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UN LETTRÉ TIMBUKTIEN :

AL-SHAYKH SIDI MUHAMMAD AL-KUNTI (1769 -1826).


LE MORALISTE ET LE CONSEILLER DU PRINCE

La qabîla arabophone des Kunta, présente, depuis au moins le 16e s, dans une large partie du
Sahara occidental et central, du Wâdî Dar’a marocain au Tagânit mauritanien, du Tuwât
algérien à la haute boucle du Niger, a joué un rôle appréciable dans l’histoire religieuse,
économique et politique de Timbuktu et de son arrière-pays.

Largement impliqués dans le commerce transsaharien (contrôle de la saline d’Idjil en


Mauritanie (MacDougall, 1980) forte présence dans les caravanes circulant entre Taoudeni,
Arawan et Timbuktu (Genièvre,1947), les Kunta ont été les vecteurs essentiels de la
propagation de la confrérie qâdiriyya dans tout l’espace sahélo-saharien, comme ils ont été
mêlés à une grande quantité de conflits « tribaux » et « politiques » régionaux . Mentors
spirituels, chapelains et médiateurs auprès des principaux groupes (Touaregs, Peuls, Arma,
Maures) qui interviennent de près ou de loin dans la biographie publique de la cité de
Timbuktu, les Kunta apparaissent même exercer une quasi-suzeraineté (au moins spirituelle)
sur l’agglomération du temps de Sîd Ahmad al-Bakkâi (m. 1866). Entre ce dernier et son
grand père, al-Shaykh Sîd al-Mukhtâr (m. 1811) — le véritable initiateur de la « fortune » des
Kunta dans la région timbuktienne — se situe al-Shaykh Sîdi Muhammad (m. 1826), le père
d’al-Bakkâi et le chroniqueur de la famille.

Sh. Sîdi Muhammad a laissé une œuvre considérable, demeurée pour l’essentiel inédite,
même si elle a nourri de nombreux travaux consacrés à l’histoire religieuse et politique de la
régioni. A ma connaissance, le seul travail universitaire de quelque importance qui lui ait été
consacré est la thèse de 3e cycle présentée en 1977 par Abdallah wuld Mawlûd wuld Daddah,
à l’Université de Paris-IV Sorbonne (Shaykh Sîdi Muhammad wuld al-Mukhtâr al-Kunti.
Contribution à l’histoire politique et religieuse de Bilâd Shinqît et des régions voisines,
notamment d’après les sources arabes inédites).

Dans les considérations qui suivent, je me propose, après un bref aperçu sur les Kunta, de
m’intéresser plus particulièrement au rôle religieux, intellectuel et politique de Shaykh Sîdi
Muhammad dont l’influence s’est très largement étendue autour de Timbuktu et de sa région,
dans un espace allant de l’Atlantique jusqu’aux confins tchado-nigériens à l’est, et du Wâdî
Dar’a et du Touat au Nord, aux profondeurs du Sahel africain.

1° Les Kunta et Timbuktu

Si les plus anciennes mentions écrites que nous ayons des Kunta et de leur présence dans
l’Afrique du nord ouest ne remontent guère au-delà du milieu du 15e s.ii, les traditions issues
de cette tribu saharienne s’efforcent de la rattacher à une lointaine et prestigieuse origine
arabe, nommément, la filiation à l’égard de ‘Uqba b. Nâfi’ al-Fihrîiii.

Une épître de Shaykh Sidi Muhammad, écrite en 1824, épître dite al-Risâla al-ghallâwiyya,
fournit une sorte de « carte de visite » de référence des Kunta, déployant leur généalogie, leur
cheminement historique à travers l’ensemble de l’ouest saharien, leur fractionnement. On
trouve des indications éparses et plus ou moins étendues sur l’histoire et l’organisation
généalogique de cette qabîla dans diverses autres sources : textes du même Sîdi Muhammad
(en particulier dans son Kitâb al-tarâ’if dont il sera question plus loin, ainsi que dans ses
nombreuses correspondances), ceux de son père Sîd al-Mukhtâr (Kitâb al-minna,
correspondances), ou encore les écrits de leurs disciples.iv

Résumons succinctement le récit proposé par al-Risâla al-Ghallâwiyya, sans trop nous
préoccuper des incertitudes et contradictions affectant son contenu historique, l’important ici
étant qu’il fournit les fondements de légitimité, « l’explication », des subdivisions
généalogiques et géographiques des Kunta et le cheminement qui en a conduit une bonne
partie à s’installer dans l’arrière-pays de Timbuktu.

Selon al-Ghallâwiyya, donc, les Kunta auraient pour ancêtre unique ‘Uqba b. Nâfi’, le
conquérant musulman de l’Afrique du Nord et fondateur de Kairouan. Toujours selon cette
source, ‘Uqba aurait conquis Ghâna et se serait emparé en particulier de la ville de Biru, la
future Walâta, le nœud bien connu du commerce transsaharien, un moment rivale de
Timbuktu, et où deux aïeux majeurs des Kunta seraient enterrés (al-‘Aqib, fils de ‘Uqba et Sîd
Ahmad al-Bakkâi al-Kabîr). Le Tuwât est présenté comme un jalon essentiel du mouvement
en direction du sud ouest des ancêtres des Kunta. Al-Ghallâwiyya évoque les tombes de leurs
ancêtres qui balisent ce parcours jusqu’à celle de Sîdi Muhamd al-Kuntî al-Kabîr, enterré,
affirme ce récit, à Fask dans le nord ouest de l’actuelle Mauritanie. C’est, semble-t-il, de ce
personnage que la qabîla tient son nom (Kunta), nom qu’il devrait lui-même à son grand père
maternel — Alam b. Kunt —, de la tribu sanhaja des Abdukkil à laquelle « Kunt » aurait
appartenu.

C’est en tout cas à partir de Sîdi Muhamd al-Kuntî al-Kabîr, et surtout de son fils, Sîd Ahmad
al-Bakkâi, dont le décès est situé par l'épître de Sh. Sidi Muhammad en 920/1514-1515, que
l’histoire des Kunta commence à sortir du récit plus ou moins mythique pour entrer dans des
considérations généalogiques et évènementielles à peu près situables.

La souche constituée par les trois fils de S¡d Ahmad al-Bakkâi -Sîdi ‘Umar al-Shaykh, S¡di
Muhamd al-Kuntî al-Saghîr, Sîdi Abû Bakr al-Hâj- est donnée comme étant la base de
l’ensemble de la structure généalogique Kunta (al-Ghallâwiyya, p. 59). Le même récit nous
apprend qu’à partir du début du 18e s., une séparation territoriale intervint entre la
descendance de Sîdi Muhamd al-Kuntî al-Saghîr, l'ancêtre des Kunta de l'ouest, installés dans
le Tagânit, l'Agân et l'Adrâr mauritaniens et les Kunta de l'Azawâd, issus, pour la majeure
partie d'entre eux, de Sîdi ‘Umar al-Shaykh.

Sh. Sîdi Muhammad (al-Ghallâwiyya, p. 66) donne pour raison de cette séparation un conflit
qui éclata entre les fractions Awlâd Mallûk al-Bîd et Awlâd Mallûk al-Kihil et qui mobilisa de
proche en proche l'ensemble de la tribu en deux factions rivales autour de Sîdi Ways, fils de
Sîdi Muhamd al-Kuntî al-Saghîr (ancêtre de la fraction Awlâd Bu-Sayf), et Sîd al-Wâfî, fils
de Sîdi ‘Umar al-Shaykh (ancêtre des Awlâd al-Wâfî, la fraction à laquelle appartient Sh.
Sîdi Muhammad, d’où la nisba qu’il se donne parfois de « al-Wâfî »v).

De crainte que la rivalité entre ces deux camps ne dégénère en une guerre civile aux
conséquences imprévisibles, un partage territorial fut décidé. "Sidi ‘Umar al-Shaykh et sa
descendance s'établiront de la Sagya al-Hamrâ’ et de son rivage atlantique (Zbâr) à la Hmâda
et à l'Argshâsh, jusqu'à Wâdi al-Shabb, dans l'est du Tuwât. Ils s'adonnent au commerce dans
le Sûs inférieur, le Dar’a, le Tuwât jusqu'à Sijilmâsa. Lorsqu'ils sont installés dans l'Arkshâsh
et ses environs, ils organisent des caravanes en direction du pays des Noirs (al-sudân), dont
une partie s'oriente vers Tîmbuktu et vers les "sudân noirs" (al-sudân al-kihil) : Katsina,
Gobir et le pays Hawsâ » (al-Ghallâwiyya, p. 66). Les descendants de Sîdi Muhamd al-Kuntî
al-Saghîr s'établiront, quant à eux, des confins méridionaux de la Sagya al-Hamrâ’ au Tîris et
à l'Adrâr jusqu'au Tagânit et à l'Agân.

Ce sont naturellement les Kunta de l’est, en particulier la fraction des Awlâd al-Wâfî, dont
relève la famille de Sh. Sîdi Muhammad, qui vont être les plus directement impliqués dans la
vie économique, culturelle et politique de Timbuktu, même si l’imbrication et la
mobilisabilité à fleur de généalogie des réseaux de la ‘asabiyya tribale ont vite fait d’étendre à
l’ensemble de monde Kunta les alliances, les inimitiés, les échanges où un segment
quelconque de sa toile saharienne était engagé.

L’extension de l’influence économique et religieuse des Kunta, dans l’arrière pays timbuktien,
leur emprise croissante sur le commerce du sel en provenance de Taoudeni, ne vont pas
manquer de leur valoir quelques inimitiés. L’habileté « diplomatique » des initiateurs de leur
fortune régionale — Sid al-Mukhtâr, Sîdi Muhammad, al-Bakkâi —, une habilité avant tout
fondée sur leur autorité « scientifique » et religieuse, permettra de faire face, souvent avec
succès, aux menées de leurs adversaires. Engagés à la fois dans la défense des intérêts de leur
communauté proche et dans la préservation de ce qu’ils croyaient être le bien de l’ensemble
de la umma musulmane, les shaykh Kunta vont déployer une vaste activité d’intercession et
de médiation au sein de l’ensemble des groupes qui exerçaient une forme quelconque
d’influence dans la région de Timbuktu et dans son arrière-pays proche et lointain.

Ayant reçu l’essentiel de son instruction dans les campements touaregs, initié à la qâdiriyya
par un notable religieux appartenant à cette communauté (Sîdi ‘Ali b. al-Najîb. Cf al-Tarâ’if),
Sh. Sîd al-Mukhtâr, comme après lui son fils Sidi Muhammad, interviendra sans cesse aussi
bien dans les affaires internes aux Touaregs (guerres inter-tribales, conflits de succession,
etc.) que dans leurs relations avec Timbuktu et les groupes qui en ont fait l’histoire, Arma-
Songhai et Peuls, notamment.

Longtemps contenus par les Arma dans une position de quasi-vassalité, les Touaregs
Tadmakkat parviendront à inverser en leur faveur le rapport de force à partir de la la sévère
défaite qui leur infligèrent à Taghia en mai 1737 (Wuld Mawlûd, 1977 : 90). A compter de
cette date, et pour quelques décennies, ils s’imposent comme des acteurs essentiels du jeu
politique et militaire à Timbuktu même et dans son arrière pays de la haute boucle du Niger.
L’assassinat de leur chef, Ughmar par les Arma entraîna pour Timbuktu un siège très
éprouvant en 1755. Sh. Sid al-Mukhtâr intervint avec succès auprès des Tadmakkat pour
obtenir la levée du siège. Comme il interviendra dans les querelles de succession ouvertes par
la mort d’Ughmâr, et celle son fils et successeur, Abtiti. Kitâb al-Tarâ’if le fait apparaître,
dans ces circonstances, comme le véritable orchestrateur du jeu complexe des successions au
sein des Iwillemmeden. De même qu’il le crédite d’une influence décisive sur la dévolution
de la chefferie chez les Brâbîsh, avec lesquels les Kunta entretiennent des relations parfois
difficiles, en raison notamment de la pression « fiscale » qu’ils font peser sur le commerce en
direction de Timbuktu.

Tout n’a cependant pas toujours été au mieux avec les Touaregs et de vives frictions
subsisteront, en particulier avec les Kal Antasar, bien après la mort de Sh. Sid al-Mukhtâr et
l’avènement de Sh. Sidi Muhammad. Et c’est avec ce dernier que les contacts des Kunta avec
les autres communautés ethno-culturelles de la région, et notamment avec les Peuls du
Macina, vont connaître leur développement le plus important. Si géographiquement les
relations avec le monde peul étaient plus distantes qu’avec l’univers touareg immédiatement
voisin, cela n’a pas empêché, comme nous le verrons, notre personnage d’intervenir auprès
des dirigeants des jihâd peuls du début du 19e s — Sokoto et Macina — pour répondre à des
préoccupations légales soulevées par ces derniers, apaiser un conflit engageant ses clients ou
ses disciples, prodiguer ses bons conseils, etc. Ainsi, dans l’opuscule intitulé :   al-­FutÙÌøt   al-­
qudsøniyya   bi-­l-­a…wiba   al-­fulløniyya :, écrit en réponse à un ensemble de 24 questions
posées par Ahmadu Lobbo, il propose les grandes lignes pour une sorte de constitution
islamique de l’Etat peul en cours de constitution. Ces correspondances avec des chefs de
lignage influents comme Hammâdi Galadio ou Nuhum Tahiru (Nûh b. at-Tâhir), et au sujet
des démêlées de ces derniers avec Ahmadu Lobbo, montrent l’étendue de son influence et
l’importance de l’activité de médiation qu’il déploie parmi les groupes peuls qui gravitent
autour de la prédication armée du fondateur de la « Dina ». Nous évoquerons un peu plus loin
l’épître que Sh. Sîdi Muhammad adressa aux dirigeants de Sokoto, avec lesquels il semble
également avoir entretenu des relations , au moins épistolaires, de quelque consistance.

Je laisserai ici volontairement de côté les nombreuses interventions de la famille Sîd al-
Mukhtâr dans les démêlées des Kunta avec le monde maure occidental, où certains de leurs
disciples joueront un rôle importantvi, du fait de l’éloignement géographique relatif de cet
espace vis-à-vis de Timbuktu., pour en venir à quelques considérations relatives à la vie de
Sh. Sidi Muhammad et à son œuvre.

2° al-Shaykh Sîdi Muhammad : l’homme et l’oeuvre

La totalité de la formation et l’essentiel de la carrière de Sh. Sîdi Muhammad se sont


déroulées à l’ombre et sous la tutelle de son père, Sh. Sîd al-Mukhtâr. Alors qu’il est de
tradition dans cet espace que les jeunes étudiants entreprennent un long périple, une longue
tournée des maîtres et des établissements les plus réputés de la région et accomplissent le
pèlerinage des lieux saints de l’islam, glanant en chemin leçons et ijâzât, Sîdi Muhammad
semble n’avoir jamais quitté son Azawâd natal et le seul maître qu’il se reconnaît est son père.

Le cursus qu’il a suivi, même si nous ne disposons pas d’informations précises là-dessus, est
vraisemblablement tout entier calqué sur celui de son père, dont il nous donne une ample
description au tout début de la biographie monumentale qu’il lui a consacrée. Il s’agit du
parcours que propose tous les établissements saharo-sahéliens de l’époque : les sciences de la
langue arabe (grammaire, lexicographie, métrique, rhétorique, histoire littéraire), le Qur’ân et
ses interprétations, le hadîth enseigné surtout autour de six sihâh de la tradition sunnite, le
fiqh malikite ash’arite centré sur les manuels classiques (Mukhtasar de Khalil b. Ishâq et la
Risâla d’Ibn Abî Zayd surtout) et leurs commentateurs ; l’histoire de l’islam « classique » où
la sîra occupe une place centrale. Le soufisme et les œuvres des grands inspirateurs des
mouvements confrériques (al-Junayd, Ibn ‘Arabî, al-Ghazâli, al-Suhrawardî, etc.) entraient
également dans l’enseignement reçu par Sh. Sîdi Muhammad, dont le père, rappelons-le, a été
le véritable introducteur de la qâdiriyya en Afrique saharo-sahélienne. Les ouvrages d’adab et
de sapience, des éléments d’arithmétique, de logique, de médecine et d’astronomie venaient
compléter une formation toute entière commandée par la conformité à l’héritage des pieux
ancêtres.

Mais l’enseignement le plus précieux que Sîdi Muhammad ait reçu auprès de son père, c’est
sans doute la formation pratique à la gestion d’un établissement confrérique, l’apprentissage
de la patience, de la sagesse, et aussi de la ruse dans la conduite des innombrables médiations
et interventions qu’implique l’office de chef confrérique dans un univers particulièrement
instable, échappant, pour l’essentiel, au pouvoir de toute autorité centralisée.
L’œuvre de notre personnage reflète largement la place prise dans sa vie et ses écrits par les
préoccupations politiques et éthiques qui viennent d’être mentionnées. La pièce la plus
importante du legs écrit de Sh. Sîdi Muhammad est constituée par la biographie
hagiographique monumentale qu’il a consacrée à son père, Kitâb al-tarâ’if wa al-talâ’id min
karâmât al-shaykhayn al-wâlida wa al-wâlid (« Le livre des acquis originaux et hérités
relatifs aux miracles des deux shaykh, ma mère et mon père »). Cet ouvrage,
vraisemblablement jamais achevé, se préoccupe avant tout d’établir l’exemplarité morale et le
souci du bien « public » du père de Sh. Sîdi Muhammad. Pour le reste, et mis à part quelques
travaux d’exégèse de facture très traditionnellevii, l’essentiel des écrits de Sh. Sîdi
Muhammad est constitué par ses très nombreuses correspondances ou épîtres de réfutation ou
de combat destinées à asseoir la légitimité d’un point de vue théologiqueviii ou, plus largement
et plus fréquemment théologico-politiqueix.

Abdallah Wuld Mawlûd (Wuld Mawlûd, 1977) a donné un tableau succinct de cette
correspondance telle qu’elle a été rassemblée par al-Shaykh Sidiyya al-Kabîr. J’utilise le
même corpus, qui comporte 47 lettres copiées par ou à la demande de cet éminent disciple de
Sh. Sîdi Muhammad, et dont l’original est conservé dans la bibliothèque de manuscrits des
Ahl ash-Shaykh Sidiyya à Boutilimit.

Très rarement datées, mais chronologiquement situées toutes, vraisemblablement,


entre 1811 (date du décès de son père) et 1826 (date de son propre décès), ces
correspondances sont d’un volume et d’un intérêt très variable. Cela peut aller d’une demi-
page où l’on demande à un disciple d’accélérer le retour d’une caravane attendue à un
véritable traité du pouvoir en une soixantaine de pages où le shaykh explique au destinataire
les bonnes règles de conduite qu’un amir musulman devrait observer. Une part appréciable de
ce courrier est adressée à des destinataires peuls de haut rang, tout particulièrement à Ahmadu
Lobbo, le fondateur de l’Etat musulman du Macina. Dans une longue épître de 1239/1823 (23
folios) qu’il lui adresse, Sh. Sîdi Muhammad se fait le défenseur enthousiaste du jihâd qui
allait, dans les toutes prochaines années du 19e s, conduire les partisans de Lobbo à s’emparer
de la boucle du Niger et de Timbuktu (Brown, 1969). Ailleurs, il lui écrit pour lui demander
l’application du jugement d’un qâdi en faveur de l’un de ses disciples peuls, au sujet du
partage d’un héritage controversé, ou pour tenter une médiation en faveur de son client
politico-religieux, Galâdio, en délicatesse avec l’autorité religieuse en cours de constitution.

Les notables touaregs sont également interpellés à divers titres : demande de restitution de
biens razziés adressée par exemple à « al-Nûr, sultan des Kal Away », ou longue épître
envoyée au « sultan » des Iwillimmeden, Kâwa b. Amma b. Ag ash-Shaykh b. Muhamd al-
Bashîr et son qâdi, al-Sâlih b. Muhamd al-Bashîr, pour les mettre en garde contre les menées
d’al-Jaylâni, cet agitateur religieux apparu parmi les Kal Dinnig vers 1800x, et contre ses
prétentions à se donner pour le mahdi attendu.

Les parents proches et lointains du shaykh, en particulier son frère Bâba Ahmad, parti
s’établir parmi les tribus maures du Hawz, sont aussi largement concernés par son activité
épistolaire. Ces tribus elles-mêmes et les nombreux disciples que le shaykh compte en leur
sein sont aussi les destinataires d’une part significative de sa correspondance. Il écrit ainsi une
très longue épître à la jamâ’a des Aghlâl du Hawz pour dénoncer l’agression des Ahl Sîdi
Mahmûd, alliés aux Idaw’îsh, contre ses cousins Kunta du Tagant. Il développe dans cette
ample correspondance sa vision de l’histoire des Kunta, et s’élève avec énergie contre les
prétentions attribuées au chef des adversaires des Kunta — ‘Abd Allâh wuld Sîdi Mahmûd
(m. 1839) — de se proclamer imâm, précisant au passage ce que devraient être les véritables
qualités d’un prétendant à l’imâmat et les réquisits essentiels à la légitimation de sa
candidature. On le voit aussi s’adresser à la jama’a des Fûntixi, pour solliciter, dans le cadre
du même conflit, leur intervention aux côtés des Kunta. Toujours dans l’intérêt des fractions
de sa tribu qui nomadisaient à l’ouest de l’Azawâd, il écrit une longue lettre à la jama’a des
Ahl Buradda pour réfuter les prétentions à monopoliser le contrôle de ces régions aux
détriments des Kunta sous le fallacieux prétexte d’une préséance associée à un prétendu ihyâ’.

Al-Shaykh Sîdi Muhammad a pris la succession de son père à la tête de la zâwiyya qâdiriyya
que ce dernier avait créée dans l’Azawad malien, autour des puits d’al-Mabrûk et Bûjbayha, à
quelques trois cents kilomètres au nord est de Timbuktu. Le commerce transsaharien
constituait un élément essentiel à la survie de cette entreprise. L’autonomie politique que lui
conférait sa position excentrée par rapport à tous les pouvoirs qui exerçaient quelque forme
d’influence dans la région donnait à cette zâwiyya, en plus du magistère moral inscrit dans sa
vocation, un rôle d’intercession et de médiation qui va constituer, avec l’enseignement
proprement dit, une des préoccupations centrales de notre personnage. Le pouvoir d’influence
que Sh. Sîdi Muhammad va s’efforcer de générer et d’entretenir s’adresse avant tout aux
détenteurs de pouvoir, chefs de tribus ou fondateurs d’Etats comme Ahmadu Lobbo dans le
Macina ou ‘Uthmân Dan Fodio dans les confins nigéro-nigérians actuels. Pour donner une
idée de sa posture de moraliste et de conseiller du prince, je m’arrêterai ici essentiellement sur
un seul de ses textes, une adresse à ‘Uthmân Dan Fodio, à son frère ‘Abd Allâh et son fils
Muhammad.

3°Le moraliste et le conseiller du prince

La fonction de shaykh de la tarîqa al-qâdiriyya léguée par Sh. Sîd al-Mukhtâr à son fils Sh.
Sîdi Muhammad assigne à ce dernier un statut de recteur moral de sa propre communauté de
disciples et de clients en même temps qu’elle lui impose une multitude d’interventions auprès
de toutes les autorités proches ou lointaines qu’il se sent le devoir d’influencer afin qu’elles
ajustent leur conduite aux intérêts supérieurs de la umma musulmane, et , subsidiairement, à
ceux du shaykh lui-même et de sa communauté. Une épître adressée aux dirigeants de Sokoto,
et qui figure parmi le corpus de correspondances ci-haut cité, nous permettra d’illustrer cet
aspect de l’activité intellectuelle et politique de Sh. Sîdi Muhammad.

Il s’agit d’un document manuscrit de 28 folios (56 pages) d’une élégante graphie maghrébine
serrée, courant sur une trentaine de lignes par page, sur un format de 16 cm x 11 cm. Il n’est
pas daté. On peut tout juste supputer sans grand risque qu’elle a été rédigée entre 1811, année
où Sîdi Muhammad a pris les reines de l’établissement confrérique créé par son père, et 1817,
date du décès de son principal destinataire, ‘Uthman Dan Fodio.

Ce document, comme du reste l’ensemble des écrits de Sîdi Muhammad, reflète une fort
bonne connaissance de l’histoire de l’islam classique, voire contemporain, où le shaykh qâdirî
puise ses exemples et trouve ses modèles de conduite politique et morale. Il n’affiche pas, en
revanche, la moindre volonté d’originalité par rapport à l’ensemble de la littérature traitant
des mêmes thèmes — les « miroirs des princes » — et à laquelle il emprunte tous ses topoi.

Une morale de la modération et du juste milieu, associée au respect des valeurs essentielles
d’équité (‘adl) et de compassion vis-à-vis des faibles et des opprimés, dans le cadre d’une
adhésion stricte aux normes juridiques définies par l’islam sunnite, telle est la tonalité
dominante de cette missive toute entière placée sous le signe du devoir islamique de bon
conseil (nasîha)

La correspondance adressée à Dan Fodio, à son frère ‘Abd Allâh et à son fils Muhammad,
comme les textes classiques qui l’ont inspirée, notamment al-Tibr al-masbûk fî nasâ’ih al-
mulûk d’al-Ghazâlî, al-Ahkâm al-sultâniyya et Adab al-dunyâ wa-d-dîn d’al-Mâwardî, Sirâj
al-mulûk d’al-Turtûshî, insiste longuement, pour commencer, sur le devoir de nasîha qui
incombe au savant, au ‘âlim, à l’égard du prince, de l’amîr. La célébration du savoir et des
savants et de leur rôle auprès des instances politiques dirigeantes d’un Etat musulman
s’accompagne d’une appréciation sur les places respectives de chacune des deux
«corporations » — les ‘ulamâ’ et les umarâ’ — dans la cité musulmane, sur les règles de
conduite respectives que chacun des deux groupes devrait idéalement adopter à l’égard de
l’autre.
Le propos de l’épître se développe ensuite, à travers des exemples canoniques issus de la
tradition idéalisée de certaines vénérables figures du passé politique du monde musulman (le
prophète lui-même, les râshidûn — tout spécialement parmi eux ‘Umar b. al-Khattâb —,
‘Umar b. ‘Abd al-‘Azîz, etc.) pour déployer la somme des lieux communs constitutifs de la
vision paradigmatique de l’autorité politique et de ses modes d’intervention tels que les a
élaborés la tradition, aussi bien savante que populaire des sociétés musulmanes.

J’ai parlé ailleurs (Ould Cheikh, 2003), à propos de cette vision de l’autorité politique
légitime et de ses moyens de légitimation, en terres d’islam, de « culture sultanienne ».
J’entends par là quelque chose qui dépasse les seules sphères du politique et du religieux,
pour englober tout le champ des normes et valeurs des sociétés concernées tel qu'il se
manifeste notamment dans les proverbes, contes, poésies, ouvrages d'éthique et de sagesse,
etc. Je suggérerais volontiers que ce champ présente une certaine unité, dont le texte de Sh.
Sîdi Muhammad, reprenant les prédécesseurs ci-haut cités, manifeste la continuité. L’unité en
question s'exprime en particulier dans une somme de lieux communs indéfiniment répétés,
depuis au moins le 8e s.xii (les règles de bonne conduite princière), et dont le Qur’ân, les
recueils canoniques de hadîth, les récits de vie édifiants et merveilleux des "grands êtres"
d'avant l'islam (géants, génies, souverains et "sages" plus ou moins mythiques et plus ou
moins individualisés "d'autrefois", prophètes et figures légendaires revisitées de l'Ancien et du
Nouveau Testament, etc.) et de l'islam ("compagnons", califes, vizirs, généraux, interprètes
reconnus du dogme, mystiques et ascètes de renom, etc.), les contes et légendes (Kalîla wa
Dimna, les Mille et Une Nuits) fournissent la norme et le modèle. La « leçon » administrée
par Sh. Sîdi Muhammad à ses correspondants de Sokoto s’inscrit pleinement dans cet
héritage.

Elle s’ouvre donc très classiquement sur un développement consacré au thème des relations
entre les « savants » et les « princes », autour du devoir de prodiguer des conseils (nasîha) de
nature à conduire vers ou à ramener à une bonne conduite musulmane tout souverain qui
serait tenté de s’en écarter. Le hadîth est invoqué qui dit : « la religion c’est le bon conseil »
(al-dîn al-nasîha). Il est rappelé aux dirigeants qu’ils doivent « rendre » le bien qu’Allâh leur
a donné en leur conférant le pouvoir, en se comportant avec équité l’égard du « troupeau »
(ra’iyya) dont il leur a confié la charge. Et c’est s’acquitter d’une obligation religieuse, pour
les ‘ulamâ’, précise al-Shaykh Sîdi Muhammad, que de leur rappeler leur devoir à cet égard.

L’idéal, cependant, est que ce soient les princes qui sollicitent les bons conseils des ‘ulamâ’,
recherchent leur compagnie, aillent au besoin vers eux, plutôt que l’inverse. Le ‘ilm, la
connaissance, étant investie d’une dignité incompatible avec les pratiques courtisanes qui ont
précisément pour effet d’annihiler toute velléité critique chez l’homme de cour. Un hadîth cité
par Sh. Sîdi Muhammad dit : « Les meilleurs (khayru) souverains (al-umarâ’) sont ceux qui
fréquentent les savants (‘ulamâ’) ; les pires des savants (sharru al-‘ulamâ’) sont ceux qui
fréquentent les souverains. ». En sorte que le bon ‘âlim devrait fuir la cour et sa "corruption"
et le bon sultan serait celui qui n'aurait de cesse de l'enrôler et de l'imiter, dans la quête du
savoir (religieux) et son application rigoureuse. La figure du souverain pieux, personnage
contradictoire, qui devrait en quelque sorte se fuir lui-même pour accomplir au mieux sa
vocation essentielle d’instrument de la loi, est présentée comme un des horizons de synthèse
possible entre les exigences antithétiques de la gestion des hommes qui accompagne la charge
de la souveraineté d’un côté et de la quête ascétique et désintéressée du savoir propre au vrai
‘âlim de l’autre.

Cette aporie conduit al-Shaykh Sîdi Muhammad à la célébration de la figure du souverain


« malgré lui », de l’héritier légitime du pouvoir, passionné par ses études et tout entier voué à
ses pratiques pieuses , qui doit affronter, pour ainsi dire, à son corps défendant, la
« malédiction » (baliyya) que représente l’exercice du pouvoir. Le personnage de Mawlây
Slimân, le souverain ‘alawite contemporain de notre auteur, et réputé particulièrement
favorable aux mouvements confrèriques , est donné en exemple de ce type de posture, auquel
les râshidûn et ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azîz fournissent ses modèles initiaux. Le pieux souverain,
contrarié par l’impossibilité d’échapper à sa charge régalienne, peut d’ailleurs, à l’instar
justement de Mawlây Slîmân, continuer à pratiquer en secret ses exercices de piété, loin des
regards avides et corrupteurs des courtisans.

L’exercice du pouvoir, est-il écrit par Sh. Sîdi Muhammad à ses interlocuteurs peuls, n’est
cependant pas qu’une somme de contraintes délétères aux conséquences morales
nécessairement funestes. Il constitue, dans son principe, une activité ambiguë, qui peut être à
la fois source de perdition et/ou vecteur d’une élévation morale exceptionnelle. C’est que le
pouvoir est à la fois utile et dangereux. La « généralité » de la mission du souverain, c’est-à-
dire la responsabilité qu’il exerce à l’égard de l’ensemble de ses sujets, lui confère une
position d’opérateur de totalisation, de sommation, des vertus et des vices qu’il contribuerait à
promouvoir parmi ces derniers. Car, comme le dit encore notre auteur reprenant une vieille
antienne arabo-musulmane, « les sujets suivent la conduite du prince »xiii. Siège moral de
l’autorité, le sultan est directement comptable de la conduite de ses sujets ; il multiplie ses
propres torts en favorisant leur méconduite, et accroît, à l’inverse, ses mérites s’il les incite à
adopter un comportement droit. D’où la célébration du sultan équitable (‘âdil) et des
personnages historiques en lesquels il est censé s’être incarné : ‘Umar b. al-Khattâb et ‘Umar
b. ‘Abd al-‘Azîz, en particulier. Il n’y a pas, répète al-Shaykh Sîdi Muhammad, après les
divers « miroirs du prince » qui l’ont inspiré, de position morale plus élevée, de proximité
plus grande d’avec Allâh — les prophètes et les anges mis à part — que celle de sultan ‘âdil.
Un hadîth qu’il cite compare l’efficience du souverain juste à celle du Qur’ân : « Allâh
sépare (yazi’u) au moyen du sultan ce qu’il ne sépare pas (mâ lâ yazi’u) au moyen du
Qur’ân. »xiv.

Le privilège, la dignité, considérables conférés au prince juste par sa conduite droite et les
récompenses dans l’au-delà auxquels ils sont censés ouvrir la voie ont pour contrepartie les
menaces terribles qui pèsent sur le souverain inique qui se laisse guider dans sa conduite par
ses mauvais penchants, ses instincts de jouissance ou, pire encore, par les conseils pernicieux
de gens de sa cour. Sh. Sîdi Muhammad, reprenant ici aussi un poncif de la littérature
sultanienne, rappelle aux destinataires de son épître, que tous les umarâ’ — les justes aussi
bien que les tyrans — arriveront dans les fers au jour du jugement dernier, et que les iniques
parmi eux seront livrés à des serpents gros comme des dunes et à des scorpions de la taille de
mulets.

Au reste, ce danger (abondamment illustré) est présenté comme quasi-inévitable étant donné
l'épuisement progressif de la vertu dans le monde, notamment depuis l’extinction des
premiers compagnons du Prophète . Thème eschatologique associé ici, comme ailleurs, dans
la littérature sultanienne, à l'exercice indirect du pouvoir par l'imâm devenu sultân et au
recours pour les charges publiques à des individus aux origines (a’jâm, notamment, et autres
mamâlik) et à la moralité douteuses. La multiplication des souverains iniques est donnée elle-
même comme un signe de la « fin des temps », de « l’approche de l’heure » dont les
dirigeants de Sokoto sont invités à prendre conscience. L’approche de « l’heure se voit, écrit
Sh. Sîdi Muhammad, aux souverains impies (fajara) »xv .

Sh. Sîdi Muhammmad conseille à ses interlocuteurs le refus du luxe et de l’ostentation, la


méfiance à l’égard de leur entourage, et il s’en prend, là aussi tout comme ses inspirateurs des
« miroirs », au tahajjub, à la tentation à se soustraire à la présence, à la vue, des sujets
(ra’iyya), au risque de devenir prisonnier des chambellans et des intermédiaires pas toujours
fiables.

Et si le sultan est "l'ombre de Dieu sur terre"— autre topos de la vision sultanienne du monde
— c'est pour faire régner un ordre cosmique dont les hommes ne sont tout au plus que des
agents indirects. Laissant par endroit transparaître une manière de lecture proto-hégélienne de
l'histoire autour du thème de la justice immanente et de l'histoire du monde comme tribunal
du monde, la littérature sultanienne, dans le sillage de laquelle s’inscrit l’adresse de notre
auteur aux amirs de Sokoto, suggère qu'après tout les hommes n'ont d'ordinaire que les
gouvernements qu'ils méritentxvi. Les rois sont indépendants des hommes, ils sont des
instruments aux mains d'Alløh, "souverain de la souveraineté". Un hadîth imputé à Mâlik b.
Dînâr et cité par Sh. Sîdi Muhammadxvii , lui fait dire :

"Je suis le roi des rois (malik al-mulûk). J'ai en ma main les coeurs des rois (qulûb al-mulûk
bi-yadî). Si vous m'obéissez, vous vous disposez sur vous-mêmes une miséricorde (ja’altum
‘alaykum rahma), si vous me désobéissez, vous vous disposez sur vous-mêmes une peine
(niqma). N'occupez pas vos langues avec les invectives contre les rois, repentez-vous plutôt
auprès d'Allâh, il les "pliera" (yu’tifuhum) sur vous". Les hommes peuvent certes intervenir
dans "l'infléchissement" qu'il plaira à Allâh, seul véritable détenteur de tout pouvoir,
d'imprmer au "coeur" des princes qui les gouvernent, mais ils n'ont aucune emprise directe sur
la gestion par ces derniers des affaires "publiques", si ce qualificatif a un sens dans le contexte
ici évoqué.

Plus ou moins liée à la "supervision" des rois par Dieu, qui figure comme une concession
divine à l'exercice d'une autorité sultanienne partiellement extérieure à l'agir divin, est
l'affirmation, amplement développée par Sh. Sîdi Muhammad et les ouvrages qui l'ont
inspiré, du caractère nécessairement limité dans le temps, et "rotatif", du maintien au pouvoir
d'un groupe ou d'un individu donné. Non pas une limitation interne, liée à une forme
quelconque de régulation institutionnelle, mais l'inexorable précarité, le mode nécessairement
transitoire de manifestation de toutes les choses de ce bas monde (dunyâ), opposées à la
permanence et à l'inaltérabilité des jouissances et des êtres de l'univers dernier (al-âkhira). La
cour du sultan est le lieu par excellence où l'infidélité du temps, l'impitoyable couperet du
destin opère ses "tours", et transforme en une sorte de loterie universelle la valse aveugle des
itinéraires individuelsxviii .
A côté de ce modèle d'inspiration divine, il y a celui de la sagesse royale de tous les temps,
celle de la "corporation" des salâtîn ou mulûk (dîwân al-mulûk), exemplifiant à travers les
périodes et les contrées un art "moyen" de bien gouverner sur lequel le temps n'a pas de prise.
Salomon et Alexandre le Grand, les rois de la Perse pré-islamique, de la Chine et de l'Inde lui
fournissent ses héros et ses figures de légendexix  
 
Le thème "profane" du ‘adl, de l'équité, thème essentiel dans toute la littérature sultanienne,
comme il l’est dans l’épître de Sh. Sîdi Muhammad, est plus spécifiquement lié à ce pouvoir
sultanien intemporel, à la pérennité du pouvoir quelle que soit la nature religieuse de celui qui
l'exerce. Il s'exprime, avec des variantes, dans la formulation circulaire suivante, qui est
celle que l'on trouve sous la plume de Sh. Sîdi Muhammadxx :  
 
"Pas de sultân sans armée (jund), pas d'armée sans ressources (mâl), pas de ressources sans
impôts (jibâya), pas d'impôts sans prospérité (‘imâra), pas de prospérité sans jusitice (‘adl),
pas du justice sans sultân. La justice apparaît ainsi comme le fondement de tous les
fondements (asâs li-jamî’ al-usûs)", commente notre auteur.
 
D'où la célébration sur tous les tons, à l’adresse des interlocuteurs du shaykh, du souverain
juste, dirigeant musulman ou prince de quelque autre confession. D'où l'intime association
établie entre son état aussi bien physique que moral et la bonne santé et l'équilibre du monde.
Véritable embrayeur cosmique, le souverain idéal de la représentation sultanienne du pouvoir
est à la fois la somme morale de tous les princes du monde qui l'ont précédé et un centre
physique de l'univers dont il règle la marche temporelle. Al-sultân al-zamân (= "Le sultan est
l'époque")xxi , écrira après tant d'autres, Sh. Sîdi Muhammad, pour signifier la sujétion de
l'histoire à la conduite et au bon vouloir du souverain du moment. La théâtralité étatique dont
il est à la fois le grand impresario et la vedette unique, les célébrations et commémorations
qu'il orchestre, tendent à ajuster les évènements de sa vie ("publique" ou "privée") au
déploiement cosmique de l'univers. L'épître de Sh. Sîdi Muhammad propose une métaphore
du monde comme organisme humain dont le sultan serait le centre-cerveau, le vizir "le
coeur", les auxiliaires de ce dernier "les mains", et la masse des sujets (al-ra’iyya) "les pieds",
l'équité (‘adl) en constituant "l'âme"xxii . Rien d'étonnant à ce que, situé en ce lieu focal, le
sultan soit présenté comme l'opérateur de l'échec ou de la ruine universelle de son temps, le
garant de la fécondité ou le vecteur de la misère de son royaume.
 
Ce n'est donc pas seulement l'esprit du sultan qui est le médiateur essentiel du ‘adl, c'est son
corps tout entierxxiii . Emanation d'un pouvoir arbitraire et invisible, le sultan doit demeurer
visible, son corps, siège physique de l'équité, doit rester accessible à la ra’iyya. D'où un autre
lieu commun de la littérature sultanienne plus haut mentionné : la dénonciation de l'ihtijâb, de
l'enfermement du prince par les vizirs et les chambellans, assimilé à une prérogative divine,
car Dieu seul peut se soustraire au regard de ses créatures. Il a pourtant et pour les mêmes
raisons, selon les clichés de cette même littérature repris par Sh. Sîdi Muhammad, des devoirs
d'ominiscience et d'omniprésence qui l'apparentent à une autorité céleste. C'est le thème du
"souverain passe-muraille"xxiv et de l'incognito : promeneur noctambule ou chasseur égaré
recueilli par de petites gens, loin de sa suite et de son palais, le sultan entend les vérités que
lui cache son entourage, il mesure sa côte d'amour parmi sa ra’iyya, et manifeste par des
décisions saisissantes sa générosité et son sens du ‘adl (dons mirifiques à des
nécessiteux/admirateurs, promotion spectaculaire d'un "juste" anonyme, châtiment brutal et
soudain aux contrevenants aux "lois" sultaniennes, etc.). Idéalement, il devrait pouvoir dire à
chacun de ses sujets : je sais ce que tu as mangé hier soir et d'où te viennent les vêtements que
tu portesxxv.
 
 Ces incursions périodiques du sultan dans l'univers des simples gens, l’épître de Sh. Sîdi
Muhammad, tout comme l’ensemble de la culture sultanienne, les donne volontiers à voir
sous la forme d'une duplication du sultan lui-même, figuré comme une sorte de Janus de la
condition sociale, menant une vie publique fastueuse au milieu des "grands" de sa cour, et
une vie privée ascétique et parcimonieuse dans un envers de ce décor rutilant, où il exerce, à
l'occasion, un petit métier pour gagner honnêtement sa vie sans attenter aux ressources de "la
chambre au trésor" (bayt al-mâl)xxvi .
 
L'image du pastorat, combinant à la fois l'idée d'une immersion dans le troupeau, sa
connaissance intime par le berger, et la responsabilité qui incombe à ce dernier de lui indiquer
le bon itinéraire à suivre, sans se priver naturellement d'user de ses produits, résume une
bonne part de cette vision du pouvoir, et revient elle aussi, comme un leitmotiv de la
littérature sultanienne. Sh. Sîdi Muhammad citexxvii un hadîth connu qui dit : "Vous êtes tous
des bergers (kullukum râ’in) et tous comptables de l'objet de votre gardiennage (wa kullukum
mas’ûl ‘an ra’iyyatih) : l'imâm, qui est le berger des hommes (‘alâ al-nâsi râ’in) est
comptable de cette "bergerie" (ra’iyya); l'homme est le berger (râ’î) des membres de sa
famille (ahla baytih) et il est comptable de sa "bergerie"; la femme est la bergère (râ’iyya) des
membres du foyer de son mari (ahla bayti zawjihâ) et de ses enfants (waladihâ) et elle en est
responsable (wa hiyya mas’ûla ‘anhum); l'esclave d'un homme (‘abd al-rajul) est le berger
(râ’î) des biens de son maître et il en est responsable. Vous êtes certes tous des bergers et tous
comptables de votre bergerie". Le motif pastoral s'entremêle ici, comme dans d'autres
passages de l'épître de Sh. Sîdi Muhammad et des "miroirs" qui l'ont précédée, à la gestion
domestique et à la hiérarchie de sexe, d'âge et de rang au sein de la famille dont la bonne
conduite des affaires publiques par le sultan/berger est donnée comme un prolongement.

En tant que berger, le sultan doit naturellement, s'efforcer de préserver la sécurité de son
"troupeau" contre les prédateurs. Et le cheptel court bien sûr à sa ruine, si —hypothèse
explicitement envisagée par notre auteur— sa garde tombait aux mains des "loups"xxviii , c'est-
à-dire si le sultan lui-même et ses auxiliaires se transformaient en agents de destruction de la
ra’iyya. Car le salut ne peut venir du troupeau et aucune résistance efficace n'est susceptible
d'en émaner. Il est tout entier la chose obéissante et passive de son berger.

Voilà, succinctement rappelés, quelques-uns des axes essentiels de la correspondance


adressée par Sh. Sîdi Muhammad aux amirs de Sokoto. Si la morale politique qu’elle propose
ne présente guère d’originalité par rapport à l’ensemble de ce que nous avons appelé la
littérature sultanienne, elle montre en tout cas à la fois l’étendue de la connaissance que le
maître qâdirî a de cette littérature et la posture de murshid et de nasîh qu’en conformité avec
les clichés de cette même littérature le bon ‘âlim se doit d’avoir à l’égard des princes
susceptibles d’entendre ses avis et ses recommandations.

i
Notamment : I. Hamet, « Littérature arabe saharienne », Revue du Monde Musulman et de la
Méditerranée, 12, 1910, pp. 194-213 et 380-398 ; P. Marty, Etudes sur l’islam et les tribus du
Soudan, Paris, Leroux, 1920-21 ; A. A. Batran, Sidi  al-­Mukhâr  al-­Kuntî  and  the  
recrudescence  of  islam  in  the  Western  Sahara  and  the  Middle  Niger  c.  1750-­1811,  
Birmingham,  Ph.  D.  ,  University  of  Birmingham,  1971,  ainsi  que  la  thèse  plus  haut  citée  
de  Abdallah  Wuld  Mawlûd  Wuld  Daddah.
ii
La plus ancienne mention des Kunta que rapportent les sources disponibles est une lettre du
souverain du Bornu datée de sha‘bân    843/février  1440  et  adressée  "à  tous  les  murâbitûn    
,  aux  descendants  de  al-­‐Shaykh  al-­‐Mukhtâr  et  de  S¡di  ‘Umar  al-­‐Shaykh  et  à  leurs  frères  
parmi  les  Darmashaka  (ou  Dirimshka,  selon  la  lecture  de  Norris)  dans  le  Tuwât"  et  citée  
par  A.  G.  P.  Martin,  dans  Les  Oasis  Sahariennes,  1908,  pp.  122-­‐123.  (cf.  A.  A.  Batran,  Sîdi  
al-­Mukhtâr  al-­Kuntî  and  the  recrudescence  of  Islam  in  the  Western  Sahara  and  the  Middle  
Niger  c.  1750-­1811,  Ph.  D.  Thesis,  Univ.  of  Birmingham,  1971,  p.  54.  ).  Dans  un  second  
ouvrage  de  Martin  (Quatre  siècles  d'histoire  marocaine,  Paris,  1923,  pp.  33-­‐34,  cité  par  
Batran,  p.  56),  la  date  de  1551  est  donnée  comme  étant  celle  de  l'arrivée  dans  le  Tuwât  
d'une  armée  Kunta  qui  imposa  un  tribut  de  100  mithqâl    aux  habitants  de  Timmi.  H.  T.  
Norris  (The  Arab  conquest  of  the  Western  Sahara,  Longman,  London,  1986,  p.  130)  
évoque  les  problèmes  que  soulèvent  les  données  rapportées  par  A.  G.  P.  Martin    
lorsqu'on  les    met  en  regard  des  traditions  historico-­‐généalogiques  des  Kunta  issues  de  
Sh.  Sîd  al-­‐Mukhtâr.
iii
Avec un télescopage entre ce dernier et un autre ‘Uqba, dit al-Mustajâb al-Jahmî, un
“compagnon”, mort au Caire. Cf Norris. Abdallah w. Mawlûd relève des divergences
généalogiques à partir du même ancêtre revendiqué —‘Uqba —, l’une conduisant vers les
Banu Umayya, l’autre vers les Fihrites.
La revendication d’une filiation à l’égard du fondateur du Kairouan est, par ailleurs, un lieu
commun parmi les populations saharo-sahéiennes (peuls, maures, touaregs, etc.) Cf Norris.
Thomas Withcomb ("New evidence on the origins of the Kunta", Bull. SOAS, 38, 1975, I,
104-123 et II, 403-417) a donné une évaluation critique de ces différentes sources.
v
Ne pas confondre ces Awlâd al-Wâfî de l’Azawâd avec les Awlâd Sîd al-Wâfî du Tagânit
mauritanien.
vi
Je songe ici en particulier à Sh. Sidiyya b. al-Hayba al-Intishâ’î. Sur ce personnage et son
influence, on peut voir notamment Stewart, 1972 et Ould Cheikh, 1992.
vii
Un commentaire de la fâtiha, une exégèse des Waraqât d’al-Juwaynî , etc., textes à ce jour
demeuré inédits.
viii
Notamment son texte intitulé al-Sawârim al-hindiyya fî hasm da’âwî al-mahdiyya (c.
1811), dirigé contre le notable religieux des Kal Dinnig, al-Jaylâni, qui prétendait au tournant
des années 1800 qu’il était le mahdi attendu.
ix
Voir en particulier sa Risâla al-Ghallâwiyya, où il prend la défense des Kunta du Tagant
contre les Ahl Sîdi Mahmûd et leur chef ‘Abdallâh w. Sîdi Mahmûd auquel il attribue le
prétention de vouloir s’instituer imâm des communautés maures de la région concernée.
x
Sur al-Jaylânî et le contexte politico-religieux de sa prédication, on peut voir notamment les
indications données par Fr. Nicolas, Tamesna. Les Ioullemmeden de l’Est ou Touareg « Kel
Dinnik », Paris, Imprimerie Nationale, 1950, pp. 56-59
xi
Fraction de la tribu guerrière des Awlâd Mbârik, établie entre les régions de ar-Rgayba
(actuelle Mauritanie) et le Bakhounou mauritano-malien. C’est le « royaume du Ludamar »
(déformation du nom de leur chef de l’époque : A’li wuld A’mar) de Mungo Park.
xii
On trouvera dans l'édition par Rudwân  al-­‐Sayyid  du  Kitâb  al-­ishâara  ilâ  adab  al-­imâra  
d'al-­‐Murâdî  al-­‐Hadramî  (Beirout,  Dâr  al-­‐Fikr,  1980),  les  principales  références  en  arabe  
sur  le  sujet.  Les modèles initiaux du genre auraient été, selon al-Sayyid : al-­Tâj  fî  akhlâq  al-­
mulûk,  attribué  à  al-­‐•øÌi  (édité  par  Ahmad  Zakî  Bâshâ,  Le  Caire,  1914)  et  l'ouvrage  
connu  sous  le  nom  de  Sirr  al-­asrâr  ,  attribué  à  Aristote  (in  al-­Usûl  al-­yunâniyya  li-­
nazariyyât  al-­siyyâsiyya  fi-­l-­islâm,  Le  Caire,  1954,  vol.  1),  et  qui  aurait  été  traduit  en  
arabe  au  3e  s.  de  l'Hégire.  Cet  ouvrage  (cf  Ibn  •ul…ul)  contiendrait  les  prétendues  
"Lettres  d'Aristote  à  Alexandre"  (cf  Rudwân  al-­‐Sayyid,  p.  22).  
xiii
« al-ra’iyya ‘alâ dîn al-malik » (notre copie du manuscirt, folio 13,1)
xiv
« inna Allâh yazi’u bi-s-sultân mâ lâ yazi’u bi-l-qur’ân » (notre copie du manuscrit, folio
16,2)
xv
Notre copie du manuscrit, folio 12, 1
xvi
"… inna  Allâh  lâ  yughayyiru  mâ  bi-­aydî  qawmin  hattâ  yufiayyirû  mâ  bi-­anfusihim  
xvii
Notre copie du manuscrit, folio 21, 1
xviii
Tout  est  éphémère  dans  la  dunyâ,  assimilée  par  al-­‐Ghazâlî  à  une  épouse  infidèle,  
sénile  et  anthropophage.  Réf.  
Le  motif  eschatologique  qui  nourrit  cette  représentation  rotative  des  "fortunes",  se  
trouvera  parfois  associé  à  une  thématique  du  cercle  et  du  cycle  prenant  chez  un  Ibn  
Khaldûn  (Muqaddima,  1980),  l'allure  d'une  biogénèse  où  à  la  naissance  et  à  la  jeunesse  
des  formations  dynastiques,  succèdent  des  périodes  de  mâturité  ,  elles-­‐mêmes  
annonciatrices  de  la  sénilité  et  de  la  mort.  
xix
Noter les endroits de l'épître de Sîdi  Muhammad  où  ils  sont  évoqués.  Voir  les  références  
de  Kal¡la  wa  Dimna,  etc.
xx
Notre copie du manuscrit, folio 8, 2.
xxi
Idem, folio 10, 1
xxii
idem, folio 10, 2
xxiii
Cf l’histoire que raconte Sh. Sîdi Muhammad d’un souverain « chinois » qui aurait perdu
le sens de l’ouïe et dont les sujets se désolaient, comme lui-même de ce qu’il ne puisse plus
désormais entendre leurs doléances et leur rendre justice. Qu’à cela ne tienne ordonna-t-il, que
désormais tous ceux qui auraient quelque plainte à formuler s’habillent en rouge — et eux
seuls …—, et il entreprit de battre la campagne pour voir les réclamation de tous ceux que
désormais il ne pouvait plus entendre. Manuscrit, folio 14, 1 et 2
xxiv
Expression employée par J. Dakhlia, Le divan des rois, Paris, Albin Michel,
xxv
Notre copie du manuscrit, folio 12, 1.
xxvi
Idem, folio 9, 1
xxvii
Idem, folio 5,2
xxviii
Sîdi Muhammad  cite  le  vers  qui  suit  :  
wa  râ‘î  al-­shâti  yahmi  al-­dhîba  ‘anhâ     fa-­kayfa  idhâ  al-­dhi'âbu  lahâ  r‘â'u  
(Le  berger  defend  sa  bête  contre  les  loups     Qu'adviendra-­‐t-­‐il  d'elle  si  elle  est  
confiée  à  la  garde  des  loups  ?)  
 

Bibliographie :

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