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Université Paris 13
RAPPORT D’ENQUETE
« PEUT-ON APPRENDRE EN
JOUANT ? »
Un marché naissant et de nouveaux
enjeux pour la formation
RAPPORT D’ENQUETE
INTRODUCTION .......................................................................... 6
PREMIERE PARTIE
1. Des acteurs en quête du positionnement des SG dans la
formation .........................................................................................10
1.1. Entreprises conceptrices, commanditaires : des positionnements
différents en fonction de leur cœur de métier..................................................... 11
1.1.1. Des concepteurs à l’origine de l’impulsion du marché..............................................11
1.1.2. Les entreprises clientes en quête d’une nouvelle approche de formation ..............14
1.1.3. Le SG à la croisée de plusieurs mondes.......................................................................16
1.2. Des chercheurs en quête d’une définition capable de décrire les
spécificités exactes du SG ........................................................................................ 17
1.2.1. La définition du jeu et ses rapports avec l’éducation .................................................17
1.2.2. Les SG entre loisirs, apprentissage et motivation ......................................................21
DEUXIEME PARTIE
2. Démarches nécessaires au développement des SG dans le
domaine de la formation liée au management .............................. 26
2.1. Les modalités partenariales entre prestataires et
chercheurs universitaires sur un marché encore naissant............................. 27
2.2. Les relations des concepteurs avec les entreprises utilisatrices de SG
relèvent davantage d’une étroite collaboration relation fournisseur/client
28
2.3. La coopération étroite entre concepteur et client est à l’origine des
logiques socio-économiques ................................................................................... 29
2.4. Le modèle économique répond au départ à la demande spécifique
d’un client..................................................................................................................... 31
2.5. Les prestataires envisagent un modèle complémentaire :
l’exploitation de SG « génériques » ...................................................................... 32
2.6. Le déploiement du SG dans les entreprises : trois modalités ............ 34
2.6.1. Une stratégie de déploiement dépendante de l’importance et de l’âge de la cible
apprenante ..........................................................................................................................................34
2.6.1.1. Une population de plus en plus habituée aux nouvelles technologies ....................34
2.6.1.2. L’implication nécessaire des salariés et de la hiérarchie.............................................35
2.6.2. Le SG est intégré dans le dispositif de la formation ..................................................36
2.6.3. L’accompagnement est une clé pour l’utilisation des SG..........................................37
2.6.3.1. La nécessité d’un accompagnement pour la formation distancielle.........................37
2.6.3.2. La plus value d’un accompagnement tutoré mis en évidence par une étude
comparative de deux panels avec et sans tuteur ...........................................................................38
TROISIEME PARTIE
3. Recomposition de la formation par l’arrivée des SG ? Les
contradictions apparentes .............................................................. 43
3.1. En quoi la théorie de l’apprentissage situé questionne la tendance à
l’individualisation de la formation ? ...................................................................... 44
3.1.1. L’apprentissage situé, une autre pédagogie d’apprentissage .....................................45
3.1.2. En quoi une entreprise commanditaire se rapproche de l’apprentissage situé ?....46
3.1.3. Un type d’apprentissage fondé sur le contexte et le groupe social ..........................48
3.1.4. Apprentissage situé : une conception pédagogique qui rompt avec la pédagogie
cognitive 49
3.2. La mesurabilité des effets de la formation imposée par la logique de
rationalisation des entreprises serait-elle contraire à l’esprit
d’apprentissage ?......................................................................................................... 50
3.2.1. Les entreprises utilisatrices cherchent à évaluer l’efficacité du SG..........................51
3.2.2. Les méthodes mises en place par les concepteurs de SG pour répondre à la
problématique de la mesurabilité ....................................................................................................53
3.2.3. Les chercheurs ne voient pas la mesurabilité comme une dimension aussi
importante que la pédagogie............................................................................................................55
3.3. Le paradoxe ou la complicité entre la liberté du joueur et la
nécessité d’une évaluation de la formation ......................................................... 57
3.3.1. La situation immersive pour l’apprenant .....................................................................57
3.3.1.1. Le schéma narratif canonique analysé par des universitaires....................................58
3.3.1.2. La situation immersive renouvelle la formation et a pour objectif de motiver le
salarié à se former..............................................................................................................................60
3.3.1.3. Des univers « immersifs » au sein de communautés de pratiques : le jeu comme
lieu de partage d’expérience .............................................................................................................63
3.3.2. Contradiction entre la liberté du joueur et l’intention sérieuse mises en avant dans
SG ? 66
CONCLUSION.............................................................................. 69
Bibliographie .................................................................................. 73
« Les « SG », ces logiciels basés sur les technologies des jeux vidéos, et qui permettent d'apprendre, de
s'entraîner ou encore de tester les compétences et les connaissances », la définition ne vient pas d’un chercheur,
d’un concepteur de jeux vidéo, ou d’un formateur, elle émane du discours tenu par le ministre de
l'Enseignement supérieur et de la recherche lors de son discours aux Assises numériques le 29
mai 2008. Le SG semble avoir déjà acquis une certaine notoriété et on ne peut nier que ce type
d’application suscite de l’intérêt tant auprès des chercheurs, que des concepteurs de jeux vidéo et
des formateurs en e-learning etc. Dans ce contexte, les entreprises organismes de formation, des
développeurs de jeux vidéo décident de se lancer sur ce jeune marché émergent. Ces acteurs sont
cependant confrontés à articuler des dimensions technologiques, ludoéducatifs et stratégiques
pour déterminer les dispositifs capables de favoriser le développement de ce marché.
Ce travail a été mené par les étudiants de la formation Master 1 Management des Innovations en
Communication à l’université Paris 13 et s’inscrit dans une démarche pédagogique qui tente de
s’interroger sur « Un marché naissant et de nouveaux enjeux pour la formation ».
Une première question se pose : comment définir le SG que nous appellerons d’ailleurs
affectueusement par ses initiales « SG » dans la suite du texte ? Cette tentative de définition des
SG est rendue difficile du fait que ce terme est employé par la plupart des intervenants dans ce
secteur d’activité comme moyen de valorisation de leurs actions présentes. Comment chaque
acteur définit le SG ? Est-il possible de dégager une définition prenant en compte les différentes
dimensions de cet objet de recherche? Qu’apportent les analyses des chercheurs en la matière ?
Telles seront les questions auxquelles nous tenterons de répondre dans la première partie.
Notre troisième partie tentera de mettre en valeur les contradictions repérées entre :
La tendance à l’individualisation de la formation en entreprise et la défense de
l’apprentissage dans des communautés de pratiques par les chercheurs en sciences de
l’éducation ;
l’injonction des entreprises de mesurer de plus en plus finement, grâce aux dispositifs
technologiques, les résultats obtenus en matière de formation et la difficulté de soumettre
toutes les dimensions de l’apprentissage, en particulier les acquis réels visés à cette
volonté de mesure ;
le plaisir lié au jeu et le sérieux attendu de la formation. D’après une définition de Ben
Sawyer 1 , repris par Julian Alvarez 2 , chercheur à l’IRIT – CNRS Université Paul Sabatier,
« le SG représente un type d’application informatique qui s’appuie sur le jeu vidéo, tant
sur le plan technique que culturel, pour tenter de «s’écarter du divertissement ».
Afin de répondre à ces interrogations, nous avons établi les hypothèses suivantes :
Hypothèse 1 :
Nous faisons l’hypothèse que le terme de SG est un mot valise que chaque acteur emploie selon
ses propres objectifs, les attendus de chacun correspondent aux finalités qui lui sont propres et le
souci de définir précisément ce que recouvre le terme de SG est peu présent.
Hypothèse 2 :
Nous faisons l’hypothèse que l’analyse des différentes applications développées en termes de SG
dans le domaine du management et des modes de fonctionnement concrets des acteurs
participant à la démarche de conception et déploiement permettent de situer, en partie, les
potentialités et les limites de ce segment de marché des SG.
Hypothèse 3 :
Nous faisons l’hypothèse que les SG, au delà de la nouveauté présente, interrogent différemment
les chercheurs préoccupés d’expériences pédagogiques et de nouvelles formes d’apprentissage
(apprentissage « situé » dans des communautés de pratiques, scénarisation favorisant une
immersion dans le jeu), et les acteurs au sein des entreprises qui appréhendent les SG dans la
filiation des formations e-learning et comme un complément par rapport à d’autres possibles
existants à l’intérieur d’un parcours de formation.
1
“(America’s army) was the first successful and well-executed SG that gained total public awareness"
(traduction de l’auteur), http://www.usatoday.com/tech/gaming/2006-05-19-serious-games_x.htm
2
Alvarez, Julian, 2007, Du Jeu Vidéo au SG, Approches culturelle, pragmatique et formelle, Thèse en science de
la communication et de l’information, Université de Toulouse I et II, Décembre, p. 54 à 56, p. 96 à 97 et p. 136 à
150, http://www.jeux-serieux.fr/wp-content/uploads/THESE_SG.pdf
La conduite de cette enquête nous a amené à poursuivre plusieurs types de travaux. Après avec
défini avec exactitude les termes de la commande, nous avons planifié les tâches à réaliser sur la
période qui nous était impartie.
Dans un premier temps, nous avons mené des recherches générales sur le secteur afin de
nous imprégner des caractéristiques du marché en présence. La presse off et on line
généraliste et spécialisée, les informations institutionnelles (dossier de presse, rapport
d’activité) ont constitué nos premières sources de recherche. Cela nous a permis de
comprendre les problématiques récentes inhérentes au développement des SG et relatives
à la formation professionnelle continue.
Lors d’une deuxième étape, nous avons eu à problématiser les questions qui demeuraient
au centre de notre étude. Nous avons posé une première ébauche des hypothèses de
notre enquête et de la problématique générale.
La quatrième étape a conduit à la rédaction finale. Une fois les interviews effectuées, les
retranscriptions ont été analysées et classifiées à partir d’une grille d’analyse afin de
faciliter la synthèse et la rédaction. Les hypothèses ont été revues et corrigées afin d’être
en adéquation avec la teneur globale et dominante des discours des acteurs.
La tentative de définition des SG est rendue difficile du fait que ce terme est employé par
la plupart des intervenants dans ce secteur d’activité comme moyen de valorisation de leurs
actions présentes. Une trop grande clarification du terme impliquerait la détermination de critères
communs alors que les filières, métiers concernés et les attendus sont variés. Pour chacun de ces
acteurs, le flou de la terminologie est nécessaire pour que chacun garde l’avantage qu’il y trouve et
puisse extrapoler. Les extrapolations et synergies entre développeurs et responsables de
formation sont des conditions nécessaires au développement de l’innovation et à celui d’un
marché. Par leurs sensibilisations auprès des entreprises clientes pour les premiers et auprès de
leur hiérarchie pour les seconds, ces acteurs jouent le rôle de traducteurs au sens donné à ce
terme par Madeleine Akricht, Michel Callon, Bruno Latour, chercheurs en sociologie de la
traduction. 3
C’est pourquoi nous considérerons le terme SG comme un mot-valise au sens donné par Patrice
Flichy 4 . Ce dernier estime que la fonction du mot valise n’est pas de stabiliser des usages, mais au
contraire de permettre la négociation de nouvelles pratiques et leur stabilisation par des acteurs en
mesure de le faire. Les termes de télématique, de multimédia ou d’autoroutes de l’information
ont eu la même fonction en leur temps dans les années 70-90, le Très Haut Débit (THD)
aujourd’hui. Nous faisons l’hypothèse que le terme de SG est un mot valise que chaque acteur
emploie selon ses propres objectifs, les attendus de chacun correspondent aux finalités qui lui
sont propres et le souci de définir précisément ce que recouvre le terme de SG peu présent.
3 Akricht, Madeleine ; Latour, Bruno et Callon, Michel (éd.), Sociologie de la traduction : textes fondateurs,
Paris, Mines Paris, les Presses, « Sciences sociales », 2006. Textes rassemblés par le Centre de sociologie de
l'innovation, laboratoire de sociologie de l'École des mines. (ISBN 2-911762-75-4)
4 Flichy, Patrice (2002) : “ Imaginaire et développement des réseaux techniques. Les apports de l'histoire de
l'électrification rurale en France et aux Etats-Unis ”, in Revue Réseaux, Volume 19 n° 109 sur Technique et
imaginaire, février 2002.
5
Daesign, KTM Advance et Symetrix
6
http://ktm-advance.com/offre/nos-domaines-dintervention/
• Symetrix : du e-learning au SG
Symetrix développent des applications qui apportent aux modules e-learning une dimension
« game » par l'immersion dans une sorte de conte et des scénarios narratifs et ludiques. Cette
entreprise travaille à la fois dans le conseil, la conception et la scénarisation de modules e-learning
et se positionne aussi sur le marché du SG. Ayant une forte expertise dans l’accompagnement, le
conseil mais aussi la pédagogie sans oublier la technique, Symetrix se trouve être une entreprise
au croisement d’un organisme de formation et d’une entreprise de conception. Son intérêt pour
ce marché s’explique par sa volonté de proposer de nouvelles offres et possibilité de formation à
ses clients. L’aspect ludique, attractif et l’efficacité pédagogique du SG sont autant de raisons
mises en avant pour justifier l’intérêt du SG pour cette entreprise. Dans sa présentation sur
Internet, la société Symetrix se dit leader sur le marché du e-learning où elle développe des
modules pour plus d'une centaine de sociétés dans des secteurs très divers tel que la banque,
l'industrie automobile, l'énergie, l'industrie pharmaceutique [.....] Le développement de nouvelles
technologies et la demande croissante de produits ludiques et attrayants l'ont conduit à rechercher
d’autres modes pédagogiques fondées sur une immersion graphique et scénaristique de
l'apprenant. Ce choix a entraîné la création des formations SG, qui, du point de vue de cette
entreprise, gardent l'efficacité pédagogique et la richesse fonctionnelle des plateformes LMS
(Learning Management Systems) développées dans les productions e-learning antérieures. Symetrix a
alors amorcé un rapprochement avec l'industrie du jeu vidéo et a créé des synergies avec des
laboratoires de recherche.
Notre échantillon de concepteurs apporte quelques réponses aux questions que nous venons de
soulever.
(1) Selon notre interlocuteur de Daesign, « le SG est déjà en soi un élément favorable à la
formation. » Comment justifie t-il son propos ? En établissant une comparaison entre le e-learning
et le SG : le e-learning classique [souffre] d’un écueil de plus en plus visible : souvent il n’est fait que de copier-
coller [d’éléments] de formations conçus au départ pour du présentiel et de contenus sans médiatisation réelle, et
sans penser pédagogiquement l’organisation de la formation à mettre en œuvre quand l’apprenant se trouve face à
son écran. Les défauts des formations e-learning exposés ci-dessus nous aident à mieux comprendre
quelles sont les raisons qui peuvent expliquer selon notre interlocuteur que les formations en e-
learning « classique » ne fonctionnent pas toujours. « De plus, elles ont souvent un côté assez ennuyeux et
fastidieux. » En parallèle et à son avantage « le SG […] apporte un côté ludique et immersif, qui
Dans ce sens, les principales divergences entre e-learning et SG soulignées par Daesign tiennent
aux limites du e-learning en termes d’attractivité. Au contraire, le SG, au croisement du jeu et de
l’entraînement, utilise l’aspect ludique du jeu et semble permettre des mises en situation plus
concrètes quoique virtuelles.
(3) Enfin, après avoir vu le positionnement de la société Symetrix par rapport au e-learning,
observons maintenant la position de l’entreprise KTM Advance.
Selon notre interlocuteur chez KTM Advance, lorsque l’on se trouve dans un environnement
ludique, c'est-à-dire, où il y a du jeu, on apprend forcément davantage mais selon lui, leur valeur
ajoutée du point de vue pédagogique se trouve dans le fait que, pour passer de la case A à la case
B, il faut absolument avoir compris ce qui se passait dans la A. Il affirme que « à partir du moment
où vous associez jeu à ludique, le SG c’est un jeu et pas de la simulation… mais est-ce que le ludique permet
Il considère que lorsque l’on se situe dans le domaine de la pédagogie, les SG correspondant
toujours à une notion de mise en situation active dans laquelle, quand le joueur gagne des points,
c’est qu’il l’a mérité, il a appris quelque chose. Selon lui, le SG et le e-learning sont deux modes de
traitement différents de l’apprentissage mais il n’existe pas de concurrence entre les deux.
Comment justifie-t-il ses propos ? « Pour moi, le SG est du e-learning comme un autre… La grosse
différence c’est au niveau des moteurs, le SG c’est un moteur de jeu, un moteur de simulation alors que dans le e-
learning classique, on fait de l’arborescence. [Dans l’arborescence si] tu n’as pas compris A tu vas à telle leçon,
tu vas faire tel truc, alors que dans le jeu vous allez dans tous les sens, on est en situation’. » Il nous explique
que dans le sens de la pédagogie, le Game designer prend le problème et l’adapte à la pédagogie.
Selon notre interlocuteur de KTM Advance, le SG correspond toujours à une notion de mise en
situation active, utilisant soit un moteur de jeu ou un moteur de simulation, alors que le e-learning
fait appel uniquement à de l’arborescence.
(1) Si l’entreprise Orange a choisi de s’orienter sur le marché du SG c’est parce qu’elle
travaille sur la « client attitude » (attitude client en français), ainsi elle a décidé de travailler avec le
SG pour permettre aux conseillers clientèle d'être principalement acteurs de leur formation.
7000 personnes (entre 25 et 55 ans) sont concernées par cette formation chez Orange. « La
difficulté a été de répondre aux attentes de ces différents profils ». Selon notre interlocuteur, il s’agit en effet
d’un jeu, mais d'un jeu sérieux, et la mise en place d’un tel mode de formation ne doit pas être
prise à la légère. Orange travaillant avec Daesign, le principe du jeu est le même que celui choisi
par ce concepteur. Mais Daesign a travaillé en étroite collaboration avec une équipe de travail
interne chez Orange pour définir le SG et en particulier pour intégrer des dialogues
correspondant aux situations réelles entre clients et conseillers. Le conseiller clientèle Orange
doit prouver son talent de diplomate et garder le sourire, situation virtuellement reproduite dans
le jeu. La valeur ajoutée de l’entreprise Orange se trouve dans le « suivi » et « l'accompagnement »
des apprenants durant leur formation et leur apprentissage. L'offre « SG » chez Orange est en
effet un combiné de formations à distance en e-learning avec un atelier sur la « client attitude » et la
relation cliente. Selon notre interlocuteur, chef de projet de formation et professionnalisation
chez Orange France Télécom, Orange travaille selon deux approches concomittantes :
• cours à distance : ce sont des cours mis en pratique par l’intermédiaire de la
simulation qui est piloté par le soutien métier ;
• montée en compétence d'un conseiller client grâce à un atelier du e-learning et une
simulation accompagnée par un soutien métier.
(3) Enfin pour finir sur les entreprises clientes, nous évoquerons SFR. Cette entreprise
veut être perçue comme innovante, capable de s’adapter à sa clientèle jeune ou professionnelle
mais aussi une entreprise en mesure de proposer à ses employés des formations innovantes.
L’utilisation du SG est donc perçue comme bénéfique pour son image auprès de ses clients mais
aussi auprès de ses employés. En effet, pour son image externe, il s’agit de faire passer un
message sur l’esprit d’ouverture, de nouveauté, de jeunesse de SFR. Pour l’image en interne c’est
une manière de montrer aux employés que SFR est capable de proposer de l’innovation même en
formation. Notre interlocuteur considère qu’ « avec le jeu virtuel [nous sommes] dans une situation
potentiellement réelle donc du coup c’est beaucoup plus puissant [que la formation présentielle] », la
possibilité de revenir en arrière et d’essayer une autre stratégie est un atout non négligeable
notamment pour les formations liées au comportemental. Ce qui explique l’engouement des
entreprises interviewées, c’est la valeur ajoutée du SG par rapport au « e-learning classique ».
Pour une entreprise comme SFR, l’aspect pédagogique fait parti des raisons pour
lesquelles notre interlocuteur s’est intéressé au SG. En effet, ce qui a aussi fait la différence par
rapport au e-learning c’est que le SG « c’est du jeu mais sérieux et avec une vrai perspective pédagogique il y a
vraiment de la pédagogie derrière. » Selon ce responsable de formation si l’on compare donc e-learning
et SG, « le e-learning en tout cas devrait beaucoup s’inspirer de ce qu’on fait en jeu parce qu’il y a à la fois une
interactivité et puis une véritable appréhension des stagiaires, parce qu’ils y sont, ils jouent le jeu du coup, ils
retiennent plus facilement. C’est un jeu ou il y a moins de passivité, plus d’engagement, et puis il est ludique. » Il
précise que le e-learning classique est peut-être dépassé d’une certaine manière avec le SG « il y a
l’aspect nouveauté qui est important […] aujourd’hui chez SFR il y a des téléphones ou on peut jouer des tas de
Dans notre analyse nous avons pris en compte le fait que toutes les entreprises
utilisatrices que nous avons interrogées, SFR, AXA ou encore Orange, ont travaillé avec la société
Daesign, ce qui a pu influencer le positionnement de ces entreprises. En effet, lorsqu’une
entreprise est en partenariat avec une autre, il semble logique de partager un positionnement ou
un point de vue proche de ce dernier comme nous l’a confirmé notre interlocuteur de la société
AXA : « nous avons travaillé avec la société Daesign pour leur approche pédagogique du SG ».
C’est précisément pourquoi les définitions du SG sont toujours confuses et révélatrices d’un
marché peu stabilisé aux contours flous où chacun veut le définir en fonction de sa valeur
ajoutée.
Selon les définitions ou approches faites par nos différents interlocuteurs, nous n’avons pas pu
poser une définition précise de cette application. En effet, si on prend exemple sur notre
interlocuteur de KTM Advance, on peut affirmer qu’il y a une grande difficulté à différencier la
simulation du SG, car selon lui les anciens outils utilisant la simulation n’étaient pas du tout des
SG mais si on fait une simulation contenant un côté ludique, on peut l’interpréter comme un SG.
Il y a selon lui un conflit entre SG et simulation et, toujours selon lui, la simulation ne serait
jamais un SG mais finalement, il pense que « les jeux de guerre, les jeux d’avion, tout c’est trucs ça rentre
dans le SG, mais c’est de la simulation... C’est sérieux et c’est aussi exploité dans le cadre du jeu donc la
simulation qui est un peu ludique est un SG pour que l’on puisse faire des choses. » Il est tout à fait conscient
du flou qui peut exister entre la notion de simulation et la notion de SG, mais affirme que « le SG
correspond toujours à une notion de mise en situation active, utilisant soit un moteur de jeu ou un moteur de
simulation, alors que le e-learning fait appel uniquement à de l’arborescence. »
Au contraire, notre interlocuteur de la société Daesign pense que, « le e-learning souffre d’un manque
d’attractivité contrairement au SG, qui est au croisement du jeu et de l’entraînement … et qui semble permettre
une mise en application de ce qu’on a appris. »
Tous ces points de vue, nous montrent que le SG peut avoir plusieurs définitions, variant
selon le positionnement de l’acteur qui l’a défini ou selon les approches du partenaire choisi mais
nous allons voir s’il est de même de la part des chercheurs qui se penchent sur la définition du SG.
7 Genvo, Sébastien (2006) : Le game design de jeux vidéo : Approches de l'expression vidéoludique, Paris,
L’Harmattan, Coll. Communication et Civilisation, 377 p.
8 Brougère, Gilles (1995) : Jeu et éducation, Paris, L’Harmattan.
Brougère, Gilles (2005) : Jouer/apprendre, Economica, collection Anthropos.
Confirmant les points de vue de Roger Caillois, Lloyd P. Rieber 12 définit le milieu d’apprentissage
comme étant un espace où les ressources, le temps et les raisons sont à la disposition d’un groupe
de personnes. Selon lui, la diversité des ressources joue un rôle très important dans
l’apprentissage et que les environnements d’apprentissage sont des lieux où différentes personnes
ont accès à des ressources limitées. Lloyd P. Rieber pose un certain nombre de questions pour
définir les caractéristiques de jouer, il s’interroge : est-ce qu’on joue pour un but ? Et si c’est le cas,
comment et pour qui on joue ? Est-ce que les adultes jouent aussi ? Quelles sont les limites du
jeu ? Quand faut-il arrêter de jouer ? Le jeu, est-il un loisir ? Ou une occasion de répéter quelque
chose ou une sorte de détournement ? Relève t-il d’un environnement saint, protégé ?
Pour Lloyd P. Rieber, il existe plusieurs aspects de jeu : jouer comme un progrès, jouer en tant
que puissance, jouer pour le plaisir de jouer, jouer pour l’apprentissage, pour la socialisation, pour
l’adaptation et le développement et selon lui, les jeux sérieux dits SG sont pertinents dans de
nombreuses approches de l’apprentissage interactif.
En premier lieu, nous nous attacherons à l’étude du rapport suédois, puis nous aborderons
l’approche de Gilles Brougère.
Au sein du rapport page 6 est présenté un tableau réalisé par Michael et Chen qui traduit ce qui
oppose les SG et les entertainment games (jeux de divertissement).
SG Entertainment games
Tâches contre expériences Résolution au cœur du Préférence des jeux riches en
enrichissantes problème expérience
Point important Eléments d’apprentissage S’amuser
Simulations Prévisions nécessaires pour la Processus de simulation
réalisation des simulations simplifié
Mode de communication Devrait être représentatif de la Communication presque
communication normale ou parfaite
naturelle
Jouer permet-il d’apprendre ? Voici une question qui nécessite réflexion et qui est au cœur des
recherches de Gilles Brougère 18 , chercheur en sciences de l’éducation et spécialiste du jeu. Cet
auteur montre qu’il existe des similitudes entre le jeu et l’éducation, mais que néanmoins cela ne
14
Susi, T. ; Johannesson M. ; Backlund P. (2007) : SG_An overview , Université Skövde en Suède (School of
Humanities and Informatics) ; page 6
15
Susi, T. ; Johannesson M. et. Backlund P. (2007) : SG_An overview , Université Skövde en Suède (School of
Humanities and Informatics) page 3
16
Ibid (Susi, T. ; Johannesson M. et. Backlund P.) page 5
17
Ibid (Susi, T. ; Johannesson M. et. Backlund P.) page 5
18
Brougère, Gilles (2005) : Jouer/apprendre, Economica, collection Anthropos, pp.144-166.
Cependant, ils s’opposent sur d’autres aspects. Le jeu comporte des aspects de frivolité et
d’incertitude alors que l’éducation rejette ces dimensions. Cette tension relevée entre « jouer » et
« apprendre » crée des discours différents selon que l’on considère ou non que le jeu puisse
permettre l’apprentissage. A ce sujet, Gilles Brougère considère qu’il n’y a pas de réponse
définitive et pas assez de preuves pour savoir si oui ou non le jeu s’avère efficace pour être un
moyen d’apprentissage. On relèvera que les acteurs du marché se montraient moins prudents
dans leurs déclarations sur ce sujet. Cet auteur spécialiste du jeu n’a cependant pas encore abordé
dans ces recherches la question du SG, cependant les similitudes et les divergences qu’il a relevé
entre le jeu et l’éducation peuvent nous aider à mieux déterminer qu’est-ce qu’un SG. Ceci
d’autant plus que le rapport suédois n’aborde à aucun moment ce rapprochement entre le jeu et
l’apprentissage, point pourtant essentiel pour déterminer la spécificité du SG.
Gilles Brougère par ces travaux montre que l’on peut apprendre hors situation formelle, c’est-à-
dire hors situation scolaire. La notion d’éducation informelle « permet d’introduire l’idée essentielle que
l’éducation peut accompagner d’autres activités sans être présente dans la structuration ou la finalité de celle-ci » 19 .
Il est donc envisageable que l’on puisse apprendre lorsque l’on joue à des jeux vidéo même si cela
n’est pas une certitude à chaque fois. Selon cet auteur, « la notion d’éducation informelle nous apporte
deux idées : d’une part une continuité entre les activités de la vie ordinaire et celles qui ont un objectif éducatif,
d’autre part la perception d’un processus de développement qui est une éducation dans un contexte socioculturel et
jamais le simple effet d’une maturation biologique. » 20 On peut donc apprendre tout au long de sa vie.
L’idée d’éducation informelle démontre qu’il n’est pas nécessaire d’être dans un cadre précis pour
apprendre, et elle « rompt avec une vision de l’éducation qui ne peut être que le résultat d’un processus conscient
et volontaire. » Par ailleurs, il ajoute que certaines conditions favorisent l’apprentissage tel que :
• envie de participer,
• effet en groupe,
• engagement, intensité de participation,
• « affordance », potentiel d’un jeu 21 .
Toutes ces conditions peuvent être retrouvées dans la cadre d’un jeu et donc on peut penser
que le jeu peut favoriser l’apprentissage informel. Néanmoins il apparaît indispensable de
souligner que « le jeu n’est pas en soi un élément éducatif et que l’éducation peut se retrouver dans n’importe
quelle situation. Ainsi, on peut apprendre dans un jeu ce qui ne signifie pas que l’on apprenne dans tous les jeux. »
Mais cela fonctionne aussi dans le sens inverse : « des situations qui n’ont pas pour but premier d’être
éducatives peuvent l’être mais le contraire est possible aussi, une situation éducative « peut ne produire aucun effet
éducatif ». 22
19
Brougère, Gilles (2005) : Jouer/apprendre, Economica, collection Anthropos, p.153
20
Ibid (Brougère G.), p.151
21 Ibid (Brougère G.), p.152
22
Ibid (Brougère G.), p.153
Wikipédia définit le SG comme étant des « jeux d'ordinateur qui sont prévus pour amuser
non seulement des utilisateurs mais ayant des buts additionnels tel que l’éducation et la formation.
Ils peuvent être semblables aux jeux éducatifs, mais sont principalement concentrés sur un public
en dehors de l’éducation primaire ou secondaire. Les jeux sérieux peuvent être de n'importe quel
genre et bon nombre d'entre eux peuvent être considérés comme un genre d’éducation par le
divertissement, mais l'objectif principal d'un jeu sérieux n'est pas d'amuser, bien que le potentiel
des jeux à engager soit souvent un aspect important quant au choix pour l’employer comme outil
d'enseignement. Un SG est généralement une simulation qui a l’apparence et la sensation d'un jeu,
mais qui est réellement une simulation des évènements ou des processus de monde réel.
L'objectif principal d'un SG est habituellement de former ou instruire des utilisateurs, bien qu'il
puisse avoir d'autres buts, tel que le marketing ou la publicité, tout en leur procurant une
expérience agréable. Le fait que les SG soient censés être amusants cela encourage leur
réutilisation. » 23
Les chercheurs se sont aussi penchés sur cette question des caractéristiques des SG en tentant de
décrire la tension entre loisir et apprentissage. Ils tentent d’expliquer comment ces deux
dimensions se mêlent et synthétisent dans leur définition respective différents éléments que nous
avons développées séparément précédemment.
Des auteurs comme Michael et Chen 24 promulguent une distinction entre les applications
centrées sur l’apprentissage par l’amusement et celles focalisées sur le jeu comme moyen d’aider à
la résolution de problèmes. Ainsi ils décrivent les jeux comme « une activité volontaire, séparée
de la vie réelle, créant un monde imaginaire qui peut ou pas avoir une relation avec la vie réelle et
qui absorbe toute l’attention du joueur. » Ainsi, ils soutiennent l’idée que le but des SG est de
faire en sorte que les joueurs apprennent et, si possible, s’amusent en le faisant. Ils définissent les
SG comme des jeux qui n’ont pas pour premier objectif le divertissement ou l’amusement, ce qui
ne veut pas dire qu’ils ne soient pas divertissants et amusants. L'amusement cependant, n'est
pour eux ni la seule forme de divertissement, ni la seule manière d'engager des joueurs dans un
jeu. Néanmoins, du côté amusant, il y a plusieurs éléments qui contribuent à l’engagement des
joueurs, tels que les jeux qui mènent à la participation intense et passionnante, buts qui motivent,
et règles qui fournissent la structure.
Les jeux devraient être motivants et engageant, ce qui est avantageux pour le développement
d’une variété de compétences et d’habilités. Et donc, ici les SG sont définis comme des jeux qui
engagent l’utilisateur, et contribuent à l'accomplissement d’un but précis autre que le
divertissement pur. Michael et Chen répartissent les SG en deux catégories :
23 http://fr.wikipedia.org/wiki/Serious_game
24 Michael, D. ; & Chen, S. (2005) : SG : Games That Educate, Train, and Inform., Boston : Thomson Course
Technology.
A l’inverse, la question que se pose Gilles Brougère est de savoir ce qui lie ou sépare jeu et
éducation dans le chapitre VI portant sur « le jeu, un loisir comme les autres » 25 . Pour lui, le loisir
devient ludique lorsque celui-ci offre une participation active et interactive, et c'est le jeu qu'il soit
numérique ou non, qui organise l'action du joueur. Cependant le jeu apparaît parmi les loisirs
comme celui doté d'une forme qui permet l'interactivité. Cet auteur fait une distinction entre
loisir et éducation, le loisir s'inscrit dans un plaisir instantané alors que l'éducation s'inscrit dans
une logique d'avenir. Pour l'adulte si l'on considère le jeu comme un loisir, il ne faut cependant
pas négliger les relations de celui-ci avec l'apprentissage. Il associe la structuration de l'action ce
qu'il appelle l'affordance à la motivation de l'action « l'engagement ». Pour lui ce qui caractérise le
jeu est son appartenance au monde du divertissement « ce qui caractérise cette sphère du
divertissement c’est le second degré, c'est-à-dire la reprise de significations issues du contexte de
la vie quotidienne ou du premier degré pour leur donner une nouvelle signification dans un
contexte fictif. Ce processus implique une distance voire une dimension d’analyse par rapport à la
réalité utilisée et permet ainsi des effets éducatifs qui pour être secondaires n’en sont pas moins
importants » 26 . Ce qui ressort principalement c’est que tous les jeux ne vont pas avoir les mêmes
potentialités éducatives.
Jouer peut donc être une manière d’apprendre, mais l’on n’apprend pas forcément en jouant ; à
noter que certains « joueurs n’apprennent rien en jouant, qu’ils peuvent même éviter toute
situation qui pourrait avoir un tel effet pour s’en tenir à un plaisir immédiat. 27 »
Un autre auteur Lloyd P Rieber 28 voit dans le jeu un moyen qui suscite de la motivation. Les jeux
doivent répondre à un but, une fin négociée entre l’apprenant et l’enseignant et non pas
seulement destinés à s’amuser. Lloyd P Rieber se concentre sur la relation entre l’apprentissage et
la motivation. Pour lui, ces deux dimensions sont inséparables, l’apprentissage n’est pas le seul
objectif que recherchent les éducateurs, mais il y a aussi la passion pour l’apprentissage. Le but est
de faire aimer l’apprentissage. C’est pour cela que ces jeux sérieux sont selon Lloyd P. Rieber,
pertinents dans de nombreuses approches de l’apprentissage interactif. Cette approche le conduit
à observer les moments où la personne choisit de consacrer des efforts importants et de
l’émotion lorsqu’elle accomplit une tâche. Il relève qu’une telle intensité peut être trouvée dans
des activités qui sont généralement associées aux loisirs. De ce fait, il utilise l’expression « jeu
sérieux » pour désigner les jeux que pratiquent les adultes.
Pour Julian Alvarez, également, l’apprentissage peut être appréhendé de différentes manières et
le plaisir ne s’oppose pas à apprendre : un apprenant effectuera une tâche d'autant plus facilement
qu’il le fera avec plaisir et cela peut lui permettre de dépasser certaines difficultés.
Les chercheurs partent tous d'un même principe: la relation entre loisir et éducation, mais à partir
de ce point nodal leur approche respective peuvent être différentes : certains tentent de montrer
ce qui distingue ces deux termes, d’autres ce qui les rapproche.
Apprendre par le jeu, est-ce réellement un nouveau concept ? Gilles Brougère note que
« certaines formes éducatives utilisent le jeu pour se différencier de la forme scolaire », et qu’il est courant dans
le monde des enfants d’apprendre par le jeu. On peut donc en déduire que ce concept n’est pas
nouveau. Cependant dans le cadre des SG, nous parlons de jeu numérique ou vidéo ayant
d’éventuelles vertus pédagogiques. Pour les chercheurs, il est important de se pencher sur cette
éventuelle nouvelle méthode d’apprentissage car elle fera peut-être partie des nouvelles formes
d’apprentissage pour les étudiants français de demain natifs du digital. Pour les entreprises de
formation ou de conception de modules d’apprentissage, il en va de même. En effet, si le marché
du SG est un marché d’avenir, et s’il est actuellement en plein développement, il ne faut pas
Les acteurs du marché de SG définissent les SG comme favorisant une action interactive qui peut
être utilisée dans de nombreux domaines tels que la l'armée, l'enseignement, l'administration, la
santé etc. Ce serait un outil conçu essentiellement pour entraîner les hommes à mieux
appréhender les situations difficiles auxquelles ils peuvent être confrontés. C’est pourquoi de
nombreuses entreprises pensent que le SG pourrait résoudre le problème de l’apprentissage qui
reste crucial et difficile à résoudre simplement. Le SG est donc considéré comme un
environnement d'apprentissage vidéo-ludique dans lequel de plus en plus d'entreprises
investissent pour former leur personnel dans le cadre de simulations et de reconstitutions de
situations particulièrement complexes, difficiles à décrypter dans le cadre de formations
traditionnelles. Le SG propose une simulation ludique pour résoudre des problématiques
complexes de l'entreprise, à leur sens ce moyen doit permettre de former leurs salariés ou leurs
clients et cela sous un mode ludique. Ces jeux ont pour particularité de privilégier la qualité tout
en permettant peut-être la durée d'apprentissage : il semblerait que l'apprenant-joueur apprend
plus rapidement et plus efficacement que si la même formation lui avait été dispensée par voie
classique.
Dans les deux cas, que ce soit dans le cas des chercheurs ou des entreprises, il convient
que chacun soit en alerte par rapport aux évolutions des SG, car le SG semble représenter une
opportunité de rendre l’apprentissage plus efficace. Les perspectives que laisse entrevoir ce
marché semblent importantes car comme nous l’avons souligné précédemment, cet outil peut
être utilisé dans différents secteurs et semble apprécié par l’apprenant. En effet, ce dernier reçoit
une formation de qualité, par forcément plus longue que les autres modalités formatrices et qui
de par la situation d’immersion proposée lui permet d’être plus actif dans sa formation. Mais
quelles formes de concrétisation sont perceptibles à travers l’analyse des expériences conduites
par les entreprises conceptrice set utilisatrices sur le terrain ? Ce sujet sera l’objet de la partie
suivante.
Démarches nécessaires au
développement des SG dans le
domaine de la formation liée au
management
Dans ce sens, nous pensons que ses applications dans ce sous-secteur industriel, quoique très
coûteuses, risque de se développer et de se déployer fortement :
¾ Soit pour permettre l’exercice d’une compétence difficilement possible dans la réalité :
conduite d’avion, de centrale nucléaire, de logistique dans de conditions difficiles à
réaliser (mais cela n’a pas fait l’objet explicite de notre étude),
¾ soit pour favoriser l’exercice de méta-compétences transversales (de mangement par
exemple) concernant un nombre de personnes conséquent à former au sein d’une même
entreprise, voire inter-entreprises ou sur des fonctions à fort turn-over,
¾ soit pour un public-cible nombreux, renouvelable chaque année et concernant des
endroits géographiquement disparates).
Ces applications sont des moyens de simuler une situation proche de la réalité et permettent de
former par une mise en situation de l’apprenant ce qui représente une innovation rapport à
d’autres applications classiques de formation. Cette innovation nécessite toutefois des dispositifs
d’accompagnement important pour réussir l’introduction de SG à grande échelle.
Pour réaliser un SG, certains acteurs ont développé des partenariats avec des chercheurs et
universitaires. C’est le cas de Symetrix, Daesign et Ubisoft.
Afin de maintenir sa compétitivité et une longueur d’avance dans le domaine de la recherche et
du développement, Symetrix travaille en étroite collaboration avec les laboratoires de recherche
des universités, notamment sur les activités pédagogiques et les scénarii. Au sein de la société,
certains chercheurs font également leur thèse, et ce type de partenariat est déjà bien présent :
« on travaille avec des laboratoires de recherche sur Grenoble, sur la Savoie et la Haute Savoie. On a eu par
exemple des personnes qui ont travaillé aussi bien chez nous. On a eu un chercheur qui a fait sa thèse chez nous.
Donc voilà le type de partenariat que l’on peut monter. » 29
Ubisoft ont engagé au sein de leur équipe une psychologue, « en qualité d’experte de l’apprentissage,
spécialisée dans le développement des comportements chez l’enfant, et du développement de l’intelligence ».
Par ailleurs, l’entreprise cherche à réaliser des partenariats pour intégrer des expertises
nécessaires pour réaliser certains types de jeu : par rapport au jeu «My life Coach » qui a pour
objectif de conduire le joueur à tendre vers une vie équilibrée et manger correctement, notre
interlocutrice précise « on a demandé à un nutritionniste de nous conseiller, ça c’est la partie expertise pour
chaque jeu vidéo, qui est sur le « positive-Gaming », on va toujours faire venir un ou plusieurs experts relatifs ou
sujet que l’ont traite pour nous aider à faire le contenu et pour éviter de faire n’importe quoi, c’est vrai que nous, on
est des experts du jeu vidéo et non des experts de la nutrition. Ces experts nous aident à développer un contenu
viable et sérieux … »
Daesign en tant que petite structure développe également la recherche avec l’Université de Savoie,
dont notamment avec des chercheurs qui sont spécialistes de la 3D, de la simulation et de
l’interactivité, qui travaillent plus précisément sur la question de la mesure des résultats des
apprenants en termes d’usages et d’apprentissages : comment pourrait-on traquer les clics des
utilisateurs ? Comment faire remonter les pourcentages de choix, voire combien d’usagers y
participent, à quel pourcentage telles ou telles intentions ont été choisies, s’il y a des chemins par
lesquels les utilisateurs ne passent jamais, etc.
Daesign essaye ainsi de définir une nomenclature de test pour avoir aussi un retour sur la manière
d’utiliser et donc de mesurer aussi l’utilisation des simulations. Le but étant de répondre aux
besoins des entreprises utilisatrices de jeux sérieux qui cherchent à évaluer la compétence de leurs
salariés.
Pour maintenir une forme de R&D a priori coûteuse en matière de jeux sérieux, l’association avec
des universitaires se complète avec des partenariats et financements institutionnels :
29
Entretien Symetrix
Ce type de partenariat entre concepteur clients génère des approches spécifiques en termes les
modèles économiques : quels sont-ils ?
30
Entretien Daesign
Ö (1) des partenariats pour déterminer le concept de jeux sérieux qui ont
conduit des entreprises conceptrices à nouer des relations sur du long terme avec
des chercheurs,
Dans cette partie, nous analyserons donc les relations de Daesign avec ses clients (SFR, Axa). Ce
prestataire de service et ses clients ont fait le choix de modalités particulières en termes de
financement et répartition du travail.
Le co-investissement adopté se traduit par le fait que le client accepte d’acheter une prestation à
partir d’un produit générique adapté à ses propres besoins. Les coûts de développement se
répartissent ainsi entre le concepteur (qui investit sur le générique) et le client (qui achète la
prestation à moindre coût puisque il n’est pas obligé de financer une prestation sur mesure mais
celle-ci est quand même développé en fonction de ses besoins spécifiques).
Exemple SG de projet générique adaptable à partir d’un module concernant la gestion de projet :
Ici nous allons montrer plus précisément comment est construit un module concernant la gestion
de projets.
Pour ses produits de formation SG (appelés aussi « Gameplays »), Daesign propose de façon
générale une partie appelée « base de connaissances », dans laquelle une formule « modules »
apporte les formations nécessaires, et propose ensuite une partie « entraînement ».
31
L’OIM est une organisation non gouvernementale (ONG) située à Genève
A titre d’exemple, le module « pilotage du projet » comprend un sous-module intitulé « rendre des
arbitrages courants » : quand le jeu est lancé, une mission est donnée à l’apprenant, celle de consulter
un planning, un budget et un listing de tâches et de réagir à des événements qui se passent. Ces
évènements sont de deux types :
¾ « l’apprenant reçoit des e-mails »,
¾ « l’apprenant reçoit des appels téléphoniques ».
Par rapport à ces e-mails et ces appels, l’apprenant est mis en situation (à son bureau, devant une
interface/son ordinateur, avec une messagerie qui ressemble à celle d’Outlook, un téléphone avec
au-dessus un annuaire contenant les coordonnées des collaborateurs, son « équipe projet »).
L’apprenant interagit avec des personnages virtuels et les situations sont empruntées au monde
de la gestion du projet. Il répond, donc interagit avec les personnages et événements, et à chaque
fois il lui est demandé de prendre des décisions. En fonction des décisions qu’il prend et des
arbitrages qu’il fait, il réussit à rendre un arbitrage efficace et pertinent, ou non.
Est utilisé la technologie Flash, qui permet à l’utilisateur d’interagir avec les personnages du
Gameplay. Daesign utilise pour ce module sa propre technologie propriétaire.
Chez Symetrix par exemple, tous leurs scénarios sont basés sur du « sur-mesure », pour des
modules de 20 minutes comme pour des modules de 4 heures. Il n’y a pas de produits ou de
module sur étagères. Daesign a également fonctionné pour ses premiers produits à partir d’une
réponse à un client. Mais cette entreprise a eu dès le départ le souci de penser en termes de
produits génériques, c’est-à-dire de dégager du produit réalisé sur-mesure des éléments
réexploitables, dans un deuxième temps, pour d’autres clients.
Les SG sont à la fois utilisés :
¾ au niveau de la formation en management, notamment au niveau comportemental (SG
dédiés aux télévendeurs/conseillers chez Orange, entretiens d’évaluation chez SFR, et au
management à la vente de produits financiers chez AXA),
¾ et aussi pour la dimension « métiers » (agents dans l’assurance, les banques), généralement
pris en charge par des managers ayant une fibre « pédagogique » et qui se servent des SG
pour préparer des formations en présentiel.
Les SG « métier » proposent tout comme les SG « comportementaux » une interface où les
apprenants se retrouvent dans leur environnement de travail, où ils doivent gérer des situations et
difficultés liées à leur quotidien.
Qu’il s’agisse de jeux sérieux comportementaux ou métiers, la demande des entreprises va dans le
sens d’une immersion par rapport à des situations précises, toujours liée à l’environnement de
l’apprenant ; il s’agit en ce sens de prestations sur mesure.
Il est difficile de cerner le coût global d’investissement, mais nous disposons de quelques
indicateurs à propos de ce type de prestation :
Ainsi, le coût d’un SG varie entre 15 à 20 euros par apprenant chez Orange (7000 personnes
formées) et de 50 à 120 euros chez AXA. C’est le prix qui est payé au prestataire, mais pour
cerner l’ensemble des coûts, il conviendrait de mesurer également le temps passé/coût des chefs
de projet ou des salariés de l’entreprises qui passent du temps à convaincre leur hiérarchie pour
introduire les SG, ou ceux qui sont activement impliqués dans le développement et le suivi de la
formation (comme les managers dans le groupe FT). Le prix est échelonné en fonction du
nombre d’utilisateur réel. Ainsi Daesign et AXA ont décidé par exemple d’instaurer un système
de remise, c’est à dire que si le nombre de licence achetées dépasse un certain seuil prédéfini au
bout d’une année, Daesign effectue une remise au commanditaire.
Globalement, notre recherche documentaire a révélé de fortes variations de coûts pour un SG qui
peuvent aller de 500 000 euros pour une grosse production à 10 000 euros pour une plus petite 32 .
32
L’application de base était déjà un générique qui aurait été créé pour une autre banque (BNP).
A titre d’exemple, la partie générique de l’entretien d’évaluation est mise en œuvre de la manière
suivante :
(1) La première phase de la simulation de l’entretien consiste à choisir son avatar, son
personnage avant de commencer le « jeu ». Pour cela il faut suivre un parcours qui définira
dans un premier temps le profil du collaborateur que l’apprenant va devoir évaluer.
L’apprenant aura donc accès à l’évaluation N-1 de son collaborateur durant toute la
simulation.
Pour l’entretien de vente, le modèle varie légèrement : « Le matin, les apprenants passent en grand
groupe, ce qui permet les échanges d’expériences, et l’après-midi ils sont en centre de ressources, le principe est le
même, sauf qu’ici, c’est un prospect qui arrive. C’est le même principe, vous allez choisir les différentes actions à
donner à votre avatar et là aussi l’entretien peut devenir un entretien catastrophe où le client part. » 33
La durée totale du SG est courte (20/30 à 40 minutes), mais peut atteindre jusqu’à 2h30 (SFR).
Une fois la simulation terminée, il ya deux évaluations, une à chaud (directement après
l’utilisation) et une autre à froid (quelques semaines ou mois après l’utilisation).
Nous avons vu dans cette partie que les modèles socio-économiques commencent à se mettre
en place, mais pour avoir une idée du marché à venir, il nous semble important de regarder de
quelle manière les entreprises envisagent un déploiement des SG auprès de leurs collaborateurs et
de quelle manière elles s’y prennent pour les introduire à grande échelle. C’est notre approche
pour la partie suivante.
33
Entretien AXA
34
ISAAC, Henri, 2007, L’Université numérique, Rapport à Madame Valérie Pécresse, Ministre de
l’enseignement et de la Recherche, DRM-CREPA UMR 7088, Université Paris Dauphine.
http://media.education.gouv.fr/file/2008/08/3/universitenumerique_22083.pdf
Il est probable que le succès de cette 1re introduction d’un SG relève du fait que Orange
est une entreprise technologique.
Avant la conception et l’introduction du SG, Orange par exemple a créé des groupes de travail
internes à l’entreprise avec des utilisateurs des centres clients, précisément parce que le Groupe
Orange voulait un outil qui soit le reflet des besoins des futurs utilisateurs.
C’est un point de départ pour faire adhérer et participer les salariés, tout comme la hiérarchie dès
la conception en amont autour d’un même projet : le SG pour la formation et amélioration de la
relation client. Les groupes de travail « ont pris en compte toutes les demandes de nos futurs utilisateurs c’est-
à-dire que les gens avaient vraiment l’impression que c’était eux qui avaient fabriqué l’outil. Ça c’est un point très
fort. » 36
A Axa, on cherche à réhabiliter la formation en invitant les collaborateurs à prendre en main leur
montée en compétence et leur avenir dans l’entreprise, ils sont acteurs de leur formation. Les
managers ont également une place importante dans la montée en compétence de leurs
collaborateurs, dans la formation, et veut apprendre à apprendre.
SFR a choisi d’introduire les SG avec des entretiens annuels d’évaluation pour leurs managers.
Une première année a servi de « test » auprès de 70 managers avec un pilote disposant d’une
solution standard. Les évaluations à chaud ont donné un taux de satisfaction de 95 % et les
évaluations à froid un taux de 90 % (taux ne serait jamais descendu en dessous 37 ). Cela a
encouragé SFR à développer une solution davantage adaptée à l’entreprise avec plusieurs critères
à prendre en compte dont deux très importants: les valeurs de SFR et les entretiens
professionnels. Il s’en est suivi un développement plus important de SG pour parvenir à un
déploiement de 450 CD à destinés à former autant de managers pour leur formation. Si le taux
35
Entretien Orange
36
Entretien Orange
37
Entretien SFR
Les entreprises utilisent le e-learning et le SG aussi pour réduire des coûts de formation en
présentiel. Elles utilisent donc la formation à distance dans les faits mais dans les discours cet état
de fait est peu mis en valeur pour l’instant. Les propos du responsable de formation rencontré
chez SFR illustre cette hypothèse. En effet le SG est utilisé en plan de formation, il fait donc parti
intégrante du dispositif de formation, c’est une opportunité exceptionnelle car cela leur permet de
faire du vrai jeu de rôle à la différence des séances en salle qui ne permettent que de faire des jeux
tronqués. Le SG offre la possibilité de faire jouer plusieurs personnes à la fois alors que le
présentiel ne permettra que de mettre un petit nombre de personnes, deux ou trois personnes
jouent et les autres observent. De plus, le SG permet d’être dans des conditions de « jeu »
optimales à la différence de la salle car selon la personne avec qui l’apprenant joue, les relations
peuvent être bonnes ou mauvaises, du coup l’apprenant n’est pas dans sa vraie personnalité. De
plus, le SG est un levier pour faire gagner du temps à l’intérieur d’un parcours de formation, et
ceci notamment pour préparer une formation en présentiel ou valider des acquis.
Au Crédit Agricole, le SG est également mêlé au présentiel, c’est à dire que ce n’est ni tout
présentiel, ni tout e-learning, c’est du blended Learning. Il a permis de simplifier les espaces
collaboratifs, créer le maximum de collaboration dans le groupe en France et à l’étranger. Le e-
learning est utilisé en pré-requis et en final pour vérifier que l’apprentissage a servi mais ils
favorisent le présentiel pour justement créer une communauté, un dialogue direct. Le SG est
considéré ici comme un moyen de contrôler les acquis.
Chez Orange, les SG s'insèrent aussi dans les plans de formation classiques. Le SG "Game
attitude" qu’Orange utilise dans le cadre d'actions de montée en compétence des télé-conseillers
sont accompagnés par leur responsable ou par un soutien métier qui font office de formateur.
Dans le cas d’Orange, c'est un dispositif complet de formation en vue d’une montée en
compétence qui s’exprime à la fois par une mise en situation adaptée au contexte des télé-
conseillers d’Orange. Il faut que le jeu sérieux soit « vraiment un acte de vente par rapport à la « client
attitude » bien adapté. Il faut vraiment que cela soit bien adapté car pour être utilisé dans le contexte sinon les
produits restent en étagère et je crains personnellement les produits en étagère » 38 .
38
Entretien Orange
A priori, le SG qui s’inscrit dans un parcours de formation et qui prépare souvent une formation
présentielle, nécessite un tutorat, voire différentes formes d’accompagnement qui permettent aux
salariés d’avoir des contacts et échanges rapides (via téléphone, via mail) par rapport à leurs
interrogations qui peuvent être de nature différente (d’ordre matériel, technique, de métier, de
management, etc.)
Le point de vue d’Orange par rapport au SG est qu’on ne peut pas travailler la montée en
compétence de l’ensemble des personnes uniquement avec le SG. « C’est un outil supplémentaire qui
est très intéressant mais si on ne fait que du SG de façon cyclique et régulière, il risque de perdre un peu son côté
ludique ». Pour Orange, la formation doit proposer un cadre « multimode » : « C’est à dire qu’il y a
l’apprentissage simple en salle de formation, il y a l’apprentissage par atelier pratique, et il y a l’expérience par le
Comme il s’agit de sujets qui sont très difficiles à maîtriser et à mettre en œuvre, le responsable
rencontré chez Orange justifie ainsi le coût élevé du SG dû, à son sens, au temps relativement
long de la phase de conception d’un SG et à l’investissement qu’implique la mise en place du
tutorat.
Par ailleurs, Orange déploie ses produits et services SG sur l’ensemble des sites géographiques qui
sont une quarantaine en France. Un outil de suivi est mis en place pour faire un suivi quantitatif
permettant ainsi de savoir si les employés s’en servent, et comment. Des formateurs font le tour
des sites en France pour accompagner les collaborateurs dans cette démarche, pour voir où il y a
des blocages et pour les aider à trouver des solutions aux différents problèmes rencontrés, tout
cela dans un souci d’efficacité de la formation. On constate, dans ce cas, que le SG n’est pas
perçu comme un outil de formation que l’on peut présenter dans un catalogue. Ceux qui ont
participé à sa conception et son déploiement le mettent en main de chaque cellule formation
locale qui voit dans cet outil mis à leur disposition un moyen d’augmenter la montée en
compétence des conseillers.
Pour aider à l'apprentissage, l'utilisateur d'un SG doit pouvoir prendre du recul sur ce qu'il
fait et être recadré. C’est l’exemple donné par J.Alvarez avec l'expérience de Gargas dans sa
recherche. Il met ainsi en lumière l’importance du tuteur, de l’accompagnateur, de l’animateur.
Pour résumer cet exemple, l’auteur explique que dans le cadre de la célébration du centenaire de
la découverte de la grotte de Gargas, un ensemble de trois dispositifs multimédia a été mis en
place avec pour vocation principale de s’adresser au grand public, et de lui offrir la possibilité de
39
Entretien Orange
40
Alvarez, Julian, 2007, Du Jeu Vidéo au SG, Approches culturelle, pragmatique et formelle, Thèse en science
de la communication et de l’information, Université de Toulouse I et II, Décembre, p. 54 à 56, p. 96 à 97 et p.
136 à 150, http://www.jeux-serieux.fr/wp-content/uploads/THESE_SG.pdf
Le premier dispositif est un tableau multimédia relié à un ordinateur qui détecte le mouvement
des crayons optiques sur le tableau et affiche leurs tracés par l’intermédiaire d’un vidéo projecteur.
L’utilisateur est face à une photographie numérique représentant la grotte. Un animateur, posté
au côté de l’installation, l’invite à observer l’image pour repérer des gravures d’animaux.
L’animateur joue le rôle de tuteur et guide l’utilisateur pas à pas.
Le second dispositif se présente sous la forme d’une application multimédia fonctionnant sur un
ordinateur : c’est le SG. L’utilisateur est face à une application dont le principe est très proche du
premier dispositif. Ainsi l’image présentée est la même photographie. L’objectif est de retrouver
et de relever le contour d’un animal par des tracés de couleur vive. Cependant il y a ici un objectif
imposé à l’utilisateur : le tracé de l’animal doit être effectué dans un temps limité ; trois minutes
maximum. Il n’y a pas d’animateur pour assister l’utilisateur dans sa recherche et lui désigner
l’animal à retrouver. C’est une effigie de l’animal présentée en permanence à l’écran qui remplie
ce rôle. Toutefois, un animateur est souvent présent pour renseigner les utilisateurs sur la nature
du challenge à relever.
Ces trois dispositifs mettent plus ou moins en relief l’importance du tuteur dans les dispositifs.
Qu’il soit physique ou virtuel, il joue le rôle d’accompagnateur et rassure l’apprenant. Mais plus
l’apprenant est mis en position d’auto-formation plus le dispositif technologique doit intégrer des
modalités de médiation lui permettant de se repérer sans médiation humaine.
Technocity, autre exemple choisi par J. Alvarez, est un SG diffusé dans des collèges,
lycées et centres d’orientation de la région Midi-Pyrénées et via un lien internet. L’idée étant que
tous les enfants concernés puissent y accéder chez eux. Technocity a pour but de participer à la
valorisation des filières technologiques de l’Education Nationale auprès des élèves par le jeu
vidéo.
Avec l’expérience de Technocity, l'enfant n’a perçu que le challenge ludique et non le message
pédagogique car il était livré à lui-même. Le jeu était dénué d’un véritable "scénario pédagogique",
et a dû être majoritairement utilisé en tant que jeu. Le programme est donc devenu un jeu pour
les élèves. Le manque de "scénario pédagogique" peut expliquer le désengagement des adultes
face à Technocity. Privé de "clés" pédagogiques et peut-être de clés d’ordre technique, culturel,
ludique, etc., les adultes n’ont pu endosser le rôle de médiateur pour accompagner les élèves dans
leur utilisation du SG. Cependant, même en intégrant un "scénario pédagogique" qui fédère un
utilisateur et un médiateur autour de l’application, nous devons accepter l’idée que l’objectif
pédagogique ne sera pas nécessairement atteint. Ainsi, des médiations virtuelles trop restreintes
dans le dispositif n’ont pas permis d’obtenir les résultats escomptés par les concepteurs.
Le tuteur pourrait être virtuel et être piloté par une I.A. (Intelligence Artificielle) ou
alimenté par un système expert. Maintenant tout dépend ce que l'on souhaite faire apprendre...
S'il s'agit d'enseigner une chose simple comme "plus on roule vite, plus on s'expose au danger",
on a plus de chance d'y parvenir avec un SG que si l'on cherche à enseigner quelque chose de
complexe comme la théorie de la relativité par exemple... il semble que dans l’apprentissage on ne
peut pas toujours se fonder sur des situations d’auto-apprentissage car il faut une personne qui
accompagne l'apprenant. Maintenant ce tuteur peut-être présent physiquement, à distance ou
bien être représenté par un agent virtuel.
Le développement des SG a modifié le travail du centre client chez Orange. C’était un outil
supplémentaire dans les mains des soutiens métiers. L’outil SG a été conçu à la base pour du
soutien métier afin de travailler la montée en compétence des conseillers. Préalablement le rôle du
soutien métier était d’assurer l’assistance quand un responsable d’équipe avait besoin d’aide. On
est passé de cette étape d’assistance à l’étape de montée en compétence c’est-à-dire comme
l’exprime notre interlocuteur : « on détecte un besoin, on monte un dispositif pédagogique pour travailler sur
la montée en compétence du conseiller ».
Par ailleurs, Orange mène un travail de soutien auprès des apprenants qui ne sont pas familiarisés
avec les outils technologiques. Celui qui a la maîtrise de l’apprentissage doit s’assurer dans un
accompagnement de proximité, de la bonne appropriation de l’outil par le conseiller. Dans un
centre d’une trentaine de personnes, le responsable d’équipe de conseillers a une quinzaine
d’individus avec lui et il connaît leur méthode d’apprentissage. En fonction de cela, soit il laisse
l’individu un peu plus autonome, soit il l’aide vraiment par rapport à ses difficultés. Il faut
absolument que cela soit accompagné. Notre interlocuteur précise : « Si on veut gagner en efficacité, il
faut qu’il y ait un véritable accompagnement ».
Chez Axa, le manager a également une place importante dans la montée en compétence de ses
collaborateurs, dans la formation et veut apprendre à apprendre. Cet élément d’accompagnement
humain du SG est même considéré comme un indispensable préalable à tout déploiement.
Ö celle de la mesurabilité des effets positifs de la formation qui est inhérente aux
modes de management des entreprises obligées de gérer et mesurer la montée
en compétences qui va à l’encontre de l’approche de l’apprentissage « située ».
Ö celle de l’essence du jeu qui implique la liberté du joueur pour favoriser une
réelle mobilisation qui est opposé aux formes de systématisation imposées par
les cadres de formation mises en place par les entreprises et qui impliquent la
nécessité de l’évaluation, du suivi des apprenants, l’intégration des SG comme
un outil entre autres.
Dans cette partie nous tenterons de faire la distinction entre deux approches du SG. En premier
lieu celle des chercheurs, préoccupés d’expériences pédagogiques et de nouvelles formes
d’apprentissage. Nous aborderons ainsi le concept de l’apprentissage « située » dans des
communautés de pratiques. En second lieu, celle des acteurs au sein des entreprises. Ces derniers
appréhendent les SG dans la filiation des formations e-learning et comme un complément par
rapport à d’autres types de formation possibles existants, notamment à l’intérieur de parcours de
formation.
Nous nous interrogerons sur les contradictions entre ces deux approches en ce qui concerne
l’individualisation de la formation, la mesurabilité des effets positifs de la formation, enfin celle
de l’essence du jeu qui implique la liberté du joueur.
Les modalités de formation actuelle dans l’entreprise représentent donc bien souvent des
formations de type individuel. La formation par le SG s’inscrit dans ce type de formation.
Pourtant les chercheurs que nous avons rencontrés tels que Vincent Berry jugent ces modalités
contraire même à l’esprit de l’apprentissage situé qui réclame la constitution de communautés de
pratiques. Par contre d’autres approches, plus fondées sur la scénarisation rentrent moins en
contradiction avec les approches développées par les partenariats entre concepteurs et
entreprises commanditaires étudiées.
Dans un premier temps nous tenterons à la fois de définir la notion d’apprentissage situé ainsi
que celle de la communauté des pratiques et nous verrons en quoi les modalités adoptées par les
partenariats entre concepteurs et entreprises commanditaires étudiés ne s’inscrivent pas dans cet
esprit d’apprentissage défendu par Vincent Berry.
Dans un deuxième temps nous aborderons l’approche de la scénarisation pour montrer pourquoi
elle rentre moins en contradiction avec la tendance « d’autoformation » proposée dans les
entreprises.
41
BERRY Vincent, article « Immersion dans un monde virtuel : jeux vidéo, communautés et apprentissages »,
publié dans le journal : Pratique de Formation Analyse n°52, en cours de publication.
Qu’entendent les chercheurs à l’origine du concept par l’apprentissage situé ? Vincent Berry dans
son texte 43 reprend une explication de ces auteurs :
« … apprendre implique de façon le plus souvent informelle, que la personne soit capable d’être impliquée dans de
nouvelles activités, d’exécuter de nouvelles tâches et de maîtriser de nouvelles interprétations. Les activités, les tâches,
les fonctions, et les interprétations n’existent pas de façon isolées; elles font partie d’un système plus large de
relations dans lesquelles celles-ci prennent sens ». (Lave et Wenger, 1991, 53) 44 .
Puis il poursuit : « Lave et Wenger proposent ainsi une analyse située de l’apprentissage et des processus
cognitifs…. Ils partagent pour partie l'idée des théoriciens de l'activité […] selon laquelle les actions ne peuvent être
réduites à des opérations cérébrales : les artefacts et la matrice sociale jouent un rôle aussi important dans
l'apprentissage et l'exécution d'une tâche.» Ainsi « l’acquisition de savoirs, savants ou techniques, sont des
mécanismes sociaux, et se construisent au travers de processus de participation à une praxis. Ils [les théoriciens
de l'activité] inscrivent ainsi leur analyse dans une tradition de la sociologie marxiste ou néo-marxiste : l’individu,
son identité, son rôle, ses comportements, ses valeurs sont déterminés, inscrits et rattachés à une pratique et à un
groupe de pratique. A cet égard, ils se rapprochent - et convoquent explicitement - la sociologie de la pratique de
Pierre Bourdieu (1972) » 45
Vincent Berry montre 46 ensuite que « La théorie qu’ils développent met ainsi l’accent sur l’interdépendance
relationnelle entre l’agent et le monde, l’activité, le sens, la cognition, l’apprentissage et le savoir : ‘ il n’y pas
d’activité qui ne soit pas située […] l’agent, l’activité et le monde se construisent mutuellement’ ». (Lave et
Wenger, 1991, 33). »
Plus loin, il peut conclure 47 que : « L’apprentissage situé et la théorie des communautés de pratique proposent
une vision différente - sans être radicalement nouvelle - de la connaissance humaine et de l’apprentissage qui n’existe
pas in fine, en tant que tel, et qui invite en conséquence à (dé)placer le regard du chercheur non plus sur l’apprenant,
sur le savoir ou la société dans sa globalité mais dans un entre-deux, entre l’agent et la structure. L’éducation de ce
point de vue, loin d’être la propriété exclusive de l’école, de l’enfance ou de l’adolescence, est considérée comme un
42
LAVE, Jean, WENGER Etienne, 1991, Situated Learning : Legitimate Peripheral Participation, Cambridge,
Cambridge University Press.
43
BERRY Vincent, article « Immersion dans un monde virtuel : jeux vidéo, communautés et apprentissages »,
publié dans le journal : Pratique de Formation Analyse n°52, en cours de publication.
44
Ibid (LAVE Jean, WENGER Etienne).
45
BOURDIEU, Pierre, 1972, Esquisse d’une théorie de la pratique, Genève, Librairie Droz.
46
Ibid (BERRY Vincent) Page 14
47
Ibid (BERRY Vincent) Page 40
Que se passe-t-il dans ce contexte d’apprentissage ? Quelles sont les interactions liées à la
pratique collective qui vont s’opérer ?
48
BERRY Vincent, article « Immersion dans un monde virtuel : jeux vidéo, communautés et apprentissages »,
publié dans le journal : Pratique de Formation Analyse n°52, en cours de publication. pp 39-40
49
BROWN John Seely, DUGUID Paul, 1989, « Situated cognition and the culture of learning », in Educational
Researcher, p 18
50
BROUGERE Gilles, BEZILLE Hélène, 2007, « De l’usage de la notion d’informel dans le champ de
l’éducation », in Revue Française de Pédagogie.
51
PAIN Abraham, 1990, Education informelle : les effets formateurs dans le quotidien, Paris, L’Harmattan.
52
Ibid (Vincent Berry), p18
53
BROWN John Seely, DUGUID Paul, 1991, « Organizational learning and communities of practice : toward a
unified view of working, learning and innovation », in Organization Science.
54
BERRY Vincent, article « Immersion dans un monde virtuel : jeux vidéo, communautés et apprentissages »,
publié dans le journal : Pratique de Formation Analyse n°52, en cours de publication.. Page 19
Ainsi plus loin Vincent Berry ajoute : « Non seulement l’apprentissage n’est pas toujours une relation entre
un maître et des élèves, entre experts et nouveaux, il peut en effet être collaboratif et distribué entre pairs (ce que
Lave et Wenger intégraient déjà dans leur analyse mais ils se focalisaient plus sur des relations hiérarchisées 55 ) et
être une source considérable d’innovation. En outre, les communautés de pratique ne sont pas nécessairement
visibles et ne sont pas nécessairement des entités délimitées par une organisation ou un groupe social. 56 »
L’exemple de Rank Xeros est révélateur de cet apprentissage entre pairs.
« L’hypothèse centrale que formulent alors Jean Lave et Etienne Wenger est que l’apprentissage est avant tout un
processus de participation à des pratiques sociales, à des « communautés de pratique ». Dans leur perspective
théorique, il s’agit de comprendre l’acquisition d’un savoir, quel qu’il soit, non plus sous l’angle d’une construction
cognitive mais comme un mode d’appartenance à des groupes sociaux. Apprendre, ce n’est ni un transfert de
connaissance d’une situation à une autre, ni le traitement d’informations, mais une façon de participer à des
pratiques sociales, un statut, un mode d’appartenance à une communauté, une façon « d’en être ».
« De ce point de vue, apprendre implique de façon le plus souvent informelle, que la personne soit capable d’être
impliquée dans de nouvelles activités, d’exécuter de nouvelles tâches et de maîtriser de nouvelles interprétations. Les
activités, les tâches, les fonctions, et les interprétations n’existent pas de façon isolée; elles font partie d’un système
plus large de relations dans lesquelles celles-ci prennent sens ». (Lave et Wenger, 1991, 53) ».
« Ces différents chercheurs 57 vont non seulement mettre à jour l’utilisation par différents groupes sociaux
de procédures cognitives complexes dans des pratiques quotidiennes mais également la difficulté qu’ils éprouvent à
reproduire ces procédures dans d’autres situations, et plus spécifiquement dans le cadre de situations scolaires. Face
à ce constat d’un décalage entre situation pratique et situation scolaire, certains chercheurs remettent alors en cause
la notion même de transfert de connaissances en proposant celle d’apprentissage situé (Situated Learning). De leurs
points de vue, l’apprenant ne se constitue pas un corps de savoirs abstraits dans lequel il va piocher pour le
transférer ailleurs selon les situations mais construit des compétences en s’engageant dans des pratiques sociales. »
Il s’agit d’un modèle novateur, évoqué page 10, qui rompt avec les théories d’apprentissage
classique du modèle piagetien 58 :
« Ce qui caractérise également ce mouvement de chercheurs en psychologie culturelle c'est une critique du modèle
piagétien au profit des perspectives ouvertes par Vygostski : l'apprentissage ne peut se réduire à des processus
individuels « d'intériorisation » ou d'assimilation mais il se construit dans l'interaction avec un pair ou un « plus
expert » dans une logique de guidage. Le savoir de ce point de vue est indissociable d’une pratique et l’apprentissage,
dans cette perspective, n’est pas affaire d’acquisition de savoirs, de stades ou de transfert de connaissance, modèle sur
55
Lave et Wenger précisent dans un article publié en 1999, que l'apprentissage « n'est pas le fait d'un maître mais
repose dans l'organisation d'une communauté dans laquelle le maître n'est qu'un élément » (1999, 23).
56
Page 20
57
Vincent Berry cite ici Cole, Carraher, Lave
58
Le modèle piagétien est unidimensionnel. Piaget s'intéresse au développement général de l'intelligence et pas
du tout aux différences individuelles. Il cherche à expliquer les processus et les structures par lesquels l'enfant
développe une compréhension de plus en plus complexe de son environnement physique et social. Le modèle
piagétien suppose que les enfants ne peuvent différer quant à la voie prise pour accéder à de nouvelles capacités
intellectuelles. Tout au plus, les enfants peuvent se distinguer quant à la vitesse à laquelle ils y accèdent (source :
http://www.aqps.qc.ca/public/publications/bulletin/04/04-01-03.htm
« […]Lave et Wenger vont développer l’argument suivant : l’apprentissage (learning) est un processus de
participation à des groupes sociaux, des communautés de pratique, participation qui est au départ « périphérique et
légitime » mais qui augmente peu à peu dans l’engagement et la complexité. »
Plus tard il ajoute page 22 :
«[Wenger] va …renouveler clarifier la notion de communauté de pratique en articulant sa réflexion autour de
deux axes :
- une clarification et un (re)cadrage théorique : précise la notion de pratique, conceptualise la notion de participation,
à laquelle il ajoute celle de négociation du sens.
- un travail de définition : il modélise et établit une cartographie plus précise des communautés de pratique » […]
« Il va ainsi proposer comme base d’analyse aux communautés de pratique deux dualités, Identité / pratique et
participation / réification, pour dans un deuxième temps proposer une définition et une délimitation du concept. »
Ainsi, Vincent Berry précise la manière dont Wenger définit la pratique dans l’apprentissage :
« la pratique, selon Wenger, désigne à la fois les compétences, les tâches et les actions que les agents mettent en
œuvre pour exécuter leur travail mais également l’ensemble des significations, des relations, des artefacts, des
conventions, des valeurs, des représentations qui permettent de rendre l’expérience au travail possible. » 59
59 BERRY Vincent, article « Immersion dans un monde virtuel : jeux vidéo, communautés et apprentissages »,
publié dans le journal : Pratique de Formation Analyse n°52, en cours de publication. Page 22
60
Ibid (BERRY Vincent), page7
61
Questionnaire à choix multiple
Le budget consacré à la création des modules d’apprentissages SG étant important, les entreprises
investissant dans ce type de production doivent impérativement justifier ce coût. Les
responsables de formation sont donc soumis à l’exigence du résultat produit en particulier de la
part de leurs hiérarchies. Ce sujet est présent dans le dialogue qui s’instaure entre l’entreprise
conceptrice et chaque entreprise commanditaire et les choix pédagogiques qui sont faits sont
donc influencés par la question de l’évaluation et de la mesure des résultats.
Ainsi, sont élaborées des grilles d’évaluation auxquelles on soumet les salariés qui se forment. La
question de la mesure est problématique. Que peut-on mesurer et comment ? Visiblement les
grilles ressemblent beaucoup à celles administrées à la fin des formations présentielles. Elles se
présentent comme le recueil de points de vue de l’apprenant à chaud. Certains de nos
interlocuteurs au sein des entreprises commanditaires font également référence à des évaluations
à froid six mois après la passation de la formation. En effet, un SG tout comme le e-learning est
intégré dans un parcours de formation global et il représente globalement une ‘brique’ ou une
étape à l’intérieur du parcours pour préparer une formation en présentiel par exemple.
Une fois que la formation est finie, les formateurs procèdent à deux types d’évaluation :
La première est une évaluation à chaud. Il s’agit d’un questionnaire qui doit être rempli par les
managers. Par la suite cinq ou six meilleurs ‘top’ managers sont sélectionnés et interviewés par les
responsables de formation pour faire ressortir les avantages du SG, et ce qu’il apporte comme
valeur ajoutée pour l’entreprise et ses salariés.
Le responsable de formation de SFR explique ainsi ses choix lors de son entretien : « Evaluation à
chaud donc juste après la formation et évaluation à froid deux à trois mois après, la par exemple on a formé moins
de 150 managers du mois de novembre jusqu’au début du mois de janvier, parce que les entretiens annuels ont lieu
chez nous de novembre à fin janvier. Là, début mars on va lancer une évaluation à froid on va contacter ces 150
managers pour leurs faire remplir un questionnaire et puis on va organiser une ou deux réunions avec ces cinq à six
managers pour justement avoir du verbatim pour leur faire d’exprimer sur ce qu’ils ont vécu sur ce que cela leur a
apporté. »
La seconde est donc une évaluation à froid. Ce niveau d’évaluation est réalisé deux à trois mois
après la fin de la formation. D’après notre interlocuteur l’entreprise estime que son objectif est
atteint en terme des résultats obtenues sur la montée en compétence de ses salaries. Cette
entreprise a bien voulu nous communiquer les statistiques de l’évaluation de la promotion 2008 64 .
« Les évaluations à chaud ont été excellentes enfin vraiment le taux de satisfaction du public était à 95%. C’est
vrai que cela est tombé au moment où les entretiens allaient se dérouler. Puis, à froid, c'est-à-dire qu’une fois
qu’ils ont fait leur entretien annuel, on les a rappelé pour savoir si finalement la formation leur avait été utile et si
le jeu avait été utile. Alors vraiment cela a donné 90% de taux de satisfaction d’utilité. C’est un taux très élevé.
Cela ne dégonfle pas, ce qui nous a entraîné à développer une solution véritablement customisée pour SFR avec
plusieurs critères.»
Le responsable de formation rencontré chez Axa pense que l’évolution du chiffre d’affaire de
l’entreprise dépend de compétences individuelles. Il est convaincu que la mesure de l’évaluation
de la formation est un point primordial, (selon Axa plus la personne est bien formée plus elle est
apte à augmenter le chiffre d’affaire de son entreprise) pour comparer les résultats par rapport à
d’autres formations mises en place dans l’entreprise. Tout comme d’autres entreprises Axa met
aussi en place deux types d’évaluation. Toutes les deux se font à chaud. L’une est une mesure de
satisfaction sous forme d’entretien généralement réussi à 90% (taux de l’année 2007). L’autre est
62
Entretien SFR
63
http://www.strategies.fr/archives/1452/page_41767/apprendre-en-s--amusant-serieusement.html
64
Cf. annexe : Statistique SFR Cumul des évaluations
Mais en tout état de cause une évaluation de compétences reste difficile et est conduite
sous forme d’auto-évaluation chez Axa par exemple :
« Ils [les formés] ont dit qu’ils avaient évolué sur l’écoute, donc à la suite ils ont passé les entretiens avec les
collaborateurs et on leur demande après dans quels domaines : capacités acquises, gestion de conflits, l’importance
de la répercussion de leur comportement, la préparation de l’entretien. Ils ont saisi l’importance de ce type
d’entretien et que ça allait au delà de l’entretien d’appréciation, ils ont encore pris conscience et de façon plus
importante qu’il fallait préparer tout entretien avec les collaborateurs. Donc après c’est assez difficile d’évaluer la
montée en compétence d’un collaborateur.»
« Alors la population cible c'est environ 7000 personnes de 20 à 55 ans, marquées volontairement parce que l'un
de nos soucis c'est qu'il faut travailler les montées en compétence aussi bien des jeunes qui sortent avec un bac+2 ou
plus et puis d'autres personnes qui sont issues de France Télécom et qui ont entre 40 et 55 ans qui n’abordent pas
toujours cette montée en compétence avec les SG de la même manière donc c'est pour ça que j'avais insisté sur ce type
de population ».
Cette formation qui vise l’amélioration de l’aspect relationnel est ouverte depuis deux ans. Elle
distingue deux modes de mesure : quantitative et qualitative. Selon les responsables de formation,
la mesure quantitative est plus efficace puisqu’elle permet de déterminer les nombres de
personnes qui sont inscrites au jeu sérieux, le nombre de personnes qui ont joué et les personnes
qui ont réussi un exercice. En revanche la mesure qualitative est difficile à appréhender, car elle
repose sur des concepts un peu subjectifs comme la quantité (le nombre de fois) de sourires que
le conseiller émet lors de l’exercice SG. Dans ce cas précis en effet, plus le personnage dans le
jeu sourit, plus il gagne des points et monte en compétence de la « client attitude ». Il est difficile de
savoir si dans la vie quotidienne réelle, le client marquerait sa satisfaction de manière aussi
automatique.
« On analyse la quantité de sourire que l’on peut mettre dans la voix du conseiller. On doit percevoir dans le SG
si le conseiller est en train de perdre du sourire dans sa voix. Si on détecte de la perte de sourire, à ce moment là il
faut lui donner un peu de sourire, et c’est valorisé dans le debrief final.» 65
Le responsable de formation rencontré chez Orange affirme que l’utilisation du SG élaboré avec
Daesign obtient des résultats très positifs. Pour autant, il n’arrive pas à déterminer le niveau de
maîtrise obtenu par les formés via le SG, même si la motivation obtenue de leurs conseillers par
ce moyen est perceptible. C’est pourquoi notre interlocuteur considère qu’il y a un gain en termes
de montée en compétence et satisfaction de la clientèle Orange.
De même, notre interlocuteur chez Axa juge que l’évaluation est très difficile à traiter et qu’il faut
finalement se baser sur plusieurs critères à la fois comme la compétence, l’amélioration, la gestion
et la motivation. Il remarque cependant que pour les entretiens de vente l’évaluation est beaucoup
65
Entretien Orange
« Les plateformes permettent l’identification de l’apprenant afin de le suivre et enregistrer toutes ses données (bonnes
et mauvaises réponses), un bon moyen pour avoir des bilans personnalisés pour chacun des utilisateurs » 67 .
Net Division 68 intègre dans ces SG un CRM 69 (Customer Relationship Management), outil de gestion
de la relation client qui facilite la modélisation des statistiques des données recueillies. Ce type de
SG est alors autant un outil marketing qu’un outil de formation, la mesure de l’apprentissage n’est
pas alors primordiale.
La méthode employée par Daesign dans ce domaine favorise une auto-évaluation plus complexe,
impliquant dans certaines entreprises comme Orange l’intervention des managers comme nous
l’avons vu dans l’hypothèse 2. En effet Daesign propose à la fin de chaque SG qu’elle conçoit
une analyse contenant un compte rendu des choix, des erreurs de l’utilisateur. Celle-ci sert à
informer et sensibiliser l’apprenant sur les points qu’il doit améliorer. De plus, cette entreprise
recommande la présence d’un tuteur lors de ce type d’intervention. L’apprenant doit être
accompagné par un formateur afin de le guider et lui expliquer les analyses individuelles des
résultats de l’évaluation de chacun des participants.
66
Extrait de l’interview de KTM
67
Extrait de l’interview de Netdivision
68
http://www.netdivision.fr/
69
C’est le résultat des efforts commerciaux fournis par les sociétés de logiciels et de consulting pour promouvoir
leurs solutions
(Source : http://www.avaformation.com/Current/index.htm )
70 http://209.85.129.104/search?q=cache:_BtFhh_tTTQJ:www.alaide.com/dico.php%3Fq%3DLearning%2BMa
nagement%2BSystem%26ix%3D5945+d%C3%A9fiition+%2B+Learning+Management+System&hl=fr&ct=cln
k&cd=1&lr=lang_fr
71
http://www.univ-savoie.fr/Portail
72
Mingasson, Michel (2002) : Le guide du e-learning (l’organisation apprenante), Editions de l’organisation
L’apprentissage situé dans le cadre de la formation dans l’entreprise semble difficilement trouver
sa place compte tenu des modes de management qui imposent la mesurabilité. C’est selon
Vincent Berry, une mesurabilité culturelle qui se fait dès l’école et qui se poursuit dans l’entreprise.
La mesurabilité répond à la notion de « montée en compétence » souvent à l’origine des
formations dans l’entreprise. Il s’exprime ainsi lors de son entretien : « Avec l’approche de
l’apprentissage situé, il n’y a pas d’évaluation au sens scolaire. La forme scolaire est complètement absente. (…)
C’est un point de vue théorique et qui implique la question des SG et les relations entre jeux vidéo. Laisser se
développer des modèles de compagnonnage et éliminer la forme scolaire favorise l’utilisation du jeu. Si vous imposez
la forme scolaire dans le jeu, vous êtes sûr qu’il n’y a plus de jeu. (…) C’est une forme quasiment antithétique. »
On peut finalement constater, que les chercheurs priorisent la formation et l’apprentissage plus
que l’évaluation, contrairement aux entreprises utilisatrices dont la mesurabilité de la montée en
compétence des salariés est nécessaire, et se fait différemment d’une entreprise à l’autre. Selon
l’exigence de chaque entité, les critères mis en place de l’évaluation changent en termes des
résultats et de la façon dont les évaluations du SG sont faites, et varient par rapport à
l’importance de l’évaluation de chaque entreprise cliente. C’est pourquoi on distingue plusieurs
dispositifs d’évaluations conçues par les entreprises commanditaires qui partent des simples et
basiques tests comme les QCM jusqu’à des évaluations avec études de compétences poussées
utilisant des statistiques et d’autres moyens de tests de niveaux.
73
WENGER Etienne, 2005, La théorie des communautés de pratique. Apprentissage, sens et identité, Sainte-
Foy, Presses de l'Université Laval.
74
BROUGERE Gilles, Jeu et éducation, L’Harmattan, Paris, 1995
Pour cela, nous étudierons en premier lieu comment et pourquoi établir une situation immersive
pour l’apprenant : nous utiliserons les travaux des chercheurs qui ont traité la notion de scénario.
Puis nous mettrons en regard les entreprises utilisatrices de SG interviewées.
En second lieu, nous tenterons de mettre en lumière les relations problématiques entre jeu et
formation, notamment à travers la notion de frivolité dans les SG.
Nous décrirons d’abord les travaux de ces deux auteurs Propp et Greimas en utilisant ceux de
Julian Alvarez pour décrire le schéma narratif dans le jeu vidéo, puis nous montrerons comment
Symetrix a intégré ces concepts pour élaborer ses produits.
75
ALVAREZ Julian, 2007, Du jeu au SG: Approches culturelle pragmatique et formelle, Université
TOULOUSE III - Paul Sabatier, in Internet, (Spécialité science de la communication et de l’information),
http://www.jeux-serieux.fr/wp-content/uploads/THESE_SG.pdf
Ensuite seulement, Vladimir Propp détermine les concepts de personnages, afin de répondre à la
question : Comment les fonctions se répartissent-elles entre les personnages ? Ils sont au nombre
de sept : l’agresseur, le donateur, l’auxiliaire (par exemple la fée du conte français, la sage-femme du conte
allemand, le génie du conte oriental, etc.), la princesse et son père, le mandateur, le héros (ou l’héroïne),
et le faux héros.
Ainsi il délimite la sphère d’action, et plus tard Algirdas Julien Greimas s’appuyant sur les travaux
de Propp définira le schéma actanciel et le schéma narratif canonique.
76
PROPP Vladimir, (1928), La Morphologie du Conte, Publiée en Russie en 1928, Edition Seuil
77
http://fr.wikipedia.org/wiki/Vladimir_Propp
78
http://www.signosemio.com/greimas/schemanarratif.asp
Selon lui, « Greimas aboutit à proposer une véritable théorie de l’action humaine en général. Cette théorie résulte
de la description formelle systématique, structurale et dynamique, des invariants et des mécanismes élémentaires
profonds qui sous-tendent la construction de la plupart des formes de récits (textuels, imagés ou verbaux) dans la
plupart des cultures » 80 .
Ainsi Sébastien Genvo nous montre qu’ « en fondant cette description de l’action sur une théorie, également
formelle et dynamique, de la signification en général, le modèle sémio-narratif greimassien propose une description
générale de l’action humaine » (Linard, 1994 : 132) 81 . En ce sens, l’emploi d’éléments issus des théories
d’Algirdas Julien Greimas (ici le schéma narratif) est pertinent […] » 82 .
D’ailleurs, la phase immersive de sanction (4) du schéma canonique comprend des sous phases, et
dans notre cas, la phase de compétence doit permettre, à travers l’entraînement, « d’acquérir des
« modalités du faire ». Celles-ci sont de quatre types et peuvent être classées par paires. Il y a tout d’abord les
modalités de la potentialisation qui sont le devoir-faire et le vouloir-faire. Ces modalités sont dénommées de la sorte
car celles-ci mettent en perspective la performance à réaliser. » 84
C’est précisément ce que les entreprises entendues tentent de mettre en œuvre. L’apprenant en
situation immersive sera amené à être acteur de ses décisions en fonction de ces propres objectifs,
mais aussi ceux de l’entreprise et de la formation, bien entendu cadrée par les mécanismes qui
79
Extrait de la thèse, GENVO Sébastien, 2006, LE GAME DESIGN DE JEUX VIDÉO : Approche
Communicationnelle et interculturelle, Université Paul Verlaine – Metz, in :
http://www.ludologique.com/publis/these_sebastien_genvo.pdf , page 218
80
Ibid (Extrait de la thèse GENVO Sébastien), p.218
81
LINARD Monique (1994) « Vers un sujet narratif de la connaissance dans les modélisations de
l’apprentissage », Intellectica, 19 (2), Paris, ARC.
82
Ibid (GENVO Sébastien), p.218
83
GENVO Sébastien, 2006, « Les conditions de validité de l’immersion vidéoludique : pour une approche
descriptive de la jouabilité », Ludovia 2006, Saint-Lizier, disponible en ligne :
http://www.omnsh.org/article.php3?id_article=88.
84
Ibid, in http://www.omnsh.org/article.php3?id_article=88
Sébastien Genvo anticipe finalement aussi sur le fait de la nécessité de communiquer fortement
autour des applications auprès des utilisateurs/apprenants dans la mesure où l’utilisation ne va
pas forcément de soi ; ceci nous semble parfaitement transposable à toute entreprise, qui décide
d’un déploiement de SG, car les apprenants auront à la fois besoin d’être accompagnés et
informés pour savoir se servir aisément des fonctionnalités et obtenir des résultats probants :
« L’analyse sémio-pragmatique permet de relever quelle est la place du destinateur qui a été convenue par les
concepteurs de sorte à inciter au jeu. Il est bien sûr possible qu’un programme narratif ait été établi par les
concepteurs et qu’il ne soit pas suivi ou qu’il ne soit pas immédiatement découvert (par faute de faire-savoir peu
explicite), mais cet aspect relève avant tout de l’analyse des usages.
Et dans la mesure où « le modèle narratif a pour rôle de rendre compte de la façon dont la structure de jeu a été
conçue pour présenter une certaine « jouabilité », on peut partir de l’idée que l’intérêt de l’usage du
schéma canonique consiste à plonger l’apprenant dans un univers immersif en associant jeu et
narration. A l’entreprise alors de privilégier les actions qui incombent à « l’apprenant-joueur » et
d’établir sa propre liste de fonctions.
Comme les prestataires de services, qui ont pour cœur de métier soit le jeu soit la formation,
développent des SG pour les entreprises, nous allons précisément vérifier dans le point suivant, à
partir de nos entretiens, comment ces entreprises s’appuient sur les travaux des universitaires,
comment la situation immersive est utilisée en entreprise et ce qu’elle est susceptible d’apporter à
l’apprenant et à l’entreprise.
Nous nous sommes aidés des explications du consultant e-learning chez Xperteam 86 ainsi
que celles données sur le site de l’entreprise, pour comprendre comment était pris en compte
l’immersion pour l’élaboration des SG.
La conception du jeu se base clairement sur les travaux de Propp et particulièrement sur le
schéma actanciel de Greimas pour la structure narrative : « Le principe du game-learning est donc de faire suivre
au héros-apprenant une trame scénaristique dans un univers dédié. »
Le destinateur donne la quête alors que le destinataire bénéficie du résultat : « Le héros, notre
apprenant, doit remplir une quête, conquérir l’objet désiré. L’objet est « ce qui » ou « celui/celle qui » est
convoité ; avec donc une composante de désir. Pour atteindre l’objet et accomplir la quête principale, le héros
doit franchir des étapes (micro-quêtes ou quêtes intermédiaires). Il est confronté à des mises en situation où il
applique ses connaissances ».
Enfin, le héros rencontre sur son chemin des opposants, personnages ou objets qui font obstacle
à la résolution de la quête. Au contraire, les adjuvants sont là pour l’aider dans sa mission.
85
Ibid in http://www.omnsh.org/article.php3?id_article=88
86
Entretien plus explication sur le site http://www.formaguide.com/article.php3?id_article=3202
Il semble donc évident que le Game-learning constitue une proposition pédagogique innovante en
empruntant des recettes anciennes. Elles pourraient permettre aux entreprises, et c’est l’approche
de Xperteam, de voir la formation sous un nouveau jour, c’est-à-dire :
Les entreprises estiment ce côté immersif des SG nécessaire pour motiver l’apprenant.
Pour établir cette situation, certaines entreprises conceptrices de SG n’hésitent pas à utiliser les
travaux des chercheurs pré-cités et les schémas actanciel ou narratif pour illustrer leurs démarches.
Par exemple Symetrix utilisent le schéma actanciel pour développer leur concept de SG,
tout comme dans leur module de-learning-Gaming, où ils vont utiliser des scénarii empruntés à la
narration pour amener ce coté immersif. « Le concept qu’on a développé s’appuie sur le schéma actanciel de
Greimas … Le-learning game en fait ce n’est pas du jeu vidéo, ce n’est pas du 3D temps réel. L’objectif
pédagogique du e-learning, on va le scénariser. Et l’apprenant va devenir acteur, on lui demande de conduire une
histoire. » 90
L’entreprise Symetrix s’appuie également sur « Greimas […] qui a fait le schéma actanciel. A savoir pour
lui toutes les structures narratives, scénaristiques tels qu’on les retrouve dans les romans, dans les scénarios
s’appuient sur ce schéma. » 91 C’est notamment dans le but de solliciter l’intérêt et la motivation du
salarié que l’entreprise va utiliser ce type d’approche et « c’est notre structure dans laquelle on va
s’appuyer pour le scénario. Et dans ce scénario, il va donc vivre tout au long du déroulé pédagogique. C'est-à-dire
qu’on va avoir des écrans de transition, des animations de transition qui vont venir égayer les temps pédagogiques
87
Extrait de la conférence Xperteam
88
Ibid (Conférence)
89
Ibid (Conférence)
90
Entretien avec Symetrix
91
Ibid (Entretien Symetrix)
Ceci est confirmé par Daesign, une autre entreprise conceptrice, selon laquelle « les formations en e-
learning « classique » ne fonctionnent pas toujours. […] Le SG apporte alors un côté ludique et immersif, qui
évidemment est facilitateur d’apprentissage. »
Dans le cadre du SG, et Julian Alvarez le confirme, « la forme de pédagogie recherchée pour être compatible
avec l’approche du SG, doit avoir pour propriété de susciter l’envie d’apprendre par l’intermédiaire d’un jeu et pour
intention de viser l’apprentissage soit d’une connaissance, soit d’une pratique, ou bien des deux à la fois. » 94
Mais d’autres facteurs interviennent pour favoriser la formation dans le monde immersif comme
le partage de l’expérience qui nous interroge pour le chapitre suivant.
92
Extrait de l’entretien avec Symetrix
93
Extrait de l’entretien avec Julian Alvarez
94
Extrait de la thèse, Alvarez Julian, 2007, DU JEU VIDÉO AU SG: Approches culturelle pragmatique et
formelle, (Spécialité science de la communication et de l’information), Université TOULOUSE III - Paul
Sabatier, page 126, in Internet (http://www.jeux-serieux.fr/wp-content/uploads/THESE_SG.pdf )
En 2008, Total a fait appel à Symetrix pour former ses 10 000 employés de station de service, pendant une
heure et quart environ, sur les produits qu’ils vendent : les carburants, les lubrifiants, mais aussi pour leur
donner une culture générale sur la provenance du pétrole, la fabrication du lubrifiant, et sur les énergies
alternatives pour demain. Le profil des apprenants sont aussi bien les pompistes âgés de 50-55 ans qui ont
passé toute leur carrière en station, comme les étudiants travaillant pour financer leurs études.
Le scénario a été le suivant :
« Nous sommes en 2050 et il n’y a plus beaucoup de pétrole dans le monde. L’apprenant a hérité d’une vieille voiture, celle
de notre époque, des années 2000. Il doit la démarrer et au moment de la démarrer il n’y a plus d’essence. Donc l’apprenant
va à une station service, et là le pompiste lui dit que s’il veut de l’essence il doit d’abord obtenir un agrément, et pour obtenir
cet agrément il faut qu’il aille se former au Technocentre Total. L’apprenant se rend au Technocentre Total où il rencontre des
experts qui vont lui expliquer différents éléments sur le pétrole : pourquoi le 95 fait ci, pourquoi le 98 fait ça, pourquoi
l’hélium permet de rouler plus longtemps etc. Une fois les éléments acquis, l’apprenant retourne voir le pompiste. L’apprenant
va devoir répondre à des questions sur des cas pratiques, il va en fait devoir répondre à des questions qui sont les plus
couramment posées par les clients en station. Et ensuite l’apprenant retourne faire le plein pour sa voiture. Là il va
s’apercevoir qu’il manque de l’huile, et même scénario il lui faut un agrément, qu’il obtiendra en se formant au Technocentre
Total avec de nouveaux experts, etc. »
Des animations font vivre le scénario : les rencontres avec la secrétaire, le fait de prendre l’ascenseur.
Toutes ces quêtes, scénarisées sur le modèle du schéma de Greimas, se terminent par une glorification. La
récompense arrive une fois toutes les étapes résolues par l’apprenant, le pompiste lui propose de prendre
la tête de la station service. L’apprenant, qui est en fait le héros de l’histoire, se retrouve à la tête de la
station de service et le vieux pompiste qui l’a accompagné tout au long de l’histoire s’en va en lui faisant
ses adieux.
Vincent Berry distingue trois types d’apprentissages informels qu’il juge pratiques et efficaces
quand ils se fondent sur les jeux vidéo (funny game). Il nous explique que ces apprentissages
nécessitent l’existence d’une communauté de « pratique » virtuelle appelée jeu de rôle apparue il y
a 10 ans ; les utilisateurs de ce type de jeu cohabitent dans un univers « immersif » qui leur
permettent de partager de multiples expériences dans le jeu. 96
95
C’est un extrait tiré de l’article : « Immersion dans un monde virtuel : jeux vidéo, communautés et
apprentissages », publié dans le journal : Pratique de Formation Analyse n°52, par Berry Vincent.
96
Berry Vincent, Article : « Immersion dans un monde virtuel : jeux vidéo, communautés et apprentissages »,
publié dans le journal : Pratique de Formation Analyse n°52
Ö (1) Les jeux de rôle en ligne qui créent de bonnes relations entre les joueurs et
permettent l’entraide, l’interconnexion et l’intelligence collective du groupe. Le joueur
devient à la fois instructeur et instruit ce qui lui permet l’acquisition de compétences
liées au jeu, le développement du sentiment d’appartenance à sa communauté et la
construction de bonnes compétences et de coopérations dans le groupe. Ce premier
aspect implique la création de communautés de pratiques.
Vincent Berry explique qu’ « une partie de l’enjeu du ludo-éducatif et de la recherche dans ce domaine
[recherche didactique et pédagogique] essaye de nous faire comprendre le savoir qu’offrent ces jeux et
comment les apprentissages s’opèrent ». C’est pourquoi il a pensé utile de partir de jeux destinés aux
loisirs pour montrer en quoi on pouvait déceler les formes d’apprentissage que ces jeux génèrent.
97 GREENFIELD Patricia (1994), « Action vidéo games and informal education : effects on strategies for dividing
visual attention”, in Journal of Applied Developmental Psychology
98 CALVERT Sandra (2005), « Cognitive effects of video Games » in GODSTEIN Jeffrey, RAESSENS Joot, The
Mélanie (dir) (2003) : La pratique du jeu vidéo : réalité ou virtualité ?, Paris : L’Harmattan.
100 WEISSBERG Jean-Louis (1999), Présences à distance : déplacements virtuels et réseaux numériques, Paris : L’Harmattan.
Toutefois, les entreprises cherchent à construire leurs propres communautés de réseau, car tout
ce qui est communautaire leur échappe pour l’instant. Les actions communautaires se passent à
l’extérieur de l’entreprise (Facebook, My Space, LinkedIn, Viaduc, etc.) Et certains sujets de
formation semblent judicieux pour développer des communautés de pratiques au sein des
entreprises mêmes. La relation manager – salarié peut en être une première illustration (très
simple), mais la communauté de pratiques peut se faire de façon inter-entreprises à propos d’une
fonction métier (commerciale) ou à propos de l’échange de best practices autour de n’importe quel
sujet (certains vont être favorisés par les entreprises, d’autres non), le partage des connaissances
favorisant la construction de communautés. D’ailleurs, la communauté informatique, c’est-à-dire
les informaticiens entre eux, ont fonctionné depuis très longtemps sur ce registre.
Ainsi pour mieux comprendre le lien qui existe entre le « Jeu » et le « Sérieux », nous nous
appuyons sur le travail de Sébastien Genvo, pour qui « le sérieux tend à exclure le jeu, tandis que le jeu
peut fort bien englober le sérieux ». Pour résoudre cette contradiction il faut partir de l’idée que
« l’esprit du jeu peut très bien investir la sphère du sérieux et des activités qui ne sont pas formellement déclarées
ludiques » 101 .
Sébastien Genvo soutient l’idée que « le jeu apparaît ainsi comme une activité sérieuse, précède le travail plus
qu’il ne s’y oppose. Sa frivolité n’est qu’une apparence pour qui ne sait pas en saisir la signification profonde qui de
Fröble à Piaget en passant par Groos ou Freud va échapper au regard superficiel ».
Dans ce sens, les termes « jeu » et « sérieux » ne sont pas antinomiques. D’ailleurs, toujours selon
Sébastien Genvo, « dès lors, le jeu qui n’était pas considéré comme intrinsèquement éducatif peut apparaître
comme une activité d’éducation naturelle. » Il est donc légitime que la formation puisse intégrer des
outils et fonctions empruntés au jeu et au conte pour asseoir une certaine légitimité éducative.
Cependant comment repenser la place des SG dans un contexte d’entreprise ? D’un coté, la
frivolité perd une partie de sa sémantique, car le jeu en tant que tel n’implique pas la notion
d’obligation ; et l’entreprise qui tente de mesurer les actions de formation, se verra dans
l’obligation de demander des comptes aux apprenants soit sous forme d’évaluation, soit lors de
certaines modules en présentiel ou en tutorat, soit encore pour accéder à une formation en
présentiel, obtenir une promotion, etc.
Ainsi lors de l’entretien avec Vincent Berry, celui-ci précisait qu’ « un des critères du jeu c’est la frivolité,
c’est le fait qu’à tout moment je peux me désengager du jeu, je ne suis pas obligé de jouer ».
Or le désengagement d’une formation paraît difficile ou serait assimilé à un échec. Mais d’un
autre coté, le SG de son nom en français « Jeu sérieux » constitue une autre forme de « Jeu ». Si
nous nous en tenons à la définition courante de Wikipédia, à savoir : « le SG est une application
informatique qui combine une intention sérieuse, de type pédagogique, informative, communicationnelle, marketing,
idéologique ou d'entraînement avec des ressorts ludiques issus du jeu vidéo ou des ressorts de mise en situation active
propre à la simulation informatique. 102 », il semble difficile que la frivolité des SG puisse être
complètement accordé à un apprenant dans le monde professionnel, car le SG doit être au service
d’un apprentissage associé à des résultats.
Vincent Berry confirme qu’impliquer la frivolité dans les SG n’est pas chose facile, à ce propos il
souligne : « […] C’est compliqué pour les SG parce qu’à partir du moment ou vous allez dire « ceci est fait pour
l’apprentissage », vous allez modifier votre rapport à la pratique. »
101
Extrait de la thèse, page 148, GENVO Sébastien, octobre 2006, LE GAME DESIGN DE JEUX VIDÉO :
Approche Communicationnelle et interculturelle, Université Paul Verlaine – Metz, (Spécialité science de la
communication et de l’information), in Internet http://www.ludologique.com/publis/these_sebastien_genvo.pdf
102
http://fr.wikipedia.org/wiki/Serious_game
Impact + +++
(personnel) (personnel et professionnel)
Frivolité +++ +
Légendes :
- Moins important
+ Important
++ Très important
+++ Extrêmement important
Ce tableau montre que dans le monde du SG, en milieu professionnel, il est plus difficile de
trouver une vraie frivolité, en effet à cause du désir de mesurer, les entreprises mettent en avant la
notion de compétences, d’efficacité, et dans ce cas la frivolité perd son sens.
Dans ce sens, le Groupe Axa utilise le SG non pas comme un jeu, mais comme un « un véritable
outil pédagogique et qui permettait la montée en compétence des collaborateurs » … par une immersion proche
du jeu. Dès lors on pourrait être tenté de répondre que la frivolité dans les des SG est plutôt un
outil, une fonction, voire une ruse pour amener l’apprenant à son but : se former, perfectionner,
monter en compétence. Ainsi Sébastien Genvo confirme que « les pratiques consacrent avant tout le
jeu comme ruse, comme prétexte à des exercices qui ne sont pas de nature ludique » 103 .
Sébastien Genvo insiste d’ailleurs sur le fait que l’apprenant fait bien la différence entre une
approche de formation qui est ludique ou qui ne l’est pas. A ce propos, Vincent Berry affirme que
« c’est notamment ce que remarque Catherine Kellner 104 dans sa thèse sur la médiation par le cédérom « ludo-
éducatif ». Si les promoteurs de certains des produits analysés insistent sur le caractère amusant du logiciel, qui
permet d’acquérir conjointement les « bases des mathématiques » ou d’apprendre le « programme scolaire du CP »,
Catherine Kellner montre, en se fondant sur une série d’enquêtes menées auprès des enfants, que ceux-ci ne sont pas
« dupes » de la véritable nature de l’exercice qui leur est proposé » Si structurellement, l’activité n’est pas
ludique, ils en sont conscients. Inversement, ils perçoivent bien les situations qui favorisent une
attitude ludique de leur part, tout en restant libres de l’adopter ou non. Nous avons pu repérer à
travers nos entretiens que le taux de satisfaction des utilisateurs des SG en entreprise est
extrêmement élevé, ce qui veut dire que les utilisateurs sont très motivés. C’est sans doute la
pédagogie ludique inspirée des jeux et intégrée dans la formation, mais couplée à une certaine
forme de mesurabilité, lorsqu’elle est possible, qui intéressent les entreprises.
103
Ibid (Thèse de Sébastien GENVO) page 148
104
KELLNER Catherine (2000), La médiation par le cédérom « ludo-éducatif ». Approche communicationnelle,
Thèse de doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication, Université de Metz.
Nous avons constaté depuis le début de notre enquête que le SG, pour les développeurs et
surtout les entreprises utilisatrices, se rapproche plus de la notion d’e-learning.
D’où la question : peut on parler de jeu quand il s’agit des SG ?
Dans l’entretien mené avec Julian Alvarez, celui-ci apporte quelques éléments supplémentaires à
la question : est ce que l’e-learning peut-il être repensé dans un contexte de jeu ? Notre
interlocuteur répond qu'il faut exploiter le travail de groupe par l’apprentissage actif. Il développe
cette hypothèse en s’appuyant sur le travail conduit par la Faculté des Sciences Appliquées (FSA)
de l’Université Catholique de Louvain (UCL) qui a permis de définir trois principaux axes pour
l’apprentissage actif :
- Apprendre à partir de situation - problèmes
- Apprendre en s’aidant du groupe
- Apprendre avec l’aide d’un tuteur.
En reprenant la définition qu’il nous donne sur l’environnement d’apprentissage, sous un angle
plus général, il cite que « l’environnement d’apprentissage permet aux apprenants d’aborder le contenu d’une
formation, par des exercices de type résolution de problème, des jeux de rôle ou d’autres approches encore – chacune
d’elles nécessitant que l’apprenant puisse appliquer ce qu’il est en train d’apprendre ».
Nous constatons ici une certaine contradiction entre l’approche de l’apprentissage situé d’un côté
qui privilégie la mise en situation et l’approche du scénario pédagogique. Ainsi on comprend que
l'objectif du jeu pensé sous l’angle d’e-learning ou « SG », est de ne pas séparer « jeu » et
« formation » .
D’un côté, l’approche de l’apprentissage située privilégie l’action de l’apprenant, la liberté du
joueur puisque la situation est considéré comme source d’apprentissage même si cet objectif n’est
pas présent a priori.
D’un autre côté, selon l’approche de Tricot, ce qu’on veut apprendre est défini a priori par ceux
qui conçoivent le produit. Celui-ci est d’ailleurs conçu pour conjuguer scénario pédagogique et
jeu ; et un découpage des fonctions visant un apprentissage précis est au fondement de la
conception.
Globalement, on relève, qu’au delà de la nouveauté, le SG est appréhendé par les travaux des
chercheurs comme un moyen de se questionner en termes d’expériences pédagogiques, de formes
d’apprentissage situé et/ou de scénarisation pédagogique fondée sur les « narratémes » de
Vladimir Propp. Cependant, étant donné l’importance de la mesure au sein des entreprises, il
semble difficile d’accorder dans les contextes professionnels actuellement toute la place à la
notion de frivolité, de liberté de jeu dans les SG, et aux communautés de pratiques.
En réponses à nos hypothèses, nous proposons de façon succincte d’affirmer les réponses
suivantes :
(1) Les positionnements des acteurs en matière de SG sont variés car chaque acteur
emploie et définie le SG par rapport à ses propres objectifs, les attendus de chacun
correspondent aux finalités qui lui sont propres et le souci de définir précisément ce que recouvre
le terme de SG est peu présent. Qu’il s’agisse de concepteurs, d’organismes de formation ou
encore d’entreprises utilisatrices, notre enquête établit clairement que leurs intérêts sont
divergents et liés à leur valeur ajoutée respective.
Les entreprises conceptrices qui développent des jeux vidéo viennent soit du monde du jeu vidéo,
soit du e-learning, et leur offre de SG préfigure la convergence entre ces deux marchés : le e-
learning et le SG.
La raison en est que le e-learning et le SG sont deux moyens d’apprentissage complémentaires,
ayant chacun ses spécificités propres, atouts et contraintes. Le SG au croisement du jeu et de
l’entraînement, utilise l’aspect ludique du jeu et permet des mises en situation concrètes quoique
virtuelles. Les SG, toujours utilisés au sein d’un parcours de formation, viennent amener un
nouveau souffle au e-learning qui ne répond pas toujours aux attentes des entreprises/utilisateurs.
Pour rendre la formation attrayante, les entreprises comptent sur une situation d’apprentissage
ludique et motivante à travers le SG et cherchent de plus en plus à faire ainsi de l’apprenant à
l’avenir un acteur de sa propre formation.
L’introduction et l’utilisation des SG en entreprise peuvent aussi être perçues comme bénéfiques
pour l’image de l’entreprise tant auprès de ses clients mais aussi auprès de ses employés.
(3) Dans le domaine des formations au management, ce sont les formations de type
comportemental qui ont été développées au départ, dont notamment les entretiens d’évaluation,
les entretiens à la vente, et la gestion de projet. C’est surtout l’immersion et la mise en situation
qui sont recherchées. Comme les SG qui concernent la dimension métiers, ces jeux sérieux visent
de larges populations dans des endroits géographiques dispersés. L’accompagnement y joue un
rôle primordial, de plus en plus pris en charge par les managers. Les SG servent à préparer des
formations en présentiel.
Il nous semble que les SG sont conçus pour apprendre et profite de l’aspect l’immersion
proposé par le jeu vidéo mais il faut se méfier de « l’aspect nouveauté » qui explique l’engouement
des acteurs en entreprise pour le SG. Certes le jeu introduit la culture du jeu, de l’identification à
un avatar, de l’appartenance au monde virtuel, sa transposition dans l’entreprise ouvre des
possibles mais rencontre aussi des limites. Avec le SG, on assiste à une certaine forme de
continuité de la « culture jeu » du monde du divertissement au monde professionnel. Toutefois, la
mesurabilité montre que le « game play » peut s’inscrire aussi dans la logique de rationalisation
propre à l’entreprise. En effet, des entreprises peuvent mesurer l’efficacité des apprenants dans
leur apprentissage avec le SG grâce aux suivis que les systèmes LMS permettent : nombre de
personnes inscrites, combien ont fini le déroulement complet de la formation, les parcours
utilisés, qui réussit un exercice, où se situent les erreurs du formé, etc.. Par contre, il est plus
Enfin, nous nous sommes interrogés sur le rapport entre la liberté du joueur et la
nécessité d’une évaluation de la formation. Il y a donc une certaine contradiction entre, d’un côté,
l’approche de l’“apprentissage situé” qui privilégie la mise en situation et, d’un autre côté,
l’approche du scénario pédagogique. L’un met l’accent sur l’action de l’apprenant puisque la
situation est considérée comme source d’apprentissage même si cet objectif n’est pas présent a
priori, l’autre est fondé sur un découpage des éléments à apprendre a priori déterminés par ceux
qui conçoivent le produit, le scénario pédagogique ayant pour objectif de favoriser la motivation
et la mobilisation de l’apprenant.
Ainsi on comprend que l'objectif du jeu pensé sous l’angle d’e-learning ou « Serious Game », est
de ne pas séparer « jeu » et « formation », mais conduit à certaines contradictions car l’essence du
jeu implique la frivolité et le plaisir instantané alors que l’apprentissage demande un engagement
sur du long terme dans un but précis.
Ainsi il est intéressant de se poser la question suivante : que peut-il se développer en matière
de SG sur le marché de la formation liée au management ? Le développement de SG
essentiellement basés sur des actions comportementales, comme par exemple :
105
A ce propos, Henri Isaac, maitre de conférences à l’université Paris Dauphine, consacre une partie de son étude sur les SG à
l’intérieur de son rapport sur l’université numérique105, commandité par Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de
la Recherche, Valérie Pecresse. Ce rapport se veut le bilan des actions menées à ce jour pour l’éducation et sur les enjeux de la
numérisation de l’enseignement supérieur avec pour finalité d’améliorer la qualité de service pour permettre l’insertion de tous les
étudiants dans la société du numérique.
I
- Isaac, Henri, 2007, L’Université numérique, Rapport à Madame Valérie
Pécresse, Ministre de l’enseignement et de la Recherche, DRM-CREPA UMR
7088, Université Paris Dauphine.
K
- Kellner, Catherine (2000) : La médiation par le cédérom « ludo-éducatif ». Approche
communicationnelle, Thèse de doctorat en Sciences de l’Information et de la
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L
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M
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INTRODUCTION .......................................................................... 6
PREMIERE PARTIE
1. Des acteurs en quête du positionnement des SG dans la
formation .........................................................................................10
1.1. Entreprises conceptrices, commanditaires : des positionnements
différents en fonction de leur cœur de métier..................................................... 11
1.1.1. Des concepteurs à l’origine de l’impulsion du marché..............................................11
1.1.2. Les entreprises clientes en quête d’une nouvelle approche de formation ..............14
1.1.3. Le SG à la croisée de plusieurs mondes.......................................................................16
1.2. Des chercheurs en quête d’une définition capable de décrire les
spécificités exactes du SG ........................................................................................ 17
1.2.1. La définition du jeu et ses rapports avec l’éducation .................................................17
1.2.2. Les SG entre loisirs, apprentissage et motivation ......................................................21
DEUXIEME PARTIE
2. Démarches nécessaires au développement des SG dans le
domaine de la formation liée au management .............................. 26
2.1. Les modalités partenariales entre prestataires et
chercheurs universitaires sur un marché encore naissant............................. 27
2.2. Les relations des concepteurs avec les entreprises utilisatrices de SG
relèvent davantage d’une étroite collaboration relation fournisseur/client
28
2.3. La coopération étroite entre concepteur et client est à l’origine des
logiques socio-économiques ................................................................................... 29
2.4. Le modèle économique répond au départ à la demande spécifique
d’un client..................................................................................................................... 31
2.5. Les prestataires envisagent un modèle complémentaire :
l’exploitation de SG « génériques » ...................................................................... 32
2.6. Le déploiement du SG dans les entreprises : trois modalités ............ 34
2.6.1. Une stratégie de déploiement dépendante de l’importance et de l’âge de la cible
apprenante ..........................................................................................................................................34
2.6.1.1. Une population de plus en plus habituée aux nouvelles technologies ....................34
2.6.1.2. L’implication nécessaire des salariés et de la hiérarchie.............................................35
2.6.2. Le SG est intégré dans le dispositif de la formation ..................................................36
2.6.3. L’accompagnement est une clé pour l’utilisation des SG..........................................37
2.6.3.1. La nécessité d’un accompagnement pour la formation distancielle.........................37
2.6.3.2. La plus value d’un accompagnement tutoré mis en évidence par une étude
comparative de deux panels avec et sans tuteur ...........................................................................38
2.6.3.3. Le manager vu comme tuteur de formation dans le cadre du dispositif SG
proposé par Orange ..........................................................................................................................40
CONCLUSION.............................................................................. 69
Bibliographie .................................................................................. 73