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Conception d’un Foyer amélioré domestiques a charbon de bois en

Afrique subsaharienne
René Massé
En Afrique subsaharienne, le fourneau traditionnel à charbon de bois est assez similaire
d’un pays à l’autre ; on l’appelle couramment « fourneau malgache », peut être en
référence à son origine. Un foyer amélioré à charbon de bois, c’est d’abord un foyer qui
consomme moins de charbon que le fourneau malgache… mais, sa conception exige que
d’autres contraintes soient prises en compte pour en permettre une diffusion massive et
dynamique : nous commencerons donc par examiner ce cahier des charges d’un FA. Puis,
nous présenterons quelques approches utilisées pour améliorer un foyer domestique
avant de présenter succinctement les méthodes de tests de Foyers préconisées.

1. Cahier des charges d’un foyer amélioré domestique à charbon


de bois en Afrique subsaharienne
Par rapport à un fourneau traditionnel, un foyer amélioré devra certes économiser du
charbon de bois, mais, il devra aussi répondre à un cahier des charges beaucoup plus
complexe, qui conditionne l’adhésion de tous les acteurs de cette filière : i) les familles, qui
décident en dernier lieu d’acheter ou non le FA ; ii) les artisans, qui décident ou non de le
fabriquer et de le commercialiser en remplacement des fourneaux traditionnels, et iii) les
financeurs des projets de diffusion de FA, qui le font pour réduire les prélèvements de bois
énergie, réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer les conditions sanitaires
de la cuisson domestique pour ces populations. S’ajoutent d’autres considérations de
faisabilité : i) exigence d’une diffusion massive et assez rapide, ii) la contrainte de
disponibilité de matière première à proximité des lieux de fabrication des FA (tôles de
récupération et terre appropriée pour la poterie) et iii) la contrainte de transportabilité du
FA, pour les localités rurales qui, n’ayant pas d’artisans pour les produire localement,
importent leurs fourneaux d’une ville éloignée,.
En passant en revue chacune de ces contraintes, sans perdre de vue que, la principale
raison pour diffuser des FA est l’économie de charbon attendue.
1.1. Pour que les familles choisissent un FA en remplacement de leur fourneau
traditionnel…
En moyenne, un foyer traditionnel a une durée de vie de deux années. Seules, les familles
les plus pauvres continuent d’utiliser un foyer troué, cassé même, et retardent cette
dépense de remplacement beaucoup plus longtemps. Pour que la diffusion de FA soit
massive, il faut donc que ces familles décident de remplacer leur foyer traditionnel par un
foyer amélioré : elles ne le feront que si elles sont convaincues :
• Que le foyer amélioré permet effectivement une économie de combustible : c’est
de très loin la principale motivation des familles (et plus précisément des femmes,
car ce sont elles qui ont généralement la responsabilité de cet achat) dans la
décision de changer leurs habitudes d’achat ;
• Que le foyer amélioré réduit les émissions de fumées et de suies, qui affectent
leur santé et salissent casseroles et intérieurs ;
• Que le foyer amélioré est d’un usage facile, d’une prise en main spontanée, sans
apprentissage. Ce point est d’autant plus important que, souvent, c’est une petite
cousine ou une bonne qui fait la cuisine, une personne qui n’est pas directement
intéressée par les économies de charbon ;
• Que la possession d’un foyer amélioré est socialement flatteuse, qu’il est plus joli
qu’un foyer traditionnel par sa forme, sa couleur… qu’il est plus solide et qu’il va
durer plus longtemps… des éléments subjectifs qui peuvent peser gros à l’instant
de décider quel foyer acheter.
La conception d’un FA devra prendre en compte chacune de ces attentes, et le
programme de diffusion devra s’attacher à vulgariser et démontrer chacun de ces
arguments. Avant une diffusion massive de FA, il est important d’en tester le prototype en
usage réel dans quelques familles, pour recueillir leurs commentaires et suggestions avant
de finaliser le design du modèle.

1.1. Pour que les artisans décident de fabriquer et commercialiser


durablement des FA en remplacement des foyers traditionnels
Les artisans qui fabriquent des foyers domestiques à charbon de bois dépendent de leurs
ventes hebdomadaires pour faire vivre leur famille : ils sont donc très vulnérables. S’ils
décident de fabriquer des FA, ce sera en substitution de foyers traditionnels car ils ne
disposent pas d’une trésorerie suffisante pour acheter la matière première pour produire
ces FA en supplément des foyers traditionnels et, pour quelques artisans, ils ne disposent
pas d’une capacité de production suffisante pour produire plus de foyers durant la
semaine. L’analyse de leur système économique permet de mieux comprendre leur
logique face à l’innovation que constitue le FA sur leur marché. Les plus innovants
(souvent ceux qui n’ont pas la première place sur ce marché du foyer), accepteront de
produire quelques FA en remplacement de foyers traditionnels :
• Si cela leur permet de gagner davantage d’argent, mais à la condition que la
production de FA n’engage pas davantage de dépenses financières : ils sont très
attentifs aux dépenses monétaires liées à la production de foyers (achat de tôles en
particulier), car ils n’ont souvent aucune trésorerie ;
• Ils peuvent travailler un peu plus pour produire un FA, mais, à la condition que la
production hebdomadaire de FA rapporte davantage en valeur absolue que ce que
rapportait la production hebdomadaire de foyers traditionnelle ;
• Surtout, il est indispensable que les quelques FA, que les premiers artisans
innovateurs vont prendre le risque de produire, soient vendus ! Si ces artisans
repartent avec des FA invendus, ils n’auront pas suffisamment d’argent pour payer
leur nourriture et l’achat des tôles pour la production de la semaine qui suit… Ils
enverraient de plus un signal très négatif à toute leur communauté d’artisans. C’est
pourquoi, le projet UPED à Madagascar faisait acheter par des « inconnus », les FA
qui n’étaient pas vendus à la fin du marché, pendant toute la phase de lancement
du programme de diffusion massive de FA. Ces FA permettaient de constituer un
stock qui était utilisé pour éviter la rupture d’approvisionnement du marché lorsqu’il
y avait des évènements ponctuels (Journée de la Femme par exemple) ;
• La fabrication de FA doit être compatible avec leurs savoir faire techniques : ces
artisans n’ont généralement pas d’atelier, mais travaillent en famille, dehors, avec
un outillage rustique. Les artisans tôliers maitrisent généralement les techniques de
récupération de tôles de fûts de 220 litres de bitume ou d’huile (achat auprès des
entreprises de travaux publics), de traçage avec des gabarits, de découpe au burin,
d’assemblage par pliage, agrafage, rivetage… Mais ne pratiquent pas le soudage
par exemple. Si on respecte ces savoir faire techniques, les innovations proposées
avec un FA pourront être introduites facilement en proposant gracieusement des
gabarits de traçages qui correspondent aux dimensions des pièces du FA. C’est
pour cela qu’un projet de diffusion massive de FA doit étudier le secteur de
l’artisanat local avant d’initier une action dans la localité ;
• La fabrication de FA doit être compatible avec l’accès qu’ils ont aux matières
premières : le ravitaillement en tôles de récupération n’est jamais assuré. Comme
ces petits artisans ne disposent pas de trésorerie, ils ne peuvent pas acheter les
lots de fûts de récupération que les entreprises de travaux publics mettent
périodiquement sur le marché, une fois leur chantier de bitumage de route achevé.
Des commerçants jouent le rôle de grossistes, prélevant au passage un montant
plus ou moins important suivant le marché de l’offre et de la demande… Augmenter
le besoin de tôle pour la fabrication d’un foyer amélioré peut avoir pour effet
l’augmentation du prix unitaire de la tôle sur ce marché de récupération. L’existence
de potiers dans une localité dépend de l’existence de terre appropriée pour la
fabrication de poterie. Toutes les régions proches de localités en Afrique
subsaharienne ne disposent pas de ressources en terre adaptée. Comme il n’est
pas financièrement rentable de transporter de la terre pour fabriquer des foyers, on
observe que les FA qui ont une partie au moins en poterie sont fabriqués à
proximité des ressources en terre et exportés vers les autres localités.
• Enfin, la fabrication de FA doit être compatible avec la trésorerie des artisans.
Ces artisans n’ont aucun accès au crédit et doivent vivre et produire avec souvent
l’argent de la vente des foyers au marché. Le coût de production d’un FA doit donc
rester très proche de celui d’un foyer traditionnel.
C’est à la condition de respecter toutes ces contraintes qu’une activité de sensibilisation,
d’information, et de formation technique des artisans volontaires permettra à certains
d’entre eux de prendre le risque, les premiers, de fabriquer des FA en substitution de
foyers traditionnels et de continuer à le faire durablement.

1.2. Pour que le programme de diffusion de FA atteigne une taille


significative assez rapidement pour avoir un impact sur les
prélèvements de bois énergie
Un programme de diffusion de FA n’aura un impact sensible sur la déforestation que si :
• Un pourcentage significatif de ménages remplace leurs foyers traditionnels par des
FA. Il est donc important de concevoir un FA pour le plus grand nombre de familles
résidentes dans la localité, et pas seulement pour une niche d’utilisateurs (plus
fortunée par exemple). Cela signifie qu’il y a un bon compromis à trouver entre les
performances d’économie du FA et la capacité à le diffuser au plus grand nombre
(coût). Autrement dit, il est préférable de diffuser à 75% d’une population un FA qui
n’économise que 30% de charbon, plutôt que d’en diffuser un à 10% de la
population, mais qui économise 50% de charbon ;
• La pénétration de FA est assez rapide. D’un coté, la consommation annuelle de
charbon d’une localité augmente au rythme de la croissance démographique, qui
est généralement importante en Afrique subsaharienne. De l’autre, l’introduction de
FA va réduire la consommation globale de charbon au prorata du taux de
substitution de foyers traditionnels par des FA. La balance va donc dépendre de
ces deux facteurs, taux de croissance démographique vs. taux de substitution des
foyers. Si la substitution se fait trop lentement, ses effets sur la consommation de
charbon seront invisibles car compensés par les effets de la croissance de la
population. En terme de stratégie de sortie de la crise du bois de feu, cela signifie
que le projet FA ne donnera pas les quelques années de répit sur les prélèvements
ligneux indispensables à la mise en place de mesures structurelles pour augmenter
et diversifier l’offre d’énergie de cuisson.
La conception de FA doit donc conduire à des modèles compatibles avec les contraintes
d’une diffusion massive et dynamique.

2. Les tests de Foyers domestiques à charbon


Deux tests sont unanimement recommandés pour mesurer l’économie de combustible
d’un foyer : le « test d’ébullition de l’eau » et le « test de cuisine comparée ». On ajoutera
qu’il est préconisé de mesurer aussi les émissions de gaz à effet de serre et autres
polluants présents dans les fumées.

2.1. Le test d’ébullition de l’eau (TEE)


Le TEE permet, de façon simple et rapide, de caractériser le comportement thermique
d’un fourneau, c'est-à-dire son efficacité à extraire l’énergie du combustible et à la
transmettre à la marmite. Il ne se préoccupe pas de savoir comment est ensuite valorisée
(ou non) l’énergie transmise à la marmite. Le rendement qu’il permet de calculer est le
rapport entre l’énergie transmise par le foyer à la marmite et l’énergie contenue dans le
combustible brulé. Ce test permet de calculer aussi la puissance [1] du fourneau et sa
consommation spécifique.

Le protocole du TEE
• Noter les conditions météorologiques : température ambiante, intensité du vent
(fort, moyen, faible), l’humidité relative de l’air (relevée avec un hygromètre ou
enregistré depuis un centre météorologique proche).
• Peser la marmite (couvercle percé et thermomètre) à vide : ce poids sera noté MV
• Remplir la marmite d’eau au 2/3 de sa capacité. Remettre le couvercle et le
thermomètre
• Peser la marmite pleine, toujours avec couvercle et thermomètre : noter Mo ce
poids
• Noter la température de l’eau dans la marmite
• Nettoyer parfaitement le fourneau, puis le peser à vide et noter FV ce poids
• Remplir à raz bord le fourneau avec du charbon
• Allumer le feu avec des brindilles ou avec une cuillère à soupe de pétrole (10 à 15
ml) SANS poser la marmite
• Cinq minutes après l’allumage, peser le foyer plein et noter ce poids Fo
• Poser la marmite pleine d’eau, couvercle et thermomètre en place et démarrer le
minutage
• S’il existe un volet de fermeture de la porte, celui-ci doit rester ouvert
• Relever la température toutes les cinq minutes, sans déplacer la marmite ni le
fourneau
• Au moment où l’eau se met à bouillir, noter le temps TE
• Peser la marmite complète (eau, couvercle et thermomètre inclus) et noter le temps
M1
• Peser le fourneau plein du charbon restant (sans la marmite) et noter F1
• Reposer la marmite sur le fourneau et fermer le volet s’il existe pendant 60 minutes
• Veiller à ce que la température de l’eau ne descende pas en dessous de la
température d’ébullition : si cela arrive, le test n’est plus valable
• 60 minutes après le début de l’ébullition, peser la marmite complète et noter M2
• Peser le foyer plein du charbon et des braises restantes et noter F2
Expression des résultats
TE Temps nécessaire pour parvenir à l’ébullition
TES Temps d’ébullition spécifique = temps nécessaire pour amener un litre d’eau de
0 à 97°C (en mn/l)
PCUI Pourcentage de chaleur utilisé pour la première phase (phase de haute
puissance qui s’achève à l’ébullition) = rapport de l’énergie récupérée par le
contenu de la marmite à l’énergie produite par la combustion pendant la
première phase (%)
CS1 Consommation spécifique de la première phase = quantité de charbon
nécessaire pour amener un litre d’eau de 0 à 97°C (g/l)
P1 Puissance pendant la première phase = quantité d’énergie produite pendant la
première phase par unité de temps (kW)
PCUT Pourcentage de chaleur utilisé totale = rapport de l’énergie récupérée par le
contenu de la marmite à l’énergie produite par la combustion pendant la totalité
du test (%)
CS2 Consommation spécifique de la deuxième phase = quantité de charbon
nécessaire pour évaporer un litre d’eau pendant la deuxième phase (g/l)
P2 Puissance pendant la deuxième phase = quantité d’énergie produite pendant la
deuxième phase par unité de temps (kW)
CT Consommation totale de charbon durant le test (g)
MEV Masse d’eau évaporée sur la totalité du test (l)
F Flexibilité = rapport de la puissance de la première phase à la puissance de la
deuxième phase
Modes de calcul pour la première phase :

Coefficient de correction de la température initiale de l’eau : (To – T1)/To


Co 4,18 kJ/kg. C°
Li 2'260 kJ/kg
PCI Pouvoir calorifique inférieur du charbon = 29'000 kJ/kg
Me Masse initiale d’eau (g) = M1 - Mv (M1 = poids de la marmite pleine d’eau et Mv
= poids de la marmite vide)
Mch1 Masse de charbon initiale (g) = Fo – F1 (Fo = poids du foyer rempli de charbon
à la pose de la marmite et F1 = poids du foyer et du charbon restant à la fin de
la phase 1 de montée à ébullition)
Mev1 Masse d’eau évaporée (g) = Mo – M1
R Rendement en % = [[(Co x Me x DT) + (Li x Mev1)] / (PCI x Mch1)] x 100%
P1 Puissance de première phase (en kW) = (PCI x M ch1) / TE (mn) x 60 x 1'000
CS1 Consommation spécifique de première phase (g/l) = (Mch1 / Me) x {(To –
T1)/To}
TES Temps d’ébullition spécifique (mn/l) = (TE / Me) x (To / To – T1)
Modes de calcul pour la deuxième phase :
P2 Puissance de deuxième phase (en kW) = (PCI x M ch2) / «30 x 60 x 1'000
Mch2 F1 – F2 (en g)
CS2 Consommation spécifique de deuxième phase (g/l) = (Mch2 / Mev2)
Mev2 M1 – M2 (g)
Modes de calcul pour la totalité du test d’ébullition d’eau :
MEV Mo – M2 (g)
R [(4,18 x Me x DT x 2260 x MEV) / (PCI x MCH) ] x 100%
CT Consommation totale de charbon (g) = Fo – F2
F Flexibilité = F1 / F2
Limites d’interprétation du TEE
L’interprétation des résultats doit tenir compte de la difficulté de contrôler certains
paramètres de manière précise, comme par exemple la qualité de l’allumage,
l’homogénéité du charbon utilisé, ainsi que l’étanchéité du couvercle de la marmite. C’est
pourquoi il convient de réaliser au moins cinq TEE par fourneau.
Avec tous les résultats détaillés ci-avant, ce test permet de caractériser le comportement
thermique d’un fourneau en valeur absolue : mais il ne permet pas de dire s’il sera
économe en combustible de cuisson ou pas. Un fourneau pourra par exemple avoir un
très bon pourcentage de chaleur utilisée totale (PCUT), et consommer plus de charbon
pour préparer un plat qu’un fourneau qui aurait un PCUT moindre… Car, toute l’énergie
qui arrive dans la marmite n’est pas toujours utilisée pour la cuisson des aliments : en
phase de mijotage (basse puissance), il suffit de maintenir les aliments à une température
inférieure à la température d’ébullition (de l’ordre de 85°C pour la sauce du Romazava
présentée ci-dessous) pour les cuire : le TEE ne simule donc pas ces conditions de
cuisson réelle. Tout excès d’énergie dans la marmite pendant cette phase a pour effet de
vaporiser l’eau, ce qui provoque un risque d’accrochage des aliments aux parois, densifie
la sauce, durcit la viande… sans cuire plus vite le plat. Or, on le sait, la vaporisation
(changement de phase eau-vapeur) se fait en consommant beaucoup d’énergie, ici
inutilement.
C’est pourquoi, une fois les caractéristiques thermiques des fourneaux connues, on
compare leurs consommations de charbon lors de la préparation de véritables plats. C’est
l’objet des TEC.

2.2. Les tests de cuisine comparée (TEC)


Un test de cuisine comparée consiste à mesurer les consommations de charbon d’un
fourneau pendant une véritable préparation culinaire. Ce test permet de comparer les
performances de consommations de plusieurs fourneaux, dans des conditions réelles
d’utilisation. Le choix de la préparation culinaire de référence résultera de l’enquête socio-
économique sur les consommations d’énergie domestique à réaliser lors de la conception
du programme FA. Ci-dessous, nous présenterons le protocole de TEC utilisé à
Madagascar pour réaliser plus de 800 tests de fourneaux : le plat de référence est un
Romazavo de bœuf, c'est-à-dire du riz accompagné d’une sauce avec des brèdes et de la
viande. La recette utilisée correspond à un plat pour 6 personnes, une taille représentative
des familles d’Antananarivo.

Le protocole du TEC
La préparation de la sauce et du riz se fait séparément sur deux foyers identiques et en
parallèle.
• Peser la marmite A et son couvercle vide
• Peser la marmite B et son couvercle vide
• Peser les foyers F1 et F2 vides
• Remplir chaque foyer de charbon (laisser à chaque cuisinière la liberté de le remplir
comme elle en a l’habitude)
• Peser les foyers F1 et F2 pleins
Préparation de la sauce dans la marmite A sur le fourneau F1 :
• Peser 500 g de viande de bœuf
• Peser 150 g de tomates découpées et lavées
• Peser 30 g d’oignons découpés et lavés
• Peser 660 g de brèdes découpées et lavées
• Allumer le fourneau F1 avec une cuillère à soupe de pétrole (10 à 15 ml) et noter
l’heure
• Mettre la viande, les tomates et les oignons et une cuillère d’huile dans la marmite A
et la peser la marmite A pleine et son couvercle
• Poser la marmite A sur le fourneau, démarrer la cuisson (on fait d’abord revenir ces
ingrédients sans eau donc) et noter l’heure
• Rajouter 2'000 g d’eau 25 mn après le démarrage de la cuisson
• Rajouter les brèdes à ébullition de la sauce, le sel à volonté, et noter l’heure
• Rajouter du charbon seulement si nécessaire après l’avoir pesé
• Sitôt que la cuisinière estime la cuisson de la sauce terminée, le test pour la sauce
est terminé ; noter l’heure et :
• Peser la marmite A avec son contenu et son couvercle
• Peser le fourneau F1 avec le charbon et les braises restantes.
Préparation du riz dans la marmite B sur le fourneau F2 :
• A commencer après le démarrage de la cuisson de la sauce :
• Ajouter 1'750 g d’eau dans la marmite B
• Allumer le fourneau F2 avec une cuillère à soupe de pétrole (10 à 15 ml) et noter
l’heure
• Démarrer la cuisson du riz et noter l’heure
• Peser 1'000 g de riz
• Laver le riz, l’introduire dans la marmite et noter l’heure
• Sitôt que la cuisinière estime le riz cuit, noter l’heure et :
• Peser la marmite B avec son contenu et son couvercle
• Peser le fourneau F2 avec le charbon et les braises restantes
Expression des résultats pour le test avec la sauce
Q.I Quantité initiale de charbon
T Temps de cuisson de la sauce (mn), un indicateur important pour les
cuisinières
CONSO Poids du charbon réellement consommée pour la cuisson de la sauce (g),
qui indique l’économie (éventuelle) réalisée par un fourneau, comparé à
un autre
CONSO/CR Poids du charbon réellement consommée par rapport au poids d’aliments
U crus mis dans la marmite (g/kg)
CONSO/CUI Poids du charbon réellement consommée par rapport au poids d’aliments
T cuits récupéré dans la marmite à l’issue de la cuisson (g/kg)
CUIT/CRU Rapport entre le poids de plat cuisiné et le poids d’aliments crus mis dans
la marmite, qui va permettre de comparer les conduites de cuisson des
cuisinières d’un TEC à l’autre : un rapport constant indiquera que les
conduites de cuisson ont été effectuées de façon identique, donc que la
cuisinière, par son comportement, n’a pas influencé les résultats
MEV Masse d’eau évaporée (g), permet de localiser un perte excessive
d’énergie, la chaleur utilisée à changer la phase de l’eau vers la vapeur
sans bénéfice pour la cuisson du plat
Expression des résultats pour le test avec le riz
Q.I Quantité initiale de charbon
T Temps de cuisson du riz (mn)
CONSO Poids du charbon réellement consommé pour la cuisson du riz (g)
MEV Masse d’eau évaporée (g).
Limites d’interprétation du TEC
La cuisinière influence certains résultats puisque c’est elle qui décide du remplissage initial
de charbon, et de la fin de cuisson de la sauce et du riz. C’est pourquoi, dans une batterie
de tests de fourneaux, il faut réaliser au minimum six tests de cuisine comparée (toujours
avec la même recette), et faire tester tous les foyers par la même cuisinière. S’il y a trop
de TEC à réaliser et qu’il faille recourir à plusieurs cuisinières, alors chaque fourneau sera
testé par chacune des cuisinières pour effacer le plus possible l’incidence du
comportement de la cuisinière dans les résultats.
Le pouvoir calorifique du charbon influence aussi les résultats du TEC. C’est pourquoi, il
convient de préparer la quantité nécessaire à la réalisation de tous les TEC qu’on veut
conduire sur les différents fourneaux à comparer, en mélangeant les contenus de
plusieurs sacs de charbon, de provenances différentes.
Le TEC ne concerne qu’un seul plat, qui, même s’il est caractéristique des habitudes
culinaires locales ne représente pas tous les types de plats préparés par une famille.
Ceci dit, seul ce TEC permet de comparer les performances de consommation de deux
fourneaux, ce qui intéresse les familles et qui est au cœur des préoccupations de tous les
promoteurs de projets FA. Ils ne permettent pas de prévoir exactement quelles seront les
consommations de charbon, mais ils peuvent assurément dire quel est le fourneau le plus
économe en situation réelle.

2.3. Tests sur les émissions de fumées


Il n’existe pas de test « officiel » pour mesurer les émissions de fumées des foyers. Deux
approches ont été expérimentées :
La mesure directe des émissions à la source, c'est-à-dire au dessus du foyer : un capteur
est placé au dessus du foyer qui mesure le monoxyde de carbone et toutes les particules
en suspension dans les gaz rejetés par le foyer ;
La mesure indirecte : on mesure l’influence du foyer sur la qualité de l’air de la pièce où il
est utilisé. C’est la méthode la plus facile à mettre en œuvre. Elle a été mise en œuvre par
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour mesurer la qualité de l’air dans les
cuisines en Ethiopie en 1994.
Quelque soit la méthode, elle requiert un équipement, des moyens et une compétence
que n’ont généralement pas les promoteurs de FA.

3. Approche conceptuelle d’un Foyer amélioré domestique à


charbon de bois a Madagascar
L’analyse des tests de FA domestique à charbon de bois utilisés principalement pour la
préparation de plats bouillis et mijotés ou frits permet de tirer quelques enseignements
généraux, applicables pour la conception de nouveaux FA destinés aux mêmes usages :
• Les fourneaux traditionnels à charbon de bois sont trop puissants pour les
préparations culinaires qu’ils doivent satisfaire ;
• Les conduites du feu traditionnelles sont très dispendieuses en énergie.

3.1. Les foyers traditionnels à charbon de bois sont trop puissants


Un bon FA doit être capable de faire évoluer sa puissance pour l’adapter au besoin
énergétique de cuisson du plat, tout au long de la préparation. Car, les besoins d’énergie
dans la marmite évoluent tout au long de la cuisson. Considérons par exemple la
préparation du riz (ou de pates) et d’une sauce :
Préparation du riz ou de pates :
Pour la cuisson du riz (ou de pates), on distingue deux phases pendant lesquelles les
besoins énergétiques diffèrent :
• Une première phase de montée à ébullition de l’eau : cette durée est d’autant plus
courte, qu’on transfert beaucoup d’énergie dans la marmite… mais, ce gain de
temps se fait au prix d’une surconsommation de combustible. Et, de toutes façons,
on ne peut gagner que quelques minutes, imperceptibles si on considère la durée
totale de préparation du plat pour une famille de six ou sept personnes ; puis
• Une seconde phase de cuisson du riz : là, les besoins énergétiques de cuisson sont
limités au maintien de la température de l’eau à ébullition. Toute l’énergie qui est
transférée en excès dans la marmite sera utilisée pour vaporiser l’eau : ce
changement de phase (eau-vapeur) est très dispendieux en énergie et se réalise
sans aucun effet sur la vitesse de cuisson…
Préparation de la sauce :
La cuisson de la sauce requiert un mijotage assez long, beaucoup plus long que la durée
de préparation du riz. Pendant toute la préparation de la sauce, les besoins énergétiques
de cuisson sont limités au maintien à 85°C de la température des aliments dans la
marmite. Toute l’énergie qui est transférée en excès dans la marmite sera utilisée pour
vaporiser l’eau de la sauce : ce changement de phase (eau-vapeur) est très dispendieux
en énergie et se réalise sans aucun effet sur la vitesse de cuisson… au contraire, en
absence d’eau, les aliments risquent de s’attacher aux parois, et cette cuisson rend la
viande plus dure.
Cette analyse suggère deux recommandations principales :

Recommandation n°1. Réduire le volume de la chambre de combustion au strict


minimum
Plus le volume de la chambre de combustion [2] est grand, plus les cuisinières auront
tendance à mettre une quantité importante de charbon dans le fourneau, et plus la
puissance du fourneau sera inutilement élevée. Or, les tests de fourneaux traditionnels à
charbon de bois montrent qu’ils sont de (beaucoup) trop puissants pour les besoins des
préparations culinaires bouillies, mijotées, et frits. Cette observation est d’autant plus
importante que c’est la cuisson de la sauce qui est la plus consommatrice de charbon :
elle requiert de l’ordre de 70% de la consommation de charbon totale pour la préparation
d’un plat riz-sauce. A Madagascar, les tests systématiques ont montré que le volume des
chambres de combustion des foyers traditionnels se répartissait dans une fourchette de
2'800 à 3'500 cm3 alors qu’un volume de 1'400 cm 3 suffisait amplement pour les besoins
de préparations culinaires malgaches. Les photos ci-dessous montrent à gauche, un
fourneau traditionnel et un foyer amélioré « Dago » (bleu) carré et, à droite, un fourneau
traditionnel et un foyer amélioré « Dago » (vert) rond :

En réduisant le volume de la chambre de combustion du Foyer amélioré « Dago » à 1 400


cm3, on a diminué la puissance du foyer et permis une économie de plus du tiers de
charbon. En réduisant la hauteur et en élargissant la base, on a aussi amélioré la stabilité
du foyer.
Pour dimensionner au mieux le volume d’une chambre de combustion, on a besoin des
informations relevées lors de « l’enquête socio-économique sur les consommations
d’énergie domestique des ménages » préconisée dans la méthodologie de conception
d’un programme de diffusion massive de FA.
Pour adapter le foyer amélioré à la taille de la famille, nous suggérons de proposer une
gamme de foyers améliorés ; deux tailles de FA devraient suffire pour couvrir tous les
besoins d’une famille.

Recommandation n°2. Contrôler les volumes d’air qui circulent à travers le charbon
dans la chambre de combustion
Pour brûler, le charbon a besoin d’oxygène, donc d’air. Plus il y a de charbon et d’air
mélangé, plus de charbon peut bruler simultanément et plus la combustion est active…
plus la puissance est élevée. Or, on a vu qu’il fallait contrôler cette puissance, et, surtout,
la réduire en phase de mijotage. Plusieurs dispositifs ont été imaginés pour réguler cette
puissance.
• L’entrée d’air se fait par une porte, dont la surface peut être optimisée afin de ne
pas laisser entrer plus d’air froid (donc qu’il faudra chauffer en consommant du
charbon) que nécessaire : les foyers traditionnels malgaches avaient des espaces
de 38 à 135 cm2, le foyer amélioré Dago a une surface de 41 cm 2 seulement.
• L’air s’échauffe et, par thermosiphon, a tendance à s’élever. Une grille lui permet
d’entrer dans la chambre de combustion, où l’air se faufilera à travers le charbon
pour s’échapper à l’air libre, autour des parois de la marmite. On peut réguler ce
flux d’air de deux façons, à l’entrée, ou à la sortie : i) avec une porte, qui permet de
laisser entrer plus ou moins d’air suivant la position de la porte, ou, ii) en contrôlant
l’espace par lequel l’air chaud peut sortir de la chambre de combustion. L’avantage
du dispositif imaginé à Madagascar par l’UPED est qu’il est moins couteux à
fabriquer (pas de porte articulée) et qu’il ne requiert pas d’intervention humaine,
contrairement à la porte qu’il faut ouvrir, entre-ouvrir et fermer suivant les phases de
cuisson. Ce dispositif consiste à pratiquer trois encoches calibrées dans la partie
haute de la chambre de combustion, pour ne laisser sortir qu’un volume choisi d’air
chaud pendant toute la phase de mijotage…

Ce dispositif fonctionne ainsi : au début, la cuisinière remplit son fourneau de charbon


comme elle en a l’habitude avec son fourneau traditionnel, c'est-à-dire à raz-bord de la
chambre de combustion. Puis, elle pose la marmite sur le tas de charbon. Au lancement
de la cuisson, il y a beaucoup de charbon prêt à bruler et beaucoup d’air peut le traverser
et s’échapper par les cotés de la marmite : la puissance du foyer est à son maximum. Cela
correspond bien aux besoins énergétiques de cette phase de montée en température de
la sauce ou à ébullition de l’eau pour le riz. Progressivement, au fur et à mesure que le
charbon se consume, le tas de charbon se tasse ; la marmite, qui repose sur ce tas de
charbon, descend avec le tas, réduisant l’espace de sortie d’air chaud sur ses cotés
jusqu’à venir reposer sur le haut de la chambre de combustion du foyer amélioré, dont le
diamètre a été réduit (en même temps que le volume de la chambre) : ce faisant, la
marmite obture la sortie d’air par les cotés. Le flux d’air qui peut traverser le charbon s’en
trouve automatiquement réduit ; disposant de moins d’air, la combustion du charbon
ralentit et la puissance diminue, ce qui correspond on l’a vu au besoin énergétique de la
phase de cuisson du riz ou de mijotage du plat de sauce. Pour les marmites d’un diamètre
inférieur à celui du foyer, on a ajouté sur les parois de la chambre de combustion trois
bosselages qui vont jouer le même rôle en calibrant le passage d’évacuation de l’air chaud
sur les bords de la marmite.

3.2. Les pratiques traditionnelles ne sont pas économes


Certes, la conception des fourneaux a une incidence directe sur la consommation de
charbon pour la préparation d’un repas type… mais, la façon d’utiliser le fourneau tout au
long de cette cuisson influence également fortement la consommation finale de charbon.
Voici quelques recommandations de « pratiques économes » dans la gestion du feu et de
la cuisson, faciles à mettre en application même avec des fourneaux traditionnels, et qui
peuvent permettre l’économie de 10 à 25% du combustible !
Recommandation 1. N’allumer le fourneau que lorsqu’on est prêt à y poser la
marmite
Certaines familles commencent par allumer le fourneau avant d’avoir préparé tous les
aliments à cuire : lavage des légumes, découpage de la viande, voire triage du riz… si
bien qu’alors, le fourneau brûle à vide du charbon pendant de longues minutes. Des tests
d’allumage réalisés par l’UPED à Madagascar ont montré qu’en phase d’allumage, un
fourneau à l’air libre consomme, dans les quinze premières minutes, 25% de la quantité
de charbon de bois placée dans sa chambre de combustion. Avant de commencer à cuire
les aliments, le quart du charbon est déjà brule, en pure perte !
Une première recommandation est de n’allumer le fourneau (traditionnel ou amélioré)
qu’après avoir préparé tous les ustensiles de cuisine et ingrédients alimentaires afin de
pouvoir placer la marmite pleine 3 à 5 minutes après le début de l’allumage.

Recommandation n°2. Ne pas surcharger le fourneau en charbon


A l’usage, et en faisant un peu attention, la ménagère devrait parvenir à bien apprécier la
quantité de charbon nécessaire à la cuisson d’un type de plat, pour une quantité donnée.
Un fourneau dans lequel on met trop de charbon par rapport aux besoins réels d’énergie
de cuisson du plat, délivrera une puissance de feu excessive et consommera davantage
de charbon pour cuire le plat qu’un fourneau correctement rempli. Un remplissage initial
est bon lorsqu’il ne reste plus de braise dans le fourneau à la fin de la cuisson du plat.

Recommandation n°3. Ne pas rajouter de charbon en cours de cuisson


Il n’est pas rare de voir des ménagères rajouter du charbon pendant la phase de mijotage,
pensant ainsi accélérer la cuisson… Des tests ont été réalisés par l’UPED à Madagascar
qui ont montré que ces rajouts de charbon en cours de cuisson sont facteurs
d’allongement de la durée de cuisson et de surconsommation de charbon. En effet,
pendant la phase de mijotage, la cuisson du plat ne requiert qu’une basse puissance, celle
qui permet de maintenir à 85°C le contenu de la marmite… Augmenter la puissance
pendant cette phase n’accélère pas la cuisson ; par contre, l’excès d’énergie dans la
marmite est consommé inutilement à vaporiser l’eau de la sauce.

Recommandation n°4. Introduire le riz dans l’eau froide, dès le début de cuisson
Souvent, on introduit le riz dans l’eau bouillante ; des tests ont montré que cette pratique
était plus consommatrice de charbon que celle qui consiste à mettre le riz dans l’eau
froide, dès le début de cuisson. En introduisant le riz dès le début, on réduit aussi sa durée
de cuisson.

Recommandation n°5. Réduire la quantité initiale d’eau de cuisson du riz avec les
FA
Les FA sont moins puissants, ils évaporent moins d’eau… C’est surtout l’énergie
d’évaporation qu’ils économisent. Il est donc inutile de chauffer plus d’eau dans la marmite
que nécessaire. Avec un FA, on réduira les besoins d’énergie d’une cuisson du riz (donc
de consommation de charbon) en réduisant la quantité d’eau placée initialement dans la
marmite.

Recommandation n°6. Éteindre les braises pour récupérer le charbon inutilisé et,
réduire d’autant le chargement du foyer les fois suivantes.
La recommandation n°2 suggère de ne pas remplir excessivement le fourneau, afin qu’il
ne reste pas de braise à la fin de cuisson… Avant d’en arriver à cette maitrise, il est
recommandé d’éteindre les braises restantes à l’issue d’une cuisson, pour les récupérer
pour la cuisson suivante.

[1] La puissance d’un foyer est liée à la quantité de charbon qui brûle par unité de temps. Plus un foyer est
puissant, plus il consomme de charbon (et d’air) à la minute… et plus il délivre d’énergie à la minute. De
façon générale, un foyer très puissant consommera plus de charbon à la minute qu’un foyer moins puissant.

[2] Dans un fourneau, on appelle « Chambre de combustion » la partie du fourneau où on place le charbon
et où il est brulé. Il s’agit de l’élément de forme conique (pour les foyers ronds) ou de forme pyramidale (pour
les foyers carrés).

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