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Végétation métallique

En chimie, une végétation métallique est un type de


dendrite qui apparaît lors de certaines réactions chi-
miques. Les végétations métalliques peuvent présenter
des formes analogues à celles des dendrites de solidifi-
cation, dues quant à elles à un effet purement physique.
Les végétations métalliques apparaissent notamment lors
de réactions d'oxydo-réduction en solution aqueuse. Le
nom d’arbre ou d'arbrisseau leur est souvent attribué.

1 Types de végétations métalliques


Certaines végétations métalliques possèdent un nom par-
ticulier, en fonction du métal formant la végétation. Ce
nom fut tiré de la terminologie de l'alchimie, discipline
dans laquelle des personnages de la mythologie romaine
étaient associées aux métaux[1] .

• Arbre de Diane ou Arbre philosophique, végéta-


tion d'argent. Une solution est produite par action
de l'acide nitrique sur de l'argent métallique. La vé-
gétation apparaît après introduction d'une goutte de
mercure.
• Arbre de Mars, végétation de fer, dont la décou-
verte est attribuée à Louis Lémery en 1706[2] . La
solution de fer est produite par action de l'acide ni- Un des premières publications d'une végétation chimique par
trique sur la limaille de fer. La végétation de fer Athanase Kircher, dans Mundus subterraneus.
apparaît soit sur les parois du récipient, soit au-
dessus du liquide après addition de liqueur alcaline son ouvrage Mundus Subterraneus (1660)[3] , lui-même
de tartre (obtenue par combustion du bitartrate de n'étant pas le découvreur de l'expérience qu'il décrit.
potassium).
• Arbre de Saturne, obtenu à partir d'un clou de zinc
et d'une solution d'acétate de plomb. 2.2 Développements du XVIIIe siècle
• Arbre de Jupiter, obtenu à partir d'un clou de zinc Plusieurs expérimentations ont eu lieu au XVIIe siècle.
et d'une solution d'ions étain. L'expérience décrite par Athanase Kircher consiste en la
mise en contact d'une goutte de mercure avec une solution
d'argent (expérience de l'Arbre de Diane). Lémery quant
2 Observations à lui utilise de l'argent dissous par l'acide nitrique et dilue
ses produits dans l'eau. La dilution ralentissant la réac-
tion, la croissance de l'arbre prend ainsi 40 jours. Lémery
2.1 Premières publications
obtient, avec cette réaction plus lentes, des arbres plus ra-
Diderot attribue la première publication de végétations mifiés que les autres chimistes.
[2]
Les branches se terminent
métalliques au chimiste grec Rhodès Carasses (publica- par des petites boules représentant, dans l'imagerie po-
[2]
tion dans le Journal des savants en 1677) , et précise pulaire, les fruits de cet arbre.
qu'avant lui Furetière avait été témoin de cette expérience Une première observation d'importance est présentée de-
faite avec divers métaux (or, argent, fer et cuivre) crois- vant l'Académie royale des sciences en novembre 1692
sant à vue d'œil sous forme d'arbre. La première publi- par Homberg. La méthode proposée permet de produire
cation fut également attribuée à Athanase Kircher, dans un arbrisseau en quelques minutes. Elle utilise de l'argent

1
2 4 NOTES ET RÉFÉRENCES

amalgame dissous dans l'eau-forte. Outre l’arbre de Diane 3 Interprétations


(entièrement en milieu liquide), Homberg propose éga-
lement une méthode pour produire l'arbre de Mars (à Informations complémentaires : Dendrite (fractale).
la surface du liquide) ou une végétation métallique dans
un amalgame d'or ou d'argent (entièrement en milieu
solide)[4] . Les alchimistes qui furent les premiers à observer le phé-
nomène le comparèrent à une palingénésie, c'est-à-dire,
dans le sens ancien, à une génération spontanée[7] .
L'interprétation donnée par Charles Marie de La Conda-
mine (rapportée dans L'Encyclopédie) est que le dissol-
vant (l'acide nitrique) « abandonne » le métal dissous
pour aller dissoudre celui du clou métallique, lorsque la
dissolution de ce dernier est plus facile. Une fois que le
solvant s’est « évaporé », le métal se dépose. Cette forme
cristalline n'est pas, selon Charles Marie de La Conda-
mine, de la même nature que les parcelles de métal com-
plètement « dégagées du nitre » et, en empêchant la libre
circulation du solvant, serait à l'origine de l'irrégularité
des ramifications.
En termes plus modernes, l'interprétation ne fait pas appel
à une dissolution mais à une réaction d'oxydo-réduction.
Dans l'expérience de l'arbre de Diane, l'argent métal-
lique est préalablement oxydé par l'acide nitrique. De
Arbres de Mars obtenus par Louis Lémery, publié dans les Mé- cette attaque résulte la formation d'une solution de ni-
moires de l'Académie royale des Sciences, 20 juillet 1707, p. 328. trate d'argent I. Lorsque le clou de fer est plongé dans
la solution, des ions argent I sont réduits en argent métal
à la surface du clou, où le fer métal est oxydé en ions fer
Ces observations de végétations métalliques sont aussi II. Une réaction d'oxydo-réduction suppose un échange
rapportées par Pierre Lorrain, abbé de Vallemon, Curiosi- d'électrons, donc un milieu conducteur. L'argent métal-
tez de la nature et de l'art sur la végétation : ou l'agriculture, lique étant un excellent conducteur électrique, les ions
et le jardinage dans leur perfection, Paris, Claude Cellier, argent peuvent précipiter à la surface de l'argent métal,
1705. En 1706, Lémery produit l'Arbre de Mars[5] . tandis que le fer métallique du clou se trouve oxydé en
Une seconde observation d'importance sera due en 1731 ions fer progressivement. Le métal cristallin croît donc
à Charles Marie de La Condamine. Ce dernier dissout en partant du centre et sous la forme d'une aiguille.
comme les précédent de l'argent métallique par action de Plus récemment, les chimistes ont étudié les phéno-
l'acide nitrique dispose la solution en une fine couche. mènes liés au transport de matière de façon à expli-
Il pose la tête d'un clou au centre de la solution et voit quer la forme d'arbre branchée des végétations métal-
apparaître, en quelques heures, un réseau de fils d'argent liques. Les modèles qui permettent cette étude sont com-
partant du clou, à l'horizontale en raison de la finesse de parables à ceux utilisés plus largement la croissance en
la couche de liquide. Cette configuration expérimentale dendrites. Ainsi, un modèle d'agrégation limité par la
particulière lui permet d'étudier l'effet de l'inclinaison du diffusion[8] a été proposé. Il considère une particule ini-
fond du récipient sur la forme de l'arbre obtenu. Il pro- tiale à laquelle s’agrègent d'autres particules qui suivent
duit des végétations pour un grand nombre de combinai- une mouvement brownien. Ce modèle permet de pro-
sons de métaux (combinaison entre le métal préalable- duire des arborescences qui s’apparentent à celles ob-
ment dissous et celui du clou)[6] . servées dans les expériences de végétations métalliques.
Cette formulation, qui ne tient pas compte des phéno-
mènes physiques et chimiques de surface, peut être com-
plétée par des approches phénoménologiques, comme les
modèles de champ moyen électrochimique[9] .
2.3 Observations modernes

De nos jours, une expérience d'arbre de Diane sert à illus- 4 Notes et références
trer les cours de chimie de l'enseignement secondaire.
Elle est réalisée en plongeant un fil de cuivre dans une so- [1] Les définitions suivantes sont attestées dans le
lution de nitrate d'argent. Tandis que l'arbrisseau d'argent Dictionnaire de la langue française (Littré)
se forme en partant du fil, la solution se colore en bleu,
couleur prise par les ions cuivre II hexahydratés. [2] L'Encyclopédie, p. 1 :590, article Arbre
3

[3] V. Fleury, Arbres de pierre, la croissance fractale de la ma-


tière, Flammarion (1998), cité par Marc-Olivier Bernard,
Croissance électrochimique : un modèle de gaz sur réseau
en champ moyen, thèse de doctorat, École polytechnique,
2001, p. 3, . L'Encyclopédie, article Arbre, renvoie à Kir-
ker, Musoeum colleg. Rom. s. 4. p. 46.

[4] Mémoires de l'Académie des sciences, 1731, cité par


H. Delboy dans Fontenay-Le-Comte, Quatre logis alchi-
miques, § II3b, septembre 2002, .

[5] Dans le compte-rendu fait en 1707 dans les Histoires et


Mémoires de l'Académie des sciences (donné également
plus bas en lien externe : ), Lémery indique que sa précé-
dente publication a été lue à l'Académie le 13 novembre
1706.

[6] L'Encyclopédie, page 16 :871, article Végétation métal-


lique

[7] Jacques Marx, Alchimie et Palingenesie, Isis, Vol. 62 nu-


méro 3 (automne 1971), pp. 274-289,

[8] T. A. Witten, L. M. Sander, Physical Review Letters 47,


p. 1400 (1981)

[9] M. Plapp, J. F. Gouyet, Physical Review E 55, p. 45


(1997)

5 Voir aussi
• Dendrite (solidification)
• Dendrite (fractale)

• Oxydo-réduction

6 Liens externes
• (fr) (XVIIIe siècle) Reflexions et obſervations di-
verſes sur une vegegation Chimique du Fer, & ſur
quelques experiences faites à cette occaſion avec
differentes liqueurs acides & alkalines, & avec diffé-
rens métaux ſubſtituez au Fer, Louis Lémery, His-
toire et Mémoires de l'Académie royale des sciences,
1707, numéro oai :ads.ccsd.cnrs.fr:ads-00111102_
v1

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7.1 Texte
• Végétation métallique Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/V%C3%A9g%C3%A9tation%20m%C3%A9tallique?oldid=98558278
Contributeurs : Cæruleum, Litlok, Hadrien, Haltopub, Isaac Sanolnacov, Herve1729, Jerome pi, WikiCleanerBot, Neoclash, ΛΦΠ, DSisy-
phBot, Jacques Ballieu et Anonyme : 1

7.2 Images
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Athanasius-Kircher-Mundus-subterraneus.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Modern republication from the Ph.D.
thesis : Marc-Olivier Bernard, Croissance électrochimique : un modèle de gaz sur réseau en champ moyen, Paris, 2001. See
http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00001819/en/ Artiste d’origine : Athanasius Kircher (400 years ago)
• Fichier:Lémery-Académie-des-Sciences-1707.png Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/fc/L%C3%
A9mery-Acad%C3%A9mie-des-Sciences-1707.png Licence : Public domain Contributeurs : Mémoires de l'Académie royale des
Sciences, 20 juillet 1707, p. 328. Fac-simile republication at open archive : http://ads.ccsd.cnrs.fr/ads-00111102 Artiste d’origine : Louis
Lémery (dead more than 200 years ago) ; User:Jborme for this republication.
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Artiste d’origine : David Vignoni / ICON KING

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