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Sustainabilityof Water Resources under Increasing Uncertainty (Proceedings of the Rabat Symposium SI,

April 1997). IAHS Publ. no. 240, 1997. 31

La sécheresse agricole au Maroc

BARAKAT FATNA
Laboratoire de l'Eau et l'Environnement, Faculté des Sciences, Université Chouaïb
Doukkali, El Jadida, Maroc

HANDOUFE ABDERRAHIM
Service des Expérimentations, des Essais et de la Normalisation, 461 avenue Hassan H,
Akkari Rabat, Maroc

Résumé En partant de la production nationale des céréales et en utilisant la


méthode de l'intervalle de confiance d'une régression entre cette production et
le temps (années), nous avons déterminé les années de sécheresse agricole qui
ont touché le Maroc entre 1940 et 1995. Ces sécheresses sont au nombre de 12
dont six ont eu lieu entre 1980 et 1995. Un indice de déficit en production a été
utilisé pour estimer leur intensité. Sur le plan climatique, les sécheresses ont été
toujours accompagnées d'un déficit pluviométrique supérieur à 20%, lorsque
le déficit atteint une moyenne de 37% la sécheresse est certaine. La distribution
des précipitations dans le temps semble jouer un rôle de moindre importance
dans l'avènement de la sécheresse. Pour la prévision à court terme de la séche-
resse (début de la compagne agricole), un indice de déficit pluviométrique
relatif à la période allant de décembre à février s'est révélé un bon indicateur
de la sécheresse.

INTRODUCTION

Le Maroc a connu durant son histoire plusieurs sécheresses à ampleur variable.


Certaines ont eu des répercussions négatives, parfois dramatiques sur l'économie du
pays et sur les conditions socio-économiques de la population notamment rurale (Naciri,
1985). Parmi ces sécheresses, celles qui ont sévi au début des dernières décennies
1980-1990 et 1990-2000 et qui avaient montré jusqu'à quel point l'économie nationale
est tributaire des hauteurs des pluies et de leur distribution.
Selon le domaine touché, on distingue différentes sécheresses, entre autres, la
sécheresse agricole. Celle-ci correspond aux conditions hydriques responsables d'une
chute de production agricole (Riou & Seguin, 1990; Wilhite, 1982). Néanmoins
certaines questions s'imposent lorsqu'on parle de sécheresse:
— à partir de quel niveau de déficit hydrique et par rapport à quoi peut-on dire qu'il
y a sécheresse?
— peut-on mesurer le degré et l'intensité de la sécheresse?
— peut-on prédire la sécheresse agricole à court et à long terme?
Une tentative de réponse à ces questions constitue l'objectif principal de cette étude.
Une étude dont le point de départ est la production agricole au lieu des données
climatiques; celles-ci ne sont utilisées que pour expliquer les résultats obtenus en matière
de production agricole.
32 Barakat Fatna & Handoufe Abderrahim

METHODES

Détermination de la sécheresse

La sécheresse agricole est un phénomène naturel qui se manifeste par un déficit


pluviométrique entraînant un déficit de la production agricole. Bien que cette définition
soit simple, elle pose une difficulté majeure à savoir le niveau de déficit à partir duquel
on peut dire qu'il y a sécheresse.
Certains auteurs qui ont étudié la sécheresse à partir de données climatiques
suggèrent des seuils arbitraires de pluviométrie: 10% de la moyenne pour Ben Arafa
(1985); le dernier décile pour Meko (1985). Stockton (1985) à travers des études de
dendrochronologie, considère comme sèche l'année dont l'épaisseur des anneaux des
troncs d'arbre est inférieure à 70% de la moyenne.
Dans notre étude où nous devrions utiliser les données de la production agricole et
non les données climatiques pour déterminer la sécheresse, une autre contrainte s'est
ajoutée; celle de la normale de la production agricole. En effet, cette production ne varie
pas autour d'une moyenne arithmétique dite "normale" comme le cas des précipitations;
elle évolue selon une progression géométrique due à l'évolution, avec le temps, des
superficies cultivées et des rendements. Ceci nous a amené à déterminer la courbe de
régression de la production en fonction du temps. Cependant la grande variation inter-
annuelle de la production des céréales rendait faible la corrélation (r2 = 0.35) entre les
deux variables en question qui sont la production et les années. Pour surmonter cette
contrainte, nous avons dû utiliser la moyenne mobile de la production qui permet
d'éliminer les fluctuations de très courte période (Arléry et al., 1973) en choisissant un
pas de cinq ans. En faisant, une courbe de régression linéaire avec une bonne corrélation
(r2 = 0.80) a été obtenue. Ainsi, une fois la question de la production normale a été
réglée, il fallait déterminer le seuil de sécheresse, c'est à dire le niveau de la production
au-dessous duquel la production est considérée comme celle d'une année sèche.
Pour répondre à cette question nous avons calculé l'intervalle de confiance de la
courbe de régression (Dagnellie, 1975) avec une probabilité de 95 % et considéré sèche,
toute année dont la production est en deçà de la limite inférieure de l'intervalle de
confiance, S, calculée selon la formule suivante:

âlln + l/nHx0-X)2/SCEx}\ W

n, x0, X, y(x0), a2 sont respectivement le nombre d'observations, l'année correspon-


dante, la moyenne des années observées, la valeur calculée par régression et la variance
résiduelle; tx_all étant la variable de student possédant n - 2 degrés de liberté avec un
risque d'erreur, a, de 5%.

Intensité de la sécheresse

Pour la détermination de l'intensité de sécheresse nous avons utilisé la formule suivante:


ISX = 100 X (S - Px)/S (2)
ISX est l'intensité de la sécheresse d'une année x, S est la limite inférieure de l'intervalle
La sécheresse agricole au Maroc 33

de confiance calculée selon l'équation (1) et F,, représente la production des céréales
d'une année x. Ainsi 175 dont les valeurs varient entre 0 et 100% exprime le pour-
centage de réduction de la production par rapport à la normale. Les valeurs négatives
de VIS traduisent, tout simplement, l'absence de sécheresse.

Stations indicatrices

Afin de caractériser les sécheresses sur le plan climatique et chercher la relation entre
la production agricole et les données climatiques notamment la pluviométrie, nous
devrions choisir un groupe de stations indicatrices.
Pour ce faire, nous avons procédé à un calcul de la matrice de corrélation entre la
production nationale en céréales et les productions régionales de toutes les provinces du
pays. Nous avons éliminé, par la suite, les provinces dont la production n'était pas en
bonne corrélation avec la production nationale (r2 < 0.65).
Parmi 13 provinces ainsi sélectionnées, nous avons choisi un groupe plus restreint
de huit provinces sur la base des critères suivants: le volume de la production, la forte
corrélation avec la production nationale (r2 > 0.75) et l'étage bioclimatique dominant
la province .Ainsi, les huit provinces choisies totalisent une production représentant 36 %
de la production nationale et la corrélation entre ces deux productions est très forte
(p- — 0.97, voir Fig. 1). Enfin, tous les étages bioclimatiques caractérisant les grandes
régions agricoles du pays (de l'aride au sub-humide) sont représentés dans ce groupe.
Après cette étape, nous avons choisi dans chacune des provinces sélectionnées un
poste météorologique représentatif pour en utiliser les données climatiques.

Traitement des données pluviométriques

Pour chacune et pour l'ensemble des huit stations retenues, nous avons calculé les
paramètres suivants: pluviométrie totale mensuelle et annuelle (octobre-mai), pluvio-

xlOOOq
U1UUU -i

91000 - y = 2.4094X + 6466.4


81000 -
R 2 = 0.97 0
étS*^^
71000 •
61000 -
51000 •
^J*^ ®
41000 -
31000 -
I 21000 •
#^^
^ ^ i

11000 -
xlOOOq
1000 - ! 1 , |

Production totale des huit stations


Fig. 1 Courbe de régression de la production totale nationale en céréales en fonction de
la production totale des huit provinces échantillonnées.
34 Barakat Fatna & Handoufe Abderrahim

métrie normale qui est la moyenne de la série 1961-1990 et l'écart ou déficit pluvio-
métrique, DP, pour tous les mois selon la formule suivante:
DP = 100 x (Px - Pn)IPna % (3)
Px, Pn et Pna sont respectivement la pluviométrie totale mensuelle d'un mois x, la
pluviométrie normale mensuelle et la normale annuelle. Nous avons rapporté l'écart
pluviométrique mensuel à la normale annuelle et non pas mensuelle afin que l'écart ait
la même correspondance en hauteur d'eau quelque soit le mois considéré. Ainsi le déficit
pluviométrique (écart négatif) annuel sera, dans ce cas, le cumul des déficits mensuels.
Par ailleurs, et pour voir l'état évolutif de la pluviométrie dans les différentes
stations, nous avons procédé à une représentation graphique des cumuls des écarts
successifs calculés par rapport à la moyenne de toute la série (Ben Arafa, 1985; Hernafi,
1986). Enfin, pour caractériser les années sèches, nous avons déterminé les seuils de
déficit pluviométrique suivants:
- le seuil de sécurité qui est le déficit atteint sans crainte de sécheresse;
- le seuil d'alerte correspondant au déficit minimum enregistré pendant une année
sèche;
- le seuil tolerable qui est le déficit maximum atteint sans qu'il y a eu sécheresse;
- le seuil critique qui est le déficit à partir duquel une sécheresse est certaine;
- le seuil maximum qui est le déficit maximum atteint durant la série étudiée.

DONNEES

Production agricole

Nous avons utilisé, en guise de la production agricole nationale, la production des


céréales (blé dur, blé tendre, maïs et orge) qui constitue la principale production agricole
au Maroc. La céréaliculture occupe près de 70% de la superficie agricole utile du pays
et assure 33% de la valeur ajoutée agricole. En outre, 95% des terres emblavées par ce
type de spéculation sont localisées dans les zones pluviales non irriguées (Ouassou,
1995). De ce fait, les céréales sont les cultures les plus exposées aux aléas de la
sécheresse.
A noter que nous avons utilisé la production totale et non le rendement, étant donné
que la production intègre à la fois le rendement et la superficie qui sont touchés simul-
tanément dans le cas d'une sécheresse. Les séries des données disponibles et utilisées
sont de 1940 à 1995 pour la production nationale et de 1978 à 1995 pour les productions
régionales.

Climat

Pour ce qui est du climat, le seul élément climatique utilisé est la pluie avec des séries
de données variables selon les régions mais qui couvrent, en général, la période de 1940
à 1995. Malgré que l'année agricole au Maroc commence le 1 septembre et se termine
le 31 août, nous n'avons utilisé que la pluviométrie de la période allant d'octobre à mai;
La sécheresse agricole au Maroc 35

étant donné que 95 à 98% des précipitations sont reçus pendant cette période qui
coïncide d'ailleurs avec le cycle des céréales.

RESULTATS ET DISCUSSION

Détermination des sécheresses et évaluation de leur intensité

La Fig. 2 montre la courbe de régression entre le temps (années) et la moyenne mobile


de la production avec un coefficient de corrélation assez fort (r = 0.89). Aussi cette
courbe permet-t-elle de prédire la production dite "normale" en fonction du temps.

xl000 q
70000
y = 781.25x+ 1521Ï
60000
R2 = 0.80
•a 50000
•<u
•tu
CJ
c 40000
tj
•u 30000
o
P-,
20000

10000
40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95

Campagne agricole
Fig. 2 Courbe de régression de la production nationale en céréales (moyenne mobile)
en fonction des années agricoles.

Par ailleurs, la Fig. 3 montre les années sèches (ayant une production en deçà de la
limite inférieure de l'intervalle de confiance) dont le nombre s'élève à 12 entre 1940 et
1995, ce qui donne une fréquence de sécheresse de 21 % (soit une année sèche sur cinq).
On constate, néanmoins, que cette fréquence a presque doublé durant les 15 dernières
années (1981-1995), avec l'avènement de six sécheresses ce qui correspond à une
fréquence de 40%.
Concernant l'intensité de ces sécheresses, la Fig. 4 montre que les sécheresses des
années 1944/45, 1980/81, 1991/92, 1992/93 et 1994/95 ont été les plus dures avec des
intensités supérieures à 35% et que la campagne 1994/95 a été la plus sèche avec une
intensité égale à 60%. On note ainsi, qu'à l'exception de l'année 1944/45, les
sécheresses les plus sévères ont eu lieu entre 1980 et 1995. Aussi cette période a-t-elle
été la plus sèche quantitativement et qualitativement.
A l'échelle régionale, le Tableau 1 rapportant les résultats de la méthode de l'inter-
valle de confiance appliquée aux régions choisies, appelle les commentaires suivants:
quatre années de sécheresse parmi six décelées entre 1981 et 1995, ont touché les huit
régions. Pour les deux autres années, le pourcentage des régions touchées a varié entre
36 Barakat Fatna & Handoufe Abderrahim

-production réelle
xl 000 q
-production normale calculée
100000 -Limite inférieure de l'I.C
a
Limite supérieure de li.C
90000

80000

20000

10000

0
40 43 46 49 52 55 58 61 64 67 70 73 76 79 82 85 88 91 94
Campagne agricole
Fig. 3 Production nationale en céréales (réelle) et production céréalière nationale
normale (calculée) avec son intervalle de confiance (IC).

70

60

« 50

20

10

40 43 46 49 52 55 58 61 64 67 70 73 76 19 82 85 88 91 94
Année agricole
Fig. 4 Intensité de sécheresse des années révélées sèches à l'échelle nationale.

50 et 75 %. Il apparait que ce résultat est lié à l'intensité de la sécheresse dans la mesure


où les sécheresses les plus intenses caractérisées par des déficits pluviométriques
importants ont un caractère général touchant la plupart des régions du pays.

Caractérisation climatique des sécheresses

Avant d'aborder cette caractérisation, nous avons jugé utile de donner un aperçu sur
l'évolution de la pluviométrie au Maroc durant les 50 dernières années. D'après la
La sécheresse agricole au Maroc 37

Tableau 1 Les différentes sécheresses déterminées par région.

Année sèche Régions touchées % des régions


touchées

1080/81 (*) Azilal, Fès, Khémisset, Meknès, Ben Slimane, Settat, Taza, Safi 100
1982/83 (*) Azilal, Settat, Taza, Safi 50
1983/84 (*) Azilal, Khémisset, Ben Slimane, Settat, Taza, Safi 75
1984/85 Khémisset, Meknès, Ben Slimane 37.5
1986/87 Azilal, Fès, Khémisset, Meknès, Ben Slimane, Settat, Safi 87.5
1991/92 (*) Azilal, Fès, Khémisset, Meknès, Ben Slimane, Settat, Taza, Safi 100
1992/93 (*) Azilal, Fès, Khémisset, Meknès, Ben Slimane, Settat, Taza, Safi 100
1994/95 (*) Taza,
Azilal, Fès, Khémisset, Meknès, Ben Slimane, Settat, Taza Safi 100
(*) année sèche décelée sur le plan national.

en"/o Fès 1 — Meknès 2 AzilaJ 3 Sctlat4


Safi 5 — Khémisset 6 -Taza 7 ' """"Ben Slimane 8
500 -
3
A
400 •

/^A-i^/v^
300 -
••a

3200 -
1/ rv^U #8v!&\\N\
o
£100 -
-7\1-
0- bx
L J J ^ ^ ^ -
- / Normale des \ / \

huit stations
-100 -

Campagne agricole
Fig. 5 Evolution de l'écart cumulatif des hauteurs pluviométriques (octobre-mai) par
rapport à la normale moyenne des huit stations.

Fig. 5 montrant l'évolution de l'écart pluviométrique cumulé par rapport à la normale,


on constate que les précipitations au Maroc entre 1940 et 1995 ont connu trois grandes
phases: une première phase de déficience a commencé au début des années 40 et a pris
fin vers la moitié des années 50, vient ensuite une deuxième phase d'accroissement des
précipitations qui a duré presque 20 ans (moitié des années 50 - moitié des années 70)
et enfin une dernière phase de diminution notable des pluies depuis 1980 jusqu'à nos
jours.
Concernant les années de sécheresse, les résultats rapportés dans le Tableau 2
montrent que le déficit pluviométrique annuel maximum atteint durant la période étudiée
a été enregistré en 1994/95 sur six stations, en 1980/81 sur une station et en 1986/1987
sur une autre. En outre, le déficit pluviométrique durant la période octobre-mai peut
atteindre des valeurs variant de 10 à 31 % selon les régions, sans pour autant qu'il y ait
38 Barakat Fatria & Handoufe Abderrahim

sécheresse, ce seuil qu'on a appelé seuil de sécurité accuse ainsi une grande variation
entre les régions (CV = 36%). Quant au seuil de sécheresse certaine, il présente une
variation plus faible (CV = 12.3%) avec une moyenne égale à 37.4%.
Aussi peut-on conclure que jusqu'à un déficit pluviométrique moyen de l'ensemble
des huit stations de 19%, la sécheresse n'a pas lieu et au-delà de 37% la sécheresse est
certaine quelque soit la distribution des pluies. Entre ces deux limites la sécheresse est
probable et dépend de la distribution des précipitations. Suivant les résultats rapportés
par le Tableau 3, la fréquence d'une sécheresse certaine et d'une sécheresse probable
représente respectivement 26 et 20%. L'année sans sécheresse a une fréquence de 54%.
Dans tous les cas, la sécheresse est accompagnée d'un déficit pluviométrique global égal
au moins à 20%. La distribution des précipitations dans le temps semble jouer un rôle
de second degré; elle n'intervient que pour atténuer les effets d'un certain niveau de
déficit pluviométrique ne dépassant pas le seuil critique de sécheresse certaine. La
fréquence des années à sécheresse évitée par une bonne distribution des pluies ne
dépasse pas 10%.

Tableau 2 Les différents seuils de déficit pluviométrique entre octobre-mai déterminés pour chaque
station.

Station étudiée avec sa Seuil de Seuil Seuil Seuil Seuil Année


normale pluviométrique sécurité d'alerte tolerable critique maximum
(%) (%) (%) (%) (%)
Taza (628.0 mm) 31.2 32.2 38.9 39.7 69.0 1994/95
Meknès (563.1 mm) 19.3 31.0 32.5 34.5 53.7 1994/95
Azilal (515.5 mm) 20.5 25.8 30.9 41.3 70.0 1980/81
Fès (511.0 mm) 26.5 26.9 33.4 34.3 68.9 1994/95
Khémisset (498.2 mm) 17.8 20.1 27.5 34.3 50.7 1994/95
Ben Slimane (449.8 mm) 10.5 20.1 30.2 38.9 70.2 1994/95
Safi (372.6 mm) 11.3 14.4 27.9 30.8 60.8 1986/87
Settat (349.7 mm) 17.2 25.5 41.8 45.2 60.2 1994/95
Moyenne 19.3 24.5 32.9 37.4 62.9
CV% 36.6 24.4 15.5 12.6 12.3

Tableau 3 Fréquence en pour-cent des années à sécheresse certaine, probable, et sans sécheresse.

Région Sécheresse certaine Sécheresse probable Sans sécheresse

Azilal 38.9 16.7 44.4


Taza 16.7 22.2 61.1
Khémisset 33.3 16.7 50.0
Fès 16.7 22.2 61.1
Meknès 27.8 16.7 55.6
Safi 33.3 16.7 50.0
Settat 22.2 22.2 55.6
Ben Slimane 22.2 27.8 50.0
Moyenne 26.4 20.1 53.5
La sécheresse agricole au Maroc 39

Prévision de la sécheresse

Jusqu' à présent, plusieurs tentatives de mise au point d'une méthode fiable et précise de
prévision de la sécheresse à long terme au Maroc et ailleurs n'ont pas abouti (Stockton
1985; DMN, 1993). Cette difficulté est liée à notre avis aux facteurs suivants:
- le terme de sécheresse n'est pas encore bien défini (pluie inférieure à 90% de la
moyenne, le dernier décile, les deux derniers déciles, etc.), par conséquent, il serait
difficile de prévoir l'avènement d'un phénomène qui n'est pas bien précisé. Pour la
sécheresse agricole, l'amélioration sans cesse des techniques culturales peut rendre
une année, modérément déficitaire en pluie, excédentaire en production ce qui
compliquerait d'avantage la question de la définition de la sécheresse;
- la longueur des séries étudiées jusqu'à présent au Maroc (100 ans au maximum pour
les précipitations et 1000 ans pour la dendrochronologie), pourrait être insuffisante
pour en dégager une périodicité ou une loi de distribution précise de la pluviométrie;
- le climat, comme les autres composantes de la nature, est en évolution continue ce
qui pourrait compromettre d'avantage la prévision des phénomènes supposés pério-
diques telle que la sécheresse.
En dépit de ces remarques, la prévision à court terme (quelques mois) de la
sécheresse agricole peut être possible moyennant certains indicateurs agro-climatiques.
En effet, nous avons constaté une relation étroite entre la sécheresse et les précipitations
des mois de décembre, janvier et février. L'époque allant d'octobre à décembre cons-
titue la période normale de semis des céréales d'automne (blés et orge) qui représentent
95% des céréales au Maroc. Mais en pratique, la majorité des terres est semée en
novembre et décembre. Ainsi un déficit pluviométrique intense au mois de novembre ne
fait que reporter les semis au mois de décembre. Par contre un décembre trop sec
pourrait occasionner la destruction totale de la culture si le semis a eu lieu au mois de
novembre (Handoufe et al., 1996) ou bien reporter d'avantage le semis au mois de
janvier. Un semis trop tardif effectué au mois de janvier raccourcit le cycle des céréales
et le décale vers une période beaucoup plus chaude et plus sèche (avril-mai) d'où une
chute des rendements.
Après plusieurs tentatives de recherche d'une relation entre la sécheresse et le déficit
pluviométrique, nous avons constaté qu'il existe une qui est très étroite (r2 = 0.92) entre
le déficit en production et un indice de déficit pluviométrique ou de sécheresse (IdS)
relatif à la période des trois mois (décembre, janvier et février). La détermination de cet
indice est basée sur les principes suivants:
- l'indice de sécheresse est la somme des déficits pluviométriques mensuels de cette
période;
- seuls les déficits mensuels inférieurs à —6% sont considérés, étant donné que ce
dernier seuil, correspondant à une hauteur de pluie de 29 mm, peut être toléré par
les céréales dans la mesure où leurs besoins en eau optimums durant cette période
ne dépassent pas 45 mm par mois et la "normale" des précipitations est de 74 mm
par mois;
- afin de tenir compte de la durée de l'absence des précipitations (longue période
déficitaire), seuls les déficits pluviométriques enregistrés pendant deux ou trois mois
successifs sont cumulables. Autrement dit, les déficits de deux mois secs séparés par
un troisième humide ne peuvent être cumulés:
40 Barakat Fatna & Handoufe Abderrahim

IdS = DPdéc + DP]m + DPfév %


avec DP = déficit pluviométrique mensuel calculé par l'équation (3) et < - 6 % .
La Fig. 6 montre la relation entre l'indice de sécheresse moyen des huit stations et
le déficit ou écart en production céréalière nationale. On note d'après cette figure que
les différentes années de sécheresse à l'échelle nationale présentent des indices de
sécheresse inférieurs à -20% et un déficit pluviométrique mensuel inférieur à - 1 1 %
atteint au moins une fois pendant les trois mois. Ceci signifie que si un déficit
pluviométrique moyen des huit stations d'une hauteur de 96 mm est enregistré, d'une
façon continue, entre décembre et février, l'année peut être considérée sèche. Ce déficit
critique continu correspond normalement à 40 jours environ sans pluie. Ce constat
concorde avec les résultats expérimentaux rapportés par Ait Yacine (1995) et Handoufe
et al. (1996) selon lesquels la durée de survie de la plantule du blé est de 40 jours
environ si un arrêt de tout apport d'eau est observé après la levée.

Indice de déficit pluviométrique


-40 -30 -25 -20 -15 -10

Fig. 6 Relation entre l'indice pluviométrique (décembre-février) moyen des huit stations
et le déficit en production céréalière nationale.

La sécheresse peut être également déclarée dans le cas où le déficit de 96 mm est


cumulé d'une façon discontinue, cependant les précipitations doivent être inférieures à
20 mm (déficit inférieur à -11%) pour au moins un mois et à 45 mm (déficit inférieur
à —6%) pour les deux autres. Par ailleurs l'indice de sécheresse semble exprimer, en
plus de la prédiction de la sécheresse, le niveau de production céréalière et l'intensité
de sécheresse. Il pourrait ainsi constituer la base d'un outil de prévision de la production
céréalière nationale.

Remerciements Les auteurs remercient les responsables et agents du Service des


céréales (DPV/MAMVA) en particulier MM Lahnaoui, El Guerrouj, Jaoui et
Mlle Sahar, les responsables des DPA de Settat, Fès, Meknès, Safi, Azilal, Khémisset,
Taza et Ben Slimane et le chef du Service Eau (DPTP de Khémisset) pour les données
La sécheresse agricole au Maroc 41

qu'ils ont bien voulu mettre à leur disposition. Leurs remerciements vont également à
MM Mekrane, Zeggaf, Daoudi et Mlle Faïza pour leur aide et leur serviabilité.

REFERENCES
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