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attrait va se retrouver dans un mouvement artistique, tant littéraire que pictural : l’orientalisme.
Bien que le mot orientalisme ne fut attesté qu’en 1826 et enregistré dans le dictionnaire de
l’Académie Française en 1932, le courant pictural qui le caractérise n’est pas une invention
idéologique du XIXe siècle. La curiosité pour le Levant prend source avec les Croisades et
préoccupe l’Europe puis l’Occident tout entier pendant cinq siècles, pour se tarir avec la
décolonisation dans les années 1960. L’imaginaire de l’Orient s’articule autour d’un ensemble de
représentations collectives créé et véhiculé par la pensée occidentale dans sa quête d’elle-même. Il
se nourrit de son antithèse mythique qui procède du mythe de la fracture Orient-Occident :
recherche de ses origines, recherche d’une image antinomique, quête d’une identité collective,
l’orientalisme s’articule autour d’un imaginaire collectif créé de toutes pièces par l’Europe
triomphante. Ici, mythes et réalités s’entrecroisent, se recoupent et se contredisent. Mais l’essentiel
réside dans des représentations collectives intégrées et reproduites par les peintres. Cet imaginaire
de l’Orient fonde alors des comportements, des réflexions, des analyses et des images récurrentes.
Qu’en est-il dès lors de la perception et de la représentation des femmes dans ce mouvement
pictural ?
Le hammam
La toilette et la purification étant des thèmes essentiels à la culture musulmane, les sociétés
orientales ont connu depuis le XVIIe siècle le développement fulgurant d’une institution : le bain
public, ou hammam. Il n’est donc pas étonnant que ce sujet ait attiré et questionné les peintres
orientalistes du XIXe siècle. Le témoignage de Lady Mary Wortley Montagu à propos du hamman
comme véritable institution est ici fondamental : « Les premiers sofas étaient couverts de coussins
et de riches tapis sur lesquels les dames étaient assises ; sur les autres, derrière elles, se tenaient
leurs esclaves, mais sans aucune distinction de rang qui fût marquée par leur costume, car elles se
trouvaient […] absolument nues ». La Dame franque vêtue à la turque et sa servante, de Liotard
(pastel sur parchemin, vers 1742-43, 71 x 53 cm. Musée d’Art et d’Histoire, Genève) constitue l’un
des premiers tableaux dépeignant la femme dans le hammam. Totalement vêtue, elle donne l’image
d’une pudeur que doit accompagner l’étape du bain dans la journée des femmes. Pourtant, c’est la
peau blanche, dénudées, pudiques mais séductrices que sont représentées les femmes orientales
dans les bains par les peintres orientalistes. Le tableau le plus connu est sans doute Le bain turc de
Jean-Auguste Dominique Ingres (1862, Musée du Louvre). On peut y voir de nombreuses femmes,
nues, assises, allongées, serrées les unes contre les autres. Inconvenant, ce tableau incarne un
érotisme loin des propos de Lady Mary ; érotisme que le public français se devait d’accepter, dans
la mesure où l’éloignement culturel et géographique du sujet ne les ramenait pas à leurs propres
conditions.
Synonymes d’une certaine hygiène de vie, les bains, réels ou imaginés, contribuent à façonner une
autre approche du corps, de la nudité et de la propreté de laquelle les peintres orientalistes portent
l’étendard dans leurs propres sociétés.
Pris entre une réalité fantasmée et la volonté d’être les plus réalistes possible, les peintres
orientalistes se sont emparés de la vie intime de la femme orientale, pour transmettre à l’imaginaire
occidental l’image d’un Orient poétique, érotique, rêvé ; loin de toutes les considérations morales
ou esthétiques d’alors.
Lire également :
L’Orientalisme au XIXème siècle
L’orientalisme en photographie
Bibliographie :
MERNISSI, Fatema, « Le Harem et l’Occident », Nouvelles questions féministes, vol.21, n°3,
2002, pp.122-125.
SAID, Edward W., L’Orientalisme. L’Orient crée par l’Occident, Paris, le Seuil, 1980.
SEMO, Marc, « Le harem, ce mirage », Libération, 20 juillet 2005.
THORNTON, Lynne, La femme dans la peinture orientaliste, Paris, ACR Editions, 1993.
VINSON, David, « L’Orient rêvé et l’Orient réel au XIXe siècle », Revue d’histoire littéraire de
la France, vol.104, janvier 2004, pp. 71-91.
Œuvres picturales :
Rudolph Ernst, Femmes sur une terrasse au Maroc, huile sur panneau, 71,2x92cm, Anc. Gallery
Keops, Genève.
Gaston Saintpierre, La Chanson du laurier rose, huile sur toile, 85x53cm, collection particulière.