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A R T I CL E P A R U D A N S L E N U M É R O H OR S - S É R I E N O 1 D E L A R E V U E
"SYNOPSIS" QUI S’INTITULE :" SCÉNARIO, MODE D’EMPLOI"
jeudi 28 février 2002, par Fanny Guiard
Souvenirs de repérages
Ce n’est pas parce que le texte de Claudine Bories est plus précis que celui
de Nicolas Philibert dans l’enchaînement des séquences et dans leurs
dialogues (une fiction pourrait être tirée d’une telle continuité dialoguée)
qu’elle le suivra davantage au moment du tournage. Une fois prêts à tourner,
l’un et l’autre se détachent de leur texte. Ils voudraient presque l’oublier.
Nicolas Philibert l’affirme avec force : "je ne veux pas être prisonnier de mon
désir antérieur. J’aime cette fraîcheur de ton où l’on sent que le tournage a
pulvérisé quelquechose qui lui précédait. Tous deux confient pourtant que le
film terminé ressemble étonnamment à ce qu’ils ont écrit dans ces quelques
pages.
Un réalisateur peut partir caméra au poing sans avoir écrit une ligne. Mais,
pour cela, il lui faut avoir un budget personnel. Pour convaincre les
producteurs et financeurs, on ne peut échapper à l’écriture d’un texte
d’intention. Nicolas Philibert et Claudine Bories ont rédigé ces deux textes
afin de présenter leur projet à l’Avance sur recettes, au Centre na- tional de
la cinématographie (CNC). Cette commission, qui permet une diffusion en
salles, privilégie les films de fiction. Elle n’a toutefois jamais empêché les
cinéastes de documentaire de proposer leurs projets. Une chose est sûre :
afin de se donner toutes les chances d’être retenu par l’Avance sur recettes,
il faut écrire un texte attrayant, certes, mais aussi conséquent. Quelques
pages peu développées risqueraient d’être évincées par des projets de fiction
solides (ceux- ci passant dans la même conmission que les documentaires).
Il faut donc, avec des mots, " donner à voir ". On peut proposer des rushes à
l’appui du texte, mais ils ne viennent qu’ac- compagner ce dernier.
La télévision n’est pas moins gourmande de papier que le CNC. L’écrit, par
son caractère définitif, rassure les financeurs et les diffuseurs qui voient en
lui un contrat indiquant précisèment l’intention de l’auteur. Plus il est
développé, plus il est rassurant, gage d’un travail sérieux en amont du
tournage. Mais du point de vue des réalisateurs, l’étape de l’écriture est
souvent vécue comme une contrainte de production, indépendante du
processus de création, au point d’être parfois ressentie comme castratrice
(ne vais-je pas épuiser mon envie ?). Pourtant, à l’arri- vée, ces mêmes
réalisateurs en reconnaissent souvent l’utilitéartistique.
Claudine Bories partage cet avis : " Ecrire m’a aidé à trouver la dimension de
représentation et à m’y tenir. Ça oblige à se poser des questions, en somme,
à travailler. Pour cefilm tout particu- lièrement, j’étais obligée d’écrire, sinon
j’aurais été ; happée par le lieu et toutes les choses violentes qui s’y
déroulent. " Le passage par l’écrit, en lui permettant de mieux comprendre la
place quelle voulait occuper - rester neutre et ne pas prendre parti - a
fortement participé à l’élaboration de son film. Pour elle, pas de do-
cumentaire sans une forme de pensée au préalable. Écrire peut tout
simplement permettre de laisser l’empreinte de l’élaboration mentale de la
forme du film, pour mémoire, si cela ne vient pas aider cette élaboration : "
On ne peut pas se passer de l’écrit ou alors on fait du reportage. "
Henri-François Imbert ("Doulaye", "une saison des pluies") disait lors d’une
rencontre organisée par Périphérie : " Un documentaire, c’est un mo- ment
d’improvisation. Et ces moments d’improvisa- tion, le meilleur moyen pour
les préparer, c’est d’avoir déjà travaillé des thèmes, comne les musiciens de
jazz. En documentaire, on doit avoir cette capacité à rencontrer quelque
chose que l’on ne connait pas. Pour rencontrer cet inconnu, il faut s’y
préparer et l’écriture peut être un moyen à cela. "
P.-S.
Une petite visite sur le site de "Synopsis" cette indispensable source de
réflexion qu’est cette revue s’impose... Comme il faut bien vivre de son
travail peu de choses sont en ligne pour ne pas nuire à la vente du magazine
mais ils ont généreusement accepté que je mette en ligne celui que vous
venez de lire donc merci à eux.(NDW)