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(1) A. Gramsci, Note sul Machiavelli sulla politica e sullo stato moderno,
Einaudi, ed., 1949.
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dans une démarche qui fait passer l'écrivain d'une position à une
autre, qui lui permet d'esquisser successivement telle et telle
thèse et de les détruire en tant que thèses, de conserver dans ce
mouvement des repères, de les multiplier et, grâce à eux, de
circonscrire un ordre de phénomènes dont jusque alors l'unité
n'avait jamais été perçue. Certes, on peut soutenir, avec quelque
raison, que le dernier chapitre du Prince suggère une représentation
déterminée de l'œuvre. Il n'est pas douteux, malgré les dénégations
de quelques critiques, que Machiavel ait conçu la nécessité d'une
unification de l'Italie et qu'il ait estimé qu'un pouvoir fort était
seul susceptible de la réaliser, en brisant la résistance des féodaux
et en suscitant l'enthousiasme d'un peuple auquel le pillage des
étrangers, l'oppression vorace des tyrans et la corruption des répu-
bliques avaient fait prendre en dégoût sa situation présente ; il
est probable qu'il eut l'intention de s'adresser simultanément à un
condottiero assez audacieux pour suivre le chemin tracé par Cesar
Borgia et aux jeunes hommes de la bourgeoisie qu'il côtoyait
quotidiennement afin de* montrer à l'un et aux autres les conditions
de l'émancipation de l'Italie, le sens de la conquête du pouvoir et
le sens d'une nouvelle discipline ; il est possible enfin qu'il ait
aperçu dans l'histoire de son temps l'exigence d'une alliance de la
monarchie absolue et de la petite bourgeoisie. Mais une telle
représentation ne donne pas pour autant la clé de son œuvre. Ce
qui importe est que le même homme qui écrivait une exhortation
à délivrer l'Italie des barbares, analysait les erreurs que fit
Louis XII en envahissant la Lombardie et indiquait à un éventuel
conquérant les moyens qu'il devrait employer pour s'emparer
de l'Italie. L'essentiel n'est pas davantage que Machiavel, comme
des générations de polémistes se sont acharnées à le souligner, ait
affirmé que le prince devait user de violence, de ruse et de mensonge
pour prendre le Pouvoir et le conserver, et qu'à défaut d'un
emploi méthodique de ces moyens, qu'à vouloir par exemple se
faire aimer de ses sujets grâce à ses libéralités, il était condamné
à, l'échec. Ce qui importe est que l'homme qui observait sans indul-
gence et avec le parti de la lucidité la conduite des maîtres du
Pouvoir et leur recommandait d'agir en toute rigueur selon leur
intérêt, ce même homme méprisait l'hypocrisie et le recours à la
force quand ils n'étaient pas subordonnés à une fin consciemment
visée. La vérité de son œuvre ne réside même pas dans la tentative,
si neuve soit-elle, pour repérer les conditions d'une rationalisation
de la violence, pour enseigner que la lutte des hommes, sans que les
termes en soient changés, est susceptible d'engendrer un état de
convenance réciproque où le Prince puisse satisfaire son appétit
de puissance, les Grands leur passion des honneurs et le peuple
son besoin de sécurité. Car une telle vérité réside aussi dans la
critique qu'il fait lui-même de cette tentative, convaincu qu'il
est que le Prince ne visant que son but privé, la masse n'obéissant
que par ignorance et les Grands n'étant tenus en respect que par
la force, un accord de leurs intérêts ne peut être réalisé que par
hasard ou grâce à une intelligence exceptionnelle des rapports
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