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4.

LES REACTIONS CHIMIQUES DE L'ALTERATION


4.1 Exemple d'un profil d'altération

L'altération d'une grano-diorite à été étudiée aux Etats Unis (Boulder, Colorado) sur une
épaisseur de 30 m. Les résultats sont portés sur la figure. La roche est d'abord décolorée puis
colorée en rouge à la surface. Le quartz et, en une moindre mesure, le microcline sont stables.
Les plagioclases, la biotite et l'amphibole sont détruites. De nouveaux minéraux apparaissent
comme les minéraux argileux et les oxydes de fer. L'analyse chimique montre un
enrichissement en Al2 O 3, Fe 2 O 3 et K2 O, un appauvrissement en Si O 2, Fe O, Ca O et
Na 2 O.

Figure 3-2: Profile d'altération d'une grano-diorite.

4.2 Principales réactions d'altération

L'altération chimique des roches se fait en présence d'eau; elle a lieu essentiellement en climat
humide. Les réactions sont des hydrolyses, accessoirement des oxydations, des hydratations,
des décarbonatations pour les roches calcaires. Les éléments solubles sont lessivés. Les
parties insolubles restent sur place, se recombinent et forment des minéraux de néoformation,
principalement des argiles. Les organismes peuvent intervenir à tous les stades de ce
processus. Ils fournissent en particulier des matériaux minéraux ou organiques.

a) Dissolution

Ce processus physique simple intéresse les roches salines: sel gemme, potasse et gypse.

b) Oxydation et réduction
Les oxydations intéressent surtout le fer qui passe de l'état fereux à l'état ferrique.

olivine + oxygène ---------> oxyde ferrique + silice

Fe2 Si O 4 + 1/2 O 2 --------> Fe2 O 3 + Si O 2

Les réductions sont plus rares; elles interviennent dans les milieux hydromorphes et
produisent en particulier le passage du fer ferrique au fer ferreux soluble.

c) Hydratation

C'est une incorporation de molécules d'eau à certains minéraux peu hydratés contenus dans la
roche comme les oxydes de fer; elle produit un gonflement du minéral et donc favorise la
destruction de la roche.

d) Décarbonatation

Elle produit la solubilisation des calcaires et des dolomies généralement sous l'action du CO2
dissous dans l'eau:

        Ca CO 3 + CO 2 + H 2 O ------> Ca (CO 3 H) 2 soluble

e) Hydrolyse

Les hydrolyses, c'est à dire la destruction des minéraux par l'eau, sont les principales réactions
d'altération.

* L'hydrolyse est totale lorsque le minéral est détruit en plus petits composés possibles
( hydroxydes, ions).

Cas d'un feldspath sodique, l'albite:

(Al2 O3, 3 H2O) Na Al Si 3 O 8 + 8 H 2 O -----> Al (OH) 3 + 3 H 4 SiO 4 + Na +, OH -

albite + eau ------> gibbsite + acide silicique + ions

précipité <----------solution
--------->

Les corps résultants peuvent ensuite réagir entre eux et donner des minéraux argileux.

* L'hydrolyse est partielle lorsque la dégradation est incomplète et donne directement des
composés silicatés (argiles). Ces composés diffèrent selon les conditions de milieu.
L'hydrolyse partielle de l'albite donne soit de la kaolinite, soit des smectites. (1) Formation de
kaolinite:

Na Al Si 3 O 8 + 11 H 2 O-------> Si 2 O 5 Al 2 (OH) 4 + 4 H 4 SiO 4 + 2 ( Na+, OH -)

albite + eau ----------> kaolinite + ac.silicique + ions


(2) Formation de smectite

2,3 Na Al Si 3 O 8 + H 2 O ---> Si 3,7 Al 0,3 O 10 Al 2 (OH) 2 Na 0,3 +3,2 H 4 SiO 4 + 2


( Na+, OH- )

Cette 2ème réaction reste assez théorique car d'autres ions y participent, en particulier le Fer
(Fe 3+). 
 

4.3 Minéraux formés

Les nouveaux minéraux formés sont en général des phyllosilicates. Ces minéraux proviennent
soit de la transformation d'un phyllosilicate pré-existant, soit d'une néoformation à partir d'un
silicate non en feuillet à la suite du réarrangement de la structure cristalline. Les réactions ont
lieu surtout dans le sol. Les phyllosilicates formés sont des minéraux argileux de deux types:

* type 1/1: le feuillet comporte 1 couche à tétraèdres SiO 4 et 1 couche à octaèdres AlO6

* type 2/1: le feuillet comporte 3 couches, à savoir 1 couche octaèdrique comprise entre 2
couches tétraèdriques. Lorque les nouveaux minéraux argileux sont formés à partir des micas
(muscovites, biotites et chlorites), le réseau cristallin est plus ou moins conservé, on parle de
transformation. Lorsqu'ils sont formés à partir de silicates qui ne sont pas en feuillets
(feldspaths, amphiboles, olivine...), le réseau cristallin du minéral d'origine est complètement
détruit, on parle de néoformation.
Figure 3-3: Structure des phyllosilicates des argiles.

* Muscovite

Elle est assez stable. Sa fragmentation donne des petites paillettes de même composition
chimique appelées séricite. Son altération chimique se fait par perte progressive d'ion K+; elle
donne de l'illite, puis des argiles de 2 types selon les conditions de drainage du milieu: la
kaolinite en milieu lessivé, les smectites en milieu confiné. Les minéraux intermésiaires
formés sont les vermiculites et les interstratifiés. Corrélativement, la distance inter-réticulaire,
qui sépare les feuillets d'argiles, augmente et passe de 10 A° (muscovite, illite) à 14 A°
(smectite) ou 7 A° (kaolinite; en fait on peut admettre que 2 feuillets de kaolinite sont obtenus
à partir d'un d'illite, soit 2 x 7 = 14 A° également). Les ions K+ assurent la cohésion des
feuillets argileux. L'altération se manifeste par l'exfoliation des feuillets, bien visibles au
microscope électronique, qui produit des particules de plus petites taille, qelques 0,1 microns,
et augmente la surface de contact du minéral et la capacité d'échange des cations avec les
solutions du milieu.

* Feldspaths

Bien qu'il s'agissent de tectosilicates, leur altération est comparable à celle de la muscovite
(voir également paragraphe 4.2).

* Biotite

Sa résistance à l'altération dépend de la teneur de Fe++ dans le cristal; son état d'altération est
exprimée par la quantité de K+ extraite du réseau. La biotite peu oxydée (surtout à Fe++) est
trés altérable et se comportent comme les autres minéraux ferro-magnésiens (pyroxènes...);
elle donne en particulier des vermiculites et smectites et de l'oxyde ferrique qui précipite. La
biotite plus oxydée (Fe+++ surtout) est plus stable.

* Autres ferromagnésiens

Leur altération est semblable à celle de la biotite peu oxydée; ils donnent de la vermiculite,
des smectites, des chlorites ou des argiles magnésiennes si le milieu est trés confiné.

4.4. La complexolyse

C'est une variante de l'hydrolyse en présence de matière organique. Les composés organiques
de l'humus extraient les cations métalliques des réseaux cristallins. Les minéraux sont
détruits; les cations sont fixés sur les composés organiques en donnant des complexes organo-
métalliques. Les cations se liant aux grosses molécules organiques de l'humus sont surtout les
ions Al 3+, Fe 2+ et Fe 3+.

5. FACTEURS CONTROLANT L'ALTERATION


5.1 Résistance d'un minéral à l'altération

L'énergie de liaison varie selon le type d'ions concernés. Le K+ est faiblement lié à l'oxygène,
le Fe++ et le Mg++ le sont moyennement; le Si 4+ établit au contraire des liaisons trés fortes.
On comprend ainsi que le quartz, tectosilicate ne comportant que des liaisons fortes entre le
silicium et l'oxygène, résiste mieux à l'altération; l'olivine en revanche, contenant des cations
moins liés (Fe++ et Mg++) a un réseau cristallin plus fragile. GOLDICH (1938) a établi
l'ordre de résistance des minéraux à l'altération:

Labile olivine ...................................................................plagioclases Ca

augite .............................................plagioclases Ca-Na

hornblende ................plagioclases Na-Ca

biotite .........plagioclases Na
feldspaths K

muscovite

Résistant......................................quartz

On remarque que cet ordre évoque les suites de BOWEN: ce n'est pas un hasard. Dans un
magma, l'olivine cristallise à haute température, elle est donc particulièrement instable dans
les conditions de surface; elle est la plus labile. Le quartz, en revanche est formé à une
température moins élevée, il est plus stable. Le type de réseau cristallin intervient dans la
stabilité du minéral en surface. Les phyllosilicates, comme la muscovite, résistent mieux à
l'altération. Des travaux récents ont permis d'évaluer la vitesse d'hydrolyse d'un minéral
silicaté en mesurant la vitesse de libération de la silice issue du minéral dans le milieu . Cette
vitesse est fonction de la surface de contact du minéral, du pH et d'une constante de vitesse de
libération "K" propre au minéral qui est mesurée en mole/m2/an; voici quelques valeurs de K:

anorthite : 1,76 10-1

feldspath K : 5,26 10-5

muscovite : 8,09 10-6

quartz : 1,29 10-7

On retrouve plus ou moins l'ordre établi par GOLDICH. 


 

5.2 Mobilité des ions

La mobilité d'un ion dépend de son rayon et de sa charge ionique.

* Rayon ionique:

Si4 +: r = 0,42 A°

Al 3+: r = 0,51 A°

0 2- : r = 1,4 A°

La taille des ions détermine leur arrangement cristallin; le nombre de coordination d'un ion
par rapport à l'oxygène est le nombre d'ions oxygène qui peuvent se disposer autour de l'ion
considéré:

- Silicium : nombre de coordination 4, l'arrangement est un tétraèdre;

- Aluminium: nombre de coordination 6, l'arrangement est un octaèdre.

* Charge ionique :

la charge Z d'un ion est égale à 1+, 2+, 3+...


* Potentiel ionique:

c'est le rapport Z/r; il détermine le comportement des ions. La classification établie par
GOLDSCHMIDT distingue 3 groupes d'ions d'après la valeur du potentiel ionique:

* Z/r < ou = 3 : les cations solubles, gros ions faiblement chargés;

* 3 < Z/r < 10 : les hydrolysats, hydroxydes insolubles;

* Z/r > 10 : les oxyanions solubles, anions complexes avec oxygène.

La répartition des charges électriques à la surface de l'ion explique son comportement vis-à-
vis de l'eau.

* oxyanions solubles: leur potentiel ionique est grand, leur surface est fortement chargée. Ces
ions dissocient les H+ des molécules d'eau et s'associent avec les O--: les ions soufre donnent
des ions sulfates (SO4)2-, les ions carbone des carbonates (CO 3)2-, les ions phosphore des
phosphates (PO4)3-...

* hydrolysats: la dissociation de l'eau est partielle en H+ et OH-. Les cations s'unissent aux
OH- et forment des hydroxydes insolubles (Fe2 O3, Al2 O 3...)

* cations solubles: leur potentiel ionique et leur densité de charge de surface sont faibles. Ils
n'ont pas d'action sur la molécule d'eau et restent dispersés.

Figure 3-4: classification des ions par Goldschmidt.

La valeur du potentiel ionique permet donc d'expliquer l'association de certains métaux dans
les minéralisations (par exemple la paragénèse plomb-zinc), le lessivage des cations solubles
et des oxyanions comme le potassium, les sulfates, l'immobilité relative des hydrolysats
comme l'Al (OH)3 (gibbsite). 
 

5.3 Facteurs externes contrôlant l'hydrolyse


Ce sont les facteurs physico-chimiques qui participent notamment à la définition du climat:

* la concentration en SiO2 exprimée en concentration d'acide silicique H 4 SiO 4,

* la concentration en cations basiques (Na+, Ca++, K+),

* le pH déterminé en particulier par les acides organiques,

* la température dont l'augmentation régit la vitesse des réactions et la possibilité de


dissolution des ions dans l'eau,

* la vitesse de circulation de l'eau dans le milieu (drainage) exprimant les conditions de


confinement ou de lessivage.

5.4 Cas du Fer

La solubilité du Fe dépend de la stabilité du système Fe2+ / Fe3+. De plus, l'hydroxyde


ferrique, hydrolysat insoluble, peut être solubilisé par ionisation en pH acide.

Figure 3-5 : stabilité du système Fe2+ / Fe3+ en fonction de l'Eh et du pH pour une solution
diluée à température de 25°C et pression atmosphérique.
Figure 3-6 : solubilité du Fe3+ en fonction du pH de la solution.

On voit que dans les conditions naturelles, l'état d'oxydation du fer dépend du pH: le fer
ferreux est stable à pH acide, le fer ferrique à pH basique. Dans les milieux à l'abris de l'air
(sol, fond de marécage...) le fer est à l'état ferreux ; il passe à l'état ferrique au cours de
l'altération à l'air. Il est lessivé en partie par l'eau de pluie légèrement acide et transporté par
les rivières. Arrivé dans l'eau de mer à pH basique, sa solubilité diminue fortement et il
précipite.

5.5 Solubilité de la silice

Elle est principalement sous forme d'acide silicique H 4 SiO 4; l'eau de rivière en contient
environ 13 mg/l. Le pH a peu d'action sur sa solubilité dans les conditions normales (la
solubilité de la silice augmente au delà de pH = 9 ). Il y a en fait relativement peu de silice
transportée car les ions Al3+ réagissent sur elle pour donner des amas colloïdaux silico-
alumineux peu mobiles. La  figure 7 montre la solubilité du quartz en fonction du pH et de la
température. L'axe des ordonnées indique la quantité de silice perdue par le cristal et passant
en solution. Cette quantité est grossièrement multipliée par 10 entre 0 et 60°C; l'action du pH
ne se fait sentir qu'au delà de pH = 9.
Figure 3-7: solubilité de la silice.

Les figures 8 et 9 montrent les champs de stabilité de quelques minéraux , dans les conditions
de surface (t = 25°C, pression atmosphérique), en fonction de la concentration en silice et en
cations. On voit que l'albite est stable pour des concentrations en Na+ et silice élevée; quand
ces concentrations deviennent faibles, l'albite est totalement hydrolysée en gibbsite,
hydroxyde d'aluminium de formule Al(OH)3 (ou Al2 O3, 3 H 2 0) ; pour des teneurs
moyennes, elle est hydrolysée partiellement et se transforme en kaolinite ou en smectite
sodique selon la teneur en ion Na+. Le même schéma est observé pour l'anorthite (plagioclase
calcique); le champ de stabilité de la smectite calcique est plus vaste; ce minéral sera plus
commun dans les produits d'altération.
Figures 8 et 9: champ de stabilité de quelques minéraux 
.

6. MECANISMES DE L'HYDROLYSE
L'expérience classique de Frederickson et Cox, bien qu'effectuée à température et pression
élevée, donne une bonne idée des mécanismes et des produits de l'hydrolyse des silicates. Elle
a porté sur 3 tectosilicates, quartz, albite, anorthite. Dans les 3 cas, les auteurs ont obtenu des
fragments de cristaux de taille colloïdale, de gros fragments (de l'ordre du micron) et des ions.
Les expériences ultérieures, poursuivies dans les conditions physico-chimiques de surface, ont
abouti aux mêmes résultats. Les auteurs en concluent que la structure d'un cristal ressemble à
une mosaïque: des portions sont bien cristallisées et résistent mieux à l'altération; elles sont
réunies par des zones moins bien cristallisées qui sont plus altérables et libèrent leurs ions.
Ces derniers peuvent polymériser et former des amas colloïdaux et des chaînes silicatées.
Frederikson a proposé d'expliquer l'action de l'eau sur un cristal silicaté comme un feldspath.
La surface du cristal est chargée négativement car les tétraèdres SiO4 qui le composent ne
sont pas saturés à la surface. Les dipôles d'eau se disposent à la surface du cristal du coté de
leur charge positive (H+), les protons H+ pénètrent dans le réseau cristallin où ils entrent en
compétition avec les cations comme Na+, K+, Ca+++ qui sont faiblement liés aux ions
oxygène (voir paragraphe 3) alors que les H+ établissent des liaisons fortes. Les gros cations
sont déplacés et passent en solution; le réseau cristallin est déstabilisé, certains oxygènes non
coordonnés se repoussent et le cristal se fragmente en tronçons.

7. ROLE DES ORGANISMES DANS L'ALTERATION


7.1 Principaux effets des êtres vivants sur les roches

Les études ont porté notamment sur l'effet des organismes adhérant à une roche: algues vertes,
diatomées, lichens, champignons, bactéries. Ceux-ci adhèrent à la surface grâce en particulier
à des organes appropriés qui pénètrent dans les fissures et exfolient les minéraux lamellaires
(hyphes de lichen exfoliant la biotite). Ils produisent une désagrégation et une microdivision
de la surface de la roche ainsi qu'une attaque chimique par sécrétion d'acide oxalique produit
par les lichens comme par les racines des végétaux supérieurs. Les cations des minéraux sont
extraits par complexolyse. Sous les lichens adhérant à la roche est mise en évidence la
formation de composés mal cristallisés à base de Si, Al et Fe, de nombreux composés à base
de Ca et des gels organo-minéraux , résultats de la complexolyse et précurseurs du sol.

7.2 Rôle de la matière organique

Elle intervient dans la complexolyse (voir paragraphe 4.4. )

8. BILAN DE L'ALTERATION
Une réaction générale d'hydrolyse peut s'écrire:

Minéral Primaire + Réactifs en solution -------> Minéral Secondaire + Solution de lessivage

facteurs: composition chimique et minéralogique,température, pH , temps de contact


,concentration, drainage,granulométrie...

La destruction des édifices cristallins silicatés produit des fragments de chaine silicatées qui,
au moins dans un premier temps, restent sur place, et des ions solubles qui sont emportés par
l'eau ou lessivés. L'importance respective de l'héritage, des transformations et des néo-
formations est étroitement liée à l'intensité de l'altération et au lessivage. Pour une altération
et un lessivage faible , les argiles 2/1 se forment. Avec l'augmentation de l'intensité de ces
paramètres, ce sont des argiles 1/1,plus pauvre en silice, qui sont synthétisées. Pour un fort
lessivage,les cations solubles sont entraînés et les phyllosilicates ne peuvent plus se former: il
reste sur place le quartz et les oxydes de fer et d'aluminium.

9. FORMATION DES SOLS (pour plus de détail, voir le cours de


pédologie)

9.1. Quelques définitions

Un sol est une pellicule d'altération recouvrant une roche; il est formé d'une fraction minérale
et de matière organique (humus). Un sol prend naissance à partir de la roche puis il évolue
sous l'action des facteurs du milieu, essentiellement le climat et la végétation. La pédologie
est l'étude des sols. La pédogénèse est la formation et l'évolution des sols. Le sol apparait,
s'approfondit et se différencie en strates superposées, les horizons pédologiques, qui forment
le profil pédologique. Il atteint finalement un état d'équilibre avec la végétation et le climat.
Les principaux horizons sont les suivants:

* Horizon A: horizon de surface à matière organique (débris de végétaux)

* Horizon C : roche peu altérée

* Horizons B: horizons intermédiaires apparaissants dans les sols évolués. Selon le type de
formation et la composition, ils sont désignés par S, E, BT,  BP...

Les sols peu évolués ont un profil AC, les sols évolués ont un profil ABC. Les horizons B
sont formés par l'altération de la roche ou par les mouvements de matière depuis A.

9.2. La fraction minérale du sol

La destruction des roches se fait (1) par désagrégation mécanique qui donne des fragments et
(2) par altération chimique qui produit des ions solubles (cations, acide silicique...), des gels
colloïdaux par hydratation et polymérisation des cations comme le fer et l'aluminium avec la
matière organique (complexolyse) et des argiles, contituants fondamentaux du sol. L'ensemble
constitue le complexe d'altération. L'altération demande de l'eau et une température suffisante;
elle est moyenne en climat tempéré, elle est maximale sous climat équatorial. Elle se fait par
hydrolyse pour les roches silicatées (voir ci-dessus), par décarbonatation pour les roches
calcaires (solubilisation du carbonate par le CO2 contenu dans l'eau). La désagrégation
mécanique caractérise les climats froids ou désertiques.

Le complexe d'altération comprend la fraction argileuse héritée, transformée en néoformée et


d'autres constituants, cryptocristallins ou amorphes, comme les oxyhydroxydes de Fe, Al, Mn,
Si, associés aux argiles et complexés avec l'humus.

Les oxyhydroxydes de Fer sont en particulier la goethite de couleur ocre (Fe OOH) en climat
humide, l'hématite rouge (Fe2 03) en sol fersialitique. Ils assurent les liaisons entre argiles et
humus. Les formes complexées évoluent vers des formes cryptocristalline puis cristalline.

L'aluminium est sous forme d'ion Al+++ hydraté responsable de l'acidité du sol. Comme le
fer, ils assurent les liaisons argiles-matière organique et peuvent se fixer sur les feuillets de
vermiculite pour donner une chlorite. Les formes cristallines de l'aluminium comme la
gibbsite (Al OH3) et la bohémite (Al OOH) sont rares dans les sols des climats tempérés.

Le silicium est sous forme soluble (H4 Si 04) ou sous forme de silice amorphe de 2 origines
possibles : - la bioopale des phytolithes (diamètre de 2 à 50 µm) ; - la polymérisation de
l'acide silicique adsorbé sur des gels à base d'Al ou de Fe qui évoluent ensuite en argiles de
néoformation (kaolinite, smectites).

En climat chaud et humide, l'hydrolyse est totale, elle se fait à pH neutre; les silicates sont
hydrolysés en gibbsite; l'acide silicique et les cations solubles sont lessivés, il reste sur place
le fer et l'aluminium qui constituent un sol ferralitique ou latéritique. Les oxydes de fer
peuvent se concentrer en surface et constituer une croûte ferrugineuse, la croûte latéritique. La
matière organique, oxydée, intervient peu. Les latérites en place ou remobilisées sont
susceptibles d'être exploitées comme minerai de fer ou d'aluminium (bauxite). Les gisements
de bauxite des Baux en Provence ont cette origine. Les minéraux néo-formés à partir des ions
libérés sont la kaolinite et les smectites selon la qualité du drainage. Les lessivage, en
éliminant les cations, augmente l'acidité du sol.

En climat chaud et à saisons sèches et humides alternant, le lessivage et le confinement


alternent, les solutions remontent à la surface en saison sèche, la matière organique est
minéralisée rapidement et a peu d'action, des smectites se forment, la silice reste sur place. Le
sol contient l'association Fe, Si et Al, c'est le sol fersialitique des pays tropicaux et
méditerranéens. La concentration en surface des oxydes de fer produit le phénomène de
rubéfaction.

En climat tempéré, les hydrolyses sont partielles. Les minéraux argileux sont hérités de la
roche-mère (chlorites par exemple) ou transformés progressivement. Lorsque l'hydrolyse est
neutre, comme sur roches calcaires, l'illite est dégradée en smectites (K+ remplacée par Ca++,
Mg++). Pour une hydrolyse à pH acide, sous l'action des acides organiques (oxalique,
citrique), l'illite est transformée plutôt en vermiculite par perte de K+ et ouverture des
feuillets; la transformation en chlorite est également possible; des complexes organo-
métalliques se forment par complexolyse. Les sols sont des sols bruns.

Sous climat froid et humide, milieu de formation des podzols, les acides organiques attaquent
les illites et vermiculites et les dégradent en smectites; la kaolinite peut être néoformée.
Outre le climat, la nature de la roche-mère intervient sur les caractères de la fraction minérale.
En climat équatorial, les granites altérés donnent de la kaolinite, alors que les roches basiques,
plus riches en cations, donnent de préférence des smectites. La topographie a également un
rôle important sur la qualité du drainage. Sur roches calcaires, se forme un type de sol
particulier , les Rendzines.

9. 3 La fraction organique

La végétation fournit des débris végétaux qui constituent la litière de l'horizon Ao. Sa
décomposition se fait sous l'action des microorganismes et produit l'humus et les composés
minéraux de l'horizon A1. Les matières organiques sont d'abord dépolymérisées. Les
monomères résultants peuvent suivre 2 voies :

- La minéralisation qui produit des composés minéraux comme le CO2, le NH3, les
nitrates, les carbonates ;

- l'humidification qui est une repolymérisation en composés organiques amorphes qui


se lient aux argiles.

Cet humus peut être ensuite minéralisé à son tour. Il comprend des acides fulviques et
humiques extractibles à la soude (alcalino-solubles) et l'humine qui est totalement insoluble;
les composés à fort poids moléculaire (100 000) sont polymérisés à partir de noyaux
aromatiques (phénols) provenant de la destruction de la cellulose et de la lignine sous l'action
microbienne, en particulier des champignons. Son type dépend des caractères de la végétation
et du climat. En climat froid (boréal) et tempéré, il est riche en acides organiques trés
agressifs qui produisent une complexolyse intense; en climat équatorial, il est trés évolué et
peu actif.

La vitesse d'humification dépend de l'activité biologique conditionné par la température.

- En milieu peu actif la décomposition des litières est lente, l'horizon organique Ao
brun noir, fibreux et acide est bien distinct, c'est un mor (ou terre de bruyère).

- En milieu biologiquement plus actif, l'horizon Ao est moins épais et constitue


un moder.

- En milieu très actif, la décomposition est très rapide, l'horizon Ao disparait, l'humus
est incorporé dans la fraction minérale en complexes organo-minéraux formant un
horizon A1 (mull) à agrégats argilo-humiques à Fe et Al.

9.4. Structure et évolution des sols

En climat tempéré, lorsqu'une roche affleure, elle est progressivement altérée et colonisée par
la végétation: végétaux inférieurs, plantes herbacées puis arbres; le sol se forme. Il s'établit
d'abord un horizon d'humus sur la roche altérée (profil AC, sol jeune), puis un horizon de type
B (profil ABC). La profondeur augmente et le profil pédologique devient de plus en plus
évolué jusqu'à atteindre un état d'équilibre avec le climat et la végétation. Les matières
circulent dans le sol dans le sens descendant, par infiltration des solutions, et dans les sens
ascendant, par remontée capillaire et remontée biologique (lombrics, termites en climat
tropical, racines).
La texture du sol est définie par la grosseur des particules qui le composent : % graviers,
sable, terre fine...La structure est l'organisation du sol. Elle est conditionnée par les colloïdes :
argiles, substances humiques hydroxydes. Les argiles favorisent la fragmentation du sol en
produisant des fentes de retrait à la dessication. Elles peuvent enrober les autres particules et
colmater les pores. Elles peuvent fixer des composés organiques par adsoption sur leurs
feuillets par l'intermédiaire des oxyhydroxydes d'Al et de Fer qui forment un revêtement
pelliculaire. Ces complexes organo-minéraux (ou argilo-humiques) sont aglomérés en
agrégats incorporant des filaments mycéliens et des bactéries à polysaccharides.

On distingue 3 grands types de structures :

- particulaire : sol très meuble

- massives : éléments liés par un ciment

- fragmentaire : en agrégat (mn), grumeaux (cm) ou polyédrique, trés favorable aux


cultures .

Ainsi, la végétation fournit l'humus et assure la circulation ascendante des matières; elle
protège ensuite la roche de l'érosion. La destruction de la végétation entraine celle des sols
évolués, ou évolution régressive du sol. Les cycles évolution-régression des sols se succèdent
à intervalles de temps courts (cataclysmes, action de l'homme) ou longs (pulsations
climatiques).

Le rôle déterminant du climat dans l'altération des roches et l'élaboration des sols a donné lieu
à la formulation de la théorie de la bio-rhéxistasie par ERHART. En climat humide, les
conditions sont favorables à l'altération des roches, au développement de la végétation et à la
formation des sols; la destruction des roches est limitée aux phénomènes chimiques qui
libèrent essentiellement des ions solubles: cette période favorable à la vie est la biostasie. En
période sèche, la végéta roches mises à nu sont soumises à la désagrégation mécanique qui
produit des matériaux détritiques grossiers: c'est la rhéxistasie.

En climat tempéré, il faut environ 1000 ans pour former un horizon A1, plusieurs milliers
d'années pour un horizon B et quelques heures à un homme pour détruire un sol.

CLIMAT VEGETA ALTERA ORIGINE MINER PRODUCT


TION TION des AUX IVITE
et SOL ARGILE FREQUE EVOLUTI
S NTS ON M.
ORGANIQ
UE
Glaciaire Toundra Désagréga Héritage Illite nulle
tion Chlorite
mécaniqu
e
Boréal Taïga Complexo Transfor Amorphe forte
Podzols lyse mation s
Héritage Vermicul
faible ite
Tempéré Feuillus Complexo Transfor Vermicul forte
Sols lyse mation ite
Bruns hydrolyse Héritage Interstrati
Podzols + ou - fiés
acide Illite,
Chlorite
Smectites
Méditerra Steppe, Hydrolyse Transfor Smectites faible
néen savane neutre mation
Subtropic FerSialitiq Néoforma
al ue tion
Héritage
Désertiqu néant Désagréga Héritage Illite nulle
e tion Chlorite
mécaniqu
e
Equatoria Forêt Hydrolyse Néoforma Gibbsite Maximale
l Ferralitiqu neutre tion Kaolinite
e totale

Figure 3-10: Altération et type de sols selon le climat


Figure 3-11 : Pédogénèse suivant la latitude.

9.5. Principaux types de sols

* Sols peu évolués

- sols désertiques (aridisols) : profil réduit à C ;

- sols gelés (cryosols) ;

- sols alluviaux et colluviaux ;

- ranker sur roches siliceuses ; humus peu actif (mor) profil AC.

* Sols calcimagnésiques : Rendzines sur roches calcaires, horizon A1 humifère à complexe


argile - humus - Ca C03, épaisseur : 40 cm
* Chernozem sous climat froid et sec (steppe); défini en Ukraine; horizon A1 noir à structure
grumeleuse, jusqu'à 60 cm d'épaisseur, B réduit : profil AC ; sol très fertile.

* Sols bruns : en climat tempéré; profil ABC; humus actif (mull), horizon B brun (association
oxydes de Fe - argiles)

* Podzols sols à horizon cendreux de zones boréales (Taïga) et tempérées humides; Ao : mor


noir A2 : cendreux, surtout du quartz; très lessivé sous l'action des acides organiques de
l'humus. B coloré: accumulation de composés organiques et minéraux.

* Gleys sols hydromorphes, imbibés d'eau; le déficit d'oxygène ralentit l'humidification et


réduit le Fe (couleur gris-vert), à l'extrème, une gley peut donner une tourbe.

* Sols rouges fersialitiques riches en oxydes de Fe; sous climats méditerranéens et


subtropicaux.

Figure 3-12: Profils pédologiques

10. CONCLUSIONS
Sur le continent, une roche est soumise à l'action des facteurs physiques, chimiques et
biologiques propres au climat. Elles est désagrégée et transformée. Ses minéraux non
modifiés ou transformés, avec des minéraux nouvellement formés, constituent la fraction
minérale de la pellicule d'altération. Les êtres vivants fournissent la matière organique qui
réagit sur certains composants minéraux. L'ensemble fraction minérale et fraction organique
constitue un sol. Toute modification de l'équilibre entre les facteurs pourra entraîner la
modification ou la destruction du sol; dans ce dernier cas, ses constituants seront entraînés et
contribueront à la formation de nouveaux sédiments.
11. PLANCHE PHOTOGRAPHIQUE
 

  
  
  
  

chapitre suivant
Jacques Beauchamp/ SEDIMENTOLOGIE

Chapitre 7

LA SEDIMENTATION LITTORALE
SILICO-CLASTIQUE

1. LES MILIEUX LITTORAUX


Le littoral comprend la ligne de côte et une bande immergée de largeur variable
dont la profondeur est inférieure à 200 mètres et qui correspond à la plate-forme
littorale. La ligne de côte comprend les plages, les falaises et la partie du continent
soummise plus ou moins directement à l'action de la mer: duneslittorales, marais
côtiers, estuaires... La nature de la sédimentation littorale, ou néritique, dépend
essentiellement des apports détritiques du continent et de la productivité
biologique, ces deux facteurs dépendant eux-mêmes de la latitude et du climat.
Dans les régions tempérées et froides, les matériaux détritiques dominent; leur
composition est surtout siliceuse: on parle de sédimentation silico-clastique. Dans
les régions chaudes nombreux sont les organismes qui fixent le carbonate de
calcium ; à leur mort, les éléments carbonatés s'accumulent au point de constituer la
matière principale du sédiment: on parle de sédimentation littorale carbonatée.
Cette dernière fera l'objet du chapitre suivant. Les estuaires, deltas et lagunes seront
étudiés dans des chapitres distincts .
Figure 7-1: zonation des milieux littoraux néritiques.

2. LA LIGNE DE COTE
2.1 Les côtes rocheuses

Les côtes rocheuses et escarpées bordant des mers agitées sont des domaine
d'érosion ou du moins d'absence de sédimentation. Les matériaux arrachés sont
emportés par les courants littoraux puis s'accumulent dans des "rentrants" protégés
de la côte. L'action propre de l'hydrodynamisme marin est important sur les roches
tendres. Les îles volcaniques constituées de cendres sont rapidement érodées par les
vagues: dans les îles Lipari, le Vulcanello, petit volcan dont l'activité est historique,
a déjà perdu la moitié de son cône. Les organismes participent à l'érosion des côtes:
les mollusques lithophages, certaines annelides, perforent les roches dures. Des
vers, des crustacés, des bivalves creusent desterriers dans les sédiments meubles.
La mer agit également par voie chimique; au dessus du niveau de la mer
apparaissent des cavités de dissolution surtout importantes dans les roches calcaires
et qui sont dûes à l'action des embruns chargés de sels. Ces cavités ou taffoni,
quand elles sont nombreuses, confèrent à la roche une structure alvéolaire
déchiquetée commune sur les côtes atlantiques marocaines. Les algues participent
également à la destruction chimique. L'érosion continentale ajoute son effet à celle
de la mer. Le recul des falaises crayeuses du Pays de Caux est en grande partie due
à l'action de la pluie et du gel qui minent la falaise et provoquent son éboulement.
La mer déblaie les matériaux éboulés, dégage les silex et les usent en galets. Les
galets sont entrainés vers le nord par le courant littoral et déposés jusqu'à la baie de
Somme; ils constituent des plages particulièrement inconfortables.

2.2 Les plages


Les plages sont des lieux d'accumulation de sables, plus rarement de galets, situés
le long du rivage. Le déferlement des vagues génèrent des courant locaux qui
produisent le déplacement des sables et leur accumulation en une barre de
déferlement, quelquefois plusieurs, parallèle au rivage

Figure 7-2: déplacement des matériaux dans la zone de déferlement.

a) Origine des matériaux

Les sables proviennent généralement du continent; ils sont apportés par les fleuves
dans les estuaires et les deltas puis dispersés le long du littoral par les courants:
c'est le cas des plages de Vendée (Loire) et de Camargue (Rhône). Néanmoins, ils
peuvent provenir du remaniement par la mer de sables littoraux: au cours d'une
tempête, les vagues et les courants peuvent exporter des pans entiers de plage et
déposer le sable plus loin. Aux éléments terrigènes s'ajoutent de éléments calcaires
provenant de la destruction des coquillages. Certains sables de plage viennent de
l'érosion sous-marine des sables de la plate-forme: le sable des plages picardes au
Nord de la Somme ont pour origine les sables éocènes du fond de la Manche. Les
galets sont également apportés par les fleuves. Par rapport aux sables, leur
dispersion le long de la côte est plus faible et ne dépassent guère que quelques
kilomètres depuis l'embouchure. Certains galets proviennent de l'usure même de la
côte (cas des galets de silex); ceux du Pays de Caux sont déplacés de plusieurs
dizaines de km le long de la côte vers le Nord.

b)Zonation

Le balancement des marées et l'énergie des vagues délimitent un certain nombre de


zones d'hydrodynamisme différent dont les noms varient selon les auteurs et le type
de sédimentation (Figure 7-1). Schématiquement, l'hydrodynamisme est maximal
dans la zone déferlement, les sédiments déposés sont grossiers (sables, galets). En
direction du large l'hydrodynamisme diminue et la taille des matériaux également.

Figure 7-3: Répartition des éléments détritiques sur une plage en fonction de
l'hydrodynamisme.

2.3 Les vasières

Dans les parties protégées du littoral, l'hydrodynamisme est plus faible et les
particules fines se déposent; les estuaires et les fond de baies présentent ces
caractères: Baie du Mont St Michel, Baie de Somme, Estuaire de la Gironde,
Bouches de l'Escaut, de la Meuse et du Rhin. La morphologie est particulière; deux
zones sont distinguées aux Pays Bas.

* Le schorre est la zone supratidale; ce sont des marécages garnis de végétation


herbacée et parcourus de chenaux tidaux . Il s'y dépose un sédiment silto-argileux
laminé, riche en matière organique appelé tangue dans la Baie du Mont St Michel.
La sédimentation est souvent plus grossière dans les chenaux (sables) et montre une
alternance de lamines sableuses et de lamines silto-argileuses correspondant à
l'action d'un courant fort, en général le flot, et d'un courant plus faible, en général le
jusant. Ces couplets de marée ("tidal bundles") sont caractéristiques des milieux
marins tidaux.
Figure 7-4: Formation classique des couplets de marée dans un chenal: alternance
d'une maine grossière de flot et d'une lamine fine de jusant.

Figure 7-5: disposition des couplets de marées dans un chenal tidal.


* La slikke contient la vase de la zone intertidale. Les organismes fouisseurs sont
nombreux (annélides, bivalves). Elles est traversée par des chenaux à courant de
jusant où se déposent des dépôts sabloneux à structures hydrodynamiques
traduisant la cyclicité des marées.

3. LA PLATE-FORME
C'est le prolongement au large de la zone subtidale. L'hydrodynamisme peut y être
fort: oscillation et succion sur le fond des vagues, érosion et dépôt par les courants
de marées. De plus, pendant les tempêtes, apparaisent des courants
"géostrophiques" provoqués par le reflux en profondeur de la masse d'eau poussée
par les vents en direction des côtes; le déplacement de l'eau se fait d'abord
perpendiculairement à la ligne de rivage, puis la force de Coriolis dévie le
mouvement vers la droite dans l'hémisphère nord.

Figure 7-6: Formation d'un courant géostrophique induit par la tempête. (1) le
vent souffle en direction de la côte; (2) il cesse et l'eau reflue en profondeur.

Selon la vitesse des courants le fond est érodé ou des sédiments s'y déposent. Ce
sont principalement des sables. Les formes principales d'accumulation sont des
rubans sableux longitudinaux, des dunes, des mégarides ou vagues sableuses, des
rides.
Figure 7-7: Action d'un courant sur le fond en fonction de sa vitesse.

Sur les côtes atlantiques nord-américaines, les accumulations sableuses sont dues
aux courants de tempête; elles sont disposées en barres obliques par rapport au
rivage. Dans la Manche, les courants de marée sont déterminants; leur vitesse
atteint 1 m/s; ils changent périodiquement de sens mais effectuent un circuit de telle
sorte que les figures sont souvent unidirectionnelles. En Mer du Nord on trouve des
corps sédimentaires alongés, les "bancs", de plusieurs dizaines de km de long pour
une hauteur atteignant 40 m, qui portent des mégarides et des rides (exemple
Dogger Bank).

Figure 7-8: Structure interne d'une vague sableuse (image sismique).

Dans les zones plus profondes de la plate-forme et dans les mers picontinentales,
l'hydrodynamisme plus faible peut favoriser la stratification de l'eau et l'anoxie. Les
débris organiques s'accumulent et sont réduits. Des accumulations de débris
phosphatés se produisent actuellement au large des côtes de Namibie. Le dépôt de
matière organique réduite et d'argile donne des sédiments noires qui évoluent plus
tard en "black shales". Dans les sables accumulés sur les plate-formes se forme un
silicate d'alumine proche de l'illite, la glauconie.

4. ROCHES DETRITIQUES D'ORIGINE LITTORALE


4.1 Faciès et structures

Les sables donnent des grès à structures de courant souvent bidectionnelles; les
litages sont plans parallèles, plans faiblement obliques, en auge et entrecroisés. Les
grains sont usés et bien classés; la matrice est faible. Dans les séries anciennes on
trouve souvent des grès à structures en mamelon (hummocky cross stratification)
comportant des lamines convexes et d'épaisseur variable. Ces structures sont
rapprochées des mégarides actuelles; elles caractérisent des milieux soumis à
l'énergie des vagues (dépôts de tempête ou tempestites). Les dépôts des vasières
littorales donnent des siltites et shales généralement noires, rouges après oxydation
dia- ouépi-génétique, et riches en bioturbations ou débris de coquilles.

Figure 7-10: Granulométrie d'un sable de plage.


Figure 7-10: Roches formées sur une plate-forme pentée soumise à l'action des
vagues.

 
 

4.2 Quelques exemples

Les roches détritiques littorales sont abondantes dans les séries géologiques: de
nombreuses formations gréseuses sont d'anciens sables de plage ou de plate-forme.
Citons à titre indicatif:

* Tertiaire: la molasse marine de la plaine suisse montre des cycles de marée.

* Trias: les quartzites blanches du Briançonnais possèdent de nombreuses figures


hydro-dynamiques rencontrées sur les plate-formes.

* Dévonien: les Grès de Vireux de l'Ardenne sont d'anciens sables de plage.

* Ordovicien: les Grès Armoricains présentent des structures en mamelon


caractéristiques des plate-formes soumises aux tempêtes.

Les "schistes carton" du Jurassique du Bassin Parisien sont des black shales de
plate-forme anoxique.
Figure 7-11: Paramètres sédimentologiques et faciès sur une marge passive.
 

5. PLANCHE PHOTOGRAPHIQUE
chapitre suivant

révision: octobre 2005

https://www.u-picardie.fr/beauchamp/cours-sed/sed-7.htm

SEDIMENTOLOGIE/Jacques Beauchamp

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Chapitre 11

LA SEDIMENTATION EVAPORITIQUE
  
  
  
  
 

1. GENERALITES

 Lorsque l'eau s'évapore, elle dépose ses particules détritiques et les ions qu'elle
contient précipitent sous forme de sels. Les matériaux déposés constituent une
séquence évaporitique. L'ordre de précipitation des sels est le suivant:

                    CaCO3 - CaSO4 - NaCl - MgSO4 - sels de Br et K

 Figure 11-1: masse de sels précipitée dans une saumure en cours d'évaporation.

 On distingue 2 types d'évaporites actuelles: 


* les évaporites d'eau libre, provenant de l'évaporation d'un corps d'eau; 
* les évaporites capillaires provenant de la précipitation des sels d'une saumure
intertitielle dans les pores d'un sédiment.

 La formation des évaporites est favorisée par le climat aride et le confinement du
milieu. Néanmoins des régions littorales tempérées mais trés ventées sont
également le siège d'une forte évaporation (salines de Camargue). 
 Dans les marais salants actuels, le confinement du corps d'eau est accompagné
d'une intense activité biologique: larves d'insectes, algues, bactéries. Des voiles
algaires, constitués de cyanobactéries et de bactéries photosynthétiques, se
développent dans une saumure dont la concentration atteint 200 g/l tandis que le
sulfate de Ca précipite à l'état de gypse. La biomasse est importante; la production
de matière organique est estimée à 10 kg/an pour 1 m2 de surface de marais salant.
La matière organique est bien conservée dans ces milieux confinés offrant des
conditions d'anoxie sur le fond.

 Figure 11-2: Productions annuelles comparées de matière organique dans divers


milieux.

 
2. LES MILIEUX EVAPORITIQUES ACTUELS

2.1 Domaines intracontinentaux

 a) Lacs temporaires 
 C'est le cas des bassins continentaux fermés (bassins endoréiques) sous climat
aride à semi-aride. Ces lacs salés s'appellent selon les lieux sebkha continentale,
chott, playa... 
Les sédiments contiennent beaucoup de matériaux détritiques et relativement peu
de carbonates de Ca et Mg. Les sels différents de ceux provenant de l'eau de mer; il
précipite en particulier du carbonate de Na, du sulfate de Na ...

 b) Lacs permanents sursalés 


 La Mer Morte en offre un bel exemple. C'est un lac alimenté par une rivière, le
Jourdain, mais soumis à une forte évaporation: la densité de l'eau atteint 1,33, ce
qui correspond à une salinité de 325 g/l, à 350 m de profondeur. Les eaux sont
stratifiées en fonction de la salinité croissante; les eaux profondes sursalées sont
anoxiques. Depuis 1983, le sel (halite) précipite sur le fond.

 Figure 11-3: Stratification des eaux dans la Mer Morte.


2.2 Domaine paralique

 a) Sebkhas côtières 
 Ce sont des plaines supratidales envahies épisodiquement par la mer et siège d'une
intense évaporation sous climat aride. Le type en est la sebkha d'Abou Dhabi
étudiée plus loin.

 b) Bras de mer sursalés 


 Il s'agit de fonds de golfes, estuaires ou lacs reliés à la mer libre par un chenal
étroit et soumis à une forte évaporation. Cette disposition est connue le long des
côtes du Pérou, dans les Emirats Arabes Unis. Le Lac Assal (Djibouti) est un cas
particulier. Il est alimenté principalement par des circulation d'eau de mer le long
de failles d'extension qui affectent cette région du Rift Africain.
 Figure 11-4: Le Lac Assal. L'eau de mer circule le long des fissures depuis le
golfe marin.

3. ETUDE D'UN EXEMPLE ACTUEL

 La sebkha côtière d'Abou Dhabi sert de modèle de milieu évaporitique paralique.

  3.1 Cadre géographique

   La région est située sur la rive sud du Golfe Persique. Le climat est chaud et sec:
la température de l'air varie entre 12° et 47°C, il ne tombe que 40 à 60 mm de pluie
par an. Dans la lagune, la température de l'eau est comprise entre 12° et 40°C, la
marée y a une amplitude de 1,20 m. La profondeur le long de la côte ne dépasse pas
20 m, 80 m au maximum au milieu du Golfe. Dans ces conditions extrêmes
l'évaporation est intense: elle est estimée à 1,50 m d'eau par an; la salinité est
voisine de 70 pour mille sur la côte, soit le double de la salinité marine normale.

   Figure 11-5: (A) la "Côte des Pirates" au sud du Golfe Persique. (B) détail: la
lagune et la sebkha d'Abu Dhabi.

3.2 Milieux de sédimentation

  La sédimentation est carbonatée. Les dépôts comprennent des sables bioclastiques


à bioclastes de Lamellibranches, Foraminifères, Gastéropodes, Coraux, des
concrétions algaires, des sables oolitiques et des boues carbonatées.

a) Barrière 
 Des bioconstructions forment une barrière discontinue qui limite la lagune côtière.
Les coraux sont peu développés à cause de la température et de la salinité élevée.
Des dunes de sable oolitique renforcent cette barrière et constituent un chapelet
d'îles.

b) Chenaux et deltas tidaux 


 La lagune est parcourue de chenaux de marée qui franchissent la barrière et
épandent des sables oolitiques en cônes deltaïques sous-marins, les deltas tidaux.

c) Lagune 
  Dans la zone subtidale se déposent des sables et boues carbonatés à aragonite; la
faune est faite de foraminifères benthiques, de bivalves; il y a quelques herbiers à
graminées halophiles. 
  La zone intertidale présente à sa base une surface durcie; le sédiment est une boue
à pellets fécaux de Cerithes (Gastéropodes). Dans la partie supérieure prolifèrent
les algues qui édifient des coussinets algaires à structure laminée (stromatolites) qui
agglutinent les grains de sable calcaire. Des cristaux de gypse croissent et
détruisent en partie les structures stromatolitiques. Par endroit, se développe une
mangrove à terriers de crabes. 
 La zone supratidale est une plaine salée à pente trés faible qui n'est inondée que
quelquefois par an. Elle est constituée de carbonates et de quartz éoliens collés à la
surface humide contrôlée par le niveau phréatique. Dans le sédiment précipitent
surtout le gypse, l'anhydrite qui provient en grande partie du remplacement du
gypse, la dolomite et temporairement la halite sous forme d'un film blanc
superficiel.

   Figure 11-6: Profil transversal dans le littoral d'Abou Dhabi.

3.3 Séquence de dépôt

  Les dépôts de la sebkha progradent vers la lagune; dans une coupe faite dans la
sebkha, on voit que les niveaux supratidaux à gypse et anhydrite recouvrent les
couches déposées en milieu inter- et sub-tidal: la séquence evaporitique est
régressive.
      Figure 11-7: séquence évaporitique dans la sebkha d'Abou Dhabi; l'épaisseur
totale des terrains traversés est de 2 m environ.

 4. LES GRANDES SERIES EVAPORITIQUES

   A certaines périodes se sont déposées des séries évaporitiques énormes par leur
puissance et leur étendue.

4.1 Le Zechstein d'Europe du nord

  Le Permien d'Allemagne et la Mer du Nord est sous forme d'un faciès


évaporitique renfermant surtout de la halite et appelé Zeichstein. Ce faciès a une
puissance supérieure à 2000 m et couvre une superficie de près de 1 million de
Km2. La quantité de sel contenue équivaut à 10 % du sel dissous dans l'eau des
océans actuels. Sous l'effet de la charge des sédiments sus-jacents et de la
fracturation, le sel du Zeichstein remonte en diapir et contribue à former des
structures favorables à l'accumulation d'hydrocarbures. La base de la série est
constituée de black shales minéralisées en cuivre, les Kupferschiefer.
   Figure 11-8: Diapir de sel du Zeichstein en Mer du Nord (image sismique).

  4.2 Le Keuper d'Europe et d'Afrique du Nord

   Au Trias moyen et supérieur, des couches rouges argileuses riches en gypse et sel
se sont déposées dans d'immenses lagunes annonçant la transgression du
Jurassique. Les évaporites triasiques forment également des diapirs reconnus
notamment dans la région sous-pyrénéenne et dans la marge passive atlantique au
large du Maroc. Les argiles du Keuper servent de niveau de décollement pour la
couverture dans les Alpes et le Jura. Des minéralisations en Pb et Zn leur sont
localement associées (Cévennes).

 4.3 Les évaporites du Messinien

   Le fond de la Méditerranée et ses pourtours sont recouverts d'une épaisse série


évaporitique d'âge miocène supérieur (Messinien). Ces évaporites ont suscité de
nombreuses controverses. On a supposé qu'à cette époque l'eau de la mer s'était
complètement évaporée et qu'une immense dépression couverte de sel gisait à une
altitude inférieure au niveau moyen des mers, de l'Atlantique en particulier.
    Figure 11-9 : Répartition des évaporites du Messinien.

5. L'HYPOTHESE DES EVAPORITES D'EAU PROFONDES

  Il est difficile d'expliquer la genèse des grandes séries évaporitiques anciennes à


partir des modèles actuels. Les milieux évaporitiques de nos jours sont d'extension
réduite et la puissance des sels accumulés ne dépasse guère la dizaine de mètres.
Des auteurs ont supposé que des sels pouvaient précipiter au fond de corps d'eau
soumis à forte évaporation mais en communication restreinte avec la mer libre et
donc constamment réalimentés. Une forte épaisseur d'évaporites pourrait précipiter
sans pour cela faire intervenir la subsidence.

 On ne connait pas de modèle actuel. Néanmoins, on observe dans les marais
salants que les cristaux de sels se forment près de la surface de l'eau puis tombent
au fond. D'autre part, la stratification des eaux peut entraîner une sursalure dans les
couches profondes (comme dans la Mer Morte). Enfin, la teneur en brome de
certaines évaporites triasiques est celle rencontrée en profondeur et non en surface.
  Figure 11-10: Formation d'évaporites d'eau profonde; l'eau se stratifie, sur le
fond s'accumulent des sédiments anoxiques qui donneront plus tard des black
shales; la couche superficielle de l'eau s'évapore et se concentre malgré l'apport
latéral d'eau, les cristaux de gypse et de sel se forment et tombent au fond.

Orientation bibliographique

Une mise au point claire et bien illustrée a paru dans le n° 80 (décembre 2001) de
GEOCHRONIQUE.

6. PLANCHE PHOTOGRAPHIQUE
Jacques Beauchamp

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