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SUPPORT DE COURS D’ECONOMIE DU TRAVAIL Licence 3 UAS

Chargé de cours Dr Guillaume KOUASSI, Enseignant-chercheur, kouassiguillaume96@gmail.com

Introduction générale
Le travail est un effort individuel ou collectif, physique ou intellectuel, conscient, délibéré,
créatif, professionnel ou non, dont le but tend à la concrétisation d’un projet, d’une idée - ou
d’un ensemble de projets et d’idées -ne donnant pas nécessairement lieu à un résultat abouti,
mais ayant leur finalité, et dont la rétribution, s’il en est une, peut être morale ou matérielle.
L’économie du travail étudie l’ensemble des comportements et des transactions associées à une
activité professionnelle. Elle accorde une chance particulière à l’échange de services du travail
contre un salaire. La relation salariale qui s’établit est une relation marchande qui traduit
l’échange d’un service du travail contre le paiement d’un salaire. Elle peut être analysée grâce
aux outils de la science économique à partir de deux postulats: la rareté des ressources et la
rationalité des agents.
Cette branche de la science économique s’intéresse en amont de cet échange, aux
comportements d’offre et de travail émanant de la population et ceux de la demande de travail
émanant des entreprises. Parmi les comportements relatifs à l’offre de travail, l’économie du
travail s’intéresse notamment à la question de l’éducation et de la formation continue, des
comportements de migration, mais à la démographie. En cela, le champ de l’économie du travail
recoupe ceux de l’économie de l’éducation, de la démographie et des sciences de population et
de la famille. Les principaux acteurs en économie du travail sont les individus et les ménages
d’une part et les entreprises d’autre part. D’autres acteurs jouent cependant un rôle essentiel. Il
s’agit des partenaires sociaux (les représentants des travailleurs et du patronat) et l’Etat en tant
en tant que régulateur des échanges (par la législation du travail) et responsable de nombreux
mécanisme (enseignement obligatoire, système d’assurance, etc.).
Puisqu’elle s’intéresse à l’ensemble des comportements et transactions, l’économie du travail
n’a pas pour seul but de fournir une compréhension des causes du chômage. On peut incorporer
d’autres questions abordées par l’économie du travail :
- Les effets du salaire sur la participation au marché du travail, sur l’effort de recherche
d’emploi, sur la quantité de travail demandée par les entreprises,
- Les raisons de la persistance des inégalités de salaire,
- La variation des salaires,
- Les décisions de choix de formation et leurs effets,
- Les formes de protection de l’emploi,

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- La détermination du temps de travail.
De tout ce qui précède, on en déduit que l’économie du travail traite du salariat. L’échange de
services de travail contre salaire se fait sur un marché d’offre et de demande de « force de travail
». Mais cela n’implique pas forcement que la concurrence parfaite prévaut sur ce marché. Le
marché ici est particulier pour diverses raisons :
- La rencontre entre l’offre et la demande est rarement « centralisé », elle est
généralement éclatée géographiquement, par profession, etc. Ceci suggère que
l’information est imparfaite.
- L’employeur ne peut que louer les services du travailleur (heures ou tâches
spécifiques), mais ne maîtrise pas pleinement la qualité du travail fourni, ceci suggère
que l’information est asymétrique,
- Les relations contractuelles sont souvent durables, ce qui offre une certaine possibilité
de faire face aux problèmes d’information et d’incertitude),
- L’existence de syndicat fait prévaloir une concurrence imparfaite,
- Enfin, compte tenu de la particularité du travail dans la société, les éléments monétaires
ne sont pas les seules à prendre en compte car le travail permet de forger une certaine
identité.
Dans ce cours seul, certaines particularités seront prises en compte. Les autres pouvant être
abordés à un niveau plus avancé.

I. Historique et fondements théoriques


L’émergence de l’économie du travail s’envisage selon deux perspectives: a) l’aspect marchand
de la relation salariale et les particularités de la relation salariale.
1. L’aspect marchand de la relation salariale
Il s’agit ici de l’approche libérale dite orthodoxe. Elle s’inscrit dans les courants de l’école
classique et néoclassique. Ainsi Adam Smith (1776), dans Recherches sur la Nature et les
Causes de la Richesse des Nations appréhende le fonctionnement du marché du travail selon
un modèle concurrentielle, comme pour tous les autres marchés, Il estime que le salaire égalise
l’offre et la demande de travail pour chaque type d’emploi. Cela l’amène à expliquer les
différences des salaires entre les emplois par un effet de compensation dû à la pénibilité des
taches et à l’efficacité des travailleurs. C’est la théorie des différences compensatrices.

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Cette Théorie concurrentielle des différentiels compensatoire est jugée incomplète car elle
néglige les questions liées aux rapports de force entre les acteurs, à la concurrence imparfaite,
à l’asymétrie d’information, à la mobilité des acteurs, au coût de la formation du capital humain.
En effet même si Smith reconnait l’existence de coalitions de travailleurs et d’entreprises qui
affectent la formation des salaires et l’emploi. Il accorde la prééminence à la main invisible
prévalent.
A la Fin 19ème siècle, la révolution marginaliste systématise la représentation concurrentielle
du fonctionnement des marchés. Ainsi Marshall, A. (1890), dans Principles of Economics
présente une théorie plus élaborée tout en dissimulant les traits spécifiques au marché du marché
du travail, conservant ainsi les mêmes incohérences que chez A. Smith.
Dans les Années1930, avec la crise économique et financière de 1929, l’analyse économique
traditionnelle des marchés basée sur l’hypothèse de la concurrence pure et parfaite est fortement
remise en cause. L’analyse en concurrence imparfaite qui s’impose alors modifie la conception
que les économistes ont du fonctionnement du marché du travail. C’est le cas pour des auteurs
comme Chamberlin dans « the theory of monopolistic markets. Ou Joan Robinson (1933) dans
« the Economics of imperfect competition ». Hicks, J.(1932), dans « Theoryof Wages »
propose un modèle de négociation salariale comme fondement de la détermination des salaires
et de l’emploi. Dans ce modèle le pouvoir des travailleurs s’accroît aussi longtemps qu’ils
restent en grève.
Les années 1940 voient la naissance de l’économie du travail entant que discipline autonome
sous l’impulsion de DunlopJ., KerrC., Lester. & Reynolds. Leur approche qui était au début
purement descriptive consistait à prendre en compte la spécificité institutionnelle du travail
pour comprendre la formation des salaires. Le livre de référence en la matière était celui de
Lloyd Reynolds intitulé Economie du travail et relation de travail, qui jusque dans son édition
de 1970 ne contenait aucune analyse de l’offre et la demande de travail, ni de la détermination
du salaire, se contentait de décrire les « pratiques » des entreprises et des industries en la
matière. Le premier livre d’économie du travail ayant construit une fondation théorique du
marché du travail a vu le jour dans les années 1970. Les auteurs étaient Belton Flesher (1970)
Richard Freeman (1972) et Albert Rees (1973). Dans leurs travaux, les aspects descriptifs furent
considérablement réduits au profit de l’application des principes généraux de l’analyse
économique au monde du travail.

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2. Les approches alternatives

Les approches alternatives à l’orthodoxie néoclassique sont des réactions au réductionnisme


des théories libérales : la croyance aveugle aux forces du marché et la négligence de la
dimension sociale de la relation salariale du travail. Ces approches alternatives reposent sur
deux écoles de pensée : le Marxisme et l’Institutionnalisme.
Marx, K. (1894), dans Le Capital insiste sur les questions de domination des classes sociales,
sur la nécessité de changer les institutions, et le poids de l’histoire dans l’explication de la
relation salariale. La théorie de Marx dont s’inspire l’« économie politique radicale »
contemporaine, est basée sur le concept d’exploitation. Le salaire est déterminé par un rapport
de force entre travailleurs et capitalistes plutôt que par le système de marché.
L’approche institutionnaliste a été développée entre 1900 et 1930 par des auteurs tels que, John
commons, Thorstein Veblen, Westley Mitchell et Webbs. Webbs B.&Webbs,S.(1897), dans
Institutional Democracy. Elle accorde une place centrale à l’action collective, aux conditions
de travail à l’ensemble des phénomènes sociaux et plus généralement aux coutumes et
croyances ; c’est une approche interdisciplinaire qui met ensemble, l’économie, la sociologie
et la psychologie sociale.
Dans sa démarche, l’approche orthodoxe procède à la détermination de théories de
comportement des acteurs, à partir d’hypothèses déductives. L’approche institutionnelle, elle
insiste sur des méthodes d’investigation basées sur des enquêtes de terrain, des études
monographiques et recherches historiques afin de mieux comprendre les pratiques des acteurs.
Il est à remarquer que ces deux approches ne sont pas à opposer de manière systématique dans
la mesure où il s’agit plus d’une question de rôle à assigner que de méthodes à opposer ; elles
sont le plus souvent complémentaires. Une étude historique par exemple n’est pas opposée à la
recherche analytique qui est le cœur de l’approche orthodoxe:
L’approche économique reste indispensable car il est souvent nécessaire de disposer non
seulement d’une bonne théorie du marché du travail mais aussi de l’entreprise, des marchés des
produits, des marchés financiers, etc.

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