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D U COMMENCEMENT JU SQ U ’A LA FIN
D U MOYEN-AGE
* Voir pour un résumé assez complet de ces sciences chez les orientaux,
l’ouvrage intitulé : Enciclopndiache Uebersieht de.) Wissenst hrtjtcii dis Orients,
de aon H ammer. Leipzig, 1804.
3.70 • A RC H EIO N (x ix ) 1937
13 Voir les travaux publiés par le Dr. Süheyl Ünvek ch* lTnstitut ilo l'His
toire de la médecine à Istanbul. 1934-1935.
A R O U B IO N ( \ i x ) 1937
** *
mânes avec une liste complète des ouvrages trouvés dans différents
endroits du sérail; c est au livre cité que j'ai emprunté ces détails ls
D’après l’excellent ouvrage de M. D e is s m a n n , le nombre de manus
crits de différentes langues qui existent aujourd’hui à la bibliothèque
de M o h a m m e d II dans le palais de Top Kapi s’élève à 87, dont 75,
étant des manuscrits des XIe, XIIe, X IIIe, XIVe et XVe siècles,
pourraient être considérés, avec une certitude plus ou moins grande,
comme une collection faite par le Conquérant lui-même, après la prise
de Constantinople. De ces 75 manuscrits, il y en a seulement 15 qui
peuvent nous intéresser jusqu’à un certain degré, étant donné qu'ils
traitent des sciences physiques et mathématiques. Je ne peux pas
énumérer en détail ces 15 manuscrits ; mais j’ajouterai seulement,
en passant, qu’ils traitent de la géométrie, de l’astronomie, de la phy
sique, de la zoologie (d*A r is t o t e ) et de la géographie. Un seul manu
scrit concernant la médecine de G a l ie n , dont O u s p e n s k y et S th -
t h e n G a s e l e e de Cambridge parlent, est pour le moment introuvable.
Les autres manuscrits sont en grande partie des bibles et des évan
giles et des commentaires sur ces livres saints. En outre, on trouve
des exemplaires traitant la grammaire et l’histoire. Parmi ces derniers
il y a l’unique manuscrit de la vie de M o h a m m e d II par Critouohlon
d ’I m b b o s auquel j’ai emprunté des passages importants.
Des manuscrits scientifiques il y en a un qui attira le plus l’atten
tion du souverain . c’est la Géographie de P t o l o m é e , dont deux exem
plaires, l’un en grec, 1 autre en latin existent encore dans la biblio
thèque du sérail. En effet M o h am m ed II pendant l’été de 14(51 étudia
avec soin cet ouvrage avec l’aide d’un philosophe grec, G eoiioios
A m y r u t z e s (Y e o r y io s A m y b o ü k y s ) w et le chargea de traduire les
cartes et, en les mettant toutes ensemble, d’en faire une grande carte
géographique du monde pour son usage personnel30. Ce philosophe
était en même temps un bon mathématicien et un théologien connu
de Byzance Après la conquête de l’empire byzantin, nous le trouvons
chez le dernier empereur de Trabizonde D a v id Co n m ê n e , comme
haut dignitaire du palais. Par suite de la chute de ce dernier empire,
il tomba entre les mains des turcs et travailla dorénavant cirez le Grand
Seigneur comme savant helléniste. Un de ses deux fils s’étant converti
à l’Islam sous le nom de Meximbo Bey et ayant appris l’arabe, il aida
son père dans ses traductions exécutées par ordre du sultan. En ef
fet, on savait que G bo r g io s A m y r u t z e s avait traduit également la
Géographie de P to lo m ée en arabe, mais ce n'est que ces derniers
temps qu’on trouva cette traduction faite aux environs de 1465.
C’est le professeur D exssm ann qui l’a découverte dans la biblio
thèque de Sainte-Sophie et des fac-similés de cet ouvrage se trouvent
actuellement dans la Staats-Bibliothelc de Berlin31. En dehors de
ces géographies, un exemplaire de YAlmageste en grec de P to lo m ée
figure également parmi les manuscrits de la bibliothèque du sérail,
à côté d’un autre ouvrage imprimé (un incunable) sur la géographie
par F r an c esc o B b r l x n g h ie r i dédiée d’abord au sultan M o h am m ed II
et redédiée après sa mort, cette fois, à son fils B a y â z id II.
En dehors de ces deux savants grecs, A m y r u t z e s et son fils,
M oh am m ed II avait présumablement fait la connaissance du célèbre
archéologue d'Aucône C yriac o ; on prétend même qu’il était avec
le sultan pendant le siège de Constantinople. Il avait également invité
à sa cour un sculpteur de Vérone bien connu, M att eo oh P a t s i
(1459 ?) et l’illustre peintre vénitien G e n t il e B e l l in i (1479-1480).
En outre l’historien grec Cr it o b o u l o s , probablement un médecin
de profession, dont nous avons parlé plus haut, travailla comme
secrétaire grec au palais ; et l'historien italien V in c e n t io G. M ario
A n g io lbllo accompagna le sultan dans la campagne contre U z u n
H a s s a n , roi de Perse.
Il me faut encore ajouter quelques observations sur les idées
religieuses et philosophiques de ce grand monarque à fin de pouvoir
exposer d’une façon claire les courants d’esprit de son temps. D’après
les sources turques et grecques, M o h am m ed II eut en matière de
religion et de métaphysique, dès sa jeunesse, une curiosité remar
quable. Il entra, dès son avènement, en rapport avec un émissaire
de la secte schismatique hurufite, qui avait gagné la faveur du
22 Hmufisme est une secte libérale du sufisme dont les croyances reposen*.
siu l’éternité de l'univers ; elle croit en outre fermement à un mouvement de
rotation éternel dont les changements sont les phénomènes naturels. Dieu se
manifeste surtout dans le visage d’un homm.3 ; et ce qui distingue l’homme c'est
le verbe. On donne une valeur numérique aux lettres de ce verbe. Le visage
a quatre cils, deux sourcils et un cuir chevelu qui font sept, si Ton multiplie
te sept avec quatre éléments, nous aurons les 23 lettres de l'alphabet arabe ;
de là le nom lmrufisme. De plus, on donne parfois à chaque mot uni' valeur
n u mérique indépendante.
83 Saqa’iq N umantya (tiad. turq. page 82).
31 G. Gillet , L ’Histoire du règne de Mahomet 11, pages 135-142 et 270.
300 AttCHEION (XXX) 1937
-• iS iw n d o u v n ( ' v a rie vssin . Petit tuncté de l’on g me des Tvitqs, page 202-
205.
^ G. Guillet, lot. cit. page 18.
17 T h u asms. Gentile Bellini et le Sultan Mohammed I I , Paris, 1882, pages
28-29. C’est bien connu que cette lettre n ’a jamais été envoyée à son destina
taire.
L A. SC IEN C E CHEZ L E S T CB CS OTTOMANS :uîi
* * *
Revenons maintenant, après cette longue mais indispensable
digression, à notre propre sujet.
Le progrès le plus remarquable au point de vue de l’histoire des
sciences à cette époque est sans aucun doute la réforme des madrasas
turques. Tout d’abord le sultan divisa l’enseignement en deux clas
ses , la première comprenait des sciences élémentaires et la seconde
la science pure. Ensuite, il fonda à Constantinople une grande
université comprenant huit collèges qu’on a appelle Sahn Temân
Pour doter les chaires de cette Université, il fit venir de toutes les
parties de son empire les professeurs les plus capables. Ces professeurs,
pour passer d’une chaire à une autre plus importante, se présentaient
à une sorte de concours en soutenant une thèse en présence du sultan.
Bans ces madrasas on enseignait l’arithmétique, la géométrie, l’as
tronomie et la médecine.
L’arrivée d’un savant astronome turc de Transoxanie, Au
K uSfti (‘A l a a l - d în ‘A li i b n M o h a m m e d ) (mort en 1474) à. Constan
tinople) donna un élan particulier aux sciences mathématiques en
Turquie En effet, ‘A lî K us* i . qui était le fils d’un fauconnier du
père du fameux Omrg B e g , après avoir remplacé Q id î Z a d e comme
directeur de l’observatoire de Samarqand et contribué à la compo
sition des tables astronomiques d’ÜLUg B e g , se rendit à A/.erbeigan
après la mort de ce dernier. Be là, il fut envoyé par U zun H a s s a n ,
roi de Perse, comme ambassadeur extraordinaire chez le sultan
M o h am m e d II. Le sultan l’engagea sur le champ comme professeur
à la Madrasa de Sainte Sophie avec un traitement de 200 aspres
par jour (200 francs à peu près), et le pria de retourner en Turquie
après s’être acquitté de sa mission chez U z u n H a s s a n . Lorsque A lî
Kusfci franchit pour la deuxième fois la frontière turque en re
tournant d’Iran, il fut salué par une députation spéciale au nom du
sultan et ses frais de voyage furent payés généreusement (1000
aspres par jour). Je note ces détails pour donner une idée com
ment M o h a m m e d II prodiguait ses faveurs aux vrais savants à fin
de les réunir dans ses madrasas.
B ’après YAtari bâgiya de S a l i h Z e Ici 2Y ‘A l i K u sô i fut le premier
professeur d’astronomie et de mathématiques en Turquie, puisqu’on
enseignait jusqu’à cette date ces sciences d’une manière très sommaire.
Parmi les ouvrages que cet astronome apporta, en arrivant en Tm-
28 page 197.
302 A RCHEION (XXX) 1937
quie, avec lui, il n'v en a qu’un qui est digne d’attention. C’est le
commentaire des tables astronomiques d’OLUg B e g . On sait que dans
l’introductiou de ces tables les résultats des théorèmes et des propo
sitions sont notés sans aucune démonstration. •A lî Kus Gi en ajou
tant les démonstrations, les rendit plus scientifiques S!V En Turquie
il traduisit en arabe son ouvrage persan sur l’arithmétique et l’algèbre
et il le présenta au sultan en l’intitulant Risala-al-Mohammedit/ya.
En outre, il composa un traité d’astronomie pendant la campagne
contre U z u n H a ss a n et le termina au jour de la victoire (1473) en le
présentant au sultan sous le titre de Risaln al-Fâtiya (opuscule
de la Victoire). Ces deux derniers ouvrages sont devenus les deux livres
classiques des Madrasas turques ottomanes jusqu'aux derniers temps.
Malgré son esprit et sa capacité mathématique, cet illustre astronome
n'a pas pu rester en dehors de l’astrologie, puisqu’on a retrouvé
dans la bibliothèque Hamidiya à Istanbul un recueil autographe de
lui traitant cette fausse science.
Un autre mathématicien de ce temps est un des vizirs du sultan,
Si n a n Pasa, fils de H id r Bey, premier qâdî de Constantinople. S i-
n a n P asa se montra dans sa jeunesse comme un philosophe scep
tique. mais après être entré en contact avec ‘A lî Iy u s Gi par l’entre
mise d’un autre savant. L u t fi T o k a d i , il s'adonna aux mathémati
ques et il composa par ordre du sultan un commentaire sur l'as
tronomie de Câ g m in i . En 1480, il perdit la faveur du sultan et fut
jeté dans une maison d’aliénés sous prétexte de son extrême scep
ticisme Cette fois, tous les savants du temps se révoltèrent contre
cette décision injuste et ils firent comprendre au sultan que, si S in a n
P a §a n’était pas libéré de suite, ils auraient quitté les territoires de
l’empire en brûlant d’abord leurs ouvrages. Le sultan céda sur cette
démarche énergique et libéra S in a n Pasa. L’élève de ce dernier,
L u t f i T o k a d i , tut nommé comme bibliothécaire de la première bi
bliothèque publique de l’empire, fondée à la mosquée de Fatih.
Nous parlerons plus loin de ce savant qui fut mis à mort à cause de
ses idées libérales pendant le règne de B a v a z io II.
Un des huit collèges fondés par le sultan était assigné à l’enseigne
ment de la médecine et un hôpital était rattaché à ce collège. Cet hôpital
11 e comprenait pas moins de 70 salles de malades. La charte impériale
instituant cet hôpital sous le nom de Dar al-Sifa créait deux postes*