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BARAKAT FATNA
Laboratoire de l'Eau et l'Environnement, Faculté des Sciences, Université Chouaïb
Doukkali, El Jadida, Maroc
HANDOUFE ABDERRAHIM
Service des Expérimentations, des Essais et de la Normalisation, 461 avenue Hassan H,
Akkari Rabat, Maroc
INTRODUCTION
METHODES
Détermination de la sécheresse
âlln + l/nHx0-X)2/SCEx}\ W
Intensité de la sécheresse
de confiance calculée selon l'équation (1) et F,, représente la production des céréales
d'une année x. Ainsi 175 dont les valeurs varient entre 0 et 100% exprime le pour-
centage de réduction de la production par rapport à la normale. Les valeurs négatives
de VIS traduisent, tout simplement, l'absence de sécheresse.
Stations indicatrices
Afin de caractériser les sécheresses sur le plan climatique et chercher la relation entre
la production agricole et les données climatiques notamment la pluviométrie, nous
devrions choisir un groupe de stations indicatrices.
Pour ce faire, nous avons procédé à un calcul de la matrice de corrélation entre la
production nationale en céréales et les productions régionales de toutes les provinces du
pays. Nous avons éliminé, par la suite, les provinces dont la production n'était pas en
bonne corrélation avec la production nationale (r2 < 0.65).
Parmi 13 provinces ainsi sélectionnées, nous avons choisi un groupe plus restreint
de huit provinces sur la base des critères suivants: le volume de la production, la forte
corrélation avec la production nationale (r2 > 0.75) et l'étage bioclimatique dominant
la province .Ainsi, les huit provinces choisies totalisent une production représentant 36 %
de la production nationale et la corrélation entre ces deux productions est très forte
(p- — 0.97, voir Fig. 1). Enfin, tous les étages bioclimatiques caractérisant les grandes
régions agricoles du pays (de l'aride au sub-humide) sont représentés dans ce groupe.
Après cette étape, nous avons choisi dans chacune des provinces sélectionnées un
poste météorologique représentatif pour en utiliser les données climatiques.
Pour chacune et pour l'ensemble des huit stations retenues, nous avons calculé les
paramètres suivants: pluviométrie totale mensuelle et annuelle (octobre-mai), pluvio-
xlOOOq
U1UUU -i
11000 -
xlOOOq
1000 - ! 1 , |
métrie normale qui est la moyenne de la série 1961-1990 et l'écart ou déficit pluvio-
métrique, DP, pour tous les mois selon la formule suivante:
DP = 100 x (Px - Pn)IPna % (3)
Px, Pn et Pna sont respectivement la pluviométrie totale mensuelle d'un mois x, la
pluviométrie normale mensuelle et la normale annuelle. Nous avons rapporté l'écart
pluviométrique mensuel à la normale annuelle et non pas mensuelle afin que l'écart ait
la même correspondance en hauteur d'eau quelque soit le mois considéré. Ainsi le déficit
pluviométrique (écart négatif) annuel sera, dans ce cas, le cumul des déficits mensuels.
Par ailleurs, et pour voir l'état évolutif de la pluviométrie dans les différentes
stations, nous avons procédé à une représentation graphique des cumuls des écarts
successifs calculés par rapport à la moyenne de toute la série (Ben Arafa, 1985; Hernafi,
1986). Enfin, pour caractériser les années sèches, nous avons déterminé les seuils de
déficit pluviométrique suivants:
- le seuil de sécurité qui est le déficit atteint sans crainte de sécheresse;
- le seuil d'alerte correspondant au déficit minimum enregistré pendant une année
sèche;
- le seuil tolerable qui est le déficit maximum atteint sans qu'il y a eu sécheresse;
- le seuil critique qui est le déficit à partir duquel une sécheresse est certaine;
- le seuil maximum qui est le déficit maximum atteint durant la série étudiée.
DONNEES
Production agricole
Climat
Pour ce qui est du climat, le seul élément climatique utilisé est la pluie avec des séries
de données variables selon les régions mais qui couvrent, en général, la période de 1940
à 1995. Malgré que l'année agricole au Maroc commence le 1 septembre et se termine
le 31 août, nous n'avons utilisé que la pluviométrie de la période allant d'octobre à mai;
La sécheresse agricole au Maroc 35
étant donné que 95 à 98% des précipitations sont reçus pendant cette période qui
coïncide d'ailleurs avec le cycle des céréales.
RESULTATS ET DISCUSSION
xl000 q
70000
y = 781.25x+ 1521Ï
60000
R2 = 0.80
•a 50000
•<u
•tu
CJ
c 40000
tj
•u 30000
o
P-,
20000
10000
40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95
Campagne agricole
Fig. 2 Courbe de régression de la production nationale en céréales (moyenne mobile)
en fonction des années agricoles.
Par ailleurs, la Fig. 3 montre les années sèches (ayant une production en deçà de la
limite inférieure de l'intervalle de confiance) dont le nombre s'élève à 12 entre 1940 et
1995, ce qui donne une fréquence de sécheresse de 21 % (soit une année sèche sur cinq).
On constate, néanmoins, que cette fréquence a presque doublé durant les 15 dernières
années (1981-1995), avec l'avènement de six sécheresses ce qui correspond à une
fréquence de 40%.
Concernant l'intensité de ces sécheresses, la Fig. 4 montre que les sécheresses des
années 1944/45, 1980/81, 1991/92, 1992/93 et 1994/95 ont été les plus dures avec des
intensités supérieures à 35% et que la campagne 1994/95 a été la plus sèche avec une
intensité égale à 60%. On note ainsi, qu'à l'exception de l'année 1944/45, les
sécheresses les plus sévères ont eu lieu entre 1980 et 1995. Aussi cette période a-t-elle
été la plus sèche quantitativement et qualitativement.
A l'échelle régionale, le Tableau 1 rapportant les résultats de la méthode de l'inter-
valle de confiance appliquée aux régions choisies, appelle les commentaires suivants:
quatre années de sécheresse parmi six décelées entre 1981 et 1995, ont touché les huit
régions. Pour les deux autres années, le pourcentage des régions touchées a varié entre
36 Barakat Fatna & Handoufe Abderrahim
-production réelle
xl 000 q
-production normale calculée
100000 -Limite inférieure de l'I.C
a
Limite supérieure de li.C
90000
80000
20000
10000
0
40 43 46 49 52 55 58 61 64 67 70 73 76 79 82 85 88 91 94
Campagne agricole
Fig. 3 Production nationale en céréales (réelle) et production céréalière nationale
normale (calculée) avec son intervalle de confiance (IC).
70
60
« 50
20
10
40 43 46 49 52 55 58 61 64 67 70 73 76 19 82 85 88 91 94
Année agricole
Fig. 4 Intensité de sécheresse des années révélées sèches à l'échelle nationale.
Avant d'aborder cette caractérisation, nous avons jugé utile de donner un aperçu sur
l'évolution de la pluviométrie au Maroc durant les 50 dernières années. D'après la
La sécheresse agricole au Maroc 37
1080/81 (*) Azilal, Fès, Khémisset, Meknès, Ben Slimane, Settat, Taza, Safi 100
1982/83 (*) Azilal, Settat, Taza, Safi 50
1983/84 (*) Azilal, Khémisset, Ben Slimane, Settat, Taza, Safi 75
1984/85 Khémisset, Meknès, Ben Slimane 37.5
1986/87 Azilal, Fès, Khémisset, Meknès, Ben Slimane, Settat, Safi 87.5
1991/92 (*) Azilal, Fès, Khémisset, Meknès, Ben Slimane, Settat, Taza, Safi 100
1992/93 (*) Azilal, Fès, Khémisset, Meknès, Ben Slimane, Settat, Taza, Safi 100
1994/95 (*) Taza,
Azilal, Fès, Khémisset, Meknès, Ben Slimane, Settat, Taza Safi 100
(*) année sèche décelée sur le plan national.
/^A-i^/v^
300 -
••a
3200 -
1/ rv^U #8v!&\\N\
o
£100 -
-7\1-
0- bx
L J J ^ ^ ^ -
- / Normale des \ / \
huit stations
-100 -
Campagne agricole
Fig. 5 Evolution de l'écart cumulatif des hauteurs pluviométriques (octobre-mai) par
rapport à la normale moyenne des huit stations.
sécheresse, ce seuil qu'on a appelé seuil de sécurité accuse ainsi une grande variation
entre les régions (CV = 36%). Quant au seuil de sécheresse certaine, il présente une
variation plus faible (CV = 12.3%) avec une moyenne égale à 37.4%.
Aussi peut-on conclure que jusqu'à un déficit pluviométrique moyen de l'ensemble
des huit stations de 19%, la sécheresse n'a pas lieu et au-delà de 37% la sécheresse est
certaine quelque soit la distribution des pluies. Entre ces deux limites la sécheresse est
probable et dépend de la distribution des précipitations. Suivant les résultats rapportés
par le Tableau 3, la fréquence d'une sécheresse certaine et d'une sécheresse probable
représente respectivement 26 et 20%. L'année sans sécheresse a une fréquence de 54%.
Dans tous les cas, la sécheresse est accompagnée d'un déficit pluviométrique global égal
au moins à 20%. La distribution des précipitations dans le temps semble jouer un rôle
de second degré; elle n'intervient que pour atténuer les effets d'un certain niveau de
déficit pluviométrique ne dépassant pas le seuil critique de sécheresse certaine. La
fréquence des années à sécheresse évitée par une bonne distribution des pluies ne
dépasse pas 10%.
Tableau 2 Les différents seuils de déficit pluviométrique entre octobre-mai déterminés pour chaque
station.
Tableau 3 Fréquence en pour-cent des années à sécheresse certaine, probable, et sans sécheresse.
Prévision de la sécheresse
Jusqu' à présent, plusieurs tentatives de mise au point d'une méthode fiable et précise de
prévision de la sécheresse à long terme au Maroc et ailleurs n'ont pas abouti (Stockton
1985; DMN, 1993). Cette difficulté est liée à notre avis aux facteurs suivants:
- le terme de sécheresse n'est pas encore bien défini (pluie inférieure à 90% de la
moyenne, le dernier décile, les deux derniers déciles, etc.), par conséquent, il serait
difficile de prévoir l'avènement d'un phénomène qui n'est pas bien précisé. Pour la
sécheresse agricole, l'amélioration sans cesse des techniques culturales peut rendre
une année, modérément déficitaire en pluie, excédentaire en production ce qui
compliquerait d'avantage la question de la définition de la sécheresse;
- la longueur des séries étudiées jusqu'à présent au Maroc (100 ans au maximum pour
les précipitations et 1000 ans pour la dendrochronologie), pourrait être insuffisante
pour en dégager une périodicité ou une loi de distribution précise de la pluviométrie;
- le climat, comme les autres composantes de la nature, est en évolution continue ce
qui pourrait compromettre d'avantage la prévision des phénomènes supposés pério-
diques telle que la sécheresse.
En dépit de ces remarques, la prévision à court terme (quelques mois) de la
sécheresse agricole peut être possible moyennant certains indicateurs agro-climatiques.
En effet, nous avons constaté une relation étroite entre la sécheresse et les précipitations
des mois de décembre, janvier et février. L'époque allant d'octobre à décembre cons-
titue la période normale de semis des céréales d'automne (blés et orge) qui représentent
95% des céréales au Maroc. Mais en pratique, la majorité des terres est semée en
novembre et décembre. Ainsi un déficit pluviométrique intense au mois de novembre ne
fait que reporter les semis au mois de décembre. Par contre un décembre trop sec
pourrait occasionner la destruction totale de la culture si le semis a eu lieu au mois de
novembre (Handoufe et al., 1996) ou bien reporter d'avantage le semis au mois de
janvier. Un semis trop tardif effectué au mois de janvier raccourcit le cycle des céréales
et le décale vers une période beaucoup plus chaude et plus sèche (avril-mai) d'où une
chute des rendements.
Après plusieurs tentatives de recherche d'une relation entre la sécheresse et le déficit
pluviométrique, nous avons constaté qu'il existe une qui est très étroite (r2 = 0.92) entre
le déficit en production et un indice de déficit pluviométrique ou de sécheresse (IdS)
relatif à la période des trois mois (décembre, janvier et février). La détermination de cet
indice est basée sur les principes suivants:
- l'indice de sécheresse est la somme des déficits pluviométriques mensuels de cette
période;
- seuls les déficits mensuels inférieurs à —6% sont considérés, étant donné que ce
dernier seuil, correspondant à une hauteur de pluie de 29 mm, peut être toléré par
les céréales dans la mesure où leurs besoins en eau optimums durant cette période
ne dépassent pas 45 mm par mois et la "normale" des précipitations est de 74 mm
par mois;
- afin de tenir compte de la durée de l'absence des précipitations (longue période
déficitaire), seuls les déficits pluviométriques enregistrés pendant deux ou trois mois
successifs sont cumulables. Autrement dit, les déficits de deux mois secs séparés par
un troisième humide ne peuvent être cumulés:
40 Barakat Fatna & Handoufe Abderrahim
Fig. 6 Relation entre l'indice pluviométrique (décembre-février) moyen des huit stations
et le déficit en production céréalière nationale.
qu'ils ont bien voulu mettre à leur disposition. Leurs remerciements vont également à
MM Mekrane, Zeggaf, Daoudi et Mlle Faïza pour leur aide et leur serviabilité.
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