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Le concept de responsabilité
Paul Ricœur*
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compte de quelqu'un une action blâmable, une faute, donc une action
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2. Il est remarquable que d'autres langues, marquées comme le français par l'usage latin
des termes putare et imputatio, restent tributaires de la métaphore du « compte », comme on
voit avec l'allemand Zurechnung et l'anglais accountability : Oxford English Dictionary donne
cette définition de accountable : liable (ligabilis), that can be bound to be called to account, or
to answer to responsibilities and conduct ; answerable, responsible. La filiation d'accountable à
responsible est préservée dans la définition de ce dernier terme : Responsible : morally accountable
for one's own actions : capable of rational conduct.
3. Jusqu'au milieu du XIXe siècle, le verbe imputer a pu être pris « en bonne part », au sens
d'attribuer (à quelqu'un) quelque chose de louable, de favorable. L'attribution peut même être
faite sans idée de blâme ni d'éloge : imputer un ouvrage à un auteur présumé. D'où l'expression :
imputer à crime, ou à gloire. L'action d'imputer n'est donc pas nécessairement liée au blâme,
à l'accusation, donc à la faute.
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4. Sur tout ceci, cf. Ritter, art. Imputation (Zurechnung), p. 274-277. Sur Pufendorf (De jure
naturae et gentium, Lund, 1672), cf. Simone Goyard-Fabre, Pufendorf et le droit naturel, Paris,
Pu F, 1994 ; on lira en particulier les pages relatives à la théorie des « êtres moraux » (entia
moralia), à leur capacité d'institution ou d'imposition (impositio) et au rapport à l'imputation
qui résulte de cette capacité, p. 51-56.
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saire d'admettre, pour les expliquer, une causalité par une liberté. »
Antithèse : « Il n'y a pas de liberté mais tout dans le monde arrive
selon les lois de la nature » (A 445, B 473). Il faut donc commencer
par là, par ces deux façons pour un événement d'arriver, arriver par
la poussée des choses, arriver par le jaillissement de la spontanéité
libre. C'est bien entendu du côté de la thèse qu'il faut placer l'idée
d'imputation. Voici comment elle entre en scène : d'abord dans la
Preuve, ensuite dans la Remarque sur la troisième antinomie. A vrai
dire, le mot n'apparaît pas en clair dans la « Preuve », mais seule
ment ce en constitue la racine, à savoir la notion de « spontanéité
qui
absolue des causes », est-il dit, « consiste à commencer
laquelle,
de soi (von Selbst) une série de phénomènes qui se déroulent selon
des lois naturelles, une liberté transcendantale »
par conséquent
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6. La suite du texte de la Dialectique fait apparaître deux idées importantes. Selon la pre
mière, la raison est engagée dans cette controverse insurmontable par des intérêts opposés. Kant
distingue à cet égard plusieurs modalités d'intérêt. D'abord un intérêt pratique : c'est lui qui
est dominant dans le passage de l'idée de liberté transcendantale à celle d'imputabilité (Kant
parle à cet égard de « pierres fondamentales de la morale et de la religion », A 467) ; mais
l'intérêt spéculatif n'est pas moindre, consistant à penser l'inconditionné, irréductible au mou
vement que suit l'entendement montant et descendant de condition en condition ; s'y ajoute
enfin ce que Kant appelle intérêt populaire : « le sens commun, dit-il, ne trouve
pas la moindre
difficulté dans les idées de commencement inconditionné de toute synthèse », en revanche,
« l'empirisme exclut toute
espèce de popularité », tant il est difficile de « rester tout à fait muet
et avouer son ignorance ». La seconde idée à retenir pour la suite de la discussion est le
style
de solution de la troisième antinomie. Alors que les deux premières antinomies, dites « mathé
matiques » (concernant la grandeur absolue du monde, dans l'espace et dans le temps) n'auto
risent qu'une solution sceptique, consistant à renvoyer dos à dos la thèse et l'antithèse,
l'antinomie « dynamique » de la causalité libre et de la causalité naturelle autorise une conci
liation, consistant à conserver la thèse et l'antithèse sur deux plans distincts, celui de la ré
gression finie de la chaîne des conditions à l'inconditionné, et celui de la régression sans fin
de condition en condition. C'est une conciliation proprement phénoménologique que nous pro
posons plus loin, en termes d'initiative ou d'intervention.
7. « Imputation désigne une relation normative : c'est cette relation et rien d'autre
qu'exprime
le terme sollen lorsqu'il est utilisé dans une loi morale ou dans une loi juridique » (traduction
Ch. Eisenmann, p. 124). Que reste-t-il alors de l'enracinement cosmologique de l'imputation tel
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II
Imputation et « ascription »
que l'avait préservé la troisième Antinomie kantienne ? Rien, à la limite : « Ce n'est nullement
la liberté, entendue comme la non-détermination causale de la volonté, qui rend l'imputation
possible, mais tout à l'inverse, l'imputation suppose la déterminabilité causale de la volonté.
On n'impute pas à l'homme parce qu'il est libre, mais l'homme est libre parce qu'on lui impute »
(ibid., p. 134). La deuxième Critique kantienne, serait-on tenté de dire, a évacué la première
et sa partie la plus dramatique, la théorie des Antinomies. En témoigne cette dernière définition
de l'imputation, d'où toute trace d'aporie paraît avoir été éliminée : imputation, « connexion
établie entre une conduite humaine et la condition sous laquelle elle est prescrite ou défendue
par une norme » (ibid., p. 127). Ces citations sont empruntées à Simone Goyard-Fabre, Kant et
le problème du droit, Paris, Éd. Vrin, 1975, p. 47-52.
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8. P. Strawson, Individuals, Londres, Methnen and Co, 1959 ; trad, franç. A. Shalom et
P. Drong, Paris, Le Seuil, 1973.
9. L. A. Hart, "The Ascription of Responsibility and Rights", in Proceedings of the Aristotelian
Society, 1948, p. 171-194.
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langage, où l'accent est mis, non plus sur les énoncés (leur sens et
leur référence) mais sur les énonciations, comme c'est le cas dans
prolongeant ainsi le
procès de découplage de l'énonciation-acte
d'avec l'énoncé-proposition. Il devient alors possible de cerner l'acte
d'auto-désignation du sujet parlant et du sujet agissant, et de faire
concourir la théorie de l'ascription, qui encore une fois parle de la
personne du dehors, avec une théorie de l'énonciateur où la personne
se désigne elle-même comme celui ou celle qui parle et agit, voire
agit en parlant, comme c'est le cas dans l'exemple de la promesse,
érigée en modèle de tous les actes de discours.
Telle
serait, en philosophie analytique, la première moitié du
tableau de marche pour une reconstruction de l'idée de spontanéité
libre. La seconde moitié serait occupée par la contribution de la
théorie de l'action. Les Investigations philosophiques du second Witt
genstein et les analyses minutieuses de D. Davidson dans Essays
on Actions an Events10 sont ici les guides les plus instructifs. Il en
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12. Parmi divers modèles de composition entre causalités hétérogènes, je privilégie celui de
H. von Wright, dans Explanation and Understanding, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1971.
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si la substitution de l'idée
de risque à celle de faute n'aboutit pas,
paradoxalement, à une totale déresponsabilisation de l'action. La
référence à la faute dans le champ de la responsabilité civile demeu
rerait alors
inexpugnable. La question est posée aussi bien par
Mireille Delmas-Marty dans Pour un droit commun que par F. Ewald
dans PÉtat-providence13. On se reportera aussi à l'article de Laurence
Engel « Vers une nouvelle approche de la responsabilité » dans
Esprit14. Ces auteurs partent tous de la constatation que la crise du
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Mais
il est d'autres effets plus subtils. Dans la mesure où, dans
les procès donnant lieu à indemnisation, ce sont des relations
contractuelles qui sont majoritairement en jeu, la suspicion et la
défiance entretenues par la chasse au responsable tendent à cor
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Mais
on aperçoit aussi quelles difficultés nouvelles soulève cette
extension virtuellement illimitée de la portée de nos actes et donc
de notre responsabilité. A trois égards au moins. Vient d'abord la
difficulté d'identifier le responsable au sens d'auteur proprement dit
des effets nuisibles ; ainsi est remis en question l'acquis, redevable
au droit pénal, de l'individualisation de la peine. Ce sont des
myriades de micro-décisions singulières, mêlées à un nombre indé
fini d'interventions prenant sens au niveau des systèmes institués,
tels que système écologique, bureaucratique, financier, etc., bref,
au niveau de tous les systèmes énumérés J.-M. sous le
par Ferry
titre d'« ordres de la reconnaissance16 ». Tout se comme si la
passe
16. Jean-Marc Ferry, les Puissances de l'expérience, t. II, les Ordres de la reconnaissance,
Paris, éd. du Cerf, 1991, en particulier p. 7-115.
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Le concept de responsabilité
introduisons le relais
des générations. Hans Jonas n'a pas tort d'in
terpoler en quelque sorte entre chaque agent et les effets lointains
le lien interhumain de filiation. Il est alors besoin d'un impératif
nouveau, nous imposant d'agir de telle façon qu'il y ait encore des
humains après nous. A la différence du second impératif kantien,
impliquant une certaine contemporanéité entre l'agent et son vis-à
vis, cet impératif est sans considération de durée. Mais, et là serait
la réponse à la troisième difficulté, une responsabilité sans consi
dération de durée serait aussi une responsabilité sans considération
de proximité et de réciprocité. On peut toutefois se demander ce
que devient l'idée de solidarité ainsi étirée dans la durée.
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21. De toutes les conséquences de mon action je n'ai « de comptes à rendre (nur an dem
Schuld zu haben) que de ce que la volonté sait des conditions de son but, de ce qui s'en trouvait
dans son projet ». C'est « le droit de la volonté » de ne « s'attribuer (zurechnen) que ces consé
quences miennes », § 117-118.
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peut être l'effet des développements que nous venons de décrire sur
Paul Ricœur
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