est d’ailleurs particulièrement significative si l’on songe aux conséquences de la
désobéissance d’un représentant, par exemple un mandataire, à l’égard du donneur d’ordre.
En tout état de cause, celui-ci risque de voir sa responsabilité mise en œuvre. D’ailleurs, il
convient de se souvenir, qu’à titre d’obligation principale, le mandataire est tenu à une
obligation de diligence qui suppose, outre l’accomplissement de la mission, d’agir selon les
instructions du mandant1688. Cet aspect n’est pas propre au mandat, on le retrouve dans toute
hypothèse de responsabilité par représentation volontaire, qu’il s’agisse de la représentation
ad litem1689 ou de la représentation des personnes morales1690. En d’autres termes, l’action de
l’intermédiaire ne s’exerce jamais de façon tout à fait libre. En définitive, il apparaît ainsi
clairement que le fait commis par représentation ne peut recevoir la qualification de fait
personnel générateur d’une responsabilité personnelle.

685. Conclusion de la première section : la responsabilité par représentation est une


responsabilité sui generis. De la même manière que la responsabilité par représentation ne
répond pas aux exigences de la responsabilité civile du fait d'autrui, la responsabilité par
représentation ne correspond pas à celles de la responsabilité personnelle. Ni du fait d'autrui,
ni du fait personnel, le régime de la responsabilité par représentation est donc original et la
nature de cette responsabilité devra être définie au regard de ces particularités. A maints
égards, cette question est primordiale. Nous le verrons notamment lorsque nous aborderons
l’exercice d’une action récursoire du mandant (ou représenté) contre le mandataire (ou
représentant)1691. Mais surtout, si l’on considère que la responsabilité par représentation n’est

1687
Supra, n° 678 et s..
1688
Supra, n° 291 et s..
1689
Pour des applications de l’obligation de conseil à l’avocat : Civ. 1, 31 octobre 2012 – Pourvoi n° 11-15.529
(arrêt publié au bulletin) ; Civ. 1, 31 octobre 2012 – Pourvoi n° 11-17.288 ; Civ. 1, 15 mai 2007 – Pourvoi n° 05-
16.926 ; Bull. civ., 2007, I, n° 193 ; Civ. 1, 26 avril 2000 - Pourvoi n° 97-18.866.
1690
Sur l’obligation de loyauté du dirigeant, corollaire de l’obligation de diligence dans le cadre des fiduciary
duties (supra, n° 220 et s.), qui est apparue dans un arrêt rendue par la Chambre commerciale le 27 février 1996
(Com., 27 février 1996 – Pourvoi n° 94-11.241 ; Bull. civ., 1996, IV, n° 65 : JCP G., 1996, II, 22665) voir
l’étude de Madame DAILLE-DUCLOS : B. DAILLE-DUCLOS, « Le devoir de loyauté du dirigeant », JCP E., 1998,
p. 1486.
1691
Infra, n° 700 et s..

388
ni une responsabilité du fait personnel, ni une responsabilité du fait d’autrui, l’hypothèse d’un
nouveau droit commun surgit. Cette option éclaire d’un jour nouveau l’éventualité d’un
conflit ou, à tout le moins, d’un concours entre la responsabilité par représentation et un autre
régime général de responsabilité. A condition, toutefois, que son autonomie soit
définitivement avérée.

389
Section 2 – L’autonomie de la responsabilité par représentation

686. La notion d’autonomie. Bien souvent, l’originalité, dans la conception ou dans la


mise en œuvre d’une règle juridique, constitue l’antichambre de son autonomie1692. Ce
concept est en effet fréquemment invoqué lorsque la mise en œuvre d’un régime comporte
« des solutions du droit positif [qui] divergent du droit commun » afin de retrouver « la
cohérence à l'intérieur de parties isolées »1693. Cela est particulièrement visible dans les
disciplines qui se sont construites afin de remédier à certaines insuffisances ou contrariétés
relatives à l’application de ce que l’on a coutume d’appeler le droit commun1694. Le droit
commercial1695, par exemple, avait pour finalité l’amélioration de la protection des
commerçants ; le droit de la consommation1696, également, se devait de corriger les
déséquilibres inhérents aux relations contractuelles nouées entre un professionnel et un
profane ; le droit du travail1697, encore, avait vocation à effacer les « vice[s] civiliste[s]
originel[s] »1698.

1692
Pour des références générales à la notion d’autonomie voir not. : AU. BALLOT-LENA, La responsabilité civile
en droit des affaires, des régimes spéciaux vers un droit commun, thèse précitée, spéc. n° 17, p. 24 et n° 478 et
s., pp. 439 et s. ; CH. GOLDIE-GENICON, Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit
spécial des contrats, thèse précitée, spéc. n° 70 et s., pp. 105 et s., et en part. n° 90 et s., pp. 132 et s. ; C.
D’HAILLECOURT, Droit pénal technique et droit pénal, sous la direction de Monsieur J.-C. SOYER, PARIS II,
thèse dactylo., 1983, spéc. n° 575 et s., pp. 601 et s. ; B. SAINTOURENS, Essai sur la méthode législative : droit
commun et droit spécial, thèse précitée, spéc. n° 191 et s., pp. 236 et s.. Voir également J.-P. CHAZAL,
« Réflexions épistémologiques sur le droit commun et les droits spéciaux », in Etudes de droit de la
consommation, Liber amicorum Jean CALAIS-AULOY, op. cité, p. 279, spéc. pp. 288 et s. ; R. GASSIN, « Lois
spéciales et droit commun », op. cité ; F. GRUA, « Les divisions du droit », R.T.D. Civ., 1992, pp. 59 et s., spéc.
n° 27.
1693
F. GRUA, article précité, spéc. n° 27. Dans le même sens, voir C. D’HAILLECOURT, thèse précitée, spéc. n°
575, p. 601.
1694
Pour le rôle de « matrice » traditionnellement attribué au droit civil : supra, n° 619 et s...
1695
Dès la fin du XIXème siècle, DELAMARRE et LE POITVIN affirment que « c'est la conformité ou la non-
conformité d’une disposition civile avec le droit naturel et l'intérêt du commerce qui fait que cette disposition est
ou n'est pas applicable à la vente commerciale ». M. DELAMARRE et M. LE POITVIN, Traité théorique et pratique
de droit commercial, Tome IV, PARIS, Charles Hingray, nouvelle édition, 1861, spéc. n° 11, p. 22. Plus
récemment voir P. et PH. DIDIER, Droit commercial, Tome 1, Introduction générale – L’entreprise commerciale,
Economica, Coll. Corpus Droit privé, par N. MOLFESSIS (dir.), 2005, spéc. n° 1 et s., pp. 1 et s..
1696
Sur cette question voir not. : G. ROUHETTE, « "Droit de la consommation" et théorie générale du contrat », in
Etudes offertes à René RODIERE, Dalloz, 1981, pp. 247 et s. ; D. BUREAU, « Remarques sur la codification du
droit de la consommation », D., 1994, chron. 291 ; J.-P. CHAZAL, art. précité.
1697
Sur cette question voir not. : P. DURAND, « Le particularisme du droit du travail », Droit social, 1945, pp.
298 et s. ; M. DUVERGER, « Essai sur l’autonomie du droit professionnel », Droit social, 1944, pp. 276 et s. ; P.
LAROQUE, « Contentieux social et juridiction sociale », Droit social, 1954, pp. 271 et s. ; G.-H. CAMERLYNCK,
« L’autonomie du droit du travail », D., 1956, chron. p. 23 ; G. LYON-CAEN, « Du rôle des principes généraux du
droit civil en droit du travail », R.T.D. Civ., 1974, p. 229. Voir également les conclusions de Monsieur le
Procureur général TOUFFAIT, sous Chambre mixte, 21 juin 1974, Droit social, 1974, p. 454.
1698
Conclusions de Monsieur le Procureur général TOUFFAIT, op. cité, spéc. p. 465.

390
687. Cette longue1699 tradition autonomiste ne fait pourtant pas l’unanimité. Pour nombre
d’auteurs, l’idée même qu’un droit puisse véritablement être autonome est niée. GENY,
notamment, écrit qu’« aucun droit ne peut être autonome dans la pure et complète acception
du mot »1700. TROTABAS, également, reconnaît que le droit fiscal est « nécessairement
tributaire du droit privé »1701. Par ailleurs, il a été admis que « le droit de la consommation
n’est pas autonome » car « il ne se suffit pas à lui-même »1702, ou encore, que le droit
maritime empruntait constamment « aux concepts et aux distinctions du droit privé
général »1703. Considérée trop rigoureuse, la notion d’autonomie a ainsi été concurrencée par
d’autres terminologies approchantes. L’on a ainsi évoqué le caractère « spécifique » du droit
rural1704, la « particularité » du droit du travail1705, du droit fiscal1706 ou du droit maritime1707
car, au sens strict, l’autonomie n’est pas envisageable dès lors qu’aucune de ces branches du
droit ne s’affranchit totalement de l’ordre juridique dans lequel elles s’insèrent.

688. Manifestement, les difficultés à reconnaître l’autonomie d’un droit ou d’une branche
du droit proviennent de l’impossibilité d’admettre qu'un droit puisse n’exister que par lui-
même. Or, dans sa conception la plus rigoureuse, l’autonomie est synonyme d'autarcie et
conduit à rejeter toute règle étrangère à la matière. Cette conception n’est certainement pas
viable1708 et, en tout état de cause, inapplicable à la responsabilité par représentation. Dans
l’idée où celle-ci serait une branche autonome de la responsabilité civile, il n'en reste pas
moins qu’elle emprunterait nécessairement aux principes généraux du droit de la
responsabilité, de la même manière que la responsabilité du fait d'autrui et la responsabilité du
fait des choses s’appuient sur certains principes fondamentaux1709. C'est donc vers une

1699
C’est en effet dès la fin du XIXème siècle que les premiers élans autonomistes ont vu le jour. (Voir, à propos
de l’autonomie du droit commercial, DELAMARRE et LE POITVIN, ouvrage précité.) Les fiscalistes prirent le relais
au début du XXème siècle avec, en chef de file, le doyen TROTABAS : voir not. « Les rapports du droit fiscal et
du droit privé », D.H., 1926, chron. 29.
1700
F. GENY, « Le particularisme du droit fiscal », R.T.D. Civ., 1931, p. 797.
1701
L. TROTABAS, « Essai sur le droit fiscal », Revue de science et de législation financière, 1928, pp. 201 et s..
1702
J. CALAIS-AULOY, « L’influence du droit de la consommation sur le droit des contrats », in Droit du marché
et droit commun des obligations », R.T.D. Com., 1998, p. 115. Dans le même sens voir D. BUREAU, «
Remarques sur la codification du droit de la consommation », op. cité, spéc. n° 29, p. 297.
1703
R. RODIERE, « Le particularisme du droit maritime », Le droit maritime français, 1974, pp. 194 et s., spéc. n°
7, p. 205.
1704
L. LOREVELLEC, « Y a-t-il une spécificité des contrats ruraux », in Le droit contemporain des contrats, bilan
et perspectives - Actes du séminaire de l'année universitaire 1985-1986, RENNES, travaux coordonnés par L.
CADIET, préface de Gérard CORNU Economica, coll. Travaux et recherches, 1987, pp. 207 et s..
1705
P. DURAND, « Le particularisme du droit du travail », art. précité.
1706
F. GENY « Le particularisme du droit fiscal », art. précité.
1707
R. RODIERE, « Le particularisme du droit maritime », art. précité.
1708
Nous empruntons l’expression à Madame GOLDIE-GENICON : thèse précitée, not. n° 93, p. 135.
1709
Quelle que soit la branche du droit de la responsabilité civile, il est exigé un fait dommageable, un préjudice
et un lien de causalité entre ces deux premiers éléments.

391
conception plus souple que nous préférons nous tourner, c'est-à-dire vers une conception qui
« n’emporte pas affranchissement absolu, rupture radicale de la branche considérée avec le
droit commun »1710, mais permet, plus simplement, « de refouler les dispositions étrangères
jugées indésirables, parce que contraire à son esprit et aux objectifs qu'il poursuit, pour y
substituer des principes propres à la matière »1711. D'une certaine manière, l'autonomie ainsi
entendue fait office de « filtre »1712 afin d’assurer, dans la mesure du possible, la finalité
recherchée. En d’autres termes, il y a autonomie lorsqu’une matière juridique « trouve en elle-
même sa propre source de règles »1713.

689. Plan. Il conviendra donc, dans un premier temps, de rechercher de quelle manière la
responsabilité par représentation tend à s’affirmer comme un régime de responsabilité
autonome, sans chercher à s’affranchir de ce qui constitue le socle de la matière (§1). La
confirmation de l’existence d’un nouveau droit commun de la responsabilité1714 civile
amènera de nouvelles interrogations à propos de son organisation. En raison de l’importance
de la dialectique droit commun – droit spécial1715, l’idée d’un droit commun sans disposition
particulière semble peu viable. Or, si c’est à partir de la responsabilité dans le mandat que la
responsabilité par représentation a pu être révélée, il est désormais acquis que ces règles sont
applicables en dehors du mandat1716. Pour cette raison, il conviendra d’appréhender les liens
existants entre la responsabilité par représentation du mandant au sens strict et la
responsabilité par représentation au sens large (§2).

§1- Les manifestations de l’autonomie

690. Plan. L’adoption d’une conception de l’autonomie suppose la réunion de deux


conditions. Plusieurs auteurs1717 s’accordent en effet pour affirmer qu’un droit est autonome

1710
CH. GOLDIE-GENICON, thèse précitée, spéc. n° 97, p. 139.
1711
Ibid.. Souligné par l’auteur.
1712
F. GRUA, article précité, spéc. n° 20.
1713
J.-P. CHAZAL, art. précité, spéc. p. 289. En ce sens voir également : C. D’HAILLECOURT, thèse précitée, spéc.
n° 577 et s., pp. 603 et s. ; B. SAINTOURENS, thèse précitée, spéc. n° 203 et s., pp. 245 et s.. Pour l’auteur, le
critère déterminant est toutefois celui de l’existence de juridictions ou d’institutions spécialisées : op. cité, spéc.
n° 193 et s., pp. 236 et s.. Voir également R. GASSIN, art. précité, spéc. n° 19, p. 97.
1714
Sur la pluralité des droits communs en droit de la responsabilité civile : supra, n° 623 et s..
1715
Supra, n° 615 et s...
1716
A propos de la responsabilité des personnes morales : supra, n° 511 et s. ; à propos de la responsabilité par
représentation des personnes physiques en dehors du mandat : supra, n° 573 et s ..
1717
Voir en particulier AU. BALLOT-LENA, thèse précitée, spéc. n° 17, pp. 24-25. C. D’HAILLECOURT, thèse
précitée, spéc. n° 587 et s., pp. 611 et s..

392
lorsque les règles qui le composent peuvent être interprétées à partir de principes qui lui sont
propres, et lorsque ces règles forment un ensemble cohérent, c’est-à-dire lorsqu’elles
constituent un ensemble harmonieux et rationnel1718. Seule la réunion de ces deux conditions
permet d’envisager l’avènement d’un droit autonome. C’est la raison pour laquelle la
spécificité (A) et l’homogénéité (B) des règles de la responsabilité par représentation devront
être attestées pour que l’autonomie du régime soit certifiée.

A- La spécificité des règles de la responsabilité par représentation

691. Plan. La particularité des règles ou de la mise en œuvre des règles de la responsabilité
par représentation ne fait guère de doute tant leur originalité est grande (1). Mais c’est surtout
l’existence d’un domaine d’application qui lui est propre qui atteste de sa spécificité (2).

1- L’examen de la spécificité des règles de la responsabilité par représentation

692. La dissociation entre le fait générateur de responsabilité et l’obligation de


réparation. L’aspect le plus original se constate au travers de la dissociation entre le fait
générateur de responsabilité et l’obligation de réparation. Si cet élément apparaît commun
avec la responsabilité du fait d’autrui, une analyse plus approfondie montre toutefois de
profondes différences. Alors que le « fait d’autrui » est matériellement et juridiquement
imputable à autrui1719, le fait commis par le représentant n’est pas juridiquement imputable à
son auteur mais au seul représenté1720. Cela signifie que, contrairement à la responsabilité du
fait d’autrui, le représentant n’est jamais responsable à l’égard des tiers1721 alors qu’autrui
n’est jamais irresponsable, en théorie du moins1722. Autrement dit, au stade de l’obligation à la

1718
D’autres auteurs ajoutent un critère : celui d’une juridiction spécialisée (voir, not., B. SAINTOURENS, thèse
précitée, spéc. n° 193 et s., pp. 236 et s. ; M. DUVERGER, art. précité ; P. LAROQUE, « Contentieux social et
juridiction sociale », art. précité.).
1719
Supra, n° 629 et s..
1720
Supra, n° 652 et s..
1721
Hormis les hypothèses, évidemment, où le représentant est sorti du cadre de la représentation. Supra, n° 539
et s..
1722
Cela est également vrai pour la responsabilité du commettant pour le fait de son préposé puisque, nous
l’avons vu, l’immunité dont il est bénéficiaire n’est qu’une immunité de nature procédurale. Supra, n° 632 et s..

393
dette, l’intermédiaire s’efface, ce qui n’est pas exact dans le cadre de la responsabilité du fait
d’autrui.

693. Par conséquent, la dette de réparation qui en résulte sera, non pas la dette d’autrui,
mais la dette personnelle de celui à qui elle est imposée1723. A nouveau, cet élément fait
référence à une branche de la responsabilité bien connue (celle définie par les articles 1382 et
1383 du Code civil) ; mais, de la même manière, la dissociation qui s’opère entre la cause du
dommage et l’obligation de réparation met un terme à toute comparaison.

694. La spécificité du rapport de représentation. Pourtant, le rapport particulier observé


entre le représenté et le représentant aurait pu sembler incompatible avec l’idée d’une
irresponsabilité de l’intermédiaire, en particulier lorsque le représenté est un profane qui fait
appel aux services d’un professionnel. Mais cette responsabilité se justifie avant tout par le
principe du risque-profit1724, à l’exclusion du risque-autorité propre à la responsabilité du fait
d’autrui1725. Or, en présence d’une situation de représentation, la répartition des intérêts est
immuable : ce sont ceux du représenté qui guide l’action du représentant. C’est la raison pour
laquelle un rapport de représentation se substitue au rapport d’autorité propre à la
responsabilité du fait d’autrui.

695. De ce fait, le représenté ne dispose, envers celui qui agit en son nom, d’aucune autre
prérogative que celle de donner des instructions, alors que le garant d’autrui est titulaire d’un
pouvoir de direction, de contrôle et d’organisation du mode de vie ou des activités d’autrui.
Aussi n’est-il tenu d’aucune obligation de surveillance, de sécurité ou autre. A l’inverse, le
représentant est soumis au respect d’au moins deux obligations bien définies : celle de
respecter les instructions émises et celle d’agir conformément aux intérêts du maître de
l’affaire.

696. L’originalité du régime juridique des actions récursoires. C’est la raison pour
laquelle le mécanisme des actions récursoires revêt autant d’importance dans le cadre de la
responsabilité par représentation. En effet, la mise en œuvre de la responsabilité civile du
représenté à l’égard des tiers est manifestement contraire à ses intérêts et fait nécessairement
naître la suspicion sur le bien-fondé de l’action du représentant. Aussi doit-il répondre de ses
actes et, le cas échéant, les réparer. C’est ainsi que les actions récursoires du représenté sont

1723
Supra, n° 809 et s..
1724
Supra, n° 28 et s..
1725
Supra, n° 645 et s..

394
largement et généralement ouvertes, ce qui n’est pas toujours vrai dans toutes les
responsabilités du fait d’autrui. Le commettant, par exemple, ne peut se retourner contre son
préposé qui bénéficie d’une immunité civile lorsque la faute a été commise dans l’exercice de
ses fonctions1726. Dans cette hypothèse, seules certaines fautes de nature à engager la
responsabilité personnelle du préposé (une faute pénale intentionnelle, par exemple) limitent
l’application de l’immunité1727. Parallèlement, les parents sont, en théorie, admis à exercer
une action récursoire contre leur enfant (sauf l’hypothèse d’un fait causal de l’enfant) ; mais,
en pratique celle-ci est, pour des motifs d’ordre moral (une action récursoire dans le cadre de
la famille est souvent malvenue) ou patrimonial (il est rare que l’enfant soit plus solvable que
ses parents), inexistante.

697. En tout état de cause, l’exercice de ces actions récursoires sera soumis à l’examen du
rapport juridique qui unit le représenté au représentant1728 alors que, dans le cadre de la
responsabilité du fait d’autrui, celles-ci s’appuient sur le lien primo-responsable – victime1729.
En effet, la représentation étant un mécanisme tourné vers les tiers, les relations réciproques
entre le maître de l’affaire et l’intermédiaire demeurent et c’est ce seul lien de droit qui
déterminera la portée du recours. C’est sans doute l’une des spécificités les plus affirmées de
la responsabilité par représentation, celle au travers de laquelle on prend conscience de
l’intime enchevêtrement entre la relation interne et la relation externe. Il est indubitable, en
effet, que l’une ne peut exister sans l’autre.

698. Synthèse. A l’évidence, l’originalité des règles de la responsabilité par représentation


est attestée. L’hypothèse d’un régime de responsabilité autonome s’affirme, ce que vient
confirmer l’examen du domaine d’application de cette responsabilité.

2- Le domaine propre de la responsabilité par représentation

699. L’utilisation du domaine d’application. A partir du critère du domaine


d’application, Monsieur POUMAREDE démontre que « la révélation d’un conflit entre deux
régimes de responsabilité met en lumière une relation de commun à particulier entre

1726
Supra, n° 398 et s..
1727
Ibid..
1728
Supra, n° 919 et s..
1729
Supra, n° 629 et s..

395
eux »1730. Il distingue le conflit du concours, c'est-à-dire la lutte ou l’opposition (lorsqu’un
régime est inclus dans un autre) de la rencontre (lorsque les deux régimes en question sont
totalement distincts). Pour l’auteur, le domaine d’application est celui qui détermine
« l’ensemble des personnes ou des matières auxquelles s’applique une règle »1731. Il définit
ainsi quatre régimes de responsabilité de droit commun selon que le dommage résulte d’un
fait de l’homme, d’un fait d’autrui, du fait d’une chose ou du fait de l’inexécution d’une
obligation contractuelle1732.

700. L’existence d’un conflit entre la responsabilité par représentation telle que nous
l’avons définie et l’un de ces régimes de responsabilité signifierait donc l’existence d’une
relation de commun à particulier entre ces règles de responsabilité et celles dont elles
émanent. Il convient donc de regarder si, par hypothèse, le fait commis par le représentant
constitue une variété du fait de l’homme au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil. Dans
la négative, ce fait dommageable pourrait encore constituer une déclinaison du fait d’autrui tel
qu’il est spécifié à l’alinéa 1 de l’article 1384 du Code civil1733. A défaut, c’est plus
probablement l’idée d’un concours de responsabilités qui se profilera et, certainement, d’un
nouveau droit commun de la responsabilité civile. L’intérêt de ces développements est de
déterminer s’il y a conflit entre la responsabilité par représentation et l’un des régimes
classiques de responsabilité civile. Ceci afin d’apporter des éléments de réponses à
l’éventuelle rencontre entre l’une ou l’autre de ces règles avec la responsabilité par
représentation. Par exemple, lorsque le mandant revêt également la qualité de commettant,
peut-on appliquer de manière cumulative les deux régimes ou l’un des deux doit-il évincer
l’autre.

701. Le domaine d’application de la responsabilité par représentation. Au premier


regard, le fait générateur de responsabilité par représentation est comparable, à un double
titre, au fait personnel. D’une part, le fait dommageable est un fait matériellement et
personnellement commis par le mandataire ou représentant ; d’autre part, les conséquences
dommageables du fait générateur de la responsabilité par représentation sont personnellement
imputées au mandant ou représenté, comme s’il avait causé lui-même le dommage. Cette
analyse est d’ailleurs largement confortée par la jurisprudence qui, sur le fondement des

1730
M. POUMAREDE, op. cité, spéc. n° 189, p. 136.
1731
Ibid., spéc. n° 131, p. 97.
1732
Ibid., spéc. n° 164 et s., pp. 120 et s..
1733
Nous excluons la possibilité que le fait commis par le représentant émane de la responsabilité du fait des
choses ou de la responsabilité du fait de l’inexécution d’une obligation contractuelle puisque, en tout état de
cause, le représentant n’est pas une chose et n’est pas lié par un contrat avec le tiers lésé.

396
articles 1382 et 1383 du Code civil, considère, dans le cadre de la responsabilité civile des
sociétés et autres groupements, que « la personne morale répond des fautes dont elle s’est
rendue coupable par ses organes »1734 et par la doctrine qui, pour une large part, assimile la
responsabilité des êtres désincarnés à une responsabilité personnelle1735. En dépit de cela,
nous avons vu que l’absorption du fait générateur de la responsabilité par représentation par le
fait personnel défini par les articles 1382 et 1383 du Code civil nous semblait quelque peu
abusive1736. En tout état de cause, elle suppose une déformation du concept de la faute au sens
des articles précités. En premier lieu, si le fait commis par représentation est personnel à un
double point de vue, c’est parce que la cause est dissociée de ses effets. Or, selon les articles
1382 et 1383 du Code civil, l’auteur du dommage est aussi celui qui répare. Autrement dit,
dans le premier cas, la conception du fait générateur de responsabilité est duale ; dans le
second, elle est unitaire. En second lieu, si l’on admet que le fait de l’homme se définisse
comme un fait objectivement libre1737, force est de constater que, à tous les points de vue, le
fait générateur de la responsabilité par représentation ne correspond pas à ces caractéristiques.
Si l’on se place du côté du représentant, la condition d’activité libre est niée puisque la
commission du fait générateur intervient dans un cadre préalablement défini par le donneur
d’ordre1738 ; si l’on se place du côté du représenté, l’extériorité de ce dernier à la commission
du fait dommageable exclut la qualification de fait libre. Par voie de conséquence, la
responsabilité par représentation ne devrait pas évincer la responsabilité du fait personnel (par
exemple, lorsque une faute est retenue à l’encontre du mandant, une culpa in eligendo
notamment). L’intérêt de cette question demeure néanmoins éminemment théorique, les effets
pratiques étant relativement proches.

702. La dissociation entre la cause et les effets de la faute génératrice de responsabilité


suggère alors plus probablement l’idée d’une responsabilité du fait d’autrui. Mais, là encore,
l’assimilation du fait commis par représentation au fait d’autrui n’est pas évidente. En effet, si
l’on définit le fait d’autrui comme un fait autonome et libre qui a été commis personnellement
pas son auteur1739, l’on suppose alors que tous les éléments constitutifs de la faute ont été
constitués en la personne d’autrui. Or, si l’on confronte cette assertion au mécanisme de la
représentation, cette conclusion est toutefois peu plausible car il appartient à l’auteur matériel
1734
Civ. 2, 17 juillet 1967 – Bull. civ., 1967, II, n° 261. Nous soulignons. Pour d’autres illustrations de la
responsabilité personnelle des personnes morales, supra, n° 505 et s..
1735
Supra, n° 503 et s..
1736
Supra, n° 680 et s...
1737
Supra, n° 671 et s..
1738
Supra, n° 680 et s..
1739
Supra, n° 629 et s..

397
de la faute (le représentant) d’exprimer et de traduire fidèlement la volonté de son donneur
d’ordre1740. Autrement dit, l’élément moral pose question. Par ailleurs, les effets juridiques du
fait du représentant se distinguent de ceux du fait d’autrui. Alors que le second entraîne
l’ajout d’une nouvelle responsabilité, celle du répondant « pour » autrui ; le premier déporte
les conséquences juridiques du fait générateur de responsabilité sur la tête du représenté :
c’est une responsabilité « par » autrui1741.

703. Il convient alors d’admettre que le domaine de la responsabilité par représentation ne


se confond avec aucun des régimes traditionnels de la responsabilité civile, ce qui chasse
définitivement la qualification de régime particulier. Le fait générateur de la responsabilité par
représentation n’est pas exactement un fait de l’homme déterminant l’applicabilité de la
responsabilité du fait personnel parce qu’il n’oblige pas celui par la faute duquel il est arrivé à
le réparer. De même, le fait dommageable n’est pas parfaitement un fait d’autrui parce que les
conséquences préjudiciables sont imputées au responsable comme s’il avait causé lui-même le
dommage. Reste, néanmoins, à en préciser le domaine, c'est-à-dire à procéder à
l’identification du potentiellement responsable1742. Or, dans le cadre de la responsabilité par
représentation, lorsque le fait du représentant a causé à autrui un dommage, c’est au
représenté de réparer, à condition que les conditions internes à ce régime de responsabilité (un
rapport de représentation suffisamment libre et éclairé notamment) soient constituées.
Autrement dit, le domaine de la responsabilité par représentation se définit par le « fait
désintéressé du représentant » qui ne se confond ni avec le « fait personnel » dont disposent
les articles 1382 et 1383 du Code civil, ni avec le « fait d’autrui » défini au premier alinéa de
l’article 1384 du même Code. Il n’y aura donc pas conflit ou opposition entre le nouveau
régime et les régimes classiques. Il y aura, plus simplement, concours entre ces différentes
responsabilités. Il semblerait donc bien que la responsabilité par représentation puisse être
érigée au rang de nouveau droit commun de la responsabilité civile.

704. Les manifestations de la qualification de droit commun. En pratique, cette prise de


distance se révèle à tous les niveaux. A l’épreuve, aucune des caractéristiques classiquement
attribuées aux droits spéciaux de la responsabilité civile ne peut être relevée. Ainsi, les règles
de la responsabilité par représentation ne sont pas des règles dérogatoires de droit commun

1740
Supra, n° 291 et s..
1741
Supra n° 663 et 664 ; infra n° 807 et s..
1742
M. POUMAREDE, op. cité, spéc. n° 167, p. 121.

398
puisque, pour qu’il y ait dérogation1743, encore faudrait-il que la règle litigieuse conduise à
l’éviction d’une règle générale. Or, on ne retrouve pas de telles dispositions dans le contenu
de ce régime de responsabilité dès lors qu’elles ne prennent appui sur aucun élément du
régime général. Par ailleurs, la responsabilité par représentation n’a pas non plus pour objet
d’aménager, d’adapter ou même de préciser une quelconque règle du droit commun de la
responsabilité civile. Pour preuve, aucune référence n’est faite à l’un ou l’autre des régimes de
droit commun de la responsabilité civile.

705. Il est vrai, toutefois, que la responsabilité par représentation repose sur le souhait
clairement affiché d’améliorer la répartition de l’indemnisation lorsque le dommage subi par
le tiers cocontractant est causé par le représentant alors même que ce dernier n’a aucun intérêt
à l’opération effectuée. Bien que cet élément soit caractéristique d’une responsabilité
spéciale1744, il ne suffit pas, à lui seul, pour retenir cette qualification, parce que les règles
auxquelles il est fait appel dévoilent la très grande originalité d’un régime (une responsabilité
réputée personnelle, la dissociation entre la commission et l’imputation du fait générateur de
responsabilité, …) qui ne s’applique qu’à un domaine précis. De ce fait, l’appellation « droit
commun » semble mieux appropriée.

706. Synthèse. Au terme de ces développements, la spécificité de la responsabilité par


représentation apparaît clairement. S’il était nécessaire de la constater, cette originalité n’est
toutefois pas suffisante pour confirmer l’existence d’un nouveau droit commun. Il convient en
effet de vérifier que l’ensemble de ces règles forment un ensemble homogène et cohérent.

B- L’homogénéité des règles de la responsabilité par représentation

707. Problématique. Selon Madame D’HAILLECOURT, « pour mériter la qualification


d’autonomie, un droit doit être composé de règles propres qui forment un tout, un
ensemble »1745. Pour l’auteur, cela suppose que soient démontrées l’indivisibilité et la
cohérence des règles propres au régime1746. Il s’agit là de deux aspects dont la responsabilité
par représentation n’est pas dépourvue.

1743
Dico. Le Capitant. Le Robert : v° « Dérogation ».
1744
Supra, n° 615 et s..
1745
C. D’HAILLECOURT, thèse précitée, spéc. n° 587, p. 611.
1746
Ibid., thèse précitée, spéc. n° 591 et s., pp. 614 et s..

399
708. L’indivisibilité des règles de la responsabilité par représentation. L’exigence
d’indivisibilité signifie que « les dispositions indivisibles se complètent et se soutiennent »1747
afin de pouvoir « les encadrer et les coordonner dans un système harmonieux »1748.
Autrement dit, l’indivisibilité souligne l’unité des règles évoquées, c’est-à-dire l’impossibilité
pour elles de trouver justification et, parfois même, de survivre sans la présence ou
l’assistance d’autres règles. C’est ce que l’on constate à propos de la responsabilité par
représentation. Prises seules, les règles relatives à l’obligation à la dette pourront parfois
sembler difficilement défendables si on ne les considère dans un plus large débat. Comment
soutenir, en effet, la mise en œuvre de la responsabilité d’un représenté profane pour le fait de
son représentant professionnel et, par voie de conséquence, l’irresponsabilité du professionnel
qui peut avoir mal agi. A l’inverse, la professionnalité du donneur d’ordre pourrait suffire à
expliquer sa responsabilité à l’égard des tiers. Toujours est-il que, selon les situations, le lien
de représentation présente des disparités telles qu’il est difficile de toutes les appréhender et
de leur trouver une justification commune. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la
responsabilité par représentation, l’action en contribution présente autant d’importance et
s’impose comme une étape incontournable1749. Le régime des actions récursoires rappelle
d’ailleurs à quel point l’obligation à la dette est indissociable de la contribution à la dette (et
réciproquement) : si la mise en œuvre de la responsabilité du représenté se justifie par la
technique représentative, l’exercice des actions récursoires exige l’examen du contenu du
rapport principal puisque, en tout état de cause, le pouvoir dont le représentant est titulaire est
déterminé par la volonté du représenté.

709. La cohérence des règles de la responsabilité par représentation. L’indivisibilité de


ces dispositions exprime par ailleurs relativement bien la cohérence de la responsabilité par
représentation. Car si « la cohérence des règles suppose la poursuite d’un même but »1750,
celui-ci est parfaitement bien assuré. En effet, la nécessité de rénover les règles de la
responsabilité civile dans le mandat est née d'une prise de conscience : celle de l'insuffisante
protection des intérêts en présence. Face à la multitude des règles mises en œuvre, le tiers se
trouvait dans une situation telle qu'il était difficile pour lui - mais également pour les parties
au contrat principal -, de prévoir l'issue d'un procès en responsabilité civile. Cela d'autant plus
qu'aucun argument de fond ne permettait véritablement d'expliquer pourquoi la jurisprudence

1747
G.-H. CAMERLYNCK, « L’autonomie du droit du travail », art. précité, spéc. p. 26.
1748
P.-B. DERTILIS, « Considérations sur le problème de l’autonomie du droit fiscal ou plus généralement du
droit financier », cité par C. D’HAILLECOURT, thèse précitée, spéc. n° 591, p. 614.
1749
Infra, n° 791 et s..
1750
C. D’HAILLECOURT, thèse précitée, spéc. n° 592, p. 613.

400
préférait se tourner, selon les espèces, vers la responsabilité du fait personnel ou au contraire
la responsabilité du fait d'autrui1751. D’autre part, la primauté accordée à la responsabilité
personnelle faisait montre d'une vigueur parfois excessive à l'égard du mandataire, et, à
l'inverse, d'une souplesse sans doute condamnable à l'égard du mandant. Or, l’évolution du
mandat a montré que ce contrat attirait de plus en plus de professionnels et que le donneur
d’ordre était souvent une personne avertie.

710. La proposition d'une responsabilité par représentation avait précisément pour objectif
de remédier à ces difficultés. Nous croyons que cette finalité est atteinte. Non seulement, dans
le cadre de l'obligation à la dette, le tiers bénéficie de règles prévisibles ; mais surtout, lors de
l’action en contribution, l’analyse du rapport interne favorisera la prise en compte de leurs
compétences et intérêts respectifs.

711. Il ressort de ces développements, qu’à la différence des autres droits communs de la
responsabilité civile, la finalité première de la responsabilité par représentation n’est pas
essentiellement réparatrice. Elle se définit avant tout par la volonté de respecter l’équilibre
initialement créé par les parties au mandat. (Où l’on voit le lien étroit qui unit le rapport
interne et le rapport externe.) De ce fait, il apparaît que le centre de gravité se déplace du
dommage vers le fait générateur. Qu’il s’agisse du contexte dans lequel il est commis (la
représentation) ou de son contenu (absence d’intérêt personnel de l’auteur matériel), c’est
l’analyse de celui-ci qui constituera le prélude à toute mise en œuvre de ces règles de
responsabilité.

712. Conclusion. Il apparaît désormais que la responsabilité par représentation présente


toutes les caractéristiques d’un droit autonome. De ce fait, il est définitivement possible de la
ranger parmi la catégorie des droits communs de la responsabilité civile. Reste que toutes les
questions n’ont pas été résolues, et, en particulier, celle de son organisation. En effet, si
la responsabilité par représentation a été révélée dans le cadre du contrat de mandat 1752, elle a
pu être constatée dans d’autres domaines, notamment celui de la responsabilité des personnes
morales1753. Il convient donc, à présent, de s’interroger sur les liens éventuels entre la
« responsabilité par représentation » largo sensu d’une part, et la « responsabilité par
représentation du mandant pour les faits du mandataire » ou « la responsabilité par
représentation des personnes morales » d’autre part.

1751
Supra, n° 346 et s..
1752
Supra, n° 482 et s..
1753
Supra, n° 511 et s..

401
§2- L’organisation de la responsabilité par représentation

713. L’affirmation du caractère universel. La révélation du caractère autonome de la


responsabilité par représentation confirme l’universalité du nouveau régime, applicable à
toutes situations de représentation à partir du moment où les conditions qui la constituent sont
réunies1754. Au regard de la conception que nous avions proposée de la technique
représentative1755, la généralité du principe se conçoit aisément. En rejetant l’hypothèse d’un
mécanisme dual1756, nous avions affirmé que la représentation « est ou n’est pas », mais que si
elle était, il était impossible de choisir la manière dont ses effets seraient mis en œuvre, qu’il
s’agisse du moment ou de l’étendue de l’imputation des conséquences juridiques de l’action
du représentant dans le patrimoine du représenté. Or, puisque nous avons défini l’effet
principal de la représentation comme la mise en place automatique d’un lien obligatoire entre
les parties extrêmes1757, alors il devrait être impossible au représenté de se soustraire à la mise
en œuvre de sa responsabilité par représentation, puisqu’il s’agit de l’une des conséquences
possibles du mécanisme1758.

714. L’élévation de la responsabilité par représentation au rang de droit commun de la


responsabilité civile annonce une question fondamentale : celle de l’organisation de la
responsabilité par représentation autours d’un principe qui serait général et de règles qui
seraient plus spécifiques. En effet, lors de développements précédents, nous avions rappelé le
caractère incontournable de la dialectique droit commun – droit spécial1759, le seconde ayant
pour mission de compléter ou de préciser les premières en fonctions d’attentes ou besoins
particuliers1760. Ainsi, il va nous falloir rechercher dans quelles mesures la responsabilité par
représentation pourrait connaître à la fois des règles du droit commun et des règles de droit
spécial.

1754
Supra, n° 532 et s..
1755
Supra, n° 46 et s..
1756
Supra, n° 52 et s..
1757
Supra, n° 473 et s..
1758
A condition, évidemment, que les conditions soient réunies.
1759
Supra, n° 615 et s..
1760
Ibid..

402
715. Le principe général et les dispositions particulières de la responsabilité par
représentation. Avant toute chose, il convient de préciser exactement quel est le contenu du
principe général de responsabilité par représentation. A ce jour, la responsabilité par
représentation a pu être appliquée, de façon plus ou moins claire, dans trois hypothèses : dans
le cadre de la responsabilité des personnes morales1761, dans celui du mandat1762, et, dans un
cas plus exceptionnel, la représentation apparente1763. Cette hétérogénéité, loin d’être un
obstacle à la généralisation de la responsabilité par représentation, facilite l’esquisse d’un
principe général. En effet, dans chacune de ces situations, l’on remarque que c’est toujours la
constatation d’une hypothèse de représentation – réelle ou apparente - qui justifie l’existence
d’un lien entre les parties extrêmes. Autrement dit, c’est le fait délictuel du représentant qui, à
chaque fois, engage le représenté à l’égard des tiers. Ainsi le principe général de la
responsabilité par représentation se définirait de la façon suivante : tout fait délictuel du
représentant engage, automatiquement et systématiquement, la responsabilité par
représentation du représenté lorsque ce dernier n’a pas été dessaisi de la gestion de ces
biens1764.

716. Dans certaines configurations d’autres conditions ou éléments viennent préciser,


compléter ou aménager la portée de ce principe. C’est le cas, notamment, dans le cadre de la
représentation apparente pour laquelle il est exigé, outre un fait délictuel du représentant et
l’absence de dessaisissement du représenté, la croyance légitime du tiers. Il en va de même de
la faute séparable des fonctions du dirigeant ou du fait intéressé du mandataire qui permettent
la survie de la responsabilité du représentant. Or, nous avions vu que l’effet normal de la
responsabilité par représentation était l’application exclusive de la responsabilité du
représenté. Autrement dit, l’atténuation du report de responsabilité caractérise là l’existence
d’une disposition particulière de la responsabilité par représentation.

717. La place de la responsabilité du mandant dans le droit de la responsabilité par


représentation. Il nous reste, désormais, une dernière question à éclaircir : celle de la place
de la responsabilité du mandant par rapport à ce principe général. S’agit-il d’un lien de droit
commun à droit spécial, ou constitue-t-elle le droit commun de la responsabilité par
représentation ?

1761
Supra, n° 511 et s..
1762
Supra, n° 482 et s..
1763
Supra, n° 582 et s..
1764
Lors de développements précédents, nous avions vu en effet que l’absence de dessaisissement du représenté
était une condition sine qua non de la responsabilité par représentation. Supra, n° 551 et s..

403
718. A n’en pas douter, la mise en œuvre de la responsabilité du mandant ne se distingue
pas du principe général de la responsabilité par représentation tel que nous l’avons défini.
L’exposé du contenu de cette responsabilité montre en effet, qu’au titre de l’obligation à la
dette, la mise en œuvre de la responsabilité du donneur d’ordre doit être automatique dès lors
qu’un fait délictuel du mandataire est caractérisé. Autrement dit, il convient de considérer la
responsabilité par représentation du mandant comme l’une des illustrations possibles du
principe général de responsabilité par représentation. A l’inverse, d’autres dispositions plus
spécifiques (en particulier le fait intéressé de l’intermédiaire) entretiennent un rapport de
spécial à général parce qu’elles ont pour objectif une sanction plus directe du mandataire à
l’égard du tiers. L’ensemble des règles que nous avons définies à propos de la responsabilité
par représentation dans le mandat appartient donc à la fois au droit commun et au droit spécial
de la responsabilité par représentation.

404
Conclusion du Chapitre 1

719. Un nouveau droit commun de la responsabilité civile. L’originalité de la


responsabilité par représentation et la contradiction apparente qu’elle présente avec les
régimes classiques de la responsabilité civile nous ont invitée à considérer la responsabilité
par représentation comme un nouveau régime de droit commun. Mais encore fallait-il, pour
confirmer cette allégation, vérifier que l’ensemble des règles qui composent ce régime de
responsabilité formait un tout cohérent et homogène. C’est désormais chose faite : la
responsabilité par représentation largo sensu se définit comme l’un des droits communs de la
responsabilité civile.

720. Les intérêts pratiques. Cette démonstration annonçait immédiatement une autre
question : celle des rapports entre le droit commun et des règles spéciales de la responsabilité
par représentation, de la même manière que les régimes classiques de responsabilité civile
connaissent à la fois des règles de droit commun et des règles de droit spécial 1765. (La
responsabilité du fait d’autrui, par exemple, se compose d’un principe général défini par le
premier alinéa de l’article 1384 du Code civil et de règles spéciales mentionnées aux alinéas 2
et suivants du texte précité.) Il semblait peu probable, en effet, que la responsabilité par
représentation échappe à la dialectique droit commun – droit spéciaux, d’autant plus que les
différentes applications qui sont avérées1766 ou souhaitées1767 ne sont pas absolument
identiques. Pour notre sujet, l’intérêt principal était de préciser si la responsabilité par
représentation du mandant pour le fait du mandataire constituait « le » droit commun de la
responsabilité par représentation ou n’en définissait que des règles particulières. A l’épreuve,
il est ainsi apparu que la responsabilité du mandant appartenait à la fois au droit commun et au
droit spécial de la responsabilité par représentation.

721. Problématique. Une première étape dans l’examen de la place de la responsabilité par
représentation dans le droit de la responsabilité civile a ainsi pu être franchie. Mais
l’émergence d’un nouveau droit commun de la responsabilité civile augure de nouvelles
interrogations : celle de la cohabitation entre ce droit commun et les autres droits communs de
la responsabilité. En effet, plusieurs réponses à la réparation d’un dommage subi par les tiers
sont envisageables (par exemple, lorsque le représentant est uni par un rapport de
1765
M. POUMAREDE, op. cité, spéc. n° 204 et s., pp. 144 et s..
1766
La responsabilité par représentation des personnes morales et la responsabilité par représentation dans le
mandat.
1767
La responsabilité par représentation dans le mandat apparent.

405
subordination au représenté suggérant l’applicabilité des règles de la responsabilité du
commettant) et nous avons d’ailleurs pu constater que le droit positif n’excluait aucune
d’entre elles. La multiplication des solutions juridiques pourrait être source d’insécurité pour
le justiciable si le droit ne pose, à propos de la combinaison entre les différents moyens de
droit, des règles claires et prévisibles. C’est toute la question de l’articulation entre la
responsabilité par représentation avec les régimes « classiques » de la responsabilité civile
que nous nous proposons d’aborder.

406
Chapitre 2 – L’articulation de la responsabilité par représentation avec les autres
régimes de responsabilité civile

722. Problématique. Il est fréquent, en droit de la responsabilité civile, qu'un même litige
puisse être résolu sur le fondement de plusieurs règles distinctes. Imaginons, par exemple,
qu'un mineur jouant au ballon dans une cour de récréation blesse l'un de ses camarades. Afin
de voir le préjudice de leur enfant réparé, les parents de la victime disposent de plusieurs
possibilités. En premier lieu, ils peuvent choisir d’agir directement contre l'enfant pris en tant
que gardien de la chose. En deuxième lieu, ils peuvent préférer actionner la responsabilité des
parents de l’auteur de la faute pour le fait de leur enfant mineur. En troisième lieu, dans
l'hypothèse où l'enseignant aurait commis une faute de surveillance, ils pourraient encore se
diriger sur le terrain de l’alinéa 6 de l’article 1384 du Code civil au terme duquel les
instituteurs sont responsables « du dommage causé par leurs élèves (…) pendant le temps
qu'ils sont sous leur surveillance ».

723. En l’état actuel du droit positif, chacune de ces solutions, invoquée isolément, sera
considérée favorablement par un juge, dès lors que toutes les conditions nécessaires à la mise
en œuvre de la règle sont réunies. Cette question ne pose d’ailleurs guère de difficulté. Mais,
ce qui nous intéresse surtout, c’est de connaître l’issue du litige lorsque plusieurs règles de
droit ayant le même objet sont mises en œuvre en même temps par les parties. Le juge
dispose-t-il de la possibilité de les accueillir toutes ou doit-il choisir entre ces différentes voies
de droit ? Dans cette dernière alternative, quel est le critère permettant de résoudre ces conflits
de règles ?

724. En droit, la situation que nous venons de décrire est plus couramment dénommée
« concours d’actions »1768. Généralement, cette difficulté est réglée par l’autorisation ou
l’interdiction du cumul. Mais, nous venons de le voir, l’existence d’un concours d’actions
soulève bien d’autres interrogations : par exemple, l’identification du critère qui permet
d’éliminer l’application d’un régime, les raisons pour lesquelles deux règles de droit ont
vocation à régir une même situation (ont-elles une finalité identique, auquel cas l’une des
deux est sans doute superflue ; poursuivent-elles des buts contraires, auquel cas elles seront

1768
Sur le sujet : F. BUSSY-DUNAUD, Le concours d’actions en justice entre les mêmes parties – L’étendue de la
faculté de choix du plaideur, préface de J. GHESTIN, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 201,
1988 ; M. POUMAREDE, Régimes de droit commun et régimes particuliers de responsabilité civile, thèse précitée,
spéc. n° 186 et s., pp. 135 et s..

407
sans doute incompatibles ; … ). Nous ne pourrons faire l’économie de l’ensemble de ces
questions lors de l’examen d’un concours d’actions entre la responsabilité par représentation
et un autre régime de responsabilité. Aussi devrons-nous mener une réflexion sur les raisons
qui pourraient conduire à l’application exclusive du nouveau régime ou, au contraire, à une
application cumulative.

725. Plan. Mais, avant d’aller plus loin, il convient d’apporter quelques précisions
terminologiques à propos de la notion de « concours d’actions » (Section 1). En effet, en
doctrine, il apparaît que cette expression recouvre plusieurs réalités, parfois très différentes.
Ce travail effectué, nous pourrons nous attacher à la résolution proprement dite des concours
éventuels entre la responsabilité par représentation et les autres régimes de responsabilité
(Section 2).

408
Section 1 – Les hypothèses de concours d’actions entre la responsabilité par
représentation et les autres régimes de responsabilité

726. Plan. Dans sa thèse de doctorat1769, le Professeur POUMAREDE faisait remarquer


« l’impossible synthèse »1770 des différentes acceptions doctrinales de la notion de « concours
d’actions ». Pour l’auteur, « la notion de concours [peut] aussi bien désigner la situation qui
doit être résolue que le résultat de cette résolution »1771. L’on remarque également que
certains auteurs préfèrent la notion de « conflit » à celle de « concours »1772. Or,
manifestement, ces deux termes n’ont pas la même signification. Alors que l’expression
« conflit d’actions » suggère une incompatibilité entre les différentes normes applicables,
celle de « concours d’actions » fait plutôt référence à l’idée d’un but commun1773. L’on serait
alors tenté de croire que le régime juridique du « concours d’actions » obéit à des règles
différentes de celle du « conflit d’actions ». Il convient donc, dans un premier temps, de
préciser le contenu de la distinction entre le « concours » et le « conflit » (§1).

727. Pour notre sujet, l’intérêt de distinguer le « concours » du « conflit » d’actions est de
déterminer les manières de résoudre une éventuelle rencontre ou opposition entre la
responsabilité par représentation et les autres régimes de responsabilité civile. Par exemple,
chaque fois qu’il sera démontré que le mandataire revêt également les qualités de préposé à
l’égard du mandant, l’hypothèse de la rencontre entre la responsabilité par représentation et la
responsabilité du commettant va se faire jour. Ou encore, lorsque une faute sera retenue à
l’encontre du mandant (par exemple, ce dernier a choisi un mandataire incapable ou lui a
transmis des instructions défectueuses), un concours entre le régime proposé et la
responsabilité du mandant fondée sur une faute personnelle pour un dommage causé par
l’intermédiaire peut se poser. Aussi, dans un second temps, nous qualifierons juridiquement
les différentes hypothèses de rencontre ou d’opposition entre le nouveau régime et les régimes
classiques (§2).

1769
M. POUMAREDE, Régimes de droit commun et régimes particuliers de responsabilité civile, thèse précitée.
1770
Ibid., n° 187, p. 135.
1771
Ibid., et les références citées par l’auteur.
1772
Ibid..
1773
Pour une distinction entre le « concours » et le « conflit » d’actions : Ibid., n° 189, p. 136.

409
§1 – La notion de concours d’actions

728. Généralités. Que l’on se tourne vers le langage commun1774 ou vers le vocabulaire
juridique1775, les différentes acceptions de la notion de concours se rangent toujours vers une
idée commune : celle de rencontre, de réunion ou de coopération. Il y aurait donc concours
d’actions en responsabilité lorsque le demandeur à l’action civile dispose de plusieurs voies
de droit pour parvenir à un but unique : la réparation de son préjudice.

729. Dans sa thèse de doctorat1776, Madame BUSSY-DUNAUD propose ainsi de définir le


concours d’actions comme « la convergence de plusieurs droits ou de plusieurs règles de
droit entre lesquels il existe un rapport de rivalité en raison de leur finalité commune »1777.
L’auteur montre ainsi que l’existence d’un concours suppose la réunion de deux conditions
constitutives (le Professeur POUMAREDE en ajoute une troisième : la réunion de toutes les
conditions d’applications des régimes en concours1778) : d’une part, plusieurs règles de droit
ayant un même objet1779, et, d’autre part, un rapport de rivalité entre les différentes règles de
droit en raison de leurs finalités distinctes1780. Pour Madame BUSSY-DUNAUD, ce second
élément est le plus caractéristique du concours d’actions1781. Elle conclut en dégageant deux
formes de concours d’actions, celles qui opposent une pluralité de défendeurs à un même
demandeur1782 (et réciproquement1783) et celles dans lesquelles les différentes actions ont
toutes vocation à régler une même situation de fait1784.

730. La pluralité d’auteurs. En théorie, la première hypothèse ne devrait guère poser de


difficultés. Si une victime dispose de plusieurs actions envers des défendeurs distincts, c’est
parce qu’il existe plusieurs droits, chacun devant faire l’objet d’une protection indépendante.
De ce point de vue, les différentes actions envisageables se juxtaposent les unes aux autres,

1774
Le petit Robert, op cité ; Le nouveau Littré, op cité.
1775
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité.
1776
F. BUSSY-DUNAUD, Le concours d’actions en justice entre les mêmes parties – L’étendue de la faculté de
choix du plaideur, thèse précitée.
1777
Ibid., spéc. n° 47, p. 30.
1778
M. POUMAREDE, thèse précitée, spéc. n° 200 et s., pp. 143 et s..
1779
F. BUSSY-DUNAUD, op. cité, spéc. n° 43 et s., p. 29.
1780
Ibid., spéc. n° 46 et s., pp. 29-30.
1781
Ibid., spéc. n° 46, p. 29.
1782
F. BUSSY-DUNAUD, op. cité, spéc. n° 51 et s., pp. 30 et s..
1783
Madame BUSSY-DUNAUD assimile, à la pluralité d’auteur, la pluralité de victimes. Cette hypothèse ne fera
néanmoins l’objet d’aucun développement tant il est évident que chacun des demandeurs à une action civile
dispose du même droit de demander l’entière réparation à un auteur unique. En ce sens, voir également M.
POUMAREDE, thèse précitée, spéc. n° 193, p. 137.
1784
F. BUSSY-DUNAUD, op. cité, spéc. n° 54, p. 32.

410
sans risque apparent de collusion. Pour cette raison, cette variété du concours d’actions
devrait se résoudre, le plus souvent, par l’autorisation du cumul d’actions, la question
principale portant alors sur le partage des responsabilités entre les différents auteurs. Pour
notre sujet, cette conception du concours d’actions concernerait un cumul d’actions dirigées
contre le mandant en raison, par exemple, d’une culpa in vigilendo (celui-ci a choisi un
mandataire profane pour l’accomplissement d’une vente de matériels techniques) et contre le
mandataire pour son fait personnel (ce dernier a délivré des informations erronées sur la
qualité des biens qu’il est chargé de vendre).

731. Ponctuellement, le droit positif a toutefois montré quelques signes de défiance à


l’égard de cette solution. Pendant un temps, la jurisprudence a ainsi affirmé que « les
différentes responsabilités du fait d’autrui ne sont pas cumulatives mais alternatives »1785 ou
que « la ruine d’un bâtiment exclut la disposition générale de l’article 1384 alinéa premier du
Code civil »1786. La doctrine a ainsi émis certains souhaits en faveur d’une interdiction du
cumul1787. Si certaines limites ont parfois été levées, (par exemple, dans un arrêt rendu le 4
juin 1997, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a affirmé que « la
responsabilité des père et mère est encourue de plein droit avec celle de l’Etat »1788, il est
désormais acquis que les responsabilités du fait d’autrui sont cumulatives), d’autres ont été
établies. Par exemple, depuis l’arrêt Costedoat1789, la victime ne peut plus agir à la fois contre
le commettant et contre le préposé qui est demeuré dans les limites définies par ses fonctions.
Certes, cette interdiction ne résulte pas d’une méfiance de l’autorité judiciaire mais d’une
volonté de protection envers le préposé ; il n’en reste pas moins que cette hypothèse montre

1785
Civ. 2, 18 mars 1986, Compagnie La Foncière c/ Ferret - Bull. civ., 1986, II n° 69 : R.T.D. Civ., 1981, p.
855, note. G. DURRY. Civ. 2, 2 octobre 1985 - Bull. crim., 1985, n° 294.
1786
Civ. 1, 30 novembre 1988 : R.C.A., 1989, comm. n° 42, chron. n° 5, note H. GROUTEL.
1787
Par ex., à propos de la loi du 5 juillet 1985 : M. CAMPROUX, « La loi de 1985 et son caractère exclusif », D.,
1994, Chron. p. 109. Pour Madame CAMPROUX, le régime introduit par la loi de 1985 relative à l’indemnisation
des victimes d'accidents de la circulation est inconciliable avec le droit commun de la responsabilité civile parce
que la finalité poursuivie ne peut être atteinte qu’à la seule condition de s’émanciper des régimes classiques de
responsabilité civile. Or, malgré les dérogations apportées par le texte précité, le « caractère autonome [de la loi
de 1985] n'exclut pas pour la victime la possibilité de choisir entre deux systèmes de réparation ; celui classique
de la responsabilité civile ou celui instauré par la loi de 1985 ». Pour l’auteur, l’autorisation du cumul porterait
atteinte à « la volonté du législateur (…) de privilégier les victimes dans l'indemnisation de leurs dommages en
cas d'accidents de la circulation ». Madame CAMPROUX préconise alors de consacrer le caractère exclusif de loi
qu’elle considère impératif pour « le déploiement complet du droit à indemnisation des victimes d'accidents de la
circulation ».
1788
Civ. 2, 4 juin 1997 - Bull. civ., 1997, II, n° 168, Pourvoi n° 95-16.490 : R.C.A., 1997, comm. n° 253 ;
L.P.A., 29 octobre 1997, p. 23, note A.-M. GALLIOU-SCANVION. La solution a été confirmé depuis : voir Civ. 2,
9 décembre 1999 - Pourvoi n° 97-22.268 ; Bull. civ., 1999, II, n° 189 : R.T.D. Civ., 2000, p. 338, note P.
JOURDAIN ; R.C.A., 2000, comm. n° 76. Dans cette affaire, la Cour de cassation retient la responsabilité d’une
association et celle de l’Etat pour le fait d’un mineur délinquant en liberté surveillée.
1789
A.P., 25 février 2000 - Bull. civ., A.P., n° 2 : arrêt précité.

411
bien que cette situation ne se résout pas systématiquement par l’autorisation du cumul. Dès
lors, un concours d’actions entre la responsabilité du mandant pour une culpa in vigilendo et
celle du mandataire pour une faute personnelle pourrait se résoudre autrement que par cette
solution.

732. La situation de fait unique. La seconde hypothèse, en revanche, présente


immédiatement plus d’intérêts parce qu’elle vise une situation de fait unique pour laquelle
plusieurs règles de droit peuvent s’appliquer. Pour la majorité des auteurs, il s’agirait
d’ailleurs de la seule conception du concours d’actions admissible1790, « cette identité de
situation de fait est fondamentale »1791. Pour illustrer cette situation de fait unique l’on peut
prendre l’exemple du mandant qui est également le commettant du mandataire. La victime
pourrait alors être tentée d’agir sur le terrain de la responsabilité par représentation et sur celui
de la responsabilité du commettant du fait de son préposé définie à l’article 1384 alinéa 5.
Selon l’option choisie, les résultats ne seront pas exactement identiques1792.

733. Indubitablement, ces situations de concours d’actions sont sources de difficultés. Si


plusieurs règles de droit permettent de solutionner une même situation de fait, il est à
envisager que des réponses différentes, et peut-être même contradictoires, peuvent être
données au règlement du litige. L’hypothèse d’un tel concours d’actions impose alors de
s’interroger sur les modalités du choix du régime applicable c’est-à-dire, plus précisément, sur
la question du cumul ou du non-cumul d’actions.

734. Il convient toutefois de remarquer que cette conception du concours d’actions peut
recouvrir plusieurs réalités bien distinctes. D’une part, les règles applicables peuvent avoir des
domaines d’application1793 parfaitement distincts. Selon le Professeur POUMAREDE, il s’agit là
d’un concours d’actions stricto sensu parce qu’il n’existe, entre les différentes règles, aucune
rivalité. Ainsi, « le concours suppose la rencontre »1794. D’autre part, le domaine
d’application de l’une des règles invoquées pourrait être inclus, en tout ou partie, dans le
domaine de l’autre. Ce rapport mettrait en avant l’existence d’un conflit d’actions qui se
traduirait par l’idée d’une lutte ou d’une opposition1795.

1790
F. BUSSY-DUNAUD, op. cité, spéc. n° 126 et s., pp. 68 et s..
1791
Ibid., spéc. n° 55, p. 32.
1792
En particulier, les actions récursoires seront fermées au commettant, responsable du fait de son préposé
(supra, n° 393 et s.), ce qui n’est pas le cas du représenté responsable du fait de son représentant.
1793
Sur le critère du domaine d’application : supra, n° 623.
1794
M. POUMAREDE, thèse précitée, spéc. n° 188, p. 136.
1795
Ibid..

412
735. Synthèse. Au terme de ces développements, nous avons donc pu dégager deux
situations différentes auxquelles il est parfois accordé la même qualification de concours
d’actions. Au sens large, le concours d’actions recouvre celles dans lesquelles une même
prétention oppose une pluralité d’agents (un ou plusieurs défendeurs à un ou plusieurs
demandeurs à l’action civile). Si la doctrine ne consent pas toujours à voir, dans cette
configuration, un véritable concours d’actions, il n’en reste pas moins que cette hypothèse ne
peut être éliminée, celle-ci présentant un intérêt direct pour notre sujet. Au sens strict, le
concours d’actions ne vise que les situations de fait uniques, c’est-à-dire celles dans lesquels
le ou les mêmes victimes assignent le ou les mêmes auteurs. Il est à distinguer du conflit
d’actions dans lequel les règles éventuellement mises en œuvre s’opposent alors que dans le
concours, celles-ci poursuivent un même but.

736. A ce stade de nos développements, aucune de ces situations ne peut être exclue. C’est
la raison pour laquelle, pour chacune d’entre elles, nous allons rechercher si, dans le cadre de
la mise en œuvre de la responsabilité dans le mandat, elles peuvent être constituées.

§2 – Le domaine du concours d’actions dans le cadre de la responsabilité par


représentation

737. Les différentes hypothèses de concours d’actions. La reconnaissance d'un nouveau


régime de responsabilité annonce inexorablement la question de ses rapports avec les
branches du droit de la responsabilité civile, en particulier lorsque, pour un même fait
générateur, plusieurs solutions peuvent être envisagées. Loin d’être virtuelle, une telle
alternative se rencontrera fatalement chaque fois qu’un lien de préposition est constaté entre le
mandant et son mandataire.

738. Prenons un exemple. Un dirigeant de société mande l’un de ses stagiaires pour vendre
des parts sociales. Afin d’accomplir sa mission, le mandataire falsifie les comptes de gestion
de ladite société. La vente est conclue, mais l’acquéreur découvre la supercherie et le contrat
est annulé. Parallèlement à l'action en nullité, le défendeur intente une action en
responsabilité. Quatre possibilités s'ouvrent à lui. Tout d'abord, il peut rechercher la
responsabilité personnelle du mandataire pour le dol qu’il a commis sur le fondement de

413
l'article 1382 du Code civil. Ensuite, il peut s’aventurer sur le terrain de la responsabilité pour
autrui et invoquer les règles de l'article 1384 alinéa 5 puisqu’il existe un lien de préposition
entre le mandant et le mandataire. Par ailleurs, une faute dans le choix de son mandataire
pourrait être reprochée au mandant. Enfin, reste la possibilité de la responsabilité par
représentation. Dans une telle hypothèse, l’intérêt de se placer sur ce terrain concerne
principalement les parties au mandat. D’une part, le mandataire n’aura pas à subir les
conséquences de son fait dommageable, dans un premier temps du moins ; d’autre part, le
mandant disposera, d’un recours contre le mandataire, faculté qui lui est interdite dans le
cadre de la responsabilité du commettant. Du point de vue du demandeur à l’action civile, ce
dernier bénéficiera généralement du « meilleur payeur » pour obtenir réparation (il convient
ici de préciser que si le mandant est un profane et le mandataire un professionnel, la
responsabilité est en principe exclue). Mais surtout, son sort ne dépendra pas de l’examen du
contenu de la relation mandant – mandataire et, en particulier, de l’examen du rapport de
préposition qui fait référence à la responsabilité du commettant définie à l’article 1384 alinéa
5. Si, dans l’exemple que nous avons donné, cette éventualité ne semble guère poser de
problème, il n’en va pas toujours ainsi, le mandataire exerçant généralement son activité de
façon indépendante.

739. Afin d’obtenir réparation, le demandeur à l’action civile peut choisir de cumuler
plusieurs de ces options. Avant de les qualifier, nous allons les présenter successivement.
Tout d’abord, celui-ci pourrait choisir d’agir à la fois contre le mandant en raison de sa culpa
in eligendo et contre le mandataire en raison de son dol, ou contre le représenté en raison du
fait de son représentant et contre ce dernier sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.
Ensuite, le tiers cocontractant pourrait n’exercer d’action civile que contre le mandant, mais
sur plusieurs terrains différents : par exemple, en invoquant les règles de la responsabilité du
commettant et celles de la responsabilité par représentation. Enfin, en imaginant que l’auteur
du fait générateur de responsabilité bénéficie à la fois de la qualité de représentant et de
mandataire de la société, la victime pourrait hésiter entre le régime de responsabilité par
représentation du mandant et le régime de responsabilité par représentation des personnes
morales.

740. La qualification juridique des différentes hypothèses de concours d’actions. La


première hypothèse appartient à la catégorie des concours d’actions largo sensu1796, c’est-à-

1796
Supra, n° 728 et s..

414
dire des concours qui ne reposent pas sur une situation de fait unique. En effet, dans ce cas
précis, le tiers cocontractant peut exercer une pluralité d’actions contre une pluralité d’auteurs
parce qu’il dispose, à l’encontre de chacun des protagonistes, d’un lien de droit parfaitement
autonome. De ce fait, l’action qu’il peut exercer contre le mandant – représenté se juxtapose à
celle qu’il détient contre le mandataire – représentant, mais l’une et l’autre ne se rencontrent
pas. Lors de développements précédents, nous avons vu que, dans ces situations, le droit
positif n’accordait pas toujours à la victime le droit de cumuler les actions. Aussi, il
conviendra de rechercher la solution qui pourrait être avancée si, d’aventure, un demandeur à
une action civile choisissait d’agir en responsabilité par représentation contre le donneur
d’ordre et en responsabilité du fait personnel contre l’intermédiaire.

741. La deuxième possibilité détermine un concours d’actions stricto sensu1797 parce


qu’elle vise une situation dans laquelle les agents, demandeur comme défendeur, sont
identiques et parce qu’il n’existe pas de rapport de rivalité entre les différentes règles
invoquées. Dans ce cas de figure, la responsabilité par représentation peut en effet se
retrouver en concours avec la responsabilité du commettant ou avec la responsabilité du fait
personnel si une culpa in eligendo est retenue à son encontre. Or, chacune des règles évoquées
appartient à des droits communs distincts et aucune collusion entre elles n’est à craindre.
Cette hypothèse fera également l’objet de développements afin de préciser de quelle manière
ce type de concours d’actions pourrait être traité par le droit positif.

742. La troisième et dernière alternative définit, plus précisément, l’existence d’un conflit
d’actions1798. La responsabilité par représentation de la personne morale et la responsabilité
par représentation du mandant appartiennent en effet toutes les deux au droit commun de la
responsabilité par représentation dont elles définissent à la fois des règles communes et des
règles spéciales. Pour une raison principale, cette configuration ne fera pas l’objet de plus de
développements, parce qu’il est certain que le domaine de la responsabilité par représentation
de la personne morale et celui de la responsabilité par représentation du mandant sont
identiques, l’un et l’autre constituant des illustrations du principe général de la responsabilité
par représentation. Il n’y a donc aucun intérêt à choisir entre l’une ou l’autre, les solutions
proposées étant nécessairement équivalentes.

1797
Supra, n° 730 et s..
1798
Supra, n° 732.

415
743. Synthèse. Le domaine d’application du concours d’actions dans le cadre de la
responsabilité par représentation étant désormais terminé, nous pouvons maintenant
rechercher, concrètement, quelles sont les solutions juridiquement envisageables. Deux
hypothèses retiendront notre attention : d’une part, le concours d’actions largo sensu (lorsque
la pluralité d’actions ne trouve pas sa source dans une situation de fait unique) ; d’autre part,
le concours d’actions stricto sensu (lorsque la pluralité d’actions reflète une situation de fait
unique).

416
Section 2 – La résolution des concours d’actions entre la responsabilité par
représentation et les autres régimes de responsabilité

744. Plan. Afin de multiplier ses chances de réparation, le tiers cocontractant peut décider
d’agir à la fois contre le mandant et le mandataire ou, au contraire, contre le mandant seul,
mais sur la base de différents fondements (par exemple, sur celui de l’article 1384 alinéa 5, en
raison d’une faute personnelle dans le choix ou la surveillance du mandataire, ou encore en
faisant appel aux règles de la responsabilité par représentation). Si, à l’égard des parties au
contrat, l’intérêt de la responsabilité par représentation est manifeste, il est, à l’égard des tiers,
plus discret. En effet, lorsque le mandant revêt également les qualités de commettant, cela
signifie qu’il disposera, quoi qu’il arrive, du meilleur payeur pour obtenir réparation. D’un
point de vue économique, les solutions seront donc similaires. D’un point de vue pratique, en
revanche, quelques différences peuvent témoigner de la supériorité de la responsabilité par
représentation. Lorsque le demandeur à l’action civile se place sur le terrain de la
responsabilité définie à l’article 1384 alinéa 5 du Code civil, la preuve d’un lien de
préposition entre l’auteur du fait générateur de responsabilité et le responsable pour autrui doit
être rapportée. Si cette preuve est relativement facile lorsque l’un et l’autre sont unis par un
contrat de travail, cela est moins évident lorsque l’acte juridique en cause est d’une autre
nature, tel le mandat. Dans ce cas de figure, il convient de démontrer que le contrat « oblige
l’une des parties à "agir pour le compte d’une autre", laquelle exerce sur la première "un
pouvoir de surveillance et de contrôle" »1799. Dans le mandat, la première condition ne pose
généralement guère de difficulté ; il n’en va pas de même de la seconde. Or, cet élément
concerne principalement la relation mandant – mandataire, ce qui signifie, en principe, que le
tiers – victime devra rapporter la preuve d’un élément auquel il est étranger.

745. Ces deux situations (la pluralité de défendeurs, la pluralité de fondements) ne sont pas
équivalentes et doivent, pour cette raison, faire l’objet de développements distincts. Aussi,
nous envisagerons, dans un premier temps, l’hypothèse d’un cumul d’actions contre le
mandant (§1) pour analyser, dans un second temps, le concours d’actions contre une pluralité
d’auteurs (§2).

1799
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile, ouvrage précité, spéc. n° 795, pp. 987.

417
§1 – La pluralité d’actions dirigées contre le mandant ou représenté

746. Le régime juridique du concours d’actions en droit positif. L’hypothèse d’une


pluralité d’actions dirigées contre le mandant se posera toutes les fois où le mandataire sera
également préposé1800, voire lorsqu’une faute personnelle sera retenue à l’encontre du
donneur d’ordre. Conformément à ce qui a été décrit précédemment, il s’agit là d’un concours
d’actions stricto sensu puisqu’aucun des régimes éventuels n’est totalement inclus dans un
autre et parce que l’on se trouve en présence d’une situation de fait unique1801. De ce fait,
l’éventualité d’une collision n’est pas à craindre entre des règles qui n’ont pas le même
domaine d’application.

747. En présence d’un concours d’actions, c’est en principe la règle du cumul qui trouve à
s’appliquer, ce qui signifie que le demandeur à l’action civile dispose d’une option entre les
différentes actions et peut même choisir de les cumuler1802. La jurisprudence est en effet
généralement favorable à ce qu’une victime invoque, alternativement ou cumulativement,
l’ensemble des régimes applicables1803. Il a ainsi été jugé, par exemple, que « la
responsabilité d'un fait personnel et celle du fait d'une chose ont leur domaine propre et
peuvent être cumulativement invoquées »1804, que le cafetier qui avait installé des balançoires
près de son établissement sans prendre aucune « précaution utile pour empêcher qu’un enfant
descendant d’une des nacelles puisse se trouver sur la trajectoire des autres » engageait « sa
responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, qui était invoqué
concurremment avec l’article 1384, alinéa 1 »1805 ou encore que la responsabilité des parents
du fait de leur enfant pouvait être retenue sur le fondement de l’article 1382 du Code civil si
une faute était retenue à leur encontre1806. De manière générale, on constate ainsi que le cumul
des responsabilités est admis de façon très libérale en jurisprudence.

748. Le droit français connaît pourtant quelques atténuations à ce principe du cumul. Par
exemple, toute option entre l’action en garantie des vices cachés et l’action en garantie de

1800
Bien que cette addition de qualités soit parfois admise en jurisprudence, nous restons toutefois sur notre
réserve d’admettre qu’un mandataire puisse également être considéré comme le préposé de son mandant. Supra,
n° 393 et s..
1801
Supra, n° 730 et s..
1802
G. VINEY, P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile, op. cité, spéc. n° 710 et s., pp. 767 et s. ;
PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op. cité, spéc. n° 7451 et s..
1803
Ce qui suppose, évidemment, que toutes leurs conditions soient réunies. A défaut, il n’y a pas de concours
d’actions. Supra, n° 727.
1804
Civ. 2, 6 mai 1970 – Bull. civ., 1970, II, n° 158.
1805
Civ. 2, 9 février 1966 – Bull. civ., 1966, II, n° 180.
1806
Civ. 2, 6 mars 1975 – Bull. civ., 1975, II, n° 79.

418
conformité est, depuis le début des années 1990, fermée à l’acquéreur1807. Mais c’est surtout
l’exception notable de l’interdiction du cumul entre les règles de la responsabilité civile
délictuelle et celles de la responsabilité civile contractuelle1808 qui nous invite à croire que
tout concours d’actions ne se résout pas forcément par le cumul d’actions. Parce que
l’extension de la responsabilité délictuelle au contrat aurait pour conséquence de porter
atteinte aux prévisions contractuelles et mettrait en échec les règles de la responsabilité
contractuelle, il a été très vite décidé que la voie de la responsabilité contractuelle
s’imposerait toutes les fois que le fait générateur de responsabilité serait constitué par la
méconnaissance d’une obligation contractuelle1809. Malgré les critiques doctrinales1810, cette
règle devrait toutefois être conservée dans un droit des obligations rénové si la réforme
projetée venait à être adoptée1811. Cela étant dit, cette solution nous apprend une chose
importante : en l’état actuel du droit positif, l’existence d’un concours d’actions ne se règle
pas systématiquement par l’autorisation du cumul. C’est la raison pour laquelle nous pensons
qu’une cohabitation entre la responsabilité par représentation et la responsabilité du
1807
Avant que l’interdiction du cumul entre l’action en garantie des vices cachés et l’action en garantie de
conformité ne soit entérinée par l’ensemble des Chambres de la Cour de cassation, c’est un « désordre
indescriptible » qui régnait. (O. TOURNAFOND, « Les prétendus concours d’actions et le contrat de vente », D.,
1989, Chron. 237, n° 3.) En raison de certaines difficultés éprouvées par la doctrine et la jurisprudence à tracer la
frontière entre la notion de vice caché et le défaut de conformité, la première Chambre civile (par. ex. : Civ. 1, 20
mars 1989 – Bull. civ., 1989, I, n° 140 : « l'obligation de délivrance ne consiste pas seulement à livrer ce qui a
été convenu, mais à mettre à la disposition de l'acquéreur une chose qui corresponde en tous points au but par
lui recherché », nous soulignons) et la Chambre commerciale (par. ex. : Com., 27 février 1991 – Bull. civ., 1991,
IV, n° 67), accordaient, à partir d’une approche fonctionnelle de la notion de conformité, un droit d’option à
l’acquéreur. Pour le Professeur BENABENT, la finalité poursuivie par ces deux Chambres était de permettre à
l’acquéreur de contourner le bref délai de l’article 1648 du Code civil. (A. BENABENT, Les contrats spéciaux
civils et commerciaux, ouvrage précité, spéc. n° 310, pp. 127 et s..) A l’inverse, la troisième Chambre civile
refusait la possibilité du cumul et a défendu très fermement la distinction entre les deux concepts (Civ. 3, 13 avril
1988 – Bull. civ., 1988, III, n° 67 : JCP G., 1989, II, 21315, note. R. MARTIN ; Civ. 3, 25 janvier 1989 - Bull.
civ., 1989, III, n° 20). La première Chambre (Civ. 1, 5 mai 1993 – Bull. civ., 1994, I, n° 158 : D., 1993, p. 507,
note A. BENABENT) puis la Chambre commerciale (Com., 26 avril 1994 – Bull. civ., 1994, IV, n° 159 : JCP G.,
1994, II, 22356, note L. LEVENEUR) se sont finalement rendu à cette jurisprudence, admettant à leur tour une
stricte distinction entre vice caché et défaut de conformité.
1808
G. VINEY, P. JOURDAIN, Introduction à la responsabilité, op. cité, spéc. n° 216, pp. 611 et s. ; PH. LE
TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op. cité, spéc. n° 1017 et s..
1809
Voir l’arrêt de principe : Req., 21 janvier 1890 : D.P., 1891, 1, p. 380. Voir également, Civ., 11 janvier
1922 : D.P., 1922, 1, p. 16 : « les articles 1382 et suivants sont sans application lorsqu'il s'agit d'une faute
commise dans l'exécution d'une obligation résultant d'un contrat ». Pour des applications plus récentes : Civ. 2, 9
juin 1993 : JCP G., 1994, II, 22264, note F. ROUSSEL. Com., 9 juillet 2002 – Bull. civ., 2002, IV, n° 122 :
C.C.C., 2002, n° 172, note L. LEVENEUR ; Dr. et patrim., février 2003, p. 101, note D. HOUTCIEFF. Civ. 2, 12 mai
2005 – Bull. civ., 2005, II, n° 121. Civ. 1, 15 décembre 2011 – Pourvoi n° 10-25.740. Civ. 1, 28 juin 2012 –
Pourvoi n° 10-28.492.
1810
Sur le principe du non-cumul : M. ESPAGNON, « Droit à réparation : Rapports entre responsabilités
délictuelle et contractuelle – Généralités – Domaine des responsabilités délictuelle et contractuelle entre
contractants », in J.Cl. Civil Code, « Art. 1146 à 1155 », Fasc. 16-10, 2002 ; G. VINEY, Introduction à la
responsabilité civile, ouvrage précité, n° 216 et s., pp. 611 et s..
1811
Art. 1341 de l’Avant-projet CATALA. Pour l’exposé des motifs ayant précédé cette consécration : voir le texte
du projet, Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, sous la direction de P. CATALA,
op. cité, spéc. p. 152. Voir également art. 4 de l’Avant-projet TERRE ainsi que pp. 39 et s. et pp. 69 et s. pour
l’exposé des motifs.

419
commettant, voire entre la responsabilité par représentation et la responsabilité personnelle du
donneur d’ordre pourrait se résoudre autrement que par la règle du cumul.

749. Le concours entre la responsabilité du commettant et la responsabilité du


représenté. En effet, s’il ne semble pas que la critique puisse venir ternir ce principe lorsque
les règles en rivalité sont celles de la responsabilité personnelle et celles de la responsabilité
par représentation, la réciproque semble moins évidente lorsque c’est la responsabilité du
commettant qui entre en concours avec la responsabilité par représentation. Dans la première
hypothèse, aucune contradiction n'est à déplorer entre la mise en œuvre de la responsabilité du
mandant ou représentant pour son fait personnel et la mise en œuvre de sa responsabilité pour
le fait de son représentant : non seulement, il est juridiquement peu admissible qu'un individu
puisse échapper aux conséquences de sa propre faute, les articles 1382 et 1383 du Code civil
étant considérés comme d’ordre public1812 ; mais surtout, dans l'éventualité où le maître de
l'affaire exercerait une action récursoire contre l'intermédiaire, il est matériellement possible –
et même souhaitable - d'envisager un partage de responsabilité pour le cas où la faute de
l'agent aurait participé à la réalisation du dommage.

750. En revanche, dans la seconde hypothèse, un cumul entre les deux régimes de
responsabilité risque de conduire à des résultats peu compatibles. En effet, alors que l’idée
d’autorité irradie ce régime de responsabilité1813, c’est la répartition des intérêts qui guide
l’organisation de la responsabilité par représentation1814. Aussi, tout mandataire conserve un
pouvoir souverain d’engager ou de ne pas engager le mandant. C’est même ce qui le
caractérise de la plupart des autres intermédiaires1815. Cette action « au nom d’autrui »
s’effectuera alors non seulement conformément aux instructions données, mais aussi - et
surtout - au regard des intérêts du mandant - représenté. En d’autres termes, le mandataire –
représentant dispose, quelle que soit sa qualité, d’un pouvoir d’appréciation dans l’exercice de
son action. Les dirigeants de société, par exemple, pour lesquels il a déjà été jugé que « la
qualité de mandataire ainsi attribuée (…) n'est pas nécessairement exclusive de celle de
préposé »1816, ne perd pas tout pouvoir d’appréciation dans l’accomplissement de leur
mission ; il en va de même de l’avocat salarié d’une entreprise ou du mandataire-gérant. C’est
ce qui explique que, dans le cadre d’une relation mandant-mandataire, les déséquilibres

1812
G. VINEY, Introduction à la responsabilité civile, ouvrage précité, n° 216, p. 611, et les références citées.
1813
Supra, n° 645 et s..
1814
Supra, n° 28 et s..
1815
Supra, n° 166 et s..
1816
Civ. 1, 27 mai 1986 - Bull. civ., 1986, I, n° 134.

420
éventuels ne soient jamais en sens unique. C’est la raison pour laquelle les actions récursoires
doivent être ouvertes largement au représenté1817. A l’inverse, les actions récursoires du
commettant contre le préposé lui sont largement fermées, hormis certaines hypothèses
strictement définies1818.

751. La proposition : la consécration de la règle du non-cumul dans le cadre d’un


concours entre la responsabilité par représentation et la responsabilité du commettant.
L’on en vient alors à souhaiter que la règle du non-cumul soit étendue au concours entre la
responsabilité du commettant et la responsabilité par représentation. L’originalité du régime et
la disparité entre les différentes situations qu’elle recouvre (le déséquilibre mandant –
mandataire ou représenté – représentant n’est jamais à sens unique) revendiquent une
autonomie plus tranchée. En effet, la responsabilité par représentation est admissible à la seule
condition de la prendre dans son ensemble, tant au niveau de l’obligation à la dette (les
intérêts en présence) qu’à celui de la contribution à la dette (responsabilisation du mandataire
et confiance du mandant). De ce fait, l’autorisation du cumul d’actions aurait parfois pour
conséquence de mettre un terme à la possibilité dont dispose le représenté de se retourner
contre le représentant.

§2 – Le concours d’actions entre la responsabilité du mandant - représenté et la


responsabilité du mandataire – représentant

752. Plan. En principe, la pluralité d’auteurs ne constitue, en aucun cas, un obstacle à


l’addition d’action en responsabilité1819. L’absence de rivalité justifie que la victime - ou plus
précisément le demandeur à l’action civile - puisse invoquer alternativement, ou même
cumulativement, les règles qui lui conviennent le mieux, lorsque toutes les conditions pour
leur mise en œuvre sont réunies. Il n’en reste pas moins que la technique de la canalisation de
la responsabilité a parfois été envisagée, en raison des méfiances doctrinales « quant à la
possibilité d’agir contre plusieurs responsables sur des fondements différents »1820.

1817
Infra, n° 791 et s..
1818
Supra, n° 395 et s..
1819
Supra, n° 744 et s..
1820
M. POUMAREDE, thèse précitée, spéc. n° 194-195, pp. 138 - 139.

421
753. Dans le cadre de la responsabilité par représentation, il convient de distinguer deux
hypothèses. En effet, lors de l’examen du contenu de ce régime de responsabilité, nous avons
vu, qu’en présence d’une faute séparable des fonctions ou d’un fait intéressé du représentant,
le principe du report de responsabilité institué au profit de l’intermédiaire était atténué. Par
conséquent, la question de l’application exclusive ou concurrente de la responsabilité par
représentation se pose de différentes manières. Lorsque le fait dommageable du représentant a
été commis dans le cadre de ses fonctions, il nous appartient de nous interroger sur
l’éventuelle mise en œuvre concurrente de la responsabilité personnelle de ce dernier avec la
responsabilité par représentation du représenté (A) ; à l’inverse, lorsque le fait dommageable
autorise la mise en œuvre directe de la responsabilité du représentant par le tiers, l’on doit
s’interroger sur la légitimité d’une action exercée parallèlement contre le représenté (B). Nous
envisagerons ces deux situations successivement.

A- L’application exclusive de la responsabilité par représentation dans l’hypothèse d’une


faute commise dans le cadre du pouvoir des fonctions

754. Plan. Lorsque la faute du représentant a été commise dans le strict cadre de la
représentation, la question d’un concours entre le régime proposé et la responsabilité du
mandataire peut se poser. Par exemple, lorsqu’un banquier est chargé d’effectuer un virement
auprès d’un tiers et qu’il réalise cette opération avec du retard ; ou encore, lorsque le
mandataire, chargé de la vente d’un objet, ne vérifie pas la provenance du bien et qu’il s’avère
que le mandant n’en était pas le véritable propriétaire. Dans ces hypothèses, la faute de
l’intermédiaire est manifeste. Peut-elle, pour autant, conduire à l’éviction des règles de la
responsabilité par représentation ? Du fait de l’originalité du régime, nous ne le pensons pas.
Autrement dit, c’est vers l’application exclusive de la responsabilité par représentation que
vont toutes nos faveurs. Reste à la démontrer et à la justifier, d’autant plus que cette solution
porte atteinte aux règles préétablies à propos des concours d’actions dirigées contre différents
auteurs. Pour cela, il nous faudra, dans un premier temps, relever dans la jurisprudence
d’éventuelles manifestations d’une application exclusive (1) et en extraire, dans un second
temps, le fondement (2).

422
1- L’approche empirique

755. Plan. Afin de constater le caractère exclusif de la responsabilité par représentation,


nous étudierons successivement le régime juridique du concours d’actions dans le cadre de la
responsabilité par représentation du mandant (a), puis dans celui de la responsabilité par
représentation des personnes morales (b).

a- L’application exclusive de la responsabilité par représentation du


mandant

756. Exposé du problème. Bien qu'à ce jour la jurisprudence n'ait pas expressément
consacré un régime de responsabilité par représentation dans le mandat, quelques arrêts de la
Cour de Cassation l'ont évoqué1821. Certaines de ces décisions permettent même d'apporter
quelques éléments de réponse à la question du « concours d’actions » entre la responsabilité
du mandant et celle du mandataire. À cet égard, l'arrêt déjà cité du 29 avril 1998, rendu par la
troisième chambre civile de la Cour de cassation apporte quelques éclaircissements1822. Nous
allons brièvement en rappeler les faits.

757. Une société civile immobilière confie à deux mandataires le soin de vendre des
appartements dépendants d'une résidence qu’elle avait fait édifier. Pour cela, l'un des deux
représentants avait transmis au tiers acquéreur des informations erronées sur les capacités
locatives du bien litigieux. Quatre responsabilités étaient ainsi recherchées par le demandeur à
l’action civile : celle du mandant, celle de la banque qui avait consenti le prêt, celle du
mandataire auteur de l’offre en garantie et celle du mandataire auteur matériel du dol. Outre la
responsabilité du mandant pour le dol de son mandataire et celle de la banque, les juges
retiennent la responsabilité du mandataire auteur de l’offre, à l’exclusion de celle de celui qui
a commis le dol. La raison pour laquelle un seul des mandataires a vu sa responsabilité
engagée a déjà été analysée, et nous ne reviendrons pas sur ce point 1823. Au-delà de l’absence
d’intérêt personnel, cet arrêt offre également une solution à la question du cumul : lorsque

1821
Supra, n° 448 et s..
1822
Civ. 3, 29 avril 1998 - Bull. civ., 1998, III, n° 87 : JCP E., 1998, pan. 1017 ; R.T.D. Civ., 1998, p. 930, note
P.-Y. GAUTIER ; R.T.D. Civ., 1999, p. 89, note J. MESTRE ; A.J.D.I., 1999, p. 491, note F. COHET-CORDEY.
1823
Supra, n° 453 et s..

423
toutes les conditions de la responsabilité par représentation sont réunies, la responsabilité du
mandataire est exclue.

758. Le caractère exclusif de la responsabilité par représentation : une hypothèse. Lors


de précédents développements1824, nous avions exposé que, pour la mise en œuvre de la
responsabilité par représentation, deux conditions devaient être réunies : le respect des limites
du pouvoir donné et l’absence d’intérêt personnel du mandataire. Indubitablement, la
première condition est remplie, tant à propos du premier mandataire que du second. En
revanche, il est plus difficile d’admettre que la seconde condition soit constituée à l’égard du
mandataire de l’offre. Au contraire, en obtenant la mise à disposition du bien acquis en
contrepartie d’une rentabilité forfaitaire, ce dernier avait très certainement intérêt à agir ainsi.
Par conséquent, l’une des conditions constitutives de la responsabilité par représentation étant
manquante, la mise en œuvre de la responsabilité par représentation pour la faute de ce
mandataire n’était pas possible. En raison de l’inapplicabilité des règles de la responsabilité
par représentation à l’égard de ce second mandataire, il n’y a pas matière à voir, dans cette
condamnation in solidum de celui-ci, un obstacle au caractère exclusif de la responsabilité par
représentation1825.

759. A l’inverse, le mandataire auteur du dol échappe à toute responsabilité, alors même
que toutes les conditions constitutives de sa responsabilité personnelle étaient réunies à son
encontre. Or, selon les termes de l’arrêt, l’irresponsabilité de ce mandataire a pu être
prononcée parce « qu’il n’était pas démontré que [le mandataire] aurait dépassé les limites
des pouvoirs de représentation conférés par le mandant »1826. En d’autres termes, dans cette
affaire, c’est parce que les limites de la mission de représentation ont été respectés qu’il y a
responsabilité par représentation du mandant et irresponsabilité du fait personnel du
mandataire. Est-ce à dire que l’on peut voir là l’affirmation tacite du caractère exclusif de la
responsabilité par représentation ? Il n’y a qu’un pas qu’il nous faut maintenant franchir.

760. Le caractère exclusif de la responsabilité par représentation dans le mandat : une


affirmation. Pour cela, il faut commencer par rappeler que c’est sur le terrain de la
responsabilité personnelle que la demanderesse au pourvoi – la société mandante - souhaitait
voir se régler le litige. En effet, les moyens invoqués par cette dernière reposaient sur

1824
Supra, n° 532 et s..
1825
Sur la nécessaire réunion des conditions d’application d’un régime pour qu’il y ait concours : supra, n° 727
et voir M. POUMAREDE, thèse précitée, spéc. n° 200 et s., pp. 143 et s..
1826
Civ. 3, 29 avril 1998 : arrêt précité.

424
l'affirmation d'une faute personnelle imputable au seul mandataire. À l'appui de cette
argumentation, elle allègue un dépassement de pouvoir dont l’intermédiaire se serait rendu
coupable.

761. Ce n'est pas la voie choisie par la Cour de Cassation qui affirme, au contraire, qu’il n’y
a eu aucun dépassement de pouvoir et que, de ce fait, « la SCI est responsable du dol commis
envers les époux X… ». En réalité, ce qu'il faut comprendre ici, c'est que le contexte de
représentation dans lequel la faute est commise prime sur le caractère personnel de la faute
commise par le mandataire. En d’autres termes, la représentation exclut l’application des
règles de la responsabilité personnelle : c’est la consécration du caractère exclusif de la
responsabilité par représentation. D’ailleurs, aucune des décisions qui évoque l’existence
d’une responsabilité par représentation ne retient la responsabilité in solidum du mandataire
sur le fondement d’une faute personnelle. Par exemple, dans l’arrêt rendu par la Chambre des
Requêtes le 30 juillet 18951827, les juges rejettent l’argument du défendeur selon lequel le
mandataire « avait souscrit personnellement toutes les actions »1828 et rappelle au contraire
que la banque mandataire « n’a pas agi en dehors de son mandat ». De même, dans un arrêt
en date du 20 janvier 18801829, la même chambre approuve une Cour d’appel d’avoir retenu la
responsabilité du mandant envers les tiers au motif que le mandataire ayant commis une faute
de gestion s’était tenu « dans les limites [des pouvoirs] où ils lui [avaient été] confiés ».

762. Dans le cadre de la responsabilité du mandant, le caractère exclusif de la responsabilité


par représentation transparaît donc au travers de la jurisprudence. A l’égard de la
responsabilité des personnes morales, cette nature exclusive apparaît plus nettement.

b- L’application exclusive de la responsabilité par représentation de la


personne morale

763. Exposé du problème. L’examen de la responsabilité des personnes morales pour le


fait de leurs organes et dirigeants confirme, de manière tout à fait éclairante, que la
responsabilité par représentation est d’application exclusive lorsque la faute a été commise
dans le cadre du pouvoir de représentation. En accord avec la théorie de la réalité des

1827
Req., 30 juillet 1895 : D.P., 1896, 1, 132.
1828
Nous soulignons.
1829
Req., 30 janvier 1880 : D.P., 1880, 1, 252.

425
personnes morales1830, la mise en œuvre de ces êtres moraux a progressivement été facilitée,
notamment en dispensant la victime d’établir une faute à l’encontre du dirigeant ou de
l’organe1831. Il n’en reste pas moins que la responsabilité du dirigeant n’a pas
systématiquement disparue. Le législateur a même prévu trois éventualités dans lesquelles ce
dernier pouvait voir sa responsabilité engagée à l’égard des tiers1832 : lorsque le dommage
résulte d’une « infraction aux dispositions législatives ou réglementaires », d’une « violation
des statuts » ou d’une « faute commise dans leur gestion »1833. Peut-on voir, dans ces
dispositions légales, une contradiction à l’affirmation du caractère exclusif de la
responsabilité par représentation ? Une réponse affirmative supposerait que l’intervention
législative ait eu pour conséquence l’éviction des règles de la responsabilité par
représentation, alors même que l’ensemble des conditions constitutives du régime étaient
réunies. Les textes législatifs précités ayant pour objet le fait générateur de responsabilité, cela
reviendrait à admettre que, dans certaines hypothèses, le fait du représentant n’autorise pas
l’application de la responsabilité par représentation.

764. Le fait générateur de responsabilité constitutif d’une infraction aux dispositions


législatives ou réglementaires ou d’une violation des statuts. A notre sens, la définition des
deux premières hypothèses (l’infraction aux dispositions législatives ou réglementaires et la
violation des statuts) ne permet pas de voir, dans la cause du dommage, un « fait du
représentant » au sens où nous l’avons défini1834. En effet, pour être qualifié de « fait du
représentant », le fait générateur de responsabilité doit être désintéressé et commis dans le
cadre de la mission qui a été définie par le donneur d’ordre. Or, non seulement il entre dans la
mission de tout dirigeant de personne morale de faire respecter les prescriptions légales et
règlementaires, mais surtout, l’étendue de ses pouvoirs doit nécessairement avoir été
déterminée dans les statuts de la société (pour une S.A.R.L., par exemple, il est précisé à
l’article L. 223-18 alinéa 3 que « dans les rapports entre associés, les pouvoirs des gérants

1830
Supra, n° 501 et s..
1831
A ce sujet, voir par ex. Civ. 2, 17 juillet 1967 - Bull. civ., 1967, II, n° 261 : « une personne morale répond
des fautes dont elle s'est rendue coupable par ses organes sans qu'il soit nécessaire de mettre en cause, sur le
fondement de l'article 1384, alinéa 5 les dits organes pris comme préposés ». Voir également Civ. 1, 5 décembre
1999 – Bull. civ., 1967, I, n° 351 : dans cette affaire, la Cour de cassation se contente de relever un « défaut
d’organisation » ayant empêché la personne morale de faire face à ses obligations.
1832
Le régime spécial de responsabilité applicable aux dirigeants d’une personne morale soumise à une
procédure collective sera exclu de nos développements. La raison est très simple : lorsque le pouvoir de
représentation résulte d’une décision judiciaire, l’effet principal de sa mise en œuvre réside dans le
dessaisissement du représenté. De ce fait, la qualification de mandat est exclue, mais il en va de même du régime
de responsabilité par représentation. Supra, n° 551 et s..
1833
Articles L. 223-22 et L. 225-251 du Code de commerce.
1834
Supra, n° 537 et s..

426
sont déterminés par les statuts (…) » ; de même, l’article L. 221-4 précise quels sont les actes
que le gérant peut faire « en l'absence de la détermination de ses pouvoirs par les statuts »).
Autrement dit, les articles L. 223-22 et L. 225-251 du Code de commerce1835 visent, non pas
des hypothèses dans lesquelles les règles de la responsabilité par représentation sont exclues
en raison d’une volonté législative, mais des situations dans lesquelles le fait générateur de
responsabilité ne revêt pas les qualités d’un « fait du représenté ». Ce qui justifie la mise en
œuvre de la responsabilité civile personnelle de l’organe ou dirigeant, à l’exclusion des règles
de la responsabilité

765. Le fait générateur de responsabilité constitutif d’une faute de gestion. En


revanche, la faute de gestion laisse plus de place au doute. Il est néanmoins permis de se
demander si toute faute de gestion « engage automatiquement sa responsabilité personnelle
(…) ou s’il n’y a pas lieu de limiter cette responsabilité personnelle aux seuls cas où dans
lesquels cette faute présente un caractère personnel »1836. A cet égard, la jurisprudence a été
particulièrement évolutive. En l’état actuel du droit positif, « la responsabilité personnelle
d'un dirigeant (…) à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute
séparable de ses fonctions qui lui soit imputable personnellement »1837. Il appartient alors aux
juges du fond de vérifier « que les dirigeants sociaux [ont] commis une faute extérieure à la
conclusion ou à l'exécution du contrat litigieux »1838, c’est-à-dire une faute étrangère à
l’activité de représentation. Il n’en va pas ainsi du dirigeant qui commet « sciemment ou par
imprudence (…) une faute en incitant la banque à contracter sur la foi d'une garantie
inopposable à la société »1839, ou de la cession litigieuse qui profite au dirigeant dès lors que
la faute n’est pas extérieure à la conclusion du contrat1840. L’on peut encore citer l'erreur
d'appréciation du dirigeant sur le risque d'insolvabilité de la société qu'il représente lors de la
négociation d'un prêt1841, l'abstention de la part du dirigeant d'une société de construction
immobilière de souscrire les assurances obligatoires de dommages et de responsabilité1842, de
l’établissement de fausses attestations afin d'obtenir le paiement de sommes d'argent au profit
de la société1843.

1835
Sauf l’hypothèse de la faute de gestion que nous allons examiner dans quelques lignes.
1836
G. VINEY, P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile, op. cité, spéc. n° 857, p. 1087.
1837
Com., 18 décembre 2001 – Pourvoi n° 97-22.024.
1838
Com., 8 mars 1982 - Bull. civ., 1982, IV, n°92.
1839
Com., 18 décembre 2001, op. cité.
1840
Com., 28 avril 1998 - Bull. civ., 1998, IV, n° 139 : JCP G., 1998, II, 10177, note D. OHL.
1841
Com., 24 septembre 2002 - Pourvoi n° 00-13.663.
1842
Civ. 3., 4 janvier 2006 - Bull. civ., 2006, III, n° 7.
1843
Com., 20 octobre 1998 - Bull. civ., 1998, IV, n° 254.

427
766. Synthèse. Hormis la difficulté de relever une faute détachable des fonctions (un auteur
la qualifiait de « faute introuvable »1844), deux enseignements peuvent être tirés de ce
panorama jurisprudentiel. D’une part le lien avec l’activité de représentation est omniprésent :
dès lors que le dirigeant agit conformément aux pouvoirs qui lui sont donnés, sa responsabilité
personnelle est exclue. A contrario, l’absence d’un lien entre le fait générateur et la mission
de représentation légitime la condamnation du dirigeant. D’autre part, la finalité poursuivie
par le dirigeant lors de la commission du fait générateur de responsabilité n’est pas oubliée
lors de l’examen de la responsabilité de la personne morale : à partir du moment où c’est
l’intérêt de la personne morale qui a, en tout ou partie, guidé l’action du représentant,
l’irresponsabilité du représentant est prononcée. En d’autres termes, la responsabilité
occasionnelle du dirigeant n’est finalement pas un obstacle au caractère exclusif du nouveau
régime1845.

767. Qu’il s’agisse de la responsabilité par représentation des personnes morales ou de la


responsabilité par représentation du mandant, le caractère exclusif du régime de responsabilité
par représentation apparaît clairement. Pourtant, au regard du traitement classique des
concours d’actions dirigées contre deux défendeurs distincts mis en œuvre par la
jurisprudence, une telle solution n’était pas évidente. Il convient donc de rechercher les
raisons de la nature exclusive de la responsabilité par représentation.

2- L’approche théorique : le fondement de l’application exclusive de la


responsabilité par représentation

768. Exposé du problème. L’affirmation du caractère exclusif du régime de responsabilité


par représentation dans le cadre d’une faute commise dans les limites du pouvoir de

1844
Com., 28 avril 1998 – Ibid. : note D. OHL précitée. Depuis deux arrêts en date du 20 mai 2003, l’un rendu par
la chambre criminelle et l’autre par la chambre commerciale, une redéfinition de la notion de faute séparable des
fonctions a néanmoins été amorcée. Cette jurisprudence n’est cependant pas de nature à remettre en cause nos
conclusions puisque, en toute hypothèse, c’est le caractère extérieur à l’activité de représentation qui a fait
l’objet d’une reconfiguration.
1845
D’ailleurs, il faut souligner que la responsabilité conjointe du dirigeant et de la personne morale n’a fait
l’objet que de rares décisions jurisprudentielles, « ancien(ne)s non susceptibles d'être généralisé(e)s », (D.
GIBIRILA, « Dirigeants sociaux - Responsabilité civile », in J.Cl. Commercial, Fasc. 1053, 2010, spéc. n° 29).
L’auteur poursuit en affirmant que « la société, condamnée à la suite d'une action en justice intentée par un
tiers, n'est pas privée de la faculté de mettre personnellement en cause son représentant. Elle peut exercer une
action récursoire contre le mandataire, afin d'obtenir le remboursement de la somme qu'elle a payée en
réparation du préjudice causé aux tiers. Cette action est bien évidemment distincte de celle introduite par le
tiers, bien qu'elle en découle. »

428
représentation conduit à s’interroger sur les raisons qui permettraient de justifier la solution du
non-cumul. Il s’agit alors de dégager le critère qui explique l’éviction des autres droits
communs de la responsabilité civile (personnelle et du fait d’autrui) au profit de la
responsabilité par représentation. En théorie, ce critère pourrait être de fond ou de forme. Le
plus souvent, c’est la règle « specialia generalibus derogant » qui conduit à écarter
l’application d’une règle de droit commun lorsque deux régimes sont en concurrence. Parfois,
le législateur prend les devants et impose une solution à la survenance éventuelle d’un
concours de normes. Reste, pour résoudre une telle difficulté, le critère de l’ordre public
lorsqu’un régime ou une règle de droit est qualifiée ainsi.

769. En pratique, il semble toutefois illusoire de rechercher un critère formel parce que le
régime de responsabilité en question n’existe pas officiellement, dans la jurisprudence comme
dans la loi. D’ailleurs, il convient également de préciser que la jurisprudence, qui l’évoque de
manière détournée, ne s’attarde pas véritablement sur ce caractère exclusif. L’affirmation du
non-cumul ne provient en effet que d’une observation attentive de certaines décisions
jurisprudentielles1846.

770. L’éviction des critères traditionnels. L’éviction du droit commun de la


responsabilité s’explique, le plus souvent, par l’application de la règle specialia generalibus
derogant. Pour notre hypothèse, ce principe juridique ne peut en aucun cas élucider les
raisons qui aboutissent à l’exclusion des règles de la responsabilité personnelle ou du régime
de la responsabilité du fait d’autrui lorsque les conditions de la responsabilité par
représentation sont réunies. La raison à cela est très simple : il n’existe aucun rapport de règle
de droit commun à règle de droit spécial entre chacun de ces régimes. Dit autrement, il ne
s’agit pas de l’exclusion d’une règle de droit commun par une règle de droit spécial mais de
l’élimination d’une règle de droit commun par une autre règle de droit commun. De ce fait,
elles n’ont pas, en principe, vocation à entrer en conflit1847 et une application concurrente de
l’ensemble de ces règles n’était en soi pas inenvisageable. Au regard de l’originalité de la
responsabilité par représentation et des intérêts économiques (le risque-profit) et pratiques (la
possibilité pour le mandant d’exercer une action récursoire contre le mandataire, l’autonomie
du traitement du tiers) que ce système présente1848, cette solution n’est toutefois pas justifiée.

1846
Supra, n° 753 et s...
1847
Supra, n° 728 et s..
1848
Supra, n° 593 et s..

429
771. Reste le critère de l’ordre public qui pourrait en revanche constituer la clé du problème
si la responsabilité par représentation ne concernait d’autres hypothèses que celle de la
responsabilité du mandant pour les faits de son mandataire. De fait, l’analyse de la
représentation comme élément essentiel du contrat est séduisante1849 pour exhumer le
fondement du caractère exclusif de la responsabilité par représentation. Car si la
représentation participe de la quiddité du contrat de mandat, faute de représentation, il n’y a
plus de mandat. En revanche, s’il y a mandat, il y a représentation. Or, si comme nous l’avons
définie précédemment1850, la représentation est un concept unitaire qui ne souffre aucune
vision imparfaite ou incomplète, l’admission du mécanisme de la représentation au rang
d’élément essentiel du mandat ne peut s’effectuer qu’à la seule condition que tous les effets
qui lui sont propres soient mis en œuvre. De fait, la responsabilité par représentation est
solidement attachée au mandat dont elle ne peut être séparée. Malgré cela, l’invocation du
critère de l’ordre public est insuffisante à expliquer l’application exclusive de la responsabilité
par représentation dans d’autres hypothèses que celle du mandat. Certes, l’on pourrait sans
doute arguer du caractère indispensable de la technique représentative : le fonctionnement et
l’organisation d’une personne morale, par exemple, ne sont pas envisageables sans le recours
au mécanisme de la représentation ; la représentation par ministère d’avocat a parfois été
imposée par le législateur lui-même1851. Mais en réalité, il s’agit là de considérations de fond
plus que de références à l’ordre public.

772. La préférence pour un critère interne à la responsabilité par représentation.


L’absence apparente d’un critère permettant de justifier l’application exclusive de la
responsabilité par représentation nous conduit à explorer d’autres voies. Désormais, ce sont
essentiellement des considérations internes au mandat et, plus généralement, à la
représentation qui vont orienter notre réflexion.

773. Un point est commun à toutes les hypothèses de responsabilité par représentation : la
répartition des intérêts en présence. Outre l’absence d’intérêt personnel du mandataire
(condition de mise en œuvre de la responsabilité par représentation), les intérêts du représenté
sont omniprésents (fondement de la représentation). Un premier élément, déterminant,
résiderait donc dans une approche économique générale du régime de responsabilité : l’utilité
de celle-ci se situe manifestement dans la recherche d’une contrepartie à la toute-puissance

1849
Supra, n° 61et s..
1850
Supra, n° 45 et s..
1851
Selon les articles 750 et s. du Code de procédure civile, par exemple, la représentation par ministère d’avocat
est imposée devant le Tribunal de grande instance.

430
économique du donneur d’ordre. Rappelons en effet que la finalité du contrat de mandat est
de valoriser les intérêts du mandant1852 ; mais également que la finalité de toute représentation
se définit par la valorisation des intérêts du représenté1853. A l’examen, il apparaît d’ailleurs
que l’existence d’un intérêt exclusif du mandant fut prétexte à la mise en œuvre de la
responsabilité du donneur d’ordre sur le fondement de la représentation1854. Mais il n’est pas
le seul élément sur lequel la jurisprudence se soit appuyée. Dans la mesure du possible, les
juges de la Cour de cassation ont toujours relevé certains aspects qui permettent, de manière
circonstanciée, d’expliquer les solutions rendues. Ainsi, des critères aussi divers que la
connaissance par le donneur d’ordre des manœuvres fallacieuses commises par le mandataire
ou encore le choix imprudent de l’intermédiaire par le mandant1855 sont-ils épisodiquement
prétextés. Reste qu’aucun d’entre eux n’est invoqué de manière systématique et n’est, de ce
fait, suffisant à fonder l’application exclusive de la responsabilité par représentation.

774. L'on en revient à notre point de départ : l’élément commun à toutes les hypothèses de
responsabilité par représentation est relatif à la répartition des intérêts en présence. Toutefois,
si la théorie du risque-profit a pu motiver un rééquilibrage des règles de la responsabilité
civile dans le mandat, elle ne permet pas la justification du caractère exclusif du nouveau
régime. En revanche, il convient de souligner que dans cette hypothèse précise, c'est le
recours au mécanisme de la représentation qui a permis l'imputation des conséquences
dommageables au mandant et, par voie de conséquence, à tout représenté. Or, lors de
développements précédents, nous avons vu que la représentation est ou n'est pas 1856. En
aucune façon, les parties à la situation de représentation ne disposent de la prérogative de
« piocher » entre les effets désirés et ceux rejetés. Cette conclusion doit être étendue à la
responsabilité par représentation : de même que les effets juridiques du mécanisme de la
représentation naissent automatiquement et systématiquement, la responsabilité par
représentation doit obligatoirement être mise en œuvre chaque fois que les conditions sont
réunies. C’est la raison pour laquelle la nature personnelle du fait dommageable commis par
le représentant ne peut conduire à l’exclusion de la responsabilité par représentation du
représenté lorsque la faute est néanmoins demeurée dans les limites du pouvoir de
représentation.

1852
Supra, n° 151 et s..
1853
Supra, n° 45 et s..
1854
Supra, n° 28 et s..
1855
Supra, n° 448 et s..
1856
Supra, n° 45 et s..

431
B- L’application concurrente de la responsabilité par représentation du représenté et de la
responsabilité personnelle du représentant dans l’hypothèse d’une faute personnelle de
l’agent

775. L’admission du concours d’actions en droit positif. C’est à propos de la


responsabilité par représentation de la personne morale que l’on peut trouver des éléments de
réponse à la question d’un éventuel concours de responsabilité lorsque le fait dommageable
est de nature personnelle. Par exemple, lorsque la décision prise pour le compte du
groupement a été motivée par l’intérêt personnel du dirigeant ; lorsque le fait dommageable
commis par ce dernier est pénalement répréhensible ; ou, encore, lorsque la faute du dirigeant
est d’une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.
Mais nous verrons que la solution admise dans ce cadre précis peut sans doute être étendue à
la responsabilité du mandant.

776. Pour la majeure partie de la doctrine, l’existence d’une faute séparable des fonctions
du dirigeant devrait conduire à l’éviction de la responsabilité par représentation de la personne
morale1857. Pour ces auteurs, la nature personnelle de la faute du représentant est exclusive du
principe de la représentation et, par voie de conséquence, de la mise en œuvre de la
responsabilité civile du groupement.

777. En jurisprudence, une position aussi tranchée est pourtant loin d’être acquise. Au
contraire, il semble que la Cour de cassation se soit expressément prononcée en faveur de ce
concours d’actions. Par exemple, dans un arrêt rendu le 16 novembre 2004, la première
Chambre civile de la Cour de cassation, a admis la responsabilité in solidum d’une société et
de ses dirigeants pour des actes de contrefaçon1858. Très récemment, la Chambre commerciale
a également retenu la responsabilité d’une société et de son dirigeant en raison d’une décision
de l’assemblée générale prise en violation de dispositions légales et à laquelle le gérant avait
un intérêt direct1859.

778. La justification du concours d’actions. Si l’on accorde, au mécanisme de la


représentation, toute l’importance qui lui est due, cette différence de traitement avec la faute
1857
Voir, par exemple, A. BENABENT, Droit des obligations, op. cité, spéc. n° 588, pp. 421 – 422 ; J.-F.
BARBIERI, note sous C.A., PARIS, 25 février 1999 : Bull. Joly Sociétés, 1999, p. 571.
1858
Civ. 1, 16 novembre 2004 – Pourvoi n° 02-21.615 : Bull. Joly Sociétés, 2005, p. 270, note B. DONDERO.
Déjà : Civ. 1, 6 décembre 1994 – Pourvoi n° 92-20.973.
1859
Com., 25 septembre 2012 – Pourvoi n° 11-17.256. Dans le même sens : Com., 23 mai 2006 – Pourvoi n° 03-
18.425 ; Bull. civ., 2006, IV, n° 294 ; Com., 5 décembre 1978 – Pourvoi n° 76-10.054 ; Bull. civ., 1978, IV, n°
294.

432
non personnelle du dirigeant s’explique aisément. Lorsque le dépassement de pouvoir est
total, l’absence de représentation interdit toute mise en œuvre de responsabilité fondée sur ce
mécanisme. En revanche, lorsque le dépassement de pouvoir n’est que « subjectif » - c’est-à-
dire que l’intérêt du représentant a interféré avec les motifs qui l’ont conduit à prendre la décision pour
le compte de la personne morale -, les limites objectives du cadre de la représentation justifient la
mise en œuvre de la responsabilité de la personne morale. Cela est d’autant plus vrai que,
parfois, la nature personnelle de la faute du dirigeant peut avoir été commise dans l’intérêt du
groupement1860. C’est la raison pour laquelle il nous semble que ce principe du concours de
responsabilités ne peut être limité à la seule hypothèse de la responsabilité des personnes
morales. En effet, si c’est la technique représentative qui justifie la survie de l’action en
responsabilité contre le groupement, malgré la nature personnelle du fait dommageable, alors
il n’est pas interdit de penser qu’un partage de responsabilités peut être envisagé entre la
responsabilité du mandant et la responsabilité du mandataire lorsque la faute commise par ce
dernier est intéressée mais que l’intermédiaire n’a pas, néanmoins, dépassé les limites de ses
fonctions.

779. Dans ces cas de figure, en revanche, la gravité du comportement observée chez le
représentant impose que ce dernier soit également sanctionné. Cette dernière remarque fait
naître une réflexion à propos de l’éventualité d’un recours du représenté contre l’intermédiaire
(et réciproquement ?). Si la faute séparable des fonctions ou, plus généralement, le fait de
nature personnelle, ne suggère pas toujours une violation des pouvoirs légaux de
représentation, elle inspire au moins une mauvaise exécution de ses obligations statutaires ou
contractuelles. Aussi, si l’attitude du représentant justifie une action des tiers à son encontre,
elle devrait également favoriser un recours du représenté contre lui. Cette question sera
reprise plus en profondeur lors de développements ultérieurs1861, mais nous pouvons d’ores et
déjà préciser que, dans le cadre de la responsabilité des personnes morales, elles sont,
généralement, largement ouvertes au seul groupement juridique1862. La règle semble
cohérente : une situation de représentation occasionnant toujours certains risques à la charge
du représenté qui se retrouve « dans un état d’infériorité par rapport au représentant »1863, il

1860
Pour une illustration voir, not., Civ. 1, 16 novembre 2004 : arrêt précité.
1861
Infra, n° 791 et s..
1862
En ce sens : H. ET L. MAZEAUD, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et
contractuelle, Tome 2, op. cité, spéc. n° 1974, pp. 1114 et s. et n° 1991, p. 1128 ; S. MESSAI-BAHRI, op. cité,
spéc. n° 1272 et s., pp. 407 et s..
1863
En ce sens : PH. DIDIER, De la représentation en droit privé, thèse précitée, spéc. n° 203, p. 154.

433
paraît naturel de lui accorder une possibilité de s’en prémunir ou, à tout le moins, de se
défendre1864.

1864
L’inverse n’a, semble-t-il, jamais été admis et c’est d’ailleurs ce qui est généralement enseigné. H. ET
L. MAZEAUD, op. cité ; PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op. cité., n° 1374, pp.
543 – 544 ; S. MESSAI-BAHRI, op. cité, spéc. n° 1189 et s., pp. 383 et s..

434
Conclusion du Chapitre 2

780. Le caractère exclusif de la responsabilité par représentation. La reconnaissance


d’un nouveau régime de droit commun de la responsabilité pose inévitablement la question de
ses rapports avec les autres régimes de responsabilité, en particulier lorsqu’une contradiction
apparaît entre les différentes solutions potentiellement mises en œuvre. C’est le cas,
notamment, lorsque le tiers cocontractant invoque, à l’encontre du seul mandant –
représentant, les règles de la responsabilité par représentation concomitamment avec celles de
la responsabilité du commettant ou lorsque le demandeur à l’action civile assigne, en même
temps, le mandant sur le fondement du nouveau régime et le mandataire en raison de son fait
personnel. Dans ces hypothèses, les difficultés rencontrées proviennent essentiellement des
divergences de perspectives aboutissant éventuellement à des solutions contraires1865.

781. La proposition d’un nouveau régime n’a donc véritablement d’intérêt qu’à la seule
condition que la mise en œuvre de celui-ci permette l’exclusion des régimes classiques de
responsabilité. Il fallait donc démontrer que la rencontre entre les règles de la responsabilité
par représentation et les autres régimes se traduisait par l’exclusion de ces derniers.
Autrement dit, il fallait s’assurer qu’à la question de la résolution du concours d’actions
répondait l’interdiction du cumul.

782. A partir d’une analyse de la jurisprudence évoquant l’existence d’une responsabilité


par représentation1866 et d’un examen des solutions applicables à la responsabilité des
personnes morales1867, ce travail a pu être réalisé lorsque la faute initiale est demeurée dans
les strictes limites objectives du pouvoir de représentation : qu’il s’agisse de l’une ou l’autre
configuration, la nature exclusive de la responsabilité par représentation est apparue plus ou
moins nettement. En revanche, le caractère personnel du fait dommageable n’a pas permis
l’exclusion de la responsabilité du représentant. Néanmoins, au regard des circonstances qui
entourent sa commission – l’absence de dépassement de pouvoirs et la gravité du fait litigieux
-, l’admission d’un concours de responsabilités était opportune.

783. Le critère du caractère exclusif de la responsabilité par représentation: la


conception unitaire de la technique représentative. Cette étape accomplie, il convenait
encore de définir les raisons qui ont conduit à l’éviction des régimes classiques par la
1865
Supra, n° 593 et s..
1866
Supra, n° 448 et s..
1867
Supra, n° 522 et s..

435
responsabilité par représentation. Pour cela, nous nous sommes souvenus des motifs qui nous
ont amenés à réfléchir à l’existence de ce régime. D’une part, la répartition des intérêts
économiques dans le mandat ont incité à un rééquilibrage du risque en fonction du profit1868.
Mais, en l’état actuel du droit positif, les règles de responsabilité du fait d’autrui n’étant pas
adaptées1869, ce rééquilibrage s’est opéré, d’autre part, en faisant appel à la technique
organisant la gestion pour autrui : la représentation1870. Or, lors de développements
précédents, nous avons vu que ce mécanisme était incontestablement unitaire1871. Autrement
dit, la représentation est ou n’est pas, mais, si elle est, l’ensemble de ses effets juridiques
doivent trouver à s’appliquer normalement. Par voie de conséquence, un représenté ne peut
échapper à sa responsabilité pour le fait de son représentant dès lors que l’ensemble des
conditions qui constituent le régime est réuni.

784. Au terme de ces développements, il apparaît alors que la représentation est à la fois
l’origine de la responsabilité du représenté et la cause de l’exclusivité du régime. Dans le
mandat, la représentation est donc l’élément qui donne au contrat une identité et un régime de
responsabilité.

1868
Supra, n° 28 et s..
1869
Supra, n° 366 et s..
1870
Supra, n° 436 et s..
1871
Supra, n° 45 et s..

436
Conclusion du Titre 1

785. Synthèse. Arrivés au terme de ces développements, le visage de de la responsabilité


civile dans le mandat apparaît profondément transformé. Il n’y a pas lieu, pourtant, de voir
dans le système que nous proposons un bouleversement total des liens entre le mandat et la
responsabilité civile. D’une part, la jurisprudence avait d’ores et déjà, de manière ponctuelle,
cherché à mettre en œuvre la responsabilité du mandant pour le fait du mandataire ; d’autre
part, un mécanisme de responsabilité par représentation dans le mandat existait déjà, en
substance, dans notre droit positif.

786. Les avantages de la responsabilité par représentation sont nombreux. Afin de gagner
en clarté, nous proposons un résumé sous la forme d’un tableau. (Tableau 1.) Présentée ainsi,
la responsabilité par représentation évoque la responsabilité du fait d’autrui (le lien entre les
circonstances du dommage et la mission de représentation exclut la qualification de fait
personnel, qui est un fait objectivement libre et, surtout, la dissociation entre la cause et les
conséquences de la responsabilité chasse l’idée d’une vraie responsabilité personnelle) et, plus
particulièrement, la responsabilité du commettant. A l’analyse, il n’en est rien : la
responsabilité par représentation est une responsabilité d’un genre nouveau. (Tableau 2.)

787. Problématique. L’une des particularités de la responsabilité par représentation réside


dans l’ouverture large des actions récursoires du représenté contre le représentant. Il convient
à présent de s’intéresser plus particulièrement au mécanisme des recours.

788. Tableau 2

La responsabilité du commettant La responsabilité par représentation


Conditions : Conditions :
- Un fait d’autrui : ici un fait du - Un fait du représentant
préposé - Un rapport de représentation qui
- Un lien de préposition qui suppose un repose sur le risque-profit
rapport d’autorité
Conséquences : Conséquences :
1- La responsabilité du commettant est une 1- La responsabilité du représenté est une
responsabilité pour autrui. responsabilité réputée personnelle.
2- Responsabilité théorique du préposé 2- Irresponsabilité du représentant (au stade
(l’immunité civile n’est pas une de l’obligation à la dette) mais action
irresponsabilité) mais l’action récursoire du récursoire toujours possible.
commettant est exclue.

437
789. Tableau 1

Solutions actuelles Critiques Réponse Résultat


Principe : Sévérité à l’égard du
mandataire. Mise en place d’un Le mandant
Le mandataire Inadéquation avec la mécanisme de professionnel répond
engage sa spécificité du mandat responsabilité par des délits et quasi-
responsabilité civile selon laquelle le représentation du délits commis par
délictuelle à l’égard mandat est conclu mandant pour les son mandataire
des tiers pour tous les dans l’intérêt faits commis par le professionnel.
délits et quasi-délits principal du mandataire.
qu’il a commis mandant.
pendant sa mission, Inopportunité par Le mandant
même s’ils l’ont été rapport à la Conditions : professionnel répond
sur ordre du professionnalisation - Une faute du des délits et quasi-
mandant. de la qualité de représentant en lien délits commis par
mandant et à direct avec la mission son mandataire
l’évolution du droit de représentation. profane.
positif. - L’absence de
1ère atténuation : Système peu adapté à dessaisissement du
l’évolution du contrat mandant ou, plus Le mandant profane
1- Le mandant peut de mandat et, plus généralement, du répond des délits et
engager sa particulièrement, à la représenté. quasi-délits commis
responsabilité à professionnalisation - Exclusion de la par son mandataire
l’égard des tiers de l’activité de responsabilité par profane.
lorsqu’une faute est mandataire. représentation dans
relevée à son Inadéquation avec la les hypothèses où le
encontre. spécificité du mandat a été donné La responsabilité du
mandat. par un profane à un mandant profane est
professionnel. exclue lorsqu’il a fait
2ème atténuation : La mise en œuvre de appel à un
cette responsabilité mandataire
Le mandant peut suppose la professionnel.
également engager sa déformation de la
responsabilité sur le notion de lien de Dans tous les cas, le
fondement de la préposition, ce qui mandant dispose de
responsabilité civile porte atteinte, plus voies de recours
délictuelle du fait généralement, à la contre le mandataire.
d’autrui définie à cohérence générale
l’article 1984 alinéa du droit de la
5 du Code civil. responsabilité du fait
d’autrui.
Un système casuistique, donc souple, mais Un système unique donc prévisible, qui
imprévisible et inéquitable pour le tiers dont s’appuie sur l’économie et la spécificité du
le sort dépend de l’examen du lien entre le mandat, tant au stade de l’obligation à la
mandant et le mandataire. dette qu’à celui de la contribution à la dette.

438
2nd Titre – Le rayonnement de la responsabilité par représentation sur le lien
interne : la contribution à la dette

790. Définition de la problématique. La mise en œuvre de la responsabilité par


représentation concerne essentiellement le rapport externe, c’est-à-dire le lien qui unit le
donneur d’ordre au tiers cocontractant. L’existence de ce lien repose toutefois sur l’action
d’un intermédiaire. Dans le mandat – mais, plus généralement, dans toute situation de
représentation – l’action du représentant est justifiée par le pouvoir qui lui a été attribué qui,
en principe, doit s’utiliser conformément à la volonté et / ou aux intérêts du représenté. De
prime abord, la mise en œuvre de la responsabilité du représenté pour le fait du représentant
apparaît incompatible avec cette exigence. Pour cette raison, le maître de l’affaire pourrait être
tenté de se retourner contre celui qui a agi en son nom et / ou d’exercer une action en
responsabilité contre lui.

791. Dans cette hypothèse, la question se posera de savoir quand et comment le représenté
peut espérer obtenir réparation de la part du représentant. Par exemple, la seule mise en cause
de sa responsabilité par représentation est-elle suffisante ? Dans l’affirmative, c’est tout
l’intérêt du système de responsabilité proposé qui serait remise en cause. Doit-il démontrer
que l’intermédiaire a adopté un comportement blâmable ? A notre sens, cette option semble
plus cohérente avec le régime de responsabilité par représentation. En effet, dans ce cas de
figure, il appartiendrait au représenté de rapporter la preuve d’une faute du représentant, qu’il
s’agisse de la violation d’une obligation contractuelle ou d’une obligation légale. Par voie de
conséquence, l’on peut espérer que l’exercice d’une voie de recours (ou, plus généralement,
d’une action en responsabilité) soit plus facilement recevable lorsque l’agent est un
professionnel, si l’on admet que la responsabilité de ce dernier est appréciée plus sévèrement.

792. Mais il s’agit là de considérations de fond qui touchent, principalement, l’exercice


même de l’action. Avant cela, il convient de rechercher si l’introduction d’une action par le
représenté est envisageable. Lorsqu’il s’agit d’une action en responsabilité classique, cette
interrogation ne présente guère d'intérêt :il suffit, en principe, que le demandeur à l'action
civile justifie d'un intérêt à agir et que les conditions de la responsabilité recherchées soient
réunies. Pour cette raison, nous allons, dans l'immédiat, laisser cette possibilité de côté. En

439
revanche, lorsqu’il s’agit d’un recours du représenté mis en cause contre le représentant
auteur matériel du dommage, encore faut-il démontrer la légitimité de l'action.

793. Plan. Il s’agit donc d’admettre l’existence d’un recours en contribution (Chapitre 1).
L’exercice de ces actions (Chapitre 2) démontrera l’étroite dépendance qui existe entre le
lien interne et le lien externe de la représentation.

440
Chapitre 1 – L’admission des actions récursoires

794. Présentation générale du mécanisme des actions récursoires. En droit, l’idée de


contribution est familière, elle participe à l’idée de justice et d’équité entre les individus. Dans
le cadre de la responsabilité civile, c’est généralement par le biais des actions récursoires
qu’elle s’accomplit, c’est-à-dire que celui qui a été civilement condamné va se retourner
contre l’auteur ou le coauteur pour réclamer la part à laquelle il est tenu, une fois que la
victime a été indemnisée. Par exemple, un père dont la responsabilité a été engagée en raison
de la faute commise par son enfant mineur peut théoriquement, sous certaines conditions,
demander à ce dernier l’entière réparation du dommage par lui causé ; ou encore, un débiteur
solidaire ayant désintéressé un créancier peut obtenir contribution de la part de l’un de ses
codébiteurs solidaires. Parfois, ce recours en contribution s’effectue en même temps que le
procès en réparation. L’on parle alors de recours en contribution par anticipation : c’est
l’appel en garantie1872.

795. L’usage des actions récursoires est d’une utilité pratique incontestable : il n’est pas
rare, en effet, que plusieurs individus collaborent à la réalisation du dommage, que cette
participation s’effectue à titre direct (dans l’hypothèse d’une pluralité d’auteurs du fait
personnel) ou à titre indirect (lorsque l’auteur direct du fait générateur est sous la
responsabilité d’autrui). Toutefois, au regard de l’histoire du droit, il est relativement récent et
n’a provoqué aucune véritable ébullition doctrinale1873. A cet égard Jacques BORE écrivait, à
la fin des années 1960, que « les rapports entre les coresponsables in solidum ont été pendant
longtemps un purgatoire où la vie juridique se limitait à l’essentiel et où les solutions
restaient incertaines »1874. Pourtant, le législateur français admit dès 1804 que les
coresponsables d’un même dommage puissent être tenus solidairement de l’entière réparation.
La règle, inscrite à l’article 1214 du Code civil1875 selon laquelle un codébiteur solidaire peut
réclamer à un autre la portion de la dette à laquelle ce dernier est tenu, se limitait néanmoins,
à la responsabilité civile contractuelle. Pour les délits et quasi-délits, ce sont les juridictions
1872
Sur la distinction actions récursoires – appel en garantie : supra, n° 795 et s..
1873
En l’état de nos recherches, deux thèses, seulement, ont été consacrées au mécanisme des actions
récursoires : celle de Monsieur CANIN : Les actions récursoires entre coresponsables, préface de N. DEJEAN DE
LA BATIE, Litec, 1996 et celle de Monsieur BRENA, Les recours en contribution, sous la direction de D. FERRIER,
thèse MONTPELLIER, 2005.
1874
J. BORE, « Le recours entre coobligés in solidum », JCP G., 1967, I, 2126.
1875
« Le codébiteur d'une dette solidaire, qui l'a payée en entier, ne peut répéter contre les autres que les part et
portion de chacun d'eux ».

441
civiles qui ont finalement consacré l’existence d’une obligation in solidum. A la différence de
l’obligation solidaire qui doit avoir été prévue par la loi ou les parties, l’obligation in solidum
suppose l’existence de plusieurs dettes distinctes qui reposent sur un même objet :
l’indemnisation d’un créancier commun1876.

796. L’admission d’une obligation in solidum n’a pas suffi à consacrer de façon
systématique l’existence d’un recours entre les coresponsables. Cette exclusion s’appuyait sur
une tradition romaine fondamentalement hostile à l’exercice de telles actions. POTHIER, par
exemple, rappelait que, « selon les principes scrupuleux des jurisconsultes romains, le
débiteur qui a payé le total n’a, en ce cas, aucun recours contre ses débiteurs »1877. A la fin
du XIXème siècle, Théophile HUC, observait également que « celui qui a payé l’obligation
l’ayant uniquement payé comme sienne ne peut exercer aucun recours contre les autres »1878.
En réalité, à cette époque, la plupart des auteurs considérait que cette thèse était « la solution
la plus juridique »1879.

797. Juridiquement irréprochable, la conclusion n’en était pas moins inéquitable car « il est
choquant, en effet, que le choix que la victime a fait parmi les responsables conduise à
l’exonération de ceux qu’elle n’a pas poursuivis »1880. C’est ainsi que la Cour de cassation,
encouragée par une doctrine relativement favorable1881, reconnut finalement cette possibilité
au responsable solvens1882. Le succès a été immédiat et, en pratique, ces actions sont
aujourd’hui très fréquentes. D’une certaine manière, elles constituent le dernier acte d’un
procès en réparation d’un dommage subi : une fois qu’une créance réparatrice a été accordée à

1876
L’obligation solidaire et l’obligation in solidum se distinguent aussi et surtout quant à leurs effets respectifs :
la plupart des effets secondaires de la solidarité (la chose jugée à l'égard de l'un n'a pas autorité à l'égard de tous ;
la poursuite contre l'un n’interrompt pas la prescription à l'égard des autres ; l'appel interjeté par l’un ne bénéficie
pas aux autres) ne jouent pas dans le cadre de l’obligation in solidum.
1877
POTHIER, Traité des obligations, selon les règles tant du for de la conscience que du for extérieur, Tome 1,
nouvelle édition, PARIS, éd. Debure, 1764, spéc. p. 329. Cette citation a été reprise et traduite par de très
nombreux auteurs : voir not. Œuvres de POTHIER annotées et mises en corrélation avec le code civil et la
législation actuelle, par J.-J. BUGNET, op. cité, spéc. p. 142.
1878
TH. HUC, Commentaire théorique et pratique du Code civil, Tome 7, éd. F. Pichon, 1894, spéc. n° 314, p.
420.
1879
W. LAFAY, Etude sur la responsabilité des coauteurs de délits ou quasi-délits civils, thèse LYON, 1902,
spéc. p. 182.
1880
J. BORE, article précité.
1881
Voir par exemple CH. DEMOLOMBE, Cours du Code Napoléon, Tome 26, Traité des contrats et des
obligations conventionnelles en général, Tome 3, PARIS, Imprimerie générale, spéc. n° 304 ; J. BORE, « Le
recours entre coobligés in solidum », JCP G., 1967, I, 2126 ; du même auteur, « La causalité partielle en noir et
blanc ou les deux visages de l’obligation in solidum », JCP G., 1971, I, 2369 ; Y. LAMBERT-FAIVRE, « De la
poursuite à la contribution : quelques arcanes de la causalité », D., 1992, chron. pp. 311 et s..
1882
Voir par ex. : Civ. 2, 15 juin 1977 : JCP G., 1978, II, 18780, note J. BAUDOIN. Civ. 1, 7 juin 1977 : D., 1978,
298, note CH. LARROUMET ; JCP G., 1978, II, n° 19003, note N. DEJEAN DE LA BATIE ; G.P., 1978, 1, 131, note
A. PLANCQUEEL. Civ. 3, 5 décembre 1984 : JCP G., 1986, II, 20543, note N. DEJEAN DE LA BATIE.

442
la victime, place est laissée à l’équité entre coresponsables. Elles se situent dans le cadre plus
large des actions en contribution qui ont pour objet la répartition finale de la dette entre des
coobligés, et se distinguent des appels en garantie qui ont cette particularité d’être exercés
dans le cadre de l’instance en réparation, c’est-à-dire au stade de l’obligation à la dette. Pour
cette raison, la terminologie « action en contribution » nous semble plus adéquate, parce
qu’elle fait référence à la fois aux appels en garantie et aux actions récursoires proprement
dites1883.

798. Plan. Cette brève présentation des actions récursoires nous suggère alors une
interrogation : sont-elles admissibles dans le cadre de la responsabilité par représentation ?
Puisqu’à première vue l’admission d’une action récursoire – ou, plus généralement d’un
recours en contribution – suppose que le demandeur ait payé en totalité une dette dont un
autre était tenu, en tout ou partie, il semble que la réponse à cette question ne puisse
s’effectuer sans que la nature de la responsabilité par représentation ne soit déterminée
(Section 1). Ce n’est qu’une fois ce problème élucidé que nous pourrons véritablement
prendre position sur la réception d’un mécanisme de contribution dans le cadre de ce régime
de responsabilité (Section 2).

1883
En ce sens, voir l’intitulé de la thèse de Monsieur BRENA, Les recours en contribution.

443
Section 1 – La nature de la responsabilité par représentation

799. L’insuffisance des qualifications traditionnelles. Pour déterminer la nature de la


responsabilité par représentation, la logique voudrait que l'on compare ce régime avec les
régimes classiques de responsabilité, en particulier avec celui de la responsabilité personnelle
et celui de la responsabilité du fait d'autrui. Mais, lors de développements précédents, nous
avons constaté l’insuffisance des qualifications traditionnelles1884. La dissociation opérée
entre la commission du fait générateur et l’obligation de réparation qui s’ensuit rendait
difficile une assimilation entre la responsabilité par représentation et la responsabilité du fait
personnel. Si cet aspect n’était pas contradictoire avec l’idée d’une responsabilité du fait
d’autrui, l’absence de rapport d’autorité entre le primo responsable et le responsable final, et
l’incompatibilité entre la notion de fait d’autrui et celle de fait du représentant nous ont
amenés à rejeter cette solution. Il convient donc de se rendre à l’évidence, la responsabilité
civile par représentation est une responsabilité d’un genre nouveau.

800. Plan. Le contenu de celle-ci n’est toutefois pas totalement inconnu puisqu’elle
emprunte à ces deux régimes de responsabilité leurs caractéristiques déterminantes (§1). La
combinaison et l’adaptation de celles-ci au mécanisme de la représentation permettra ainsi
d’en déceler la nature particulière (§2).

§1- Une responsabilité par autrui

801. Une responsabilité directe. L'on retrouve, dans la responsabilité par représentation, la
même dissociation que celle observée dans la responsabilité civile du fait d'autrui1885 : celui
qui répare n'est pas l'auteur matériel du fait générateur. Mais, à la différence de la
responsabilité du fait d'autrui, il ne semble pas que la responsabilité du représenté soit une
responsabilité indirecte. Pour nous en assurer, nous allons raisonner à partir de la situation des
personnes morales.

1884
Supra, n° 625 et s..
1885
Supra, n° 629 et s..

444
802. La consécration de la nature personnelle de la responsabilité des groupements
personnalisés n’est pas suffisante pour en reconnaître le caractère direct ou indirect. Deux
voies sont en effet envisageables. Soit la personne morale garantit la responsabilité des
personnes physiques : il s’agirait alors d’une responsabilité indirecte ; soit l’on admet que la
faute lui est personnellement imputable : la responsabilité serait alors directe. Dans la
première hypothèse, la preuve de la responsabilité du dirigeant serait un préalable ; dans la
seconde, elle serait indifférente1886. Or, si l’on se réfère à la jurisprudence, le choix d’une
responsabilité directe semble évident. En effet, la Cour de cassation a eu plusieurs fois
l’occasion de rappeler que la responsabilité de l’être désincarné n’était en aucun cas
subordonnée à la responsabilité de la personne physique, parfois dans des termes
particulièrement clairs. Ainsi, dans un arrêt du 17 juillet 1967, la 2ème Chambre civile a jugé
« que la personne morale répond des fautes dont elle s’est rendue coupable par ses organes
et en doit réparation à la victime sans que celle-ci soit obligée de mettre en cause, sur le
fondement de l’article 1384, alinéa 5, lesdits organes pris comme préposés »1887. La solution
a depuis été maintes fois reprises, tant par les juridictions civiles1888 que par les juridictions
répressives1889. En doctrine, le caractère direct de la responsabilité civile des personnes
morales est relativement bien ancré et n'est plus guère contesté aujourd'hui. Madame VINEY,
par exemple, écrit que « ces décisions nous paraissent importantes, non seulement parce
qu'elles prononcent une dispense de mise en cause de l'agent, mais aussi parce qu’en fondant
la condamnation de la personne morale sur les principes de la responsabilité du fait
personnel (art. 1382 ou responsabilité contractuelle) et en répudiant explicitement le modèle
de l'article 1384, alinéa cinq, elles affirment nettement que la responsabilité de la personne
morale ne dépend pas de l'existence d'une responsabilité individuelle incombant à l'un de ses

1886
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile, op. cité, spéc. n° 853, pp. 1080-1081.
1887
Civ. 2, 17 juillet 1967 - Bull. civ., 1967, II, n° 261 ; R.T.D. Civ., 1968, p. 149, note G. DURRY.
1888
Com., 5 février 1991 - Bull. civ., 1999, IV, n° 51 : « Toute personne qui sciemment emploie un salarié en
violation d'une clause de non-concurrence souscrite par ce dernier commet une faute délictuelle à l'égard de la
victime de l'infraction. Viole dès lors l'article 1382 du Code civil (…) la cour d'appel qui rejette une action en
concurrence déloyale aux motifs que la société est une personne morale distincte des personnes physiques qui la
composent, formée de quatre associés dont deux ne peuvent se voir reprocher l'activité litigieuse dès lors qu'ils
n'avaient aucun lien antérieur avec la société plaignante et qu'elle n'avait quant à elle souscrit aucune clause de
non-concurrence au profit de la plaignante ». Civ. 1, 15 décembre 1999 - Bull. civ., 1999, I, n° 351 : JCP G.,
2000, I, 241, n° 6, obs. G. VINEY et JCP G., 2000, II, 10384, note G. MEMETEAU : « La circonstance que les
médecins aient eux-mêmes des obligations n'est pas de nature à exonérer l'établissement de santé privé de la
responsabilité qu'il encourt à raison des fautes commises dans l'organisation de son service ».
1889
Crim., 20 juin 2006 - Bull. crim., 2006, n° 188 : « Attendu que la responsabilité de la personne morale est
une responsabilité par représentation (…). La personne morale condamnée du chef d'homicide involontaire à la
suite d'un accident mortel du travail subi par un de ses salariés ne saurait se faire un grief de ce que l'identité de
l'auteur des manquements constitutifs du délit n'a pas été précisée par les juges du fond, dès lors que l'infraction
retenue n'a pu être commise, pour son compte, que par ses organes ou représentant ».

445
dirigeants »1890. Monsieur QUIEVY, également, reconnaît que « l'élection de ce texte [l’article
1382 du Code civil] n'est pas un choix irréfléchi, mais délibéré : il signifie que la société
encourt une responsabilité délictuelle directe et non indirecte »1891. De même, Madame
MESSAI-BAHRI observe que « la jurisprudence (…) considère désormais que la société a
accompli elle-même l'acte fautif et qu'elle en doit directement réparation sur le fondement des
articles 1382 et 1383 du Code civil »1892. L’on peut encore citer Messieurs TERRE, SIMLER et
LEQUETTE qui remarquent, tout en le regrettant, que la jurisprudence admet que les personnes
morales sont responsables directement du fait dommageable commis par leurs
représentants1893.

803. Bien que moins évidente en raison d'une jurisprudence peu abondante et, en tout état
de cause, beaucoup moins claire, la même remarque peut-être formulée dans le cadre de la
responsabilité par représentation du mandant pour le fait de son mandataire. Malgré la
dissociation entre la commission du fait dommageable et l'obligation de réparation, il semble
bien que la responsabilité du donneur d'ordre se rapproche du régime de la responsabilité
personnelle dès lors que la faute retenue est assimilée à celle du mandant. En témoignent ces
arrêts rendus par la Cour de Cassation sur le thème du dol au cours du XIXème siècle1894 et,
plus proche de nous, à la fin du XXème siècle1895, et dans lesquels les juges ont admis que le
dol commis par un représentant devait être réparé par le représenté. En dépit du caractère
personnel de ce délit civil, les juges du droit ont ainsi rejeté l'argumentation des défendeurs au
pourvoi selon laquelle les juridictions du fonds auraient violé les articles 1384 (responsabilité
du fait d’autrui), 1116 (le dol ne peut émaner que du cocontractant) et 1998 (le mandant n’est
pas tenu de ce qui a pu être fait au-delà du mandat). Ils confirment les solutions rendues en
seconde instance et réaffirment que « le représentant (…) n’est pas un tiers au contrat (…) et
que les manœuvres dolosives de ce représentant, viciant le consentement des clients, sont
opposables à l'établissement [le mandant] »1896. De cette manière, les juges expriment la
nature directe de la responsabilité par représentation puisque les effets du dol glissent sur
l’intermédiaire pour n’atteindre que le donneur d’ordre. Au regard du caractère intentionnel et
personnel du dol, l’on peut légitimement penser que l’hypothèse d’une responsabilité de type
1890
G. VINEY – P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité civile, ouvrage précité, spéc. n° 854, p. 1082.
1891
J.-F. QUIEVY, Anthropologie juridique de la personne morale, op. cité, spéc. n° 170, p. 273.
1892
S. MESSAI-BAHRI, La responsabilité civile des dirigeants sociaux, op. cité, spéc. n° 627, p. 349.
1893
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 725, p. 735.
1894
Req., 14 juin 1847 : D.P., 1847, 1, 332 ; Req., 30 juillet 1895 : D.P., 1896, 1, 132 ; Civ., 4 décembre 1899 :
S., 1900, 1, 311.
1895
Civ. 3, 29 avril 1998 - Bull. civ., 1998, III, n° 87 ; JCP E., 1998, pan. 1017 ; R.T.D. Civ., 1998, p. 930, note
Y. GAUTIER ; R.T.D. Civ., 1999, p. 89, note J. MESTRE ; A.J.D.I., 1999, p. 491, note F. COHET-CORDEY.
1896
Ibid..

446
personnel peut être étendue à toutes les hypothèses de responsabilité par représentation pour
lesquelles le fait générateur ne repose pas sur un tel élément.

804. Que la responsabilité par représentation s'apparente à une responsabilité de type


personnel ne signifie pas pour autant que la responsabilité par représentation soit une
responsabilité personnelle. Malgré la proximité des solutions et l'identité de fondement entre
l’une et l’autre (pour la responsabilité civile des groupements du moins), on ne peut ignorer
que, dans le cadre de la responsabilité par représentation, la responsabilité du représenté
repose sur un fait matériellement commis par un tiers (le représentant) alors que dans
l’hypothèse d’une responsabilité strictement personnelle, l’obligation de réparation pèse sur
l’auteur de la faute.

805. Une responsabilité par autrui. La reconnaissance du caractère direct de la


responsabilité par représentation en dépit d'une triade d'acteurs (un auteur, un responsable et
une victime) nous permet toutefois d’émettre une proposition sur la nature de la responsabilité
par représentation : puisque les effets juridiques du fait dommageable glissent sur le
représentant pour n’atteindre que le seul représenté, ne peut-on imaginer que la responsabilité
par représentation soit une responsabilité « par » autrui, et non une responsabilité « pour »
autrui ? Alors que la seconde alternative ne ferait pas disparaître la responsabilité du primo
responsable (il s’agirait donc d’une responsabilité du fait d’autrui classique), la première
effacerait les conséquences juridiques du fait générateur à l’encontre de l’auteur de la
faute pour les imputer au responsable comme s’il l’avait commise lui-même (il s’agirait donc
d’un nouveau type de responsabilité). Avant de défendre cette idée, il convient tout d’abord
de l’expliquer.

806. A propos de la responsabilité du fait d’autrui, l’on trouve parfois la terminologie


« responsabilité pour autrui » et « responsabilité par autrui »1897. Or, si ces locutions sont
certainement proches, l’utilisation de deux prépositions différentes dénote sans doute plus
qu’un effet de style. Selon le Petit Robert1898 en effet, le terme « pour »1899 traduit l’idée
d’« échange ou équivalence, direction ou destination, résultat ou intention ». Selon cette
acception, la responsabilité pour autrui ne fait nullement disparaître la responsabilité du primo
responsable : la responsabilité du garant accompagne celle d’autrui sans l’effacer. « Il s’agit

1897
Voir, par exemple, Messieurs TERRE, SIMLER et LEQUETTE qui utilisent cette distinction : F. TERRE, PH.
SIMLER, Y. LEQUETTE, ouvrage précité, spéc. n° 808 et s.. pp. 807 et s..
1898
Voir également, Le nouveau Littré, op. cité.
1899
Le petit Robert, op. cité, v° « pour ».

447
essentiellement non pas de déplacer la responsabilité originaire, mais de lui en ajouter une
autre afin d’améliorer la situation de la victime »1900. Parallèlement à cette expression, on
trouve exceptionnellement celle de responsabilité « par »1901 autrui qui signifie « au travers,
via, (…) » et « vise une relation de cause à effet ». Dès lors, le sens est fondamentalement
différent puisque la responsabilité de l’un fait disparaître celle de l’autre : la responsabilité
juridique du répondant pénètre celle de l’auteur matériel du fait dommageable. Dans une telle
situation, l’on assiste à « l’élimination »1902 de la responsabilité de ce dernier. Autrement dit,
la « triade »1903 de la responsabilité pour autrui fait place à une « dyade » 1904
qui rappelle
celle de la responsabilité du fait personnel1905. Pour cette raison, l’on ne peut, à proprement
parler, évoquer le mécanisme de la garantie ou de la substitution puisque l’un et l’autre
supposent, au moins dans un premier temps, la responsabilité originaire de celui qui a commis
la faute1906.

807. Reste, à présent, à comparer la responsabilité par représentation avec l’hypothèse


d’une responsabilité « par » autrui. La très grande proximité qui existe entre l’une et l’autre
est pour nous particulièrement séduisante car, précisément, ce que l’on constate dans la
responsabilité « par » autrui peut être étendu à la responsabilité par représentation. Alors que
la cause réside entièrement dans le représentant, l’effet est constaté chez le représenté parce
que la faute de l’intermédiaire est assimilée à celle du donneur d’ordre1907. La responsabilité
traverse la personne du premier pour terminer son chemin dans le patrimoine du second. C’est
ce qui explique pourquoi le tiers ne dispose, en théorie, d'aucune action contre le
représentant1908. De fait, le régime appliqué à la responsabilité du représenté est personnel,
alors même que le fait générateur de responsabilité ne l'est pas. Et parce que le représenté
supporte une obligation personnelle de réparation alors même qu’il est étranger au fait
dommageable, l’on en vient à conclure que la nature de la responsabilité par représentation est
d’être une responsabilité réputée personnelle.

1900
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cité, spéc. n° 815, p. 814.
1901
Le petit Robert, op. cité, v° « par ».
1902
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cité, spéc. n° 826, p. 826.
1903
Ibid..
1904
Ibid..
1905
Ibid..
1906
Ibid..
1907
Supra, n° 690 et s..
1908
Supra, n° 656 et s..

448
§2- Une responsabilité « réputée personnelle »

808. Le sens juridique du terme « réputé ». En réalité, la terminologie « responsabilité


réputée personnelle » n'est pas totalement inconnue du droit des obligations. En matière de
responsabilité civile des personnes morales, la Cour de Cassation s'y réfère parfois ; de son
côté, la doctrine l'utilise également, sans pour autant prêter plus particulièrement attention à
l'insertion du terme « réputé ». Pourtant, au regard du sens exact de ce mot, l’emploi de celui-
ci n’est pas anodin. Il présente, en tout cas, l’avantage de réunir sous une même bannière les
deux caractéristiques de la responsabilité par représentation : d’une part, la dissociation entre
la commission du fait générateur et l’obligation de réparation ; d’autre part, le caractère
personnel de l’obligation de réparation.

809. En effet, au sens du vocabulaire courant, « être réputé » signifie « être considéré
comme, être tenu pour »1909. Or, la réputation ne coïncide pas toujours avec la réalité. Si l’on
se tourne vers le vocabulaire juridique, c’est la même idée qui se cache derrière les différentes
utilisations. Ainsi lit-on, dans le Vocabulaire juridique de l’Association Capitant, « présumé
par la loi, considéré par la loi comme » sous le terme « réputé »1910 et « façon dont une
personne est considérée par la société, qualité qui lui est reconnue » sous celui de
« réputation »1911. Plus généralement, le terme « réputé » intéresse les situations dans
lesquelles un fait, une personne, un élément, …, est assimilé à un autre fait, personne ou
élément, sans que le premier ne soit exactement le second. En droit, cette absorption va se
traduire par l’attribution du régime juridique propre au concept auquel il est attaché. Pour
notre sujet, l’idée que la responsabilité par représentation est une responsabilité « réputée »
personnelle signifierait que, sans être une véritable responsabilité personnelle, certaines règles
de la responsabilité définie par l’article 1382 du Code civil pourraient s’appliquer, à certains
égards, au nouveau régime de responsabilité.

810. Les applications juridiques. L’on en trouve d’ailleurs de très nombreuses


applications en droit privé. La plus connue est sans doute celle relative à la possession d’état
qui n’est autre que le mécanisme par lequel un individu, qui adopte un certain comportement,
est « réputé » par la société comme conforme à ce comportement et va être traité
juridiquement comme tel, alors même que, pratiquement, il ne l’était pas forcément. Ainsi, un

1909
Le petit Robert, op. cité, v° « Réputé ».
1910
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité, v° « Réputé ».
1911
Ibid., v° « Réputation ».

449
lien de filiation peut se fonder sur une possession d’état alors même qu’elle diffère de la
réalité biologique1912 ; il peut même arriver que la possession d’état fasse obstacle à une action
en recherche de paternité lorsque celle-ci est conforme à un acte de naissance et a duré au
moins cinq années1913.

811. En droit des obligations, également, l’on repère plusieurs illustrations. En matière de
lutte contre les clauses abusives, notamment, la clause litigieuse sera « réputée » non écrite si
la preuve de l’abus est rapportée ou si elle a été prévue comme telle par le législateur1914.
Dans l’hypothèse d’une nullité, encore, l’effet rétroactif fait disparaître le contrat irrégulier
qui, de ce fait, est réputé n’avoir jamais existé1915. Enfin, en droit des biens, le partage de
l’indivision fait naître un droit de propriété individuel à l’égard des indivisaires, ces derniers
étant réputés propriétaires depuis le jour où la situation d’indivision est née. Autrement dit,
dans toutes ces hypothèses, un fait ou une conséquence juridique est considérée comme vrai
alors même que la réalité concrète est sensiblement différente. (La clause réputée non écrite a
pourtant bien été insérée dans la convention ; le contrat qui est réputé n’avoir jamais existé a
néanmoins été conclu – certes irrégulièrement – par les cocontractants.)

812. La signification de la consécration d’une responsabilité « réputée personnelle ».


En d’autres termes, qualifier la responsabilité par représentation de responsabilité « réputée
personnelle » revient à confirmer que celle-ci n’est pas une responsabilité personnelle, mais
une responsabilité d’un genre nouveau, à mi-chemin entre la responsabilité du fait d’autrui et
la responsabilité personnelle dont elle emprunte certaines des caractéristiques.

813. En revanche, l’assimilation de la responsabilité par représentation à la responsabilité


personnelle nous donne une indication décisive sur le régime de cette responsabilité. Puisque
le représenté est réputé avoir commis lui-même la faute, alors les conséquences de la mise en
œuvre de sa responsabilité pourront être comparées à celles de la responsabilité personnelle.

1912
Art. 310-1 du Code civil : « La filiation est légalement établie, dans les conditions prévues au chapitre II du
présent titre, par l'effet de la loi, par la reconnaissance volontaire ou par la possession d'état constatée par un
acte de notoriété. »
1913
Art. 333 al. 2 du Code civil : « Nul, à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation lorsque la
possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a
été faite ultérieurement. »
1914
Art. L. 132-1 al. 6 du Code de la Consommation : « Les clauses abusives sont réputées non écrites. ».
1915
Ainsi, en matière de nullité, la Cour de cassation statue au vu du « principe selon lequel ce qui est nul est
réputé n'avoir jamais existé ». En ce sens, voir not. Civ. 1, 15 mai 2001 - Bull. civ., 2001, I, n° 133 ou Civ. 3, 2
octobre 2002 : R.T.D. Civ., 2003, p. 284, note J. MESTRE et B. FAGES ; Civ. 3, 22 juin 2005 – Pourvoi n° 03-
18.624 ; Bull. civ., 2005, III, n° 143 ; Civ. 3, 28 janvier 2009 - Bull. civ., 2009, III, n° 23 ; Com, 10 février 2009
- Bull. civ., 2009, IV, n° 20 ; Civ. 3, 22 septembre 2010 - Bull. civ., 2010, III, n° 171 ; Soc., 30 septembre 2010 -
Bull. civ., 2010, V, n° 208 ; et pour une application très récente : Civ. 3, 30 novembre 2011 – Pourvoi n° 10-
27.021, arrêt publié au bulletin.

450
De fait, la dette de réparation dont le représenté sera débiteur sera une dette personnelle. Ceci
étant éclairci, l’on peut désormais envisager avec plus de facilité la nature des actions
récursoires qui pourront être mises en œuvre contre le représentant.

451
Section 2 – La nature des actions en contribution

814. Plan. Le problème de la nature de la responsabilité par représentation étant résolu,


c’est avec davantage de sérénité que nous pouvons envisager celui des actions récursoires. En
effet, la nature particulière de ce régime nous apporte de nombreux enseignements : puisque
le représenté est débiteur d’une dette de réparation qui lui est personnelle, la voie des actions
récursoires devrait lui être fermée, celles-ci supposant généralement le paiement de la dette
d’autrui (§1).

815. Pourtant, on ne peut nier une réalité : le dommage que le donneur d’ordre doit
indemniser a été causé par un autre que lui. Aussi, il apparaît largement souhaitable de lui
permettre de se retourner contre l’intermédiaire. Mais, en raison de l’inexistence du paiement
d’une dette d’autrui, nous n’aurons d’autre choix que celui de soumettre ces recours à
l’examen des relations réciproques qui unissent le représenté au représentant (§2).

§1- Le rejet des actions récursoires de type subrogatoire

816. Plan. Dans le cadre de la responsabilité civile, la majorité des actions récursoires
dirigées contre l’auteur du fait dommageable se fonde sur la subrogation. L’exercice d’un
recours en contribution de ce type suppose nécessairement l’existence d’une dette d’autrui (A)
dont l’absence exclut automatiquement la recevabilité de toute action récursoire de type
subrogatoire (B).

A- La mise en œuvre des actions récursoires de type subrogatoire : la nécessité du paiement


d’une dette d’autrui

817. Enoncé du problème. Recours en contribution ou actions récursoires, paiement de la


dette d’autrui et subrogation personnelle : ces différents concepts semblent intimement liés les
uns aux autres. Aussi, il semble impossible de faire l’économie des liens qui les unissent dès

452
lors qu’une étude a pour objet l’une ou l’autre de ces notions. Pour cette raison, nous allons
envisager successivement les rapports existants entre ces différentes figures juridiques.

818. Le recours en contribution de type subrogatoire : la nécessité du paiement d’une


dette (partielle ou totale) d’autrui. En droit, l’idée de contribution à la dette précède
systématiquement celle d’action récursoire. En effet, une même question se pose à propos de
toute action en contribution : celle de savoir sur qui pèse la charge définitive de la dette
lorsque plusieurs individus sont tenus envers un même créancier. Or, lorsqu’un seul d’entre
eux a payé, l’idée d’équité permet à ce solvens de réclamer à ses coobligés le paiement de
leurs parts respectives. Ainsi, pour reprendre une expression d’Eugène GAUDEMET, lorsque
l’obligation (à qui le créancier doit demander le paiement) et la contribution à la dette se
trouvent séparées, « le débiteur tenu de l’obligation doit alors, s’il est poursuivi, faire
l’avance du paiement, sauf à recourir ensuite contre le tiers tenu de la contribution »1916.
Autrement dit, le mécanisme des actions récursoires est celui qui promet la réalisation de la
contribution. D’ailleurs, pour reprendre la formule d’un ouvrage, l’action en contribution
n’est autre que « l’action récursoire par laquelle celui des codébiteurs qui a payé la totalité
de la dette réclame aux autres leur part »1917 ; l’action récursoire étant définie quant à elle
comme « le recours en justice de la personne, qui a dû exécuter une obligation dont une autre
était tenue, contre le véritable débiteur de l’obligation »1918. Manifestement, un amalgame
existe entre l’action en contribution et l’action récursoire, raison pour laquelle il nous semble
que l’appréciation de la notion de contribution est indispensable à la compréhension de la
technique des actions récursoires.

819. Malheureusement, il paraît que cette notion peine encore à rendre compte de son
unité : c’est que l’utilisation du terme dépasse largement le domaine de son champ
d’application, elle ne vise souvent qu’à présenter l’idée d’une charge commune. En droit des
régimes matrimoniaux, par exemple, les époux contribuent aux charges du mariage à
proportion de leurs facultés respectives1919 ; en droit des successions, les cohéritiers

1916
E. GAUDEMET, Etude sur le transport de dette à titre particulier, PARIS, 1898, p. 8. Nous soulignons.
1917
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité.
1918
Ibid..
1919
Plusieurs dispositions du Code civil attestent de cette idée de « contribution » entre les époux parmi
lesquelles l’article 214 al. 1 du Code civil : « Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des
époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives » ; l’article 373-2 al. 3
in fine : « Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à
l'entretien et à l'éducation de l'enfant » ; l’article 1436 : « Quand le prix et les frais de l'acquisition excèdent la
somme dont il a été fait emploi ou remploi, la communauté a droit à récompense pour l'excédent. Si, toutefois, la
contribution de la communauté est supérieure à celle de l'époux acquéreur, le bien acquis tombe en

453
contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession1920 ; en droit des
sociétés, l’article 1844-1 du Code civile énonce que « la part de chaque associé dans les
bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital
social ». Or, la terminologie « contribution », dans son acception technique, traduit à la fois
l’idée de participation à une dette commune et celle de répartition de cette dette commune
entre plusieurs personnes. Par conséquent, la notion de contribution détermine l’existence
d’une dette devant être répartie entre plusieurs coobligés, l’action en contribution étant alors
celle permettant de parvenir à cette répartition.

820. De ce point de vue là, l’exercice d’une action en contribution (et donc de tout
mécanisme récursoire) suppose immanquablement le paiement, en tout ou partie, de la dette
d’autrui. Dans sa thèse, Monsieur BRENA1921 démontre d’ailleurs avec force que cet élément
révèle la véritable originalité de l’ensemble des recours en contribution : l’obtention de la
participation de l’ensemble des coobligés à un rapport d’obligation auquel ils sont d’ores et
déjà liés. Ainsi l’auteur écrit que « l’ouverture d’un recours en contribution est suspendue à
la réunion de trois conditions qui marquent la spécificité de son domaine et en délimitent les
contours. L’ouverture d’un tel recours exige, en effet, cumulativement, un paiement dû par le
solvens et par un tiers à sa réalisation qui, à travers la soustraction au pouvoir dont
l’accipiens est investi à son égard, en bénéficie alors »1922. Pour lui, « les recours en
contribution désignent alors les mécanismes de droit par lesquels le coobligé solvens est en
mesure d’obtenir participation de ses coobligés au paiement »1923 en raison « de l’idée de
participation à une charge commune »1924. Définie ainsi, l’action en contribution ou le
mécanisme récursoire ont pour objet l’exécution équitable d’une obligation commune en
imposant à chaque coobligé de rembourser celui qui a payé pour eux.

821. L’extinction du paiement de la dette payée par autrui par le recours au


mécanisme de la subrogation. A la différence du paiement effectué par le débiteur, le
paiement de la dette d’autrui1925 enrichit le rapport d’obligation initial d’une nouvelle créance

communauté, sauf la récompense due à l'époux » ; l’ensemble du §3 de la section relative à la dissolution du


mariage « De l’obligation et de la contribution au passif après la dissolution ».
1920
Art. 870 du Code civil : « Les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la
succession, chacun dans la proportion de ce qu'il y prend ».
1921
S. BRENA, Les recours en contribution, op. cité, spéc. n° 43 et s., pp. 39 et s..
1922
Ibid., n° 43, p. 39.
1923
Ibid., n° 31, p. 26.
1924
Ibid., n° 2, p. 12.
1925
Sur la notion et le régime juridique du paiement de la dette d’autrui, voir not. A. RICHARD, Le paiement de la
dette d'autrui, préface de J.-B. DONNIER, P.U.A.M., Coll. du centre Pierre KAYSER, 2007.

454
entre le solvens et le primo-débiteur1926. En effet, si autrui est en mesure de dissoudre un lien
de droit auquel il est théoriquement étranger, « il n’est pas en mesure d’épanouir
immédiatement l’obligation dans toutes ses potentialités »1927. Autrement dit, la satisfaction du
créancier « n’engendre pas nécessairement l’extinction de l’obligation »1928 ce qui s’explique
par la présence d’un « élément devoir »1929 inhérent à tout lien obligatoire. « L’obligation, à
l’instar du dieu romain Janus, est à double face. Au droit du créancier de recevoir une
certaine prestation correspond le devoir du débiteur d’exécuter cette même prestation »1930.
Par conséquent, l’épanouissement de l’obligation (c’est-à-dire « son accomplissement
parfait »1931) ne peut être que partiel, car « il convient d’admettre que l’exécution de
l’obligation par autrui n’est pas un paiement absolu. Elle constitue un paiement relatif,
autrement dit, elle n’est un paiement que du seul point de vue du créancier »1932. Pour cette
raison, ce dernier n’a alors plus de droit et « doit disparaître du rapport d’obligation, afin
d’être remplacé par autrui »1933. En d’autres termes, « le paiement de la dette d’autrui a cela
de particulier qu’il porte en germe une obligation nouvelle »1934.

822. Dans sa thèse consacrée au fondement de l’obligation solidaire1935, Monsieur


HONTEBEYRIE aboutit à une conclusion quelque peu différente. S’il constate également que le
paiement effectué par le solvens n’éteint pas la dette du débiteur, il ne considère pas pour
autant que le paiement effectué soit à l’origine d’une nouvelle obligation1936. Pour l’auteur, la
survie de l’obligation du débiteur trouve sa justification dans l’existence simultanée de deux
obligations, celle du solvens et celle du débiteur. Afin d’illustrer ses propos, Monsieur
HONTEBEYRIE utilise l’exemple des assurances de choses1937. Dans l’hypothèse où la
détérioration de la chose assurée est imputable à la faute d’un tiers, l’on s’est demandé si
l’assureur qui avait indemnisé la victime pouvait se retourner contre l’auteur du dommage en
invoquant la subrogation. Dès la première moitié du XIXème, la Cour de cassation a été saisie

1926
En ce sens voir A. RICHARD, Le paiement de la dette d'autrui, thèse précitée, spéc. n° 271 et s., pp. 197 et s..
1927
Ibid., spéc. n° 17, p. 25.
1928
Ibid., spéc. n° 143, p. 113.
1929
Ibid., spéc. n° 16, p. 25.
1930
Ibid., spéc. n° 16, p. 25.
1931
J. CARBONNIER, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 327, p. 579.
1932
A. RICHARD, op. cité, n° 153, p. 120.
1933
Ibid., spéc. n° 144, p. 113.
1934
Ibid., spéc. n° 18, p. 26.
1935
A. HONTEBEYRIE, Le fondement de l’obligation solidaire en droit privé français, préface de L. AYNES,
Economica, coll. Recherches juridiques, Tome 7, 2004.
1936
Ibid., n° 146 et s., pp. 195 et s..
1937
Ibid.. L’auteur s’appuie également sur deux autres cas concrets que sont l’assurance-crédit et le dérivé de
crédit. Ibid., n° 165 et s., pp. 214 et s..

455
du problème auquel elle a répondu par la négative1938. Restait, néanmoins, à déterminer ce
qu’il advenait de la dette de réparation due par l’auteur du dommage. Concrètement, l’assuré
pouvait-il réclamer réparation auprès du responsable alors même qu’il avait déjà reçu une
indemnité d’assurance ? Reprenant les travaux de LABBE1939 et de Henri CAPITANT1940,
Monsieur HONTEBEYRIE montre que la solution doit s’appuyer sur la notion de cause1941.
L’auteur constate, en effet, que le versement de l’indemnité acquitté par l’assureur a pour
contrepartie le versement de sommes payées par l’assuré, ce qui signifie que l’assureur paie ce
qu’il a promis. A l’inverse, la dette de réparation due par le responsable trouve son origine
dans le dommage qu’il a causé à sa victime. En d’autres termes, la dette de l’assureur « est
proprement causé : elle ne trouve pas son origine dans le dommage qui a été infligé à son
cocontractant mais, tout banalement, dans les sommes reçues par ce dernier »1942. Pour cette
raison, « que le paiement, [par le solvens au créancier] n’emporte pas paiement de la dette
d’indemnité qui pèse sur le responsable du sinistre, laquelle donne lieu à un paiement
distinct, et ce parce que ces deux dettes sont distinctement causés »1943.

823. Intervient alors le mécanisme de la subrogation1944 qui, précisément, réalise cette


substitution. D’origine latine1945, le terme apparaît pour la première fois en droit canonique1946
et est généralisé, ensuite, par un Edit royal du Roi Henri IV en 16091947. Au sens large, la
subrogation se définit « comme la substitution, dans un rapport juridique, soit d’une chose à

1938
Civ., 2 mars 1829 : S., 1828 – 1830, p. 240.
Toutefois, cette solution n’est plus de droit positif. La loi du 13 juillet 1930 sur le contrat d’assurance
terrestre est en effet venue consacrer, au bénéfice de l’assureur, la subrogation automatique dans les droits de
l’assuré à hauteur de l’indemnité d’assurance qu’il lui verse. A ce propos, A. HONTEBEYRIE, op. cité, n° 152 et
s., pp. 202 et s..
1939
J.-E. LABBE, note sous Req., 19 janvier 1880 : S., 1880, I, p. 441.
1940
H. CAPITANT, « Du recours soit de l’assureur, soit de l’assuré contre le tiers qui, par sa faute, a amené la
réalisation du risque prévu au contrat d’assurance, R.T.D. Civ., 1906, p. 36.
1941
A. HONTEBEYRIE, op. cité, n° 147 et s., pp. 196 et s..
1942
Ibid., n° 149, p. 198.
1943
Ibid., n° 151, p. 200.
1944
Pour des références générales sur la subrogation personnelle voir en particulier la thèse remarquable et
remarquée de Monsieur MESTRE, La subrogation personnelle, préface de P. KAYSER, L.G.D.J., coll.
Bibliothèque de droit privé, Tome 160, 1979. Comme le fait remarquer Pierre KAYSER, auteur de la préface,
aucune monographie, au cours des XIXème et début XXème siècle n’avait été consacrée à la notion alors que
plusieurs thèses portaient exclusivement sur la subrogation réelle. Voir cependant également quelques thèses
précitées : S. BRENA, Les recours en contribution, op. cité, spéc. n° 314 et s., pp. 323 et s. ; P. CANIN, Les actions
récursoires entre coresponsables, op. cité, spéc. n° 88 et s., pp. 107 et s. ; A. RICHARD, Le paiement de la dette
d'autrui, op. cité, spéc. n° 146 et s., pp. 115 et s..
1945
Bien que le terme provienne du latin « sub-rogare » qui signifie « faire choisir quelqu’un à la place d’un
autre » (F. GAFFIOT, Dictionnaire latin français, op. cité), les juristes romains utilisaient diverses expressions
pour désigner une substitution de personnes (par exemple, « in locum substituere ». Voir thèse précitée de
Jacques MESTRE, note 7, p. 5.
1946
J. MESTRE, thèse précitée, spéc. n° 3, p. 5 ; A. RICHARD, Le paiement de la dette d'autrui, op. cité, spéc. n°
146, p. 116.
1947
J. MESTRE, op. cité, spéc. n° 30-31, pp. 38-39.

456
une autre – on parle alors de subrogation réelle – soit d’une personne à une autre.
L’expression « subrogation personnelle », adaptée à cette dernière hypothèse, semblerait
donc pouvoir s’appliquer à toute substitution d’une personne à une autre dans un rapport de
droit »1948. Dans sa thèse, Monsieur MESTRE souligne toutefois, dès l’introduction, que l’ « on
ne saurait parler, de manière exacte, de subrogation personnelle sans la présence d’un
paiement »1949. Autrement dit, l’auteur envisage la subrogation personnelle uniquement
comme « la substitution d’une personne dans les droits attachés à la créance dont une autre
était titulaire »1950.

824. Cette institution présente comme caractéristique principale de faciliter la satisfaction


du créancier en empêchant toutefois l’extinction totale de l’obligation ou, pour reprendre une
expression déjà rencontrée, son plein épanouissement1951. Cette contradiction apparente a
longtemps semblé insoluble à la doctrine qui, dès le début du XIX ème siècle, rangeait ce
mécanisme parmi les causes d’extinction des obligations. Ainsi, MERLIN1952 proclamait-il que,
« dans la subrogation, (…) la dette primitive est éteinte ». Au cours du XXème siècle, cette
opinion fut fermement défendue. René SAVATIER1953, par exemple, disait de la subrogation
qu'elle était une technique par laquelle une créance « aussitôt payée et par la même éteinte,
(…) ressuscite légalement sur la tête du solvens » ; AUBRY et RAU1954, également, écrivaient
que, par le jeu de la subrogation, « une obligation éteinte au regard du créancier originaire,
par suite du paiement qu'il a reçu d'un tiers ou du débiteur lui-même, mais avec des deniers
qu'un tiers lui a fournis à cet effet, est regardée comme continuant de subsister au profit de ce
tiers »1955. Cette conception de la subrogation a été suivie par certains auteurs contemporains.
Parmi d’autres, Madame CATALA affirmait qu’« en tant que mode d'extinction des
obligations, le payement est toujours identique à lui-même, quelle que soit la prestation qui le
réalise »1956. Prenant acte de cette difficulté, Monsieur MESTRE a alors proposé de résoudre le
paradoxe en envisageant le paiement de manière duale, c'est-à-dire en admettant « qu’il existe

1948
Ibid., spéc. n° 3, p. 5.
1949
Ibid., spéc. n° 4, p. 7.
1950
Ibid..
1951
Le paiement pour autrui n’est qu’un paiement relatif : A. RICHARD, Le paiement de la dette d'autrui, op. cité,
spéc. n° 152, p. 119. Voir également N. CATALA, La nature juridique du paiement, L.G.D.J., 1961, spéc. p. 20.
1952
M. MERLIN, Recueil alphabétique des questions de droit, Tome 14, BRUXELLES, H. Tarlier, Libraire-
Editeur, 4ème édition, 1829, spéc. p. 392.
1953
René SAVATIER, La théorie des obligations, de même juridiques et économiques, Dalloz, 3ème édition, 1974,
spéc. n° 277.
1954
C. AUBRY et C. RAU, Cours de droit civil français, Tome IV, op. cité, spéc. § 321, p. 263.
1955
Dans le même sens : J. CARBONNIER, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 130 ; H., L. et
J. MAZEAUD, Leçons de droit civil - Obligations : Théorie générale, 5ème édition par M. DE JUGLART, Tome 2, 1er
Vol., Montchrestien, 1998, spéc. n° 841 et s., pp. 943 et s..
1956
N. CATALA, La nature juridique du paiement, op. cité, spéc. p. 21.

457
deux cas de paiement totalement différents : l’un extinctif de créance et l’autre translatif de
créance »1957. L’analyse, particulièrement séduisante, a été reprise par Madame RICHARD dans
sa thèse relative au paiement de la dette d’autrui1958. Elle démontre ainsi que, dans l’hypothèse
où la dette a été payée par un autre que le débiteur, la subrogation « participe [au] complet
épanouissement [de l’obligation] »1959 parce qu’ « en assurant la survie du rapport
d’obligation initial en substituant le solvens au créancier au sein de ce rapport, elle permet la
réalisation de l’élément devoir inhérent à l’obligation »1960. De fait, la subrogation est, pour
l’auteur, un moyen de paiement absolu de l’obligation primitive1961.

825. Le mécanisme de la subrogation et les actions récursoires : un lien systématique ?


L’application méthodique du lien existant entre le paiement d’une dette d’autrui et la
subrogation permet alors de mieux cerner le contenu des actions récursoires et, en particulier,
la nature propre de ce mécanisme. Puisque la technique vise à obtenir la répartition d’une
dette commune entre les différents coobligés et le remboursement de celui qui a payé 1962, il
semblerait naturel que l’exercice de ces actions adopte le modèle subrogatoire. A l’analyse, il
en est bien ainsi, et l’on ne peut que constater que le fondement subrogatoire est fréquemment
invoqué en jurisprudence pour justifier le recours du solvens contre les coresponsables. La
solution a été expressément admise dès la fin de la première moitié du XXème siècle. Ainsi,
dans un arrêt en date du 21 décembre 1943, la Cour de Cassation a-t-elle jugé que « l'assureur
de dommage qui a payé l'indemnité d'assurance était subrogé dans les droits et actions de
l'assuré contre le tiers responsable du sinistre »1963. Depuis, elle a été confirmée à de
nombreuses reprises et l’on peut citer à cet égard un arrêt de la deuxième Chambre civile du
11 février 1981 dans lequel les juges ont affirmé que, « dans le cas où deux véhicules ont
contribué à la production du même dommage, celui des deux gardiens qui a désintéressé
intégralement la victime a, par l'effet de la subrogation légale, un recours contre l'autre co-
auteur dans la mesure de la responsabilité de celui-ci »1964 ; ou encore, un autre arrêt de la

1957
J. MESTRE, thèse précitée, spéc. n° 6, p. 11.
1958
A. RICHARD, op. cité, spéc. n° 152, p. 119.
1959
Ibid., spéc. n° 154, p. 121.
1960
Ibid..
1961
Ibid., spéc. n° 152, pp. 145 et s..
1962
Supra, n° 791 et s..
1963
Civ., 21 décembre 1943 : S., 1944, p. 96 ; JCP G., 1945, II, 2779, note A. BESSON. Pour une application
récente : Com., 7 février 2012 – Pourvoi n° 10-27.304 ; Bull. civ., 2012, IV, n° 26 : « Attendu qu'il résulte de ce
texte [l'article L. 121-12 du code des assurances] que l'assureur, subrogé dans les droits et actions de son
assuré qu'il a indemnisé, peut se prévaloir de la déclaration de créance faite par ce dernier, avant le versement
de l'indemnité d'assurance, à la procédure collective de l'auteur du dommage ».
1964
Civ. 2, 11 février 1981 - Bull. civ., 1981, II, n° 33 : D., 1982, p. 255, note E. AGOSTINI ; G.P., 1981, 2, pan.,
p. 237.

458
même Chambre rendu le 25 novembre 1992 dans lequel il a été dit que « le coauteur d'un
accident, condamné à indemniser les ayants droit d'une victime tuée dans cet accident et
restée gardienne de son propre véhicule, également impliqué, ne peut, comme subrogé dans
les droits de ces ayants droit, recourir contre eux et leur assureur en remboursement des
sommes qu'il a dû leur verser »1965. Très récemment, la Cour de cassation a ainsi approuvé des
juridictions du fond d’avoir fait application du mécanisme de la subrogation pour permettre à
l’assureur d’un locataire de se retourner contre le sous-locataire ayant causé un incendie dans
le bien loué1966.

826. A cet égard, la doctrine est relativement homogène et approuve, dans l’ensemble, le
fondement subrogatoire tout en admettant d’autres fondements éventuels. Ainsi Messieurs
BORE1967, MESTRE1968, TERRE, SIMLER et LEQUETTE1969 approuvent-ils avec force ce choix.
D’autres, estimant que l’obligation exécutée était composée de plusieurs dettes, lui préfèrent
le principe de l’équité (Messieurs CHABAS1970 et DURRY1971) ou de la gestion d’affaires
(Messieurs LARROUMET1972 et HUET1973). Plus récemment, Monsieur BRENA considère même
que l’admission d’un fondement subrogatoire à l’ensemble de ces actions révélait l’unité
notionnelle de la catégorie des recours en contribution1974.

827. En réalité, il n’est guère que Monsieur CANIN1975 pour critiquer cette théorie et
proposer un autre fondement que celui de la subrogation1976. A l’appui de sa thèse, il fait
valoir que les effets juridiques de la subrogation sont nécessairement partiels1977 et que le
subrogé ne dispose pas de l’ensemble des droits du subrogeant1978. Les remarques sont

1965
Civ. 2, 29 avril 1994 - Bull. civ., 1994, II, n° 121 ; JCP G., 1994, I, 3809, note G. V INEY ; R.C.A., juillet
1994, n° 260 ; D., 1994, I.R., 131.
1966
Civ. 3, 23 mai 2012 – Pourvoi n° 11-17.183, arrêt publié au bulletin. Pour des illustrations récentes, voir,
parmi d’autres : Civ. 3, 20 juin 2012 – Pourvoi n° 11-15.071 ; Com., 10 mai 2012 – Pourvoi n° 08-22.049 ;
Com., 11 avril 2012 – Pourvoi n° 10-25.512.
1967
J. BORE, « Le recours entre coobligés in solidum », art. précité.
1968
J. MESTRE, thèse précitée, spéc. n° 181, p. 201.
1969
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 891, p. 899. Ces auteurs
écrivent par ailleurs qu’il existe un autre type de recours, personnel cette fois-ci.
1970
F. CHABAS : D., 1973, p. 533 ; « Remarques sur l’obligation in solidum », R.T.D. Civ., 1967, pp. 310 et s..
1971
G. DURRY : R.T.D. Civ., 1978, p. 364.
1972
C. LARROUMET : D., 1978, p. 289 ; note sous Civ. 1, 7 juin 1977 : D., 1978, p. 289.
1973
J. HUET, « L'obligation in solidum et le jeu de la solidarité dans la responsabilité des constructeurs », R.D.I.,
1983, pp. 11 et s..
1974
S. BRENA, thèse précitée, spéc. n° 314 et s., pp. 323 et s..
1975
P. CANIN, thèse précitée, spéc. n° 99 et s., pp. 120 et s..
1976
L’auteur propose l’enrichissement sans cause. En ce sens également : N. DEJEAN DE LA BATIE : JCP G.,
1978, II, 19003.
1977
P. CANIN, thèse précitée, spéc. n° 100, p. 121.
1978
Ibid., spéc. n° 101 et 102, p. 122.

459
pertinentes et nous aurons l’occasion de revenir sur ce point1979. En tout état de cause, l’on
peut d’ores et déjà retenir que la subrogation suppose que celui qui paie ne dispose pas, après
paiement, de plus de droits que n’en disposait la victime à l’égard de l’auteur matériel1980. Or,
dans l’hypothèse de la responsabilité par représentation, le tiers cocontractant et le
représentant ne sont, en théorie, que deux étrangers qu’aucun lien de droit n’unit1981. De ce
point de vue là, il semble alors difficile de permettre au représenté d’exercer une action
récursoire de type subrogatoire contre le représentant.

B- L’absence de dette d’autrui : l’impossibilité des actions récursoires de type subrogatoire

828. L’impossible recours subrogatoire. L’hypothèse d’un recours du représenté contre le


représentant fondé sur le modèle subrogatoire supposerait que le responsable (le représenté)
ait payé, en tout ou partie, la dette de l’auteur direct du fait générateur (le représentant). Or,
dans le cadre de la responsabilité par représentation, un tel schéma n’est pas caractérisé. En
effet, par le jeu du mécanisme de la représentation, lorsque la responsabilité du donneur
d’ordre est engagée, c’est bien sa dette propre que ce dernier supporte 1982. Par conséquent, le
paiement de la dette de réparation emporte l’extinction de la créance puisque, lorsque les
obligations sont personnelles, elles « s’éteignent par le payement »1983.

829. Pour deux raisons, l’exercice d’une action récursoire de type subrogatoire est, dans le
cadre de la responsabilité par représentation, voué à l’échec. Non seulement, la condition
d’ouverture commune à ces recours en contribution est absente1984 ; mais surtout, les effets
juridiques de la subrogation seront nécessairement inefficaces. En effet, lorsque la technique
subrogatoire est admise, le subrogé ne dispose d’aucun droit dont le subrogeant ne disposerait
pas. Or, en théorie, représentant et tiers cocontractant ne sont unis par aucun lien de droit :
entre ces deux individus il n’existe rien d’autre qu’un lien matériel qui demeure, toutefois,
sous l’autorité du donneur d’ordre, ce dernier seulement étant habilité à déterminer le contenu
de la mission de représentation. Par conséquent, le demandeur à l’action civile ne peut

1979
Supra, n° 827 et s..
1980
Par exemple : Com., 6 mai 1997 - Pourvoi n° 94-19.095 ; Bull. civ., 2001, IV, n° 126 ; Com., 10 mai 2012 -
Pourvoi n° 08-22.049.
1981
Supra, n° 166 et s..
1982
Supra, n° 813 et s..
1983
Article 1234 al. 1 du Code civil : « Les obligations s’éteignent par le payement ».
1984
Supra, n° 819 et s..

460
intenter une action en responsabilité contre le représentant, sauf à démontrer que ce dernier a
agi en dehors du domaine de la représentation. Mais alors, la question d’un recours du
représenté contre le représentant ne se poserait plus, la condition de mise en œuvre du régime
de la responsabilité par représentation étant manquante1985.

830. La nécessité du recours. Est-ce à dire que le représenté ne dispose d’aucun moyen de
recours contre le représentant ? Selon cette présentation, l’on pourrait être tenté de le croire.
Mais ce serait oublier deux choses : d’une part, la mise en œuvre des règles de la
responsabilité par représentation répond toujours au schéma selon lequel celui qui répare n’est
pas celui qui commet le fait dommageable ; d’autre part, (et surtout), représenté et
représentant sont unis par un lien de droit1986. Or, d’une manière ou d’une autre, la faute
commise à l’égard du tiers peut refléter l’existence d’une faute à l’égard du donneur d’ordre :
la commission d’une faute intentionnelle dans l’exécution de la mission pour autrui, par
exemple, pourrait constituer une atteinte au devoir de bonne foi en matière contractuelle ; plus
simplement, le dommage subi par le tiers pourrait être consécutif à une mauvaise gestion du
mandataire, ...

831. Par conséquent, le dommage subi par le tiers peut parfois s’accompagner d’un
dommage subi par le représenté. Autrement dit, le fait dommageable commis par le
représentant peut générer deux types de préjudices, l’un propre au tiers, l’autre personnel au
donneur d’ordre. De ce fait, l’hypothèse d’un recours fondé, non pas sur le modèle
subrogatoire mais sur le lien personnel qui unit le responsable à l’auteur du dommage doit être
envisagé.

§2- L’admission de recours de type personnel

832. Plan. Si l’utilité et la nécessité d’un recours du représenté envers le représentant sont
évidentes, son existence juridique est apparemment plus douteuse. Aussi, nous faudra-t-il
d’abord la démontrer (A) avant de la justifier (B).

1985
Supra, n° 539 et s..
1986
Supra, n° 692 et s. et infra n° 918 et s..

461
A- L’existence du recours

833. Plan. Tout en reconnaissant à la subrogation une place particulière, certains auteurs
considèrent que le recours d’un responsable contre l’auteur véritable du dommage obéit aux
règles des actions personnelles. Boris STARCK, par exemple, écrivait que « pour se faire
rembourser ce que chacun lui doit, le codébiteur qui a payé dispose de deux sortes d'action: il
peut utiliser l'action même du créancier qui a reçu le paiement et qu’il acquiert en vertu de la
subrogation légale (…). Il peut, s’il y trouve un intérêt, se retourner contre les autres
débiteurs par une action fondée sur l'idée de mandat ou de gestion d’affaires, car, en payant
il agit dans l'intérêt de tous »1987. C’est en des termes relativement semblables que Messieurs
TERRE, SIMLER et LEQUETTE s’expriment lorsqu’ils admettent que le solvens bénéficie de
deux actions contre leurs codébiteurs, l’une fondée sur la subrogation, l’autre sur le mandat ou
la gestion d’affaires1988. Monsieur LE TOURNEAU, également, reconnaît que « le coauteur
solvens dispose aussi d'une action personnelle contre le coauteur, de sorte qu'il peut agir
contre lui, même si ce dernier a bénéficié d'une renonciation de la victime »1989.

834. En pratique, le droit positif fournit de nombreuses illustrations dans lesquelles une
voie de recours est ouverte au responsable contre l’auteur du fait générateur avec lequel il est
lié juridiquement, alors même qu’aucun lien de droit n’est constitué entre la victime et ce
dernier (par exemple le recours du débiteur condamné pour l’inexécution contractuelle d’un
débiteur substitué1990) ou que tout droit de la victime contre son débiteur a disparu, en raison
d’un désistement d’instance ou d’une renonciation de la victime1991. Pour défendre
l’hypothèse d’un recours personnel du représenté contre le représentant, nous partirons de
l’analyse d’exemples concrets (1) dont nous tirerons ensuite les enseignements (2).

1987
B. STARCK, Droit civil – Les obligations, Tome 1, Librairies techniques, 1972, n° 2416, p. 728.
1988
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 1062, pp. 1057 et s..
1989
PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, spéc. n° 1753, p. 670.
1990
Infra, n° 837 et s..
1991
L’on peut parfois considérer qu’il y application de l’article 2051 du Code civil « La transaction faite par l’un
des intéressés ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux ». Civ. 1, 7 juin 1977 - Bull. civ.,
1977, I, n° 266 ; D., 1978, 289, note CH. LARROUMET ; G.P., 1978, 1, 131, note A. PLANCQUEEL ; JCP G., 1978,
19003, note N. DEJEAN DE LA BATIE. Voir également, Civ. 3, 24 janvier 1978 - Bull. civ., 1978, III, n° 50. Infra,
n° 846 et s..

462
1- L’approche empirique

835. Plan. Dans deux hypothèses, au moins, le recours d’un responsable contre un autre
responsable est essentiellement d’ordre personnel. Il s’agit, d’une part, du recours du débiteur
principal contre un débiteur substitué (a), et, d’autre part, du recours du débiteur contre un
codébiteur libéré par la victime (b). Ces deux situations ont un point commun avec l’éventuel
recours du mandant - représenté contre le mandataire - représentant : à chaque fois, le solvens
est autorisé à exercer une action récursoire alors même que ce dernier a payé une dette qui lui
était personnelle. C’est la raison pour laquelle ces exemples peuvent contribuer à affirmer et à
expliquer l’existence d’un recours personnel du mandant - représenté contre le mandataire –
représentant.

a- Le recours du débiteur contre le débiteur substitué

836. La notion de substitution de débiteur et ses incidences sur la responsabilité civile.


Lorsqu’un lien contractuel se forme entre un créancier et un débiteur, le devoir de ce dernier
est en principe d’exécuter personnellement la prestation attendue. Cette approche s’appuie sur
une conception subjective de l’obligation1992 qui l’envisage comme un lien strictement
personnel. Or, dès lors que l’on analyse l’obligation ainsi, celle-ci est nécessairement attachée
à la personne des cocontractants. Par conséquent, le créancier est en droit d’attendre que
l’exécution de la prestation attendue soit le fait de celui en qui il a placé sa confiance : « on lie
les bœufs par les cornes et les hommes par les paroles » disait LOYSEL ! De ce point de vue, «
tout changement de sujet - actif ou passif – paraissait impossible »1993, précisément parce
qu’il rompt ce lien personnel. Cette conception a longtemps prédominé, notamment en droit
romain1994, s’opposant alors à toute transmission des obligations.

837. Pourtant, les jurisconsultes recourraient déjà à certains palliatifs autorisant la


circulation des obligations1995. C’est ainsi que, dès 1804, notre droit admit officiellement que

1992
Sur la conception personnelle de l’obligation voir par exemple A. RICHARD, Le paiement de la dette d'autrui,
op. cité, spéc. n° 2 et s., pp. 17 et s ..
1993
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 1271, p. 1260.
1994
A. RICHARD, thèse précitée, spéc. n° 3 et s., pp. 17 et 18.
1995
F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cité. La solution la plus classique était de considérer l’obligation,
non plus comme un lien personnel mais comme une valeur ou un bien.

463
certains débiteurs remplacent ceux initialement obligés et s’exécutent à leurs places. Ce fut
notamment le cas du mandataire pour lequel le législateur a consacré cette possibilité : au
terme de l’article 1994 du Code civil, les rédacteurs lui ont en effet offert la possibilité de
faire réaliser sa mission par un tiers, à condition, pour le substituant, de répondre des fautes du
substitué1996. Autrement dit, cela signifie que le premier sera contractuellement responsable
du second, pour l’ensemble des fautes contractuelles commises par lui1997.

838. D’autres mécanismes de « substitution »1998 ont également été légalement


1999
consacrées , mais ces différentes opérations de « substitution » recouvrent des situations
très diverses qu’il convient de distinguer. En effet, l’introduction d’un tiers dans le champ
contractuel s’accompagne ou non de l’accord du créancier. Or, selon l’acquiescement ou le
refus de ce dernier à la substitution, on constate ou non une décharge de responsabilité en
faveur du primo-débiteur. Ainsi, l’éventuelle autorisation du créancier permettra, le cas
échéant, de libérer son coobligé initial2000. Cette situation ne présente donc guère d’intérêt

1996
Pour plus de développements sur la substitution de mandataire, Supra, n° 226 et s. et supra, n° 301 et s..
Il en est allé de même pour le locataire (Article 1717 alinéa 1 du Code civil : « Le preneur a le droit de sous-
louer (...). »), pour l’entrepreneur (Article 1 de la loi du 31 décembre 1975 : « au sens de la présente loi, la sous-
traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une
autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une marche d'une
partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ».), ou encore pour le commissionnaire (Article L.
132-6 du Code de commerce : Le commissionnaire « est garant des faits du commissionnaire intermédiaire
auquel il adresse les marchandises. »).
1997
Pour le locataire, c’est l’article 1735 du Code civil qui prévoit sa responsabilité pour les fautes commises par
le sous-locataire : « Le preneur est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de
sa maison ou de ces sous-locataires » ; pour l’entrepreneur il s’agit de l’article 1797 du Code civil qui dispose
que « l’entrepreneur répond du fait des personnes qu’il emploie » ; pour le commissionnaire, Voir l’article L.
132-6 du Code de commerce précité. Sur le principe général de responsabilité contractuelle du fait d’autrui,
supra, n° 367 et s..
1998
Sur la notion de substitution et le débat relatif à sa possible autonomie voir en particulier Emmanuel
JEULAND qui s’inscrit clairement dans la mouvance autonomiste du concept (E. JEULAND, Essai sur la
substitution de personne dans un rapport d'obligation, préface de L. CADIET, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de
droit privé, Tome 318, 1999, spéc. n° 153 et s.. Pour une opinion contraire voir la thèse de Blandine MALLET-
BRICOUT (B. MALLET-BRICOUT, La substitution de mandataire, thèse précitée, spéc. n° 737 et s., p. 440 et s.). Se
reporter également aux références nombreuses citées par les auteurs.
1999
A cet égard, l’on peut évoquer le mécanisme de la novation (sur ce point, voir J.-L. AUBERT, « Novation »,
in Répertoire civil, Dalloz, 2013) qui permet à un individu de succéder à un débiteur et d’être obligé à la place de
ce dernier envers le créancier. (L’article 1271 2° du Code civil vise expressément la novation par changement de
débiteurs, c’est-à-dire la situation dans laquelle « un nouveau débiteur est substitué à l’ancien qui est déchargé
par le créancier »). L’on peut encore citer la cession de contrat. (Pour une approche générale et approfondie de
la notion de sous-contrat, voir en particulier la thèse de Jean NERET, Le sous-contrat, préface de P. CATALA,
L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 163, 1979.) Parce qu’elle comporte à la fois une cession de
créance et une cession de dette, la cession de contrat est en principe prohibée par le droit français. (A propos du
débat : F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les obligations, op. cité, spéc. n° 1304 et s., pp. 1293
et s..) Il n’en reste pas moins qu’elle a été ponctuellement admise par le législateur : l’article 1717 du Code
civil, par exemple, permet au « preneur (…) de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été
interdite ».
2000
Dans cette hypothèse, on se situera alors dans une cession de dette voire de contrat ou dans une novation par
changement de débiteur.

464
pour nous. A l’inverse, l’absence d’agrément ne permet pas l’effacement de ce rapport
juridique originel et l’on remarque alors l’adjonction d’un second rapport contractuel entre le
débiteur substituant et le débiteur substitué2001. Le créancier dispose donc de deux actions :
l’une à l’encontre de l’auteur direct du dommage2002, l’autre à l’encontre du débiteur initial.

839. L’impossible subrogation du débiteur initial dans les droits du créancier :


l’exemple de la substitution de mandataires. En général, le débiteur condamné dispose d'un
recours contre le tiers fautif. Dans un arrêt en date du 12 janvier 1988, par exemple, la
Chambre commerciale de la Cour de cassation a sanctionné une Cour d’appel qui avait
déclaré irrecevable le recours d’un commissionnaire contre le transporteur par lui désigné
alors que « la société Gondrand [le débiteur subsituant], responsable de plein droit vis-à-vis
du propriétaire de la marchandise [le créancier] qui lui réclamait réparation, avait un intérêt
légitime à agir contre la Solytrac [le débiteur subsitué] qu'elle avait choisie pour effectuer le
transport »2003. En revanche, le modèle subrogatoire semble impossible à mettre en œuvre, à
moins d’admettre que certaines prévisions contractuelles puissent être déjouées. Pour le
démontrer, nous allons partir d’un exemple concret : celui de la substitution de mandataire
encore dénommé sous-mandat ou délégation de mandat2004.

840. Au terme de l'article 1994 alinéa 2, le mandant bénéficie d'une action directe contre
l'auteur de l'inexécution contractuelle. À en croire une jurisprudence relativement bien établie,
cette action obéirait au régime de la responsabilité contractuelle, alors même qu’il n’existe
aucun lien de cette nature entre les parties extrêmes : en effet, la Cour de cassation a eu
l’occasion d’affirmer que « le mandant (est) uni au mandataire substitué par un lien

Ces mécanismes présentent une particularité commune : celle de faire disparaitre le rapport de droit
initial. En d’autres termes, une obligation nouvelle remplace l’obligation originaire.
2001
En pratique, il s’agit de la délégation de dette. (Article 1275 du Code civil : « La délégation par laquelle un
débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige envers le créancier, n'opère point de novation, si le
créancier n'a expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation ». Nous
soulignons.) Ou de la sous-traitance. (Voir l’article 1 de la loi du 31 décembre 1975 précité : « : la sous-traitance
est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre
personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ». Nous soulignons.) Dans
cette configuration précise, le substitué demeure obligé envers le créancier et doit répondre de toutes les
inexécutions contractuelles, notamment celles qui résultent d’un comportement imputable au sous-débiteur.
2002
Cette solution repose sur l’admission d’un principe général de responsabilité contractuelle du fait d’autrui.
Pour des références générales sur la responsabilité civile contractuelle du fait d’autrui, supra, n° 367 et s..
L’alinéa 2 de l’article 1994, par exemple, dispose que « dans tous les cas, le mandant peut agir directement
contre la personne que le mandataire s'est substituée ».
2003
Com., 12 janvier 1988 - Bull. civ., 1988, IV, n° 28. Pour d’autres illustrations : Com., 28 janvier 2004 –
Pourvoi n° 01-01.996 ; Com., 3 décembre 2003 – Pourvoi n° 02-10.41.
2004
Sur la substitution de mandataire, voir en particulier la thèse Blandine MALLET-BRICOUT : La substitution de
mandataire, thèse précitée.

465
contractuel »2005. Dès la fin du XIXème siècle, la jurisprudence n’a eu de cesse de reprendre ce
principe2006, ne s’embarrassant donc pas de certaines controverses doctrinales2007. La solution
se justifie essentiellement par la théorie des groupes de contrats2008 élaborée en doctrine pour
remédier aux inconvénients d’une action en responsabilité délictuelle entre les membres d’un
même ensemble contractuel2009.

2005
Com., 31 janvier 1956 - Bull. civ., 1956, III, n° 47. Voir également : Com., 4 juin 1973 – Pourvoi n° 72-
10.336 ; Bull. civ., 1973, IV, n° 197.
2006
Voir par exemple Civ., 22 mars 1875 : S., 1875, 1, p. 302 ; Civ. 1, 23 janvier 1996 - Bull. civ., 1996, I, n° 39.
2007
La consécration d’un lien de nature contractuelle entre les cocontractants extrêmes est en effet loin de faire
l’unanimité en doctrine. Sur ce point voir en particulier Blandine MALLET-BRICOUT qui réfute totalement
l’expression d’ « action directe en responsabilité contractuelle ». (B. MALLET-BRICOUT, La substitution de
mandataire, thèse précitée, spéc. n° 359 et s., p. 248 et s..)
2008
Sur la notion de « groupe de contrats » voir not. M. BACACHE-GIBELLI, La relativité des conventions et les
groupes de contrats, préface de Y. LEQUETTE, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 268, 1996, spéc.
n° 258, p. 260 ; J. NERET, Le sous-contrat, op. cité, spéc. n° 372, p. 267 ; S. PELLE, La notion d'interdépendance
contractuelle, préface de J. FOYER et M.-L. DEMEESTER, Dalloz, Nouvelle bibliothèque de thèses, Tome 64,
2007 ; B. TEYSSIE, Les groupes de contrats, préface de J.-M. MOUSSERON, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit
privé, Tome 139, 1974. Voir également J. FLOUR, J.-L. AUBERT ET E. SAVAUX, Les obligations – L’acte
juridique, op. cité, spéc. n° 460 et s., pp. 456 et s. ; F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil – Les
obligations, op. cité, spéc. n° 77, pp. 93 et s.. PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats,
spéc. n° 944 et s., pp. 436 et s.. S. AMRANI-MEKKI, « Indivisibilité et ensembles contractuels : l'anéantissement
en cascade des contrats », Défrénois, 2002, pp. 355 et s. ; P. ANCEL, « Les actions en responsabilité contractuelle
dans les groupes de contrats, quinze ans après les arrêts de 1988 », in Mélanges PONSARD, Litec, 2003, p. 3 ; C.
LALONDE-CLARAC, « La nature toujours controversée de la responsabilité dans les chaînes contractuelles »,
C.C.C., 2003, chron. 6 ; D. MAZEAUD, « Contrats, responsabilité et tiers… (du nouveau à l’horizon) », in
Mélanges PH. LE TOURNEAU, Dalloz, 2008, p. 745.
2009
Cette figure juridique a été révélée au cours des années soixante-dix par Monsieur TEYSSIE (B. TEYSSIE, Les
groupes de contrats, op. cité). Elle vise un ensemble de contrats économiquement liés mais juridiquement
autonomes. Si les intérêts sont multiples, l'utilité de cette notion nouvelle a été appliquée essentiellement aux
problèmes de la nature des liens entre les cocontractants et, par voie de conséquence, au régime des actions, en
responsabilité notamment. Ainsi, Monsieur TEYSSIE démontre que la présence d'un groupe de contrats, quelle
que soit sa forme, constitue un facteur indispensable de création de rapports contractuels qui justifient l’éviction
d’une action en responsabilité délictuelle. (Ibid., spéc. n° 563 et s., pp. 282 et s..) Loin « des prétendus avantages
d'une telle action » en responsabilité délictuelle, écrit-il « la découverte de rapport contractuel entre toutes les
parties au même groupe semble justifier dans cette hypothèse une action contractuelle ». (ibid., spéc. n° 587 et
s., pp. 297 et s..) L’analyse a depuis été reprise par certains auteurs. Madame BACACHE-GIBELLI, par exemple,
souligne l’importance de respecter les exigences d’une justice commutative. (M. BACACHE-GIBELLI, La
relativité des conventions et les groupes de contrats, op. cité, spéc. n° 258, p. 260.) Dans sa thèse, l’auteur écrit
ainsi que « la force obligatoire d'un contrat doit être étendue aux membres d'un groupe de contrats dans la
mesure où ceux-ci bénéficient en vertu de leur propre contrat d'une obligation identique à celle à laquelle est
assujetti le débiteur, cette identité permettant seul de respecter d'autres précisions que celle du cocontractant ».
(Ibid., spéc. n° 295, pp. 258.) D’autres auteurs ont abondé en ce sens : c’est le cas de Jean NERET qui proclama
qu’« on ne peut impunément laisser la responsabilité délictuelle produire ses conséquences au sein d'une
situation contractuelle » (J. NERET, Le sous-contrat, op. cité, spéc. n° 372, p. 267), de Monsieur DURRY qui
refuse de « tolérer que la qualification de tiers au contrat permette de déjouer cette vision, du moins chaque fois
que cette qualification est, pour une large part, artificielle » (G. DURRY, R.T.D. Civ., 1980, pp. 355 et s.) ou
encore de Monsieur GHESTIN qui rappela que « l’utilité sociale peut exiger en outre que d'autres que ceux qui
ont conclu le contrat soient les titulaires actifs et passifs d'effets obligatoires engendrés par ce dernier » (J.
GHESTIN, CH. JAMIN et M. BILLIAU, Traité de droit civil - Les effets du contrat, op. cité, spéc. n° 565)

466
841. Pourtant, cette règle est aujourd’hui sérieusement contestable. En effet, depuis le
célèbre arrêt Besse rendu par l’Assemblée plénière le 12 juillet 1991 2010, la Cour de Cassation
rejette l'hypothèse d'une action contractuelle entre les parties extrêmes d'un même groupe de
contrats, étant entendu qu’il s’agissait d’un groupe de contrat non translatif de propriété. Dans
un attendu maintes fois commenté, les juges du droit affirment qu’il n’existe aucun lien
contractuel entre les parties extrêmes (en l’espèce il s’agissait d’un contrat de sous-traitance),
et que, par conséquent, « le maître de l'ouvrage ne dispose contre le sous-traitant, (…), que
d'une action de nature quasi délictuelle2011 ». Ils sanctionnent ainsi la Cour d'appel qui, au
contraire, avait reconnu au demandeur une action de nature contractuelle. En application de
cette jurisprudence, l’action du mandant contre le mandataire substitué devrait donc reposer
sur un fondement délictuel. Par conséquent, évoquer une action directe de nature contractuelle
est, en raison de l’absence de tout contrat entre le mandant et le mandataire substitué,
juridiquement insatisfaisant. De ce fait, admettre une action récursoire de type subrogatoire au
profit du mandataire substituant reviendrait à lui reconnaître la possibilité d'exercer une action
délictuelle contre son cocontractant, ce qui ne serait pas sans poser un certain nombre de
problèmes.

842. Tout d'abord, la critique la plus évidente est celle selon laquelle une telle solution
contreviendrait manifestement au principe du non-cumul des responsabilités qui interdit à un
cocontractant d’agir en responsabilité délictuelle contre son coobligé2012. Ensuite, l'admission
de la subrogation faciliterait parfois certaines atteintes aux prévisions contractuelles des
parties. Par exemple, dans l’hypothèse où une clause de non responsabilité ou d’atténuation de
la responsabilité aurait été insérée au bénéfice du mandataire substitué dans le contrat de
délégation, celle-ci ne devrait pas pouvoir être invoquée à l’encontre du mandant 2013.
Juridiquement valable entre le mandataire et le sous-mandataire2014, une telle clause pourrait-
elle jouer dans le cadre d’un recours subrogatoire alors même qu’elle était inapplicable lors de
l’action intentée par le mandant ? Enfin, dans l'éventualité où le donneur d’ordre s'immiscerait
dans le sous-mandat, certaines difficultés pourraient survenir. Imaginons, par exemple, que le
maître de l’affaire transmette au mandataire substitué des instructions différentes voire
2010
A.P., 12 juillet 1991, arrêt Besse - Bull. civ., 1991, A.P., n° 5 ; D., 1991, p. 257, note CH. JAMIN ; D., 1991,
p. 549, note J. GHESTIN ; R.T.D. Civ., 1991, p. 750, obs. P. JOURDAIN ; JCP G., 1991, II, 21743, note G. VINEY ;
D., 1992, p. 149, note P. JOURDAIN.
2011
A.P., 12 juillet 1991, arrêt Besse précité.
2012
Sur le principe du non-cumul des responsabilités, supra, n° 746.
2013
En ce sens voir un arrêt de la Cour d’appel de PARIS du 30 octobre 1944 (D., 1945, 192, note H. AUBRUN).
2014
La validité des clauses limitatives de responsabilité ne fait aucun doute dans le cadre de la responsabilité
contractuelle et il doit en aller de même dans l’hypothèse d’un contrat conclu entre un mandataire et un sous-
mandataire.

467
contraires à celles confiées initialement au substituant et que celui-là continue d’exécuter ce
qui avait été demandé à celui-ci. Dans ce cas de figure, le mandant pourrait-il réclamer la
réparation de son préjudice contractuel au mandataire initial, conformément à l'article 1994
alinéa 1 du Code civil ? Par ailleurs, un recours subrogatoire du débiteur contre l’exécutant
semble plus difficilement envisageable dès lors que le substitué a exécuté en tout point la
mission confiée par le substituant.

843. L’existence d’un recours personnel du débiteur substituant contre le débiteur


substitué. L'impossible subrogation du mandataire initial dans les droits du mandant n'exclut
pas pour autant tout recours du débiteur contre l'exécutant. Une fois le créancier désintéressé,
le mandataire initial peut en effet exercer une action contre le mandataire substitué, mais cette
action sera nécessairement fondée sur le lien contractuel qui les unit2015, tout simplement parce
qu’ « il existe entre mandataire substitué et mandataire originaire une relation contractuelle
classique »2016. A titre d’exemple, l’on peut citer un arrêt de la Cour de cassation rendu par la
première Chambre civile le 10 novembre 1971 et dans lequel les juges ont reconnu que la
Compagnie Air-France (le mandataire substitué) était tenu de garantir l’agence de voyage (le
mandataire principal) à réparer le dommage subi par le mandant au motif que, « pour la partie
des transports qu’elle n’assurait pas elle-même, Air-France endossait les obligations et
assumait les responsabilités d’une agence de voyage dont elle jouait le rôle »2017.

844. La solution n'est pas spécifique au contrat de mandat et à la substitution de mandataire.


Au contraire, elle est généralisable et généralisée à l'ensemble des hypothèses de substitution
de débiteurs2018, à condition qu’une faute du substitué soit relevée. A l’inverse, les juges du
droit rejettent le recours du débiteur initial lorsqu’aucune faute ne peut lui être reprochée 2019.

2015
A l’exclusion d’un recours fondé sur les règles de la responsabilité délictuelle : Com., 11 juin 1996 : Bull.
civ., IV, n° 173. « Ayant relevé qu'une société avait confié à un commissionnaire le transport d'une machine et
que ce commissionnaire avait chargé une autre société d'opérations de manutention, au cours desquelles la
machine avait été endommagée, c'est à bon droit qu'une cour d'appel retient que le donneur d'ordre ne pouvait
rechercher la responsabilité délictuelle du manutentionnaire que le commissionnaire s'était substitué pour
exécuter le contrat de transport, dont l'opération de manutention, en raison de son caractère accessoire par
rapport à l'opération globale, était indissociable ».
2016
M. MEKKI, « Obligations du mandataire à l'égard du mandant et des tiers », op. cité, spéc. n° 51.
2017
Civ. 1, 10 novembre 1971 - Bull. civ., 1971, I, n° 286 ; JCP G. 1972, II, 17079, note R. RODIERE. Voir
également : Com., 19 mars 2002 – Pourvoi n° 00-11.210.
2018
Pour une illustration voir l’arrêt précité du 12 janvier 1988 (Bull. civ., 1988, IV, n° 28) : en l’espèce il
s’agissait d’un contrat de commission. Voir également Civ. 1, 28 janvier 1997 - Bull. civ., 1977, I, n° 38 ; Com.,
4 novembre 1977 : Bull. civ., 1977, IV n° 247 ; Com., 17 mars 1975 - Bull. civ., 1975, IV, n° 81 ; Com., 27 mai
1963 - Bull. civ., 1963, IV, n° 254 ; Civ. 9 juillet 1872 : S., 1872, 1, 303.
2019
En ce sens voir Civ. 1, 15 mars 2005 - Bull. civ., 2005, I, n°138 : « toute personne physique ou morale qui se
livre aux opérations mentionnées à l'article 1er de la loi du 13 juillet 1992 est responsable de plein droit à
l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à
exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services sans préjudice de son droit de recours contre

468
Quoi qu’il en soit, c’est d’un recours personnel qu’il s’agit, ce qui nous permet de réfuter
définitivement l’idée selon laquelle un recours en contribution serait nécessairement de nature
subrogatoire. Pour notre sujet, cela confirme l’idée que le représenté peut disposer d’un
recours contre le représentant, alors même que la subrogation est impossible. L’examen des
actions récursoires exercées par un débiteur contre un codébiteur libéré par la victime garantit
ce principe.

b- Le recours du débiteur contre le codébiteur libéré par la victime

845. La subrogation impossible. Dans d’autres hypothèses, le modèle subrogatoire ne


permet pas de fonder le recours d’un responsable contre un coresponsable ou d’un débiteur
contre un codébiteur. Il s’agit, notamment, des situations dans lesquelles le créancier ou la
victime a libéré ou accordé certaines mesures bénéfiques à l’un de ses coobligés sans que les
autres ne puissent s’en prévaloir (transaction, désistement d’instance, …). Dans cette
configuration, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation refusait le moindre recours
au codébiteur solvens au motif que ce dernier « ne pouvait agir que comme subrogé aux droits
de la victime »2020. Au début de cette deuxième moitié du XXème siècle, la solution était
d’ailleurs constante et la voie des recours systématiquement fermée au coresponsable demeuré
étranger aux faveurs de la victime ou du créancier2021.

846. Cette sévérité s’expliquait néanmoins par une conception restrictive de la nature de
l’action récursoire. Ainsi que le relève Monsieur DEJEAN DE LA BATIE, la doctrine de l’époque
n’évoquait que très rarement un autre fondement que la subrogation comme justification au
recours d’un coauteur2022. Autrement dit, pour la majorité de la doctrine, le recours était
subrogatoire ou n’était pas. Or, parce que nul ne peut transmettre plus de droit que ce dont il
dispose, le mécanisme de la subrogation ne pouvait en aucun cas être invoqué : lorsque le
créancier de l’engagement contractuel ou de la dette de réparation libère l’un de ses obligés,
celui-là ne dispose plus d’aucun droit envers celui-ci. De ce fait, le créancier ne peut
transmettre aucune action au solvens : le recours subrogatoire était juridiquement impossible.

ceux-ci, a exactement énoncé que ce recours n'était susceptible d'être mis en œuvre qu'à charge pour son auteur
d'apporter la preuve de la faute commise par le prestataire ». Nous soulignons.
2020
Civ. 2, 6 janvier 1966 - Bull. civ., 1966, II, n° 5.
2021
En ce sens voir par exemple Civ. 2, 17 mars 1971 - Bull. civ., 1971, II, n° 124 ; Civ. 2, 31 janvier 1973 -
Bull. civ., 1973, II, n° 38 ; Civ. 2, 7 février 1974 - Bull. civ., 1974, II, n° 56.
2022
N. DEJEAN DE LA BATIE, note sous Civ. 1, 7 juin 1977 : JCP G., 1978, II, 19003.

469
847. La possibilité du recours. Excessivement sévère à l’égard du solvens, cette
jurisprudence n’est pas exempte de critiques. D’une part, elle semble contraire à l’article 2051
du Code civil qui dispose que « la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les
autres intéressés et ne peut être opposée par eux » ; d’autre part, elle présente l’inconvénient
de faire « oublier la possibilité d’une action personnelle, reposant sur un autre
fondement »2023 que la subrogation.

848. De ce point de vue, un revirement a naturellement été le bienvenu. C’est la première


Chambre civile de la Cour de cassation qui, le 7 juin 1977, a innové en reconnaissant
l’existence d’un recours personnel au bénéfice d’un coresponsable à qui la subrogation était
interdite. Dans cette affaire, un jeune garçon qui participait à une colonie de vacances avait
été blessé au cours d’un accident d’automobile. Le père de l’enfant avait alors intenté une
action contre la monitrice du centre de vacances et la conductrice de l’automobile, avant de se
désister de son action contre la responsable de la colonie. Dans un premier arrêt rendu le 25
février 1970, la Cour d’appel de PARIS énonce que la monitrice et la conductrice sont tenues
in solidum à l’égard du petit garçon. Il revient donc à la conductrice de payer l’intégralité des
dommages et intérêts. Cette dernière exerce alors une action récursoire contre la monitrice,
action déclarée irrecevable par la Cour d’appel de PARIS dans un second arrêt en date du 15
octobre 1975. La décision devait être cassée au motif que « le coauteur qui a payé
l’intégralité de l’indemnité dispose aussi d’une action personnelle contre son co-auteur, qui
peut subsister malgré la renonciation de la victime »2024.

849. Synthèse. Il ressort de cette jurisprudence que l’admission d’un recours non fondé sur
la subrogation est désormais attestée par la Cour de cassation. L’existence officielle d’une
action récursoire de type personnel nous permet alors d’envisager avec plus de quiétude la
nature personnelle du recours du mandant – représenté contre le mandataire – représentant.

2023
Ibid..
2024
Civ. 1, 7 juin 1977 - Bull. civ., 1977, I, n° 266 : D., 1978, p. 289, note CH. LARROUMET ; JCP G. 1978, II,
19003, note N. DEJEAN DE LA BATIE ; G.P., 1978, 1, 131, note A. PLANCQUEEL. Depuis la solution a été
réaffirmée par la Cour de cassation, voir par exemple Civ. 3, 25 janvier 1978 - Bull. civ., 1978, III, n° 50 ; Soc.
26 mai 1981 - Bull. civ., 1981, V, n° 473 ; Civ. 2, 30 octobre 1989 – Pourvoi n° 88-17.156. Voir également C.A.,
TOULOUSE, 5 février 2008 – R.G. n° 05/06.368.

470
2- L’approche théorique

850. Problématique. L’exposé des solutions relatives au recours du débiteur initial contre
le débiteur substitué et celui d’un débiteur solidaire contre un débiteur désintéressé par la
victime apporte de nombreux enseignements quant au contenu du recours du représenté contre
le représentant. Avant d’en tirer les conséquences sur la nature et le régime juridique de
l’action du donneur d’ordre envers l’intermédiaire, nous allons d’abord les présenter.

851. Les enseignements théoriques. Tout d'abord, l'examen de la jurisprudence montre


que la recevabilité de l'action du débiteur est soumise à la démonstration d'un préjudice
personnel, c'est-à-dire distinct de celui subi par le créancier. Si l’on étend ces solutions à la
responsabilité par représentation, on devrait retrouver le même schéma : pour qu’un recours
du représenté soit admis, encore faut-il que ce dernier démontre avoir subi un préjudice
distinct de celui du tiers cocontractant.

852. Ensuite, concernant le fait générateur de responsabilité, la jurisprudence admet que le


même comportement soit à la fois constitutif d'une faute à l'égard du créancier et d'une faute à
l'égard du débiteur initial. Cependant, du point de vue de ce dernier, il est exigé que ce fait
revête les formes d'une faute contractuelle2025. Autrement dit, la seule mise en œuvre de la
responsabilité du substituant envers le créancier ne suffit pas pour générer la responsabilité du
substitué à son égard : il est nécessaire, en effet, que cette faute soit constitutive d'une
inexécution des obligations contractuelles du sous débiteur envers le débiteur. C’est
particulièrement évident en matière de responsabilité par représentation des personnes
morales pour le fait de leurs organes ou dirigeants : le recours du représenté n’est pas admis
dans l’hypothèse où le représentant a agi dans l’exercice de ses fonctions et de ses
pouvoirs2026.

853. L'on en vient alors à la troisième caractéristique : la recevabilité de l'action de celui qui
a payé contre le débiteur volontairement introduit dans l'exécution du contrat ou contre le
codébiteur solidaire repose, enfin, sur l'examen préalable du lien personnel qui unit le solvens
au second débiteur, c’est-à-dire sur le contenu des obligations contractuelles (substitution de
débiteur par exemple), judiciaires ou légales (obligation in solidum notamment) qui les lient
l’un à l’autre. Il faut en conclure que la mise en œuvre de ces recours est loin d’être
2025
Infra n° 855 et s. et 918 et s..…
2026
En ce sens voir not. PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, spéc. n° 1374 et s.,
pp. 543 et s..

471
systématique et suppose, au contraire, une mise en œuvre personnalisée. De la même manière,
pour ce qui concerne le recours du représenté contre le représentant, l’équité et la logique
exigent que celui-ci ne puisse être mis en œuvre sans une analyse précise du lien représenté -
représentant2027 : rappelons, en effet, que le déséquilibre du rapport de représentation n’est pas
à sens unique2028.

854. Les conséquences pratiques sur la nature et le régime du recours du représenté


contre le représentant. L’exposé de ces éléments permet ainsi d’entrevoir la nature
personnelle du recours exercé par le débiteur contre l’exécutant. Cette théorie se justifie
amplement : le fait est que l’intermédiaire initial est lié au créancier par un lien de nature
contractuelle qui lui impose certains devoirs, notamment celui d’exécuter ses obligations. Il
n’y a là rien de très original : il ne s’agit rien d’autre que d’une application de la force
obligatoire du contrat. Par conséquent, il doit garantir ce qui a été promis à son partenaire
contractuel, peu importe qu’il ait confié la réalisation de certaines prestations à un tiers2029. En
revanche, lorsque le dommage causé par le substitué porte atteinte au second contrat, aucun
argument de taille n’est à même de justifier l’impossibilité d’une action du substituant contre
l’auteur du fait dommageable fondé sur le rapport de droit qui les unit. En d’autres termes,
l’exécution de chacun de ces contrats est autonome : c’est le principe même de leur
indépendance. D’une certaine manière, l’on s’aperçoit ainsi que la coexistence de deux
conventions juridiquement distinctes mais économiquement liées ne bouleverse pas
réellement les rapports contractuels en présence2030.

855. Si l’on étend ces solutions au régime de la responsabilité par représentation, le schéma
est identique. D’une part, le mandant (ou plus généralement le représenté) paie une dette qui
lui est personnelle : cette règle s’explique par la présence du mécanisme de la
représentation2031. D’autre part, la sanction personnelle prononcée à l’égard du représenté
n’exclut en rien le lien contractuel qui existe entre le donneur d’ordre et l’intermédiaire. Or,
celui-ci impose certaines obligations à chacun des cocontractants dont la méconnaissance doit
être sanctionnée. Par conséquent, chaque fois que le dommage subi par le tiers est
caractéristique d’une inexécution contractuelle, le représenté doit avoir la possibilité de se

2027
Supra, n° 692 et s. et infra n° 918 et s..
2028
Supra, n° 553 et s..
2029
Sur la responsabilité contractuelle du fait d’autrui, supra, n° 367 et s...
2030
Sur la théorie des groupes de contrats et l’autonomie juridique des contrats qui les composent, supra, n° 841
et s..
2031
Supra, n° 813 et s..

472
retourner contre le représentant. Il convient désormais de s’interroger sur le fondement de ces
actions.

B- Le fondement du recours

856. Problématique. Si l'admission d'un recours du représenté contre le représentant


s'explique aisément par une certaine exigence d'équité, ce principe est sans doute insuffisant
pour définir le fondement de l’action récursoire du représenté. La subrogation étant exclue2032,
il conviendra alors d’explorer d'autres voies.

857. Les fondements rejetés. L'idée d'un recours du représenté fondé sur le principe de
l'équité2033, qui vise à contourner l’arbitraire du créancier, présente l'avantage de la simplicité
et correspond à une certaine conception de la justice. À propos des actions récursoires entre
coresponsables, certains auteurs lui ont même clairement manifesté leur préférence. C’est le
cas de Monsieur CHABAS qui écrivit que « l’équité préside en vérité au règlement de tous les
recours »2034, de Monsieur LARROUMET qui affirma qu’ « il serait inéquitable que le hasard
du choix fait par la victime (…) pût faire porter tout le poids de la réparation sur le défendeur
assigné seul par la victime »2035 ou encore de Monsieur DURRY qui qualifie d’équitable
l’admission d’un recours au profit d’un coauteur alors que son coresponsable avait bénéficié
d’une transaction accordée par la victime2036. Pour autant, cette théorie ne nous paraît pas
convaincante. S'il est vrai que la finalité d'un tel recours est précisément de restaurer des
relations juridiques équitables, il n'en reste pas moins que l'équité demeure « un fondement un
peu vague »2037, qui n'explique pas pourquoi celui qui paie une dette personnelle est autorisé à
se retourner contre un tiers. Par ailleurs, il faut rappeler que le juge n’est pas, en principe,
admis à statuer en équité, hormis les hypothèses où la loi le prévoit expressément2038.

2032
Supra, n° 814 et s..
2033
En ce sens : F. CHABAS, « Remarques sur l’obligation in solidum », R.T.D. Civ., 1967, p. 310, spéc. pp. 319
– 320.
2034
Ibid., pp. 310 et s., spéc. p. (320) 335 ; voir également note sous Civ. 2, 15 novembre 1972 : D. 1973, 2,
p. 533.
2035
CH. LARROUMET, « Responsabilité du fait d’autrui », in Répertoire Dalloz de droit civil.
2036
G. DURRY : R.T.D. Civ., 1978, p. 366.
2037
P. RAYNAUD, « La nature de l’obligation des coauteurs d’un dommage. Obligation "in solidum" ou
solidarité ? », in Mélanges dédiés à Jean VINCENT, Dalloz, 1981, pp. 317 et s., spéc. n° 6, p. 320.
2038
Sur les méfiances post-révolutionnaires à l’égard de l’équité et la faible place qui lui fut officiellement
laissée en 1804, voir J.-L. HALPERIN, « Le juge et le jugement en France à l'époque révolutionnaire », in Le juge
et le jugement dans les traditions juridiques européennes, sous la dir. de R. JACOB, 1996, L.G.D.J., coll. Droit et

473
858. La théorie de l’enrichissement sans cause a pu également être avancée pour justifier le
recours du représenté2039. Apparemment, ce dernier s’appauvrit puisqu’il se retrouve tenu de
payer une dette à laquelle il est matériellement étranger. Corrélativement, on pourrait penser
que le représentant s’enrichit puisqu’il n’a pas à supporter les conséquences juridiques de sa
faute. Partant de là, un auteur a même proposé d’ériger l’enrichissement sans cause au rang de
fondement véritable des recours entre coresponsables2040. En doctrine, cette thèse ne fait pas
l’unanimité2041. A notre sens, il est impossible de la transposer à l’hypothèse de la
responsabilité par représentation. En effet, la dette de réparation qui est prononcée à
l’encontre du représenté se fonde sur un rapport de représentation et lui est strictement
personnelle. Autrement dit, l’appauvrissement du donneur d’ordre n’est pas sans cause.

859. L’on peut aussi rejeter l’hypothèse de la gestion d’affaire. Selon ce mécanisme, celui
qui a payé la part de l’autre aurait géré les affaires d’autrui et serait, par conséquent, admis à
invoquer les dispositions des articles 1372 et suivant du Code civil 2042. Cependant, l’article
1372 définit la gestion d’affaires comme une gestion volontaire des affaires d’autrui. Dans le
cadre d’un recours du solvens, un tel état d’esprit n’est pas constitué puisque le paiement de la
dette est consécutif à une sanction judiciaire. Or, il nous semble que l’absence de spontanéité
exclut le mécanisme de la gestion d’affaires2043.

société, spéc. no 17, p. 238. Sur le rôle contemporain de l’équité voir J. GHESTIN, G. GOUBEAUX, Traité de droit
civil - Introduction générale au droit, avec le concours de M. FABRE-MAGNAN, L.G.D.J., 1994, spéc. n° 229.
Soc. 4 décembre 1996 - Bull. civ., 1996, V, n° 421 ; JCP G., 1997, I, 4064, n° 11, obs. L. CADIET. N. MOLFESSIS,
« L'équité n'est pas une source du droit », R.T.D. Civ., 1998, p. 221. Voir également CH. ALBIGES, « Equité », in
Répertoire de droit civil, spéc. n° 15 et s. : l’auteur démontre que les juges recourent à l’équité même quand elle
n’est pas expressément autorisée. Avec la doctrine contemporaine, il relève même que les juges du fond s’appuie
officieusement mais systématiquement sur ce principe chaque fois qu’ils « considère[nt] que l'application stricte
de la loi se révélera contraire à ce qu'il[s] estime[nt] équitable ».
2039
CH. DEMOLOMBE, Cours du Code Napoléon, op. cité, spéc. n° 304 ; A. WAHL, note sous C.A., PARIS, 7
décembre 1907 : S., 1909, 2ème partie, 129, spéc. n° II, p. 130.
2040
P. CANIN : Les actions récursoires entre coresponsables, op. cité, spéc. n° 116 et s., pp. 141 et s..
2041
Voir par exemple A. ROUAST, note sous Civ., 27 novembre 1935 : D., 1936, 1ère partie, pp. 25 et s., spéc. p.
26. « On ne saurait davantage expliquer ce recours par l’action de in rem verso, car celui qui paye sa propre
dette ne paye pas sans cause, puisqu’il exécute une obligation légale ». Voir également J. BORE, « Le recours
entre coobligés in solidum », précité.
2042
Article 1372 du Code civil : « Lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire
connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il
a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même ; il doit se charger
également de toutes les dépendances de cette même affaire ».
2043
En ce sens voir par exemple T.I. PARIS, 21 octobre 1970 : G.P., 1971, 1, 28 ; Civ.1, 19 avril 1967 - Bull.
civ., 1967, I, n° 136. La Chambre sociale a même déjà eu l’occasion d’affirmer que « les personnes qui,
légalement ou contractuellement, sont tenues d'accomplir certains actes, ne peuvent s'en prévaloir comme étant
des actes de gestion d'affaires » (Soc., 11 octobre 1984 - Bull. civ., 1984, V, n° 369 ; JCP G., 1984, IV, 346). Tel
est le cas de l’obligation de réparation qui trouve son fondement directement dans la loi.

474
860. Le fondement retenu : la responsabilité civile contractuelle. Reste le recours du
représenté fondé sur la responsabilité civile. Sans doute classique, cette solution n’en est pas
moins apte, à notre sens, à en expliquer tous les effets.

861. Si l’on observe les conditions de mise en œuvre du recours personnel, l’on ne peut que
remarquer la proximité avec une action en responsabilité civile contractuelle. Tout d’abord,
une faute contractuelle doit nécessairement être constatée pour que le recours du représenté
contre le représentant soit recevable. Cette exigence se justifie aisément : donneur d’ordre et
intermédiaires sont généralement liés par un lien de nature contractuelle qu’il convient de
respecter. Ensuite, la nécessité d’un préjudice personnel demeure : la seule obligation de
réparation du dommage causé par le représentant ne suffit pas pour justifier le recours du
représenté. Enfin, comme dans toute action en responsabilité, un lien de causalité ente la faute
contractuelle et le dommage doit être relevé.

862. L’on rejoint ainsi une certaine partie de la doctrine qui considère que le recours se
fonde toujours sur la responsabilité civile2044, à cette nuance près que l’on se situe dans le
cadre de la responsabilité civile contractuelle. Aussi, l’exercice du recours devra-t-il
obligatoirement obéir aux règles des articles 1147 et suivants et respecter, si besoin est, les
prévisions des parties.

2044
En ce sens, R. SAVATIER, note sous Req., 23 mars 1928 : D.P., 1927, 1, 73, spéc. p.76.

475
476
Conclusion du Chapitre

863. Synthèse du premier Chapitre. Arrivés au terme de ces développements, nous


pouvons désormais confirmer l’existence d’un recours au bénéfice du représenté. Au regard
de la spécificité de la responsabilité par représentation, l’hypothèse d’une action récursoire de
type subrogatoire a rapidement été exclue. Celle-ci suppose, en effet, le paiement de la dette
d’autrui. Or, la responsabilité par représentation étant « présumée personnelle », la dette de
réparation qui en découle est de nature personnelle. C’est donc d’un recours de type personnel
qu’il s’agit, c’est-à-dire d’un recours fondé sur le lien qui unit le représentant au représenté.
Ce recours repose sur le mécanisme de la responsabilité civile, ce qui suppose la
démonstration d'un préjudice personnel par le représenté et l’examen du lien juridique qui unit
le responsable à l’auteur matériel de la faute.

864. Problématique. L’admission d’une action récursoire au bénéfice du mandant participe


à l’idée d’équité sans laquelle le mécanisme de la responsabilité par représentation aurait pu
sembler, selon les cas de figure, injuste pour le mandant et déresponsabilisant pour le
mandataire. Mais, pour que ce souci d’équité soit véritablement satisfait, encore faut-il
vérifier que l’exercice du recours y contribue. En effet, les compétences des parties au mandat
peuvent différer d’une situation à une autre et le déséquilibre de la relation mandant –
mandataire peut s’exprimer en défaveur de l’un ou de l’autre. Pour cette raison, il nous semble
que la mise en œuvre d’une action récursoire doit intégrer, dans la mesure du possible, cette
notion de déséquilibre. C’est ce que nous allons à présent vérifier.

477
478
Chapitre 2 – L’exercice de l’action en contribution

865. Problématique. La question des recours en contribution se pose chaque fois que
plusieurs personnes participent à la réalisation d'un même dommage. Le mécanisme intéresse
pourtant relativement peu la doctrine2045 ; quant au législateur, il est tout simplement passé
outre. C'est donc à la jurisprudence qu’est revenu le soin d'en préciser le régime juridique.
Mais, faute d’un cadre suffisamment précis, l'ensemble paraît « complexe, instable et souvent
incohérent »2046.

866. Pour l'essentiel, les juges se sont référés au droit commun de l'action civile. Ils ont
ainsi exigé que le demandeur démontre l’existence d'un intérêt à agir, c’est-à-dire d’un droit
d’agir contre le défendeur. Pour notre sujet, celui-ci sera constitué chaque fois que le
dommage que le donneur d’ordre est condamné à réparer résulte d’un fait imputable à
l’intermédiaire. En effet, si la participation du mandant ou représentant au dommage ne peut
être tout à fait ignorée (instructions défectueuses, culpa in eligendo ou culpa in vigilando), en
toutes hypothèses, le risque créé par ce dernier sera réalisé par le mandataire ou représentant
(exécution des ordres déficients, mauvaise exécution – intentionnelle ou non – de la mission
confiée).

867. Plan. De ce point de vue, il s’agira alors de rapporter la preuve d’une faute de
l’intermédiaire, c’est-à-dire d’une participation active de ce dernier à l’existence du dommage
(Section 2). Plus concrètement, il conviendra de rechercher si, lors de l’accomplissement de
sa mission, le représentant ne s’est pas rendu coupable de l’une de ses obligations
contractuelle ou légale. Ces questions de fond n’ont d’intérêt véritable qu’à la condition qu’un
recours en contribution soit valablement introduit (Section 1).

2045
Supra, n° 796 et s..
2046
P. JOURDAIN, « Pour un réexamen du droit des recours en contribution », in Les 20 ans de Responsabilité
civile et assurances - Colloque anniversaire de la revue R.C.A., R.C.A., n° 3, Mars 2009, dossier 3.

479
Section 1 – L’introduction du recours en contribution

868. Plan. Au sens strict, l'exercice d'une action récursoire s'effectue après condamnation
de l'un des responsables (§1). Dans ce cas de figure, la contribution prescrit la tenue d'un
second procès : la perte de temps - et donc d'argent - est alors évidente. De ce point de vue là,
l'introduction d'un recours concomitant à l’instance principale présente, pour le primo
responsable, d'incontestables avantages, en particulier celui d’éviter ce second procès. En
droit de la procédure civile, un tel mécanisme existe : il s’agit de l’appel en garantie (§2).

§1- Le recours après condamnation : l’action récursoire stricto sensu

869. Quelques généralités sur l’action récursoire. Le Code de procédure civile ne


comprend aucune disposition spécifique aux actions récursoires stricto sensu. Il faut donc,
pour l’essentiel, renvoyer aux règles communes à toutes actions civiles, dont l’article 31 du
Code2047 qui pose l’exigence d’un intérêt et d’une qualité à agir, ainsi que les articles 53 et
suivants qui déterminent les règles de forme. Il faut en conclure que l’action récursoire
s’analyse comme une action civile ordinaire, sans particularisme notable. Cette proximité
avec le droit commun s’explique sans doute par la superposition qui s’opère entre l’action
récursoire et d’autres dispositifs juridiques : subrogation le plus souvent2048, responsabilité
civile occasionnellement2049. Les règles qui organisent ces différents mécanismes étant
suffisamment nombreuses, il n’est sans doute pas paru utile de les réitérer à propos des
recours.

870. Plan. En dépit de ces apparences communes, les actions récursoires présentent
quelques spécificités non négligeables, notamment celle de succéder nécessairement à une
première action civile – dite principale ou initiale - dont elles sont indivisibles. L’introduction
d’une action récursoire, de type personnel ou subrogatoire, ne présente en effet aucun intérêt
en l’absence d’une condamnation antérieure lors d’un procès principal. D’une certaine

2047
Article 31 du Code de procédure civile : « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au
succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules
personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».
2048
Supra, n° 817 et s..
2049
Supra, n° 860 et s. : c’est notamment le cas de l’action récursoire du mandant.

480
manière, l’action récursoire constitue l’épilogue d’un roman judiciaire commencé dès
l’introduction de l’instance principale. A ce titre, l’exercice d’une action principale constitue,
en quelque sorte, le support juridique de l’action récursoire (A). Malgré cette dépendance,
l’action récursoire constitue toutefois une action civile à part entière qui oppose des parties au
moins partiellement distinctes à celles présentes au cours de l’action originaire (B).

A- Le support juridique de l’action récursoire : l’action civile initiale

871. Plan. Si l’hypothèse d’une action récursoire est inenvisageable en l’absence d’une
action civile préalable, il faut en conclure que le second juge statue nécessairement après que
la première instance est définitivement jugée. Le principe de l’autonomie de la chose jugée
exclut alors que l’on revienne sur ce qui est d’ores et déjà acquis (1) ce qui suppose que la
première condamnation a été exécutée (2).

1- Le respect de l’autorité de la chose jugée

872. Le principe de l’autorité de la chose jugée. Il est de principe que tout juge appelé à
statuer se doit de respecter le principe de l’autorité de la chose jugée selon lequel il est interdit
aux juridictions civiles de statuer à nouveau sur une affaire ayant déjà donné lieu à un
jugement définitif2050. La règle est posée à l’article 1351 du Code civil qui dispose que «
l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ». Il ne
peut évidemment en aller différemment dans le cadre d’une action récursoire : le juge saisi
d’un tel recours est soumis à l’obligation de se conformer à ce qui a été jugé lors de l’instance
principale.

873. Trois conditions doivent être cumulativement réunies pour qu’un jugement soit passé
en autorité de la force jugée. En effet, selon le même article 1351 du même Code, « il faut que
la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la
demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même

2050
Nous distinguons en effet le principe de l’autorité de la chose jugée au civil sur le civil du principe de
l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil qui ne repose sur aucun fondement textuel et oblige le juge civil
à tenir pour vrai ce qui a été jugé par le juge répressif.

481
qualité »2051. L’absence de l’un ou de l’autre de ces éléments exclut automatiquement toute
atteinte à l’autorité de la chose jugée2052. Pour cette raison, dans le cadre d’une action
récursoire les risques d’atteinte sont quasi-inexistantes : le défaut d’identité d’objet (celle-ci
implique en effet que la chose demandée soit la même ; or, la première demande a pour objet
la réparation du dommage subi par la victime, alors que la seconde tend à garantir le préjudice
supporté par le responsable condamné par un coresponsable) ou de partie (le défendeur à
l’action récursoire est généralement absent lors du procès principal) chasse, le plus souvent,
l’argument. Ainsi a-t-il été jugé que « les dispositions d'un arrêt, devenues irrévocables dans
les rapports entre MM. MARECHAL [la victime] et SAINSARD [automobiliste], n'étaient pas
opposables à M. MARECHAL sur sa demande dirigée contre M. SAFFRE [deuxième
automobiliste]; aussi, c'est sans violer l'autorité de la chose jugée que les juges du fond ont
pu évaluer de façon différente l'indemnité due à la victime et que c'est sans dénaturer l'arrêt
(…) sans violer la chose jugée que l'arrêt attaqué a évalué l'indemnité due par M. SAFFRE à
M. MARECHAL »2053. Très récemment, à propos de faits similaires, la première Chambre civile
de la Cour de cassation a constaté que « ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée
attachée à une disposition, non atteinte par la cassation, d'un précédent arrêt qui avait
ordonné un partage de responsabilité entre un coauteur du dommage et la victime, la cour
d'appel de renvoi qui, statuant à nouveau en fait et en droit à l'égard de l'autre coauteur, tenu
in solidum avec le premier, le déclare entièrement responsable du même dommage »2054.

2051
Nous soulignons.
2052
Par exemple, pour des illustrations récentes, l'appréciation d’une incapacité par une juridiction du
contentieux technique ne peut lier la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale saisie de la
régularité d’une procédure ayant abouti à la suppression d’une rente, ces deux litiges ayant des objets différents
(Civ. 2, 31 mai 2012 – Pourvoi n° 11-16.348, arrêt publié au bulletin) ; la demande en nullité de la vente pour
dol se distingue de la demande en réduction du prix de la vente par les victimes de ce dol par leurs objets (Civ. 3,
11 janvier 2012 - Pourvoi n° 10-23.141, arrêt publié au bulletin). De même, l’autorité de la chose jugée ne peut
être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en
justice (Civ. 2, 6 mai 2010 – Pourvoi n° 09-14.737 ; Bull. civ., 2010, II, n° 88). Ou encore, un créancier ne peut
se prévaloir de l’autorité de la chose jugée d'une décision d'inopposabilité d'une donation obtenue à l'encontre
d’un débiteur actionné dans une autre qualité, celle de caution, la condition relative à l’identité de parties n’étant
pas constituée (Civ. 1, 4 novembre 2010 – Pourvoi n° 08-17.898 ; Bull. civ., 2010, I, n° 216). A l’inverse,
« chacun des époux, en sa qualité d'administrateur de la communauté, agit au nom de cette dernière de sorte que
la décision relative au sort d'un bien de communauté, rendue à l'égard d'un des époux, a autorité de la chose
jugée à l'égard de l'autre » (Civ. 2, 21 janvier 2010 – Pourvoi n° 08-17.707 : Bull. civ., 2010, II, n° 14) ; « la
seule différence de fondement juridique, fût-elle avérée, est insuffisante à écarter la fin de non-recevoir tirée de
l'autorité de la chose jugée » dès lors que les demandes reposaient sur une identité d’objet et de cause (Civ. 1, 12
avril 2012 – Pourvoi n° 11-14.123, arrêt publié au bulletin. Dans le même sens : Civ. 1, 23 juin 2011 - Pourvoi
n° 10-20.110 ; Bull. civ., 2011, I, n° 119 ; Civ. 3, 16 juin 2011 – Pourvoi n° 10-18.925 ; Bull. civ., 2011, III, n°
105.
2053
Civ. 2, 23 novembre 1988 - Pourvoi n° 87-12.864.
2054
Civ. 1, 3 février 2011 – Pourvoi n° 09-71.179 ; Bull. civ., 2011, I, n° 20.

482
874. Application du principe de l’autorité de la chose jugée à l’action récursoire du
mandant – représenté. Dire que les risques sont amoindris ne signifie pas pour autant qu’ils
soient inexistants et certaines difficultés méritent quelques précisions. C’est notamment le cas
lorsque les juges ont déjà eu à répondre d’éléments intéressant surtout le lien interne, par
exemple lorsque le donneur d’ordre invoque une mauvaise exécution du mandat ou, à tout le
moins, un dépassement de pouvoir. Dans cette hypothèse, il est évident que de tels arguments
ne peuvent être repris pour être contredits dans le cadre de l’action récursoire sans contrevenir
au principe de l’autorité de la chose jugée. (Par exemple, pour illustrer cette idée, le donneur
d’ordre ne peut invoquer un abus de pouvoir si le juge principal a constaté que l’intermédiaire
avait respecté les limites du pouvoir donné.)

875. Plus intéressante est la situation dans laquelle le mandataire ou représentant a d’ores et
déjà été attrait en justice par la victime. Dans une telle configuration, la vérification du respect
du principe de l’autorité de la chose jugée s’impose. Loin d’être une hypothèse d’école, il est
au contraire fréquent que, pour multiplier ses chances d’obtenir réparation, le tiers
cocontractant décide d’attraire en justice mandant et mandataire2055. Dans l’hypothèse où
seule la responsabilité du représenté est retenue par les premiers juges, pourrait-il espérer
obtenir contribution de l’intermédiaire dans le cadre de l’action récursoire ? Autrement dit, les
seconds juges peuvent-ils relever et sanctionner une faute de l’agent là où les premiers juges
ont prononcé l’irresponsabilité sans qu’il n’y ait atteinte à l’autorité de la chose jugée ? A cet
égard on peut à nouveau citer l’arrêt rendu de la 3ème Chambre civile du 29 avril 1998, dans
lequel deux mandataires étaient poursuivis avec le mandant2056. La Cour de cassation rejette la
responsabilité de l’un des deux mandataires à l’égard du tiers en raison de l’absence de
dépassement de pouvoir et retient la responsabilité du mandant pour le fait de ce mandataire.
Dans le cadre d’une action récursoire, le mandant pourrait-il obtenir contribution de cet
intermédiaire ?

876. Une réponse négative suppose évidemment que les trois conditions précitées (identité
d’objet, identité de parties et identité de cause) soient réunies cumulativement, ce qui est loin
d’être évident. En effet, il apparaît que le mandataire intervient en des qualités
différentes dans l’une et l’autre des instances : tiers par rapport au cocontractant lors de

2055
Supra, n° 448 et s. : il est notable, en effet, que dans les quelques arrêts qui évoquent l’existence d’une
responsabilité par représentation le tiers cocontractant poursuivait en même temps le mandant et le mandataire.
2056
Civ. 3, 29 avril 1998 - Bull. civ., 1998, III, n° 87 ; JCP E., 1998, pan. 1017 ; R.T.D. Civ., 1998, p. 930, note
Y. GAUTIER ; R.T.D. Civ., 1999, p. 89, note J. MESTRE ; A.J.D.I., 1999, p. 491, note F. COHET-CORDEY. Pour un
exposé des faits, supra, n° 448.

483
l’instance principale2057, cocontractant du mandant dans le procès en contribution2058. A ce
titre, ce dernier ne pourrait invoquer, pour se défendre, l’identité de parties. C’est en ce sens
que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a statué, le 5 janvier 1962. Dans cette
affaire, deux représentants de société assignent leur cocontractant en paiement des sommes
dues. La demande est rejetée par la Cour d’appel au motif que la société représentée n’avait
pas la personnalité juridique. Les représentants reprennent donc l’action en leur nom. Le
défendeur conteste la recevabilité de la demande en invoquant le principe de l’autorité de la
chose jugée. La Cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation, rejette l’argument : les
représentants n’étant pas intervenus à titre personnel dans la première instance, l’autorité de la
chose jugée ne leur était pas opposable2059. Par voie de conséquence, la cause de l’action
principale diffère de celle propre à l’action récursoire : faute délictuelle dans le cadre de la
première action, faute contractuelle dans le cadre de la seconde. Il en résulte donc également
une absence d’identité d’objet : alors que le procès principal tend à obtenir réparation du
dommage subi par le tiers cocontractant, le second a pour finalité l’indemnisation du
dommage subi par le mandant.

877. Reste encore à savoir si cette condamnation prononcée lors du premier procès doit être
systématiquement exécutée avant l’introduction de l’action récursoire.

2- Le respect de la condamnation prononcée au cours du procès principal

878. L’exigence de principe de l’exécution de la condamnation du procès principal. Le


justiciable condamné en première instance (pour notre sujet, le mandant ou représenté) peut-il
exercer une action récursoire avant même d’avoir exécuté sa propre condamnation ? Pourrait-

2057
En ce sens : Civ. 1, 9 décembre 2010 – Pourvoi n° 09-69.490 ; Bull. civ., 2010, I, n° 255 ; Civ. 3, 22 Juin
2011 - Pourvoi n° 10-16.308 ; Bull. civ., 2011, III, n° 109 ; Civ. 2, 7 juillet 2011 – Pourvoi n° 10-21.719 ; Bull.
civ., 2011, II, n° 155 ; Civ. 1, 17 octobre 2012 – Pourvoi n° 11-25.252.
2058
En ce sens : Civ. 3, 28 septembre 2011 – Pourvoi n° 10-10.162 ; Bull. civ., 2011, II, n° 158 ; Com., 13
décembre 2011– Pourvoi n°11-11.934 ; Civ. 3, 23 mai 2012 – Pourvoi n° 11-14.599, arrêt publié au bulletin ;
Com., 30 mai 2012 – Pourvoi n° 11-11.063
2059
Com., 5 janvier 1962 - Bull. civ., 1962, IV. n° 8. Voir également Civ. 1, 7 janvier 1976 - Bull. civ., 1976, I,
n° 7 : « Il n'y a pas identité de parties entre l'action en nullité de la vente d'un véhicule automobile pour dol,
formée contre un défendeur pris, tant en son nom personnel, qu'en sa qualité de Président directeur général
d'une société exploitant un garage, et l'action civile exercée précédemment pour les mêmes faits par l'acquéreur
devant la juridiction répressive saisie de poursuites contre ledit Président Directeur Général pris en son nom
personnel, alors que la société n'était pas partie à la décision prononcée par la juridiction pénale sur les intérêts
civils et n'y était pas régulièrement représentée ». Dans le même sens : Com., 15 Juin 2011 – Pourvoi n° 10-
17.926 ; Civ. 2, 6 mai 2010 - Pourvoi n° 09-14.737 ; Bull. 2010, II, n° 88.

484
il ainsi, dans l’éventualité d’une condamnation du défendeur au second procès (le mandataire
ou représentant), disposer d’une avance de trésorerie, voire espérer échapper au paiement de
tout ou partie de la condamnation dont il a fait l’objet ? La question présente un intérêt
évident pour le primo-responsable qui, dans l’affirmative, obtiendrait des fonds avant même
d’avoir payé. De ce point de vue, la condamnation initiale serait, pour ce dernier, indolore. A
l’inverse, si l’on se place au niveau du demandeur au procès principal (ici le tiers
cocontractant), une réponse positive signifierait que le versement des dommages-et-intérêts
auxquels il a droit sera suspendu jusqu’à l’issue du second procès.

879. Lorsque le recours du primo-responsable se fonde sur le mécanisme de la subrogation,


l’on enseigne que l’exercice de cette action est subordonné au paiement de la dette
principale2060. La solution ressort de l’article 1214 alinéa premier du Code civil aux termes
duquel « le codébiteur d'une dette solidaire, qui l'a payée en entier2061, ne peut répéter contre
les autres que les part et portion de chacun d'eux ». Dans ce cas de figure, la règle est
évidente dès lors que l’exécution d’un paiement pour un autre est la condition sine qua non de
la mise en œuvre de la technique subrogatoire2062.

880. L’application du principe aux actions récursoires de type personnel. En revanche,


lorsque le recours du condamné est de nature personnelle, les données du problème sont
quelque peu différentes : l’exercice d’une telle action ne suppose, en aucun cas, un paiement
pour autrui, dès lors que, en toute hypothèse, la dette dont il doit s’acquitter est de nature
personnelle2063. Il faut d’ailleurs rappeler que, indépendamment de l’action principale, toutes
les conditions peuvent d’ores et déjà être réunies : un fait générateur de responsabilité (la
faute contractuelle du mandataire), un dommage (celui résultant de l’inexécution ou mauvaise
exécution contractuelle) et un lien de causalité2064.

881. A notre sens, l’autonomie constatée entre l’action principale et l’action récursoire de
type personnel ne permet pas de contourner l’exécution d’une condamnation désormais
irrévocable. Moralement, mais aussi - et surtout - juridiquement, il semble inconcevable de
suspendre le sort de la condamnation prononcée aux bénéfices du tiers de l’issue d’un second
2060
En ce sens voir par exemple Civ. 2, 5 octobre 2006 - Bull. civ., 2006, II, no 256. Dans cette affaire la Cour de
cassation approuve les juges de la Cour d’appel d’avoir condamné une Société auteur d’une faute inexcusable à
rembourser son assureur la somme par lui payée à la victime au motif « qu'il résulte des dispositions des articles
1382 et 1251 du code civil que le codébiteur d'une obligation in solidum qui a exécuté l'entière obligation peut
répéter contre l'autre responsable ses part et portion ».
2061
Nous soulignons.
2062
Supra, n° 819 et s..
2063
Supra, n° 813 et s..
2064
Supra, n° 859 et s..

485
procès. D’une part, il est incontestable que les objets de chacune de ces actions sont
fondamentalement distincts : alors que l’un s’attache exclusivement au rapport existant entre
le tiers et le mandant, l’autre s’appuie uniquement sur le lien contractuel reliant le mandant au
mandataire. Autrement dit, l’éventualité d’une condamnation du mandataire dans le cadre de
l’action récursoire n’intéresse en rien le destin de la condamnation prononcée dans le cadre du
procès principal, et réciproquement. D’autre part, nul argument ne peut justifier, par
conséquent, la moindre atteinte au principe de l’autorité de la chose jugée. Au demeurant,
cette solution est parfaitement conforme à la nature de cette action récursoire. Parce qu’elle a
pour finalité de remédier à l’iniquité – apparente ou justifiée – d’une condamnation antérieure
et non de la prévenir, il semble naturel d’exiger la réalisation de cette injustice pour
s’interroger, ensuite, sur son bien-fondé et répartir, le cas échéant, le poids de la réparation
entre les différents acteurs en présence.

882. Synthèse. Economiquement parlant, l’exercice d’une action récursoire n’est sans
doute pas l’issue la plus intéressante pour le primo-responsable. Non seulement, un second
procès est incontournable ; mais surtout, le demandeur au recours ne peut en rien espérer
échapper à l’exécution de sa propre condamnation. C’est la raison pour laquelle nous pensons
que le choix d’un appel en garantie pourrait être une solution plus adéquate2065.

883. L’exercice d’une action récursoire s’effectue au regard d’une instance principale, il
n’en reste pas moins qu’elle constitue une instance à part entière qu’il convient à présent
d’examiner plus précisément.

B- L’admission du recours du défendeur à l’action principale contre un tiers

884. Enoncé du problème. L’exercice d’une action récursoire suppose nécessairement que
les parties au second procès soient au moins partiellement distinctes de celles présentes lors
du premier procès2066. Au défendeur à l’action principale est attribuée la qualité de demandeur
à l’action récursoire alors que le rôle de défendeur revient à un tiers à l’instance originaire.

2065
A propos de la définition des appels en garantie : supra, n° 795. A propos de la mise en œuvre des appels en
garantie : supra, n° 893 et s..
2066
Voir, à propos de l’irrecevabilité d’un appel en garantie, un arrêt rendu par la deuxième Chambre civile de la
Cour de cassation le 1er juillet 2010 dans lequel les juges constatent que l’auteur et le défendeur du recours
étaient tous deux parties à l’instance principale. Pour une illustration récente : Civ. 2, 1er juillet 2010 – Pourvoi
n° 09-15.594 ; Bull. civ., 2010, II, n° 128.

486
Par exemple, le mandant dont la responsabilité par représentation a été engagée à l’issue d’un
premier procès dont il était le défendeur revêt, dans l’hypothèse d’un recours exercé contre le
mandataire, tiers à l’action primitive, la qualité de demandeur à l’action récursoire.

885. La mise en œuvre de la répartition des condamnations supposera que l’on vérifie la
possibilité de la contribution entre ces deux individus et que l’on s’interroge ensuite sur la
technique de répartition.

886. L’admission du recours. Concernant l’admission du recours, deux difficultés doivent


être abordées : la première concerne la prise en compte éventuelle de la volonté des parties, la
seconde s’attache à déterminer dans quelle mesure un recours est théoriquement admissible.
Chacune de ces questions va être traitée successivement.

887. L’examen du contenu de leurs obligations réciproques mis à part, l’admission d’un
recours fondé sur la responsabilité civile contractuelle exige que l’on recherche si les parties
n’ont pas inséré une clause prévoyant de quelle manière l’ensemble des condamnations
prononcées en cas de litige devront être réparties. Dans l’affirmative, il faudra en tenir
compte, à condition toutefois qu’elles n’aient pas pour conséquence d’atteindre l’une des
obligations essentielles du cocontractant2067. Lors de développements précédents, nous avions
en effet déjà constaté la validité de ces clauses relatives à la responsabilité, dès lors qu’elles
ne dénotent pas un abus de position dominante2068.

888. Reste à déterminer si l’exercice du recours peut s’effectuer en toute hypothèse : le


recours du mandant (ou du représenté) contre le mandataire (ou représentant) a-t-il pour
contrepartie l’existence d’un recours du mandataire contre le mandant ? Dans le cadre de la
responsabilité des personnes morales (désinence possible de la responsabilité par
représentation), l’on enseigne généralement que l’introduction d’une action récursoire est à
sens unique : seule la personne morale qui a désintéressé la victime peut exercer un recours en
contribution, l’inverse étant impossible2069. La solution se justifie essentiellement par

2067
A propos des clauses relatives à la responsabilité dans le cadre de la responsabilité par représentation : supra,
n° 558 et s...
2068
Ibid..
2069
En ce sens voir H. et L. MAZEAUD, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et
contractuelle, Tome 2, op. cité, spéc. n° 1974 et s., pp. 1114 et s. ; PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la
responsabilité et des contrats, spéc. n° 1374, pp. 543 et s..

487
référence à la responsabilité des préposés pour lesquels toute voie de recours contre leurs
commettants est interdite2070.

889. La mise en œuvre du recours : la contribution à la dette. L’admission théorique du


recours suppose, enfin, qu’une ultime question soit résolue : celle de la méthode de répartition
des dommages-et-intérêts entre le demandeur et le défendeur à l’action récursoire. En droit
commun, on relève l’utilisation de deux critères concurrents : la faute et le lien de
causalité2071. Le premier (le plus fréquent) caractérise la fonction distributive et contributive
des recours en contribution et suppose que les juges se livrent à une comparaison de la gravité
respective des fautes commises par les codébiteurs. Le principe a été posé dès la fin du
XIXème siècle dans un arrêt de la Chambre des requêtes rendu le 24 février 1886 aux termes
duquel les juges affirmèrent que « les tribunaux sont autorisés à répartir entre elle et l’auteur
direct du dommage le montant des réparations, dans certaines proportions, suivant la gravité
des torts imputables à chacun d’entre eux »2072. Par application de ce critère2073, les juges
procèdent à un partage de responsabilité lorsque l’auteur du recours parvient à démontrer, à la
charge du tiers, l’existence d’une faute. Par exemple, dans l’hypothèse d’un empiètement, le
notaire qui parvient à démontrer la participation fautive de l’architecte au dommage subi par
le propriétaire évincé, peut obtenir contribution à la dette en fonction de « la gravité des
fautes commises, (…), de leurs compétences et de leurs missions respectives »2074. En
revanche, lorsque le responsable ne parvient pas à cette démonstration, le recours du fautif
contre le non fautif est généralement voué à l’échec. Ainsi, à propos de la responsabilité des
notaires, il n’est pas rare que le client qui s’est rendu coupable d’une faute dolosive se voit
privé de tout recours contre le professionnel2075. A l’inverse, les juges admettent relativement
facilement le recours intégral d'un non fautif contre un fautif. Ce cas de figure se rencontre

2070
En ce sens voir par exemple Civ. 2, 28 octobre 1987 – Bull. civ., 1987, II, n° 214 ; Crim., 15 avril 1972 –
Bull. crim., 1972, n° 122.
2071
En ce sens voir P. JOURDAIN, « Pour un réexamen du droit des recours en contribution », op. cité, spéc. n°
12-13.
2072
Req., 24 février 1886 : S., 1886, 1, p. 460.
2073
Pour des références générales voir G. VINEY – P. JOURDAIN, Traité de droit civil – Les conditions, op. cité,
spéc. n° 424-1, pp. 321 et s. ; P. JOURDAIN, « Droit à réparation – Lien de causalité – Pluralité des causes du
dommage », in J.Cl. Civil Code, « Art. 1382 à 1386 », Fasc. 162, 2011, n° 52 et s..
2074
Civ. 3, 15 décembre 2010 – Pourvoi n° 09-68.894 ; Bull. civ., 2010, III, n° 221.
2075
Civ. 1, 11 février 2010 – Pourvoi n° 08-18.087.
Toujours à propos de la responsabilité des notaires, le juge « dispose également de la faculté de
condamner l'officier public, en considération de la faute commise par lui, à une garantie partielle, dans une
proportion qui relève de son pouvoir souverain d'appréciation ». Civ. 1, 14 octobre 1997 – Pourvoi n° 95-
19.083 ; Bull. civ., 1997, I, n° 275.

488
fréquemment dans les cas de présomptions de responsabilité, responsabilité du fait des choses
notamment2076.

890. Si le critère de la faute prédomine encore largement l’essentiel de la matière 2077, le


critère de la faute n’en est plus pour autant exclusif : depuis les années 1970, l’analyse du
rapport causal vient parfois compléter le tableau. Ainsi, dans un arrêt en date du 11 janvier
1979, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a jugé que, lorsque « plusieurs
fautes successives, imputables à des auteurs différents, peuvent concourir à la production
d'un même dommage ; la faute initiale, sans laquelle l'accident ne se serait pas produit est en
relation avec le préjudice subi par la victime qui peut en demander réparation à son auteur
(…) ». Ainsi, cette faute initiale qui « a concouru à provoquer l'accident (…) est de nature à
engager sa responsabilité [du coauteur] dans une proportion que les juges du fond ont
apprécié souverainement »2078. Il s’agit alors de rechercher « dans quelle mesure »
(l’expression est utilisée par la Cour de cassation) chacune des personnes poursuivies a
contribué à la réalisation du dommage. Dans ce cas de figure, la contribution à la dette de
réparation repose sur un problème scientifique de causalité vidé de toute connotation morale.
L’utilisation de ce critère a parfois amené les tribunaux à autoriser le recours intégral d’un
non fautif contre un autre non fautif, alors que l’utilisation du critère de la faute aurait conduit
à un partage de responsabilité par parts égales2079. A cet égard l’on trouve, en matière de
recours des maîtres d’ouvrages contre les constructeurs, des illustrations particulièrement
topiques de ce mécanisme. Dans l’hypothèse d’une nuisance subie par des voisins, les
premiers peuvent obtenir garantie pour le tout des seconds parce qu’ils sont considérés
comme étant les véritables auteurs du trouble de voisinage2080.

891. Pour notre sujet, ce critère de la causalité nous semble particulièrement intéressant. En
effet, dans le cadre de la responsabilité par représentation, l’acte dommageable sera, le plus
souvent, le fait de l’intermédiaire. Pour cette raison, l’usage du seul critère de la faute
conduirait probablement à faire peser la contribution définitive sur les épaules de l’exécutant.

2076
Par exemple, en matière de trouble du voisinage : Civ. 2, 2 décembre 1982 – Pourvoi n° 80-13.159 ; Bull.
civ., 1982, II, n° 160. En matière d’accident de la route : Civ. 2, 13 novembre 1991 – Pourvoi n° 90-15.472 ;
Bull. civ., 1991, II, n° 299. En matière de responsabilité du fait des choses : Civ. 1, 16 mai 1960 - Bull. civ.,
1960, I, n° 263.
2077
Voir par exemple l’arrêt Samda qui réaffirme le principe : Civ. 2, 13 juillet 2000 – Bull. civ., 2000, II, n°
126. Voir également Civ. 2, 18 mars 1998 – Bull. civ., 1998, II, n° 97.
2078
Civ. 2, 11 novembre 1979 – Bull. civ., 1979, II, n° 19. En ce sens voir également : Civ. 2, 17 décembre 1996
–– Bull. civ., 1996, II, n° 458 ; Civ. 1, 14 octobre 1997 –– Bull. civ., 1997, I, n° 275 ; Civ. 2, 3 mars 1998 ––
Bull. civ., 1998, II, n° 92.
2079
Civ. 2, 15 avril 2010 – Pourvoi n° 09-14.682.
2080
Civ. 3, 22 juin 2005 – Pourvoi n° 03-20.068 ; Bull. civ., 2005, III, n° 136.

489
Pourtant, il ne faut pas oublier que la réalisation d’un dommage a pu avoir lieu parce que le
maître de l’affaire a donné un ordre discutable, a mal choisi ou mal surveillé l’intermédiaire
ou a tout simplement créé le risque (même non-intentionnellement) en chargeant un
intermédiaire d’agir en ses lieu et place. S’il ne sera pas toujours possible de voir, dans le
comportement du donneur d’ordre, l’existence d’une faute, il n’en reste pas moins que la
décision prise par le donneur d’ordre constitue, d’une certaine manière, la cause adéquate du
préjudice subi par le tiers. Mais, si le mandant ou représenté a certainement créé le risque, il
ne le réalise pas. De ce point de vue, toute considération relative au comportement du
mandataire ou représentant ne doit pas systématiquement être écartée : si les instructions du
mandant ont certainement joué un rôle prépondérant, celles-ci peuvent avoir été bien ou mal
exécutées par l’agent. Pour cette raison, le recours au critère du lien de causalité nous semble
mieux adapté au contexte de la représentation en ce qu’il facilite la mesure de la participation
des différents acteurs en présence à la réalisation du dommage. Est-ce la défectuosité des
ordres émis par le mandant, la légèreté de ce dernier dans l’élection ou la surveillance de
l’intermédiaire (cause la plus lointaine) ou l’exécution anormale de la mission par le
mandataire qui a été déterminante ? Dans l’hypothèse où chacun des faits constatés aura pu
jouer un rôle actif dans la réalisation du dommage, un partage de responsabilité entre
représenté et représentant sera envisageable, dans une proportion que les juges auront à
apprécier souverainement2081.

892. Synthèse. Il apparaît ainsi que la répartition définitive des dommages-et-intérêts


alloués au tiers cocontractant repose essentiellement sur le critère délicat du lien de causalité.
Du point de vue du maître de l’affaire, le succès d’une action récursoire est cependant mitigé :
celui-ci ne peut être obtenu qu’à la seule condition d’un second procès. L’exercice d’une
action récursoire stricto sensu entraîne donc une perte de temps économiquement
inintéressant. C’est la raison pour laquelle la voie des appels en garantie pourrait être préférée.
Encore faut-il vérifier qu’elle soit juridiquement admissible et qu’elle ne porte pas atteinte à la
cohérence du système de la responsabilité par représentation.

2081
Supra, n° 886 et s..

490
§2- Le recours anticipé : l’appel en garantie

893. Notions. L’appel en garantie peut se définir comme l’action par laquelle le défendeur
à un procès civil appelle un tiers pour obtenir sa condamnation2082. Il s’agit donc d’une forme
particulière de mise en cause aux fins de condamnation2083 (par opposition aux mises en cause
aux fins de déclaration du jugement commun2084) qui est l’un des modes d’intervention forcée
que connaît le droit de la procédure civile. Par opposition à l’intervention volontaire2085 qui,
comme son nom l’indique, émane du tiers, l’intervention forcée concerne les demandes
incidentes par lesquelles un individu est attrait à une instance déjà engagée sur l’initiative de
l’une des parties au procès, généralement le défendeur.

894. Concomitante de l’instance principale, la mise en cause aux fins de condamnation


présente un intérêt majeur pour le défendeur (dans notre hypothèse, le mandant ou
représenté) : celui d’éviter un second procès. N’ayant fait l’objet d’aucune condamnation
préalable, le demandeur à l’appel en garantie n’est tenu à aucune obligation de paiement avant
l’introduction d’une telle demande. Ce principe a été fermement consacré par la
jurisprudence. Ainsi, dans un arrêt rendu le 6 octobre 1998 la première Chambre civile de la
Cour de cassation sanctionne-t-elle la Cour d’appel de VERSAILLES qui avait déclaré
irrecevable l’appel en garantie d’un défendeur contre l’un de ses codébiteurs au motif que la
dette n’avait pas encore été payée. La Cour de cassation rappelle simplement que, « si le
recours en paiement du débiteur solidaire suppose qu'il a payé, il n'en est pas de même de

2082
Sur l’intervention - forcée ou volontaire - en général et l’appel en garantie en particulier voir. not. L. CADIET
et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, LexisNexis, coll. Manuel, 7ème édition, 2011, spéc. n° 466 et s., pp. 407 et
s. ; G. COUCHEZ, X. LAGARDE, Procédure civile, Sirey, coll. Droit privé, 16ème édition, 2011, spéc. n° 378-379,
pp. 375 – 376 ; S. GUINCHARD, F. FERRAND, C. CHAINAIS, Procédure civile : droit interne et droit de l’union
européenne, Dalloz, Coll. Précis droit privé, 31ème édition, 2012, spéc. n° 1319 et s., pp. 1005 et s. ; P. JULIEN, N.
FRICERO, Droit judiciaire privé, L.G.D.J., coll. Manuel, 3ème édition, 2009, spéc. n° 528 et s., pp. 277 et s. ; J.
HERON, T. LE BARS, Droit judiciaire privé, Montchrestien, coll. Domat droit privé, 5ème édition, 2012, spéc. n°
1130 et s., pp. 897 et s. ; S. GUINCHARD (dir.), Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz, coll. Dalloz
action, 5ème édition, 2006, spéc. n° 312 et s., p. 552 et s. (pour l’appel en garantie voir plus précisément n° 312.51
et s., pp. 560 et s.) ; J.-J. TAISNE, « Intervention », in J.Cl. Procédure civile, Fasc. 127-1, 2013. Sur le seul appel
en garantie voir les thèse de S. BRENA, Les recours en contribution, op. cité, spéc. n° 254 et s., pp. 259 et s. ; P.
CANIN, Les actions récursoires entre coresponsables, op. cité, spéc. n° 183 et s., pp. 223 et s..
2083
Le critère de distinction entre la mise en cause aux fins de condamnations et l’appel en garantie repose sur la
qualité de l’auteur de la demande. Dans l’hypothèse où elle provient du demandeur à l’action principale, il
s’agit d’une mise en cause ; à l’inverse, lorsqu’elle est le fait du défendeur, il s’agit d’un appel en garantie. En ce
sens voir par ex. R. MARTIN, art. précité, spéc. n° 99.
2084
L’article 331 du Code de procédure civile distingue en effet la « mise en cause aux fins de condamnation par
toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal » de la « mise en cause par la partie qui y a intérêt
afin de lui rendre commun le jugement ».
2085
L’article 66 du Code de procédure civile dispose que « lorsque la demande émane du tiers, l'intervention est
volontaire ; l'intervention est forcée lorsque le tiers est mis en cause par une partie ».

491
l'appel en garantie, lequel est ouvert contre l'appelé qui est personnellement obligé »2086. A
ce titre, l’appel en garantie correspond à l’esprit du contrat de mandat en répondant aux
impératifs de rapidité et d’efficacité inhérents qu’il poursuit. Pour cette raison, il nous semble
qu’il devrait être largement préféré aux actions récursoires stricto sensu.

895. Plan. Reste à déterminer les effets de cet appel en garantie. Opère-t-il réellement
substitution de condamnation du garanti vers le garant ou ne constitue-t-il, finalement, qu’une
forme d’anticipation procédurale, n’offrant alors aucune véritable avance de trésorerie. Dans
le cadre de la représentation, la substitution semble à première vue difficilement
envisageable : par le jeu de la technique représentative, aucun lien ne s’établit entre le tiers et
le mandataire, les fautes commises par ce dernier doivent en théorie être invoquées dans le
seul cadre du lien interne.

896. Pour trancher définitivement cette difficulté et présenter les effets de l’appel en
garantie formé par le mandant contre le mandataire (B), il convient de rechercher au préalable
de quel type d’appel en garantie il s’agit, c’est-à-dire d’observer les conditions particulières
de mise en œuvre (A).

A- La mise en œuvre de l’appel en garantie

897. Généralités. Comme toute action civile, l’appel en garantie suppose, tout d’abord, que
soient vérifiés la capacité et la qualité des parties, ainsi que l’intérêt à agir2087. Ainsi l’article
331 du Code de procédure civile précise-t-il qu’ « un tiers peut être mis en cause (…) par
toute personne qui est en droit d’agir contre lui à titre principal ». Concernant cet élément, il
s’agit de savoir si l’intermédiaire engage sa responsabilité à l’encontre du donneur d’ordre. A
ce propos une étude sera menée tout au long de la seconde section de ce chapitre et nous
renvoyons à la lecture de celle-ci2088.

898. Etant un mode d’intervention forcée, l’appel en garantie doit ensuite obéir aux
conditions requises pour les demandes incidentes. Ainsi, selon l’article 325 du Code de
procédure civile, « l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des

2086
Civ.1, 10 janvier 2006 - Bull. civ., 2006, I, n°6 : D. Aff., 1998, p. 1811, obs. X. DELPECH.
2087
En ce sens voir par ex. S. GUINCHARD (dir.), Droit et pratique de la procédure civile, ouvrage précité, spéc.
n° 312.22, p. 558 ; J.-J. TAISNE, « Intervention », op. cité, spéc. n° 100.
2088
Infra, n° 919 et s..

492
parties par un lien suffisant »2089. Ce lien est laissé à l’appréciation des juges du fond2090. En
outre, il est exigé que le tiers soit « appelé en temps utile pour faire valoir sa défense ». Il
s’agit-là de s’assurer que le mis en cause a pu disposer d’un temps suffisant pour préparer sa
défense2091.

899. Plan. Enfin, en tant que mode particulier de mise en cause à des fins de condamnation,
l’appel en garantie nécessite l’examen de certains principes qui lui sont propres. Ainsi
convient-il, dans un premier temps, de rechercher à quel moment cette demande peut être
formulée : cette action se limite-t-elle à la première instance ou bien peut-elle être introduite
devant une Cour d’appel voire devant la Cour de cassation (1) ? Dans un second temps, nous
examinerons plus précisément l’objet de la demande pour déterminer s’il s’agit d’une garantie
simple (lorsque « le demandeur en garantie est lui-même poursuivi comme personnellement
obligé »2092) ou d’une garantie formelle (lorsque le garant est poursuivi « seulement comme
détenteur d'un bien »2093). Concrètement, il s’agit d’examiner, non pas la nature du lien qui
unit le garant (le mandant ou représenté) au garanti (le mandataire ou représentant), mais celle
du rapport qui relie le demandeur à l’action principale (le tiers) au garant (2).

1- Le moment de l’appel en garantie

900. Enoncé du problème. Concernant le moment où l’appel en garantie doit être formé, la
seule indication fournie par le Code de procédure civile est celle commune à toutes les
interventions forcées : la nécessité de l’effectuer en « temps utile »2094. L’objectif poursuivi
est évidemment de s’assurer que le garant (ou plus généralement toute personne attraite en

2089
Sur l’exigence d’un lien suffisant (sa notion, son critère d’appréciation) voir not. G. COUCHEZ, X. LAGARDE,
Procédure civile, ouvrage précité, spéc. n° 377, p. 406 ; S. GUINCHARD, F. FERRAND, C. CHAINAIS, Procédure
civile, ouvrage précité, spéc. n° 1320, p. 1005 ; P. JULIEN, N. FRICERO, Droit judiciaire privé, ouvrage précité,
spéc. n° 528, p. 277 ; J. HERON, T. LE BARS, Droit judiciaire privé, ouvrage précité, spéc. n° 1131, p. 897 ; S.
GUINCHARD (dir.), Droit et pratique de la procédure civile, ouvrage précité, spéc. n° 312.22, pp. 547 et s. (pour
l’appel en garantie voir plus précisément n° 312.51 et s., pp. 560 et s. ; J.-J. TAISNE, « Intervention », op. cité,
spéc. n° 101.
2090
Voir not. Civ.1, 10 janvier 2006 - Bull. civ., 2006, I, n° 6 : « la Cour d'appel qui a constaté(…), a ainsi
relevé l'existence d'un lien dont elle a souverainement apprécié le caractère suffisant». Voir également, Civ. 3, 8
janvier 1997 - Bull. civ., 1997, III, n° 9 ; Civ. 2, 14 janvier 1987 - Bull. civ., 1987, II, n° 12 ; Com., 30 novembre
1982 - Bull. civ., 1982, IV, n° 389 ; Civ. 1, 6 juin 1978 - Bull. civ., 1978, I, n° 214.
2091
A cet égard il est précisé à l’article 109 du Code de procédure civile que « Le juge peut accorder un délai au
défendeur pour appeler un garant ».
2092
Article 334 précité du Code de procédure civile.
2093
Ibid..
2094
Article 331 alinéa 3 précité du Code de procédure civile : « Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire
valoir sa défense ».

493
justice par l’une des parties au procès principal) puisse préparer convenablement sa défense.
Pour notre sujet, il s’agit d’éviter que le mandataire ne se trouve attrait en justice sans avoir eu
le temps de préparer sa défense. Quant à savoir devant quelle juridiction l’appel en garantie
peut-être effectué pour la première fois, aucune précision d’ordre légal n’a été proposée.

901. Pourtant, la question est loin d’être anodine. Le procès en appel présente en effet un
aspect particulier : celui d’offrir aux plaideurs la possibilité de voir leur affaire réexaminée
lorsque le jugement rendu en première instance ne leur convient pas. Dans un sens, le principe
du double degré de juridiction constitue une garantie de bonne justice pour le justiciable.
C’est la raison pour laquelle il est en principe admis que « les parties ne peuvent soumettre à
la cour de nouvelles prétentions (…) »2095. Le mandataire condamné pour la première fois
devant la Cour d’appel serait ainsi privé de la possibilité de faire juger son affaire une seconde
fois. Le résultat serait, à notre sens, excessivement favorable au mandant. Par conséquent, il
nous semble qu’admettre l’appel en garantie pour la première fois devant une juridiction du
second degré serait autoriser, d’une certaine manière, le contournement de la règle et priver le
garanti d’une partie de ses droits. A ce titre, l’action des articles 334 et suivants du Code de
procédure civile devrait sans doute être prohibée en cause d’appel. Ainsi le mandant ne
devrait-il avoir d’autre possibilité que d’appeler le mandataire en garantie devant la juridiction
du premier degré.

902. Exposé du droit positif. C’est cette solution qui, dans un premier temps, a été
consacrée par la jurisprudence qui s’opposait systématiquement à toute intervention forcée
devant une juridiction du second degré dès lors que la demande avait pour objet la
condamnation de l’appelé2096. Dans un arrêt rendu par la première Chambre civile, par
exemple, la Cour de cassation sanctionne une Cour d’appel d’avoir admis l’appel en garantie
du responsable d’un accident contre son assureur au motif que « la demande en garantie,
laquelle, constituant une demande nouvelle, ne peut être formée pour la première fois devant
la juridiction du second degré »2097.

903. Episodiquement, il est apparu toutefois que la rigueur de cette règle pouvait créer
certaines difficultés, notamment lorsqu’une éventuelle mise en cause était imprévisible en

2095
L’article 564 du Code de procédure civile qui pose le principe de la prohibition des prétentions nouvelles en
cause d’appel est rédigé ainsi : « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la
cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou
faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. ».
2096
La solution était en effet différente lorsque la demande d’intervention forcée avait pour objet de rendre un
arrêt commun. Voir par ex. Civ. 2, 27 février 1969 : D., 1970, J., 581, note P. RAYNAUD.
2097
Civ.1, 10 avril 1964 : D., 1965, J., 1, note Y. LOBIN.

494
première instance. Dans le cadre de la responsabilité par représentation par exemple, tel aurait
été le cas s’il était apparu, postérieurement au jugement, que le dommage subi par le tiers
s’expliquait par l’existence d’une faute du mandataire, alors que la mise en cause de ce
dernier semblait impossible en première instance. Aussi la réforme du Code de procédure
civile intervenue dans les années 1970 devait-elle mettre un terme à une jurisprudence parfois
sévère. Ainsi, aux termes d’un nouvel article 555 il fut admis que des personnes n’ayant été ni
parties ni représentées en première instance « [pouvaient] être appelées devant la cour, même
aux fins de condamnation2098, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause ». En
d’autres termes, le législateur est venu renverser le principe prohibitif initialement posé.

904. L’exigence d’une « évolution du litige ». Pour justifier les atteintes à la règle du
double degré de juridictions, une limite a néanmoins été posée : celle de l’exigence, à peine
d’irrecevabilité, d’un élément nouveau2099. Reste donc à déterminer ce qu’il faut comprendre
par la terminologie « évolution du litige ». Dans les premières années suivant la réforme du
Code de procédure civile, la jurisprudence est apparue relativement bienveillante. L’évolution
du litige était ainsi caractérisée chaque fois que l’« intervention [était] utile, nécessaire ou
souhaitable »2100, ou bien, qu’en l’absence de faits matériels nouveaux, il était néanmoins
dans l’intérêt d’« une bonne administration de la justice que cette situation soit dénouée à
l’égard de tous ceux ayant un intérêt commun à ce qu’elle le soit »2101. Ainsi le simple fait
qu’en première instance l’assigné « n'avait pas agi comme mandataire mais à titre
personnel » constituait, un élément suffisant pour que l'évolution du litige soit avérée2102.

905. Par la suite les juges du droit sont revenus à plus d’orthodoxie en exigeant que
l’élément dit nouveau modifie véritablement les données du litige. Ainsi furent admis la
découverte d’un contrat d’assurance par les héritiers de l’assuré après clôture des débats en
première instance2103, la modification de jurisprudence depuis le jugement rendu en première

2098
C’est nous qui soulignons.
2099
Pour des illustrations récentes de cette exigences en jurisprudence : Civ. 2, 23 juin 2011 – Pourvoi n° 10-
20.563 et 10-20.564 ; Bull. civ., 2011, II, n° 141. Civ. 2, 11 mars 2010 – Pourvoi n° 09-11.560 ; Bull. civ., 2010,
II, n° 56. Mixte, 9 novembre 2007 - Pourvoi n° 06-19.508 ; Bull. civ., 2007, Ch. mixte, n° 10.
2100
C.A. PAU, 2 mai 1973 : JCP G., 1973, II, 17512.
2101
C.A. LYON, 2 avril 1974 : JCP G., 1975, IV, 12 ; R.T.D. Civ., 1975, p. 159.
2102
Com., 14 juin 1976 – Bull. civ., 1976, IV, n° 198.
2103
Civ. 1, 10 décembre 1991 : G.P., 1992, 1, Pan. 77.

495
instance2104, l’ouverture, postérieurement au jugement de première instance, d’une procédure
collective2105, la révélation de faits nouveaux par un rapport d’expertise2106.

906. Longtemps, la Cour de cassation s’est refusée à donner un cadre précis à cette notion
avant d’opérer un revirement. Dans un arrêt rendu par l’Assemblée plénière le 11 mars 2005,
les juges du droit ont ainsi affirmé que « l'évolution du litige (…) n'est caractérisée que par la
révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci,
modifiant les données juridiques du litige »2107. Il en résulte que l’intervention en cause
d’appel ne doit pas avoir pour finalité de remédier à des oublis ou erreurs commis devant les
premiers juges2108. Tel est le cas lorsqu’il apparaît que le garant pouvait être appelé dès la
première instance2109, lorsque les éléments étaient déjà connus lors du premier procès2110,
lorsque l’élément était définitivement acquis bien avant le jugement2111, ou encore lorsque la
méconnaissance de l’élément litigieux n’est due qu’au seul comportement de l’appelant2112.

907. Synthèse. En dépit de ce cadre strict, l’appréciation de l’évolution du litige demeure


néanmoins relativement souple. Ainsi, sauf négligence de l’appelant, la recevabilité de l’appel
en garantie est fréquemment admise. Il nous reste à préciser que ces règles sont de droit
positif quel que soit le type de garantie mis en œuvre : simple ou formel le critère de
distinction repose sur la nature des liens qui unissent le demandeur originaire au garanti.

2- La garantie simple du mandant contre le mandataire

908. La distinction de la garantie formelle et de la garantie simple. Le droit de la


procédure civile connaît deux espèces de garantie. Aux termes de l’article 334 du Code de

2104
Civ. 1, 15 janvier 1985 - Bull. civ., 1985, I, n° 21 : D., 1985, I.R., 265, obs. J. JULIEN ; R.T.D. Civ., 1985,
p. 624, obs. R. PERROT.
2105
Civ. 1, 25 mars 1991 - Bull. civ., 1991, I, n° 105 ; Civ. 1, 25 février 1992 - Bull. civ., 1992, I, n° 62.
2106
Civ. 3, 3 juin 2004 : JCP G., 2004, IV, 2546.
2107
A.P., 11 mars 2005 – Bull. civ., 2005, A.P., n° 4 : Procédures, 2005, comm. 118, obs. R. PERROT ; R.T.D.
Civ., 2005, p. 455, obs. R. PERROT ; D., 2005, p. 2368, note E. FISCHER ; G.P., 16-17 mars 2005, p. 39.
2108
C.A. VERSAILLES, 14 octobre 1981: Bull. Ch. des Avoués, 1982, 1, 22 ; Civ. 2, 24 octobre 1979 - Bull.
civ., 1979, II, n° 256 (en l’espèce l’une des parties avait, en première instance, assigné un assureur au lieu d’un
autre). Nous soulignons.
2109
Civ. 2, 30 juin 1982 - Bull. civ., 1982, II, n° 295.
2110
Civ. 1, 22 février 1983 - Bull. civ., 1983, I, n° 72.
2111
Civ. 3, 14 mars 1990 - Bull. civ., 1990, III, n° 77.
2112
Civ. 3, 28 janvier 2009 - Bull. civ., 2009, III, n° 21 (en l’espèce l’appelant n’avait pris connaissance d’un
jugement de liquidation judiciaire qu’en cours d’appel alors que ledit jugement était opposable à tous dès la
première instance). Pour une illustration récente : Civ. 3, 28 avril 2011 – Pourvoi n° 10-14.516 et 10-14.517 ;
Bull. civ., 2011, III, n° 59.

496
procédure civile en effet, « la garantie est simple ou formelle2113 selon que le demandeur en
garantie est lui-même poursuivi comme personnellement obligé ou seulement comme
détenteur d'un bien »2114. L’intérêt de la distinction est directement lié à la définition de
l’étendue de ses effets puisque selon les articles 335 et 336 du même Code « le demandeur en
garantie simple demeure partie principale » alors que « le demandeur en garantie formelle
peut toujours requérir, avec sa mise hors de cause, que le garant lui soit substitué comme
partie principale »2115. Pour notre sujet, il s’agit donc de savoir si, en raison de l’appel en
garantie, le mandant ou représenté peut espérer, avec sa mise hors de cause, échapper à toute
condamnation pour la faute commise par le mandataire ou représentant.

909. Il résulte de l’article 334 précité que la garantie est dite simple lorsque le défendeur au
principal est lui-même tenu personnellement envers le demandeur à l’action civile alors que la
garantie sera formelle si le demandeur en garantie n’est poursuivi par la victime qu’en qualité
de détenteur d’un bien ou d’un droit. A la lecture de ce texte, il apparaît alors que le critère de
distinction entre l’une ou l’autre des garanties repose, non pas sur la nature du lien qui existe
entre le garant et le garanti, mais sur celui qui unit le garanti au demandeur originel2116.
Autrement dit, « il y a lieu à garantie simple lorsque la demande originaire formée par le
tiers est une action personnelle, tandis qu’il y a lieu à garantie formelle lorsque cette
demande ordinaire est une action réelle »2117. L’illustration la plus topique de la garantie
formelle est sans doute celle de la garantie de l’acquéreur d’un bien contre son vendeur dans
l’hypothèse d’une action en revendication d’un tiers qui prétend être le véritable
propriétaire2118. A l’inverse la garantie de la caution contre le débiteur originel est simple
parce que le créancier, demandeur principal, dispose d’un droit personnel contre elle 2119 ; il en
va de même de celle qui appartient à un assureur contre l’auteur d’un dommage 2120, ou encore
de celle qui bénéficie à un entrepreneur principal en raison des travaux exécutés par un sous-

2113
C’est nous qui soulignons.
2114
Sur l’exposé de la distinction, voir not. S. GUINCHARD, F. FERRAND, C. CHAINAIS, Procédure civile, ouvrage
précité, spéc. n° 1155, p. 924 ; J. HERON, T. LE BARS, Droit judiciaire privé, ouvrage précité, spéc. n° 1138 et s.,
pp. 902 - 903 ; S. GUINCHARD (dir.), Droit et pratique de la procédure civile, ouvrage précité, spéc. n° 312.51, p.
560 ; J.-J. TAISNE, « Intervention », op. cité, spéc. n° 139 et s. ; S. BRENA, thèse précitée, spéc. n° 255 et s., pp.
260 et s..
2115
Pour de plus amples développements sur l’appel en garantie, supra, n° 893 et s..
2116
En ce sens voir not. J. HERON, T. LE BARS, Droit judiciaire privé, ouvrage précité, spéc. n° 1138, p. 902 ; J.-
J. TAISNE, « Intervention », op. cité, spéc. n° 139.
2117
S. GUINCHARD, F. FERRAND, C. CHAINAIS, Procédure civile, ouvrage précité, spéc. n° 1155, p. 924.
2118
Par exemple : Civ. 3, 10 mars 2009 - Pourvoi n° 06-22.078.
2119
Pour une illustration : Com., 28 juin 2011 – Pourvoi n° 10-15.412.
2120
Pour une illustration récente : Com., 11 avril 2012 - Pourvoi n° 10-25.512.

497
traitant2121, parce qu’en toute hypothèse, le garanti s’est engagé envers le demandeur à
l’action civile à exécuter personnellement.

910. L’application de la distinction à l’appel en garantie du représenté contre le


représentant. Si l’on applique ce critère de distinction à la garantie du mandant - représenté
contre le mandataire - représentant, le résultat est sans appel : la garantie du défendeur à
l’action civile est simple. Autrement dit, l’intermédiaire ne sera jamais substitué au donneur
d’ordre dans le cadre de l’action exercée par le tiers. Concrètement, cela signifie que le maître
de l’affaire ne pourra espérer s’exonérer de sa responsabilité à l’égard du cocontractant. En
effet, dans le cadre d’un procès en responsabilité par représentation, c’est personnellement
que le représenté est poursuivi par le tiers cocontractant. Par le jeu de la technique de la
représentation, le mandant s’engage en effet à exécuter personnellement et immédiatement
l’ensemble des obligations nées de l’action de son mandataire, à condition, toutefois, que ce
dernier ne dépasse pas les limites du pouvoir qui lui a été confié 2122. Ainsi l’action du tiers
cocontractant contre le donneur d’ordre est-elle nécessairement et obligatoirement de nature
personnelle.

911. Le caractère simple de la garantie du mandant est décisif quant aux effets juridiques
nés de l’appel en garantie : conformément à l’article 335 du Code de procédure civile, le
représenté conserve sa qualité de partie principale au procès en responsabilité civile. Par
conséquent, le rapport procédural né de l’appel en garantie ne se substitue en aucune façon au
rapport initial, ce qui impose de distinguer deux instances : celle au principal (c’est-à-dire
l’action du tiers contre le mandant (ou représenté)) et celle en garantie (l’action de ce dernier
contre le mandataire (ou représentant)). Cette superposition de deux procès signifie non
seulement que chacune des parties doit répondre personnellement aux conclusions qui la
concernent, mais cela explique aussi, et surtout, qu’aucun lien de quelque nature que ce soit
ne se forme entre le garant et le demandeur initial2123. Aucune condamnation, par exemple, ne
saurait être prononcée contre le garant au profit du demandeur originel 2124. Néanmoins, cette

2121
Civ. 3, 2 novembre 2011 - Pourvoi n°10-11.999. (En l’espèce, il s’agissait d’un appel en garantie de
l’entrepreneur contre l’architecte.)
2122
Supra, n° 539 et s...
2123
Com., 8 février 2000 - Bull. civ., 2000, IV, n° 26 : D., 2000, I.R., 92 ; JCP G. 2000, IV, 1556.
2124
Civ. 2, 5 mai 1987 - Bull. civ., 1987, II, n° 47 : « Le demandeur en garantie simple demeure partie
principale ; la garantie est simple lorsque le demandeur en garantie est lui-même poursuivi comme
personnellement obligé. Par suite, viole les articles 334 et 335 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui,
sur une demande en remboursement du prix d'achat d'une automobile formée par l'acheteur contre son vendeur,
et bien que celui-ci ait été poursuivi comme personnellement obligé, lui substitue comme débiteur un tiers,
appelé par le vendeur en garantie, contre lequel l'acheteur n'avait pas conclu ».

498
action présente un intérêt non négligeable pour le garanti : celui d’obtenir directement
indemnisation pour le préjudice subi.

B- Les effets de la mise en œuvre garantie simple

912. L’appel en garantie simple : une forme d’anticipation procédurale. Par application
de l’article 335 du Code de procédure civile, « le demandeur en garantie simple demeure
partie principale ». Il résulte de ce texte que le demandeur à l’action en garantie (le mandant
ou représenté) demeure le défendeur principal à l’action civile initiale. De ce fait, l’appelant
en garantie reste tenu personnellement de l’ensemble des condamnations qui seront
prononcées à son encontre, quel que soit le sort de l’appel en garantie. Il faut en effet
distinguer deux procès : d’un côté, l’action principale ; de l’autre, l’action en garantie. Dans
une telle configuration la mission du juge est double : d’une part, déterminer l’étendue des
droits à réparation de la victime, d’autre part définir dans quelle mesure l’appelé en garantie
doit contribuer à la dette. Par conséquent, le juge a l’obligation de statuer successivement sur
chacune de ces demandes, en commençant nécessairement par la principale. Il lui est interdit,
par exemple, de surseoir à statuer sur celle-ci jusqu’au résultat de l’appel en garantie2125.

913. Il faut en effet rappeler, qu’en dépit de l’exigence d’un lien matériel qualifié de
« suffisant », aucun lien de nature juridique ne se forme entre les deux instances. Par
conséquent, le demandeur au procès initial et le défendeur à l’action en garantie conservent
leurs qualités de tiers l’un envers l’autre. La conséquence immédiate de cette organisation est
l’absolue interdiction de prononcer la moindre condamnation à l’égard de l’appelé au bénéfice
du demandeur principal. Ce principe est fermement et définitivement acquis en jurisprudence
depuis plusieurs décennies. Ainsi, bien avant la réforme du Code de procédure civile, la Cour
de cassation rappelait-elle à l’ordre certaines juridictions du fond ayant condamné directement
le garant envers le demandeur principal. Dans un arrêt rendu le 3 juin 1955, par exemple, la
deuxième Chambre rappelle que « la seule assignation ne peut créer de droit qu’entre le
garanti et le prétendu garant » et qu’il est, de ce fait, illégal de condamner l’appelé à réparer
le dommage subi par la victime, alors même qu’elle n’avait pas conclu contre ce dernier2126.
Sur ce point, l’adoption d’un Nouveau Code de procédure civile en 1972 n’a apporté aucune
2125
Civ. 1, 19 novembre 1985 : D., 1986, I.R., p. 246.
2126
Civ. 2, 3 juin 1955 - Bull. civ., 1955, II, n° 305 ; D., 1956, somm. p. 67. Voir également Com., 18 avril
1951 : JCP, éd. Avoués, IV, n° 1711.

499
modification : lorsque l’action en garantie est simple, le garanti demeure partie principale, ce
qui est exclusif de toute condamnation du garant aux bénéfices du demandeur originaire2127.
En matière de garantie simple le principe est donc celui de l’absence de substitution entre les
deux rapports procéduraux (et, par voie de conséquence, l’absence de substitution entre les
condamnations) : au rapport procédural originaire s’ajoute le rapport procédural reliant le
garanti au garant sans que le premier n’absorbe le second.

914. La solution tient évidemment à la nature particulière des liens qui unissent le
demandeur principal au garanti. Personnellement engagé envers le créancier originaire, il
serait en effet illogique d’admettre que le défendeur puisse se décharger en appelant un tiers
au procès. Dans le cadre du mandat, par exemple, le mandant est personnellement tenu envers
le tiers cocontractant sans que la constatation d’une faute contractuelle du mandataire n’y
change quoi que ce soit2128. Il faut donc en conclure que, lorsque la garantie est simple, elle ne
peut être analysée autrement que comme une forme d’anticipation procédurale. Le garanti fait
en effet l’économie d’un procès, sans pour autant pouvoir espérer échapper systématiquement
à une condamnation.

915. Une garantie personnelle. En réalité, la fonction principale de cette espèce de


garantie n’est autre que d’obliger le garant à indemniser le garanti pour le préjudice subi.
Aussi le jugement rendu lui permet-il seulement d’obtenir un titre exécutoire. A cet égard, il
convient de préciser que l’obligation invoquée par l’appelant à l’encontre de l’appelé est
évidemment de nature personnelle. Il n’en reste pas moins que l’intérêt pour le garanti semble
ainsi considérablement amoindri dès lors que l’exercice d’une garantie simple ne lui offre
aucune avance de trésorerie, à moins d’admettre que le paiement de la condamnation du
garant puisse s’effectuer avant celle prononcée à l’encontre du garanti.

916. L’on enseigne couramment que la condamnation prononcée à l’encontre d’un


coresponsable ne peut se matérialiser qu’à partir du moment où le défendeur au principal aura
désintéressé la victime2129. De cette manière les principes relatifs à la subrogation ne sont pas

2127
En ce sens voir par ex. : Civ. 3, 15 juin 1977 - Bull. civ., 1997, III, n° 264 ; Com., 11 janvier 1977 - Bull.
civ., 1977, IV, n° 12 ; Civ. 2, 5 mai 1987 - Bull. civ., 1987, II, n° 47 (arrêt précité) ; Civ. 1, 25 février 1992 : JCP
G., 1992, IV, n° 1228 ; Com., 8 février 2000 - Bull. civ., 2000, IV, n° 26 (arrêt précité).
2128
Il est entendu que la faute dont il est question doit avoir été constatée dans le cadre du pouvoir confié. A
défaut il s’agit d’un dépassement de pouvoir pour lequel la mise en œuvre de la responsabilité par représentation
est impossible.
2129
En ce sens voir la thèse précitée de J. MESTRE : La subrogation personnelle, op. cité, spéc. n° 330 et s., pp.
383 et s..

500
malmenés, en particulier l’exigence d’un paiement pour autrui2130. A notre sens, une telle
solution ne se justifie absolument pas dans l’hypothèse d’un appel en garantie effectué par un
mandant ou représenté à l’encontre du mandataire ou représentant. Non seulement, l’argument
selon lequel la subrogation suppose un paiement pour autrui est ici inopérant (précisément
parce que nous avons exclu que l’action récursoire du mandant soit de nature
subrogatoire2131) ; mais surtout, le préjudice subi par le tiers cocontractant est suffisamment
distinct de celui supporté par le maître de l’affaire pour que l’un et l’autre puissent être
réparés indépendamment : alors que le dommage du tiers trouve son origine dans le mandat,
celui du donneur d’ordre repose sur une exécution défectueuse du mandat.

917. Synthèse. En toute hypothèse, le mandant n’échappera pas à sa propre condamnation.


Une telle conclusion présenterait pourtant un avantage non négligeable pour le mandant qui
n’aurait plus systématiquement à avancer les fonds pour obtenir réparation. Surtout, elle
conforterait l’idée selon laquelle l’action au principal et l’appel en garantie sont autonomes.
Cet aspect, caractéristique de la garantie simple, est en effet beaucoup trop occulté par cette
espèce de hiérarchie qui existe entre l’exécution de la condamnation au principal et
l’exécution de la garantie. Il n'en reste pas moins que l'exercice d'une action récursoire lui
permettra parfois de contourner, en tout ou partie, les conséquences économiques qui en
découlent. Entre l'exercice de l'action récursoire stricto sensu ou d'un appel en garantie avant
condamnation, cette seconde voie lui sera sans doute plus profitable dès lors qu'un second
procès est évité.

918. Mais, que l’on se place dans l'une ou l'autre des situations, les exigences de fond
restent identiques : le mandant devra démontrer que le dommage subi de la victime ne résulte
pas uniquement du mandat, mais aussi - et surtout - d’une mauvaise exécution des instructions
émises. De la démonstration d’une telle faute résultera une condamnation de l’intermédiaire à
réparer l’entier dommage du donneur d’ordre (consécutif à sa condamnation) ou au contraire
un partage de responsabilité.

2130
Supra, n° 815 et s..
2131
Supra, n° 829 et s..

501
Section 2 – L’exigence d’une faute du mandataire ou représentant

919. Plan. L’exercice d’une action récursoire du mandant-représenté contre le mandataire-


représentant suppose que le second ait commis une faute relative à l’exécution de sa mission.
L’examen des obligations réciproques de la relation interne est donc incontournable. Selon
l’article 1992 alinéa 2 du Code civil, « la responsabilité relative aux fautes est appliquée
moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire ». La
gratuité étant le principe2132, c’est la présence accidentelle d’une obligation de rémunération
qui vient bouleverser les règles de la responsabilité civile du mandataire, dans le sens d’un
alourdissement. La distinction mandat gratuit – mandat rémunéré est donc fondamentale,
d’autant plus qu’elle constitue le seul critère légal permettant l’aménagement de la
responsabilité du représentant. En l’état actuel du droit positif, la mise en œuvre de la
responsabilité du mandataire suppose donc la vérification du caractère salarié ou au contraire
gratuit du mandat.

920. Pourtant, à notre sens, ce critère est aujourd’hui dépassé. Indépendamment du


caractère désintéressé ou non du mandat, l’évolution de ce contrat suggère que l’on s’intéresse
aux compétences respectives des parties pour que leurs obligations réciproques soient
précisées2133. Aussi l’examen des conditions de fond de l’exercice des actions récursoires
repose-t-il sur la consécration de la distinction mandataire professionnel – mandataire ami
(§1) aux répercussions immédiates sur le contenu des obligations internes (§2).

§1- La consécration de la distinction mandataire professionnel – mandataire


profane

921. Plan. Au regard du mouvement de professionnalisation qui toucha le contrat de


mandat, la distinction mandat gratuit – mandat onéreux nous semble irréaliste (A). C’est la
raison pour laquelle nous souhaitons proposer une distinction mandat de professionnel –

2132
Article 1986 du Code civil : « Le mandat est gratuit s'il n'y a convention contraire ».
2133
Supra, n° 14.

502
mandat service d’amis permettant la reconnaissance d’une responsabilité spécifique au
mandataire professionnel (B).

922. Avant d’aller plus loin, il convient d’apporter une précision. Les développements qui
vont suivre ne concernent pas exclusivement les actions récursoires, mais intéressent, plus
généralement, toute hypothèse de mise en cause de la responsabilité contractuelle du
mandataire par le mandant, indépendamment de toute action en responsabilité exercée par un
tiers. Néanmoins, nous avons choisi de traiter la distinction mandataire professionnel –
mandataire profane dans ce Titre 2 parce qu’il est consacré à la relation interne, à l’exclusion
de la relation externe que nous avons examinée dans le premier Titre de cette seconde partie.

A- L’irréalisme de la distinction mandat gratuit – mandat onéreux

923. Plan. L’irréalisme de la distinction mandat gratuit – mandat onéreux s’explique par le
décalage existant entre l’évolution du contrat de mandat et la permanence de la règle. Aussi,
après en avoir démontré la primauté (1) nous en présenterons les inconvénients (2).

1- La primauté de la distinction mandat gratuit – mandat onéreux

924. Les origines historiques de la distinction mandat conclu à titre gratuit mandat
conclu à titre onéreux. Bien que l’on ait pu dire que le législateur de 1804 avait voulu
conserver au mandat « le noble caractère de gratuité »2134, il est incontestable que la
distinction mandat conclu à titre gratuit et mandat conclu à titre onéreux ait été introduite à
cette époque. La règle selon laquelle « le mandat est gratuit s'il n'y a convention
contraire »2135 est parfaitement claire sur ce point, et il est difficile d’admettre, avec Bertrand
DE GREUILLE, que permettre de stipuler au profit du mandataire quelques témoignages de
reconnaissance n’altère en rien le principe de gratuité essentiel au mandat2136.

2134
C. G. JONESCO, Essai sur le mandat en droit romain et en droit français, PARIS, éd. de Blanpain, 1878,
spéc. p. 264.
2135
Article 1986 du Code civil.
2136
« Discussion devant le corps législatif – Discours prononcé par le Tribun Bertand DE GREUILLE (Séance du
19 Ventôse an XII) », in P.-A. FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du Code Civil, op. cité, Tome
14, spéc. n° 1926, p. 606.

503
925. Sur ce point, le droit français a clairement dérogé au droit romain qui considérait, à
l’inverse, que la moindre rémunération disqualifiait automatiquement le mandat en contrat de
louage2137. Le principe romain selon lequel « mandatum nisi gratuitum nullum est »2138 ne fait
l’ombre d’aucun doute : à cette époque, le mandat est un contrat essentiellement gratuit2139.
Pourtant, déjà à cette époque, l’application de cette règle n’est pas si rigoriste qu’elle y paraît.
En effet, dans un premier temps, le principe ne posa guère de difficulté en raison du peu
d’attrait de la population romaine pour les affaires économiques. Mais, avec le développement
de la civilisation romaine, la gratuité fut rapidement considérée avec plus de circonspection.
L’intérêt des Romains pour le mandat fut ainsi à l’origine d’un tempérament à la gratuité
qu’ULPIEN définit dans les termes suivants : « si remunerandi gratia honor intervenit, erit
mandati actio »2140. Autrement dit, l’allocation d’une somme d’argent au mandataire par le
mandant n’avait pas toujours pour conséquence d’altérer la nature du mandat.

926. Est-ce à dire, pour autant, que le droit romain admettait l’existence d’un mandat
rémunéré ? A l’évidence, à l’époque de PAUL ou d’ULPIEN, la réponse est négative. En effet,
les romains distinguaient entre l’« honor » ou le « salarium » et la « merces » c’est-à-dire
entre l’honoraire et le prix2141. Alors que le premier s’analyse comme « une espèce de
donation que fait, ou du moins est censé faire, de son plein gré le mandant ou mandataire
pour exprimer sa reconnaissance des services qui lui ont été rendus »2142, c’est « l’échange
d’un bon office contre un bon office »2143, le second constitue la contrepartie d’un service, une
« rémunération pécuniaire »2144. D’une certaine manière, « on ne le [le mandataire] paye pas,
on le reconnaît »2145. Autrement dit, dans la conception romaine, l’honor récompensait l’ami
(le mandataire) ; le merces celui qui faisait acte de profession (le locataire d’ouvrage). Bien
qu’il s’agisse plus certainement d’un critère de forme et non de fond, il semble néanmoins que
2137
En ce sens : « Communication officielle au Tribunat – Rapport fait par le Tribun Tarrible », in P.-A. FENET,
op. cité, p. 592 ; POTHIER, Œuvres de POTHIER - Traité des contrats de bienfaisance, selon les règles tant du for
de la conscience que du for extérieur, Tome 2, Traité du contrat de mandat, op. cité, spéc. n° 22, p. 20 ; J.-J.
CLAMAGERAN, Du louage d'industrie, du mandat et de la commission en droit romain, dans l'ancien droit
français et dans le droit actuel, op. cité, spéc. n° 35, p. 30 ; G. LE JOLIS, Mandat et de la commission, en droit
romain, dans notre ancien droit et dans notre droit actuel, op. cité, spéc. n° 43, p. 29.
2138
« Un mandat, s’il n’est pas gratuit, est nul ». PAUL, Digeste, Lois, 1, §4, « Mandatum ».
2139
J.-J. CLAMAGERAN, op. cité ; P. PONT, Explication théorique et pratique du Code Napoléon – Des petits
contrats, Tome 1, op. cité, n° 880, p. 450 ; C. G. JONESCO, Essai sur le mandat en droit romain et en droit
français, op. cité , spéc. § 5, p. 30 ; G. LE JOLIS, op. cité.
2140
« Si une rémunération est versée en remerciement, il y a mandat ». ULPIEN, Digeste, Lois, 6, §1,
2141
Œuvres de POTHIER - Traité des contrats de bienfaisance, selon les règles tant du for de la conscience que
du for extérieur, op. cité, spéc. n° 23, pp. 20 et s. ; P. PONT, op. cité, spéc. n° 880, pp. 450 et s. ; C. G. JONESCO,
op. cité, spéc. pp. 22 et s. ; G. LE JOLIS, op. cité, spéc. n° 44, pp. 29 et s
2142
G. LE JOLIS, op. cité, spéc. n° 47, p. 33.
2143
Ibid., spéc. p. 24.
2144
Ibid., spéc. p. 27.
2145
Ibid., spéc. p. 24.

504
la distinction gratuité – onérosité se confondait, en droit romain, avec celle de professionnel –
ami. A notre sens, cette approche est sensiblement différente dans le Code de 1804. En effet,
alors même que l’amitié et la confiance demeurent au cœur du mandat, en ayant consacré, au
terme de l’article 1986 du Code civil, l’existence d’un mandat rémunéré, le législateur de
1804 a dissocié la gratuité de l’amitié, l’onérosité de la profession. En d’autres termes, l’ami
peut recevoir un salaire et, à l’inverse, un professionnel pourrait (théoriquement) agir
gracieusement. La consécration officielle de la distinction entre un mandat conclu à titre
gratuit et un mandat conclu à titre onéreux précéda ainsi celle qui oppose le mandat d’amis au
mandat de professionnels sans, pour autant, que l’une ne puisse être assimilée à l’autre.

927. La primauté de la distinction mandat gratuit – mandat rémunéré. En dépit de la


multiplication des mandats professionnels et des mandats de professionnels2146, la
professionnalisation du mandat est demeurée absente – officiellement du moins2147 - du
régime juridique de ce contrat. En effet, c’est la distinction entre les mandats conclus à titre
gratuit et les mandats conclus à titre onéreux qui, selon l’article 1992 alinéa 2 du Code civil,
demeure l’unique critère de distinction permettant d’assouplir, dans une certaine mesure, la
responsabilité du mandataire. Pour preuve, la présomption d’onérosité qui existe à l’égard des
professionnels2148, si elle permet d’évincer l’atténuation de responsabilité de la règle précitée,
n’accorde pas la moindre importance aux qualités personnelles de l’intermédiaire. En d’autres
termes, la jurisprudence est largement indifférente aux compétences professionnelles du
mandataire, alors même que cet élément a pu être décisif du choix du mandant.

928. Dans l’ensemble, on constate ainsi un certain décalage entre le régime juridique du
mandat et l’évolution contemporaine du contrat2149. D’ailleurs, il est à noter que la plupart des
mandats ayant fait l’objet d’une loi spéciale y sont également restés indifférents. Le plus
souvent ces statuts concernent les conditions d’accès à la profession ou l’établissement d’une
certaine protection du mandataire mais renvoient, pour l’essentiel, au droit commun du
mandat c’est-à-dire à l’article 1992 alinéa 2 du Code civil. A notre sens, ce détachement
envers une réalité que l’on ne peut pas ignorer est source d’inconvénients.

2146
Supra, n° 14.
2147
Lors de précédents développements, il a en effet été établi que, dans une certaine mesure, la jurisprudence
avait su accueillir et tirer les conséquences de cette évolution, sans que, pour autant, l’existence d’un mandat de
professionnel ne soit consacrée. En ce sens voir supra, n° 1278 et s. et supra, n° 1310 et s..
2148
Supra, n° 279 et s..
2149
Supra, n° 21 et s..

505
2- Les insuffisances de la distinction mandat gratuit – mandat onéreux2150

929. L’impossibilité d’une responsabilité concrète. La permanence de la division mandat


conclu à titre gratuit - mandat conclu à titre onéreux n’est pas sans créer certaines difficultés
de différents ordres. En premier lieu, ce distinguo s’oppose, pour plusieurs raisons, à une mise
en œuvre véritablement concrète de la responsabilité du mandataire, alors même que cet
objectif semblait poursuivi par la jurisprudence2151. En effet, le critère de la gratuité ou de
l’onérosité est purement objectif, bien loin de considérations attachées à la personne même du
mandataire ou de ses qualités personnelles. Or, s’il est naturel et même louable, de faire
preuve de bienveillance à l’égard de la générosité, il ne faut pas en oublier pour autant ses
capacités propres. Par hypothèse, un professionnel peut agir de manière gratuite, il ne perd pas
pour autant son savoir-faire. De ce point de vue là, il faut empêcher que le philanthrope
évince le professionnel. Ce cas de figure a d’ailleurs déjà été rencontré : il s’agissait du
banquier-ami non responsable en raison de la gratuité du mandat qui l’unissait à son client2152.

930. Par ailleurs, la technique d’appréciation de la faute génératrice de responsabilité est


tout simplement inadaptée au contexte de professionnalisation du contrat de mandat. Après
quelques hésitations, c’est finalement en faveur de l’appréciation in abstracto que la
jurisprudence semble s’être prononcée2153, c’est-à-dire en faveur d’une technique qui fait
référence au critère du bonus pater familias2154. Or, cette figure juridique qui se définit comme
le « type de l’homme normalement prudent, soigneux et diligent »2155 qui dispose de « la vertu
moyenne d’une gestion patrimoniale avisée »2156 ne dépend pas de l’identité de l’auteur de la
faute. Par conséquent, elle est en principe incompatible avec la mise en œuvre de la
responsabilité d’un professionnel, c’est-à-dire d’« un homme de l’art dont l’appartenance à
une profession fait attendre une qualification correspondante »2157 qui suppose au contraire
son individualisation. « Même s’il exerce une profession, c’est à l’aspect non professionnel de
son activité que le Code se réfère en l’envisageant en tant que père de famille » écrivait

2150
Supra, n° 273 et s..
2151
Supra, n° 250 et s..
2152
Civ. 1, 14 juin 2000 : C.C.C., 2000, comm. n° 156, note CH. LEVENEUR. Pour une analyse plus approfondie
de l’arrêt, supra, n° 276.
2153
Supra, n° 284 et s..
2154
Sur la technique de l’appréciation in abstracto, ibid..
2155
Vocabulaire juridique - Association Henri CAPITANT, op. cité, v° « Bon père de famille ».
2156
Ibid., v° « Bon père de famille ».
2157
Ibid., v° « Professionnel ».

506
André TUNC2158. De ce point de vue là, le recours à la technique de l’appréciation in abstracto
pourrait nous inviter à croire que les exigences à l’égard du premier sont identiques à celles
que l’on pourrait avoir à l’égard du second… alors même qu’il est évident que le créancier
(ici le mandant) attend plus d’un professionnel que d’un profane, précisément parce que celui-
là dispose de qualités que celui-ci n’a pas.

931. Cela n’est sans doute pas tout à fait exact. En effet, pour la majorité de la doctrine, le
critère de référence différerait selon la qualité du mandataire. Dans le cas où celui-ci agit en
tant que professionnel, les juges se réfèreraient au critère du « bon professionnel »2159.
Quelques décisions de la Cour de cassation étayent cette affirmation. Par exemple, dans un
arrêt rendu le 5 octobre 1999, la Chambre commerciale a rejeté la responsabilité d’un
mandataire chargé de la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières au motif que ce dernier
« avait agi avec diligence et prudence en bon professionnel »2160. A propos de la
responsabilité du dépositaire, une Cour d’appel a été censurée pour avoir rejeté la
responsabilité d’un éleveur de chevaux, sans avoir démontré l’absence de faute de ce dernier
au regard du critère du bon professionnel2161. De même, un distributeur de film qui n’a pas
« déployé tous les efforts requis d'un bon professionnel » a vu sa responsabilité engagée2162. A
notre sens, l’usage de ce critère est toutefois incompatible avec la mise en œuvre d’une
appréciation in abstracto. En effet, la relativité de la notion2163 impose qu’il soit fait appel à
des éléments concrets. La difficulté réside, en réalité, dans la définition précise de
l’appréciation in abstracto : pour certains auteurs, celle-ci exclue toutes les circonstances
internes à la personne mise en cause2164 ; pour d’autres, seules les infériorités d'ordre
psychologique, intellectuel ou moral doivent être laissées de côté2165. C’est vers cette
conception que semble se tourner la Cour de cassation2166, ce qui signifie, en définitive, que

2158
A. TUNC, « Ebauche du droit des contrats professionnels », in Le droit privé français au milieu du XXe
siècle : études offertes à Georges RIPERT, Tome II, La propriété, contrats et obligations, la vie économique,
L.G.D.J., 1950, pp. 136 et s., spéc. p. 140.
2159
S. BERTOLASO, « Mandataire », in J.Cl. Resp. civ. et ass., Fasc. 415, 1999, spé. n° 47 ; PH. LE TOURNEAU,
« Contrats et obligations – Classification des obligations – Autres distinctions des obligations de moyens et des
obligations de résultat », in J.Cl. Civ. Code, « Art. 1136 à 1145 », Fasc. 40, 2008, spéc. n° 50 ; M. MEKKI,
« Mandat - Définition et caractères distinctifs », op. cité, spéc. n° 42.
2160
Com., 5 octobre 1999 — Pourvoi n° 97-16.020.
2161
Civ. 1, 24 Janvier 2006 – pourvoi n° 04-16.708.
2162
C.A, PARIS, 8 juin 1999 : R.I.D.A., 2000/183, p. 311.
2163
PH. LE TOURNEAU (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, op. cité, spéc. n° 3791 et s..
2164
H. et L. MAZEAUD et A. TUNC, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et
contractuelle, op. cité, spéc. n° 431 et s..
2165
N. DEJEAN DE LA BATIE, Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil français, op. cité,
spéc. n° 54 et s..
2166
P. JOURDAIN, « Droit à réparation – Responsabilité fondée sur la faute – Notion de faute : contenu commun à
toutes les fautes », in J.Cl. Resp. civ. et ass., « Art. 1382 à 1386 », Fasc. 120-10, 2011, spéc. n° 109 et s..

507
certaines circonstances propres à l’auteur de la faute seront prises en compte. L’on peut
s’interroger, alors, sur la pertinence de la distinction entre une appréciation in abstracto et une
appréciation in concreto2167.

932. Les risques inhérents aux déséquilibres contractuels. En second lieu, la seule
distinction mandat gratuit – mandat rémunéré fait fi d’éventuels abus de position dominante
consécutifs à un déséquilibre contractuel. En effet, dans l’hypothèse d’un mandat conclu entre
un professionnel et un particulier, c’est généralement le premier qui dispose de la maîtrise de
la rédaction du contrat. Or, cette disparité entre les cocontractants pourrait faciliter l’insertion
de clauses désavantageuses pour le client, de responsabilité notamment. A l’inverse, une
distinction fondée sur la réalité des compétences réciproques est mieux placée pour apporter
certaines réponses et corriger, si besoin est, certains excès.

933. D’ailleurs, il est à noter qu’en d’autres domaines le droit positif en a déjà tiré certaines
conséquences. « Ce danger a été si bien ressenti », écrit Madame VINEY, « que la
jurisprudence et le législateur ont apporté de nombreuses dérogations qui concernent
précisément des cas de responsabilité professionnelle »2168. L’auteur cite en exemple
l’annulation par les tribunaux des clauses limitant les garanties des vices cachés dans les
ventes conclues entre un professionnel et un particulier2169 et, plus généralement, les règles
relatives à la protection du consommateur2170. Aussi intéressantes soient-elles, ces mesures de
protection à l’égard du cocontractant le plus faible, fondées sur les qualités respectives des
parties, ne peuvent en aucune manière être étendues au mandat, tant que la responsabilité du
mandataire est subordonnée à l’appréciation de la gratuité du contrat, autrement dit d’un
élément objectif.

2167
Cette distinction se justifie d’autant qu’en réalité cette approche fait référence à l’imputabilité de la faute et
non à la faute elle-même, élément qui a désormais été supprimé des éléments constitutifs de la faute. Supra, n°
671 et s..
2168
G. VINEY, Introduction à la responsabilité civile, op. cité, spéc. n° 244, p. 665.
2169
En ce sens voir par exemple Civ. 3, 3 janvier 1984 - Bull. civ., 1984, III, n° 4 : « Mais attendu qu’ayant
retenu que la société A. était un vendeur professionnel, la Cour d’appel en déduit à bon droit que celle-ci ne
pouvait ignorer les vices cachés affectant l’immeuble , ou était tenu de les connaître, et qu’elle ne pouvait se
prévaloir de la clause de non-garantie contenue dans l’acte de vente » ; Com., 4 juin 1969 - Bull. civ., 1969, IV,
n° 120 : « attendu que la Cour d’appel énonce à bon droit que la société des Usines Merger, en sa qualité de
vendeur professionnel ne pouvait ignorer les vices de la chose et se trouve dès lors, mal-venue à prétendre, par
une clause conventionnelle, limiter la durée de sa garantie ».
2170
Art. 2 du décret du 24 mars 1978 pris en application de l’art. 35 de la loi du 10 janvier 1978 relative à la
protection du consommateur : « Dans les contrats de vente conclus entre des professionnels, d’une part, et,
d’autre part, des non professionnels (…) est interdite comme abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de
supprimer le droit à réparation du non professionnel (…). ».

508
934. Synthèse. Tant que le mandat demeurait un contrat d’amis, l’appréciation de la
responsabilité au regard d’éléments objectifs se défendait. Mais l’évolution du mandat et le
mouvement de professionnalisation dont cette convention a fait l’objet ont rendu ce critère
impropre à la réalité du mandat. Les qualités particulières de l’un ou l’autre cocontractant
(voire des deux) ont fait entrer dans le lien mandant – mandataire des critères de compétences
qui justifient que l’on réfléchisse à la possibilité d’une responsabilité non plus centrée sur la
gratuité mais sur le caractère professionnel. En effet, s’il existe un lien certain entre
l’onérosité et le caractère professionnel du mandat, celui-ci ne prend pas encore appui sur les
qualités et compétences particulières du cocontractant. C’est la raison pour laquelle la
reconnaissance d’une responsabilité véritablement professionnelle nous paraît souhaitable.

B- La possibilité d’une responsabilité professionnelle du mandataire

935. Un courant doctrinal favorable à la reconnaissance d’une responsabilité


professionnelle. Dès la fin du XIXème siècle, certains auteurs ont souligné la nécessité
d’aménager la responsabilité civile en fonction des compétences professionnelles des parties
en présence. Dans son Traité des obligations, POTHIER démontra en effet la nécessité de
durcir les règles de responsabilité à l’égard des professionnels. Pour étayer ses affirmations il
prend l’exemple d’un charpentier qui, à l’inverse d’un vendeur de bois inexpérimenté, ne peut
se défendre contre le défaut de la chose vendue en invoquant sa méconnaissance « parce que
cette ignorance serait inexcusable de la part d’un homme qui fait profession publique d’un
état et d’un art »2171. Au cours du siècle suivant, l’idée fut reprise et détaillée par la doctrine
qui releva également l’existence d’une spécificité professionnelle. Dans un ouvrage paru en
1939, le doyen RIPERT écrivit ainsi que « les lois sont faites non pas pour tous les hommes qui
sont nationaux d’un état ou habitent son territoire, mais pour des groupes d’hommes
reconnaissables à la profession qu’ils exercent »2172. André TUNC, également, souligna que
« le critère du bon père de famille, posé par cet article [1137 du Code civil], ne saurait
convenir à la détermination du contenu de l’obligation professionnelle (…) parce que le

2171
POTHIER, Traité des obligations, selon les règles, tant du for de la conscience que du for extérieur, Tome 1,
op. cité, spéc. n° 182.
2172
G. RIPERT, « Ebauche d’un droit civil professionnel », in Etudes de droit civil à la mémoire de Henri
CAPITANT, 1977, Librairie Edouard Duchemin, réimp. anastatique de l'éd. Dalloz de 1939, pp. 677 et s., spéc. p.
678.

509
professionnel est particulièrement préparé à rendre un certain service »2173 ; Monsieur
SERLOOTEN renchérit en rappelant que « l’exercice d’une profession n’est pas une
manifestation d’activité quelconque et peut donc faire l’objet d’une responsabilité
spéciale »2174.

936. Pour l’essentiel, les propos des promoteurs d’une responsabilité professionnelle
s’orientèrent vers les contradictions entre la summa divisio selon laquelle la responsabilité est,
soit de nature délictuelle, soit de nature contractuelle et les particularités inhérentes à
l’exercice de toute activité professionnelle. En effet, dans cette hypothèse, l’individu
entretient des relations avec des clients, mais également avec des tiers. Or, dans l’éventualité
d’un dommage causé dans le cadre de l’activité professionnelle, la solution du litige dépend
de la qualité de la victime. Un vendeur professionnel, par exemple, est soumis à certaines
obligations spécifiques (article 1643 du Code civil2175) ou à des délais de prescription
particuliers (article 1648 du Code civil2176). Mais si l’objet cause un dommage à un autre que
le client, ce sont les articles 1382 et suivant qui trouvent à s’appliquer, ôtant alors aux
circonstances du dommage toute spécificité. Ce sont ces risques qui ont été pointés du doigt
par la doctrine qui a pris conscience que, « dans le vaste domaine des responsabilités
professionnelles, (…) l’application rigoureuse de la distinction traditionnelle entraîne des
anomalies particulièrement graves »2177, notamment parce que « l’existence de deux
prescriptions pour des fautes professionnelles identiques reste à la fois fâcheuse et dépourvue
de fondement »2178.

937. Pour notre sujet l’idée est profitable : si la responsabilité par représentation concerne
principalement le mandat, il n’en a pas l’exclusivité et l’on pourrait la retrouver dans d’autres
situations non contractuelles (le mandat apparent ou la responsabilité des personnes morales
notamment)2179. Par conséquent, la mise en œuvre de la responsabilité du représenté devra, de
la même manière, poser la question de l’action récursoire de celui-ci contre le représentant.

2173
A. TUNC, « Ebauche du droit des contrats professionnels », op. cité, spéc. pp. 139-140.
2174
P. SERLOOTEN, « Vers une responsabilité professionnelle ? », in Mélanges offerts à Pierre HEBRAUD, publié
par l'Université des sciences sociales de Toulouse, 1981, pp. 805 et s., spéc. p. 806.
2175
« Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait
stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie. »
2176
« L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à
compter de la découverte du vice. »
2177
G. VINEY, Introduction à la responsabilité civile, op. cité, spéc. n° 243, p. 662.
2178
A. TUNC, La Responsabilité civile, op. cité, spéc. n° 44, p. 41.
2179
A propos de la responsabilité par représentation des personnes morales : supra, n° 511 et s. ; à propos de la
responsabilité par représentation des personnes physiques en dehors du mandat : supra, n° 573 et s..

510
Or, il serait illogique que la nature juridique de la relation qui unit le représentant au
représenté subordonne le résultat de l’action.

938. L’existence officieuse d’une responsabilité professionnelle en droit positif. Mais,


selon nous, l’idée la plus intéressante à développer n’est autre que celle de la spécificité de la
responsabilité professionnelle au regard du particularisme de l’activité professionnelle. Au-
delà des difficultés techniques que nous venons d’évoquer, ce sont bien des arguments de
fond – c’est-à-dire la détermination du contenu des obligations et des règles de responsabilité
qui leur sont imposables – qui nous amènent à évoquer l’hypothèse d’une responsabilité du
mandataire professionnel distincte de la responsabilité du mandataire inexpérimenté. L’idée
n’est pas totalement neuve. Ainsi DEMOGUE affirmait-il déjà que le créancier d’un
professionnel est en droit d’attendre de son cocontractant « tous les soins d’un bon
professionnel de sa spécialité »2180 ; Georges RIPERT expliqua encore qu’ « on ne peut pas
traiter le professionnel comme un homme quelconque »2181 et que celui qui exerce une activité
professionnelle doit faire l’objet de règles de responsabilité spéciale parce qu’elle « n’est pas
une manifestation d’activité quelconque »2182 ; André TUNC ajouta qu’en raison de sa
formation et de la pratique habituelle d’une activité « on peut exiger d’un professionnel une
compétence, un matériel, et une diligence que l’on ne saurait imposer au particulier »2183.

939. Néanmoins, si la doctrine est relativement favorable à l’érection d’une responsabilité


professionnelle, celle-ci n’est pas encore de droit positif, officiellement du moins.
Officieusement, en effet, on trouve, dans la loi et dans la jurisprudence, des éléments
permettant d’étayer l’idée d’une responsabilité professionnelle. A cet égard l’on songe
évidemment au droit de la consommation dont l’objet est à la fois de protéger une certaine
catégorie sociale (les consommateurs) mais également de sanctionner certaines pratiques
abusives utilisées par les professionnels. Par ailleurs, le principe d’une faute professionnelle
transparaît ici et là en jurisprudence2184. On rencontre ainsi la terminologie à propos de la

2180
R. DEMOGUE, Traité des obligations en général, Librairie Arthur Rousseau, Tome III, 1923, n° 255, pp. 428-
429.
2181
G. RIPERT, « Ebauche d’un droit civil professionnel », op. cité, spéc. n° 15, p. 688.
2182
Ibid..
2183
A. TUNC, « Ebauche du droit des contrats professionnels », op. cité, spéc. n° 6, p. 141.
2184
H. et L. MAZEAUD et A. TUNC, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et
contractuelle, Tome 1, op. cité, spéc. n° 507 et s., pp. 574 et s. ; M. PLANIOL, G. RIPERT, Traité pratique de droit
civil français, Tome 6, Obligations, 1ère partie, par P. ESMEIN, L.G.D.J., 2ème édition, 1952, spéc. n° 523 et s.. ; R.
SAVATIER, Traité de la responsabilité civile en droit français civil, administratif, professionnel, procédural,
Tome 2, « Les conséquences et aspects divers de la responsabilité civile », op. cité, spéc. n° 775 et s., pp. 375 et
s. ; G. RIPERT, « Ebauche d’un droit civil professionnel », op. cité, spéc. n° 14, p. 687 ; P. SERLOOTEN, « Vers
une responsabilité professionnelle ? », op. cité, spéc. n° 7, pp. 810 et s.. Il faut signaler par ailleurs que quelques

511
responsabilité du notaire ou de l’avocat2185, du médecin2186, de l’expert2187, du courtier2188, …
L’ensemble de cette jurisprudence pourrait nous inviter à croire que la qualité de
professionnel modifie le contenu des obligations à la charge d’un cocontractant : en toute
hypothèse l’appréciation de la faute dite professionnelle fait appel à une appréciation plus
concrète des circonstances de sa commission et des qualités de son auteur, semblant délaisser
ainsi le modèle du bon père de famille2189. On remarque en effet que les tribunaux se réfèrent à
des éléments concrets pour en déduire la professionnalité du cocontractant : la technicité2190, la
valeur du contrat2191, la régularité de l’activité2192, les compétences propres de l’auteur2193. A
cet égard un arrêt rendu le 26 avril 2006 par la troisième Chambre est particulièrement
évocateur de cette méthode ; dans cette affaire un château est vendu par les époux X aux
époux Z. Suite à la découverte de vices affectant la charpente, les acquéreurs intentent une
action en garantie des vices cachés contre le vendeur. Celui-ci invoque son ignorance afin
d’échapper à toute responsabilité. L’argument est rejeté par les juges du fond comme par les
juges du droit au motif que « M. X.[le vendeur], ingénieur des travaux publics, avait dirigé
pendant de nombreuses années une entreprise de bâtiment qui avait construit de multiples
immeubles d'habitation », il fallait en « déduire que la vente avait été consentie par des
vendeurs dont l'un était un professionnel de la construction immobilière »2194. Toutefois, une
telle analyse est sans doute trop éloignée de la réalité car, comme le relève Georges RIPERT,
« quand le juriste qualifie ainsi certaines fautes, il déclare que, pour être commises dans

thèses ont été exclusivement consacrées à la notion de faute professionnelle. A titre d’exemple nous citerons
celle de René MARTIN : La faute professionnelle : spécialement dans les professions libérales, thèse LYON,
1934.
2185
Civ. 1, 29 novembre 2005 – Pourvoi n° 02-13.550 : « ayant retenu les fautes professionnelles des notaires
des avocats et fixé le préjudice de M. Z... ». Sur les particularités très affirmées de la responsabilité des notaires,
voir la thèse de Jeanne. DE POULPIQUET, La responsabilité civile et disciplinaire des notaires: de l'influence de la
profession sur les mécanismes de la responsabilité, op. cité. L’auteur démontre que, en dépit de traits
apparemment classiques, la jurisprudence a élaboré un régime de responsabilité véritablement spécifique.
2186
Civ. 1, 1er juillet 2010 - Numéro JurisData : 2010-010803 : « Attendu que, (…) que le choix d'une mise en
charge directe des premiers implants constituait une faute professionnelle à l'origine de l'entier dommage de M.
X. »
2187
Civ. 2, 17 Décembre 2009 – Pourvoi n° 08-21.394 : « Qu'en statuant ainsi, alors que l'expert qui surestime
un bien commet une faute professionnelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
2188
Civ.1, 14 octobre 1953 - Bull. civ., 1953, I, n° 275 : « Commet une faute professionnelle dont il doit
réparation, le courtier qui dans une vente d'immeuble, ne s'assure pas de la capacité juridique de la
venderesse ».
2189
En ce sens P. SERLOOTEN, « Vers une responsabilité professionnelle ? », op. cité, spéc. n° 7, pp. 810 et s..
2190
Civ. 3, 26 février 1980 – Bull. civ., 1980, III, n° 47 : « Doit être assimilé au vendeur tenu de connaître le
vice le technicien du bâtiment qui a vendu un immeuble après l'avoir conçu ou construit ».
2191
Civ. 1, 10 juillet 2001 – Pourvoi n° 99-12.512 ; Bull. civ., 2001, I, n° 209.
2192
Civ. 3, 5 avril 1978 – Bull. civ., 1978, III, n° 155 : « Le vendeur, contremaître dans une entreprise de
maçonnerie, était déjà un technicien du bâtiment et qu'il a construit et vendu non pas une maison mais deux, elle
a pu en déduire que ce vendeur, qui par sa profession ne pouvait ignorer les vices(…) ».
2193
Civ. 3, 26 avril 2006 – Bull. civ., 2006, III, n° 106.
2194
Ibid..

512
l’exercice de sa profession elles n’en sont pas moins régies par la règle générale du droit
civil »2195. C’est particulièrement vrai pour le mandat pour lequel nous avons vu que la qualité
de professionnel bouleversait relativement peu les règles de responsabilité2196.

940. La possibilité d’une responsabilité professionnelle du mandataire. La prise en


compte de la qualité de professionnel du mandataire apparaît alors très largement souhaitable,
en particulier si l’on accorde de l’importance aux motifs qui ont pu pousser le mandant à
contracter. Or, dans le cadre de mandat qui est un contrat doté d’un fort intuitu personae2197, la
considération du cocontractant est fondamentale et les compétences professionnelles du
mandataire ont pu rentrer en ligne de compte.

941. Ainsi, admettre l’existence d’une spécificité professionnelle, c’est reconnaître les
particularités de certaines activités, notamment – pour ce qui nous intéresse – celle de la
gestion pour autrui. Sans vouloir instaurer un droit de la responsabilité corporatif, il s’agirait
de redonner au « savoir » la place qui lui est due. Les circonstances qui amènent un
professionnel à s’adresser à un cocontractant plutôt qu’à un ami doivent être prises en compte
par une certaine adaptation des règles de la responsabilité. Il s’agirait, par exemple, de définir
certains devoirs propres du professionnel (et non du cocontractant) et de dessiner les contours
d’une faute professionnelle qui transcenderait les fautes contractuelles et délictuelles.

§2- Les conséquences de la distinction mandataire professionnel – mandataire


profane sur leurs obligations réciproques

942. Plan. Bien que la prise en compte de la professionnalisation du mandat concerne


essentiellement la fonction du mandataire, il ne faut pas oublier que cette évolution concerne
également la qualité de mandant. Par conséquent, si les conséquences de la distinction mandat
de professionnel – mandat d’amis s’exercent avant tout sur les obligations de l’intermédiaire
(A), il nous faut rechercher également en quoi cette évolution a également modifié l’exercice
de l’activité de mandant (B).

2195
G. RIPERT, « Ebauche d’un droit civil professionnel », op. cité, spéc. n° 14, p. 687. Pour une opinion
contraire voir P. SERLOOTEN, op. cité.
2196
Supra, n° 278 et s...
2197
Supra, n° 9 et s. et 192 et s..

513
A- Les conséquences de la distinction sur les obligations du mandataire

943. Problématique. Quel que soit l’objet du contrat de mandat, son exécution suppose
l’accomplissement de deux opérations consécutives : dans un premier temps, le donneur
d’ordre transmet ses instructions à l’intermédiaire ; dans un second temps, le second les
exécute conformément à la volonté du premier. Les obligations de l’intermédiaire se
rencontrent donc à deux niveaux : d’une part, lors de la transmission des instructions ; d’autre
part, lors de l’exécution de ces instructions. Nous allons examiner chacune de ces étapes
successivement.

944. Les obligations de l’intermédiaire au moment de la transmission des instructions.


L’émission d’instructions par le donneur d’ordre ne devrait générer, en théorie, d’autres
devoirs que celui d’obéissance par l’exécutant. En toute circonstance, le mandant (ou la
personne représentée), demeure le maître de l’affaire et, par voie de conséquence, celui qui
décide du contenu de la mission. Toutefois, lorsque ce dernier s’adresse à un professionnel,
c’est naturellement dans l’optique d’obtenir plus ou mieux que s’il avait agi lui-même, surtout
si lui-même est un profane. Dans ce cas de figure, il semble logique d’admettre que
l’intermédiaire influe, dans une certaine mesure, sur le contenu de la mission, tout en exigeant
que ce soit le géré qui décide définitivement de l’orientation de l’action2198. Autrement dit, le
professionnel doit recevoir les consignes de manière alerte, c’est-à-dire en invitant le profane,
si besoin est, à corriger lui-même les termes de la mission confiée. En droit, il s’agit de
reconnaître l’existence d’une obligation2199 de conseil à la charge de tout mandataire – ou
représentant - professionnel.

945. Le contenu et le régime juridique de cette obligation de conseil a d’ores et déjà fait
l’objet de développements approfondis lors de la première partie de notre thèse. A cet égard,
l’état des lieux du droit positif nous étant apparu relativement satisfaisant, il ne nous paraît
pas nécessaire d’y revenir. C’est la raison pour laquelle nous allons nous tourner
immédiatement vers l’examen des obligations du mandataire lors de l’exécution des
instructions reçues.

946. Les obligations de l’intermédiaire au moment de l’exécution des instructions :


plan et domaine de recherche. L’exécution de la mission confiée par le donneur d’ordre à
2198
Il est évident que le mandant demeure le donneur d’ordre au sens strict du terme et que de ce point de vue-là
le mandataire devra, en toute hypothèse, respecter la liberté du maître de l’affaire.
2199
Sur la distinction entre les termes « obligation » et « devoir », supra, n° 311.

514
l’intermédiaire génère plusieurs obligations. Lors de précédents développements2200 nous
avions vu en effet que les instructions transmises s’imposaient au mandataire, que celui-ci
n’avait donc d’autre possibilité que de tout mettre en œuvre pour obtenir la satisfaction du
maître de l’affaire. Parallèlement aux obligations intrinsèquement liées à l’exécution de la
mission, il existe également un devoir général d’information en cours d’exécution du mandat
et une obligation de reddition de compte au terme du mandat. Pour chacune d’entre elles, nous
allons rechercher dans quelle mesure la qualité de professionnel de l’intermédiaire peut
influer sur le régime juridique de ces obligations.

947. Avant d’aller plus loin, il convient de préciser que nous ne reviendrons pas sur le
devoir général d’information qui a d’ores et déjà fait l’objet d’une longue analyse lors de
l’examen de la responsabilité du mandataire et, pour l’essentiel, nous y renvoyons2201. De la
même manière, nous ne nous arrêterons pas sur l’obligation de reddition de comptes qui suit
le même régime juridique que le devoir général d’information. Restent l’obligation de
respecter les instructions et l’obligation de diligence que nous allons examiner
successivement.

948. L’obligation de respecter les instructions. Il nous semble peu envisageable que la
qualité de professionnel puisse modifier le contenu de l’obligation de respecter les
instructions tant celle-ci nous paraît essentielle. Plusieurs dispositions du Code civil vont
d’ailleurs clairement en ce sens. L’article 1989, par exemple, dispose que « le mandataire ne
peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat », l’article 1998 alinéa 2,
également, qui affirme que le mandant « n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà ». Pourtant,
l’on pourrait se demander ce qu’il en est lorsque les instructions qui ont été transmises sont
manifestement contraires aux intérêts du mandant ? Le mandataire – et à plus forte raison le
mandataire averti qui en a conscience - doit-il les exécuter alors même que sa fonction
l’oblige, en principe, à agir dans l’intérêt de celui qui le mande ? Par exemple, un notaire est-
il contraint de procéder à l’acquisition d’un bien pour son mandant alors même qu’il sait – ou
devrait savoir – que ce dernier est frappé d’une incapacité d’exercice à l’égard du bien

2200
Supra, n° 290 et s..
2201
Supra, n° 310 et s..

515
espéré2202 ? Ou alors, peut-il refuser d’effectuer certaines opérations bancaires si un risque
d’aggraver la situation financière du client existe2203 ?

949. A notre sens, la réponse à cette question est largement tributaire de celle de sa
formation. En effet, lorsque le mandat obéit au modèle du contrat-permutation2204, la
prestation principale du mandataire, celle en contrepartie de laquelle il peut imposer son
extériorité et (éventuellement) le paiement d’une rémunération, est de conclure des actes
juridiques au nom et pour le compte d’autrui conformément à la mission qui lui a été confiée.
Concrètement, cela se traduira par une obligation de respecter les instructions émises et par
celle de les exécuter diligemment. A l’inverse, bien que la notion d’intérêt d’autrui soit
inhérente à l’opération juridique, elle ne fait l’objet d’aucune obligation spécifique. A ce
propos, il convient de rappeler que, en toute hypothèse, la personne la mieux placée pour
définir ses propres intérêts n’est autre, que le titulaire des intérêts en jeu. Or, une appréciation
uniquement portée sur des éléments objectifs peut être insuffisante et le recours à des données
plus subjectives sera parfois incontournable. Imaginons, par exemple, qu’un individu donne
mandat à un autre de vendre pour 5.000 un bien qui en vaut 10.000. Objectivement,
l’opération économique est contraire aux intérêts du donneur d’ordre. Subjectivement, en
revanche, l’opération cache peut-être une intention libérale ou plus généralement la volonté de
favoriser l’acquéreur. Autrement dit, lorsque la mission confiée au mandataire se révèle
contraire aux intérêts du mandat, le premier ne peut, sur le fondement de ce seul argument,
refuser de lui obéir une fois le mandat conclu. En effet, il ne faut pas oublier que ce dernier

2202
Civ. 1, 10 mai 2000 : R.C.A., 2000, comm. 268.
2203
Com., 21 février 2012 – Pourvoi n° 11-11.270 ; Com., 8 novembre 2011 – Pourvoi n° 10-24.593. (Arrêts de
rejet.)
2204
A propos de la distinction entre le mandat-permutation et le mandat-coopération : supra, n° 151 et s..
Dans le cadre du mandat-coopération (à propos du mandat-coopération : ibid.), l’intérêt de la question
est moindre puisque ce mandat concerne essentiellement des professionnels, ce qui signifie que cette qualité a
d’ores et déjà prise en compte pour la définition du régime juridique du mandat d’intérêt commun. Néanmoins,
bien que le schéma soit légèrement différent, la solution sera identique : dans cette hypothèse également, le
mandataire est tenu de respecter les instructions reçues. En effet, dans cette situation, l’obligation principale de
l’intermédiaire sera d’exercer le pouvoir de représentation dans « leurs intérêts économiques respectifs » (S.
LEQUETTE, Le contrat-coopération, op. cité, spéc. n° 271, p. 194). En d’autres termes, le principe du respect de
l’intérêt du donneur d’ordre semble juridiquement consacré. Mais, si l’on observe le régime juridique du contrat-
coopération, l’on s’aperçoit que, de la même manière, le mandataire demeure tenu d’exécuter ce qui a été
promis.
A la différence du mandat-permutation, la détermination de l’objet contractuel du mandat-coopération
suppose nécessairement qu’il intègre, outre l’intérêt du mandataire, l’intérêt du donneur d’ordre (ibid.). Pour
cette raison, dans cette hypothèse, les négociations seront, selon Madame LEQUETTE, « quasi-obligatoire »
(ibid., spéc. n° 354, p. 271). Il s’agira « de lier, dans le cadre du projet commun, des intérêts différents » (ibid.,
spéc. n° 451 et s., pp. 362 et s.). Autrement dit, dès l’origine du mandat d’intérêt commun, l’intérêt du donneur
d’ordre est omniprésent. Aussi, si cette catégorie de mandat fait naître, lors de son exécution, un devoir
d’adaptation (ibid., spéc. n° 271, p. 294) qui a pour objet de garantir le succès du projet commun – c’est-à-dire,
notamment, d’agir toujours dans l’intérêt du mandant – en permettant à chaque partie de profiter des bénéfices
du contrat, il s’agit, en réalité, de continuer à exécuter les instructions initialement reçues.

516
dispose toujours de la possibilité de refuser le mandat et, par voie de conséquence, d’agir
contre les intérêts de celui qui le commande. En effet, aux termes de l’article 1984 alinéa 2 du
Code civil, « le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire ». Non seulement le
mandataire n’est pas tenu d’exécuter tant qu’il n’y a pas consenti, mais surtout celui-ci
conserve la possibilité de refuser la mission. Il a même été jugé, dans un arrêt rendu par la
première Chambre civile de la Cour de cassation le 10 mai 20002205, que le mandataire devait
savoir refuser la mission qui lui avait été confiée lorsqu’elle était manifestement vouée à
l’échec, cela afin de ne pas causer de préjudice aux mandants. En revanche, une fois son
consentement donné, il est définitivement lié au mandant et à la volonté que ce dernier a
exprimée. L’article 1991 rappelle d’ailleurs que celui-ci « répond des dommages-intérêts qui
pourraient résulter de son inexécution » et qu’il est « tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en
demeure chargé ».

950. Il nous faut toutefois nuancer quelque peu nos propos. Par le jeu de l’obligation de
conseil imposée au professionnel lors de la réception des instructions, il s’avère que le
mandataire détient la possibilité de proposer certaines modifications relatives au contenu de la
mission et de réajuster, éventuellement, la volonté exprimée aux intérêts réels2206. Si l’on
reprend l’hypothèse précédemment évoquée, le mandataire professionnel a l’obligation
d’avertir le propriétaire qui a manifestement sous-évalué la valeur du bien. Des faits
semblables ont d’ailleurs déjà été jugés par la Cour de cassation. Au début des années 1980,
les époux X donnent mandat à Monsieur Y de vendre un immeuble et le fonds de commerce
qui y était exploité pour la somme de 67.300 francs. Rapidement, une promesse de vente est
signée aux conditions précitées, mais les mandants refusent de réaliser la vente. Le mandataire
les assigne donc en responsabilité civile. Dans un premier temps, la Cour d’appel de
COLMAR2207 accueille la demande au motif que le mandataire « ne saurait être rendu
responsable des pertes alléguées par les parties, dans la mesure où il n’a pas fait en sorte, en
raison d’une faute caractérisée de sa part, de provoquer un vice du consentement »2208.
L’arrêt est cassé par la première Chambre de la Cour de cassation qui affirme que « l'agent
immobilier est tenu d'une obligation de renseignement et de conseil vis à vis de son mandant
et il doit, notamment, lui donner des informations loyales sur la valeur du bien mis en vente,

2205
Civ. 1, 10 mai 2000 : R.C.A., 2000, comm. 268.
2206
Supra, n° 314.
2207
C.A., COLMAR, première Chambre civile, 9 novembre 1983.
2208
Il est à noter que l’arrêt de la Cour d’appel de COLMAR infirme la décision rendue par le tribunal de grande
instance qui avait jugé au contraire que le mandataire « avait commis une faute en s’abstenant de concilier son
mandat sur la valeur de son bien, qui était plus élevée que le prix demandé ».

517
lorsqu'il apparaît que le prix demandé est manifestement sous-évalué sans raison »2209. Plus
généralement, l’on constate ainsi que l’obligation de conseil comporte l’obligation de
déconseiller le créancier lorsque l’opération comporte de trop gros risques par rapport à leur
situation2210.

951. L’obligation de diligence. Parallèlement à son obligation de respecter les instructions


reçues, le mandataire est tenu de les exécuter avec diligence, c'est-à-dire avec soins et
compétences, en vue d’accomplir le résultat le plus conforme aux attentes du mandant 2211.
C’est ici que le distinguo mandat gratuit – mandat onéreux2212 trouve à s’appliquer puisque
selon l’article 1992 alinéa 2 du Code civil « la responsabilité relative aux fautes est appliquée
moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire ».
Pour des raisons évoquées précédemment2213, cette division nous semble quelque peu
inadaptée à la réalité du mandat et c’est pourquoi nous lui préférons celle qui oppose le
professionnel au profane.

952. Ceci étant dit, les conséquences juridiques de la distinction sur la responsabilité civile
du mandataire se limitent exclusivement à l’appréciation du seuil de la faute2214, non au seuil
de réparation2215 ou même à la technique d’appréciation de la faute2216. Sur le premier point,
les règles actuellement en vigueur sont relativement satisfaisantes et il n’y a pas lieu d’y
revenir. Rappelons simplement qu’une faute simple suffit pour engager la responsabilité du
mandataire rémunéré alors qu’une faute lourde doit être constatée pour que le mandataire
rémunéré soit condamné. Si la distinction mandataire professionnel – mandataire ami venait à
être admise, il n’y aurait sans doute pas lieu à changement : il suffirait de remplacer la
terminologie « mandat gratuit » par celle de « mandat d’amis » et l’acception « mandat
rémunéré » par celle de « mandat de professionnel »2217. Sur le second point, la règle, bien
qu’apparemment sévère, n’est pas critiquable. En effet, en droit de la responsabilité civile,
l’étendue de la réparation accordée s’appuie sur la gravité du dommage et non sur la gravité

2209
Civ. 1, 30 octobre 1985 - Bull. civ., 1985, I, n° 277.
2210
En ce sens : Civ. 1, 9 février 2012 – Pourvoi n° 11-10.893 ; Civ. 1, 23 mai 2000 – Pourvoi n° 97-19.223 ;
Bull. civ., 2000, I, n° 152 ; Civ. 1, 14 mars 2000 – Pourvoi n° 97-19.813 ; Bull. civ., 2000, I, n° 92.
2211
Supra, n° 250 et s..
2212
Supra, n° 260 et s..
2213
Supra, n° 281 et s..
2214
Supra, n° 253 et s...
2215
Supra, n° 273 et s..
2216
Supra, n° 284 et s...
2217
Sur les liens entre les deux distinctions : supra, n° 281 et s..

518
de la faute. Autrement dit, il importe peu de connaître la nature de la faute ou même l’identité
de l’auteur du fait générateur dès lors qu’une faute a objectivement été constatée.

953. Reste le troisième et dernier point, celui de l’appréciation de la faute. A l’heure


actuelle, c’est la technique de l’appréciation in abstracto qui est systématiquement utilisée,
que le mandat soit gratuit ou rémunéré et à plus forte raison que le mandataire soit un
professionnel ou une personne expérimentée, cette distinction n’étant pas de droit positif. Tant
que l’on se contente d’éléments purement objectifs (la gratuité ou l’onérosité du mandat) pour
apprécier la responsabilité de l’intermédiaire, cette technique semble suffisante. Celle-ci fait
en effet uniquement référence au comportement d’un homme normal, sans que ses qualités
propres soient prises en compte2218. En revanche, si la distinction que nous proposons venait à
être consacrée, la primauté de cette technique serait malvenue - voire incohérente ou
contradictoire - avec la finalité recherchée : d’un côté nous aurions alors un distinguo qui
s’appuie sur les qualités personnelles de l’individu, de l’autre nous aurions une technique
d’appréciation qui nie ces compétences propres. Or, il est une évidence : tout créancier – et à
plus forte raison tout mandataire ou représenté – attend plus d’un professionnel que d’un
inexpérimenté. Pour cette raison, il nous semble que le recours à la technique de
l’appréciation in concreto doive-t-être préférée2219.

954. Synthèse. Dans les relations mandant – mandataire – et plus généralement donneur
d’ordre – intermédiaire -, la substitution de la distinction professionnel – profane à celle qui
existait entre les mandats gratuits et les mandats onéreux n’aurait pas pour conséquence de
bouleverser fondamentalement les règles en vigueur. Elle présenterait néanmoins un immense
avantage, celui de s’approcher au plus près de la réalité concrète. Loin d’être négligeable cet
élément rappelle la nature profonde du contrat de mandat : contrat de confiance, la relation
entre les cocontractants est particulière et le mandataire est généralement choisi en raison de
qualités qui lui sont propres. Par conséquent, il ne doit donc pas seulement agir comme un
bonus pater familias, mais doit se mettre à la hauteur de la confiance qu’il a reçue.

2218
Supra, n° 284 et s..
2219
Sur la distinction entre l’appréciation in abstracto et l’appréciation in concreto, ibid...

519
B- Les conséquences de la distinction sur les moyens de défense du mandataire : les
obligations du mandant

955. Définition du problème. Les compétences professionnelles du donneur d’ordre


constituent-t-elles, pour l’intermédiaire, un moyen de défense dans un procès en
responsabilité ? Aujourd’hui, cette question est loin de n’être qu’une simple hypothèse
d’école. Elle peut se poser, en dehors de toute action récursoire, chaque fois qu’une action en
responsabilité est engagée par le mandant contre le mandataire. Nous l’avons vu pour le
mandat : de contrat d’amis ce contrat est devenu l’un des plus profitables aux
professionnels2220, ce qui signifie que, parallèlement à la professionnalisation de la fonction de
mandataire a eu lieu le même mouvement à l’égard de la qualité de mandant2221. De ce point
de vue, certains professionnels ont essayé de se décharger de leur responsabilité en avançant
cet argument. Celui-ci est parfois accueilli par certaines juridictions du fond, ainsi la Cour
d’appel de POITIERS relève-t-elle que la banque était « professionnelle du droit des affaires
et des sociétés »2222, celle de NIMES constate-t-elle « la qualité de notaire »2223 ou encore
celle de MONTPELLIER s’appuie-t-elle sur « la connaissance du mécanisme fiscal »2224 du
donneur d’ordre pour rejeter la responsabilité de l’intermédiaire.

956. Dans l’ensemble, la doctrine est relativement hostile à cette approche 2225. Monsieur
BACCARA, par exemple, écrit qu’il s’agit là d’« argumentations le plus souvent radicalement
irrecevables »2226 ; Monsieur PETEL, également, rappelle que « l'élément le plus important
pour déterminer le degré de compétence du mandant n'est pas sa qualité de professionnel ou
de particulier, car dans les deux cas il n'est, vis-à-vis du mandataire professionnel qu'un
usager »2227 ; Jean-Luc AUBERT, encore, trouve la distinction « infondée et dangereuse »2228
parce que rien ne justifie que « le client avisé n'[ait] droit qu'à un service diminué »2229 et

2220
Supra, n° 14 et s..
2221
Supra, n° 14 et s..
2222
C.A., POITIERS, 3ème Chambre civile, 1er juillet 2003. Arrêt cassé par Civ. 1, 12 juillet 2005 - Bull. civ.,
2005, I, n° 323.
2223
C.A., NIMES 1ère Chambre civile, section B, 13 décembre 2005. Arrêt cassé par Civ. 1, 3 avril 2007 - Bull.
civ., 2007, I, n° 142.
2224
C.A., VERSAILLES, 4 juin 1998. Arrêt cassé par Civ. 1, 4 avril 2001 - Bull. civ., 2001, I, n° 104.
2225
Pour une opinion contraire voir PH. LE TOURNEAU, « De l'allègement de l'obligation de renseignements ou
de conseil », D., 1987, chron., p. 101.
2226
B. BOCCARA, « Pistes sur la responsabilité des rédacteurs d'actes et conseils », JCP G., 1993, I, 3651, spéc.
n° 9.
2227
PH. PETEL, Les obligations du mandataire, thèse précitée, spéc. n° 244, p. 158.
2228
J.-L. AUBERT, note sous Civ. 1, 2 juillet 1991 : Defrénois, 1991, p. 1272.
2229
Ibid..

520
« qu'elle risque d'inciter à la passivité lorsque le client entre dans la catégorie des
professionnels avisés »2230.

957. A notre sens, une position aussi tranchée et aussi générale est néanmoins critiquable.
En effet, certaines obligations n’ont de réelle utilité que si l’on fait référence à la personne du
créancier2231. En pratique, la jurisprudence ne se montre d’ailleurs pas totalement défavorable
à une certaine prise en compte de la personnalité du mandant. Par exemple, la Cour de
cassation relève que le mandant était un couple de « jeunes mariés, avec deux enfants, aux
ressources modestes »2232, « un campagnard ignorant et illettré »2233, … A l’inverse, les juges
de droit se sont parfois appuyés sur les compétences du mandant pour alléger l’obligation de
conseil du mandataire2234.

958. La prise en compte relative de la personnalité du mandant. En réalité, le décalage


qui semble exister entre doctrine et jurisprudence trouve une explication si l’on se réfère à
l’objet de l’obligation non exécutée. Dans des développements précédents, nous avons vu que
la qualité de professionnel avait des répercussions sur les obligations du mandataire au
moment de la transmission des instructions mais également lors de l’exécution de ces
instructions2235. Or, une chose est de recevoir les ordres et de s’assurer – avec l’accord du
maître de l’affaire – de leur conformité aux attentes du donneur d’ordre, une autre est de les
exécuter conformément à ce qui a été défini, avec ou sans l’aide de l’intermédiaire. Autrement
dit, certaines obligations sont en lien direct avec la personnalité de l’auteur, d’autres ne sont
attachées qu’à la prestation objectivement attendue. Pour celles-ci, le renvoi aux qualités
propres du mandant devrait être indissociable de leur mise en œuvre : par exemple, selon
l’équilibre ou le déséquilibre de la relation, c’est une obligation de renseignement, de mise en
garde ou de conseil qui sera constatée2236 ; pour celles-là, en revanche, il ne semble pas utile
de distinguer : la mission confiée doit être exécutée avec les mêmes diligences que le
représenté soit profane ou avisé.

2230
Ibid..
2231
Ibid..
2232
Civ., 10 juillet 1979 : G.P., 1979, 2, somm. p. 473.
2233
Arrêt précité, Civ. 4 avril 1872 : D.P., 1872, 1, p. 363.
2234
Arrêt précité, Civ. 1, 2 juillet 1991 : Bull. civ., 1991, I, n° 128 (« la cour d'appel, qui a rappelé, à bon droit,
que l'étendue de l'information que le notaire doit donner à son client au titre de son devoir de conseil varie selon
que le client est ou non un professionnel avisé »). En ce sens voir également Civ. 1, 7 octobre 1975 : Bull. civ.,
1975, I, n° 259 ; Com., 31 janvier 1978 - Bull. civ., 1978, IV, n° 44 ; Civ. 1, 7 février 1990 - Bull. civ., 1990, I,
n° 37.
2235
Supra, n° 313 et s..
2236
Ibid..

521
959. Information du déséquilibre, il n’y a pas d’intérêt, selon nous, à exiger l’exécution
d’une obligation de conseil lorsque le créancier est un professionnel averti. Surtout, cette
obligation n’a aucune raison d’être lorsque le créancier est expérimenté. En effet, quelle est
l’utilité d’imposer à un mandataire ou autre représentant de transmettre une information
orientée lorsque la personne destinataire est nécessairement avisée. En d’autres termes,
« quelle rupture d'égalité y a-t-il à ne pas informer une personne avisée ou pouvant être
légitimement perçue comme telle ? »2237. Pourtant, la jurisprudence actuelle ne va pas
systématiquement en ce sens. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle jugé que « les compétences
professionnelles d'un client ne peuvent, à elles seules, dispenser l'avocat choisi par celui-ci de
toute obligation de conseil »2238 ou que « l'avoué n'est pas dispensé de son devoir de conseil
par la présence, au côté du client, d'un avocat et doit personnellement prendre l'initiative de
donner au client qu'il représente les informations et conseils relatifs à la procédure qu'il
conduit »2239 ; de même, « les notaires ne sont pas dispensés de leur devoir de conseil par les
compétences personnelles de leurs clients ou par le fait que ceux-ci bénéficient de l'assistance
d'un tiers »2240. A l’inverse, la Chambre commerciale a jugé très récemment qu’un mandataire
n’ayant pas conseillé un audit à son client n’engageait pas sa responsabilité lorsque « le
mandant, professionnel du secteur industriel concerné, disposait de toutes les informations
utiles au moment de la conclusion de la convention de cession des titres sur la situation
financière de l'acquéreur proposé »2241.

960. Par ailleurs, il nous apparaît très largement souhaitable d’étendre l’existence d’une
obligation de mise en garde à d’autres hypothèses que celle du banquier mandataire. Lors de
développements précédents, nous avons en effet montré que cette variété d’information était
celle qui collait le mieux à l’équilibre des parties, parce qu’elle s’appuyait sur leurs
compétences respectives, en particulier sur celles du mandant. Or, dans le mandat, l’objet de
la mission confiée au mandataire est tourné vers les besoins du mandant. Par conséquent,
imposer une obligation dont le contenu repose sur les compétences spécifiques du donneur

2237
L. MAUPAS, « Le devoir d'information de l'agent immobilier », L.P.A., 18 octobre 2007, p. 4, spéc. n° 31.
2238
Civ. 1, 12 janvier 1999 - Bull. civ., 1999, I, n° 15 : Défrénois, 1999, 382, obs. J.-L. AUBERT.
2239
Civ. 1, 1er février 2005 - Bull. civ., 2005, I, n° 56.
2240
Civ. 1, 12 décembre 1995 - Bull. civ., 1995, I, n° 459. Sur le caractère absolu de cette obligation de conseil à
la charge du notaire voir en particulier Civ.1, 3 avril 2007 - Bull. civ., 2007, I, n° 142. En l’espèce le créancier de
l’obligation était un notaire.
2241
Com., 29 mars 2011 – Pourvoi n° 09-71.443 : Revue des sociétés, 2011, p. 346, note S. PREVOST. De
manière générale, il faut constater qu’en matières bancaire et boursière la qualité de professionnel du mandant
influe systématiquement sur l’existence d’une obligation de conseil.

522
d’ordre reviendrait à renforcer la cohérence entre l’objet du contrat et les obligations qui en
découlent.

961. Synthèse. Quoi qu’il en soit, il ressort ainsi de ces développements que la qualité de
professionnel du donneur d’ordre n’influe que faiblement sur la responsabilité du mandataire.
Les conséquences ne sont toutefois pas inexistantes et il ne faut pas les négliger. Reste que
c’est en la personne du représentant que la sévérité est le plus souvent constatée. En soi la
solution est conforme à l’idée que l’on se fait de la gestion pour autrui : celui qui agit sur le
patrimoine d’un tiers se doit de faire preuve d’une prudence et d’une attention toutes
particulières.

523
524
Conclusion du Chapitre

962. La collaboration du donneur d’ordre et de l’intermédiaire à la réalisation du


dommage. La mise en œuvre du mécanisme des actions récursoires met en évidence la
collaboration active du donneur d’ordre et de l’intermédiaire à la réalisation du dommage. Si
la commission d’une faute par l’intermédiaire est certainement décisive, elle serait néanmoins
impossible sans l’émission des instructions du donneur d’ordre. Autrement dit, dans la
réalisation du préjudice du tiers cocontractant, le mandant intervient en amont et le
mandataire en aval. A ce titre, chacun de ces protagonistes devrait contribuer à la réparation
du préjudice, dans la mesure de leurs participations respectives.

963. La mise en œuvre des actions récursoires au regard des compétences respectives
des parties au contrat. Le concours de ces éléments, distincts mais indissociables, doit
apparaître dans le cadre de l’exercice des actions récursoires. C’est ici que l’examen des
qualités respectives des parties au contrat intervient : selon les compétences de chacune
d’entre elles, c’est l’un ou l’autre qui devra prédominer. L’on aperçoit alors la prise en
compte, à double sens, du mouvement de professionnalisation du contrat de mandat.
L’objectif étant, bien évidemment, de parvenir à l’équilibre parfait.

525
526
Conclusion du Titre

964. L’interdépendance du lien interne et du lien externe. Le dommage subi par le tiers
cocontractant est étroitement lié à la collaboration de deux éléments plus ou moins actifs : les
instructions du mandant, l’exécution du mandataire. Aussi la mise en œuvre des actions en
contribution est-elle intimement liée à l’examen du contenu du lien interne.

965. La mise en œuvre des actions récursoires : la recherche d’un équilibre


significatif. Depuis 1804, l’équilibre du rapport principal a considérablement évolué. De
contrat d’amis qu’il était, le mandat est aujourd’hui un contrat essentiellement (mais non
exclusivement) de professionnels. Aussi le déséquilibre qui a pu parfois être critiqué (le
donneur d’ordre est à la merci de l’intermédiaire) n’est-il plus à l’honneur dans le mandat. Il
convient donc, pour rechercher les responsabilités réciproques, de prendre conscience de cette
professionnalisation à double sens et de la place prépondérante que peut, parfois, occuper le
mandant. L’existence du mécanisme des actions récursoires étant tournée vers la recherche de
l’équilibre entre les responsables, la prise en compte de cette double évolution constitue le
cœur de leur mise en œuvre.

966. Proposition. La finalité des recours en contribution étant la répartition des dommages-
et-intérêts dus au demandeur à l’action principale, le choix du critère de répartition n’y est pas
indifférent. L’absence de concomitance entre la création du risque par le mandant ou
représenté et sa réalisation par le mandataire ou représentant nous a conduit à rejeter le critère
de la faute qui aurait été excessivement favorable au donneur d’ordre. Il nous semble, au
contraire, que celui de la causalité soit mieux adapté au contexte particulier. Concrètement, il
s’agit de rechercher dans quelle mesure les différents protagonistes ont pu concourir à la
naissance du dommage dans une proportion appréciée souverainement par les juges du fond.
Ce faisant, la répartition des charges contributive, entre le représenté et le représentant, repose
sur un strict problème scientifique de causalité, vidé de toute connotation morale.

527
528
Conclusion Partie 2

967. L’existence d’une responsabilité par représentation et le droit de la responsabilité


civile. Notre postulat de départ selon lequel « le mandant est responsable des fautes de son
mandataire par le jeu de la technique représentative » a pu être vérifié : un régime de
responsabilité par représentation existe bel et bien dans notre droit. A proprement parler, il ne
s’agit pas d’un « nouveau régime » - dès lors qu’il n’est pas tout à fait inédit – mais, plus
exactement, de la reconnaissance de règles préexistantes. Cela est vrai pour le mandat – en
substance, la jurisprudence avait déjà admis un tel système de responsabilité - ; mais cela est
vrai, également, en ce qui concerne la responsabilité des personnes morales qui, assurément,
est une responsabilité par représentation. Autrement dit, l’étude des liens entre la
responsabilité civile et le mandat a permis d’étendre notre réflexion à d’autres situations que
celle du mandat.

968. Mais surtout, elle a permis de rénover la cohérence du droit de la responsabilité civile
du fait d’autrui et, en particulier, de réaffirmer les frontières entre le principe général de
responsabilité du fait d’autrui et celle du commettant pour le fait de son préposé. En effet, la
responsabilité civile du fait d’autrui se justifie généralement par l’idée d’une autorité du
répondant sur le primo responsable. Mais l’évolution actuelle de la notion de préposition
détournait la responsabilité de l’article 1384 alinéa 5 du risque-autorité au bénéfice du risque-
profit. Or, en proposant de reconnaître un régime de responsabilité par représentation dans le
mandat, l’on fait « sortir » certaines hypothèses du domaine de la responsabilité du fait
d’autrui, favorisant ainsi l’unité du régime.

969. Les liens entre la responsabilité par représentation et la responsabilité entre les
parties. La reconnaissance d’un régime de responsabilité par représentation a permis,
également, d’aborder la question des actions récursoires. Malgré l’utilité incontestable de ce
mécanisme, il demeure relativement peu étudié. Pour notre sujet, ce thème est apparu
incontournable : la contradiction, apparente ou avérée, entre la mise en œuvre de la
responsabilité par représentation du mandant et l’utilisation correcte du pouvoir de
représentation – c’est-à-dire conformément aux intérêts du représenté – imposait l’admission
de tels recours aux bénéfices du donneur d’ordre.

529
970. Au regard de la nature personnelle de l’obligation de réparation prononcée à l’encontre
du mandant, l’action récursoire mise à la disposition de ce dernier était nécessairement de
type personnel. Autrement dit, sa mise en œuvre repose sur l’examen du lien entre le mandant
et le mandataire et plus précisément, sur le contenu de leurs obligations réciproques. Par
conséquent, lorsque le déséquilibre de la relation mandant – mandataire penche en défaveur
du mandant, les actions récursoires sont plus largement admises. Le durcissement de la
responsabilité contractuelle du mandataire, en particulier, permet d’aboutir à ce résultat. C’est
ici qu’apparaissent les liens entre la responsabilité par représentation et la responsabilité entre
les parties. Il convient néanmoins de préciser que l’examen des obligations réciproques des
mandant et mandataire ne concerne pas exclusivement l’exercice des actions récursoires mais,
plus généralement, toute action en responsabilité civile contractuelle exercée par l’une des
parties au mandat contre l’autre.

530
CONCLUSION GENERALE

971. L’intérêt d’une étude consacrée au mandat. Le droit positif offre, aux individus qui
souhaitent confier la gestion de leurs biens à des tiers, une gamme étendue de techniques de
gestion pour autrui. Parmi elles, le mandat figure en première place. Le succès actuel de ce
contrat, le développement considérable de ce mécanisme dans la plupart des branches du droit
privé et la professionnalisation contemporaine de cette figure juridique sont autant d’éléments
expliquant l’intérêt d’une étude consacrée au mandat. Au début de cette recherche, nous
avions pris conscience des incertitudes qui entourent le mandat, en dépit du nombre de
travaux qui ont contribué à en préciser le sens et le régime juridique. Ainsi, le contenu de la
notion est-il souvent présenté comme un « mystère »2242 et l’on s’interroge régulièrement sur
le point de savoir ce qui fait sa spécificité. De même, l’approche juridique du mandat est
généralement incomplète. Certes, un grand nombre d’auteurs s’étaient déjà intéressés à la
relation formée entre le mandant et le mandataire et, plus encore, à l’examen du
comportement du mandataire. Ainsi la doctrine avait-elle déjà mis l’accent sur le risque pris
par le mandant, les conséquences de la professionnalisation sur l’exercice de l’activité de
mandataire, le caractère intuitu personae et le mécanisme de la substitution de mandataire.
Cependant, jusqu’ici, les relations entre les parties au mandat et les tiers avaient été très peu
explorées. A bien des égards, cette lacune apparaissait paradoxale : le mandat étant un contrat
tourné vers les tiers, l’exécution de celui-ci suppose l’existence de liens entre, d’une part, le
mandant ou le mandataire et, d’autre part, les tiers cocontractants. Autrement dit, alors même
qu’en pratique le rapport des parties avec les tiers est essentiel, il n’avait guère suscité
d’intérêt dans la pensée juridique. C’est la raison pour laquelle il nous a semblé important de
prêter une attention particulière à cet aspect.

972. Notre travail a eu plus précisément pour objectif d’examiner les liens du mandat et de
la responsabilité civile. Ce faisant, la démarche que nous proposons est originale : rares, en
effet, sont les études consacrées à l’analyse de la responsabilité civile dans le cadre des
contrats spéciaux. Ce choix est parti d’un constat : c’est en ce domaine que sont apparues les
lacunes les plus importantes. En effet, les rapports du mandat et de la responsabilité civile
n’avaient jamais été véritablement approfondis, et, s’il est arrivé que la question de la
responsabilité dans le mandat soit abordée, c’était uniquement de manière ponctuelle. Par

2242
M. MEKKI, « Mandat – Définition et caractères distinctifs », op. cité, spéc. n° 1.

531
exemple, la question de la responsabilité des parties à l’égard des tiers n’avait fait l’objet
d’aucune étude spécifique, en particulier en ce qui concerne la responsabilité
extracontractuelle. De même, les conséquences de la professionnalisation du mandat n’avaient
été envisagées qu’à travers la responsabilité du mandataire, cette évolution devant conduire,
pour la majorité de la doctrine, à un durcissement de la responsabilité du mandataire.

973. Si cette approche s’insérait parfaitement dans la logique de défiance traditionnellement


exprimée à l’égard des gérants pour autrui, elle n’était pas exempte de critiques. Plus
précisément, elle donnait le sentiment d’un certain décalage entre la théorie juridique et
l’évolution du mandat. Alors que la première est principalement orientée par l’analyse
économique du droit selon laquelle celui qui remet la gestion de ses affaires à autrui est en
danger potentiel ; certains aspects de la seconde montrent que ce contrat est, de plus en plus
en plus souvent, au service de professionnels aguerris. Par conséquent, il convient d’admettre,
non seulement, que le risque est généralement maîtrisé ; mais aussi, et surtout, que le rapport
de force peut s’inverser. Autrement dit, le mandataire peut également se retrouver dans une
situation difficile face à un mandant économiquement plus fort. Episodiquement, l’éventuelle
infériorité de la situation du mandataire a été prise en compte par le droit. Cela s’est traduit,
notamment, par la multiplication des statuts légaux qui ont eu pour objectif de mieux encadrer
et de mieux protéger l’activité de mandataire, ou par le développement de la notion de mandat
d’intérêt commun qui a permis d’atténuer le danger que représente, pour le mandataire, le
principe de la révocation ad nutum. Mais, à ce stade de nos développements, cette impression
de décalage entre la pensée juridique et le nouveau visage du mandat n’était encore qu’un
sentiment que nous devions vérifier. Pour ce faire, une étude critique du droit positif était
indispensable.

974. Critique du droit positif. Dans cette optique, notre première partie devait se
concentrer plus particulièrement sur l’étude du droit positif. Mais cela ne pouvait s’accomplir
sans que ne soit délimité, avec précision, le domaine de notre recherche. C’est la raison pour
laquelle notre travail a débuté par l’identification du mandat. Chemin faisant, c’est la
spécificité de cette figure juridique qui s’est affirmée. Deux traits caractéristiques, plus
particulièrement, ont été mis en avant : il s’agit, d’une part, de la confiance exprimée par le
mandant envers son mandataire et, d’autre part, de l’altruisme du mandataire qui, en toutes
hypothèses, agit d’abord dans l’intérêt de son mandant.

532
975. Par la suite, la confrontation entre la spécificité du mandat et le droit de la
responsabilité civile dans le mandat pouvait s’effectuer. A l’épreuve, la rupture que l’on
pressentait, entre la pensée juridique et l’évolution du mandat, s’est vérifiée : le plus souvent,
l’on constate, qu’en toutes hypothèses, la jurisprudence manifeste une certaine sévérité à
l’encontre des mandataires.

976. A certains égards, cette rigueur se justifie. Le risque que représente la gestion pour
autrui et, plus particulièrement, la gestion par représentation, explique que l’on attende des
mandataires un comportement irréprochable, ce d’autant plus lorsque la confiance exprimée
est forte. Mais, sous d’autres aspects, cette sévérité est plus contestable. D’une part, elle est
manifestement déconnectée de la spécificité du mandat selon laquelle ce contrat est
principalement tourné vers l’intérêt du mandant. En effet, le mandat est, en toutes hypothèses,
le moyen d’obtenir une gestion de ses biens plus efficace, plus expérimentée, plus dynamique
que ne le serait une gestion personnelle. D’autre part, elle contredit l’un des aspects les plus
importants de l’évolution du mandat : la professionnalisation de l’activité de mandant.
Effectivement, nous l’avons rappelé, le mandat est désormais un outil au service de
professionnels : banquiers, commerçants, entrepreneur et autres hommes d’affaires. La
combinaison de ces deux éléments montre que le mandat est désormais un outil au service de
ceux qui sont dans les affaires et que, généralement, le pouvoir économique appartient au
mandant. Cela ne signifie pas, pour autant, que le mandat d’ami ou le mandat confié par un
profane ait disparu ; cela rappelle, plus simplement, qu’une nouvelle dimension du mandat
doit absolument être prise en compte.

977. Le décalage constaté entre la pensée et la pratique juridiques apparaît, plus


particulièrement, dans le cadre de la responsabilité des parties à l’égard des tiers. En principe,
que le mandataire agisse de son propre chef ou sur instruction du mandant, il engage sa
responsabilité délictuelle à l’égard des tiers. Ce principe connaît toutefois quelques
tempéraments. Dans certains cas de figure, la responsabilité délictuelle du mandant est mise
en œuvre lorsqu’une faute, dans le choix ou dans la surveillance de l’intermédiaire, a été
constatée à son encontre ou lorsque les conditions de la responsabilité du commettant pour le
fait de son préposé ont été réunies. Cependant, ces tempéraments se sont révélés, à la
réflexion, tout à fait insuffisants. La recherche a en effet permis d’établir que les solutions
étaient déconnectées du contexte dans lequel elles sont appliquées ou, en tout état de cause, ne
permettaient pas de répondre à toutes les situations possibles. Mais surtout, dans ce cas de
figure, la situation du tiers devrait être assujettie à l’examen du contenu de la relation mandant

533
– mandataire. En d’autres termes, cela signifie que les outils classiques du droit de la
responsabilité civile ne sont pas en mesure de répondre pas à la spécificité du mandat.

978. La reconnaissance d’une responsabilité par représentation en droit positif. Dans


ces conditions, il convenait d’emprunter une autre voie. Pour ce faire, il apparaissait opportun
de prendre appui sur la spécificité du mandat. Ce fut l’objet de notre seconde partie.
L’exploration de ce contrat ayant permis d’établir que la représentation y joue un rôle
essentiel, c’est à partir d’elle qu’il convenait, dès lors, de construire un nouveau régime de
responsabilité civile. Au premier abord, cette piste semblait impraticable. En effet, tant que le
contrat avec le tiers n’a pas été formé, la responsabilité des parties à l’égard des tiers est
nécessairement de nature délictuelle. Par conséquent, cela signifie que l’hypothèse d’une
responsabilité par représentation suppose de reconnaître l’extension de la représentation au
fait juridique. Or, classiquement, ce mécanisme est indissociable de l’acte juridique.
Cependant, l’examen de l’histoire du droit a montré que le mécanisme de la représentation
n’est pas fondamentalement imperméable au fait juridique : en droit romain, notamment, il est
apparu, à plusieurs reprises, que les effets de la représentation pouvaient s’étendre aux
conséquences d’un fait juridique. Mais surtout, plusieurs arrêts de la Cour de cassation,
évoquant – de manière discrète et équivoque – l’existence d’un régime de responsabilité par
représentation nous ont encouragée à poursuivre dans cette voie.

979. A l’épreuve, l’hypothèse d’une responsabilité par représentation s’est révélée


réalisable. Il a fallu, pour cela, accepter de considérer le problème de la représentation
différemment. Il ne s’agissait plus seulement de se demander ce qui peut faire l’objet de la
représentation ; mais de s’interroger, plus précisément, sur l’étendue exacte des effets
juridiques de la représentation. Par la suite, l’examen de la responsabilité des personnes
morales a montré que l’hypothèse d’une responsabilité par représentation pouvait être étendue
à d’autres situations que le mandat. La reconnaissance d’un régime de responsabilité en
dehors du mandat a permis, non seulement, de confirmer l’existence d’une responsabilité par
représentation dans notre droit positif ; mais aussi, et surtout, de faciliter la construction d’un
régime juridique de la responsabilité par représentation en offrant, à notre observation,
plusieurs éléments de comparaison.

980. La responsabilité par représentation et le droit de la responsabilité civile :


conséquences pratiques. L’institution d’un nouveau régime de responsabilité a fait naître
deux nouvelles questions. La première concernait les rapports qu’entretiennent ces règles de

534
la responsabilité par représentation avec le droit de la responsabilité civile ; la seconde se
rapportait, plus spécialement, à l’éventualité d’un recours du représenté contre le représentant.
En effet, comme son nom l’indique, cette responsabilité se fonde sur le mécanisme de la
représentation. En principe, l’utilisation de ce pouvoir de représentation s’effectue
conformément à la volonté et / ou aux intérêts du représenté. Or, la mise en œuvre de la
responsabilité du représenté pour un fait imputable au représentant apparaît contradictoire
avec cette exigence et, pour cette raison, le premier pourrait souhaiter obtenir contribution de
la part du second.

981. A propos de la question des rapports de ce nouveau régime avec le droit de la


responsabilité civile, la qualification de la responsabilité par représentation en droit commun
ou en règles spéciales de la responsabilité civile s’est révélée indispensable. Deux options
étaient envisageables : soit considérer que ces règles nouvelles relevaient du droit de la
responsabilité du fait personnel, soit qu’elles dépendaient du droit de la responsabilité du fait
d’autrui. Concernant la responsabilité des personnes morales, semblables interrogations
s’étaient déjà posées. Si le fondement jurisprudentiel choisi - les articles 1382 et 1383 du
Code civil - désignait la responsabilité du fait personnel ; la dissociation entre la cause et les
effets de cette responsabilité évoquait plutôt la responsabilité du fait d’autrui. A l’examen,
aucune de ces qualifications classiques n’est apparue compatible avec la responsabilité par
représentation. En effet, au regard de la dissociation opérée entre la cause du dommage et les
conséquences qui s’ensuivent, il est difficile de voir, dans le fait commis par représentation,
un véritable fait « personnel ». Par ailleurs, l’activité du représentant continuant celle du
représenté, le premier a l’obligation d’agir conformément aux ordres reçus et / ou aux intérêts
du représenté, ce qui ôte au fait du représentant son caractère libre. Enfin, il est impossible de
voir, dans le lien qui unit le représenté au représentant, le rapport spécifique d’autorité qui
caractérise la responsabilité du fait d’autrui. Par voie de conséquence, les qualifications de
responsabilité du fait personnel et de responsabilité du fait d’autrui ont été exclues, ce qui
suppose, dès lors, de voir, dans la responsabilité par représentation un nouveau régime de
droit commun de la responsabilité civile.

982. Cette conclusion a permis d’apporter quelques éléments de réponse à la question du


recours éventuel du représenté contre le représentant. La responsabilité par représentation
empruntant à la responsabilité du fait d’autrui la spécificité selon laquelle le fait générateur de
responsabilité est imputé à un autre que son auteur matériel, l’admission d’un recours du
représenté contre le représentant est apparue indispensable. Mais au regard de la nature

535
personnelle de l’obligation de réparation qui fait écho à la responsabilité du fait d’autrui, il
fallait d’abord admettre l’existence d’un recours de type personnel, l’hypothèse d’un recours
de nature subrogatoire étant exclue en l’absence de paiement de la dette d’autrui. La
reconnaissance d’une action récursoire au bénéfice du mandant participe de l’équité et
témoigne des liens fondamentaux qui existent entre la responsabilité des parties entre elles et
la responsabilité des parties à l’égard des tiers.

983. Synthèse et proposition de thèse. A l’issue de cette conclusion, le temps est


désormais venu de considérer le chemin parcouru et de dresser le bilan. Au terme de notre
travail, il apparaît que consacrer une étude aux liens entre le contrat de mandat et la
responsabilité civile n’est pas revenu à limiter nos observations au seul mandat. Au contraire,
notre recherche nous a ouvert d’autres perspectives, parmi lesquelles la responsabilité des
personnes morales et les actions récursoires. Si l’une et les autres sont d’une utilité pratique
incontestable, l’approche théorique qui en était proposée était quasi-inexistante.

984. Au terme de cette réflexion, il nous a semblé utile, dans le cadre d’une théorie générale
de la représentation, de proposer l’insertion de textes faisant référence à la responsabilité par
représentation. En l’état actuel du droit positif, aucun dispositif législatif ne règle le problème
de la représentation. Mais, dans l’hypothèse où la réforme du droit des obligations viendrait à
être adoptée, elle pourrait être intégrée dans le Code civil, certains projets de réforme du droit
des obligations l’évoquant expressément2243. Néanmoins, l’idée d’une responsabilité par
représentation n’ayant été envisagée dans aucun de ces textes, sa reconnaissance officielle
supposerait de nouvelles dispositions, complétives ou substitutives de celles qui font l’objet
des actuels projets de réforme du droit des obligations. Plus précisément, nous proposons, tout
d’abord, d’introduire une définition de la représentation (il est en effet étonnant de constater
que, malgré la volonté d’introduire une théorie générale de la représentation, aucune
définition de ce mécanisme n’a été posée) ; de souligner, ensuite, les effets de la
représentation (et plus particulièrement, de rappeler leur extension aux effets d’un fait
juridique) ; et, enfin, de préciser les cas dans lesquels la responsabilité par représentation doit
être exclue, que cette exclusion repose sur des motifs juridiques ou économiques. Les textes,
qui prendraient place dans le Code civil, seraient rédigés comme suit :

2243
C’est le cas du projet rédigé sous la direction du professeur CATALA (Avant-projet de réforme du droit des
obligations et de la prescription, op. cité, art. 1119 et s., pp. 90 et s.) ainsi que de celui initiée par la Chancellerie
(Projet de réforme du droit des contrats, op. cité, art. 36 et s.).

536
1- « La représentation est la technique juridique par laquelle une personne agit au nom
et pour le compte d’une autre. »

2- « Le représenté est seul engagé par les actes accomplis par le représentant dans la
limite de ses pouvoirs. Le représenté est également engagé par les faits juridiques
commis par le représentant lorsque le lien entre le fait dommageable et la mission
confiée est manifeste. »

3- « Toutefois, l’engagement du représenté est exclu pour les faits juridiques commis par
le représentant toutes les fois où la mission de représentation s’accompagne du
dessaisissement du représenté. La responsabilité par représentation est également
exclue lorsque le pouvoir de représentation a été donné par un profane à un
professionnel. »

985. Cela étant précisé, le système de responsabilité que nous proposons de reconnaître
concerne essentiellement la responsabilité des parties au mandat à l’égard des tiers. A notre
sens, il contribue très certainement à la responsabilisation de celui qui profite de l’activité
d’autrui. Il participe, également, à la restauration de la cohérence générale du droit de la
responsabilité civile du fait d’autrui et, en particulier, à celle du commettant pour le fait de
son préposé. En effet, en sortant l’hypothèse de la responsabilité du mandant pour le fait de
son mandataire du domaine de la responsabilité du commettant, on exclut de ce régime de
responsabilité une hypothèse fondée, non pas sur l’autorité inhérente à la responsabilité du fait
d’autrui, mais sur le profit réalisé par le répondant du fait de l’activité de l’auteur matériel du
dommage. Si le développement actuel de la responsabilité du commettant amène ce régime de
responsabilité aux frontières du risque-profit, la dilution de la notion de préposition que cette
évolution engendre conduit à une confusion avec l’expansion de la responsabilité définie par
le premier alinéa de l’article 1984 du Code civil, rendant flou les frontières entre ces deux
régimes de responsabilité. Quoi qu’il en soit, notre proposition ne s’applique qu’aux situations
de représentation parfaite, l’existence d’une représentation dite imparfaite ayant été rejetée.
Or, à côté de ces intermédiaires représentants cohabitent d’autres espèces d’agents qui
agissent également pour le compte d’autrui, mais selon des techniques différentes. L’on
pense, notamment, aux commissionnaires, aux courtiers, aux agents commerciaux, aux
franchisés, … Autrement dit, le mandat et la représentation n’épuisent pas, à eux seuls, toutes
les hypothèses dans lesquelles un individu tire avantage de l’activité économique de ses
agents. De ce point de vue, la responsabilité par représentation du mandant pour le fait du

537
mandataire ne constitue que la première pierre d’un édifice beaucoup plus vaste : la
responsabilité civile dans les contrats d’intermédiaire. Mais, en raison des disparités de
régimes entre ces figures juridiques et le mandat, l’extension de la responsabilité par
représentation à ces hypothèses d’intermédiation sans représentation n’est pas évidente et une
réflexion plus large sur l’existence d’une responsabilité du propriétaire économique pour les
faits de l’intermédiaire pourrait être proposée.

538
539
540
INDEX

(Les numéros renvoient aux numéros de paragraphe)

A B

Action in proprio nomine, 92 et s.. Besse (arrêt), 839 et s..

Action récursoire Blieck, (arrêt), 409 et s..


- de type personnel, 830 et s..
- de type subrogatoire, 814 et s..
- définition, 792 et s..
- du débiteur contre le débiteur
désinterressé par la victime, 843 et s..
- du débiteur contre le débiteur substitué, C
834 et s.. Clauses limitatives et restrictives de
- utilité, 793 responsabilité
- définition, 560 et s..
Agence commerciale, 10, 14, 100 et s., - et responsabilité par représentation,
202 et s.. 568 et s..

Agence immobilière, 10. Contrat permutation et contrat


coopération, 151 et s..
Agency, 119 et s..
Commission
Analyse économique du droit, 3. - définition, 92 et s..
- opacité, 167.
Appréciation de la faute - régime juridique, 171 et s..
- in abstracto, 284 et s..
- in concreto, 268, 284 et s.. Concours d'action
- conflit, 724, 740.
Autorité - cumul, 728 et s..
- définition, 649. - définition, 724 et s..
- et représentation, 652 et s.. - largo sensu, 738.
- sur autrui, 645 et s.. - responsabilité par représentation, 744
et s., 752 et s., 773 et s..
- stricto sensu, 739, 744 et s..

541
- droit français, 201, 218, 220 et s..
- droit romain, 217 et s..
Confiance
- et trust, 5, 217 et s..
- définition, 191, 192.
- et caractère intuitu personae, 192, 214
Fait du représentant
et s..
- définition, 537 et s..
- et contrats spéciaux, 201 et s..
- et fait personnel, 682 et s..
- et théorie générale des obligations, 194
- et fait d'autrui, 656 et s..
et s..
- fiducie, 220 et s..
- obligations fiducières, 217 et s..
- révocation ad nutum, 199 et s..
G
Consentement
- définition, 479.
- fondement du lien obligatoire, 478 et Garde d'autrui, 640 et s..
s..
Gratuité
Costedoat (arrêt), 393 et s.. - critère du mandat, 9 et s., 56 et s., 922
et s..
- et altruisme, 165
- et distinction professionnel - profane,
281 et s., 342 et s., 924 et s..
- insuffisance de la distinction gratuit -
D onéreux, 281 et s., 926 et s..
- responsabilité, 260 et s..
Devoir d'information
- conseil, 313 et s., 941 et s.. Gravité
- mise en garde, 319 e s., 941 et s.. - objective, 269.
- renseignement, 313 et s.. - subjective, 268.
- théorie des trois fautes,263 et s..

Groupe de contrats
- arrêt Besse, 839 et s ..
E - théorie, 838 et s..

Eléments essentiel, naturel et accidentel,


39 et s..
I

Immunité
F - arrêt Costedoat, 393 et s..
Fiducie - civile, 393 et s., 556, 595.

542
- et irresponsabilité, 633 et s.. - et professionnalisation, 940 et s..
- pénale, 633. - information, 310 et s ..
- loyauté, 290 et s..

M
P
Mandat
- à effet posthume, 5, 83 et s.. Personne morale
- apparent, 577 et s.. - nature fictive ou réelle, 503 et s..
- Code civil, 62 et s.. - régime de la responsabilité civile des
- conclu à titre gratuit, 260 et s.. personnes morales, 522 et s..
- coopération, 153 et s., 336 et s.. - responsabilité du fait d'autrui, 506 et s..
- de protection future, 5, 88 et s., 86 et s.. - responsabilité pénale, 439.
- définition, 7 et s.. - responsabilité civile du fait personnel,
- droit canon, 9, 56 et s.. 505 et s., 674 et s..
- droit romain, 4, 9, 56 et s..
- droits européens, 105 et s..
- et commission, 92 et s..
- et représentation, 56 et s., 63 et s..
- évolution, 9, 17.
R
- permutation, 151 et s..
- professionnalisation, 14. Représentation
- structure dualiste, 104 et s. - absence, 48.
- transparence, 166 et s.. - définition 45 et s..
- définition classique, 467.
- définition moderne, 473.
- droit canon, 51.
- droit romain, 49 et s., 438..
O - effets, 477 et s..
- et acte juridique, 467.
Obligations du mandant, - et fait juridique, 438 et s., 453 et s., 480
- d'exécuter les actes conclus en son et s., 483 et s..
nom, 170 et s.. - évolution terminologique, 47..
- de maintenir le pouvoir de - imparfaite (exclusion), 53.
représentation (mandat-coopération), - parfaite, 52 et s..
336 et s..
- et professionnalisation, 952 et s.. Responsabilité contractuelle du fait
- financières, 1é, 331 et s.. d'autrui, 232 et s ., 367 et s..

Obligations du mandataire Responsabilité du fait d'autrui


- diligence, 250 et s..

543
- du commettant pour le fait de son - fait désinterressé, 542. .
préposé, 385 et s.. - fait du représentant, 537 et s..
- et responsabilité par représentation, - homogénéité, 705 et s..
651 et s.. - jurisprudence, 448 et s..
- fondée sur une faute personnelle, 373 - mandant profane, 554 et s..
et s., 631 et s.. - nature, 797 et s., 806 et s ..
- lien de préposition, 386 et s.. - personne morale, 501 et s..
- mécanisme d'imputabilité, 631 et s., - rapport de représentation, 547 et s..
- principe général, 408 et s.. - recours, 598, 777, 792 et s.
- report de responsabilité, 663 et s., 702,
Responsabilité du fait des choses, 401 et 801 et s..
s.. - spécificité, 690 et s..

Responsabilité du fait personnel Révocation


- fait objectivement libre, 672. - ad nutum, 199 et s..
et responsabilité par représentation, 673 - mandat d'intérêt commun, 337 et s..
et s..
- fonction moralisatrice, 669.
- objectivation de la faute, 671.

Responsabilité par autrui et S


responsabilité pour autrui, 663 et s.,
702, 801 et s.. Subrogation
- définition, 816 et s..
Responsabilité par représentation - et responsabilité par représentation,
- autonomie, 684 et s.. 826 et s..
- avantages économiques, 594 et s.. - paiement de la dette d'autrui, 826 et s..
- avantages pratiques, 596 et s.
- cohérence, 603 et s.. Substitution de mandataire
- consécration légale, 604 et s.. - définition, 301.
- conditions, 532 et s.. - régime juridique, 3014 et s..
- dessaisissement du représenté, 551 et - responsabilité contractuelle du fait
s.. d'autrui, 307 et s..
- domaine, 573 et s., 697 et s...
- droit allemand, 438.
- droit commun (nouveau), 619 et s..
- et mandat, 482 et s..
- et pouvoir de resprésentation, 539 et s.. T
- et responsabilité du fait d'autrui, 651 et
s., 644 et s..
Transparence du mandataire, 166 et s..
- et responsabilité du fait personnel, 673
- définition, 72.
et s..
- et opacité du commissionnaire, 92 et s..
- et volonté individuelle (exclusion), 568
et s..

544
V

Volonté réelle et volonté déclarée, 579.

545
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V- Notes de jurisprudence

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F. ALAPHILIPPE, obs. sous Civ.2, 22 mai 1995 : D., 1996, somm. p. 29.

D. AMMAR, note sous Com., 30 octobre 2000 (2 arrêts) : JCP G., 2001, II, 10644.

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C. ASFAR, note sous Civ. 3, 6 janvier 1999 : D., 2000, p. 426.

CH. ATIAS, note sous Civ. 3, 27 avril 1988 : D., 1989, p. 351.

J.-L. AUBERT,
* obs. sous Civ. 1, 20 juillet 1976 : Defrénois, 1977, p. 401.
* obs. sous A.P., 29 mars 1991, arrêt Blieck : Défrénois, 1991, 729.
* note sous Civ. 1, 2 juillet 1991 : Defrénois, 1991, p. 1272.
* note sous Civ.1, 12 janvier 1999 : Défrénois, 1999, 382.

H. AUBRUN, note sous C.A. PARIS, 30 octobre 1944 : D., 1945, p. 192.

F. AUQUE, note sous Com., 29 juin 2010 : JCP E., 2010, 1860.

J.-F. BARBIERI,
* note sous C.A., PARIS, 25 février 1999 : Bull. Joly Sociétés, 1999, p. 571.
* note sous Com., le 20 mai 2003 : Rev. soc., 2003, p. 479.
* note sous Crim., 3 janvier 2006 : L.P.A., 10 mai 2006, n° 93 p. 9.

J. BAUDOIN, note sous Civ. 2, 15 juin 1977 : JCP G., 1978, II, n° 18780.
B. BEIGNIER,
* note sous Civ. 1re, 8 décembre 1993 : D., 1994, 235.
* obs. sous Civ. 1, 12 mai 2010 : Dr. fam., 2010, no 104.

A. BENABENT,
* note sous Civ. 1, 5 mai 1993 : D. 1993, p. 507.
* note sous Civ. 1, 22 avril 1997 : Defrénois, 1997, p. 1436.
A. BESSON, note sous Civ., 21 décembre 1943 : JCP G., 1945, II, 2779.
F. BICHERON, obs. sous Civ. 1, 12 mai 2010 : R.D.C., 2011, p. 203.

M. BILLIAU,
* note sous A.P., 25 février 2000, arrêt Costedoat : JCP G., 2000, I, 10295, n° 7.
* comm. sous A.P., 14 décembre 2001, arrêt Cousin : JCP G., 2002, II, 10026.
* note sous A.P., 6 octobre 2006 : JCP G. 2006, II, 10181.

578
CH. BLAEVOËT, note sous Civ.2, 17 juillet 1967 : G.P., 1967, 2, p. 235.

L. BLOCH, note sous A.P., 6 octobre 2006 : Resp. civ. et Ass., 2006, Etude n° 17.

B. BOULOC,
* obs. sous Com., 14 janvier 1997 : R.T.D. Com., 1997, p. 506.
* note sous Civ. 3, 17 juin 2009 : R.T.D. Com., 2010, p. 183.

J.-S. BORGHETTI, note sous Civ. 2, 24 mai 2006 : Revue des contrats, 2007, p. 286

V. BREMOND, M. NICOD et J. REVEL, obs. sous Civ. 1, 28 novembre 2007 : D., 2008,
Panorama, 2245.

C. BRIERE, comm.. sous A.P., 14 décembre 2001, arrêt Cousin : JCP E., 2002, n° 6, p. 275.

PH. BRUN, note sous A.P., 25 février 2000, arrêt Costedoat : D., 2000, p. 673.

PH. BRUN et P. JOURDAIN, note sous Civ. 1, 12 juillet 2007 : D., 2008. p. 2894.

F. BUY, note sous Civ. 2, 12 décembre 2002 : L.P.A., 7 avril 2003, n° 69, p. 11.

C. CABANNES, réquisitions sous l'arrêt Fullenwarth : D. 1984, jurispr. p. 525.


L. CADIET, obs. sous Soc. 4 décembre 1996 : JCP G., 1997, I, 4064, n° 11.
J. CALAIS-AULOY, note sous A.P., 13 décembre 1962 : D., 1963, p. 277.

F. CHABAS,
* note sous A.P., 9 mai 1984 : D., 1984, p. 525.
* note sous A.P., 29 mars 1991, arrêt Blieck : G.P., 1992, 2, 513.
* note sous Crim., 5 mars 1992 : JCP G., 1993, II, 22013.
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J.-P. CHAZAL et Y. REINHARD, note sous Com., le 20 mai 2003 : R.T.D. Com., 2003, p. 523.

A. CHAMOULAUD-TRAPIERS, obs. sous Civ. 1, 12 mai 2010 : Defrénois, 2010, 2373.

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M. CHENOT, concl. sous C.E., 10 février 1950 : Recueil Conseil d’Etat, p. 100.

E. CHEVRIER,
* obs. sous Com., 8 janvier 2002 : D., 2002, A.J., 567.
* obs. sous Com., 29 juin 2010 : D., 2010., Actu., 1703.

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D. COHEN,
* note sous Com., 26 avril 1994 : Rev. sociétés, 1994, p. 725.
* note sous Com., 22 octobre 1996, jurisprudence Chronopost : JCP G., 1997, II, 22881.

579
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* note sous A.P., 13 décembre 1962 : R.T.D. Civ., 1963, pp. 572 et s..
* obs. sous Civ. 1, 4 janvier 1980 : R.T.D. Civ., 1981, p. 406.

M. CREVEL, note sous Civ. 1, 18 janvier 2000 : D., 2000, pp. 901 et s..
N. DEJEAN DE LA BATIE,
* note sous Civ. 1, 7 juin 1977 : JCP G., 1978, II, 19003.
* note sous Civ. 3, 5 décembre 1984 : JCP G., 1986, II, 20543.

G. DELAISI, note sous Com., 27 novembre 1972 : G.P., 1973, I, 259.


PH. DELEBECQUE,
* obs. sous Civ. 1, 11 avril 1995 : D., 1995, somm., 231.
* note sous Com., 20 février 1996 : D., 1996, p. 290.
* obs. sous Com., 22 octobre 1996, jurisprudence Chronopost : D., 1997, p. 175.
* , note sous A.P., 25 février 2000, arrêt Costedoat : D., 2000, Somm., 467.

X. DELPECH, obs. sous Civ.1, 10 janvier 2006 : D. Aff., 1998, 1811.

A. DENIZOT, note sous Civ. 1, 12 mai 2010 : G.P., 2010, p. 22.

S. DENOIX DE SAINT MARC, note sous Civ.2, 3 février 2000 : D., 2000, jurispr. p. 862.

F. DERRIDA, note sous Com., 28 février 1995 : D., 1995, p. 155.

N. DISSAUX,
* obs. sous Com., 26 février 2008 : JCP E., 2008, 1710.
* obs. sous C.A. PARIS, 9 avril 2009 : JCP E., 2009, 1842.
* note sous Com., 29 juin 2010 : JCP E., 2010, 1694.
* note sous C.A. PAU, 16 décembre 2010 : « Agent commercial et commissionnaire-affilié :
une différence de fond(s) ? », JCP G., 2011, 1246.

B. DONDERO,
*note sous Com., le 20 mai 2003 : D., 2003, p. 2623.
* note sous Civ. 1, 16 novembre 2004 : Bull. Joly Sociétés, 2005, p. 270.

G. DURRY,
* note sous Civ. 2, 17 juillet 1967 : R.T.D.Civ., 1968, p. 149.
* obs. sous Soc., 2 mars 1972 : R.T.D. Civ., 1973, p. 128.
* note sous Civ. 2, 18 mars 1986 : R.T.D. Civ., 1981, p. 855.

P. ESMEIN,
* note sous Civ. 2, 17 février 1955 : D., 1956, p. 17.
* note sous A.P., 13 décembre 1962 : JCP G., 1963, II, 13105.

M. FABRE-MAGNAN, obs. sous Com., 22 octobre 1996, jurisprudence Chronopost : JCP G.,
1997, I, 4002, no 1.

D. FERRIER,
*obs. sous Com., 8 janvier 2002 : D., 2002, Somm., 3009.

580
* obs. sous Com., 26 février 2008 : D., 2008, p. 290.
* obs. sous C.A. PARIS, 9 avril 2009 : D., 2009, p. 1942.

E. FISCHER, note sous A.P., 11 mars 2005 : D., 2005, p. 2368.

A.-M. GALLIOU-SCANVION, note sous Civ. 2, 4 juin 1997 : L.P.A., 29 octobre 1997, p. 23.

A. GARDIN, note sous Soc. 29 mai 2001 : D. 2002, pp. 921.

P.-Y. GAUTIER,
* note sous Civ. 3, 29 avril 1998 : R.T.D. Civ., 1998, p. 930.
* obs. sous Com., 24 novembre 1998 : R.T.D. Civ., 1999, p. 646.
* obs. sous Com., 8 janvier 2002 : R.T.D. Civ., 2002, p. 323.

J. GHESTIN,
*note sous A.P., 29 mars 1991, arrêt Blieck : JCP G., 1991, II, 21673.
* note sous A.P., 12 juillet 1991, arrêt Besse : D., 1991, p. 549.

D. GIBIRILA, note sous Com., 26 avril 1994 : JCP E., 1995, II, n° 22369.

C. GRIMALDI, note sous. Com., 29 juin 2010 : « La commission-affiliation en quête d’une


reconnaissance », JCP G., 2010, p. 1626.

M. GRIMALDI, obs. sous Civ. 1, 12 mai 2010 : R.T.D. Civ., 2010, p. 602.

J.-C. GROSLIERE et C. SAINT-ALARY-HOUIN, note sous Civ. 3, 29 avril 1998 : R.D.I., 1998, p.
386.

H. GROUTEL,
* note sous Civ. 1, 30 novembre 1988 : R.C.A., 1989, comm. n° 42, chron. n° 5.
* note sous Civ. 1re, 8 décembre 1993 : R.C.A., 1994. comm. 29 et chron. 3.
* note sous Civ.2, 22 mai 1995 : R.C.A., 1995, comm. 36.
* obs. sous Civ. 2, 3 février 2000 : R.C.A., 2000, comm. 110.
* obs. sous A.P., 25 février 2000, arrêt Costedoat : R.C.A., 2000, Chron. 11.
* note sous Civ. 2, 10 mai 2001, arrêt Levert : Resp. civ. et assur. 2001, chron 18.
* obs. sous A.P., 14 décembre 2001, arrêt Cousin : R.C.A., 2000, n° 11.
* note sous Civ. 2, 12 décembre 2002 : R.C.A., 2003, chron. 4.
* note sous Civ. 2, 5 février 2004 : R.C.A., 2004, comm. 127.
* note sous Civ. 2, 18 mars 2004 : R.C.A., 2004, comm. 216.
* note sous Civ. 2, 18 mai 2004 : R.C.A., 2004, comm. 249.
* note sous Crim., 8 février 2005 : R.C.A., 2005, comm. 118.
* obs. sous Civ. 1, 12 juillet 2007 : R.C.A., 2007, comm. 334.
* note sous Civ. 2, 11 septembre 2008 : R.C.A., 2006, n° 12, comm. 313.

L. GRYNBAUM, obs. sous C.A., PARIS, 9 juin 2000 : R.C.A., 2000, comm. 74.

J.-C. HALLOUIN, note sous Com., le 20 mai 2003 : D., 2004, p. 266.

J. HAUSER,
* note sous A.P., 29 mars 1991, arrêt Blieck : R.T.D. Civ., 1991, pp. 312 et s..

581
* note sous Civ.2, 19 février 1997, arrêt Bertrand : R.T.D. Civ., 1997, p. 648.
* obs. sous Civ. 1, 12 mai 2010 : R.T.D. Civ., 2010, p. 527.

J. HEMARD,
* obs. sous Com., 3 décembre 1963 : R.T.D. Com., 1964, p. 376.
* note sous Com., 12 décembre 1967 : JCP G. 1968, II, 15534.

S. HOCQUET-BERG, note sous Civ. 1, 12 juillet 2007 : JCP G., 2007, II, 10162.

D. HOUTCIEFF, note sous Com., 9 juillet 2002 : Dr. et patrim., févr. 2003, p. 101.

J. HUET,
* obs. sous A.P., 9 mai 1984 : R.T.D. Civ., 1984, p. 508.
* obs. sous Civ. 1, 2 octobre 1984 : R.T.D. Civ., 1986, p. 134.

CH. JAMIN,
* note sous Com., 24 novembre 1998 : JCP G., I, 143, n° 6.
* note sous A.P., 12 juillet 1991, arrêt Besse : D., 1991, p. 257.

L. JOSSERAND, note sous Civ., 16 juin 1936 : S. 1936, 1, p. 321.

P. JOURDAIN,
* note sous A.P., 9 mai 1984 : JCP G., 1984, II, 20256.
* obs. Civ. 1, 18 janvier 1989 : R.T.D. Civ., 1989, p. 558.
* note sous A.P., 29 mars 1991, arrêt Blieck : R.T.D. Civ., 1991, pp. 541 et s..
* obs. sous A.P., 12 juillet 1991, arrêt Besse : R.T.D. Civ., 1991, p. 750.
* note sous A.P., 12 juillet 1991, arrêt Besse : D. 1992, p. 149.
* note sous Crim., 5 mars 1992 :R.T.D. Civ., 1993, pp. 417 et s..
* obs. sous Com.12 octobre 1993, arrêt Société des parfums Rochas : R.T.D. Civ., 1994, pp.
111 et s..
* obs. sous Civ. 1, 11 avril 1995 : R.T.D. Civ., 1995, p. 895.
* obs. sous Civ.2, 22 mai 1995 : R.T.D. Civ., 1995, p. 899, n° 4.
* obs. sous Civ. 1, 30 octobre 1995 : R.T.D. Civ., 1994 pp. 136 et s..
* obs. sous Com., 20 février 1996 : R.T.D. Civ., 1996, p. 621, n° 1.
* note sous Civ.2, 19 février 1997, arrêt Bertrand : D., 1997, jurispr. p. 265.
* obs. sous Civ.2, 19 février 1997, arrêt Bertrand : R.T.D. Civ., 1997, p. 668.
* note sous Civ. 1, 25 février 1997 : R.T.D. Civ., 1997, p. 434.
* obs. sous Civ. 2, 25 février 1998 : R.T.D. Civ., 1998, p. 388.
* note sous Civ. 2, 9 décembre 1999 : R.T.D. Civ., 2000, p. 338.
* obs. sous Civ. 2, 20 janvier 2000 : R.T.D. Civ., 2000, p. 588, n° 7.
* note sous Civ.2, 3 février 2000 : D., 2000, p. 465.
* obs. sous A.P., 25 février 2000, arrêt Costedoat : R.T.D. Civ., 2000, pp. 582 et s..
* obs. sous Crim., 28 mars 2000 : R.T.D. Civ., 2000, p. 586, n° 6.
* obs. sous Civ. 2, 16 novembre 2000 : R.T.D. Civ., 2001, p. 603.
* obs. sous Civ. 2, 29 mars 2001 : D., 2002, p. 1309.
* obs. sous Civ. 2, 10 mai 2001, arrêt Levert : R.T.D. Civ., 2001, p. 601.
* note sous A.P., 14 décembre 2001, arrêt Cousin : R.T.D. Civ., 2002, p. 109.
* obs. sous Civ. 2, 6 juin 2002 : R.T.D. Civ., 2002, p. 825.
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582
* obs. sous Com., le 20 mai 2003 : R.T.D. Civ., 2003, p. 509.
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* obs. sous A.P., 6 octobre 2006 : R.T.D. Civ., 2007, p. 123.
* obs. sous Civ. 2, 24 mai 2006 : R.T.D. Civ., 2006, p. 779.
* note sous Civ. 2, 26 octobre 2006 : R.T.D. Civ., 2007, p. 357.
* note sous Civ. 1, 12 juillet 2007 : R.T.D. Civ., 2008. p. 109.
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CH. LARROUMET,
* note sous Civ. 1, 7 juin 1977 : D., 1978, p. 289
* note. Civ. 1, 18 janvier 1989 : D., 1989, 302.
* note sous A.P., 29 mars 1991, arrêt Blieck : D., 1991, p. 324.
* note sous Com., 22 octobre 1996, jurisprudence Chronopost : D., 1997, p. 145.

A. LEBRETON, note sous Civ.2, 19 février 1997, arrêt Bertrand : L.P.A., 15 sept. 1997, p. 12.

P. LE CANNU, note sous Com., 26 avril 1994 : Bull. Joly, 1994, p. 831, § 221.

F. LEDUC, note sous Civ.2, 19 février 1997, arrêt Bertrand : R.C.A., Chron. n° 9.

J.-P. LEGROS, note sous Com., 14 janvier 2004 : Droit des sociétés, 2004, n° 168.

R. LE GUIDEC, obs. sous Civ. 1, 12 mai 2010 : JCP G., 2011, no 251.

H. LE NABASQUE, obs. sous Com., le 20 mai 2003 : Bull. Joly, 2003, p. 786.

A.-M. LEROYER, « Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique
des majeurs », RTD Civ., 2007, pp. 394 et s..

L. LEVENEUR,
* note sous Com., 26 avril 1994 : JCP G., 1994, II, 22356.
* obs. sous Com., 22 octobre 1996, jurisprudence Chronopost : C.C.C., 1997, comm. n° 24.
* note sous Civ. 1, 14 juin 2000 : C.C.C., 2000, comm. n° 156.
* note sous Com., 8 janvier 2002 : C.C.C., 2002, no 87.
* note sous Com., 9 juillet 2002 : C.C.C., 2002, n° 172.
* note sous Civ. 1, 18 mai 2004 : C.C.C. 2004, n° 121.

583
* note sous Civ. 1, 30 mai 2006 : C.C.C. 2006, comm. n° 1.

A. LIENHARD, obs. sous Com., le 20 mai 2003 : D., 2003, p. 1502.

M. LINDON, note sous Mixte, 26 mars 1971 : JCP G. 1971, II, 16762.

O. LIPERINI, note sous Civ. 2, 26 octobre 2006 : JCP S., 2006, 1990.

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Y. LOBIN, note sous Civ.1, 10 avril 1964 : D., 1965, jurisp., p. 1.

D. MAINGUY et J.-L. RESPAUD, note sous Com., 26 février 2008 : JCP G., 2008, II, 10094.

R. MARTIN, note sous Civ. 3, 13 avril 1988 : JCP G., 1989, II, 21315.

N. MATHEY,
* obs. sous Com., 26 février 2008 : C.C.C., 2008, comm. 95.
* obs. sous C.A. PARIS, 9 avril 2009 : C.C.C., 2009, comm. 264.
* obs. sous Com., 29 juin 2010 : C.C.C., octobre 2010, n° 223.

P. G. MATTER, concl. sous Chambres réunies, 13 février 1930, arrêt Jeand’heur : D.P., l930,
1, p. 57.

D. MAZEAUD,
* note sous Civ.2, 19 février 1997, arrêt Bertrand : D., 1997, p. 290.
* obs. sous Com., 24 novembre 1998 : Défrénois 1999, 371.
* obs. sous Civ. 2, 10 mai 2001, arrêt Levert : D., 2002, p. 1315.
* note sous A.P., 14 décembre 2001, arrêt Cousin : D., 2002, p. 1317.
* note sous Civ. 1, 18 mai 2004 : D. 2005, pan. 187.

H. MAZEAUD,
* note sous Civ., 30 décembre 1936 : S., 1937, 1, p. 137.
* note sous Ch. réun., 2 décembre 1941 : S., 1941, 1, p. 217.

G. MEMETEAU, note sous Civ. 1, 15 décembre 1999 : JCP G., 2000, II, 10384.

J. MESTRE et B. FAGES,
* note sous Civ. 3, 2 octobre 2002 : R.T.D. Civ., 2003, p. 284.
* obs. sous Civ. 1, 18 mai 2004 : R.T.D. Civ., 2004, pp. 502 et s..
* , obs. sous A.P., 6 octobre 2006 : R.T.D. Civ., 2007, p. 115.

J. MESTRE,
* obs. sous Civ. 1, 18 avril 1989 : R.T.D. Civ., 1990, p. 267.
* obs. sous Com., 22 octobre 1996, jurisprudence Chronopost : R.T.D. Civ., 1997, p. 418.
* note sous Com., 22 octobre 1996 : R.T.D. Civ., 1997, p. 653.
* obs. sous Civ. 2, 1er avril 1998 : R.T.D. Civ., 1998, pp. 914 et s..
* note sous Civ. 3, 29 avril 1998 : R.T.D. Civ., 1999, p. 89.
* obs. sous Com., 24 novembre 1998 : R.T.D. Civ., 1999, p. 98.

584
E. MEYNAL, note sous Req., 23 février 1891 : S. 1892, 1, 73.

M. MIHURA, note sous Ch. réun., 2 décembre 1941 : JCP G., 1942.II.1766.

N. MOLFESSIS, note sous Com., 22 octobre 1996, jurisprudence Chronopost : R.T.D. Civ.,
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S. MOISDON-CHATAIGNIER, note sous Civ. 2, 18 mars 2004 : JCP G. 2004, II, 10123.

J. MOULY,
* note sous Civ.2, 22 mai 1995 : JCP G., 1995, II, 22550.
* note sous TGI CUSSET, 29 février 1996 : JCP G., 1997, II, 22849.
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* note sous Civ. 2, 26 octobre 2006 : JCP G., 2007, II, 10004.
* note sous Mixte, 18 mai 2007 : D., 2007, p. 2137.
* note sous Civ. 2, 11 septembre 2008 : JCP G., 2007, II, 10184.

M. NICODN, obs. sous Civ. 1, 12 mai 2010 : D., 2010, 2392.

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D. OHL, note sous Com., 28 avr.1998 : JCP G., 1998, II, 10177.

R. PERROT,
* note sous Civ. 1, 15 janvier 1985 :R.T.D. Civ., 1985, p. 624.
* obs. sous A.P., 11 mars 2005 : Procédures, 2005, comm. 118.
* obs. sous A.P., 11 mars 2005 : R.T.D. Civ., 2005, p. 455.

J. PERROUD, note sous Req., 26 janvier 1910 : S., 1911, 1, 105.

B. PETIT et Y. REINHARD, obs. sous Com., 26 avril 1994 : R.T.D. Com., 1994, p. 736.

Y. PICOD, note sous Com., 24 novembre 1998 : JCP G., II, 10210.

S. PIEDELIEVRE, note sous Civ. 1, 6 juillet 2004 : JCP E., 2004, 1642.
A. PLANCQUEEL, note sous Civ. 1, 7 juin 1977 : G.P., 1978, 1, 131.
S. PORCHY-SIMON, note sous Civ. 1, 12 juillet 2007 : D., 2007, 2908.

S. PREVOST, note sous Com., 29 mars 2011 : Revue des sociétés, 2011, p. 346.

C. PUIGELIER, note sous Mixte, 18 mai 2007 : JCP E., 2007, 1844.

J. R., note sous Com., 28 novembre 1961 : JCP G., 1962, II, 12504.

CH. RADE,
* note sous Civ.2, 19 février 1997, arrêt Bertrand : D., 1997, chron. p. 279.
* obs. sous A.P., 25 février 2000, arrêt Costedoat : R.C.A., 2000, Chron. 22.
* note sous C.A. NANCY, 26 avril 2004 : R.C.A., 2004, comm., 362.

585
* note sous Civ.2, 13 mai 2004 : R.C.A., 2000, étude n° 15.
* note sous Civ. 2, 26 OCTOBRE 2006 : R.C.A., 2006, N° 12, COMM. 365.

P. RAYNAUD, note sous Civ. 2, 27 février 1969 : D., 1970, jurisp., p. 581.

S. REIFEGERSTE, note sous Com., le 20 mai 2003 : JCP G., 2003, II, 10178.

P. REMY, obs. Civ. 1, 18 janvier 1989 : R.T.D. Civ., 1989, p. 572.

F. RINALDI, note sous A.P., 25 février 2000, arrêt Costedoat : G.P., 24 août 2000, 2, 1462.

G. RIPERT,
* note sous Civ., 27 avril 1929 : D.P. 1929, 1, p. 129.
* note sous Ch. réunies, 2 décembre. 1941 : D.C, 1942, 25.

R. RODIERE,
* note sous Civ. 2, 17 février 1955 : J.C.P. G., 1955, II, 8951.
* note sous Com., 28 novembre 1961 : R.T.D. Com., 1962, 425.
* note sous Civ. 1, 10 novembre 1971 : JCP G., 1972, II, 17079.
* note sous Civ. 1, 5 février 1975 : D., 1975, p. 410.
* note sous Civ. 1, 19 février 1975 : Sirey, 1975, 411.

A. ROUAST, note sous Civ., 27 novembre 1935 : D., 1936, 1ère partie, pp. 25 et s..

F. ROUSSEL, note sous Civ. 2, 9 juin 1993 : JCP G., 1994, II, 22264.

Y. SAINT JOURS, note sous. Soc. 21 mars 1972 : J.C.P. G., 1972, II, 17236.

B. SAINTOURENS, note sous Com., 29 juin 2010 : R.T.D. Com., 2011, p. 687.

R. SALEILLES, note sous Civ., 16 juin 1896, arrêt Teffaine : D.P. 1897, 1, p. 433.
R. SAVATIER,
* note sous Req., 23 mars 1928 : D.P., 1927, 1, 73.
* note sous Civ., 30 décembre 1936 : D.P., 1937, 1, p. 5.
* note sous Civ.1, 18 octobre 1960 : JCP G., 1960, II, 11846.
E. SAVAUX, note sous Civ. 2, 10 mai 2001, arrêt Levert : Defrénois, 2001, p. 1275.

A. SERIAUX, note sous Com., 22 octobre 1996, jurisprudence Chronopost : D., 1997, p. 121.

M.-F. STEINLE-FEUERBACH, note sous Crim., 8 février 2005 : JCP G. 2005, II, 10049.

PH. STOFFEL-MUNCK, obs. sous Civ. 1, 6 juillet 2004 : Rev. des contrats, 2005, p. 286.

M. THERY, note sous Req., 20 février 1946 : D., 1947, 221.

M. THIOYE, note sous Civ. 3, 17 juin 2009 : A.J.D.I., 2010, p. 155.

B. THULLIER , note sous A.P., 14 décembre 2001, arrêt Cousin : D., 2002, p. 2117.

586
A. TISSIER, note sous Civ., 15 juin 1898 : Sirey, 1899, 1, p. 210.

Procureur général TOUFFAIT, conclusions sous Chambre Mixte, 21 juin 1974 : Droit social,
1974, p. 454.

O. TOURNAFOND, note sous Civ. 2, 10 mai 2001, arrêt Levert : D., 2001, p. 2851.

A. TUNC, note sous Civ.1, 18 octobre 1960 : R.T.D. Civ., 1960, p. 120.

P. VAILLIER, obs. sous Civ.2, 20 janvier 2000 : R.C.A., 2000, comm. 111.

CH. VERNIERES, obs. sous Civ. 1, 12 mai 2010 : A.J.F., 2010, 287.

G. VINEY,
* note sous A.P., 29 mars 1991, arrêt Blieck : D., 1991, Chron. p. 157.
* note sous A.P., 12 juillet 1991, arrêt Besse : JCP G. 1991, II, 21743.
* note. sous Com.12 octobre 1993, arrêt Société des parfums Rochas : D., 1994, p. 124.
* note sous Civ. 2, 29 avril 1994 : JCP G., 1994, I, 3809.
* obs. sous Civ. 2, 22 mai 1995 : JCP G., 1995, I, 3893, n° 4.
* note. sous Civ. 1, 30 octobre 1995 : JCP G., 1996, I, 3944.
* obs. sous Com., 22 octobre 1996, jurisprudence Chronopost : JCP G., 1997, I, 4025, no 17.
* note sous Civ. 2, 19 février 1997, arrêt Bertrand : JCP G., 1997, II, 22848.
* note sous Civ. 1, 25 février 1997 : JCP G., 1997, IV, 881.
* obs. sous Civ. 2, 25 février 1998 : JCP G., 1998, I, 10149.
* note sous Civ. 1, 15 décembre 1999 : JCP G., 2000, I, 241, n° 6.
* obs. sous Civ.2, 20 janvier 2000 : JCP G., 2000, I, 241, n° 14.
* obs. sous Civ.2, 3 février 2000 : JCP G., 2000, I, 241, n° 15.
* obs. sous A.P., 25 février 2000, arrêt Costedoat : JCP G., 2000, I, 241, n° 16.
* obs. sous Crim., 28 mars 2000 : JCP G., 2000, I, 241, n° 10.
* obs. sous Civ. 2, 10 mai 2001, arrêt Levert : JCP G., 2002, I, 124, n° 20.
* obs. sous A.P., 14 décembre 2001, arrêt Cousin : JCP G., 2002, I, 124, n° 7.
* obs. sous Civ. 2, 6 juin 2002 : JCP G., 2003, I, 154.
* obs. sous Crim., 29 octobre 2002 : JCP G., 2003, I, 154.
* note sous A.P., 6 octobre 2006 : D. 2006, p. 2285.
A. WAHL, note sous C.A., PARIS, 7 décembre 1907 : S., 1909, 2ème partie, 129.

587
PLAN

Sommaire ................................................................................................................................................ 9
INTRODUCTION ................................................................................................................................. 11
Partie 1 – La déconstruction du régime de responsabilité civile dans le mandat .................................. 31
Titre 1 – La spécificité du mandat ..................................................................................................... 33
Chapitre 1 – Le critère de distinction : l’action « au nom d’autrui » ............................................ 37
Section 1 - L’identification du contrat de mandat à partir du critère de l’action « au nom
d’autrui » ................................................................................................................................... 38
§1- La signification du critère .............................................................................................. 38
§2- L’utilisation du critère ................................................................................................... 43
A- La consécration d’un mandat essentiellement représentatif ........................... 44
1- La conception du mandat avant 1804 .................................................................... 44
2- La conception du mandat dans le Code civil de 1804 ........................................... 47
a- L’analyse des articles 1984 et suivants du Code civil........................................ 47
i- L’interprétation de la définition légale du mandat : l’article 1984 du Code civil
48
ii- L’analyse fondée sur les autres textes du Code civil ..................................... 50
b- L’interprétation doctrinale et jurisprudentielle de l’article 1984 du Code civil 52
B- La distinction du mandat et des contrats d’intermédiaire............................... 55
1- La distinction du « vrai » et des « faux » mandats ................................................ 56
2- La distinction de l’action « au nom d’autrui » et de l’action « in proprio nomine »
62
Section 2 – La structure du mandat ........................................................................................... 68
§ 1 - L’analyse structurelle du mandat dans les droits européens : un clivage apparent .. 71
A- La confusion du mandat et de la représentation .............................................. 72
B- Les exemples avérés de dissociation du mandat et de la représentation ........ 75
§ 2 - L’analyse structurelle du mandat en droit français .................................................... 79
A- La réalisation de la dissociation en droit français ............................................ 80
1- Les limites de la confusion du mandat et de la représentation .............................. 80
2- La structure dualiste du mandat en droit français .................................................. 84
a- L’approche empirique ........................................................................................ 84
b- L’approche théorique ......................................................................................... 88
B- La nature juridique du mandat .......................................................................... 92
Conclusion du Chapitre ................................................................................................................. 99

588
Chapitre 2 - Les effets du critère de l’action « au nom d’autrui » sur le régime juridique de
l’action accomplie « pour le compte autrui » .............................................................................. 101
Section 1- Les effets de l’action « au nom d’autrui » à l’égard des tiers cocontractants ........ 102
§1- La distinction entre les intermédiaires transparents et les intermédiaires opaques .. 103
§2- La mise en œuvre de la distinction entre les intermédiaires transparents et les
intermédiaires opaques ....................................................................................................... 105
A- La distribution des qualités de partie et de tiers au contrat conclu par
intermédiation ................................................................................................................ 105
B- L’attribution des qualités de demandeur et de défendeur à une action en
responsabilité contractuelle .......................................................................................... 111
Section 2- Les effets de l’action « au nom d’autrui » à l’égard des parties au contrat de mandat
................................................................................................................................................. 116
§1- L’expression d’une confiance particulière .................................................................. 118
A- L’originalité de la révocation ad nutum .......................................................... 122
B- La vigueur de la révocation ad nutum ............................................................. 128
§2- La mise en œuvre de la confiance du mandant........................................................... 131
A- Le respect d’obligations fiduciaires ................................................................. 131
B- L’indisponibilité du pouvoir ............................................................................. 136
1- L’autorisation de la substitution de mandataire ................................................... 137
2- Les garanties à la substitution de mandataire ...................................................... 140
Conclusion du Chapitre ............................................................................................................... 145
Conclusion du Titre ......................................................................................................................... 147
Titre 2 - La mise en œuvre de la responsabilité civile dans le mandat : état des lieux du droit
positif ........................................................................................................................................... 149
Chapitre 1 – La mise en œuvre de la responsabilité civile dans le cadre de la relation interne... 151
Section 1 – La responsabilité du mandataire ........................................................................... 152
§1- La responsabilité du mandataire dans le cadre de l’inexécution ou de la mauvaise
exécution de son obligation principale de diligence .......................................................... 152
A- La responsabilité du mandataire pour son fait personnel ............................. 153
1- La responsabilité du mandataire pour inexécution ou mauvaise exécution de la
mission......................................................................................................................... 153
a- Le régime juridique de la responsabilité du mandataire pour inexécution ou
mauvaise exécution de la mission............................................................................ 155
b- Le régime juridique de la faute du mandataire : l’article 1992 alinéa 2 du Code
civil 158
i- La distinction entre les mandataires bénévoles et les mandataires rémunérés
158

589
ii- La mise en œuvre de la distinction............................................................... 164
2- La responsabilité du mandataire pour déloyauté envers le mandant ................... 172
B- La responsabilité du mandataire du fait d’un sous-mandataire ................... 176
§2- La responsabilité du mandataire dans le cadre de l’inexécution ou de la mauvaise
exécution de son obligation accessoire d’information ...................................................... 180
A- L’intensité variable de l’obligation d’information ......................................... 182
B- Le régime juridique de l’exécution de l’information...................................... 187
Section 2 – La responsabilité du mandant ............................................................................... 191
§1- La responsabilité du mandant dans le cadre d’un contrat-permutation .................... 191
§2- La responsabilité du mandant dans le cadre d’un contrat-coopération..................... 195
Conclusion du Chapitre ............................................................................................................... 199
Chapitre 2 – La mise en œuvre de la responsabilité civile dans le cadre de la relation externe .. 201
Section 1- La suprématie de la responsabilité personnelle ...................................................... 202
§1- Le principe de la responsabilité personnelle du mandataire ...................................... 203
§2- Les aménagements à la responsabilité personnelle du mandataire ........................... 209
Section 2- La place exceptionnelle de la responsabilité du fait d’autrui ................................. 214
§1- Les solutions classiques ............................................................................................... 217
A- La responsabilité du mandant sur le fondement d’une faute personnelle.... 217
1- Exposé du principe .............................................................................................. 218
2- Critique du principe ............................................................................................. 220
B- La responsabilité du mandant sur le fondement de l’article 1384 alinéa 5 du
Code civil ........................................................................................................................ 221
1- L’applicabilité théorique de la responsabilité de l’article 1384 alinéa 5 au mandat
222
2- L’impossibilité pratique de l’application de l’article 1384 alinéa 5 au mandat... 226
a- L’impossible application de l’article 1384 alinéa 5 du Code civil au mandat au
regard de la nature de la responsabilité du commettant ......................................... 227
b- L’impossible application de l’article 1384 alinéa 5 du Code civil au mandat au
regard de la compatibilité théorique des qualités de mandataire et de gardien ..... 231
§2- La responsabilité du mandant sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du Code civil
............................................................................................................................................. 234
A- La consécration d’un principe général de responsabilité du fait d’autrui ... 234
B- L’inapplicabilité de l’article 1384 alinéa 1er dans le cadre du mandat ......... 237
Conclusion du Chapitre ............................................................................................................... 245
Conclusion Partie 1 ............................................................................................................................. 247
Partie 2 – La reconstruction du régime de responsabilité civile dans le mandat ................................. 251

590
Titre 1 – La réparation du dommage subi par le tiers dans le cadre de la mission de
représentation : l’obligation à la dette ............................................................................................ 255
Sous-Titre 1 – L’existence d’une responsabilité par représentation en droit positif ...................... 257
Chapitre 1 – La reconnaissance d’une responsabilité par représentation .................................... 259
Section 1 – L’approche empirique de la responsabilité par représentation ............................. 260
§1- La présence équivoque d’une responsabilité par représentation en jurisprudence ... 260
A- L’exposé de la jurisprudence relative à l’hypothèse d’une responsabilité par
représentation ................................................................................................................ 260
B- L’interprétation de la jurisprudence relative à l’hypothèse d’une
responsabilité par représentation................................................................................. 263
§2- L’accueil mitigé d’une responsabilité par représentation en doctrine ....................... 266
Section 2 – L’approche théorique : la démonstration de l’existence d’une responsabilité par
représentation en droit positif .................................................................................................. 269
§1- Le renouvellement de la notion de représentation ...................................................... 269
A- La critique de la théorie classique de la représentation ................................. 269
B- La conception nouvelle : le lien juridique obligatoire .................................... 273
1- La présentation du lien juridique obligatoire ....................................................... 273
2- La réalité du lien juridique obligatoire ................................................................ 275
§2- L’admission de la responsabilité par représentation du mandant pour les faits de son
mandataire .......................................................................................................................... 278
Conclusion du Chapitre 1 ............................................................................................................ 283
Chapitre 2 – La mise en œuvre de la responsabilité par représentation ...................................... 285
Section 1 – Le régime juridique de la responsabilité par représentation ................................. 286
§1- Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité par représentation ................. 286
A- L’approche empirique : le contenu de la responsabilité civile des personnes
morales ........................................................................................................................... 287
1- La nature de la responsabilité des personnes morales ......................................... 287
a- Une responsabilité personnelle ........................................................................ 288
b- Une responsabilité par représentation ............................................................. 294
2- Les enseignements tirés de la responsabilité par représentation des personnes
morales pour la responsabilité par représentation dans le mandat .............................. 300
B- L’approche théorique : les conditions constitutives d’une responsabilité par
représentation ................................................................................................................ 307
1- Un fait du représentant ........................................................................................ 309
2- L’examen du rapport de représentation ............................................................... 314
§2 - La place de la volonté individuelle dans la mise en œuvre de la responsabilité par
représentation ..................................................................................................................... 319

591
A- L’admissibilité théorique de la convention portant sur la responsabilité par
représentation ................................................................................................................ 321
B- L’illégitimité pratique de la convention portant sur la responsabilité par
représentation ................................................................................................................ 326
Section 2 – Le domaine de la responsabilité par représentation .............................................. 329
§1- La possible extension de la responsabilité par représentation des personnes physiques
en dehors du mandat .......................................................................................................... 329
A- La nature juridique du mandat apparent ....................................................... 330
B- La responsabilité par représentation du « mandant apparent » ................... 333
§2- L’universalité de la responsabilité par représentation ................................................ 336
A- La généralité de la responsabilité par représentation .................................... 336
B- L’utilité de la responsabilité par représentation............................................. 338
Conclusion du Sous-Titre 1 ............................................................................................................. 345
Sous-Titre 2 – La place de la responsabilité par représentation dans le droit de la responsabilité
civile ................................................................................................................................................ 347
Chapitre 1 – Un nouveau droit commun de la responsabilité civile ............................................ 349
Section 1 – L’incompatibilité entre les qualifications traditionnelles et la responsabilité par
représentation .......................................................................................................................... 352
§1- Le rejet de la qualification de « responsabilité du fait d’autrui » ............................ 352
A- La notion de « responsabilité du fait d’autrui » ............................................. 353
1- L’exigence d’un fait d’autrui ............................................................................... 354
2- L’existence d’un rapport spécifique d’autorité .................................................... 362
a- Le rejet de la « garde d’autrui » ....................................................................... 364
b- L’adoption de l’« autorité sur autrui » ............................................................. 368
B- La responsabilité du fait d’autrui à l’épreuve de la représentation.............. 371
1- L’existence contestable d’un rapport spécifique d’autorité ................................. 371
2- L’absence décisive de fait d’autrui ...................................................................... 373
§2- Le rejet de la qualification de « responsabilité du fait personnel » .......................... 378
A- Le fondement de la responsabilité du fait personnel : un acte objectivement
libre 380
B- La responsabilité du fait personnel à l’épreuve de la représentation ........... 383
1- L’approche empirique : l’exemple de la responsabilité civile des personnes
morales ........................................................................................................................ 383
2- L’approche théorique : le rejet de la nature personnelle de la responsabilité par
représentation .............................................................................................................. 387
Section 2 – L’autonomie de la responsabilité par représentation ............................................ 390

592
§1- Les manifestations de l’autonomie .............................................................................. 392
A- La spécificité des règles de la responsabilité par représentation .................. 393
1- L’examen de la spécificité des règles de la responsabilité par représentation..... 393
2- Le domaine propre de la responsabilité par représentation ................................. 395
B- L’homogénéité des règles de la responsabilité par représentation ............... 399
§2- L’organisation de la responsabilité par représentation .............................................. 402
Conclusion du Chapitre 1 ............................................................................................................ 405
Chapitre 2 – L’articulation de la responsabilité par représentation avec les autres régimes de
responsabilité civile ..................................................................................................................... 407
Section 1 – Les hypothèses de concours d’actions entre la responsabilité par représentation et
les autres régimes de responsabilité ........................................................................................ 409
§1 – La notion de concours d’actions ...................................................................................... 410
§2 – Le domaine du concours d’actions dans le cadre de la responsabilité par représentation 413
Section 2 – La résolution des concours d’actions entre la responsabilité par représentation et les
autres régimes de responsabilité .............................................................................................. 417
§1 – La pluralité d’actions dirigées contre le mandant ou représenté.............................. 418
§2 – Le concours d’actions entre la responsabilité du mandant - représenté et la
responsabilité du mandataire – représentant..................................................................... 421
A- L’application exclusive de la responsabilité par représentation dans
l’hypothèse d’une faute commise dans le cadre du pouvoir des fonctions ............... 422
1- L’approche empirique ......................................................................................... 423
a- L’application exclusive de la responsabilité par représentation du mandant . 423
b- L’application exclusive de la responsabilité par représentation de la personne
morale...................................................................................................................... 425
2- L’approche théorique : le fondement de l’application exclusive de la responsabilité
par représentation ........................................................................................................ 428
B- L’application concurrente de la responsabilité par représentation du
représenté et de la responsabilité personnelle du représentant dans l’hypothèse
d’une faute personnelle de l’agent ............................................................................... 432
Conclusion du Chapitre 2 ............................................................................................................ 435
Conclusion du Titre 1 ...................................................................................................................... 437
2nd Titre – Le rayonnement de la responsabilité par représentation sur le lien interne : la
contribution à la dette ................................................................................................................. 439
Chapitre 1 – L’admission des actions récursoires ....................................................................... 441
Section 1 – La nature de la responsabilité par représentation ................................................. 444
§1- Une responsabilité par autrui ...................................................................................... 444
§2- Une responsabilité « réputée personnelle »................................................................ 449

593
Section 2 – La nature des actions en contribution ................................................................... 452
§1- Le rejet des actions récursoires de type subrogatoire ................................................. 452
A- La mise en œuvre des actions récursoires de type subrogatoire : la nécessité
du paiement d’une dette d’autrui ................................................................................ 452
B- L’absence de dette d’autrui : l’impossibilité des actions récursoires de type
subrogatoire ................................................................................................................... 460
§2- L’admission de recours de type personnel................................................................... 461
A- L’existence du recours ...................................................................................... 462
1- L’approche empirique ......................................................................................... 463
a- Le recours du débiteur contre le débiteur substitué ......................................... 463
b- Le recours du débiteur contre le codébiteur libéré par la victime ................... 469
2- L’approche théorique........................................................................................... 471
B- Le fondement du recours .................................................................................. 473
Conclusion du Chapitre ............................................................................................................... 477
Chapitre 2 – L’exercice de l’action en contribution .................................................................... 479
Section 1 – L’introduction du recours en contribution ............................................................ 480
§1- Le recours après condamnation : l’action récursoire stricto sensu........................... 480
A- Le support juridique de l’action récursoire : l’action civile initiale ............. 481
1- Le respect de l’autorité de la chose jugée ............................................................ 481
2- Le respect de la condamnation prononcée au cours du procès principal ............. 484
B- L’admission du recours du défendeur à l’action principale contre un tiers 486
§2- Le recours anticipé : l’appel en garantie..................................................................... 491
A- La mise en œuvre de l’appel en garantie ......................................................... 492
1- Le moment de l’appel en garantie ....................................................................... 493
2- La garantie simple du mandant contre le mandataire .......................................... 496
B- Les effets de la mise en œuvre garantie simple ............................................... 499
Section 2 – L’exigence d’une faute du mandataire ou représentant ........................................ 502
§1- La consécration de la distinction mandataire professionnel – mandataire profane . 502
A- L’irréalisme de la distinction mandat gratuit – mandat onéreux ................. 503
1- La primauté de la distinction mandat gratuit – mandat onéreux.......................... 503
2- Les insuffisances de la distinction mandat gratuit – mandat onéreux ................. 506
B- La possibilité d’une responsabilité professionnelle du mandataire .............. 509
§2- Les conséquences de la distinction mandataire professionnel – mandataire profane
sur leurs obligations réciproques ....................................................................................... 513
A- Les conséquences de la distinction sur les obligations du mandataire.......... 514

594
B- Les conséquences de la distinction sur les moyens de défense du mandataire :
les obligations du mandant ........................................................................................... 520
Conclusion du Chapitre ............................................................................................................... 525
Conclusion du Titre ..................................................................................................................... 527
Conclusion Partie 2 ............................................................................................................................. 529
CONCLUSION GENERALE ............................................................................................................. 531
INDEX ................................................................................................................................................ 541
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................. 546
I- Ouvrages généraux, Traités et Manuels .............................................................................. 546
II- Ouvrages spéciaux, monographies, thèses et cours. ....................................................... 552
III- Travaux collectifs et colloques .......................................................................................... 563
IV- Articles................................................................................................................................ 569
V- Notes de jurisprudence...................................................................................................... 578

595
596
Mandat et responsabilité civile

A l’époque contemporaine, le mandat est l’objet d’une professionnalisation et d’une


diversification. Il est, désormais, au cœur de la vie des affaires : banquiers, commerçants, chef
d’entreprise, … l’utilisent afin de dynamiser leurs affaires. Le mandat se présente ainsi
comme un contrat conclu principalement dans l’intérêt du mandant.

Pourtant, l’étude des liens entre le mandat et la responsabilité civile montre que l’importance
du bénéfice retiré par ce personnage est occultée par le danger que représenterait, pour un
individu, la gestion de ses affaires par autrui. Concrètement, le droit positif et la doctrine ont
tendance à apprécier sévèrement la responsabilité du mandataire, tant à l’égard du mandant
qu’à l’égard des tiers. Il existe donc un certain décalage entre l’approche juridique et la réalité
pratique du mandat, entre le profit et le risque. Si la première alternative se justifie, la seconde
apparaît plus problématique. En effet, au regard de la spécificité altruiste du mandat, l’on
pourrait se demander dans quelle mesure le mandant qui tire avantage de l’activité
économique de son mandataire peut être tenu pour responsable des dommages éventuellement
subis pas les tiers.

Mandate and liability

In modern times, mandate is subject to professionalization and diversification. It is now at the


heart of business: bankers, businessmen, entrepreneur, ... use it to boost their business. The
mandate presents itself as a contract primarily for the benefit of the principal.

However, the study of the relationship between the mandate and liability shows that the
importance of the benefit derived by that character is overshadowed by the danger would be
for an individual, the management of its affairs by others. Specifically, the positive law and
doctrine tend to severely assess the responsibility of the agent, both in respect of principal in
respect of third parties. There is therefore a gap between the legal approach and the practical
reality of mandate between profit and risk. If the first alternative is justified, the second is
more problematic. Indeed, under the altruistic specific mandate, one might ask to what extent
the client that takes advantage of the economic activity of the agent can be held liable for any
damages suffered not the third party.

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