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CHAPITRE
16.1 INTRODUCTION
L’érosion du lit et des berges du cours d’eau survient lorsque les forces générées par l’écoulement
sont supérieures aux forces stabilisatrices du cours d’eau. L’augmentation de la résistance à l’écoule-
ment par l’enrochement ou la stabilisation des talus par l’implantation de végétation sont des moyens
pour diminuer cette érosion. Lorsque ces moyens s’avèrent inefficaces ou trop onéreux, l’utilisation
de seuils dissipateurs d’énergie devient nécessaire.
Le design et la construction de ces ouvrages, afin qu’ils soient efficaces et sécuritaires, nécessitent
une connaissance des principes de base. Le but de ce texte est de présenter les éléments théoriques
permettant d’effectuer un design approprié des seuils dissipateurs d’énergie.
Le design des seuils dissipateurs d’énergie a fait l’objet de plus de 50 publications. Ainsi, les élé-
ments théoriques et pratiques ont été abondamment traités car les seuils sont des éléments hydrauli-
ques essentiels dans la construction des déversoirs de sécurité dans les barrages. L’utilisation des
seuils dissipateurs d’énergie dans les cours d’eau profitent de ces développements théoriques.
Lorsque les forces d’arrachement sont plus grandes que les forces de résistance ou que la vitesse est
supérieure à la vitesse maximale, l’érosion du cours d’eau s’amorce et le cours d’eau se dégrade
216 SEUILS DISSIPATEURS D’ÉNERGIE
d’une façon plus ou moins importante. Lorsque cette situation se présente au niveau du design, le
rayon hydraulique peut être diminué en diminuant la profondeur du cours d’eau et en l’élargissant.
Cette situation a ses limites. Il est aussi possible d’augmenter la résistance du cours d’eau par l’enro-
chement ou la stabilisation des talus avec l’implantation de végétation. Par contre, l’implantation de
végétation au fond des cours d’eau est impossible. Si l’enrochement est techniquement réalisable, ses
coûts sont un handicap à son utilisation à grande échelle.
Une autre approche existe et consiste à aménager le cours d’eau (figure 16.2) pour qu’il dissipe
l’énergie qu’il peut dissiper naturellement et à aménager à intervalles réguliers des structures hydrau-
liques qui dissipent le surplus d’énergie. Ces structures sont des seuils dissipateurs d’énergie. Ainsi,
la protection est concentrée en des endroits localisés représentant une faible portion du tronçon.
Maintenant, l’étude des seuils dissipateurs d’énergie est justifiée.
Figure 16.2 Schéma d’un cours d’eau avec structure de dissipation d’énergie.
COMPOSANTES ET TYPES DE SEUILS 217
V 2max n 2
S max ≤ [16.1]
Rh 43
Smax = pente maximale de l’écoulement et du fond du cours d’eau (m/m)
Vmax = vitesse maximale d’écoulement (m/s)
n = coefficient de rugosité (s/m1/3)
Rh = rayon hydraulique de la section mouillée du cours d’eau (m)
16.3.1 Composantes
La figure 16.3 présente les composantes d’un seuil dissipateur d’énergie dans une perspective de
design. Un seuil est composé d’une zone d’approche, d’un déversoir, d’un coeur qui provoque une
chute, d’un bassin de dissipation et d’une zone aval.
La figure 16.4 présente les écoulements rencontrés dans un seuil dissipateur d’énergie. En amont de
la zone d’approche, l’écoulement est considéré comme uniforme avec une profondeur d’écoulement
normale yn . L’écoulement qui est alors fluvial y devient graduellement modifié dans la zone d’appro-
che. Il y devient critique au--dessus de la crête du déversoir (profondeur critique yc ) avant de passer à
218 SEUILS DISSIPATEURS D’ÉNERGIE
un écoulement torrentiel (supercritique) dans la zone de chute. Le ressaut hydraulique se forme dans
le bassin avec les hauteurs conjuguées y1 et y2 respectivement à l’entrée et à la sortie du ressaut.
L’écoulement redevient fluvial dans la zone aval avec la profondeur y3 .
Le ressaut est l’élément clé du seuil car le passage de l’écoulement torrentiel à l’écoulement fluvial
provoque un bouillonnement de l’eau qui dissipe une grande quantité d’énergie.
Figure 16.4 Schéma des écoulements rencontrés dans un seuil dissipateur d’énergie.
S chute verticale;
S chute inclinée.
S fosse naturelle;
S fosse naturelle avec contre--épi;
S bassin en dépression;
S bassin en devers.
Fosse naturelle
Fosse naturelle avec contre--épi
Si les quatre types de bassin peuvent se rencontrer théoriquement avec les deux types de chute, les
fosses naturelles se rencontrent principalement avec la chute verticale alors que les bassins en devers
ou en dépression peuvent se rencontrer avec les deux types de chute. Le terme bassin suppose la cons-
truction d’un radier sur son fond.
Dans les cours d’eau de petite taille, les types de seuils dissipateurs qui semblent présenter le plus
d’intérêt sont (figure 16.7) :
Seuil en escalier
Le seuil dissipateur d’énergie comporte quatre parties : un canal d’approche en amont de la chute, un
déversoir au--dessus de la crête, un bassin de dissipation qui comprend la chute (inclinée ou verticale)
et le ressaut ainsi que le canal de sortie.
La philosophie générale de design est de concevoir l’ensemble déversoir, chute et bassin pour ne pas
influencer l’écoulement amont et pour être le moins indépendant de l’écoulement aval.
ZONE D’APPROCHE ET DÉVERSOIR 221
Figure 16.8 Schéma de l’écoulement lorsque la crête du seuil occupe la pleine largeur du
cours d’eau.
car celle--ci devient négligeable. Pour atteindre cet objectif, le déversoir doit provoquer à l’amont une
hauteur d’écoulement supérieure à la hauteur normale d’écoulement dans les cours d’eau.
Le déversoir peut être de section rectangulaire ou trapézoïdale. Les sections trapézoïdales sont plus
stables mécaniquement mais plus difficiles à réaliser que les sections rectangulaires.
Pour calculer la largeur du déversoir, les équations des déversoirs à seuil épais sont utilisées.
L’écoulement en amont de la chute étant généralement fluvial, c’est l’extrémité du canal d’approche
(le déversoir) qui devient la section de contrôle. Comme le calcul des courbes de remous s’effectuent
à partir de la section de contrôle, il importe de connaître les caractéristiques de l’écoulement dans
cette région. Deux hauteurs sont à retenir : la hauteur critique yc et la hauteur sur la crête yb
(figure 16.9). L’écoulement, passant de fluvial à torrentiel, devra être critique en un certain point.
teur yc sera situé à une distance d’environ 4 yc en amont de l’extrémité du canal. La hauteur sur la crête
yb sera la hauteur d’eau mesurée directement sur l’extrémité du canal amont. Cette valeur dépend de
la forme du canal, de la pente critique Sc et de la pente actuelle So de ce canal et aussi de la hauteur
critique. La figure 16.10 indique la variation de yb /yc en fonction du rapport So /Sc pour différents types
de canaux. Le rapport yb /yc pour un canal trapézoïdal varie avec le facteur de forme k = b/zy et se
situera entre les extrêmes qui sont le canal rectangulaire (k → ∞) et le canal triangulaire (k = 0).
yb
yc
So Sc
Figure 16.10 Hauteur sur la crête en terme de hauteur critique (adapté de Skogerboe et al., 1971).
Une approche conservatrice existe pour évaluer la hauteur d’écoulement y1 au pied de la chute. Elle
suppose la conservation d’énergie dans la chute inclinée. Pour une fosse de section rectangulaire (lar-
geur la) et en utilisant le fond de la fosse comme niveau de référence, l’équation de Bernouilli s’écrit :
224 SEUILS DISSIPATEURS D’ÉNERGIE
Q2 Q2
y0 + z0 + = y 2 + [16.2]
2 g A 20 2 g y 22 l 2a
White (1943) a développé à partir de l’équation de la quantité de mouvement, une équation permet-
tant de déterminer la hauteur d’eau y1 :
y1 2
yc = [16.3]
1, 5 + 2 yh + 32
c
E1 y1 y 2c
yc = +
yc 2 y2 [16.4]
1
CHUTE VERTICALE 225
L’équation 16.4 est représentée graphiquement à la figure 16.13. On note qu’il y a une perte impor-
tante d’énergie EL au cours de l’impact de la nappe d’eau avec le fond du canal en aval.
Connaissant la hauteur de la chute ainsi que les caractéristiques du canal (débit, géométrie, rugosité,
pente), la hauteur critique et par la suite la hauteur avant ressaut y1 sont calculées. À partir des notions
vues au chapitre 11, la hauteur conjuguée y2 et la longueur du ressaut L sont déterminées.
Afin d’établir la longueur du bassin de dissipation, la distance horizontale Ld parcourue par la nappe
d’eau en chute libre doit être évaluée. Cette distance est déterminée par les équations développées par
Donnelly et Blaisdell (1965) qui tiennent compte de la submersion possible de la nappe. Ils obtien-
nent les équations suivantes :
xf + xs
Ld = [16.5]
2
xf 0,5
h
y c = − 0, 406 + 3, 195 − 4, 386 y c [16.6]
x 2
xs 0, 691 + 0, 228 y ct − yhc
yc = 0, 185 + 0, 456 yct
x [16.7]
Dans ces équations, Xf est la distance horizontale parcourue par la partie supérieure de la nappe en
chute libre, Xs est la distance horizontale parcourue par cette nappe après submersion et Xt est la dis-
tance horizontale à laquelle la nappe en chute libre atteint la surface de l’eau dans le canal aval. Cette
distance Xt est évaluée à l’aide de l’équation 16.6 où l’on remplace h par yt (yt = h + y2 ) et Xf par Xt .
226 SEUILS DISSIPATEURS D’ÉNERGIE
h
yc
E
yc
Figure 16.13 Perte d’énergie au pied d’une chute verticale (adapté de Skogerboe et al., 1971).
L’origine du système d’axes étant située sur la crête de la chute, h sera négatif, y2 et yc seront positifs et
yt pourra être positif ou négatif.
La solution graphique de ces équations est donnée par la figure 16.14. On doit noter que la distance
retenue Ld est la distance moyenne entre la nappe en chute libre et la nappe submergée.
Suite à ces calculs, la valeur y2 est connue de même que la longueur totale du bassin de dissipation.
Cette longueur comprend la longueur de chute de la nappe Ld et la longueur du ressaut L.
BASSINS 227
h
yc
Ld
yc
Figure 16.14 Solution graphique à la trajectoire de la nappe (adapté de Skogerboe et al., 1971).
16.8 BASSINS
Les bassins sont la zone où le ressaut se forme et l’énergie se dissipe. Ils doivent être conçus pour
permettre la réalisation sécuritaire du ressaut. Ils doivent être de longueur suffisante et la hauteur
conjuguée y2 doit se réaliser sécuritairement.
228 SEUILS DISSIPATEURS D’ÉNERGIE
Comme la profondeur du bassin modifie la hauteur de chute, il est souhaitable de recalculer les carac-
téristiques du ressaut avec la nouvelle hauteur de chute.
Comme le contre--épi est un déversoir à seuil épais et provoque un écoulement critique sur sa crête et
un ressaut par la suite, on doit s’assurer que ces conditions sont respectées si l’on veut que le ressaut
principal soit indépendant des conditions avals. Le ressaut aval doit aussi être calculé pour assurer
une protection adéquate à l’aval du contre--épi.
Les bassins en devers sont d’intérêt lors des chutes importantes mais devraient être peu utilisés dans
les cours d’eau de petites dimensions car le contre--épi et la protection aval nécessaires occasionnent
des coûts additionnels.
Les éléments importants dans la conception des fosses naturelles (figure 16.15) sont la localisation de
la profondeur maximale de la fosse (point de chute) et la profondeur maximale de la fosse. La
connaissance de cette dernière valeur est essentielle pour construire le coeur suffisamment profond
pour éviter le déchaussement.
La distance du point de chute Ld peut être calculée en utilisant les équations 16.5, 16.6 et 16.7 de la
chute verticale.
FOSSES NATURELLES 229
La profondeur maximale de la fosse Zd peut être évaluée par l’équation développée par Veronese
(1937) et utilisée par la USBR :
Schoklitsch (1932) a développé une équation qui tient compte de la grosseur des particules compo-
sant le matériel au fond de la fosse.
4, 75 h 0,2 q 0,57
Zd = [16.9]
d 90 0,32
Si l’on considère l’équation de Veronese comme limite, l’équation de Schoklitsch est d’intérêt lors-
que le d90 est supérieur à 17.5 mm. Dans la pratique, nous devrions utiliser l’équation de Veronese
lorsque le d90 est inférieur à 20 mm et l’équation de Schoklitsch dans les autres cas.
230 SEUILS DISSIPATEURS D’ÉNERGIE
Quant à la largeur de la fosse, la littérature ne présente aucun détail. Le bon sens dicte que le fond de la
fosse doit être aussi large que le jet d’eau (déversoir) et que les talus de la fosse doivent respecter les
pentes d’équilibre des talus.
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232 SEUILS DISSIPATEURS D’ÉNERGIE