Vous êtes sur la page 1sur 4

Notes sur l’approche de la psychose : psychiatrie et psychanalyse – Escola Lacaniana de Psicanálise 13/04/2021 14:12

Notes sur l’approche de la


psychose : psychiatrie et
Home (https://escolalacanianabsb.com.br) / Notes sur l’approche de la psychose : psychiatrie et psychanalyse

psychanalyse

Notes sur l’approche de la psychose : psychiatrie et psychanalyse


André Vicente Lino Niffinegger

Psicanalista e membro da ELP-Brasília

3 mars 2019

Pour situer le contexte épistémologique et les enjeux de l’approche psychiatrique de la psychose, il faut
retracer les grandes lignes de la psychiatrie clinique.

C’est P. Pinel qui fonde à l’orée du XIXe siècle la clinique psychiatrique comme discipline d’observation,
descriptive et classificatoire. Créant le terme d’aliénation mentale, il étayait l’étude clinique sur des
observations rigoureuses. C’est dire que l’épistémologie invoquée est empiriste et, en effet, elle commande
la première phase de la psychiatrie clinique qui couvre la première moitié du XIXe siècle.[1]
(applewebdata://7A04D108-8B87-4F9E-B60C-35E6ECF2B5B2#_ftn1) L’aliénation mentale comportait
plusieurs divisions dans un vaste cadre nosologique. Esquirol, élève de Pinel, a repris pour l’essentiel le
cadre d’aliénation mentale. Ses élèves, J.-P. Falret et J. Baillarger, s’en échappent pour décrire des
maladies séparées. Le rassemblement de symptômes et l’étude évolutive amènent à individualiser des
affections autonomes.

Au milieu du siècle, la découverte de la paralysie générale déclenche une phase foncièrement


différencialiste : la clinique classique se donne pour tâche l’isolement d’entités morbides distinctes – les
maladies mentales – définies par une clinique affinée, une évolution caractéristique, et une étiopathogénie
spécifique.

La deuxième moitié du XIXe siècle voit trois grands groupes pathologiques : les syndromes organogènes
d’une part, les états constitutionnels de l’autre et, enfin les grandes psychoses dites endogènes, sur
lesquelles portent toutes les discussions doctrinales et qui se répartissent grosso modo en démence

https://escolalacanianabsb.com.br/notes-sur-lapproche-de-la-psychose-psychiatrie-et-psychanalyse/ Página 1 de 4
Notes sur l’approche de la psychose : psychiatrie et psychanalyse – Escola Lacaniana de Psicanálise 13/04/2021 14:12

précoce, délires chroniques et psychose maniaco-dépressive.

Des descriptions cliniques se multiplient et on connait l’élaboration d’un florilège de descriptions : délire de
persécution de Lasègue, délire des grandeurs de Cotard, délire d’interprétation de Sérieux et Capgras,
psychose hallucinatoire chronique de G. Bellet, psychoses passionnelles de G. de Clérambault, délire
d’imagination de Dupré, démence précoce de Bénédict Morel. Cette collection trouvera sa synthèse dans
l’œuvre d’Émile Kraepelin.

Au tournant du siècle, la compréhension de la psychogène de la symptomatologie hystérique, avec P. Janet


et S. Freud, amène le passage à une dernière phase, caractérisée par le déploiement des grands modèles
psychopathologiques sur lesquels la clinique psychiatrique s’appuyait sobrement jusque-là. L’irruption de la
psychanalyse met en cause les fondements épistémologiques de la clinique psychiatrique.

C’est sur ses recherches sur l’étiologie des psychonévroses que Freud va différencier névroses et
psychose. En 1894, son texte sur Les psychonévroses de défense avance les fondements d’une
conception psychanalytique de la psychose. La question du retrait de la réalité est abordée – un axe majeur
de la théorie des psychoses.

L’émergence du concept du moi a été fondamentale. Dans l’Esquisse d’une psychologie scientifique, Freud
définit le moi en tant qu’instance psychique différenciée, ce qui ouvre la possibilité non seulement de
concevoir l’existence du refoulement névrotique, mais aussi de se représenter la problématique
psychotique de l’envahissement et du débordement.

La conception du rêve comme une sorte de « psychose normale » permet d’envisager l’hallucination en
relation avec une porosité des frontières entre les instances intrapsychiques. À partir de 1914, le concept
de narcissisme permet de se représenter le mouvement du reflux libidinal e du retrait objectal.

La seconde topique clarifie la différenciation entre les fonctionnements névrotique et psychotique. Dans
Névrose et psychose, Freud avance que la névrose serait le résultat d’un conflit entre le moi et le ça, et la
psychose, l’issue analogue d’un trouble dans les relations entre le moi et la réalité. C’est dans cette
perspective d’une béance initiale – la faille dans la relation du moi au monde extérieur – que Freud donne
au délire la signification d’une tentative d’auto-guérison.

Pour Freud, la théorie psychanalytique comporte des limites en ce qui concerne la thérapeutique des
psychoses : le fonctionnement psychique psychotique ne peut conduire à l’émergence d’un transfert
analysable.

Quant à J. Lacan, la psychose est l’objet sur lequel il a forgé son outillage théorique. Il se distingue ainsi de
Freud qui est parti de l’hystérie. C’est avec le cas Aimée que Lacan fait son entrée clinique : il y décrit le
trajet d’une paranoïa féminine autopunitive qui débouche sur un passage à l’acte. C’est elle qui fournira le

https://escolalacanianabsb.com.br/notes-sur-lapproche-de-la-psychose-psychiatrie-et-psychanalyse/ Página 2 de 4
Notes sur l’approche de la psychose : psychiatrie et psychanalyse – Escola Lacaniana de Psicanálise 13/04/2021 14:12

cas princeps de sa thèse de psychiatrie de 1932. Mais c’est sa relecture du cas Schreber qui lui permet
l’analyse structurale de la psychose.

Lacan théorise la condition essentielle et caractéristique de la psychose, qu’il a résumé par l’axiome de la «
forclusion du Nom-du-Père à la place de l’Autre ». Selon lui, « c’est dans un accident de ce registre
[symbolique] et de ce qui s’y accomplit à savoir la forclusion du Nom-du-Père à la place de l’Autre, et dans
l’échec de la métaphore paternelle que nous désignons le défaut qui donne à la psychose sa condition
essentielle, avec la structure qui la sépare de la névrose »[2] (applewebdata://7A04D108-8B87-4F9E-
B60C-35E6ECF2B5B2#_ftn2). Il signe donc la structure psychotique :

Pour que la psychose se déclenche, il faut que le Nom-du-Père, verwofen, forclos, c’est-
à-dire jamais venu à la place de l’Autre, y soit appelé en opposition symbolique au sujet.
(…) C’est le défaut du Nom-du-Père à cette place qui, par le trou qu’il ouvre dans le
signifié amorce la cascade des remaniements du signifiant d’où procède le désastre
croissant de l’imaginaire, jusqu’à ce que le niveau soit atteint où signifiant et signifié se
stabilisent dans la métaphore délirante.[3] (applewebdata://7A04D108-8B87-4F9E-
B60C-35E6ECF2B5B2#_ftn3)

Corrélativement, ce qui a été forclos du symbolique réapparaît dans le réel, ce qui ouvre la voie à
l’hallucination et au délire.

Après ce bref aperçu des lignes majeurs de l’approche de la psychose, il semble que la psychiatrie et la
psychanalyse représentent deux manières différentes d’envisager le même objet, à savoir la pathologie
mentale. La psychanalyse tend plutôt à le considérer dans son unité et à la lumière d’une métapsychologie,
tandis que la psychiatrie l’aborde davantage dans une diversité qui échappe à une systématisation
complète. On serait tenté de dire qu’une partie de l’objet de la psychiatrie échappe à la psychanalyse, à
savoir, celle en rapport avec une anatomopathologie cérébrale. Cependant, cet avis est sûrement hâtif, car,
même dans les états démentiels, le sujet se trouve forcement impliqué.

Après trois quarts de siècle de stagnation, on ose affirmer – en s’appuyant sur la pensée de Paul
Bercherie[4] (applewebdata://7A04D108-8B87-4F9E-B60C-35E6ECF2B5B2#_ftn4) – que la clinique
psychiatrique est close : il semble qu’elle ait épuisé les possibilités heuristiques de ses postulats, s’il est en
revanche évident qu’elle constitue un précieux trésor de connaissances et une boussole irremplaçable pour
la pratique. Sur le plan clinique, la psychanalyse a pris la relève – la théorie borroméenne de Lacan lève
bien des difficultés conceptuelles de la clinique des psychoses. Mais en dehors du manque de rigueur, du
caractère artistique des théories psychanalytiques et de leur inachèvement actuel, il n’est guère pensable
que la psychanalyse puisse se substituer complètement sur le plan social à l’édifice encore imposant de la
psychiatrie clinique, et répondre à l’appel de la société, qui s’adresse avant tout au discours de la science.

https://escolalacanianabsb.com.br/notes-sur-lapproche-de-la-psychose-psychiatrie-et-psychanalyse/ Página 3 de 4
Notes sur l’approche de la psychose : psychiatrie et psychanalyse – Escola Lacaniana de Psicanálise 13/04/2021 14:12

Bibliographie

Assoun, Paul-Laurent. Lacan. Presses Universitaires de France, 2013, p. 91.

Bercherie, Paul. « Pourquoi le DSM ? L’obsolescence des fondements du diagnostic psychiatrique »,


L’information psychiatrique, vol. volume 86, no. 7, 2010, pp. 635-640.

Chabert, Catherine. Les psychoses. Traité de psychopathologie de l’adulte. Dunod, 2013, p. 189-193.

Debray, Quentin et al. Psychopathologie de l’adulte. Masson. P. 4-7.

Lacan, Jacques. D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose. URL : http://ecole-
lacanienne.net/wp-content/uploads/2016/04/1958-01-00.pdf

Lantérie-Laura, Georges. « L’objet de la psychiatrie et l’objet de la psychanalyse ». L’Évolution


Psychiatrique. Elsevier. Volume 70, n. 1 (2005) 31-45.

[1] (applewebdata://7A04D108-8B87-4F9E-B60C-35E6ECF2B5B2#_ftnref1) Il s’agit d’une psychiatrie


unitaire – l’aliénation mentale est comprise comme un genre homogène – et syndromique – les espèces
sont définies par l’aspect psychologique le plus central du tableau clinique.

[2] (applewebdata://7A04D108-8B87-4F9E-B60C-35E6ECF2B5B2#_ftnref2) Idem.

[3] (applewebdata://7A04D108-8B87-4F9E-B60C-35E6ECF2B5B2#_ftnref3) Idem.

[4] (applewebdata://7A04D108-8B87-4F9E-B60C-35E6ECF2B5B2#_ftnref4) Pour plus de détail, voir


l’article dans la bibliographie.

© Copyright 2021. Todos os Direitos Reservados. Desenvolvido por Inovabr



(https://www.inovabr.com)

https://escolalacanianabsb.com.br/notes-sur-lapproche-de-la-psychose-psychiatrie-et-psychanalyse/ Página 4 de 4

Vous aimerez peut-être aussi