TRANSCRIPTIONS
DELF A1  DES ENREGISTREMENTS
AUDIO – UNITÉ 1
Piste 1
À l’époque dont nous parlons, il régnait dans les villes une
puanteur à peine imaginable pour les modernes que nous
sommes. Les rues puaient le fumier, les arrière-cours puaient
l’urine, les cages d’escalier puaient le bois moisi et la crotte de rat.
(…) Les rivières puaient, les places puaient, les églises puaient,
cela puait sous les ponts et dans les palais. Le paysan puait
comme le prêtre, le compagnon tout comme l’épouse de son
maître artisan, la noblesse puait du haut jusqu’en bas, et le roi
lui-même puait, il puait comme un fauve, et la reine comme une
vieille chèvre, été comme hiver. (…)
Et c’est naturellement à Paris que la puanteur était la plus
grande, car Paris était la plus grande ville de France. Et au sein
de la capitale il était un endroit où la puanteur régnait de façon
particulièrement infernale, entre la rue aux Fers et la rue de la
Ferronnerie, c’était le cimetière des Innocents.
Piste 2
Ma ville, réveille-toi ! chanson de Massilia Sound System, 2014.
Wake up ! Excitante, dissidente, résistante, intelligente, tolérante,
ma ville réveille-toi. Cosmopolite, hétéroclite, érudite, émérite,
favorite, ma ville réveille-toi. Audacieuse, courageuse,
mélodieuse, délicieuse langoureuse, ma ville réveille-toi.
Capitale, amicale, idéale, musicale, originale, ma ville réveille-toi.
O ma Provença, Siás nacion de convivéncia, De l'amor, la residéncia,
L'ostau de la libertat. Terra polida, Monte lo soleu presida, Monte la
calor convida. A un mesclum mirgalhat.
Délirante, attachante, surprenante, importante, bien portante,
ma ville réveille-toi. Fantastique, romantique, anarchique,
aromatique, sympathique, ma ville réveille-toi. Cavalière,
chansonnière, familière, hospitalière, nourricière, ma ville
réveille-toi. Polyglotte, internaute, patriote, pas idiote, tête
haute, ma ville réveille-toi. Algérienne, Italienne, Vietnamienne,
Bohémienne, Comorienne, Iranienne, Irakienne, Ukrainienne,
Mauricienne, Brésilienne, Ivoirienne, Indonésienne,
Arménienne, Péruvienne, Somalienne, Colombienne,
Australienne, Equatorienne, Chilienne, Calédonienne,
Égyptienne, Caucasienne, Bolivienne, Hawaïenne, Éthiopienne,
Canadienne, Malienne, Paraguayenne, Tahitienne, Laotienne,
Palestinienne, Occitana.
Piste 3
• Il est 7 h 24 sur Radio Culture, bonjour Victoria Moreno.
Bonjour Jérémie, bonjour à tous.
• C’est l’heure de votre chronique Ville en vie comme tous les
vendredis. Depuis quelques années à Paris, la municipalité, des
associations et des citoyens imaginent une vie en transports
alternatifs à la voiture et aux traditionnels transports en
commun. Pourquoi les vélos classiques, électriques, la
trottinette, la trottinette électrique et même la roue électrique
font-ils de plus en plus d’adeptes ? Vous allez nous expliquer ça
Victoria.
Oui, Jérémie, écoutons d’abord une toute nouvelle adepte,
Éloïse, 28 ans, une jeune vendeuse à Paris. Depuis le début de
l’été, à cause des grèves qui perturbaient son train de banlieue,
elle roule chaque jour avec sa bicyclette vintage blanche, 20 km,
10 aller, 10 retour.
ƒYƒ a un changement sur mon humeur et mon moral. De voir
les gens un peu éteints dans les transports, ça commençait
à m’atteindre psychologiquement. J’ai fait le test de prendre
une fois le vélo et je me suis sentie carrément plus réveillée,
beaucoup plus réactive au travail, et là ça fait deux mois et je
sens que mon humeur a vraiment changé. Enfin ça me fait
vraiment du bien.
Vous le verrez sur notre site Internet, beaucoup de ceux qui
nous ont répondu à notre enquête sur Twitter sont passés au
vélo, et comme Éloïse, ils sont incapables désormais de faire
machine arrière. « Un petit mois à vélo et j’ai du mal à envisager
mes déplacements autrement. Liberté, rapidité, activité
168 cent soixante-huit
physique, que du bon ! » témoigne par exemple J. Touron. Aux côtés
des vélos classiques, on retrouve de plus en plus de transports
électriques : vélo, hoverboard, gyropode ou encore skate électrique,
et même des roues électriques comme celle de Sylvain, il se dit
wheeler, un terme de la culture geek.
• Wheeler ?
Eh oui pour désigner les usagers, ou plutôt les fans, les adeptes de
la gyroroue.
· gyroroue, ça devient des pieds qui roulent ! Je l’utilise tous
·Ma
les jours, on est inséparables, c’est mon moyen de transport, c’est
mon terrain de jeu, c’est très amusant. Je me compare à un piéton
roulant, c’est génial parce que j’ai redécouvert Paris. Avant, je ne
prenais plus le temps de m’aventurer dans les petites rues, et là
grâce à la gyroroue, j’ai redécouvert Paris.
Il a d’ailleurs fait une démonstration en vidéo sur notre page
Internet avec un casque sur la tête. Je le précise, car ce n’est pas
obligatoire, il existe un vide juridique autour de l’utilisation de ces
NVEI, ces nouveaux véhicules électriques.
• Et ces engins, Victoria, constituent une nouvelle façon de vivre en
ville.
C’est une prise de conscience assez récente d’après Nicolas, il vend
des vélos et des trottinettes électriques, dans l’ouest de Paris.
On cherche à changer, on se rend compte que la voiture c’est
fini, que les transports en commun ont leurs limites. Les gens
veulent avoir cette liberté de pouvoir se déplacer comme ils
veulent, en faisant un petit peu de sport et d’avoir la tête à l’air.
Ils veulent passer à autre chose, c’est-à-dire rester une heure
dans leur voiture, bloqués à un endroit ou payer très cher un
stationnement. On se rend compte qu’avec un vélo on met
beaucoup moins de temps pour aller d’un point A à un point
B. La vitesse moyenne d’un vélo à assistance électrique dans
une ville comme Paris c’est 20 km/h, autrement dit, ça va vite !
En ville, le vélo ou le vélo à assistance électrique sont vraiment
devenus des objets qui ont leur place.
Piste 4
Alain Damasio nous a donné de grands bonheurs de lecture, à nous
tous qui aimons un peu la science-fiction, beaucoup l’anticipation
et énormément la bonne littérature, avec ce livre devenu culte La
Horde du contrevent. Ça faisait quinze ans qu’on attendait un nouveau
roman de sa part. Le voici, il s’appelle Les Furtifs. Je vous préviens,
il est génial. Roman d’anticipation, roman d’amour, roman sur les
rapports parents-enfants, roman politique, roman philosophique,
roman sur le sens de la vie. Les Furtifs. Alors il y a parfois de bonnes
raisons de pas trouver le sens de la vie, il y a de bonnes raisons
aussi de le perdre le sens de la vie, la disparition d’un enfant par
exemple, et c’est très exactement ce qui arrive à un couple dont la
fille a disparu. Le couple ne survit pas à cette disparition, et le père,
Lorca, sombre peu à peu dans la folie, du moins c’est ce que pense
sa compagne, car Lorca, lui, est persuadé que sa fille a été enlevée
par les furtifs. Pour la retrouver, il va devenir chasseur de furtifs au
sein d’une unité d’élite très spéciale, et c’est le début d’une quête, une
quête existentielle menée comme un triller. Ah, j’oubliais de vous
dire, tout ça se passe dans le futur, un futur proche, 2040, dans vingt
ans, un futur dans lequel plus rien n’est secret, dans lequel on est
surveillés, évalués, notés et puis parfois… éliminés. Les Furtifs aux
éditions La Volte, c’est 700 pages pour dire les métamorphoses du
monde actuel, et ce roman que j’ai adoré est en tête des meilleures
ventes, alors précipitez-vous pour l’acheter !
Piste 5
7 milliards de voisins, on est ensemble, tout le monde est voisin. 7 milliards
de voisins, Chantal Lorho.
• Bonjour, bienvenue, 7 milliards de voisins et de voisines,
aujourd’hui les initiatives citoyennes pour créer la ville africaine
de demain. En vingt ans, la population urbaine a été multipliée
par deux sur le continent. Plus de 400 millions d’Africains vivent
aujourd’hui en ville et ils seront 1 milliard 200 millions en 2050
selon ONU habitat. Cette forte croissance pose des problèmes de
logement et d’aménagement des villes. 60% des citadins vivent

dans un habitat précaire. Anarchie, manque d’infrastructures,
insécurité, pollution, se sont les mots qui reviennent quand on
évoque la ville africaine, pourtant, partout en Afrique, des citoyens
montent des projets pour améliorer leurs conditions de vie dans
les quartiers. Assainissement, construction, réhabilitation, les
villes se transforment. Alors à quoi ressemblera la ville africaine
de demain ? Sera-t-elle plus écologique ? Fera-t-il bon y vivre ? Quel
rôle pour la société civile dans la réinvention ou la réappropriation
des villes ? On va en parler avec nos deux invités.
Piste 6
1. •  Si je gagnais au Loto, je vivrais dans un château avec une piscine
à bulles et j’arrêterais de travailler.
Ouais… arrête de rêver. Avec des « si » on mettrait Paris en bouteille.
2. •  J’adore cet hôtel cinq étoiles ! Y a un jacuzzi et des paniers de
fruits frais à côté du lit ! C’est Byzance !
3. •  Ton projet est excellent. Avec le temps, ta start-up aura du
succès, mais un peu de patience. Tu sais, Rome ne s’est pas faite en
un jour !
4. •  On va prendre l’apéro chez Leti ce soir ?
Ah non ! Elle habite à Perpète-lès-oies. J’ai pas envie de faire une
heure de métro pour boire un verre.
AUDIO – UNITÉ 2
Piste 7
Bonjour Emmanuel Moreau.
• Bonjour Mathilde Munos.
Un petit village marocain est passé de la précarité à l’autonomie
alimentaire. Comment ? Grâce à la technique de la permaculture.
• Eh oui, en seulement deux ans, Mathilde, le petit village de
Brachoua est devenu célèbre pour avoir mené, avec succès, une
transition écologique et sociale. Situé dans les montagnes à 50 km
au sud-est de Rabat, Brachoua a longtemps été considéré, Mathilde,
comme un village sinistré, sans eau courante, ni électricité. La
précarité de ses 60 familles était aggravée par le manque d’activité
économique qui poussait les hommes à aller travailler à la capitale.
Mais en 2013, ses habitants décident de réagir : ils se regroupent au
sein de l’association Agriculteur Moderne et se mettent à chercher
des solutions pour dynamiser leur village et y assurer l’autonomie
alimentaire.
Et comment s’y prennent-ils ?
• Eh bien, pour eux modernité ne riment pas nécessairement avec
technologie de pointe. Au cours de leurs recherches, ils tombent
sur l’Association environnementale Ibn Albaytar (AIA) basée à
Rabat, qui fait visiter à une petite délégation une ferme biologique
en permaculture, cette forme de culture qui mélange différentes
techniques inspirées de la nature. Les villageois sont séduits
par ce qu’ils découvrent et mettent immédiatement en place un
plan d’action pour se former à ce mode de culture. Ils s’entourent
d’experts pour acquérir les bases théoriques et pratiques.
En deux ans, 40 familles se mettent à cultiver leurs potagers selon
cette méthode.
Et ils ont récolté suffisamment de fruits et légumes.
• Cette première phase a permis d’assurer une certaine abondance
dans la production alimentaire, mais elle n’était pas suffisante
pour générer des revenus pour le village. Les habitants ont alors
développé de nouvelles filières pour valoriser leurs produits
du terroir. Au lieu de vendre poulet, œufs, pain et couscous au
souk avec une très faible marge, ils ont constitué des paniers
gastronomiques et vendu directement en ville une fois par semaine.
Les femmes du village ont également créé leur coopérative de
fabrication de couscous. La dynamique était lancée… Depuis, le
village étant de plus en plus visité, les habitants ont aménagé des
circuits de randonnée. Brachoua accueille maintenant jusqu’à
250 randonneurs par week-end !
Piste 8
Le rat des villes ou le rat des champs. Qui ne connaît pas cette fable
de La Fontaine ? En effet, pendant longtemps, il a fallu choisir entre
la vie urbaine et la vie rurale. Mais, cette séparation ville-campagne
TRANSCRIPTIONS
COMPRÉHENSIONDES
DE ENREGISTREMENTS
L'ORAL DELF
n’est plus aussi nette depuis l’apparition de projets urbains
pour végétaliser les villes. Vous l’avez certainement remarqué,
les villes se sont mises au vert. Murs végétaux, plantation
d’arbres, installations de nouveaux jardins, de nombreuses
municipalités ont compris les bienfaits de la nature pour lutter
contre les effets du réchauffement climatique. On le sait, rien
de tel qu’une forêt d’arbres pour faire baisser les températures.
Il y a donc un intérêt écologique primordial dans ce processus,
mais il y a un autre avantage : le lien social. Dans toute la France,
des quartiers entiers se mobilisent autour de jardins collectifs
dont l’entretien permet à des gens de tous horizons de se
rencontrer. Attention, végétaliser un mur ou un toit peut coûter
très cher, il convient donc de choisir des plantes nécessitant
moins d'entretien que les fleurs habituellement plantées dans
les parcs. Qui dit fleurs, dit… abeilles. Même si l'apiculture n'a
jamais vraiment quitté les villes, on assiste depuis le milieu
des années 2000 à un retour massif de cette pratique dans
beaucoup de grandes villes. Paris, bien sûr, bourdonne déjà
de millions d’abeilles, mais aussi Montréal, où on compte
aujourd'hui près de 700 ruches, entretenues par des citoyens ou
des apiculteurs urbains sensibles au maintien de la biodiversité
par la pollinisation. Notons qu’en ville les abeilles produisent un
miel exceptionnellement bon, car il contient les saveurs de fleurs
décoratives qu’on ne trouve pas dans les campagnes. Pour les
gastronomes qui nous écoutent, quoi de meilleur, avec un peu
de miel, qu’un bon fromage de chèvre ? Les animaux de la ferme
sont aussi de retour dans les villes, et cela porte un nom :
l’écopâturage, une technique qui consiste à entretenir les espaces
verts grâce aux animaux qui broutent. À Bagnolet, en banlieue
parisienne, Gilles Amar promène son petit troupeau de chèvres
dans la ville pour les faire brouter. À La Courneuve, Julie-
Lou Dubreuilh et Guillaume Leterrier, deux bergers urbains,
accompagnent leur troupeau de moutons deux fois par jour dans
les parcs de la ville. Les exemples comme ceux-ci se multiplient,
car l’écopâturage est une façon d’éviter les pesticides, tout en
faisant gagner du temps aux agents d’entretien et en rendant
la ville plus agréable aux habitants. Ils se rencontrent autour
des animaux et s’y intéressent. Des pelouses longtemps
abandonnées deviennent alors de vrais lieux d’échange ! Enfin, il
y a l’aspect éducatif pour les enfants. Au-delà de la connaissance
pure des espèces animales, les enfants sont directement
sensibilisés à la biodiversité. Alors, le rat des villes et le rat des
champs… les deux en même temps !
Piste 9
Comme sa copine Achoucha, comm sa voisine Hafsa, comme
sa cousine Fatéma, comme des centaines de filles de son
quartier, Malika s’en alla décortiquer les crevettes dans l’usine
hollandaise installée dans la zone franche du port. Des camions
frigorifiques y apportaient chaque jour des tonnes de crevettes
cuites pêchées en Thaïlande et passées par les Pays-Bas où on
les traitait pour la conservation. Arrivées ici, de petites mains
avec des doigts fins les décortiquaient jour et nuit. De là, elles
repartaient vers une dernière destination où on les mettait
en boîtes de conserve avant de les déverser finalement sur le
marché européen. À Tanger, les filles étaient payées une misère.
Même avec la meilleure volonté du monde, rares étaient celles
qui arrivaient à dépasser les cinq kilos. Malika, en tout cas, n’y
était jamais arrivée. Elle rentrait le soir avec une cinquantaine de
dirhams maximum, qu’elle remettait aussitôt à sa mère. Elle se
plaignait sans cesse d’avoir froid. Et ses doigts étaient devenus
quasi insensibles.
Piste 10
• La chronique conso de Sabine Patural… Aujourd’hui, le filon
régional dans la grande distribution.
Nous sommes de plus en plus locavores. On le sait, manger
local ça permet de manger plus sain, en polluant moins
et en soutenant l'emploi près de chez soi. Mais le produit
local ou régional est aussi une poule aux œufs d’or pour la
grande distribution. Vous l’avez sans doute remarqué, les
cent soixante-neuf 169
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
hypermarchés jouent la carte du local ; en effet, les produits
régionaux représentatifs d’un terroir et d’une tradition, ont
envahi les rayons de nos grandes surfaces. Pourquoi un tel
succès ? Pourquoi les Français aiment tant ça ?
D’abord parce que la proximité, ça rassure. Dans l'esprit du
consommateur, le produit régional a tout bon. On entend parler
de tellement de scandales industriels que le consommateur est
rassuré par la provenance régionale d'un produit. Et puis, il
y a aussi dans l'achat local une démarche citoyenne. Le client
veut soutenir sa zone d'emploi, il se dit qu’en achetant une
brioche du coin, ça permet à l’usine qui les produit de garder
ses employés. Ensuite, il existe un effet psychologique qu’on
pourrait qualifier d'appartenance à une tribu. Les produits
régionaux ne sont pas tous distribués sur l’ensemble du
territoire. En Alsace, par exemple, le munster Husson est
très réputé, mais il est inconnu dans le reste du pays. Depuis
une dizaine d’années, la chaîne de supermarchés Système U
vend des produits corses en Corse, alsaciens en Alsace et
bretons en Bretagne. Du coup, lorsque les Français voyagent,
ils peuvent découvrir dans leurs supermarchés habituels des
produits qu’ils n’ont pas dans leur région. Donc, les produits
régionaux, ça renforce l’idée d’identité locale, au sein même
des supermarchés, qui ont pourtant tous le même aspect, que
l’on soit à Brest ou à Marseille. Et puis, pour parler d’argent,
les produits régionaux, ça rapporte, parce que ça se vend
comme des petits pains ! À ce jour, ce sont ainsi 60 000 produits
locaux qui sont distribués dans 5 600 magasins Carrefour. En
2011, Intermarché a lancé sa marque Itinéraires des saveurs,
qui a vu son chiffre d'affaires considérablement augmenter
et, selon les experts, ça n’est pas près de s’arrêter ! Pour finir,
notons une dernière tendance. Il vous est certainement arrivé
de trouver un gâteau basque dans un supermarché du Nord.
Quand le produit régional devient... national ! C'est le choix qu'a
fait Carrefour il y a vingt ans en lançant sa marque Reflets de
France, distribuée sur l’ensemble du territoire, et que d’autres
enseignes ont suivi. Pour les experts en marketing, ça permet
d’offrir aux clients un produit qu'il a goûté dans son enfance
ou pendant des vacances, ça joue donc sur l’effet nostalgie ou
dépaysement. On le voit, tout est bon pour vendre et inciter à la
consommation… Donc si vous avez l’impression que la grande
distribution prend les consommateurs pour des vaches à lait,
vous avez peut-être raison…
Piste 11
1. Tu as vu le reportage sur la « ferme des mille vaches » ? Ça
craint comme elles sont exploitées !
2. Depuis que j’achète des légumes bio, je découvre des tomates
aux couleurs chelou !
3. Ma fille est intolérante au gluten, je dois lire toutes les listes
des ingrédients de tout ce qu’on achète, c’est relou.
4. Consommer local ? Moi je veux bien, mais c’est chiant, tu finis
par manger toujours pareil.
5. Avec mon régime, je dois faire attention à tout ce que je mange.
Ça me saoule !
6. Tous ces reportages sur les secrets de l’industrie alimentaire,
ça me gave ! J’ai franchement envie de voir autre chose quand
j’allume la télé.
AUDIO – UNITÉ 3
Piste 12
• Salut, dis-donc, tu es toute belle ! Tu as changé un truc, non ?
Oui, je sors de chez le coiffeur. Je me suis fait poser des
extensions. C’est classe hein ?
• Ouais, pas mal ! Ça te va bien.
Merci. Tu m’as attendue longtemps ? Excuse-moi, y a toujours
plein de gens chez ce coiffeur, il est hyper bavard.
• Oui, je sais.
Ça me laisse le temps de lire la presse féminine, le genre
d’articles que je ne lis jamais, quoi. C’est fou tout ce qui peut
170 cent soixante-dix
s’écrire d’absolument inintéressant dans ces journaux ! J’ai
l’impression qu’ils prennent les femmes pour des débiles.
• Genre ?
Des ragots sur les stars, avec des photos comparatives sur « ces
stars qui se sont fait refaire les lèvres ». Remarque, c’est à te
décourager de te faire refaire quoi que ce soit, parce que les photos
sont assez moches… Moi, la chirurgie esthétique, ça me dépasse.
Je trouve ça assez effrayant.
• Ce qui est surtout effrayant, c’est que les journaux féminins
proposent toujours ce genre d’articles stupides. Faut croire qu’avec
ce genre d’idioties superficielles, les magazines se vendent mieux.
Oui, c’est assez triste. Bonjour l’image des femmes que ça donne…
• Bah, les hommes aussi, dans le genre superficiel... Figure-toi que
mon mec veut se faire épiler au laser !
Mais il est pas poilu, Jonas, si ?
• Si, si, ça se voit pas parce qu’il se rase depuis des années, mais
quand je l’ai connu, c’était un ours.
Mais ça coûte un bras, l’épilation laser, non ?
• Oh tu sais, si c’est lui qui paye, c’est son problème...
Mais tout le corps ? Ou juste le dos ?
• Le dos et les épaules...
Et toi, tu en dis quoi ?
• Je sais pas, c’est son corps. Puis, j’ai déjà fait la gueule quand il s’est
laissé pousser la barbe, alors je peux pas non plus tout critiquer !
Je le laisse faire, mais je pense qu’il va s’en mordre les doigts.
C’est drôle de voir à quel point l’homme moderne est de plus en
plus attentif à son physique.
• T’as raison ! Porter la barbe, aujourd’hui c’est la mode. Au boulot, y
a un type insupportable qui se croit beau depuis qu’il a une barbe.
Je peux plus le voir, il me sort par les yeux !
Le coiffeur m’a rapporté des anecdotes racontées par ses collègues.
Il paraît qu’y a des mecs obsédés, ils se font tailler la barbe tous les
jours chez le barbier ! Ils disent que ça les détend…
• Quand tu penses que pendant longtemps les barbiers avaient
disparu en Europe, on n’en trouvait que dans les pays du Moyen-
Orient ou en Afrique…
Ouais, c’est le retour des petits métiers.
• Carrément ! Aujourd’hui dans les grandes villes, y a presque un
barbier par rue. On dirait qu’ils se multiplient ! Remarque, ils ont
trouvé le bon filon, avec tous ces hipsters, y a de quoi devenir très
très riche !
Ah le business de la beauté ! Au fait, combien il t’a pris ton coiffeur
pour tes extensions ?
• Cher. On y va ? j’ai super faim !
Un japonais, ça te va ?
• Nickel !
Piste 13
1. •  Regarde la crème que j’ai achetée ! C’est un autobronzant
miraculeux.
À mon avis tu t’es fait avoir, c’est un simple lait pour le corps.
2. •  Alors, ça lui a plu, à ta femme, que tu te sois rasé la barbe ?
Tu parles ! Je me suis fait engueuler. Elle préférait avant.
3. •  Tu en fais une tête ! Ça ne va pas ? Tu es tout pâle.
Je viens de voir un type se faire renverser par un vélo.
4. •  Tu as vu Jennifer récemment ?
Non, elle ne sort pas de chez elle depuis deux semaines. Elle s’est
fait refaire le nez, elle attend la cicatrisation.
5. •  Tu ne vas plus au club de sport ?
Non, ça craint. Je me suis fait voler ma serviette et mon gel douche
dans les vestiaires.
6. •  Tu as l’air en colère, ça s’est mal passé ton exposé sur la visibilité
des Noirs à la télé ?
Oui, figure-toi que je me suis fait traiter de raciste ! N’importe quoi.
Piste 14
• Il est 9 h 40 sur France Inter et L’Instant M démarre en trombe.
• Bilal Hassani, personnage queer, dit son homosexualité avec
le sourire, rit de son maquillage, aime ses perruques et s’aime
beaucoup lui-même, ce qu’il est, ce qu’il a toujours été depuis

la petite enfance. Il a même ressorti les photos de famille pour
donner corps à la chanson qui le met demain en compétition pour
l’Eurovision.
• Alors j’en viens à votre personnage à vous, Bilal Hassani, parce
qu’il y a beaucoup de nos auditeurs qui ont pas vu vos vidéos, qui
est aussi super intéressant et extrêmement subtil. Là encore, pas
du tout dans la caricature qu’on imagine si on lit simplement vos
détracteurs. Vous piochez beaucoup dans les attributs féminins,
la perruque je l’ai dit, vous l’avez d’ailleurs ce matin, l’une de vos
perruques, le maquillage, les leggings, les crop tops c’est-à-dire les
petits hauts très… juste sous la poitrine qui laissent apparaître le
ventre, le nombril, etc., en même temps vous n’êtes jamais en jupe,
jamais en talons, vous n’êtes jamais habillé en femme en réalité.
Non, non…
• Ou c’est une autre sorte de féminité ?
C’est une petite part de féminité.
• C’est ça.
En fait c’est pas quelque chose qui pour moi était attribué à la
femme initialement, c’est juste j’étais attiré par ça depuis que je suis
tout petit et j’ai toujours eu un entourage très ouvert, donc comme
ma maman surtout, et m’a jamais donné l’impression que ce que
je faisais, ce que j’avais envie de porter ou ce qui m’attirait était
étrange, bizarre ou hors de la norme. Alors j’ai fait mon parcours
un petit peu tranquillement par rapport à ça, bon malgré tout y a eu
quand même l’école…
• Ce que montre le clip du single.
Oui, voilà, c’est ça.
• Il montre une enfance heureuse et souriante.
C’est ça.
• Il y a quelque chose de très solaire dans ce que vous racontez.
J’ai passé une merveilleuse enfance, après bon évidemment y
a eu le collège, y a eu l’école donc après y a eu, un petit peu, ce
petit blocage, et puis des blocages encore ces deux trois dernières
années, mais donc ouais en fait je pioche un petit peu partout là où
ça me plaît en fait.
• Vous piochez et vous abandonnez aussi, y a plein d’attributs
féminins qui ne vous intéressent absolument pas…
Ouais, absolument pas, non.
• Qui ne sont pas vous en réalité, et je me disais vous ne redéfinissez
pas vraiment les genres, vous redéfinissez les codes de la
masculinité, c’est une autre façon d’être un mec en fait.
Exactement. Voilà, moi je suis un mec qui s’habille un peu comme
il veut, je mets des perruques, je mets du maquillage, après je mets
pas énormément de maquillage, parce que c’est pas quelque chose
qui me plaît et j’aime beaucoup dissocier ce que je fais de l’art du
drag parce que des fois on me dit que je suis une drag queen et je
trouve ça assez irrespectueux envers les drag queens et donc j’ai
invité une drag queen…
• C’est très différent oui.
C’est ça, et donc j’ai invité une drag queen de la scène parisienne qui
s’appelle Calypso Overkill à maquiller sur ma chaîne et ça a bien
montré aux gens qui me regardaient la différence en fait entre moi,
le petit mascara et le gloss que je mets, et toutes ces trois heures de
transformation qu’il y a dans le drag, mais ouais je choisis un petit
peu, un peu de tout quoi !
• Merci beaucoup, Bilal Hassani, bonne chance…
Merci beaucoup.
• À vous et à tous les autres candidats qui commencent le long
parcours de destination Eurovision demain soir sur France 2.
Piste 15
• Luc Ferry, bonsoir.
Bonsoir.
• Philosophe, auteur de La Révolution transhumaniste chez Plon. Ah !
J’ai prononcé le mot transhumaniste, explications de texte s’il vous
plaît. Et réponses de ce fait à Didier.
Alors, pour raconter un peu l’histoire du mouvement. C’est un
mouvement qui est financé pour l’essentiel par Google, qui a créé
en 2008 l’Université de la Singularité dans la Silicon Valley, et puis
après qui a décliné toute une série de filiales, Google Brain par
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
exemple, ou Calico qui veut dire Californian Life Company,
pardon pour l’accent, qui a été créé en 2013 avec 500 millions
de dollars de dotation initiale. Donc Google a investi dans le
projet transhumaniste des milliards de dollars déjà, et le projet
est en effet d’augmenter l’être humain mais ça veut pas dire
grand-chose quand on dit ça a augmenté. Le projet initial c’est
de lutter contre le vieillissement. On a réussi à le faire sur des
petits mammifères comme les souris, sur l’être humain on
en est encore très très loin, mais le projet philosophique, si
on veut parler du projet philosophique qui est derrière, vous
connaissez l’adage « si jeunesse savait, si vieillesse pouvait »,
c’est de fabriquer un jour une humanité qui soit jeune et vieille
à la fois, c’est-à-dire qui ait la splendeur et la vigueur de la
jeunesse et qui ait si possible l’expérience de la vieillesse. Voilà.
C’est ça, en tout cas, un des aspects les plus fondamentaux du
transhumanisme.
AUDIO – UNITÉ 4
Piste 16
Grand bien vous fasse, du lundi au vendredi sur France Inter, à partir
de 10 h.
Bonjour, bienvenue dans Grand bien vous fasse en direct en
podcast et on s’intéresse ce matin au plus beau jour de notre vie,
paraît-il. Quand on a décidé de franchir le pas, le mariage c’est
un jour faste, la fête la plus importante dans les représentations
populaires. Mais comment expliquer que la mise en scène
des noces soit devenue aussi cruciale alors que le mariage ne
symbolise plus forcément le début du couple avec, bien souvent,
une vie de famille qui préexiste à l’événement. Que symbolise
vraiment cette journée exceptionnelle où se marier semble plus
important qu’être marié/e ? Pourquoi les noces se sont-elles
transformées en instrument pour mettre en scène sa puissance
sociale et son individualité, voire son narcissisme ?
Piste 17
• Bonjour, Manon Racz.
Bonjour.
• Collaboratrice de l’émission, vous terminez un mémoire à
Sciences Po Toulouse consacré à une émission télévision qui
met en scène une compétition de mariages.
Oui, savez-vous que la mise en scène de la cérémonie du
mariage est un grand classique des émissions de télévision et la
plus emblématique d’entre elles s’appelle Quatre mariages pour
une lune de miel, c’est diffusé tous les jours de la semaine sur TF1
depuis août 2011.
Quatre futures mariées ont décidé de mettre le plus beau jour de
leur vie en compétition. Pour toutes, un seul objectif : remporter une
incroyable lune de miel.
En presque sept ans, chaque semaine on a vu quatre nouvelles
mariées, appelées les mariées juges, s’affronter, se noter de 0
à 10 dans quatre catégories : le lieu de la réception, le repas,
l’ambiance et, bien sûr, la robe de mariée. Remarquons que l’on
ne note ici que les femmes qui sont donc représentées comme
seules responsables du mariage. D’ailleurs pour les couples que
j’ai pu rencontrer dans mes recherches, autant la volonté de se
marier comme celle de participer à l’émission vient à chaque
fois de la mariée. Mais plus que ce biais de gens, moi ce qui
m’a interpellée dans cette émission, pour que j’y consacre un
mémoire, c’est que l’on voit chaque jour des femmes mettre en
compétition, donc vraiment pure et dure, ce jour qui est aussi
présenté comme la consécration de leur rêve de petite fille. Or,
et c’est d’ailleurs ce que vous écrivez Florence Maillochon, si
aujourd’hui des couples se marient c’est principalement pour
des raisons d'apparat, pour faire une grosse fête qui va servir
de vitrine au couple, et dans l’émission Quatre mariages pour une
lune de miel, on pousse cette fonction à son extrême, puisque les
mariées vont mettre en scène leur mariage pour les caméras
de TF1, en offrant ce jour en pâture, aux commentaires les plus
malveillants de la part des autres mariées juges.
cent soixante et onze 171
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS

Piste 18 les gardiens des bonnes mœurs exigent l’interdiction de la saga.

• En notant ce qui sera considéré comme « le plus beau des De l’autre, le Sénégal est secoué, en ce moment figurez-vous,
mariages », on ouvre la porte à une extrême standardisation de par des manifs dénonçant les violences faites aux femmes et
ce qu’est un mariage réussi. l’indifférence des autorités. Bref, que nous raconte Maîtresse
Alors c’est quoi un mariage réussi justement Manon Racz ? d’un homme marié de cette société ? Mais aussi de son marché
• Alors c’est là que ça devient intéressant, parce que sur toute audiovisuel en plein essor ? (...) Est-ce qu’on peut raconter
une saison de l’émission, les mariages qui gagnent sont en très d’abord, assez simplement on va dire, l’intrigue de Maîtresse
grande majorité les mariages les plus chers, ou les plus chics. d’un homme marié, Hortense ?
Or, les mariées qui s’affrontent ont toutes des budgets très Alors, si intrigue il y a, Sonia, en fait…
différents par semaine, ça va de 4 000 euros à 35 000 euros. On • Oui, ha ha… un peu quand même !
va donc hiérarchiser les mariages selon leur prix et a fortiori, les Ha ha ha ! Maîtresse d’un homme marié est un... allez, on va dire
couples, selon le budget qu’ils consacrent à la cérémonie. ça comme ça, un soap…
ƒ a choisi de faire des jeux originaux, on a vraiment envie
ƒOn • Un soap !
que nos invités s’amusent, qu’ils repartent avec la banane… Une série qui compte les aventures de cinq femmes, parce que
· je vais être intransigeante. Si on commence à partir dans
·Là, ça c’est le point de départ, c’est une série créée par une femme
des jeux côté, « tourner les serviettes, faire la chenille », c’est pour des femmes.
vraiment pas pour moi. • Oui, oui.
• Comme ce qu’on vient d’entendre, l’émission est parsemée de Donc…
petites phrases illustrant un certain mépris social à propos des • Qui s’appelle Kalista Sy.
mariages qui vont avoir un buffet et non un service à table, un Kalista Sy, la scénariste. Lalla... donc je vous donne le prénom
gâteau simple plutôt qu’une pièce montée. Et on entend assez des cinq...
régulièrement des sorties comme « ça fait camping, ça fait • Allez-y.
cantine » ou encore « on ne joue pas dans la même catégorie ». Lalla, Marème, Djalika, Dior et Racky.
Et le plus grave pour moi, c’est que cette norme d’un beau • Ouais.
mariage va être intériorisée par les mariées qui, elles-mêmes, Donc, ce sont cinq femmes, cinq Dakaroises, puisque donc le
ont un budget très restreint. Donc celles-ci, elles vont par contexte c’est évidemment Dakar, hein, capitale du Sénégal où
exemple donner une très bonne note pour une décoration vivent ces femmes qui ont des professions diverses, qui sont
d’une autre candidate, une déco qu’elles ne pourront de toute actives et qui sont, en fait, en quête d’amour.
façon pas se payer. Et elles vont sanctionner encore une autre • Une série qui aborde frontalement…
candidate qui va faire quelque chose qui ressemble davantage La polygamie !
à leur mariage. Et on va assister à une sorte d’humiliation et • La question de la polygamie, on va en reparler. Il y a aussi une
d'auto-humiliation sociale, ce qui est une des bases de beaucoup working girl qui subit les violences de son mari alcoolique, il y a
d’émissions de téléréalité, mais là on le fait à propos d’un jour aussi une femme traumatisée par un mariage forcé, il y a aussi
qui devrait rester, selon la formule, le plus beau de notre vie. Racky qui a subi un viol, alors là où moi j’en suis dans la série
Piste 19 on sait pas exactement encore qui l’a violé, mais à mon avis, on
De bonnes raisons, chanson d'Alex Beaupain, 2007. va savoir, et on s’aperçoit qu'en face de ça, il y a des personnages
Ton feu nourri de questions m'aimer d’hommes qui sont très phallo, très stéréotypés alors qu’on a
sur le pourquoi du comment pourquoi te les donner ? des personnages de femmes puissants en réalité.
de mon coeur et ses raisons Mon petit ange Oui.
ne trouve pas de répondant voudrait que je chante ses • Et complexes.
Je ne manque pas louanges Si vous interrogez Sonia, les spectatrices de cette série, au
de bonnes raisons pour t'aimer Gloria Sénégal notamment, ou donc dans la diaspora, beaucoup
Je ne vois pas Ma sainte relique vont vous dire que ça dépeint la réalité, le vécu de la femme
pour quelles raisons te les demande son cantique des sénégalaise donc dans son rapport notamment avec son
donner ? cantiques homme, où il faut être dans l’ultra-séduction à chaque fois pour
Mes bonnes raisons pour Alléluia le garder, et c’est vraiment très très marqué au Sénégal.
t'aimer Peut-être est-ce pour ton odeur Piste 21
pourquoi te les donner ? ta façon de t'endormir • Emmanuel Macron qui nourrit aussi votre histoire du monde,
Est-ce ta jolie paire de fesses peut-être aussi pour ta soeur Anthony Bellanger.
la peur de la solitude ton argent ou encore pire Mais oui.
le hasard et la paresse Je ne manque pas • Hier toute la journée la presse anglo-saxonne a scruté les
ou une mauvaise habitude pourquoi les taire ? signes de complicité ou de fâcherie entre le président français et
Je ne manque pas De bonnes raisons pour t'aimer Donald Trump.
pourquoi les taire ? Je ne vois pas Et pour tout dire ça fait, ça fait un an et demi que ça dure, les
De bonnes raisons pour t'aimer pour quelles raisons te les médias américains et britanniques sont fascinés parce qu’ils
Je ne vois pas donner ? appellent, vous savez la bromance entre les deux présidents.
pour quelles raisons te les Mes bonnes raisons pour Alors qu’est-ce que c’est qu’une bromance ? D’abord c’est un
donner t'aimer mot-valise qui télescope brother, frère, et romance, donc une
des bonnes raisons pour Pourquoi te les donner ? bromance c’est une complicité presque amoureuse entre frères,
Piste 20 mais on parle bien de frères à l’anglo-saxonne, vous savez les
• Allez, il est 9 h 40 passé de 30 secondes sur France Inter, soyez « bro », « Hey bro », en clair c’est une affaire testostéronée.
les bienvenus dans un nouvel Instant M. C’est un papier du Les bromances ça sent la bière, les fléchettes et les blagues
Monde Afrique qui nous a alertés, le Sénégal divisé, sens dessus douteuses, le sport en commun et les virées étudiantes.
dessous à cause d’une série télé, ça méritait d’être regardé. • On est très loin de La Maison Blanche et de l’Élysée tout de
On s’est précipité pour découvrir quoi ? Un soap opera aux même.
caractères féminins ultra-trempés, une sorte de Desperate Ha ha, c’est vrai, mais l’entente entre Macron et Trump
Housewives assez cru et intitulé Maîtresse d’un homme marié. est tellement improbable, l’un américain et septuagénaire,
Tatata ! Et voici que la télévision aborde frontalement ces l’autre européen et quadragénaire, l’un nationaliste, l’autre
questions de sexualité hors mariage et de polygamie. D’un côté,

172 cent soixante-douze


internationaliste, qu’elle a laissé les commentateurs sans
autres explications qu’irrationnelles. Les Britanniques, par
exemple, sont fascinés par la docilité de Donald Trump aux
attouchements très français d’Emmanuel Macron. C’est dans
le Sunday Express de Londres, c’était hier, ils n’en revenaient
pas que Trump se laisse toucher les genoux, voir la cuisse
sans broncher. Ça les agace d’autant plus qu’ils sont censés
entretenir une « special relationship », une relation spéciale
avec les États-Unis. Or c’est Emmanuel Macron et pas Theresa
May qui a ramassé la mise, cette préférence ne peut s’expliquer
évidemment que si elle est irrationnelle.
Piste 22
• J’ai donc voulu reprendre les choses depuis le début pour
refaire pas à pas le chemin de l’amitié. Retournons à ce qu’il se
passe dans ces premiers moments où l’amitié se noue.
Tu peux être mon ami ?
• Comment on devient amis ? Saverio Tomasella, le
psychanalyste, m’a expliqué qu’il y avait trois scénarios
possibles.
La première façon, c’est le coup de foudre.
• Le coup de foudre amical, ça, je vois très bien ce que c’est. J’ai
rencontré une de mes meilleures amies comme ça. C’était un
jour de rentrée scolaire, je devais avoir 23 ans. J’arrive dans un
amphi de 500 personnes plein à craquer et je cherche une place
pour m’assoir pas trop au fond, pas trop au milieu, pas trop
devant et mes yeux tombent sur une fille que je trouve hyper
impressionnante. Je la trouve belle, elle a un style bien à elle,
elle se démarque et elle porte au poignet droit une manchette en
argent très large qui lui prend presque la moitié de l’avant-bras.
J’ai descendu les marches de l’amphi et je lui ai demandé si la
place à côté d’elle était libre. Je lui ai dit qu’elle avait un super
beau bracelet et voilà, depuis, on est amies.
La deuxième façon plus classique, peut-être beaucoup plus
répandue aussi, c’est le fait de se voir régulièrement, soit tous
les jours à l’école ou au travail et petit à petit de sentir que
l’autre est intéressant, qu’on a envie d’en savoir un peu plus,
que finalement on le trouve bien sympathique, ou il y a des
choses qui nous intriguent et qui stimulent notre curiosité
et petit à petit une relation différente de la première relation
beaucoup plus banale, beaucoup plus basique, une relation
plus amicale se développe et progressivement cette amitié va
se conforter comme étant juste, comme étant une bonne idée et
correspondant aux deux personnes. Donc ça, c’est la façon la
plus classique d’entrer en amitié.
La troisième façon que j’ai découverte concernant le fait de
commencer une amitié est surprenante, mais néanmoins
elle existe c’est la confrontation, c’est-à-dire la rencontre est
très rapidement un conflit, une bagarre, une joute verbale ou
un débat qui fait rage ou une négociation quant ça se passe
dans le domaine du travail et à l’issue de ce conflit ou de cette
confrontation on se rend compte que finalement l’autre a de
grandes qualités malgré le désaccord qui a fait naître ce conflit.
Ça nous donne une espèce d’assurance que puisqu’on a connu
la personne dans une situation difficile, dans une situation
tendue qui demandait de s’exposer, ben finalement on sait à qui
on a à faire.
• Et dans ces trois manières de tomber en amitié, qu’est-ce qu’on
sait de l’autre ou en tout cas de notre relation avec l’autre qui
soit le point commun de ces trois manières extrêmement
différentes de tomber en amitié ?
Le point commun de ces trois façons de tomber en amitié c’est
le désir, c’est-à-dire que notre désir se manifeste d’une façon
passionnée et immédiate ou de façon très progressive ou par la
colère, la révolte ou le combat. Il n’empêche que l’autre devient
intéressant, suffisamment intéressant pour stimuler ma
curiosité et que je sens que quelque chose peut être intéressant
même voir important du point de vue de la relation. Quelque
chose d’unique que je n’ai pas avec d’autres où je vais peut-être
pouvoir aller plus loin dans cette relation-là.
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
Piste 23
• Aujourd’hui, exceptionnellement, on va faire de la publicité,
mais par pour une marque, non ! Pour la SPA et le meilleur ami
de l’homme ! Dites-nous-en plus, Valérie !
Oui, on voulait partager avec vous des messages envoyés à la
SPA de Genève. Mais pourquoi écrire à la SPA, me direz-vous ?
Eh bien, parce que, comme vous le savez, à l’approche des
départs en vacances, chaque année des milliers d’animaux sont
abandonnés au bord des routes. Heureusement, la SPA est là
pour les accueillir temporairement, le temps que vous veniez
les adopter. Alors, pour vous encourager à le faire, la SPA a
demandé aux « nouveaux parents », entre guillemets, d’écrire
une déclaration d’amour à leur animal, l’objectif étant bien sûr
d’inciter les gens à adopter un animal. Écoutez…
ƒ on m’avait dit un jour que je rencontrerais mon amie la plus
ƒSi
fidèle à la SPA, je ne l’aurais pas cru. Et pourtant, c’est là que
tu m’as séduite, Fifi, avec tes grands yeux. Ces neuf dernières
années, nous en avons traversé des épreuves toutes les deux,
et tu m’as toujours soutenue, tu as été là pour moi. Je t’en suis
reconnaissante ! Ah, si seulement tu pouvais comprendre à
quel point ! Ton enthousiasme me redonne le sourire, nous
étions faites pour vivre ensemble !
· SPA m’avait prévenu que mon quotidien allait changer avec
·La
toi. Ils m’avaient même dit qu’il faudrait me mettre au sport !
C’est vrai que tu as une énergie incroyable et que nos longues
promenades en duo ont complètement changé mon quotidien.
Merci pour tous ces moments passés tous les deux, tu es si
affectueux et joueur. Même si parfois tu es jaloux de mes amis,
je te pardonne, parce qu’un chien comme toi, c’est que du
bonheur !
Mon gros matou, mon complice. Tu lis dans mes pensées. Tu
me connais mieux que personne. Quand je suis triste, tu viens
me faire un calin et me changer les idées. Chaque fois que je
suis devant l’ordi, tu viens te coucher sur le clavier ou tu passes
devant l’écran la queue en l’air, fier, pour me signifier que tu es
là. Merci d’être un si gentil compagnon. La vie serait triste sans
toi, tu es le plus doux et le plus facile à vivre du monde.
AUDIO – UNITÉ 5
Piste 24
Le groupe Pharaon emploie aujourd’hui plus de 2 000 personnes
dans 14 pays, dans des domaines aussi variés que le secteur
pharmaceutique, l’assurance et le commerce. Ce groupe libanais
fête cette année ses 150 ans. L’évolution du groupe, fondé par les
frères Mikhaël et Raphaël Pharaon, à Beyrouth, est inséparable
des bouleversements économiques et géopolitiques qui ont
marqué le Liban.
C’est en 1868 que l’histoire de l’entreprise commence avec le
commerce de la soie, à une époque où la demande des industries
européennes augmente fortement, et où l’ouverture du canal
de Suez renforce les échanges entre le Liban et l’Europe. En
1877, grâce à leur première usine de fabrication de la soie, les
frères Pharaon s’imposent parmi les acteurs principaux dans
ce secteur. Mais leur ambition ne se limite pas à l’industrie. Les
deux frères diversifient leurs activités, d’abord dans le secteur
bancaire en 1882 avec la création de la banque Pharaon et Chiha,
puis dans le commerce du charbon.
La deuxième génération des Pharaon commence à se retirer
du commerce de la soie en 1912 avant son effondrement au
lendemain de la Première Guerre mondiale. Bien que la région
soit durement touchée par le conflit mondial, l’entreprise
continue de se développer. En parallèle du commerce du
charbon et des services financiers, elle se lance dans les services
portuaires et dans l’assurance.
En 1943, l’indépendance du Liban marque le début
d’une nouvelle ère, celle du commerce et de la société de
consommation. L’entreprise s’engage alors dans la distribution
cent soixante-treize 173
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
de produits pharmaceutiques et électroménagers. À partir de
1965, le groupe crée une société anonyme qui importe, distribue
et commercialise la gamme complète des produits Frigidaire.
Avec la chute de l’URSS et l’accélération de la mondialisation,
de nouvelles opportunités se créent et le groupe Pharaon se
tourne vers l’international. Le pôle pharmaceutique part à la
conquête des marchés de l’Est, en créant notamment une filiale
en Roumanie en 1995, puis se développe en Asie centrale et en
Afrique.
Aujourd’hui, le groupe Pharaon symbolise à la fois la modernité
d’un groupe mondialisé et l’esprit d’initiative d’une famille
libanaise, qui n’a jamais cessé d’entreprendre depuis le milieu du
xixe siècle.
Piste 25
• Vous venez de répondre à une offre d’emploi et vous êtes peut-
être en train de croiser les doigts pour que le téléphone sonne
avec à la clé un entretien d’embauche. Alors croisez les doigts
si vous le voulez mais ne croisez pas les bras en tout cas parce
qu’un entretien d’embauche ça se prépare. Sophie Proust, aidée
par des recruteurs, vous nous donnez la recette d’un entretien
d’embauche réussi.
Avec plaisir et surtout avec pour commencer les conseils
d’Alexandre De Gennaro, auteur du guide Entretien d’embauche,
comment faire la différence ?. Alors je l’ai tout de suite mis dans le
bain en fait, en lui proposant d’appliquer ses propres conseils et
de se présenter comme à un entretien d’embauche.
ƒ
ƒBonjour, effectivement, donc mon nom est Alexandre De
Gennaro. Je suis spécialisé dans le recrutement depuis, a peu
près, plus de six ans. J’ai eu la chance durant ces six années de
pouvoir travailler avec des candidats à différents niveaux, de
l’étudiant qui cherche son premier emploi jusqu’au cadre qui
cherche un nouveau challenge et également dans différentes
industries, donc c’est là que j’ai pu recruter pour des domaines
variés comme la construction, l’horlogerie, le domaine de
l’industrie en général, le tertiaire, le bancaire, donc ça m’a
permis, toutes ces expériences, d’écrire un petit guide pratique
très simple, très concis, qui permet à un candidat de se
préparer de manière simple et rapide avec des exercices, c'est la
grande différence par rapport aux guides qui existent.
Ok, alors vous ne m’avez pas parlé de vos qualités et défauts,
c’est pourtant un des conseils que vous donnez dans votre livre,
alors évidemment comme on ne cherche pas à vous embaucher
ce matin, vous avez contourné la question. Vous proposez
en fait de lister certains points, notamment les qualités et les
défauts. C’est toujours valide ça ?
ƒ
ƒAlors ça c’est une question, les trois qualités et défauts, c’est
une question classique d’entretien d’embauche mais on ne
demande plus à un candidat de donner trois qualités et trois
défauts. Ça se fait encore, hein, il faut s’y préparer mais ça va
être plus, un peu plus subtil, en vous demandant « Qu’est-
ce que vous aimez dans ce poste ? Qu’est-ce-que vous aimez
moins faire dans ce poste ? ». Là encore il faut se poser la
question « Quelles sont les tâches que j’aime le moins ? » et
« Comment je vais l’expliquer que je les fais de toute façon
bien dans mon poste, malgré que je les aime moins ? ». Donc
vous mettez le recruteur en confiance quand vous lui donnez
un vrai défaut, une vraie chose à améliorer et que vous lui
expliquez pourquoi vous savez que c’est un défaut, comment
vous pouvez l’améliorer et comment vous travaillez avec tous
les jours. Pareil pour une tâche que vous aimez bien, donc
c’est une occasion pour vous de vous mettre en avant aussi,
malgré tout. C’est clair que si vous venez en disant « Je suis trop
perfectionniste », ça c’est un défaut qu’on entend tout le temps
en entretien, qui fait un peu rire le recruteur, et le recruteur
va sûrement rebondir en vous disant « Mais alors, mais bon
pour moi c’est pas vraiment un défaut, est-ce que vous en avez
d’autres à me donner ? ». Ça vous met un peu en difficulté ou si
vous avez un défaut qui est une qualité en fin de compte, il vous
174 cent soixante-quatorze
dira « Mais est-ce que c’est vraiment un défaut ? ». Donc finalement
c’est juste une histoire de préparation.
• Mais est-ce que le candidat doit lui aussi penser à des questions
à poser concernant son futur poste ou alors les projets de
l’entreprise ?
Écoutez, je crois que c’est même essentiel. Alexandre De Gennaro
donne deux raisons. La première c’est de savoir tout naturellement
où on va mettre les pieds et puis, deuxièmement, et ça c’est très
important, montrer aussi qu’on s’intéresse à l’entreprise.
ƒ double raison de préparer des questions c’est que ça va aussi
ƒLa
montrer votre intérêt à l’interlocuteur parce qu’il va aussi se
dire : « La personne qui ne me demande pas, qui ne me pose
pas certaines questions sur l’entreprise, elle n'est pas forcément
intéressée, elle s’y intéresse pas forcément. » Par rapport à d’autres
candidats qui vont le faire vous allez manquer une opportunité de
montrer votre motivation.
Donc quel type de question on va poser ? Parce que, entre l’intrusif
et puis « je cherche des informations pour savoir si ce poste me
convient », c’est quoi la limite ?
ƒ
ƒAlors justement c’est vrai qu'il faut, y a une petite limite, faut
faire attention en fonction du type d’entreprise, dans quel
environnement elle est, y a des entreprises qui sont beaucoup
plus secrètes que d’autres. On sait que si on est dans le bancaire
ou l’horlogerie, c’est quand même des domaines un peu plus
plus secrets où on dit pas forcément tout… Alors moi, ce que je
vois souvent dans les questions et je trouve qui sont des bonnes
questions, c’est des questions sur comment va être le poste,
comment va être la manière de travailler dans l’entreprise,
comment l’entreprise travaille au quotidien. « Est-ce que vous
travaillez dans un open space ? Est-ce que vous avez votre
bureau ? ». Ça peut être énormément de choses sur l’atmosphère
de travail. Alors moi, je pense que les meilleures questions c’est
vraiment celles qui vont définir le cadre de travail, les objectifs
que vous allez avoir, quels sont les objectifs de la société sur les
cinq ou dix prochaines années. Je pense qu'à partir du moment
où vous vous préparez à un entretien, vous allez vous donner les
chances de faire la différence par rapport aux autres candidats.
Beaucoup de candidats se préparent pas ou se préparent mal,
et ce que je dis toujours c’est qu’il faut raconter une histoire en
entretien, pas inventer une histoire mais faut raconter son histoire
et faut la raconter un peu comme sous forme d’une histoire, un peu
pour que justement le recruteur soit transporté, le recruteur vous
fasse confiance. Si vous avez préparé, vous savez où vous allez.
La préparation aussi vous évite, vous empêche d’être trop stressé
et vous évite aussi d’être bloqué sur certaines questions. En vous
préparant vous allez être prêt à faire face à ces questions sans les
avoir préparé une par une.
Piste 26
Travailler, chanson de Magic System, 2014
Dans la vie Mon ami il faut prier
Y a pas de sous-métiers Un jour ca va aller
Quel que soit ce que tu fais Travailler… (refrain)
Il faut te donner à fond Si tu as ton petit boulot
Travailler il faut travailler Il faut te prendre au sérieux
Travailler il faut travailler pour Tu commences petit à petit
réussir Un jour pour toi va sortir
Travailler travailler il faut Faut jamais te décourager
travailler Car chaque chose a son temps
Travailler il faut travailler pour Dans la vie on ne sait jamais
réussir Travailler… (refrain)
Avant toute chose il faut croire Olivier Kapo n'est pas né
au destin millionnaire
On se pose la question C'est son petit ballon là
Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu Qui l'a pris au sérieux
S'il t'a donné la santé Pourtant avant, avant
Le reste c'est une histoire de Les gens avant se moquait du
temps petit là

Voila qu'il a bossé Tes enfants doivent aller à l'école
Aujourd'hui il a marqué Il faut travailler pour réussir
Travailler… (refrain) Tu dois être respecté
Ta famille compte sur toi Tu dois travailler pour réussir
Il faut travailler pour réussir Mais avant de travailler
Y a pas de sous-métiers Il faut travailler pour réussir
Tu dois travailler pour réussir Travailler… (refrain)
Piste 27
« Tu sors d’une famille riche ? Nan. Tu as hérité ? Nan. Bah alors comment
t’as fait ? Et c’est là qu’il m’a expliqué ce qu’était le frugalisme. »
« Le frugalisme : travailler moins pour vivre mieux quitte à gagner moins.
Ce mouvement touche en premier les classes moyennes et surtout les classes
supérieures. » « Les frugalistes se moquent bien de la réussite sociale. Ce
qu’ils veulent c’est quitter le monde du travail le plus tôt possible. » « Mon
objectif prioritaire, c’est quoi ? C’est partir à la retraite avant 40 ans. »
« C’est un petit peu des stratèges dans leur quotidien. Ce sont des individus
qui se sont servis de tout ce qui existait dans notre société, que ce soit des
placements financiers, des placements immobiliers, des rentes pour pouvoir
vivre comme ils le souhaitent. » « L’idéologie du culte de la performance
comme réussite sociale est en train de disparaître. »
• « Cher patron je pars, non je ne démissionne pas, je pars à la
retraite. Oui je sais je n’ai que 35 ans.» C’est peut-être le genre de
conversation que vous fantasmez le matin face au miroir ou sur
le chemin du bureau. Pour certains ce n’est plus un fantasme ni
une utopie mais une réalité. Ces retraités précoces on les appelle
les frugalistes. Un choix de vie séduisant dans nos sociétés où le
vivre-mieux résonne toujours plus fort, mais est-ce une tentation
durable ou marginale ? On va tenter de le voir jusqu’à 9 h avec Marc
Menichini.
Bonjour.
• Didier Bonvin…
ƒ
ƒBonjour Yann.
• Et notre invitée Fanny Prise, bonjour.
·
·Bonjour.
• Commençons par le commencement, Didier Bonvin, le frugalisme
ça nous vient d’où ?
ƒ
ƒComme toutes les nouvelles tendances dans la consommation, ça
viendrait des États-Unis et là c’est plutôt de l’anti-consommation.
Le frugal vise une sobriété heureuse, de bons placements et ainsi
une retraite le plus tôt possible avant la quarantaine. En ce qui me
concerne, c’est raté, je suis déjà trop vieux. Les frugalistes ont aussi
un livre de chevet Financial Freedom, La liberté financière de Gisela
Enders, un livre rempli de témoignages comme celui de Christian
Rich, alors je ne sais pas si c’est un pseudo, mais M. Rich a en tout
cas fait fortune dans l’immobilier. Il y a encore Alex qui a atteint
le liberté financière grâce aux dividendes, un bon actionnaire cet
Alex, sans oublier Brendon un jeune retraité de 34 ans. Alors, au-
delà de cet ouvrage fondateur, c’est une tendance de fond. Les best-
sellers sur Amazon en liberté financière se vendent par millions.
C’est peut-être aussi là le secret pour une retraite dorée, vendre des
montagnes de livres sur le sujet, et comme on est cool, en anglais,
on ne parle pas de frugalisme mais de FIRE pour « Financial
Independence, Retire Early ». L’indépendance financière et la retraite
tôt. FIRE c’est bien plus sexy que frugalisme.
• Bon et comment on fait pour arriver à ce FIRE ou à ce frugalisme ?
ƒ
ƒAlors il y a des méthodes, en gros elles se ressemblent toutes.
Il faut d’un côté épargner au maximum tout en faisant de bons
investissements pour créer un revenu passif. D’un autre côté,
réduire les coûts de la vie. Pas de logement, pas de voiture, pas de
loisir onéreux, pas de voyage exotique, pas de resto, bref une vie
un peu ennuyeuse si vous voulez mon avis. Tout cela est résumé
par Mr. Money Mustache, le blog de référence. Je vous cite l’extrait,
c’est magique : « Il s’avère que la méthode pour devenir riche c’est
de dépenser beaucoup moins que vous ne gagnez. C’est la seule
méthode », dit-il.
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
AUDIO – UNITÉ 6
Piste 28
• Beaucoup de personnes sont à l’œuvre pour créer les parfums
de luxe. Or, un parfum doit aussi avoir un nom. J’adore, Eau
Sauvage, Scandal sont des noms indissociables des odeurs et
de leurs univers graphiques. Notre invité, Jérémie Chabat, est
un professionnel du naming, c’est comme ça qu’on désigne le
processus de création et de choix d’un nom de marque. Alors
Jérémie, on fait comment pour ne pas rater un naming ?
Eh bien Léa, dans le naming, il y a certaines règles à respecter
pour éviter le flop. D’abord, le nom doit être libre. Ça arrive
d’avoir un nom qui sonne bien, cohérent avec le parfum et la
marque, mais que... patatras, on ne peut pas l’utiliser parce qu’il
a déjà été déposé par un groupe concurrent à l’Institut national
de la propriété industrielle. Souvenez-vous du fiasco d’Yves
Saint Laurent en 1993 avec Champagne, un mot qu’il n’avait pas
le droit d’utiliser et qu’il a dû changer.
Parfois, le nom de la marque ou d’un grand couturier suffit, et
il n’y a rien à ajouter. Mais dans d’autres cas, il faut trouver un
mot, une expression qui inspire et crée un univers évocateur.
Le nez Francis Kurkdjian a dit un jour qu'il trouvait plus
compliqué de trouver un nom que de faire un parfum. C’est
un métier où il faut avoir beaucoup de culture et de talent. Il
faut lire beaucoup, connaître des langues, être curieux. On
peut avoir des idées de génie, mais le goût de la poésie et une
certaine prédisposition pour les jeux de mots, ça aide beaucoup,
vu qu’on est parfois amenés à créer des acronymes, des
anagrammes…
• Oui… Par exemple ?
Le plus célèbre, c’est Amarige, de Givenchy, qui est l’anagramme
de mariage. Une idée géniale. Quand on fait une trouvaille de
ce genre, c’est fantastique, mais parfois on est confrontés aux
caprices et aux superstitions des créateurs. Par exemple, depuis
le triomphe de son parfum Angel, Thierry Mugler veut que tous
ses parfums commencent par un A et contiennent cinq lettres.
• À propos de cinq, le nom de parfum le plus célèbre au monde
n’est même pas un mot… mais un chiffre. Pourquoi ?
La légende raconte que le parfum correspond au cinquième
échantillon présenté à Coco Chanel par le parfumeur Ernest
Beaux, en 1921. Depuis, la maison Chanel multiplie les chiffres
dans ses noms, et les succès de ventes. Parfois, la simplicité
suffit…
• C’est compréhensible par tout le monde…
Oui, mais vous savez, à l’étranger, le label made in France fait
toujours fureur. Bien sûr, il faut que le mot soit compris de
tous, comme J’Adore ou La Vie est Belle. Ces noms de parfum
sont devenus culte, parce qu’ils sont faciles à dire. Un parfum
impossible à prononcer par un étranger serait un échec garanti,
indépendamment de la beauté de son flacon ou de son odeur.
Je doute qu’on appelle un parfum « oiseau » par exemple…
• Il y a d’autres règles à respecter ?
Un bon nom, comme un personnage de série, est un nom
déclinable à l’infini. Regardez la saga du Gaultier pour homme :
Le Mâle eau de Cologne, Le Mâle essence de parfum, Le Mâle
eau tonique, L’Ultra Mâle, Le Beau Mâle… Mais la règle la
plus importante, c’est de ne pas choquer. On croit parfois être
original, mais il y a des choses à éviter. Par exemple, un mot
poétique comme Aurore est impossible à utiliser, car il évoque
pour tous les Québécois le prénom d’une petite fille maltraitée
par ses parents et morte en 1920.
• En effet, c’est délicat… Mais alors, pour finir, quel conseil vous
donneriez à un débutant ?
Avec des noms de fleurs ou de couleurs, qui appartiennent au
domaine public, en général vous réussissez votre coup. C’est
pas très original, mais ça marche…
Piste 29
• Mamie, tu m’aides à faire mon exposé d’histoire ? Le prof nous
a demandé d’interroger les femmes de nos familles. On doit
parler de l’évolution de la condition de la femme.
cent soixante-quinze 175
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
C’est intéressant. Tu es en train d’enregistrer là ?
• Oui, j’ai la flemme de prendre des notes. On commence avec ta
grand-mère ? Elle faisait quoi ?
Ma grand-mère était femme au foyer. Mais elle brodait. Elle
avait commencé très jeune, vers 12 ans, à une époque où
les filles devaient savoir coudre, cuisiner, repasser, faire les
lessives et aller au lavoir, où elle rencontrait d’autres femmes
et échangeaient les nouvelles... Je l’ai toujours vue en train de
broder. D’ailleurs, ses draps sont encore empilés dans mes
armoires. Je me souviens de ses vielles mains travailleuses… Il
me semble que c’était hier.
• C’était quand ?
Fais le compte, j’avais 10 ans, et je suis de 1949, donc c’était avant
1960.
• Et ta mère ?
Maman était mercière, elle tenait une petite boutique avec sa
sœur à Nîmes. Elles vendaient de la laine, des boutons, du fil et
des aiguilles. Tu sais qu’avant, on apprenait à coudre à l’école ?
• Sérieux ?
Oui. Mais aujourd’hui c’est fini. Les mères ne transmettent plus
rien.
• Oh, mais t’inquiète, c’est la mode du vintage et du fait main, ça
reviendra bientôt !
Je ne serai plus là pour le voir.
• Bon, et la mercerie de ta mère ?
Ma mère s’occupait de la vitrine. Il fallait faire preuve
d’imagination et de beaucoup de goût pour attirer les clients.
Quand je revenais de l’école, j’adorais découvrir ses nouvelles
créations. Il y avait un petit atelier derrière le comptoir, et ma
tante qui était couturière y effectuait des retouches à la main et
confectionnait des robes, parfois même des robes de mariée. À
mes yeux de petite fille, c’était une merveille de voir la robe se
constituer petit à petit sur le mannequin, tu penses bien. Qui
sait encore coudre du « sur mesure » ? La mercerie n’existe plus,
Maman est au cimetière...
• Eh, tu ne vas pas pleurer, hein ?
Non, non, on continue…
• Et toi, tu faisais quoi ? Maman m’a dit que tu voulais être
chanteuse ?
Oui, j’ai même passé les auditions pour les chœurs de l’opéra.
Mais ma grand-mère pensait que c’était pas un métier
convenable pour une jeune fille. Du coup, je suis devenue
sténodactylo, un travail dont on ne parle plus depuis l’arrivée
de l’informatique. Pourtant, dans les années 1970, la profession
était très recherchée chez les jeunes filles.
• Ça consistait en quoi comme métier ?
À écrire très vite à la main et taper très vite à la machine. On
occupait des postes de secrétariat chez les avocats, les médecins,
les chefs d’établissement. On apprenait la prise de notes en
sténographie, un système de petits signes incompréhensibles
et les techniques pour taper avec les dix doigts. Je peux te dire
qu’après toute une matinée de prise de notes en sténo, c’était
pas facile de se relire et de retranscrire le tout dans un français
parfait et sans fautes.
• C’est la classe ! Ça te sert toujours ?
Tous les jours ! J’utilise encore la sténo quand je prends des
notes, et je tape toujours avec mes dix doigts quand j’écris un
mail. C’est dommage de ne plus enseigner ces techniques. Ça te
servirait à toi aussi ! Tu n’aurais pas besoin de m’enregistrer.
• En fait, au fur et à mesure, les femmes sont passées de la
machine à coudre à la machine à écrire.
Je n’y avais jamais pensé. Mais oui, un peu. Même si ma mère
m’a transmis aussi ce savoir-faire-là. Je sais coudre !
• Tu m’apprendras ? Maman, elle sait pas.
Oui, profite, tant que je suis vivante. Ta mère n’a jamais voulu
apprendre. Elle préférait les livres. C’est la première femme de
la famille à exercer une profession intellectuelle, sans utiliser
ses mains. Tiens, tu pourras lui dire ça, à ton prof d’histoire...
176 cent soixante-seize
• Ah ouais, c’est cool ça ! Il va trop kiffer.
Et toi, tu veux faire quoi ?
• Je sais pas, il paraît qu’avec la révolution numérique, 85 % des
emplois du futur n’existent pas encore.
Alors ça, moi, ça me dépasse.
Piste 30
1. Ma mère m’a fait une robe absolument magnifique pour mon
mariage. Elle a des doigts de fée.
2. Mon grand-père avait des mains en or, il construisait des meubles
géniaux avec des outils super simples.
3. Excuse-moi, mais tu es sûr de vouloir monter ton meuble Ikea
tout seul ? Avec tes deux mains gauches ?
4. Tu as encore cassé une assiette ?! Mais c’est pas possible ! Tu as
vraiment des mains pleines de pouces.
5. Elle interdit à son mari d’entrer dans son atelier de poterie. Il casse
tout, c’est un éléphant dans un magasin de porcelaine.
6. Je ne veux pas monter en voiture avec lui, j’ai trop peur, il conduit
comme un manche.
7. Elle a ouvert une pâtisserie, elle a le tour avec les gâteaux !
Piste 31
• C’est dimanche et c’est l’heure de Bav(art)dages, bonjour Julien
Baldacchino.
Bonjour Clotilde.
• On rappelle le principe de cette chronique : chaque semaine vous
donnez la parole à un chef-d’œuvre de l’histoire de l’art pour une
interview exclusive. Aujourd’hui vous recevez un tableau majeur
de l’art du XIXe siècle.
Oui, c’est le Déjeuner sur l’herbe signé Édouard Manet en 1863 qui
nous a fait l’honneur d’avoir quitté le musée d’Orsay quelques
minutes pour nous rejoindre en studio, bonjour.
ƒ
ƒBonjour, faites vite, j’ai des visiteurs qui m’attendent au musée.
Alors cette scène de repas champêtre… bon OK, on va faire vite on
va pas tourner autour du pot, vous avez fait scandale à cause de
votre représentation au premier plan, d’une femme nue.
ƒ pas n’importe quelle femme. Quand les premiers critiques m’ont
ƒEt
découvert dans les années 1860, ils étaient à peu près tous d’accord
pour dire que la femme nue au premier plan c’était une prostituée.
• Surtout deux femmes nues, deux hommes habillés, ça fait
beaucoup de possibilités. À l’époque, y avait de quoi faire scandale
non ?
ƒ n’est pas ça qui a choqué le public, madame.
ƒCe
• C’est quoi alors ?
ƒ
ƒRien d’autre que la manifestation de l’hypocrisie des hommes de
ce siècle-là. Quand Édouard m’a peint, les femmes nues ça courrait
les musées et les salons. Mais il y avait une différence entre moi et
tous les autres. Une seule différence. Dans tous les autres tableaux,
quand il y avait une femme nue c’était une déesse, une créature
mythologique, en tout cas pas une humaine comme vous et moi,
enfin comme vous et vous. Moi je représente une femme de la vraie
vie avec des imperfections. Et la situation : ces deux hommes, ce
panier renversé, une autre femme qui prend son bain au fond, tout
ça laisse supposer qu’ils ont déjà consommé. Il est impossible de
me regarder sans penser aux sous-entendus.
Sans compter que la femme que vous représentez regarde
attentivement le spectateur.
ƒ
ƒElle met le spectateur bourgeois face à lui-même. Imaginez que
vous êtes client régulier d’une prostituée…
On va… imaginer.
ƒ
ƒVous allez au musée tranquillement un dimanche après-midi
avec votre épouse peut-être et là, surprise ! Vous tombez sur une
prostituée qui vous regarde fixement sans vous lâcher du regard
comme si elle savait tout.
• On peut supposer le malaise, oui.
Et la critique justement à l’époque où vous êtes créé, elle n’est pas
très tendre avec Manet à cause de sa façon de peindre.
ƒ
ƒOui c’est vrai, Manet commençait déjà à peindre comme un
impressionniste et ça ne plaisait pas. Mon décor au fond est tout
juste esquissé, je n’ai pas de dégradés mais des contrastes entre

tons clairs et ton foncés…
Ce qui ne vous a pas empêché de devenir l’un des tableaux les plus
fameux de l’histoire de l’art, en tout cas un des tableaux majeurs du
tournant vers l’art moderne, c’est un petit peu l’ironie du sort.
ƒ
ƒOui, et ça peut… non ça doit vous faire réfléchir. Les artistes
contemporains dont tout le monde dit qu’ils sont mauvais
aujourd’hui seront peut-être les génies de demain.
• Merci Le Déjeuner sur l’herbe pour cette leçon, on vous laisse
regagner votre place au musée d’Orsay. Merci à vous Julien,
on se retrouve la semaine prochaine. D’ici là évidemment sur
Franceinter.fr, merci aussi à Joséphine Draï qui a prêté sa voie au
tableau du jour.
Piste 32
• Dans la rubrique Des cases et des bulles, aujourd’hui, Olivier, vous
nous parlez de Bruxelles, de manga et de meurtre, n’est-ce pas ?
C'est un fait divers sordide survenu à Bruxelles qui a inspiré cette
BD de Yann Le Pennetier, publiée chez Casterman. Souvenez-vous,
en 2007 un cadavre avait été retrouvé par une jeune femme dans
le parc Duden. Depuis 2012, Le Tueur aux mangas est une série
d’album de BD où fiction et réalité se télescopent. Dès les premières
pages de l’album, on plonge dans la réalité de 2007. Dans un parc
de Bruxelles, la jeune Zoé fait une découverte macabre : un tronc
humain sur lequel on a gravé quelques mots de japonais… Elle
prend le cadavre en photo sur son téléphone mobile, mais au lieu
de s’adresser à la police, elle se lance dans une enquête avec le
Bruxelles Detective Ritual, un club de détectives amateurs qu’elle a
créé avec une bande de copains un peu geeks. Très vite, les lycéens
identifient une première piste : le texte japonais trouvé sur le corps
peut se traduire par « Je suis Kroko » : exactement la phrase-culte
que prononce régulièrement le méchant de Lethal Pencil, un manga
japonais très apprécié des jeunes enquêteurs. Je ne vous en dis pas
plus, mais si j’ai choisi de vous parler aujourd’hui de cet album pas
très connu, c’est qu’il combine plusieurs points forts.
D’abord les amateurs d’enquêtes policières y trouveront leur
compte. Grâce au rythme de la narration, on est emporté par
l’intrigue et l’enquête des adolescents. Leur langage, leurs
connaissances issues d’Internet et des séries télévisées, leur façon
de confondre fiction et réalité en font des personnages tout à fait
crédibles. Mais l’aspect le plus séduisant de cette BD réside pour
moi dans les dessins. Malgré des planches aux couleurs inégales,
le trait réaliste du dessinateur Lanquet est très efficace pour
donner vie aux décors urbains de Bruxelles. La place qu'occupe la
ville dans l'album est en effet bien plus importante que celle d'un
simple décor. Chaque case est truffée de références bruxelloises
très actuelles... Seul regret, on aurait adoré que les planches
représentant des extraits du manga Lethal Pencil soient dessinées
dans le style japonais et non dans l’esthétique de la BD franco-
belge. L’histoire se prêtait bien, à mon sens, à un mélange des deux,
histoire de réconcilier définitivement Tintin et Dragon Ball.
Piste 33
• C’est le plus grand festival de photojournalisme au monde avec 24
expositions et plus de 1 000 photos à découvrir, le festival Visa pour
l’image se tient à Perpignan jusqu’au 15 septembre prochain et c’est
l’occasion dans Franceinfo junior de demander à un photographe
de nous parler de son travail. Bonjour. Vous allez répondre Alain
Keler, aux questions d’Emma, Aurélia, Marck et Quentin qui ont
entre 7 et 11 ans et Estelle Faure leur a demandé ce qu’ils aimaient
faire comme photos, écoutez…
Ben moi je prends des personnes, je prends mon frère, des fois je
prends le salon, des fois des trucs jolis.
ƒ
ƒDes selfies, des souvenirs, le paysage, bah ça dépend, des fois y a la
mer donc on prend la mer.
• Qu’en pensez-vous Alain Keler, est-ce que tout peut être sujet à
photographie ?
·
·Oui, bien sûr et c’est la magie de la photographie. Emma elle a tout
à fait raison on peut prendre la mer, on peut prendre les montagnes
et moi je recommanderais aux jeunes photographes de prendre
beaucoup les personnes de leur famille, leurs parents, leurs frères
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
et leurs sœurs parce que ça leur fera des souvenirs absolument
extraordinaires un peu à la manière des anciens… albums de
famille où on peut retrouver des personnes qui ont disparu,
qu’on n'a jamais connu et c’est toujours des… c’est toujours des
souvenirs merveilleux.
• Quentin…
Comment il faut faire pour faire une belle photo ?
·
·Comment il faut faire pour faire une belle photo ? Alors d’abord
faut appuyer sur le bouton et ensuite je crois qu’il faut avoir
un… choix un peu artistique, faut savoir que si on veut prendre
un paysage on le prend d’une certaine manière et pas d’une
autre. Alors c’est un peu une réponse de Normand que je fais, y
a pas de… y a pas de vraie… manière de faire une bonne photo,
c’est, c’est le cœur qui fait la photo, voilà. On fait ce que notre
cœur nous dit et ce que nos yeux voient.
• Une question d’Emma…
Les photographes quand ils travaillent, il travaillent, c’est une
seule personne qui travaille pour faire une photo ou elle a des
personnes qui l’aident à prendre une photo ?
·
·Alors ça dépend quel genre de photographie. Si c’est un
photographe de mode, il a des assistants, si c’est un reporter
comme moi, je travaille seul et je préfère travailler seul. Le
photographe qui travaille est un solitaire. Le photographe de
mode, le photographe de publicité travaillera avec une équipe
de nombreuses personnes autour de lui pour l’éclairage, pour le
maquillage, pour… les vêtements, pour faire la mise en scène.
• Racontez-nous un petit peu comment ça se passe justement
quand on est photojournaliste. On va sur un événement et puis
on se balade ? On cherche… des bonnes photos ?
· photographe est un chat et il est toujours en train de
·Le
rechercher une proie. Quand je suis sur un événement, bien
entendu, les… images viennent directement à vous. Quand il
ne se passe rien j’aime beaucoup marcher et en marchant… en
marchant c’est là qu’on réussi à trouver des images, des scènes
de vie, des… Faut toujours être prêt de toute manière, avoir
l’appareil à la main et… regarder, voilà. Le photographe doit
avoir de bonnes jambes et de bons yeux.
• Merci beaucoup pour vos conseils et vos trucs Alain Keler,
merci également à France Bleu Roussillon d’avoir assuré
le duplex. Je rappelle que Journal d’un photographe, votre
exposition Alain Keler est donc visible à Visa pour l’image, à
Perpignan jusqu’au 15 septembre prochain. Merci beaucoup
d’avoir été avec nous dans Franceinfo junior.
Piste 34
1. T’as vu la dernière saison d’Engrenages ? J’ai adoré, elle est trop
mortelle cette série !
2. Moi, l’actrice qui joue l’avocate, elle m’énerve ! Je peux pas la
voir en peinture !
3. Le dernier film de Tarantino est ultra violent, y a des scènes
où les personnages pissent le sang.
4. Je sais pas comment vous faites pour aimer Game of Thrones ?
Pour moi, y a que du cul et de la violence, je comprends pas que
ça cartonne autant.
5. Tu l’as vue l’expo photos sur les massacres d’animaux ? C’est
horrible ! Faut avoir le cœur bien accroché.
6. Il faisait tellement chaud dans le musée que j’ai failli tomber
dans les pommes.
7. J’aime pas les histoires de zombie, ça me fait flipper.
8. Moi, je ne peux pas regarder de film d’horreur. Ça me fout la
gerbe.
AUDIO – UNITÉ 7
Piste 35
• « Celui qui n'a jamais senti la pluie se moque des nénuphars »,
a dit Paul Eluard. Nénuphar avec un « f »ou « ph »? De vive(s)
voix, Chantal Lorho. Bienvenue à tous, nous avons le plaisir
d’accueillir aujourd’hui Muriel Gilbert, bonjour.
Merci de me recevoir.
cent soixante-dix-sept 177
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
• Vous êtes correctrice au journal Le Monde et vous publiez Un
bonbon sur la langue à la Librairie Vuibert. C’est un recueil des
chroniques sur la langue française que vous présentez sur
RTL le week-end. C’est drôle, érudit et plein d’astuces. À qui
s’adresse votre livre ? Aux traumatisés de la dictée ? À ceux qui
sont fâchés à mort avec l’orthographe ?
Peut-être à eux d’abord, parce que j’ai envie de les réconcilier,
leur faire partager mon amour et mon plaisir de manier la
langue, mais aussi à tous ceux qui l’aiment déjà, évidemment.
• Alors je reviens sur le mot « nénuphar » qui m’a servi
à introduire l’émission. Ce mot illustre bien l’étrangeté
du français puisque jamais un mot n’a changé autant
d’orthographe au fil des siècles.
Oh je suis pas sûre qu’il en est… que ce soit le record, mais en
tout cas effectivement il y a une histoire assez rigolote avec
nénuphar qui est que, dans tous les dictionnaires depuis que
les dictionnaires existent, c’est-à-dire depuis la création de
l’Académie française on va dire, dans tous les dictionnaires,
nénuphar c’est écrit avec un « f » jusqu’à 1935 en fait, et en 1935
l’Académie française a décidé, dans sa grande magnanimité,
de rendre à nénuphar son « ph » qui viendrait du grec. Or
l’Académie s’est trompée parce que nénuphar vient de l’arabe, et
donc n’aurait jamais dû s’écrire avec un « ph », je pense. On dit
que l’Académie s’est trompée avec nymphéa qui vient du grec
et qui prend un « ph », voilà. Alors, en tout cas depuis 1990 et la
dernière réforme de la langue française, on a le droit aux deux,
aux deux graphies, « ph » ou « f ».
• Et vous, vous préférez laquelle ?
Alors moi je suis une conservatrice, je suis très tolérante, mais
en même temps je suis vraiment une vraie conservatrice et donc
j’aime le « ph » c’est un peu bête puisque je sais que la graphie
normale, la graphie, qui est légitime, c’est un « f » mais comme
j’ai appris avec un « ph », ben j’ai un peu tendance à vouloir
continuer de l’utiliser.
• Alors dans votre livre vous reconnaissez d’emblée que le
français est une langue compliquée. Est-ce qu’elle est vraiment
plus difficile à apprendre que les autres langues ?
Je pense pas. C’est une langue compliquée, et il y a beaucoup de
langues compliquées. Il y en a peut-être qui sont plus simples
mais le chinois est très compliqué, l’arabe est très compliqué,
l’allemand avec ses déclinaisons est infernal, donc... mais toutes
les langues sont compliquées, et la nôtre en particulier bien sûr.
En fait, ce qui est compliqué, c’est que quand vous croyez avoir
fini d’apprendre une langue, et bien elle change ! Parce que c’est
une langue vivante, donc elle change, on change les lois, on
change les règles ou bien la rue décide de changer, et puis il faut
réapprendre, réapprendre sans arrêt.
• Alors vous, ce qui vous séduit dans le français ce sont ses
bizarreries, ses règles alambiquées et les innombrables
exceptions qui confirment la règle, c’est ce qu’on apprend à
l’école. Vous en parlez comme de friandises à savourer d’où
le titre de votre livre Un bonbon sur la langue, un titre un peu
provocateur peut-être ?
Non, c’est pas provocateur, pas du tout ! Ça parle, ça parle du
plaisir et du goût de la langue effectivement, je trouve que la
polysémie sur « langue » est très jolie en français, le fait que
la langue ça soit la langue que l’on parle et que ce soit aussi la
langue, ce muscle, cet ensemble de muscles d’ailleurs qui se
baladent dans notre bouche, qui a une grande souplesse et puis
qui nous permet de communiquer.
Piste 36
• Bonjour Luc Plauzat. Comme chaque mercredi, on vous
retrouve pour votre billet d’humeur sur la vie palpitante d’un
prof de français. Et donc aujourd’hui, vous voulez défendre un
temps qui ne sert à rien ??? Expliquez-nous…
Oui, bonjour Cécile. En effet, c’est la question du jour : le passé
simple est-il un temps inutile ? Bon, ce n’est pas nouveau, ça
fait un siècle que cette sempiternelle question revient dans nos
178 cent soixante-dix-huit
discussions. Ce que j’entends le plus, c’est l’argument suivant :
comme plus personne n'utilise le passé simple à l’oral, il ne
sert à rien, alors supprimons-le ! Paresseux que nous sommes !
Certes, on ne l’utilise qu’à l’écrit, mais n’est-il pas charmant
avec ses formes désuètes et son accent circonflexe ? Est-ce l’oral
qui décide de ce que nous gardons de notre langue ? Écrivons-
nous comme nous parlons ? Eh bien non ! Le passé simple est
un temps de l’écrit, celui de la littérature et des contes. Par sa
forme, il donne de la vitalité au récit en l'éloignant du présent.
Alors, le fait de le remplacer par le passé composé n’a aucun
sens car chaque temps a sa propre saveur. Depuis quelques
années, certaines maisons d’édition rééditent des œuvres de
littérature jeunesse en supprimant ce temps pour « faciliter la
lecture ». Que cet argument est démago, et surtout irrecevable !
Sous prétexte de ne pas mettre les élèves en difficulté, il
faudrait qu’on simplifie la langue en limitant l’apprentissage
des conjugaisons ? Voilà encore une preuve qu'on prend nos
enfants pour des idiots ! C'est vers l'excellence qu'il faut les
amener. Arrêtons de nous en prendre au passé simple et
laissons-le vivre !
• Merci Luc Plauzat. À la semaine prochaine pour un autre billet
d’humeur.
Piste 37
Complainte amoureuse, poème d’Alphonse Allais
Oui dès l'instant que je vous vis
Beauté féroce, vous me plûtes
De l'amour qu'en vos yeux je pris
Sur-le-champ vous vous aperçûtes
Mais de quel air froid vous reçûtes
Tous les soins que pour vous je pris !
Combien de soupirs je rendis !
De quelle cruauté vous fûtes !
Et quel profond dédain vous eûtes
Pour les veux que je vous offris !
En vain, je priai, je gémis,
Dans votre dureté vous sûtes
Mépriser tout ce que je fis ;
Même un jour je vous écrivis
Un billet tendre que vous lûtes
Et je ne sais comment vous pûtes,
De sang-froid voir ce que je mis.
Piste 38
De vive(s) voix, Chantal Lorho.
• Bonjour, bienvenue, Le français est à nous ! Petit manuel
d’émancipation linguistique, c’est le livre décapant que publient
aux éditions La Découverte nos deux invitées : Laélia Véron,
bonjour.
Bonjour.
• Vous êtes docteure en langue et littérature française, maîtresse
de conférences en stylistique à l’université d’Orléans et
enseignante en milieu carcéral. Maria Candea, bonjour.
ƒ
ƒBonjour.
• Vous êtes docteure en linguistique française, maîtresse de
conférences à l’université Sorbonne Nouvelle et cofondatrice de
la revue Glad consacrée aux recherches sur le langage, le genre
et les sexualités. Est-ce que Le français est à nous ! est un livre de
combat pour faire taire les conservateurs, les réactionnaires, les
passéistes, les puristes, qui jugent la langue française en péril,
Laélia Véron ?
Oui je pense qu’on peut dire ça, en tout cas c’est un ouvrage
qui s’insurge explicitement contre cette vision de la langue
française et cette vision de ce que ces gens appellent la défense
du français, mais qui est en réalité une vision du français
complètement mythique, des fois complètement mensongère.
Nous, on a voulu montrer que aimer la langue, la défendre, ce
n’est pas... ça peut être tout simplement la parler, la connaître, la
connaître dans sa richesse, dans sa diversité.

Piste 39
• Maria Candea, pourquoi est-ce que les débats récurrents autour
de la langue sont-ils aussi passionnés en France ?
Justement il y a une longue tradition des puristes. Je pense
qu’ils ne se tairont pas après notre livre, par contre ce que nous
on aimerait, c’est que les autres qui n’osent pas parler prennent
la parole. Donc peut-être qu’on n'arrivera pas à faire taire les
grincheux, ceux qui tiennent ce discours aussi ancien comme
une ritournelle, en fait on est habitués, on est habitués à ce
que des gens disent que la langue est en danger, que les gens
abîment la langue, ce qui est quelque chose de vraiment très
toxique et effectivement les débats sont passionnés mais tant
mieux, tant mieux qu’ils soient passionnés. C’est pas ça qui…
c’est pas contre la passion des débats qu’on s’insurge, c’est
plutôt contre l’acceptation qu’il y a de ces discours qui sont en
fait ringards, scandaleux, sans aucune base scientifique et,
vraiment, qui enlèvent du pouvoir aux gens.
• Qu’est-ce que ces débats disent de la société française, Laélia
Véron ?
Ah, le problème c’est que souvent, justement, ces débats ont
des sous-entendus politiques mais qu’ils sont pas explicitement
exprimés. Par exemple, quand des gens prétendent défendre la
langue française, souvent ça va être un prétexte pour attaquer
des cibles pour des raisons politiques. Je prends l’exemple
d’Alain Bentolila qui répand une intox.
• Qui est un linguiste.
Qui est un linguiste, hein, et qui répand une intox, et il le sait
très bien que c’est une intox d’ailleurs, en disant que certains
jeunes n’auraient que 400 mots de vocabulaire. Alors, il n’a
aucune étude scientifique pour le prouver, c’est quand même
dommage quand on est un linguiste. Et au contraire, d’un point
de vue scientifique, c’est absolument faux parce que c’est le
vocabulaire d’un enfant de 2 ans ! Et s’il fait ça, s’il dit ça, c’est
pour des raisons politiques parce que derrière, derrière cette
étiquette un peu floue de « jeunes », il vise la catégorie floue des
jeunes de banlieue, et ça permet du coup de donner du grain
à moudre à des discours politiques qui vont stigmatiser une
certaine partie de la population, en disant qu’en gros tous les
maux sont de leur faute. Tous les maux au sens m-a-u-x pour le
coup.
Piste 40
• Alors le moins qu’on puisse dire, c’est que vous n’êtes
pas tendre avec l’Académie française, que vous qualifiez
d’institution d’opérette. Vous l’égratignez tout au long de votre
livre. Maria Candea, pourquoi détestez-vous autant l’Académie
française ?
Premièrement, parce qu’elle ne sert à rien, mais ça c’est pas
une raison de détestation, c’est un constat. Et deuxièmement,
parce que les gens ne savent pas qu’elle ne sert à rien, et donc
elle a un rôle nocif. En fait, elle empêche les gens de penser la
langue et de s’emparer de ce chantier de réflexion collectif qui
est nécessaire, parce qu’ils pensent qu’elle le fait, qu’elle fait ce
travail. Mes étudiantes et étudiants de première année de lettres
pensent que l’Académie conseille les équipes de rédaction des
dictionnaires du Larousse ou du Robert par exemple, ce qui est
bien sûr complètement faux. Donc, ils pensent que vraiment
l’Académie fait quelque chose, alors que ça fait à peu près un
siècle qu’elle ne fait plus rien. C’est une institution de l’Ancien
Régime, qui coûte en plus très cher, qui a un budget colossal
par rapport au fait que son dernier dictionnaire complet date
de 1935, donc vraiment c’est une institution qui ne produit pas
d’outils et qui…
• La nouvelle édition est en cours depuis 1986.
Normalement elle est en cours depuis 1935, depuis la
publication de l’ancien, mais en fait ils n’avaient absolument
pas travailler à la nouvelle version. Donc en fait, entre 35 et 84,
visiblement, ils n’ont rien fait du tout, c’est en 84 qu’ils se sont
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
vaguement remis à la neuvième édition. Donc, si on attendait
les dictionnaires de l’Académie, on aurait tout simplement pas
d’outils de régulation de la langue, donc ce serait dramatique.
Donc on pense qu'il faudrait qu’à un moment donné du point
de vue symbolique qu’on ose dire les choses, qu’on ose dire que
cette institution est nocive, qu’on n'en a pas besoin et qu'on a
tout ce qu’il faut comme commissions, comme équipes, comme
spécialistes pour réguler la langue, et qu’il faut faire ce travail de
réflexion commune dans la francophonie et non pas en France
parce que le français n’appartient pas à la France.
Piste 41
• La langue française serait-elle une langue archaïque, élitiste et
sexiste qu’il faudrait moderniser ? Ou bien au contraire, serait-
ce une œuvre d’art précieuse qu’il faudrait préserver ? Autour
de la table, deux invités pour débattre de cette question. Victor
Luzé, professeur de linguistique et chercheur à l’Université
de Montréal, et Madeleine Orbin, formatrice de professeurs à
l’Université du Québec à Chicoutimi. Monsieur Luzé, on vous
entend régulièrement dans les médias, quel est votre problème
avec la langue française ?
Écoutez, je n’ai pas de problème avec la langue française,
j’ai un problème avec son orthographe qui est, me semble-
t-il, excessivement difficile et déconnectée de l’oral ! Nous
devons apprendre le fonctionnement d’une langue et d’une
orthographe extrêmement compliquées, c’est trop !
ƒ ne suis pas d’accord. Il suffit de comprendre l’origine
ƒJe
des mots pour savoir comment ils s’écrivent, ce n’est pas si
compliqué !
Tout le monde n’est pas comme vous madame Orbin ! Il y a
plein de gens qui ne s’amusent pas à feuilleter les dictionnaires,
c’est un passe-temps de lettrés et de linguistes !
ƒ que vous dites là, c’est de la démagogie ! Pour vous, seule
ƒCe
une élite intellectuelle s’intéresse à l’histoire de notre langue,
c’est complètement faux ! Tous les locuteurs sont attachés à
leur langue, ils savent qu’elle est le résultat de son histoire, et
c’est aussi pour cela que beaucoup ne souhaitent pas que son
orthographe change.
C’est peut-être vrai pour les Français, je vous l’accorde, mais je
ne suis pas sûr que ce soit l’opinion de tous les francophones !
Pour en revenir au sujet, il suffirait de tolérer plusieurs
manières d’écrire un mot, dont celle qui se rapproche le plus de
la phonétique.
ƒ
ƒPourquoi vouloir simplifier à tout prix ? La langue évolue, sans
qu’on ait besoin d’imposer de nouvelles règles d’orthographe.
On est au moins d’accord là-dessus, il faut laisser l’évolution
de la langue à ses locuteurs. C’est bien pour cela que je parle de
tolérance et non pas de réforme.
• Passons si vous le voulez bien à la féminisation de la langue.
Excusez-moi, mais je parlerais plutôt de démasculanisation
de la langue si vous me le permettez. Au Moyen Âge, les noms
de métier féminins, comme par exemple « autrice », existaient,
on les a supprimés plus tard pour des raisons politiques... Les
femmes n’avaient pas le droit d’exercer de nombreux métiers,
on a donc éliminé ces noms de profession au féminin.
ƒ
ƒC’est tout à fait vrai. Mais, il est important de conserver les
règles du français classique.
C’est incroyable, nous sommes au xxie siècle et il faudrait
utiliser le masculin pour parler de la profession d’une femme ?!
Prenons l’exemple de « chauffeur de taxi » : nous pouvons le
féminiser sans difficulté et dire « chauffeuse de taxi ». La langue
est vivante et doit s’adapter aux besoins, même si l’Académie
française prétend que c’est incorrect !
ƒ
ƒOui, mais si on change tout, la langue va perdre de sa richesse,
ce sont les règles et l’histoire de notre langue qui la rendent si
belle. Vous voudriez absolument tout réformer ?
Mais oui, certainement ! Notre langue doit s’adapter à notre
société et à nos besoins comme je vous l’ai déjà dit. Pourquoi
cent soixante-dix-neuf 179
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
voulez-vous toujours tout conserver ?
ƒ ne crois pas que l’on puisse imposer la féminisation. Au
ƒJe
Québec j’ai l’impression qu’on s’est précipités sur le sujet
pour paraître moderne, tenez, on va dire professeure car c’est
dans l’air du temps, mais en fait, les femmes ont bien d’autres
combats à mener avant celui-là.
• Pour conclure, qu’est-ce qu’il faut faire avec la langue française ?
La laisser respirer ! Je ne suis pas contre les normes, ce sont des
repères, je suis pour plus de tolérance et de flexibilité ! On aime
la langue française, chacun à notre façon !
ƒ qu’il faut faire, c’est consacrer plus de temps à
ƒCe
l’enseignement des bases à l’école pour s’approprier les règles
et s’en amuser…
Piste 42
1. Oh là là, il y avait une énorme grève à l’aéroport ! Du coup, il y
avait plein de monde, c’était la galère pour passer le contrôle des
douanes, ça m’a pris 45 minutes… J’ai failli rater mon avion !
2. Je comprends bien le sujet de production écrite du DELF B2.
Par contre, je galère pour écrire 250 mots !
3. Les formules mathématiques, les équations, tout ça, j’y
comprends rien du tout ! Pour moi, c’est du chinois !
4. Ce qui est difficile avec le passé simple, ce sont les
terminaisons ! J’ai du mal à les mémoriser, j’en bave !
5. Les cours commencent dans deux semaines et je n’ai pas
trouvé de logement sur le campus universitaire, c’est chaud !
6. J’adore cette appli, elle te dit si les produits cosmétiques que
tu achètes sont nocifs ou pas. En plus, elle est hyper fastoche à
utiliser !
7. Ma nouvelle cheffe est cool, chaque fois que je propose
quelque chose de nouveau dans mon service, ça passe crème !
8. J’ai demandé une augmentation de 10 % à mon patron. C’est
passé comme une lettre à la poste, il a accepté sans négocier.
9. Regarde, j’ai eu une super note à l’examen du B2. J’suis trop
content, je l’ai eu les doigts dans le nez !
Piste 43
• 16 h 08 minutes sur Radio Culture. Les Italiens parlent-ils
vraiment davantage avec leurs mains ? C’est un stéréotype très
répandu que vous avez peut-être déjà entendu vous-même,
pourtant une nouvelle étude réalisée par une professeure de
l’Université de l’Alberta semble démontrer que notre façon de
gesticuler en parlant ne dépend pas tant de notre origine que
de notre façon de raconter des histoires. Pour en parler, nous
sommes avec Peggy Laffont, professeure de psychologie à
l’Université de l’Alberta. Madame Laffont, bonjour.
Bonjour François.
• Alors vous avez tenté de déterminer s’il y a un lien entre
l’origine ethnique et la façon de gesticuler en parlant. Quand on
veut déterminer ça, comment on s’y prend, qu’est-ce que vous
avez fait dans cette étude-là ?
On a demandé à nos participants de regarder un dessin animé
de La Panthère rose et puis après on leur a demandé de raconter
ce qui s’est passé dans le dessin animé, et on les a filmés en train
de parler, donc on a pu coder, ou plutôt analyser, leurs gestes.
• D’autres recherches précédentes avaient déjà démontré
qu’on raconte une histoire de façon différente suivant sa zone
géographique. Il y a des différences qui sont déjà connues.
Exactement. Par exemple, en Chine, on a tendance à raconter
une histoire seulement quand on sait la morale de cette histoire.
Donc quand on connaît l’objectif de l’histoire, quand on sait ce
qu’on apprend de l’histoire comme leçon… Tandis qu’ailleurs,
surtout à l’Ouest, on a tendance à raconter une histoire parce
qu’elle est amusante ou parce qu’on veut illustrer quelque chose,
ou même pour se détendre.
• Et je suppose que, dans les pays occidentaux, on a tendance à
raconter ça de façon plus chronologique, non ?
C’est ça, comme un événement, avec des faits présentés,
expliqués les uns après les autres. Et d’une façon très détaillée
aussi.
180 cent quatre-vingts
Piste 44
1. Auriez-vous l’amabilité de me joindre au 07 45 45 45 ?
2. Eh mec, t’as une clope ? Le tabac est fermé.
3. À quelle heure on se rejoint ce soir ?
4. Marc est en retard, qu’est-ce qu’il fait ? On l’attend ou pas ?
5. Tu veux quoi ? Pizza ou pâtes ? Moi, j’m’en fous, j’aime les deux.
6. Pourriez-vous m'indiquer le petit coin pour dames s'il vous plaît ?
7. Pourriez-vous m’indiquer les toilettes, s’il vous plaît ?
8. Il m'est arrivé une mésaventure très désagréable à Paris, je me
suis fait détrousser dans le métro.
9. Je me suis fait chourave mon sac dans le métro.
10. Chez moi, c'est le merdier, avec mon mec on est en plein
déménagement.
Piste 45
• Au boulot, en famille, entre amis, au resto, chez le boulanger, nos
interactions quotidiennes sont truffées d’expressions comme « je
dis ça, je dis rien ; on va pas se mentir ; y a pas de soucis ; et donc
voilà… ». C’est ce qu’on appelle des tics de langage, ils ponctuent nos
conversations et sont souvent vides de sens. D’ailleurs la plupart
du temps, on les utilise de manière inconsciente, c’est une espèce de
routine de langage. Bien évidemment, nous avons tous nos tics de
langage, conscients ou inconscients, mais c’est chez les autres qu’on
les trouve très agaçants ! Alors, comment apparaissent ces tics,
comment les attrape-t-on ? À quoi servent-ils ? Voici les questions
auxquelles Bernard Niray, notre spécialiste de la langue française,
va tenter de répondre !
En fait, l’apparition de ces tics, comme leur disparition d’ailleurs,
reste un mystère pour les linguistes. On sait qu’ils viennent
probablement du mimétisme, c’est-à-dire, qu’on répète les
expressions qu’on entend à l’excès dans les conversations de notre
entourage personnel et professionnel. Certaines de ces expressions
finissent par intégrer nos propres discours de manière involontaire,
sans qu’on y fasse attention. Et puis, il y a aussi bien sûr un effet
de mode, on s’approprie le langage des médias, des personnalités
politiques ou des gens de la télé.
• Bernard, qu’est-ce que ces tics disent de notre langue ?
Ça montre que notre langue est vivante, qu'elle évolue. Certes, les
tics sont agaçants parce qu’ils prennent beaucoup de place dans nos
échanges, mais ils participent à la cohésion sociale. On se sent faire
partie d’un groupe quand on utilise les mêmes tics, ça crée du lien,
une proximité, un sentiment d’appartenance. Et du coup, ah vous
voyez, ça c’est un tic ! Je dis tout le temps « du coup » ! Je disais donc
que, du coup, avoir des tics de langage peut exclure aussi. Certains
adolescents, par exemple, se distinguent des adultes en utilisant
leurs propres tics, comme « wesh, je te jure » ou encore « j’avoue »
pour dire oui. Ces tics viennent souvent des paroles de la musique
qu’ils écoutent.
• D’accord, ça montre qu’on appartient à une « communauté » entre
guillemets, mais les tics ont-ils d’autres fonctions ?
Dans la conversation, oui. Les tics permettent de garder le lien avec
nos interlocuteurs et d’éviter les silences qu’on trouve si gênants.
C’est pour ça que les « hein ? ; voilà voilà, tu vois ? » ponctuent
souvent nos conversations ! Et puis, les tics, c’est aussi ce qui met du
rythme, de l’expressivité, ça soutient le langage en cas d’hésitation,
les « euh » qui s'éternisent par exemple, c’est le cerveau qui prend le
temps de construire et de structurer sa pensée. Les tics ont un peu
les mêmes fonctions que les gestes, vous voyez ?
• C’est très clair ! Pour finir, vous auriez une explication pour
le tic très à la mode « y a pas de soucis » ? J’avoue qu’il m’agace
particulièrement !
Certains linguistes disent que le tic « y a pas de soucis » serait arrivé
pendant la crise financière de 2008. Il est utilisé pour rassurer son
interlocuteur. Dire à quelqu’un qu’il n’y a pas de soucis, ça veut
certainement dire qu’il y en a un, mais qu’on préfère éviter une
tension ou un conflit. C’est une réponse facile, un peu hypocrite, qui
vous évite bien des soucis ! Mais c’est vrai que quand on commande
un café dans bar et qu’on entend le serveur répondre « y a pas de
souci », c’est vraiment bizarre, parce que, non, y a pas de souci !
• Eh bien, merci Bernard pour tous ces éclaircissements, j’espère que

mes tics ne sont pas trop agaçants. Je ferai désormais attention !
Bonne journée à vous Bernard et à vous aussi chers auditeurs et
auditrices !
Piste 46
• On va parler de francophonie, on va en parler donc avec notre
invitée Leïla Slimani qui représente le président Macron
en matière donc de francophonie, et avec elle nous allons
voir quels sont les chantiers à entreprendre, ceux qu’il faut
terminer et la manière, en tant que romancière et en tant que
lauréate du prix Goncourt 2016. Vous représentez aujourd’hui
le français, son usage, dans le monde. On va écouter un autre
écrivain, Leïla Slimani, Alain Mabanckou, lequel prône une
francophonie de la diversité culturelle contre une francophonie
institutionnalisée.
Le problème de la francophonie c’est aussi l’absence de
cette diversité culturelle. On a toujours l’impression que la
francophonie, c’est le siège de la pensée française, mais il
faut inclure toutes les diversités, toutes les tendances. La
francophonie ce n’est pas seulement la langue française,
c’est aussi les cultures de ces peuples qui ont en partage
l’utilisation de la langue française. Dans la plupart de ces pays
francophones on mise toujours tout sur l’économie ou on pense
toujours que l’économique doit prévaloir sur le culturel, c’est la
plus grande erreur, la plus grande tare de la francophonie, c’est
de magnifier la culture dans les paroles et de l’oublier dans les
actes.
• Votre réaction, Leïla Slimani.
ƒ a totalement raison, je pense qu’il a vraiment… il met le
ƒIl
doigt sur quelque chose qui est essentiel, c’est-à-dire sur la
valorisation de la diversité. Il faut pas penser la francophonie
comme une espèce de chose où la France serait au centre, où
on aurait cet hexagone qui serait central et puis une périphérie,
comme ça, un peu ghettoïsée dans laquelle il y aurait des
artistes qui parleraient français, c’est pas du tout ça. Je pense
qu’aujourd’hui vraiment la modernité de la francophonie c’est
de penser un espace divers, dans lequel cette langue fait lien et
dans lequel il y a des artistes de même qualité, de même force,
et dont la langue finalement permet justement de faire émerger
des artistes qui pourraient avoir du mal. Donc diversité,
décentralisation, il a absolument raison.
• Pourquoi avez-vous accepté cette mission, Leïla Slimani ?
Comment vous êtes-vous dit que finalement vous aviez quelque
chose à apporter à la francophonie et aux Français ?
ƒ
ƒC’est une excellente question, d’ailleurs qu’on m’a jamais posée
mais c’est une excellente question, et j’ai accepté parce qu’un
jour quand je venais te sortir mon livre Sexe et mensonges, j’ai
fait une émission…
• Faut le rappeler…
ƒ
ƒVoilà Sexe et mensonges qui parle de la sexualité des femmes
au Maroc. J’ai fait deux émissions à la suite, une émission
en France et une émission au Maroc. En France je me suis
retrouvée dans une émission avec quelqu’un qui m’a dit :
« Mais pourquoi vous écrivez en français ? Et finalement
vous écrivez en français, mais si vous écrivez sur le Maroc
en français, ça n’a aucun sens », niant complètement le fait
qu’au Maroc il y a une culture francophone et que le Maghreb
est une région du monde plurilingue où l’on parle plusieurs
langues. Et ensuite je suis arrivée au Maroc. De nouveau j’ai
présenté le livre, et je me suis retrouvée face à un journaliste
qui m’a fait le même reproche : «  Mais finalement vous êtes une
colonisée, vous êtes une traître, vous êtes une occidentalisée. »
Et je me suis dit mais c’est quand même incroyable qu’en 2017,
en 2018, on soit obligé encore de se justifier quand on fait le
choix d’une langue et quand on vit dans un monde qui est à ce
point globalisé, ouvert, où on parle plusieurs langues. Moi le
français c’est ma langue et je trouve ça triste qu’on soit encore
dans ces vieux schémas, donc j’ai envie voilà de… de pousser et
de soutenir une vision différente, désidéologisée de la langue,
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
où on peut parler plein de langues en même temps sans avoir
constamment à se justifier, donc je crois que c’est ça qui m’a
vraiment convaincue.
Piste 47
• Je sais que vous avez fait une tournée, Leïla Slimani, pour voir
dans différents pays comment ça se passait. Qu’est-ce que vous
avez appris et constaté sur place ?
D’abord j’ai constaté un très très grand appétit pour la langue
française, pour la culture française, alors en, notamment en
Asie c’est assez incroyable, en Inde y a aujourd’hui 500 000
apprenants de français, en Chine y a un très très grand goût
pour la langue française, qui n’est pas seulement un goût de
la France comme on le croit souvent, c’est pas seulement la
gastronomie, l’amour et le football, ce sont, c’est aussi l’amour
de l’Afrique et l’intérêt pour l’Afrique. On apprend le Chin’
heu le français aujourd’hui en Chine pour aller s’installer en
Afrique, donc c’est là aussi où on voit la diversité de ce monde
francophone, et on voit aussi que la langue française, ça n’est
pas seulement la langue de l’Hexagone, c’est une langue
africaine la langue française. Et donc ça c’était très intéressant.
Voir aussi en Corée le grand intérêt qu’il y a aujourd’hui
pour la langue française en Corée, qui est apprise de plus
en plus, qui est enseignée dans les universités, notamment
dans les grandes université de femmes à Séoul, donc c’est
passionnant de voir surtout ces histoires individuelles. Je
dirais même que, finalement, la langue française elle est à
nous aujourd’hui, c’est pour ça que, effectivement, il y a cette
question coloniale et la francophonie, elle rime encore dans
l’esprit de beaucoup de gens avec « colonie » et il ne faut pas
nier le fait que la langue française, elle est venue notamment
en Afrique par la colonisation, mais aujourd’hui cette langue
elle est à nous et aujourd’hui on n'a plus à se justifier de
l’utiliser. C’est pour ça que je vous disais que la langue française
aujourd’hui est devenue une langue africaine et je pense que
ce serait dangereux de culpabiliser ceux qui l’utilisent en leur
donnant l’impression qu’en l’utilisant ils sont complices de
cette colonisation, de cet impérialisme, etc. Donc moi, ça ne
m’étonne pas parce que la langue française est devenue une
langue de… poétique en Algérie et de très très grands auteurs
en font des textes absolument… absolument magnifiques
et j’espère que ça va… ça va continuer comme ça. J’étais en
Tunisie aussi également, alors c’était très très intéressant,
ils viennent d’ouvrir des alliances françaises en Tunisie, il
n'y avait plus d’alliance française en Tunisie depuis 1948 si je
ne me trompe pas. Et c’était très très émouvant parce qu'ils
ont inauguré les alliances françaises et il y avait un monde
pas possible, il y avait plein de jeunes qui étaient très très
heureux d’avoir cet espace-là dans lequel ils allaient pouvoir
lire des livres, emprunter des DVD pour pouvoir regarder
des films, dans lequel ils allaient pouvoir avoir des cours de
français et ensuite… ce qui était très intéressant aussi, c’était
que les Tunisiens disaient : « On veut apprendre le français,
on veut accueillir des étudiants subsahariens chez nous pour
apprendre aussi le français », donc voir aussi comment cette
langue peut être un facteur d’intégration sur un continent.
Ça n’est pas seulement une langue qui va du nord vers le sud,
il faut arrêter avec ces schémas-là, c’est aussi une langue qui
va du sud vers le sud, qui permet le lien. Moi quand je vais,
marocaine, au Sénégal, je parle le français avec mes amis
sénégalais, et c’est intéressant aussi de voir que c’est aussi une
langue qui fait du lien sur ce continent.
Piste 48
1. Tu sais, ici tout le monde se connaît et les gens parlent les uns
sur les autres, il y a toujours des histoires et des secrets entre
collègues. Mais ce n’est pas méchant, tu verras, personne n’est
langue de vipère dans notre entreprise.
2. Hier, je suis allée boire un verre avec mon amie d’enfance,
Sophie ! Ça faisait longtemps que je l’avais pas vue, elle m’a
cent quatre-vingt-un 181
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
raconté toute sa vie et toute la vie de ses amis aussi ! Elle a parlé
des heures, elle a vraiment la langue bien pendue !
3. Ah, depuis ce matin, je cherche le nom de cet acteur
américain super célèbre… Là… Le blond, tu sais ? Il a joué dans
Titanic… Leo… comment déjà... Mais si ! Oh, ça m’énerve je l’ai
sur le bout de la langue…
4. Devine qui j’ai croisé hier au supermarché ? Un de nos
collègues, il travaillait dans notre service avant.
Euh, Tarik ?
• Non !
Alors, David ?
• Mais non !
Bah, je sais pas, moi ! Bon allez, je donne ma langue au chat !
Piste 49
Dans cet exposé, nous allons aborder un sujet d’actualité relayé
dans les journaux francophones suite au dernier rapport
de l’Organisation internationale de la francophonie, que je
désignerai à partir de maintenant OIF. Il s’agit de la place de
la langue française dans le monde. Contrairement à ce qu’on
pourrait croire, le français n’est pas une langue en perte de
vitesse. Au contraire, d’après l’OIF, l’essor de la langue française
sera spectaculaire dans les années à venir. Intéressons-nous
d’abord à la situation actuelle : comme vous pouvez le voir
sur le PowerPoint, le français est la cinquième langue la plus
parlée dans le monde, derrière le mandarin, l’anglais, l’espagnol
et l’arabe ou l’hindi ; c’est également la troisième langue des
affaires, et la quatrième sur Internet. De plus, le français est
seule langue officielle dans 14 pays et co-officielle dans 17 autres
comme vous pouvez le constater en regardant cette carte du
monde. Le français est aussi une langue officielle dans les
institutions européennes comme le Parlement européen, et
dans les institutions internationales comme l’ONU. Enfin, il
est appris par plus de 130 millions de personnes à travers le
monde. Passons maintenant aux estimations de l’OIF. D’après
l’organisation, le français sera la troisième, voire la deuxième
langue mondiale en 2050. Comme le montre ce rapport de l’OIF,
dont vous voyez un graphique ici, entre 477 et 747 millions de
personnes parleront français en 2050. Comment expliquer
cette diffusion spectaculaire ? D’abord, l'essor démographique
du continent africain va continuer dans les décennies à venir,
et n’oublions pas que ce continent concentre les deux tiers des
francophones. Par conséquent, la répartition géographique
des francophones va suivre cet essor démographique. Dans
quelques décennies, 70 % d'entre eux vivront en Afrique,
on parle d’environ 300 millions de personnes. Comme vous
l’avez compris, l’avenir et la diffusion du français seront liés à
ce continent. Mais, cela dit, il est difficile d’estimer le nombre
exact de locuteurs francophones en 2050. Plusieurs facteurs
sont à considérer. Premier facteur : la natalité dans le monde
francophone. Je m’explique : si les naissances augmentent dans
les pays francophones, notamment sur le continent africain,
alors il y a aura beaucoup plus d’enfants qui parleront le
français dans les années à venir. Par contre, si les naissances
baissent, forcément, il y aura moins d’enfants qui le parleront.
Deuxième facteur : l'éducation. Il y aura plus de francophones
en 2050 si le français est enseigné comme langue première à
l’école et à l’université. Par contre, si elle est enseignée en langue
seconde ou si elle disparaît complètement du système scolaire,
alors, le nombre de francophones baissera obligatoirement.
C’est un facteur à considérer sérieusement car l’Algérie, par
exemple, a déjà décidé de supprimer l’enseignement du français
à l’université. Troisième facteur important : le dynamisme
de l'économie francophone. C'est souvent pour trouver du
travail qu'un individu décide d'apprendre une autre langue
que la sienne. Ainsi, si les pays francophones se développent
économiquement, de plus en plus de personnes souhaiteront
apprendre le français pour peut-être s’expatrier dans ces pays.
Quatrième facteur : la créativité des industries culturelles
francophones. Le rayonnement et la diffusion d’une langue
182 cent quatre-vingt-deux
passent également par la culture, qu'il s'agisse de littérature, de
cinéma, de musique ou de séries télé. Si l’industrie culturelle
francophone se développe, le nombre de locuteurs francophones
augmentera forcément. Pour conclure, ce rapport montre
que la langue française reste très importante dans notre
monde moderne où l’anglais s’est imposé dans les relations
économiques. Il faut toutefois relativiser les chiffres évoqués
plus haut, car aujourd’hui seulement 235 millions de personnes
vivent en français, c'est-à-dire l'utilisent quotidiennement, ou
ont été scolarisés dans cette langue. Quoi qu’il en soit, la langue
de Molière a un bel avenir devant elle. Je vous remercie de votre
attention. Avez-vous des questions ?
AUDIO – UNITÉ 8
Piste 50
• Aujourd’hui au Salon international du jouet éducatif et de la
poupée noire, on retrouve Anne-Sophie Isaac, une intervenante
spécialiste du développement de l’enfant. Anne-Sophie, de quel
sujet vous allez nous parler cet après-midi ?
Alors moi j’interviens ici en tant que psychologue, et dans mon
atelier, je vais parler de l’importance, pour le développement de
tout enfant, de s’amuser avec des poupées qui lui ressemblent.
• Justement, pourquoi, selon vous, ça a une importance cruciale ?
Qu’est-ce que ça va apporter à un enfant noir ou métis de jouer
avec une poupée qui a la même couleur de peau que lui ?
Ça va lui donner confiance en lui, l’aider à prendre conscience
de sa valeur. Je m’explique : selon certains pédopsychiatres,
l’enfant s’identifie à sa poupée quand celle-ci lui ressemble.
Elle fonctionne comme un « double » : l’enfant pense que c’est
lui-même. Il va revivre les moments de sa journée à travers elle.
Quand il la lave, l’habille, la traite avec tendresse, ça lui apprend
à se traiter lui-même avec tendresse. Il prend conscience qu’il
mérite d’être traité ainsi.
• Qu’arrive-t-il alors si la poupée ne ressemble pas à l’enfant ?
Eh bien, s’il joue avec une poupée qui ne lui ressemble pas,
il ne va pas s’identifier, mais au contraire considérer qu’elle
représente « l’étranger », entre guillemets. En jouant avec elle, en
s’occupant d’elle, il s’occupe donc d’un étranger. Il aura tendance
à croire que cette poupée est plus importante que lui, et donc que
n’importe quel étranger mérite plus d’attention que lui.
• Et vous pensez que cette croyance risque d’influencer le
comportement de l’enfant même quand il ne joue plus ?
Tout à fait. Quand ils vont rencontrer des étrangers, ils vont les
associer à la poupée et au fait qu’il faut s’en occuper. Ils peuvent
même penser qu’ils leur sont supérieurs. Alors que si leurs
poupées partagent la plupart de leurs attributs physiques, plus
tard, quand ils rencontreront des étrangers, ils vont pouvoir
parler d’eux, échanger. Ils pourront dire « chez moi, on a les
cheveux crépus, on a la peau plus foncée ».
• Est-ce qu’aux Antilles, où vous vivez, c’est plus facile de trouver
des poupées métisses ou noires qu’en Europe ?
Eh bien, figurez-vous que, aux Antilles, comme en Afrique à vrai
dire, les poupées noires sont encore plus rares qu’en Europe de
l’Ouest ! La situation s’améliore heureusement, grâce à ce salon
notamment. Mais avant 2010, des poupées industrielles qui nous
ressemblaient, il n’y en avait nulle part ! Regardez le chemin
qu’on a fait !
Piste 51
• Chers amis, bonjour ! Jean-Claude et Joël, les deux candidats
retraités, pas de l’éducation nationale, du Jeu des 1 000 euros,
bonne chance à tous les deux. Question bleue de Myriam
Lebec. de Malakoff dans les Hauts-de-Seine par envoi postal à
la Maison de la radio : Comment appelait-on Essaouira avant
l’indépendance du Maroc en 56 ?
ƒ
ƒMogador.
• L’ancien nom d’Essaouira c’est Mogador.
Quelle est la particularité incroyable de la méduse originaire
des Caraïbes, appelée Turritopsis nutricula ?

ƒ
ƒElle revit quand on la coupe en deux ?
• Ah, ça n’est pas ça tout à fait, mais vous vous approchez un peu
disons.
ƒ
ƒElle repousse, ses tentacules repoussent.
• Là, non…
ƒ
ƒElle peut hiberner, sécher… C’est un phénix qui…
• Donc elle est… en théorie elle est…
ƒ
ƒÉternelle !
• Donc essayez de…
ƒ
ƒImmortelle !
• Immortelle c’est ça. Immortelle. La particularité de cette
méduse Turritopsis nutricula c’est qu'en fait elle est capable
d’inverser son processus de vieillissement, elle peut revenir au
stade de polype, ce qui la rend théoriquement immortelle.
Victor Téno À Saint-Vérand en Isère vous demande donc,
et c’est une question blanche à laquelle je reviens également,
l’activité, le secteur de l’industrie familiale à Annonay en
Ardèche créé par Joseph et Étienne Montgolfier et cette activité
existe toujours, on connaît les frères Montgolfier pour leur
invention de la montgolfière, bien sûr mais depuis le xve siècle,
quelle activité est la spécialité de cette industrie ?
ƒ essaie le papier.
ƒOn
• Mais oui, la papeterie ! Vous avez répondu à 5 questions sur 6,
avec le repêchage vous pouvez peut-être encore tenter le…
Banco, banco, banco !
• À Pontoise dans le Val-d’Oise, avec Joël Brette et Jean-Claude
Cartier, y aura-t-il un banco ou pas de banco ? À vous de nous
le dire.
ƒ
ƒBanco, etc. Le Jeu des 1 000 euros, Nicolas Stoufflet sur France Inter  fond s’il est découvert, si on comprend qu’il a triché, il est assez
• À l’unisson, vous allez peut-être répondre à cette question
banco d’Anthony Béjin de Fontaine-lès-Dijon en Côte-d’Or :
Quel est le titre de ce film sorti en 1998 réalisé par Joel Coen
et écrit par les deux frères Coen et dans lequel le personnage
principal se fait appeler Le Duc ? Histoire d’erreur sur l’identité
d’une personne au départ.
ƒ gros… The Big… The Big Lebowski.
ƒLe
• The Big Lebowski ! Vous avez gagné le banco, ce qui vous permet
de tenter le…
Super, super, super !
• Devant un public nombreux et chaleureux, merci beaucoup, ici
à Pontoise. Décidez-vous de vous arrêter ou de continuer ?
ƒ
ƒNon on est, on a eu vraiment, vraiment trop chaud, trop chaud.
• Trop chaud alors vous voulez un petit peu vous désaltérer, vous
ventiler.
ƒ
ƒAbsolument. Je ne l’ai pas assez aidé là.
• Bravo pour ce banco, merci. Vous vous arrêtez. Joël Brette et
Jean-Claude Cartier, 500 euros et le livre Les Promesses de la
science, aux éditions France Inter et Flammarion. Très bonne
journée et à demain si vous le voulez bien !
Piste 52
• Merci d’être réactif et de tweeter, comme Jean-Pierre qui nous
écoute et qui nous dit : « Jouer permet de passer du bon temps
en famille et ça apaise les enfants avant d’aller au lit quand ils
acceptent de perdre. » Alors, message personnel à toi Yanis,
mon fils que j’adore : si tu pouvais devenir un bon perdant,
ça serait tellement plus sympa le week-end quand on fait des
jeux de société ensemble ! On en apprend tellement sur nous-
mêmes, sur notre entourage et notamment sur nos enfants
quand on joue. Alain Boussou, c’est fou comme le jeu révèle
des parties de nous un peu obscures que notre entourage ne
soupçonnait pas forcément.
Justement, dans le jeu on peut être quelqu’un qu’on n’est pas
dans la vie réelle. Si on est très gentil dans la vie réelle, on peut
l’être un peu moins et faire sortir sa part de méchanceté et
beaucoup d’autres choses dans le jeu. Pour un enfant, ça va
être aussi l’occasion de tester ses capacités parce qu’il se croit
le maître du monde, et puis bon, malheureusement, le jeu va
révéler qu’il a encore du chemin à faire pour grandir et pour
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
devenir un adulte. Et puis le jeu va apprendre à perdre aussi
parce que, malheureusement, plus on perd, eh bien plus on
est capable d’encaisser ce moment, cette souffrance. Bon, on
apprend aussi à gagner et à temporiser, le jeu fait partie de ça.
• S’il vous plaît, donnez-nous des conseils. Comment on fait quand
on a deux enfants qui se battent autour d’un Monopoly ou d’un
Scrabble et qui font preuve de mauvaise volonté ? Comment on
fait pour calmer le jeu et faire en sorte que ça se passe bien ?
Alors en fait…
• On vous appelle ?! On vous les confie ?
Il faut essayer de leur parler avec des mots sympathiques. Dans
le jeu, ce qu’il faut repérer, c’est qu’il y a une part de chance.
On pioche des cartes, on lance des dés, et si on perd, c’est parce
qu’on n’a pas eu de bol ! Donc on va temporiser ça, puis on va
dire qu’on va se refaire une prochaine fois. Celui qui a gagné, il
a eu des opportunités, c’est pour ça qu’il a pris la main et donc
on va dire : « Eh ben tu vois c’est pas grave, c’est qu’un jeu, la
prochaine fois je suis sûr que tu y arriveras. »
• Mais ça Alain, c’est dans un monde idéal où les enfants vous
écoutent vraiment ! Et sans parler des enfants, parfois on
a des amis qu’on ne soupçonnerait pas d’avoir ce genre de
comportements au jeu, je connais des adultes qui trichent. Ma
grand-mère était la reine de la triche à la belote, c’était un truc
de fou. La triche apporte une saveur assez particulière au jeu
pour ceux qui l’assument ?
C’est vrai que, la triche, c’est un jeu dans le jeu.
• Exactement.
Un bon tricheur va essayer de ne pas se faire voir, mais dans le
flatté d’avoir montré qu’il avait réussi à manipuler le jeu et à
manipuler les règles. Souvent un tricheur, c’est aussi quelqu’un
qui s’ennuie dans le jeu. Il maîtrise tellement bien les règles qu’il
s’ajoute cette dimension-là en plus pour se rajouter un petit
plus de saveur.
• Donc un tricheur serait un réinventeur du jeu ?
Oui je pense que, effectivement, tricher c’est pas forcément
remettre en cause le jeu, ça peut être créer de nouvelles règles
surtout si les autres se doutent qu’il y a une tricherie, ça fait
un peu partie d’une espèce de « sur-jeu » entre guillemets, qui
appartient au même domaine ludique.
• Ah donc, il y a des stratégies aussi dans la triche, et on peut voir
la triche comme une forme de ruse ou d’intelligence dans le jeu !
Bon, mais il faut surtout comprendre que l’intérêt du jeu c’est
d’être ensemble et de partager, c’est une sorte de microsociété le
temps d’une partie.
Piste 53
1. Et paf ! J’atterris sur la case banque. À moi, les millions !
2. Ouf ! Heureusement que t’as passé ton tour, sinon j’aurais perdu !
3. Non mais hé oh ! T’arrêtes de tricher ?
4. Aïe aïe aïe ! Si je ne pioche pas une bonne carte au prochain
tour, je suis fichue.
5. Et hop ! Je relance le dé et on est repartis pour un tour !
Piste 54
• Qu’est-ce que la ludification du travail ? Merci d’avoir posé la
question.
Nous autres êtres humains adorons jouer. Le jeu stimule nos
hormones, notre cerveau, nos émotions. À première vue on
n'associe pas le jeu au travail et pourtant, certains managers
n’hésitent pas à faire appel au jeu pour que les travailleurs
soient plus épanouis et plus efficaces. La ludification du travail
c’est donc l’utilisation du jeu pour motiver ou former les
salariés. Cette idée n’est pas nouvelle. Dans l’URSS des
années 1920 déjà, une ingénieure soviétique organisait des
compétitions entre travailleurs pour améliorer leur productivité
et élever leur niveau culturel. Mais c’est dans les années 80
et 90, alors qu’on prône l’épanouissement au travail, que
la ludification monte en puissance. Dans tous les cas, cette
ludification a pour intérêt de tromper l’ennui et la monotonie du
cent quatre-vingt-trois 183
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
travail afin de redonner du rythme et de la bonne humeur à la
vie de l’entreprise et, bien sûr, la productivité de l’entreprise s’en
trouve améliorée.
« Le jeu, pour gagner il faut de l’ambition. De l’argent, beaucoup
d’argent, alors vous vous payez les plus grands hôtels, la vie
vous appartient si vous avez de la chance, sinon… Monopoly. »
À l’heure du succès des jeux vidéo chez les jeunes générations,
la gamification du travail pourrait avoir de belles heures devant
elle.
• Mais à trop mélanger travail et jeu on va perdre le plaisir de
jouer.
C’est ce que pensent les puristes du jeu. Initialement le jeu n’a
pas d’autre but que lui-même. Dans l’ère de la ludification il y a
un intérêt économique à utiliser le jeu. Certains y voient même
de la manipulation, puisque l’on cacherait le véritable intérêt
du jeu. En bref un peu de fun au travail favorise la détente
et même la créativité, mais quand le jeu devient un système
de contraintes et perd en liberté il peut vite devenir contre-
productif.
« Game over. »
Voilà ce qu’est la ludification du travail.
• Maintenant vous savez. En moins de 3 minutes nous répondons
à votre question. Que voulez-vous savoir ? Posez vos questions
en commentaire sur toutes les plateformes audio et sur le
compte Twitter de « Maintenant vous savez ».
Piste 55
• L’édumusement, c’est la nouvelle tendance qui consiste à
apprendre en s’amusant. D’ailleurs, c’est l’association des mots
« éducation » et « amusement ». Venue des États-Unis, où les
spécialistes de l’éducation déplorent que le divertissement
soit privilégié au détriment de l’apprentissage, cette tendance
s’installe en Europe. Comme ici, en Belgique, les avis sont
partagés, Radio Wallons a invité Claire Guillouet, spécialiste de
l’éducation, dans l’intention d’en savoir plus. Claire, bonjour.
Bonjour et merci de me recevoir.
• Alors, on nous vante sans cesse les mérites de cette approche,
utiliser le jeu pour le divertissement des élèves en évitant les
cours barbants, mais on nous parle jamais des inconvénients.
Est-ce qu’il y en a ?
Alors, en effet, il y a des inconvénients à vouloir tout
gamifier à tout prix, oui. On a cette injonction du fun dans
nos sociétés, cette interdiction d’être mou et de s’embêter…
Mais concentrons-nous ici sur le contexte éducatif : un des
inconvénients, quand on va à l’école afin de devenir joueur et
non élève, c’est qu’on nous apprend à accepter et suivre des
règles, chaque jour, sans les remettre en question.
• Mais c’est ce qu’on nous apprend de toute manière en société,
suivre des règles, non ?
Oui, sauf que les règles du jeu sont non négociables, pré-
établies, et ne changeront jamais, même si elles ne conviennent
à personne. Ainsi, on enseigne aux élèves à être dociles et à
accepter toutes les règles telles qu’elles sont.
• Est-ce qu’il faudrait alors clarifier que c’est un jeu et qu’ils
jouent de manière à progresser dans certaines matières
scolaires ?
Tout à fait, oui ! Ce serait la solution. Sauf qu’on préfère qu’ils
restent dans l’illusion de peur qu’ils réalisent qu’ils sont à l’école
et que ça peut être ennuyant. C’est un autre danger, propre à
toute ludification : on cache le véritable objectif de ce qu’on fait
faire aux gens.
• Vous soulevez ici une peur des parents d’élèves, la peur que les
enfants acceptent tout et n’importe quoi du moment que c’est
« fun » et que c’est un jeu.
En plus de leur faire accepter n’importe quoi, on ne leur
transmet rien si on ne leur communique pas notre objectif.
Regardez, histoire d’être sûres que les élèves de primaire se
brossent les dents, certaines écoles ont créé un jeu avec des
autocollants, un joli carnet et une petite chorégraphie. Résultat :
184 cent quatre-vingt-quatre
les enfants ne s’ennuient pas lors du brossage de dents, ils le
font et ils le font bien. Mais est-ce qu’ils savent pourquoi ? Et
donc, est-ce qu’ils continueront lorsqu’ils se seront lassés du
jeu ? L’intention n’est pas explicite…
• … et un jour on ne saura plus pourquoi on se brosse les dents !
On en rit, mais on court vraiment le risque d’être de plus en
plus déconnectés de la réalité. L’école existe dans le but de
développer la curiosité et l’esprit critique. Paradoxalement,
l’édumusement ne stimule ni l’une ni l’autre. Les élèves veulent
juste jouer, et non apprendre par le jeu.
• Certains parents d’élèves s’opposent à la « gamification » à
l’école de crainte que leurs enfants prennent tout pour un jeu.
Que leur répondez-vous, Claire Guillouet ? Est-ce que leur peur
est justifiée ?
Cet attrait du jeu peut avoir des conséquences dans certains
contextes, oui. Des jeunes qui ont toujours été habitués à jouer
risquent plus de prendre la réalité pour un jeu, c’est vrai.
• Merci Claire. On se retrouve après une pause musicale.
Piste 56
• Trois milliards d’heures par semaine, c’est le temps passé à
jouer à des jeux en réseau sur notre planète. Impressionnant ?
Sans aucun doute ! Inquiétant ? Eh bien, pas forcément !
Radio Défi accueille aujourd’hui Émilie Mathis, chercheuse et
conceptrice de jeux vidéo, qui pense qu’on devrait passer encore
plus de temps à jouer en ligne ! Émilie, pouvez-vous nous en
dire plus ?
Une petite précision d’abord : il ne faut pas qu’on passe encore
plus de temps à s’abrutir en ligne avec des jeux stupides, bien
sûr que non. En revanche, on gagnerait tous à jouer en réseau,
ensemble, chaque jour, dans le but de résoudre les grands
problèmes du monde : la pauvreté, la famine, les guerres…
• Sauver le monde en jouant en réseau en fait !
« Sauver » c’est très ambitieux, je vous l’accorde, mais s’efforcer
de trouver des solutions ensemble, au moins ! Ce sont les
travaux de ma collègue Jane McGonigal qui m’ont donné
envie de me pencher sur le sujet… et je suis arrivée aux mêmes
conclusions qu’elle : si le temps, l’énergie, les efforts que nous
consacrons aux jeux vidéo d’aujourd’hui étaient consacrés
à des jeux « sérieux », qui soulèvent les problèmes de la vie
quotidienne, nous serions capables de résoudre ces problèmes.
• Est-ce juste une question de temps et d’engagement alors ?
C’est vrai qu’un effort collaboratif si long peut accomplir
beaucoup de choses. Ces heures passées à jouer représentent
des millions d’années, voire plus. Vous vous rendez compte :
les joueurs de World of Warcraft ont passé l’équivalent de
six millions d’années à chercher à résoudre les problèmes
d’Azeroth, le monde virtuel de ce jeu. Pour donner une idée
à nos auditeurs : il y a six millions d’années, l’être humain
commençait à peine à marcher debout ! Imaginez ce que nos
efforts combinés pourraient réaliser en tout ce temps.
• Oui, effectivement.
Mais ce n’est pas seulement ça : quand on joue, on se donne
à 100 %. On fait entièrement confiance à nos coéquipiers, on
prend des risques, on est beaucoup plus optimistes sur nos
capacités de réussite, et beaucoup plus créatifs quand il s’agit
d’inventer des stratégies. En plus, dans ces jeux, tout le monde a
une mission, il n’y a pas de petit boulot, on va tous contribuer à
la victoire finale, c’est très motivant.
• Les jeux aideraient donc les gamers à développer des
compétences qu’ils utiliseraient ensuite dans le monde réel ?
Justement, non, c’est bien le problème ! Les gamers pensent
qu’ils sont capables de sauver un monde virtuel, mais ils
ne voient pas en quoi ils pourraient contribuer à régler les
problèmes de notre monde. Certains concepteurs tâchent donc
de créer des jeux semblables à World of Warcraft, mais conçus
dans l’espoir de trouver des solutions réelles. Par exemple, dans
le jeu Superstruct, on annonce aux joueurs qu’ils n’ont plus que
vingt-trois ans à vivre… à moins qu’ils ne trouvent des solutions
pour sauver le monde.

• Les solutions proposées sont-elles pertinentes ?
Elles sont excellentes ! On a lancé le jeu pour faire un essai,
pendant huit semaines, pendant lesquelles 8 000 joueurs ont
cherché à résoudre les problèmes de santé, de manque de
ressources, de nourriture, de sécurité… Et ils ont trouvé plus
de 500 solutions, toutes extrêmement judicieuses. D’autres
jeux sérieux ont été lancés depuis, avec d’excellents résultats,
pour résoudre le problème du manque d’eau en Afrique, par
exemple. Ces jeux, mais surtout tous ces joueurs et leurs idées
incroyables, sont les véritables moyens du changement.
• Il ne reste plus qu’à faire passer le message ! Merci beaucoup,
Émilie Mathis !
Piste 57
1. Le dentiste avait presque une heure de retard ce matin…
Une heure, c’est pas rien ! Tu avais emporté un magazine au
moins ?
• Non, même pas… J’peux te dire que j’ai trouvé le temps long.
2. Oh la la, qu’est-ce que je me suis fait chier en cours de géo ce
matin !
Ah bon ? Moi, j’ai bien aimé…
3. Ah non mais Philippe, ses explications qui n’en finissent pas,
elles sont relouuu…
En plus, on peut même pas l’interrompre, ça le vexe !
4. Pff, mes potes veulent absolument m’emmener à un concert
de musique classique.
Pourquoi ça te dit rien ? T’en as déjà vu ?
• Juste un, mais ça m’a suffi ! Je m’emmerde toujours pendant les
concerts !
5. T’es pas obligée de venir à mon concert. tu sais !
Oui, je sais ! Mais pourquoi tu dis ça ?
• Bah, si t’es pas fan de musique électro, tu risques de t’embêter.
6. T’as vu le débat pour les élections présidentielles ?
Ouais, c’était chiant comme la pluie…
AUDIO – UNITÉ 9
Piste 58
• Tiens, regarde ça, c’est un sketch de Fary. Lui, il est vraiment
hyper drôle !
C’est l’humoriste super stylé, lui, c’est ça ?
• Ouais, c’est ça ! T’sais, c’est lui, le mec qui fait rire avec les petites
choses du quotidien. Son sketch sur l’Iphone et Neymar, tous
mes potes le connaissent !
Ah mais ouais… Fary, je l’ai vu sur YouTube, je l’ai adoré, il est
super, ce mec ! Tu le connais, toi ?
ƒ
ƒMoi, les comiques, ils me font pas rire. Par contre, lui, c’est vrai
qu’il est marrant.
Piste 59
• Un peu d’humour dans ce monde de brutes avec maître Ilios
Kotsou, bonjour Ilios.
Bonjour.
• Alors, évidemment nous ne sommes pas tous égaux, hein, face
à cette capacité de porter un regard décalé sur le monde, sur les
autres, sur nous aussi. Pourtant avoir de l’humour ça n’a pas
que du mauvais, loin de là. Racontez-nous, Ilios.
Oui, tout à fait et plus que simplement un trait de caractère
agréable, l’humour est considérée par la psychologie positive
comme une force de caractère et même comme une vertu, et
donc cette capacité, comme vous l’avez dit, à prendre de la
distance, à détourner une situation, à souligner une perspective
amusante, est reliée bien sûr, à la capacité de jouer, jouer avec
les idées mais permet aussi d’acquérir de la connaissance, et par
ailleurs le philosophe Ludwig Wittgenstein rêvait d’un livre de
philo entièrement composé de blagues.
• Alors et ce qu’on peut observer, c’est quand on voit les petits,
les enfants, ils sont souvent dotés d’un formidable sens de
l’humour. C’est quoi ? C’est pour contourner les règles ? C’est
pour les assimiler aussi peut-être ?
Peut-être, et je pense c’est aussi par imitation parce que nous,
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
on aime bien rire en tant que parents. Ma fille de 4 ans et demi
elle adore faire des blagues, mais on sait que les enfants, déjà à
9 mois, font des taquineries et des plaisanteries et même plus
tôt que ça, dès 4 mois, les enfants adorent imiter pour faire
rire. Ceci dit lorsque l’on devient adulte, les psychologues ont
défini des styles d’humour très différents. Il y a ce qu’on appelle
l’humour adaptatif. C’est l’humour avec les autres, donc ça
peut être l’humour qui cherche à mettre les gens ensemble
ou l’humour sur soi-même. En Belgique on le connaît bien
l’humour sur soi-même ou alors y a l’humour qu’on va appeler
non adaptatif et qui est l’humour aux dépens des autres et là,
il y a l’humour agressif ou l’humour rabaissant par rapport à
soi-même. On peut penser à tous les humours de stéréotypes ou
de stigmatisations par rapport à des groupes de personnes qui
sont des humours beaucoup moins intéressants.
• Dites-moi à quoi ça sert finalement l’humour ? C’est quoi les
mécanismes qui font qu’à un moment, ça nous sert finalement à
quelque chose ?
Alors au niveau personnel, ça nous sert bien évidemment à
faire face à nos angoisses, à rire de nos peurs. Woody Allen
disait : « Ce n’est pas que j’ai peur de la mort mais, je préférerais
être ailleurs quand cela se produira. »
• C’est ça, on met une distance aussi peut-être.
On met une distance. Alors Boris Vian disait que l’humour c’est
la politesse du désespoir. Non seulement il évite d’incommoder
les autres, mais ça permet de faire face au tragique de la vie.
L’humour comme la spiritualité nous connecte à quelque chose
de plus large et nous permet donc de mieux supporter notre
condition humaine en portant attention à ses contradictions, en
souriant au tragique et en prenant soin des autres, d’ailleurs le
même Woody Allen disait : « Depuis que l’homme sait qu’il est
mortel il a du mal à être tout à fait décontracté. »
• On dit souvent aussi, Ilios, que les plus grands humoristes
sont des hommes ou des femmes terriblement malheureux,
tristes dans leur vie. Y a une espèce de schizophrénie entre le
moi profond et puis ce qu’on donne là avec cet humour. C’est
une manière, quoi, de transgresser peut-être des interdits, des
événements compliqués de leur vie ? C’est…
Peut-être ou de prendre cette distance, de faire face au tragique
mais la question c’est : « Est-ce que réellement j’arrive à créer
cette distance-là ou est-ce que ce n’est qu’une tentative par
rapport à un fond qui est peut-être, lui, réellement tragique ? ».
Alors dans cette question d’humour, l’humour a aussi une
fonction sociale, bien sûr, de mettre les personnes ensemble
mais plus que ça, sociétal et même politique. Depuis toujours,
c’est un outil qui permet de mettre en lumière les contradictions
du pouvoir, alors on peut penser au bouffon, au fou du roi,
le seul personnage qui pouvait sans conséquences, quoique
parfois y en avait quand même, se moquer du souverain.
Alors à la RTBF on a aussi nos fous du roi, certains que j’adore
comme Thomas qui peuvent aborder les sujets graves avec
légèreté, et se moquer des puissants. Dans l’humour, la science
s’adresse depuis toujours, hein, aux vertus de tous ces concepts,
alors l’humour diminuerait la mortalité de 20 % sur 7 ans et c’est
une étude norvégienne sur plus de 53 000 personnes, et donc
voilà, même pour la santé c’est quelque chose qui est très bon.
• Mais dites-moi Ilios, on n'est pas tous égaux non plus face à
ce fameux talent de l’humour. Est-ce qu’on peut malgré tout
apprendre à le développer un petit peu quand même ?
Alors des différences y en a peut-être ceci dit, lorsqu’on a étudié
les différences potentielles entre les hommes et les femmes,
on a remarqué qu’il n'y en avait pas dans la fréquence ou dans
la possibilité de percevoir ou de s’engager ou d’apprécier les
conversations humoristiques. Ceci dit, lorsqu’il y avait des
différences, ce qu’on observait c’est que les femmes créaient
davantage d’humour pour mettre les personnes ensemble,
par exemple l’humour de solidarité, alors qu’on trouvait
davantage chez les hommes ce qu’on peut appeler un humour
cent quatre-vingt-cinq 185
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
de dominance qui est un humour plus agressif. Comment
développer son humour ? Alors, il y a peut-être pas de recette
magique mais la première proposition serait de se confronter
à l’humour, donc d’aller voir des spectacles drôles, des films
drôles, de lire des bandes dessinées, de lire des blagues. Au
fond c’est habituer notre cerveau à ces situations décalées et
humoristiques. Deuxième point, c’est peut-être apprendre à
apprécier l’humour et ceux qui en font et parfois autour de
nous, hein, des personnes qu’ont pas exactement celui qu’on
apprécie.
• Exactement.
Et pourtant le fait de pouvoir trouver quelque chose
d’intéressant dans l’humour des personnes autour de nous,
permet à notre propre cerveau de s’habituer à l’humour.
• Oui, et puis avant de se quitter, Ilios, on peut quand même
dire que quelque part quand on est dans le trait d’humour y a
toujours un fond de vérité dans ce qu’on dit. C’est une manière
aussi de pouvoir dire des choses qu’on ne dirait pas dans un
dialogue normal à l’autre donc c’est aussi… Moi je trouve ça
toujours très intéressant.
• C’est vrai et y a des dangers là-dedans, ceci dit comme disait
Jacques Brel : « L’humour est la forme la plus saine de la
lucidité » et je crois qu’il a énormément de vertus. Voilà, vive
l’humour, merci Ilios, on vous retrouve la semaine prochaine.
Il y sera question du partage social des émotions. Tout un
programme.
Piste 60
• Bonjour Agnès, cette semaine vous êtes allée voir plusieurs
spectacles de comiques dans les nombreuses salles parisiennes,
et ça vous a donné envie de nous parler ce matin des procédés
humoristiques. Ça veut dire qu’il y a des recettes pour faire
rire ?
Des recettes, non ! Mais il y a différents procédés, des petits
trucs qu’utilisent les humoristes, les écrivains, les journalistes
et même les chroniqueurs de radio !
• Alors, cette chronique est pour moi ! L’équipe de la matinale et
nos auditeurs savent que je ne suis pas très doué pour raconter
les blagues. Je vais d’ailleurs publier un best of de mes blagues
les plus nulles.
Eh voilà Gaétan, là, en disant ça, vous faites de l’autodérision,
c’est-à-dire que vous vous moquez de vous-même ! Un procédé
que nos voisins belges adorent.
• Vous dites que les Belges aiment l’autodérision et les Français
alors ? On parle souvent de premier et second degré dans notre
humour, il paraît que c’est même assez difficile à comprendre
pour un étranger qui débarque en France ?
Oui, c’est vrai, le second degré, c’est typiquement français,
et c’est assez compliqué à expliquer et à détecter. Pour le
comprendre, il faut interpréter le sens caché de ce que dit
la personne. En fait, vous devez être capable de prendre du
recul par rapport au message initial… Un exemple, j’ai vu une
humoriste sur scène qui parle beaucoup de sa grand-mère
algérienne. Elle l’appelle ma vieille ou la vieille, « la vieille est
allée au marché ; ma vieille a fait un couscous », etc., et ça peut
choquer certaines personnes parce que, en fait, si on prend cette
expression « la vieille » au premier degré, eh bien, on peut y voir
une insulte ou un manque de respect, alors qu’en réalité pas du
tout. Pour cette humoriste, c’est du second degré, une manière
affectueuse de parler de sa grand-mère qu’elle aime beaucoup
tout en admettant qu’elle n’est pas toute jeune… elle a 90 ans !
• Oui, tout ça est assez subtil…
Ça l’est, oui ! Pourtant, le second degré est très répandu, et
d’ailleurs quand une personne n’a pas d’humour, on dit qu’elle
prend tout au premier degré. Maintenant, imaginez qu’un
humoriste ajoute une pointe de méchanceté à ses propos...
• Vous voulez parler du sarcasme, c’est ça ?
Oui, le sarcasme, c’est un procédé que les humoristes utilisent
pour ridiculiser une personne. Les stand-uppers ont parfois
186 cent quatre-vingt-six
recours au sarcasme lorsqu’ils interpellent leurs spectateurs.
Par exemple, ils vont demander son prénom à une personne
dans le public et rebondir en disant : « Tes parents doivent te
détester pour t’avoir donné un prénom aussi moche. » Là, c’est
clairement sarcastique, ça peut blesser la personne...
• Je vois… donc le sarcasme est à utiliser avec précaution, tout
comme l’ironie d’ailleurs.
Oui, le second degré, le sarcasme, tout ça est lié à l’ironie.
• L’ironie, c’est dire le contraire de ce qu’on pense , c’est ça ?
C’est ça exactement, je me souviens d’un dessin de l’humoriste
belge Geluck où son personnage Le Chat commence un
discours en disant : « Je serai bref », et on voit sur le dessin qu’il
tient une dizaine de pages dans ses mains, on se doute bien
que le discours sera en réalité très long ! En parlant de Geluck,
il s’est également fait connaître pour ses dessins absurdes,
c’est encore un autre procédé, il consiste à dire des propos
idiots, contraires à la raison, au sens commun. Mais attention,
l’absurde n’est pas universel, ça peut laisser de glace !
• C’est-à-dire ?
Je pense au célèbre sketch de Jean-Marie Bigard. Dans son
sketch, il imagine qu’une chauve-souris très dangereuse monte
les escaliers de son immeuble parisien, jusqu’au 5e étage, et
frappe à sa porte. C’est une situation totalement absurde. Pas
sûr que ça fasse rire tout le monde.
• Ah oui, oui, je connais ce sketch, il me fait mourir de rire… Et
pour finir Agnès, parlons de la parodie qui est aussi un procédé
très utilisé par les humoristes.
Oui, en effet, et par toutes les générations d’humoristes. La
parodie, c’est simple, c’est un procédé qui consiste à imiter une
œuvre, une émission de télé, une chanson ou une publicité pour
la tourner en dérision. Pour vous donner un exemple, tous les
Français connaissent Les Inconnus, ces trois humoristes qui, à
la fin des années 80, ont parodié une émission de jeu télé où ils
faisaient passer les candidats pour de véritables idiots !
• Oui, je me souviens, ils ont marqué toute une génération. Merci
Agnès pour toutes ces explications.
Piste 61
1. Ah, elle est bonne, c’est hilarant !
2. Sérieux, c’est fini, là ? C’est ça la chute ? Elle est pourrie, ta
blague !
3. Tu te moques de moi là, non ?
4. Pff, c’est consternant… Ça me fait pas rire du tout.
5. Ah oui, elle est marrante cette histoire, je rigole à chaque fois
que je l’entends.
6. J’adore cette histoire, je me pisse dessus chaque fois que je
l’entends !
Piste 62
• La création du Déchaîné du Jeudi est née d’une envie, celle
d’amateurs de presse satirique et de vieux routiers de la
caricature. Ils étaient frustrés qu’il n’y ait plus de journaux
humoristiques au Bénin. Tibur.S (?), ancien journaliste, ancien
chroniqueur des Coulisses du pouvoir, sous l’ex-président Boni
Yayi, est le conseiller éditorial.
Y a de la place pour un journal de cette nature qui permet de
voir l’actualité de façon décalée, de mettre de l’impertinence
dans la lecture de l’actualité, de bousculer le paysage
médiatique, qui, à notre avis, commençait à être sommaire.
• Les caricatures sont devenues rares dans les journaux. Pour
l’équipe du Déchaîné du Jeudi : une explication, la crise de la
presse. Hector Sonon, dessinateur depuis 32 ans le regrette, car
il y avait une tradition de dessin dans les journaux.
ƒ
ƒMême s’il y avait de la censure au temps du régime marxiste,
le dessin était déjà présent dans la presse. Y avait déjà de la
caricature. Le seule chose que j’ai remarquée et qui a régressé
c’est l’indépendance de la presse. En fait la presse a été prise en
otage par les hommes politiques.
• La Rédaction se veut au-dessus des clivages partisans. Elle ne
s’interdit aucun sujet selon Yann Colince, le rédacteur en chef.

·
·Nous, on considère le dessin comme déjà journalistique et donc
on aborde tous les sujets, mais vraiment exactement tous les
sujets, en respectant les règles d’éthique et de déontologie. On
ne s’attaque pas à la vie privée juste pour le plaisir de rire, voilà.
On a une version numérique du journal grâce à laquelle il y a
une interaction qui s’est faite, donc chaque jour il y a au moins
un dessin qui fait le buzz, on va dire comme ça, et qui suscite de
nombreuses réactions dont celles des principaux concernés.
• Le journal tire à 1 500 exemplaires chaque semaine. Il a
beaucoup d’abonnements. Pour François Awoudo qui a
supervisé un ouvrage sur les illustrations dans la presse
béninoise, Le Déchaîné du Jeudi comble un vide.
Ça permettra peut-être que les caricatures reviennent dans nos
journaux, qu’on puisse consacrer, ne serait-ce qu'un quart de
page, une demi-page, à la caricature. Y a un public pour cela, y
a un lectorat pour ça, et que ce lectorat est toujours là et attend
qu’on lui propose ce dont il a besoin.
• Avec les élections législatives d’avril prochain, Le Déchaîné du
Jeudi a du pain sur la planche mais l’hebdomadaire veut surtout
détendre l’atmosphère, faire sourire et rire.
Delphine Bousquet. Cotonou. RFI.
Piste 63
• Figurez-vous mes petits loulous que c’est aujourd’hui la
journée du conte de fées, et pour célébrer cette fête de l’enfance
et de l’imaginaire, je vous offre, non pas une trousse de toilette
Marionnaud ou une tondeuse à trous de nez, non ! Un conte
de fées. Il était une fois une très jolie princesse… « Non, non,
non et non ! Il faut cesser de conditionner les petites filles à devenir
des barbies anorexiques, stop à cette société phallocrate qui réduit
la femme a des critères de beauté physique dictés par des hommes
frustrés, effrayés par la femme à cause de leur petite bite ! » Il était
une fois une princesse de beauté relative, un peu grassouillette,
mais bien dans sa peau, qui vivait dans un somptueux château.
« Hou au bûcher, les bourgeois ! Macron démission ! Marre de
l’injustice sociale ! Rendez-nous l’ISF ! Brûlons les riches ! » OK,
donc cette princesse, donc ni moche ni belle, vivait dans une
maison banale et son prénom était Louise. « Raciste ! » Et
son prénom était Fatoumata. Le soir, à sa fenêtre quand elle
contemplait les étoiles, elle rêvait de rencontrer un prince.
« Homophobe ! » Elle rêvait de rencontrer une autre femme et
de l’épouser pour fonder une famille. « Une famille c’est un papa
et une maman ! Saloperie de gauchistes, vous essayez de briser la
famille et les repères, vous êtes le Diable ! Jésus va revenir et vous
dire que vous êtes méchants ! » Donc… les deux jeunes femmes
célébrèrent leur mariage sans projet d’enfant, entourées de
leur famille et de leurs amis. Leur amour était magnifique. Il
était si beau qu’il avait l’éclat du diamant. « Rendez à l’Afrique
les richesses que vous avez pillées sales colons, vous avez le sang
du Congo sur les mains ! » OK donc leur amour avait l’éclat
de l’eau qui scintille au soleil et pour leurs noces, les deux
jeunes femmes reçurent en cadeau une calèche et un cheval
magnifique. « Stop à l’exploitation des animaux ! Un cheval c’est un
être sensible qui ne mérite pas d’être réduit au rang d’esclave ! »
Piste 64
• Est-ce que le président d’un pays peut faire des blagues dans
n’importe quelle circonstance ? C’est la question que je me suis
posée suite à la polémique provoquée par la petite plaisanterie
d’Emmanuel Macron la semaine dernière. Rappel des faits : le
président français, en déplacement à Ouagadougou au Burkina
Faso, rencontrait le président burkinais Roch Kaboré devant
une salle remplie d’étudiants. Pendant le débat, une étudiante
a interpellé les deux hommes politiques sur les coupures
d’électricité qui affectent la climatisation de l’université. Très
décontracté, le président français a répliqué par une petite
blague : « Mais moi, je ne veux pas m'occuper de l'électricité ...,
c'est le travail du président du Burkina Faso ! » C'est alors que le
président Kaboré s'est levé et a quitté la salle. « Reste là ! », lui a
lancé Emmanuel Macron, avant de dire aux étudiants présents :
TRANSCRIPTIONS DES ENREGISTREMENTS
« Du coup, il est parti réparer la climatisation ! » Il n’en fallait
pas plus pour déchaîner les passions sur les réseaux sociaux
et les médias ! Chacun y est allé de son petit commentaire du
genre : « Quand on est président d’un pays, on ne peut pas faire
de blague, surtout sur un autre président. » « Encore une preuve
de l’arrogance d’Emmanuel Macron. » Je vous laisse imaginer
les autres commentaires… Interrogé par France 24 et RFI, le
président français est revenu sur cette polémique en déclarant,
je cite : « Il se trouve qu’avec Roch Kaboré nous nous entendons
bien, nous plaisantons, et d’ailleurs ça ne vous a pas échappé
que ça l’a fait rire. C’est ridicule. On doit pouvoir tout se dire. »
Alors on peut se demander : ça valait vraiment la peine d’en
parler autant ?
Piste 65
• Aujourd’hui, c’est une question de Margot sur la page Facebook
de notre émission. Elle vous demande, Michel, les origines de
l’expression « rire jaune ».
Eh bien justement, c’est intéressant car ça fait allusion à une
couleur. Moi, j’aime bien ces expressions et ces questions de
couleur. Figurez-vous que pendant longtemps le jaune était
connoté très positivement. En Chine, c’est même la couleur de
l’empereur, et pendant longtemps les Chinois n’ont pas eu le
droit de porter de vêtements jaunes sous peine de mort ! C’est
aussi la couleur du soleil, du blé, de l’or, etc. Et puis au Moyen
Âge, dans l’Occident médiéval, le jaune se connote de façon
nettement plus négative. On l’associe notamment à la trahison
puisqu’on dit que Judas aurait été vêtu de jaune le jour de son
fameux baiser. On associe aussi le jaune à la méchanceté et à
la maladie. Au xiie siècle, le pape Innocent III oblige les Juifs
à porter du jaune pour les soumettre au mépris du public.
Cette couleur devient le symbole de la trahison, d’une façon
générale, ou de l’infidélité. Par exemple, l’expression « être
peint en jaune », autrefois, ça voulait dire tout simplement
être cocu. Alors, l’origine exacte de l’expression « rire jaune »
remonte au début du xviie siècle avec l’expression « il rit jaune
comme farine ». Évidemment ça n’a rien à voir avec la farine,
ça voulait dire quelqu’un de vicieux. « Rire jaune », c’était
produire un rire malsain, un rire un peu fourbe. Et puis un
siècle plus tard, Saint-Simon a utilisé l’expression vraiment
dans son sens actuel : « Le jaune rappelle le teint des malades
atteints d’hépatite ou de jaunisse et leur maladie serait censée
les empêcher de rire de bon cœur. Il fallait donc feindre une
expression de circonstance pour éviter la gêne ». Voilà comment
le rire jaune selon Saint-Simon est entré dans notre vocabulaire.
cent quatre-vingt-sept 187