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Jean Carbonnier disait « la responsabilité civile : il faut réparer le mal, faire ce qu'il semble

n'avoir été qu'un rêve. », le juriste français nous partage ici le rôle de la responsabilité civile, qui
peut donc être définie comme l'obligation faite à une personne de réparer le préjudice causé à autrui.
Les éléments qui sont nécessaires afin de remettre en cause de la responsabilité civile d’un
individus sont une faute et un préjudice ainsi qu’un lien de causalité entre les deux. Le préjudice est
le dommage qui est causé à autrui d'une manière volontaire ou involontaire.

Même-si la genèse de la responsabilité civile remonte à des temps anciens, le mot


« responsabilité » ou « civile » ne commencent à être utilisés qu’au XIXème siècle, en 1804. Après
la révolution les rapports en société ont changé, le législateur fait table rase de l’idée de vengeance
qui avait régit les prémices de la responsabilité civile, mais garde la volonté de punir les dommages
causé à autrui, et affirme la mise en place d’un régime d’indemnisation pour les victimes. Ainsi,
avec l’apparition de l’ancien article 1382, aujourd’hui 1240, le législateur met en place la
responsabilité civile moderne, animée par une approche plus individualiste et libérale, la
responsabilité civile répond alors à une obligation de rééquilibrer, l’individu est alors responsable
parce qu’il a commis une faute et parce qu’il a troublé l’ordre sociale. Cet ordre social est illustré
par le droit positif, comme l’a dit Jacques Chevallier, auteur de L'Etat post moderne, "l'ordre
juridique symbolise l'ordre social », aussi le législateur s’appuie sur les valeurs sociales pour
affirmer le droit, c’est pourquoi le droit est en adéquation avec les valeurs partagées et valorisées
par le corps social. Ainsi, le droit a pour finalité première de régir ce dernier dans le but d’obtenir
un ordre social. En autre, l’équité est une des inspiration du droit qui peut être entendue comme la
vertu qui consiste à adopter une conduite juste, comme l’a dit Philippe Jestaz, l’équité est la
« justice avec un « j » minuscule, non celle qui se clame de la République à la Bastille, mais la
justice discrète des cas particuliers » ainsi nous comprenons que le droit a pour ambition de
promouvoir un idéal du juste, de justice, et de l’incarner. Cependant, le droit ne favorise pas
toujours l’équité en ce que le juge ne peut écarter une disposition légale, même si cette dernière
mène à une injustice. Quant au principe de la morale, autres inspiration du droit, elle a un espace
d’application beaucoup plus restreint et se cantonne à régir les consciences individuelles, elle incite
à une perfection des individus. Ainsi ces deux principes se complètent mais ne vont parfois pas de
paire, car en effet tout ce qui est légal, juste, n’est pas forcement moral. On pense ici notamment à
l’époque ou l’esclavagisme était légal, bien qu’il n’est jamais été moralement décent de traiter des
Hommes ainsi, selon nos valeurs actuelles, l’esclavagisme est moralement inimaginable. Cette
exemple apporte alors un autre facteur important dans la moralité, la subjectivité et la temporalité,
tout le monde n’a pas les memes valeurs morales, et ce qui est morale à un moment donné peut ne
plus l’être à un autre moment.
Dans notre étude, nous nous concentrerons sur la définition la plus partagée de la morale
afin d’avoir une analyse d’actualité et adéquate, la morale est donc un ensemble de règles,
d’obligations ou d'interdictions relatifs à la conformation des actions humaines aux mœurs et aux
usages d'une société donnée à un moment donné.

Aussi, le sujet de ce travail nous pousse à nous intéresser à la moralité de la responsabilité


civile, branche importante du droit des obligations trouvant ses sources dans les situations
contractuelles ou extra-contractuelles. Cependant, les origines antiques et médiéval de la
responsabilité civile se confondant à une volonté et un droit de vengeance, comment la
responsabilité civile s’articule aujourd’hui avec les moeurs sociaux qui ont évolués, sommes nous
toujours dans une logique punitive et de représailles ou la cible de la responsabilité civile a-t-elle
changé ? La responsabilité civile est-elle intrusive et une entrave à la liberté individuelle ? Les
dommages pour lesquels il est possible d’engager la responsabilité civile d’autrui, ainsi que les
mécanismes pour y faire face répondent-ils aux exigences morales en vigueur ?

Nous pouvons alors nous demander si la responsabilité civile est morale ?

Oui, la responsabilité civile a évolué au même titre que les bons moeurs conformant sa finalité
première, la réparation, à la moral. Cependant, la responsabilité civile semble moralement
discutable sur certains points.

Nous étudierons alors dans une première partie l’équilibre entre liberté et responsabilité la
responsabilité civile face à la moralité (I), puis nous nous intéresserons ensuite à la responsabilité
civile comme concept moralement discutable (II)

I - L’équilibre entre liberté et responsabilité la responsabilité civile face à la moralité

La responsabilité va trouver son équilibre et son fondement dans le concept du contrat social
(A) et va être un outil pour une réparation intégrale et équitable (B)

A - Contrat social comme fondement de l’équilibre moral de la responsabilité civile

La responsabilité civile est grandement rattachée au concept du contrat social, établit par
Jean-Jacques Rousseau, cette notion définit dans une société les relations, les comportements et les
obligations que doivent adopter les individus afin de respecter les droits de chacun, droits conférés
par le respect de ces obligations. Il est alors dégagé ici une logique de balance et d’équilibre, les
individus acceptent de se soumettre à des obligations, en échange de prérogatives. Par ailleurs, la
responsabilité civile, a pour mission d’imposer des obligations à un individus qui aurait adopté un
comportements aux conséquences négatives. Aussi, le principe d’équilibre est aussi ici présent, en
effet il peut être imposé à l’individu de réparer le préjudice qu’il aura causé en raison du fait qu’il
n’a pas adopté les diligences adaptées.

La responsabilité civile prend donc son origine dans un concept équilibré, et va être un outil de
réparation intégrale et équitable pour les individus victimes de préjudices.

B - Un outil pour une réparation intégrale et équitable

La responsabilité civile se concentre sur la victime, la réparation est intégrale et


systématique (1) et la stricte réparation par équivalent répond à la moralité (2)

1 - Une réparation systématique et intégrale

En laissant à la responsabilité pénal, la mission de punir les auteurs d’infractions, la


responsabilité civile va se préoccuper principalement de la victime. En effet, après la seconde
guerre mondiale Boris Starck élabore une nouvelle approche, abandonner la référence à la faute, et
affirmer un droit à la réparation. IL est alors élaboré une th orie dite de la « garantie », fond e sur
l’existence d’un droit la s curit dont jouirait naturellement tout citoyen. Alors, le responsable du
préjudice est dans l’obligation d’indemniser la victime, certes, mais aussi les victimes ont le droit
d’être indemnisées. C’est par cette notion que naîtront plusieurs système d’indemnisations, comme
par exemple le développement des recours aux caisses de la sécurité sociale. Par ce biais, le
législateur évite des procès à la victime, et l’indemnisation est plus rapide. De plus, le législateur a
affirmé un droit à la réparation intégrale de tous les préjudices subis comprenant les préjudices
matériels, mais également les dommages émotionnels et financiers subis par la victime.

La réparation du préjudice par la responsabilité civile est donc intégrale et systématique,


pour autant, par soucis d’équité, la réparation par équivalent est appliquée

2 - Une stricte réparation par équivalent

La réparation par équivalence est un principe important du droit en matière de responsabilité


civile, et plus particulièrement en ce qui concerne les modalités d’indemnisation des dommages
subis, selon ce concept, l’indemnité accordée doit être équivalente, mais non supérieure, à la valeur
du préjudice subi. Bien que la valeur ne soit pas complexe à déterminer en matière de préjudices
patrimoniaux, où il suffit de connaître la valeur du bien perdu, la question est plus délicate en
matière de dommages extra-patrimoniaux, notamment de dommages à la personne. La mission
revient alors au juge de révéler la valeur du dommage causé, qui peut aujourd’hui se reposer sur une
myriade de jurisprudence recouvrant beaucoup de préjudices. Souvent appliquée de pair avec la





réparation intégrale, grâce la réparation par équivalent la responsabilité civile s’assure que la
victime perçoive une indemnisation adéquate, sans excéder le dommage réelle, et sans que la
réparation par l’auteur n’en devienne une punition.

La responsabilité civile semble ainsi bien équilibrée dans sa finalité première qu’est la
réparation, cependant elle reste sur certains points moralement discutable.

II - La responsabilité civile comme concept moralement discutable

La responsabilité civile va contenir des logiques faisants moralement défaut (A), et certaines de ses
nouvelles fonctions préventives sont moralement discutables (B)

A - Une responsabilité civile faisant moralement défaut

L’abandon de l’exigence d’imputabilité de la faute pour les personnes considérées comme


incapables (1) et certains oublis dans les comportements réprimés illustrant une responsabilité
lacunaire (2) font de la responsabilité civile un concept moralement discutable

1 - L’abandon de l’exigence de l’imputabilité de la faute

Dans le cadre de la responsabilité civile, et contrairement à la responsabilité pénal, le droit


ne fait pas de différence entre les personnes considérées comme étant capables et incapables. En
effet, en ce qui concerne les dommages causés par des personnes atteintes de maladies mentales
l’article 414-3 du code civil dispose que « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était
sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation ». Aussi, bien que les
conditions particulières d’un tel individus ne le rendent pas responsable pénalement, il en retourne
l’opposé en ce qui concerne la responsabilité civile même si son esprit est aliéné au moment du
dommage. Alors, ce traitement indiffèrent à l’égard des situations individuelles semble injuste,
l'abandon de l'exigence de l'imputabilité de la faute en ce qui concerne les dommages causés dans le
cadre des entreprises, rendant responsable les entreprises et ses dirigeants, bien qu’il n’est pas
commis de faute.

Au delà de ces règles qui semblent injustes, la responsabilité civile apparaît comme
lacunaire concernant plusieurs comportements négatifs qu’elle omet d’admettre comme préjudice
ou la prescription de l’action en responsabilité civile.

2 - Une responsabilité civile lacunaire

La responsabilité civile a pour finalité d’imposer des obligations à un individus qui aurait
adopté un comportements aux conséquences négatives. Cependant, le législateur a omit de
soumettre à la responsabilité civile certains comportements qui sont clairement répandu mais
pourtant négatifs, nous pensons notamment au mensonge qui n’est pas réprimé par le droit, en
dehors de la diffamation. En effet, tout mensonge n’est pas punissable bien que la véritable
altération et modification de la vérité est immoral. Par ailleurs, un autre principe du droit pose
moralement question, celui du délai de prescription qui rend impossible la mise en cause de la
responsabilité civile d’autrui après passé un certain délai. En matière civile, le délai de prescription
est de 5 ans à partir du moments de la commissions du dommage, cela veut donc dire que après 5
ans, bien que un dommage, un préjudice est bien été commis, la victime n’aura plus le droit de
demander réparation, indemnisation. Cela semble alors injuste pour la victime qui n’aura pas la
possibilité de rétablir l’équilibre que la responsabilité civile est censée reconstituer, mais comme
Goethe l’a dit « « Mieux vaut une injustice qu’un désordre », et l’idée de maintenir l’ordre est bien
plus au coeur du droit, que d’éviter les injustices.

Ainsi la responsabilité civile souffre de lacunes qui insufflent une ombre d’immoralité dans
la système censé réparer les dommages. De plus, bien qu’elle évolue pour faire face à ces
dommages, ces pratiques peuvent être discutables.

B - De nouvelles fonctions préventives moralement discutables

Bien que la responsabilité civile cherche à protéger les individus et la société contre les
dommages causés par autrui, certaines nouvelles fonctions préventives sont moralement discutables.
En effet, afin de prévenir les risques de dommages ou bien de les identifier plus facilement, il fait
application de plusieurs méthodes qui sont moralement discutables comme par exemple les
nouvelles loi sur la surveillance permettant à la police d’utiliser des drones avec caméras pour
surveiller certaines personnes, adoptées le 24 janvier 2022, bien que le conseil constitutionnel en est
donné un avis défavorable. Il parait en effet liberticide de s’adonner à ces pratiques dans la mesure
ou ils peuvent être utilisés sur des personnes qui ne sont pas forcement coupable d’infraction. De
plus, dans l’hypothèse du quasi-contrat de gérance d’affaire où un « gérant d’affaire » s’occupe des
affaires d’une autre personne « le mandant », sans que ce dernier en ait donné l’autorisation mais
dans son intérêt, le gérant d’affaire va pouvoir être poursuivie judiciairement si il n’applique pas les
diligences normales et même si la situation des affaires du mandant serait plus négative sans
l’intervention du samaritain, rendant alors la responsabilité civile discutable sur un plan moral.

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