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Il est vrai de dire que terme civilisation a été utilisé de différentes manières au cours de
l’Histoire. Histoire récente, en effet, le mot « civilisation » est apparu au 18e siècle. Il y aurait,
en français, trois grandes acceptions de ce terme ; action de civiliser un pays, un peuple, de
perfectionner les conditions matérielles et culturelles dans lesquelles vit un peuple.
En ce sens, Claude Levi-Strauss, explique qu'une société se déploie sur deux dimensions :
la civilisation (l'agriculture, l'industrie, la production, la consommation...) et la culture (la
création artistique, la spiritualité, l'éthique, la vie de l'esprit, la connaissance, l'étude...). Le
statut de la science est ambigu. Inséparable de la technique, elle se tient à l'intersection des
deux sphères.
Pour les sociétés dites "avancées" - Claude Levi-Strauss les compare à des " machines à
vapeur " - celle qui a tendance à s'étendre, pour le meilleur et pour le pire, sur toute la planète,
la dimension civilisationnelle l'emporte et génère ce que Levi-Strauss appelle de "l'entropie",
c'est-à-dire une tendance à toutes sortes de phénomènes agréables et désagréables : le confort,
la multiplication des objets, la consommation, le changement, mais aussi l'envie, le désordre,
la pollution, l'exploitation de l'homme par l'homme...
Dans les sociétés primitives, on peut dire que la sphère de la culture (essentiellement la
religion et ce que nous appelons "l'art" : les masques, la danse...) englobe pratiquement la
sphère de la civilisation. Levi-Strauss montre l'exemple de la caste des forgerons à quel point
ces civilisations sont attentives à ne pas laisser "l'économie" se détacher de la culture.
Ce sosiologue explique que si nous voulons continuer à avancer dans la voie que nous avons
"choisie", sans nous détruire, nous devons apprendre à gérer cette "entropie" en la transférant
positivement" dans la culture. Dans une certaine mesure, civilisation et culture sont deux
notions qui sont intimement liées.
PLAN
CHAPITRE I- Civilisation et cultures : Aspects et spécificités
Section A- La civilisation :Généralités et définissions
Paragraphe2-traditions marocaines
CHAPITRE I- Civilisation et cultures : Aspects et spécificités
A l’inverse des historiens et des géographes, les sociologues rattachent les phénomènes
de civilisation non point à une hypothétique évolution générale de l'humanité, mais à
l'enchaînement chronologique et géographique des sociétés. jamais ni Durkheim ni nous
autres penseurs ont séparé l'évolution humaine de celle des groupes plus ou moins vastes qui
la composent. En somme, une civilisation reste fidèle aux trois principes, aux trois rubriques
du vieux maître, Adolf Bastian : 1- « l’idée élémentaire », originale et originelle, création
autonome et caractéristique d'un esprit collectif, le « trait de culture » comme disent assez mal
les « anthropologues sociaux » américains .1
2- le« secteur géographique », quelquefois assez mal limité, quelquefois très évidemment
marqué par la communauté des faits de civilisation, par les langues apparentées et assez
souvent par les races uniques : le nombre de ces « provinces géographiques » n'étant pas
excessivement nombreux et les découvertes modernes en restreignant encore le nombre ;
3- la migration, le voyage et les vicissitudes de la civilisation et, avec elle, comme dans le cas
d'une évolution autonome, la Wandlung (la migration) de la civilisation, la transformation de
la civilisation par emprunts des éléments, par migrations, par mixtures des peuples porteurs
de ces éléments, ou par activité autonome de ces peuples.
Supposons donc ou constatons cet accord des savants. Et voyons comment on peut étudier
les civilisations, analytiquement et synthétiquement.
Nous ne rappelons pas l'histoire du mot et des divers sens qu'il comporte. Nous ne faisons
pas non plus la critique de toutes ses acceptions. La notion de civilisation est certainement
Définissons d'abord ce qui singularise les phénomènes de civilisation parmi les phénomènes
sociaux. Nous pourrons ensuite comprendre ce que c'est qu'un système de ces faits : une
civilisation. Et on verra enfin comment, de ce point de vue, on peut revenir, sans trop
d'inconvénients, à des emplois assez larges du mot.
Les phénomènes de civilisation (civis, citoyen) sont par définition des phénomènes sociaux
de sociétés données. Mais tous les phénomènes sociaux ne sont pas, au sens étroit du terme,
des phénomènes de civilisation. Il en est qui sont parfaitement spéciaux à cette société, qui la
singularisent, l'isolent.
On les rencontre d'ordinaire dans le dialecte, dans la constitution, dans la coutume religieuse
ou esthétique, dans la mode. La Chine derrière son mur, le brahmane à l'intérieur de sa caste,
les gens de Jérusalem par rapport à ceux de Juda, ceux de Juda par rapport au reste des
Hébreux, les Hébreux et leurs descendant, les juifs, par rapport aux autres Sémites, se
distinguent pour se concentrer, pour se séparer des autres. Ces exemples prouvent qu'il vaut
mieux ne pas parler de civilisation quand on parle de phénomènes restreints à une société
donnée et qu'il vaut mieux dire « société » tout court.
Mais il est, même dans les sociétés les plus isolées, toute une masse de phénomènes sociaux
qui doivent être étudiés à part, comme tels, sous peine d'erreur ou, si l'on veut, plus
exactement, d'abstraction illégitime. Ces phénomènes ont tous une caractéristique importante
: celle d'être communs à un nombre plus ou moins grand de sociétés et à un passé plus ou
moins long de ces sociétés. On peut leur réserver le nom de « phénomènes de civilisation ».
Mais ce ne sont pas seulement les éléments des civilisations, ce sont aussi les civilisations
elles-mêmes qui ont leurs individualités, leurs formes arrêtées, et s'opposent entre elles. C'est
même tout cela qui caractérise les civilisations: ces emprunts, ces communautés, ces
coïncidences ; mais aussi la fin de ces contacts, la limitation de ces coïncidences, le refus
même de ces contacts avec d'autres civilisations.
Il est possible, par suite, de parler de civilisations plus ou moins vastes ou de civilisations
plus ou moins restreintes. On peut encore distinguer des couches, des sphères concentriques,
etc. Ainsi, quant à nous, nous enseignons depuis longtemps qu'il est possible de croire à
l'existence fort ancienne d'une civilisation de toutes les rives et de toutes les îles du Pacifique
; à l'intérieur de cette civilisation très étendue, assez effacée, on peut, et sans doute on doit
distinguer une civilisation du Pacifique Sud et Central ; et à l'intérieur de celle-ci, on aperçoit
nettement une civilisation malayo-polynésienne, une polynésienne, une mélanésienne et une
micronésienne. Il est même loisible d'échafauder toutes sortes de constructions sur la filiation
de ces quatre civilisations, sur leurs rapports entre elles ; et même sur leurs rapports avec une
civilisation austronésienne, austro-asiatique, panasiatique. En effet, il y a, dans ce domaine
immense, de nombreuses coïncidences et de nombreuses variations entre les civilisations. Et
celles-ci permettent les unes de croire à l'unité originelle des civilisations, même lorsqu'il y a
diversité au moins partielle des races : par exemple mélanésienne, noire, et polynésienne,
jaune clair ; ou inversement de croire à la diversité alors qu'il y a par exemple unité relative
du langage : mélanéso-polynésien nous faisons abstraction de l'élément papou). Les limites
du bétel et du kava, celles de l'arc et du sabre, celles de la cuirasse et de la palissade, celles de
la maison sur pilotis, etc., permettent de classer les civilisations et même de faire des
hypothèses sur leur généalogie, tout aussi bien que les divergences et les ressemblances
dialectologiques sont un des meilleurs moyens pour établir les familles de peuples.
Il résulte de tout ceci que toute civilisation a, à la fois, une aire et une forme.
En effet, elle a toujours ses points d'arrêt, ses limites, son noyau et sa périphérie. La
description et la définition de ces aires sont un travail capital pour l'histoire et, partant, pour
la science de l'homme. Mais on ne s'aperçoit de cette extension que parce qu'on a l'impression
que les éléments, les phénomènes de civilisation qui forment telle ou telle civilisation ont un
type à eux et à elle, rien qu'à eux et à elle. La définition de cette forme est donc essentielle. Et
les deux termes sont réciproquement liés. Toute civilisation a une aire parce qu'elle a une
forme, et l'on ne peut s'apercevoir de cette forme que parce qu'elle est répandue sur cette aire
et nulle part ailleurs. Quoique phénomène social du second degré, une civilisation, comme
toute société, a ses frontières et son esprit. La définition de l'aire d'une civilisation se fait donc
par sa forme et inversement la définition d'une forme se fait par son aire d'extension.
Définissons ces deux termes. La forme d'une civilisation est le total (le _) des aspects
spéciaux que revêtent les idées et les pratiques et les produits communs ou plus ou moins
communs à un certain nombre de sociétés données, inventrices et porteuses de cette
civilisation. On peut aussi dire que la forme d'une civilisation, c'est tout ce qui donne un aspect
spécial, a nul autre pareil, aux sociétés qui forment cette civilisation.
Dans un très grand nombre de cas, on a le droit d'étendre un peu son acception sans grande
faute scientifique. On dit correctement « civilisation française », entendant par là quelque
chose de plus que « mentalité française » : parce qu'en fait ce quelque chose s'étend au delà
des limites de la France, et même au delà des limites linguistiques du français.
« La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l'ensemble des traits distinctifs,
spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe
social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de
l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. »
La terme latin cultura définit, au sens premier, l’action de cultiver la terre, puis celle de
cultiver l’esprit . Cicéron fut le premier à appliquer le mot cultura à l’être humain :
« Un champ si fertile soit-il ne peut être productif sans culture, et c’est la même chose pour
l’humain sans enseignement. » .
En philosophie, le mot culture désigne ce qui est différent de la nature, c’est-à-dire ce qui
est de l’ordre de l’acquis et non de l’inné.
En sociologie, la culture est définie comme « ce qui est commun à un groupe d’individus » et
comme « ce qui le soude ». Ainsi, pour une institution internationale comme l’UNESCO :
« Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble
des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une
société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits
fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. » « Ce
“réservoir commun” évolue dans le temps par et dans les formes des échanges. Il se constitue
en manières distinctes d’être, de penser, d’agir et de communiquer ».
Si l’on en reste là, on ne discerne pas ce qui différencie les termes culture et civilisation.
Le mot « culture » vient du latin « colere » qui veut dire « mettre en valeur ». On peut mettre
en valeur un jardin mais aussi l’esprit. Depuis Platon et le mythe de Prométhée, on admet que
l’homme est un être de culture.
De même, il faut distinguer entre La culture et les cultures et donc employé au singulier, le
mot « culture » est synonyme de civilisation. Or cette idée de civilisation suggère un
mouvement continu de l’humanité vers plus de connaissance et de lumières. On serait
donc ainsi plus ou moins civilisé selon les continents et les époques. Les sociétés dites «
primitives » seraient moins civilisées, donc moins cultivées, que la société industrielle la plus
performante. Or cette idée est largement remise en cause aujourd’hui. Le mouvement de
l’humanité n’est pas un progrès uniforme et continu. Aucune société n’est en avance ni en
retard. Lévi-Strauss et la plupart des philosophes et ethnologues préfèrent désormais parler
de « cultures » au pluriel. « Culture » désigne alors l’ensemble cohérent des constructions
imaginaires, structures mentales et modes de productions propres à chaque communauté.
Aussi, il faut distinguer entre nature et culture. De ce fait une très longue tradition
philosophique oppose la nature et la culture, d’abord dans l’ensemble de l’univers, puis en
l’homme. Le ciel étoilé, la terre, les règnes minéraux et végétaux, appartiennent à la nature.
Tout ce qui est produit par l’homme depuis la roue jusqu’à la centrale nucléaire et aux toiles
de Picasso, appartiennent à la culture ; les institutions et les lois relèvent aussi de la culture,
au sens de « civilisation », c’est-à-dire de l’ensemble des coutumes, savoir-faire, traditions et
croyances que les générations successives se transmettent. En l’homme, la « nature » désigne
ce qui est donné à la naissance, tandis que la « culture » désigne ce qu’il acquiert tout au long
de son éducation. Rousseau nomme « perfectibilité » la capacité de l’homme, non pas
(seulement) de progresser, mais d’évoluer sans cesse, en bien comme en mal.
En suite , il faut savoir comparer culture générale et culture universelle. Le mot « culture »
désigne aussi le produit de l’éducation morale et intellectuelle de chaque individu. Tout être
humain reçoit une telle « culture » par définition. Mais, en ce sens, la culture comporte
également des degrés ; toutefois, l’approfondissement de la culture dite « générale » n’est pas
d’ordre quantitatif : « Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine » (Rabelais). Un
homme « cultivé » (une tête bien faite !) est capable de juger par lui-même, par exemple de
ce qui est beau. Cela signifie que grâce à son éducation il est en mesure de dépasser les
préjugés de sa « culture », c’est-à-dire d’une vision du monde close, autrement dit inaccessible
à un étranger. Plus un homme est vraiment cultivé, plus il est tolérant, c’est-à-dire ouvert à
toute autre culture : « Rien de ce qui est humain ne m’est étranger » (Térence)
Dans les années 1970 puis 1980, le concept de civilisation réémerge aux états-Unis sous la forme
d’un projet de civilisation universelle qui se construit empiriquement à travers les pratiques des
milieux d’affaires et l’enseignement des business schools. Pour les businessmen américains, il
n’était certes pas surprenant d’être confrontés à des différences de civilisations, de langues, de
traditions, de coutumes ou de religions. Mais, au-delà de ces différences, il existe au moins un
domaine où une civilisation quasi universelle est en train de s’affirmer, celui du business. Au
moment où les business schools réinventent le management comme une science universelle de la
gestion, sur les fondements objectifs de la finance et du marketing, il n’y aurait qu’une seule
manière de faire des affaires ,il y aurait au moins un domaine où tous les hommes parlent un
langage commun : celui des affaires. L’idée émergeait dans le contexte d’une remontée en
puissance des États-Unis qui revenaient à un néolibéralisme et qui plaide en faveur d’une
civilisation au sens universel .
Plus encore, les seuls pays qui sont parvenus à gagner des parts de marché considérables face
aux entreprises occidentales sont des États qui ne sont ni démocratiques ni libéraux, dans le sens
où nous l’entendons en Occident. Il s’agit bien sûr des pays asiatiques qui pratiquent un dirigisme
très éloigné de la démocratie libérale. Comment expliquer la réussite de l’Asie ? Les pays
2 HUNTINGTON, Samuel, Le Choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997 ; 2000.
asiatiques entrent dans la mondialisation de manière totalement décomplexée et, surtout, ils ont
un fonctionnement très différent de celui de nos sociétés occidentales fondées sur la démocratie
et le libéralisme.
Même autoritarisme sur le plan économique : comme la plupart des pays asiatiques, l’état de
Singapour pilote des stratégies de spécialisation compétitive qui réunissent toutes les entreprises
locales sur des secteurs (textile, électroménager, électronique grand public, etc.) qui sont
développés grâce à des stratégies économiques nationales, directement projetées à l’échelle
mondiale. Ces stratégies sont mises en place sous l’égide de l’État : il étudie l’évolution du marché
mondial pour déterminer ses cibles, il investit de manière significative dans la recherche et le
développement pour mettre à niveau ses entreprises locales, il prend des mesures réglementaires
d’incitations fiscales, etc. C’est le contraire des règles libérales des économies occidentales, où
les entreprises sont autonomes dans leurs décisions, où chaque entreprise monte seule en
puissance sur son marché national, avant de se positionner de manière autonome à l’international.
En bref, que ce soit sur le plan politique ou économique, les méthodes du dirigisme asiatique
ne ressemblent en rien aux pratiques occidentales et n’ont aucun rapport avec la démocratie et le
capitalisme.
Pour couronner le tout, il nous faut parler d’une autre idéologie qui prétend à l’universalisme,
celle de l’intégrisme islamique. La chute du mur de Berlin, puis celle de l’Union soviétique, ont
soulevé l’espoir d’une paix mondiale durable : c’est la thèse de Fukuyama sur « la fin de
l’Histoire ». Il ne faudra malheureusement que très peu de temps pour que l’urss cède à l’Islam le
rôle d’ennemi de l’Occident. La rivalité Est/Ouest avait occulté la montée en puissance d’un
ensemble de conflits dans lesquels le facteur commun était le rôle des pays musulmans : en 1979,
la révolution théocratique de Khomeiny, puis l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS, la guerre
entre l’Irak et l’Iran, l’invasion du Koweït par les Irakiens, la montée du FIS en Algérie, la
deuxième Intifada du conflit israélo-palestinien, etc.
C’est alors qu’en 1995, Samuel Huntington, nous annonce un « choc des civilisations ». Selon
lui, les guerres du XXIe siècle seront des guerres de civilisations 3. Huntington nous décrit une
Le problème de cette thèse est tout simplement qu’elle est fausse. Il y a bien eu des guerres
entre des peuples de civilisations différentes mais la violence est toujours plus grande dans un
conflit à l’intérieur d’une même civilisation. Les guerres les plus violentes sont des guerres de
proximité. C’est la proximité qui maintient à la fois les tensions en suspens et les protagonistes
en présence. Ne prenons que l’exemple des deux guerres mondiales du XXe siècle qui ont été avant
tout des guerres civiles européennes. Ou, pour reprendre les exemples précédents, plus récents
encore, les luttes fratricides entre Serbes, Croates et Bosniaques dans l’ex-Yougoslavie, celles
entre Hutus et Tutsis au Rwanda, ou encore entre chiites, sunnites et Kurdes en Irak. Même dans
les cas d’affrontements entre peuples de civilisations différentes, les conflits ont rarement des
causes ou des objectifs culturels. La colonisation occidentale, par exemple, couramment justifiée
par un « idéal civilisateur », avait des enjeux économiques et géopolitiques beaucoup plus
importants que ses justifications civilisatrices. Plus récemment, les conflits de « purification
ethnique » auxquels nous avons assisté au Rwanda et dans l’ex-Yougoslavie, mettaient bien en
jeu des facteurs culturels et même des discours racistes avoués, mais les objectifs concrets des
affrontements étaient bien la répartition territoriale des différentes communautés ainsi que ses
conséquences sur le plan du pouvoir politique et du développement économique.
En revanche, et même si la thèse d’Huntington est fausse, la menace, non de l’Islam, mais de
l’intégrisme islamique et du terrorisme est réelle, bien que le danger ne soit pas nécessairement là
où nous l’attendons. La plupart des islamologues considèrent que l’intégrisme islamique est un
échec sur le plan politique et économique, c’est-à-dire dans sa capacité à construire un modèle
alternatif de développement fondé sur des valeurs islamiques, à l’instar du dirigisme asiatique. Le
terrorisme reste une menace à ne pas prendre à la légère mais, curieusement, la principale réussite
actuelle de l’intégrisme est d’ordre idéologique : c’est celui d’avoir imposé son universalisme, y
compris aux démocrates qui le combattent.
La Conférence des Ministres francophones de la Culture qui s'est tenue à Cotonou en 2001 a
défendu vigoureusement la diversité culturelle. La déclaration de Cotonou du 15 juin 2001
affirme que « la diversité culturelle constitue l'un des enjeux majeurs du XXIe siècle »2.
La déclaration universelle de l'Unesco sur la diversité culturelle de 2001 est considérée comme
un instrument normatif reconnaissant, pour la première fois, la diversité culturelle comme
« héritage commun de l'humanité » et considérant sa sauvegarde comme étant un impératif
concret et éthique inséparable du respect de la dignité humaine3.
Cette diversité culturelle a été reprise également par la déclaration de Montréal de 2007, ainsi
que par l'Union européenne.
L'idée d'une société mondiale multi-culturelle recouvre plusieurs idées, qui ne sont pas
exclusives. Voir multiculturalisme.
Mais il ya certains penseurs qui plaident en faveur d’une uniformité culturelle ou une
uniformisation culturelle Et donc la diversité culturelle est présentée comme l'antithèse de
l'« uniformité culturelle » qui, elle, n'existe pas dans les faits.
Par contre, l'« uniformisation » est le processus actuel, déjà enclenché semble-t-il, qui mènerait
vers cette uniformité que certains redoutent.
En effet, certains (ainsi l'Unesco) craignent cette hypothèse d'une évolution vers
l'uniformisation culturelle. Pour appuyer cette thèse ils mettent en exergue divers aspects :
* la disparition de nombreuses langues et dialectes, ce qui concerne par exemple les langues de
France, sans statut ni protection légale (basque, breton, corse, occitan, catalan, alsacien, platt,
flamand, poitevin, saintongeais, etc.) ;
L'étymologie est instructive ici. Le mot latin civitas signifie cité. Il y a civilisation là où l'on
trouve les qualités caractéristiques des bonnes cités: un respect des autres membres de la cité
allant jusqu'à l'amitié et un respect semblable pour les monuments, les objets usuels, les
vêtements, les rites.
On s'exclut de la civilisation quand, comme le fit Staline, on extermine des paysans par
millions au nom d'un idéal abstrait de propriété collective ou quand on envoie au four
crématoire, comme le firent les nazis, des êtres humains appartenant à une race déterminée.
On s'éloigne de la civilisation quand pratique l'excision sur le corps des femmes; on s'éloigne
aussi là où l'on jette les objets usuels.
CHAPITRE III- De la civilisation universelle à la culture uniforme
Les termes de civilisation universelle et de civilisation mondiale sont liés à une perception
des effets de la mondialisation. Ils désignent la mise en commun à l'échelle mondiale de
manières, de valeurs, de pratiques, de croyances, et même des orientations.
Certains considèrent que la mondialisation nous fait assister à l’émergence de ce que Vidiadhar
Surajprasad Naipaul a appelé une « civilisation universelle ». Václav Havel écrit : « Nous vivons
désormais au sein d’une seule et même civilisation globale ».
Selon les défenseurs de ce point de vue, les mutations que la mondialisation apporte nous
conduisent à penser autrement les questions liées à la culture ou à la civilisation. Ils avancent
l’idée que le développement des technologies de l'information et de la connaissance et des
technologies en général, le développement du commerce, les migrations ou le tourisme, seraient
à la base de cette civilisation mondiale.
*soit uniformisante,
*soit au contraire une ouverture sur la diversité des cultures permettant à chacun de ne plus être
cantonné à sa propre identité communautaire.
*soit mettant sur un pied d'égalité la plupart des civilisations en ouvrant les choix et permettant
des complémentarités,
*soit assurant la domination de l'une sur la plupart des autres. Certains avancent que le concept
correspond essentiellement, dans sa phase actuelle, à la domination culturelle de la civilisation
occidentale. Elle serait pour l'instant un fruit de l’occidentalisation plus que de la mondialisation
en général.
La pizza, qui est devenue une nourriture de base du monde entier (bien devant le fameux
hamburger), peut apparaître comme le symbole le plus typique de la civilisation universelle.
Le sport, pratiqué de tous est le centre de cette unification mondiale à travers différents
événements comme les Jeux olympiques ou la coupe du monde de football.
Les expressions de civilisation universelle, voire de civilisation mondiale, sont objet de débat
et de controverses sur la réalité
D’ailleurs, les non partisans ou détracteurs de ce concept y voient des présupposés. Pour
Samuel Huntington, après la chute du monde communiste, le monde est plus que jamais
multipolaire et multicivilisationnel. Il serait ainsi impossible de parler d'une civilisation
mondiale émergente. Pour lui, « Le concept de civilisation est caractéristique de l'Occident1 ».
Dans le même sens, selon Paul Valadier, « Il n’est pas sûr que la mondialisation signifie le
nivellement des cultures ».
Pour ces contradicteurs, l’interdépendance entre les humains (migration, développement des
échanges, ...) n’est pas synonyme d’une civilisation universelle, Ils pensent même que plus
d’interdépendance permet d’accorder plus d’attention à son identité civilisationnelle. Ils
évoquent une théorie sociologique de la mondialisation qui aboutit à la même conclusion.
Même l’occidentalisation n'étaye pas, selon eux, l'idée de civilisation universelle, puisque :
*le rejet des valeurs occidentales par des mouvements identitaires est avéré ;
*le modèle occidental reste limité et l’accès à cette culture est réservé à une élite ;
*la différenciation culturelle existe aussi au sein des sociétés (entre les groupes sociaux) ;
Aussi, les détracteurs vont plus loin, cette fois au niveau de la faisabilité. En se centrant sur
une définition stricte de ce qu'est une civilisation, ils considèrent cette vision comme une sorte
d’utopie. Pour eux, parler d'une civilisation mondiale voudrait dire prier le même Dieu (avoir la
même religion) et parler de la même manière (avoir la même langue). Or les données statistiques
actuelles sont loin d'étayer cette probabilité.
Il semble que cette thèse fasse une certaine confusion entre civilisation et culture, en écartant
systématiquement le concept de civilisation multiculturelle.
4FUKUYAMA, Francis, « The end of History », The National Interest, 1989 ; repris dans Commentaire, (...)
Universalisation de la démocratie et du libéralisme
universelles se sont affrontées de manière récurrente : le fascisme, le communisme et la
démocratie libérale. Fukuyama considère que le fascisme a été disqualifié par les deux guerres
mondiales. Même si des régimes fascistes existent encore, plus personne ne pense que ce modèle
représente une solution d’avenir. Avec la chute du mur de Berlin, le communisme s’écroule
également. Seule la plus fragile de ces idéologies demeure, celle qui apparaissait comme la moins
monolithique, mais qui s’est avérée la plus souple et a survécu aux convulsions à la fois militaires,
politiques et économiques du XXe siècle. L’idée fondamentale de Fukuyama est que la culture
occidentale est devenue, sinon universelle, du moins en voie d’universalisation puisqu’elle a
perdu tout concurrent. Fukuyama admet que beaucoup de pays ne sont ni démocrates ni libéraux,
mais il prédit que toutes les nations n’auront d’autre possibilité que d’adopter ces deux valeurs
occidentales – le capitalisme sur le plan économique et la démocratie sur le plan politique – s’ils
veulent réussir à entrer dans un cycle vertueux de développement.
Pour les pays non occidentaux, plus des deux tiers des États membres de l’ONU, ce discours
n’est pas innocent, il représente le nouvel impérialisme idéologique de l’Occident recouvrant ses
intérêts économiques. Il est aussi celui que tiennent le FMI et la Banque mondiale, lesquels
exigent une démocratisation et une ouverture des frontières économiques de tous les pays
souhaitant emprunter de l’argent pour leur développement. Or, pour les élites de ces pays en voie
de développement, ce discours n’a rien à voir avec un projet généreux de l’Occident qui
chercherait à promouvoir les meilleures méthodes pour se développer, à partir de la démocratie et
de l’économie de marché. Au contraire, il s’agit d’une tentative des pays développés pour
conserver leur suprématie.
Par exemple, dans les années 1970, au moment des premier et deuxième chocs pétroliers, les
banques occidentales ont vu affluer dans leurs caisses une masse de pétrodollars, argent qu’elles
n’ont pas laissé dormir et ont prêté de manière massive, notamment aux pays d’Amérique latine
dont une grande partie était, à cette époque, sous le joug des dictatures. De fait, l’argent qui leur
a été prêté n’a pas servi au développement de ces pays et civilisations mais à lutter contre le
communisme, c’est-à-dire à massacrer leur propre jeunesse, ou à alimenter les comptes offshore
des dictateurs comme Pinochet ou Videla. Au début des années 1980, au moment où ces pays
reviennent à la démocratie, les États d’Amérique latine sont les pays les plus endettés du monde
sans s’être développés pour autant. C’est alors qu’ils menacent de ne plus payer leur dette, ce qui
aurait eu pour effet de faire sauter le système financier et monétaire international. Les banquiers
occidentaux apprennent qu’il est parfois dangereux de prêter de l’argent à une dictature. Résultat,
dans beaucoup de pays non occidentaux, on estime que si nous voulons qu’ils deviennent des
régimes démocratiques, c’est tout simplement pour nous assurer de la pérennité de nos prêts : un
régime démocratique étant plus légitimement responsable des aides qui lui sont accordées.
Par ailleurs, sur le plan économique, un certain nombre de dirigeants des pays en voie de
développement expliquent que quand ils laissent l’agriculture occidentale, largement
subventionnée et productiviste, pénétrer leurs pays, où on travaille encore la terre de manière
quasi médiévale, leur agriculture s’écroule, parfois achevée par l’aide humanitaire. Il en va de
même pour les industries des pays en voie de développement qui ne peuvent soutenir la
concurrence de la productivité et de la compétitivité des entreprises occidentales.
Ainsi, pour les dirigeants des pays en voie de développement, quand les Occidentaux leur
prêchent l’économie de marché et l’ouverture économique, c’est pour favoriser les intérêts de
leurs multinationales. C’est ainsi que le discours sur la démocratie libérale apparaît comme une
prolongation idéologique de l’impérialisme occidental.
D’abord, au moment où les Occidentaux pensent que la démocratie libérale est devenue
universelle, cet universalisme autoproclamé est contesté par les trois quarts des pays membres de
l’ONU, pour lesquels les valeurs occidentales participent d’un néocolonialisme principalement
destiné à préserver les intérêts occidentaux. Ensuite, les performances économiques des pays
asiatiques des 30 dernières années ont été obtenues sur la base d’un dirigisme qui a très peu à voir
avec le capitalisme et la démocratie tels qu’on les conçoit en Occident. Enfin, l’intégrisme
islamique, malgré sa défaite politique et économique, malgré ses attentats terroristes, remporte
des victoires idéologiques sur un Occident déboussolé qui ne sait plus défendre ses valeurs quand
il importe vraiment de le faire face à la terreur. Dans ces conditions d’oppositions idéologiques,
comment assurer la communication et le bon déroulement des négociations internationales dans
une période ou l’interdépendance est la caractéristique majeure de la mondialisation ? Mais ce
n’est pas tout, car les querelles idéologiques ou identitaires sont une chose et la crise systémique
à laquelle nous allons être confrontés à l’échelle mondiale en est une autre. Entre la guerre
économique mondiale pour le contrôle des ressources naturelles qui bat son plein, la crise du
pétrole, celle à venir de l’eau potable, le problème du changement climatique, le trou de la couche
d’ozone, la multiplication des catastrophes naturelles, etc., notre modèle mondial de
développement est confronté à une crise d’une ampleur et d’une rapidité de propagation inédite.
Comble d’infortune, au moment où ce modèle occidental semble condamné, 1,4 milliard de
Chinois, 1,2 milliard d’Indiens, 1,1 milliard de musulmans, 650 millions d’Africains, 450 millions
de Latino-Américains et 250 millions de Slaves, revendiquent légitiment de voir leur niveau de
vie s’élever sur les bases de ce modèle.
Compte tenu des défis mondiaux à relever dans les prochaines décennies, il est fondamental
que nous puissions communiquer sans préjugés dans les négociations internationales. Depuis
presque trente années, j’enseigne les civilisations dans les entreprises pour améliorer la
communication, la négociation et le management dans un contexte mondial et civilisations
multipolaire et multiculturel. Mais cela ne suffit plus, car il ne s’agit plus aujourd’hui de
négociation d’entreprises, mais de négociations globales, internationales et multilatérales. C’est
pourquoi il nous faut rapidement apprendre à négocier en tenant compte des différentes visions
du monde en présence et non en postulant a priori qu’une vision du monde universelle doit servir
d’étalon international. D’autant plus que plusieurs visions « universelles » et autoproclamées sont
en présence. Les différences culturelles sont un fait dont il nous faut aujourd’hui prendre la
mesure. Il existe d’ailleurs des différences significatives en matière de démocratie et de
capitalisme au sein même des pays occidentaux. Les démocraties bipolaires anglo-saxonnes se
distinguent aussi bien des régimes sociaux-démocrates alémaniques et scandinaves, que des
démocraties pluralistes du sud de l’Europe. De même, sur le plan économique, le capitalisme
néolibéral à dominante financière des Anglo-Saxons se distingue assez nettement du libéralisme
tempéré de la plupart des pays européens. Il faudra donc nous habituer à considérer que le XXIe
siècle verra apparaître différentes formes de systèmes économiques et politiques sans nous en
offusquer a priori. Ce qui ne veut pas dire que les Occidentaux doivent reculer sur leurs propres
valeurs, mais qu’ils devront démontrer l’excellence de la démocratie libérale par l’exemple et non
par l’idéologie. C’est ainsi que le retour en puissance des civilisations ne constituera pas une
régression vers le passé mais, peut-être, la voie d’accès la plus légitime à des formes de démocratie
et d’économie de marché adaptées aux valeurs des différentes aires civilisatrices.
Paragraphe 2- Situation actuelle et perspectives de la civilisation mondiale
Des développements historiques dans presque tous les domaines de l’activité humaine
ont suscité une inquiétude croissante quant à la durabilité d’un ordre international conçu,
façonné et érigé en grande partie par les États-Unis d’Amérique, au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale, grâce à leur puissance économique et militaire. Mais cet
ordre dit «libéral» dirigé par les États-Unis a connu une érosion constante et est
aujourd’hui brutalement remis en question, à dire le moins. Et de façon assez
surprenante, les fondements mêmes de cet ordre n’ont eu de cesse de faire l’objet
d’assauts incessants de la part de ceux-là mêmes qui l’ont bâti –menés aujourd’hui par
l’administration Américaine, en réaction à ce qu’elle considère comme les excès d’une
mondialisation débridée. Comme l’affirme John Ikenberry, «l’État le plus puissant du
monde a commencé à saboter l’ordre qu’il a créé. Un pouvoir révisionniste hostile est
en effet apparu sur la scène, mais il a pris place dans le Bureau ovale, le cœur battant du
Monde libre».
La conjonction de réalités telles que les guerres illégales menées par des gendarmes
mondiaux autoproclamés contre des Etats faibles et «désobéissants» mais souverains, et
une inégalité économique sans précédent résultant des contradictions de la
mondialisation capitaliste et du comportement expansionniste et sans entraves
d’entreprises investissant tous les domaines de la vie publique et privée, a généré un
autoritarisme et un darwinisme social grandissants à l’échelle du globe.
Une opinion similaire est exprimée par Yuval Noah Harari, un auteur et historien qui
a réussi à capter l’imagination de millions de personnes à travers le monde, grâce à ses
deux best-sellers mondiaux. Dans Sapiens, Harari explique comment l’humanité en est
venue à régner sur la planète, et dans Homo Deus, il examine l’avenir de l’humanité. Il
a souligné que «l’empire mondial qui est en tarin de se forger devant nos yeux n’est pas
gouverné par un Etat ou un groupe ethnique particulier. Tout comme l’Empire romain,
il est gouverné par une élite multiethnique et est lié par une culture et des intérêts
communs. Partout dans le monde, de plus en plus d’entrepreneurs, d’ingénieurs,
d’experts, d’universitaires, d’avocats et de managers sont appelés à rejoindre
l’empire. Ils doivent se demander s’ils doivent répondre à l’appel impérial ou rester
fidèles à leur État et à leur peuple. De plus en plus nombreux sont ceux qui choisissent
l’empire».
Quant à sa vision de l’avenir, Harari estime que la poursuite des projets, des rêves et
des cauchemars qui façonneront le XXIe siècle –de la victoire contre la mort à la création
d’une vie artificielle– peut en fin de compte rendre la plupart des êtres humains
superflus. Il prédit que les principaux produits de l’économie du XXIe siècle ne seront
pas les textiles, les véhicules et les armes, mais les corps, les cerveaux et les
esprits. Ainsi, «alors que la révolution industrielle a créé la classe ouvrière, la prochaine
grande révolution créera la classe inutile […] La démocratie et le libre-marché
s’effondreront une fois que Google et Facebook auront réussi à nous connaître mieux
que nous nous connaissons nous-mêmes et que l’autorité passera des humains aux
algorithmes en réseau. Les humains ne combattront pas les machines; ils fusionneront
avec elles».
Harari conclut que «le plus grand danger auquel la démocratie libérale est confrontée
est le fait que la révolution des technologies de l’information rendra les dictatures plus
efficientes que les démocraties».
À cet égard, Malek Bennabi deux types de culture: une culture d’empire aux racines
techniques, et une culture de civilisation aux racines éthiques et métaphysiques.
Ce penseur explique ensuite que pour chacun de ces deux types de civilisation, le
point de défaillance s’explique par l’excès de son noyau, c’est-à-dire: l’excès de
matérialisme pour le premier et l’excès de mysticisme pour le second. Il en a été ainsi,
par exemple, pour les civilisations islamique et occidentale au cours de leurs trajectoires
historiques respectives. La civilisation islamique s’est vue éloignée de son équilibre
initial pour être inexorablement jetée entre les mains des théologiens et des
mystiques. De même, l’adoption par la civilisation occidentale d’un matérialisme
immodéré, tant capitaliste que communiste, a conduit à une destruction systématique du
tissu moral de ses sociétés, entraînant progressivement le monde que cette civilisation a
fini par dominer totalement dans une situation où l’humanité est de plus en plus
submergée par les objets.
Le Paléolithique inférieur
Le paléolithique inférieur (Acheuléen) est une civilisation dont les traces sont connues au Maroc depuis
au moins 1 millions d’années ans. Les découvertes majeures concernant cette période sont faites à
Casablanca (Carrière Thomas, Oulad Hamida, Sidi Abderrahman…). L’outillage caractéristique de
cette période est constitué de galets aménagés, de bifaces , d’hachereaux et de nucleus…
Le Paléolithique moyen
Le paléolithique moyen est connu au Maroc dans plusieurs gisements dont l’occupation s’intercale
entre 200.000 ans et 30.000 ans avant l’ère chrétienne. Parmi les sites remontant à cette civilisation on
cite : Jbel Irhoud, les grottes du littoral atlantique (Dar Soltane 2, la grotte Zouhrah à el Harhoura, El
Mnasra 1 et 2…), Taforalt, Rafas, Ifri n’Ammar….l’outillage caractéristique de cette période est :
Racloirs, pointe moustérienne, pièces pédonculées….
Le Paléolithique supérieur
Vers 21.000 ans avant de l’ère chrétienne se développe au Maroc la civilisation Iberomaurusienne et
qui est caractérisée surtout par un débitage laminaire et un outillage constitué de lames et lamelles à
bord abattu , de microlithes géométriques et une industrie osseuse diversifiée (poinçons, allènes,
aiguilles…) Les pratiques funéraires de cette civilisation sont assez évoluées et sont principalement
marquées par l’avulsion dentaire et l’utilisation de colorants… Parmi les sites importants ayant livré
des indices matériels de cette culture, nous pouvons citer la grotte de Taforalt dans la région d’Oujda.
Le Néolithique
Le Néolithique est connu au Maroc vers 6000 ans B.C. Cette civilisation est caractérisée par
l’apparition de l’agriculture, la sédentarisation, la domestication, la fabrication de la céramique et
l’utilisation des haches polies…Plusieurs sites du Maroc ont révélé des niveaux se rattachant à cette
culture: Kaf Taht el Ghar , Ghar Kahal, Boussaria , les grottes d’el Khill et la nécropole de Rouazi
Skhirat….
Cette période est connue vers 3000 ans av. J.-C. Les civilisations caractéristiques de cette période sont
le chalcolithique avec surtout la civilisation du vase campaniforme et l’âge du bronze avec notamment
une céramique noire lisse attestée dans les niveaux de certaines grottes du nord du Maroc et dans les
strates inférieures de certains sites antiques du Maroc.
L’époque phénicienne
La tradition littéraire rapportée par Pline l’Ancien situe le début de la présence phénicienne sur les
côtes marocaines vers la fin du XIIème siècle av. J.-C., en plaçant Lixus en tête des première fondations
d’occident. Cependant, les traces archéologiques d’une occupation phénicienne ne dépassent pas le
premier tiers du VIIIème siècle. A côté de Lixus, Mogador, considérée comme le point le plus extrême
en occident, était très fréquentée à l’époque phénicienne. Les recherches récentes ont amplement
enrichit la carte du Maroc à cette époque par la découverte de nouveaux sites notamment sur le littoral
méditérranéen.
L’époque punique
Au Vème siècle av. J.-C., Hannon, l’explorateur carthaginois entreprit un périple le long des côtes
marocaines, au cours duquel il fonda de nombreuses colonies. L’influence carthaginoise se fait sentir
à travers les rites funéraires et la diffusion de la langue punique. Dès le IIIème siècle av. J.-C., la cité
maurétanienne de Volubilis est gouvernée par un collège de suffètes à l’exemple de Carthage.
L’époque maurétanienne
La plus ancienne mention d’un roi maure remonte à la deuxième guerre punique en 206 av. J.-C.,
lorsque le roi Baga assura au roi humide Massinissa, une escorte de 4000 cavalier. L’histoire de ce
royaume ne commence à s’éclaircir qu’à partir de la fin du second siècle av. J.-C. avec la progression
des intérêts de Rome pour cette partie de l’Afrique. En 25 av. J.-C., Rome installa le prince Juba II à
la tête du Royaume. Après l’assassinat du roi Ptolémée par l’empereur Caligula en 40 ap. J.-C. le
royaume de Maurétanie est annexé à l’empire romain.
L’époque Romaine
Les Idrissides
Contrairement aux provinces et contrées de l’Orient, l’islamisation du Maroc n‘était pas facile
puisqu’elle pris un demi-siècle de conquête (de 647 J-c. à 710 J-c). Après la conversion de la population
locale apparut les prémices d’une volonté de se détacher de la tutelle des Califes de l’Orient. Ces
tentatives allaient se solder en 788 J-c par l’apparition de la première dynastie islamique au Maroc,
celle des Idrissides. L‘homme qui était derrière cet exploit politique était le chérif Idriss ibn Abdellah,
descendant du prophète. Échappé au massacre perpétré par les Abbasides à l’issu de la bataille de Fakh
près de la Mecque (786 JC) il s’installe à Walili (volubilis). Supporté par les Awraba auxquels allaient
s’ajouter d’autres tribus amazigh, il commence à se créer un royaume. Tour à tour il soumit Tamesna
(région de Salé) Fazaz (région d’Azrou-Aïn Leuh) puis gagne Telemcen. L’Imam Idrisse mourut en
791 J-c assassiné par un émissaire du Calif abbaside . Son fils Idrisse II, né deux mois après, était
reconnu solennellement à l’âge de 12 ans. Très tôt il montre des affinités politiques. Ainsi il fonde la
ville e Fès et étend son pouvoir sur l’ensemble du Maroc. Pour la première fois les tribus amazigh,
jusque là indépendantes, étaient réunies sous une seule autorité musulmane.
Les Amoravides
Le règne des Idrissides ne pas durer longtemps après la mort de son fondateur. Le royaume imposant
mais fragile sera réparti entre ses deux fils et leurs successeurs. Très vite la dynastie faiblit donnant
par-là même l’occasion aux puissances régionales de l’époque, les Fatimides de l’Ifriqiya et les
Omeyyades de l’Andalousie l’occasion d’exercer leurs tutelles sur le pays. Vers le XIème siècle
apparait sur la scène marocaine des nomades berbères Sanhaja de l’extrême sud. Riches et organisés,
ils entamèrent une série d’expéditions triomphantes au nom de la foi et finirent par l’instauration d’un
pouvoir étatique dont la capitale fut Marrakech en 1069 J-c. Suite aux luttes chroniques entre les princes
musulmans des provinces andalouses et devant la menace que représentaient les Castillans et les
Aragonais, les Almoravides, conduit par Youssef Ibn Tachafine, intervenaient dans la péninsule
ibérique en 1086 J-c. Leur offensive va se solder par le rattachement de l’Andalousie à leur empire.
C’est ainsi qu’une nouvelle ère d’étroites relations s’ouvre entre l’Espagne musulmane et le Maghreb.
Les Almohades
La dynastie almohade eut pour cellule originaire la bourgade de Tinmel en Haut Atlas Occidental.
C’est le réformateur spirituel Mahdi ibn Toumert qui, dès 1125 J.C, commence à organiser son
mouvement contestataire et entame sa guerre contre les Almoravides. Partis depuis la montagne du
Haut Atlas les almohades (les unitaires) allaient entamer sous l’égide du grand conquérant Abd al-
Moumen Ibn Ali la conquête du Maroc à partir de 1130 j-c. La chevauchée dura près de dix sept ans et
finit par la chute de la dynastie almoravide et la prise de leur capitale Marrakech en 1147 J-c. Avec les
almohades l’ensemble de l’occident musulman, de Tunis à Marrakech et à l’Andalousie, se trouve
unifié pour la première fois dans les limites d’un seul empire. Cette unité favorisait le développement
d’une grande civilisation que l’on considère désormais comme l’age d’or du Maroc médiéval.
Les Mérinides
Berbères originaires des terroirs orientaux marocains, les Beni Mérine ont succédé aux Almohades dès
1269 J-C.. L’héritage de leur prédécesseur fut lourd à gérer et à maintenir, ils finiront par axer leurs
efforts sur le territoire marocain. La dynastie mérinides gouverna durant deux siècles. La fin de leur
règne sera marquée par le morcellement du pays en deux royaumes celui de Fès et de Marrakech d’une
part et par l’occupation ibérique des places stratégiques marocaines comme Ceuta 1415 J-C. Ksar
Seghir 1458, Asila ,Tanger 1471 et Mellilia en 1497 d’autre part .
Les Saadiens
La récupération des terres perdues et le besoin du pays d’un pouvoir central unificateur étaient les
raisons déterminantes qui ont conduit à l’apparition de la dynastie saadienne. Chérifs issus du Dra au
sud du Maroc, ils vont s’illustrer par le combat de l’occupant portugais. C’est ainsi qu’ils acquirent une
légitimité qui va les confirmer comme dynastie montante. Vers 1525 les Saadiens prirent Marrakech
et entamèrent une série de succès militaire qui va être consacrée par la prise de Fès en 1554. Leur
éclatante victoire sur le Portugal dans la bataille de Oued el Makhazine (Bataille des trois rois) en 1578
retenti dans toute l’Europe et la méditerranée orientale et permit au Maroc de tirer le plus grand profit
économique. La mort du monarque Ahmed el Mansour en 1603 préludait la décadence de la dynastie
du fait des luttes fratricides et familiales pour le pouvoir.
Les Alaouites
Le vide politique laissé par les Saadiens dura près de 60 ans. Au cours cette période le pays était
subdivisé en petites entités politiques régionales à trait religieux comme la principauté de Tazerwalt au
Sous. C’est alors qu’en 1664 un prince, Moulay Rachid , réussit une campagne de réunification du pays
et fonde la dynastie alaouite. Moulay Ismaïl qui succéda à Moulay Rachid, se devait d’assoire l’autorité
de l’Etat et de d’imposer les attributs de la souveraineté. Son règne qui dura 50 ans fut celui de la
construction de l’ordre politique. Après lui la dynastie se maintient défiant à chaque époque les
vicissitudes internes et les dangers externes jusqu’à ce que le protectorat français prit pied au Maroc
en 1912. Grâce à la lutte du roi Mohammed V et du peuple marocain le pays obtint son indépendance
en 1956. C’est ainsi que commence une ère nouvelle placée sous le signe de l’unification et de la
reconstruction du pays. La dynastie alaouite règne toujours au Maroc sous l’égide du souverain
Mohamed VI.