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Il serait cependant sans doute hâtif d’en conclure que l’auteur pourrait ne pas
être nécessairement un commerçant ou un artisan parce que la référence à ces
qualités a été supprimée du texte nouveau et donc que l’auteur pourrait être
non-commerçant (membre d’une profession libérale par exemple).
Pour le reste, le texte ne change pas, de sorte que les principes dégagés par la
jurisprudence pour la mise en œuvre de ce texte, c’est-à-dire ce qu’il faut
comprendre par les termes « soumettre » et « déséquilibre significatif » vont
continuer à s’appliquer [16]. De même, le droit du juge de contrôler le prix tel
qu’énoncé par la Cour de cassation sur le fondement de l’interdiction de la
soumission à un déséquilibre significatif n’est pas remis en cause [17].
L’ancien article L. 442-6, I, 5° a été modifié et devient l’article L. 442-1, II. A cette
occasion, le législateur a reformulé la première phrase. Désormais, si le préavis
octroyé doit être donné par écrit, il doit tenir "compte notamment [18] de
l’ancienneté de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou
aux accords interprofessionnels." Ce faisant, le législateur met la loi en
adéquation avec la jurisprudence [19]. Puisque dans les faits les juges tenaient
compte d’autres paramètres que l’ancienneté des relations, les usages et les
accords interprofessionnels pour déterminer le préavis suffisant, il est sain que
la loi leur en donne expressément la possibilité.
L’on peut encore faire remarquer que le délai de préavis de dix-huit mois
retenu par le législateur n’est pas particulièrement court [20] et correspond
plutôt à la limite haute constatée en jurisprudence. Si la jurisprudence avait eu
d’abord tendance a augmenté la durée des préavis, cela n’était plus aussi vrai
depuis quelques années [21]. Des durées de préavis élevées étaient de moins en
moins souvent prononcées. Au regard de cette évolution jurisprudentielle, le
délai de préavis de dix-huit mois fixé par la loi ne paraît pas léser les victimes
d’une rupture brutale. Ce nouvel alinéa s’inscrit aussi dans une stratégie
législative destinée à réduire les possibilités d’actions judiciaires afin de
désengorger les juridictions.
Un point très controversé en tout état de cause reste à l’écart de cette réforme
législative, celui de l’évaluation du préjudice. La jurisprudence considère en
effet que le préjudice doit être fixé « en fonction de la durée du préavis jugée
nécessaire » [22], sans tenir compte de la reconversion éventuelle de la victime
de la rupture qui aurait pour conséquence de réduire, voire de rendre
inexistant préjudice subi.
Néanmoins, « Le maintien de cette pratique illicite dans le code de commerce, qui
avait initialement été supprimée du projet d’ordonnance, a été unanimement
souhaité par les professionnels consultés par le gouvernement. Elle exerce un effet
dissuasif à l’encontre d’une pratique qui tend à fragiliser les réseaux de
distribution sélective » [24].
5) Les pratiques restrictives non conservées par le texte mais qui ne sont pas
pour autant autorisées.
Ne sont pas non plus reprises dans l’article L. 442-3, les pratiques des points b)
et c) de l’ancien article L. 442-6, II consistant à « obtenir le paiement d’un droit
d’accès au référencement préalablement à la passation de toute commande » ou à
« interdire au cocontractant la cession à des tiers des créances qu’il détient sur
lui ».
La réponse est affirmative. L’on soulignera que les termes « toute personne
justifiant d’un intérêt » ne sont en revanche pas très clairs. Ces termes sont issus
de l’ancienne rédaction de l’article L. 442-6, III, termes qui se comprenaient dès
lors que celui de « victime » n’apparaissait pas. Désormais, celle-ci est visée par
le nouveau texte. Il sera intéressant de voir quelles personnes non victimes, fut-
ce par ricochet ou simplement moralement, pourront se voir reconnaitre un
intérêt à agir (autres que le ministère public ou le ministre).
[5] Cette modification vaut pour l’ensemble du nouvel article L 442-1 et notamment pour la
responsabilité en cas de rupture brutale des relations commerciales établies.
[6] Ces termes impliqueraient que les parties à la relation doivent être commerçantes (ou
artisanes)
[7] Il ne s’agirait pas de termes juridiques, ceux-ci désignant plus globalement la discussion des
termes du contrat
[8] Voir par exemple, Paris, pôle 5, ch. 4, 27 sept. 2017 n°16/00671 : un « partenaire se définit
comme le professionnel avec lequel une entreprise commerciale entretient des relations
commerciales […], ce qui suppose une volonté commune et réciproque d’effectuer de concert des
actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de services, par opposition à la
notion plus large d’agent économique ou plus étroite de cocontractant […]. Le contrat de
partenariat formalise, entre autres, la volonté des parties de construire une relation suivie »
[9] Voir X. Henry, Clauses abusives dans les contrats commerciaux : état des lieux dix ans après,
AJ Contrat, août-septembre 2018, p. 372, n° 10 et s.. Voir également le constat fait par Rapport
remis au Président de la République, précité
[10] Cass. com. 6 févr. 2007, n° 03-20.463 : l’article L. 442-6, I, 5° "peut être mis en œuvre quel que
soit le statut juridique de la victime […]". Voir également sur cette question X. Henry, Les
principes jurisprudentiels mal établis de la rupture brutale de l’article L. 442-6, I, 5° du code de
commerce, RTDCom, avril-juin 2018, p. 530, n° 26 et s.
[11] Cass. com. 25 janv. 2017 n° 15-23.547. Ce contrôle a été déclaré par la suite conforme à la
constitution par le Conseil constitutionnel (Cons. const. 30 nov. 2018 n° 2018)
[13] Les différentes formations de la Cour d’appel de Paris n’étaient pas d’accord entre elles,
Voir par exemple, pour : Paris, pôle 5, ch. 4, 7 nov. 2018, n° 16/14312 et contre : Paris, 28 févr.
2019, n° 17/16475
[14] Plus exactement, l’article 1171 prévoit que la clause qui crée un déséquilibre significatif est
réputée non écrite
[16] Voir X. Henry, Clauses abusives dans les contrats commerciaux : état des lieux dix ans
après, AJ Contrat, août-septembre 2018, p. 370
[17] Sur cette question, voir X. Henry, Le contrôle du prix par le juge fondé sur l’interdiction par
le Code de commerce de la soumission à un déséquilibre significatif : beaucoup de bruit pour
rien ?, RJDA, juin 2019 (à paraître).
[18] Le terme « notamment » a été ajouté par l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.
[19] Voir par exemple, Paris, pôle 5, ch. 5, 2 mars 2017, n° 15/10786 ; Paris, pôle 5, ch. 4, 8 mars
2017, n° 14/17164. Paris, pôle 5, ch. 4, 19 avr. 2017, n° 16/02308.
[20] Le projet d’ordonnance soumis à l’examen des professionnels en janvier 2019 envisageait
de fixer le délai de préavis à 12 mois.
[21] Voir X. Henry, Les principes jurisprudentiels mal établis de la rupture brutale de l’article L.
442-6, I, 5° du code de commerce, RTDCom, avril-juin 2018, p. 538, n° 53 et s.
[26] Le texte précise que lorsque l’action est exercée par le ministre de l’économie ou le
ministère public, « les victimes de ces pratiques sont informées, par tous moyens, de l’introduction
de cette action en justice ». Le texte reprend sur ce point le principe dégagé par le Conseil
constitutionnel et par la Cour de cassation (Cons. const. 13 mai 2011, n° 2011-126 QPC, Com. 10
sept. 2013, n° 12-21.804 ; Com. 25 janv. 2017, n° 15-23.547)
[27] Un tel droit n’était pas spécifié par l’ancien article L. 442-6, III pour la victime. Il n’était
prévu que pour le ministère public ou le ministre de l’économie.
[30] Paris, pôle 5, ch. 5, 27 mars 2014, n° 12/04409 ; Paris, pôle 1, ch. 8, 30 juin 2017, n° 16/08818.
https://www.village-justice.com/articles/une-vraie-reforme-des-pratiques-
restrictives-concurrence-par-xavier-henry-andre,31491.html