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1830 —
1930
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[LECTION DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE

GÉOGRAPHIE

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d'Histoire urbaines
ide de Géographie et

PAR

René LESPÈS
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PARIS

FÉLIX ALCAN
LIBRAIRIE
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BOULEVARD SAINT-GERMAIN,
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M.CM.XXXVI1I
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1830 —
1930 -tfU
3
COLLECTION DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE

GEOGRAPHIE

ORAN
Etude de Géographie et d'Histoire urbaines

PAR

René LESPES
DOCTEUR ES LETTRES

PARIS

LIBRAIRIE FÉLIX ALCAN

lo8, BOULEVARD SAINT-GERMAIN (VIe)


M. CM. XXXVIII
AVANT-PROPOS

L'ouvrage que nous présentons sur Oran est, comme celui publié

par Alger, qui l'a précédé en 1930 dans la Collection du


nous sur

Centenaire de l'Algérie, une étude de géographie et d'histoire urbai


nes. Il en est la suite naturelle, il a été composé sur le même plan,
élaboré suivant les mêmes méthodes de recherche et de rédaction,
conçu dans le même esprit, avec la pensée directrice d'ajouter un

chapitre à l'histoire de la Colonisation urbaine sur les territoires de


l'ancienne Régence.

Il est un nom que l'on rencontrera souvent dans ces pages, là


du moins où sont exposés les faits de l'époque contemporaine. Le
d'
terme « Oranie », devenu d'un usage courant, est appliqué d'une
manière assez imprécise à l'Algérie de l'Ouest ; on est d'ailleurs
unanime à en reconnaître la capitale dans la grande ville et le grand

port auxquels elle est redevable de cette dénomination. Du point de


vue de la géographie physique, cette région ne saurait être con

fondue avec l'une des deux grandes divisions de l'Algérie dont on

place la ligne de séparation entre Alger et Biskra. Elle n'en embrasse

que la partie occidentale, et le sens du terme d'« Oranie » doit être


entendu comme étant essentiellement d'ordre économique, c'est-

à-dire humain. Les limites officielles assignées aux départements


d'Oran et d'Alger ne sauraient évidemment, à aucun point de vue,
avoir une valeur géographique absolue. Mais le fait que la situation
8 AVANT-PROPOS

du premier le destine naturellement à des relations plus étroites


avec l'Espagne et le Maroc, en même temps d'ailleurs que les traits
distinctifs de l'Algérie de l'Ouest y sont particulièrement accentués,
justifie son individualité beaucoup mieux qu'une simple division
administrative.

Oran en est vraiment à ce double titre le grand centre régio

nal ; sa vie toute entière en est le reflet. On n'a eu garde de l'oublier


au cours de cette étude, où l'on espère avoir suffisamment défini
tous les rapports étroits qui le relient à l'arrière-pays pour qu'on ne

puisse être accusé de digression là où il y a cohésion intime.


Ainsi apparaît clairement l'importance comme centre d'attraction
et d'expansion d'une grande place telle qu'Oran ; et par là aussi

peut-on définir dans des limites plus précises la part qui lui revient

dans l'ensemble de l'économie algérienne, les conditions plus ou


moins imposées à son développement, comme aussi les données sui

vant lesquelles se posent les problèmes principaux dont la solution

commande son avenir.

Ce sont là les objectifs que nous avons poursuivis ; pour les


atteindre il nous a paru que l'abondance, la variété et la précision

de la documentation étaient des nécessités inéluctables. S'il arrive

que l'on puisse nous reprocher quelques lacunes voulues ou imposées


par la pénurie des renseignements dignes de confiance, on ne devra
pas oublier par ailleurs que le sout* du détail et l'accumulation des
faits et des chiffres ont répondu à notre désir de présenter un livre
utile, concret, accessible à tous ceux qui en recherchent la préci

sion et qui veulent en saisir l'enchaînement et l'évolution.


Nous
nous sommes particulièrement préoccupé de l'illustration

sous différentes formes, graphiques, reproductions photographiques,


croquis, cartes et plans. Il nous eût été difficile, pour des raisons

matérielles, de la rendre plus abondante ; mais nous avons estimé

que, dans une étude de détail, elle devait faciliter de multiples

façons l'intelligence du texte et lui communiquer la vie dont les


procédés techniques modernes permettent de l'animer.
Dans les nombreuses notes qui lé complètent on trouvera ras-
AVANT-PROPOS 9

semblés, au début de chaque chapitre, les renseignements bibliogra


phiques principaux et en général les indications des sources diverses
auxquelles nous avons recouru. Les enquêtes personnelles, indis
pensables pour un travail de ce genre, y ont été mentionnées ; tous
ceux qui nous ont apporté leur concours obligeant et précieux y
trouveront l'hommage qui leur est dû.

Nous ne pouvons oublier que, si cet ouvrage a pu voir le jour,


nous le devons à la bienveillance de M. le Gouverneur Général Le
Beau, grâce à qui il a été compris parmi les derniers volumes de la
grande Collection du Centenaire de l'Algérie. Nous lui exprimons

ici toute notre reconnaissance.

Nous avons trouvé le meilleur accueil auprès de tous les Ser


vices dont le concours était sollicité par nous. Nous devons des
remerciements particuliers à ceux de la Ville d'Oran dont les Maires,
M. Menudier et M. l'Abbé Lambert nous ont largement ouvert

l'accès, ainsi qu'à ceux de la Chambre de Commerce, à son Prési


dent M. Hernandez, et à son dévoué Secrétaire général M. Isman.

Nos remerciements vont enfin à M. Gabriel Esquer, Archiviste


du Gouvernement Général et Administrateur de la Bibliothèque
Nationale d'Alger, dont il nous est agréable de souligner une fois
de plus l'aide éclairée et amicale qu'il nous a apportée, comme ils
vont aussi aux éditeurs, MM. F Fontana et C. Lopez, Directeur de
la Revue «Chantiers», ainsi qu'à tous ceux dont l'habileté et le
talent ont contribué à doter cet ouvrage d'une illustration dont
nous pouvons être en droit d'attendre le succès.

R. L.
LIVRE I

LES CONDITIONS NATURELLES


CHAPITRE I

LA POSITION ET LE CADRE RÉGIONAL

S'il y a des villes dont la situation géographique n'a exercé

quelque influence sur leurs destinées quetardivement, à la faveur


de circonstances d'ordre purement humain, ce n'est certes pas le
cas d'Oran, qui lui doit sa naissance même, et, au cours des vicis

situdes de son histoire, les avatars successifs qui en ont fait un

comptoir, une forteresse, une grande place de commerce.

Dans cette poche, ouverte à l'Ouest sur l'Atlantique, que forme


entre l'Afrique et la Péninsule Ibérique, la Méditerranée Occi
dentale, les côtes vaguement parallèles qui se font vis-à-vis sont

alignées suivant deux directions principales, O.-E., puis en s'éloi-

gnant de Gibraltar, S.-O.-N.-E. Le cap de Gâta, qui pour l'Espagne


marque ce changement d'orientation, se rapproche de la côte

africaine, du cap Falcon, dont il n'est éloigné que de 90 milles


environ ; or, c'est à l'Est de ce promontoire que s'ouvre le golfe,

dont la baie d'Oran, entre la pointe de Mers-el-Kebir et celle de


Canastel, est la partie la plus enfoncée dans les terres. En moins

de douze heures, un voilier favorisé par le vent peut traverser ce

« channel », d'Almeria ou de Carthagène à Oran. Ainsi s'explique,


par cette proximité heureuse ou dangereuse selon les cas, et la

fondation de la ville par des marins musulmans venus d'Anda-

35° 42'
1. Position géographique: Oran -
Santa-Cruz (Marabout). Lat. N.: 25";
3° 0' 21"
Long. O. : (Mér. de Paris) .

(Annuaire du Bureau des Longitudes.)
14 LES CONDITIONS NATURELLES

lousie l'obstination du Gouvernement de Sa Majesté Catholique


!, et

à s'accrocher coûte que coûte à ce point d'appui conquis sur les


pirates Infidèles, et dans des temps plus proches, la conquête paci

fique qui a assuré à l'élément d'origine espagnole la prépondérance

numérique dans le peuplement européen d'Oran.

La situation d'Oran —
ou plus exactement de la baie d'Oran,
avec le mouillage de Mers-el-Kebir —

a, au point de vue maritime,


militaire ou marchand, une valeur particulière que l'on ne doit
ni exagérer ni méconnaître. Placée à 240 milles environ de l'entrée
de la Méditerranée, elle offre des ressources intéressantes pour

contrôler les routes de la navigation, pour les intercepter au

besoin, pour cueillir sur leur passage les navires en quête de


ravitaillement.

L'importance des avantages que confère aux ports le voisi

nage des voies maritimes, même des plus fréquentées, varie d'ail
leurs, comme on le sait, en raison des circonstances les plus diverses,
avec la situation politique, avec les changements introduits dans
la construction navale, avec l'utilisation de nouveaux combusti

bles, avec le déplacement des grands marchés qui entraîne celui

des courants et des routes, avec d'autres contingences économi


ques plus ou moins passagères. Du temps où les rapports entre

la France l'Angleterre étaient loin d'être cordiaux, dans les


et

premières années de la conquête, ongne voyait dans Mers-el-Kebir,

le port véritable d'Oran à cette époque, que la station navale des


tinée à neutraliser Gibraltar ; on lui assignait le rôle futur de « port

d'agression, d'arsenal de ravitaillement » 2, et le rang de « second


port militaire de l'Algérie ». Alger devait être le « Toulon Afri

cain » 3, Mers-el-Kebir serait le « Gibraltar de l'Algérie » 4. Un de

1. Voir plus loin, p. 44.


2. J. Barbier. Itinéraire historique et descriptif de l'Algérie. Paris, 1855, p. 208.
3. L. Lieussou. Etude les
d'Algérie. Paris, 1857, p. 92.
sur ports

4. Jules Duval. Tableau de l'Algérie. Paris, 1854, p. 294-296. Déjà Rozet, —

en 1833, avait vanté l'excellence de la position militaire de Mers-el-Kebir.


(Voyage dans la Régence d'Alger. Paris, 1833, tome I, p. 294 et suivantes.)
LA POSITION ET LE CADRE REGIONAL 15

nos plus éminents ingénieurs, Lieussou, écrivait en 1845 que Oran,


tôt ou tard, redeviendrait « ce que la nature l'a fait, la porte de
terre d'une grande rade militaire qui surveille le détroit de Gibral
tar et protège la côté Ouest de l'Algérie » 1. Moins belliqueux et

plus pratique jusqu'au cynisme, le Baron Baude rêvait d'un autre

genre de guerre, et d'un Oran devenant, de par sa position, un

grand entrepôt, « une auberge de la Méditerranée », voire même

une auberge de contrebandiers2.

De nos jours, des circonstances nouvelles, d'ordre politique, ont

fait ressortir la nécessité de garantir en tous temps la libre commu

nication de notre Afrique du Nord avec les pays maritimes de l'Afri


que et de l'Europe occidentales, la liaison ininterrompue des routes
de l'Océan avec celles de la Méditerranée. La valeur militaire d'une
position telle que celle de Mers-el-Kebir s'est trouvée de ce fait

singulièrement accrue ; l'ancien nid des corsaires musulmans, dont


l'objectif était limité à peu près complètement aux côtes de l'Es
pagne chrétienne, est en voie de devenir une base navale et aérienne

de premier ordre, au même titre que Bizerte, et avec cette dernière,


un des points d'appui, un des angles du triangle défensif dont
Toulon constitue le sommet3.

Et quant au rôle d'Oran comme port d'escale, nous aurons

l'occasion de dans étude 4


voir cette qu'il s'est avéré important, au

point d'avoir un moment éclipsé celui d'Alger.

Il faut maintenant regarder du côté de la terre. Dans cette

Algérie de l'Ouest, que l'on a raison de distinguer des autres et

que nous avons pris l'habitude d'appeler « l'Oranie », il y a, entre


le massif du Murdjadjo et les premières pentes du Dahra 5, une
région littorale basse vers laquelle convergent quelques vallées

1. A. Lieussou, o. c, p. 57.
2. Baron Baude. L'Algérie. Paris, 1841, tome II, p. 15-17.
3. Voir plus loin, p. 352.
4. Voir plus loin, p. 383.
1/500.000*
5. Voir la carte au du Service Géographique de l'Armée. Afrique
du Nord. Feuille Oran.
16 LES CONDITIONS NATURELLES

empruntées par les du Sud, vallées de la Mina,


routes maîtresses

de l'Habra, du Sig, de la Mekerra, du Tlélat, par lesquelles on


gagne les hautes plaines et les Hauts Plateaux. Une plaine d'aspect

steppien1, avec ses sebkhas et ses dayas, forme un vaste champ

d'épandage, où l'irrigation et les marécages se partagent les eaux

débouchant de la montagne et cherchant péniblement une issue

vers la mer. Cette plaine allongée du S.-O. au N.-E. sur près de


120 kilomètres, sublittorale bien plus que littorale —
car elle se

relève vers le Nord —


rassemble les voies de communication natu

relles qui se croisent suivant les directions N.-S. et O.-E. et cons

titue, sous quelque angle qu'on la considère, le lieu de passage

forcé pour gagner la mer. Sur la côte s'ouvrent deux baies également
bien abritées, celles d'Oran-Mers-el-Kebir et celle d'Arzeu qui, de
prime abord, sont aussi bien désignées par la nature l'une que
l'autre pour être les débouchés maritimes de cet important car

refour2. La position d'Oran par rapport aux routes naturelles

devait en faire en tous cas et en a fait un centre de pénétration

remarquable de l'Oranie entière ; il est devenu le principal.

Il est permis, aujourd'hui que de nouveaux moyens de trans


port ont ménagé des horizons plus étendus aux relations des hom
mes, d'élargir le cadre de ces considérations sur la situation géo

graphique d'un grand centre urbain. Il suffit ici de se rappeler

que la porte du Maroc s'ouvre sur la région des hautes plaines de


l'Oranie, que jalonnent Oudjda, Tlwncen, Sidi-bel-Abbès, Mascara,
et que d'autre part il existe une voie naturelle de pénétration vers

le Sahara et de là vers le Niger, celle des oasis de la Zousfana et


de la Saoura, la « rue des Palmiers » 3. Elle est, pour l'Algérie,

1. Marcel Larnaude (Annales de Géographie [1921]. Excursion interuniver


sitaire Algérie, p. 164-165) en a donné une description substantielle. Voir
en

aussi Gautier, Profils en long de cours d'eau en Algérie-Tunisie (Ann. de


E.-F.
Géog., 1911, p. 359-364).
2. A. Lieussou, o. c, p. 67-69. L'auteur aurait voulu réserver à Arzeu le rôle
de port marchand.

3. E.-F. Gautier. Le Sahara Algérien (Paris, 1908, p. 170), et Le Sahara (Paris,


150).
1923j p.
LA POSITION ET LE CADRE REGIONAL 17

sans nul doute la mieux tracée ; elle constitue une section du


parcours qui réduit au minimum, entre les pays de l'Europe Occi
dentale et l'Afrique -Centrale, la traversée de la Méditerranée. Les
avions l'ont déjà survolée 1 ; elle figure dans les projets de Trans
sahariens.

1. Oran -
La Sénia est devenu la tête d'une des lignes Algérie-Congo exploi

tée en pool avec la ligne belge de la S.A.B.E.N.A. Voir plus loin, p. 424.
CHAPITRE II

SITE1
LE

La baie d'Oran, telle que nous l'avons définie, appartient au

type méditerranéen occidental des côtes découpées en lobes2, et

témoigne par sa forme et son aspect des effondrements qui lui ont

donné naissance. La chute des terres apparaît brutale, lorsqu'on


en découvre le pourtour du large, en approchant par mer du port

d'Oran, ou lorsque, de ce belvédère qu'est la promenade de

Létang, on en suit ledessin, depuis les à-pics par lesquels le Santon


tombe sur Mers-el-Kebir et la montagne de Santa Cruz sur la
pointe de Lamoune, jusqu'aux falaises escarpées, de 120 à 220 mè
tres, qui marquent la tranche du plateau d'Arcole. La déclivité.

des pentes, trop proche de la verticale, n'a pas permis à la végé


tation de s'y accrocher, et ce paysage âpre et dénudé, s'affrontant

à la coupure qui, à l'Ouest, détache tout aussi brusquement de la


masse lourde du Murdjadjo le pitofc de Santa Cruz, ne manque

certes ni de pittoresque ni même de grandeur.

Une analyse sommaire de la topographie continentale permet

de distinguer successivement de l'Ouest à l'Est et du Nord au Sud :



La montagne représentée par les deux crêtes du Santon (318
mètres) , et du Murdjadjo (513 mètres) culminant à l'Aidour 3, entre

1. Carte de l'Algérie. 1/50.000"; feuille


153, Oran. —
Plan d'Oran au
1/10.000°
du Service Géographique de l'Armée publié en 1928.
2. Suess. La face de la Terre, trad. de Margerie, tome I, p. 289. Paris, 1897.
3. Le point culminant est, en réalité, plusau Sud-Ouest, à 591, à 8 k. 700

au droit de Brédéah, en dehors de ce que l'on peut considérer comme le site

d'Oran : c'est l'observatoire de Ben-Sabilia.


LE SITE 19

lesquelles se creuse une dépression synclinale ouverte sur la rade


de Mers-el-Kebir ; Le plateau, qui du pied des premiers escar

pements de Santa Cruz, de la Casbah, du Bois des Planteurs et de


la Tour Maussion1 se développe à l'Est avec une double incli
naison ; d'une part il s'élève en pente douce vers Arcole, de 80
mètres de 200, d'autre part il s'incline lentement vers le
à près

Nord jusqu'au bord des falaises dominant la mer. De ce côté, il est


entaillé par cinq ravins ; le plus long et le plus profond, celui de

Ras-el-Aïn, a été le gîte de la première agglomération urbaine, et



il abrite encore la « vieille ville » d'Oran ; La plaine de la
Grande Sebkha et des Dayas (Daya Morselli) vers laquelle le
plateau s'abaisse progressivement par une série de petits mamelons

festonnés et de ravineaux, suivant une pente générale dirigée du


N.-O. au S.-E.
Sur ce site il y a deux points de contact de la terre et de la mer,
qui pouvaient à priori se prêter à l'établissement d'une ville conçue

selon le mode classique des vieilles cités maritimes de la Méditer


ranée : soit l'extrémité du synclinal et les pentes dominant la rade

de Mers-el-Kebir, soit le fond de la baie d'Oran, au débouché du


seul ravin qui prenne un peu figure de vallée.

Dans le premier cas, « on s'imagine facilement sur les pentes,


comme l'a écrit Marcel Larnaude2, l'étagement d'une ville haute
dégringolant jusqu'au port avec lequel elle reste en contact. Le site
aurait été très semblable à celui d'Alger, accolé dans l'Ouest de sa

baie aux pentes du Sahel. » Mais alors les communications avec le


carrefour de la plaine étaient interceptées par le Murdjadjo, une
barrière continue de 500 m. de hauteur, que l'on ne pouvait guère
tourner que par la mer. Ce n'est pas sans raison que l'un des pre

miers travaux de routes entrepris par le Génie, immédiatement après

notre occupation, fut celui de la route en corniche qui devait faire


sortir Mers-el-Kebir de son isolement3.

1. Voir la carte au 1/50.000".


2. Marcel Larnaude, o. c, p. 166.
3. Voir plus loin, p. 159.
20 LES CONDITIONS NATURELLES

A s'en tenir à cette seule considération du relief, la seconde solu


tion avait bien des chances d'apparaître la meilleure. Le ravin de
Ras-el-Aïn est, en effet, la seule échancrure naturelle par laquelle

on puisse du fond de la baie gagner facilement la Sebkha, en suivant

le pied des escarpements de la montagne et en évitant tout obstacle

sérieux. Prenant naissance à environ 3 kilomètres de la côte, il a,


en reculant sa tête si proche du niveau de base, capturé la source
descendue des pentes du Murdjadjo. Il reste étroit et tortueux jus

qu'à la cote 40 1, à environ 750 m. de la mer. A partir de là, (an


cienne porte de Tlemcen), le site s'élargit, tandis que le thalweg est

réjeté sur la droitecontre le talus du plateau qui va d'ailleurs en

diminuant dedéclivité, sauf à son extrémité Nord, et en s'abaissant

dêr 110 (Camp Saint-Philippe et Fort Saint-André) à 80, puis à


m.

60 (Château Neuf) ; sur la rive gauche, des pentes, constituées par


les éboulis et les matériaux d'entraînement de la montagne, offrent

des déclivités plus propres à la construction, depuis les niveaux de


30 et 40 m. jusqu'à 70 et même 80 m. Si l'on suit, dans la direction

du Nord et du Nord-Ouest les courbes de niveau du plan topogra

phique, on les voit dessiner d'abord un saillant demi-circulaire très


accentué, dont le centre est sur l'emplacement de l'Hôpital militaire ;
puis elles se resserrent là où se sont établis la Calère et les Jardins
Welsford (entre 30 et 85 m.). La terminaison en falaise, aujourd'hui

masquée par les constructions et atténuée par les travaux de ni

vellement était donc ici aussi un des traits du paysage originel 2. Le


ravin ne débouchait que par une échancrure ; il n'y avait aucune

1. On se reportera au plan que nous avons établi avec la collaboration de


M. Viau, géomètre et dessinateur de la Régie Foncière d'Alger, d'après le remar

quable MM. Danger Frères, exécuté à l'échelle de 1/5.000" ; nous


travail de
nous l'avons seulement dépouillé de la planimétrie et nous avons accentué les
courbes maîtresses, en indiquant quelques cotes choisies et quelques emplace

ments actuels.

2. Les gravures anciennes, si imparfaites et si fantaisistes qu'elles soient, en

donnent souvent l'impression ; la Marine fut toujours, jusqu'à notre arrivée,


considérée comme étant hors de la ville.
LE SITE 21

plaine d'alluvions, mais seulement une petite bande littorale étroite


et une « marine » dominée de tous côtés.

Ce site permettait, au-dessus et à gauche du ravin, l'établissement


d'une ville construite en étage, de modeste étendue (60 à 70 hec

tares), adossée à la montagne, jouissant de la meilleure exposition,


au Nord-Est et à l'Est, et dont les communications avec l'intérieur
seraient naturellement et facilement assurées.

Il y avait sur le plateau des possibilités beaucoup moins limitées


pour l'installation d'une grande cité —
et dans le cas d'Oran, pour

le jour où la vieille ville déborderait du cadre étroit de son premier

site. Plusieurs kilomètres d'espaces libres, de l'Ouest à l'Est, sur plus

d'un kilomètre en profondeur —


si l'on ne considérait que le versant

Nord du plateau ; aucun accident de terrain vraiment assez impor


tant pour arrêter des constructeurs, quelques bosses seulement, dont
la plus notable forme ce qu'on a appelé le plateau Saint-Michel, où
s'élève l'Hôpital civil (115 m.) ; aucun point, entre la bordure du ra

vin, au Camp Saint-Philippe, et le site de Gambetta Saint-Eugène,


et

qui dépassât en altitude 120 m. Du côté du Sud-Ouest et du Sud, un


abaissement des pentes très progressif, sans le moindre ressaut.

C'est sur la face Nord regardant la baie que se trouvaient les


seules dénivellations notables, sous la forme de ravins ouverts vers
la mer. Le premier, profond de plus de 30 m., s'enfonçant dans les
terres sur près de 800 m., le ravin de l'Aïn Rouina, découpait avec
le ravin du Vieil Oran un véritable promontoir de près de 8 hec

tares de superficie, relié au plateau par un isthme étroit de 100 m.

à peine de largeur, magnifique position jouissant de vues étendues,


mais trop bien adaptée à des buts militaires pour ne pas devenir une

citadelle —
espace perdu pour l'urbanisme. Un peu plus à l'Est, de
150 m., une autre échancrure de la falaise s'ouvre par le ravin de la
Mina, qui ne s'enfonce dans les terres que de 150 m. environ ; puis

à 400 m. à l'Est, beaucoup plus étroit, mais un peu plus profond, le


ravin de la Cressonnière, et enfin à 2 kilomètres de la vieille ville le
ravin Blanc, dont le débouché est si nettement marqué dans le paysa

ge oranais par les falaises blanches que couronne une batterie de la


22 LES CONDITIONS NATURELLES

défense. Ce ravin qui, à l'origine et avant tout aménagement, n'avait

pas moins de 2 kilomètres, avec un thalweg accusant une dénivella


tion de 120 m. de la source à la mer, était un fossé naturel délimi
tant au Sud-Ouest le plateau de Gambetta, et ses abords pouvaient

constituer aussi une limite d'extension de la ville proprement dite.

Les conditions maritimes étaient-elles aussi favorables ? On peut

répondre immédiatement par la négative. La baie d'Oran offrait deux


mouillages naturels de valeur fort inégale. Ce ne sont certes pas les
fonds qui faisaient défaut, comme en général sur les côtes de l'Al
gérie. On pouvait être assuré, en effet, de trouver partout 10 m. à
moins de deux encablures ; la courbe bathymétrique de 20 m. ne

s'écarte nulle part de plus d'un demi-mille du K II n'y a d'at-


rivage

terrissements qu'en deux points, où le contre-courant d'Est en


Ouest 2 qui contourne le fond de la baie a formé avec les apports de
sables arrachés aux falaises du golfe deux plages étroites 3 : une dans
l'anse de Karguentah, au Sud-Ouest du Cap Blanc4, l'autre dans la
rade de Mers-el-Kebir, entre Sainte-Clotilde et Saint-André 5. Fonds

de sable partout, pas de hauts fonds ni d'écueils dangereux. Mais,


avant toute espèce de travaux, il n'y avait vraiment qu'un seul abri

sûr par tous les temps : celui que constitue la pointe la plus méri

dionale marquant la chute à la mer du Djebel Santon. Il y a là une


petite presqu'île, longue de 900 m^ large de 200 en moyenne, qui a

1. Algérie. Plan des mouillages d'Oran et de Mers-el-Kébir,


3479. Dépôt
des Cartes et Plans de la Marine.
2. Service hydrographique de la Marine. Instructions nautiques. Mer Médi
terranée. Côte Nord du Maroc, Algérie, Tunisie. Paris, 1919. Tirage de 1922,
p. 148-149.
3. C'est ainsi définissait la position d'Oran M. -A. Bérard dans sa Des
que

cription, nautique des Côtes de l'Algérie (Paris, 1839, 2° éd.) : « Au fond du


grand enfoncement qui existe à l'O. du Cap Ferrât, il y a deux plages de sable

entre lesquelles se trouve la ville d'Oran... » (p. 170).


4. C'est la dénomination donnée sur la carte marine à l'extrémité de la
falaise qui domine le Ravin Blanc. La plage en question occupait le fond de
l'ancienne « baie de Sainte-Thérèse » aujourd'hui comblée.
5. Elle est utilisée par les baigneurs de la petite station de Roseville.
LE SITE 23

dû sans doute s'avancer jadis beaucoup plus loin vers l'Est, jusqu'à
près de 3 kilomètres, ainsi que l'atteste l'allure des courbes bathy-

métriques, mais qui en tous cas abrite parfaitement un mouillage de


50 hectares des vents du Nord et du Nord-Ouest connus comme les
plus redoutables. Seuls les vents du Nord-Est, peu fréquents d'ail
leurs, et quelques lourdes rafales d'Ouest1, venues par la gorge qui

sépare le Santon du Murdjadjo, peuvent inquiéter les navires à l'an


cre qui se sont placés en dehors de certaines limites connues des

marins 2.

Il n'en était pas ainsi pour l'autre mouillage, celui qui a été l'ori
gine bien modeste du port d'Oran. La pointe rocheuse de Lamoune,
qui termine la montagne de Santa-Cruz ne pouvait offrir qu'un abri

fort restreint, sur un hectare à peine ou deux, contre les vents du


Nord et de la partie Ouest ; une faible brise de Nord-Est suffisait
pour interdire tout débarquement 3. Lieussou ne faisait que résumer

quantité de témoignages antérieurs quand il écrivait sur l'anse de


Lamoune : « Les ressources qu'elle offre naturellement à la marine

sont à peu près nulles 4. » Il ajoutait d'ailleurs : « Elle n'a de valeur

que comme emplacement d'un port artificiel. » Avant lui, le Capi


taine de corvette Bérard, à qui nous devons les premiers travaux
hydrographiques et les premières instructions nautiques sur les côtes

de l'Algérie, notait 5 que « pendant la belle saison », les bâtiments


de commerce pouvaient mouiller devant Oran par 8, 6 ou 4 brasses

1. M.-A. Bérard, o. c, p. 171-172, et A. Lieussou, o. c, p. 48-49 : « Le 25


décembre 1830, écrit Bérard, le brick « Le d'Assas » a essuyé, sur cette rade,
un coup de vent d'O. ; le commandant Pujol dit ne pouvoir mieux faire, pour

en donner une idée, que de la comparer aux ouragans des Antilles. »

2. Les Instructions nautiques recommandent, pour être assuré, de ce côté

comme du côté du N.-E., de se rapprocher de la côte N. de la baie, de manière

à masquer complètement le cap de l'Aiguille par la pointe de Mers-el-Kebir


(p. 146-147).

3. A. Lieussou, o. c, p. 54.
4. Idem.

5. M.-A. Bérard, o. c, p. 170.


24 LES CONDITIONS NATURELLES

d'eau, fond de sable, mais qu'avec les vents du Nord-Est, « ils étaient
fort incommodés par la mer. »

Ainsi, par un fâcheux concours de circonstances naturelles, et

un partage regrettable des avantages qu'elles pouvaient offrir, entre

les deux positions de Mers-el-Kebir et d'Oran, il s'est trouvé que la


plus favorable à l'établissement d'une ville était la moins propice à
celui d'un port, et inversement. Il appartenait à nos ingénieurs de
réparer cette disgrâce ; on doit d'ailleurs reconnaître qu'ils ont eu

moins de mal à couvrir le fond de la baie d'Oran que ceux qui ont

travaillé et qui travaillent encore à Alger.


CHAPITRE III

QUELQUES DONNÉES CLIMATIQUES

Il ne saurait être question de faire ici une étude approfondie du


climat d'Oran ; aussi bien la documentation dont on peut disposer
se révèlerait-elle insuffisante2. Oran n'est d'ailleurs pas une station

climatique et n'a jamais manifesté jusqu'ici l'ambition de le de


venir 3. Toutefois, on ne peut négliger complètement, parmi les condi

tions naturelles qui ont pu ou qui peuvent exercer une influence


sur la vie urbaine, celle-ci, dont au moins un facteur, la pluviomé

trie, a une action directe, reconnue par de nombreuses expériences,


sur l'approvisionnement des sources alimentant la ville et les fau
bourgs 4. Et par ailleurs, si l'on veut faire d'Oran —
et à juste titre —

un centre de tourisme, sinon d'hivernage, il n'est pas sans intérêt de

1. Les observations qui ont servi de base à cette étude sont consignées dans
les Annales du Bureau central météorologique de France -
Observations mé

téorologiques du réseau africain. Elles ont été aussi réunies et commentées

dans les études de Angot : Etude sur le climat de l'Algérie (Ann. du Bur. cent.

Met, 1881, tome I, p. B, 736, Paris, 1883), dont les conclusions portent sur la
période 1860-1879, et A. Thévenet : Essai de Climatologie algérienne (Alger, 1896) .

Le Service météorologique algérien, reconstitué sur de nouvelles bases en 1913,


publie un Bulletin mensuel de l'Institut de météorologie et de physique du
globe de l'Algérie, et, depuis septembre 1922, des cartes trimestrielles de pluies.

2. Elle est, en effet, fragmentaire et parfois sujette à caution. Du moins,


depuis 1926, les observations d'Oran-port présentent des garanties plus sérieuses.

3. En 1927, le Conseil Municipal a émis un vœu pour le classement d'Oran


comme station de tourisme. (Arch. Mun., séance du 25 février.)

4. Voir plus loin, p. 286 et 297.


26 LES CONDITIONS NATURELLES

connaître les données essentielles qui lui confèrent, ainsi qu'à l'Ora
nie, une physionomie nettement distincte de celles des stations litto
rales du Centre ou de l'Est algérien.

En ce qui concerne la température, le climat d'Oran ne présente


aucune différence essentielle, vis-à-vis des autres stations du littoral
algérien. Si nous prenons comme terme de comparaison celle d'Alger,
nous constatons que la variation thermique annuelle a la même al

lure. Voici les moyennes mensuelles établies sur les observations de


40 années consécutives * :

Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Juil. Août Sep. Oct. Nov. Dec.

Oran... 11°1 11,6 13,4 15,4 18,2 21,4 23,5 24,4 22,4 18,2 14,7 11,7
Alger... 12°3 12,6 14,1 15,8 18,4 21,6 24,4 24,8 23,2 19,7 15,4 13

Le mois le plus froid est celui de janvier ; celui d'août est le plus

chaud ; l'ascension de la température est plus lente que la descente :

rien que de parfaitement connu. Si la moyenne annuelle est légè


rement inférieure, 17,16 contre 17,9, et si l'amplitude est un peu

plus élevée à Oran qu'à Alger (13,3 contre 12,5) cela tient à ce

que les trois mois de l'hiver y sont plus frais, sans doute sous l'in
fluence des vents du Nord-Ouest qui ont traversé la masse conti
nentale froide de l'Espagne et n'ont pas eu le temps de se réchauffer

sur la Méditerranée resserrée dans sa partie occidentale. Le fait


est mis en lumière par la comparaison des moyennes de minimas :

Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juill Juil. Août Sep. Oct. Nov. Dec.
Oran... 7°8 8,1 9,7 11,9 14,6 17,7 20,4 21,1 19,2 15,3 11,4 7,9
Alger... 9°1 9,7 10,4 11,9 15,1 18,2 20,7 21,7 20,1 16 13,1 10,2

Les minimas extrêmes accusent encore plus nettement cette

nuance. Ainsi, pour la période de 25 années (1889-1914) il y a entre



les deux stations un écart de près de (1,7 exactement). Le plus

souvent —
et cette observation n'est pas particulière à Oran —
la

1. Nous donnons ici les résultats de Thévenet, rectifiés par ceux des années

1896-1914 (Ann. du Bur. cent. Met.). Il n'a pas été nécessaire d'opérer la réduc

tion de la mer, les deux stations d'Oran (Hôpital militaire)


au niveau et d'Alger
(Hôtel de Ville) étant sensiblement à la même hauteur.
QUELQUES DONNEES CLIMATIQUES 27

baisse la plus forte accompagne des pluies prolongées d'hiver et

coïncide avec des bourrasques venues de l'Ouest. En décembre


1932, il est tombé à Oran 173 mm., précipitation exceptionnelle re

présentant plus de trois fois la quantité normale (53) ; les vents

de la partie Ouest ont prédominé, et aucune journée de calme n'a

pu être observée. La moyenne des minimas et des extrêmes a été


de 10°,8 de 7°,2. Or, à Alger, dans le même temps, il ne tombait
et

que 80""°, soit 0,60 % de la normale, et l'on notait 56 % de calme

atmosphérique. Les moyennes ont été respectivement de 12°,1 et

9°,2. En tous cas, la neige et les gelées sont tout aussi rares à Oran
qu'à Alger.
On est un peu surpris, quand on connaît le paysage oranais,
d'aspect certainement plus africain, et dont la végétation témoigne
d'influences steppiennes, de constater que les maximas de la saison
chaude, de juin à septembre, ne sont pas plus élevés dans la station
de l'Ouest que dans l'autre ; ils seraient plutôt inférieurs. Mais les
écarts observés dans la pluviométrie générale suffisent à expliquer
cette différence d'aspect, et par ailleurs la situation de la ville2
lui
confère sur la majeure partie d'Alger, l'ancien Alger et Mustapha,
l'avantage d'être mieux exposée aux brises rafraîchissantes du
large. Est-ce la raison pour laquelle les extrêmes accusent la même

nuance ? Entre 1896 et 1914, on n'y a noté que deux fois une tem

pérature supérieure à 40°, contre 14 observations de ce genre à


Alger.
Il est d'ailleurs regrettable que l'on ne puisse disposer que de
résultats relevés à l'Hôpital militaire ou au Port, alors que la masse

1. Voici les résultats pour la période 1875-1914 :

Juin Juillet Août Septembre


Oran 25°8 28,7 28,7 26,4
Alger 25°1 28,4 29,4 27j

Les observations faites de 1927 à 1934 donnent les moyennes suivantes :

Oran 24°9 27 28,2 26,8


Alger 26°1 28,2 29,1 27,3

2. Et de la station météorologique du Port.


28 LES CONDITIONS NATURELLES

principale de la ville se développe sur le plateau de Karguentah,


en direction de Saint-Eugène et d'Arcole, et qu'il existe d'autre
part un véritable versant, celui des faubourgs du Sud, dont l'expo
sition doit avoir certainement une influence locale sur les varia
tions thermiques. Il y aurait là matière à quelques recherches de
détail auxquelles les urbanistes ne sauraient être indifférents.

Beaucoup plus que la température, la pluviométrie permet de


distinguer nettement le climat d'Oran de celui des stations littorales
du Centre et de l'Est ; sur ce point, toutes les observations concor

dent, quelles que soient les dates et le nombre des années envisa

gées. Voici les moyennes mensuelles établies par Thévenet pour la


période 1875-18941;
J"'
Sept. Oct. Nov. Dec. Jan. Fév. Mars Av. Mai Juin Août Total
Oran 16mm3 41,1 60,7 73,4 77,5 67,1 61,4 42,5 36 7,3 1,8 1,2 486,3
Alger 28°,°3 79,1 110,9 128 110,7 93,5 86,7 59,9 35,5 14,4 1,5 7 745,5

M. Lasserre2 relève les chiffres suivants pour la période 1914-

1924:
12mm
25 63 53 51 33 36 31 25 11 0 0 340
22™ m
80 122 106 104 63 71 45 25 24 2 1 665

Dans l'un comme dans l'autre de ces tableaux, Oran apparaît

manifestement comme une station beaucoup plus sèche qu'Alger ;


l'écart est surtout sensible en automne et en hiver. Angot en a

donné une explication plausible : «s vents venus des directions in


termédiaires entre l'Ouest et le Nord, lorsqu'ils abordent le conti

nent africain, ont déjà déposé une grande partie de leur humidité
sur les reliefs de l'Espagne et n'ont le temps, dans leur
pas eu

courte traversée du « channel » méditerranéen, de se recharger

1. Nous les avons rangées dans l'ordre de succession des mois de l'année
agricole. Nous avons déjà noté (p. 26, note 1) que l'altitude des deux stations

météorologiques était sensiblement la même, ce qui justifie une comparaison.

2. Aperçu de la pluviométrie en Algérie (Congrès de l'Eau. Alger, janv. 1928) .

Angot (o. c.) donnait, pour la période 1860-1879 :

Oran 21 59 67 87 75 67 72 65 30 8 12 554
Alger 26 72 92 111 76 67 77 49 25 17 1 8 621
QUELQUES DONNEES CLIMATIQUES 29

d'une quantité importante. On pourrait faire la même remarque,


partielle du moins, pour les vents du Sud-Ouest par rapport aux

reliefs du Maroc ; ces vents sont les plus fréquents en hiver.

Cette différence profonde étant mise à part, la répartition des


pluies est analogue dans les deux stations. Le pourcentage des quan

tités tombées dans les quatre mois de la saison froide, de novembre

à février, est à peu prèsle même, légèrement supérieur à Alger :

57 % à Oran, 59 % à Alger 1.

Par contre, le coefficient de variabilité est sensiblement plus

élevé à Oran. Les calculs de M. Lasserre pour la période de 1914-

1924 2 donnent le chiffre de 2,5 contre 1,8 à Alger ; Angot donnait


2,9 contre 1,8 3. Cette plus grande variabilité paraît être due —
si

l'on peut hasarder cette interprétation —


à l'orientation variable

elle-même des vents prédominants de la saison froide, ceux de la


partie Ouest les pluies, selon qu'elle est plus ou moins
qui apportent

éloignée du Nord-Ouest ou du Nord, circonstance qui ne joue pas


au même degré pour Alger.

De toutes manières, le climat d'Oran représente, sous le rapport

de la pluviométrie, quelque chose d'intermédiaire entre le régime

du littoral du Centre et celui des steppes.

1. Si l'on se reporte, pour le calculer, aux deux autres tableaux que nous
d'
avons donnés, on trouve respectivement : dans celui Angot, 53 et 55,1 %,
dans celui de M. Lasserre, 58 et 59 %.
2. O.c, p. 23.
3. Nous relevons ici les résultats comparés d'Oran et d'Alger de 1926-27 à
1932-33 :

Oran Alger
Total annuel Total annuel

1926-27 343 592


1927-28 736 831
1928-29 459 997
1929-30 423 Ecart entre les extrêmes : 2,24 708 Ecart correspondant : 1,74
1930-31 512 845
1931-32 333 626
1932-33 507 571

fr
30 LES CONDITIONS NATURELLES

On aimerait à connaître la fraction d'insolation calculée pour

chaque mois de l'année et à pouvoir la comparer à celle d'une


autre station choisie, telle qu'Alger par exemple. Il n'existe mal

heureusement aucune faite à l'héliographe ;


mesure on doit se

contenter d'une donnée approximative, déduite de la mesure de


la nébulosité, et encore d'une moyenne annuelle. Celle-ci a été pour

les années 1923 et 1927-1934, de 3,6 à Oran contre 4,5 à Alger, ce

qui donnerait une fraction d'insolation moyenne de 0,64 contre

0,55 *. Elle dénote une différence assez sensible entre les deux sta

tions.

1. Voir A. Angot. Traité élémentaire de Météorologie. Paris, 1907, p. 211-212.


N
On peut, en effet, la calculer d'après la formule 1 = 1 , où I représente la

fraction d'insolation, c'est-à-dire « la proportion du temps pendant lequel


le soleil a brillé réellement à celui pendant lequel il aurait brillé s'il n'y avait

eu aucun nuage », et où N mesure le degré de nébulosité estimé de 0 à 10.


3,6 4,5
On trouve ainsi, pour Oran : 1 = 1 = 0,64, et pour Alger '"
: 1 = 0,55.
10 10
Mais ce n'est là qu'une approximation.

I
CHAPITRE IV

LES RESSOURCES EN EAU

La question de l'eau a joué et devait jouer un rôle capital dans


le choix du site urbain d'Oran. Elle a certainement contribué à
faire délaisser Mers-el-Kebir comme emplacement d'une ville, au

moins autant que les obstacles opposés par la topographie à une

pénétration facile vers l'intérieur. L'eau y faisait, en effet, défaut1,


au point que, sous la domination turque et espagnole, la garnison

du fort dut se contenter le plus souvent des citernes, et qu'à l'heure


actuelle encore le village né depuis notre occupation est approvi

sionné par une conduite venue d'Oran 2. Peut-être aussi, sans qu'on

1. Rozet, o. c. L'auteur notait, en 1833, que, pour cette raison majeure, les
conditions naturelles y étaient très défavorables à un établissement de coloni

sation. Bérard (o. c, p. 173) signale aussi le fait. « Il existait, dit-il, autrefois,
sur la Ouest,
côte une grande citerne destinée à fournir l'eau aux bâtiments.
Aujourd'hui, il n'y a plus que la ressource de la citerne du fort, qui est à
peine suffisante pour la garnison. On est donc obligé de la faire venir d'Oran,
ce qui n'est pas toujours aisé. » Les navires allaient aussi se réapprovisionner,
quand l'état de la le permettait, près du Cap Falcon, dans la petite anse
mer

de « Las Aguadas », dont le nom est significatif ; ils n'y disposaient guère,
d'ailleurs, que d'une citerne « généralement à sec en été ». (Instructions nau
tiques, o. c, p. 145) . L'auteur de la bonne notice sur les points occupés que

l'on trouve dans le Tableau des Etablissements français dans l'Afrique du Nord,
publié en 1838 (p. 52), après avoir décrit l'Oued-er-Rehi, ajoutait: «Ce cours

d'eau si précieux et l'heureux site du ravin ont, sans contredit, déterminé l'éta
blissement de la ville dans cette position, quoi qu'il n'y ait qu'une petite rade,
de préférence à Mers-el-Kebir, où est le port. »

2. Voir plus loin, p. 282.


32 LES CONDITIONS NATURELLES

puisse l'affirmer, est-ce la même raison qui a assuré la prééminence

d'Oran sur Arzeu1.

Tout contraire, les témoignages les


anciens2
au plus concordent

pour vanter les bienfaits de la source qui alimentait l'Oued coulant

jusqu'à la mer dans le ravin dont les bords ont été le site du vieil

Oran ; on l'appelait jadis « Oued er Rehi », l'Oued des moulins.

Cette source, qui pendant des siècles et même après notre installa

tion, a suffi à fournir l'eau potable nécessaire aux habitants, à ar

roser des jardins à faire tourner des moulins, a


et son origine sur

le versant Sud-Est de la crête du Murdjadjo3. Elle coule souterrai-

nement sous un ravin desséché jusqu'au pied de la montagne, où,


à Ras-el-Aïn, elle a été capturée naturellement avant d'être captée
artificiellement. L'eau en est douce et de bonne qualité, si l'on
prend du moins la précaution de la préserver des pollutions d'ori
gines multiples auxquelles elle peut être exposée.

Dans sa description si précise, Rozet nous parle de plusieurs

autres sources et ruisseaux débouchant sur le bord de la mer4


et

particulièrement de celle du Ravin Blanc, qui avait alimenté avant


notre arrivée le faubourg de Karguentah 5, et qu'il mentionne comme
ayant toujours de l'eau.

1. Lieussou (o. c, p. 67), après Aoir signalé


qu'

Arzeu offre un très bel


emplacement de ville, ajoute : « Le seul inconvénient grave de cette position

maritime est le manque d'eau douce. »

2. Voir plus loin, p. 47.


3. Rozet, qui l'a décrite, parle de son origine dans les montagnes d'Akbet-

Aroun (?), de son cours souterrain dans la vallée orientée Ouest-Est


d'abord,
puis vers le Nord, à partir du lieu dit t La Fontaine
», qui n'est autre que
Ras-el-Aïn, « la tête de la Source », où une ouverture latérale permet i
l'eau de s'écouler vers le ravin et dans l'aqueduc (p. 18-19).
4. Il ne nomme pas l'Aïn-Rouina, qui n'a jamais dû être qu'un ruiss'

intermittent
5. Rozet (o. c, p. 19) : «A un quart d'heure de la Medersa (de Karguentah),
à l'extrémité de l'anse qui se trouve devant le bâtiment, il existe un ruisseau
abondant qui coule dans le fond d'une vallée profonde... l'eau suit maintenant
son cours naturel pour se rendre à la mer. Après avoir tra^jersé ce ruisseau
Vue perspective d'Oran, d'après une gravure espagnole de 1732.
(Iconographie historique de l'Algérie, tome II, Gabriel Esquer).
1. Castillo de San Phelipe. Convento de S. Domingo.
11. 21. Atalaya.
2. Castillo de San-Andrès Convento de S. Francisco.
12. 22. Montana del Santo.
3. Torre de Madrigal. Huertas de Oran.
13. 23. Puerta de Mallorca.
4. Castillo de Rosalcazar. 1>N. Molinos Harineros.
14. 24. La Alcazaba.
5. Puerta de Canastel. J<3^L5. Los Baranes. 25. Puerta de Trémecen.
6. Ifre, Lugar de Moros. Corrales de las Barcas. 26. Arroyo, o Rio.
7. La Montana de la Meseta. Ermita de Nuestra Sefiora del 27. Camino pora el Castillo de San
8. Castillo de Santa-Cruz. Carmen. ta Cruz.
9. Iglesia de Santa Maria. 18. Castillo de S. Gregorio.
10. Convento de Nuestra Sefiora de 19. Bahia, o Puerto de Mazarquivir.
la Merced. 20. Castillo de Mazarquivir.
LES RESSOURCES EN EAU 33

Ces ressources pouvaient être suffisantes pour une cité d'impor


tance médiocre, voire même moyenne ; mais elles ne devaient plus

répondre aux besoins d'une grande ville. Oran pourrait-il en trouver


d'autres dans ses environs immédiats ?

Il faut tout d'abord éliminer, comme inapte à l'alimentation,


mais seulement propre à l'arrosage, la nappe d'eau saumâtre peu
profonde (de 1 à 5 mètres) qui correspond aux anciennes sebkhas

dont est parsemé le pied du plateau de Karguentah et d'Arcole


vers le Sud1. Mais il reste un réservoir naturel fourni par le massif

du Murdjadjo, véritable éponge qui absorbe les eaux de pluie pour


les emmagasiner à des niveaux étages. Le flanc méridional est, en
effet, recouvert d'une carapace de calcaire très perméable du Mio
cène supérieur (Sahélien) ; elle repose partout sur des terrains im

perméables, schistes du Jurassique moyen (Oxfordien), schistes,


quartzites et marnes du Crétacé inférieur. Le contact de ces for
mations est éminemment propice à la constitution de nappes aqui-

fères. La surface des calcaires reproduit la topographie classique

des calcaires fissurés, avec des crevasses parfois béantes, des grottes,
des ravins à sec, de véritables « avens », des bétoires où les eaux

peuvent s'engouffrer 2. La carte topographique au 1/50. 000e a par

faitement noté les principaux de ces accidents, et particulièrement

on se trouve au-dessous d'une falaise escarpée formée par le terrain tertiaire.


qui s'élève jusqu'à 130 m. au-dessus du niveau de la mer. » Il est facile de

reconnaître, dans cette description, la source du Ravin Blanc.


1. Voir la Notice de MM. F. Doumergue et E. Ficheur, adjointe à la Carte
1/50.000"
(feuille 153).

géologique d'Oran, au

2. L'analyse détaillée de ces conditions géologiques a été faite de la ma

nière la plus claire et la plus précise par M. Savornin, professeur à la Faculté


des Sciences de l'Université d'Alger, dans un rapport inédit qu'il a bien voulu

nous communiquer et que nous avons utilisé ici et plus loin. (Ville d'Oran.
Sources de Brédéah. Rapport d'étude hydrogéologique, 31 mars 1928). Les for
mations perméables sont celles qui sont désignées sur la carte géologique par

3 4 4 4
les lettres m4

(cale, blanc du Murdjadjo) m -, m -, m -, m -, les formations


4 4 9 8 5 d
imperméables sont m -, m -
(marnes à silex) m2, J2, Crv, v.
34 LES CONDITIONS NATURELLES

les lits parallèles (N.-N.-O. S.-S.-E.), tracés par des torrents inter
mittents, qui s'effacent avant d'arriver à la plaine.

Ainsi, par l'absorption des eaux de pluie, après une circulation

souterraine plus ou moins complexe et anastomosée, se constituent

toute une série de nappes, dont les plus profondes forment, au-des
sous des « eaux libres » et même du niveau des sources, l'ultime
réservoir des eaux dites « captives » ou « fossiles ». La carapace

calcaire s'enfonce d'autre part sous les dépôts pliocènes et les allu-

vions quaternaires, marnes et argiles imperméables qui ont comblé

la grande cuvette de la Sebkha, pour reparaître au Sud, près d'Arbal


et d'Er Rahel, à une altitude minimum de 140 mètres, alors que le
fond de la Sebkha est à 80 mètres.

C'est cette stratigraphie qui explique la présence des sources

et les possibilités, nombreuses assurément, de puiser de l'eau par

aspiration et pompage. Ras-el-Aïn appartient à ce système hydro


logique 1. Les eaux de Misserghin (source des Moulins) , qui sur

gissent à un niveau plus élevé, ont une origine similaire, mais un

peu différente : elles sourdent au contact des calcaires et d'une


assise intercalaire de marnes imperméables 2. Celles d'Aïn-Beïda,
à 4 kilomètres à l'Est et celles de Brédéah, à 26 kilomètres au S.-O.
d'Oran, quoique en relation avec des nappes reconnues indépen
dantes, ressortissent du grand domaine aquifère des calcaires sahé-

liens 3. A
Si la disposition structurale semble devoir au premier abord

suggérer à l'esprit l'idée de surgescences artésiennes4, M. Savornin

1. Voir la notice de la carte géologique.

2. Idem. Selon M. Savornin, et la Carte géologique en témoigne, la source

située a 600 m. au Sud du Marabout de Sidi-Zakelas est due à la présence

d'argiles absolument imperméables (m2) à la base des calcaires (m') et des


roches calcaro-gréseuses qui leur sont subordonnées, une forte échancrure
ayant raviné et entaillé plus profondément qu'ailleurs les formations perméables.

3. Il en est de même de la source de Pont-Albin, à 6 kil. au N.-E. de


Misserghin.
4. Renou, dans son étude sur la géologie de l'Algérie (Exploration scienti

fique de l'Algérie pendant les années 1840, 1841, 1942 [Paris, 1848]. Sciences
LES RESSOURCES EN EAU 35

a montré qu'il n'en était pas et qu'il ne pouvait pas en être ainsi,
notamment pour les sources de Brédéah, les plus abondantes, et

que l'eau y arrivait par simple gravité, à 90 mètres d'altitude, « là


où la couverture des calcaires descend au point le plus bas », et

commence à s'enfoncer sous la nappe de remplissage quaternaire.

Elles se présentent ainsi « comme un déversoir naturel correspon

dant à une sorte d'échancrure de la paroi Sud du réservoir. »

Avant le captage et les aménagements consécutifs, elles formaient


un marais et une véritable gouttière de 3 kilomètres sur 150 mètres

de largeur, s'épanouissant au bord du grand lac sur une étendue


de plus de 100 hectares, véritable foyer de paludisme et d'infec
tion1. Pour trouver de l'artésianisme, il faudrait forer au cœur de
la Sebkha même.

A ces ressources peuvent s'en ajouter quelques autres, mais

tellement insuffisantes pour l'alimentation d'une ville qu'elles mé

ritent à peine une mention : telles les eaux issues à la base des
calcaires dolomitiques du Lias, au contact des schistes sous-jacents,
sourcesde l'Oued Bachir, de Bou-Sfer par exemple2. Il en est une

cependant, la source Noizeux, qui a été à contribution, et dont


mise

l'eau se recommande sinon par la quantité, du moins par la qua


lité3.
Ce devait être là précisément —
dans la qualité —
la princi

pale défectuosité de ce réseau hydrologique, si du moins on ne se

contentait pas de puiser dans les cavités occupées par les « eaux

physiques et Géologie de l'Algérie, p. 159-160), expliquait ainsi « la belle


source d'Oran », celle de Ras-el-Aïn. Depuis 1864, on attribuait aussi aux

sources de Brédéah le même caractère. Les premières études entreprises pour

l'adduction à Oran de ces eaux leur confèrent une origine artésienne, par

exemple de M. Bouty (Etude d'un


celle projet de conduite d'eau pour amener

à Oran les sources de Brédéah [Oran, août 1876]. Arch. Munie. Eaux). On
Dr
retrouve cette erreur dans l'ouvrage du Imbeaux (Annuaire statistique et

descriptif des distributions d'eau de France Algérie-Tunisie, 1903 et 1909, cité

par M. Savornin).
1 Rapport de M. Bouty, o. c.

2. Voir la notice et la carte géologique.

3. Voir plus loin, p. 283.


36 LES CONDITIONS NATURELLES

libres », et si l'on recourait aux « eaux captives ». Dès 1852, Ville,


dont le nom est inséparable de l'histoire des travaux géologiques

en Algérie, avait analysé les sels contenus dans un échantillon de


calcaire blanc de Misserghin, et reconnu la présence de chlorures

de sodium, de magnésium, de calcium, de sulfate de chaux et de


magnésie 1, tous sels solubles et susceptibles d'affecter la compo

sition chimique des eaux circulant à travers ces calcaires, en pro

portion de la longueur même de leur trajet et de la durée de leur


séjour. Or, il a été reconnu à Brédéah que les eaux les plus pro

fondes sont, en effet, les plus salées et qu'il y a un rapport étroit


entre la pluviométrie, le niveau des nappes aquifères et leur sali

nité2. Dans les années sèches, l'abaissement du niveau, en obli

geant à puiser dans les réserves profondes, a pour conséquence

une augmentation de la salure qui rend l'eau de consommation

saumâtre et difficilement potable. Circonstance fâcheuse, dérivée


de la nature du sol et du climat, et qui s'accorde mal avec la crois

sance ininterrompue de la grande cité oranaise, d'autant que l'une


des conclusions de M. Savornin mérite d'être retenue : « La struc
ture géologique de toute la partie Nord du département d'Oran ne

laisse pas espérer qu'il soit possible de trouver pour cette ville un

autre point d'eau d'importance comparable à celui de Brédéah. »

1. Ville. Notice minéralogique sur lAProvince d'Oran (1852), cité par M.


Savornin, qui reproduit les résultats de celte analyse centésimale : Na Cl (47,80),
Cl2 CaCl2 SO4 SO'
Mg (20,77), (8,87), Ca (15,94) et Mg (2,60) en faisant obser
ver que les résultats des analyses chimiques opérées par le Laboratoire de la
Faculté des Sciences d'Alger, sur dix échantillons d'eaux prélevées dans le
périmètre de Brédéah, ont reproduit d'une manière remarquables les propor

tions relatives de ces sels dissous dans l'eau.


2. M. Savornin établit d'une manière incontestable que, pour le forage cen
tral de Brédéah, la variation de la composition des eaux marque une progres
sion de la salure en relation directe avec l'abaissement du plan d'eau (1888

Ogr.760 par litre, 1927 —
1 gr. 840, 1931 —
4 gr. 29) . Par ailleurs, l'équilibre
entre le réapprovisionnement de la nappe par les pluies et l'épuisement par

le pompage, rompu depuis 1911, a été rétabli à peu près en 1918 par des excé
dents pluviométriques, pour être de nouveau détruit à la suite de l'hiver sec
de 1919.
CHAPITRE V

MATÉRIAUX1
LES ET LE RAVITAILLEMENT

A défaut des renseignements que l'on peut puiser çà et là dans


les documents anciens, et des témoignages encore vivants que four
nit l'examen des vieilles fortifications espagnoles et turques, l'ana
lyse de la carte géologique 2 suffit à montrer que les matériaux de
construction ne manquaient pas sur le site et aux environs immé
diats d'Oran.
Le massif du Murdjadjo, tout d'abord, offrait des ressources

abondantes et toutes proches. Les formations les plus anciennes 3

qui affleurent au Nord-Ouest de l'anse de Lamoune jusqu'à Sainte-

Clotilde, et dans lesquelles été taillée, après notre arrivée, la route


a

de Mers-el-Kebir, présentent des calcaires bleus dolomitiques du

Lias. S'ils ont été peu employés pour la construction des maisons,
ils devaient l'être en revanche comme matériaux d'enrochement
des jetées des môles, ainsi que les
et schistes durs et les bancs
épais de quartzites du Néocomien qui constituent les falaises du
port. On retrouve ces derniers dans les grandes carrières ouvertes

sur les flancs du Santon à Mers-el-Kebir, où ils ont servi pour la

1. Des renseignements nombreux nous ont été obligeamment fournis par

M. Doumergue, un des collaborateurs du Service de la Carte géologique, et par


M. Fonteneau, sous-chef des Travaux Municipaux. La notice du Tableau de
la situation, o. c. de 1837 donne (p. 57) un aperçu des matériaux de construction

communément employés à cette époque.


2. Voir la feuille 53 de la Carte géologique (Oran) et la notice explicative

qui l'accompagne.
3. Nous laissons, en effet, de côté pour le moment les affleurements spora-

diques du trias.
38 LES CONDITIONS NATURELLES

confection des blocs de la grande jetée d'Oran et la construction

des quais de rive. Les dolomies, en raison de leur dureté, ont pu

fournir à l'époque moderne de bons matériaux d'empierrement.

La carapace des calcaires blancs miocènes, plus ou moins durs,


de l'étage du Sahélien supérieur, qui recouvre une grande partie

du massif du Murdjadjo, offrait pour la construction de bons maté


riaux tout proches et faciles à extraire. Ils ont été exploités de
bonne heure dans les carrières du ravin de Ras-el-Aïn, du Poly
gone à Eckmùhl, de Noiseux ; on en a tiré des moellons et même
des pierres de taille prises dans les assises les plus dures. Les mu
de Saint-Philippe de Saint-André1
railles des forts espagnols et

en ont été construites. De nos jours, c'est de cette formation que

l'on extrait les meilleures pierres à bâtir et même des bordures de


trottoirs.

Enfin, les grès en dalles calcarifères du pliocène supérieur, à


peu près délaissés aujourd'hui, ont fourni pendant longtemps après
notre occupation des matériaux plus légers, mais qui offraient
l'avantage de prendre bien le mortier. Les carrières se trouvaient

à Saint-Charles 2, au Ravin Blanc supérieur et sur le plateau de


Gambetta, entre la Batterie Blanche et le Télégraphe d'Aloudja.
Le quartier de Karguentah, les faubourgs de Gambetta et de Saint-

Eugène ont été en grande partie construits avec cette pierre.


L'empierrement des routes et des rues a été d'abord assuré par

la caillasse provenant de la croule rocheuse quaternaire qui re

couvre le pliocène des


d'Oran. Plus tard,
environs on les a rechar

gées avec les dolomies bien plus résistantes de la route de Mers-

el-Kebir, et les gravillons des carrières du Polygone ou même de


Gambetta. Les matériaux de pavage, dont la demande est de plus

1. Il de St-André englobé aujourd'hui dans la ville, au S.-O., et où


s'agit

il n'y a longtemps encore, il y avait une place dénommée « place des


pas

Carrières » ; on ne doit pas le confondre avec le village de pêcheurs du même


nom, voisin de Mers-el-Kebir. Sur la place des Carrières et sur les carrières
mêmes, voir plus loin, p. 145, et Rozet, o. c. I, p. 263.
2. Quartier actuel d'Oran situé entre la rue de Mostaganem et la porte de
Sidi-Chami.
LES MATERIAUX ET LE RAVITAILLEMENT 39

en plus réduite de nos jours, sont empruntés, quand il y lieu,


a

par voie d'importation, aux carrières de granit d'Herbillon, près


de Bône, ou aux grès durs de Saint-Leu et de Lamoricière, qui
fournissent aussi des bordures de trottoirs.

Les pierres à chaux ne manquaient pas, comme on peut s'en

rendre compte. La chaux grasse du Polygone et les marnes des


Planteurs sont toujours utilisées de nos jours.1, encore que les im
portations soient beaucoup plus importantes que les fabrications
locales.
Le gypse, qui se rencontre çà et là, dans les affleurements tria-

du massif du Murdjadjo, par exemple à Saint-


siques Bou-Sfer, à
André, falaises des Bains de la Reine, aux Planteurs,
aux alimenta

longtemps les plâtrières de Saint-André, et même à l'Est celles de


Canastel. L'exploitation a été abandonnée à Bou-Tlelis, près de

Misserghin, et aujourd'hui la plus grande partie du plâtre utilisé

provient des carrières de Fleurus.


Le sable est fourni par les plages marines et sous-marines de
Saint-Jérôme et d'Aïn-el-Turk, ainsi que par les sablières du Ravin
Blanc supérieur, des falaises de Gambetta, au voisinage de l'an
cienne batterie espagnole, et des dunes consolidées des environs.

Enfin, les marnes miocènes du Cartennien, qui occupent le syn


clinal séparant le Murdjadjo du Santon, alimentent les briquete
ries et les tuileries de Roseville, de Saint-André et de Mers-el-Kebir
et ont à peu près seules concouru à la construction de la ville
d'Oran.
Ce qui dut sans doute manquer le plus, de tous temps, et ce

qu'il fallut importer, c'est le bois de construction2. Il est possible

1. H existe notamment une Société des Chaux et Ciments oranais qui les
exploite.

2. La notice du Tableau de la situation, o. c, signale que les bois de cons


truction « sont tirés du Nord ». Seul, le charbon de bois est apporté par les

Arabes, principalement ceux de la tribu des Hamyans de Canastel. Ils ,près

faisaient aussi, depuis le siècle, le trafic du thuya dont les rondins étaient
XVIe

très employés dans les constructions mauresques (Derrien, o. c. plus loin p. 26) .
40 LES CONDITIONS NATURELLES

et même probable que le Murdjadjo ait pu offrir quelques res

sources, sans cesse apauvries d'ailleurs par une exploitation abu

sive ; il est plus certain en tous cas que le reboisement partiel a

été, ici aussi, une œuvre purement française.


Quant au ravitaillement en vivres, en grains, en viandes, en

légumes et en fruits, les documents antérieurs à 1830 nous mon

trent qu'il pouvait être facile, toutes les fois que l'hostilité des
tribus d'alentour n'interceptait pas les communications et n'abou

tissait pas à un blocus étroit de la place. Si le sol du plateau et

encore plus des abords de la Sebkha était généralement ingrat, et

si son aridité jointe à l'insécurité refoula pendant longtemps la cul

ture des céréales plus au Sud, les troupeaux en revanche paissaient

en nombre jusque sous les murs d'Oran. Des témoignages abon

dent, d'autre part, qui mentionnent dès le début de son histoire,


les jardins de Ras-el-Aïn et du ravin de l'Oued Er-Rehi, fournis
seurs de légumes et de fruits, comme aussi ceux de l'Aïn-Rouina,

du Ravin Blanc et de Canastel !. Ceux de Misserghin et de la Plaine


des Andalous sont venus assez tard compléter cet approvision

nement. Ce ne sont donc pas les possibilités qui faisaient défaut ;


mais elles étaient trop évidemment subordonnées à la sécurité des

communications.

1. Voir plus loin, p. 78.


LIVRE II

l
ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

1. Les Sources de l'histoire d'Oran ont été réunies sous ce titre même dans
un Essai bibliographique publié par M. Jean Cazenave (Bull, de la Société de
Géographie et d'Archéologie de la Province d'Oran. Année 1933, p. 303-379).
Pour toute l'histoire politique et militaire d'Oran, qui ne fait pas l'objet prin

cipal de cette étude, on Ernest Mercier, Histoire de l'Afrique Sep


consultera :

tentrionale, 3 vol., Paris, 1888-91 ; Henri-Léon Fey, Histoire d'Oran, Oran, 1858,
plus abondamment et plus sûrement documentée sur la période espagnole que

sur la période musulmane. Pour celle-ci, antérieurement à 1509, les textes


principaux sont mentionnés dans René Basset, Fastes chronologiques de la ville
d'Oran pendant la période arabe (290 à 903 de l'Hégire). Paris-Oran, 1892.
(Extrait du Bulletin de la Société de Géographie et d'Archéologie d'Oran, 1892,
p. 50-76). Les études publiées par M. Jean Cazenave renferment des rensei

gnements nombreux et utiles. Voir dans la Revue Africaine : Contribution à


2° 3e
l'histoire du Vieil Oran, et trim. 1925 ; Les gouverneurs d'Oran pendant
l'occupation espagnole de cette ville (1509-1792), 3e et 4e trim. 1930, et dans le
Bulletin de la Société de Géog. et d'Arch. d'Oran : « Oran, cité berbère », 1"
3e 4°
trim. 1926 ; Histoire d'Oran, par le Marquis de Tabalosos, 2e, et trim. 1930.
On trouvera un résumé substantiel de l'histoire musulmane dans l'article de
l'Encyclopédie Musulmane (p. 1061), rédigé par G. Marcais, sur Oran (Wahrân).
CHAPITRE I

LES ORIGINES

XVIe
A la différence d'Alger, qui fut dès le siècle une capitale

XVIIe
et qui compta dans ses murs au plus de 100.000 habitants l,
Oran n'a jamais été, avant notre arrivée, qu'une petite ville dont
la population ne dépassa guère 20.000 âmes, aux plus beaux jours
d'une prospérité fragile. Son avènement comme grande cité est un

fait tout contemporain 2. Jusqu'en 1831, elle dut assurément quelque


importance à sa position et à sa qualité de place forte ; mais si elle

put être, avant l'occupation espagnole, un entrepôt et un lieu


d'échanges, elle ne fut même pas, à vraiment parler, ce qu'on ap
pelle un port.

Ouahrân3, tel est le nom d'origine vraisemblablement berbère,


que porta la petite bourgade fondée en l'année 290 de l'Hégire

1. René Lespès, Alger, Paris, 1930, p. 129-130.


2. Le recensement de 1906 est le premier qui accusa plus de 100.000 habitants.

3. En arabe
ft_y Les premiers documents cartographiques qui le
ç)<j
mentionnent, les portulans du xrv°

et du
XV*

siècles, le transcrivent sous diverses


formes : génois de Pietro Vesconte, 1318, et portulan génois de
Horan (Atlas
Luxoro), Boran (Carte marine pisane du siècle), Oram (Portulans
xrv0

Tammar
de Angelino Dulcert, 1339, de Guglielmo Soleri, 1385, mappemonde des frères
Pizzigani, 1367, port, de Andréa Bianco, 1436, carte Catalane de 1375 ; c'est la
forme qui domine jusqu'au xvf siècle chez les cartographes, qu'ils soient major-

quins, catalans, pisans ou vénitiens. La forme Oran apparaît pour la première

fois dans un portulan génois de 1384, mais elle ne se généralise guère que

vers la fin du
XVIe

siècle ; elle figure dans la mappemonde de Sebastien Cabot


(1544) et dans celle de Gérard Mercator (1569)). Exceptionnellement, on ren

contre Ouram
(Diego Homan, carte portugaise de 1569 et mapp. de Pierre
Descelliers (1546), Orano et même Orani. Voir M. Jomard, Les Monuments de
la Géographie, Paris, s. d. ; Charles de la Roncière, La découverts de l'Afrique
VILLE ET PORT AVANT 1831
44 ORAN,

(903), sur un territoire occupé par des tribus berbères Azdadja,


Aoun, Mo
Abou'

les Nefza et les Mosguen, par Mohammed ben


venus
hammed
ben'
Abdoun et une bande de marins andalous

d'Espagne1. Sans nul doute, ils avaient en vue de créer un point

de leur contrée d'origine


d'appui pour les relations commerciales

avec l'intérieur du pays africain, notamment avec Tlemcen, ville

marchande déjà importante qui devait devenir la capitale du

Maghreb central2.

La nouvelle qui comptait certainement plus de


agglomération,

Berbères Azdadja que


d'
Andalous, occupait la rive gauche du ra

vin et s'adossait aux premières pentes du Murdjadjo. La position

pouvait être assez forte, en un temps où l'on ne se servait pas

encore des armes à feu.


Si nous ne manquons pas de détails sur l'histoire d'Oran du
Xe
au
XVIe
siècle, les renseignements précis sur la ville elle-même,

sur sa population, sur son commerce propre, se réduisent à fort

peu de choses ; les descriptions plus ou moins vagues et les asser

tions souvent exagérées des voyageurs musulmans ne suffisent pas

à satisfaire notre curiosité. Il y a en tous cas un fait qui ressort de

au Moyen Age, 2 vol., Le Caire, 1925 ; et surtout A.-E. Nordenskiôld, Peripîus,


an essay of the early history of charts and sailing directions. Trad. du suédois,
2 vol., Stockholm, 1897. On ne sauràt s'arrêter aux étymologies diverses

attribuées au nom de Ouahrân, jeux de Sots, calembours qui sont de règle en

cette matière. V. Bérard, Indicateur général de l'Algérie, Alger, 1848, p. 400,

donne « lieu d'accès difficile », ouaer en arabe ; « a ravine », écrit Playfair


(A Handbook for travellers in Algéria, London, 1874, p. 202).
1. R. Basset, o. c, p. 11. Jusqu'ici, on n'a pu découvrir aucune trace certaine
des Romains, ni à Oran, ni à Mers-el-Kebir, bien que cette double baie dénom
mée « Portus divini » dans l'Itinéraire d'Antonin, ait été reliée à l'intérieur, à

Albulae (Aïn-Témouchent) par une route passant au Nord de la sebkha. En

revanche, Arbal, au Sud, a été, sous le nom de Regiae, une ville importante
et une clef de routes. Voir St. Gsell, Atlas archéologique de l'Algérie, Oran

(feuille 20).

2. G. Marcais, Histoire d'Algérie, Paris, 1927, p. 122. A la fin du xf siècle,


El Bekri (Description de l'Afrique septentrionale, trad. de Slane, Paris, 1859,
p. 179) l'appelle ï la capitale du Maghreb central ».
LES ORIGINES 45

toute cette littérature historique ou géographique : Oran ne fut


jamais assez fort être la tête d'un Etat indépendant, même
pour

aussi réduit en dimensions que celui de Ténès, et sa destinée a été


d'être ballotté entre les maîtres de l'Est, du Sud, de l'Ouest et du
Nord, assiégé par les compétiteurs, pillé par eux, souvent aussi

bloqué par les tribus voisines. Son sort et sa prospérité furent


d'ailleurs de plus en plus liés à ceux de Tlemcen, dont le voisinage
était sa seule raison d'être, du moins jusqu'à la chute de Grenade
en 1492. Le jour où le lien fut coupé par l'occupation espagnole,
Oran se trouva condamné à n'être plus qu'un point d'appui fortifié

et isolé, un « presidio », c'est-à-dire une garnison et un bagne.


A travers toutes les vicissitudes qui le firent passer tour à
tour sous l'autorité des Khalifes Omeiyades d'Espagne, des Béni
Ifren, des Fatimides, des Almoravides, des Almohades, des Meri-
nides et des Béni Zeyan, Oran resta toujours un des débouchés

maritimes de Tlemcen en même temps qu'un entrepôt de ravitail

lement en produits venus de l'Europe ; mais il ne fut pas seul à


dut Rachgoun Ho-
remplir ces fonctions, qu'il partager avec et

neïn1. Il paraît néanmoins avoir conquis la première place à la


fin du XrV siècle.

Ce qui avait déterminé ses fondateurs à choisir cet emplacement,


c'était évidemment la présence d'une magnifique rade, dont la
Nord-Ouest était C'est à Mers-
partie particulièrement abritée. là,
el-Kebir, qu'ils se seraient établis, si la topographie trop acci

dentée du littoral, les difficultés de communication avec l'intérieur,


et l'absence d'eau —
raison capitale —
ne les en avaient écartés.

Abou'
1. El Bekri, o. c, p. 181. «Archgoul, écrit-il, est le port de Tlemcen».
lfeda (Description des pays du Maghreb, trad. Ch. Solvet, Alger, 1839, p. 71),
parlant du royaume de Tlemcen, dans la deuxième moitié du
xrv"

siècle, cite
comme étant les ports les plus célèbres Ouahrân et Honeïn. One, forme sous

laquelle ce dernier lieu figure dans les cartes et dans les chroniques espagnoles,

reprit quelque importance comme port de Tlemcen après l'occupation d'Oran


par les Espagnols en 1509. Les Espagnols s'en emparèrent en 1531, puis l'aban
donnèrent trois ans après, non sans l'avoir démantelé. (Paul Ruff : La domi
nation espagnole à Oran sous le gouvernement du comte d'Alcaudete, 1534-1558,
Paris, 1900, p. 8, note 2).
46 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

Ils se trouvaient ainsi attirés par le site voisin, où ils trouvaient des
voies de pénétration largement ouvertes, des moyens naturels de
défense suffisants, un oued, et, à défaut d'un bon mouillage, un

petit abri contre les vents d'Ouest et du Nord-Ouest, derrière la


pointe de La Moune.
Xe
Lorsque Ibn Haouqâl1 nous
parle, à la fin du siècle, du port

d'Oran, « tellement sûr et si bien abrité contre tous les vents, écrit-il,
que je ne pense pas qu'il y ait son pareil dans tous les pays des
Berbères », il ne peut s'agir trop évidemment que de Mers-el-Kebir.
Et c'est à lui de même que pense El Bekri 2, quand il cite la rade

d'Oran (Mersa Ouahrân) comme « offrant un bon hivernage ga


ranti contre tous les vents. » Edrisi 3 s'exprime plus nettement :

La d'Oran 4 offrir
« ville est un port trop peu considérable pour

quelque sécurité aux navires ; mais à deux milles de là, il en existe

un plus grand, El Mers-el-Kebir, où même les plus grands vais

seaux peuvent mouiller en toute sûreté, protégés contre les vents.

Il n'en est pas de meilleur ni de plus vaste sur toute la côte du pays

des Berbères. » Abou'lfeda 5, qui n'a pas vu Oran, a entendu dire


« par ceux qui l'ont visité que dans le voisinage est un lieu qui sert

de port à Tlemcen. » Les cartes marines, les portulans, n'ont eu

garde de négliger la mention de Mers-el-Kebir 6. Quand les chroni

queurs musulmans nous parlent d'embarquement « à Oran » de


corps expéditionnaires dirigés sur Bougie en 1331, en 1348, c'est au

mouillage de l'Ouest qu'il faut situlr ces opérations, comme aussi

probablement c'est Mers-el-Kebir qui s'est associé à Honeïn pour

la construction des cent vaisseaux commandés en 1162 par Abd el

Moumen.

1. Ibn Haouqâl, Description des routes ou description de l'Afrique. Trad.


de Slane, dans le Journal Asiatique, fév.-mars 1842, p. 186-187.
2. El Bekri, o.c, p. 188.
3. Edrisi, Géographie. Trad. Jaubert, Paris, 1836, tome I, p. 96-97.
4. Il fait allusion évidemment à l'abri de La Moune.
5. Abou'lfeda, o. c, p. 11.
6. Tous le situent exactement, avec des transcriptions d'ailleurs variées :

Marsachebir, Marzaquibir, Mazaquibir, Masalqbir.


LES ORIGINES 47

Sur la ville même d'Oran, les géographes, les voyageurs mu

sulmans, trop discrets généralement sur sa population et son com

merce, ne manquent jamais en revanche de parler de ses eaux cou

rantes, de ses moulins et de ses jardins1. C'est sans doute ce qui

avait séduit le voyageur Ibn Khemis, à la recherche de la fraîcheur


et de la verdure 2. Assurément la question de l'eau a toujours été
de première importance pour une ville, et surtout pour une place

forte. Mohammed ben el Kheir, sous les Ifrénides, à la fin du Xe


siècle, aurait le premier canalisé pour l'alimentation des habitants

les eaux de l'oued qui arrosait les jardins et l'on aurait donné à ce

ruisseau depuis cette époque le nom d'Oued ben el Kheir 3. Un des


miracles attribués par la légende au célèbre et vénéré marabout

Sidi Mohammed el Haouwâri (1350-1439) était d'avoir fait surgir


avec son bâton des sources aux environs d'Oran, notamment au

lieu dit « Bîlal » 4.

1. Ibn Haouqâl, cité par R. Basset, o. c, p. 13 : s La ville est entourée d'un


mur et arrosée par un ruisseau venant du dehors ; les bords du vallon où coule

ce ruisseau sont couronnés de jardins produisant toutes sortes de fruits. » El


Bekri (o. c, p. 165) écrit : « Oran est une place forte ; elle possède des eaux

courantes, des moulins à eau, des jardins. » : « Les habitants boi


Edrisi, 1. c.
vent de l'eau d'une rivière qui y vient de l'intérieur du pays et dont les rives

sont couvertes de jardins et de vergers. » Abou'lfeda, à propos de Tlemcen,


(o. c, p. 71) définit Oran par ces seuls termes : « Ville fortifiée quia des eaux

vives. »

XIe
2. R. Basset, o. c, p. 14. Il déclarait, en effet (à la fin du siècle) que dans
le Maghreb central, deux villes lui avaient plu particulièrement, Oran de

Khazer, qu'il appelait ainsi par suite d'une erreur sur son origine, et Alger
de Bologguin.

3. J. Cazenave, Oran, cité berbère, p. 26.

4. Destaing, Un saint musulman au XV siècle (Journal Asiatique, tome

VIII, 1906). Cet ancêtre des sourciers inspirait aux Oranais une telle confiance

qu'au cours d'un entretien sur l'eau, un des interlocuteurs disait à son petit-

fils : « Si ton grand-père voulait faire venir l'eau du Tessala à Oran, assu
rément il pourrait le faire. » Ce propos semblerait indiquer que les habitants

n'étaient pas très satisfaits de l'eau d'Oran soit pour la quantité, soit plutôt

pour la qualité.
48 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

On doit renoncer à toute estimation du nombre des habitants


dans la période antérieure à l'occupation espagnole. Ce qui paraît

certain, c'est que, Oran comme Tlemcen, profita de l'exode des


/ Juifs espagnols les villes et cela dès la première
vers africaines,
r
migration qui suivit de 1391
la persécution et l'arrivée des Israélites
de Majorque, de Isaac ben Checheth Barfat, dit
sous la conduite

Ribach et de Rabbi Simon ben Zemah Duran1. Il y a, en effet, la


preuve par les correspondances de ce dernier avec les docteurs

du Judaïsme, que les nouveaux venus eurent fort à faire tirer pour-

de leur ignorance et ramener à l'observation de la loi mosaïque les


Juifs indigènes d'Oran. Il y est question d'ailleurs aussi de familles
de commerçants établies nouvellement dans la ville et ayant

conservé ou même rétabli des liens avec Majorque, Grenade et la


Péninsule Ibérique. Les souverains du pays ont accueilli ces immi

grants avec plus que de la bienveillance et les ont traités souvent

mieux que leurs coreligionnaires indigènes2. Leur nombre. fut ren

forcé par de nouveaux arrivants expulsés d'Espagne après la prise

de Grenade, en 1492 3.

1. Isidore Epstein, The responsa of Rabbi Simon B. Zemah Duran, Oxford,


1930. Intéressante brochure qui nous a été communiquée obligeamment par

M. Brunschwig, professeur à l'Université d'Alger. On voit citer (p. 17) parmi

instruits dévoués à leur Amram Me-


les docteurs les plus et les plus mission

rovas Ephrati établi à Oran même. AilleuA(p. 58), il est signalé qu'il a dû
combattre certaines coutumes empruntées aux Musulmans par les Juifs indi
gènes et contraires à la loi Mosaïque, telles que les sept jours de lamentations
dans les cimetières. Ce rabbin était apparenté à une famille Susan, qui com
merçait à Oran (p. 97).
2. Isidore Epstein, o. c. C'est ainsi qu'ils réduisirent en leur faveur de moitié

la capitation. Ils ont facilité, en outre, les opérations commerciales et mari

times auxquelles les nouveaux venus se livraient avec l'Espagne et les Etats
Italiens. Les Juifs indigènes se plaignaient de la concurrence de ces industrieux

artisans, qui leur enlevaient notamment, en pratiquant la confection fort ap


préciée des Arabes, leur gagne-pain de tailleurs à la façon.
3. Sur les communautés juives de l'Algérie, leur origine et leur organisa

tion, voir Maurice Eisenbeth : Encyclopédie Coloniale Maritime, fasc. 9,


et

p. 97-112, Paris, 1937, et du même auteur : Les Juifs de l'Afrique du Nord,


Alger, 1936, notamment l'Onomastique.
LES ORIGINES 49

Plus nombreux que les Juifs durent être les Maures que la
« reconquista » progressive des rivages méditerranéens de l'Espa
gne, suivie des persécutions et des conversions forcées, décida à
rejoindre leurs frères Musulmans d'Afrique. Cet exode se place
XVe
dans la deuxième moitié du siècle. La chute de Malaga date
de 1486, six ans avant celle de Grenade. Les précisions manquent

totalement sur l'importance et la répartition de cette immigration,


faute de pouvoir recourir pour Oran aux ressources que nous four
nit Haëdo pour Alger. Nous pouvons du moins affirmer que les
« Andalous » qui s'établirent à Oran ou dans les environs immé
diats apportèrent un appoint redoutable à la piraterie barbaresque
et qu'à Mers-el-Kebir on arma des « brigantins » et des « fustes »

pour la course 1. Ce fut certainement une des causes premières,


XVIe
sinon la première, des expéditions espagnoles du début du
2, sans parler des les flottes
'
siècle razzias punitives exécutées par

castillanes dès le début du XVe, qui coïncidèrent avec les entre

prises mérinides contre les Abdelouâdites de Tlemcen3.

1. Léon l'Africain, Description de l'Afrique, édit. Ch. Schefer, Paris, 1898,


tome III, p. 40. Il cite particulièrement comme buts des corsaires Carthagène,

Ibiça, Majorque et Minorque.

2. Sur cette importante question, les articles fortement documentés de F.


Braudel sur « Les Espagnols et l'Afrique du Nord de 1492 à 1577 », dans la
3* 4e
Revue Africaine, 2e, et trim. 1928, peuvent être considérés comme la meil

leure mise au point.

XIVe
3. Cette piraterie s'exerçait d'ailleurs bien auparavant. Au siècle, il y
eut même un redoublement. « Oran et la côte du Maroc, est-il écrit dans le
Roudh el qartas, avaient leurs marins et leurs pirates qui devinrent plus en

treprenants que ceux du Maghreb (De Mas Latrie, Traités de paix


oriental.

et de commerce et documents divers concernant les relations des Chrétiens


avec les Arabes de l'Afrique septentrionale au Moyen-Age, Paris, 1866, p.

232-236). Les expéditions castillanes du Comte Pedro Nino en 1404 et 1405


(citées par R. Basset, d'après Diaz de Gomez, o. c, p. 13) qui ravagèrent les

côtes occidentales du Maghreb et notamment Mers-el-Kebir, Oran et Arzeu,


furent sans doute faites en représailles des méfaits de la course. Ernest Mercier
n'en parle pas, mais il parle de la prise de Tétouan à la même époque, sous le
règne de Enrique in, en l'expliquant d'ailleurs ainsi.
50 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

Nous sommes réduits à quelques vagues témoignages des écri


vains arabes ou berbères sur l'œuvre urbaine des maîtres d'Oran,
XIIe XVe
sur la prospérité de la ville et de son port du au siècle ;
plus nombreux et plus précis sont fort heureusement les documents
de source européenne sur le commerce maritime. Ibn Haouqâl, à
Xe
la fin du siècle 1, se contente de noter que « c'est au port d'Oran
que se fait le commerce avec l'Espagne ; les navires y apportent

des marchandises et s'en retournent chargés de blé. » El Bekri n'y


fait aucune allusion. Edrisi, au milieu du XIIe, est leà si premier

gnaler que l'on trouve à Oran « de grands bazars, beaucoup de fa


briques », et que le commerce y est florissant. « On y trouve des
fruits en abondance, du miel, du beurre, de la crème et du bétail,
tout à très bon marché... Les habitants de cette ville se distinguent
par leur activité. 2 » Il faut attendre la description de Léon l'Afri
XVIe
cain3 —
mais alors nous sommes au début du siècle —
pour

trouver un chiffre de population. « Oran, écrit-il, est une grande

cité, contenant environ 6.000 feux. » Cela correspond à environ

25.000 habitants. « Elle est bien fournie d'édifices et de toutes choses

qui sont séantes à bonne cité, comme collèges, hôpitaux, étuves


une

et hôtelleries, étant ceinte de belles et hautes murailles. » Il parle


au passé quand il ajoute : « La plus grande partie des habitants
était d'artisans et tissiers de toiles, avec plusieurs citoyens qui vi

vaient de leurs revenus, combien cfc'il fût petit : car à vouloir s'y
tenir sans s'adonner à quelque art, il se fallait contenter avec du
pain d'orge. » Cette déclaration est peu rassurante sur la prétendue

richesse d'Oran. Il vante ensuite la courtoisie et le caractère ac

cueillant des habitants et signale les relations fréquentes et suivies

avec les Catalans et les Génois. Les Oranais, dont Edrisi notait

déjà, en même temps que l'activité, « la fierté


», auraient formé,
selon Léon l'Africain —
et certainement ce ne fut guère qu'au

1. R. Basset, o. c, p. 13.
2. Edrisi, o. c, p. 96-97.
3. Léon l'Africain, o. c, p. 40-41. Marmol (L'Afrique, trad. Perrot d'Ablan-
court, Paris, 1667, tome II, p. 362) , parle aussi des « fermiers de la douane ».
LES ORIGINES 51

XVe
siècle, lorsqu'ils furent « ennemis des rois de Telemsin (Tlem
cen) qui en avaient cependant besoin —
une espèce de petite Ré
publique marchande où, en dehors du « Trésorier » et du « Fac
teur » percevant les droits de douane du royaume et choisis par

eux —
il faut dire sans doute « agréés par eux » —

le chef, le
« conseiller pour les choses civiles et criminelles » était élu par
« le peuple ».

Les documents européens i sont fort heureusement beaucoup


plus riches en renseignements sur le commerce maritime et le rôle

économique d'Oran dans le Maghreb central.

Tout d'abord, si la ville fut, sous la domination musulmane,


dotée de quelques améliorations destinées à sa défense, la petite

plage et l'abri sommaire qui s'étendaient à ses pieds, le rivage

étant à un « jet de pierre » de ses murs 2, en dehors de l'enceinte,


ne paraissent pas avoir reçu le moindre aménagement avant l'oc
cupation espagnole. Ils ne constituèrent donc qu'un embarcadère

ou un débarcadère par temps calme. Les opérations se faisaient


en principe à Mers-el-Kebir 3, où les marchandises à destination
ou en provenance d'Oran étaient transbordées du navire sur des
barques ou inversement. Elles ne pouvaient donc être effectuées si

la mer était trop agitée. Les communications par terre eussent été

1. Sur cette question, pour la période musulmane (903-1509), voir De Mas

Latrie, ouvrage déjà M. F. Elie de la Primaudaie, Le commerce et la na


cité.

vigation de l'Algérie avant la conquête française, Paris, 1861. P. Boissonnade,


Les relations commerciales de la France méridionale avec l'Afrique du Nord
XII"
ou Maghreb, du au XV siècle (Bulletin de la Société de Géographie, 1929,
tirage à part, Paris, 1930).

2. Marmol, o. c, p. 362.

3. Edrisi, l. c, parle des ports d'Oran. Léon l'Africain (l. c.) nous dit que
« les Vénitiens y souloyent retirer leurs galères (à Mers-el-Kebir), quand
survenait la fureur marine, envoyant leurs marchandises sur des barques à

Oran, à la plage de laquelle elles s'en allaient tout droit surgir en temps

calme. »
52 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

beaucoup trop difficiles, vu l'étroitesse et les accidents de l'unique


sentier qui les assurait1.

Il est fort à croire que les relations maritimes les plus suivies,
Xe XIe
sinon les seules, furent au début, au cours du et même du
siècle, avec l'Espagne musulmane : la proximité des deux côtes,
la parenté des populations, la communauté de religion et de langue
firent du couloir de la Méditerranée occidentale si bien dessiné,
entre le cap de la Nao et le cap Ténès, d'une part, et Gibraltar,
de l'autre, un véritable « channel », une Manche Ibéro-Africaine

sans cesse traversée par les bateaux2. Ibn Haouqâl, à la fin du Xe


siècle, ne signale que ce trafic. El Maqaddesi, au début du XIe,

parle d'Oran comme d'un «port fortifié d'où l'on s'embarque nuit

et jour pour l'Espagne » 3. Edrisi déclare que « les navires espa

gnols se succèdent sans interruption dans ses ports ». Le blé des


environs de Tlemcen et sans doute aussi le bétail étaient les objets

principaux de l'exportation4.
XIe
Avec la fin du siècle et le XIIe, une ère nouvelle s'ouvrit.

La Méditerranée occidentale était petit à petit reprise sur les


Sarrazins refoulés vers l'Espagne méridionale et le Maghreb. Les
Génois et les Pisans délivraient la Sardaigne et balayaient la mer

1. Marmol (II, p. 362) parlant de Mers-el-Kebir où s'était formée une fort


petite agglomération, s'exprime ainsi : « Gn ne peut aborder dans la ville

qu'avec grande difficulté, si ce n'est par lP chemin d'Oran où il y a un pas


sage étroit et inégal qu'on nomme la Chaise. »

2. El Bekri, o. u. (p. 188 et note), qui ne manque jamais de nous signaler

les points des deux côtes situés « vis-à-vis », donne comme durée moyenne
de la traversée deux journées et demie, ce qui paraît exagéré. Il place en face
d'Oran Echekoubères, que l'on hésite à identifier avec
Escombrera, cap et île
placés à l'entrée de la rade de
Carthagène, trop à l'Est par conséquent. C'est
bien cependant la direction méridienne, mais les données transcrites par El
Bekri sont celles des navigateurs qui traçaient leurs routes de côte à côte la
plus directement possible, et par conséquent dans ce cas selon l'orientation
N.-O. Edrisi serait plus exact et mieux renseigné quand il note que « Oran
est situé vis-à-vis d'Almeria sur la côte d'Espagne ».
3. Cité par R. Basset, o. c, p. 14.
4. Ibn Haouqâl et Edrisi (l. c).
LES ORIGINES 53

Tyrrhénienne. Les Normands chassaient les Arabes de la Sicile


et de l'Italie du Sud, les Pisans, les Languedociens et les Proven
çaux unis aux Comtes de Barcelone les expulsaient de leurs côtes

et de Majorque. Derrière eux Catalans, Aragonais et Castillans se

lançaient à la conquête des côtes méditerranéennes de la pénin

sule Ibérique. Les routes de la mer étaient désormais plus libres.


Les Almoravides, puis les Almohades, maîtres successivement du
Maghreb central, donnèrent dès la fin du XIe siècle l'exemple d'une
politique nouvelle, celle des relations pacifiques avec les puis

sances chrétiennes de la Méditerranée, fondées sur les échanges


commerciaux. Aussi le XIIe, mais surtout le XIIIe et le XIVe
siècles

furent-ils une ère de prospérité pour le commerce Moghrebin de


Gênes et de Pise qui prédominèrent jusqu'à l'entrée en scène des
Vénitiens et des Florentins. A côté d'eux les Catalans, les Langue
dociens et les Provençaux trouvèrent à se tailler leurs parts. Oran
figure en bonne place dans l'histoire de ce trafic.
Le développement donné par l'Almoravide Ibn Tâchfin à la
ville de Tlemcen, dont il fut pour ainsi dire le deuxième fondateur,
et qui devint « le boulevard de son empire » et le « chef de sa -lieu

province algérienne » 1, profita à son port d'Oran. Sa prospérité,


sous ses successeurs Almohades et Zeyanides ne fut que le reflet
de celle de Tlemcen qui l'explique, tout comme l'histoire de ses

vicissitudes politiques est inséparable de celle de la capitale du


royaume Abdelouadïte. Les républiques marchandes de Pise et de
XIIe
Gênes conclurent au siècle une série de traités avec les sou

verains Almoravides et Almohades, Pise en 1133, 1166, 1186, Gênes


en 1138, 1153-54, 1160-61 2. Celui de 1166 fut conclu entre le fils
de Abd el Moumen, Abou Yacoub Youssouf et le consul de la
3 1186
République Cocco Griffi ; l'acte du 15 novembre renouvelé

en 1211 était signé de Abou Yacoub el Mansour, l'Almanzor des


chroniqueurs chrétiens. Oran figurait parmi les ports de l'empire

1. G. Marcais, o. c, p. 139.
2. P. Boissonnade, o. c,

3. De Mas Latrie, o. c, p. 49-50.


54 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

désignés à l'exclusion des autres pour les échanges commerciaux,

en même temps que Tunis, Bougie, Ceuta et Almeria. Cette limi


tation était destinée à faciliter la surveillance des Européens, la
perception des droits de douane et à empêcher la contrebande. Le

même Almanzor, sollicité par le pape Innocent III, en 1198, de


tolérer le rachat des captifs chrétiens par les Pères de la Rédemp
tion1, leur réservait un bon accueil, ainsi qu'aux Franciscains et

aux Dominicains, qui obtenaient sous son règne et celui de ses

successeurs la permission de parcourir les ports de la côte.

Ces relations avec les puissances maritimes de la Méditerranée


occidentale furent plutôt favorisées que contrariées par les conquêtes
l'
de Jayme I, maître de Barcelone, de Aragon et de Majorque (1229) .

Oran, selon toute vraisemblance fut, comme Ceuta et Bougie, en


relation avec les Catalans 2. En 1319 des rapports officiels étaient
établis par Abou Hammou entre les Béni Zeyan de Tlemcen et

Jayme II3. Avec eux se glissaient les marchands de Montpellier,


de Narbonne et de Marseille 4. Lorsque les Florentins furent maî
XVe
tres de Livourne et de Porto Pisano, au début du siècle, ils se

soubstituèrent aux Pisans 5. Mais ils furent vite éclipsés par les
Vénitiens. Tous ces traités commerciaux reposaient sur les mêmes

principes ; le type en est celui de 1339 entre Aboul'Hassan, Sultan


Mérinide, et Jayme II, roi de Majorque, comte de Roussillon et de
Cerdagne, seigneur de MontpelliefcG. Interdiction de la piraterie
et du pillage des navires, même naufragés —

cette clause ne fut


d'ailleurs guère respectée —

, commerce d'exportation libre, sauf

pour certaines denrées soumises à des autorisations spéciales,

1. Idem, p. 70.
2. De Mas Latrie, u.c., p. 74.
3. E. de la Primaudaie, o. u., p. 271. Lorsque, plus tard, Abou Hammou ïï
voulut se rendre à Alexandrie, c'est sur un navire catalan mouillé à Mers-el-

Kebir qu'il s'embarqua en 1390.


4. P. Boissonnade, o. c.

5. De Mas Latrie, o. c, p. 255.


6. E. de la Primaudaie, o. c, p. 272-73, De Mas
et
Latrie, p. 84-85.
LES ORIGINES 55

notamment le blé, garanties pour la sécurité des personnes et des


biens, droit d'avoir des consuls et d'établir des fondouks, véritables

quartiers murés pour le dépôt et la vente des marchandises, pour

la « loge » des consuls et de leur chancellerie, voire même de ceux


qui constituaient la « nation », permission d'entretenir une église
ou une chapelle et un cimetière, fixation des droits divers de
douane. Notons en passant que ces droits perçus à Oran devinrent
sous les Zeyanides, grâce à la prospérité du commerce de Tlemcen,
le revenu principal de leur trésor 1.

En application de ces traités, les Génois d'abord, dès le début


XIIIe XVe
du siècle et plus tard les Vénitiens au eurent leurs fon
douks à Tlemcen, en correspondance avec ceux d'Oran2. Il est

intéressant de noter que les Marseillais surent de très bonne heure


se faire une place dans le commerce du Maghreb central. Eman
cipés comme les marchands de Narbonne et de Montpellier de la
tutelle de Gênes et traitant avec la République en 1138 sur le pied

XIIe
d'égalité3, ils eurent à Oran dès la fin du siècle leur fondouk
particulier, avec un directeur nommé par les Consuls de Marseille ;
c'était un véritable petit quartier, ayant jusqu'à son four commun

1. P. Boissonnade, o. c. Ils varièrent pour l'importation de 5 à 8 et 10 %


XIVe
ad valorem au XIT et au Xlir siècle, de 10 à 16 % au et au XV; à
l'exportation, ils se maintinrent autour de 5 %. Il fallait d'ailleurs y ajouter
les taxes spéciales pour la manutention par les portefaix, des droits d'ancrage,
de pesage, de mesurage, de magasinage, d'interprètes, de quittance. On com
prend que les souverains musulmans, dont la caisse était toujours difficile

à alimenter régulièrement, aient favorisé un commerce qui leur assurait des


revenus solides.

2. Léon l'Africain, o. c, IV, p. 120, parle de leur fondouk et de leur loge


consulaire établis à Oran.

3. P. Boissonnade,o. c. Le trafic de Narbonne, qui reposait sur l'industrie

et le commerce de la laine, fut de plus en plus contrarié par l'ensablement du


port et du canal le reliant à la mer. Celui de Montpellier paraît avoir été
plus prospère sous les rois d'Aragon et de Majorque pendant un siècle et

demi. Les statuts de 1233 prouvent que ses marchands se rendaient à Oran
avec les Catalans.
56 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

bains publics. Il y eut même un Consul spécial i plus ou moins


et ses

permanent, assisté de son chancelier, de ses notaires, de ses huis

siers, de ses scribes. Nous ne manquons pas de détails, grâce aux

précieuses archives de la Chambre Consulaire de notre grand port,


sur les faisaient à Tlemcen, à Oran, comme à
opérations qui se

Ceuta ou Tunis. Des familles de marchands, comme les Manduel,


associés à d'autres Français, à des Génois, plus rarement à des
XIII8
Musulmans, mais très fréquemment à des Juifs, faisaient au

siècle le métier de bailleurs de fonds et de commanditaires, de


commissionnaires et de mandataires, de noliseurs et d'armateurs,
soit seuls, soit en participation ; leurs affaires embrassaient toute
la Provence, le Languedoc et même la Catalogne2. Les navires

mouillaient à Oran où ils se rendaient en caravane à la belle saison,


à Mers-el-Kebir en hiver. Oran venait pour l'importance des
affaires après Ceuta et Bougie. Les importations, qui dépassaient
de beaucoup les exportations, consistaient surtout en textiles, quel
ques soieries, mais surtout des draps et des toiles, draps d'Arras,

de Châlons, écarlates de Paris, de Perpignan, de Montpellier,


bourracans de Béziers, cotons filés et cotonnades, toiles de lin et
de chanvre, plus de la mercerie, de la quincaillerie, un peu de
corail travaillé, des fèves, des châtaignes cévenoles, du safran d'Albi
ou du Comtat-Venaissin, des vins, des épices, des parfums, des
substances médicinales, des produits tinctoriaux. Quant aux expor

tations, elles portaient presque uniqi^ment sur les laines, les cuirs

1. De Mas Latrie, o. c, p. 90 et 117. Les statuts municipaux de 1228 parlent

de ce fondouk et font allusion à ce Consulat.


2. P. Boissonnade, o.c, où l'on trouve de nombreux détails très précis, dont
quelques-uns ont été empruntés par De 1220 à 1240, Etienne Manduel,
nous.

associé avec Bernard de Conques, de Figeac, est en relation avec Oran. Son
fils Jean y convoie lui-même des marchandises. En 1233 Bernard Manduel
reçoit en commande six charges de coton pour 60 livres, qu'il s'engage à
porter à Oran Tlemcen ; on le
et voit emprunter à Oran à des changeurs une
somme de 50 livres. Etienne, en
1227, commandite le Juif Bonus Judas pour
un voyage aux lieux. On trouve à Oran des bateaux nolisés par
mêmes
eux,
le « Saint-Michel », le « Saint-Bonaventure », le « Saint-Sauveur ».
LES ORIGINES 57

et les peaux, les grains, et parfois sur les esclaves 1. Le XVe siècle
vit la décadence de ce commerce, malgré les efforts du roi René

et de Jacques Cœur sous Charles VII dont les diplômes mentionnent

expressément Oran. Les persécutions dirigées contre les Juifs, les


attaques des Espagnols et des Portugais, le réveil de la piraterie

en représaille de la « reconquista » et surtout la concurrence des


Génois et des Vénitiens ruinèrent les entreprises de Marseille.

Le commerce des Florentins, successeurs des Pisans au XVe


siècle, ne fut pas de longue durée. Un règlement de la Seigneurie,
de 1458 2, fixant l'itinéraire des galères qui devaient voyager « en

conserve », c'est-à-dire en convoi groupé, les conduisait par Tunis


jusqu'à Cadix avec, à l'aller et au retour, un arrêt de six jours
à Oran.

Les Vénitiens eurent une activité plus prolongée dont on trouve


XVIe XIVe
les traces jusqu'au milieu du siècle. Ils eurent dès le
siècle leur fondouk à Tlemcen et à Oran, tout comme les Génois 3.
Leurs « galéasses » à quatre voiles, montées par 200 hommes d'équi

page, fréquentaient Mers-el-Kebir. Tous les ans la « grande con

serve de Barbarie », partie du Lido dans la deuxième quinzaine

de juillet, faisait le tour de la Méditerranée occidentale et visitait

Oran où elle ne séjournait pas moins de dix jours, alors qu'elle

n'en consacrait que quatre à Bougie ou Alger 4. Les objets de

1. Idem, p. 26. Oran partageait ce commerce avec Ceuta, Bougie, Tunis,


Tripoli. Il est question d'achats « d'esclaves sarrazins d'Afrique féminins et

masculins » vendus d'ordinaire 10 livres par tête, soit un peu plus de 200
francs. Le commerce de l'or et de l'argent monnayés a été également pra

tiqué.
2. De Mas Latrie, o. c, p. 333. Il est à remarquer que le séjour à Alger et

à Hone (Hone'in) n'était que de trois jours.


3. E. de la Primaudaie, o. c, p. 371.
4. De Mas Latrie, o. c, p. 330. Une tradition nous est parvenue, selon la
quelle ce serait un marchand vénitien, un certain Vianelli, qui aurait désigné
au Cardinal Ximenès Mers-el-Kebir comme étant la position la plus forte et

le principal repaire de pirates, et Oran comme la ville la plus belle et la plus

opulente de l'Afrique (E. de la Primaudaie, p. 245).


58 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

leur commerce étaient à peu près les mêmes que ceux dont tra
fiquaient les Génois et les Catalans. Les Génois achetaient parti

culièrement des écorces tannantes, des peaux, des fruits secs, et


surtout de l'huile pour leurs savonneries, Tlemcen étant déjà le
centre d'une région renommée pour ses oliviers 1. Les Vénitiens
importaient beaucoup de tissus, des damas, des satins, des taffetas,
des cotonnades, des verreries, des épices, des parfums tels que
le musc, le benjoin, l'ambre, la civette, des joyaux et des perles,
des pierres précieuses, rubis et turquoises, en général des mar

chandises de luxe, de prix élevé2. Outre les laines, les cuirs, le


coton cultivé dans la plaine de la Mléta, les haïks et les burnous
fins, les tapis, produits renommés de l'industrie de Tlemcen, les

sparteries, le cumin, la noix de galle, ils achetaient, eux et les


Génois, de beaux esclaves noirs pour eux ou pour les revendre
à Tunis, à Tripoli ou en Egypte.
Oran fut en effet, comme port de Tlemcen, un entrepôt du com

merce du Soudan, prospère sous les Zeyanides, commerce sur lequel


nous ne manquons pas de renseignements 3. Tous les ans une cara

vane, à laquelle se mêlaient quelques marchands chrétiens, gagnait

Sidjilmâssa, Tafilalet, par Oudjda, Fez, Tadelah Aghmat, et de


au

là Oualata (Youalaten), puis Tokrour sur le Niger, dans le royaume


de Melli. Elle y portait les produits de l'industrie tlemcénienne et

des marchandises européennes et ramenait de l'ivoire, de la pou

dre d'or, de l'ambre gris, des pluies d'autruche et des esclaves.


Génois et Vénitiens, à l'époque de la splendeur de leurs républiques,
furent d'excellents clients pour tout ce trafic, même pour le moins

avouable.

1. E. de la Primaudaie, o. c, p. 275.
2. De Mas Latrie, o.c, p. 276-77. Un document vénitien, émanant d'un
certain M. Bartholoméo di Pasi da Vinetia (Venise, 1540), donne le catalogue
de toutes les denrées importées et exportées, ainsi que quelques mesures et

quelques prix.

3. Abbé Barges, Mémoire sur les relations commerciales de Tlemcen avec

le Soudan sous le règne des Béni


Zeyan, Paris, 1853. G. Marcais, p.
o.c,
155-56.
LES ORIGINES 59

Il est impossible de se faire une idée nette de ce que put

représenter en valeur comme en poids le commerce d'Oran et

de ses ports. Il dut être en tous cas singulièrement troublé par les
guerres, les sièges, les pillages, les changements de souverains, qui

ne lui laissaient que de courtes périodes de répit. Il y a un contraste

vraiment excessif entre les récits interminables, confus et fasti


dieux que les historiens ont donnés de ces luttes, suivant en cela

fidèlement les traces des chroniqueurs musulmans, et d'autre part

les affirmations peu étayées sur la prospérité d'Oran que nous

trouvons chez les uns et les autres. On est ainsi amené à se défendre
de beaucoup de scepticisme et d'un autre genre d'exagération. Au
fond, il nous faut mesurer toutes ces choses à une autre échelle
que celles de nos temps modernes. Une ville de 25.000 habitants
XVe
pouvait passer au siècle pour « une grande cité », et la fréquence
des arrivages de petits bateaux dans un port faisait oublier cette

notion du tonnage qui pour nous est inséparable de la navigation

marchande. Quelques fortunes gaspillées dans les fêtes ont pu

expliquer les malédictions lancées par El Haouwâri sur la « ville

corrompue » d'Oran. En tous cas une impression domine toutes


les autres : Oran n'exista que par Tlemcen, son commerce ne fut
qu'un de transit, surtout d'importation de matières et
commerce

d'objets de luxe destinés aux habitants d'une capitale qui elle con
nut sûrement quelque splendeur. Ses monuments en témoignent ;
on en chercherait en vain quelque digne réplique à Oran. Il est

indéniable par ailleurs que la population d'Oran augmenta entre

XIIIe XVe
le et la fin du siècle ; elle avait certainement franchi les
murs de l'enceinte et il existait déjà sur le plateau de Karguentah
un véritable faubourg. Mais il est permis de conjecturer qu'ici

comme à Alger, l'exode des Andalous avant et après la prise de


Grenade a fourni le principal appoint. C'est un fait plutôt tardif.
Il n'est pas invraisemblable d'ailleurs que ces immigrants, dont
beaucoup étaient des artisans, aient apporté autre chose que le
nombre et qu'ils aient pu donner aux petites industries de la ville

une activité et un essor nouveaux ; assurément ils ne furent pas


60 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

seulement des corsaires. Mais Oran ne pouvait prospérer que par

ses relations avec un Tlemcen prospère lui-même.

Or la décadence de Tlemcen, prodrome de la ruine, était déjà


XVIe
consommée au début du siècle : c'est une raison suffisante

pour croire que les Espagnols, quand ils se rendirent maîtres d'Oran,
le 17 mai 1509, ne recueillirent qu'un médiocre héritage.
CHAPITRE II

ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791

Le 13 septembre 1505, Don Diego de Cordoba s'emparait de


Mers-el-Kebir ; le 19 mai 1509, Don Pedro Navarro pouvait faire
les honneurs de sa conquête d'Oran au Cardinal Ximenès de
Cisneros, promoteur de cette expédition.

Venant après la prise de Melilla en 1497 et suivie en 1510 par

celle de Bougie, elle apparaissait comme inaugurant une politique


nouvelle de l'Espagne en Afrique du Nord, politique dont le dessin
n'a peut-être pas été aussi nettement tracé dès l'abord que cer

tains historiens l'ont imaginé K Quelque opinion que l'on ait sur

ce sujet, il est indéniable que cette réaction contre la menace

musulmane et les insultes de la piraterie, dont les intérêts matériels


des populations maritimes de la péninsule avaient de plus en plus
XVIe
à souffrir, s'est imposée au début du siècle comme une mesure

nécessaire de défense. Mers-el-Kebir était devenu un nid de cor

saires, dont l'audace terrorisait les habitants des côtes 2 obligés de


se protéger eux-mêmes, de veiller sans cesse et d'organiser une

1. La question très complexe et encore incomplètement éclaircie à la lu


mière des documents publiés jusqu'ici a été très bien posée et discutée par

F. Braudel, dans les articles cités plus haut ; on ne peut que s'y reporter.
2. J. Cazenave, Oran, cité berbère, p. 77. En 1500, ils avaient enlevé 60
personnes sur une plage voisine de Carthagène ; en 1505, ils incendiaient
de nuit des navires mouillés dans le port même de Malaga, et la même année
ils saccageaient les faubourgs d'Elche et d'Alicante. Les corsaires espagnols

de Carthagène répondaient d'ailleurs à ces expéditions par des coups de main

sur la côte africaine, de Mers-el-Kebir à Arzeu.


62 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

véritable « Hermandal » K Ximenès trouva en 1509 dans les cachots

du Fort Neuf d'Oran plus de 300 esclaves chrétiens 2.


Maîtres d'Oran, les Espagnols allaient-ils travailler à poursuivre

une occupation étendue l'intérieur, et,


vers s'ils ne faisaient pas

la conquête du pays d'alentour, du moins à rétablir, à consolider


les relations qui en avaient fait un débouché maritime et une
place commerciale de quelque importance, et si possible à en créer

de nouvelles ? Isabelle la Catholique et Ximenès ont certainement

projeté de conquérir le royaume de Tlemcen3. Lorsque Diego de


Cordoba fut nommé gouverneur de la nouvelle possession espa

gnole, il reçut le titre de « capitaine général de la ville d'Oran,


de la place de Mers-el-Kebir et du royaume de Tlemcen».
Le corsaire levantin Aroudj s'étant lancé à la conquête de tout
le Maghreb Central, le royaume de Tlemcen était menacé. Si les
Turcs réussissaient à s'en rendre maîtres, Oran était à jamais blo
qué. Abou Hammou III luttait alors contre son neveu Abou Zeyan,
détrôné par lui, qui avait appelé l'envahisseur. Le gouverneur mar

quis de Comarès comprit qu'il ne pouvait rester neutre ; il répondit

à l'appel d'Abou Hammou, réfugié à Oran, le ramena à Tlemcen,


poursuivit Aroudj, dont la tête fut apportée à Oran —
le fait est
symbolique —
et le souverain rétabli paya sa dette de reconaissance

en se déclarant tributaire du roi d'Espagne4. Le comte d'Alcau


dete, le vaillant capitaine général, »e cessa pendant tout son gou

vernement, de 1534 à 1558 5, de lmter contre les Turcs et leurs


alliés, pour les éloigner d'Oran et sauver l'indépendance du royaume

de Tlemcen vassal de l'Espagne, De là ses interventions dans les


luttes intestines des derniers Zeyanides, la tentative malheureuse
qui aboutit à la débandade de
Tibda, sur Tisser, en juin 1535, celle

1. F. Braudel, o. c, p. 61 et note 1. De cette époque datent les « atalayas »,


tours de guet encore visibles sur les côtes méditerranéennes de l'Espagne.
2. H.-L.
Fey, o. c, p. 63.
3. F.
Braudel, o. c, p. 47-48. Ernest Mercier, o. c, II. p. 423.
4. Ernest Mercier, o. c, III, p. 23.
5. Paul Ruff, La domination espagnole à Oran sous le gouvernement du
comte d'Alcaudete, Paris, 1900. (Publications de l'Ecole des
Lettres d'Alger.)
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 63

encore plus désastreuse de son lieutenant Don Martin de Agulo sur

Tlemcen en 1543, et enfin son succès personnel, la même année,


la réinstallation de Abou Abdallah à Tlemcen ; succès bien précaire,
son protégé en ayant été chassé et les Espagnols ayant échoué dans
une pointe dirigée contre Mascara. C'était au lendemain de l'échec
retentissant de Charles Quint devant Alger (1541). La menace tur
que contre Oran se dessinait de plus en plus. Si les soldats de
Hassan Pacha avaient abandonné Tlemcen, il avait du moins établi
un gouverneur à Mostaganem. Le comte d'Alcaudete, toujours en

éveil, tentait en vain en 1547 de s'emparer de cette place qui

était devenue le quartier général et le point de départ des attaques

dirigées contre Oran. Abandonné par le gouvernement de Charles


Quint, trop occupé par les affaires d'Europe et d'Orient, il devait
résister en 1556 à une entreprise turque dans l'Ouest, conduite

par le renégat faillit réussir, et, lorsque décidé


Hassan Corso qui

à se donner de l'air à tout prix, il se lança contre Mostaganem


secouru par Hassan Pacha, il n'aboutit qu'à un échec suivi d'une
retraite lamentable où il sauva son honneur en sacrifiant sa vie.

Cette date de 1558 est capitale dans l'histoire d'Oran. Les Turcs
maîtres de Mostaganem installaient leur garnison dans le Méchouar
de Tlemcen : à partir de ce moment Oran ne cessa d'être bloqué.
La politique de Philippe II se concentra sur la Méditerranée orien

tale et sur la Tunisie qui en gardait l'accès. Après la reprise de

Tunis et la prise de la Goulette par les Turcs en 1574, il ne restait

plus aux Espagnols, sur les côtes de l'Afrique du Nord, que les
places d'Oran, de Melilla, seuls points d'appui
de Mers-el-Kebir et

pour leurs flottes dans la lutte contre les corsaires barbaresques.


On comprend qu'ils aient tenu à les garder.

Il nous a paru nécessaire de rassembler et de résumer ces

quelques faits sans lesquels on ne peut comprendre la décadence


économique d'Oran, condamné dès lors à n'être plus qu'une place

forte et une garnison. Et quelle garnison, qui, de 1558 à 1708, ne


subit pas moins de sept attaques sérieuses dont la dernière chassa
64 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

les Espagnols d'Oran de Mers-el-Kebir i ! Us y revenaient avec


et

le comte de Montémar en 1732, pour y être attaqués de nouveau


par le bey de Mascara. Cependant dire que, de 1734 à 1770,
on peut

la ville connut une tranquillité ; ces années ont été sans


relative

doute les meilleures que les malheureux habitants civils et mili


taires aient connues sous la domination espagnole. En tous cas

la situation resta toujours telle que, si l'honneur de l'Espagne


n'avait pas paru engagé, Oran aurait été abandonné dès 1734 :

c'était la solution proposée au gouvernement de Madrid par le


gouverneur Don José Vallejo dans son remarquable rapport d'ins
pection2. Elle ne devait s'imposer qu'en 1791, par le traité du 12
septembre conclu avec le Dey d'Alger.
Nous possédons quelques renseignements peu précis d'ailleurs
XVIe
sur la population d'Oran entre le début du siècle et la fin du
XVIIIe XVIe
; ils suggèrent quelques réflexions. Au début du siècle

Léon l'Africain l'estimait à 6.000 feux, près de 25.000 habitants. Or,


du mémoire de Vallejo, mentionné plus haut, il ressort que pen

dant la première occupation espagnole, de 1509 à 1708, le chiffre


de la population civile ne dut guère dépasser 2.000 3, et que celui
1. Siège de Mers-el-Kebir Hassan Pacha
1563, attaque d'Oran par
par en

les Turcs en 1604, siège 1639, de Mers-el-Kebir en


par terre et par mer en

1675, coup de main tenté sur Oran par Moulay Ismaïl, sultan du Maroc en
1673, enfin blocus des deux places par 1* bey de Mascara et les Turcs d'Alger
depuis 1705, chute d'Oran en 1707 et capitulation de Mers-el-Kebir en 1708.
2. Mémoire sur l'état et la valeur des Places d'Oran et de Mers-el-Kebir,
écrit dans les jours de l'année 1734, après son inspection générale,
premiers

par Son Exe. Don Joseph Vallejo, Commandant général, traduit et annoté —

par Jean Cazenave. (Reuue Africaine, 2e et 3" trim. 1925.) L'auteur concluait
« Cette ville sera toujours, quoi qu'on
ainsi :
dise, un poids mort pour notre
royaume » (p. 33) et il ajoutait plus loin : « La baie et le port de Mers-el-

Kebir ne peuvent nous servir qu'à la condition de posséder Oran et on ne

peut conserver Oran qu'à la condition de posséder en même temps Mers-el-


Kebir. »

3. Idem, p. 29-30. Lorsque Vallejo parle de 500 « habitants », il faut évi


demment corriger et lire « 500 feux ». Le rapport de Don Hamaldo Hontabat
(1772), dont nous parlons plus loin, autorise cette correction. Il y est dit (p. 13) :
« Au temps de la première occupation, on comptait 500 maisons et 2.000 habi
tants. »
PLANCHE II

Oran en 1831, vue prise de l'anse de Lamoune.


S1 S'
Le Château Neuf, la mosquée du Pacha, le quartier isrs élite, les forts de André et Philippe, le débouché
du ravin de l'Oued er Rehi, la Marine, les murs de la Blanca et la Casbah. (Dessin de Nyon).
Photo A. Lùck.
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 65

de la garnison fut rarement supérieur à 1.500 ; il faut ajouter que


l'auteur du rapport ne tient pas compte des « desterrados », exilés
et relégués d'Espagne ni des éléments indigènes, maures ou juifs
qui furent d'ailleurs de plus en plus réduits. On peut estimer à 6.000
au maximum l'ensemble de la population. Elle apparait ainsi sin

gulièrement réduite par rapport à celle de l'époque musulmane.

Il n'y a rien qui puisse faire écarter cette conclusion.

On peut tout d'abord admettre qu'à l'arrivée des Espagnols, en

1509, la population indigène musulmane a abandonné la ville en

masse ; ce fut toujours la règle en pareil cas. Il est d'autre part

bien établi que les nouveaux maîtres d'Oran ne firent rien pour

y attirer ceux qu'ils appelaient les «Maures », dénomination qu'ils


appliquaient à tous les Musulmans, qu'ils fussent citadins ou gens

de tribus, sédentaires ou nomades, Arabes ou Berbères. Les témoi


gnages sont nombreux de leur méfiance vis-à-vis des Indigènes et

de leur répugnance à les admettre dans l'enceinte de la ville 1. Il


n'y laissèrent séjourner à demeure que les esclaves domestiqués
que leur procuraient les expéditions hors des murs et les contin

gents auxiliaires qu'ils prirent à leur solde, réduits en nombre

d'ailleurs et toujours plus ou moins suspectés.

Les Juifs restés après leur arrivée et retenus par leurs affaires,
et peut-être aussi ceux qui, après avoir fui, revinrent vite reprendre

leur place, ne trouvèrent pas certainement la sécurité qui plus

tard, après l'occupation française, a attiré de nombreux immigrants,


du Maroc notamment, et a permis à cet élément du peuplement
algérien de prospérer librement. Ferdinand d'Aragon eut l'idée de

repeupler la ville « entièrement de chrétiens » 2. Dès les premières

années, des ordres religieux, celui des Dominicains notamment, s'y


établirent et avec eux l'Inquisition ; on comptait sur la propagande

religieuse pour faire des conversions. Le comte d'Alcaudete récla-

1. Les Arabes de la campagne ne pouvaient entrer dans la ville que par une

porte déterminée, les


bandés, yeux et après avoir été fouillés. (Baron Baude,
L'Algérie, tome II, Paris, 1841, p. 6.)
2. F. Braudel, o. c, p. 48. Il s'agit d'instructions données à Pedro Navarro,

et Pellissier de Reynaud (o.c, p. 22), qui parle d'un recensement fait en

1510. On trouva 1.600 habitants en état de porter les armes.


66 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

mant en 1539 l'envoi de prêtres et de moines instruits, connaissant

les langues hébraïque et arabe, déclarait que « dans une frontière


comme celle-ci, il y a toujours des Maures et des Juifs dont ils
peuvent gagner les âmes » 1. En 1669, par ordre de Madrid et sur

les suggestions du gouverneur de Los Vêlez, les Juifs


marquis

furent expulsés en masse2. Cette politique n'était favorable ni au


peuplement ni au commerce d'Oran.
Quant aux « Maures », si on leur permit exceptionnellement de
rentrer dans la place quand ils étaient bloqués et serrés de trop
près par les tribus ennemies 3, ils fournirent surtout des prisonniers

que l'on distribuait ou que l'on vendait. Les conversions qui auraient

certainement fixé les transfuges de l'Islam à Oran ne furent que

des accidents 4 ; il y eut en revanche dans chaque famille espagnole

des domestiques plus ou moins esclaves 5.

1. Idem, p. 79. Le terme de frontière, traduction de « frontera », désignait


les places fortes extérieures au royaume.

2. J. Cazenave, Les gouverneurs d'Oran, o. c, p. 37.


3. Marcel Bodin, L'agrément du lecteur, par Si Abdelkader el Mecherfi.
2e
(Revue Africaine, sem., 1924, p. 253.) L'auteur cite notamment la tribu des
Ounazera.
4. Dans son mémoire, Vallejo (o. c, p. 48) nous donne des renseignements

précis. Il a consulté, en effet, dans l'église paroissiale, les anciens registres du


On le baptême à de
xvn8

siècle. « administrait en moyenne une trentaine


Maures chaque année. Encore m'a-t-oi^affirmé que, de tous ces Infidèles, seuls

continuaient à vivre en bons catholique» ceux qui recevaient le sacrement avant

l'âge de sept ans. » Les enfants en bas âge capturés dans les razzias étaient
d'ailleurs baptisés d'office (Mémoire déjà cité, p. 48, note de M. Cazenave). En
1535, le comte d'Alcaudete annonçait comme une deuxième victoire : « Cin
quante (Arabes) de ceux qui ont été pris dans les razzias ont été baptisés. »

(F. Braudel, o.c, p. 79.)


5. Le Mémoire de Vallejo renferme sur ce point quelques détails intéres
sants. Parmi le butin provenant des razzias, le capitaine-général avait le droit
de choisir un Maure et une Mauresque. Le reste était distribué entre les offi

ciers, les soldats, les


fonctionnaires ou vendu. Vallejo se plaint que, « dès leur
naissance, les enfants étaient confiés aux soins des nourrices et d'esclaves indi
gènes ; ils en arrivaient ainsi, dans leurs goûts et dans leur façon de vivre, à

ressembler aux Infidèles, dont ils ne se différenciaient plus que par le nom »

(p. 47).
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 67

On peut conclure de tout cela que la population civile d'Oran,


XVIIIe
au début du siècle, était à peu près entièrement espagnole


et bien faible en nombre, comme nous venons de le voir.

Lorsque les Espagnols, après une courte éclipse, de 1708 à 1732,


reparurentdans la place, on comptait dans l'enceinte 400 maisons,
logement des Maures qui avaient repris possession de la cité i
;
il y eut donc à peine 2.000 habitants pendant cette période d'occu
pation musulmane.

Un rapport officiel de 1738 2 nous donne le dénombrement sui

vant : 330 maisons, dont 120 occupées par les officiers et les ser

vices de la 1.000 habitants civils, 1.635 « desterrados », 757


place.

« Maures », 5.555 hommes de la garnison, soit en tout 8.947


soumis

habitants. Le petit nombre des civils s'explique aisément : lorsque


les Espagnols entrèrent dans la ville, elle était déserte, ayant été
abandonnée par les Maures épouvantés et il fallut qu'elle se repeu

plât de gens venus d'Espagne 3, des marchands et des fonctionnaires.


Les « desterrados », prisonniers ou libres furent, à ce qu'il semble,
de plus en plus nombreux4. Ils fournissaient la main-d'œuvre pour

les travaux publics et en cas de nécessité collaboraient avec la


garnison pour la défense de la place et pour les reconaissances 5.
On finit par former avec des exilés et des condamnés des compa-

1. Mémoire, o. c, p. 13.
2. Cité Meunier, Notice sur le port d'Oran. (Min. des Trav. Publics.
par M.
lre
Ports maritimes de la France, tome VHI partie. Paris, 1890, p. 247.)

3. Histoire d'Oran, par le Marquis de Tabalosos, trad. Jean Cazenave. Oran,

1930, p. 18-19.
4. On ne peut fixer la date à laquelle on commença à peupler les bagnes
d'Oran. Il apparaît bien que ce fut dès l'origine de l'occupation espagnole ; la
mémoire de Vallejo y fait une allusion rétrospective. Il faut distinguer entre
les condamnés et les exilés, parmi lesquels se sont trouvés des personnages
de rang.

5. Don Harnaldo Hontabat, Relacion gênerai de la consistencia de la Plazas


de Oran y Mazarquivir (31 déc, 1772), publiée par M. le Commandant Pellecat,
d' 4e 4"
Oran, 1924 (Bull, de la Société de Géog. et Archéol. d'Oran, 2e, et trim.

1924), p. 35-36. On avait, au


xvrrr*

siècle, réuni dans un quartier spécial six

compagnies de fusiliers « pour faire les reconnaissances et pour se garder ».


68 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

gnies de fusiliers qui eurent leur casernement spécial. En 1770 \


il y avait 2.821 déportés répartis entre huit quartiers 2. Les déser
tions étaient fréquentes ; s'il a pu y avoir des renégats parmi ces

« desterrados », beaucoup de ces fugitifs ont été massacrés ou

envoyés comme esclaves dans les bagnes d'Alger3. Quant aux

« Maures soumis » ou Moros de Paz », il faut entendre par là ces


«

corps auxiliaires appelés « Al mogatazes » 4 qui formèrent d'abord

une compagnie à la solde du roi et sans doute ensuite des escadrons

(escadrillas de campo) campés plus que logés dans quatre « adua-

res » (douars) au quartier de la Marine, par conséquent en dehors


des murs de l'enceinte 5. Ils n'inspirèrent jamais qu'une médiocre

confiance 6. Sans doute cette dénomination de « Maures soumis »

recensés en 1738 désigna-t-elle aussi des réfugiés des tribus qui

avaient donné quelques gages de fidélité.

Quant à la garnison, le chiffre en avait singulièrement augmenté

depuis la première occupation espagnole : signe bien manifeste de


XVIIIe
l'insécurité qui régnait à Oran au siècle. Il avait toujours
varié selon les circonstances et les nécessités. Quand les Espagnols
ne purent plus compter sur les tribus liées par des traités, ils furent
obligés de renforcer les effectifs, ne fût-ce que pour occuper les

ouvrages défensifs qu'ils multiplièrent. Ainsi s'explique que la


troupe toujours, depuis 1732, dépassé
ait en nombre la population

civile de la ville. *

1. H. Fey, o. c, p. 217-220.
2. Idem, p. 36. Outre
ce casernement, on comptait, à cette
date, six quartiers
dans la place, dont un pour les « exilés à la chaîne et les plus mutins », et un
pour les « exilés inhabiles aux travaux et employés au nettoyage »
; un sep
tième se trouvait au « château de Rosalcazar ».

3. G.-T. Raynal, Histoire politique des Etablissements et


philosophique et

du Commerce des Européens dans l'Afrique septentrionale, Paris, 1826, tome II,
p. 133. En 1785, la Cour de Versailles rachète pour 644.200 livres 315 esclaves

d'Alger « déserteurs échappés successivement d'Oran et tous ou presque tous


anciennement flétris par les lois dans leur patrie ». Raynal signale que cette
libéralité souleva l'indignation des gens de bien ».
«

4. Voir, sur l'origine de ce nom, M. Bodin, o. c, p. 225.


5. H. Fey, o. c, et Hontabat, o. c, p. 55.
6. F. Braudel, o. c, pè 80 et note 1.
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 69

Celle-ci avait augmenté de 1738 à 1770, date d'un recensement

officiel i ; on dénombrait alors 532 maisons 42 édifices publics,


et

2.377 bourgeois « sans compter les Maures réfugiés », 2.821 déportés


et 4.383 officiers et soldats, non compris la Marine. On peut estimer

l'ensemble à une dizaine de mille habitants.


En 1785 2, la population était d'environ 12.000 âmes. Les chiffres

officiels accusaient 7.793 habitants, dont 6.570 hommes et 1.223


femmes, y compris 2.214 déportés et 199 Maures soumis. La gar

nison ne paraît pas avoir été comptée dans ce total. Un voyageur

bien informé qui a séjourné à Oran 1788, J. Ad. Frhn


en von

Rehbinder, consul allemand de Hambourg, lui attribuait une

population de 12.000 habitants 3.


On est, semble-t-il, fort suffisamment renseigné par tous ces

chiffres sur ce que put être Oran privé de l'élément indigène, anda-
lou et juif qui aurait certainement vivifié cette pauvre cité déchue

et en aurait fait autre chose qu'une garnison et un « presidio ».

Comme il fallait s'y attendre, l'histoire urbaine d'Oran est avant

tout une histoire de fortification. Ce fut évidemment la première

préoccupation de ses maîtres ; aussi les détails abondent-ils sur cet

objet et l'on a pu en former un faisceau serré 4. Nous ne pouvons

1. H.
Fey, o. c, p. 217-220.
2. I.
Cazenave, Les gouverneurs d'Oran, o. c, p. 42.
3. J.-Ad. Fhrn von Rehbinder, Nachrichten und Bemerkungen ùber den
Algierschen Staat. Erster Theil. Altona, 1798, p. 34.
4. On les trouvera rassemblés et longuement exposés dans le livre de H.
Fey. Le de Hontabat, colonel commandant les Ingénieurs (le Génie)
rapport

est le document de première main que l'on doit consulter pour une étude sur
ce sujet. Voir aussi le mémoire de Don Sancho Martinez de Leiva « sur les
avantages que retirerait Sa Majesté, pour la conservation de Mers-el-Kebir
et de son port, de fortifier Oran et sur divers moyens proposés à cet effet »,

publié par M. Marcel Bodin (Bulletin de la Société de Géographie et d'Archéo


logie de la Province d'Oran, année 1934, p. 369-374). Dans ce mémoire adressé
aux membres du Conseil d'Etat et de la Guerre de Madrid, en 1576, qui son

geait à démanteler Oran, l'auteur déclare que « si l'on occupe Oran, on ne

peut perdre Mers-el-Kebir, alors qu'on ne peut garder ce dernier si l'on


démantèle Oran ».
70 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

la négliger complètement ici : car on ne doit pas oublier que les


Espagnols nous ont, à cet égard, préparé le logement et que leurs
forts comme leurs bâtiments —
ceux du moins qui subsistaient en

1831 —
ont constitué le principal du domaine militaire, dont l'exis
tence a pesé et pèse encore sur les destinées de la ville.

Dès son origine, la ville de Ouahrân avait été murée, selon la


coutume. Tous les historiens et les géographes qui en parlent au

Moyen-Age n'oublient jamais de la signaler comme étant une place

forte. Edrisi ajoute même qu'elle est « entourée d'un mur de terre
construit avec art », muni de tours espacées 1. L'enceinte était donc
en pisé, tout comme celle d'Alger à la même époque. Il dut y avoir de
bonne heure, sinon dès les premières années, une Casbah, au point

le plus élevé. La topographie du site en détermina naturellement

l'emplacement, sur la rive gauche du ravin et au-dessus, dominant


à la fois les sources et la ville. C'est là que le Gouverneur logeait
et qu'il reçut en 1347 le Sultan mérinide Aboul Hassan. C'est à
ce prince que l'on attribue la construction du Bordj el Ahmar à
Oran2 du Bordj Mersa à
et el Mers-el-Kebir, qui furent depuis
les ouvrages maîtres de la défense des deux places. Le premier

était destiné à couvrir la ville du côté de la plage et vers l'Est, en

avant du ravin, et à surveiller particulièrement les abords du pla


teau de Karguentah. C'est le Fort Neuf actuel, qui resta après
1831 le réduit de la place ; il fut l%bité pendant quelque temps par

les premiers gouverneurs espagnols. A l'origine il ne fut qu'un

massif de trois hautes tours reliées par des courtines, que l'on

1. Edrisi, o.c, p. 96.


2. R. Basset, o.c, p. 18. —
H. Fey, o.c, p. 62. Il porta aussi sous la domi
nation musulmane les
de Bordj-el-Mahal (fort des Cigognes)
noms et de Bordj-

el-Djedid (fort Neuf). Des traditions incontrôlables et suspectes en faisaient


soit une ancienne forteresse vénitienne, soit un château de l'Ordre de Malte.
Le nom de « tour des Maltais » lui resta sous les Espagnols : ne serait-ce pas
pour fait d'armes des Chevaliers qui ont pu figurer dans le
rappeler quelque

corps de 1509? M. G. Marcais, particulièrement compétent en


expéditionnaire

la matière, incline à croire ces tours postérieures à cette date et nullement


attribuables à des constructeurs arabes.
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 71

voit encore fort bien du côté Ouest enclavé dans les constructions

du Fort Neuf. Il n'est pas question d'autres fortifications dans les


récits de la prise d'Oran en 1509.

Les Espagnols travaillèrent sans cesse à restaurer, à refaire


même les murs de l'enceinte, à agrandir la vieille forteresse de

l'Alcazaba (Casbah) et à doter la place d'ouvrages nouveaux plus

solidement construits avec la pierre des carrières de Saint-André.


l
Entre 1518 et 1534, le deuxième marquis de Comarès fit élever
le « Castillo de la Mona (château de la guenon) 2, le fort Lamoune
»

des Français, pour battre la petite anse qui avait toujours servi de
débarcadère, et le « Castillo de los Santos », au point culminant

des mamelons qui dominaient à l'Est le ravin de l'oued Er-Rehi


(oued des moulins) ; on l'appela dans la suite « fort Saint Philippe ».
Le comte d'Alcaudete paraît avoir présidé à des travaux importants :

construction d'un petit fortin en solide maçonnerie sur la pointe

Ouest du rocher où s'élevait le Fort Neuf que les Espagnols dé


nommaient « Rozalcazar » 3 ; plus à l'Est et pour battre la plage

de Karguentah, le fort Sainte Thérèse ; enfin un peu au Sud et non


loin du fort des Saints, le fort San Fernando (Bord bou Beniqa ou
Bordj Ras-el-Aïn des Indigènes), qui gardait l'accès des sources

du ravin. C'est peut-être à cette époque que furent jetées au Nord-

Ouest de la place les fondations du Fanal ou « Hacho » (Vigie) ,

une lunette placée au bord d'un ressaut de la montagne d'où l'on


pouvait surveiller la petite et la grande baie ; elle a été l'origine
du fort Saint Grégoire élevé à sa place en 1588 par Don Pedro de

Cazenave, Les gouverneurs d'Oran, o. c, p. 34.


1. J.
Fey, o. c, p. 76-77. Les Indigènes l'appelaient « Bordj
2. H. -el-Youdhi » en

souvenir de la trahison d'un Juif qui aurait, en 1509, livré une porte de la ville

voisine de son emplacement aux Espagnols.


3. Traduction espagnole de Râs el Qas'r qui signifie «tête du château».

Quant au fortin, H. Fey (p. 105) signale qu'on en voyait encore les vestiges

en 1856 à l'extrémité de la promenade de Létang. Quant au fort Ste-Thérèse,


il existait intact à la même date et les derniers restes n'ont disparu tout récem
ment qu'avec le roc qui les portait. Le fort San Fernando était complètement

ruiné.
72 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

Padilla K Ces fortifications eurent à souffrir lors de l'attaque de


Hassan Pacha en 1563. Le fort des Saints notamment fut détruit2,
on construisit avec de grandes difficultés, grâce à la main-d'œuvre

fournie par la tribu alliée des Hamian3 le fort de Santa Cruz qui

dominait celui de Saint Grégoire, mais était par ailleurs com

mandé la Meseta, le plateau du Murdjadjo. Enfin, à la fin du


par

XVIe
siècle, la ville fut munie du côté du Nord, de la Marine, par
conséquent, d'une épaisse muraille destinée à la fois à servir de
courtine et à soutenir les terres du plateau tranché à pic4. Elle
forma dès lors une ligne de séparation très nette entre la ville et

le faubourg, extérieur alors, de la Marine et du port.

Nous n'avons aucune mention de travaux importants exécutés


XVIIe
au siècle. Sans doute l'argent manquait-il et le gouvernement

Mers-
de Madrid était-il trop occupé ailleurs. Les. fortifications de
el-Kebir, mal entretenues, tombaient en ruines 5. A Oran on travailla
pendant tout le cours du siècle à agrandir le Château Neuf ; on
construisit le fort Saint André entre le Rozalcazar et le fort de
Saint Philippe qui fut refait et fort mal6.

Pendant le gouvernement des beys, de 1708 à 1732, les fortifi


cations furent complètement laissées à l'abandon, on alla jusqu'à
arracher les pierres de taille qui couronnaient les murs et à enlever

même la terre des glacis pour construire les bâtiments du Beylik j


on laissa s'entasser au pied des es^rpes d'infâmes gourbis dont les

1. H.
Fey, o. c, p. 61, et J. Cazenave, Mémoire de Vallejo, p. 41, note I.
2. H.
Fey, o. c, p. 103-107. Il est question, à cette occasion, d'un petit fortin,
dit de San-Miguel, élevé sur le point culminant de la Montagne de Mers-el-
Kebir.
3. M.Bodin, o. c, p. 211.
4. H.Fey signale qu'on la voyait encore très bien en 1856, au-dessus de
l'église Saint-Louis, du côté de la mer.
5. J. Cazenave, Les gouverneurs d'Oran, o. c, p. 37. Il en était ainsi dès
1675, lors de l'attaque dirigée contre cette place par les Turcs et les Maures.
Le mémoire de Vallejo montre qu'il en était encore ainsi en 1734 (p. 11).
6. Mémoire de Vallejo, o. c, p. 17. Dans le de
« mortier ses murailles, il y a
plus de terre que de chaux : ainsi, un seul coup de canon causerait d'assez
y
grands préjudices. »
PLANCHE Ul

La rue Philippe a Oran (1832), même origine.


ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 73

immondices laissèrent des traces longtemps visibles. La muraille,


il faut le dire, était d'ailleurs « très étroite et fort irrégulière, sans

boulevards », elle ne possédait que « quelques tours réparties ça

et là », elle était « dépourvue presque partout de parapets » 1. Seule


la Casbah reçut quelques agrandissements et une belle construc

tion qui devint dans la suite la demeure des gouverneurs espagnols.

Peu après la reprise d'Oran par le comte de Montémar (1732),


le marquis de Villadarias inaugura une série de travaux qui étaient
à peine terminés en 1790. Don José Vallejo (1733-1738) leur donna
une impulsion particulière avec l'aide de trois ingénieurs mili

taires distingués. La défense de la place était alors assurée par

cinq châteaux fort, Santa Cruz, Saint Grégoire, Saint Philippe, Saint
André et Rozalcazar. Le nouveau gouverneur déclarait que « la perte

d'un de ces châteaux la laisserait sans défense ». Celui de Saint Gré


goire était en bon état. Il fallut refaire à peu près entièrement celui de
Santa Cruz endommagé en 1732 par les batteries et les mines des
Maures. C'est alors que fut conçu le projet, exécuté en 1771 par
le célèbre ingénieur Hontabat, de séparer l'ouvrage de la montagne
par un ravin taillé dans le roc. Le fort Saint Philippe fut com

plètement reconstruit, en raison des malfaçons dont avait souffert

l'ouvrage, lors de sa première réfection. Celui de San Fernando et

le petit ouvrage de Saint Charles situé légèrement à l'Est furent


réparés : c'était un des points les plus sensibles de la défense, à
cause du voisinage des sources. Le fort Saint André bien construit

fut pourvu de glacis ; malheureusement une terrible explosion

devait le détruire 1769. Rozalcazar, singulièrement agrandi de


en

1663 à 1701 par rapport au Bordj el Ahmar qu'il englobait, était


le meilleur boulevard de la place, avec ses murailles solides et

épaisses, et ses douves profondes. Il y avait en outre des réduits

aménagés dans les courtines de l'enceinte, des vigies, des lunettes


en avant des murs de l'Est sur le plateau de Karguentah, comme

1 Voir le même mémoire sur l'état de tous ces ouvrages en 1934. On trou
vera aussi des renseignements sur les travaux exécutés de 1732 à 1832 dans
l'Histoire d'Oran, du Marquis de Tabalosos, o. c.
74, ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

le fortin Saint Louis, la « Torre Gorda » à proximité et au Nord


du fort Saint André, tout un réseau de mines et de galeries

souterraines creusées pour relier les éléments de la fortification1.


Cette œuvre fut poursuivie activement par le successeur de Vallejo,
Don José de Aramburu.
Travail assurément très remarquable, étant donné surtout les
moyens réduits dont disposaient ces gouverneurs qui se plaignaient

sans cesse de manquer d'argent, de matériaux et d'ouvriers2, mais

on peut se demander s'il valait les résultats qu'on pouvait en atten

dre. « L'Espagne, écrivait Vallejo dans son rapport de 1874, a tro


qué des monceaux d'or contre des montagnes de pierre ». Il ajoutait

plus loin que la place forte d'Oran avait cessé d'être considérée par

les Maures et les Turcs comme imprenable —

ce qui était grave

pour l'avenir.
« La ville d'Oran n'a que deux portes », écrivait le Docteur
Shaw 3 qui la visita en 1730 ; « elles sont toutes deux du côté de
la campagne. Celle qui est appelée la « porte de la mer », parce

qu'elle est la plus voisine du port, est surmontée d'une grande

tour carrée que l'on pourrait armer en cas de besoin. Près de l'autre
appelée la « porte de Tlemsen » on a élevé une batterie ». La porte

de mer ou porte de Canastel, « si basse qu'elle ressemblait aux

portes d'une cave plutôt qu'aux portes d'une ville », fut recons

truite à neuf sur deux arceaux ent» 1734 et 1738 4


; on en amé-

1. Il existe un plan qui paraîtdater des environs de 1770, « Piano de la


Plaza de Oran, que manifesta las Minas de Communicacion y Defensa de sus
castillos y fuertes avanzes» (Musée d'Oran). Nous le reproduisons en partie.
2. Mémoire de Vallejo, passim. En 1840, le baron Baude (o. c, p. 9) écrivait
que les fortifications des Espagnols « ne coûteraient pas moins, aujourd'hui,
de 38 millions », d'après les évaluations de nos officiers du Génie.
Dr
3. Shaw, Voyage dans la Régence d'Alger, trad. Mac Carthy, Paris, 1830,
p. 224-229.
4. M. Meunier, o. u., p. 245, où se trouve analysé un rapport inédit sur les
travaux exécutés de 1734 à 1738. L'auteur note que l'une de ces voûtes existe
encore (en 1886) sur la place Kléber et donne accès à la rue Rampe-de-Madrid.
Le chemin de Canastel fut bordé de peupliers et de platanes dont il restait
encore quelques sujets en 1858. Voir H. Fey, o. c, p. 166.
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 75

nagea les débouchés, notamment le chemin de Rozalcazar, on rem

plaça le vieux pont qui franchissait le ravin par une « construction

jolie et très solide ». On ouvrit en 1754 une nouvelle porte, celle

du Santon (del Santo) au Nord-Ouest de l'enceinte ; c'est de là


que partait le chemin de Mers-el-Kebir. Aussi fut-elle connue sous

le nom de Bab-el-Mersa (la porte du port).

Il nous est impossible de dire ce qu'avait été exactement la


ville, pendant la domination musulmane. L'enceinte, que les Espa
gnols conservèrent en l'améliorant et en la fermant du côté de la
mer, avait un peu plus de 2.000 mètres 1. Mais les constructions

n'occupaient probablement d'une manière dense que la rive gauche

du ravin, la rive droite étant bordée de jardins et de moulins. A


l'époque la plus prospère, celle du XVe siècle, la population déborda
sur le plateau de Kargentah et du côté de Ras-el-Aïn au Sud, où

il exista de véritables faubourgs 2. Edrisi et plus tard Léon l'Afri


cain ne nous donnent aucun renseignement précis sur les construc

tions publiques ou privées et nous parlent seulement de grands

bazars, d'ateliers d'artisans, de boutiques, de collèges —


entendons

par là les médersas où enseignèrent quelques savants renommés dans


l'Islam —

d'hôpitaux, de bains, d'hôtelleries. Nous ne savons même

pas où se trouvaient les fondouks des chrétiens. Les Juifs, selon la


coutume, furent sans doute refoulés contre le rempart de l'Est où
on les rétablit en 1791. Il est significatif que les voyageurs arabes

ne nous aient mentionné aucun monument public, aucun palais,


aucune grande mosquée 3. Ce sont les documents espagnols qui

nous apprennent qu'après l'occupation on consacra les deux prin-

1. H. Fey, o. c, p. 168. En 1790, elle mesurait 2.157 mètres.

2. E. de la Primaudaie, o. c. La mosquée et le marabout de Karguentah


furent, lors de la prise d'Oran en 1509, le refuge de défenseurs qui résistèrent

héroïquement pendant cinq jours. Quant au faubourg de Ras-el-Aïn, il fut de


tous temps le refuge des tribus qui venaient s'abriter sous la protection de
la place.

3. Le magnifique palais maure de la Casbah dont parle Vallejo (p. 13) paraît

bien avoir été construit par les Turcs lorsqu'ils agrandirent la citadelle après

1708.
76 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

cipales mosquées à Notre-Dame de la Victoire et à Saint-Jacques 1.


Il est difficile de croire que cette ville ait été autre chose qu'un

entassement de médiocres constructions serrées entre des rues non

pavées, étroites et fortement déclives. On peut le déduire des amé

nagements que les Espagnols furent obligés d'y pratiquer.

En 1734, lors de leur retour, Vallejo décrivait ainsi la ville

qu'ils avaient retrouvée : « Dans l'enceinte de la ville on compte

environ 400 maisons qui sont si petites et si misérables qu'il vau

drait mieux parler de chaumières que d'édifices ; car presque toutes


ont été construites récemment par les Maures et avec des matériaux
si mauvais qu'on ne tire jamais le canon sans nécessité pour éviter
les dommages que cause un peu partout son seul fracas » 2. Il est

vrai qu'il s'agit, d'après l'auteur même, d'une reconstruction plus

ou moins hâtive de la ville par les Musulmans, entre 1708 et 1732,


sur les ruines de la première ville espagnole ; mais en était-il bien
autrement avant 1509 ? On ne saurait l'affirmer.
Sur la ville espagnole nous sommes mieux renseignés. Il semble

XVIe XVIIe
bien que les préoccupations militaires ont dû, au et au

siècles, absorber l'attention des gouverneurs, et que les principaux


aménagements, notamment les 42 édifices publics mentionnés en
1770 datent pour la plupart du XVIIIe, de la deuxième occupation.

Auparavant les casemates, les casernes, les magasins militaires, les


églises et les couvents constituaientfcans doute à peu près tout le
bilan de l'urbanisme oranais.

Il n'en fut pas de même après la réinstallation des Espagnols


en 1732. Dès le début, des améliorations importantes furent appor
tées à la voirie 3. Toutes les rues sans exception furent pavées ainsi
que la place principale, la place d'Armes (place de l'Hôpital
actuelle), où se trouvait le centre de la ville et où avait lieu la

1. H. Fey, o. c, p. 108. L'église de N.-Senora de la Victoria était la chapelle

du couventdes Bernardins ; c'est sur son emplacement que fut construite, par

les Français, l'église Saint-Louis.


2. Mémoire, o. c, p. 13.
3. Ce détail et ceux qui suivent sont empruntés au rapport inédit de 1738
sur les travaux effectués de 1734 à 1738, résumé par M. Meunier, o. c, p. 245.
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 77

parade de la Garde. Pour relier la Marine à la porte de Canastel,


on élargit le sentier étroit où deux voitures ne pouvaient se croiser,
on tailla dans le roc, on fit des murs de soutènement. Des construc

tions privées nouvelles s'élevèrent, les commerçants se rapprochant

de la Marine. Pour l'alimentation en eau de la ville, l'aqueduc de


Ras-el-Aïn fut complètement refait, jusque dans ses fondations. A

la grande fontaine publique où s'approvisionnait la population

en contrebas du pont de Canastel 1 on mais plus


civile, adjoignit,
tard, en 1789, celle que l'on voit encore aujourd'hui sur la place

d'Orléans. Les gouverneurs se préoccupèrent aussi dès 1732 de la


question des égouts. Les eaux de pluie du versant qui domine Oran
constituaient une menace : on avait assuré leur écoulement dès la
première occupation par le « conduit royal », dont l'origine était
un peu au Sud et en deçà de la porte du Santon, et qui, après avoir
traversé la ville en diagonale, se dégorgeait dans le ravin du côté
des jardins, au milieu du boulevard Oudinot actuel qui a recouvert
l'oued ; on lui donna un nouveau débouché dans le ravin de Ras-
el-Aïn, près de la porte de Tlemcen2.

Mais s'il y eut de réelles préoccupations d'urbanisme chez les


gouverneurs d'Oran, la ville, telle que nous la dépeint Hontabat
en 1772 n'avait certes pas un bel aspect ni même une bonne tenue.
« Les rues, écrit-il, sont à pente raide et très étroites, suivant toutes
les aspérités du sol. Quelques maisons datent des premiers conqué
rants dont elles gardent l'empreinte dans leur mode de construction,
mais la plupart ou presque toutes sont en ruines par suite de la

qualité des matériaux ». Parlant des constructions plus récentes, il


ajoute : « Elles sont d'un ordre inférieur et les murailles sont de
minces parois de pierres et de boue avec un léger revêtement de
L'in-
maçonnerie, quelques briques, des plates-formes ou terrasses.

1. H. Fey, o. c, p. 167.

2. Le premier dont l'entrée est encore visible est utilisé de nos jours. Le
départ du deuxième a été bouché. La clef de voûte de ce bel ouvrage est à
2 m. 80 du soL
78 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

térieur est pour y vivre d'une existence solitaire et échapper aux

ardeurs du climat » K
Le problème le plus grave, le plus difficile à résoudre, fut assu

rément celui de l'alimentation et du ravitaillement en vivres. Il


apparaît d'ailleurs que sur ce point aussi il faille distinguer entre

les deux périodes de l'occupation espagnole, mais dans le sens

opposé à celui que nous avons donné plus haut, la deuxième ayant

été celle des plus grands embarras.

Sans doute les jardins du ravin, soit dans la ville, soit en dehors
en remontant vers les sources de l'oued, pouvaient fournir des

légumes et des fruits en assez grande abondance. « C'est un para

dis », écrivait le Cardinal Ximenès en 1509. Nous avons vu que


tous les voyageurs musulmans y ont fait allusion. En 1730, Shaw2
en célébrait le charme et vantait les plantations d'orangers.
Même note dans le rapport de Vallejo 3. « A partir de la source

jusqu'à la mer, des jardins potagers et des vergers d'arbres frui


tiers couvrent les deux versants ; et telle est la fertilité de ces

terrains ainsi arrosés qu'en quelques jours avec une incroyable


rapidité les légumes y poussent excellents et en si grande abon

dance qu'ils suffisent à approvisionner la nombreuse garnison

d'Oran ». La tribu des Krichtel (Canastel) avait, du moins au


XVIe XVIIe
siècles, la de
et au cultures4
spécialité ces et elle ravi

taillait le marché de la « place auxtflerbes » 5. Mais pour les autres

denrées, encore que les habitants fissent quelques récoltes « sur

les terrains contigus à la place et aux châteaux » 6, on ne pouvait

compter que sur les « Maures de paix », c'est-à-dire sur les tribus
du voisinage immédiat d'Oran qui venaient camper dans la plaine,

1. Hontabat, o. c, p. 13-14.
Dr
2, Shaw, o. c, p. 224-229.
3. Mémoire, o. c, p. 25.
4. M. Bodin, o. c, p. 226.
5. Cette place existait encore en 1858, sur le trajet de la rue Pontéba (H.
Fey, o.c, p. 184).
6. Hontabat, o. c, p. 10. L'auteur du rapport regrette que les règlements sur
les servitudes de la place aient tari inutilement cette source de profits.
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 79

cultiver et faîre paître leurs troupeaux sous la protection des Espa


gnols. Des traités en bonne et due forme l stipulaient des ver

sements en nature, sous la forme de blé et d'orge, à titre d'impôt


et des livraisons à titre remboursable à un prix déterminé. Il est

vrai que la plupart du temps « les contributions des Indigènes ne

représentaient même pas la moitié de la consommation » 2. Cet ap


provisionnement était d'ailleurs subordonné aux relations que le
Gouvernement pouvait avoir avec les tribus, ce qui explique cer

taines contradictions que l'on trouve dans les documents officiels.

Vallejo déclare par exemple 3 qu'autrefois —

avant 1708 —
« les
Maures approvisionnaient la place de viande, de volailles, de bois
et de toute sorte de comestibles qu'ils cédaient à un prix très mo

déré ; les autres vassaux apportaient aussi du blé. Cela suffisait

largement aux besoins de la troupe et des habitants. » Cette affir

mation est contredite par de nombreuses plaintes des Gouverneurs


eux-mêmes 4 et de la population. « Les Maures n'apportent plus de
vivres à Oran et nous mourons de faim », écrit, dans les premières
années de l'occupation, la dame de Fonseca 5. Le Comte d'Alcau
dete déclare 6 qu'il « a plus à défendre les deux villes contre la
faim que contre l'ennemi. » La vérité est que la situation a dû em

pirer par l'effet de la politique maladroite des Gouverneurs qui ont

trop souvent cherché des faits d'armes en organisant des sorties,


des « jornadas » plus d'une fois inutiles et se sont aliéné les tribus

par ces razzias productrices de butin, mais funestes aux relations

de la ville avec les Maures 7. Lorsque la guerre sévissait dans le


pays —
et le cas n'était pas rare —
il fallait ravitailler la garnison

et même la population civile avec des vivres importés d'Espagne.

1. Vallejo (p. 41) donne un modèle de ces traités.


2. Idem, p. 43.
3. Idem, p. 29.
4. Idem, note I du traducteur.
5. J. Cazenave, Les gouverneurs d'Oran, o. c, p. 17.
6. P. Ruff, o. c, p. 9, note I.
7. Vallejo dresse, dans son mémoire, un véritable réquisitoire contre cette

politique et ces pratiques de ses prédécesseurs. Voir notamment p. 30.


80 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

La situation s'aggrava aussi du fait que les Turcs occupèrent

Oran et que le prestige de l'Espagne en fut grandement atteint ; les


tribus jadis fidèles avaient perdu leurs chefs, elles doutaient de
l'efficacité de la protection que pourraient leur accorder les Espa
gnols et ceux-ci ne rencontrèrent après 1732 que « haine ou indiffé
rence » 1. Les choses en arrivèrent à un tel point que sous Char
les II, en 1767, on fut obligé de créer un Conseil d'approvision
nement2
(Junta de Abastos) principalement pour le pain, l'huile,
la viande et le charbon. Les plaintes étaient continuelles ; on manqua

toujours de lard, de légumes secs, de savon et de charbon que l'on


dut importer d'outre-mer. Trop souvent même les quatre « Mou
lins du Roi » 3 durent moudre du grain importé d'Espagne. La gar
nison était obligée de faire paître dans les alentours de la place un

troupeau sous la surveillance des Mogatases qui, au préalable, de


vaient effectuer des reconnaissances 4. On dut, en raison de la di
sette de fourrages, supprimer le régiment de dragons créé spécia

lement pour Oran. On en arriva finalement à faire venir tous les

approvisionnements, même la viande, d'Espagne, par Almeria ou

Carthagène ; chaque semaine cet office était rempli par deux « che-

beks » servant en même temps de courriers 5.


On imagine sans peine que la vie ne devait pas être très agréa

ble, dans de pareilles conditions, pour ceux qui n'exerçaient pas de


hautes fonctions, celles-là toujours liÀ-atives. Quelques grands sei

gneurs, en situation ou en exil, comme le Marquis de la Sonora


en 1782, possédaient de riches demeures dans les bâtiments publics

1. Dans le même auteur, voir p. 32-33.


2. Le de Tabalosos (o. c, p. 58-59) nous renseigne, à ce propos, sur
marquis

les dissentiments qui éclataient entre les fonctionnaires civils et militaires, pour
le plus grand détriment de l'administration de la ville.

3. H. Fey (o. c, p. 165) en donne l'énumération : petit moulin près de la


mer, dans le ravin, le grand moulin, le moulin appelé plus proprement « du
ravin », le moulin de Canastel ; tous les quatre étaient sur le parcours de l'oued

qui leur dut son nom de Oued er Rehi.


4. Baron Baude, o. c, p. 6.
5. E. de la Primaudaie. o. c, et H. Fey, o. c, p. 219-220.
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 81

(ceux de la Casbah par exemple ou du Château Neuf) et dans des


maisons bien construites * où ils menaient joyeuse vie. Sous le Gou
vernement de Don Eugenio de Alvarado (1770-1774) 2, Oran reçut

le surnom de
Corte Chica », la « petite Cour ». Son prédécesseur,
«

le Comte de Bolognino, Italien raffiné, avait converti une caserne


en théâtre et fait venir une troupe de comédiens d'Espagne ; le poète

Vicente de la Huerta, exilé, y fit représenter une de ses plus belles


tragédies 3. Le Marquis de la Sonora fit construire à ses frais le
« Colisée » 4. Alvarado trouva même dans les « desterrados » des
amateurs qui composèrent de véritables troupes. Il organisa éga
lement des courses de taureaux dont la quadrilla était formée de
jeunes officiers de la garnison5. Grâce à ces initiatives, les fêtes pu

bliques et privées pouvaient rendre le séjour plus supportable. Tel


autre Gouverneur 6, dans un sentiment d'humanité louable, fit amé

nager la source thermale du « Bain de la Reine », entre Oran et

Mers-el-Kebir, et fonda un hôpital civil. De toutes manières, la vie

de la plupart des habitants civils était plus que médiocre 7 ; elle

était presque complètement calfeutrée entre les limites de l'en


ceinte.

L'insécurité était, en effet, trop grande au dehors et l'on ne pou

vait s'en éloigner sans danger, de même qu'il était difficile à un

étranger de se faire conduire par terre à Oran. En 1785, le savant

botaniste Desfontaines ne put trouver un guide qui consentît à l'y


accompagner 8. Le Consul allemand Von Rehbinder, toujours bien

informé, nous rapporte que quelques années avant son passage dans

1. H. Fey (o. c.) mentionne quelques-unes des rues où il en est resté des
traces jusque dans ces derniers temps, par exemple celle du Vieux-Château.
2. J. Cazenave, Les gouverneurs d'Oran, o. c, p. 41-42.
3. Marquis de Tabalosos, o. c, p. 59, et note du traducteur.
4. H. Fey, o. c, p. 184.
5. Marquis de Tabalosos, o. c, p. 76.
6. Idem, p. 41-42. Le marquis de la Real Corona (1749-1758).
7. Vallejo va jusqu'à accuser les gouverneurs d'avoir « laissé vivre les
Espagnols arabisés à la façon des Arabes eux-mêmes (o. c, p. 47-48).
»

8. M. Lapène, Tableau historique de la province d'Oran. Metz, 1842, p. 5.


82 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

cette ville (en 1788), la femme du Gouverneur avait été enlevée

avec fille, le fiancé de celle-ci


sa et des serviteurs, au cours d'une
promenade aux environs 1.

La salubrité de la place fut parfois bien compromise ; ici comme

à Alger, la peste a fait de fréquentes apparitions et exercé des ra


vages2. En 1542, les Espagnols avaient dû évacuer la ville et aller
camper sous les murs. Généralement, le fléau venait par l'Est. Ce

pendant, en 1738, il vint par terre de l'Ouest ; le Bey d'Oran, réfugié


à Tlemcen, en mourut. Cette peste ne dura pas moins de trois ans.
En 1752, elle paraît avoir sévi gravement ; on nous parle « d'innom
brables personnes mortellement atteintes 3 ». De 1784 jusqu'à la
fin du siècle, elle fut véritablement à l'état endémique dans la Ré
gence, cheminant tantôt vers l'Ouest, tantôt vers l'Est.
Le blocus perpétuel, plus ou moins étroit, et la précarité des
relations avec l'intérieur ne pouvaient que contrarier et réduire à des
proportions minimes le commerce d'Oran et de ses ports. Par ail

leurs, on ne soupçonne pas chez les Espagnols, pendant toute la


durée de leur occupation, un dessein arrêté et une volonté suivie

de le développer, voire même de le faciliter. La raison doit en être


cherchée dans les circonstances et les calculs qui leur ont interdit
l'occupation étendue sans laquelle ils ne pouvaient rendre à leurs
établissements maritimes le rôle de débouchés de l'arrière-pays et

d'entrepôts des
venu^ d'outre-mer.
marchandises

Il est tout d'abord étonnant qu'ils n'aient rien fait dans ce sens

à Mers-el-Kebir. « De toutes les pierres que les Espagnols y en

tassèrent, a écrit Pellissier de Raynaud4, pas une seule ne fut em-

1. J.-Ad. Frhnvon Rehbinder, o. c, p. 34-37. Elle aurait été conduite auprès

du bey de Mascara qui expédia les prisonniers à Alger où ils seraient demeurés
captifs assez longtemps, le Dey ayant demandé une rançon énorme. Ils n'au

raient été remis en liberté que sur l'intervention du Sultan du Maroc


2. Adr. Berbrugger, Mémoire sur la peste en Algérie depuis 1552 jusqu'à
1819. (Exploration scientifique de l'Algérie, tome II, Paris, 1847, p. 205-247.)
3. Marquis de Tabalosos, o. c, p. 46.
4. Pellissier de Raynaud, Exploration scientifique de l'Algérie, tome VI, Paris,
1844. —
Expéditions et établissements des Espagnols en Barbarie, p. 118. L'au
teur paraît d'ailleurs se placer au seul point de vue militaire.
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 83

ployée à l'amélioration du port de Mers-el-Kebir, seul point qui pût

être pour eux de quelque intérêt. » A Oran, ils n'ont travaillé que

fort tard, et sans doute beaucoup plus afin de ravitailler plus ai

sément la place que pour des vues plus étendues. Ce n'est, en effet,
qu'en 1736, qu'ils s'avisèrent d'entreprendre la construction d'une
jetée enracinée à la pointe méridionale de la petite presqu'île de
La Mona, un peu au Sud du fort !. Il s'agissait simplement de créer

un abri moins précaire pour les embarcations qui effectuaient les


transports entre Mers-el-Kebir et Oran. Malheureusement, le 5 fé
vrier 1738, alors que 42 mètres en étaient déjà sortis de l'eau, une
tempête détruisit toute la partie supérieure de l'ouvrage. Il fut re

fait tant bien que mal, et, mal entretenu par les Turcs, après leur
occupation de 1791, il s'affaissa. En 1833, il ne dépassait pas le ni

veau de l'eau et les matériaux ne formaient plus qu'une chaîne

d'écueils et de récifs. On commença également à la même époque


la de deux quais, l'un orienté du Nord au Sud depuis
construction

l'origine de la jetée, l'autre perpendiculaire. Entre les deux, on


laissa une petite plage pour le halage à terre des embarcations. L'in
génieur 1837, que ce dernier quai, dénommé après
Pézerat notait, en

notre occupation quai Sainte-Marie, avait été construit en pierres

dures de haut appareil et protégé par un cordon d'enrochements,


« ce qui avait assuré sa conservation, malgré la faible épaisseur du
revêtement formé de pierres posées à sec avec des joints incer
tains. » L'autre quai était complètement ruiné lors de notre arrivée.

Des aménagements importants furent pratiqués sur les terre-

pleins ainsi constitués. Un corps de garde dit « du Môle » fut élevé


un peu au Sud de la jetée, ouvrage solidement bâti, couronné par
une batterie et dont l'ouverture voûtée (7 m. 70 sur 4 m. 28 de

hauteur) était protégée par une herse et un pont-levis 2. Plus loin,

1. M. Meunier, o. c, p. 258, qui cite le rapport du capitaine de corvette

De Missiessy (1833). Les détails qui suivent sont également empruntés à cette

excellente notice.

2. Les travaux exécutés en 1857-58 pour élargir le quai de la Marine en ont

amené la suppression. En avant se trouvaient la petite Douane et la Garde du


canot royal.
84 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

dans la même direction, de grands magasins furent creusés dans


le roc, de 1786 à 1788. Les voûtes maçonnées à l'entrée avaient 31
mètres de largeur sur 7 de hauteur ; la plus rapprochée du môle

était creusée au-dessous du niveau de la mer et un petit chenal com

muniquant avec la darse, le « banquillo » (petit banc) permettait

d'abriter les marchandises embarquées et les bateaux des pêcheurs.

Travail évidemment remarquable s'il avait pu être consolidé et ga

ranti de l'effondrement qui menaçait déjà en 1833.

Un faubourg, la Marine », qui


« était, en effet, hors des murs et

en contrebas du reste de la ville, s'était peu à peu édifié depuis


1732, avec la place et la chapelle « del Carmen », des casernes éle
vées de 1732 à 1746, la Tuilerie du Roi, une glacière, des magasins
pour l'orge et le charbon, et, au pied de la Calera actuelle, la Chau-
fournerie et le camp des quatre escadrons de Maures Mogatases.
C'est dans ce nouveau quartier que fut construite la fontaine monu

mentale mentionnée plus haut. Sur la plage les vastes magasins des
vivres, du sel et des fourrages, bien bâtis, ont pu être occupés et

utilisés par nous.

Ce groupement d'établissements militaires, casernes et maga


sins, ne laissait guère de place au commerce local. En avait-il d'ail
leurs grand besoin ?

Dans son mémoire, qui est un réquisitoire aussi sévère que fondé
sur la politique l'administration espagnoles, Don José Vallejo1
et

n'a pas craint d'écrire : « Nous autres, Espagnols, nous sommes tou
jours signalés par une négligence extrême quand il s'est agi de dé
velopper notre commerce. Il montre, d'autre part,
» qu'il y a eu

maladresse, en ce qui concerne Oran. On ne fit rien pour encou

rager les relations des marchands avec les tribus. Si elles ont pu

exister avant 1708, déjà à cette époque, l'Intendance, traitant avec

les « Maures de paix », se substituait au commerce privé, lui faisait


concurrence et lui revendait même « pour le compte du roi » le
superflu des denrées versées comme impôt en nature.

1. Mémoire, o. c, p. 29.
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 85

La création de la « Junta de Abastos » aboutit à un monopole

officiellement consacré de la vente du pain, de l'huile, de la viande


et du charbon et mécontenta à la fois les marchands et les consom
mateurs 1. Il semble bien vrai, en outre, que, sinon la politique des
Gouverneurs, tout au moins l'attitude des tribus ait changé depuis

1708 ; on ne comprendrait pas autrement le pessimisme de Vallejo


qui jugeait impossible le retour aux relations d'autrefois avec les
« Maures de paix » 2.
Une autre raison, rarement avouée, a été dénoncée courageu

sement au Corregidor, puis par son intermédiaire au Conseil du


Roi, dès le début de l'occupation3. « On chasse les Juifs de la ville.

Le Corregidor dit que ces gens-là sont très utiles pour le commerce

et qu'on a tort de les renvoyer. » Un des premiers soins des Espa


gnols maîtres d'Oran n'avait-il pas été d'y installer l'Inquisition ?
Les rois de Tlemcen n'avaient eu garde de se priver de leurs ser

vices ; le Juif
Cetora, qui passait pour avoir livré une des portes
de la ville en 1509, était un employé des douanes du roi de Tlemcen
à Oran 4. En 1669, on les expulsa en masse ; on en embarqua ainsi
près de 500 5. Or, les Juifs avaient toujours été les intermédiaires

nécessaires entre les Etrangers et les Arabes, dont ils connaissaient

les mœurs et la langue.

Enfin, il semble bien que la fiscalité de l'Administration ait nui

au commerce extérieur. Au début de l'occupation et pendant long-

1. J. Cazenave, Les gouverneurs d'Oran, o. c, p. 21.

2. C'est le fond même du mémoire déjà cité. Les raisons de ce changement

y sont clairement indiquées : abus des la garnison, armement des


razzias par

tribus de 1708 à 1732 grâce « à l'importation intense d'armes françaises et


anglaises », politique « astucieuse et barbare » des Turcs qui ont prêché la
haine contre les Espagnols et supprimé les chefs qui étaient leurs alliés, enfin
avènement d'une génération nouvelle qui n'a pas connu les relations amicales

avec l'Espagne et n'a nulle envie d'en lier avec elle.

3. J. Cazenave, o. c, p. 18-19.

4. Pellissier de Raynaud, o. c, p. 11.

5. J. Cazenave, o. c, p. 37.
86 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

temps le port d'Oran fut franc 1. On voudrait savoir exactement ce

que signifiait cette franchise, à qui et à quelles marchandises elle

s'appliquait ; nous n'avons pu trouver aucun renseignement précis

sur ce point. En tous cas, elle fut supprimée en 1749, sauf pour les
comestibles —
ce qui est significatif. On établit une Administration
des impôts généraux ; on afferma la fourniture des vivres pour dix
ans au Marquis de Murillo 2. « De toutes parts, s'élevèrent alors
des protestations énergiques : car beaucoup de familles établies dans
cette Place se virent fermer complètement le commerce des denrées
alimentaires. » Sur le sens de ce terme de « port franc », il est

permisd'être perplexe, sinon sceptique, quand on rencontre un


document aussi net que la plainte du Sénat de Venise adressée le
28 mai 1518 3 à son ambassadeur François Cornaro pour être trans
mise au roi d'Espagne. « Quand la ville d'Oran appartenait aux

Maures, les Vénitiens n'y % ; aujourd'hui, ils


payaient que 10
payent beaucoup plus à Sa Majesté Catholique, attendu qu'ils sont
soumis à deux droits : 10 % à l'entrée et 10 % à la sortie ». Cepen

dant, ils s'intéressaient encore à cette escale plus qu'à celles d'Alger
et de Bougie, et il en fut ainsi au moins pendant une bonne partie
XVIe
du siècle4.

Ce que fut le commerce extérieur d'Oran sous la domination


espagnole, on ne peut le savoir avec précision ; on doit se contenter

de quelques indications qui laissent^d'ailleurs une impression de


plus en plus défavorable au fur et à mesure que l'on avance du
XVIe XVIIIe
vers la fin du siècle. « Autrefois —
c'est-à-dire avant

1. Hontabat, o. c, p. 19.

2. Marquis de Tabalosos, o. c, p. 43-44.

3. De Mas Latrie, o. c, p. 331.

4. Idem. Deux, partie, p. 269. Le 12 juin 1508, le Sénat délibéra sur la


question de savoir s'il n'y avait pas lieu de faire brûler ces deux escales par

la Conserve de Barbarie, « perché è stato dechiarito a la Signoria nostra chel

serià molto a proposito e più benefitio, de dicte galie che le tochassero la scala

de Oran ». Oran figure encore, en 1540, dans le rapport de M. Barth. di Pasi


da Vinetia (p. 276-277).
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 87

1708 —

Oran, écrit Vallejo *, livrait encore à des commerçants espa

gnols ou étrangers de grandes quantités de grains, des cuirs, de la


cire et des fruits d'Afrique » ; et il s'empresse d'ajouter : « Il ne
faut point cependant exagérer l'importance de ces exportations »,
déclarant plus loin qu'elles « se réduisent ici à quelques tonnes de
céréales, très peu de cire et de laine ; la plupart des produits sont

drainés par les étrangers vers les autres de Barbarie », et il


ports

conclut ainsi : « Nous ne retirerons jamais de notre conquête le


plus petit avantage. » Consultée en 1723 sur l'utilité que pourrait

avoirl'installation d'un Vice-Consul à Oran, la Chambre de Com


merce de Marseille se montra plus que sceptique2. Le commerce

d'Oran, écrit-elle, « a toujours paru si peu considérable qu'aucune

des Compagnies d'Afrique n'a jamais estimé nécessaire d'en tirer


du blé, parce que les autres places de leurs concessions en ont tou
jours assez fourni sans que l'on ait eu besoin de recourir à celle-là. »

Les Turcs en interdisent d'ailleurs la sortie, quand la récolte est

mauvaise. Il est à remarquer que les Marseillais n'ont recommencé

à s'intéresser un peu à Oran que pendant la période de la domi


d'Ali-
nation turque, de 1708 à 1732. Si, en 1704, le Consul français
cante y établit un Vice-Consul 3, c'est évidemment pour le commerce

avec l'Espagne. Après la paix d'Utrecht, les Anglais, qui avaient


illuminé à Alger à la nouvelle de l'expulsion des Espagnols en 1708,
s'étaient assuré un monopole de fait payé assez cher au Bey d'Oran,
pour pouvoir s'approvisionner de blé destiné aux garnisons de Gi
braltar et de Port-Mahon. Le traité de 1719 avec le Dey d'Alger
permit aux Français de commercer librement à Oran et d'y avoir

1. Mémoire, o. c, p. 29 et 33. Sur l'importance du commerce en général, on


se fera une idée par ce renseignement que nous fournit le même auteur (p. 44).
Le Capitaine-général recevait, en plus de sa solde, 5.000 écus d'argent qui

devaient être prélevés sur les revenus de la Douane et le quint des razzias

et des prises. « Or, le montant des deux produits suffisait à peine et très
souvent même ne suffisait pas à parfaire cette somme. »

2. Paul Masson, Histoire des établissements et du commerce français dans


l'Afrique Barbaresque (1560-1793). Paris, 1903, p. 313.
3. Idem, p. 312, note 2.
88 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

un Vice-Consul. On ne fit d'abord aucun usage de l'article en ques

tion. Ce n'est qu'en 1723, en apprenant qu'un commerçant du Lan


guedoc avait obtenu du Dey, dont il avait su gagner la faveur, le
privilège exclusif du commerce d'Oran et que son neveu y avait

chargé du blé, que la Chambre consulaire de Marseille se plaignit

de n'avoir pas été consultée 1. Les Anglais purent intriguer pour

faire fermer la maison fondée par le Sieur Maîchens et il fallut


l'intervention du Ministre Maurepas, en 1728, pour que le Consul
d'Alger se décidât à installer un Vice-Consul à Oran et à rétablir

le comptoir français. On vit alors à Mers-el-Kebir quelques bâ


timents battant notre pavillon. Le Vice-Consul Dedaux fut d'ailleurs
fort maltraité par le Gouverneur D'Aramburu ; du moins on comp
tait alors neuf commerçants Français originaires presque tous
d'Agde et de Cette 2. Il semble bien que les machinations des Anglais
et la présence dans la flotte et l'armée du Comte de Montémar, en

1732, de nombreux Officiers et Chevaliers de Malte Français ait

porté un coup fatal à notre crédit auprès du Bey de Mascara et

même du Dey d'Alger.


Quant aux objets des exportations et des importations, ils
n'avaient guère varié. Le rapport du Vice-Consul d'Oran Dedaux3,
en août 1731, concluait ainsi : « On peut tirer d'Oran tous les ans
4.000 quintaux de laine, 300 de cire, 12.000 à 15.000 cuirs
quintaux

de bœuf en poil et 8 à 10 cargaison^de barques de blé, orge, fèves


et pois chiches. Le Bey d'Oran, qui est despotique, exige un droit
de sortie. Quant aux marchandises qu'on peut porter de Chrétienté
à Oran, ce sont à peu près les mêmes qu'à Alger, savoir des draps
d'Elbeuf, des toiles de Laval, étoffes de soie, soufre, alun, fer en
barre et peu d'épiceries. Le Bey prend 10 % de tout ce qu'on y
introduit. » Tous ces articles réunis feraient sans doute à peine le
chargement de deux cargos modernes, de tonnage moyen. Ajou
tons que, pour pouvoir se procurer les denrées d'exportation, il

1. Paul Masson, o. c, p. 312, note 2.


2. Marquis de Tabalosos, o. c, p. 33, note 27 du traducteur.
3. Paul Masson, o. c, p. 313.
PLANCHE IV

La Porte d'Espagne, porte monumentale décorée des La Grande Mosquée dite du Pacha.
armes d'Espagne.
Au second de G. à D. la mosquée du Cam
plan,
Photo A. Lùck.
pement et l'Hôpital militaire ; en arrière les casernes
de la Casbah, la promenade des Planteurs, le fort
et la chapelle de Santa Cruz.

Photo A. Lûck.
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 89

fallait être en bons termes


les tribus. Or, si pendant la pre
avec

mière occupation espagnole, les Gouverneurs étaient arrivés à éten

dre leur influence sur 140 douars l, il n'en fut plus de même au
XVIIIe
siècle.

En 1772, Hontabat, dont nous avons plusieurs fois mentionné le


remarquable rapport, s'exprimait ainsi sur le commerce d'Oran 2 :

« Oran n'ayant pas de produits à écouler n'a en quelque sorte qu'un

commerce passif que font indistinctement les Espagnols de nos

côtes, depuis Malaga jusqu'à Barcelone, et quelques étrangers de


Marseille, de Gibraltar et Port-Mahon. Quelques gens d'Iviça et
quelques Majorquins y apportent des denrées de première néces

sité. »

A défaut de trafic pacifique, tel que celui qui avait uni jadis
Tlemcen et Oran dans une communauté d'intérêts et de profits, les
Espagnols recoururent à la razzia et y entraînèrent les douars voi
sins, se faisant complices du désordre et du pillage dont ceux-ci

n'étaient que trop coutumiers. Quelques éléments de la garnison

et les Mogatases faisaient de temps en temps des sorties, souvent

dans le seul but de ramasser du butin3, dont une partie était dis
tribuée à la garnison et aux fonctionnaires et le reste vendu publi
quement. Les produits les plus intéressants de la razzia étaient les
grains dans les silos, le bétail capturé
enlevés et les esclaves, —

hommes et femmes. Les enfants étaient baptisés ; « plusieurs es


claves se rachetaient par la suite en payant une forte rançon, d'au

tres étaient revendus en Espagne à des prix très élevés. » Il arri

vait aussi parfois que les Maures venaient vendre des esclaves des

1. Mémoire de Vallejo, o. c, p. 35-37 et 43, —


et M. Bodin, o. c.

2. Hontabat, o. c, p. 19.
3. Mémoire de Vallejo, o. c, p. 45-47. L'auteur, très sévère pour cette pra
tique désastreuse, n'hésite pas à dire que ces « jornadas » ressemblaient étran

gement « aux incursions rapides des Tartares dans la Hongrie, la Pologne et

autres contrées voisines : les Espagnols se conduisaient en tout et pour tout


comme des Barbares ». Il explique le mécanisme de ces expéditions préparées

par des trahisons d'espions. Il déclare que « la cupidité poussa quelquefois les
Espagnols à organiser des incursions sans aucun motif raisonnable ».
90 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

deux sexes et même, quand ils étaient réduits à la misère, leurs


propres enfants 1. On comprend que Laugier de Tassy ait pu dire,
XVIIIe
au siècle, que, Oran, avant 1708 il écrivait

en 1725 —

servait d'entrepôt à l'Espagne « pour son grand commerce d'es


claves » 2.

Comment ne pas souscrire au jugement que Pellissier de Ray


naud a porté sur l'Oran espagnol. « Ce n'était pas une colonie,
c'était à peine un comptoir » 3.

La situation de plus en plus précaire dans laquelle se trouvait


cette possession si chèrement achetée et si difficilement conservée,
l'hostilité irréductible des Turcs d'Alger, l'échec de l'expédition de
O'Reilly en 1775, que les bombardements de Barcelo en 1783 et

1784 n'avaient que médiocrement réparé, avaient décidé Charles III


à traiter avec le Dey. La convention de 1786 stipulait, entre autres

clauses, l'abandon d'Oran, moyennant course des garanties contre la


et en faveur du commerce espagnol4. Le terrible tremblement de

terre qui secoua la ville dans la nuit du 8 au 9 octobre 1790 décida


du sort de ce « presidio ». La ville haute et la Casbah furent parti

culièrement éprouvées ; près de 2.000 victimes restèrent sous les


décombres 5. La malheureuse place, assiégée aussitôt après, se dé
fendit héroïquement ; à la suite de négociations difficiles avec le
Dey d'Alger, la paix fut rétablie par le traité signé le 12 septembre
1791. Les deux places étaient évacuées par leurs garnisons et les

1. Marquis de Tabalosos, o. c, p. 44. Il signale la grande abondance des


esclaves sous le gouvernement du marquis de La Real Corona (1749-58) et
parle d'un véritable commerce général établi dans les deux places. « Fort
pauvres étaient ceux qui n'en possédaient pas : des traitants venaient d'Espagne
et en achetaient pour des sommes élevées. » Il ajoute, d'ailleurs : « C'est à peine

si aujourd'hui on en trouve un seul » ; mais il écrit longtemps après.

2. Laugier de Tassy, Histoire des états barbaresques qui exercent la piraterie,


2 vol., Paris, 1757, tome I, p. 236.

3. Pellissier de Raynaud, o. c, p. 113.


4. Ernest Mercier, o. c, tome III, p. 403-408, 413-414.
5. Idem, p. 431-432. —

H. Fey, o. c, p. 261-268.
ORAN ESPAGNOL ET TURC DE 1509 A 1791 91

Espagnols devaient les livrer dans l'état où elles étaient en 1732.


Ils librement 1
pourraient commercer et par privilège spécial tous
leurs dans la rade, moyennant l'acquittement
navires seraient admis

des droits. Oran devenait ainsi la capitale du Beylik de l'Ouest et


elle le demeura jusqu'à notre entrée, le 17 août 1831.

1. Idem, p. 434-436. On leur donnait le droit d'établir un comptoir à Mers-

el-Kebir. Cette solution de l'abandon d'Oran avait été déjà envisagée soit dans
le presidio même, soit dans les conseils de Madrid, quelque pénible qu'elle fût
pour l'amour-propre et pour l'esprit religieux des Espagnols. Don José de
Vallejo la préconisait en 1734, mais sans succès. Philippe V, dans un véritable
appel à son peuple, le 6 juin 1732, au moment où allait partir l'expédition de

Montémar, lui représentait « les formidables et inévitables avantages » que con

férerait aux « Barbares Africains », une fois instruits dans l'art de la guerre,
la possession de cette place si proche de son royaume : « porte fermée à l'ex
tension de ma religion sacrée, porte ouverte à l'esclavage des gens qui vivent sur

les côtes voisines de l'Espagne ». (Marquis de Tabalosos, o. c, p. 7.) Von Reh


binder (o. c, p. 38), après avoir constaté la nullité économique d'Oran à la fin
du xvm? siècle, reconnaît que si les corsaires y avaient un nid, le danger serait
terrible pour l'Espagne.
CHAPITRE III

ORAN DE 1791 A 1831

La ville, abandonnée par les Espagnols, était dans un triste état.


Elle était plus qu'à moitié ruinée ; les édifices publics construits

après 1732, les églises et les hôpitaux avaient été démolis. Il restait

70 à 80 familles chrétiennes \ que le Bey Mohammed el Kebir prit

sous sa protection, mais qui partirent peu à peu2. Installé au Châ


teau Neuf, la Casbah ayant été détruite par le tremblement de terre,
le Bey fit appel aux habitants des villes de la Régence et aux tribus
voisines pour repeupler Oran. Il en vint de Tlemcen, de Mascara,
de Milianah, de Médeah. Le Dey y envoya quelques-uns de ses pro
tégés et aussi d'autres qu'il désirait éloigner d'Alger. Les Douairs,
les Smélas, les Gharabas, les Béni Ahmed fournirent quelques im
migrants ; on vit même arriver des Marocains d'Oudjda et de Fez.

Plus avisé que les Espagnols, il attira des Juifs de Mostaganem,


de Mascara, de Tlemcen de Nedroma, leur vendit à très bon
et

marché de vastes terrains le long du rempart de l'Est, moyennant


qu'ils y bâtiraient des maisons sur des alignements imposés, et leur
concéda gratuitement un emplacement pour leur cimetière. Ainsi
est née la nouvelle communauté juive d'Oran qui date de 1792 3,
comme aussi le quartier qui est resté le noyau principal de cet

élément de la population oranaise. Il fut renforcé par des immi-

1. H. Fey, o. c, p. 268.
2. Idem. Un seul, Français, resta : Dominique Gaillard, né en 1754 ; converti
à l'Islam, il devint joaillier du Bey. Son fils fut trouvé à Oran en 1831.
3. Isaac Bloch, Les Israélites d'Oran, de 1792 à 1815. Paris-Alger, 1886.
ORAN DE 1791 A 1831 93

grants venus d'Alger


(les Cohen Salmon, Levy Bram, Aboulker,
Temime), du Maroc (comme la grande famille des Cabeza) et de
Gibraltar (Benoliel, Gabisson, Tubiana) La « nation juive » ne .

fut généralement pas inquiétée1, elle répondit à l'attente du Bey,


en travaillant à ranimer le commerce local et à renouer les rela

tions de cette place avec les pays méditerranéens. Les Juifs d'Oran
surent aussi à l'occasion collaborer à la défense des murs contre

les tribus, et ils firent preuve même d'un certain courage dont le
souvenir était encore vivant lors de notre arrivée 2.

La population de la ville n'a guère dépassé, dans ces premières

XIXe
années du siècle, 5 à 6.000 habitants 3, si l'on n'y comprend
pas celle des deux grands faubourgs situés hors de ses murs, Kar

guentah à l'Est et Ras-el-Aïn au Sud ; au total, 8 à 9.000. Elle était


composée de Maures Andalous d'origine, d'Arabes venus des tribus,

de Turcs et de Koulouglis, de Juifs et de quelques nègres. Il est

probable qu'elle subit des variations assez importantes entre 1791


et 1830, comme celle de la plupart des villes de l'Afrique du Nord.
En 1793, une horrible famine désola toute l'Oranie 4 ; en 1794, la
peste reparut, plus meurtrière que jamais 5, et celle de 1797, la

« peste de La Mecque » ne fit pas moins de ravages. En 1817, ap

portée par des pèlerins, elle sévissait de nouveau ; selon les rap-

1. Isaac Bloch, o. c. A l'exception de quelques alertes ou de quelques

tragédies du palais. En 1805, une panique se produisit, qui amena un embar

quement précipité pour Alger, à l'approche d'un marabout rebelle qui avait

persécuté les Juifs de Mascara. En 1813, quelques Israélites compromis dans les
intrigues d'une coreligionnaire nommée Hanina, favorite du Dey, furent sup
pliciés et quelques familles exilées à Médéah.
2. Rozet, Voyage dans la Régence d'Alger. Paris, 1833, tome II, p. 237-238

et p. 270.
3. Idem, p. 269. William Shaler, dans son Esquisse de l'Etat d'Alger, trad.

Bianchi. Paris, 1830, p. 19, l'estime en 1822 à 8.000 habitants.


4. H. Fey, o. c, p. 270.
5. Adr. Berbrugger, o. c. Le bey Mohammed el Kebir dut sortir d'Oran

avec toute sa famille pour aller camper dans la plaine de la Mléta. Cette
peste fut appelée « peste d'Osman », en souvenir du fils du bey qui fut une

des victimes (M. Lapène, o. c, p. 9).


94 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

ports du Consul britannique, les habitants mouraient en masse dans


les rues1.

Le commerce du port avait dû certainement se relever de sa

déchéance. Les Espagnols et les Anglais étaient les premiers clients,


en relations permanentes et pour ainsi dire forcées avec les Juifs
de la place, les seuls intermédiaires possibles entre Européens et

Musulmans. Les archives du Consulat général d'Espagne et les re

gistres du Vice-Consulat nous éclairent suffisamment sur ce point 2.


Les deux tiers au moins des opérations commerciales et financières
qui y sont mentionnées ont été faites par des Israélites ; le reste

se partage entre quelques Maures et le Vice-Consul lui-même, opé

rant le plus souvent pour le compte de son Gouvernement, et à


partir de 1808 pour la Junte Insurrectionnelle. D'ailleurs, les « cen-

saux » du Vice-Consulat, et de même ses banquiers et ses prêteurs

sontdes Juifs, Jehuda Chouraqui par exemple en 1803. Les agents

consulaires anglais et français sont en rapport avec eux3. Le chef

de la Nation juive, David Duran, est Consul général de la Répu


blique de Raguse et s'emploie également avec zèle pour le com
merce espagnol. Les Israélites sont d'ailleurs les fonctionnaires finan
ciers et souvent les hommes de confiance des Beys. Ici, comme à
Alger, ils sont « contadores » chargés de peser et d'estimer les

monnaies du Trésor 4. Mardochée Darmon, possesseur d'une grosse

fortune, qui fit construire à ses ^rais la synagogue consistoriale

d'Oran, avait été avant 1792 le mandataire officiel du Bey de Mas


cara. Les Beys d'Oran ont des agents particuliers à Gibraltar, comme

Aron Cardoso, le chef même de la Nation dans cette place, et Sa


lomon Pacifico, nom bien connu dans l'histoire britannique.

1. Adr. Berbrugger, o. c, p. 232.


2. Isaac Bloch, o. c, qui a pu consulter ces archives, en a tiré des rensei

gnements nombreux et précis ; nous avons utilisé ici les principaux.

3. Par exemple, en 1810, David Darmon, employé de M. Negroto, agent

consulaire de France.
4. Isaac Bloch, o. c, signale notamment Joseph Melul, de la famille des
Cabeza.
ORAN DE 1791 A 1831 95

Le commerce consiste avant tout et presque exclusivement en

exportations de céréales, de bétail et de laine. L'Espagne avec les


Baléares et Gibraltar sont les débouchés 1. La catholique Espagne

a, en effet, atténué singulièrement les rigueurs de son intolérance


religieuse en permettant à des Israélites choisis de demeurer dans
les villes du littoral ; et c'est ainsi qu'à Algesiras, à Malaga, à Al-

meria, à Carthagène, on trouve installés des commerçants en rela

tions étroites avec leurs coreligionnaires d'Oran, correspondants,


cosignataires, commanditaires appartenant souvent aux mêmes fa
milles. Il en est d'ailleurs aussi de même à Gibraltar et à Mahon où

les garnisons anglaises réclament du blé et de la viande qui leur


sont expédiés d'Oran2. Au moment de la grande insurrection et

de 1808 à 1813, les exportations sur l'Espagne ont beaucoup aug


menté. Les Beys de l'Ouest ont permis, grâce à une dérogation aux

règles inspirée par des raisons d'intérêt, d'expédier des chevaux à


la Junte Insurrectionnelle de Cadix. En échange, d'ailleurs, les
Espagnols ont autorisé des achats de poudre à Carthagène.

Les Anglais avaient toujours pratiqué ce commerce, ainsi que

celui des armes, des agrès et des apparaux pour la marine. Livourne
où les Israélites détenaient le commerce, a sans doute eu des rela

tions avec Oran 3 on a expédié en tous cas de l'argent. Quant


; y
les de la Révo-
au commerce français, on s'explique que guerres

1. Elie de la Primaudaie, o. c, p. 240. En 1829, un seul négociant d'Oran


expédia à Gibraltar 95.000 hectolitres de céréales, principalement en blé dur.

3. Il y a par exemple des Taourel à Oran comme à Gibraltar. Lorsque


Bacri et Busnach, d'Alger, obtinrent en 1801 un véritable monopole du com

merce des dans la Régence, ils s'empressèrent d'envoyer des repré


céréales

sentants à Oran. Les bateaux nolisés étaient souvent des tartanes marocaines,
ce qui semble indiquer qu'il eut pas de marine locale à Oran ni à Mers-
n'y
el-Kebir.

3. On ne doit pas oublier en effet que Livourne était pour les exportations

de la Régence un de ses premiers clients. Les Israélites de ce port achetaient

en particulier les prises des corsaires algériens par l'intermédiaire de leurs


correspondants.
96 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

lution et de l'Empire l'aient paralysé. Les corsaires de nos côtes

rôdèrent souvent dans ces parages et vinrent même prendre des


bricks anglais jusque sousd'Oran l. Ils y étaient attirés
le canon

par le commerce intense de Gibraltar, devenu pendant le Blocus


Continental un vaste entrepôt de contrebande 2, et qui, même après

1815, continua à la pratiquer, mais seulement à destination de l'Es


pagne.

La ville, durant la période turque, de 1791 à 1831, ne reçut guère


d'embellissements. Cependant, Mohammed el Kebir fit construire
plusieurs mosquées ; celle « du Pacha », la plus grande, fut payée
par le Dey, en signé de reconnaissance à l'endroit de l'ancien Bey
de Mascara vainqueur des Espagnols, et avec l'argent provenant

du rachat des esclaves chrétiens (1796). Le Bey fit élever hors des
murs, à Karguentah, une petite mosquée destinée à contenir son

tombeau et celui de sa famille. A son fils Osman est dû le gracieux

minaret de la mosquée de Sidi el Haouwâri 3. Mais les ruines du


quartier espagnol de « la Blanca » ne furent même pas déblayées,
et il s'en forma de nouvelles.

Lors de notre arrivée, Rozet4, toujours précieux à consulter,


décrivait ainsi les aspects des constructions : « Sur le plateau, à
l'Ouest du ruisseau, se trouvent aujourd'hui les ruines des maisons

et de tous les édifices qu'ils (les Espagnols) y avaient construits ;


on y voit encore les restes de Jlusieurs églises et de grands bâ
timents qui paraissent avoir été des couvents. » Il signale quelques

maisons en assez bon état. « Au milieu des ruines des maisons, des
églises et des palais espagnols, s'élèvent quelques maisons maures

que construites avec des moellons et un mauvais mortier : ces

1. Isaac Bloch, o. c, cite le cas d'un de ces corsaires qui put récupérer une

de ces prises, grâce à l'intervention auprès du bey de sa favorite Hanina,


favorable aux Français.
2. Le Baron Baude (o. c, II, p. 15-17) signale qu'en 1813 il en sortit pour

120 millions de marchandises.

3. Voir H. Fey, o. c. (Oran sous les Beys).


4. Rozet, o. u. o. 264-265.
ORAN DE 1791 A 1831 97

maisons qui n'ont qu'un rez-de-chaussée sont généralement assez

petites et presque toutes les cours en sont couvertes par de fort


belles treilles. Il y avait cependant encore quelques maisons consi
dérables dans cette partie de la ville ; mais nos soldats les ont
presque toutes détruites, afin d'avoir le bois des planchers pour

faire leur cuisine. Près des ruines d'une église espagnole, on voit

celles d'un mauresque, dont les colonnes en marbre blanc,


palais

qui soutenaient la galerie de la cour


principale, sont encore de
bout : c'était le sérail du premier Bey qui vint gouverner la pro
vince d'Oran après le départ des Espagnols... La partie Est de la
ville est toute bâtie à la mauresque et contient des maisons dont les
plus élevées n'ont qu'un premier étage et beaucoup un rez-de-

chaussée seulement. Toutes ces maisons, construites avec des moel

lons et du mortier, sont couvertes en terrasses et blanchies à la


chaux... Les rues sont droites et assez larges (il s'agit du quartier

juif). Devant la porte de l'Est, celle d'Alger, il y a une petite place

autour de laquelle sont des boutiques ; en dehors de cette même


porte, entre le mur d'enceinte et la petite vallée qui le borde (Aïn
Rouina), il en existe une autre sur laquelle se tient le marché. »

Le ravin de l'Oued Er-Rehi avait conservé ses jardins mal tenus


et ses vergers magnifiques. Rozet y a vu quelques moulins, des
maisons de campagne, deux ou trois tombeaux de marabouts. Il
signale le « beau pont en pierre » qui franchit l'oued à peu près
au milieu de la ville et la rue qui conduit à la porte d'Alger (la rue

Philippe actuelle), « ancien cours »bordé de fort beaux arbres et

garni « de boutiques aussi pauvres que celles d'Alger ; on y voit

aussi plusieurs cafés, dont deux assez remarquables. » Malgré le


petit nombre des Musulmans —
la plupart s'étaient sauvés à notre

approche —
il y avait en 1831 un assez grand nombre d'artisans,
cordonniers, tailleurs, tisserands en toile, en laine, menuisiers, ser

ruriers, quelques tanneries et des fabriques de maroquin jaune et

rouge. Les burnous d'Oran avaient acquis un certain renom. Quant


aux boutiques des marchés, elles étaient presque toutes tenues par

des Juifs.
98 ORAN, VILLE ET PORT AVANT 1831

C est donc au milieu de ruines et dans une bien pauvre ville

que
s'installèrent, en 1831, les Français. Quelques traces des édifices
espagnols, quelques mosquées récentes et les « beaux remparts de
la Casbah », le Fort Neuf, en étaient les seuls ornements.
nouvelle

Les anciens forts étaient eux-mêmes détruits, le port ou plutôt la


darse, à peine ébauchée, en fort mauvais état. Tout ou à peu près

tout était à refaire ou à créer.


LIVRE III

LA POPULATION D'ORAN
DE 1831 A NOS JOURS i

1. Les chiffres que l'on trouvera dans ce chapitre sont, pour les résultats

généraux, empruntés aux statistiques officielles de l'Algérie. Ces documents ont

été publiés : de 1837 à 1866 dans le Tableau de la Situation des Etablissements


français dans l'Algérie. Les recensements, d'abord annuels, sont devenus quin
quennaux à partir de 1856. Depuis cette date d'ailleurs ils ont été publiés

dans le Bulletin des actes du Gouvernement Général de l'Algérie, devenu en

1858 le Bulletin Officiel, puis en 1927 le Journal Officiel de l'Algérie. A dater


de 1902, le Gouvernement Général a fait paraître tous les cinq ans un Tableau
général des communes de l'Algérie qui reproduit, avec quelques autres rensei

gnements, les résultats officiels des dénombrements.


Mais tous ces documents ne nous font connaître que d'une manière globale

les chiffres de la population agglomérée et éparse de la commune d'Oran. Il


nous a donc fallu recourir aux Listes nominatives et aux Etats récapitulatifs

des divers dénombrements, que la Ville d'Oran a eu le soin et le bon esprit

de conserver dans des Archives où nous avons rencontré et utilisé l'amabilité


de MM. Aubert et Marien ; nous les remercions ici et nous les félicitons de
la tenue de leurs archives. Seul, le dénombrement de 1921 n'a pu être
consulté. Les calculs auxquels nous avons dû nous livrer pour dia; recensements,
et les enquêtes minutieuses que nécessitait une étude de ce genre nous ont

permis d'asseoir nos conclusions sur des bases solides. On doit se persuader

d'ailleurs qu'il n'y a pas d'autre moyen de connaître l'inventaire d'une popu

lation urbaine, et nous estimons qu'à de multiples points de vue, ce travail

pénible ne doit pas rebuter ceux qui recherchent la vérité. (Voir à ce propos

notre communication au Congrès de la Fédération des Sociétés Savantes de


l'Afrique du Nord, à Constantine, dans la Revue Africaine, 1937.)
Nous ne donnons pas ici d'autres renseignements sur quelques sources

éparses que nous avons utilisées. Nous citerons cependant les articles parus

dans le Bulletin de la Société de Géographie et d'Archéologie d'Oran, où suc

cessivement M. Ed. Déchaud, M. le Colonel Strasser, M. le Commandant Maillet


et M. C. Kehl ont commenté les résultats des dénombrements de la population
de l'Oranie de 1906 à 1931.
CHAPITRE I

LE MOUVEMENT DE LA POPULATION

Lorsque nous avons occupé définitivement Oran (17 août 1831),


nous y avons trouvé à peine 3.000 habitants. A notre approche, la
plupart des Musulmans avaient pris la fuite ; les Juifs étaient restés
à peu près seuls. Cent ans plus tard, on recensait au dénombrement

de 1931 une population municipale de 158.000 habitants et, avec

la population comptée à part, un total d'environ 164.000. En 1936,


ces chiffres étaient portés respectivement à 194.746 et à 200.671.
Cet énorme accroissement mérite d'être étudié dans ses phases

successives. On ne s'étonnera pas de retrouver, dans ce chapitre

de l'histoire de la colonisation urbaine, le reflet de l'histoire générale

du développement économique de l'Oranie, de l'Algérie de l'Ouest


et de l'Algérie tout entière ; quelques faits, quelques traits parti

culiers permettent d'ailleurs de la distinguer de celle des autres

grandes villes de la colonie.

On ne saurait accepter sans de nombreuses réserves les résultats

officiels des recensements antérieurs à l'époque contemporaine. Le


dénombrement de la population musulmane a toujours été particu

lièrement difficile, et pendant longtemps aussi celui de la population

israélite. On peut du moins affirmer sans témérité qu'à partir de


1872 la progression du peuplement d'Oran n'a cessé de se pour

suivre, en dépit des événements et des crises qui ont atteint l'Algé
rie. Le tableau suivant en fournit la preuve.
102 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

ACCROISSEMENT ACCROISSEMENT
DATES POPULATION

TOTALE QUINQUENNAL décennal


des recensements

1872 41.130 6.520


1876 49.368 8.238 18.247

1881 59.377 10.009

1886 67.681 8.304 15.133

1891 , . . 74.510 6.829


1896 .... 84.357 9.847 18.820

1901 93.330 8.973

1906 106.517 13.187 29.756

1911 123.086 16.569


1921 146.156 —
23.070
1926 150.301 4.145
1931 163.743 13.442 17.587
1936 200.671 36.928 De 1926 à 1936 il
a atteint le chiffre

impressionnant de
50.370 unités.

Antérieurement à cette période de soixante années, il apparaît

bien, à s'en tenir aux chiffres


officiels, y des fluctuations,
qu'il ait eu

des arrêts de croissance qui, eu égard à la natalité, constituaient de


véritables reculs, des régressions w>ien marquées, bref une plus
grande instabilité du peuplement. Le fait est commun aux principaux

centres urbains de la colonie.

Nous donnons plus loin quelques résultats choisis ; bien que l'on
ne puisse en garantir l'exactitude absolue, du moins les erreurs, si
l'on pouvait en établir l'amplitude avec quelque précision, ne
sauraient altérer sérieusement les conclusions que l'on est en droit
de tirer des faits d'ensemble. On peut admettre en effet qu'elles

portent avant les éléments indigènes, musulmans et israé-


tout sur

lites. Or les recensements postérieurs à 1872, auxquels il est possible


d'accorder plus de foi, témoignent d'une progression de la population

musulmane qui ne peut être expliquée uniquement par une sous-


LE MOUVEMENT DE LA POPULATION 103

estimation antérieure : l'essor de la viticulture oranaise, et, comme

conséquence, le développement du commerce, la croissance de la


ville et du port d'Oran, ont amené de toute évidence cette immi
gration de l'intérieur qui est un des faits les moins contestés de
l'époque contemporaine. Par suite, si l'on défalque des résultats

officiels antérieurs à i872 les chiffres les plus proches de l'exacti


tude, ceux de la population européenne, on peut estimer que les
oscillations de l'autre n'ont guère dépassé depuis 1838 l'amplitude
de 3.000 à 3.500 unités. Ce n'est certainement pas suffisant pour

infirmer la valeur des observations que nous pouvons noter sur le


mouvement de la population totale, où, dès 1846, quinze ans à
peine après notre arrivée, l'élément européen avait acquis une
prépondérance indéniable, qui n'a fait que s'accentuer par la suite.

Dates des Population Européens Indigènes Différences


recensements totale totales

Dec. 1832 4.300 1.050 3.250



1838 11.091 4.510 6.581 + 6.791

1843 13.218 6.971 6.247 -f-
2.127

1846 ... . 25.893 18.739 7.154 +12.675

1847 22.458 15.191 7.267 —
3.435

1849 24.845 17.281 7.564 + 2.387

1853 23.941 15.654 8.287 —
904

1856 24.611 16.995 7.616 + 670

1861 26.494 19.644 6.850 + 1.883

1866 31.890 23.131 8.759 + 5.396

1872 41.130 35.834 5.296 + 9.240
(en réalité 30.534
sans les Israélite?

Ce tableau, où nous reproduisons les chiffres officiels, suggère, en

dépit des réserves déjà faites, quelques réflexions plus difficilement


contestables que l'apparente précision des résultats. A la lumière
des événements de l'histoire, ces derniers même prennent quelque

signification.
104 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

Ils traduisent d'abord ce fait primordial, que le peuplement eu


ropéen a contribué pour la plus large part à l'accroissement de la
population. Entre 1843 et 1846, la progression a été particulièrement

forte ; elle s'explique avant tout par cette circonstance militaire, que

les opérations de la conquête ont été transportées sur le territoire


de l'Oranie, et que la capitale de l'Ouest est devenue la principale

base de ravitaillement des armées. Le recensement de 1872 accuse,


lui aussi, la reprise des affaires qui a suivi la période malheureuse
de crises agricoles, d'épidémies, de famines, de guerre, des six an
nées précédentes. On doit d'ailleurs tenir compte, dans l'examen cri

tique des chiffres, de l'incorporation d'environ 5.000 Israélites dans


la nationalité française, en vertu du décret Crémieux du 24 octobre

1870.

Un autre fait digne d'être noté est la résistance remarquable que

le peuplement d'Oran a opposé aux crises qui déterminaient ailleurs,


notamment à Alger, de graves fluctuations. De 1846 à 1847, la Capi
tale perdait plus de 12.000 habitants ; Oran ne connaissait qu'une
baisse de 3.500 unités environ. La pacification qui suivit la reddition

d'Abd el Kader, après un exode consécutif à la cessation des hosti


lités et audépart des troupes, ramena vers l'Ouest le principal cou

rant d'immigration qui combla à peu près les vides. La stagnation,


les fléchissements même que l'on peut observer entre 1848 et 1861,
ont été beaucoup moins sensibles à Oran qu'à Alger qui a perdu

par exemple, de 1858 à 1861, en trois années seulement, plus de


3.300 habitants. Comme nous le verrons plus loin, c'est principa

lement à l'élément espagnol et à la plus grande proximité de son

pays d'origine que l'on doit attribuer cette différence. On peut en

dire autant de la période si pénible pour l'Algérie des années 1866


à 1871. Alors qu'à Alger on ne constatait en 1872 qu'un gain quin

quennal de 1.709 habitants, Oran s'était acru de plus de 9.000.

Si l'on revient maintenant au premier tableau que nous avons

présenté, on est amené à cette constatation que les cinquante der


nières années ont été marquées par une remarquable accélération
du peuplement. C'est dans cette 1901 le
période, entre et 1906, que
,225.000

200.000

175.000

150.000

125.000

n.300

100.000
/
/
$.273

75.000

50.000

25.000

21 26 31 1936
LE MOUVEMENT DE LA POPULATION 105

chiffre de 100.000 habitants a été dépassé et que la capitale de


l'Ouest est devenue vraiment un grand centre urbain. Entre 1881
et 1936, le gain a été de plus de 141.000, le pourcentage de l'accrois
sement de plus de 237 %. Les causes en sont faciles à démêler.

L'essor de la colonisation provoqué par l'avènement du régime

civil, et par dessus tout les progrès de la viticulture, ont fait d'Oran
comme des principaux ports algériens un centre d'affaires de plus

en plus important, ont stimulé l'immigration de l'intérieur et de


l'extérieur et aspiré des deux côtés une main-d'œuvre considérable

que réclamaient l'activité de la construction et la croissance du port.

A ce dernier point de vue, il y a une relation évidente, et nullement


surprenante, entre le mouvement du trafic maritime et celui de la
population. Alors que, de 1866 à 1876, l'accroissement annuel moyen
du tonnage métrique était de 20.000 t., il a doublé de 1876 à 1886,

progression facilitée d'ailleurs par les travaux exécutés dans cette

période. Dans la même décade, le gain annuel de la population mon

tait de 1.530 à 1.830 habitants. Les exportations de vins passaient

de 572 hectolitres à 500.000 environ. L'ère de la vigne était ouverte

en Algérie, et l'Oranie, où la qualité des terres et les conditions cli

matiques se révélaient meilleures que partout ailleurs, allait tra


vailler à prendre la tête des trois départements.

Depuis 1881, le peuplement d'Oran s'est renforcé d'un contin

gent annuel de 2.570 unités environ. Mais ce n'est là qu'une moyenne;


s'il y a eu progression continue, le rythme a varié d'un recensement

à l'autre. Il a été par exemple singulièrement accéléré entre 1901 et

1911, avec un gain annuel de 2.975 habitants ; il a fléchi en revanche

de 1911 à 1921, tombant à 2.307, et, de 1921 à 1931, à 1.758. Il ne faut


pas y voir d'ailleurs un signe de régression véritable. Indépen
damment des effets de la guerre, il était fatal qu'une poussée aussi

forte fût suivie d'un ralentissement ; il suffit de se reporter aux

tableaux ci-dessus pour constater qu'il en a toujours été ainsi. L'im


migration est un phénomène de contagion, mais qui procède par

bonds.
La décade de 1921-1931 a été marquée par un fléchissement, très
106 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

sensible de la population espagnole et une diminution importante


des apports d'outre-mer, explicables par la crise du change et la
chute du franc ; l'exode consécutif a atteint le département tout
entier. Sans l'appoint compensateur de l'élément musulman du —

moins des sujets Français —


qui représente près de 14.000 unités,
le recul aurait été beaucoup plus sensible. Il y a eu par ailleurs, et

le fait a été malheureusement général dans la colonie entière, un

dépeuplement des campagnes au profit des villes 1 ; il explique cer

tainement la progression de plus de 10.000 Français et naturalisés

constatée entre 1926 et 1931.

La période des dénombrements quinquennaux 1931-1936, mérite

une attention particulière en raison de la poussée qui la caractérise.

Le gain a été de plus de 37.000 unités, soit de 23 %, alors qu'à Alger


même, il n'était que de 15 %. Il est à noter que l'élément indigène
musulman y a contribué pour 40 %, moins qu'à Alger sans doute,
mais dans une proportion inconnue jusqu'alors à Oran.

1. Aug. Bernard. Notices V (cartes démographiques) et VII (carte de la


colonisation officielle) de l'Atlas d'Algérie et de Tunisie par Aug. Bernard et

R. de Flotte de Roquevaire.
CHAPITRE II

LES ÉLÉMENTS DE LA POPULATION

On peut distinguer dans la population deux catégories princi

pales : l'élément indigène, celui que nous avons trouvé établi en


1831, c'est-à-dire les Musulmans et les Israélites, et l'élément im
porté d'Europe, d'origine française et étrangère. Pour l'étude de

leur évolution, nous devons faire ici momentanément abstraction de


la naturalisation des Israélites opérée en vertu du décret Crémieux
de 1870 ; ceci à seule fin d'évaluer avec plus d'exactitude la part

qui revient dans le peuplement d'Oran aux populations établies anté

rieurement à la conquête et aux apports d'outre-mer.


Il est impossible de suivre de près le mouvement de la population

musulmane depuis 1831. Jusqu'à 1881, les documents officiels ne


nous donnent que des renseignements fragmentaires et particuliè
rement suspects. A notre arrivée, nous n'aurions trouvé que 250
Musulmans : des témoignages irécusables nous apprennent qu'ils

avaient, en effet, abandonné la ville en masse. Que la période trouble


de la conquête ait été peu propice à leur retour et à leur établis
sement à côté de nous, on ne saurait en douter. En 1838, on en dé
nombrait 944, alors que les Européens étaient déjà 4.510. En 1845,
on en signale 2.120, en y comprenant les Nègres ; à la fin de 1849,
2.699 ; en 1861, 2.895 ; en 1866, 3.102 ; en 1876, 8.421. D'où vient cet

accroissement ? Sans doute pour une part d'un recensement plus

sérieux. On s'étonne moins du chiffre de 1881, soit 12.721. Le déve


loppement de la ville et du port a attiré certainement la main-d'œu

vre indigène de l'intérieur ; on en trouve la preuve dans la présence


108 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

de 3.637 Marocains compris dans le total. La population musulmane

apparaît dans la suite stagnante jusqu'à 1901. Seul l'élément euro

péen progresse, accusant ainsi de plus en plus le caractère distinctif


du chef-lieu de l'Ouest par rapport aux autres centres principaux de
la colonie. A Oran, les Musulmans, à cette dernière date, ne repré
sentent que 12 % de la population totale, alors qu'à Alger la pro
portion est de 21,8.

Depuis 1901, cet élément n'a cessé de progresser ; la dernière


décade (1926-1936) mérite à cet égard d'être particulièrement dis
tinguée !. L'accroissement numérique a été de plus de 20.000, dont
plusde 14.000 dans les cinq dernières années. Les Musulmans
comptaient en 1936 pour 23,7 % de la population totale.

Il s'agit là d'un véritable « rush ». Car si on se reporte aux sta

tistiques de la natalité, on constate de 1926 à 1930 un excédent de


décès de 1.003 individus. L'année 1930 accusait pour la première

fois depuis 1901 un excédent de naissances d'ailleurs faible, soit 165


unités. Les causes de cet afflux des Indigènes musulmans ont été les
mêmes que pour les autres ports principaux de la colonie : Attrac
tion de l'intérieur vers la ville, les travaux du port, le trafic com

mercial et la construction offraient à la main-d'œuvre des possibilités

d'emploi, et tout autant sans doute reflux des travailleurs indigènes,


ouvriers agricoles ou industriels, que la crise économique chassait
des usines et des campagnes de la^VIétropole. Les habitudes et le

1. Mouvement de la population musulmane de 1901 à 1931.

DATES NOMBRE! ACCROISSEMENT PROPORTION


des recensements dans la pop. totale

1901 12.276 1.963 12 %


1906 16.306 4.030 15,3 %
1911 17 707 1.401 14,3 %
1921 18.569 862 12,7 %
1926 25 764 7.195 17,1 %
1931 32.115 6.351 20 %
1936 46.177 14.062 23,7 %
LES ELEMENTS DE LA POPULATION 109

goût de la vie urbaine contractés pendant leur séjour en France ne

les invitaient guère à retourner à la vie misérable et peu attrayante

de leurs douars. Il y a là matière à réflexion. C'est un fait de pre

mière importance que cette ruée vers les grandes villes, dont la phy
sionomie ethnique tend de ce fait à être sensiblement transformée.
On peut en tous cas affirmer, sans crainte d'être démenti, que l'Oran
des Français renferme plus de Musulmans que n'en a jamais groupé

celui de jadis, antérieurement à notre venue.

Parmi les Musulmans d'Oran, on compte et on a toujours compté

des Marocains et des Nègres. Les Marocains sont mentionnés pour

la première fois dans les statistiques en 1851, grâce au décret du 3


septembre 1850 qui organisa à Oran les Corporations. On en dé
nombrait alors 374, « charbonniers et manœuvres ». Mais aupara

vant comme dans la suite, il est certain qu'ils ont été englobés long
temps sous la rubrique « Kabaïles » ou « Kabyles » qui désignait

les gens des tribus de l'intérieur, sans distinction d'origine. Il est

impossible de suivre le mouvement de cette population essentiel

lement mobile. Dans la plupart des recensements, les Musulmans de


provenance marocaine ont été confondus avec les Israélites de même
origine qui sont nombreux et certainement beaucoup plus stables.

C'est ainsi que nous avons pu, dans le recensement de 1886, distin
guer 1.516 Juifs de cette provenance sur un total de 4.026. Seuls
les derniers chiffres peuvent être acceptés (1921, 1.142 ; 1926, 2.678 ;
1931, 3.278 ;
1936, 4.395). C'est un fait constant que la mobilité de cet

élément, dont l'importance a varié avec la demande de main-d'œu

vre, avec la situation politique du Rif, principal pourvoyeur, avec

les ressources offertes aux émigrants par la France, avec le reflux

des travailleurs de la Métropole.

Sur les autres éléments musulmans, on ne peut vraiment faire


que quelques remarques générales. Les Nègres paraissent avoir à

Oran subi le sort qu'ils ont eu en général dans le Tell : cette popu

lation en supporte difficilement le climat et les conditions de vie.

Elle a fondu à Alger et, autant que l'on peut inférer de



quel

car depuis longtemps les recensements ne nous four-


ques indices, —
110 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

lussent sur elle aucun renseignement précis —


il en a été de même

à Oran. En 1845, la population mâle de cette couleur était estimée à


615 individus ; or, déjà en 1851, la Corporation n'en comptait plus

que 321.

Nous ne citerons que pour mémoire les Mozabites, peu nombreux

dans le département ; on en comptait 111 à Oran en 1931 1, Les Ka


byles (579), originaires principalement de la Petite Kabylie, ont

trouvé le moyen de s'infiltrer comme journaliers, hommes de peine,


gargotiers, garçons de café et de restaurant, chauffeurs, petits com

merçants.

L'élément israélite a toujours occupé dans la vie économique de


la capitale de l'Ouest une importance hors de proportion avec le
nombre des habitants qui composent ce groupe ethnique. Au demeu
rant, sa croissance numérique ressort de cette seule comparaison :

en 1832, on en recensait 2.876 ; en 1931, ils figuraient officiellement

pour 16.197 considérés comme Français. Nous en avons nous-même

compté 19.765 2, qui comprennent d'ailleurs aussi ce qu'on peut ap


peler les étrangers », Marocains surtout, Tunisiens, Egyptiens, etc.
«

Si on compare cette progression à celle des Musulmans, compte tenu

de l'exode en masse qui s'est produit en


1831, il n'est pas téméraire
d'affirmer qu'elle est sensiblement la même, c'est-à-dire de 1 à 6.
Par ailleurs, la population israélite, de quelque origine qu'elle soit,
présente un caractère beaucoup plu^stable et on peut la considérer

comme fixée, à la différence d'une partie de l'autre.


On voudrait pouvoir suivre de près ses fluctuations et sa pro

gression. Malheureusement, pour la période antérieure à 1876, on

ne dispose que de données d'une exactitude douteuse, en raison des


dissimulations et des non-déclarations fréquentes dans les premiers

temps de notre occupation. Il est difficile de tirer des chiffres offi-

1. En 1936, le Répertoire statistique des communes de l'Algérie n'en signale


que 64 ; on hésite à accepter ce chiffre, les absents étant nombreux dans les
villes lors des recensements.
2. M. Eisenbeth, dans son livre sur Juifs de l'Afrique du
«Les Nord, o. c,
p. 14, en a compté 20.493.
LES ELEMENTS DE LA POPULATION 111

ciels des conclusions solides. Il semble du moins résulter de l'exa


men général que les progrès numériques de cet élément de la popu

lation ont été plutôt lents et irréguliers jusqu'à la dernière période

de soixante ans, celle de l'essor économique.


Jusque là, on la voit dans les statistiques officielles l osciller entre

3.000 et 6.000, sans atteindre ce dernier chiffre. On ne peut songer

à donner de ces variations, en admettant qu'elles traduisent la réa

lité, une explication vraiment satisfaisante. Quelques indices nous

permettent toutefois de croire que, jusqu'à la pacification de l'Ouest,


il y a eu, des centres urbains de l'intérieur vers Oran des afflux

plus ou moins subits suivis de reflux. Nous savons par exemple de


source sûre que la chute brusque constatée en décembre 1839 est

due au retour à Tlemcen des familles qui avaient fui cette ville

lors du retrait de nos troupes en 1838. Par ailleurs, des épidémies


meurtrières ont sévi à plusieurs reprises dans le quartier juif

d'Oran, le choléra entre 1846 et 1849, le typhus en 1867-1868, et la


mortalité, nous dit-on, a été de 90 % du nombre des malades.

Dans les dénombrements Cré-


qui ont suivi 1870, date du décret
mieux, il semble bien qu'il y ait eu un grand flottement et que l'on
n'ait pas toujours classé sous la rubrique « Israélites » les mêmes

catégories d'individus. On ne peut expliquer autrement la chute que

l'on constate en 1881 : de 7.622 en 1876, on tomberait au chiffre de


3.617 ! Devant l'impossibilité d'accepter ce dernier chiffre officiel,
nous avons eu la curiosité de faire un sondage dans les listes nomi

natives du dénombrement de 1881 ; les résultats sont concluants. La

1. Population israélite d'Oran de 1832 à 1931.

Recensements Population Recensements Population Recensements Population

1832 .... 2.876 1866 . 5.654 1906 11.837


Dec. 1838 5.637 1876 . 7.622 1911 13.993
Dec. 1839 3.364 1881 . ....
8.000(?) 1921 15.943
1840 .... 3.192 (non comp. les étrangers) 1931 16.197
Dec. 1846 4.817 1886 . 8.262
(et en y comprenant les
1849 4.865 1891 , 8.642
étrangers) : 19.765
1851 .... 5.073 1896 . .... 10.651
1861 .... 4.410 1901 . .... 10.636
112 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

le de Saint-
vieille ville avec quartier israélite et le quartier contigu

Antoine abritaient en réalité plus de 8.000 habitants de cette origine


les'
(exactement 8.282) , en y comprenant, il est vrai, Juifs marocains,
mais auxquels il faudrait ajouter ceux des autres quartiers, notam
ment du « Village nègre », où ils étaient plus de 400. Les chiffres

officiels de 1886 et de 1891 (4.236 et 6.294) ne pouvaient pas davan


tage être pris en considération ; des calculs opérés sur les listes nomi

natives nous ont donné des résultats certainement plus proches de


la réalité : 8.262 8.642,
et en ne comptant pas les éléments étrangers.
Il y a eu indéniablement, au moment où le commerce d'Oran
prenait un nouvel essor, dans cette période décisive qui a suivi les
années 1881-86, une immigration juive importante, au détriment des
centres de l'intérieur. Le même fait s'est produit à Alger et il s'est

poursuivi depuis cette époque. Bien que la rubrique concernant

cet élément du peuplement ait reçu, d'une manière regrettable, des


interprétations différentes suivant les dénombrements et même sui

vant les communes, on saisit néanmoins quelques faits dignes d'at


tention. Ainsi, entre 1921 et 1931, Tlemcen a perdu 418 habitants
Israélites, c'est-à-dire davantage, si l'on tient compte de la natalité.

En 1926, sur 10.060 individus d'origine juive peuplant le quartier qui

est leur gîte principal, nous en avons compté 2.621 nés hors d'Oran,
dont les trois quarts environ étaient des chefs de famille. On peut

dire que tous les centres urbains de l'^anie étaient représentés dans
ce chiffre, mais principalement Tlemcen
(381), Sidi-bel-Abbès (198),
Mascara (130), Saint-Denis du Sig (126), Mostaganem (89).
Une autre immigration, particulièrement accrue dans les der
nières années, a amené à Oran un contingent important originaire

du Maroc. Ce n'est pas la première fois que se produisaient ces

arrivages. A la fin de 1859, le Conseil Municipal se préoccupait de


distribuer des secours et d'organiser des souscriptions en faveur des
réfugiés Israélites ayant dû « quitter précipitamment le Maroc, par

suite de la guerre qui avait éclaté entre ce dernier pays et l'Es


pagne » K C'est un fait que nous constaterons à nouveau plus loin :

1. Arch. Mun. Séance du 29 déc. 1859.


LES ELEMENTS DE LA POPULATION 113

toutes les fois que des opérations militaires ont été entreprises au

Maroc par des puissances européennes, du moins depuis 1830, il y


moins important des Juifs vers
a eu un exode plus ou
l'Algérie, par
crainte de représailles des Musulmans et de massacres. C'est ce qui

explique certainement —
concurremment avec l'ouverture du pays

du côté de l'Est —
l'afflux qui s'est produit, notamment à Oran,
depuis notre intervention militaire dans l'Empire chérifien. Il est

intéressant à cet égard de parcourir les derniers recensements. Dans


le seul quartier des rues d'Austerlitz, de la Révolution et de Wagram,
nous en relevons, 1926, 1.183, en majeure partie chefs de famille.
en

Ils sont venus de


Tetuan, de Tanger, de Melilla, du Maroc oriental,
de plus loin aussi, de Marrakech même ; et depuis 1912, le Tafilalet
et le Drâa en ont fourni beaucoup. On n'a pas de peine à recon

naître ces derniers venus en parcourant le vieux quartier juif de la


ville. Il y a d'ailleurs beaucoup d'autres Israélites d'Oran dont les
familles sont originaires du Maroc et ont émigré dès les premiers

temps de la conquête : pour beaucoup, cet exode a dû être un simple

retourdans l'ancienne Régence, d'où les avaient chassés antérieu


rement à notre arrivée des événements tels que les massacres de

1805 à Alger.

L'élément israélite occupe donc, numériquement, dans la capi

tale de l'Ouest, une place importante. Oran n'est cependant pas celui

des trois chefs-lieux de l'Algérie où la proportion de cette catégorie

de population est la plus forte : elleétait de 10,2 % en 1931 selon —

les chiffres officiels, en réalité de 11,5 alors



qu'à Constantine elle

dépassait 12 % (12,1) ; à Alger, elle restait inférieure à 8. Mais


l'Oranie est le département où les Israélites sont le plus nombreux :
47.511 en 1931, contre 25.098 et 24.527. Ils y sont, en effet, beaucoup
plus disséminés : Tlemcen en groupe plus de 7.000, Sidi-bel-Abbès

plusde 6.000, Mascara plus de 4.000 ; ce sont les réserves qui ali

ment le peuplement de la capitale oranaise.

Nous ne saurions terminer sur ce sujet particulier sans noter un

trait intéressant. Les Israélites d'Oran ne sont pas cantonnés dans


un petit nombre de professions du commerce ou de l'artisanat ; ils
114 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

exercent les métiers les plus divers. Si la majorité est composée de


gens d'affaires, de marchands, de représentants, d'employés et de

comptables, de revendeurs et de colporteurs, de tailleurs, de cor


donniers et de bijoutiers, on trouve aussi des menuisiers, des ébé

nistes, des tapissiers, des plombiers, des ferblantiers, des boulangers,


voire même des chauffeurs, des cochers, des camionneurs, des por

tefaix, des travailleurs manuels, des journaliers exerçant des métiers

pénibles. La spécialisation est certainement beaucoup moindre qu'à

Alger par exemple1. Les femmes fournissent des employées de ma

gasin, des dactylos, des ouvrières à façon, des domestiques, des la


veuses.

Les éléments du peuplement proprement européen sont : les


Français d'origine nés dans la Métropole
Algérie, les natu ou en

ralisés et leurs descendants, les étrangers Espagnols, Italiens et ap


partenant à diverses nationalités : Anglo-Maltais, Anglais, Alle
mands, etc...

C'est un fait indiscuté que, si Orandémographiquement,


est

depuis 1845 au moins, la ville la plus « de l'Algérie,


européenne »

c'est aussi celle où la population d'origine étrangère, essentiellement


espagnole, a dès le début de notre établissement acquis la prédomi

nance numérique. C'est pourquoi l'application de la loi de 1889 sur

la naturalisation automatique a produit ici, comme de juste, son

maximum d'effet. Il faut attendre le recensement de 1901 pour

constater que la nationalité française a conquis le premier rang :

41.550 habitants, contre 22.439 étrangers, alors qu'en 1896 encore

on dénombrait 27.523 Français en face de 34.030 autres Européens.


Auparavant, et dès les premiers temps de la conquête, la population

étrangère était nettement supérieure. Dès la fin de 1845, elle était


plus que double (7.634 contre 3.699) . C'est seulement vers 1860 que

l'écart diminua. Depuis 1889, l'absorption des étrangers dans la na


tionalité française a renversé la situation, comme on peut le voir
d'après le tableau suivant. Mais elle n'est pas seule à rendre compte
de la forte baisse —
de plus de 9.500 unités, représentant en réalité

1. M. Eisenbeth, o. c, p. 40-43 et 48-52.


LES ELEMENTS DE LA POPULATION 115

un nombre supérieur de départs, si l'on tient compte des excédents

de la natalité —
baisse que l'on observe entre 1926 et 1931. On sait

que la crise du change a provoqué un exode des étrangers, des


Espagnols surtout, qui se sont détournés de l'Algérie ; le fait a été
général dans la colonie.

Population française et population étrangère européenne d'Oran


de 1831 à 1936
REC]3NSEMENTS POPULATION POPULATION POPULATION POURCENTAGE

française étrangère eur. totale dans pop. tôt

1833 ... 340 702 1.042 24,6 %


Dec. 1834 ... 465 1.019 1.484 »


1835 ... 709 1.503 2.212 »

1836 ... 959 2.089 3.048 »


1837 ... 1.183 2.622 3.805 »


1838 ... 1.324 3.186 4.510 40,6 %

1839 ... 1.342 3.495 4.837 »


1840 ... 1.492 2.887 4.379 »


1842 ... 1.881 5.259 7.140 »


1843 ... 1.741 5.230 6.971 52,7 %

1845 ... 3.699 7.634 11.333 »

Avril 1846 . . . 4.136 10.644 14.780 72 %


Dec. 1847 ... 4.954 10.237 15.191 »


1848 ... 4.640 10.684 15.324 »


1849 ... 4.618 12.663 17.281 »

Les chiffres Dfficiels détaillés



1853 ...
15.654 65,3 %
englobent les annexes


1854 ... 5.021 12.170 17.191 »


1855 ... 6.695 12.073 18.768 »


1861 . . 7.554 12.090 19.644 87 %

1866 ... 8.789 14.342 23.131 72,5 %

1872 . . 12.365 18.169 30.534 74 %
(sans les Israélites)

1876 ... 14.435 21.558 35.993 72,9 %
1881 . . 18.247 24.793 43.040 72,4 %
116 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

Population française et population étrangère européenne d'Oran


de 1831 à 1936 (suite)
RECENSEMENTS POPULATION POPULATION POPULATION POURCENTAGE

française étrangère eur. totale dans pop. tôt.

1886 20.394 31.087 51.481 76 %


1891 21.202 34.652 55.854 74,9%
1896 27.523 34.032 61.555 72,9%
1901 41.550 22.439 63.989 68,7 %

1906 49.463 25.256 74.719 70,1%


1911 57.553 31.241 88.794 72 %
1921 71.274 30.936 102.210 69,9%
1926 79.832 39.163 118.995 79 %
1931 80.129 29.436 109.565 66,9 %
1936 121.400 31.203 152.603 76 %
On voudrait pouvoir estimer avec quelque précision ce que repré

sente dans la population française l'élément d'origine métropolitaine.

Malheureusement, les recenseurs n'ont presque rien fait depuis 1889


pour satisfaire notre curiosité. En 1891, ils nous donnent un chiffre :

17.825 individus nés de parents français sur 55.854 Européens, faible


proportion assurément, un peu plus de 33 %, le tiers en somme. En
1906, on distingue encore les « Français d'origine » ; on en dénombre
23.676 sur 74.719, soit 31,6 %. En 1911, la proportion s'est abaissée à
26,7. Depuis cette date, aucun renseignement 1. Il semble bien que la
forte natalité de l'élément d'origine étrangère et la naturalisation au

tomatique doivent fatalement consolider de plus en plus sa prédomi

nance numérique. Oran est, à cet égard, comme ville européenne,


nettement individualisée. A Alger, le même calcul effectué pour les

1. Le Répertoire Statistique des communes de l'Algérie donne, pour le


dénombrement de 1936 à la rubrique « Français d'origine s> un chiffre dans
lequel sont compris les Israélites et les Français originaires de l'Algérie. Les
11.191 « originaires de la Métropole » sont les citoyens Français qui y sont nés.
Or ce n'est pas le renseignement qui nous intéresse ici. On constate en revan
che avec certitude que la population de nationalité française originaire de
9/10°
l'Algérie représente près des du total.
LES ELEMENTS DE LA POPULATION 117

trois recensements mentionnés ci-dessus donne une proportion nu

mérique supérieure à 51 %. Dans le chef -lieu de l'Ouest, nous in


clinons à croire qu'à l'heure actuelle la population d'origine métro

politaine ne doit guère représenter que 18 à 19 % du peuplement

total de la ville, alors que dans la Capitale son pourcentage est au

moins de 30.
De tous les éléments du peuplement oranais, il est incontestable
que l'élément espagnol est celui qui a le plus influé sur ses progrès

numériques, comme aussi sur ses oscillations. Outre le voisinage de


la Péninsule Ibérique, d'autres circonstances sont intervenues pour
provoquer l'immigration : la situation politique si agitée et si trou

blée que l'Espagne a connuedepuis 1833 jusqu'à 1876, et qui affecta


particulièrement le Sud lors de l'insurrection de Carthagène en
1873-74, la misère des campagnes, et par contraste les perspectives

qu'ouvraient dans l'Oranie la pacification du pays et le dévelop


pement de la colonisation. A Oran, les Espagnols se retrouvaient chez
eux, mais dans une ville désormais ouverte vers l'intérieur et bien
différente de ce qu'avaient été la forteresse et le « presidio » du temps
de leur occupation. Aussi leur accroissement numérique a-t-il été à
peu près ininterrompu jusqu'en 1849, époque à laquelle ils étaient
déjà deux fois plus nombreux que les Français d'origine1. Après le

1. Population espagnole d'Oran de 1831 à 1931 :

1833 266 1853 11.291 1926 35.636


1834 440 1854 10.134 1931 26.741

1835 718 1855 10.786 1936 27.111


1861*
1836 1.115 ,

*
1837 1.555 1866*
Les chiffres détaillés
1838 2.073 1872* ._
des diverses populations

1839 2,333 1876 19.353 étrangères manquent dans


1840 2,178 1881 22.172 les documents statisti

1842 4.433 1886 27.625 ques officiels. Mais on

1843 6,205 1891 31.628 peut tirer des conclusions

1845 6.205 1896 31.633 de ceux de la population

1846 6.567 1901 31.114 étrangère dont les varia

1847 8.520 1906 23.071 tions ont été influencées


1848 9.140 1911 27.835 avant tout par celles de

1849 11.136 1921 29.553 la population espagnole.


118 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

choléra qui sévit alors, et jusqu'aux environs de 1866, il y eut une


période de stagnation, et même un léger recul suivi bientôt d'une
reprise du mouvement d'immigration. Depuis 1876, il s'est produit

une poussée qu'explique suffisamment l'ouverture de la nouvelle ère,


celle de la vigne ; elle a été marquée par une progression de 11.000
unités en moins de quinze ans.

Le fléchissement des chiffres que l'on observe à partir de 1891


est dû à l'application de la loi de 1889 surla naturalisation, et aussi

entre 1901 et 1906 à la crise viticole qui affecta l'Algérie. Il y a eu

dans la suite un nouvel afflux particulièrement important dans les


années de prospérité de 1921 à 1926, puis une chute brusque dont
nous avons donné les raisons. En définitive, la force d'attraction a
varié suivant les circonstances économiques de l'Algérie et selon les
circonstances politiques et sociales de l'Espagne ; on pouvait s'y at

tendre. On peut affirmer, en tous cas, que c'est grâce à cet appoint

fourni par la Péninsule que le peuplement d'Oran et de l'Oranie a

été moins affecté que les autres par les crises diverses dont a souffert

la colonie. Ajoutons toutefois qu'à l'heure actuelle il ne paraît pas

en être ainsi. On peut d'ailleurs se demander si la main-d'œuvre

espagnole n'est pas menacée par la concurrence des Indigènes mu

sulmans dont nous avons signalé l'importance numérique croissante.

Dans un pays où la population est aussi mobile, il y a quelque péril

à quitter sa place, surtout dans le te|ips difficile du chômage.

1931, la population proprement espagnole représentait plus de


En
24 % du total des Européens d'Oran. On peut estimer, d'autre
part,
à 45.000, chiffre minimum, c'est-à-dire à 41 % la proportion dans ce
total des naturalisés de cette origine. Il apparaît ainsi que la Pénin
sule a fourni au moins 65 % du contingent venu
d'outre-mer, et plus

de 45 % de la population totale. Les chiffres et les calculs, si arides

qu'ils soient, reflètent du moins clairement ce trait particulier de la


physionomie ethnique du grand centre urbain d'Oran.
On ne saurait définir les professions particulières aux Espagnols :
ils les exercent toutes. Marins, pêcheurs, marchands de poisson,
dockers, charpentiers dans le quartier de la Marine, journaliers,
LES ELEMENTS DE LA POPULATION 119

charretiers, portefaix, hommes de peine dans les quartiers pauvres,


tonneliers, cavistes dans les quartiers de l'Est, jardiniers dans les
faubourgs, artisans un peu partout et petits commerçants en tous

genres, employés et gens d'affaires plus aisés dans les rues du centre,
d'
au voisinage du boulevard Seguin et de la rue Arzeu. Les femmes
fournissent des ouvrières d'ateliers et d'usines, des vendeuses de
magasins, des domestiques, des laveuses, des concierges. A parcourir
les listes nominatives d'un dénombrement quelconque, on emporte
l'impression d'une population travailleuse et l'on reste convaincu

qu'elle est de beaucoup la principale et la meilleure main-d'œuvre

de la grande cité de l'Ouest.


LesItaliens, l'élément européen le plus important après les Espa
gnols, sont loin d'occuper la place qu'ils ont prise et qu'ils conservent
plus ou moins solidement dans les autres chefs-lieux. Leur effectif a

atteint son maximum entre les années 1881 et 1896 ; il est inutile
d'en redire les causes. Il oscille depuis la guerre avec une tendance

au recul. La naturalisation automatique ou sollicitée en vue de la


pêche maritime, comme aussi les obstacles créés par le régime fas
ciste à l'émigration et les effets de la crise du change rendent suffi

samment raison de ce fléchissement.


Au début de notre occupation, ils étaient accourus avec empres

sement l. En décembre 1839, on en comptait 824 en face de 1.342


Français et de 2.333 Espagnols. La marine sarde, napolitaine et sici
lienne occupait dans le mouvement du port de Mers-el-Kebir le troi-

1. Population italienne d'Oran de 1831 à 1836 :

1833 316 1847 1.056 1896 1.426


1834 432 1848 1.020 1901 —

1835 560 1849 1.017 1906 863

1836 701 1853 1.126 1911 1.309

1837 747 1854 790 1921 536

1838 777 1855 915 1926 887

1839 824 1931 721

1840 550 1881 1.616 1936 1.358

1842 609 1886 2.526


906 1891 2.158
1845
,
150.000

127S69

125.000

,18.995

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09.555

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100.000

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\rion i rp
1.241
•$0,936 \, 29.435

25.000

16 21 26 31 1936
CHAPITRE III

RÉPARTITION SUR LE SITE

Il ne suffit pas d'étudier les variations numériques de la popu

lation d'une ville et de ses divers éléments à travers le temps ; il


faut en outre les considérer dans l'espace, sur le site urbain, et,
s'il est possible, définir la place particulière qu'occupe chaque

catégorie de peuplement. Ainsi pourra-t-on dessiner avec plus de


précision la physionomie de la cité. On ne saurait perdre de vue

que cette connaissance plus approfondie est indispensable non

seulement au géographe, mais aussi et encore plus à l'urbaniste.

Pour pouvoir suivre la répartition de la population entre les


diverses de la ville, nous avons dû pénétrer dans le détail
régions

des recensements, de ceux du moins dont nous pouvions disposer.


Postérieurement à 1881, un seul nous a fait défaut, celui de 1921,
sauf pour les faubourgs. Sur la période antérieure, nous n'avons

pu recueillir que quelques renseignements épars et sommaires.

On peut distinguer dans l'ensemble de l'agglomération oranaise

trois parties :


La vieille ville, celle qui fut enfermée dans l'enceinte espa

gnole et turque restaurée ;



La ville nouvelle, comprise entre ces murs et l'enceinte que

nous désignerons par la date de 1866 ;



Les faubourgs.

Nous donnons ci-dessous un tableau construit par nous, qui

permet de suivre leur développement respectif, avec la seule

réserve que nous avons faite.


122 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

DATES VIEILLE VILLE p. % VILLE NOUVELLE p. % FAUBOURGS p. %

1856 .. 20.713 — —

1866 .. 22.689 67 11.045 33 —

1872 .. 21.330 53,6 18.455 46,4 —

1881 .. 22.929 38,6 33.429 56,4 3.019 5

1886 . . 23.894 36 37.264 56,3 5.161 7,7

1891 ..
25.812 35,7 39.104 54,2 7.321 10,1
1896 .. 25.906 32,2 45.109 56,2 9.329 11,6

1901 .. 26.387 30,2 49.445 56,6 11.535 13,2

1906 27.616 27,3 55.996 55,5 17.397 17,2


1911 ..
30.634 26,9 65.282 54,9 21.462 18,2
1921 .
— — — —
31.Ï87 22,5
1926 31.535 22,1 65.876 46,2 45.269 31,7

1931 .. 29.310 18,5 67.951 43,1 60.720 38,4


1936 .. 30.048 15 78.507 40,3 86.191 44,7

Ces c aïeuls se rappe rtent à la seule population « municipale

Une première remarque s'impose : le peuplement du Vieil Oran


est celui qui a progressé le plus lentement. A vrai dire, depuis
1872 jusqu'à 1926, on ne constate aucun recul ; il y a même entre

1901 et 1911 un gain assez sérieux, de plus de 4.000 habitants. Mais


par contre on constate en 1931 un fléchissement ; il paraît expli

cable par le départ des bas quarti^s d'un contingent étranger. Au


demeurant, si l'on compare les vieux quartiers d'Oran à ceux

d'Alger, on n'y constate pas le même phénomène de congestion

progressive et de surpeuplement extraordinaire qui, dans la capitale,


a fait et continue à faire de la Casbah ou du quartier de la Marine
et de l'ancienne Préfecture des anomalies démographiques mons

trueuses 1.
Les progrès de la Ville Nouvelle intra muros ont été au contraire

beaucoup plus accélérés. Une partie de son développement s'est

faite certainement —
les témoignages en sont nombreux et irré-

1. R. Lespès. Alger 1930, p. 521-522.


REPARTITION SUR LE SITE 123

cusables —
au détriment de l'ancienne. La population bourgeoise
aisée et le monde des affaires basse sursont montés de la ville

le plateau et le déplacement de l'Hôtel de Ville, des


ont suivi

P.T.T., de la Chambre de Commerce et des banques. Les chiffres


comparés, de 1866 à 1891, le traduisent nettement. De 1891 à 1911,
la population a fortement augmenté ; le gain annuel moyen dépas
sait 1.300 habitants (1.309 exactement). Puis on observe un ralen

tissement. Il faut regarder au delà des murs pour en trouver la


raison principale. Il n'en reste pas moins vrai que, depuis 1906, la
population de la Ville Nouvelle intra muros est plus que double
de celle du Vieil Oran.
Les faubourgs ont grandi avec une rapidité étonnante ; la pous

sée date vraiment de 1901. En 35 ans leur peuplement s'est accru

de près de 75.000 habitants, soit d'une moyenne annuelle de 2.133.


Il n'est pas sans intérêt de signaler que, par ordre d'importance
numérique, Lamur, Eckmuhl, Saint-Eugène et Gambetta tiennent
la tête 1. Ce sont précisément les agglomérations extra muros que

traversent les routes principales de l'intérieur, vers Tlemcen,


Mascara, Alger et Mostaganem. La distribution de la population

s'est faite sensiblement par moitié en direction du Sud et de l'Est.


C'est un exemple remarquable de croissance suburbaine par

rayonnement régulier, ou, si l'on préfère, en tache d'huile limitée


naturellement par la mer, au Nord, et la montagne, à l'Ouest2.

1. Dénombrement de 1936 Lamur 14.545 Eckmuhl: Saint-


: : hab.; 8.869;
Eugène, 8.624.
2. Nous donnons ici les résultats du dénombrement de 1936 pour les fau
bourgs et les sections éparses de la commune :

Arbesville 1.021 618 4.742

Abattoirs 477 Choupot . 3.830 Cité Giraud . . . 264

Bastié 878 Courbet . 1.184 Lotissem. Hip


Boulanger 2.277 Chollet . 1.362 podrome .... 1.889

Bel Air 1.164 Cuvellier 739 Lotis. Illouz . . . 547

Bon Accueil .... 525 Delmonte 3.267 Faub. Lamur . . 15.545

Brunie 1.462 Eckmuhl •. 8.869 Faub. Lyautey . . 3.688

Carteaux 2.107 Foyer oranais . . 1.022 Cité Magnan . . 1.066


124 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

Pour résumer ce premier aperçu, notons que l'accroissement de


la population a été, entre 1881 et 1936, dans les 55 dernières années

parconséquent, de 31 % pour la Vieille Ville, de 134,8 % pour la


Nouvelle. Quant aux faubourgs, leur population passait, dans le
même temps, de 3.019 à 86.191 habitants : autant dire qu'ils sont
nés et qu'ils ont grandi avec une progression et dans des propor

tions inconnues des autres régions de la ville. Alors qu'après avoir

représenté en 1901, 56,6 % de la population totale, la Ville Nou


velle intra muros n'en représentait plus que 40,3 % en 1936, la

ville extra muros s'élevait du pourcentage de 13,2 à celui de 44,7.

L'étude de la répartition des divers éléments de la population

va nous permettre de pénétrer plus avant dans cette analyse et

de reconstituer la physionomie ethnique des différents quartiers

urbains et suburbains ; elle suggère des réflexions qui ne sont pas

négligeables.

Et d'abord, où se trouve la population que nous avons appelée

« indigène », pour la distinguer de celle qui est venue d'outre-mer ?


Occupe-t-elle encore les mêmes emplacements qu'en 1831 ? Y a-t-il

eu refoulement ou déplacement volontaire, cantonnement ou expan


sion sur le site ? Et quelles sont les tendances qui se manifestent
à l'époque contemporaine ?

La population musulmane de lfcncienne ville n'a jamais repris

la place qu'elle occupait avant notre arrivée. Après la désertion en

masse qu'elle provoqua, il ne rentra guère dans l'enceinte que 300


ou 400 des fuyards 1. Les Français et les étrangers Européens,

Cité Maraval .. 296 Faub. Sananès 1.928 Monte-Cristo ... 76


Faub. Mélis . . . 2.334 Saint-Eugène . . . 8.624 Ravin Ras-el-

Faub. Médioni . . 4.155 Victor-Hugo .... 1.211 Aïn 1.079


Montplaisant .... 1.307 Sanchidrian 794
Sections éparses
Cité Petit 2.957 Fermes et Iles
Cité Pouyet . . . 371 Les Planteurs Habibas 2.993
Ruche des P.T.T. 139 (Eug.-Et.) .... 384

1. Rozet, o. c. I
, p. 269.
REPARTITION SUR LE SITE 125

Espagnols et Italiens se sont substitués à eux, et cette situation

ne paraît pas avoir sensiblement changé depuis lors. En 1881, le


quartier de la Marine ne renfermait que six Musulmans, celui de

la Calère aucun ; la situation n'avait pas été modifiée en 1931. Les


600 que l'on dénombrait dans la ville basse étaient presque tous
établis dans le quartier du Vieux Château et de la Casbah, gens

pauvres, dockers et journaliers. On ne saurait y voir le résidu de


l'ancien peuplement de la ville turque. En 1936, on constatait que

le nombre s'était accru de plus de 1.000. La plupart sont des nou

veaux venus, originaires de Mostaganem, Clinchant,


des communes

Cavaignac, L'Hillil, Cassaigne, Zemmora, Relizane. Ils ont contribué,


à eux seuls, à soutenir le chiffre de la population dans la ville basse.
Dans le quartier juif, qui en abritait 350 environ en 1931, dont
quelques Kabyles et un nombre plus important de Marocains,
charbonniers, portefaix, porteurs d'eau, ils ont été renforcés par des
apports analogues ; ils étaient 872 en 1936.

L'abandon de la Vieille Ville par la bourgeoisie aisée euro

péenne n'a donc pas été suivi, comme à Alger, d'une réoccupation
massive par les Indigènes Musulmans. Ils n'ont été, jusqu'aux toutes
dernières années, dans les variations de sa population, qu'un facteur
à peu près insignifiant ; il semble qu'il y ait depuis quelque chose
de changé. Indépendamment des places laissées par la population
espagnole flottante, le voisinage des quais du port attire évidem
ment les Indigènes en quête de travail, et par ailleurs cet élément
pauvre ne recule pas devant toutes les conséquences de l'entas
sement et du surpeuplement.

La Nouvelle Ville intra muros en a reçu un contingent bien


plus important. En 1845, les Musulmans accourus des tribus voi
sines, Douairs, Zmelas, Gharabas, étaient assez nombreux en
dehors et à proximité immédiate des vieux murs pour que le
Général De Lamoricière ordonnât, par un arrêté du 20 janvier, la
création d'un village indigène « sur les terrains domaniaux sis en
126 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

dehors des murs 1. Ce fut le village des « Djalis » ou des « étran


gers », appelé plus tard « Village Nègre ». Cette véritable opéra

tion de cantonnement était destinée à débarrasser les abords de la


place le faubourg de Karguentah des tentes et des gourbis qui
et

les encombraient. Ce groupement, où les gens de couleur sont


d'ailleurs restés une minorité, a été le noyau d'un quartier dont
les cinquante dernières années ont vu la croissance continue. On

y recensait 7.008 individus en 1881, 7,598 en 1891, 9.739


1901, en

12.307 en 1911, 11.708 en 1931, et 12.255 en 1936; le léger recul


observé en 1931 était dû à la croissance des nouveaux faubourgs
extra muros. Dans les de la Ville Nouvelle, seul le
autres régions

quartier Saint-Antoine, tout voisin, entre la rue de Tlemcen et le

boulevard de Mascara, en renferme un nombre appréciable, près


de 600 (641 en 1936). On peut donc dire que l'immense majorité

est concentrée dans la région Sud, celle où aboutissent les routes

des deux villes indigènes principales de l'Oranie.

Un fait tout contemporain et particulièrement cligne d'attention


a été l'expansion, ou plus exactement l'attraction des Indigènes
Musulmans vers les faubourgs de la banlieue, qui en abritaient, en

1936, plus de 28.000, constituant ainsi le gîte principal de cette

population. On peut suivre ces progrès depuis 1881 :

1881.. 376 1901.. 1.126 u


M931... 13.348 et avec
éparse
15 729
^ pop.

1891... 674 1911... 2.211 1936... 24.737 28.003


1896... 823 1926... 8.213

Comme on peut le voir, l'accroissement a été, dans la dernière


décade, de près de 20.000 unités, et dans les cinq dernières années,
de plus de 12.000. La
poussée s'est faite principalement dans les

faubourgs du Sud ; dans ceux du Nord-Est et de l'Est, on ne comptait,


en 1936, que 1.629 Indigènes Musulmans2.

1. Voir plus loin, p. 158.

2 Voici, par ordre d'importance numérique, les résultats du dénombrement


REPARTITION SUR LE SITE 127

Nous avons signalé plus haut ce « rush » des Indigènes vers Oran.
Or cette population pauvre d'ouvriers et de journaliers tend à s'établir

à la périphérie. C'est une différence notable avec ce qui se passe

à Alger, où le centre se trouve congestionné par un afflux de plus

en plus important, et où la vieille ville des Turcs a été reconquise

en grande partie par les Musulmans venus de l'intérieur, des Ber


bères surtout, originaires des deux Kabylies : véritable revanche

pacifique de la race qui peupla jadis la bourgade des Beni-Mezranna.


A Oran, le mode de distribution des immigrants contribue certai

nement à simplifier le grave problème de l'habitat indigène urbain.

Les espaces libres ne manquent pas au delà des anciens murs de

de 1936, pour les faubourgs du Sud et du Sud-Est, et la comparaison avec ceux

de 1931:
1931 1936 1931 1936

Lamur 8.302 13.280 Cité Giraud .. 92 123

Lyautey 2.258 3.365 Victor-Hugo . . .


56 98

Médioni ....... 1.374 2.250 Choupot 25 78

Sananès 513 757 Foyer Oranais . .


42

Cité Petit 470 933 Magnan 30


Eckmuhl 429 920 Maraval 14

Boulanger 293 291 Ruche die s

Chollet 133 264 P. T. T


Cuvellier 196 230
Brunie 105 131 Au total 14.246 23.108

Et pour les faubourgs du Nord-Est et de l'Est :

Mélis 9 409 Bon Accueil . . 24 52

Courbet 41 352 Hippodrome . . 31 47

Gambetta 214 198 Delmonte .... 19 27

Carteaux 208 110 Cavaignac 21 25

Illouz » 93 Bel Air 33 21

Montplaisant 81 93 Pouyet 4 8

Abattoirs —
68 Arbèsville . . . 36 6

St-Eugène ... 32 68

Bastié 16 52 Au total 769 1.629

La population musulmane apparaît ici plus mal fixée et is flottante, ce qui

explique certains reculs.


m
Vieille Ville Ville Nouvelle Faubourgs extra muros

56,6

54,2

30,2
■y.
67% W/'SM'M'MW/,

33'/. 26.387 g
pMMjlfe
V11.045 ■W//////A 11.535

1866 1 8 81 1891 1901

54,9

B ■
31,7

22,1
26,9 Z 65.282V
^65.876^
|§|§§§ llÉP
^VX^ 18,2 45.269

|30.634f

HII
21.462
l
§31.535j

MS
911 1926 1931 1936

GRAPHIQUE IV
1876 1896

Français
etnaturalisés européens

Etrangers Musulmans.

1936

GRAPHIQUE V
PLANCHE V

Cour en hémicycle et fontaine de la Grande Mosquée.


Une rue en escaliers du Vieil Oran (Rue de Gênes).

Photo de l'Ofalac. Photo de l'Ofalac.


REPARTITION SUR LE SITE 129

réalité pour la raison donnée plus haut —


5.859 individus nés hors
d'Oran sur 12.208. Il ne pouvait guère en être autrement.

La population israélite 1, jadis cantonnée dans le vieux « quartier

juif », dont la rue d'Austerlitz l'artère médiane, est aujourd'hui


est

sinon disséminée, du moins présente sur la plus grande partie du

site. Il y a là une preuve, non seulement de sa vitalité et de sa force


d'expansion, mais aussi de sa souplesse, de ses facultés d'adaptation
à la vie moderne, plus saine et plus confortable. La Vieille Ville,
si l'on s'en tient à l'élément annexé à la nationalité française, n'en

est même plus le noyau principal, encore que les Israélites aient

débordé, depuis notre occupation, sur la ville basse, où l'on en


dénombrait 178 en 1881, 243 en 1896, 412 en 1901, 706 en 1931,
population de petits employés, commerçants et artisans établis dans
le quartier de la des Jardins, de la rue Philippe, des boulevards
rue

Oudinot et Malakoff. Si l'on y joint les Juifs marocains comptés


comme étrangers (1.118 dans l'ancien quartier juif) le total dépasse
à peine de 300 unités celui de leurs coreligionnaires de la Nouvelle
Ville ; c'est évidemment bien peu.
C'est surtout là que s'est porté, au fur et à mesure de sa

croissance, l'élément plus aisé avec son commerce de plus en plus

européen. Le fait n'est pas particulier à Oran ; on le vérifie partout

en Algérie, et il n'y a là rien que de naturel, chez une population

qui regarde l'avenir et le passé, et qui a toujours manifesté


non

sa ferme volonté d'évoluer dans ce sens. Entre l'ancienne enceinte


et celle de 1866, on en a recensé, en 1931, 8.037, soit plus de la moitié

du total de la ville entière (16.197). Le plus grand nombre habite


au Sud de la ligne des boulevards Georges-Clemenceau et Mar
d'
ceau (7.300 environ). Au Nord, la rue Arzeu, la grande artère

commerçante et ses abords immédiats groupent la majorité du reste.

Le quartier neuf de l'avenue Loubet abrite quelques-unes des familles


les plus riches. La plus grande densité est, comme on pouvait s'y

1. M. Eisenbeth (Les Juifs de l'Afrique du Nord, p. 35), a établi un plan

(carte 9), où la distribution par quartiers et par rues est ingénieusement figu-
130 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

attendre, au voisinage de l'ancienne ville, dans le quartier Saint-

Antoine, le boulevard National, la rue de Tlemcen et le


entre

boulevard d'Iéna. Autour du marché du Village Nègre, on en trou


vait déjà, en1886, près de 500, que le commerce indigène dut attirer

de bonne heure, marchands de tissus, épiciers, débitants.


Hors des murs, on en comptait 953 en 1931, dont 789 dans les
faubourgs du Sud, 518 notamment à Eckmuhl où ils ont débordé
depuis l'origine de cette agglomération. La plupart sont des em
ployés de commerce travaillant en ville, une infime minorité est

constituée par des propriétaires.

La population d'origine européenne est répandue sur toute

l'étendue de l'agglomération, dans les proportions suivantes, selon


le dénombrement de 1931: 14,9 % (16.388) pour la Vieille Ville,
44,8 % (49.138) pour la Nouvelle Ville, 40,3 % (44.039) pour les
faubourgs. Or, en 1856, on en dénombrait 13.260 « intra muros »,
c'est-à-dire dans la Vieille Ville et hors de l'enceinte 3.735, soit des
pourcentages respectifs de 78,1de 21,9 % ; la plus grande
% et

partie de ces derniers à Karguentah. Ces chiffres nous font saisir


l'énorme déplacement de l'axe de l'agglomération depuis cette date.
On en peut reconstituer quelques étapes :

FAU-
TOTAL DE LA VIEILLE VILLE

POP. EUROP. VILLE NOUVELLE BOURGS

1856 16.995 13.260=78,1 % 3.735=21,9 % »

1886 44.515 14.088=31,6 % 25.126=56,4 % 5.301=12 %


1891 48.359 17.042=35,1 % 24.659=51,1 % 6.658=13,8 %
1896 57.971 16.504=28,4 % 32.454=55,9 % 9.013=15,7 %
1901 63.777 16.388=28,1 % 35.583=55,7 % 10.229=16,2 %
1931 109.565 16.388=14,9 % 49.138=44,8 % 44.039=40,3 %

L'examen de ces chiffres éclaire suffisamment cette histoire. En


1886, date critique, le renversement des proportions est déjà accom

pli ; la Ville Nouvelle a pris la première place. Elle rassemble sensi

blement plus de la moitié du peuplement européen ; mais les fau


bourgs commencent à grandir. Entre 1886 et 1891, l'afflux des étran
gers, disons des Espagnols, détermine une progression numérique
REPARTITION SUR LE SITE 131

générale ; mais elle affecte avant tout la Vieille Ville et les fau
bourgs, plus recherchés par cette population pauvre que les autres

quartiers. A Oran, la place laissée libre par les Européens aisés

n'a pas été prise, comme à Alger, par les Indigènes Musulmans,
mais par d'autres Européens moins fortunés. Après cette dernière
date, il y a stagnation pour la ville basse, dont le pourcentage tend
plutôt à baisser, tandis que les autres régions se peuplent de plus

.
en plus. Enfin dans les dernières années, ce sont les faubourgs qui

exercent l'attraction principale, gagnant près de 24.000 habitants


Européens en 30 ans, alors que la Ville Nouvelle s'est accrue seu
lement d'environ 14.500.

Il est impossible de faire dans cette étude le départ des Français


d'origine des naturalisés, faute de documents. Le degré d'aisance
et

et de fortune a, comme on pouvait s'y attendre, exercé la plus grande

influence sur leurs conditions d'habitat. Si l'on trouve des Français


d'origine métropolitaine incontestable —
ils sont d'ailleurs rares —

dans les quartiers proprement israélites ou musulmans, ce ne sont

guère que des petits commerçants, des débitants de boissons ou des


artisans pauvres. Dans la ville basse, il subsiste une moyenne et
une petite bourgeoisie de fonctionnaires, de retraités, d'employés,
d'ouvriers qualifiés. La majorité est disséminée dans les quartiers
du Nord, du Centre et de l'Est de la Ville Nouvelle, et dans les
maisonnettes et les villas modestes des faubourgs.

L'élément espagnol représente depuis longtemps la grande majo

rité des Européens étrangers, de 90 % en moyenne depuis 1876.


Nous avons dit quelle contribution considérable il a apporté au

peuplement oranais.

Les Espagnols sont partout à Oran, dans tous les quartiers, au

milieu de toutes les populations, aisées ou pauvres jusqu'à l'extrême.


C'est un fait bien connu des Algériens de vieille souche qu'ils peuvent
s'accommoder des conditions de vie les plus défavorables et que

la perspective du contact avec les éléments indigènes les plus misé

rables ne les rebute pas, tant sont grandes leur endurance, leur
résignation et leur ténacité. Il faut admirer ici leur capacité d'ex-
132 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

pansion qui n'a d'égales que celle des Siciliens en Tunisie, des
Chinois et des Japonais en Extrême-Orient. Il faut ajouter d'ailleurs
aussi qu'ils trouvent des facilités toutes particulières pour leur
établissement dans un pays et dans une ville où ils ne se sentent

nullement dépaysés ni par le fait du climat, ni du point de vue


des habitudes de vie et des mœurs. De là cette dispersion sur le

site urbain où, selon leurs facultés pécuniaires, ils se classent à


l'image des Français de provenance métropolitaine.

Leur répartition est par suite l'image réfléchie de celle des


Européens. Leur pourcentage par rapport aux Etrangers, comme

leur nombre, est en voie de diminution dans la Vieille Ville, au

profit de la Nouvelle et surtout des faubourgs. Ce sont, en effet,

ceux-ci qui ont reçu le principal appoint de cette population depuis

1891, et surtout depuis la guerre, et c'est là que leur prédominance

est le mieux assurée. Le temps est déjà loin où le noyau principal

des Espagnols d'origine et de nationalité était dans la ville basse, où

le quartier de la Calère a conservé jusqu'aujourd'hui son aspect

original. En 1931, sans doute comme conséquence des naturalisations

automatiques, mais aussi d'un exode indéniable, le nombre des


Espagnols étrangers a diminué sensiblement et la proportion qu'ils

représentent dans l'ensemble de cette population a été renversée


au profit des faubourgs (4.851 Espagnols dans la Vieille Ville, 12.761
dans les faubourgs, soit respectivement 18,1 et 47,7 %) ; les condi
tions du logement suffisent à expliquer le fait1. Les éléments les
plus pauvres sont restés dans la ville basse et dans le quartier juif.

L'élément italien qui, depuis 1848 du moins, n'a jamais repré-

1. Répartition de la population espagnole de 1886 à 1931 :

VIEILLE VILLE VILLE NOUVELLE FAUBOURGS TOTAL

1886 8.795=32,1 % 14.907=54,5 3.708=13,4 27.625

des Espagnols d'Oran


1891 9.856=31,1 % 17.297=54,8 4.475=14,1 31.628
1911 7.673=24,3 % 16.498=52,3 7.393=23,4 27.835
1931 4.851=18,1 % 9.129=34,2 12.761=47,7 26.741
REPARTITION SUR LE SITE 133

sente même 10 % de la population étrangère européenne, est resté

cantonné dans la Vieille Ville et particulièrement dans les quar

tiers de la Marine et de la
Calère, où, en 1886, on trouvait plus

de 900 Italiens sur 1.080. Aujourd'hui, c'est encore là seulement

qu'on en rencontre un petit groupement d'environ 200 sur les


300 qu'abrite la Vieille Ville (sur 721 recensés à Oran en 1931).
Leurs occupations maritimes et leur pauvreté les y ont retenus ;
le reste est disséminé à travers la Nouvelle Ville. Notons d'ailleurs
que les lois sur la pêche et la composition des équipages ont déter
miné dans cette population de nombreuses naturalisations.

Nous avons essayé, au cours de cette étude, où il était nécessaire

d'apporter beaucoup de chiffres, de déterminer les principales

caractéristiques du mouvement de la population d'Oran, de ses

éléments et de leur répartition sur le site de la ville. Nous pouvons

maintenant résumer les conclusions auxquelles nous avons été


amené.

Oran est une ville essentiellement européenne, la plus européenne

de l'Algérie. A de vue, sa physionomie générale est


ce point frap
pante. Un étranger pourrait la parcourir de l'Ouest à l'Est, selon

sa plus grande dimension, sans soupçonner autrement que par la


vue de deux ou trois minarets et par la rencontre de quelques Indi
gènes musulmans, qu'elle en abrite un certain contingent. Il y cher

cherait en vain, même dans les quartiers où cette population domine,


quelque chose de comparable à la Casbah d'Alger ou au quartier

indigène de Constantine. En revanche, il lui suffirait d'un peu

d'attention pour que son oreille perçût souvent sur son chemin le
parler espagnol.

Oran est en effet avant tout une ville franco-espagnole ; du point


de vue ethnique, on peut dire qu'elle est le moins français des trois
chefs-lieux de la colonie. La population originaire de la péninsule,
étrangère ou naturalisée, compte pour près de la moitié de la

population totale, alors que le cinquième seulement est de pro

venance ou de descendance française métropolitaine.

Les éléments qui la peuplaient intégralement en 1831 ne figurent


134 LA POPULATION DE 1831 A NOS JOURS

plus aujourd'hui que pour un tiers. Mais, si la population israéllite,


entrée dans la nationalité française, a conservé son gîte et l'a étendu,
les Musulmans ne l'ont pas retrouvé. Du Village Nègre où on les
avait artificiellement groupés dès 1845, après avoir longtemps

végété, ils se sont progressivement développés au fur et à mesure

que les centres et les douars de l'intérieur nourrissaient l'immigra


tion. Us n'ont reconquis qu'une bien petite place dans leur ancienne

cité, mais ils ont en revanche débordé sur les faubourgs du Sud
où aboutissent les routes de Mascara et de Tlemcen. De toutes
manières, cet afflux particulièrement précipité dans les toutes der
nières années menace de changer la physionomie ethnique de la
capitale de l'Ouest. Et ainsi les Musulmans sont aujourd'hui, dans
la grande cité moderne, plus nombreux certainement qu'ils ne l'ont
jamais été dans la vieille ville du royaume de Tlemcen.
Pour terminer, on ne peut se défendre d'une réflexion que

suggère plus que partout ailleurs la composition d'un peuplement

dont les réservoirs d'alimentation sont si proches. Laissons de côté

la question indigène, et au point de vue européen même toute

considération d'ordre purement politique. On est forcément amené

à se demander l'œuvre de francisation,


si que poursuit assurément,
mais que doit accélérer le peuple maître, réussira à fondre réelle

ment dans la nation française de l'Algérie un élément qui a la force


du nombre et dont on ne peut rais dire qu'il soit complètement

transplanté, comme la majorité des™Américains de provenance euro

péenne, puisqu'il tient encore à son pays d'origine par tant de


racines. A cet égard, l'enseignement, primaire et secondaire, a ici
une grande, une lourde tâche à remplir. Nous avons apporté à ceux-

là mêmes qui jadis avaient été confinés dans les murs d'Oran par

l'insécurité etla guerre, cet inestimable bienfait qu'a été « la paix


française ». Nous nous devons d'ajouter à la généreuse hospitalité,
dont ils ont si largement heureusement profité, le don de
et si notre

Culture et de notre Civilisation.


LIVRE rv

L'AMÉNAGEMENT DU SITE
CHAPITRE I

LA CONSTRUCTION DE LA VILLE

LA PERIODE MILITAIRE (1831-1848)

Les circonstances qui ont amené notre installation à Oran, en

1831 \ différaient sensiblement de celles qui avaient déterminé l'ex


pédition et l'occupation d'Alger. A peine maîtres de la Capitale de
la Régence, nous avions été appelés par le vieux Bey Hassan, pris

entre les tribus qui bloquaient la ville et les habitants effrayés qui

l'avaient forcé à rester dans ses murs. C'est à peu près sans coup
férir que Damrémont avait pu faire son entrée le 4 janvier 1831
et installer le Khalifa du prince tunisien Ahmed désigné comme

Bey sous la suzeraineté de la France. Cet intérimaire fut aussi heu


reux que le pauvre Hassan de faire la remise de ses pouvoirs entre

les mains du Général de Faudoas, le 17 août de la même année.

1. Pour l'histoire des événements militaires de cette période, nous renvoyons

le lecteur au meilleur guide, les Annales Algériennes de Pellissier de Reynand,


3 vol., Paris-Alger, oct. 1854. Il faut citer également Les Français à Oran depuis
1830 jusqu'à nos jours par le Commandant I. Derrien. Première partie : Oran mili
taire de 1830 à 1848, la seule parue. Aix, 1886. L'auteur, qui déclare lui-même
avoir voulu seulement rassembler des l'histoire future d'Oran,
matériaux pour

a consulté et utilisé notamment les Archives départementales ; il a fourni des

renseignements précis sur l'œuvre municipale et la vie urbaine que nous avons

mis à profit.
138 L'AMENAGEMENT DU SITE

Nous héritions ainsi de l'ancienne forteresse des Espagnols, de


tout ce qui restait de leurs constructions, et nous allions nous y
trouver, au moins pendant quelques années, dans une situation sin

gulièrement analogue à celle qu'ils avaient connue durant plus de


deux siècles et demi. On peut dire, en effet, que, jusqu'en février

1834, date de la conclusion, le 26, du traité Desmichels avec Abd


el Kader, l'insécurité la plus complète interdit toute relation suivie

avec l'intérieur. Le chemin de Mers-el-Kebir, le plus utile dans le

présent, celui de la ville au port, était infesté par les rôdeurs ; les
attaques des cavaliers arabes poussées jusqu'aux remparts obli

geaient la garnison à des sorties fréquentes ; le troupeau de l'Admi


nistration militaire devait paître sous le canon de la place K Lorsque
le Général Desmichels, pour se donner un peu d'air, exécuta, le 8
mai 1933, contre la tribu des Gharabas une razzia punitive et pré

ventive, le bétail ramené par la colonne « servit à l'approvision


nement d'Oran qui, depuis deux mois, manquait presque entiè
rement de viande fraîche 2 ». Il fallut construire des blockhaus en
avant des murs 3, travail qui s'effectuait sous la protection de la
garnison et au milieu de la fusillade et des escarmouches. Le traité
du 26 février assurait du moins le ravitaillement régulier de la
ville d'Oran dont les abords étaient dégagés. Ce n'est d'ailleurs
qu'en juin 1835 4 que les Douairs et les Zmélas se plaçaient défini
tivement sous notre souveraineté, et encore plus sous notre pro

tection, malgré les intrigues des Ju^s Durand, intermédiaires lou


ches entre nous et Abd el Kader, dont le commerce avec les Euro

péens allait se trouver atteint dans ses aspirations au monopole. La


rupture avec l'Emir et la défaite de La Macta (28 juin) compro-

1. Pellissier de Reynaud, o. c. I, p. 265-266.


2. Idem, p. 348, et Derrien, o. c, p. 43. «Depuis plus de 40 jours, la troupe
n'avait qu'un quart de ration de viande fraîche ».

3. Indépendamment de la de
mosquée Karguentah, organisée défensivement,
le premier de ces blockhaus exécuté par le Génie, en plein combat, fut celui
« d'Orléans », au Sud-Est de la ville, à la la de Dar-Beïda.
cote 123, sur route

4. Pellissier de Reynaud, o. c. I, p. 458.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 139

mirent de nouveau, sinon la sécurité d'Oran, du moins ses relations

avec l'arrière-pays.
Maîtres de la de la Mléta, les Gharabas attaquaient les
plaine

détachements de la garnison envoyés à la corvée de bois1 ou enle


vaient le troupeau de l'Administration. Les tribus soumises re

fluaient entre la ligne des blockhaus et celle des remparts de la


ville, où régnait l'inquiétude et où la viande manquait. Sur la route

du Camp du Figuier (La Sénia), les convois sans escorte n'étaient

pas en sécurité. On devait sans cesse recourir aux sorties et aux

razzias 2. Le traité de la Tafna, du 30 mai 1837, n'améliora pas la


situation. En 1839 et en 1840, les alertes furent fréquentes, on se

battit près de Misserghin, à Brédéah, près de Dar Beida, entre

Mers-el-Kebir et Bou-Sfer. Ce n'est guère qu'avec la venue de

Lamoricière, nommé au commandement de la Division d'Oran, et

grâce à son activité inlassable, que la ville et la garnison retrou

vèrent l'abondance du ravitaillement, et que la sécurité fut assurée

au moins dans les environs immédiats de la place. Les opérations

dirigées par Bugeaud, en éloignant de plus en plus Abd el Kader


de Tlemcen et de Mascara, devaient consolider et parachever cette

œuvre. Oran cessa alors seulement d'être bloqué : l'occupation


étendue poursuivie de 1841 à 1848, la pacification et la soumission
définitive des tribus en faisaient la capitale de l'Ouest, lui don

naient une signification nouvelle et lui ouvraient des destinées


auxquelles la pauvre ville des Espagnols n'avait jamais pu aspirer.

On ne peut négliger ces faits, si l'on veut se faire une idée


exacte des conditions dans lesquelles est né l'Oran des Français
et des difficultés qui pouvaient retarder sa croissance. D'autres
circonstances méritent aussi d'être prises en considération : nous

voulons parler de l'administration de la ville, des entraves qui la


paralysèrent et de la pauvreté des ressources dont elle disposa. Il

fallut attendre l'ordonnance royale du 28 septembre 1847 pour

trouver en Algérie les premiers éléments d'une véritable organisa-

1. Idem, II, p. 64-65.


2. Par exemple celle exécutée par le général Perrégaux, le 25 février 1836.
140 L'AMENAGEMENT DU SITE

1"
tion municipale ; c'est en vertu de l'article qu'une seconde or

donnance érigeait Oran en commune, le 31 janvier 1848. Jusqu'à


cette date, on ne trouve que des embryons de municipalités. Le
14 septembre 1831, Berthezène avait créé à Oran, comme à Alger,
un Commissaire du Roi », qui était en même temps
« commissaire

de police1. Ses attributions étaient mal définies, il était assisté d'un


conseil composé exclusivement d'Israélites et de Musulmans. Ses
rapports avec le Sous-Intendant civil 2 furent une série de conflits 3.
Il fut réduit en définitive au rôle d'officier de l'état civil et de
commis du Sous-Intendant, sans aucune gestion de budget, les dé
penses étant confondues avec celles de l'Etat.

En 1834, on organisa une Municipalité, avec un Maire, trois


adjoints : un Français, un Musulman, un Israélite, neuf conseillers

dont cinq Français 4 ; mais si la Ville voyait fixer ses recettes spé
ciales, l'Administration restait dans la réalité au Sous-Intendant
civil, maître des dépenses. Ce régime ne subsista pas longtemps ;
un arrêté du 2 août 1836 réduisit de nouveau les attributions du
Maire à celles d'officier de l'état civil ; les autres passèrent à l'Ad
ministration provinciale. Les Conseils Municipaux tombèrent dans
l'inaction et l'impuissance complètes, les dépenses et les recettes
furent fondues dans le budget colonial, la commune cessa réel
lement d'exister. Cette centralisation fâcheuse rendait particuliè
rement difficile la connaissance des besoins de la
Ville, retardait
l'heure de les satisfaire et se traduisît généralement par l'insuffi
sance des crédits.

On s'explique ainsi que l'Armée ait joué un rôle prépondérant

1. Le premier fut M. Pujol à qui l'on doit le premier essai de recensement

de la population civile fait le 4 février 1832. Il démissionna en mars 1833.


2. Institué en vertu des ordonnances du 1" et 6 décembre 1831. Celle du
12 mai 1832 plaça le pouvoir civil sous les ordres du Ministre de la Guerre.
3. Derrien, o. c, p. 37.
4. Par un arrêté ministériel du 1"
(voir Pas-
septembre Derrien, p. 68-69) M.
,

chal Lesseps, successeur de M. Pujol, reçut le 6 juillet 1835 le titre de Maire


qu'il conserva avec la fonction jusqu'en 1848 (p. 49).
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 141

dans ces premières années de notre établissement à Oran, et que


les travaux exécutés par elle, en vue de la défense ou de l'instal
lation de ses services, occupent la première place dans l'histoire
de la ville. Elle pouvait se faire la part belle sur le site d'une cité

à moitié ruinée ; elle n'y a pas manqué, et son emprise, dont il serait
difficile de contester l'utilité à l'époque où elle a été opérée, devait

avoir des conséquences graves pour l'aménagement futur de la cité

moderne.

« La ville était dans un tel état de dévastation qu'il fallut adopter

un système de démolition pour édifier de nouveau. » Ainsi s'exprime

l'auteur de la « Notice sur les points occupés » dans le Tableau de


la situation des Etablissements français dans l'Afrique du Nord,
publiée en 1838 *. Rozet, qui l'a vue en 1832, confirme le fait 2. Les
Turcs, après 1792, avaient démoli ce qui restait de maisons espa

gnoles pour les remplacer par des maisons construites en pisé à la


mauresque.

On pouvait distinguer trois quartiers 3 : La « Blanca », l'ancienne


villeespagnole, élevée sur les pentes et la terrasse dominant la rive
gauche du ravin, la « Marine » qui, à ses pieds et en dehors de l'en

ceinte, groupait avant tout des bâtiments et des magasins militaires,


et sur la rive droite, le bord du plateau, la « ville nouvelle »
sur

construite, après le tremblement de terre et sous la domination tur


que, pour l'établissement des Juifs4. Ce dernier quartier était en

fait un véritable faubourg séparé de la Blanca, avec laquelle il com


muniquait par deux rampes et deux ponts : d'une part, le chemin

1. Tableau de la situation des Etablissements français dans l'Afrique du Nord


en 1837-1838, p. 55, où se trouve une description de la ville.

2. Voir plus haut, p. 96.

3. Voir A. Pestemaldjoglou. Ce qui subsiste de l'Oran espagnol. Revue Afri


3e 4e 2e
caine, et trimestre 1936, étude bien documentée présentée au Congrès de
la Fédération des Sociétés Savantes de l'Afrique du Nord.

4. C'est sans doute à ce quartier que fait allusion la Notice quand elle parle

d'Oran comme d'une ville bien percée ; on ne le comprendrait pas autrement.


142 L'AMENAGEMENT DU SITE

ombragé de trembles et de peupliers x qui enjambait l'Oued sur un

pont de pierre bien bâti par les Espagnols en avant de la porte de

Canastel, d'autre part un sentier tortueux, beaucoup plus raide

conduisant à un ponceau, ouvrage plus modeste, proche de la porte

de Tlemcen, dont on peut voir encore les traces dans le mur au pied

duquel disparaît le ruisseau du ravin.

Il suffit de comparer le premier plan de la ville levé en 1832 par

l'ingénieur Pézerat 2 avec un plan de la ville plus ancien


espagnole,
de près d'un siècle3, pour se rendre compte que, dans les limites de
l'enceinte, et par conséquent sur la rive gauche du ravin, il n'y. avait

eu guère de changements dans le tracé de la voirie, dont les lignes


ont d'ailleurs subsisté jusqu'à nos jours4. On reconnaît facilement
sur ces deux documents la rue du Vieux Château (rue de la Carrera
des Espagnols), la rue de la Moskowa (rue de la Amargura ou de
« l'Amertume »), la rue de Dresde (rue Saint-Jayme) , la rue de la

Merced, et beaucoup d'autres aussi faciles à identifier 5. Le centre

de la Blanca est resté la place de l'Hôpital, qui fut la « Plaza prin-

1. Voir plus haut, p. 74 et 97. Ces arbres ont été abattus en 1868, parce

qu'ils gênaient la circulation (Derrien, o. c, p. 26 et note 5).


2. Ce plan intitulé « Plan de la Ville d'Oran —
1832 —
dressé par M. Pezerat »

nous a été obligeamment communiqué par M. Fonteneau, sous- directeur des

ment intéressant à consulter, ne fût-ce que pbur la raison indiquée dans le texte
ci-dessus. Les voies existantes sont très faciles à reconnaître et à identifier avec
celles du plan espagnol.

3. Nous donnons ici une reproduction de ce plan mentionné comme datant


de l'une des années qui ont suivi le retour des Espagnols (1732-1738 sans doute).
Nous avons noté par des chiffres renvoyant à la légende les rues qui figurent
aussi sur le plan Pézerat et dont les noms seuls furent au début modifiés. Les
détails de la fortification —
pour la Blanca seule —
sont susceptibles d'intéresser
ceux qui recherchent des précisions sur cet objet particulier. On consultera à cet

effet la légende spéciale où nous les avons reproduits plus lisiblement.


4. Voir Fey. Histoire d'Oran, o. c, p. 176.
5. Rues
Sediman, de Rivoli, de Médine, de Moscou, de Lisbonne, Honscoot,
du Tagliamento, de Berlin, de Ponteba, Desaix, du Raab, Alkmaer, de Bassano,
de Montebello, rampe de Madrid.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 143

cipale », la Place d'Armes des anciens maîtres *. Seule, l'extrémité


Nord de la ville, où se trouvaient la majorité des églises et des cou

vents, l'ancienne demeure du Comte de Montémar et le Colisée, forte


ment atteinte par le tremblement de terre, et aussi par les destruc
tions systématiques des Turcs après 1792, était la moins reconnais-

sable.

Dans le faubourg de la Marine, l'artère principale, en 1832, sui


vait en partie le tracé de la future rue d'Orléans, s'élargissait pour

former ce qui devint la Place d'Orléans et celle de Nemours 2. Une


épaisse muraille, véritable mur de soutènement, fermait la Place du
côté du Nord et surplombait ce faubourg qui n'avait de communica

tions avec la ville que par la rampe plus ou moins raide remontant

la rive gauche du ravin, au-dessus des moulins, pour aboutir à la


porte dite « Bab Amara » 3.

Sur la rive droite de l'Oued, de la porte de Canastel à celle de


Tlemcen, des jardins en terrasses et quelques rares habitations s'éta-

geaient jusqu'au bord du plateau ; plus au Nord, de chaque côté du


chemin de Canastel et d'Alger —
la future rue Philippe —
un petit

quartier était en voie de formation autour de la mosquée du Pacha,


avec des cafés maures et des boutiques 4. Le débouché en était une

placede marché, qui devint après notre occupation, la nouvelle Place


d'Armes ou Place Napoléon, en arrière de la porte d'Alger. Quant
au quartier juif, ses rues étaient déjà tracées, comme elles le sont à

1. L'emplacement de la Place Kléber était en avant de l'enceinte espagnole,


devant le pont de Canastel. On reconnaît sur le plan du 18e siècle la petite
place « aux Herbes », simple élargissement en carrefour de la rue de Ponteba.
La « Plaza de la Yglesia Major » disparut en partie sous les ruines accumulées

dans ce coin de la ville.

2. On retrouve aussi sur le plan de 1832 le tracé de quelques rues secondaires

rues actuelles de Lodi, de Joinville, de l'Atlas, de Pologne, de la Marine, de la


Douane.
3. Derrien, o. c, p. 27. Cette porte est indiquée par le croquis de l'auteur
d'une manière peu précise qui laisse des doutes sur sa localisation dans «l'en

ceinte de la ville espagnole ».

4. Voir plus haut, p. 97.


144 L'AMENAGEMENT DU SITE

peu près restées, de part et d'autre de deux voies qui devinrent la


rue Napoléon (rue de la Révolution actuelle) et la rue d'Austerlitz \

Telle était la ville qui nous avait été léguée. « De tous les points

occupés par les Français en Afrique, Oran est celui où les travaux
d'installation définitive et permanente des divers services militaires

sont le plus avancés. La raison en est bien simple. Oran n'était point,
comme les autres places de l'Algérie, une ville toute africaine ; les
Espagnols y avaient entrepris et terminé beaucoup de constructions

importantes, appropriées aux besoins et aux habitudes des Euro


péens et qu'il a été possible, sans grandes dépenses, de remettre en

bon état 2. » On devine facilement qu'il s'agit dans ce texte emprunté

à la notice officielle de 1838, des fortifications, des casernes et des


bâtiments divers où l'armée française trouva un gîte préparé par
ses devanciers. La suite l'indique d'ailleurs clairement. « Le Château
Neuf nous a offert un établissement bien supérieur à tout ce que

présentaient Alger et Bône. Les casernes du Fort Saint-André, vers


le haut de la place, et les magasins Sainte-Marie, dans la ville basse,
sont des bâtiments remarquables par la solidité et même la beauté
de leur architecture3. »

Au prix de quelques travaux du Génie, qui n'eut pas de peine à


trouver des matériaux parmi les ruines et dans les carrières voisines

I
1. Rues de
Naples, de Fleurus, de Milan, de Ratisbonne, de Zurich, de Wa-
gram, de Suez, de Leoben. Toutes ces dénominations, comme beaucoup d'autres
de la vieille ville, évoquaient les souvenirs encore vivants chez les militaires
des guerres de la Révolution et de l'Empire.

2. Tableau de la situation, o. c, p. 59. L'auteur de la notice ajoute deux autres

raisons plus contestables ; il écrivait d'ailleurs en 1837, antérieurement aux pre


mières tentatives de colonisation et au déclanchement des opérations décisives
contre Abd el Kader. Le terrain avoisinant la place «aride et nu» n'offrait,
selon lui, « qu'un
champ borné aux exploitations agricoles »
; aussi « les efforts
et les dépenses se trouvaient concentrés dans l'intérieur de la place ». En second

lieu, Oran ne fut que « momentanément et par intervalles un centre d'action,


tandis qu'Alger ne cessait point de jouer ce rôle. »

3. Voir plus haut, p. 73 et 84.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 145

du Fort Saint-André 1, les troupes purent être facilement logées dès


le Château Neuf2 et dans les la
début, au ouvrages occupés pour

défense, aux Forts Saint-Philippe et Saint-André, dans les tours


même qui gardaient l'accès du ravin de Ras-el-Aïn, au Fort Saint-

Grégoire, à Santa-Cruz. La vieille Casbah fut partiellement relevée

de ruines, de 1833 à 1835 3. Un arsenal et des ateliers de l'Ar


ses

tillerie furent élevés dans le quartier de la Marine, les magasins


espagnols de Sainte-Marie furent aménagés en manutention dotée
d'un moulin 4 ; on installa tout à côté, en 1838, un magasin à four
rages. Hors de la Place, on créa autour de la mosquée de Karguentah
tout un quartier militaire destiné à la Cavalerie et à l'Artillerie 5.
L'un des travaux dont le Génie était le plus fier fut la construction

d'un hôpital militaire dit « de la Mosquée » 6, qui devait être d'ail


leurs éclipsé quelques années après par le grand hôpital actuel édifié
sur les ruines du Colisée et des anciens couvents aspagnols 7.

1. Les carrières, depuis longtemps exploitées, étaient celles « d'Astorfe » (Fey,


o. c, p. 186), à l'Est de la muraille extérieure qui reliait le Château Neuf au
Fort Saint-Philippe, en face de la porte appelée par les Maures « Bab Djiara »,
par les Espagnols « Rasserio de la Cantera », et par nous successivement Porte
des Carrières Porte Saint- André 27-28).
et (Derrien, o. c, p.

2. On y aménagea une caserne pour 600 hommes, un hôpital de 200 lits et

un pavillon pour les officiers.

3. On y restaura des casernements pour 500 hommes d'infanterie, pour les


Cle
pionniers du Génie, pour la de discipline, on reconstruisit un pavillon pour

les officiers (Derrien, o. c, p. 74-75).


4. Ce moulin pouvait moudre en 24 heures 88 hectolitres de grains.

5. En avril 1834, on y avait déjà installé 400 hommes et 114 chevaux ; en

1835 on entreprit de nouvelles constructions pour 300 hommes et 280 chevaux.


2e
Oran venait d'être choisi comme garnison du régiment de Chasseurs d'Afrique
(Derrien, o. c, p. 74).
6. La notice du Tableau de 1838 déjà cité le mentionne comme un des
«beaux établissements d'Oran », qui contraste avec les autres d'Algérie. Ce juge
Sidi-el-
ment, trop flatteur pour les bâtisses qui enveloppèrent la mosquée de
Haouwâri et qui furent agrandies en 1842 (Derrien, o. c, p. 161) est injuste pour

l'hôpital installé à Alger dans les jardins du Dey. Il ne faut pas confondre

d'ailleurs cet hôpital dit « Hôpital de la Mosquée » avec le grand hôpital mili

taire actuel, dont les fondations furent établies en 1844.


7. Derrien, o. c, p. 183.
146 L'AMENAGEMENT DU SITE

Malgré tous ces aménagements, toutes ces restaurations, toutes


ces créations, il avait fallu, en attendant leur achèvement et en raison

de l'effectif important de la garnison, loger une partie des troupes


et des services dans des maisons domaniales et dans les mosquées.

Ces dernières ne furent pas plus respectées qu'elles ne l'avaient été


à Alger. On cantonna un bataillon dans la grande mosquée du Pacha
et ses dépendances 1 elle ne fut rendue au culte musulman qu'en
;
1835. Celle de Sidi el Haouwâri servit provisoirement d'hôpital, en

attendant d'être transformée en magasin de campement2. Celle de


Bab Djiara, après avoir abrité le magasin d'habillement, fut convertie

en église3. Le Cotisée, ce qui du moins, fut aménagé en


en restait

caserne. Une partie des troupes montées occupait des bâtiments à


moitié ruinés et d'anciens fondouks, en attendant l'achèvement du
quartier de Karguentah. Jusqu'en 1839, les particuliers eurent à
leur charge une part importante des logements militaires, ce qui ne

manqua pas de soulever les réclamations des propriétaires, dont les


spéculations se trouvaient entravées. Cet état de choses se prolongea
jusqu'en 1840 4.
Il ne restait que de bien médiocres disponibilités pour les services

civils, qui se plaignaient d'avoir été confinés dans de pauvres masures

plus ou moins réparées ou dans des immeubles loués, dont les baux
constituèrent d'ailleurs une charge de plus en plus lourde 5. La Mai-

1.
'
Idem, p. 29.
2. Idem, p. 167. On commença de nouvelles constructions à cet effet en 1843.
3. Ce fut l'église Saint-André, consacrée par Mgr Dupuch le 25 décembre 1844
(Derrien, p. 181).
4. Dans les premières années, les généraux commandant la subdivision furent
logée dans un immeuble domanial de la rue de Bassano ; en 1843, on expropria

pour les y installer un immeuble de la rue de Wagram (Derrien, p. 31 et 167).


Le Général de Division demeurait au Château Neuf. Lamoricière, dès 1840, fit
évacuer par les troupes les masures qu'elles occupaient encore dans la vieille

ville. Le 21 janvier 1835, le Conseil Municipal formulait un vœu pour la sup


pression des logements militaires chez l'habitant.
5. On loué rue de Vienne, rue du Rempart, rue de Bassano, rue
en avait ainsi

de Lodi,du Vieux Château. La valeur immobilière s'accrut considérablement


rue

à Oran comme à Alger, et les baux en proportion. La Direction de l'Intérieur


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 147

rie était installée au premier étage d'une caserne de gendarmerie

improvisée par les Ponts et Chaussées, au bas de la rue Philippe,


sur l'emplacement d'une mosquée et pourvue d'une façade des plus

modestes 1. Le Tribunal occupait une maison de la rue de Bassano,


la Prison civile un ancien bain maure de la rue de Gênes. Ce n'est

qu'en 1843 que l'on organisa pour la première fois à Oran un service

spécial de la Voirie et des Bâtiments civils. L'un de ses premiers

soins devait être de doter le Sous-Directeur de l'Intérieur et ses

bureaux d'un logement plus convenable que le pauvre local où avait

été installé, dans la rue Philippe, le Sous-Intendant civil. Mais, en

attendant l'achèvement des démolitions nécessaires de maisons mau

resques et leur remplacement par des constructions neuves, qui de


vaient avoir une façade sur le boulevard Oudinot, le malheureux

fonctionnaire, Mercier-Lacombe, arrivé en 1845, devait se passer de


salle à manger et de salon ; il en était réduit à coucher dans son

bureau et à manger dans une pièce sans plafond, où la cuisine était


faite dans un trou. Les crédits manquaient, paraît-il ; il dut supplier

la Haute Administration de lui louer un immeuble, pour lui per

mettre de passer l'hiver à l'abri des intempéries 2. On comprend,


d'après ce seul détail, que la notice du Tableau de la situation en
1843-1844, parle de « l'insuffisance des crédits » et laisse échapper
cet aveu que la plupart des Services publics « ne sont installés que

provisoirement 3. »

Si l'on tient compte de la modicité des ressources budgétaires


dont on disposait4, on est plutôt amené à juger favorablement les

en arrivait à recommander l'achat d'immeubles moyennant des rentes de 10 %,


combinaison peu avantageuse assurément, surtout pour des maisons qui exi

geaient des réparations continuelles. Voir Arch. dép. le dossier des Baux à loyer,
série B1.
1. Derrien, o. c, p. 74-76.
2. Derrien, o. c, p. 200.
3. Tableau de la situation, o. c, 1843-1844, p. 178.
4. Quelques à l'établir. En 1835, le budget des dépenses
chiffres suffisent

municipales était de 94.987 francs, dont 9.640 pour l'empierrement, l'arrosage et


le balayage de la voirie (Derrien, p. 79) En 1836, il monte à 132.360 ; parmi les
.
148 L'AMENAGEMENT DU SITE

efforts accomplis et les résultats obtenus par le Service des Ponts


et Chaussées i pour le réaménagement d'une ville où presque tout
était à refaire ou à créer 2. On ne trouve sans doute aucune trace
d'un d'ensemble de nivellement, d'alignement et d'ouverture
plan

de nouvelles voies. Il apparaît bien que l'on travaille sous la pression


des besoins divers, au fur et à mesure qu'ils se révèlent, et selon

l'importance des crédits. Mais on travaille beaucoup —


et économi
quement —
grâce à l'emploi de la main-d'œuvre militaire que Lamo
ricière, notamment, mit largement à la disposition des Ponts et

Chaussées dans les intervalles des expéditions3.

Aussi cette période de l'histoire d'Oran français qui va de 1832


à 1848 n'a pas été seulement la période de restauration urbaine et

de réinstallation d'une population civile, mais elle est marquée par

quelques travaux neufs fort utiles et fort judicieux, étant donné la


topographie de la ville, qui devaient modifier sensiblement la phy

sionomie du vieil Oran.


Deux graves questions, dont nous reparlerons plus loin, absor

bèrent certainement une bonne part, sinon la principale, des res

sources financières : celle de l'alimentation en eau, qui exigeait une

réfection à peu près complète des canalisations et celle des égouts,


que les ravages du choléra de 1834 mirent à l'ordre du jour. En ce

qui la voirie, en dehors de quelques améliorations indis


concerne

pensables, telles que la rectification %t le nivellement de certaines


rues et de certaines
places4, leur élargissement par la démolition

dépenses extraordinaires, on note 3.000 francs pour le pavage de la rue Philippe

Idem, 105). En 1844, on ne pouvait affecter que 130.000 francs aux travaux du
p.

futur boulevard Malakoff (p. 181) et 95.000 à ceux de la rue des Jardins. La rue
de Turin coûta 16.999 francs (p. 182).
1. Il fut créé dès le début, en avril 1832 (Derrien, p. 40). Le premier titulaire
de la Direction fut M. Pézerat, ingénieur civil, assisté d'un agent-voyer.
2. Tableau de la situation, o. c, 1843-1844, p. 177.
3. Idem, p. 178.
4. Tableau de la situation, o. c, 1841, p. 119; idem, 1842-1843, p. 125. On a

empierré à cette date les rues Philippe, Napoléon, d'Orléans, de la Marine. Idem,
1843-1844, p. 17).
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 149

d'immeubles généralement abandonnés et le déblaiement des nom

breuses ruines, le pavage et le dallage des voies les plus fréquentées,


comme la rue Philippe par exemple, l'empierrement de quelques

rampes et de chemins inclus dans l'enceinte, on se préoccupa surtout

de faciliter les communications entre les trois parties de la ville, la


Marine, la Blanca etla Ville Nouvelle, que l'on dénommait aussi
la « Ville Haute ». Les particuliers surent profiter de l'ouverture de
ces voies pour les border de constructions, et c'est ainsi que se fit
la première poussée de croissance de l'Oran français.

Le boulevard extérieur, qui longeait à droite les jardins arrosés


par l'Oued Er Rehi et à gauche l'ancien mur d'enceinte espagnol de
la Blanca, fut nivelé et empierré1
pour devenir le boulevard Ou
dinot, qui mettait en communication la porte de Canastel et la Place
Kléber dégagée, avec la porte de Tlemcen et le ravin de Ras-el-Aïn.
Les accidents du terrain et la mobilité des matériaux du sol obli

gèrent d'établir des murs de soutènement en plusieurs points de cette

voie, et d'autres, telles que la rue d'Orléans 2, ou le chemin de piétons


qui rehait le quartier haut (quartier israélite) aux deux autres. On
dut aussi reconstruire en les élargissant les ponts qui enjambaient

l'Oued 3. Pour désencombrer les rues de plus en plus fréquentées de


la Marine, et en premier lieu celle d'Orléans, on ouvrit la rue de
l'Arsenal4 et celle de Turin5. La première devait faire commu-

1. Idem, 1843-1844, p. 177 et Derrien, p. 182. C'est seulement en 1844 que l'on

acheva le nivellement de ce boulevard, ainsi que de la Place d'Armes, de la rue


de Vienne élargie, des places du Marché aux grains et du Marché aux légumes
qui se trouvait sur la place Oudinot.
2. Derrien, p. 182. Ces murs de soutènement étaient imposés par la topo
graphie et par les glissements de terres fréquents. On dut soutenir ainsi la rampe

de Madrid, la rue de Turin (p. 194). En avril 1842, des pluies diluviennes pro
voquèrent l'écroulement du mur de soutènement de la rue d'Orléans et de quel

ques masures espagnoles (Idem, p. 156).


3. Tableau de la situation, o. c, 1843-1844, p. 178. Le pont principal avait été
endommagé par une crue subite de l'oued.
4. En 1844 (Tab. de la sit., 1843-1844, p. 178). Elle fut ouverte à la fin de
cette année sur une longueur de 500 mètres.

5. Idem (Derrien, o. c, p. 181).


150 L'AMENAGEMENT DU SITE

niquer par un tunnel l ce quartier avec la Blanca, tandis que l'autre


doublait la rue Philippe, se prêtait plus facilement au roulage et

encourageait la construction sur des terrains jusqu'alors inutilisés.


Ces travaux, exécutés ou en voie d'exécution entre 1832 et 1844,
furent complétés dans la suite par l'aménagement des deux voies

nouvelles, dont l'une devint l'artère la mieux percée du vieil Oran :

le boulevard de Ras-el-Aïn, futur boulevard Malakoff et la rue des


Jardins. La première de ces créations fut réalisée, sous l'inspiration
et la direction de l'ingénieur Aucour, par le comblement du ravin
de Ras-el-Aïn à l'intérieur des murs 2. Le grand égout installé au
fond fut recouvert de manière à former un boulevard de 30 mètres

entre les trottoirs ; l'ouverture de cetteartère, de proportions consi


dérables pour l'époque, amena la suppression d'un certain nombre

de jardins 3, d'autant qu'une autre percée, accessible au charroi, fut


entreprise la même année, en 1844, pour relier la Place Napoléon
à la porte de Ras-el-Aïn ou « du Ravin Vert » ; ce devait être la
rue des Jardins4. Bien d'autres travaux se poursuivaient pendant

ce temps ; les trois années 1844-1847 furent particulièrement fécon


des à cet égard. C'est qu'une impulsion intelligente et vigoureuse

avait été donnée, dès son arrivée en 1840, par cet entraîneur —
on

dirait aujourd'hui cet « animateur » —


de premier ordre que fut
le Commandant de la Division d'Oran, Lamoricière. Son nom mérita

de rester longtemps populaire dans la population de la ville ; il trouva


des collaborateurs dignes de lui en "a personne des Sous-Directeurs
de l'Intérieur de Soubeyran, Bertier de Sauvigny, Mercier-Lacombe
et de l'ingénieur Aucour. Les urbanistes peuvent applaudir aux

paroles que prononçait, en 1847, cet illustre général devant les chefs

1. Les travaux de ce tunnel commencèrent 1845 ils


en (idem, p. 194) ; mais
furent viteinterrompus, faute d'argent.
2. Derrien, o. c, p. 181. On entreprit le comblement en 1844.
3. On comptait en 1836 (Derrien, p. 108) seize jardins intra dont le
muros,
nombre avait été réduit à douze en 1844. Il y eut des protestations contre la
disparition de ces jardins que l'on considérait comme un sacrifice et un désastre
même, à cause des potagers qu'ils renfermaient (idem, p. 196).
4. Derrien, p. 181.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 151

de service réunis : « En vous occupant des ouvrages utiles, ne né

gligez pas ceux qui peuvent donner de l'agrément à votre ville. Des
esprits qui ont la prétention de se croire pratiques exaltent seu

lement la question d'intérêt matériel ; vous ne partagerez pas leur


erreur, vous penserez comme moi que les travaux d'agrément sont

ceux qui attirent et retiennent la population dans les villes. Quand


ces conditions manquent, on voit bientôt les cités languir et devenir
désertes 1. »

On avait déjà travaillé dans ce sens. En 1836, le Général De

Létang convertit, en effet, les glacis Nord et Ouest du Château Neuf


en une promenade où la troupe fit des plantations fortement accrues

dans la suite. Le Conseil Municipal décida, le 21 janvier 1837 2, de


lui donner son nom, qui lui est resté ; elle constitue aujourd'hui le
plus beau des balcons, d'où la vue embrasse tout le site de la baie,
du port, de la montagne et de la vieille ville. On garnit aussi d'arbres
les places et les boulevards nouvellement ouverts 3.

Cependant, la ville n'avait cessé de pousser sur les ruines accu

mulées par le tremblement de terre de 1790. A la fin de 1839, on


comptait 87 maisons neuves, dont 23 dans le quartier de la Marine,
17 dans la Blanca et 47 dans la Haute Ville, représentant au total
un capital de 894.000 francs environ 4. L'ouverture de nouvelles voies

avait suscité l'émulation des propriétaires ; après avoir garni une

partie des emplacements libres entre le Château Neuf et le quartier

juif, ils s'étaient portés vers la rue Philippe, la rue de Turin, la rue

d'Orléans et celle de la Marine. En 1843 5, on notait une progression

1. Cité par Derrien, o. c, p. 200.


2. Idem, p. 114.
3. Idem, p. 123 et p. 137 et Tab. de la ait, 1843-44, p. 374.
4. Tableau de la situation, o. c, 1839, p. 90. La notice ajoute : « Les particu

liers ont trouvé de grandes ressources dans ce qui restait du long séjour des
Espagnols ».

5. En 1842, les capitaux engagés dans la construction privée ne furent que de


330.000 francs, chiffre insignifiant si on le compare à celui d'Alger à la même

époque (3.047.650 francs) (Tab. de la sit., 1842-43, p. 135). En 1841 (idem. 1841)
ils n'avaient atteint que 200.850 francs pour 18 maisons. Voir pour 1843, Derrien,
152 L'AMENAGEMENT DU SITE

sensible de la construction, avec 93 immeubles neufs, soit environ

985.000 francs. L'ouverture de la rue de l'Arsenal \ en 1844, en avait

fait sortir de terre une trentaine. L'importance prise par Oran, comme

centre de ravitaillement de l'Armée, le ralentissement de l'immi


gration survenu dans la province d'Alger au profit de celle de l'Ouest,
les débuts de la colonisation aux environs de la ville 2 déterminaient
avec l'afflux de nouveaux habitants une poussée du moyen et du
petit commerce qui stimulait l'industrie du bâtiment. A la fin de
1844, on recensait 80 maisons neuves, dont 44 dans la Haute
Ville,
15 dans la Blanca, et 21 dans la Marine 3. En 1846, on estimait que
depuis 1833, c'est-à-dire en somme depuis notre occupation, il s'était
élevé à Oran plus de 400 maisons 4, et déjà la cité reconstruite et

agrandie se trouvait à l'étroit. Les Services publics, aussi bien mili

taires que civils, Postes, Trésor, Intendance, Domaine, Justice, Police


fonctionnaient dans des locaux par trop exigus, minuscules parfois,
loués à des prix surfaits 5. Or, maintenant que la sécurité régnait
aux alentours d'Oran et que l'on ne risquait plus de voir des cava

liers arabes venir décharger leurs fusils sur les remparts, de ma


gnifiques espaces s'offraient à la construction sur le plateau de Kar-

p. 167 et le Tab. de la sit, 1843-44. On estimait que de 1836 à 1844, on avait


investi dans la construction environ 3 millions de francs. Ces chiffres, qui peu

vent nous paraître bien faibles, même en tenant compte de la valeur actuelle

correspondante, étaient assez considérables pour l'époque, surtout dans une colo

nie nouvelle. È
1. Derrien, o. c, p. 182.
2. Voir les Tableaux de la situation de 1842 à 1846. Indépendamment d'éta
blissements particuliers comme la ferme de M. Dandrieu qui, dès 1837, avait eu
le courage d'inaugurer cette exploitation agricole sous le feu de l'ennemi (Der

rien, p. 124 et 175) et de quelques autres autour de Dar Beida, les premiers

centres officiellement créés furent La Senia, l'emplacement d'un camp à


sur

6 kil. de la ville, inauguré en août 1844, puis Misserghin (arr. du 25 nov. 1844),
et Sidi Chami.
3. Derrien, o. c, p. 183.
4. Idem, 196. Bugeaud, lors de son voyage en juin, fut frappé du grand
p.

nombre des constructions élevées à Oran depuis son dernier passage et surtout
des progrès de la culture autour de la ville (p. 203).
5. Idem, p. 196.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 153

guentah. L'amphithéâtre surbaissé, dessiné par le versant Est du


Ravin Blanc, les hauteurs que jalonnaient du côté du Sud les mou
lins à vent1, et à l'Ouest les remparts, du Château Neuf à la porte

Saint-André, constituaient un site tout désigné pour l'extension de


la ville.

Celle-ci réclamait d'ailleurs, même après quinze années, bien des


améliorations nécessaires et de nombreux travaux d'édilité ; car elle

était certainement loin d'être confortable. Un témoignage contem

porain2
nous la décrit comme un assemblage de rues fort étroites,
peu nombreuses 3, « où il faut toujours grimper ou descendre à
pic » ; seuls les rampes et les boulevards nouvellement percés se

prêtaient aisément au charroi. L'éclairage de nuit était plus que

rudimentaire. En 1835, il n'y avait pour toute la ville que neuf ré

verbères à huile, dans les seules rues Philippe et Napoléon ; on

estimait qu'il en faudrait plus tard 53, espacés de 60 mètres, pour


les 3.600 mètres de rues4. En mars 1837, on considéra comme un

progrès notable d'avoir voté l'installation de 26 de ces lampions 5.


Si l'eau ne manquait pas, les fontaines étaient peu nombreuses ; mais

en revanche, dans la basse ville, leur trop-plein débordant sur des


chaussées mal empierrées, formait des cloaques malsains6.

Et cependant, on constatait à Oran vers 1846 une grande anima


tion, un air de gaieté dû certainement à la présence d'une garnison

nombreuse, et des indices d'une prospérité commerciale indéniable

qui avait amené notamment l'établissement de deux sociétés de cré-

1. Ces moulins furent construits à partir de 1841. De 1941 à 1844 on en éleva


3. (Tableau de la situation, 1843-44).
2. Ch. Marcotte de Quivières. Deux ans en Afrique, Paris, 1856, p. 165. L'au

teur, Inspecteur des Finances en mission, a vu Oran en 1846. Sa description ne

manque pas d'intérêt.


3. En 1834 on en dénombrait 27 dans la Haute ville, 24 dans la Blanca, 14
dans la Marine ; le nombre n'avait guère augmenté que de quelques unités.

4. Derrien, o. c, p. 79.
5. Idem, p. 115.
6. Derrien, o. c, p. 71-72.
154 L'AMENAGEMENT DU SITE

dit 1. Les statistiques de la population et celles du mouvement mari

time sont, à cet égard, les meilleurs témoignages. Or, de 1832 (4


février), date du premier recensement, à 1847 (31 décembre), le
nombre des habitants était passé de 3.856 à 22.458, le chiffre des

Européens de 730 à 15.191 2. Et dans le port, dont tout le trafic se


faisait par Mers-el-Kebir, alors qu'en 1837 on enregistrait 1.743
entrées et sorties de navires et un tonnage de jauge de 127.566 ton

neaux, en 1847 le mouvement avait été de 3.283 représentant 203.174


tonneaux3. Le 4 octobre 1844, une Chambre de Commerce était
instituée à Oran4.
Depuis la pacification de 1837, et surtout depuis l'arrivée de Lamo
ricière en 1840, la vie était devenue plus normale, et plus agréable

aussi, pour la population aussi bien civile que militaire. Le ravi

taillement était assuré par les produits de la culture et de l'élevage


des tribus, qui fournissaient aussi le charbon de bois, par les jardins
maraîchers et les vergers des ravins de Ras-el-Aïn et d'Aïn-Rouina 5,
par de Misserghin, par la pêche des marins italiens et espa
ceux

gnols 6, par les importations nombreuses de la Péninsule Ibérique 7.

1. Idem. La Caisse commerciale d'Oran fondée en février 1847 et la Caisse


agricole d'Oran créée en avril de la même année (p. 219).
2. Tableau de la situation, 1838 et 1846-47-48-49, publié en 1851.
3. Idem, 1838, p. 349.
4. Derrien, o. c, p. 170.
5. Ces derniers étaient déjà mentionjés par Rozet en 1833 (o. c, tome II,
p. 277). Sur ceux de Ras-el-Aïn, voir plus haut, p. 47 et 78. On essayait déjà

de faire des cultures maraîchères dans la plaine des Andalouses, où dès 1835,
Ismaïl Oul'd Kadi avait encouragé la tentative de deux colons français, Landsman
et Michel (Derrien, p. 88) ; mais les hostilités avec Abd el Kader ruinèrent l'en
treprise. On songeait en 1843 à la colonisation de cette riche plaine (Tab. de la
sit, 1843-44, p. 239).
6. A la fin de 1846, on comptait à Oran 185 bateaux de pêche montés par

661 homes, dont 129 Napolitains, 99 Espagnols, 91 Sardes. Un marché au poisson

fonctionnait sur la place Blanche (Tab. de la sit., 1846-49, p. 525 et 1843-44,


p. 374).
7. Elle tenait encore la tête dans le mouvement de la navigation. Derrière
elle venait l'Angleterre avec l'entrepôt de Gibraltar par où arrivait la houille
(Tab. de la sit., 1838, p. 55).
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 155

La suppression de l'octroi de terre en 1845 ! devait favoriser l'appro


visionnement abondant des marchés. On en comptait 2, huit en 1843
dont deux hors des murs pour les bestiaux, le bois et le charbon,
et les autres à l'intérieur, place de l'Hôpital, place Kléber, boulevard
d'Orléans, place Napoléon, place Blanche ; un marché couvert fut
édifié sur la place d'Orléans en 1846 3. L'abattoir, bien qu'agrandi et

amélioré 4, se révélait insuffisant ; on en construisit un neuf en 1845-

1846 à Karguentah 5. Sept moulins, dont trois à vent, avaient été


créés de 1836 à 1844 6.

A côté du nécessaire, l'agrément n'était pas oublié. Depuis que


la population se sentait en sûreté, depuis 1840, les fêtes, les récep

tions, les bals officiels, publics et privés se multipliaient 7 ; le car

naval avait fait son apparition à Oran. Les cafés —


et malheureu

sement les débits de boissons —


trouvaient une clientèle de plus en

plus nombreuse. La rue Philippe, la Place d'Armes et la rue Napo


léon les principaux, dont quelques-uns, en l'absence
rassemblaient

de théâtre, étaient cafés chantants8. En 1844, on installa un théâtre

1. Derrien, o. c, p. 189.
2. Tab. de la sit., 1843-44, p. 374, et Derrien, p. 124. Le marché aux bestiaux
se tenait en dehors de la porte du Marché ou grains, à la
d'Alger, celui aux

volaille, aux œufs, au beurre dans les fossés Est du Château Neuf. Une halle
aux grains fonctionnait sur le boulevard d'Orléans. Le charbon de bois était
apporté dans les fossés Ouest du Château Neuf et depuis 1839 aussi place de
l'Hôpital.
3. Tab. de la sit. 1844-45, p. 130. Ce dut être une construction légère, dont
il ne reste aucune trace.
4. Cet abattoir qui se trouvait à la Marine, près du débouché de l'oued, fut
en effet agrandi en 1842 (Derrien, o. c, p. 161).
5. Tableau de la situation, 1844-1845.
6. Idem, 1843-44 et Derrien, p. 167.
7. Marcotte de Quivières, o. c, p. 176-182. L'auteur fait le récit d'un bal chez

Lamoricière, suivi d'une tombola où parmi les lots figuraient un chacal, une

panthère et une hyène bel et bien vivants.

8. Derrien, o. c, donne des détails sur la vie à Oran en 1846. Les officiers
fréquentaient le Café de Paris, au premier étage d'une maison de la rue Phi
lippe ; les civils, les cafés du Commerce et de la Régence dans la même rue.
Des cafés abondants s'ouvrirent de 1839 à 1846 Place d'Armes, rue Napoléon, rue

Philippe (p. 124, 132, 197).


156 L'AMENAGEMENT DU SITE

« provisoire » Place Napoléon K En 1847, on notait la venue à Oran


de troupes anglaises et espagnoles
2 —
et aussi de l'inénarrable et

obscène Karagousse. Un arrêté ministériel du 22 février 1848 ap


prouva un projet de théâtre à construire sur un terrain domanial

de 1.500 m2 des jardins de Bastrana 3. Oran avait pris, malgré l'hété


rogénéité de sa population, l'aspect et les habitudes des villes de
provincefrançaises, y compris la musique militaire du jeudi et du
dimanche, Place d'Armes ou Promenade de Létang. Pour la flânerie

journalière, celle-ci était malheureusement déjà aussi désertée qu'elle

l'est aujourd'hui, au profit de la rue Napoléon, où de la Place Napo


léon à la Place des Carrières, on déambulait lentement et plusieurs
fois dans les deux sens, ce que les Oranais ont baptisé d'une ex
pression pittoresque, « faire la noria » 4. Notons, enfin, que, depuis

1844, Oran avait son journal quotidien qui, le 19 octobre de cette


d'
même année, prenait le nom « Echo d'Oran » et passait sous la
direction de M. Perrier5.
Hors de l'enceinte, des faubourgs commençaient à se reconstituer

et à se repeupler, mais avec une autre population que l'ancienne,


purement indigène. Lors de notre arrivée, en 1831, au-delà du ravin

de l'Aïn-Rouina rempli de figuiers, il ne restait guère que des ruines

du grand village qu'avait été Karguentah 6 on voyait encore le


;
tracé de deux grandes rues de 700 mètres, coupées de ruelles, où
les maisons, construites « dans le^même genre et aussi bien qu'à
Oran », c'est-à-dire en pisé et aussrlmal, étaient entourées de cactus

et de minuscules jardins, ce qui explique l'étendue de cette agglo

mération. A l'extrémité et presque sur le bord de la falaise s'élevait

1. Idem, p. 162.
2. Idem, p. 229.
3. Idem, p. 234. Projet Chéronnet et Lasry, moyennant concession gratuite du
terrain pendant 99 ans.

4. Idem, p. 197-198.
5. Idem, p. 170.
6. Rozet, o. c, III, p. 227,
parle de deux grandes voies traversant d'un bout

à l'autre le village, de 700 mètres de long chacune. Il faut sans doute comprendre
par là deux chemins bordés de médiocres
constructions, de murs et de jardins.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 157

la mosquée et le tombeau de Mohammed el Kebir 1. Un autre village,


celui de Kelaia, beaucoup moins considérable, « mechta » de gourbis

plutôt que village, se trouvait à 300 mètres environ des remparts de


l'Est et de la
Saint-André, sur le chemin conduisant au prin
porte

cipal cimetière musulman (Tamashouet) 2. Beaucoup plus important


était celui de Ras-el-Aïn, moins compact d'ailleurs que Karguentah,
mais qui abritait dans les meilleures constructions, le long de la

vallée, entre le Fort Saint-André et le Fort Saint-Philippe, les chefs


de la plupart des tribus de la plaine 3. Ces faubourgs, qui auraient,
selon Rozet, renfermé une population aussi nombreuse que celle

d'Oran, s'étaient vidés, celui de Ras-el-Aïn conservant cependant


quelques habitants. Des cultures, des vergers enclos de haies de
figuiers de Barbarie, les prolongeaient jusqu'à 5 kilomètres à l'Est,
pour le faubourg de Karguentah, jusqu'à 500 mètres seulement pour

celui du Sud.

L'un des premiers soins du Général Boyer, après notre occupa


tion 1831, fut de faire
en raser toutes les masures qui masquaient
les vues du côté de l'Est, entre le Château Neuf et le Fort Saint-

Philippe4. On fit de même dans la suite pour tous les gourbis qui,
du de Ras-el-Aïn, pouvaient servir d'embuscades et permettre
côté

à des assaillants de se glisser jusqu'aux remparts5. A l'abri des


blockhaus qui formaient les avancées de la défense vers la plaine6,
les quartiers de la Cavalerie, de l'Artillerie et du Train, construits

1. Voir plushaut, p. 96. Le nom de Karguentah serait une corruption de


Kheneg en Netah, étymologie sur laquelle nous ne saurions nous prononcer.

2. Derrien, o. c, p. 28. Voir le plan d'Oran en 1831 (p. 26).


3. Rozet, o. c, tome ni, p. 276 et suivantes dont la description des faubourgs
est très précise et très vivante. Il signaleque les « chefs de presque toutes les

tribus arabes de la plaine » avaient des demeures à Ras-el-Aïn où il a vu, dans


la partie Sud, «plusieurs grandes maisons mauresques bien construites et tout

à fait à l'extrémité, sur la route de Tlemcen, une petite mosquée ».

4. Derrien, o. p. 28 et Tableau de la situation, o. a, 1837, p. 161.


c,
5. Derrien, o. c, p. 33.
des d'Oran en 1840, p. 138 et d'Oran et sa
6. Idem. Voir les cartes environs

ligne de blockhaus en 1848, p. 234.


158 L'AMENAGEMENT DU SITE

dans le voisinage de la Mosquée, furent le noyau du faubourg neuf

de Karguentah, où leur présence devait fatalement attirer une popu


lation de mercantis et de débitants de boissons. En 1845, Lamori
cière, voulant débarrasser les abords de la Place des tentes et des
gourbis qui recommençaient à les envahir, et fixer cette masse flot
tante des douars Zmelas, Gharabas et Douairs,
originaire et mé

langée de nègres, créa, par une ordonnance du 20 janvier un village

indigène sur un emplacement revendiqué par le Domaine entre la


lunette Saint-André, le cimetière juif et le cimetière musulman de
Tamashouet 1. Ce fut le village des « Djalis » ou des Etrangers »,
«

que l'on appela dans la suite assez improprement le « Village Nègre ».


Il a constitué pendant longtemps le principal noyau d'agglomération
des Indigènes de la commune d'Oran. A Ras-el-Aïn d'autre part, en

1846, l'Administration fonda un petit hameau pour recevoir des ré

fugiés espagnols, entassés jusque là dans des grottes voisines de la


porte du Santon qui, jadis, avaient servi de porcheries 2.

De ces faubourgs, celui qui était appelé, de par sa situation, sa

topographie, sa population militaire, à prendre le plus grand déve


loppement, était sans conteste celui de Karguentah, que l'on dénom
mait le « quartier de la Mosquée » ; en1847, on créa pour lui dans
la Municipalité un adjoint spécial3. Un plan partiel d'alignement
avait dû être établi en 1845.

1. Derrien, o. c, p. 185-186. Cette attribution de terrains considérés comme

beylicaux suscita des actions en revendication et des procès devant le tribunal


d'Oran et la Cour d'Appel d'Alger en 1849 et en 1855 qui déboutèrent les sieurs

Benhaim. Un arrêté gubernatorial de 1870 donna définitivement à la Ville d'Oran


la propriété de toutes les rues du village nègre.

2. Idem, p. 215.
3. Idem, 221. Le de
p. « village »
Karguentah, formé par des colons libres, ne
fut remis à l'Administration civile qu'en 1844. On le traita d'abord comme un

Centre de Colonisation, on régularisa la situation des habitants déjà établis et


l'on se préoccupa du mode de concession à employer pour ceux qui demandaient
à s'y installer. Lamoricière, alors Gouverneur Général par intérim, demanda
d'urgence Bâtiments civils et aux Ponts et Chaussées de dresser un plan
aux

régulier d'alignement et de
nivellement, de prévoir les emplacements pour les
fontaines, le lavoir et pour des bâtiments publics, une église, une école, un près-
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 159

Pour établir les liaisons indispensables à notre occupation, et au

fur et à mesure que la pénétration des armées, et derrière elles de


la colonisation, ouvrait de nouveaux territoires, il avait fallu créer

tout un réseau de routes rayonnant du centre de la province. Ce


travail, poursuivi par le Génie militaire et les Ponts et Chaussées,
auxquels la main-d'œuvre d'une armée qui maniait la pioche et la
pelle aussi souvent que le fusil, apporta le concours le plus précieux,
a été, ici comme dans toute l'Algérie, une des œuvres les plus re

marquables accomplies par nous, celle qui a gravé notre empreinte

sur la carte, et pour laquelle notre soldat a été l'héritier direct et le


digne émule du légionnaire romain.

La première en date de ces routes, comme elle méritait de l'être


dans l'ordre des nécessités, fut celle qui réunit Oran à son port

Mers-el-Kebir, le seul mouillage où des navires pouvaient trouver

un abri sûr1, en attendant la construction d'un port digne de ce

nom à Oran. Il n'existait jusqu'alors qu'une seule voie de terre, un

chemin étroit et scabreux2, qui, s'élevant en pente raide, contour

nait le Fort Saint-Grégoire, « à quatre cents pieds au-dessus des


maisons d'Oran. A chaque moment, que le cheval bronchât, que la
mule butât, on courait le risque d'être précipité dans la mer 3. »

Dès 1832, le Génie entreprenait la construction d'une route en cor


niche partant de la petite anse de Lamoune, contournant la pointe

au-dessus du Fort pour gagner à flanc de montagne la rade et le

Fort de Mers-el-Kebir, soit plus de 6 kilomètres, dont 2 km. 400

bytère ; on prévoyait même une mairie. L'Ingénieur Aucour reçut mission de


tracer trois routes, qui, partant de la porte de la (porte Napoléon) se diri
ville

geraient sur Arzeu, sur Dar Beïda et sur Karguentah. On mit à la disposition
de l'Autorité civile la main-d'œuvre militaire. Ainsi naquit officiellement le
6e
village devenu bien vite faubourg. (Arch. dép. Colonisation, dossier 1 M'q.)
1. Voir plus haut, p. 22.
2. Idem, p. 19 et 75.
3. Comte de Castellane. Souvenirs de la vie militaire en Afrique, Paris, 1879,
p. 331-332. On y trouvera aussi une description d'Oran, tel qu'il apparaissait
vu de la mer, en 1846, et du Château Neuf (Bordj-el-Hameur) où résidait
Lamoricière.
160 L'AMENAGEMENT DU SITE

durent être taillés dans le roc ; il fallut même creuser un tunnel de

50 *. Le travail fut dur, les pluies déterminant à plusieurs


mètres

reprises des éboulements ; la route achevée fut remise aux Ponts


et Chaussées en 1840 2. Elle nécessita des travaux continuels d'en
tretien et de réparation : il fallait la recharger sans cesse et même

la reconstruire partiellement. On se décida, en 1850-1851, à exécuter

sur 440 mètres un mur extérieur destiné à protéger le talus dont


le pied était incessamment battu et miné par la mer 3.

Vers l'Est et le Sud, les travaux furent orientés sur les trois di
rections que la nature distinguait et que l'histoire avait consacrées
comme devant être celles des voies de communication principales,
sur Mostaganem avec une dérivation vers Arzeu, route qui devait
être dans la suite celle d'Alger, sur Mascara et sur Tlemcen. Ces
liaisons furent amorcées par l'ouverture des chemins carrossables

entre la Place, les blockhaus et les camps installés environs. aux

Ras-el-Aïn, clef des sources, où se trouvait le château d'eau d'Oran


et qui commandait par ailleurs le cheminement, le seul facile, vers

Tlemcen, entre la montagne et les fondrières de la Sebkha, fut uni


au port par une route qui permettait au charroi d'éviter la traversée

difficile et toujours encombrée de la ville 4 ; depuis la porte d'Alger


elle gagnait le ravin, sous le nom de Chemin des Carrières, en lon
geant extérieurement le Fort SainWAndré et en contournant le Fort
Saint-Philippe. De là, elle se dirigeait le camp de Misserghin,
vers

Brédéah, Aïn-Témouchent et Tlemcen. Celle de Mascara fut la


continuation de la route du Camp du Figuier, le futur centre de

1. Tableau de la situation, o. c, 1837, p. 161.


2. Idem, 1840, p. 128.

3. Idem, 1850-52, p. 395.

4. Idem, 1841, p. 119 ; 1843-44. Ouverte par le Génie en 1836 jusqu'à Brédéah,
elle avait été remise aux Ponts et Chaussées en 1840 jusqu'à Misserghin. En
1842 la main-d'œuvre militaire permettait de terminer la route de Tlemcen,
qui fut améliorée en 1843. En 1844, La Senia qui venait d'être créé était relié à
Oran et l'on commençait les travaux de la route de Mascara.
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dwe' 4».«

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Vue générale d'Oran en 1850, prise des pentes du fort Saint Grégoire.

Au premier plan, de G. à D., le môle du Centre en construction, le quai


Sainte Marie, la Manutention, la Douane et la rue d'Orléans, l'Arsenal. A
l'arrière-plan, les falaises du Ravin Blanc, la baie et le fort de Sainte
Thérèse, les Casernes, le Château Neuf et, au pied, l'Abattoir, la Grande
Mosquée, l'Hôpital militaire, l'Eglise Saint-Louis, les murs Sud de l'enceinte
et le quartier israélite, la Casbah. Entre les deux, les quartiers de la Marine
et de la Blanca.

Oran vers la même époque, vue prise du fort Sainte Thérèse. Photo Lûck.

Au premier plan, la batterie ; au second, les tours du Château Neuf, la


promenade de Létang, l'Eglise Saint-Louis et l'Hôpital militaire, la Vieille
ville, les jardins Welsford et la Calère ; au pied, la Marine, la Manutention
et les quais.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 161

Valmy, par le blockhaus de Sidi Chaban et le village de la Sénia.


Celle de Mostaganem prolongea la piste transformée du blockhaus
d'Orléans et de Dar Beida. On étudia, enfin, dès 1844, le tracé de
la route qui devait ouvrir à la colonisation la plaine des Andalouses,
à l'issue de laquelle était créé en 1850 le centre de Aïn-el-Turk 1.

1. Idem, 1845-47-48-49 (publié en 1851) (Colonisation) et 1843-44.


II

DE 1848 A 1880

L'ordonnance royale du 31 janvier 1848 \ qui érigeait Oran en

commune dotée d'une véritable organisation municipale, ouvrait une

ère nouvelle. Si l'Administration de la ville, comme celle du dépar


tement qui allait succéder à l'ancienne province2, restait soumise à
la haute tutelle du Ministère de la Guerre, du moins, son Conseil,
désormais maître d'un budget autonome, dont il votait les recettes
et les dépenses, pouvait prendre des initiatives et présider à l'exé

cution de travaux d'édilité de plus grande envergure.

Et, de fait, son activité, bien que restreinte par les ressources

financières dont il disposait 3, fut loin d'être stérile : c'est, en effet,


dans la période de 1848 à 1871 qu'a été achevé, du moins com
sinon

plètement dessiné, ce qu'on appelle aujourd'hui le « Vieil Oran »,

compris dans les limites de l'ancienne enceinte, et c'est alors qu'il a


pris cette physionomie de petite» ville de province méridionale,
conservée jusqu'à nos jours. Par aineurs, le problème de l'extension

de la ville, dont la population ne cessait d'augmenter, a reçu dans


le même temps un commencement de solution : d'abord par les tra-

1. A partir de 1848, la source principale pour l'histoire de l'urbanisme d'Oran


est le recueil des procès-verbaux des séances du Conseil Municipal. Ils sont
transcrits sur des registres conservés aux Archives municipales de la ville. Les
références qui y renvoient ont été données ici sous le signe abréviatif de A. M. S.
du (Archives municipales. Séance du Conseil du ) .

2. En vertu de l'art. 109 de la Constitution de 1848.


3. Le budget voté le 15 décembre 1850 était équilibré à 435.720 francs ; celui

de 1864, à 512.272 francs ; en 1867 il montait à 530.230 francs plus le budget sup
plémentaire, de 137.836 francs ; en 1870, à 624.217 francs ; en 1871, à 714.795 francs.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 163

vaux militaires, qui lui ont donné du côté du Sud-Est et de l'Est


une nouvelle développement sur le pla
enceinte et ont permis son

teau de Karguentah, ensuite par l'établissement des plans d'ali

gnement, qui ont réglé l'aménagement sur les terrains du domaine


civil des quartiers limitrophes des anciens murs.
Enfin, on ne doit
pas oublier les
conséquences qu'ont eues deux faits de première im

portance :d'une part, la construction, au pied de la ville, du port et


des quais destinés à remplacer le mouillage et le débarcadère de
Mers-el-Kebir 1, et de l'autre l'achèvement du chemin de fer d'Alger
à Oran et l'installation de la gare-terminus 2. L'attraction exercée par

ces deux organes essentiels de la vie économique d'Oran a déter


miné la naissance de quartiers nouveaux et l'aménagement des liai
sons devenues indispensables entre le port, le chemin de fer et la
ville nouvelle du plateau.

Jusqu'aux environs de 1860, c'est à l'intérieur des murs que l'on


travaille presque exclusivement. En 1848, il restait encore beaucoup
à faire pour la mise en état de la vieille cité des Espagnols, la Blanca
et des quartiers qui avaient peu à peu couvert, entre le boulevard
Oudinot, limite orientale, et d'autre part les murs reliant le Châ
sa

teau Neuf, le fort Saint-André et le fort Saint-Philippe, les espaces


occupés jadis par le ravin et les jardins riverains ; quartier de la rue

Philippe et des jardins Bastrana, quartier de la rue des Jardins,


quartier de la rue Napoléon. Tous réclamaient des travaux de voi

rie, d'éclairage, d'adduction d'eau, de construction


et de distribution
d'égouts. Des nivellements, des redressements, des percements étaient
nécessaires pour régulariser le tracé des voies et faire disparaître

les impasses trop nombreuses 3. Le quartier de la Marine, agrandi


des terrains conquis sur la mer pour la création d'un « bassin de

1. Voir plus loin, p. 329.


1"
2. La ligne fut ouverte de bout en bout le mai 1371.

3. A.M.S. du 11 septembre et du 31 octobre 1851, du 28 décembre 1858. Dans


les premières séances, le Préfet installant la Municipalité rappelait les trois
années « désastreuses » qui venaient de s'écouler et signalait les besoins multi

hardi-
ples de la ville « trop étroite pour sa population croissante... chevauchant
164 L'AMENAGEMENT DU SITE

refuge » de 5 hectares \ avait besoin de nouveaux aménagements.

Enfin, la question des réserves à établir et des constructions à faire


pour les Services publics était loin d'être réglée.

C'est à ces derniers objets que se rapportent les plans d'ali


gnement qui se succèdent de 1848 à 1860 2. En fait de créations, les
plus importantes concernent la Marine. Un projet présenté par le
Service des Bâtiments civils fut adopté en principe par le Conseil
Municipal, le 3 septembre 1849 3. La rue Charles-Quint en était l'ar
tère principale ; ouverte dès 1852 4, elle nécessita encore dans la
suite de nombreux et longs travaux qui duraient encore en 1859 5.
En 1854, on dénomma la place et la Saint-Augustin,
rampe la rue

du Quai Charlemagne, la rue Ximenès, la rue des Moulins, la rue

de la Promenade6. Des rues privées avaient été d'autre part ou

vertes par des propriétaires qui en demandaient la cession à la Ville


et le classement ; il en fut ainsi pour les voies créées sur l'empla
cement des Jardins Welsford 7. Il devait en être de même de la
plupart de celles de la Calère, un nouveau quartier, étage entre ces

derniers et la rue de l'Arsenal, que l'afflux des immigrants espagnols

avait fait sortir de terre8.


Malheureusement, faute de crédits suffisants, bien des travaux
traînaient en longueur. Si la rue des Jardins avait pu être termi-

ment de mamelon en mamelon jusque jadis désert de Karguen


sur
^ plateau

tah ». En 1858, le Maire la décrivait comme^« irrégulière, accidentée, barroque,


présentant plus que çà et là des impasses, des rues non achevées, des terrains
vagues et ravinés, des maisons en ruine ou en reconstruction. »

1. Voir plus loin, p. 328.


2. Il y eut de nombreux plans partiels. Les deux plans les plus importants
furent celui de 1854 pour le faubourg de Karguentah et celui de 1857.
3. A. M. S. du 22 août, du 1er et du 3 septembre 1849.
4. Idem S. du 2 mars 1849, du 16 mai 1852.
5. Tableau de la situation, o.c,
1859-61, p. 192, 196-197, 200-201.
6. A.M.S. du 25 février 1854.
7. Idem S. du 29 mai 1850. Le propriétaire, M. Welsford, ancien consul d'An
gleterre, déjà établi à Oran avant notre arrivée, demanda à céder à la Ville les

rues créées par lui à travers sa propriété.

8. Idem S. du 11 novembre 1872.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 165

née en 1851 1, le boulevard de Ras-el-Aïn ne fut achevé qu'en 1859 2.


Le tunnel qui devait faire communiquer la rue de l'Arsenal et la
Marine avec la place et le quartier de l'Hôpital ne fut complètement

percé qu'en 1862 3. De petites rues, comme celle de Miliana 4, n'étaient

pas encore ouvertes après quatre années de projets, de démolitions


et de nivellements. Bien que dès 1851 5 on déclarât officiellement que
toutes les rues étaient « empierrées et en bon état d'entretien », on

était moins optimiste au Conseil Municipal d'Oran.


Les constructions militaires avaient été certainement poussées

plus activement. En 1854 6, on constatait que le nouvel et vaste Hôpi


tal militaire, dit « du Cotisée », était entièrement terminé, que celui

« de la Mosquée » avait été aménagé pour le Service du Campement,


que la Manutention et les Subsistances étaient bien installées sur le
Quai Sainte-Marie, comme aussi le magasin d'orge de San Benito,
qu'un parc à fourrages avait été établi à Karguentah, à côté du quar

tier de Cavalerie.
A l'exception de la Préfecture, achevée en 1852 7, les Services
civils restaient bien médiocrement dotés. La pauvre Mairie avait

émigré rue de Bassano, le Trésor et les Postes rue de Montebello,


le Tribunal civil était logé rue de la Moskowa 8. Le seul monument

1. Tableau de la situation, o. c, 1850-52, p. 416.


2. A. M. S. du 23 juin 1859.
3. Les travaux de ce tunnel, dit tunnel « de l'Eglise » (Saint-Louis) avaient ,

été commencés en 1845 (voir plus haut, 150, note 1 ; mais interrompu, faute
p.

d'argent, on les reprit en 1861 (Tab. de la sit., 1859-61, p. 201) pour les terminer
en 1862 (Tab. de la sit., 1862, p. 275).
4. A. M. S. du 15 février 1853 et du 13 décembre 1858.
o. c, 1850-52, p. 416.
5. Tableau de la situation,

Idem, 1854-55, p. 40. On avait utilisé les voûtes de Sainte-Marie, au nom


6.
bre de 6, taillées dans le roc par les Espagnols qui y entreposaient les liquides.
7. Idem, 1852-54, p. 597. Nous parlons de la première installation ; car les
bâtiments actuels de l'Hôtel même datent de 1890, les bureaux de 1915 et leur
surélévation de 1932 et 1933.
8. Victor Bérard. Indicateur général de l'Algérie, 1861, p. 498 (Plan d'Oran).
La mairie avait un moment occupé un bâtiment de la place Kléber échangé en

1857 avec la Préfecture contre deux maisons domaniales de la rue Bassano et

de la rue Montebello. (Arch. dép., série B1).


166 L'AMENAGEMENT DU SITE

public présentable était la Préfecture. Oran ne comptait que deux

églises, Saint-André et Saint-Louis, celle-ci, la plus grande, construite

pour 1.200 fidèles 1 à côté de l'Hôpital militaire et sur l'emplacement


d'une des plus vieilles chapelles espagnoles : aucune des deux ne

méritait pour son architecture la moindre attention. Les projets à


l'ordre du jour du Conseil Municipal, aux environs de 1860, étaient
ceux d'un Hôtel de Ville, d'un Théâtre, d'un Collège communal et

d'une Cathédrale. On ne parlait pas encore d'un Palais de justice,


ni d'un nouvel hôpital civil pour remplacer le pauvre bâtiment situé
hors les murs, qui avait été primitivement destiné à faire un cara

vansérail 2.

Du moins, fidèle à une tradition heureuse qu'il paraissait vouloir


établir en Algérie, le Génie avait collaboré avec les Services civils

pour l'aménagement de promenades ombragées : celle de Létang,


dont la partie dominant la rue de Turin fut achevée en 1854 3, et

surtout celle des « Planteurs militaires », commencée en 1853 sur

les flancs de la montagne de Santa-Cruz, sous la direction des Ser


vices forestiers y firent des
qui semis de pins d'Alep, de chênes

« bellout », de chênes verts et de caroubier. Le travail était effectué

déjà sur 70 hectares en 1858 4.

Cependant l'attention était de plus en plus attirée au-delà des


murs et du côté du plateau de KaKuentah, qui apparaissait déjà
comme le champ naturel ouvert à la construction d'une ville nou

velle. Dans l'enceinte, telle qu'elle existait en 1860, il ne restait plus

de place pour créer un seul quartier. La population augmentait, en

dépit des crises et des calamités publiques, telles que le choléra de

1. Tableau de la situation, o.c, 1843-44 et 1846-49.


2. Victor Bérard, o.c, p. 509-510.
Z. A. M. S. du 22 juillet 1854.

4. Tableau de la situation, o.c, 633. On de très


1856-58, p. en attendait «

salutaires effets pour l'assainissement de la ville d'Oran, que les massifs, dit la
notice, protégeront contre l'envahissement des brouillards amenés par les vents

d'Ouest ».
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 167

1849 1. De 1847 à 1861, la progression fut de plus de 4.000 2


habitants,
dont la moitié au moins était composée d'Espagnols qui peuplèrent

la Marine la Calère. Or, dès 1851, le Préfet, installant la Muni


et

cipalité, déclarait dans son discours que la ville était trop étroite
pour sa population toujours croissante. « Aussi, ajoutait-il, elle che
vauche hardiment de mamelon en mamelon jusque sur le plateau
jadis désert de Karguentah 3. » Un plan de 1856 nous montre qu'une

agglomération, encore séparée de la porte Napoléon par un large


espace vide de terrains militaires, était déjà constituée par deux
quartiers nettement dessinés, celui dont la rue de la Vieille Mosquée
était la rue centrale, et un autre, à cheval sur la route d'Arzeu, la
future rue du même nom. Quelques constructions commençaient à
esquisser le faubourg Saint-Michel et à préparer la liaison du quar

tier Napoléon avec le Village Nègre4. En 1854 on comptait plus de


4.000 habitants à Karguentah 5. Il avait fallu y construire une église,
celle du Saint-Esprit, pourvoir à l'alimentation en eau, et donner
des alignements aux propriétaires qui en réclamaient sans cesse ;
beaucoup de rues n'étaient pas encore dénommées en 1858 6. Le
faubourg réclamait la création d'un marché quotidien ; on décida
de l'installer en face de l'église, « conformément au plan de la
Ville 1 ».

1. Idem, 1846-49. On y parle aussi de la crise de 1848 et de l'exode qui a

détourné l'émigration européenne vers la Californie ; mais on note l'afflux des


Espagnols.
2. En 1847, on recensait 22.458 habitants; en 1861, 26.494, soit un gain de
4.036 unités.

3. A. M. S. du 31 octobre 1851.
4. Idem.
5. Idem S. du 24 juillet 1854.
6. Idem S. du 27 mars 1858.
7. Idem S. du 4 décembre 1858. Mais la question traîna en longueur quand il

fallut le transformer en marché couvert, suivant une décision du 21 novembre

1861. L'enquête de commodo suscita des oppositions sur l'emplacement que cer

tains désiraient transporter entre la rue d'Arzeu et de Mostaganem, et sur


celle

le trouble que sa présence pourrait apporter à l'exercice du culte. A cette der


nière objection on répondait par l'exemple de grandes villes de France et

d'Espagne.
168 L'AMENAGEMENT DU SITE

Le Génie avait été invité par le Ministère de la Guerre à pré

parer un projet d'extension de l'enceinte et des modifications im


portantes à la fortification d'Oran et de Mers-el-Kebir, pour lesquelles
il prévoyait en 1855 un crédit de 10 millions1. Les nouveaux murs,
partant du fort Saint-André, passeraient sur le plateau « des Mou-

fins », à son extrémité Ouest, et de là s'étendraient vers l'Est pour

venir embrasser les quartiers militaires de Karguentah. On donne


rait ainsi à la ville « une extension dont elle ne peut plus se passer,
déclarait la notice du Tableau de la situation, et dont le besoin est

constaté par l'élévation toujours croissante et devenue exorbitante

aujourd'hui du prix des loyers. » On permettrait aussi la construc

tion d'établissements publics définitifs, « à la place du provisoire

qui existe encore sur tant de points ». On d'ailleurs aussi,


songeait

contrairement au parti adopté jadis par les Espagnols pour la Blanca,


à englober dans l'enceinte de la ville le quartier de la Marine et

ses nouvelles annexes, Welsford et Calère, en reliant à cet effet le


du Santon fort de Lamoune 2
plateau au ; les vieux murs du front
Nord de la Blanca, le long de la rue de Berlin étaient appelés à dis
paraître, tandis que celui du Château Neuf et de Sainte-Thérèse
devait être renforcé.

Rien n'était encore décidé en 1860 quant au tracé de la nouvelle

enceinte ; on ne pouvait donc arrêter un plan définitif d'alignement


des quartiers à aménager ou à cr&r, d'autant plus que le Ministre
de l'Algérie avait fait reprendre le projet du Génie « sur des bases
mieux en rapport avec l'importance d'Oran 3 ». Ce dernier détail est

un témoignage intéressant qui prouve que l'on ne doutait pas en

haut lieu de l'avenir de la ville. Le 28 juillet 1860 4, un décret sanc

tionnait le projet définitif d'un bassin de 27 hectares, qui consti-

1. Tableau de la situation, o. c, 1854-55, p. 28.


2. Tableau de la situation, o. c, 1854-55, p. 40.
3. A. M. S. du 25 juillet 1860, où le Maire communique au Conseil une dépê
che du Ministre de l'Algérie et des Colonies date du 20 juin.
au Préfet, en

4. M. Meunier. Notice sur le port d'Oran, o. et Tableau de la situation,


c,
o. c, 1865-66, p. 241.
PLANCHE VU

*j£t£Ë&mÊ

Oran vers 1875 ; vue prise des pentes de Santa Cruz. Photo Lûck.

Le bassin Aucour n'est pas encore terminé. Dans la ville basse on remar
que l'emplacement et les premières plantations de la place de la République ;
au milieu de la photographie, le Parc à fourrages et le quartier des Chasseurs ;

à D., les faubourgs de Saint-Michel et de Saint-Antoine. Aux derniers


plans, le Petit Lac et la Sebkha.

Oran contemporain ; vue prise du fort de Santa Cruz. Photo Moreau.

La Vieille Ville, la Ville nouvelle, les faubourgs, la Sebkha.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 169

tuerait non plus seulement un refuge, mais un port véritable. En


1856, alors que les travaux du petit bassin de débarquement n'étaient

même pas terminés, il était entré 937 navires, soit un tonnage de


36.000 tonneaux1. En 1857, l'entrepôt réel établi à Mers-el-Kebir,
qui s'alimentait presque exclusivement par les tissus étrangers des
tinés à la réexportation, avait été transféré à Oran 2, et depuis cette

date, le trafic maritime ne cessait d'augmenter, de telle manière que

les rôles tendaient rapidement à être intervertis entre le port prin

cipal du début et son annexe.

En attendant l'achèvement des études et la décision définitive


concernant le tracé de la nouvelle enceinte, le Ministre de la Guerre
faisait établir un plan d'ensemble restreignant les zones de servi

tudes sur les terrains situés de l'enceinte existante, entre


en avant

le Château Neuf et le fort Saint-André, et autour du fort Saint-


Philippe 3 un « polygone exceptionnel » était ainsi créé (9 juillet
;
1861), et cette exonération allait rendre possible la liaison de l'agglo
mération oranaise à Karguentah et au Village Nègre4. Ainsi put

être arrêté le plan général d'alignement de la ville et des faubourgs


d'Oran exécuté en vertu des prescriptions du Gouverneur Général,
en date du 26 août 1862 5, et approuvé en 1865 6. Mais ce n'est

qu'en 1866, par une décision ministérielle du 4 mai, que fut ordon

née la construction de la nouvelle enceinte « sur le territoire de


Karguentah » 7. Elle s'étendait vers l'Est sensiblement plus loin
qu'on ne l'avait établie dans les premiers projets ; car elle attei-

1. Idem, p. 315. Dès 1855 les navires à vapeur de la Cie Touache y venaient

régulièrement.

2. Tableau de la situation, o. c, 1856-58, p. 985.


3. A. M. S. du 8 juin 1861. La dépêche du Gouverneur Général Pélissier au

Préfet, en date du 11 mai 1861 mentionnait que le Ministre de la Guerre avait

prescrit de fixer les limites des zones de servitude « aussi réduites que pos

sible ».

4. Idem S. du 18 septembre 1861.


5. Idem S. du 27 avril 1864.
6. Idem S. du 28 mai 1865.
7. Idem S. du 8 août 1866.
6*
170 L'AMENAGEMENT DU SITE

gnait le chemin d'Arcole et la rive Ouest du Ravin Blanc, se déve


loppant depuis le camp Saint-Philippe sur 3.750 m. Il était dès à
présent certain que l'on n'avait pas vu trop grand : au recensement

de 1866 1, on comptait plus de 11.000 habitants dans les faubourgs


Est d'Oran, contre 22.700 environ intra muros ; déjà figurait la
mention des quartiers Saint-Antoine et Saint-Michel.

C'est alors seulement que le Conseil Municipal adopta les pro

positions définitives de la Commission des alignements siégeant à


la Préfecture (28 septembre 1867) 2. Les plans d'alignement élaborés
jusqu'alors n'avaient pu être que provisoires en raison de l'incer
titude qui régnait sur les décisions de l'Autorité militaire au sujet

du tracé de l'enceinte, de la démolition des vieux murs et des


servitudes. Seules les routes qui, partant de la place et de la porte

Napoléon, divergeaient vers Arzeu, Mostaganem, Sidi-Chami, Mas


cara et Tlemcen, pouvaient servir de bases fixes à la voirie des

nouveaux faubourgs à aménager ou à créer, comme elles avaient


naturellement attiré les acquéreurs de terrains et les construc
teurs ; et il en fut ainsi dans la réalité. Le plan dressé en 1857 par

le Service des Bâtiments Civils du Département prévoyait par

exemple une artère centrale, dont le tracé concordait sensiblement

avec celui du futur boulevard Seguin, dans la partie comprise


entre le boulevard Galheni actuel et la rue de Mostaganem. Mais

deux questions restaient alors pendantls : celle du raccord de cette

voie avec la place Napoléon à travers l'obstacle du ravin d'Aïn-

Rouina et des fossés de la fortification, et en second lieu celle

de l'emplacement de la gare du chemin de fer d'Alger, dont la


construction avait été décidée par décret impérial du 8 avril 1857.
Dans la penséede l'auteur du plan, le boulevard devait en être
la voie d'accès directe ; or, en 1859, il parut établi que le terminus

1. Tableau de la situation, o. c, 1865-66, p. 21. Voici le détail : Karguentah,

Saint-
6.035 habitants; Antoine, 630; Saint-Michel, 1.303; Village Nègre, 3.077.
Total: 11.045, contre 22.689 intra muros.

2. A. M. S. du 28 septembre 1867.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 171

de la voie ferrée ne serait pas à Karguentah, mais bien sur les


quais du nouveau bassin1.

En 1860, le Conseil Général adoptait le classement dans la


grande voirie 2, comme étant les « traverses de routes provinciales

dans l'intérieur d'Oran », des voies suivantes : boulevard Charle


magne, de la porte Napoléon au boulevard Seguin —
le nom en

était déjà arrêté —


voie courbe de 419 m. contournant le ravin

d'Aïn-Rouina le Sud ; boulevard Seguin (315 m.) , rue de


vers

Mostaganem jusqu'à la porte de la nouvelle enceinte (510 m.), ces


trois voies étant considérées comme des sections de la « route
provinciale » d'Oran à Mostaganem. C'est le plan de 1863 3, approuvé

seulement en août 1865, et remanié en 1867, qui a fixé définitivement


le dessin de la voirie de Karguentah dans ses lignes essentielles4.

La place Napoléon, dont l'extension était projetée depuis 1854,


serait agrandie vers l'Est, et prendrait ainsi à peu prèsla forme
d'un carré de 115 m. de côté. Un « boulevard de l'Empereur »,
partant des fossés Sud du Château Neuf, la traverserait à l'Ouest,
absorberait la rue du Rempart et une partie de celle de Vienne

pour se continuer jusqu'à la bifurcation des routes de Tlemcen et

de Mascara : ce fut l'origine du boulevard National. Le Conseil


Municipal demandait que sa largeur fût portée à 30 m. et qu'on

y imposât des arcades. La rue d'Arzeu serait prolongée, avec une

ouverture de 15 m., du boulevard Seguin au boulevard de l'Empe


reur : ce devait être le tracé du boulevard du 2e Zouaves. Le plan
prévoyait en outre un « boulevard Sébastopol », large de 20 m.,
parallèle boulevard Seguin, du boulevard de l'Empereur jus
au

qu'au delà des bâtiments projetés pour une Gendarmerie, et un

« boulevard Magenta », de même ouverture, de la rue d'Arzeu

prolongée à la jonction des routes de Mostaganem et de Sidi-Chami.


Notons en passant, et à titre d'éloge, que toutes ces voies étaient

1. Voir plus loin, p. 222.


2. A. M. S. du 4 avril 1860.
3. Idem S. du 27 avril 1864.
4. Idem S. du 28 septembre 1867.
172 L'AMENAGEMENT DU SITE

bien percées, dans des proportions auxquelles on n'était guère

habitué à cette époque. Il est vrai que l'espace ne manquait pas

et qu'il n'y avait pas de constructions massives pour gêner l'ou


verture de ces boulevards.

La question des « réserves civiles » était également réglée par

le plan de 1867, mais d'une manière partielle et insuffisante, par

peur de provoquer les récriminations de la Ville Basse, si l'on


déplaçait les administrations et les services. Du on -moins en pré

voyait : pour un Collège Communal, le long de la rue de la Paix


et de la rue de la Vieille Mosquée, pour un Temple et une Ecole

protestante, pour Synagogue, une Ecole de garçons, une Ecole


une

de filles et une Salle d'asile israélites, à l'angle du boulevard Sé

bastopol et de la rue d'Arzeu prolongée, une Ecole des Frères, une


Ecole des Sœurs et une Salle d'asile chrétienne, et enfin pour

l'Hôtel de Ville, la place Napoléon à l'angle du boulevard de l'Em


pereur.

La question de l'emplacement où serait construite une nouvelle

Maison Commune avait été discutée depuis des années ; on en

trouve trace dès le 13 mars 1856 1. La Ville et le Conseil Général


s'étaient mis d'accord en 1857 pour l'installer au lieu et place du
mur et du fossé de l'ancienne enceinte, entre la porte Napoléon
et l'entrée de la rue de Vienne. Mais, devant l'opposition du Génie,
auquel on prêtait l'intention de conserver et de restaurer les
vieux murs, on avait songé au boulevard Ras-el-Aïn, puis à la
place Bastrana, où s'élevait déjà le Théâtre. Il fut aussi question
des terrains nouvellement conquis sur le ravin entre les murs de
l'Hôpital et la rue neuve Charles-Quint. On s'était arrêté en 1861
à l'avant-dernière solution 2 ; mais elle fut repoussée par le Service

1. A. M. S. du 13 mars 1856.
2. Idem S. du 20 novembre 1861 où fut présenté un historique de la ques
tion. On y apprend que le terrain malgré les difficultés d'établir des fonda
tions solides, coûtait à Bastrana 80 francs le et 45 à Ras-el-
mètre, seulement
Aïn. Le Génie faisait d'ailleurs de l'opposition à la construction de l'Hôtel de
Ville sur la place Napoléon, domaine militaire.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 173

départemental des Bâtiments Civils et l'on revint ainsi au choix

de la place Napoléon1.

Les discussions qui surgirent le 2 octobre 1867 au sein du


Conseil Municipal2 éclairent
nous suffisamment sur les raisons

profondes qui inspiraient l'opposition. « La translation de la Mairie


dans ce quartier, pour lequel on va déjà tant faire —
il s'agissait

de Karguentah —

affectera gravement les intérêts de l'ancienne


ville qui paraît destinée à rester le centre des affaires ». C'était
donc un exemple de cette résistance classique à toute solution

d'urbanisme qui aurait pour effet de déplacer le centre d'une


vieille ville. Le Maire préconisait le maintien de la Mairie « à peu

près dans sa situation actuelle » 3. Malgré son avis et celui d'une


minorité, le Conseil adopta l'emplacement proposé par la Commis
sion des alignements. Deux après, le 4 octobre 1867, les
jours
vaincus prirent une revanche, d'ailleurs platonique, en faisant voter

un vœu relatif à l'extension de l'enceinte d'Oran du côté du Sud-


Ouest et du Nord-Ouest. Un seul membre s'y opposa, avec un

argument non moins classique. Selon lui, la ville était beaucoup


trop agrandie ; il en résulterait une dépréciation des terrains et un

grand dommage pour les propriétaires. A quoi le Maire répondit

spirituellement que «les enceintes sont faites pour défendre la


population contre l'ennemi, et non les propriétaires contre les loca
taires ». Tout en reconnaissant que l'extension de l'enceinte, telle
qu'elle s'effectuait, était pour la ville « un véritable bienfait », il
était à désirer, selon lui, qu'elle ne se fît pas dans une seule
direction, mais que « l'attraction de la population se portât là où

elle devait et que la construction en acquît plus de vitalité et moins

d'artifice ». Or, en maintenant l'enceinte à la porte du ravin de


Ras-el-Aïn et à la porte Saint-Louis, on ferait, disait-il, du « quar-

1. Idem S. du 28 septembre 1867.


2. Idem S. du 2 octobre et du 4 octobre 1867.
3. Idem S. du 2 octobre. Il proposait ou d'acheter l'immeuble loué par la
Commune, ou de construire une nouvelle Mairie sur les terrains demandés au

Domaine en concession, le long du mur de l'Hôpital militaire.


174 L'AMENAGEMENT DU SITE

tier où convergent les affaires et les administrations » un quartier

excentrique. En la reculant, « on préparerait la transformation en

un quartier nouveau des terrains nus et arides qui servent aujour

d'hui de dépôts d'immondices ou de repaires à la population vaga

bonde ». Il demandait donc que, du côté de la porte du Santon,


l'enceinte fût portée en au moins jusqu'à la lunette Saint-
avant,
Louis, que, du côté de Ras-el-Aïn, elle reçut aussi toute l'extension
possible ou que les servitudes militaires fussent considérablement

amoindries. Cette argumentation allait malheureusement à l'en-

contre des faits les plus patents, et les plus naturels, dans le sens

géographique et topographique du mot. Si la ville devait inélucta


blement se développer dans la direction de l'Est, ce n'était pas

uniquement par l'effet d'un recul de la fortification, mais parce que

là seulement le terrain se prêtait facilement à l'établissement d*une


bonne voirie et à la construction. Pouvait-on croire qu'un ravin

ou un flanc de montagne pourraient exercer une attraction com

parable à celle d'un magnifique plateau à peine ondulé, et qu'a

bordaient déjà les constructeurs, la population de la ville basse et


les immigrants espagnols ? C'est là que se faisait la distribution
rayonnante des routes de l'intérieur ; dans l'autre secteur, rien de
Fait significatif, vérifiable dans le discours même du Maire,
pareil.

le nom de « porte du Ravin » était désormais substitué à l'ancien


nom de « porte de Tlemcen ». En
outre, il apparaissait de plus en
plus inévitable que le centre des arïaires et des administrations

suivît le déplacement vers l'Est du centre de gravité de la ville.

Mais l'Oran de la première époque —


de 1831 à 1867 —
résis

tait, cherchait à se défendre par tous les moyens. C'est ainsi qu'en

1854 i on avait pu entendre dans le Conseil Municipal une voix

s'élever contre un projet de route carrossable qui unirait directe


ment les quais à la place Napoléon en contournant par le Nord
le Château Neuf, route reconnue désormais indispensable pour faci
liter le trafic du nouveau port avec l'intérieur. Ce détournement

1. A. M. S. du 25 février 1854.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 175

porterait, disait-on, « un préjudice sensible à la ville ». Ces con

tresens et ces aberrations véritables étaient d'ailleurs moins sur

prenantes que cette déclaration d'un Préfet devant la Commission


des alignements appelée à se prononcer sur les modifications ap
portées au projet voté le 28 septembre et le 2 octobre 1867 i.
Trouvant que le plan comportait trop de rues à ouvrir à travers
des propriétés privées et sous la menace d'expropriations coûteuses,
il lui semblait préférable « de laisser toute liberté aux particuliers

pour ouvrir des rues au fur et à mesure de leurs besoins, de telle


sorte que la Ville n'aurait aucune indemnité à leur payer ». Cette
politique à courte vue, par laquelle la paresse s'abritait en réalité

derrière l'esprit d'économie, ne pouvait même pas conduire au but


avoué ; car c'est elle qui a toujours engendré, dans l'aménagement
des villes, le désordre, la malfaçon, l'insalubrité, et préparé pour

l'avenir, avec les pires déconvenues, les dépenses les plus lourdes,
le jour où il devenait inévitable de réparer des méfaits d'urbanisme
presque irréparables.

Le plan de 1863, tel qu'il avait été approuvé en 1865, réglait

d'une manière à peu près définitive l'aménagement de la voirie

dans la ville intra muros : alignements, redressements, élargisse


ments, percements. Si les voies nouvelles ouvertes par nous, telles
que le boulevardOudinot, le boulevard de Ras-el-Aïn, devenu en
1861 boulevard Malakoff, la rue des Jardins, les rues de l'Arsenal,
d'Orléans, Charles-Quint, n'avaient pas besoin d'être régularisées,
celles, plus vieilles, de la Blanca, de la Marine et surtout du quar
tier israélite (quartier Napoléon), avaient conservé des traces
nombreuses du caprice des constructeurs. A la fin de 1858, on en

faisait au Conseil Municipal, à propos de la police, une description


peu flatteuse : « Ville irrégulière, accidentée, pittoresque, dit-on,
mais pourrait-on dire aussi, barroque et de difficile surveillance,

1. A. M. S. du 4 février 1869. Il suivait d'ailleurs une proposition de la Com


missiondépartementale des alignements, dans sa séance du 16 octobre 1867.
Le 22 juillet 1869, le Conseil Municipal s'éleva contre cette déplorable pra
tique.
176 L'AMENAGEMENT DU SITE

présentant plus que ça et là des impasses, des rues non achevées,


des terrains vagues et ravinés, des maisons en ruine ou en recons

truction » !. Le plan de 1863 en témoigne clairement 2. Il restait encore

pas mal de terrains privés non bâtis en bordure du boulevard Ma


lakoff, de la rue des Jardins, de celle de l'Aqueduc, de la rue Char
les-Quint et de la rue de l'Arsenal même, à la Calère, à Welsford.

Aucune inquiétude possible pour leur sort, ni pour les alignements

à imposer aux constructeurs. Mais, dans tous les quartiers, sans


exception, il y avait des places et des rues à régulariser, ou même
à percer complètement pour supprimer les culs-de-sac, cause d'in
salubrité.

Dans la Blanca, le plan prévoyait l'agrandissement de la place de


l'Hôpital (côté Nord), le percement complet, ou l'alignement, ou
l'élargissement des rues Sédiman, de Rivoli, de Dresde, de Médine,
de Moscou, de Honscoot, d'Alkmaer, qui avaient, malgré les recons
tructions, conservé sinon l'aspect, du moins les défectuosités des
ruelles espagnoles ou turques. Dans la Marine, la place d'Orléans

serait agrandie, la rue de Médéah complètement ouverte, quelques

rues tortueuses redressées. La place Kléber recevrait également


des proportions plus amples et nécessaires du côté du Nord ; sa

situation en faisait vraiment le point de contact de tous les quar

tiers, le carrefour principal des communications à l'intérieur des


murs, le centre même de la ville. La voirie de la Calère et de
Welsford était également tracée. Un ael emplacement, de 5.000 m2

environ, était réservé pour une place, sensiblement plus vaste que

les autres, entre la rue d'Orléans et la rue Charles-Quint qu'elle

dominerait. Fermée du côté du Nord par une balustrade, elle offri

rait un véritable balcon et une vue des plus attrayantes sur la mer,
les quais, le port. Le cadre de cette place, qui a porté successivement
les noms de place Impériale3 et de place de la République, est un

1. Idem S. du 28 décembre 1858.


2. A. M.
3. C'est sur cette place que s'installa la
Mairie, au centre des constructions
de la face Sud, en attendant son ultime transfert sur son emplacement actuel
(Louis Piesse, Itinéraire de l'Algérie, Paris, 1879, p. 182).
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 177

des plus pittoresques du site d'Oran, et l'on peut affirmer, sans

crainte d'être démenti, que cette création fut assurément la plus

heureuse de toutes.

Le quartier Napoléon, plus régulièrement percé que les autres

dès son origine —


du moins pour l'époque et comparativement aux
autres 1 —
était loin cependant de donner satisfaction à ses habi
tants. Ils se plaignaient 2 et le représentaient comme « déshérité »,
n'ayant « que des rues étroites », et composé « d'un grand nombre

de petites maisons mauresques, mal bâties, sans air, ni jour », où

vivait « une population nombreuse et pauvre », dans « une insalu


brité manifeste » 3. Autrefois, disaient-ils, c'était le plus sain des

quartiers ; mais, depuis que l'air avait été bouché par les cons

tructions de la rue de l'Aqueduc et de la rue des Jardins, les con


ditions avaient été complètement changées. C'est là que l'on comp
tait le plus grand nombre de rues inachevées, finissant en impasses.
Parmi les plus longues, il n'y en avait qu'une qui fût percée de
bout en bout, la rue Napoléon.

Le plan prévoyait : le prolongement de la rue d'Austerlitz au

Nord, jusqu'à une « rue de Bautzen » à ouvrir, celui de la rue de


Wagram jusqu'à la rue de l'Aqueduc, à son débouché dans la rue
des Jardins, l'ouverture complète de la rue de Lùtzen, dont il n'exis
tait qu'une petite portion en cul-de-sac, l'élargissement et la régu

larisation des rues d'Ulm, de Milan, de Ratisbonne, le percement


complet des rues de la Piave et de Zurich, l'agrandissement de la

place Blanche et sa liaison directe avec la rue Napoléon par une

1. Voir plus haut, p. 92.


2. A. M. S. du 19 février 1870. Le Conseil eut à examiner une pétition de
144 habitants notables du quartier. Ils rappelaient qu'en 1864 (A. M. S. du 26
septembre) 43 propriétaires Israélites avaient prêté à la Ville, sans intérêt,
60.000 francs pour des travaux d'adduction d'eau.
3. Idem. Les ravages du choléra en 1849 et en 1851, et ceux du typhus en

1867 1868 y avaient été vraiment terribles. Dans cette dernière épidémie, la
et

proportion du décès par rapport aux malades avait été de 90 %, alors que dans

le reste de la ville, elle atteignait à peine 10 %.


178 L'AMENAGEMENT DU SITE

« rue du Marché », celui de la minuscule place de Naples, plus au

Nord, et l'élargissement de la de Naples, à terminer


rue en outre

entre les rues d'Austerlitz et de Lùtzen.

Ce fut l'objet de nombreuses décisions des Conseils Municipaux


qui se succédèrent dans la suite, mais de travaux toujours traînant
en longueur. En tous cas, cette partie du programme de 1863 n'avait

encore reçu aucun commencement d'exécution en 1870, si l'on en

juge par les réclamations des habitants. Il semble qu'elle ait ren

contré dans le Conseil de la Ville, et ailleurs, des résistances pou

vant aller jusqu'à la mauvaise volonté. Il en fut ainsi au moins pour

la place Blanche, dont les dimensions, portées de 108 m2 à 455,


apparaissaient insuffisantes et devaient être portées à 1.130. La
Municipalité s'y refusait et songeait à transporter ailleurs, hors du
quartier, le Marché qui s'y tenait. Un Juge de paix, commissaire-
enquêteur, concluait à l'adoption de cette dernière solution « qui
forcerait, disait-il, les Israélites à se déranger, c'est-à-dire à prendre

un peu de cette activité française qui hâterait leur assimilation » 1.


Bien que le plan général eût été approuvé en 1867 par le Conseil
Municipal, et que l'on pût considérer comme définitif le tracé des
principales voies, les renvois successifs aux commissions et aux

administrations militaires ou civiles, suscitèrent, comme il arrive

toujours, de longues discussions, des modifications de détail, et par

ailleurs des questions diverses restées en suspens ou nouvellement

posées nécessitèrent des additions. Les résultats ne devaient être


consacrés que par le plan de 1880 2.
Parmi les questions restées pendantes, l'une des plus importantes
était celle de l'achat par la Commune des terrains de l'ancien Champ

1. A. M. S. du 19 février 1870.
2. Idem. S. du 7 août 1879, du 7 novembre, du 20 et du 24 décembre. Il
s'agissait du «Plan d'alignement et de nivellement des quartiers de la ville

compris entre la Place d'Armes, le boulevard National, la de Tlemcen, le


rue
mur de fortification, le chemin de fer, la rue de Mostaganem et le boulevard
Séguin (quartier de la place d'Armes et de la rue de Vienne, du Village Nègre,
de Saint-Antoine et de Saint-Michel. »
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 179

de Manœuvre 1. Il s'agissait de 140.000 m2, faisant partie du domaine

militaire, dont la situation, entre le boulevard de l'Empereur, le


Village Nègre et le boulevard Seguin projeté, pouvait être consi
dérée comme privilégiée. On calculait qu'en défalquant la surface

de la voirie, artères principales et rues adjacentes, ainsi que les


réserves affectées à des établissements publics, il resterait 60.000 m2.

sur lesquels pourrait s'établir un quartier peuplé et prospère. Les


terrains, appelés à prendre une plus-value considérable, pourraient

néanmoins être cédés à meilleur marché que ceux déjà construits,


et il en résulterait une diminution des loyers, dont le prix était
encore estimé « à un taux anormal ». Il était juste que le Domaine
ne se montrât pas trop exigeant, la Commune d'Oran n'ayant pas

été dotée « comme la plupart des communes par la sollicitude habi


tuelle du Gouvernement ». Mais la Ville dut battre en retraite devant
les prétentions de l'Etat2 et ajourner l'achat. Du moins le tracé
des grandes artères à établir sur ces terrains était déjà arrêté.

Quant aux rues adjacentes, la Commission départementale des ali

gnements regrettait de leur voir consacrer 18 à 20.000 m2 de bons


terrains à bâtir et se prononçait pour le principe de la liberté
laissée aux acheteurs et aux constructeurs 3. Ce ne fut pas l'avis
du Conseil Municipal qui protesta contre l'ouverture des rues par

les particuliers « sans plan arrêté et suivant les besoins de chaque

jour » 4.
Une autre question mit en opposition les deux Commissions
d'alignements, celle de la Ville et celle du Département. La Ville
avait demandé au Préfet, en 1868, d'approuver la régularisation

définitive des alignements du Village Nègre, où s'élevaient sans

1. Idem S. du 13 février 1869.


2. A. M S. du 8 septembre 1869. Le Préfet et le Génie déclaraient que le
prix de 600.000 francs la Commune était insuffisant, la moyenne
proposé par

des terrains valant 13 francs le mètre, et que le taux de l'intérêt, à 4 %, ne


pouvait être accepté, les prêts hypothécaires étant à Oran de 7 et de 8 %, et

ceux de l'Etat à 5 %.
3. Idem S. du 15 février 1869.
4. Idem S. du 26 juillet 1869.
180 L'AMENAGEMENT DU SITE

cesse de nouvelles constructions, chétives d'ailleurs 1. Or le plan

de 1867 prévoyait une voie, dénommée « Boulevard du Sud », qui

le traversait en son milieu jusqu'au nouveau mur de l'enceinte, sur

une longueur de 480 m. Sa largeur, de 44 m., ayant été réduite

parla Commission départementale, comme étant « insolite », la


Commission municipale lui dénia toute autorité pour apporter des
modifications de cet ordre, attendu que l'Etat avait fait remise

à la Commune, 1865, en de toutes les rues du Village Nègre, à


seule fin, du reste, de se décharger sur elle de tous les travaux
d'édilité et du soin de la police 2. Elle accepta par ailleurs le pro

longement du boulevard jusqu'à celui de l'Empereur, avec la même

ouverture (boulevard Joseph-Andrieu actuel). Mais, fidèle à un

principe louable, qui était d'ouvrir des voies larges et de ménager

des espaces libres, elle exprima des regrets sur les réductions opé

rées pour la place Napoléon, ramenée de 115 m. à 100 m., pour le


boulevard de l'Empereur privé d'arcades et réduit à 25 m. Elle
aurait voulu que les voies principales fussent plantées d'arbres, en

double rangée si possible, dans le but de les embellir et de procurer,


pendant les chaleurs de l'été, un peu d'ombre et de fraîcheur.
Parmi les questions à régler, il restait encore celle des liaisons
à établir,dehors de l'ancienne ville, entre la place Napoléon,
en

Karguentah et le nouveau port. Les difficultés auxquelles on se


heurtait venaient principalement de d'Autorité militaire, du Génie
soucieux de ne laisser porter aucune atteinte à la défense, repré

sentée ici le Château Neuf, considéré comme citadelle, et le


par

fort Sainte-Thérèse. Dès 1849 3, lorsqu'on avait adopté le plan du


nouveau quartier de la Marine, on avait songé à faire une route

qui relierait la rue Charles-Quint et les quais à Karguentah en

contournant ces ouvrages ; en 1854 4, on la représentait comme

indispensable. Le projet sommeilla longtemps, pour ressusciter en

1. Idem S. du 4 février 1869.


2. Idem S. du 10 février 1870.
1"
3. Idem S. du septembre et du 3 septembre 1849.
4. A. M. S. du 25 février 1854.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 181

1857 \ cette fois, sous la forme d'un chemin carrossable, entre la


place Napoléon et la plage Sainte-Thérèse, où se créerait certai

nement un établissement de bains. Le Maire proposait à cette

occasion de créer des jardins dans le ravin


d'Aïn-Rouina, qui pro

longeraient à l'Est ceux de Létang. C'est la première fois que l'on


rencontre, dans l'histoire municipale d'Oran, cette heureuse idée
qui aurait mérité d'être mise à exécution dès cette époque, ne fût-

ce que pour amorcer une tentative d'urbanisme des plus intéres


santes. Malheureusement cette promenade était reliée dans le plan

à celle de Létang par un sentier de piéton traversant les terrains


du fort Sainte-Thérèse ; le Génie repoussa la proposition. Le Conseil
Municipal, qui connaissait les bonnes dispositions du Prince Na
poléon, devenu Ministre de l'Algérie, intervint auprès de lui en

1858 2. Malgré l'appui du Conseil Général, favorable à la création

de jardins, et qui songeait au pittoresque et à l'agrément de la


population, il dut pour le moment se contenter en 1859 d'approuver
l'ouverture d'un chemin embranché sur la route d'Oran à Arzeu,
le futur boulevard Seguin, et rejoignant celui des Casernes à la
plage établi sur la rive droite du ravin 3. L'extension du périmètre

de l'enceinte, décidée et commencée en 1866, et les modifications

apportées aux servitudes permirent d'incorporer dans le plan de


1867, comme une rue de la ville, cette voie qui correspond sensi

blement au parcours du boulevard Gallieni actuel. Mais seule la


voie ferrée, qui devait atteindre la gare sur les quais où la plaçait

une décision du Gouverneur Général en date du 16 juin 1868, eut

le privilège de traverser —
en tunnel —
la zone militaire. La pro

menade de Létang donc isolée ; inaccessible du côté du


restait

ravin d'Aïn-Rouina, elle continuait à être une véritable impasse,

ce qui expliquait déjà qu'elle ne fût pas pour les habitants le lieu

d'attraction qu'elle aurait dû être. Les Ponts et Chaussées propo

saient au moins un sentier de 3 m. tracé dans le ravin au pied du

1. Idem S. du 14 novembre 1857.


2. Idem S. du 28 décembre 1858.
1"
3. Idem S. du octobre 1859 et du 17 mai 1862.
182 L'AMENAGEMENT DU SITE

Château Neuf ; l'Ingénieur Aucour l insistait sur le fait que des


constructions allaient se faire dans le ravin même, en partie comblé

pour le prolongement en ligne directe du boulevard Seguin jusqu'à


la place Napoléon. Le Génie finit par accepter, mais sous la réserve

que la liaison resterait maintenue entre la citadelle et le fort


Sainte-Thérèse. Mais il fallut attendre l'ouverture de la nouvelle

route du port, réclamée par les Ponts et Chaussées comme étant


une condition vitale de son développement, et son classement, le
6 juillet 1887 2, pour qu'une solution fût enfin apportée à cette

question, si simple en apparence.

1. Idem S. du 16 septembre 1868.


2. M. Meunier, o. c.
III

DE 1880 A 1900

Les événements de 1870-71, succédant à une crise économique


qui affectait profondément l'Algérie depuis près de cinq ans, l'avè
nement d'un régime nouveau, qui, au point de vue administratif,
libérait l'autorité civile de sa subordination au Ministère de la
Guerre, les modifications importantes apportées à la nomination

et aux attributions des Municipalités les lois de 1871, de 1874,


par

de 1876 et de 1880 *, jetèrent évidemment quelque trouble dans


l'œuvre communale. Emancipées et soumises désormais à l'élection,
elles devaient compter de plus en plus avec l'opinion publique. Il
y eutd'autre part, entre les années 1872
et 1880, dans la colonie

comme dans la Métropole, une période de transition, et pour mieux


dire, de redressement, dont témoignent l'essor pris par les villes,
les ports principalement, les progrès de leur peuplement, les débuts
d'une ère de prospérité économique inconnue jusqu'alors, et cormm
conséquence, une impulsion nouvelle donnée aux transactions im
mobilières et à la construction. Quelques faits précis suffisent à
l'établir. L'accroissement de la de 1872 à 1881 2
population fut,
pour Oran, de plus de 18.000 habitants, chiffre qui n'avait jamais
été atteint jusqu'alors, depuis 1876 seulement, de plus de 10.000 ;
l'élément européen représentait dans le total plus de 12.500 uni-

1. Léon Charpentier. Précis de Législation Algérienne et Tunisienne, Alger,


1899, p. 106 et suiv.

2. En 1872, on recensait 41.130 habitants et 59.377 en 1881, c'est-à-dire un

gain de 18.247 unités.


184 L'AMENAGEMENT DU SITE

tés1. Le mouvement du port accusait, aux entrées, dans la même

période, une progression de 1.431 à 2.007 navires, de 227.746 ton


neaux à 578.942, et le tonnage métrique avait doublé2. La cons
truction, qui depuis 1866 était languissante, avait repris sensible

ment depuis 1877 ; dans les quatre années qui suivirent, on éleva
plus de maisons que dans les onze années précédentes 3. Les recettes

du budget communal accusaient depuis 1876 un progrès non moins

significatif, de plus de 35 % 4. Ces ressources étaient d'ailleurs bien


maigres pour une ville, européenne avant tout, qui comptait en

1881 tout près de 60.000 habitants (59.377) ; du moins elles avaient

dépassé le million depuis 1879.


Ces années furent marquées par la liquidation des travaux pro

jetés pour la « vieille ville », en entendant par cette expression que

les Oranais d'alors auraient refusé d'accepter, la partie de la com

mune qui était comprise dans les limites de l'ancienne enceinte.

Les principaux furent exécutés dans le quartier israélite (ancien


quartier Napoléon) , où la place Blanche fut enfin agrandie, et autour

de l'emplacement réservé pour la place Impériale, devenue place

de la République 5. Le nivellement en fut achevé, les alignements

définitivement arrêtés, ce qui permit l'allotissement et l'aliénation


des terrains en bordure à l'Ouest et au Sud ; ils ne devaient pas
tarder à être couverts de constructions. La place Bastrana fut dotée

I
1. En 1876, 49.368 habitants et en 1881, 59.377, soit en plus 10.009. De 1872
à 1881, la population européenne avait augmenté de 12.506 habitants.
2. M. Meunier, o. c, p. 315.
3. Soit 250 environ contre 150 dans la période 1866 à 1877.
4. Elles passaient de 870.000 environ à 1.080.000 francs.
5. A. M. S. du 7 décembre 1870. Le Conseil Municipal décida de changer les
noms de certaines rues et de certaines places pour chasser les souvenirs de
l'Empire. Ainsi la Impériale, la place Napoléon, la place Saint-Arnaud,
place

la place Isabelle, la place d'Orléans, le boulevard de l'Empereur, les rues Napo


léon, Beauharnais, Canrobert, Montauban, de l'Impératrice, de Berlin, Lamo
ricière devinrent place de la République, place de la Révolution (on l'appela

d'ailleurs plus couramment place d'Armes), place Hoche, place de la Liberté,


place de la Poissonnerie, boulevard National, rues de la Révolution, Arago, Mar

ceau, Jacquart, Parmentier, René Caillé, Danton. Ce dernier changement témoi-


J M PsVÂPV COLLET. ORAN
PLANCHE VIII

La Place d'Armes et l'Hôtel de Ville en 1885.


Photo Liick.

7*
gptttna

,»«
L'UNIS

Les mêmes a l'époque contemporaine.

Photo de l'Ofalac.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 185

d'un marché couvert *, la place Kléber régularisée. L'aménagement


de la nouvelle place Napoléon, qui avait repris son ancienne déno
mination de « Place d'Armes », fut réglé après de longues discus
sions avec le Génie, qui ne voulait pas abandonner le corps de
garde, et qui exigeait, plus justement d'ailleurs, l'entretien de ses

plantations 2. Elle était encore pour le moment considérée comme

excentrique ; mais sa situation devait fatalement en faire le centre

de la ville, dans un avenir plus ou moins proche.

La ville haute —
c'est ainsi que l'on appelait alors toute la
région comprise entre les vieux et les nouveaux murs —
prenait

de plus en plus d'importance dans les préoccupations du Conseil


Municipal, par les travaux urgents d'édilité qu'elle nécessitait, et
'

au premier chef, pour l'adduction de l'eau et la construction dès


égouts. Le tracé même de la voirie exigeait de nouvelles prévisions ;
car le de 1863-1867, approuvé définitivement par le Gouver
plan

neur Général, le 3 mars 1870, était loin de couvrir toute la super


ficie des terrains englobés dans les limites de la fortification. Il dut
être complété en 1874 et en 1880 par des plans additionnels dont
les alignements intéressaient le quartier Saint-Antoine, le Village

Nègre, le quartier Saint-Michel et les alentours de la gare provi

soire de Karguentah3. En outre, détail important, le dernier de ces

gnait de quelque ingratitude envers Lamoricière, ou de quelque ignorance.


Pourquoi la rue Thiers devint-elle la rue Carnot ? On dut le regretter en 1871.
1. Idem S. du 8 mai 1871.
2. Idem S. du 23 janvier 1873 et du 18 septembre 1880. En 1889 encore, on

votait des crédits pour « l'achèvement » de la place (A. M. S. du 15 mars 1889) .

3. Voir plus haut, p. 170 et A.M. S. du 7 août 1879. Les voies nouvelles

étaient en général assez largement ouvertes. Dans le quartier de la Place d'Ar


mes, du boulevard Seguin et jusqu'à la rue de Mostaganem, sur 35 voies, il
y en avait 4 de 15 mètres de largeur, 3 de 12, 18 de 10 et 10 de 8. Au Village
Nègre, 28, 1 de 15 mètres, 2 de 10, les autres de 8 et de 7 mètres. Dans le
sur

quartierSaint-Antoine, la rue de Tlemcen avait 14 mètres d'ouverture, le bou


levard de Mascara, 25. Dans le quartier Saint-Michel, sur 34 voies, on en
comptait 2 de 25 mètres, les boulevards d'Iéna et Fulton, de 15, le boulevard

Sébastopol, 2 de 12, 12 de 10 et le reste, soit 17 voies, de 8, de 6 et même de


4 mètres.
186 L'AMENAGEMENT DU SITE

plans arrêtait les réserves pour l'emplacement de quelques édi


fices publics, Cathédrale, Evêché, Lycée de jeunes filles le Lycée —

de garçons ayant été déjà doté , Gendarmerie, Palais de Justice,


Prison civile, Halle aux grains. C'était là un fait décisif, qui consa

crait, en concordance avec la réalité, le déplacement du centre de


gravité de la ville, et, en dépit des regrets de ses habitants, faisait
présager, la déchéance inévitable de la ville basse.
Le de 1880 poursuivait, au Sud-Est, l'œuvre de celui de
plan

1867. Il faisait de la place Sébastopol un important dégagement,


point de départ d'une patte d'oie dessinée par le boulevard d'Iéna,
le boulevard Sébastopol prolongé et le boulevard Fulton aboutissant

à la place de la Gare. Il s'agissait de la station de Karguentah, et


non de la Gare principale dont l'emplacement restait fixé sur les
quais. Le boulevard Seguin était ouvert jusqu'au boulevard Fulton ;
de chaque côté de cette dernière voie, un quartier était tracé régu
lièrement, dont la rue Sidi Chami —
futur boulevard Marceau —

et la rue de la Gare étaient les artères principales. Dans le quartier

Karguentah proprement dit, dans celui des Casernes et de la


Vieille Mosquée, aucune modification n'était prévue ; mais, sur la
rive droite du ravin d'Aïn Rouina, étaient tracés un boulevard du
Lycée, la rue de la Paix et entre les deux des rues transversales,

celles d'aujourd'hui1.
Le Saint- de Tlemcen le bou
quartier Antoine, entrera rue et

levard de Mascara, avait poussé tout^eul, et sa voirie tout entière,


comprenant deux places et dix-huit rues, avait été ouverte par les
particuliers ; elle n'était pas encore remise à la Ville. Le plan se

contentait de l'adopter. Les alignements du Village Nègre dessi


naient dans sa partie Est, à droite de la rue du Figuier, un réseau

très régulier de rues se coupant à angle droit ; mais le pâté Ouest


se ressentait du désordre qui avait prévalu pendant
trop longtemps.
Toute la partie construite autour de la petite place Adélaïde était
fort mal percée de rues privées, non encore classées. Le boulevard
du Sud était réduit en largeur pour permettre de nouvelles cons-

1. A. M. S. du 17 août 1878 et 5 mars 1881.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 187

tructions ; on constatait en effet une augmentation progressive de


la population musulmane !. Sur son parcours serait aménagée la
place principale de cette ville indigène. Dans le quartier Saint-

Michel, outre les percées prévues, les particuliers qui avaient tra
vaillé avant la ville, en avaient ouvert d'autres2, de part et d'autre
de la rue Saint-Michel, mal tracées, aussi mal que la plupart de
celles de la partie de Karguentah qui y touchait au Nord, et dont
la place Hoche était le centre. On pouvait s'apercevoir ainsi de
l'erreur insigne qui avait favorisé le désordre, sous prétexte de
réaliser des économies et de ne porter aucune atteinte à la liberté
et aux intérêts des propriétaires. En examinant de près le plan de
1880, l'impression, du
on a moins pour les de la périphérie,
quartiers

que le tracé de la petite voirie a été subordonné au respect des


constructions qui avaient poussé, éparses, au milieu des terrains
vagues. Ce sont là des malfaçons qu'il en coûte de réparer.

Dans la fixation des emplacements réservés à quelques édifices


publics, il y a eu des solutions définitives. Il en fut ainsi pour la
Cathédrale qui devait succéder à la pauvre église Saint-Louis, et

pour l'Evêché, placés sur le trajet de la rue d'Arzeu prolongée. Le


Lycée de jeunes filles3 était placé entre les rues Bauprêtre et de

1. En 1876, on en avait recensé 8.421 ; en 1881, on en comptait 12.721. Encore


fallait-il tenir compte des non- déclarations.
2. C'est dans cette région de la ville que le Domaine avait vendu à outrance

des terrains à des propriétaires, sans la moindre précaution ni la moindre

réserve ; le plan d'alignement de 1880 arrivait trop tard pour mettre de l'or
dre. Il y eut cependant des particuliers qui offrirent leur concours pour l'ou
verture de quelques voies, par exemple pour l'ouverture du boulevard Fulton
(A. M. S. du 13 janvier 1888). Le plan de nivellement du quartier Saint-Michel
et de l'ancien cimetière musulman avait été approuvé par le Préfet le 16 mars

1880, sous la réserve que certains îlots feraient l'objet de plans spéciaux ulté

rieurs (A. M. S. du 9 juin et du 8 août 1887). On fut amené à modifier le nivel

lement et les alignements du plan de 1880, parce que quelques constructions

s'étaient implantées sur le tracé des voies, sans tenir compte des décisions
antérieures.

3. C'était une simple indication pour l'avenir ; car il n'était pas encore ques

tion de Lycée de jeunes filles, mais seulement de la transformation d'une Ecole


secondaire en Collège.
188 L'AMENAGEMENT DU SITE

Montesquieu, la Gendarmerie et la Prison civile entre les rues


d'Arbal, des Lois et du Repentir, ces deux dernières dénominations
ne manquant pas d'humour en la circonstance. Le marché couvert

principal de Karguentah s'ouvrirait sur une place, au carrefour

du boulevard Sébastopol et de la rue d'Arzeu prolongée i ; la Syna


gogue, à l'angle du boulevard National et du boulevard Magenta.
En principe, le Palais de Justice serait dans le voisinage de la Gen
darmerie et de la Prison ; on n'avait pas fixé définitivement sa place.
Il est intéressant, pour comprendre la suite de cette histoire,
de s'arrêter un moment, à cette date de 1880, et d'essayer de se
représenter ce qu'était alors Oran, entre les murs de la nouvelle
enceinte, la distribution des constructions, des espaces libres amé
nagés ou simplement non bâtis, la situation et l'étendue du domaine

militaire et les aspects divers des quartiers de la ville.

Tout d'abord, premier fait qui mérite d'être noté : plus de la


moitié de la population totale, qui approchait de 60.000 habitants,
était installée sur le plateau, hors des anciens murs —
exactement

56,4 % —
alors qu'en 1866, la proportion, pour ce qu'on appelait

alors «les faubourgs », n'était que de 33 % 2. Certainement il y


avait eu déjà une émigration des quartiers de la ville basse dont

le peuplement apparaissait stationnaire. Par sa répartition sur son

nouveau gîte, qui avait tout naturellement suivi celle des construc

tions, elle constituait deux groupe nettement distincts : celui du


Sud avec le quartier Saint-Antoirre etle Village Nègre ; celui du
Nord et du Nord-Ouest, le plus dense,- avec les quartiers de la

Vieille Mosquée, des Casernes, de Karguentah, de Saint-Pierre et

de Saint-Michel, qui rassemblaient 66 % des habitants logés hors


les vieux murs. Entre ces deux agglomérations, il n'y avait encore
aucun point de contact ; les espaces non bâtis couvraient plus de la
moitié de la superficie totale.

1. On lui donna le nom de boulevard du 2°-Zouaves en 1888 (A. M. S. du 26


juillet 1888).
2. En 1866, on comptait 22.689 habitants intra muros et 11.045 dans les fau
bourgs ; en 1881, respectivement 22.929 et 33.429, et hors de la nouvelle enceinte

3.019.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 189

Entre le boulevard Seguin, déjà bordé d'immeubles depuis le


boulevard Charlemagne et la rue des Casernes jusqu'au débouché
du boulevard Magenta et de la rue de Mostaganem1, et d'autre
part le boulevard Sébastopol et du 2e-Zouaves, un quartier
celui

s'était formé, à moitié garni de maisons 2. Mais au delà, vers Saint-


Antoine etle Village Nègre, c'était le vide. Le boulevard National
restait à peu près désert jusqu'à la bifurcation de la rue de Tlem
cen et du boulevard de Mascara 3. Du moins Saint-Antoine abritait

déjà plus de 3.000 habitants 4 dans le Village Nègre, il y avait


;
encore à l'Ouest beaucoup de terrains vagues. Entre le boulevard

d'Iéna, le pâté du quartier Saint-Michel et les ateliers des Che


mins de fer, de vastes espaces attendaient encore des voies et des
constructions. En revanche, la rue d'Arzeu était devenue l'artère
médiane de Karguentah5, qui, bloqué au Nord par les établisse
ments militaires et les casernes, débordait l'obstacle par le Sud et

s'allongeait, entre cette voie et la rue de Mostaganem jusqu'aux


portes de l'enceinte. Tout cela d'ailleurs était parfaitement normal,
complètement conforme à cette loi de géographie urbaine, qui veut

que les villes et d'une manière générale les agglomérations humai


nes suivent les directions des routes et dans des proportions plus

ou moins conformes à leur importance Or,


relative. ici les princi

pales étaient incontestablement celles d'Arzeu, de Mostaganem, de


Mascara et de Tlemcen, devenues à leur origine des rues ou des
boulevards d'Oran.

1. On y comptait, en 1881, 411 habitants et 19 maisons.

2. Sur le boulevard Charlemagne on comptait 21 maisons et 289 habitants,


dans la rue Saint-Denis 7 et 158 habitants ; rue de Vienne, 17 et 246 ; rue de
l'Evêché, 19 et 147.

3. On y recensait 3 maisons et 10 habitants.

4. Exactement 3.173 et 179 maisons.

5. Le recensement de 1881 porte sur cette voie 53 maisons et 827 habitants.

La rue des Casernes (future Alsace-Lorraine) groupait, pour 26 maisons 599


rue

habitants ; la rue de la Vieille Mosquée 30 et 400 ; la rue Diego 34 et 894, la


rue Saint-Esprit 29 et 855.
190 L'AMENAGEMENT DU SITE

La Place d'Armes était à peine ébauchée1, fermée au Nord par

la Maison Lasry, que l'on citait alors comme un des plus beaux
immeubles de la ville ; au Sud par l'Hôtel de Ville en construction,
elle commençait à se garnir de maisons neuves sur l'emplacement

des vieux remparts ; mais du côté du quartier israélite, elle était


bordée de masures et de quelques médiocres constructions moins

vieilles, consacrées à la boisson. Tout le long et en avant de l'an


cienne muraille qui unissait le Château Neuf au fort Saint-André,
il restait encore pas mal de terrains vagues, où les Arabes venus
des environs continuaient à tenir leur marché 2. Le boulevard Se
guin n'atteignait pas encore la place ; entre les deux il restait encore

à combler complètement la tête du ravin d'Aïn Rouina que con

tournait la route d'Arzeu.

La villebasse, que nous avons suffisamment décrite pour n'avoir


pas à y revenir longuement, était loin d'avoir cet aspect que nous

lui trouvons aujourd'hui. Beaucoup de constructions neuves, toutes


récentes, avaient surgi le
long du boulevard Oudinot, du boulevard
Malakoff et déjà sur la place de la République où s'étaient installés
la Mairie et la Bibliothèque, provisoirement d'ailleurs, des cafés
et des magasins3. Le guide Joanne de l'époque dans sa description
d'Oran, notait que les maisons étaient « presque toutes modernes

et bâties à la française... ni plus belles ni plus laides qu'ailleurs » ;


leur élévation « jusqu'à un quatrième et quelquefois un cinquième

étage » faisait frémir l'auteur, halte par le souvenir historique du


tremblement de terre de 1790. Il regrettait de ne retrouver, même

dans les quelques maisons espagnoles restées encore debout, aucun

cachet spécial, de ne voir sur leurs façades «ni fenêtres grillées ni

balcons ventrus », et constatait fort justement qu'elles étaient con

formes au mode andalou, issu directement du type de l'habitation


mauresque. C'est à la haute ville, au « quartier des Juifs et des
Maures », qu'il renvoyait les amateurs d'exotisme ; ils trouveraient

1. Louis Piesse, o. c, p. 181-182.


2. Idem, p. 184.
3. Louis Piesse, o. c, p. 182.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 191

là, entre les rues de Wagram et des Jardins, en dépit des aligne
ments qui en avaient fait tomber beaucoup, « les maisons indigènes
petites et carrées, n'ayant généralement qu'un
rez-de-chaussée, et
dont la cour est abritée du soleil par une vigne», maisons badi
geonnées de blanc, de bleu ou de rouge \

En somme, l'aspect de cet Oran, où la place Kléber, avec la


Préfecture, le monument principal de la ville, le plus grand eafé,
celui de la Bourse, et le plus grand hôtel, celui de la
Paix, restait
encore le
de la vie, eût été plutôt banal et sans intérêt, si
centre

le cadre et les
de ce site tourmenté, l'étagement et par
accidents

fois l'entassement des constructions n'avaient pas apporté un élé


ment de pittoresque qui lui confère une originalité indéniable. En

outre, la vie ne s'en était pas retirée, comme pourraient le faire


croire les statistiques de la population. Si la Blanca était devenue
« le quartier tranquille par excellence » 2, la présence d'établisse
ments militaires et surtout le voisinage du port animaient les
places, les rues et les boulevards ; les armateurs et le commerce
maritime restaient cantonnés dans le quartier de la Marine, la rue
Philippe était encore la rue marchande la plus fréquentée et la
mieux achalandée. Les amateurs de costumes exotiques et de cou

leur locale trouvaient dans la population bigarrée et grouillante de


la haute ville, dans les rues de Wagram et d'Austerlitz, de quoi
satisfaire leur curiosité 3. La place des Carrières voyait encore

défiler presque toutes les diligences « de la province » 4.

Hors de l'enceinte d'Oran, on comptait, en 1881, dans la banlieue

1. Idem, p. 184.
2. Idem, p. 183.

3. Ch. Desprez. Voyage à Oran, Alger, 1872, p. 165. On trouvera dans ce livre

une description généralement précise et vivante de la ville, telle que l'a vue

l'auteur en 1872. Voir notamment sur la vieille ville, p. 165-193 ; sur le Village

Nègre, sur la population d'Arabes, de Nègres, de Juifs et même d'Européens se

livrant à « l'industrie du caboulot », sur ses fontaines et sur les porteurs d'eau,
p. 199 ; sur le quartier Napoléon,, p. 177-182.
etc,
4. Louis Piesse, o. u., p. 182.
192 L'AMENAGEMENT DU SITE

et sur le territoire de la commune, une population d'environ 3.000 1


habitants, en majeure partie européenne, 2, fort inégalement ré

partie. Trois petites agglomérations étaient déjà formées, au Ravin

Vert, à Eckmuhl et à Gambetta, groupant respectivement 558, 761


et 304 habitants, soit au total 1.623, un peu plus de la moitié par

conséquent ; le reste était dispersé dans les fermes. Aux abords

immédiats de la ville, c'est dans la partie Sud, entre la route de


Ras-el-Aïn et celle d'Aïn-Beida, que se trouvait le principal noyau

des futurs faubourgs de la grande cité contemporaine. Le long du


chemin qui continuait le boulevard Malakoff jusqu'à la rencontre

de la route de Tlemcen, s'échelonnaient des lavoirs, des guinguettes,


et une cinquantaine de maisonnettes de jardiniers : car le ravin
continuait à justifier son nom de « Ravin Vert » et à fournir en

quantité des fleurs, des légumes et des fruits ; c'était en outre, avec

le Camp des Planteurs », une des promenades favorites des Ora


«

nais3. Eckmuhl, sur la route de Tlemcen, à quelques minutes de

la porte, était un village neuf groupant 70 maisons ou villas. Si


Gambetta, au Nord-Est, était encore à peine naissant, c'est évidem
ment parce que, à l'intérieur de l'enceinte, outre la partie agglo»-

mérée de Karguentah les murs, il restait encore beaucoup d'es


et

pace à occuper, tandis que du côté du Sud, la ville basse, le quar

tier israélite, Saint-Antoine et le Village Nègre formaient déjà une


masse dense jusqu'aux murs, prête à déborder au delà.

Parlant des environs d'Oran, lriuteur du Guide Joanne notait

que « le sol longtemps aride et brûlé » commençait à peine à chan

ger d'aspect. «Le palmier nain,l'halfa, le jujubier sauvage, écri


vait-il, disputent encore l'espace aux cultures de légumes et de
céréales qui entourent les villages et les fermes » ; il n'était pas

encore question de la vigne. Il ajoutait d'ailleurs : « Certainement


un grand progrès s'est accompli, dans les environs d'Oran, au point

1. Exactement 3.019.

2. 356 Indigènes musulmans 2.663 Espagnols.


contre Européens, en majorité

3. Louis Piesse, o. c, p. 191-193.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 193

de vue de la colonisation » I. Mers-el-Kebir, érigée en commune


depuis 1864, à qui le nouveau port d'Oran avait enlevé son im

portance commerciale, abritait du moins une population de 1.700


habitants environ, en grande majorité espagnole et italienne2. Sur
la route de la corniche, étaient nés Sainte-Clotilde, groupe de villas

et de maisons isolées, Saint-André 3, bourg de pêcheurs et de caba-

retiers très fréquenté le dimanche par les ouvriers et les militaires,


et en été par la société oranaise qui venait s'y promener en voi

ture4. Plus loin, la des Andalous, dont


mise en valeur de la plaine

la production maraîchère alimentait Oran, avait amené la création


d'Aïn-el-Turk, centre de 500 habitants environ, chef-lieu de com
mune depuis 1863, de Bou-Sfer et ses annexes El-Ançor et Les
Andalous 5. Au Sud, Misserghin, dont l'autonomie datait de la
même époque, avait plus de 3.000 habitants ; sa prospérité était
assurée par ses jardins, sa pépinière, son marché du vendredi, ses

moulins et quelques petites industries. Si La Sénia n'était encore

qu'un petit hameau, une halte du chemin de fer, Valmy, sur l'em
placement du « camp du Figuier », était déjà peuplé de 752 habi
tants. Vers l'Est, aux alentours de la route d'Arzeu, la colonisa

tion s'était déjà établie autour des centres de Sidi-Marouf, de Hassi-

bou-Nif, de Hassi-Ameur, de Fleurus, de Saint-Louis, d'Arcole, de


Sidi-Chami, de Saint-Cloud 6. Les belles routes qui rayonnaient
d'Oran en faisaient déjà le plus grand entrepôt et la capitale com

merciale de l'Algérie de l'Ouest.

1. Idem, p. 191.
2. Idem, p. 193-198. La ville d'Oran n'avait fait aucune opposition à la sépa

ration ; mais le Maire faisait remarquer que la nouvelle commune y perdrait

et n'aurait pas les ressources nécessaires pour faire les travaux d'édilité. (A. M.
S. du 11 octobre 1861).
3. A. M. S. du 4 avril 1860.
4. Louis Piesse, o. c, p. 195.
5. On l'appelait ainsi à cette époque ; nous ignorons à quelle date et pour

quoi ce nom a été mis au féminin ; c'est avec ce genre qu'il figure au Tableau
des Communes.
6. Voir sur toute cette banlieue le guide de Joanne (éd. de 1879).
194 L'AMENAGEMENT DU SITE

Tous les témoignages sont d'accord pour en signaler la pros

périté. « Partout de l'agitation, de la vie... un monde d'affaires »,

écrivait dès 1872 un visiteur, généralement averti et bon observa

teur ; « au dire de tous, Oran est le digne émule d'Alger... une

Capitale » 1. Dans un rapport officiel, rédigé pour être présenté

au Gouverneur Général et à la délégation parlementaire en mission,

la Municipalité n'hésitait pas à proclamer qu'Oran était «par son

importance commerciale la première ville de l'Algérie » 2. Personne


ne doutait en tous cas de son développement futur, ni qu'un grand

avenir lui fût réservé.

Cependant, devant la croissance rapide de cette cité, appelée,


dans un délai prochain, à couvrir tous les espaces restés encore

libres à l'intérieur de la nouvelle enceinte, on était amené à se

poser quelques questions, dont la solution intéressait au plus haut


degré son économie tout entière ; et en premier heu, celle des
établissements militaires et des servitudes qui, par leur situation

et leur étendue, contrariaient singulièrement l'aménagement de


plusieurs quartiers, interdisaient à la construction civile l'accès de
la côte et privaient la ville du plus précieux avantage de son site.

Il avait été sans doute indispensable, lors de notre installation


à Oran, d'occuper le Château Neuf3, dont la position forte et les
épaisses murailles constituaient à l'époque un point d'appui solide

de la défense et offraient un abrà immédiat et sûr à sa garnison ;


dans les limites de l'ancienne enœinte, il pouvait apparaître vrai
ment comme l'emplacement naturel de la citadelle. Mais depuis,

les progrès de l'armement et les conceptions nouvelles sur la for


tification des places, et en particulier des places maritimes, lui
avaient enlevé toute sa valeur militaire. Il était difficile dès lors
de ne pas regretter que la ville fût privée de l'admirable belvé
dère que la nature lui avait donné : site plein de ressources pour

1. Ch. Desprez, o. c, p. 160 et 164.


2. A. M. S. du 17 oct. 1879. Cette affirmation revient sans cesse dans les
procès-verbaux des séances du Conseil.
3. Voir plus haut, p. 168.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 195

un urbaniste de quelque talent, sans même qu'il eût à démolir tous


les beaux murs espagnols dont on pouvait faire, à l'image d'autres
vestiges historiques de la vieille fortification, un élément de pit

toresque et une curiosité. Mais il fallait pouvoir réaménager tout


l'intérieur et faire toutes les percées que réclameraient les liaisons
avec le plus beau quartier de la ville.

Plus à l'Est, l'emprise des établissements de l'Armée sur le pla

teau de Karguentah se révélait tout aussi malencontreuse. Dans les


premiers temps de l'occupation, il avait bien fallu installer les
troupes montées hors de la ville, comme on l'avait fait à Alger en

créant à Mustapha une véritable ville militaire, au voisinage du


Champ de manœuvre. L'espace ne manquait pas, mais l'insécurité
des alentours de la place avait commandé, comme nous l'avons vu,
de les mettre dans le voisinage et sous la protection du Château
Neuf, et même de les fortifier1. Mais, depuis cette époque, ces

raisons n'existaient plus, et la présence de ce quartier militaire,


englobé désormais dans la ville et encerclé progressivement par

les constructions particulières, Interdisait toute amélioration du


quartier mal percé déshérité de la Vieille Mosquée ; elle avait
et

déjà empêché l'adoption d'un plan général d'alignement « écono


mique et rationnel » 2. A droite du chemin de l'Usine à gaz et de
l'emplacement du Lycée, et jusqu'à plus de 600 m., de magnifiques
terrains étaient occupés par le Parc à bois et le Parc à fourrages,
formant un premier groupe d'environ 30.000 mq, tandis que plus

loin, un second, beaucoup plus vaste, de 100.000 mq, dessinait avec

le précédent un véritable étau comprimant le quartier civil et lui


barrant la route du côté de l'Est3. Là se trouvaient établies en

équerre les casernes de la Remonte, de l'Artillerie, des Ouvriers


d'Artillerie, et la plus grande, «elle des Chasseurs. En tout 13 hec
tares admirablement placés, dont la libre disposition était néces

saire, si l'on voulait jamais donner à la ville ce qui lui manquait,

1. Idem, p. 157.
2. A. M. S. du 23 déc. 1885.
3. Idem S. du 6 juillet 1886.
196 L'AMENAGEMENT DU SITE

au grand regret de ses habitants, quelque peu jaloux d'Alger, un

boulevard front de mer.

Et quant aux servitudes, il en subsistait encore, en 1880, de


nombreuses, des plus gênantes et des moins justifiées. Depuis

1867 1, le Conseil Municipal ne cessait d'émettre des vœux pour

leur suppression. Dans l'exposé des questions soumises en 1879 à


la Mission Parlementaire2, il faisait remarquer que les terrains en
vironnant les anciens ouvrages des Espagnols, aujourd'hui sans
utilité, restaient frappés de servitudes, malgré le change
encore

ment d'affectation du camp Saint-Philippe et du Château Neuf. Il


y en avait même autour de l'Hôpital militaire. En raison du déve
loppement de son vaste périmètre à
l'Est, la ville se trouvait en

particulier « acculée au Sud et à l'Ouest, à une série de servitudes

aussi multiples qu'inutiles, empêchant depuis de longues années

son développement, son essor, son embellissement, ainsi que l'éta


blissement de nombreuses voies de circulation indispensables ».

A cette question des emprises militaires en était fiée une autre,


celle de l'aliénation des terrains remis à la disposition de l'Admi
nistration civile du Domaine, que les Municipalités successives

rendaient responsable de la pauvreté de la Ville et des charges de


plus en plus lourdes qui pesaient sur son budget. C'est une plainte

qui revient sans cesse dans les procès-verbaux des séances du


Conseil. «La Commune d'Oran n'axas été dotée, dit-on en 1869 3,
comme la plupart des communes, par la sollicitude habituelle du
Gouvernement ». Il a fait des promesses et ne les a jamais tenues.
On invoquait notamment un arrêté du 4 novembre 1848 (art. 5),

1. A. M. du 4 oct. 1867.
2. Idem, S. du 17 oct. 1879. Rapport de MM. Grégoire et Lasry. Dans la ses
sion de cette même année, le Conseil Général émettait un vœu sur la suppression

de la zone militaire autour des remparts. Le Conseil Municipal reprenait le


sien, dans ses séances du 4 mars et du 4 mai 1880, et s'élevait contre le main
tien des servitudes autour du Château Neuf, « obstacles au développement et
à l'embellissement du quartier le plus important d'Oran ».

3. Idem S. du 13 fév. 1869.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 197

en vertu duquel il devait leur être concédé à titre gratuit sur le


domaine de l'Etat une dotation en immeubles susceptibles de produire

des revenus 1. Or, auparavant, on comptait dans l'enceinte 60 hectares,


et aujourd'hui la ville s'étendait sur 427. Une cité nouvelle était

née, avec de nouveaux quartiers, où les propriétaires réclamaient

des alignements sur le réseau tracé et approuvé le 3 mars 1874.


Les instructions du Gouvernement prescrivaient d'y donner suite

et de prendre possession des terrains nécessaires pour l'ouverture


des rues projetées, mais en les payant. Les travaux de voirie, les
égouts, les canalisations pour les eaux, l'éclairage exigeaient des

dépenses énormes que la Commune, pauvre, ne pouvait faire sans

l'aide de l'Administration. L'extension de la Ville avait mis à la


disposition de l'Etat d'immenses terrains. Or, au lieu de les donner
à la Commune, il n'avait cherché qu'à réaliser des ventes pour en

tirer profit. Il avait pu ainsi doter le Département pour ses services

hospitaliers et le Consistoire israélite ; mais la Ville n'avait reçu

que des parcelles insignifiantes, et cela malgré les promesses for


melles du Gouverneur Général Chanzy, en 1876. L'Administration
supérieure avait tout fait pour Alger, lui assurant un Lycée, un

Théâtre, des Ecoles, et rien ou à peu près rien pour Oran. Dans
ce réquisitoire fois, mais particulièrement déve
réitéré plusieurs

loppé à l'occasion de la visite des Parlementaires, en 1879, les au


teurs ne manquaient pas d'ajouter : « pour Alger, dont l'impor
tance commerciale et industrielle est loin d'atteindre celle de notre

cité ». La conclusion était que la Commune s'endettait progressi

vement pour faire les travaux d'édilité nécessités par l'extension


de son périmètre, que les dépenses de son budget ordinaire avaient

fortement augmenté, alors que, dans ses anciennes limites, elle avait
pu en assurer l'équilibre. Aussi, devant la situation qui lui était

faite, était-elle décidée à prévenir les acquéreurs éventuels de

1. Idem S. du 17 oct. 1879. On rappelait que le Gouverneur Général Chanzy


avait, en 1876, reconnu le bien-fondé des doléances de la Ville et avait formel

lement promis une dotation en terrains domaniaux.


198 L'AMENAGEMENT DU SITE

terrains mis en vente par le Domaine qu'elle ne ferait aucun frais


pour leur aménagement 1.
Il fallut attendre vingt ans pour que la question du déplacement
des établissements militaires de Karguentah et par contre-coup des
servitudes fût enfin réglée. On peut dire qu'elle occupa, pendant

cette période, la première place dans les discussions du Conseil


Municipal. Elle a joué, dans l'histoire de l'urbanisme oranais, des
réalisations et des projets, un rôle si important que l'on ne doit
pas craindre de s'y arrêter un peu longuement.
Les difficultés suscitées par la présence en des points multiples


un peu partout pourrait-on dire —
du domaine militaire, étaient
déjà chose ancienne ; elles avaient surgi en de nombreuses occa

sions, au fur et à mesure que la ville débordait hors de son ancien

cadre et se heurtait fatalement à tous les obstacles accumulés par

la défense autour des places fortes. On l'avait vu en 1857, lorsqu'il


s'était agi de relier les quais à la place Napoléon par une voie car

rossable traversant la zone des servitudes du Château Neuf, et d'a


ménager des jardins dans le ravin d'Aïn Rouina, en prolongement

de la promenade de Létang 2. Il avait fallu deux années de négo


ciations avec l'autorité militaire pour que le Ministère de la Guerre
consentît à l'établissement de l'Usine à gaz d'Oran entre le fort
Sainte-Thérèse et le chemin de la Plage 3, et de même quand on

avait dû construire un réservoir pour l'alimentation du faubourg


de Karguentah4, sans parler des en^gements d'ordres divers aux

quels étaient généralement subordonnées ces autorisations.

1. A. M. S. du 6 juillet 1886. On y reprochait au Domaine d'avoir vendu les


terrains du quartier du Village Nègre et ceux du quartier « dit du Palais de
Justice ». Il faut noter cependant qu'une dotation fut faite à la Ville en 1884
(S. du 7 avril 1886) ; mais elle fut jugée insuffisante.
2. Idem, S. du 14 nov. 1857, du 28 déc 1858, du 1" 1"
oct. 1859, du sept. 1860.
Le Conseil Général, dans sa séance du 15 déc. 1858, avait émis un vœu favorable
au projet, qui avait été appuyé auprès du Prince Napoléon, alors Ministre de
l'Algérie.
1"
3. Idem, S. du 15 déc. 1859, du du 2 juin 1860, du 25
mars et avril 1861,
du 3 et du 17 mai 1862.
4. A. M. S. du 17 mai 1862.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 199

Aussi les vœux pour la suppression des servitudes, soit partiel

lement, totalité,
soit en ont-ils
réitérés, été sans cesse soit au Con
seil Municipal, soit au Conseil Général. La décision, prise en 1867,
de construire une nouvelle enceinte, donna le signal, et, à la
en

longue, devant la résistance et les exigences de la Guerre, qui en


tendait les monnayer, la solution radicale du déclassement de la
place fut réclamée dès 1884 1. On connaît les arguments ; ils furent
résumés, ainsi que l'historique des démarches antérieures, dans
l'adresse remise à la représentation parlementaire du département,

après le vote de l'assemblée communale du 12 décembre 1884. Le


12 novembre, en effet, la Chambre venait d'adopter le projet de
déclassement et de révision des places fortes et des postes mili
taires de l'Algérie, et l'on attendait le vote du Sénat. Alger et

Constantine apparaissaient favorisés ; on demandait qu'Oran fût


compris dans le programme. En 1886 2, le Ministère de la Guerre
décidait l'aliénation de treize immeubles du domaine militaire de
cette place ; soit une superficie d'environ quatorze hectares, dont
les principaux lots étaient : 6 hectares de terrains situés dans la
zone des fortifications de l'enceinte, entre le « chemin *du Figuier »
(route de Géryville par Mascara) et « celui du Blockhaus » (route
de Sidi-Chami, 4 hectares formant l'emplacement des casernements

de l'Artillerie, du Train et de la Remonte, 1 hectare représentant

la Lunette de Saint-André, 60 ares environ des glacis des anciens


forts Saint-André et Saint-Philippe, 1 hectare de terrain entre le
quai et le pied des carrières de Lamoune. Le tout serait vendu au

prix de 2.071.800 francs. Le Conseil Municipal protesta, allant jus


qu'à contester à l'Armée la propriété de la plupart de ces immeu

bles 3, s'élevant contre le système des aliénations par le Domaine,


en vertu duquel la Ville d'Oran « avait joué le rôle de dupe » 4, et

1. Idem S. du 12 déc. 1884.


2. Idem S. du 6 juillet 1886.
3. Idem. Il invoquait notamment la teneur des procès-verbaux de 1832, selon

lesquels le Génie ne s'était réservé que la propriété des glacis.

4. Idem. La Ville n'avait retiré que de nouvelles charges de l'extension du


périmètre fortifié. En 1868, avec ses 48 hectares, elle n'avait pas un sou de
200 L'AMENAGEMENT DU SITE

demandant la remise gratuite, à titre de dotation, de la moitié en

viron immeubles. Il réclamait notamment les


de ces terrains entre

Lamoune la Douane, les jardins de la promenade de Létang, les


et

glacis de Saint-Philippe, le plateau du Village Nègre, la Lunette

Saint-André, quatre lots de 2.000 mq. entre la porte du Champ de


manœuvre et celle de Mascara, les terrains vagues voisins du quar

tier des Chasseurs. Ainsi se trouvaient sinon posées, du moins fiées


les trois de l'affranchissement des servitudes, de l'aliéna
questions

tion des établissements militaires et de la dotation de la Ville en

biens communaux. Elle estimait insuffisante celle qu'elle venait d'ob


tenir, en 1884, aux environs du Village Nègre et du futur Palais de
Justice. Cette fois, les protestations du Conseil ne devaient pas

rester sans effet ; il fallut cependant continuer à louer au Domaine

les terrains avoisinant la Lunette Saint-André \ et ceux des quais 2.


Du moins étaient amorcées les négociations avec l'Autorité mili

taire pour le déplacement des établissements de l'Armée.


En 1887, par un décret du 7 avril, rendu à la suite de nou

veaux vœux pour la suppression des zones militaires émis par

le Conseil Municipal, le Conseil Général et le Conseil Supérieur


de la Colonie 3, une concession de neuf lots domaniaux, de 2 hec
tares et demi environ, était faite à la Ville4. En 1888, elle récla-

dette ; avec ses 420 hectares, elle encontracté pour 8.200.000 francs, et
avait

elle avait en perspective Avaux de voirie, d'égouts, d'adduction


7.000.000 des
d'eau et de gaz. Elle était donc incapabl'd'y subvenir par des ressources ordi
naires. Les terrains des anciens cimetières, et ceux de la dotation de 1884 ne

représentaient pas plus de 3.000.000. Le budget ordinaire seul avait augmenté

de 800.000 francs. Les cimetières dont il s'agit étaient les anciens cimetières

musulman et mozabite supprimés par arrêté préfectoral du 21 avril 1868, soit

97.150 m2de superficie, que l'on décida de vendre le 7 avril 1886.


1. A. M. S. du 6 mai 1890. On y décida le renouvellement du bail signé le
18 avril 1887 pour la location de 1.012 mq.

2. Idem. Il s'agissait de 21.838 mq pris en location toute précaire et pouvant

être résiliée par le Domaine si besoin était (S. du 20 fév. 1891).

3. Idem. S. du 20 août 1886.


4. Idem. S. du 27 juin 1887. Il s'agissait notamment de quelques parcelles

du VillageNègre, et d'un lot permettant de relier la rue du Vieux-Château au

boulevard Oudinot, au droit de la rue de Rome.


PLANCHE IX

Vue aérienne d'Oran contemporain (Ville nouvelle-Centre). Vue prise en 1934.

En haut de la photographie, le port où l'on israélite, Karguentah et son marché couvert,


peut remarquer le môle des Hauts Fonds et les la Cathédrale, le Lycée de jeunes filles, le
installations du charbonnage, les travaux de quartier Saint Michel. Au-dessous, les terrains
comblement de la baie de Sainte Thérèse, du vagues de Saint André, les Casernes de Cava
môle du Ravin Blanc et du nouvel avant-port. lerie, d'Artillerie et du Train, le quartier Saint
Au-dessous, de G. à D.. le Château Neuf et Antoine et le Village Nègre. On voit nettement
la Place Maréchal-Foch (Hôtel de Ville), le ra les deux routes de Tlemcen et de Mascara se
vin de l'Ain Rouina, le Lycée de garçons, les réunir en une voie unique aboutissant à la
quartiers de la Vieille Mosquée et de Miramar. Place Maréchal Foch.
C"
Au centre de l'image, de G. à D., le quartier Photo de la Aérienne Française.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 201

mait encore six lots situés sur le plateau du Village Nègre, qui

avaient été distraits, sur sa propre demande, de la dotation de 1884,


parce que le Génie avait alors l'intention d'y transporter les caser
nes de Karguentah1. La situation financière de la Commune appa

raissait vraiment proche de la failhte. Les déficits annuels s'accu

mulaient ; le total des emprunts dépassait déjà, en 1885, la somme

de 6 millions 2. On envisageait, comme ultime ressource, de recou

rir à un grand emprunt —


grand pour l'époque et eu égard à la
valeur de l'argent —
de 4 millions pour liquider la situation de la
trésorerie municipale. Les paiements avaient dû être prorogés ; « la
caisse était en quelque sorte fermée », déclarait-on en mai 1886.
L'année suivante, on décidait d'envoyer le Maire à Paris pour

hâter l'autorisation d'un emprunt, non plus de 4, mais de 5 mil

lions3. En attendant on votait l'aliénation de tous les terrains com

munaux disponibles, ceux des anciens cimetières musulmans, ceux

du boulevard Sébastopol notamment.

Cependant les pourparlers engagés dès 1880 4 avec l'Autorité


militaire pour le déplacement du Parc à bois et du Parc à four
rages paraissaient en bonne voie d'aboutissement. Le Général Fer-

ron, Ministre de la Guerre, très bien disposé pour les Villes, faisait,
en 1887 5, une promesse formelle que la chute du Cabinet empêcha

malheureusement de réaliser. On revint en 1889 6 à la proposition

faite, en 1880, de les transférer au delà de l'enceinte et de la porte

1. Idem S. du 15 janv. 1888.


2. Idem S. du 5 mars 1886. Dans sa séance du 27 juin 1884, le Conseil si
gnalait le déficit du budget municipal dans les trois derniers exercices. En 1883,

il avait atteint 338.750 francs. La cause en était le service des emprunts. Au


Crédit Foncier seul, il était dû 2.436.256 francs ; le total atteignait 6.032.406 francs
et il était de première urgence d'emprunter encore 1.225.000 francs. Les doléan

ces se succédaient (S. du 23, du 28 juillet 1884, du 28 mai 1885 au sujet de


l'emprunt de liquidation, du 23 déc. 1885 ; du 15 mai 1886) .

3. Idem S. du 27 juin 1887.


4. Idem S. du 4 mai, du 15 déc. 1880.
5. Idem S. du 8 août 1887.
6. Idem S. du 30 sept, et du 12 nov. 1889, du 17 nov. 1890. Toutes les négo

ciations sont résumées dans le procès-verbal de cette dernière séance.


202 L'AMENAGEMENT DU SITE

d'Arzeu, sur un terrain offert la Commune,


par mais à la condi

tion que les reconstructions seraient à sa charge et que le nouvel

établissement, par suite de sa situation près des murs, serait classé

comme faisant partie d'une de guerre, ce qui


place comportait un

avancement de la zone des servitudes, de toute la profondeur du


parc. Or, des constructions nombreuses s'étaient déjà élevées de
ce côté, et un quartier « de l'Abattoir » était en voie de formation.
Une autre solution fut alors présentée par la Municipalité, en 1890.
Le Parc à fourrages serait transféré en dehors de la porte de Valmy,
entre le Champ de manœuvre et le Cimetière Tamashouet, et l'on

envisagerait, en connexion avec son déplacement et dans son voi

sinage, celui des casernes de Karguentah, dont l'insalubrité était


unanimement reconnue par le corps médical. Les terrains que le
Domaine avait encore en réserve sur le plateau du Village Nègre,
et dont la Ville demandait la cession, paraissaient tout indiqués
pour cette destination.

Le 24 avril 1891 1, un projet de convention était enfin adopté par

le Conseil Municipal ; les bases en avaient été fixées d'accord avec

le Génie. Le Parc à fourrages et la Remonte seraient transportés


sur la route du Cimetière, au delà de la porte de Valmy, les ca
sernes du Train et de l'Artillerie rebâties par le Génie entre le
boulevard de Mascara et celui du Sud, le quartier des Chasseurs
entre ce dernier et le boulevard d'Ié^. La Ville paierait 1.300.000
francs ; mais elle
recevrait, outre les terrains des
casernes évacuées,

8.840 mq situés dans leur voisinage et la Lunette Saint-André, de


12.000 mq. L'Autorité militaire consentait2, moyennant un supplé
ment de 100.000 francs à y ajouter les Atehers des Ouvriers d'Ar
tillerie, soit 7.650 ; le Maire était d'avis d'accepter, pour
mq. ne

pas retarder la solution définitive de cette affaire interminable et

irritante, bien que le prix demandé apparût trop évidemment exa

géré.

1. A. M. S. du 17 et du 24 avril 1891.
2. Idem. S. du 15 mai 1891.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 203

Le Ministre de la Guerre ne voulut pas approuver cette conven

tion sans des modifications : élévation du prix, disjonction de l'em


placement des Ateliers de l'Artillerie, et d'autres conditions, oné
reuses pour la Ville 1. Au moment où tout paraissait ainsiêtre remis
en question surgit une proposition de M. Emile Cayla, ingénieur

civil, déjà connu à Oran, qui acceptait de se substituer à la Com


mune et de remplir toutes les obligations imposées par le Génie2.

En vertu d'un traité approuvé le 22 juillet 1891 par le Conseil


Municipal, il serait tenu de constituer une Société et d'élaborer un

projet dit « des embellissements d'Oran », à soumettre à l'examen


et au vote de l'assemblée communale. La Ville déclarait d'ailleurs
n'avoir pas les ressources nécessaires pour l'exécution, dont les
modalités seraient à débattre ultérieurement avec le concessionnaire.

Ce projet fut présenté en 1893. Il mérite plus qu'une simple

mention, non seulement à cause du retentissement qu'il eut à l'épo


que à Oran et dans l'Oranie, mais surtout parce qu'il constituait la
première tentative d'aménagement, d'extension et d'embellissement
de la ville, émanant d'un particulier et devant être exécutée avec

le concours d'une société financière. Cette pratique avait été déjà


inaugurée à Alger, en 1860, lors de la construction du boulevard
de l'Impératrice, et elle figurait, comme une des bases fondamen
tales, dans le grand projet De Redon. En définitive, sans vouloir

rabaisser le mérite des architectes et des voyers qui avaient présidé

aux grandes percées de l'ancien et du nouvel Oran, on pouvait dire


qu'il s'agissait d'une nouveauté, et c'est surtout de ce point de vue

que nous en ferons l'analyse et l'examen.

Dans la notice explicative de son plan, l'auteur opposait à la


croissance et à la prospérité maritime et commerciale d'Oran le
désordre et la confusion dans lesquels on avait laissé construire à

1. Idem S. du 24 mai 1891.


2. Emile Cayla. Embellissements d'Oran. Avant-projet de déplacement et

de reconstruction du Parc à fourrages et des quartiers de Cavalerie par le


service du Génie militaire. Percement du boulevard du Nord. Prolongement du
boulevard Malakoff. Mémoire descriptif, Oran, 1893.
204 L'AMENAGEMENT DU SITE

l'intérieur des nouveaux remparts. « Aucun plan d'ensemble n'ayant

jamais été élaboré, les propriétaires ont bâti suivant les accidents

du terrain, sur l'ahgnement de leur lot, sans s'occuper des autres,


de que, lorsque l'architecte communal, qui jusqu'alors avait
sorte

laissé faire, fut appelé à donner un alignement avec un nivelle


ment, il dut s'en rapporter au voisin et laisser au caprice et au

hasard le soin de construire une ville qu'un travail d'ensemble


pouvait faire une des plus belles du monde ». Il y avait quelque

exagération dans ces affirmations ; nous avons dit cependant i dans


quelle mesure elles pouvaient être fondées et sur qui retombait

la responsabilité première de cet état de choses. Parmi les fautes


« heureusement », M. Cayla signalait l'agglomération des
réparables

maisons d'habitation autour des nombreux bâtiments militaires de


Karguentah qui subsistaient encore, malgré les efforts des Muni
cipalités et après vingt ans de négociations. Il était vraiment néces

saire d'en finir et de s'entendre avec le Génie pour le déplacement


de installations, d'obtenir la suppression des vieux
ces murs et de
leurs zones de défense maintenant inutiles, puisque la ville débor
dait même sur la campagne et qu'il ne s'agissait plus que de relier

entre elles les parties du tout. Le plan était donc présenté comme

un plan de déplacement, d'occupation et de coordination.

Le Génie décidait de reconstruire les établissements visés sur

des terrains depuis ; le


« réservés plus
d^ 30 ans » plateau du Vil
lage Nègre était retenu pour le quartier de PArtillerie
du Train ; et

le quartier des Chasseurs serait sur l'emplacement des Arènes, la


Remonte à la suite du Parc à fourrages, au Champ de manœuvre,
les Ateliers de l'Artillerie au Polygone, à l'Ouest de la porte de

Tlemcen. « Nous nous disposons, écrivait l'auteur du projet, à four


nir au Génie les voies et moyens d'exécuter ses plans... contre la
remise des surfaces occupées actuellement et des parcelles qui

devaient être aliénées ».

Ces transformations rendraient à la construction et à la viabilité

des quartiers entiers qui, « suivant l'impulsion acquise », relieraient

1. Voir plus haut, p. 175.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 205

tôt ou tard la ville à Gambetta et permettraient l'ouverture du


«Boulevard du Nord, appelé à devenir la superbe terrasse des
Oranais et la grande artère qui, partant de la rue Philippe,
aboutira directement à Miramar ».

Mais le projet visait aussi une autre région du site urbain, celle

de la ville basse, à laquelle l'auteur voulait rendre la vitalité dont


elle se sentait de plus en plus privée, par l'effet du développement
des voies et des constructions vers l'Est et sur le plateau. Cette
partie du plan était manifestement inspirée par les plaintes des
habitants, et en premier lieu des propriétaires des anciens quar

tiers. Elles ne dataient pas d'aujourd'hui ; on en avait recueilli les


échos au Conseil municipal dès 1867 1, et tout dernièrement encore.
Un certain nombre de conseillers demandèrent, en effet, le 8 mai

1893 2, qu'on annulât la convention de la Ville avec M. Cayla, sous

prétexte qu'elle avait déjà été modifiée par le Génie avant d'avoir
reçu l'approbation de l'Autorité supérieure. Les considérants étaient
de deux ordres, les premiers devant préparer la voie aux seconds,
les plus importants assurément dans la pensée des opposants. Le
projet n'apportait, disait-on, aucun travail d'amélioration de la voi

rie existante ni d'assainissement, mais simplement l'ouverture de


voies nouvelles, en vue de spéculations sur les terrains des parti

culiers et sur ceux du domaine militaire. La création de quartiers

neufs « n'avait rien d'indispensable », alors que les travaux d'em


bellissement devaient d'abord comprendre l'assainissement plus

urgent par de larges voies du quartier israélite, de celui de la Cas


bah, de l'ancienne Blanca, l'achèvement du réseau des égouts et la
constructiond'un théâtre digne d'Oran. Mais tout ceci, fort accep
table assurément, pour arriver à cette conclusion, présentée sous

1. Voir plus haut, p. 173. Il s'agissait alors du déplacement de l'Hôtel de Ville,


au détriment de la ville basse.
2. A. M. S. du 8 mai 1893. A la même époque, les propriétaires d'immeubles
situés à Alger dans l'enceinte de la ville s'élevaient contre tout projet qui fa
ciliterait son expansion vers Mustapha. Dans son projet, E. de Redon avait dû
tenir compte de cette résistance.
206 L'AMENAGEMENT DU SITE

une forme généralisée : Les projets de ce genre « déplaceraient une

nouvelle fois et sans transition suffisamment ménagée les centres

des agglomérations urbaines, troublant gravement tous les intérêts


urbains engagés, sans aucune compensation municipale. »

Dès lors, il apparaissait qu'un projet d'urbanisme ne pourrait

rallier tous les suffrages qu'à la condition de ne pas négliger les


intérêts de la Ville basse ; aussi l'auteur proposait-il de prolonger

le boulevard Malakoff au-delà de la porte de Ras-el-Aïn. « Construit


aussitôt que percé, ou plutôt créé sur le ht du ravin —
ce qui n'était

pas tout à fait exact —


il se trouva, écrivait-il, brusquement arrêté

par les anciennes fortifications... Lors du recul des remparts, cette


partie resta intacte ; c'est cependant la moins utile et la plus gê

nante, puisqu'elle étrangle pouf ainsi dire le boulevard à sa nais

sance et coupe brusquement le quartier le plus riche et le plus

populeux, tandis que les nouveaux remparts allaient englober des


terrains excentriques et les parcs qu'il convient aujourd'hui de dé
placer. » Et il ajoutait : du port, la concentration de
« Le voisinage

tous les Services financiers, le Tribunal et la Chambre


publics et

de Commerce, la Préfecture, les Postes et Télégraphes, le gros com


merce et la haute banque, feront toujours du boulevard Malakoff

le grand centre des affaires : il faut donc absolument lui donner


le développement qu'il comporte. D'un autre côté, la circulation
devient impossible ; les rues aboutisrant au boulevard sont étroites,
tortueuses et rapides ; elles monopolisent tout le mouvement ora

nais ; l'humanité exige qu'à défaut d'espace dans les rues Phi
lippe des Jardins qui, seules, relient la basse
ou ville aux nouveaux

quartiers, on crée de nouveaux débouchés. »

Les faits ont démenti les pronostics de l'auteur ; et ce n'est pas


parce que l'on a laissé de côté cette partie de son plan. Entre l'éven
tualité plus que douteuse d'un développement de la ville au fond
et le long d'un ravin, et d'autre part la force attractive irrésistible
qui s'exercerait de plus en plus sur le plateau de Karguentah, et

principalement vers l'Est, il ne pouvait y avoir aucune comparai

son possible. Il était absolument certain —


et on pouvait s'en ren-
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 207

dre compte en rapprochant seulement les chiffres des derniers re

censements de la population1 —
que l'on n'arrêterait pas le dépla
cement du centre de
de la ville, et non moins certain que
gravité

l'extension future du port, inévitable et impossible autrement que


dans la direction de l'Est, que la situation des gares, que les liai
sons essentielles de la ville avec son établissement maritime entraî

neraient avec elles non seulement le monde des affaires et le com

merce, mais encore les organes principaux de la vie publique, du


moins ceux dont la position demandait à être centrale, pour être
rationnelle et pratique. C'est bien ce qui s'est passé par exemple
pour la Chambre de Commerce, pour les Postes et Télégraphes,
pour les banques, pour le Palais de justice. La vieille ville, recro
quevillée dans son ravin, sur un emplacement déterminé jadis par

la présence de l'eau et par les nécessités de la défense, était une

ville forte ; l'Oran moderne ne conservait plus d'une place de guerre


que les apparences, sauvées par les profils pittoresques du Château
Neuf et par la présence d'une « chemise » de misérables murs. L'au
teur avait bien été obligé d'en convenir dans la première partie de
son exposé.

En ce qui concernait le « boulevard du Nord et ses annexes »,


le plan répondait à un double objectif : relier la vieille ville aux

hauts quartiers, mais surtout favoriser la mise en valeur des ter


rains militaires cédés par la Guerre, particulièrement en créant un
boulevard qui se développerait principalement sur le front de mer,
« serait appelé à un grand avenir et ne saurait être mieux comparé

qu'au boulevard de la République à Alger ou à la Promenade des


Anglais à Nice. » L'auteur était obligé de reconnaître que, pour la
première section de cette nouvelle voie, il avait dû écarter, comme

trop coûteuse, la plus belle solution : reproduire au-dessous de la


Promenade de Létang le grand balcon d'Alger avec des voûtes et

1. De 1881 à 1891, la vieille ville, c'est-à-dire celle qui était comprise dans
les limites de l'ancienne enceinte, ne s'était accrue que de 2.883 habitants,
tandis que la nouvelle, celle du Plateau, en avait reçu 5.675, et les faubourgs
extra muros, 4.302.
208 L'AMENAGEMENT DU SITE

des terrasses, et le raccorder, à l'Est du ravin d'Aïn-Rouina, à la


rue Paixhans et à la rue de la Vieille Mosquée. S'inspirant alors
d'une idée émise par un ancien Maire d'Oran, M. Laurent Fouque,
et suivant les études faites par le Service des Ponts et Chaussées,
il créait un boulevard partant de la rue Philippe plus ouverte, au

voisinage de la place Bastrana et se dirigeant sur Gambetta par

quatre lignes brisées. Passant entre le front du Château Neuf et

les jardins du Cercle militaire que soutiendrait un mur de soutè

nement, il coupait la route du port, franchissait le ravin comblé


jusqu'à l'angle du lycée, suivait le tracé de la rue Paixhans et de
celle de la Vieille Mosquée élargies, traversait les terrains du quar
tier des Chasseurs et rejoignait le « boulevard du Nord » existant

déjà à Miramar, grâce au comblement du ravin de la Cressonnière ;


il perçait ensuite le rempart et se poursuivait en terrain dominant
la mer jusqu'à Gambetta, après avoir enjambé par un pont le ravin

Blanc et le chemin de fer.


La longueur totale serait de 2.650 mètres pouvant être portée,
par le prolongement de la dernière section, à 3.300, la largeur de
14 mètres, et en tenant compte des arcades, imposées par la Société
aux constructeurs, de 19 ou 24 mètres, selon qu'il y aurait un ou

deux côtés de la voie bâtis ; un côté seulement, face à la mer, dans


la traversée en remblai du ravin d'Aïn-Rouina l et dans les troi
sième et quatrième sections, deux dans la traversée du quartier de
la Vieille Mosquée. L'auteur, hanté J et, disons-le, plutôt heureu
sement sur ce point —
par l'exemple d'Alger, préconisait ce sys

tème des galeries, nouveau à Oran, comme le plus pratique pour

s'abriter des ardeurs du soleil estival et des pluies hivernales. « Il


a fourni, écrivait-il, l'appoint le plus important du contingent étran
ger de la station d'Alger ; il a contribué dans une large mesure à
donner à cette ville un cachet grandiose et artistique que nous ne

saurions toujours lui envier, puisque nous pouvons l'imiter. » S'il

1. Sur le plan annexé au mémoire descriptif, on est un peu étonné de voir

figurer la Gare Centrale sur le parcours en remblai ménagé dans le ravin

d'Aïn-Rouina.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 209

y avait à regretter que le nouveau boulevard abandonnât le front


de mer, sur 910 mètres, pour devenir l'artère centrale du quartier

des casernes, où il était croisé par dix voies transversales, on ne

pouvait que louer la belle percée perpendiculaire du « boulevard


des Chasseurs », dont les dimensions en feraient une véritable

promenade,« le clou du projet », Karguentah n'ayant eu jusqu'alors


aucune voie donnant « sur la mer qui est à deux pas. » C'était, en

effet, une ouverture, entre la rue d'Arzeu et la mer, de 350 mètres

de long, de 56 de large, soit 10 mètres pour les arcades, 30 pour le


promenoir central planté d'arbres, et 16 pour les chaussées laté
rales. A son extrémité Nord, il était relié, en bordure de la falaise,
au boulevard de Miramar par un « boulevard Maritime » formant
terrasse et balcon sur la mer.

La deuxième partie du programme, que l'on pourrait appeler

« celle des compensations à donner à la ville basse », soulevait

certes beaucoup de critiques,


plus sans parler des difficultés d'exé
cution. L'exposé de l'auteur était au demeurant un aveu qui ne

trahissait nullement la réalité des faits. « Le déplacement du centre

de la ville, qui a occasionné l'abandon des bas quartiers, notam


ment de la rue Philippe et du boulevard Malakoff, doit être attribué

en grande partie à l'ouverture de la route du Port1. Celle-ci a, en

effet, presque absorbé le mouvement considérable monopolisé au

trefois par l'unique grande d'Oran ; elle a fait affluer la cir


voie

culation vers le boulevard Seguin... Mais le marasme des bas quar


tiers provient aussi de ce que le boulevard Malakoff brusquement
arrêté à son origine est resté sans issue 2. Il est facile de lui donner
une autre utilité en le prolongeant jusqu'au Polygone d'Artillerie. »

L'idée, présentée jadis par un Maire, M. Mathieu, avait été exploi


tée dans un avant-projet des Ponts et Chaussées rectifiant la route

1. La création de cette route, cependant nécessaire et indispensable au trafic


du port avec l'intérieur, avait soulevé déjà des récriminations, alors qu'elle

n'était qu'en projet. (Voir plus haut, p. 175).


2. A. M. S. du 12 fév. 1892. Le Conseil Municipal avait donné dans cette

séance, mission au Maire de faire aboutir les vœux émis par une réunion de
210 L'AMENAGEMENT DU SITE

nationale

2 d'Oran à Tlemcen pour lui faire suivre le ravin de
Ras-el-Aïn temps le d'Eck-
et relier en même faubourg grandissant

miihl avec la Marine. On en espérait le retour « du mouvement et

de la vie vers le milieu des affaires », qui « attirerait toujours le


Inonde commercial », et une « réaction prospère et durable » ; on

ranimerait en tous cas une des plus grandes et des plus belles ar

tères de la ville.

...
Mais, tandis que le tracé des Ponts et Chaussées ne prévoyait

qu'un prolongement du boulevard en ligne droite


372 mètres, sur

et à la suite 1.647 mètres de route jusqu'à l'Ecole Normale de filles,


le projet de M. Cayla visait à créer des surfaces utilisables pour la
construction. On poursuivrait le travail de comblement du ravin

jusqu'au Château d'Eau, soit sur 1.100 mètres, pour y installer une

voie de 25 de large; Elle deviendrait ensuite, sur 1.880 mètres,


mètres

la route nationale rectifiée, « la route stratégique tant désirée par

le Génie » pour relief le Port au Polygone. Des rues parallèles

seraient percées sur les deux versants, pour constituer « les amor

ces d'une station hivernale pleine d'avenir qui rendrait à la vieille

ville « sa vitalité momentanément enrayée ». En se reportant à


un plan topographique, on constate qu'il ne fallait pas songer à
réaliser quoi que ce soit de ce genre jusqu'au droit du camp Saint-

Philippe, et au-delà on se rend immédiatement compte des diffi


cultés d'exécution de cet article dujprogramme, de l'importance et

du coût des travaux nécessaires, et Tout cela en vue d'un résultat

plus qu'hypothétique. Dès cette époque, en effet, un observateur

un peu avisé, un enquêteur un peu renseigné aurait pu diagnosti


quer à Alger même, où l'hivernage des étrangers ne fut d'ailleurs
jamais ce que l'on a prétendu, la substitution du tourisme et des

propriétaires des bas quartiers de la ville. Il s'agissait de trouver « les moyens

de rendre à cette partie de la ville le mouvement et la prospérité d'autrefois ».

Le président, M. Giraud, qui présidait aussi la Chambre de Commerce, avait

rédigé la pétition adressée au Gouverneur Général. Parmi les remèdes préconi


boulevard1
sés, se trouvait le prolongement du Malakoff jusqu'à la rencontre

de la route nationale de Tlemcen, et du côté du Nord, jusqu'à la mer.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 211

visites de passage aux séjours prolongés et répétés qu'exige l'ex


ploitation de cette industrie spéciale1.

En revanche, lorsque, dans sa conclusion, l'auteur proclamait


sa foi en l'avenir
d'Oran, on pouvait lui donner raison. Ici, les faits
étaient éloquents : en trois ans, de 1889 à 1892, il s'était vendu pour
plus de 8.500.000 francs de terrains à bâtir à l'extérieur des rem
parts et dans les faubourgs ; la fortune publique s'était accrue de

plus de 20 millions. « Le prochain recensement, annonçait-il, dé


passera 100.000 habitants. Ce ne sera certainement pas le dernier
mot. Oran est encore en formation ; c'est un immense chantier de
construction en pleine prospérité... une cité de la jeune et puissante

Amérique. »

Il en fut, à Oran, du projet Cayla, comme du projet de Redon, à


Alger. Le traité passé avec la Ville, le 22 juillet 1891, stipulait que

la Société Immobilière d'Oran, société anonyme au capital de 2


millions, fournirait d'avance à la Ville les fonds nécessaires pour

le paiement des terrains et recevrait du Génie, dans un délai de


trois ans, les immeubles rétrocédés et les parcelles complémentaires,
à l'exception de la Lunette Saint-André, conservée par la Com
mune en échange des frais d'aménagement des nouveaux quartiers

restant à sa charge. Mais l'Autorité militaire supérieure n'ayant pas

approuvé la convention, de nouvelles négociations durent être enga


gées, en 1893, entre la Ville, le Génie et la Société Immobilière re
présentée par M. Cayla. Elles se prolongèrent pendant plus d'une
année jusqu'à la signature de la convention définitive, du 23 avril

1894 2, qui substituait à la Ville la Société, appelée d'ailleurs à sup-

1. L'auteur, hanté par l'exemple d'Alger, où l'hivernage était cependant en

décroissance, à cause de la concurrence de Biskra, et surtout du Caire, et où

la prétendue prospérité de cette industrie avait été fortement exagérée, songeait

à faire d'Oran, et des versants du Ras el Aïn, « une station hivernale pleine
d'avenir qui apporterait son puissant contingent à la vieille ville et lui rendrait
en peu de temps sa valeur incontestable et sa vitalité momentanément en

rayée ».

2. A. M. S. du 24 février, 21 mars, 2 mai, 8 mai, 4 août, 8 août, 18 août 1893,


des 12 mars, 19 mars, 11 avril, 18 avril, 6 juin 1894.
212 L'AMENAGEMENT DU SITE

porter de nouvelles charges. Transmise par le Gouverneur Général


au Ministre de l'Intérieur avec un avis très favorable, elle paraissait

devoir être transformée en loi d'utilité publique, « selon le désir


de la population d'Oran ». Or, en novembre 1896 1, malgré la signa

ture de trois Ministres, le projet Cayla n'était pas encore déposé


devant le Parlement. Le Conseil Municipal protestait, invoquant le
préjudice énorme qui résultait de ce retard pour la Ville, l'arrêt des

transactions immobilières, la suspension des travaux de construc

tion. Enfin, le 11 janvier 1897, une loi sanctionnait la convention

intervenue entre le Génie la Société Immobilière ; celle-ci devait,


et

à la date du 20, verser à la Recette municipale la somme de 2 millions


10.000 francs2. Après une prolongation du délai jusqu'au 23 mars

d'abord, puis jusqu'au 22 avril, et devant sa carence, le Conseil com

munal prononça, le 6 mai la déchance de la Société3. Tout était


alors remis en question, sauf le principe du déplacement des quar

tiers militaires et de leur cession à la Ville à titre onéreux.

La Commune entreprendrait-elle de réaliser l'opération elle-

même ? La chose était peu probable ; la période, particulièrement

agitée par des troubles politiques, se révélait non moins défavo-

rble, au point de vue des affaires immobilières. Une grande décep


tion avait succédé aux espérances fondées sur le projet Cayla,
désormais caduc, les travaux étaient arrêtés, le chômage s'aggra
vait dans l'industrie du bâtiment4, xelle dont le marasme en est

le principal pourvoyeur pour les ▼illes. Seules des résolutions

hardies auraient pu redresser la situation ; mais il fallait compter

avec les charges des contribuables, qui veulent bien souscrire aux

grandes œuvres d'urbanisme, à la condition toutefois de n'avoir

pas à les payer. Or, au Conseil même, on remettait en discussion

1. Idem S. du 2 déc. 1895. On apprend alors seulement que le dossier est

enfin transmis à Paris. S. du 10 nov. 1896. On se plaint des retards qui gênent
les transaction immobilières et paralysent la construction.
2. Idem S. du 26 mai 1896.
3. Idem S. du 6 mai et du 23 déc. 1897.
4. Idem S. du 23 nov. 1897.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 213

le principe du transfert des casernes sur les emplacements arrêtés

par le Génie, d'accord avec la Ville K Un conseiller demandait


notamment qu'elles fussent reléguées hors des murs, du côté du

Champ de manœuvre, et qu'on laissât à la construction privée, ou

mieux à la disposition de la Commune, pour y créer un site

d'agrément qui lui manquait, « les espaces libres que réclament

les villes modernes » 2, conception parfaitement défendable, mais

qui se heurtait à la vieille répugnance des Municipalités à sacrifier,


même à l'hygiène, des sources de profits financiers. L'Autorité mili
taire, de côté, faisait savoir qu'elle ne traiterait plus avec per
son

sonne avant le 31 janvier 1898, et la Ville suivait. En vain, M.

Cayla s'offrait-il à verser au Crédit Lyonnais les fonds qu'il avait


enfin pu trouver 3. Le 15 mars, devant une mise en demeure du
Ministère de la Guerre, le Maire proposait la solution de l'emprunt ;
mais, comme les ressources du budget municipal ne permettaient,
ni de le gager, ni de l'amortir, on se trouvait acculé à deux moyens,
la vente des terrains ou les centimes additionnels. Un débat s'en
gageait, au cours duquel un conseiller préconisait le deuxième,
Oran, « premier portde l'Algérie », n'ayant ni parc, ni place, ni
théâtre. Or, le plateau du Village Nègre, jadis désert, mais main
tenant encadré par les constructions, était tout désigné pour être
l'emplacement du grand parc de la Ville, comme Eckmuhl le serait
pour les casernes.

Les choses en étaient là, lorsque surgit une proposition de la


Société Bentz-Audeoud et Guénot 4, qui aboutit à un projet de
convention du 6 et du 15 octobre, approuvé le 13 décembre, modifié
à la suite des observations du Préfet, et finalement sanctionné par
la loi du 7 juin 1899 5. Cette fois les fonds nécessaires à l'opération

1. Idem S. du 15 mars 1898. Le Maire proposait de faire réaliser le dépla


cement des quartiers militaires par la Ville même. Le Conseil recula devant
l'emprunt nécessaire et devant le recours aux centimes additionnels.

2. Idem S. du 26 oct. 1897 et du 15 mars 1898.


3. A. M. S. du 11 fév. 1898.
1"
4. Idem S. du 4 et du 15 oct. 1898, des et 13 déc. 1898.

5. Idem S. des 24 janv., 7 fév., 15 avril, 9 et 24 juin 1899.


214 L'AMENAGEMENT DU SITE

furent versés, et la nouvelle Société Irnmobilière put présenter à


l'acceptation du Conseil Municipal un plan d'alignement du « quar
tier de l'ancien Parc à fourrages », qui fut approuvé définitivement
le 29 novembre 1901 1. La question des terrains militaires de Kar
guentah était enfin réglée —
mais au bout de 20 ans ! Et il restait

encore, comme un témoin de toutes les résistances rencontrées au

cours de ces pénibles négociations, un établissement de l'Armée


englobé dans le nouveau quartier, et qui y subsiste encore aujour

d'hui, le Parc d'Artillerie, que hmitent à l'Ouest et à l'Est le bou


levard des Chasseurs et l'avenue Loubet actuelle.

Pendant que se poursuivaient ces tractations, la Ville continuait

à se développer le plateau, le long et à proximité des


sur voies

tracées conformément aux derniers plans d'alignement de 1874 et de


1880. Le nombre des maisons d'Oran passait en 20 ans de 3.000
à 5.250 en chiffres ronds. Sa population municipale augmentait entre

les recensements de 1881 et de 1901, de 31.000 habitants environ, c'est-

à-dire de plus de 52 %. Mais, tandis qu'elle restait presque station-

naire dans la vieille ville, avec un accroissement de moins de 35.000


unités, elle progressait dans la ville nouvelle de plus de 16.000, et fait
plus remarquable encore, de plus de 8.500 dans les faubourgs, hors les
murs, soit de 282 % 2. En étudiant la répartition dans la ville nouvelle

intra muros, on pouvait constater que les quartiers qui, proportion

nellement, s'étaient le plus peuplés paient ceux de Saint-Michel, de


Saint-Charles et de Saint-Pierre, où le gain était de plus de
3
7.000 ; la section de Miramar figurait déjà pour près de 1.100 4.
Dans ceux de Saint-Antoine et de l'ancien hôpital, le gain dépassait
3.900 5
; 9.000 dans ceux de l'Hôtel de Ville, du Lycée, de la Vieille

1. Idem S. du 14 sept et du 29 nov. 1901.


2. Les chiffres exacts sont : 2.458 pour la vieille ville, 16.016 pour la ville

nouvelle, et 8.516 pour les faubourgs.


3. En 1881 le quartier de St- Charles n'existait pour ainsi dire pas. Le chiffre

total pour les autres était de 3.894. Or en 1901, il était de 11.289 ; soit un gain
de 7.395 unités.
4. Pour 1086 exactement.
5. En 1881, 5.154 et en 1901, 8.656, soit en plus 3.502 habitants.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 215

Mosquée et de Karguentah proprement dit, ce qui s'exphquait faci


lement1. Le Village Nègre s'était accru de 4.325 2. Tous ces chiffres

sont intéressants à commenter.

Ils montrent, en effet, d'une manière très expressive comment


s'était fait le développement de la ville. Bloquées du côté du
Nord,
soit par la présence des ravins d'Aïn-Rouina, de la Mina et de la
Cressonnière, soit par l'occupation des terrains réservés aux éta
blissements militaires, les constructions garnissaient peu à peu les
espaces vides au Sud, et, contournant l'obstacle interposé entre

la mer, elles s'allongeaient vers l'Est, en direction des routes


elles et

d'Arzeu, de Mostaganem et d'Alger. Dans ces deux sens, elles


débordaient hors des murs. Ceux qui, comme nous, ont visité Oran,
à date du début du siècle, ont conservé le souvenir d'une cité
cette

manifestement en voie de croissance il s'agit de la nouvelle —

ville —
qui donnait, en dépit ou peut-être à cause du tracé des
voies principaleslargement ouvertes, l'impression d'un vaste chan
tier de construction, avec beaucoup d'incohérence, de vides, de

maisons d'aspects disparates, élevées généralement, quelque


peu

fois fort modestes, à un étage seulement, reflétant la modestie même


de la condition de leurs premiers occupants, voire de leurs cons

tructeurs. Sauf dans le voisinage de l'Hôtel de Ville et du boulevard


Seguin, où Oran faisait figure de grande ville, il conservait une

physionomie de grand faubourg, mais de faubourg qui se presse

de grandir, qui bourdonne, qui remue, hommes et bêtes, sous le


soleil de plomb, dans le plâtras et la poussière blanche.

L'ouverture du boulevard Seguin, qui devait être l'artère maî

tresse de la nouvelle ville, ne s'était pas faite sans de nombreuses

difficultés. Il avait fallu en effet, et c'était la plus grande, combler

la tête du ravin d'Aïn-Rouina3, retenir par des murs de soutè-

1. En 1881, 6.016 et en 1901, 15.363, soit un gain de 9.347 habitants ; mais il


s'agissait du centre même de la nouvelle ville.

2. En 1881, 8.326 et en 1901, 12.651, en plus par conséquent 4.325 unités.

3. Il y avait d'ailleurs et avant toutes choses à traiter avec divers proprié

taires pour la cession de leurs terrains (A. M. S", du 10 fév. 1870).


216 L'AMENAGEMENT DU SITE

nement les terres de chaque côté de la chaussée x et construire des


ponceaux pour l'écoulement des eaux 2 ; en outre, en concordance

avec celui de la voie principale, on devait procéder au nivellement

de toutes les voies adjacentes et rectifier même celui de la Place


d'Armes3. Sur ce dernier point, c'est seulement en 1880 que la
Ville s'était entendu avec le Génie ; car il s'agissait d'un terrain

du domaine militaire. On n'avait pas encore achevé à cette date


le remblaiement du boulevard4. Le raccord avec les alignements

du quartier à créer, entre le boulevard Seguin et le Lycée soulevait


des discussions et les propriétaires des jardins du ravin menaçaient

de faire des procès. Le Conseil Municipal, malgré l'avis si sage de


l'architecte de la Ville, M. Estibot, délivra un alignement, en bordure
du boulevard Seguin, qui devait avoir pour l'avenir de fâcheuses
conséquences 5.
Il vaut la peine de donner à ce sujet quelques détails : car cette

décision a privé par avance Oran de l'un des avantages de son site.

Le 8 juillet 1880, à propos de cette affaire, on se référa au plan

1878 6 les
partiel adopté en pour rues Schneider, de la Paix,
Paixhans, le futur boulevard du Lycée et leurs raccords avec le
boulevard Seguin. C'est à cette occasion que M. Estibot insista sur

l'idée qui avait présidé à l'établissement du projet. Il s'agissait,


dans sa pensée, de « conserver, sur tout le parcours du boulevard
du Lycée et de la partie du boulevard Seguin comprise entre la Place
d'Armes et le premier de ces i:
bouSvards, la magnifique vue que

1. Les propriétaires, notamment MM. Lasry, étaient disposés à céder leurs


terrains et même à construire les de soutènement, mais moyennant des
murs

échanges contre des parcelles importantes. (A. M. du 22 avril 1872).


2. A. M. S. du 6 mai et du 27 mai et du 20 nov. 1872.
3. Idem S. du 15 juillet, du 6 janv., du 17 fév. 1873, du 22 mai 1875, du 18
sept. 1880.
4. A. M. S. du 8 avril 1880.
5. A. M. S. du 8 juillet 1880.
6. Idem S. du 17 août 1878. L'architecte de la Ville rappelait notamment que

dès le de 1875,
mois un alignement avait été délivré le boulevard Séguin,
sur

mais comme il était refusé pour la rue de la Plage (boulevard du Lycée) il


était devenu sans effet.
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d après les dern:


Phave
PLANCHE X

Du VIEUX QUARTIER ISRAELITE A LA VILLE MODERNE. Photo Moreau.


La photo aérienne montre bien, de G. à D., l'opposition des constructions

anciennes cubiques età patios qui ont subsisté d?.ns le quartier israélite,
XIX"
avec les grands immeubles de la fin du siècle.

Le quartier neuf de Miramar. Photo Moreau.

La nouvelle route du Port et la voie ferrée dominées par le Boulevard


Front de Mer amorcé. A G., le ravin de la Cressonnière ; à D., celui de
La Mina ; au fond, les quartiers de Saint-Pierre et de Saint-Charles.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 217

présentent le ravin d'Aïn-Rouina et la mer bordée par les falaises


qui développent à l'Est d'Oran. Par suite, c'était, pour les pro
se

priétaires des terrains du ravin qui se trouvent sur le parcours,

l'interdiction d'y bâtir ». A l'occasion de l'enquête de commodo

faite en 1878, il avait insisté sur l'urgence qu'il y avait à exproprier

les jardins situés en bordure des voies du nouveau quartier.

Aujourd'hui, devant une demande d'alignement, qu'il considérait

comme devant être rejetée, il conseillait de hâter l'expropriation


de tous les jardins du ravin qui« dans l'avenir, disait-il, doivent
être affectés à un jardin public, prolongement de celui de Létang »,
et que pour le moment on pourrait louer comme potagers. Il insis
tait sur l'idée de réserver une large ouverture sur le ravin, le
long du boulevard Seguin, de la rue de la Plage (boulevard du

Lycée) et de la rue de la Paix prolongée jusqu'à la rue Paixhans.


Toute cette ligne de voies élargies pourrait recevoir une double
rangée d'arbres et former un grand boulevard ondulé qui partirait

de la Place d'Armes pour aboutir au Lycée 1. « En outre, cette dis


position conserverait pour la Place d'Armes, à son angle Nord-Est,
une large vue sur la mer, qui serait en même temps une bouche
d'aération par la baie de tout le quartier Napoléon. D'ailleurs,
selon lui —
et ici les faits, par suite des nouveaux procédés de
construction et de la hardiesse des entrepreneurs, lui ont donné
tort la différence de niveau, de 10 à 12 m.,

entre ces voies et

le fond du ravin, excluait d'une manière à peu près absolue toute

possibilité de bâtir de ce côté ; on pourrait ainsi « réaliser une des


plus belles promenades qu'on puisse imaginer ». Mais l'expropria
tion aurait porté sur 30.000 mq ; le Conseil recula devant les
conséquences financières de l'opération, renvoya l'affaire à une

Commission d'étude, et, sans attendre ses conclusions, céda devant


la menace d'un procès et délivra l'alignement.

1. Idem. 24 déc. 1879. Le Conseil Municipal s'était prononcé pour le prolon


gement vers les murs de l'enceinte du boulevard Seguin ; le 5 mars 1881, il

décidait de lui donner une largeur uniforme de 15 m. et de donner la même


ouverture au boulevard du Lycée.
218 L'AMENAGEMENT DU SITE

Et c'est ainsi que fut perdue l'occasion d'utiliser, pour l'embel


lissement de la ville, une des parties les plus intéressantes du site
d'Oran. On travaillait malencontreusement à multiplier les écrans
entre la mer et les plus beaux quartiers d'une cité maritime. On
peut aujourd'hui mesurer les effets de pareilles décisions. Elles ont

permis de réaliser ce paradoxe d'une ville, haut placée sur un

plateau, au-dessus de sa magnifique baie, et qui néanmoins, dans


la partie toute proche de la falaise et du port, regarde la mer, mais

ne la voit pas.

L'idée de créer des jardins dans le ravin d'Aïn-Rouina était


déjà ancienne, puisqu'elle avait été émise par un Maire de la ville,
dès 1857 ! ; reprise en 1860, elle s'était heurtée à l'obstacle des
servitudes militaires, et, en 1862, on avait dû y renoncer, avec

regret d'ailleurs 2. En 1872, un particulier proposait au Conseil,


moyennant la location de la promenade de Létang qu'il s'engageait
à entretenir, de créer à ses frais sur le versant Est du Château
Neuf une nouvelle promenade qui la prolongerait. Un projet de
contrat avait été adopté ; mais, devant les protestations des maraî

chers du ravin, il fut annulé 3. On reparla de ces terrains en 1887,


lorsqu'il fallut procéder aux expropriations nécessaires à l'établis
sement du boulevard du Lycée et à l'aménagement d'un square

devant sa façade 4. C'était l'année où était enfin ouverte la route

du Port sur la rive gauche. Mais les servitudes militaires du Châ


teau Neuf n'en subsistaient pas
moi^ en 1892, date à laquelle le
Conseil Municipal réitérait un vœu pour leur suppression « notam

ment dans le ravin d'Aïn-Rouina » 5. Nous avons vu ce qu'il devenait


dans le projet Cayla 6, où l'on voyait figurer, sans doute sur de

1"
1. A. M. S. du sept. 1860. Il s'agit de M. Marion, dans la séance du 14
nov. 1857.
2. Idem. S. du 17 mai 1862.
3. Idem. S. du 10 sept. 1872 et du 7 juillet 1873. Il s'agit de la proposition de
M. Boulpiquant.
4. Idem. S. du 21 juin 1887.
5. Idem. S. du 2 sept. 1892.
6. Voir plus haut, p. 208.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 219

puissants remblais, l'emplacement de la gare centrale d'Oran. En


1894, l'auteur prenait l'engagement, si son plan était adopté, de
construire les murs de soutènement nécessaires pour l'édification
de maisons en bordure de la rive droite du ravin et en façade
sur le boulevard du Lycée 1. Les timidités que l'on avait pu cons

tater en 1880 n'existaient plus. Le ravin seul subsista, sous la forme


d'un trou qui attend encore des aménagements et le comblement.

Du moins, devant la résistance de l'Autorité militaire à abandonner


ses positions, le Conseil Municipal en arrivait, dès 1896 2, à de

mander le dérasement des fortifications, « murailles de pacotille »,


et en 1905 celui même du Château Neuf 3.
C'est dans cette période de 1880 à 1900 que la ville nouvelle,
la « haute ville » comme on l'appelait encore, fut dotée de quelques-

uns des édifices publics, de plus en plus nécessaires en raison de


l'importance croissante du chef-lieu de l'Ouest, et tout autant, de

l'insuffisance des installations mesquines et inconfortables dont les


services avaient dû jusqu'alors s'accommoder tant bien que mal. Il

ne resta plus dans la ville basse que la Préfecture, mentionnée un

peu témérairement dans l'édition du Guide Joanne de 1887 comme

« bâtiment provisoire » 4, le Trésor, les Postes et Télégraphes et les


Services de la Marine.
La première pierre de l'Hôtel de Ville 5, dont les plans avaient

été mis au concours dès 1873 6, ne fut posée qu'en 1882 ; il n'était

achevé qu'en 1886 et les bureaux ne furent complètement ins

tallés qu'en 1887 7. En 1889 étaient entrepris les travaux du Palais


de Justice, entre le boulevard Sébastopol et le boulevard Magenta,

1. A. M. S. du 12 mars 1894.
2. Idem S. du 15 sept. 1896.
3. Idem S. du 16 oct. 1905.
4. Louis Piesse. Algérie et Tunisie (Coll. des Guides. Joanne). Paris, 1887,
p. 158. Voir le plan d'Oran et de ses faubourgs p. 148.
5. Voir plus haut, p. 173.
6. A. M. S. du 6 janv., du 27 fév. et du 2 sept. 1873.
7. Idem S. du 22 juin 1886. Mais on travaillait encore à la décoration et à
l'ameublement en 1889 (S. du 31 mai 1889).
220 L'AMENAGEMENT DU SITE

tout à côté de la Gendarmerie de la Prison Civile, dont on de


et

mandait d'ailleurs le déplacement ; la Ville, avec le concours du


Conseil Général, procédait à l'ouverture des rues environnantes

et à l'aménagement d'un 1. En 1886, l'Hôpital Civil, construit


square

sur les terrains de l'ancien Cimetière musulman, à l'extrémité du


boulevard Sébastopol, succédait au caravansérail de la Porte Saint-
André, transformé en Musée2.

Le Lycée était inauguré en 1887 3. Le Conseil Municipal avait

demandé, dès 1878, l'érection en Lycée du Collège Communal, et


s'était engagé à concourir, selon la règle, aux frais de la construc

tion4. En 1879, il représentait à la Délégation Parlementaire en

mission que l'Enseignement secondaire laïque était relégué à Oran


dans un « quartier repoussant », et dans un bâtiment indigne de
lui, alors que les Jésuites possédaient au cœur de la nouvelle ville

un bel établissement5. Le Collège était en effet perché dans la


Blanca au bout de la rue de Moscou ; il se composait d'une ancienne

villa de mauvais goût construite par un Israélite italien, d'une cour

appartenant au Domaine et d'une maison particulière louée pour

abriter deux dortoirs 6. Bien que les dimensions du Lycée


(10.000 mq) et sa sur la rive droite du ravin d'Aïn-
situation,
Rouina, aient été appréciées, à l'époque, comme donnant toute

satisfaction, on a pu regretter depuis qu'ilait, lui aussi, constitué


un écran de plus entre le quartienwieuf créé au Nord du boulevard

Seguin et la mer.

1. Idem S. du 17 mai et du 28 juin 1889.


2. Louis Piesse, o. c, p. 158.
3. A. M. S. du 15 déc. 85.

4. Idem S. du 4 mars 1880. On y lut un historique. L'érection fut demandée


le 9 déc. 1878. Le 12 déc. la Ville s'engagea à verser 600.000 francs ; le Conseil
Général accordait le 19 déc. 100.000 francs, le plan, renvoyé par le Ministre
mais

de l'I. P., était remanié et approuvé, le devis étant de 1.500.000 francs. Le 19


avril 1880, la Ville accordait 700.000 francs.
5. Idem S. du 17 oct. 1879.
6. Ch. Desprez, o.c, p. 208.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 221

La question du Théâtre, qui restait depuis longtemps en sus

pens, fut enfin réglée. Celui qui s'élevait sur la place Bastrana avait

toujours été considéré comme provisoire ; on discutait périodique

ment sur l'emplacement à arrêter pour l'édifice définitif. En 1885,


on avait écarté la Place d'Armes, à cause des difficultés que
soulevait le déplacement des bureaux de la Place, et on s'était
rallié au projet de reconstruction du Théâtre sur la place Bas

trana1. Cependant, l'année suivante, le Conseil Municipal deman


dait la cession du terrain militaire que le Génie était prêt à aban

donner au Domaine2. Après de longs pourparlers et bien des hési


tations, il obtenait satisfaction, et en 1890, il choisissait définitive
ment, comme emplacement du nouvel édifice, la partie Ouest de
la Place d'Armes, où, par une modification apportée au plan d'ali
gnement de 1865, on devait en faire un îlot3. Ce n'est qu'en 1905
que le projet fut adopté 4 ; le Théâtre fut terminé et mis en service

en octobre 1907 5.

Le développement progressif de l'agglomération oranaise, qui


était arrivée à dépasser les limites de l'enceinte, donnait une impor
tance particulière à la question des transports rapides, que les édiles
des grandes cités ne sauraient négliger ; car elle est étroitement
liée à celle de leur extension et elle intéresse au plus haut point

l'avenir de leur peuplement et leur prospérité commerciale. C'est


ainsi que la Municipalité d'Oran fut amenée à prendre position

dans les discussions relatives à la création et à l'emplacement


de la Gare Centrale des Chemins de fer, à doter la ville d'un
réseau de tramways électriques et à examiner des propositions
diverses de funiculaires.

Bien avant que la ligne d'Alger à Oran fût terminée, dès le


début même des travaux, en 1857, au moment où l'on arrêtait les

1. A. M. S. du 15 mai 1885.
2. Idem. S. du 6 juillet 1886.
3. Idem. S. du 19 déc. 1890.
4. Idem. S. du 18 oct. 1905 et du 25 janv. 1906. Il s'agissait du projet Hainez.
5. Idem. S. du 13 déc. 1906.
222 L'AMENAGEMENT DU SITE

plans du nouveau port, l'Ingénieur Aucour, qui présidait à leur

confection, avait réservé, sur les terre-pleins à créer en arrière

du bassin qui porte aujourd'hui son nom, un espace de 5 hectares


destiné à une gare maritime, dont les frais d'installation, y compris
les travaux de remblaiement à exécuter, seraient à la charge de

la Compagnie concessionnaire 1, c'est-à-dire, après 1867 2, de la Cie


P.L.M. Le décret du 28 juillet 1860 approuvant le projet et celui

du 16 juin 1868 fixant l'emplacement de la gare terminus du che

min de fer furent modifiés par celui du 18 septembre qui supprima

la dernière clause relative aux travaux 3 ; dès 1867 une voie pro

visoire était mise à la disposition de la Compagnie. Mais, alors que

sur tous les plans, de quelque origine et à quelque échelle qu'ils

fussent, on pouvait voir figurer sur les quais du bassin en cons

truction la « Gare Maritime », considérée comme devant, dans une


situation analogue, jouer le même rôle que celle d'Alger, lors de
l'ouverture au public de la ligne d'Alger-Oran enfin complètement

terminée, en mai 1871, les marchandises, par un grand détour


seules

vers l'Est, un boucle décrite hors les murs et un tunnel percé sous
le fort Sainte-Thérèse, arrivaient sur les terre-pleins ; les voyageurs

s'arrêtaient à la stationde Karguentah, simple halte devenue la


gare principale d'Oran. L'aménagement en était des plus sommai
res, l'aspect misérable, et l'on ne pouvait vraiment la considérer

que comme une installation provisoire.

En 1885, la Municipalité et le^Conseil Général étaient d'accord


pour en dénoncer l'insuffisance : Oran était la tête de ligne des
communications du département; une liaison prochaine allait cer

tainement l'unir au Maroc, et la création de services rapides avec

l'Espagne ouvrait d'autre part des perspectives nouvelles pour les

1. M. Meunier. Notice sur le port d'Oran. (Ports maritimes de la France.


1"
tome huitième, Paris.
partie. 1890, p. 212-332). Il s'agissait d'économiser ainsi
3 millions sur les travaux projetés.
2. Par la convention du 31 le 1"
mars 1863, ratifiée mai 1863 par le Gou
verneur Général Randon et par la loi du 11 juin 1863.
3. M. Meunier, o. c.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 223

relations entre l'Europe et l'Afrique du Nord l. Par ailleurs, en

1882, la Cie de l'Ouest-Algérien, concessionnaire depuis 1874 de la


ligne de Sainte-Barbe-du-Tlélat à Sidi-bel-Abbès, avait reçu aussi
la concession de celle d'Oran-La Sénia-Aïn-Témouchent 2. Le Con
seil Municipal, renouvelant, en 1884 3, un vœu déjà émis en 1883,
demandait la création d'une gare centrale commune aux deux com

pagnies ; mais le Ministre des Travaux Publics rejetait cette sug


gestion comme irréalisable sans des dépenses trop coûteuses 4.
Ainsi futétablie, à environ un kilomètre au Sud de la station de
Karguentah P.L.M., et en dehors des murs une deuxième gare qui

devait devenir en 1900 celle de l'Etat. Devant les instances répétées

des Corps élus, une Commission d'études avait enfin élaboré un

projet spécial de gare dite « centrale » réservée au P.L.M. Consulté


en 1891, le Conseil Municipal, par la voie du Maire, protestait

contre le plan proposé « indigne d'une de 75.000 âmes, devenue


ville

le premier port commercial de l'Algérie et la tête de ligne d'un


important réseau»5. Il le rejetait de nouveau en 1892 et en 1894,
tout en acceptant l'emplacement
de la gare, à 300 m. à
projeté

l'Est de l'intersection des boulevards Seguin, Marceau et Magenta;


la ville se développait en effet de ce côté vers le plateau Saint-
Michel, vers Saint-Pierre et Saint-Eugène, et le centre se déplaçait
progressivement dans cette direction 6. En 1895, il rappelait que la
Cie P.L.M., selon les conditions de la concession de 1863, était tenue

1. A. M. S. du 24 janv. 1895. On y exposa un historique de la question.


2. Jacques Poggi. Les chemins de fer d'intérêt général de l'Algérie. Paris,

1931 (Coll. du Centenaire), p. 38 (décret du 30 nov. 1874). p. 54 (loi du 5


août 1882).
3. A. M. S. du 18 août, du 29 sept, et du 2 oct. 1884.
4. Idem S. du 31 mai 1889. Le Ministre exonérait d'ailleurs la Cie P.L.M.
de l'obligation de transporter à la Marine les voyageurs à condition qu'elle fît
une gare convenable à Karguentah, à 800 m. en avant de l'autre.
5. Idem. S. du 12 fév. 1892. Le Président de la Chambre de Commerce, M.
Giraud, avait transmis au Gouverneur Général une pétition des habitants de
la ville basse réclamant la gare maritime —
comme un moyen de rendre à leurs
quartiers « le mouvement et la prospérité d'autrefois ».

6. Idem. S. du 17 déc 1894.


224 L'AMENAGEMENT DU SITE

d'approprier ses bâtiments aux besoins du commerce et de bâtir


une gare puisqu'elle n'avait jamais construit celle d'Oran-
centrale,
Marine1. Sur quoi la Compagnie ripostait qu'elle n'était tenue en

vertu du contrat qu'à construire une « gare maritime » 2. Devant


la mise en demeure par le Ministre des Travaux Publics d'avoir à
réaliser, selon cette donnée même, un aménagement permettant de
satisfaire à tous les besoins, elle promit en 1896 d'étudier l'instal
lation d'une gare principale « définitive » à Oran-Marine, et d'agran
dir celle de Karguentah pour les marchandises, avec les triages
nécessaires 3.
L'affaire traina en longueur, malgré les vœux réitérés4
et les
protestations publiques. On remettait sans cesse en question le
choix de l'emplacement : le projet Cayla plaçait une « gare cen

trale » sur les remblais du ravin d'Aïn-Rouina comblé 5, la Cie de


l'Ouest-Algérien proposait en 1898 de construire une gare sur les
terrains du Parc à fourrages et de pousser sa ligne de Bel-Abbès du
Tlélat à Oran, comme voie indépendante du P.L.M., par Mangin
et Sidi-Chami6. Le Gouverneur Général se ralliant à cette solu

tion, mais pour une gare commune, demandait à la Ville de céder

les terrains en question et s'engageait à exiger l'ouverture des


travaux avant trois ans 7. La convention intervenue entre la Ville
et la Société Immobilière et sanctionnée par la loi de 1899 coupa

court à ce projet. De son côté, la Cie P.L.M. se retranchait derrière


la menace d'un rachat de son rése%i par l'Etat 8
; ne venait-il pas

en d'annexer, en 1900, celui


effet de l'Ouest-Algérien ? En 1905,
le Conseil Municipal, consulté de nouveau sur un avant-projet

« définitif » de gare d'Oran-Karguentah, le rejetait comme insuffi-

1. Idem S. du 24 janv. 1895, du 13 oct. 1896.


2. Idem S. du 12 et du 23 nov. 1896.
3. A. M. S. du 23 nov. 1896.
4. Idem S. du 23 déc. 1897.
5. Voir plus haut, p. 208.
6. A. M. S. du 16 avril 1898.
7. Idem S. du 21 juin 1898.
8. Idem S. du 28 mars 1903.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 225

sant et demandait la réunion des deux gares de l'Etat et du P.L.M. K


Ce n'est qu'en 1908 seulement qu'on apprenait l'achèvement des
études la définitive de Karguentah 2 il était
pour gare « » ; en 1910,
décidé que la gare d'Oran-Marine serait uniquement affectée au

service du port 3. La nouvelle gare centrale, commune aux lignes


du P.L.M. et de l'ancien réseau de l'Ouest-Algérien, a été ouverte

au public en 1913. Il avait fallu plus de trente ans pour que la


grande ville de l'Ouest obtînt enfin satisiaction ; du moins elle pou

vait, sans risque de démenti, se vanter de posséder un étabhssement


ferroviaire hors de comparaison avec la pauvre et inconfortable
gare d'Alger, humiliante pour la capitale de la colonie.

Dès 1891, un projet de tramways urbains était présenté au Con


seil Municipal par M. Landini, ingénieur à Oran, et renvoyé à
l'examen d'une Commission4. Or, il existait depuis 1881 une Com
pagnie des Omnibus, qui avait obtenu, en 1889, le monopole des
transports publics en commun ; l'affaire fut classée, en raison des
difficultés qui devaient en résulter. En août 1895, une société de
Lyon, représentée par M. Faye, reprenait la question et s'offrait

à créer un réseau de tramways électriques 5. L'assemblée des ac

tionnaires de la Cie des Omnibus ayant rejeté ses offres, la Muni


cipalité mit le projet au concours 6. Quatre concurrents se présen

MM. éventuel de la Société Thom-


taient : Faye, Couderay, associé

son-Houston, Popp, qui proposait la mise en service de tramways


à air comprimé, et enfin la Cie des Omnibus d'Oran elle-même. Ce
fut le premier qui l'emporta 7. La concession était demandée pour

1. Idem S. du 4 avril 1905.


2. Idem S. du 28 nov. 1908.
3. Idem S. du 29 juin 1910.
4. Idem S. du 23 janv. 1891.
5. Idem S. du 30 nov. 1895.
6. A. M. S. du 30 nov. 1895. La Société Faye proposait de racheter le ma

tériel des Omnibus pour la somme de 125.000 francs.


7. Idem S. du 14 déc. 1895. Il se rendait acquéreur des omnibus en service

et s'engageait à créer un réseau plus complet que celui des autres : Place
la-
d'Armes, rue des Jardins, boulevard Malakoff, rue Charles-Quint, quai de
226 L'AMENAGEMENT DU SITE

75 ans, sans en vue de l'exploitation d'un réseau de


monopole,
tramways électriques destinés aux et facultativement
voyageurs,
aux marchandises. Six lignes devaient desservir la ville et ses

faubourgs ; le point de départ serait la Place d'Armes, et les direc


tions celles des Quais, de Gambetta, de Saint-Eugène, de la gare
de Karguentah, des portes de Valmy et d'Eckmûhl, soit une lon
gueur de 13 kilomètres, dont 8 sur des routes nationales intra et

extra muros. La Ville demanderait en conséquence la concession

à l'Etat pour la rétrocéder à la Société Faye. Un projet de convention

fut voté le 14 décembre et le dossier renvoyé pour examen aux

diverses administrations intéressées, parmi lesquelles celle des


Ponts et Chaussées, qui ne fit aucune opposition à l'installation
d'une ligne double sur le boulevard Seguin1. En novembre 1897

seulement, après des modifications successives 2, le Maire fut auto

risé à demander à l'Etat la concession du réseau qui lui fut accordée.

En 1899, les tramways commencèrent à fonctionner.

Les projets de funiculaires avaient précédé ceux des tram


ways 3 ; mais ils n'intéressaient guère, comme de juste, que la
vieille ville. Aucun n'a été suivi d'exécution ; nous les mentionne
rons cependant, ne fût-ce que pour mémoire. Dès 1885, M. Sartor,
qui était également en pourparler avec la Ville d'Alger, faisait une
proposition de funiculaires entre le boulevard Malakoff et la rue

d'Austerlitz, et des quais à la place de la République. En 1888, son

projet obtenait la préférence sur^tm projet Landini, mais sous la

2° 2e
Douane. Place d'Armes-Eckmûhl par le boulevard Seguin, celui du
Zouaves, le boulevard National, la route de Tlemcen jusqu'à l'Ecole Normale.

Place d'Armes à la porte de Valmy et au Cimetière par les boulevards Natio

nal, Sébastopol et d'Iéna. Place d'Armes à la gare de Karguentah par le
boulevard Seguin, la rue de Mostaganem et le boulevard Marceau. 5° Place

d'Armes-St-Eugène par le boulevard Seguin et la rue de Mostaganem..
Place d'Armes -Gambetta par le boulevard Seguin et la rue d'Arzeu.
1. Idem S. du 23 nov. 1896.
2. Idem S. du 22 janv. et du 23 nov. 1897.
3. Idem S. du 8 mai, du 18 et du 29 sept. 1885,. du 12 fév. 1886, du 15 janv.
et du 11 fév. 1888.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 227

réserve de l'approbation du Génie 1. Il reparaissait en 1891 2, mais

sur de nouvelles bases, et seulement pour le dernier trajet. En


1892 3, nouvel objectif : la place de la République à unir à la Place
d'Armes. Cette fois, le Conseil Municipal, rendant hommage à la
persévérancede l'auteur, votait un projet de convention ; l'auteur
demanda alors un délai pour se substituer une société qui ne put

être constituée. Entre temps surgissait une autre proposition qui

aurait pu être plus intéressante pour la ville entière et pour le


tourisme. MM. P. Gachet et Cie projetaient en 1894 de construire

un funiculaire à moteur hydraulique entre la porte du ravin de


Ras-el-Aïn et le marabout de Sidi Abd-el-Kader el Morsli qui do
mine Santa Cruz ; il s'agissait d'une ligne de 2.000 m. de longueur
et d'une escalade de 360 m. avec 0 m. 18 de pente. Le Préfet était
favorable ; mais il fallait compter avec les Ponts et Chaussées, le
Génie et le Service forestier. La Ville consentit seulement à ne

pas traiter avec d'autres personnes dans un délai à déterminer 4.


L'affaire n'eut pas de suite ; on peut le regretter. En 1895, une

nouvelle Landini, d'un


proposition ascenseur de la Marine à la
place de la République fut écartée, comme ne pouvant donner de
bénéfices et comme inutile, le Service des Travaux Communaux
étudiant un projet d'escaliers pour relier les quais à la rue Char
les-Quint 5. L'Algérie est un pays montagneux, où les Villes n'ont

guère de ménagements pour les jambes ni pour le cœur de leurs


habitants 6. En 1900 surgit une proposition Jouane pour relier la
Marine et le boulevard du Lycée ; un avis favorable fut donné par

1. Au sujet du tracé du boulevard Malakoff à la rue de Leoben.


2. A. M. S. du 8 déc 1891.

3. Idem S. du 24 juin 1892 et du 10 décembre.


4. A. M. S. du 2 juillet 1894.

5. Idem S. du 11 mai 1895.

6. Il faut reconnaître que, si les propositions de cet ordre sont restées sans

suite, à Oran comme à Alger, c'est que l'entreprise ne pouvait être lucrative
qu'à la condition d'être liée à une spéculation sur des terrains qui acquer

raient une plus-value, ce qui n'était pas toujours réalisable.


228 L'AMENAGEMENT DU SITE

le Conseil1. Reparu en 1906, il fut rejeté en 1907 à cause des exi

gences de l'auteur et l'on ne parla plus de funiculaires.

De ces dernières questions, on ne saurait nier que la plus urgente


à résoudre était celle des tramways ; car, depuis 1880, toute une
ceinture de faubourgs s'était formée hors des murs d'Oran, où se
trouvaient logés en 1901 près de 12.000 habitants2. Il est hors de
doute que la création de nouveaux moyens de transport rapides

a contribué pour une bonne part à en accélérer la croissance et à


provoquer ce mouvement centrifuge, dont on peut vérifier les effets

dans toutes les grandes cités modernes. Les statistiques des recen

sements paraissent bien en témoigner. C'est vraiment à partir de


cette date de 1900 que s'est produite cette poussée, qui en trente
ans en a plus que quintuplé la population3.

Les faubourgs extra muros continuaient à se développer dans


les deux directions qu'ils avaient suivies jusqu'alors, du côté du Sud
et de l'Est, guidés par les routes principales.

Au Sud, si le Ravin Vert était trop étroit pour se prêter à des


constructions nouvelles, et si sa population restait stationnaire 4,
en revanche, sur le flanc occidental de la route de Tlemcen était
né Chollet-Terrade, et à l'Est Eckmuhl s'allongeait par Brunie vers
leCamp des Tirailleurs. Le peuplement en avait presque quintuplé
en vingt ans 5. En 1892, il devenait nécessaire
d'y construire un
Groupe Scolaire6. Les habitants se ^aignaient d'ailleurs d'être dé-

1. A. M. S. du 23 août 1900, du 8 septembre, du 13 octobre 1906, du 30 mai

1907, 18 novembre 1907. L'auteur entendait se réserver un droit d'option et un

véritable monopole des funiculaires.


2. Exactement 11.535, soit 13,2 % de la population « municipale » d'Oran.
3. Elle est en effet passée de 11.535 à 60.720 en 1931.
4. En 1881, 558 habitants, en 1886, 588, en 1891, 581, en 1901, 401 en détachant
il est vrai Chollet qui comptait pour 339.
5. En 1881, 761 habitants en 1886, 2.127 ; 1891, 2.546 3.081 ;
; en ; en 1896,
en 1901, 3.774.
6. La population d'âge scolaire était de 500 enfants, dont 300 seulement pou
vaient fréquenter des écoles louées.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 229

laissés par la Commune i : les rues n'étaient pas classées et dans


un état déplorable. L'éclairage faisait complètement défaut ; il n'y
avait ni égouts, ni lavoir, la police même était à peu près absente.

Entre la porte de Tlemcen et les premières maisons, sur 400 m.

environ, pas d'arbres, pas de trottoirs ; en été, la poussière et le


soleil rendaient la route particulièrement pénible. Plus à l'Est, de
chaque côté de la route de Mascara, là où se trouvaient encore, en

1881, des fermes dont les propriétaires lotisseurs ont donné généra

lement leurs noms aux nouveaux faubourgs de la banlieue, de petites

agglomérations se dessinaient, Boulanger à l'Ouest et Medioni à


l'Est2. Entre la route de Valmy et la voie ferrée d'Oran-Alger,
Lamur groupait déjà en 1886 plus de 700 habitants et en 1901 plus
de 1.400 3. Fait caractéristique, la population indigène y affluait au
point que l'on pouvait prévoir dès cette époque un renversement

prochain des proportions entre elle et les autres éléments 4 on


; y
installait dès 1890 un poste de police.

Le groupe de l'Est, dont le peuplement était encore légèrement


inférieur 5, avait dans la réalité progressé plus vite, de part et

d'autre des routes d'Arzeu et de Mostaganem6. S'il n'était pas

soudé à la ville intra muros, c'était la conséquence des servitudes

militaires, qui formaient une ceinture isolante autour de l'enceinte


d'Oran. Au Nord, Gambetta se prolongeait vers le Ravin Blanc

1. A. M. S. du 4 mai 1906 et du 21 juillet ; la situation ne s'était pas amé

liorée.
2. Le premier recensement qui lui consacre une mention spéciale est celui

de 1891 ; on y compte 87 habitants ; en 1901, il y en avait 260.


3. Il apparaît pour la première fois dans le dénombrement de 1886, avec

739 habitants ; il y en avait 1.455 en 1901.


4. En 1886, on y recensait 129 indigènes, 532 étrangers, dont 531 Espagnols,
79 Français. En 1891 sur 1.170 unités, il y avait 427 musulmans ; en 1896, sur

1.290, 543 ; en 1901, le groupe Lamur-Medioni, soit 1.944 habitants, en ras

semblait 827. Medioni comptait 489 habitants.


5. Le groupe du Sud représentait en effet 4.823 habitants, contre 4.672 pour

celui de l'Est.
6. En 1881 en effet, les chiffres respectifs étaient de 1.319 et de 304.
230 L'AMENAGEMENT DU SITE

par l'Abattoir et Montplaisant qui occupait la boucle décrite par

la voie ferrée du port ; au Sud était né Carteaux, et au delà de


Gambetta Supérieur on mentionnait Bacciochi et Courbet1. Tout
cet ensemble, plus ou moins dense, cela va sans dire, constituait

de de 1.150 2 habitants ; or,


une agglomération plus 1881, on en

n'en avait recensé que 304. A cheval sur la route de Mostaganem

et d'Alger, Saint-Eugène dépassait déjà 2.000 habitants ; un espace


vide de 400 m. environ le séparait du quartier récemment surgi de

Saint-Charles, entre la gare de Karguentah et les murs. Jusqu'au


delà de la route de Sidi-Chami, Delmonte groupait plus de 700
habitants, et en bordure du chemin de fer, Victor-Hugo était déjà

en formation3.

1. Au recensement de 1901, on comptait pour Gambetta Central 248 habi


tants, pour Gambetta Supérieur et ses annexes 276, pour l'Abattoir 153, pour

Montplaisant 256 et pour Carteaux 225.


2. Le chiffre exact est 1.158.
3. En 1901 Delmonte figurait pour 725 unités et Victor-Hugo pour 358.
IV

DE 1900 A 1930

XXe
La période contemporaine de l'histoire d'Oran, celle du
siècle, de 1901 à nos jours, a été marquée par un accroissement

énorme de la population municipale, et, comme conséquence, par

une extension de la surface bâtie dépassant toutes les prévisions.

De 1901 à 1936, en effet, le nombre des habitants a plus que doublé :

de 93.330 il est passé, lors du dernier recensement, en 1936, à


194.746 ; l'agglomération oranaise, qui comprend en outre les com
munes d'Arcole, de La Sénia et de Mers-el-Kebir, a dépassé 200.000
(exactement 204.505). Entre les deux derniers dénombrements
quinquennaux, on note un gain de 36.765 unités pour Oran seul,
chiffre qui n'avait jamais été atteint jusqu'ici K
On imagine facilement qu'une ville dont la croissance s'avérait

aussi rapide nécessitait des aménagements de toutes sortes, des tra


vaux d'édilité de plus en plus importants, et d'une manière générale

tout ce qui constitue l'urbanisation des grandes cités modernes. Elle


ne pouvait pas non plus échapper à la crise du logement amenée

par la guerre et l'arrêt de la construction. Elle était enfin entraînée

dans ce mouvement de rénovation et de réadaptation urbaine à des


conditions de vie nouvelles que les historiens de l'avenir ne man

queront pas de signaler comme un des faits sociaux les plus sail

lants de notre époque.


Au premier rang des nécessités qui devaient s'imposer plus que

jamais aux édiles d'Oran, on pouvait placer la confection d'un

1. Le plus fort accroissement quinquennal avait été celui de 1906-1911, soit

de 16.569 habitants.
232 L'AMENAGEMENT DU SITE

plan d'ensemble d'aménagement, d'extension et d'embellissement,


tel que le prescrivit, en 1919, une loi rendue applicable à l'Algé
rie1. Nous avons montré comment avait été résolu, au fur et à
mesure des besoins, par des partiels, le problème de la voirie,
plans

dont le tracé commande évidemment la solution de tous les autres.


En 1912 2, le Maire de la Ville, M. Gasser, constatait avec regret

qu'il n'existait pas de plan général d'alignement et de nivellement

des rues, des places et des faubourgs. Et cependant les Municipalités


successives avaient homologué de nombreux projets de détail : en

1857, pour le quartier de Karguentah 3, en 1863, pour la vieille ville

intra muros, plan approuvé en 1865, remanié et complété en 1867 4,


après la décision définitive du Génie concernant le tracé de la
nouvelle enceinte, plans additifs de 1874 et de 1880 intéressant le
quartier Saint-Antoine, le Village Nègre et le plateau Saint-

de 1899 6 7
Michel5, plans et de 1903 réglant l'aménagement du
nouveau quartier des Casernes et de la Grande Poste, plan de
classement des rues du quartier Saint-Charles en 1910. Mais, outre
le défaut de coordination que l'on pouvait reprocher à ces tra
vaux, on devait déplorer l'absence trop fréquente de cotes de
nivellement. «Les rues seules dont la création est postérieure à

1. Loi du 14 mars 1919, rendue applicable à l'Algérie par le décret du


5 janvier 1922. ~

2. A. M. S. du 14 juin 1912. 1
3. Voir plus haut, p. 158.
4. Idem, p. 170.
5. Idem, p. 185.
6. Idem, p. 214 et A.M. S. du 28 juillet et du 29 octobre 1903.
7. A. M. S. du 28 juillet et du 29 octobre 1903. On dénomma 8
alors rues
nouvelles: El-Moungar, de Marseille, de Lyon, de Bordeaux, de Strasbourg,
de Colmar, d'Igli, rue Ampère. La rue des Casernes devint la rue Alsace-Lor
raine. Le Conseil Général, dans sa séance du 20 avril 1911, demanda la refonte
du plan d'alignement des nouveaux quartiers qui, selon lui, ne réservait pas
assez d'espaces libres, si nécessaires aux grandes villes. Le Conseil Municipal
déclara pouvoir lui donner
ne
satisfaction, faute de ressources. L'effort de la
Ville de la Société Immobilière avait déjà doté ces quartiers de voies
et
de 10,
12, 15, 20 et 25 mètres (A. M. S. du 27 février 1912).
PLANCHE XI

Les jardins de Létang, le Bois des Planteurs, Santa Cruz et le Santon.


Photo Lûck.

La gare centrale d'Oran.

Photo Liick.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 233

1905, disait le rapporteur, sont pourvues de profils en long officiels ».

Certains quartiers de la ville, par exemple ceux de Saint-Pierre et


de Miramar, ainsi que de nombreuses rues des autres, n'avaient

fait l'objet d'aucun classement. Il en résultait des difficultés nom

breuses, et pour les services municipaux de la voirie et pour les


particuliers, d'autant que de nouvelles constructions s'élevaient

sans cesse intra et extra muros, et que les architectes de la ville

étaient les premiers à réclamer contre cet état de choses. Le Conseil


Général s'en était ému et avait émis un vœu pour la confection

d'un d'ensemble de la ville, qui comprendrait à la fois les


plan

alignements et les nivellements. On ne ferait d'ailleurs que se con

former à la législation, notamment aux lois de 1807 et de 1884 1,


restées malheureusement sans effet. Par ailleurs, l'application des
lois sur l'hygiène nécessitait elle aussi l'existence d'un plan général

des conduites d'eau, de gaz et des égouts2.


Du plan d'alignement au plan de transformation et d'embellis
sement, il n'y avait pas loin ; le pas fut franchi. La question du
boulevard Front de Mer restait à l'ordre du jour 3, et il s'était

1. Loi Napoléonienne de septembre 1807, complétée en 1812, qui prescrivait

en effet (art. 52) la confection de plans officiels, dans le délai d'un an, pour

toutes les communes de plus de 10.000 habitants. Celle de 1884 (art. 68) rap
pelait aux municipalités qu'elles devaient posséder un plan d'ensemble au
1/10.000 et des plans divisionnaires au 1/5.000.
2. En 1906 (A. M. S. du 22 juin), sous la municipalité Giraud, le conseil

avait adopté le principe d'un projet à mettre au concours, pour la confection

d'un plan d'ensemble de la ville, avec les emplacements de quartiers neufs et

d'embellissements ; on mentionnait le boulevard Front de Mer, le quartier


futur du Château Neuf, l'élargissement du boulevard Seguin, les boulevards
extérieurs de ceinture, la création « d'artères nouvelles vastes, aérées » sur des

terrains encore vierges (Rapport de M. Bastié). Les projets seraient présentés

dans le délai d'un an, et réalisés, en tant qu'ils modifieraient les alignements
et au fur et à mesure des moyens. « Œuvre durable, utile, nécessaire, récla

mée depuis de trop longues années. »

3. A. M. S. du 11 octobre 1904 et du 28 juin 1905. On avait décidé le prin

cipe et ouvert les crédits pour la confection du plan de nivellement. Le 4 juillet

1905, le Conseil était saisi d'un projet Jourdan qui faisait partir le boulevard à
l'étude de l'angle Nord-Est de la place de la République ; la voie enjambait

8
234 L'AMENAGEMENT DU SITE

créé un courant d'opinion publique en faveur des grands travaux

urbains, à l'occasion du projet Cayla, comme à Alger, à propos du


plan d'E. de Redon. La grande ville de l'Ouest voulait elle aussi

faire figure de Capitale.

Le 12 juillet 1912, dans un rapport qui constitue pour l'histoire


de l'urbanisme oranais un des documents les plus intéressants, M.
Gasser traçait un vaste programme de réaménagement et d'em
bellissement, dont on ne peut manquer ici de faire l'analyse. L'une
des idées maîtresses était de rendre à la ville les avantages de
son site, en lui donnant enfin un front de mer accessible à la cons

truction privée et continu depuis la ville basse jusqu'à Montplai


sant et Gambetta. Du projet Cayla, la Société Immobilière avait

retenu, d'accord avec le Service des Travaux Communaux, le tracé


du boulevard des Chasseurs, belle percée conduisant de la rue
d'Arzeu au bord de la falaise, et celui qui en reliait l'extrémité
Nord au boulevard de Miramar. C'était un tronçon de ce front
de mer depuis longtemps les Oranais, et qui a été réalisé
rêvé par

de fait, partiellement du moins, par le boulevard du Nord ; mais


ce n'était qu'un tronçon, d'accès compliqué, et qui n'intéressait ni

le quartier de la Vieille Mosquée et du Lycée, ni la plus belle


position de la ville, celle du Château Neuf, écran interposé fâcheu
entre la Place d'Armes et la promenade de
sement
Létang, le balcon
d'Oran sur la mer. %
Or, il apparaissait que les dispositions de l'Autorité militaire

étaient plus favorables que jadis à une aliénation de ces précieux

par un pont la rue Charles- Quint, longeait en rampe le talus Nord de la pro

menade de Létang, passait en tunnel devant le belvédère, atteignait la route du


Port obliquement et de là la rue El-Moungar prolongée. Renvoyé à une « Com
mission des embellissements», il n'eut aucune suite, le Service des Travaux
communaux préparant un plan beaucoup plus vaste. En 1912 (A. M. S. du
12 juillet) le Conseil d'Administration du Lycée émettait un vœu pour qu'on
ne laissât pas édifier des constructions aux abords immédiats de l'établisse
ment, et pour qu'on ménageât un large dégagement devant le jardin. Il deman
dait à ce propos à être mis au courant du tracé définitif du boulevard Front
de Mer projeté.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 235

terrains. le Ministre de la Guerre, après consultation du


En 1906 1,
Conseil Supérieur de la Défense, en acceptait le principe, fixait
à 3 millions le montant de l'indemnité, et stipulait que la Ville
devrait fournir les emplacements nécessaires nécessaires pour la
reconstruction des bâtiments, Directions des Services, Hôtels de la
Division et de la Subdivision, Cercle Militaire, les. casernes devant
être sans doute transportées aux abords du camp Saint-Philippe.
Malheureusement la Ville ne pouvait rien conclure, de peur de
créer une concurrence déloyale à la Société Immobilière, qui n'avait
encore vendu qu'une partie des terrains concédés par la Conven-

1. A. M. S. du 18 juillet 1905, du 4 mai et du 13 octobre 1906. Le Maire avait

fait une démarche auprès du Ministre qui était alors le député d'Oran Etienne.
Il avait proposé comme terrains la Lunette Saint-André et le camp Saint-
Philippe ; les ateliers de l'Arsenal seraient relégués au Polygone d'Eckmuhl.
Il avait aussi négocié le rachat de parcelles, rue d'Orléans, pour la construction
d'une école. Mais quand il s'agit de supprimer les murs de l'enceinte de 1867,
le Génie se déclara hostile au déclassement. « En raison de l'importance crois

sante que prend la place d'Oran dans notre système défensif de l'Algérie, la
conservation de son enceinte s'impose au point de vue militaire. Quelle que

puisse être en effet son insuffisance relative en présence des engins puissants

de l'artillerie moderne, elle est encore en état de remplir efficacement le rôle

d'une chemise de sûreté, dont l'utilité autour de nos grandes places de guerre

a été maintes fois affirmée par les plus hautes autorités militaires ; car elle met

non seulement la population de la ville, mais encore les approvisionnements de


toute nature, que celle-ci renferme, à l'abri d'une insulte de la part, soit des
Indigènes, soit des éléments étrangers si nombreux dans la région oranaise,
soit enfin des compagnies de débarquement qui, ayant pris pied sur le sol afri
cain, seraient par surprise parvenues jusqu'au pied des remparts. J'estime dès

lors qu'il ne saurait être question de déclasser l'enceinte de la place d'Oran. »

(A. M. S. du 29 novembre 1906 —


Communication de la lettre adressée par le
19°
Min. de la Guerre au Général commandant le Corps, à Alger, en date du
15 octobre 1906). Tout au plus l'Autorité militaire consentait-elle à étudier
l'ouverture de communications à travers la fortification entre Miramar et Gam

betta, pour permettre le prolongement du boulevard Front de Mer projeté.

Sur la question de l'Arsenal, le Conseil Municipal (A. M. S. du 10 janvier


1907) invitait le Maire à faire de nouvelles démarches pour obtenir la cession

gratuite des terrains, soit 8.220 mq estimés par le Domaine à 328.800 francs, pour
en faire un jardin, dans ce quartier « qui serait le plus beau de la ville », et
que déparait fâcheusement l'Arsenal actuel.
236 L'AMENAGEMENT DU SITE

tion de 1898. Mais aujourd'hui cet obstacle n'existait plus et l'on


pouvait reprendre les négociations avec la Guerre, selon les vœux

réitérés du Conseil Municipal etdu Conseil Général, pour le déra-


sement du Château Neuf et le déplacement de l'Arsenal de Kar
guentah ; d'autre part, il fallait arrêter dès à présent un plan d'a
ménagement de nouveaux quartiers et d'améhoration des anciens,
dans la pensée de travailler à l'embellissement de la ville.

De là, les lignes générales du programme : dérasement à peu

près du Château Neuf, prolongement du boulevard Natio


total
nal jusqu'à la promenade de Létang, déplacement du Lycée, à
reconstruire sur l'Esplanade du camp Saint-Philippe, liaison directe

de la Place d'Armes avec le boulevard Front de mer par une large


artère obtenue en comblant une partie du ravin d'Aïn-Rouina, et

développement continu de ce boulevard, depuis l'emplacement du


Lycée, par dessus les ravins de la Mina et de la Cressonnière, jus
qu'au delà des murs ; enfin, ouverture complète du boulevard du
Lycée, qui jusqu'ici se terminait en cul-de-sac, de manière à offrir

encore une échappée sur la rade. Ainsi seraient dégagées les plus

belles vues du site, actuellement bouchées.

Le programme comportait en outre la création de trois quar

tiers neufs. Un, dont le centre serait le nouveau Lycée, établi au

camp Saint Philippe ; vers sa façade» convergeraient le boulevard


du 2B-Zouaves et la de Vienne prolongée, ainsi qu'une large
rue

voie qui, partant de la Place d'Armes, dégageait le Théâtre, emprun


terait la rue de Wagram, percerait de part en part et assainirait

le quartier israélite. Un autre, sur l'emplacement du Champ de


manœuvre alloti, formerait, avec la partie Ouest du Village Nègre
remaniée, un des quartiers les plus beaux
et les plus sains de la

villehaute. Enfin, la ville basse ou plutôt le vieil Oran n'était pas


oubliée ; l'Hôpital militaire et le Campement seraient
transportés,
avec d'autres établissements, tels que l'Arsenal de Karguentah, au
delà des murs, la rue Larrey et le boulevard Oudinot prolongés jus
qu'aux quais, la vieille Casbah
désaffectée, et un quartier neuf en
occuperait l'emplacement. Il pourrait un jour pousser ses cons-
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 237

tructions jusqu'au Bois des Planteurs ; par ailleurs, il communi

querait, au moyen d'un large pont jeté au-dessus de la place des


Quinconces, avec le quartier israélite transformé. La Marine serait

dotée d'immenses docks à quatre étages, destinés à remplacer

l'entrepôt réel de San Benito, devenu par trop insuffisant ; la Manu


tention, qui était non moins à l'étroit et dont la machinerie était
désuète, serait reconstruite avec tous les aménagements modernes

dans le voisinage des voies ferrées. On suppléerait enfin à l'exiguité


des terre-pleins du port en utilisant le ravin de la Mina, pour y
créer de vastes entrepôts, sur le modèle des voûtes du boulevard
de la République à Alger. Il était bien entendu que l'on profiterait

de la création de ces quartiers neufs pour y installer des écoles


primaires, primaires supérieures, des marchés, des dispensaires, dont
il fallait dès à présent réserver les emplacements.

Ce rapport fut pleinement approuvé par le Conseil Municipal


et le Maire fut autorisé à entrer en pourparlers avec l'Autorité
militaire. Il s'était à peine écoulé trois mois, qu'une Société Fon
cière et Immobilière, la Société Germain, Manent et Cie d'Alger,
demandait la priorité pour la réalisation d'un projet inspiré par le
programme du 12 juillet 1. L'économie générale en était la même.

Le quartier créé sur l'emplacement du Château Neuf était doté


d'un parc paysager reliant la
de Létang à l'esplanade
promenade

sur laquelle déboucherait le boulevard du Lycée prolongé. On


prévoyait aussi le prolongement de cette dernière artère jusqu'au
boulevard National, celui de la rue de la Bastille à travers l'Arse
nal de Karguentah. Le quartier de la vieille Casbah, désaffectée

et rasée, couvrait une grande superficie, jusqu'au Bois des Plan


teurs ; il était percé par deux grandes artères perpendiculaires, de
55 m. de large, avec contre-allées plantées d'arbres. Dans tous les
quartiers, des lotissements très réguliers, des rues larges, des squa

res nombreux, devaient donner à la ville « un aspect inconnu jus


qu'alors et des conditions d'hygiène excellentes ». De nombreux

établissements municipaux seraient parmi lesquels un Pa-


prévus,

1. A. M. S. du 29 octobre 1912.
238 L'AMENAGEMENT DU SITE

lais des Beaux- Théâtre digne de la d'Oran


Arts, et un « ville » sur

le boulevard Front de mer. La société, à qui la Ville rétrocéderait


les terrains du Domaine s'engageait à les niveler, à exécuter tous
les travaux de voirie, d'adduction d'eau, d'égouts, et à payer la
reconstructiondes établissements militaires. Le Conseil donna son
approbation unanime.

Comme il arrive presque toujours en pareil cas, l'exemple une

fois donné, on vit surgir d'autres projets. M. G. Bons, ingénieur

civil, proposa en mai 1914 1, de jeter un pont par dessus le ravin

de Ras-el-Aïn, entre la rue de Leoben, du quartier israélite, et la


route des Planteurs, en contrebas du Pavillon du Syndicat d'Ini

tiative ; les dépenses devaient être couvertes par des péages. On


décida que l'étude serait acceptée éventuellement, mais que la
priorité pour l'exécution resterait à la Société Germain-Manent,
conformément au vote du 29 octobre 1912.
La Grande Guerre survenue sur ces entrefaites n'arrêta pas

cette éclosion de projets d'urbanisme. En novembre 1915 2, en effet,


un Conseiller municipal demandait que l'ont mît à l'étude la créa

tion d'une vaste place sur la partie du ravin d'Aïn-Rouina compris

entre la rue El-Moungar et la mer, pour faire suite à la promenade

de Létang et la rapprocher des hauts quartiers de la ville ; elle

fournirait un magnifique emplacement pour les fêtes et les expo

sitions. Le Maire, et avec lui l'assemblée, estimèrent qu'il était


de le
pou™

préférable réserver ravin l'aménagement d'un jardin


public. C'est la destination qu'on avait prévue depuis longtemps 3 ;
la question restait à l'étude.
Un projet fut Conseil 1916
municipal présenté au en 4, comme

n'étant pas absolument définitif, maïs permettant une réahsation

continue, selon les disponibilités budgétaires et avec les modifica

tions que pourrait suggérer l'exécution. Le plan comportait :


1° l'a-

1. Idem S. du 23 mai 1914.


2. Idem S. du 24 novembre 1915.
3. Voir plus haut, p. 181.
4. A. M. S. du 3 mai 1916.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 239

ménagement du terre-plein existant à l'Ouest du Lycée et au Nord


de la rue El-Moungar, terrain loué le Génie à la Ville ; 2° le
par

comblement de la partie Nord du ravin, entre la route du Port


et le chemin de la Plage, avec une succession de plates-formes en

esplanades, de la cote 57 à la cote 5, reliées par une promenade

dessinée à la française, suivant le grand axe. De chaque côté, des


plantations formeraient des squares anglais et se prolongeraient sur

les pentes latérales. Celles-ci, jusqu'alors abruptes et dénudées,


prendraient le même aspect que le talus occidental de la promenade

de Létang vu de la place de la République. On exécuterait progres

sivement les remblais, les massifs, les plates-bandes, les mosaïques.


Ce projet séduisant fut approuvé et un crédit fut voté 1.
premier'

Il a été réalisé et il a doté Oran d'une promenade qui ne manque

pas d'élégance.

Entre temps, une autre question se posait, qui réclamait une so

lution urgente. L'accroissement accéléré de la population précipi

tait le débordement de la ville hors de ses murs. Il fallait se préoc

cuper sans retard de l'aménagement des nouveaux faubourgs, qui

menaçaient de s'étendre de la manière la plus désordonnée et dans


des conditions de salubrité précaires, au-delà de la zone des servi

tudes. Au recensement de 1906, on y dénombrait 17.397 habitants,


plus de 17 % de la population totale de la commune. C'était pour

une grande part l'effet d'un exode des éléments pauvres du peu

plement urbain. Or, dans ces quartiers suburbains, un grand nombre

de rues, pour ne pas dire le plus grand nombre, n'étaient pas clas

sées, et la plupart des propriétaires se refusaient à effectuer les tra


vaux indispensables pour assurer la salubrité ; et cela en dépit du
règlement général de la voirie d'Oran en vigueur depuis 1902. En
1913 2, la Municipalité émit un vœu pour l'application à l'Algérie de

1. Il s'élevait à 30.000 francs ; de nouveaux massifs furent plantés en 1918


(A. M. S. du 5 juillet).

2. A. M. S. du 15 janvier 1913. La loi du 22 juillet 1912 rendait applicable

aux voies privées, notamment pour l'écoulement des eaux usées, les vidanges
240 L'AMENAGEMENT DU SITE

la loi du 22 juillet 1922 sur les règlements d'hygiène de la voirie

privée et la constitution obligatoire de Syndicats de propriétaires.

Presque en même temps l, un autre vœu était présenté au Conseil


pour la création d'un Office public d'habitations à bon marché,
conformément aux lois du 12 avril 1906 et du 23 décembre 1912.

En attendant, on signalait2
le mauvais état des villages Lamur
et Lyautey, « véritables foyers d'infection » habités principalement

par la population indigène, peu soucieuse de l'hygiène, dont les rues,


privées d'écoulement, n'avaient pas d'égouts, et où les eaux usées
se répandaient librement sur la voie publique ; le Conseil décidait
de faire procéder à une étude d'ensemble pour tous les faubourgs.

Le décret du 5 janvier 1922, qui rendait applicable à l'Algérie la


loi du 14 mars 1919, survint fort à propos pour déterminer la Muni
cipalité à faire dresser un plan d'ensemble d'aménagement, d'exten
sion et d'embellissement de la ville, tel qu'il était prescrit par cette

loi. M. Wolff, directeur des Travaux communaux, fut désigné pour

la préparation de cet important travail 3 ; il était terminé en 1924


et comme avant-projet soumis à la Commission supérieure4.

et l'alimentation en eau les règlements relatifs à l'hygiène des voies publiques

et des maisons riveraines. Le règlement de voirie de la ville d'Oran du 15 février


1902 (art. 152), prescrivait d'ailleurs que le ^ol des voies privées devait être
ferme, nivelé et en bon état d'entretien, avea|écoulement des eaux, caniveaux
et absence de stagnations. La nouvelle loi permettait d'obliger les propriétaires
intéressés à constituer un syndicat, avec un syndic chargé d'assurer les travaux
et l'entretien. En de refus, le Président du Tribunal civil désignait d'office
cas

un syndic qui dresserait un devis, et un tableau de répartition des dépenses à


imposer aux propriétaires.

1. A. M. S. du 30 janvier 1913. Proposition du Conseiller Menudier.

2. Idem. S. du 21 juin 1921.

3. Idem. S. du 10 février, du 23 novembre 1922. Dans cette dernière séance,


on accorda une autorisation de lotissement au faubourg Gambetta, sous la

réserve que les lotisseurs se comformeraient à l'art. 8 du décret du 5 janvier


1922 et au règlement de voirie de la ville. C'était un progrès.

4. Idem. S. du 4 janvier 1924.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 241

En même temps, les demandes de lotissement se multipliaient1.

Un Office public d'habitations à bon marché était créé en 1922 2, et

des dotations de la commune lui étaient attribuées. Des sociétés pri

vées, comme le Foyer Oranais, construisaient des


Cités, telles que
celles de Boulanger, de Choupot et la Cité Maraval, dans la région
Sud extra muros, à l'Ouest de la route de La Sénia. La Ville ache

tait des terrains et collaborait avec le Gouvernement Général pour

subventionner les constructeurs 3. Une grande activité animait les


particuliers et les Services municipaux. Elle n'était pas seulement

sollicitée par la crise du logement ; car elle témoignait aussi de ce


regain de prospérité etde confiance qui a caractérisé la période
d'après-guerre, et de l'essor pris par la grande cité algérienne de
l'Ouest. Malheureusement, si les capitaux des sociétés et des spécu

lateurs s'offraient largement, les ressources financières de la Com


mune se révélaient insuffisantes. Cette raison majeure avait empêché

d'aborder l'exécution du de 1912, de doter Oran d'écoles


vaste projet

Primaires Supérieures, d'égouts collecteurs, de marchés couverts


aménagés selon les formules nouvelles, d'abattoirs modernes dont il

existait cependant un plan, et même d'assurer le pavage de nom

breuses voies qui en étaient encore démunies4. Il apparaissait de


plus en plus évident que les ressources ordinaires du budget muni

cipal ne suffisaient plus à pourvoir aux besoins d'une ville qui

poussait aussi rapidement et que, seuls, de grands emprunts pour

raient en permettre l'équipement.

Plus que jamais, la question du déclassement des fortifications

1. Dans les faubourgs extra muros. Car depuis longtemps, dans l'enceinte,
les terrains encore libres avaient pris une telle valeur (de 30 à 70 francs le
mètre carré)

sur la périphérie bien entendu —
que l'on ne pouvait songer

à y construire des habitations à bon marché (A. M. S. du 19 juillet 1905).


2. A. M. S. du 20 janvier, 25 février, 24 mars, 30 mai, 18 juillet 1922, date de
la création officielle de l'Office.
3. La Ville livra en 1922 des terrains de 15.000 mq.

4. A. M. S. du 12 novembre 1919. Exposé de la gestion de la Municipalité


de 1912 à 1919. On avait du moins, rien qu'en 1915-1916, consacré 460.000 francs
à la voirie seule.
242 L'AMENAGEMENT DU SITE

et de la cession des terrains militaires était à l'ordre du jour1. Le


dérasement du Château Neuf était réclamé en première ligne 2 ; or,

c'était le principal obstacle à un accord avec le Génie. Il exigeait,


en effet, la reconstruction sur l'emplacement même de la forteresse
de nombreux bâtiments, le transfert des casernes aux environs du
boulevard de Mascara, c'est-à-dire intra muros, dans une des ré

gions les plus intéressantes pour l'aménagement d'un nouveau quar

de la batterie de le bastion principal, il


tier, le maintien côte sur et

excluait des le Cercle militaire, dont les terrains appa


négociations

raissaient à l'autre partie devoir être réservés pour la construction


privée et pour une esplanade prolongeant la Place d'Armes au Nord.

Dans ces conditions, il était difficile de s'entendre. Après des démar


ches répétées, la Municipalité, sur la promesse du Gouvernement
Général de prendre lui-même en main la question, renonçait à pour
suivre la cession de l'Arsenal de Karguentah3. Le Ministre de la

Guerre, de son côté, consentait, en 1921, à la suppression des zones

de servitude, au voisinage de l'enceinte, sur 487 mètres de profon


deur, mais seulement après examen par les Commissions mixtes d'un

d'utilisation la Ville 4
plan bien arrêté par ; il manifestait, en effet,

1. A. M. S. du 12 novembre 1919. On rappela dans cette séance les princi

paux voeux émis successivement par les Corps élus et les groupements divers :

par le Syndicat Commercial le 8 avril 1905, par le Conseil Municipal le 4 mars

1906 et le 4 août 1919, par le Conseil GénéÀ le 26 octobre 1910 et le 23 octobre

1911, par le Syndicat des zoniers le 12 avril 1919. On citait les précédents des
villes d'Alger, de Philippeville, de Bône, de Mostaganem et de Sidi-bel-Abbès,
qui avaient obtenu satisfaction.

2. Idem. S. du 25 et du 27 avril 1920, où l'on fit un résumé de l'histoire des


négociations. Les bâtiments que l'Autorité Militaire voulait maintenir sur l'em
placement du Château Neuf étaient : l'hôtel
les bureaux de la Division, ceux
et

de la Brigade, la Direction et la Chefferie du Génie, les bureaux de la Place et


du Recrutement, une écurie pour 60 chevaux. Les magasins du Génie, la sec

tion des Infirmiers, une caserne pour 800 hommes et 42 chevaux seraient dé
placés, mais intra muros. On ne refoulait à Eckmuhl que quelques bureaux
tels que ceux de l'Artillerie, deux ou trois magasins et une écurie de 25 chevaux.

1er
3. Idem. S. du décembre 1921, du 23 décembre 1922 et du 21 mars 1924.
1er
4. Idem. S. du décembre 1921.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 243

certaines craintes, qui pouvaient bien n'être pas dénuées de fon


dement, au sujet de spéculations possibles, sans rapport avec l'uti
lité publique et peut-être contraires à l'intérêt général. On étudia
en conséquence un projet de boulevard extérieur de ceinture, dont
l'idée première avait été présentée au Conseil dès 1905 i.
Il sembla un moment que l'irritante question des fortifications
allait enfin être résolue. Le Conseil supérieur de la Guerre avait

émis, depuis 1921 2, un avis favorable au déclassement de l'enceinte,


y la Casbah, les forts Saint-André et Saint-Philippe, du
compris

Château Neuf lui-même, du fort Sainte-Thérèse, des Lunettes Saint-


Louis et de la Campana 3 ; le Ministre était prêt à soumettre au
Parlement un projet de loi, mais après une étude et des propositions

émanant du Génie, et sur le vu d'un plan d'utilisation par la Ville


des terrains militaires. Mais « déclassement » ne voulait pas dire
forcément aliénation, même à titre onéreux. Le Château Neuf et le
Cercle militaire restaient, en effet, exclus d'avance de toute opéra

tion de ce genre. Or, c'était précisément ce qui intéressait le plus la


Ville. En vain, elle proposait de percer seulement une avenue cen

trale, de la Place d'Armes à la Promenade de Létang, sans toucher


aux bâtiments la Chefferie du Génie. Celui-ci s'y opposa,
autres que

mais le Conseil décida de maintenir dans le plan d'embellissement


la partie relative au Château Neuf. Il s'arrêtait d'ailleurs au projet

de boulevard extérieur, à la demande de cession du camp Saint-


Philippe, pour y installer le Lycée de garçons, un square, et pouvoir
prolonger le boulevard Joseph-Andrieu jusqu'au viaduc qui relie

rait, par dessus le ravin de Ras-el-Aïn, la haute ville au Bois des


Planteurs ; il s'intéressait aussi à la Lunette Saint-Louis, où il vou

lait créer une promenade publique 4.

1. A. M. S. du 8 mars 1905.
2. Idem. S. du 31 janvier 1923.
3. Voir plus haut, p. 74.
4. A. M. S. du 31 janvier et du 25 juin 1923. La Ville demandait d'ailleurs
que le déclassement ne fût pas prononcé avant l'homologation du plan d'auto
risation, afin d'enrayer la spéculation et d'éviter des expropriations coûteuses,
au cas où l'on construirait d'ici là.
244 L'AMENAGEMENT DU SITE

avant-
Pendant que les pourparlers traînaient en longueur, un

projet de plan d'extension était dressé par le Service des Travaux


municipaux1. D'autre part, la Ville se décidait enfin à faire établir

un plan général au l/5.000e, portant les courbes et les principales

cotes du nivellement, dont la confection devait être confiée à un géo

mètre particulièrement expert, M. Danger, directeur de la Société

des Plans régulateurs de villes 2. Le projet du pont dit « des Plan


teurs » était soumis au Conseil et adopté en principe 3. On espérait

beaucoup de cette réalisation ; là devait être le débouché de la route


de Bou-Sfer à Oran par Sainte-Clotilde. Ses dimensions en feraient
un ouvrage grandiose, de 392 mètres de long, de 70 mètres de hau
teur des immeubles, de 14 mètres de largeur. Mais il ne
au-dessus

pouvait être exécuté sans la participation de la Colonie, du Dépar

tement, ni sans recourir à l'emprunt4.


Cet emprunt, auquel on devait arriver fatalement, après en avoir
fixé d'abord le montant à 15 millions, en 1927, on le portait en 1932
à 80 5. Le programme de répartition des fonds embrassait toute une

série de travaux d'édilité dont l'urgence primait évidemment celle

des autres : création d'un réseau régulier d'égouts pour les faubourgs
extra muros 6, usine pour l'incinération et le traitement des déchets
de la ville, réfection des chaussées et des trottoirs, construction de
Halles Centrales et de marchés couverts ; tout cela jusqu'à concur
rence d'environ 48 millions. Il n'y en avait pas moins de 30 réservés

1. A.M. S. du 4 janvier et du 3 juin 1924.


2. Idem. S. du 24 février 1931.
3. Idem. S. du 12 avril 1932. Il devait se raccorder au boulevard National par

une rampe de 236 m. et du côté des Planteurs, il se prolongeait par une rampe
de 119 m. suivie d'une patte d'oie, dont deux branches rejoignaient le chemin
2 des Planteurs, face faubourg Etienne. L'exécution
n"

vicinal au serait mise au

concours.

4. Idem. S. du 27 février 1931. On prévoyait 24 millions dont la moitié à la


charge de la Colonie, et 1/4 pour la Ville.
5. Idem. S. du 28 octobre 1927 et du 26 août 1932.
6. Idem. S. du 25 mai 1932. On adopta un projet de collecteur circulaire des
servant les faubourgs de Lamur, Sananès, Medioni, Delmonte. La somme néces

saire s'élevait à 23.500.000 ramenés dans la suite à 21.000.000.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 245

pour l'exécution du plan d'embellissement et de divers projets d'ur


banisme, tels que l'aménagement du boulevard Front de mer et du
ravin de la Cressonnière, le Pont des Planteurs et le boulevard exté

rieur Circulaire, pour lequel on prévoyait une largeur d'au moins

40 mètres.

Le recensement de 1931 révéla un nouvel accroissement quin

quennal de 15.301 habitants (population municipale). Il portait pres

que exclusivement sur le peuplement des faubourgs qui en avaient

reçu à eux seuls 15.451, tandis que le vieil Oran en perdait 2.225
et que le reste de la ville intra muros n'en gagnait que 2.075, ce qui

signifiait évidemment un recul, si l'on tenait compte des gains pro

venant des excédents de naissances sur les décès. Les faubourgs


extra muros groupaient 60.720 habitants \ dont 35.421 pour ceux du
Sud2, dont la progression était explicable par la multiplication des
lotissements, et aussi par l'afflux des Indigènes de l'intérieur 3.
Les lotissements avaient été souvent exécutés dans des condi

tions notoirement défectueuses, au point de vue de la viabilité, de


l'écoulement des eaux, et par conséquent de la salubrité4. Il y eut,
à cet égard, un progrès sensible, du jour où l'on appliqua la loi de
1919, l'article 8 du décret du 5 janvier 1922, et d'une manière plus

sérieuse les règlements municipaux relatifs à la voirie et à l'hygiène.


Les demandes d'autorisation n'en surgissaient pas moins de tous les
côtés, de Gambetta et de Saint-Eugène jusqu'au-delà d'Eckmûhl, et

à l'intérieur même de l'enceinte5. Des Syndicats de propriétaires

1. C'est-à-dire plus de 38 % de la population totale de la commune.

2. A savoir (6.363), Chollet (1.173), Giraud (319), les cités Cuvel-


Eckmuhl
lier (651), Petit (1.675), Maraval-Berthoin (978), Eugène-Etienne (426) ancien —

faubourg des Planteurs dénommé E.-Etienne en 1929 (A. M. S. du 27 mai) —

la Ruche des P.T.T. (154), Brunie (1.177), Sanchidrian (480), Choupot (1.507),
Boulanger (2.111), Medioni (2.887), Sananès (2.011), Lamur (9.864), Lyautey
(2.559).
3. La population musulmane seule s'était accrue de près de 5.000 unités en

cinq ans. Voir plus haut, p. 108.


4. A. M. S. du 2 décembre 1924.
5. On en avait commencé l'application dès 1922 (A. M. S. du 23 novembre.

Lotissement Amoros au faubourg Gambetta. En 1926 on relève les demandes de


246 L'AMENAGEMENT DU SITE

s'organisaient un peu partout, notamment à Gambetta, à Saint-Eu

gène, à Carteaux, à Lamur, à Choupot, à Boulanger, à Eugène-


Etienne ; et cela, conformément au décret présidentiel du 18 no

vembre 1913, qui avait donné satisfaction à la ville d'Oran, en éten


dant à l'Algérie l'application de la loi du 22 juillet 1912 sur l'assai
nissement des voies privées. Cette mesure, des plus heureuses, jointe
aux dispositions du Règlement général de voirie du 30 mars 1922,

a certainement préservé les nouveaux quartiers et les Cités créés

autour d'Oran des graves dangers qui les menaçaient.

Petit (citéPetit), Karsenty et Lasry à Eckmuhl, Rodriguez à Eckmuhl, Mara-


val-Berthoin ; en 1927, de Berr à Saint-Charles, Morales à Medioni, Caizergues
à Arbèsville, Bentayou près la gare de Hammam -bou-Hadjar, Krauss à Arbès-
ville, à nouveau Petit et dans l'enceinte le syndicat des rues de

Miramar,
le lotissement Fouque et Duret, entre les rues d'Arzeu et de Coulmiers (A. M. S.
du 14 mai, 28 juin, 26 juillet 1926, du 28 octobre 1927 du 29 juillet 1925).

Celui de l'ancien hippodrome de Saint-Eugène fut approuvé le 2 décembre


1924. La ville dut acquérir 17 hectares de terrains pour desservir par des che

mins vicinaux Eckmuhl, Brunie, Cuvellier, Choupot, Gambetta, Courbet, Car


teaux, Mélis, Montplaisant et Arbèsville (A. M. S. du 15 février 1927). Dans
la suite les lotissements furent continuels ; on imagine facilement que le Ser
vice des Travaux Communaux n'aurait jamais pu suffire à l'aménagement de
tant de nouvelles agglomérations, sans la formation des syndicats de pro
priétaires.
V

DE 1930 A 1937

Dans cette histoire de la construction et de l'aménagement de la


ville intra et extra muros, la dernière période, de 1930 à 1937, n'aura

pas été la moins féconde heureux. Elle témoigne, en


en résultats

effet, de la part des particuliers, des édiles et des Pouvoirs publics,


d'une activité remarquable, inspirée sans doute par la nécessité de
pourvoir d'urgence aux besoins les plus pressants d'une cité, dont
la croissance se précipitait au-delà de toutes les prévisions, mais

aussi par la volonté fermement affirmée et constamment soutenue

de rénover l'urbanisme d'Oran et de suivre en cela l'exemple donné


par la Capitale.

Et d'abord les vœux réitérés à toute occasion par les Corps élus
et les divers groupements intéressés, les démarches poursuivies par
la Municipalité auprès de l'Autorité militaire depuis si longtemps 1
aboutirent à un succès, partiel assurément, mais néanmoins d'une
importance majeure pour le réaménagement de la Ville. Un décret
du 6 septembre 1933 2 autorisait le déclassement des remparts de
l'enceinte construite en 1866 entre la porte de Tlemcen et le Ravin
Blanc. Elle avait perdu toute valeur défensive et ne constituait plus

qu'un obstacle à la soudure des quartiers de la ville proprement

dite et à ses faubourgs du Sud et de l'Est ; les servitudes qui en

affectaient les abords formaient une zone non œdificandi préjudi

ciable au développement des constructions, et non moins à la circu-

1. Voir plus haut, p. 194.


2. Journal Officiel du 21 septembre 1933.
248 L'AMENAGEMENT DU SITE

lation périphérique1. Comme conséquence de décisions analogues

relatives aux terrains militaires de la Place, le Gouverneur Général


autorisait, par un arrêté du 23 octobre 1936, la vente de gré à gré
à la Commune d'Oran de l'emplacement occupé par l'ancien Champ
de Manœuvre près de la porte de Valmy, d'une superficie de 18 ha,
24 a, 93 c, moyennant le prix de 16 millions accepté par la Ville2,
et la remise immédiate de la fraction de 17.540 mq dépendant du

Champ de Manœuvre, en vue de l'ouverture d'un boulevard dont


la création avait été autorisée par un arrêté préfectoral du 24 octo

bre 1932 3. D'autres cessions de terrains à la Ville par la Colonie


étaient également prévues 4.

Ainsi le domaine militaire inclus dans les limites de la commune

se trouvait de plus en plus morcelé et réduit 5. Il embrasse malheu

reusement encore des terrains qui seraient particulièrement précieux

pour l'urbanisation et la création de nouveaux quartiers, et, au pre

mier rang, ceux du Château Neuf occupés dès notre arrivée, et ceux

des casernes, aliénés à la fin du siècle dernier, alors qu'on ne pré

voyait pas une expansion aussi rapide de la grande cité oranaise.

En dépit de la crise économique qui, par suite de la mévente

des céréales et des vins, affectait l'Oranie, comme d'ailleurs l'Algé-

1. Voir le Plan au 1/10.000 du Service Géographique de l'Armée.


2. Elle est payable en trois annuités égales, dont la première viendra à
échéance un an après la signature du contrat à intervenir.
3. Cette prise de possession entraîne pour la Commune l'obligation de payer,
à compter du jour de la signature du procès-verbal destiné à la constater, des
intérêts à 5 % de la fraction du prix représentant la valeur des terrains remis.

4. Le projet de cession par la Colonie des terrains


composant le Stade Turin,

en échange d'une parcelle de 10.000 mq dépendant du Champ de Manœuvre,


ne pourra être examiné que lorsque la Commune sera devenue elle-même

propriétaire de cet immeuble à la suite de l'approbation par l'autorité compé-

tnte du contrat de vente à intervenir. Cette parcelle serait réservée à la cons


truction d'une Ecole Primaire Supérieure de Filles au Champ de Manœuvre.
5. Ce domaine comprend en outre les terrains occupés par l'Hôpital Mili
taire, le Campement, la Casbah, le Camp Saint- Philippe, le Parc d'Artillerie,
les batteries de Lamoune, du Ravin Blanc et de Gambetta, le Parc à Fourrages
et le Camp des Tirailleurs.
PLANCHE XII

La rade de Mers-el-Kebir. Photo Lùck.

Les pentes du Murdjadjo, le littoral, Sainte Clotilde, Roseville, Saint André et la pointe de Mers-el-Kebir
dominée par le Santon.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 249

rie entière, on peut dire que la construction était loin de chômer.

De 1930 à 1936, effet, bâtissait à Oran 2.560 immeubles, la


en on

plupart de plus de deux étages, certains s'élevant à sept et à huit ;


on en surélevait en même temps 700 ï. En 1936, on constatait, après

un ralentissement 2 notable, mais non point un arrêt, une reprise

nouvelle : au heu de 254 constructions édifiées l'année précédente,


on en comptait 304, en majeure partie dans les faubourgs 3.
Le dernier recensement, celui de 1936, révélait d'autre part une

augmentation quinquennale de la population inconnue jusqu'alors :

36.765 habitants de plus qu'en 1931 4, dont 738 pour la Vieille Ville,
10.556 pour la Ville Nouvelle et 25.471 pour les faubourgs.
On imagine bien que cette poussée du peuplement et des cons

tructions imposait à la Ville, et plus qu'à tout autre, au Service des


Travaux communaux, unelourde tâche, sans cesse accrue. A la né
cessité de pourvoir d'urgence à des aménagements de voirie, à de
nouvelles distributions d'eau, à l'extension du réseau des égouts, à
l'éclairage, au ravitaillement par les marchés, voire même à la sécu
rité, s'ajoutait pour la Municipalité la préoccupation, le devoir même,
de préparer l'avenir par un vaste programme d'urbanisation, mûre

ment étudié, à grande envergure et à prévisions lointaines sans

1. Renseignements fournis par le Service des Travaux Communaux.


2. Entre les années 1924 et 1936, il y a eu des fluctuations nombreuses

et sensibles, des chutes et des redressements rapides, dont témoignent les


chiffres suivants : 519 constructions en 1924, 191 en 1927, 360 en 1933, 460 en

1934, 254 en 1935 et 304 en 1936. On estime la surface bâtie dans cette

dernière année à 48.280 mq. et le capital investi à 48.750.000 francs. Devant


un chiffre pareil, il est difficile de parler de « marasme ».

3. En 1934, par exemple, sur 460 immeubles nouveaux, on en comptait

140 dans la ville proprement dite, contre 320 dans les faubourgs. Par contre,
et on pouvait s'y attendre, le nombre des surélévations dépassait dans la ville

celui des faubourgs (93 contre 60). Malheureusement la reprise de 1936 n'a

été que passagère.

4. Chiffre de la population municipale : 36.928, si l'on y joint la population

comptée à part. Le gain le plus élevé constaté jusque-là, pour une période

quinquennale, avait été dans celle de 1906-1911, de 16.569. Voir les tableaux

précédents, p. 102 et 122.


250 L'AMENAGEMENT DU SITE

doute, mais pouvant se prêter à quelques réalisations partielles plus

ou moins immédiates, en raison des circonstances présentes les plus

favorables, telles que l'acquisition des terrains militaires et doma


niaux et, par ailleurs, la surabondance de main-d'œuvre, conséquence

du chômage.

On comprenait plus que jamais la nécessité de disposer de plans

topographiques levés régulièrement et à des échelles suffisantes pour

servir à l'étude des projets d'ensemble et de détail. C'est à quoi a

répondu le travail poursuivi pendant deux ans par MM. Danger


frères, qui ont établi la planimétrie et l'altimétrie sur une triangu
lation et une polygonation des plus précises. Terminé en 1932, il a

été revu et complété en 1934. Trois plans ont été ainsi dressés :
l/5.000e 2° l/2.000e
au en 2 feuilles ; au en 11 feuilles, pour l'étude
plus particuhère du plan d'aménagement, d'embellissement et d'ex
3° l/500e
tension de la Ville ; au en 115 feuilles pour l'examen dé

taillé des projets et la confection définitive des plans d'alignement


partiels, suivant les directives adoptées dans le plan général.

Le plan d'aménagement, d'embellissement et d'extension de la


ville d'Oran, dressé conformément à la loi du 14 mars 1919, rendue

applicable à l'Algérie par le décret du 5 janvier 1922, répond à une

nécessité non moins évidente. Il y avait une urgence particulière à


diriger et à réglementer la croissance d'une cité dont la poussée

précipitée pouvait engendrer le désordre, les malfaçons et compro

mettre en outre la salubrité. L'éterMue même,


dire illi pour ainsi

mitée, des disponibles favorisait tout naturellement, surtout


espaces

dans deux directions, celles du Sud et de l'Est, le débordement du


flot des constructions sur le site de la banlieue, si l'on ne mettait
pas d'avance obstacle, par des barrages et des canalisations prévues,
à la fantaisie des particuliers, peu soucieux de l'intérêt général. On
sait à quels lamentables résultats a pu aboutir le système des lotis
sements, quand ils étaient hâtivement effectués, sous le prétexte
avoué de parer au plus vite à la crise du
logement, mais en réalité
dans un but de pure spéculation, et lorsque, aussi, comme il est
arrivé trop souvent, ils étaient insuffisamment étudiés et encore plus

mal contrôlés.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 251

A défaut de plan définitif, un avant-projet avait été, comme nous

l'avons vu !, établi en 1927 par M. Wolff , architecte-directeur des


Travaux municipaux. Il a été depuis révisé et complété, avec le
concours de M. Danger du Service des Travaux communaux, de
et

manière à répondre à toutes les conditions de l'urbanisme moderne


et aux besoins d'extension si impérieusement affirmés dans le pré

sent. On ne saurait se dispenser, ici, d'une analyse aussi fidèle que

possible et des quelques commentaires qui peuvent en faire com

prendre l'économie.

Dans le petit atlas qui accompagne le dossier du plan, les auteurs


ont présenté deux croquis concernant le zoning actuel et le zoning
futur d'Oran, tel qu'ils le conçoivent. Dans le premier, ils distin
guent une zone du commerce et des habitations collectives, avec
l'indication des rues les plus commerçantes, une zone des petites

habitations, une zone industrielle, une zone maraîchère, une zone

rurale et les régions de nouveaux lotissements ; ils signalent éga


lement les emplacements de l'ancienne ville espagnole, du quartier
israélite, du quartier musulman (village nègre) et des faubourgs
(Lamur, Medioni, etc..) qui le prolongent extra muros. Tout cela

traduit simplement les constatations que l'on peut faire dans le pré

sent et s'ordonne suivant la distribution que la nature ou les circons

tances ont déterminée. Ainsi, conformément à l'histoire du dévelop


pement de la ville agglomérée, les murs de l'enceinte de 1866 ont

été, par la force des choses, la limite imposée aux immeubles à usage

de commerce et d'habitation collective. Il est tout aussi naturel que

certaines voies privilégiées aient été particulièrement recherchées

par les commerçants et soient devenues les principales rues mar

chandes de la cité, lorsqu'elle est montée du ravin sur la plateau :


tels le boulevard Georges-Clemenceau, ancien boulevard Seguin,
l'artère centrale et l'axe que prolonge la rue de Mostaganem en

direction de la principale, le boulevard Gallieni, la rue d'Al


gare

sace-Lorraine, la rue d'Arzeu et le boulevard du 2e-Zouaves qui la

1. Voir p. 240.
252 L'AMENAGEMENT DU SITE

continue, les boulevards de Sébastopol et de Magenta et celui du

Maréchal-Joffre, ancien boulevard National. Pour ces voies, celles

de la ville basse ont été délaisssées, sauf par les petits boutiquiers
et les artisans, bien qu'elles aient conservé encore aujourd'hui de la
vie et de l'animation, comme la rue Philippe par exemple, qui res

tait le principal trait d'union entre elle et la nouvelle. Il n'est pas


plus étonnant non plus que les faubourgs extra muros, recherchés

et peuplés pour les avantages qu'ils présentaient au point de vue du


prix des loyers, constituent la zone des petites habitations, celle où

l'on trouve le plus de maisons familiales. L'industrie, qui n'occupe


qu'une place bien restreinte dans la vie économique d'Oran, n'a
jamais été groupée, comme Alger, où, depuis longtemps, Bab-el-
à
Oued et surtout les faubourgs, les communes suburbaines du Sud-
Est l'ont attirée et fixée. A peine peut-on distinguer, dans la grande
ville de l'Ouest, la zone du port et des quais, celle dont l'axe est la
voieferrée du P.L.M. jusqu'à La Sénia, ainsi que quelques établis
sements parsemant les faubourgs de l'Est et ceux du Sud. Quant à

la zone maraîchère, elle est naturellement restreinte au ravin de


Ras-el-Aïn, où elle subsiste depuis des siècles, depuis l'origine même
de la ville, malgré les emprises qui l'ont progressivement réduite.

Les modifications apportées par le plan à ce zoning consistent

essentiellement à étendre la zone des habitations collectives au-delà

des limites de l'ancienne enceinte, fcisqu'à celles des servitudes mili


taires aujourd'hui supprimées, et à la prolonger, à travers les fau

bourgs, le long des routes de Tlemcen, de Mascara, de Valmy et


d'Alger, où déjà l'on peut observer la construction de maisons de
rapport. On cantonne d'une manière plus précise et mieux définie
les établissements industriels, sur les quais, dans la région extrême
orientale des faubourgs, au-delà de
Gambetta, de Mélis, et au Sud
de Courbet jusqu'à la route nationale d'Alger ; du côté du Sud-Est,
au-delà de Victor-Hugo vers La Sénia et à cheval sur la voie ferrée

du P.L.M., selon les principes de l'urbanisme moderne, qui les pla


cent dans le voisinage immédiat des voies de
communication prin

cipales, routes et chemins de fer. La zone rurale du Sud-Est, jouis-


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 253

sant d'un ensoleillement total i, est réservée aux villas isolées. On


prévoit en outre l'aménagement d'une des Planteurs », des
zone «

tinée, de par son exposition heureuse à l'Est, ses conditions de salu


brité, sa situation dominante, sa verdure, à être particuhèrement

recherchée comme site des habitations de plaisance.

Le réaménagement de la ville devait comporter évidemment celui

de la voirie, imposé par l'extension du périmètre bâti, par le déve


loppement du trafic, comme par les conditions nouvelles de la cir

culation, que l'usage de plus en plus fréquent de la traction auto

mobile a singulièrement modifiées. L'examen d'un plan d'Oran, si

sommaire qu'il soit, montre à première vue que, abstraction faite


de la vieille ville, les voies maîtresses ont été tracées suivant des
directions rayonnantes, et que leur point de départ commun, leur
centre de divergence, est l'ancienne Place d'Armes, devenue aujour

d'hui la Place Maréchal-Foch. Elles ont été ouvertes pour être les
routes de l'intérieur, et nous avons vu que les plans successifs d'ali
gnement des divers quartiers, au fur et à mesure de leur création,
ont été dressés en respectant ce canevas naturel. Mais, plus la ville

progressait, et plus le secteur défini par la route nationale


2, de
le de 75, d'Oran
n"

Tlemcen-Oudjda et chemin grande communication

à Kristel, c'est-à-dire entre le pied de la montagne et Gambetta, s'éten

dait en surface. Il devenait ainsi de plus en plus nécessaire d'établir


des communications, des liaisons faciles, directes et ininterrompues
entre les branches de ce système radial. Or, celles qui existent encore

actuellement ne remplissent pas ces conditions. Le plan d'aména


gement comble cette lacune en prévoyant l'ouverture de deux grandes

voies périphériques et concentriques : elles ceintureront d'une part

la ville proprement dite, depuis l'entrée d'Eckmûhl, non loin de la


porte de Tlemcen jusqu'à la nouvelle route du Port, et de l'autre
l'
les faubourgs, de la Cité Petit à extrémité Est et aux falaises de

1. L'atlas joint au plan donne une carte de la distribution sur le site des
régions des zones « très bien exposées », d'ensoleillement « moyen », d'enso
leillement « total », des zones « d'ombre » et de celles qui sont reconnues

« insalubres ».
254 L'AMENAGEMENT DU SITE

Gambetta. Ce seront des boulevards, d'une largeur de 40 mètres,


qui permettront d'éviter la traversée de l'agglomération et de la dé
congestionner : c'est encore là un des principes élémentaires de l'ur
banisme moderne, dont l'application se révèle de plus en plus impé

rieuse, lorsqu'il s'agit de ménager des communications rapides et

commodes entre un grand port et l'arrière-pays dont il est la porte

d'entrée principale et le principal débouché ; on sait quel est le rôle


dévolu aux transports lourds automobiles dans un rayon de 50 kilo
mètres, et la concurrence qu'ils y font aux voies ferrées.
A la ville même, il manque un front de mer continu, ce boule
vard en corniche projeté déjà plusieurs fois i et réclamé par les
Oranais depuis tant d'années, et surtout depuis que le transfert des
casernes et des établissements militaires du quartier de la Vieille
Mosquée avait ouvert l'accès des bords de la falaise2. Or, il n'en
existe qu'un tronçon vraiment aménagé, entre le boulevard des
Chasseurs et le ravin de la Cressonnière (boulevard du Nord 3) .

Indépendamment de l'intérêt esthétique et de la valeur d'agrément


que lui donnerait son rôle de balcon dominant la baie et le port, de
promenade certainement recherchée par les habitants d'une ville

maritime privée trop souvent de la vue de la mer, il contribuerait


par les voies affluentes à l'aération et à la salubrité des quartiers
riverains 4, il constituerait enfin une liaison nouvelle entre les abords

de la place Maréchal-Foch et les faubourgs de l'Est, utile particu

lièrement pour décongestionner la%:ue d'Arzeu et les voies paral

lèles. Le plan a prévu cette création et en a ébauché les lignes prin

cipales.

Du circuit périphérique formé par le boulevard Circulaire de


20 mètres, il ira l'ancienne Route du Port (rampe du Capi
rejoindre

taine- la Promenade de Létang, au pied des murs du Châ-


Valès) et

1. Voir notamment p. 205, 208, 234 et 236.


2. Voir p. 209.
3. Voir p. 209.
4. Ils furent longtemps considérés comme insalubres. Ils ont la
été, sur
carte mentionnée plus haut (p. 253), marqués, du moins partiellement, comme

tels. Voir aussi p. 202.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 255

teau Neuf \ en franchissant en remblai les ravins de la Cressonnière


et de la Mina et en contournant l'emplacement actuel du Lycée de
garçons, en bordure de la falaise. Sa largeur, limitée par la néces

sité d'éviter des expropriations trop coûteuses, qui risqueraient d'en

retarder, sinon d'en ajourner la construction, a été réduite à 15


mètres, mais elle suffirait à assurer l'établissement d'un trottoir-
promenade de 7 mètres. A son extrémité Est, il se relierait, par

dessus la nouvelle Route du Port, la voie du chemin de fer et

l'autostrade prévue, à la falaise de Gambetta qu'il longerait, avec

une ouverture portée à 30 mètres, jusqu'au grand boulevard péri

phérique de 40 mètres. Le circuit complet de la ville s'achèverait à


l'Ouest par les liaisons, élargies ounouvelles, établies entre la Place
des Quinconces, dans la vieille ville, et la route de Tlemcen-Oudjda.

Le dessin de la circulation rayonnante a été respecté ; il ne pou

vait en être autrement, pour des raisons naturelles, géographiques,


et parce qu'il était imposé par la direction même des routes de l'in

térieur : routes de Tlemcen-Oudjda (R.N. n°

2), de Misserghin (C.G.


de Mascara-Géryville

C. 73), La Sénia (R.N. 6), de Valmy



par

(C.G.C. 83), du Tlélat (C.G.C. 35), d'Alger par Mostaganem


n"

4), de Saint-Cloud-Arzeu (C.G.C. 32), de Kristel (C.G.C.


(R.N. n°


75). Les comptages de véhicules effectués sur le trajet de ces

voies 2 ont montré que, par ordre d'importance, les plus fréquentées

1. Sa longueur totale serait d'environ 1.400 mètres.

2. Dans le mémoire qui accompagne le plan, les comptages effectués dans


la journée du 7 décembre 1936 ont été reproduits. Les résultats suivants peu

vent être relevés :

Voit. hipp. Cam. autom. Voit. tour. Motos-Vélos


Entrée d'Eckmuhl (R. N. — — — —

2) 636 819 1.535 642


Bd Maréchal-Joffre (près
de la Poste) 1.573 1.608 4.378 659
Entrée de Saint-Eugène (R.
N.

4) 416 535 1.232 341


Bd G.-Clémenceau (Café
Continental) 716 663 4.596 552
Route 6 (devant

nat.

la Subdivision) 604 930 1.527 941


256 L'AMENAGEMENT DU SITE

étaient Mascara, qui dessert notamment l'aérodrome de La


celles de
Sénia, de Tlemcen, d'Alger et de Saint-Cloud, et que par leur conver
gence elles faisaient du boulevard Maréchal-Joffre et du bou
levard Georges-Clemenceau, de la rue d'Arzeu jusqu'à la place

Maréchal-Foch, les artères les plus menacées d'encombrement.

Aussi, ce sont ces routes et leurs prolongements à travers l'agglo


mération qui sont les premières désignées pour un élargissement,
moins facile évidemment à l'intérieur de l'ancienne enceinte que

dans les faubourgs. Les ouvertures en sont portées sur le plan res

pectivement à 35, à 20 et à 25 mètres, tandis que celles des autres


s'échelonnent entre 17 et 12 : 17 mètres par exemple pour la route
de Misserghin, une des voies d'accès principales conduisant aux

Halles Centrales.

Deux artères nouvelles sont, en outre, projetées. L'une, destinée


à relier plus directement la route de Tlemcen au port à travers la
vieille ville, la Place des Quinconces, forme le prolongement
par

vers le Sud du boulevard Docteur-Molle (ancien boulevard Mala


koff), sur le flanc droit du ravin de Ras-el-Aïn, où elle passe un

moment en tunnel, en contrebas du Camp Saint-Philippe, pour re

joindre la route de Tlemcen près des Nouvelles Arènes. Large de


20 mètres, elle est, en outre, doublée par le chemin vicinal actuel

de la rive gauche élargi à 15 mètres. Cette communication a été


depuis longtemps réclamée ; si l'on peut douter de son intérêt stra

tégique, invoqué à plusieurs repfcses, on ne saurait nier qu'elle dé


tournerait une partie du trafic de l'agglomération d'Eckmuhl et du
boulevard Maréchal-Joffre. La deuxième création est celle d'une
autostrade, de 15 mètres de largeur, ayant son origine au port, sur

les terre-pleins du bassin Poincaré, et gagnant par la remontée du


Ravin Blanc et le passage en dessous des autres routes, la route
nationale d'Alger.

Ce sont là des liaisons qui intéressent soit l'agglomération même,


soit ses relations avec l'extérieur. Mais le plan d'aménagement et
d'extension ne pouvait en négliger d'autres, de moins grand déve
loppement sans doute, non moins utiles toutefois, entre les quar-
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 257

tiers nombreux, aux fonctions diverses, de cette cité si étendue et

si complexe qu'est Oran, tel qu'il a poussé. On n'y a pas manqué,


prévoyant soit des rectifications d'alignement, soit des percées nou
velles. Sans entrer dans le menu détail, on peut indiquer les princi

pales, celles qui réaliseraient les améliorations les plus sensibles.

Dans la vieille ville, où l'on s'est contenté de porter à 10 mètres

la largeur de quelques rues par trop étroites, la plus importante est


l'ouverture d'une voie de 12 mètres reliant la nouvelle route d'Oudjda
projetée, celle du ravin, à la rue de Vienne, et par là au boulevard
Maréchal-Joffre. Cette dérivation, qui doublerait la rue des Jardins,

écornerait la partie Sud du quartier israélite, où d'ailleurs la densité


des constructions et du peuplement, beaucoup plus que l'hygiène et

la salubrité, paraissent avoir inspiré une réserve particulière dans


les nouveaux aménagements de la voirie. A travers le quartier Saint-
Antoine et celui des Casernes en bordure du Village Nègre, la rue
du Général-Cérez est prolongée jusqu'au boulevard périphérique
de 40 mètres, avec une largeur continue de 15 mètres : elle éta
blirait ainsi une communication plus directe entre Eckmuhl et le
quartier de la Gare ; dans le Village Nègre lui-même, une large
percée parallèle de 20 mètres est ouverte entre la place du Marché
Lamoricière et le boulevard d'Iéna. Le quartier de la Vieille Mos
quée et celui de Miramar sont l'objet de remaniements qui leur don
nent des voies d'accçs plus larges de la rue d'Arzeu, l'axe de cette
région, boulevard Front de mer, et
au concourent à l'aménagement

des ravins de la Mina et de la Cressonnière, tandis que, vers le


Sud, des dégagements moins étroits et des liaisons plus commodes,
sont assurées par l'agrandissement des places Hoche et de la Vic
toire, le prolongement du boulevard des Chasseurs, entre autres,
à travers le quartier Saint-Pierre, si désordonné, avec le quartier

Saint-Charles, la nouvelle route du port et le circuit périphérique

urbain.

Toutes ces transformations peuvent être réalisées dès mainte

nant ; mais il en est d'autres qui se heurteront à de plus sérieuses

l'aménagement du Châ-
difficultés. Au premier rang, il faut placer
258 L'AMENAGEMENT DU SITE

teau Neuf et le du Boulevard Gallieni jusqu'au front


prolongement

de mer. En la circonstance, il s'agit d'ailleurs, encore plus que de


liaisons nouvelles à établir, de donner ou de rendre au quartier qui
est le vértable cœur d'Oran les ouvertures et les perspectives sur

la mer, qui ont été si fatalement ou si malencontreusement bou


chées. Les magnifiques emplacements du Château Neuf étant sup
posés enfin abandonnés par l'Armée qui les occupe et les garde

jalousement, une belle avenue, de 300 mètres de longueur et de


25 de largeur, s'ouvrirait vers la mer, face à l'Hôtel de Ville, et

aboutirait à une vaste plateforme, presque aussi large et un peu

plus longue, embrassant les deux bastions qui surplombent la Pro


menade de Létang. Ce serait le belvédère le plus riche en points

de vue ; l'extrémité Est en serait refiée par une passerelle et des


ascenseurs aux quais et au môle de la gare maritime : la beauté
s'accorderait ainsi avec l'utilité. Il en serait de même du prolon

gement du Boulevard Gallieni, qui suppose le déplacement du Lycée


de garçons ; son aboutissement belle place, à à une un square inter
rompant le tracé du Boulevard Front de fer, et sa liaison facile
par une rampe en lacets avec la nouvelle route du port, attein

draient les mêmes résultats.

Enfin, pour en finir avec la ville proprement dite, le plan com

porte deux autres innovations, dont une est, comme nous le ver

rons plus loin, en cours de réalisation partielle.

Il s'agit d'abord de faire sortir de son isolement la région des


Planteurs la reliant, par une voie d'accès plus commode et moins
en

tourmentée que la traversée de l'ancienne Blanca jusqu'à la Porte


du Santon, aux quartiers centraux de la ville du plateau. A cet
effet, un boulevard large de 25 mètres poursuivrait la direction du
Boulevard Joseph-Andrieu actuel à travers les terrains de l'ancien
fort Saint-André, et, ramené ensuite à 15 mètres d'ouverture, il
enjamberait par un viaduc le ravin de Ras-el-Aïn pour en gagner

la rive gauche et se prolonger sur près de 500 mètres jusqu'à un

carrefour du chemin vicinal des Planteurs. Cette liaison avec le


faubourg Eugène-Etienne et le quartier des Planteurs serait des
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 259

plus souhaitables. Il y a là, en effet, une région du site d'Oran par

ticulièrement favorisée par son exposition, ses boisements, sa salu

brité, de vue, ses ressources possibles en promenades, en


ses points

terrains de jeux et de sports, en espaces à garnir de villas et d'ha


bitations de plaisance, qui reste actuellement, avec ses médiocres

constructions, ou plus souvent ses masures, ses improvisations et

ses abris de fortune dignes d'un « Bidonville », déshéritée et dé


préciée, parce qu'elle est presque isolée et mal reliée aux quartiers

les plus vivants de l'agglomération. Le plan en réserve l'aména


gement complet à l'étude du Plan Régional. Mais en attendant, il
prévoit la construction du « Pont des Planteurs », ouvrage gran

diose, qui serait sans nul doute une des curiosités les plus remar

quables offertes à l'admiration des touristes, en même temps qu'une

liaison des plus appréciées par les habitants. Ce viaduc n'aurait

pas moins de 400 mètres de longueur, et sa hauteur maxima au-

dessus de l'abîme du ravin atteindrait 60 mètres. Le principe en a

été déjà adopté par le Conseil Municipal 1, les crédits nécessaires

en seront prélevés sur les fonds de l'emprunt de 80 millions à


contracter par la Ville 2 et complétés par le concours du Dépar
tement et de la Colonie.
Quant à l'autre création, elle consiste à aménager un boulevard
de ceinture épousant à peu près complètement le tracé des anciens

remparts depuis l'extrémité Nord du Camp Saint-Philippe jus


qu'aux anciennes portes « de la gare », où il rejoint le circuit péri

phérique de 40 mètres. Sauf dans la partie qui longe le bord du


ravin et contourne à l'Ouest le Camp Saint-Philippe, où sa largeur
sera réduite à 15 mètres, il prend sur le reste de son parcours 20
mètres d'ouverture, utilise des anciennes « rues militaires », élar
gies grâce à la démolition des murs de l'enceinte, ainsi que celles

du Général-Bourbaki et du Général-Détrie ; malheureusement, dans


cette portion du trajet, l'élargissement n'est réalisable que par une

1. Voir p. 238 et A.M. S. du 12 juillet 1935 où l'on mentionne que le Dépar


tement et la Colonie se sont engagés à fournir une subvention de 900.000 francs.
2. Voir p. 244.
260 L'AMENAGEMENT DU SITE

emprise, d'ailleurs légère, sur le cimetière israélite et sur le Parc


à fourrages supposé livré à la Ville par l'Autorité militaire.

Au-delà des anciens murs, une ceinture de terrains vides de

constructions, correspondant à la zone des anciennes servitudes de


la fortification, sépare actuellement la ville de ses faubourgs du Sud
et de l'Est. Elle se poursuit, sur une largeur de près de 250 mètres,
depuis la route de Tlemcen-Oudjda jusqu'à celle de Mascara, pour
s'élargir un moment dans la traversée du Champ de Manœuvre, se
resserrer entre le Parc à fourrages, le Dépôt de Remonte et les
de de Lamur, et, par-delà le de Ta-
abords Lyautey et cimetière

mashouet et les voies du P.L.M., on la retrouve entre le quartier

de Saint-Charles et Saint-Eugène, se prolongeant jusqu'au débou


ché du Ravin Blanc dans la mer, un peu entamée d'ailleurs à l'Ouest
de Pouyet et de Montplaisant. Elle offre des espaces à bâtir qui ne
peuvent manquer d'attirer la construction jusqu'à la soudure com

plète de la ville et des faubourgs. C'est à quoi a pourvu le plan

d'extension par le tracé des voies futures et l'agencement des liai


sons qu'elle rendra nécessaires. La cession du terrain de manœuvre

à la Ville offrait une trop belle occasion pour que l'on négligeât sa

transformation en parc public ; il sera seulement traversé par le


boulevard circulaire de 40 mètres, dont les travaux sont déjà en
cours. Ce vaste trapèze est encadré largement par des avenues de
30 et 35 mètres et un boulevard de 20 mètres d'ouverture. A travers
les établissements sor» à
l'Est, on prévoit le prolon
militaires qui

gement du Boulevard Joseph-Andrieu jusqu'au boulevard périphé


rique, grâce à un raccord complété par l'élargissement de deux ave
nues, l'une bordant, l'autre traversant le faubourg de Lamur. Ainsi
se trouvera réalisée la coordination étroite des quartiers musul

mans, celui du Village Nègre et ceux de la zone suburbaine où s'est

principalement concentré cet élément de la population1. Les cime

tières israélite et chrétien sont respectés, ce dernier étant agrandi

vers le Sud. Les autres portions libres de l'ancienne zone des servi

tudes sont urbanisées ; la voirie en est traitée comme elle le serait

1. Voir plus haut, p. 126.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 261

pour des lotissements nouveaux, mais avec ampleur, des rues de


12 15 mètres entre Saint-Antoine et Eckmuhl, de 10 et de 12 sur
et

l'emplacement du Parc à fourrages, de 10 à 20 entre Saint-Charles


et Delmonte-Saint-Eugène, où le tracé reproduit assez fidèlement
celui des voies dans les faubourgs actuels, du Nord au
existant

Sud et de l'Ouest à l'Est. De larges raccords sont prévus par une


nouvelle percée prolongeant la rue de Mostaganem et une liaison
élargie, plus accessible, de la rue d'Arzeu et de l'Avenue Loubet
avec le centre même de Saint-Eugène. Dans la partie avoisinant

Montplaisant et Gambetta, où le circuit périphérique urbain est

rétréci, en raison des difficultés du nivellement, de 40 à 25 mètres,


il est uni à un nouveau quartier créé sur le plateau de Gambetta,

entre les Abattoirs actuels et les falaises, la petite zone maraîchère

très déclive du Ravin Blanc étant d'ailleurs respectée ; des percées

nouvelles unissent plus commodément l'extrémité Nord-Est de la


ville proprement dite avec les faubourgs.
Pour les faubourgs mêmes, on s'est attaché presque exclusi

vement, là où existent déjà des agglomérations denses, à améliorer

et à créer quelques voies, tandis que là où subsistent encore des


espaces vides qui les séparent et en font des unités distinctes, on

en a préparé l'occupation et l'urbanisation, telles qu'on doit la trai


ter en vue d'un lotissement bien ordonné. C'est, qu'en effet, le dessin
de ces faubourgs a été déterminé, suivant la règle commune à toutes
les banlieues libres de tout obstacle naturel, par la progression des
constructions en bordure ou à proximité des routes, principalement

de celles qui divergent et rayonnent du centre vers l'extérieur. De


là cette tendance à une configuration analogue à celle des branches
d'une étoile, dont les pointes s'allongent dans les directions mêmes

de ces routes. La comparaison des plans levés à des dates succes

sives le montre avec évidence i. Ce n'est que peu à peu que la


nécessité de ne pas trop s'éloigner du centre oblige à combler les
vides et à transformer ce dessin étoile en celui d'un polygone com

in-
pact. Ici, le processus a été le même ; ainsi subsistent de vastes

1. Voir par exemple les plans d'Oran en 1881, 1890 et 1934 (du Service Géo
graphique de l'Armée).
262 L'AMENAGEMENT DU SITE

tervalles non bâtis entre Eckmuhl, Brunie, la Ruche des P.T.T., la


Cité Petit d'une part, Choupot Cuvel-
et Cuvellier de l'autre, entre

lier et le Foyer Oranais, entre celui-ci et les avancées de Boulanger,


entre Boulanger et Medioni, Medioni et Lamur, entre Delmonte et

l'Hippodrome, entre Bon Accueil et Courbet. Le tracé des nouveaux

quartiers suburbains qui combleront ces vides a été mis autant que

possible en concordance avec celui des faubourgs et des Cités ac

tuels, de manière à leur assurer des liaisons entre eux et la coordi

nation la plus étroite.

Le circuit périphérique extérieur forme sur la plus grande partie

de son parcours la limite des faubourgs urbanisés. Il n'est dépassé


que par la Cité Petit qu'il traverse en son milieu, par l'emplacement
d'un stade voisin de Maraval Berthoin, par quelques voies prévues
pour assurer des dégagements faciles à la Caserne des Gardes Mo
biles, par un parc public s'étendant au Sud-Est de Delmonte, par

quelques voies d'accès aux nouveaux Abattoirs dont l'emplacement


a été définitivement arrêté, enfin par un quartier neuf prolongeant

vers l'Est Courbet et Illouz et un parc public à créer en bordure


des falaises de Gambetta.
On ne reprochera pas aux auteurs du plan d'avoir réservé trop
parcimonieusement les
libres, espaces les
les carrefours,places et

les squares, les jardins et les parcs publics, les terrains de sports.
Dans les quartiers de la ville proprement dite, il était difficile, sans
multiplier les expropriations, de créer des places nouvelles. On en

a agrandi quelques-unes, les places Blandan, Lamoricière, Hoche et

de la Victoire. Mais de
le front de mer,
surtout on a garni verdure

sur l'emplacement du Château


Neuf, à l'extrémité du Boulevard
Galheni, dans le ravin de l'Aïn-Rouina où elle prolonge le jardin
du « Petit Vichy » jusqu'aux quais en englobant l'usine à gaz, sur
le trajet du Boulevard Front de mer, entre cette voie et la nouvelle
route du Port, dans les ravins de la Mina et de la Cressonnière

comblés et aménagés. Si l'irritante question du Parc d'Artillerie1

est erifin réglée, on établira en son centre un jardin d'environ 4.000

1. Voir p. 202 et 235.


LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 263

mètres, un autre de plus de 5.000 sur l'emplacement des Abattoirs


actuels appelés à disparaître1. On réserve également, à cet effet,
20.000 mq entre la nouvelle route du Port, la voie ferrée du P.L.M.
et la boucle que décrira le circuit périphérique urbain. Du côté de

l'Ouest, sur les pentes dominant le ravin de Ras-el-Aïn et la nouvelle

liaison projetée entre la Place des Quinconces et la route d'Oudjda,


du Saint-Philippe de l'ancien Fort Saint-
en contrebas Camp et

André, s'allonge une zone frappée de servitude non œdificandi, et

sur le plateau, le prolongement du Boulevard Joseph-Andrieu vers

le Pont des Planteurs est également bordé de verdure. Un terrain


de sports de plus de 12.500 mq occupe les espaces libres voisins de
l'Esplanade du Camp Saint-Philippe.

Sur la zone des servitudes, le magnifique emplacement du


Champ de manœuvre est réservé pour un parc public. Les
faubourgs déshérités à cet égard ont été pourvus de squares. A la
périphérie ont été prévus au Sud un grand stade de plus de
10 hectares, au Sud-Est et au Nord-Est des parcs de 12 et de 18
hectares, tandis que le parcours du Ravin Blanc est frappé de
servitude non sedificandi.

Trois vastes dégagements ont été affectés à des gares routières,


organes des villes modernes que le développement de la circu

lation automobile a rendus nécessaires : celle de l'Est ou d'Alger


au grand carrefour formant place situé sur le parcours du circuit

périphérique urbain au point où il croise la rue de Mostaganem


prolongée ; la gare du Sud sur l'emplacement actuel de la gare de
Hammam-bou-Hadjar et sur la route fréquentée de Mascara ;
si

celle dite « des Planteurs » à l'Est de l'ancien fort Saint-André et


au croisement des boulevards Joseph-Andrieu et Maréchal-Joffre.

On n'a pas oublié non plus de créer des centres sociaux tels
que les urbanistes modernes les conçoivent, c'est-à-dire groupant
des édifices d'utilité publique tels que les écoles, les groupes sco

laires, les cliniques et les dispensaires, les pouponnières et les gar-

1. Voir p. 241 et plus loin, p. 322.


264 L'AMENAGEMENT DU SITE

deries d'enfants, les de réunion, de bibliothèques populaires


salles

et de spectacles, les bains publics, etc. Bien desservis par un réseau

commode de voies qui en ouvre largement l'accès, pourvus de


squares et de verdure, ils ont été heureusement répartis sur le
pourtour extérieur des faubourgs, dans ces régions de la grande

cité où ils sont appelés à ramener et à entretenir la vie, alors que

leur éloignement du centre pourrait les condamner à l'isolement


et à la mort. On en trouve ainsi sur le plan au voisinage des Halles
Centrales au faubourg de Cuvellier, sur le trajet du boulevard
Sud-
Karsenty prolongé, à l'Est de Boulanger et de Medioni, au
Est de Lyautey et de Lamur, où le plan trace les grandes lignes
d'une cité musulmane de près de 20 hectares, à l'Est de Saint-
Eugène, et dans la région Nord, entre Gambetta et Mélis.
Quand on compare ce plan avec tous ceux qui l'ont précédé,
on constate d'abord —
et la chose est aussi heureuse que naturelle

beaucoup d'idées émises depuis une quarantaine d'années


que

leur ont été empruntées, pour être d'ailleurs mieux coordonnées


et mieux adaptées à la situation présente. On regrettera peut-être

d'y rencontrer parfois trop de timidité, notamment sur la solution

de quelques-uns des problèmes les plus difficiles et parfois les


plus urgents à résoudre, selon les vues de quelques oranais qui ne
manquent pas d'autorité. Il est bien certain que, si les auteurs du

plan général ont indéniablement tAioigné du souci de prévoir, là


où s'ouvraient de vastes perspectives pour la création de nouveaux
quartiers destinés à décongestionner ceux qui subsistent encore

avec trop de malfaçons, dans la voirie et l'habitation même, de


taudis ou de simili-taudis, il en reste encore des nids importants
qui bravent les exigences de la circulation et de l'hygiène moder

nes. On pourra citer par exemple la vieille ville basse et encore

plus le vieux quartier israélite1, celui du premier Karguentah,

1. Plusieurs plans antérieurs en prévoyaient un réaménagement important,


par exemple le projet exposé par le Maire Gasser 1912 (voir
en p. 232),
en grande partie reproduit dans les propositions de la Société Germain, Manent
et Cie (p. 236).
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ceux de la Vieille Mosquée, de Saint-Michel, de Saint-Pierre, de


Saint-Antoine et du Village Nègre. On les a ménagés avec une
prudence qui ne manquera pas de soulever des critiques. La ques

tion du transfert de quelques établissements gênants pour l'urba


nisation, tels que le Lycée de garçons, reste indiquée seulement

sans solution 1, Par contre, le plan suppose réalisée la cession par

l'Autorité militaire de plusieurs emplacements qu'elle s'est mon

trée jusqu'ici plutôt réfractaire à abandonner : témoin l'histoire


des négociations pénibles relatives au Château Neuf et au Parc
d'Artillerie par exemple. Il n'est pas non plus présenté de projet

sur une question qui intéresse aujourd'hui tout spécialement toutes

les grandes cités algériennes : la concentration des établissements


de l'Armée dans une ville militaire, annexe de l'autre, rassemblant

tous les organes de sa vie propre. On trouverait sans doute encore

d'autres observations du même genre.

Les auteurs du plan les ont certes prévues. Il s'agit dans la


réalité de savoir et de comprendre quel sens ils ont entendu donner
à ce grand projet d'ensemble. Fallait-il présenter un programme

complet de réfection totale pouvant satisfaire par une image


séduisante les plus difficiles, et faire sur le papier une ville nou

velle, idéale, modèle d'urbanisation théorique, sans se préoccuper

au premier chef des obstacles de tous genres que l'on rencontre

rait dans l'exécution, et particulièrement des répercussions finan


cières qui l'entraveraient, la retarderaient et finalement la feraient
ajourner in seternum ? Ne valait-il pas mieux, plus modestement,
tout en prévoyant la suppression éventuelle et proche de quelques-

uns de ces obstacles, les terrains militaires encore occupés par

exemple, préparer les réalisations les plus urgentes, profiter au plus

vite des disponibilités que laissait encore libres une zone de servi-

1. L'emplacement désigné à plusieurs reprises était l'Esplanade du Camp


Saint Philippe (p. 236). L'avant -projet de M. Wolff le plaçait également là. Le

plan présenté par MM. Danger et Wolff indique une vaste réserve sur les ter
rains du camp tout entier.
266 L'AMENAGEMENT DU SITE

tudes enfin libérée, prévenir le manque de cohésion et le désordre


dont était particulièrement menacée la périphérie des faubourgs,
prévoir au plus tôt l'occupation d'espaces encore libres pour l'a
ménagement non seulement d'une voirie sagement coordonnée,
mais aussi de gares routières, de centres sociaux, de squares, de
jardins, de parcs et de terrains de sports ?

Un plan d'aménagement, d'extension et d'embellissement d'une


ville qui a déjà un passé ancien, comme c'est le cas pour Oran, ne

doit pas être nécessairement un projet définitif visant à refondre

tout ce qui peut être défectueux, pas plus qu'un programme de


tout ce qui peut être souhaitable dans la cité la plus moderne ; on

l'oublie trop souvent. Il apparaît tout différemment qu'il doit d'abord


largement pourvoir aux nécessités les plus urgentes, à celle de
parer au plus vite aux menaces de l'irréparable, auxquelles les ca

prices et les spéculations des constructeurs et de leurs commandi

taires ne manqueraient pas d'exposer les régions du site encore

inoccupées. C'est toute une politique défensive et préventive à


suivre rigoureusement : en ménageant des réserves nombreuses

pour des créations qui ne rapporteront qu'à la santé physique,


intellectuelle, morale et sociale des habitants, on en inaugurera
la première application. Dans la suite, il sera toujours loisible,
quand on aura préparé lerecasement des déshérités et des mal

logés, de procéder par tranches suc^ssives et par des plans par

tiels, à la reconstruction complète des quartiers mal venus. Pour


cela bien entendu, il faut, comme condition primordiale, que les
améliorations et les créations apportées par le plan général aient

été mûrement arrêtées de manière à ne pas engager à jamais l'avenir


là où elles pourraient gêner et compromettre gravement les réa

ménagements provisoirement ajournés.

On ne saurait, dans le cas présent, refuser à ce entre au


plan,
tres mérites, celui d'être vraiment réalisable : ainsi l'ont voulu les
auteurs, moins préoccupés de frapper l'imagination, par de belles
images et des projets grandioses, que de présenter un programme
dont l'exécution ne risquait pas d'être éternellement ajournée, en
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 267

raison de difficultés d'ordre technique ou financier pratiquement

insurmontables. Et c'est ainsique, dès 1930, les directives mêmes


de l'avant-projet, celles du moins qui ont été conservées dans le
plan, ont permis d'entreprendre sans retard des travaux importants
d'aménagement d'embellissement à la fois utiles, heureusement
et

choisis et rapidement menés à bonne fin.

Grâce au déclassement de la Place d'Oran1, à la démolition


de son enceinte du côté du Sud et de l'Est, à l'acquisition des ter
rains sur lesquels elle était établie et d'autres parties du domaine
militaire, et aussi par un heureux emploi de la main-d'œuvre que

le chômage mettait à sa disposition, la Ville a pu faire ouvrir deux


des boulevards projetés, et réaliser ainsi au moins la ceinture d'Oran,
tel qu'elle était délimitée par les anciens murs.
Deux boulevards circulaires sont en bonne voie de création,
l'un de 20 à 25 m. de largeur, l'autre de 40 m. Le premier, établi
sur l'emplacement même de la fortification est malheureusement

interrompu par deux obstacles successifs, le Cimetière israélite et


le Parc à fourrages, que contournait l'enceinte, l'un par un ren

trant et l'autre par un saillant ; leur présence, qu'il faut espérer


devoir disparaître, empêche ainsi de réaliser la voie circulaire, qui,

du camp Saint-Philippe au front de mer, ferait le tour complet


de laville proprement dite 2. Le second, plus largement ouvert, se

développera sans interruption, sur près de 3 kilomètres, en suivant

la limite Sud de l'ancienne zone des servitudes, depuis l'avenue


d'Oudjda jusqu'à sa rencontre avec le précédent 3, à hauteur et à

proximité de l'important faubourg de Saint-Eugène. Les dimensions,


40 m. de largeur, dont 7 pour les trottoirs latéraux, 18 pour deux

1. Voir plus haut, p. 247.


2. En voici les caractéristiques : pour la partie à 20 mètres de largeur, 2 trot
toirs latéraux de 5 mètres avec plantations et une chaussée de 10 mètres ; pour

la du boulevard à 25 mètres, 2 trottoirs latéraux de 5 mètres avec plan


partie

tations, un refuge central de 2 mètres de largeur et 2 chaussées de 6 m. 50.


3. Rue d'Escalonne ; mais on doit noter qu'il s'agit en réalité d'une partie du
parcours du boulevard de 40 mètres faisant suite « au premier », d'après le plan

d'extension.
268 L'AMENAGEMENT DU SITE

chaussées à sens unique, et 15 pour un terre-plein central couvert

de plantations de jardinets, en feront, en même temps qu'un


et

organe de la circulation des plus commodes, le véritable « ring » !


d'Oran, et une promenade des mieux aérées et des plus agréables.

On a entrepris également l'exécution d'un projet qui complétera

l'amorce de boulevard Front de mer, auquel


ce aspirent depuis si

longtemps les Oranais, sans lui donner cependant encore toute l'ex

tension désirable. Du moins ce balcon déjà achevé entre le boulevard


des Chasseurs et le Ravin de la Cressonnière, sera prolongé sur la
falaise dominant la Nouvelle route du Port, par le comblement de
ce ravin aménagé en square, jusqu'au boulevard circulaire de 25 m.

dont nous avons déjà parlé ; un tunnel mettra en communication

directe les quartiers neufs avec cette route 2. Les points de vue

offerts par cette belle promenade, sur le port entier, sur la vieille

ville, sur Santa Cruz et l'Aïdour, sur la rade de Mers-el-Kebir, sur

les falaises de Gambetta, compteront parmi les plus pittoresques des


villes maritimes de l'Algérie.

Enfin les faubourgs du Sud-Ouest vont être dotés d'une voie

prolongeant, avec sa largeur actuelle de 18 m., l'avenue Karsenty


jusqu'à Cuvellier où seront très prochainement édifiées les Halles
Centrales 3 ce sera la liaison la plus directe entre elles et les quar
;
tiers denses du cœur de la ville, où s'élèvent déjà des marchés im
portants 4.

1. Ce terme, qui désigne en allemand « un anneau », est devenu classique


dans l'urbanisme ; il s'applique aux boulevards circulaires qui ont remplacé dans
beaucoup d'anciennes villes murées, comme Vienne et Cologne par exemple,
les enceintes qui les entouraient. Alger aura d'ici peu son ring, sur l'emplace
ment et les glacis de la fortification de 1840. Celui d'Oran restera encore in
complet.

2. L'ouvrage d'art en question assurera ainsi la liaison des quartiers neufs


avec celui de Miramar ; un trottoir-promenade de 7 mètres de largeur donnera
au boulevard La rue de Nancy sera élargie sur toute sa
son principal caractère.

longueur, ainsi que la


Murât, prolongée par le tunnel passant sous le square.
rue

3. Elle traverse le faubourg de Choupot qu'elle relie au boulevard de ceinture


de la ville intra muros. Sur les Halles Centrales, voir plus
loin, p. 319.
4. Par exemple, celui de Karguentah et le nouveau marché Michelet. Voir
plus loin, p. 318.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 269

On étudie, à l'heure présente, en vue d'une prompte réalisation,


d'autres projets compris dans le plan général. Si l'aménagement du
Château Neuf doit être écarté pour un temps indéterminé, le bou
levard Front de mer est appelé du moins à être prolongé par un

ouvrage d'art qui franchira le Ravin de la Mina et contournera au

Nord les bâtiments du Lycée de garçons actuel, pour rejoindre par

la rue El Moungar le boulevard Gallieni 1. Des jardins occuperont

l'intervalle entre l'ouvrage prévu et la Nouvelle route du Port, don


nant à cette partie du front de mer et au quartier qu'elle bordera

un aspect plus élégant et plus riant que les décombres et les dépo
toirs qui en attristent aujourd'hui la vue.

Dans cette même région du Nord de la ville, en vue de faciliter


la circulation entre elle et les faubourgs populeux de l'Est, et au

premier rang celui de Gambetta, on doublera l'unique voie, encom


brée de plus en plus, l'Avenue de Tunis, par une autre parallèle,
franchissant successivement la voie ferrée d'Oran-Marine et le
Ravin Blanc, pour se raccorder à la Nouvelle route du Port, et

ensuite au boulevard Front de mer 2.


On a également étudié un plan d'alignement pour la création

d'un grand circuit périphérique qui se révèle de jour en jour né

cessaire : il s'agit en effet de relier les routes rayonnantes et les


faubourgs, cités et lotissements du Sud et de l'Est, en les encerclant

par une grande voie périphérique, depuis la Cité Petit jusqu'à Gam
betta 3. Le tracé est déjà emprunté par l'égout collecteur circulaire

en cours d'exécution.

Afin de donner un dégagement latéral à la rue d'Arzeu, l'un


des axes principaux du commerce oranais, trop étroite et insuffi
sante pour la circulation intense qu'elle attire, on va procéder à

1. L'ouvrage d'art aboutira rue Lahitte. A travers les jardins se développera


une route reliant la Vieille Mosquée à la Nouvelle route du Port.
2. La nouvelle voie aura 15 mètres d'ouverture ; elle partira de la Place du
Pont de Gambetta, empruntera la rue Passeti avant de franchir par un second

ouvrage d'art le Eavin Blanc.


3. Où elle aboutit à la rue Dumont-d'Urville.
270 L'AMENAGEMENT DU SITE

l'agrandissement de la Place Hoche, qui arrivera ainsi à la border


et à s'ouvrir sur elle ; ainsi sera créée une belle place rectangulaire

de 125 m. sur 40 de largeur.


Ajoutons enfin, sur le chapitre des communications —
et aussi

des embellissements —
la mise au concours du grand projet de
construction du Pont des Planteurs1, dont l'utilité comme le carac

tère esthétique et touristique ont déjà été soulignés.


Les efforts de la Municipalité d'Oran pour améliorer la voirie

ne se sont pas bornés là. Le développement inattendu des faubourgs


imposait des mesures urgentes, dont la première était certainement

la mise en état de viabilité et le classement d'un réseau considérable

de routes, de chemins, de rues, surtout de rues privées. Cette œuvre


a été poursuivie activement dans les dix dernières années et accélérée

particulièrement depuis 1935. On a fait rentrer ainsi dans la voirie

communale 15.200 m. de routes nationales, 4.100 m. de chemins

ruraux et 17.000 m. de chemins vicinaux ordinaires ou de grande

communication, au total plus de 36 kilomètres 2. Mais c'était peu de


chose auprès des 90 kilomètres de rues privées, simples pistes, dé
nuées de tout revêtement, dépourvues de trottoirs, de caniveaux
pour l'écoulement des eaux, véritables cloaques et foyers d'insa
lubrité. L'application des lois récentes 3 et du règlement de voirie

arrêté en 1932 a permis à la Municipalité de constituer des associa

tions syndicales de propriétaires riv^ains, à qui incombaient les


frais de la mise en état de viabilité ; des avances récupérables leur
ont été faites 4. Ainsi ont pu être rendus viables, de 1925 à 1936 :
209 rues, dont 152 de 1935 à 1936, soit un total de près de 55 kilo

mètres, 34 environ dans les deux dernières années 5. La ville pos-

1. Voir p. 244.
2. Exactement 36.200 mètres.

3. Voir plus haut, p. 240.


4. Elles s'élevaient au début de 1937 à 10.097.000 francs.
5. Exactement 54.718 mètres, dont 21.000 de 1925 à 1935, et dans le même
temps sur ce total 17.000 mètres classés après exécution des travaux, et de 1935
à fln 1936, 33.718 mètres. Il restait à cette date à mettre en état de viabilité 145
rues, soit 39.400 mètres dans la Cité Petit, à Cuvellier, à Courbet et ailleurs.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 271

sédait ainsi, au début de 1937, un réseau de 148 kilomètres de chaus


sées bitumées, dont beaucoup sont bordées de trottoirs carrelés et
de plantations. Parallèlement à ces travaux considérables, il a été
procédé à la mise à l'alignement ou à l'élargissement de nombreuses

voies pubhques devenues trop étroites pour les besoins nouveaux

de la circulation1.

Il ne suffisait pas de créer ou d'aménager la voirie sur les diverses


régions du site urbain ou suburbain ; il fallait, obéissant à une néces

sité à laquelle toutes les grandes cités modernes ont été obligées de
pourvoir, assurer et multiplier les liaisons rapides entre la ville et

ses faubourgs. On sait de quelle importance a été l'amélioration des


transports en commun pour le développement des principales

agglomérations à l'époque contemporaine : Paris, Lyon, Marseille,


pour ne parler que de la France, en sont les exemples les plus

frappants, et, dans la colonie même, on pourrait y joindre


celui d'Alger.

On a dû créer en conséquence de nouvelles lignes de tramways


sur Boulanger et Delmonte, en prolonger d'autres, sur Gambetta
notamment, mettre en service des autobus 2, et pour moderniser les
transports, faire l'essai de trolleybus 3 ; on renouvelait en même

temps et l'on augmentait le matériel roulant usagé et insuffisant. Le


nombre annuel des voyageurs était passé en effet, entre 1926 et

1936, de 12 à 20 millions.

Enfin, pour éviter l'encombrement des rues, on a du prescrire


des sens uniques, installer des appareils de signalisation 4, disposer
des passages cloutés et réglementer le stationnement des véhicules.

A Oran, comme dans la plupart des villes algériennes, on a pu

regretter de n'avoir pas donné aux artères que l'on pouvait prévoir

1. Par exemple les rues de la Vieille Mosquée, Thiers, Lamoricière, de la


Remonte, de la Bastille, la Place du Pont de Gambetta.
2. Vers Choupot et Les Planteurs, par exemple.
3. Vers la Douane et Sainte- Thérèse, à travers la vieille ville.
4. On a ainsi placé plus de 100 appareils lumineux.
272 L'AMENAGEMENT DU SITE

comme devant être les plus fréquentées, une ouverture suffisante1,

encore que les plans partiels, du moins depuis 1880, aient témoigné

du souci de faire des percées larges —


pour l'époque2.

Il était plus difficile, en raison de l'occupation précipitée des


terrains libres par des constructions, de créer les squares, les jar
dins et les parcs que réclament aujourd'hui les urbanistes, au nom
de l'hygiène et de l'esthétique. Abstraction faite du Bois des Plan
teurs, difficilement accessible, et de la promenade de Létang, que
sa situation et la présence des établissements militaires du Château

Neuf a toujours un peu isolée du de la ville, Oran manque


cœur

vraiment de ces espaces libres, largement ouverts, tout en étant


garnis de verdure et d'ombrages, où l'on puisse trouver, sans dé
placements trop grands, mais dans les diverses régions de la ville

même, le calme, la fraîcheur, et les saines distractions qui convien

nent à l'enfance. On en a senti d'ailleurs depuis longtemps le be


soin3. Nous avons vu que bien des projets ont été conçus dans
ce sens ; mais à l'exeption des terrasses aménagées en jardins dans
le ravin de l'Aïn-Rouina 4 et de quelques jardinets et plantations

destinés à masquer la nudité de quelques boulevards ou de quel-

1. Voir plus haut, p. 180. Les comptages exécutés sur divers points de la
ville ont montré que, dans certaines artères, il passe plus de 8.000 véhicules par

jour, en réalité en 18 heures. Plus instnilif est d'ailleurs le calcul établi par

mètre carré de chaussée.

2. Nous ne parlons pas ici d'un progrès appréciable réalisé récemment dans
l'éclairage des voies publiques. En 1926, il n'était assuré que par un millier de
becs de gaz et certaines rues n'étaient encore éclairées que par des lampes à
pétrole. En 1936, on comptait 2.010 lampes électriques de puissance variant entre

200 et 600 watts et 710 becs de gaz. On a d'autre part entrepris une installation
moderne permettant l'allumage et l'extinction instantanés à partir de l'usine
génératrice de toutes les lampes d'éclairage En
1930, les consommations
public.

annuelles de gaz et d'électricité d'Oran étaient de 7 millions de kilowatts-heures,


et de 6 millions de mètres cubes de gaz. Elles étaient passées respectivement

en 1936 à 13 et 10 millions.

3. Voir p. 151.

4. Voir p. 239.
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 273

ques places 1, rien de vraiment important n'a été réalisé jusqu'ici.


Or, le plan d'embellissement prévoit une amélioration plus sensible
de cette situation. Sans attendre plus longtemps, on a décidé der
nièrement2
la mise au concours entre des architectes paysagistes

de la transformation de l'ancien Champ de manœuvre, sur environ

20 hectares, en un vaste parc public. Il faut espérer que rien ne

viendra contrarier cette heureuse utilisation.

Arrivé au terme de cette histoire, que nous avons voulu faire


aussi détaillée que notre documentation le permettait, on peut,
avant d'en tirer quelques conclusions, résumer par étapes succes

sives les circonstances d'ordres divers, militaire, politique, écono


mique, qui ont présidé à l'aménagement du site, à la construction,
au développement urbain et suburbain d'Oran.
De 1831 à 1848, la période qui mérite bien d'être appelée « mi

litaire », a été celle de l'établissement, dans des conditions de sécu

rité précaires qui justifiaient une occupation solidement assise et

une intervention constante de l'Armée. Au fur et à mesure que

la pacification des environs et de l'arrière-pays se poursuivait, pour

devenir complète et définitive en 1847, l'Autorité civile collaborait

de plus en plus avec elle, travaillant à restaurer l'ancienne ville

espagnole et turque ruinée et à relier entre la Blanca, la


elles

Marine et la Haute ville encloses par l'enceinte consolidée de la


place forte. Les faubourgs de Ras-el-Aïn et surtout de Karguen
tah, dans le ravin et sur le plateau, commençaient à revivre.
L'avènement en 1848 d'un régime vraiment municipal inaugu
rait une période nouvelle. Depuis cette date jusqu'en 1871, trois
événements principaux devaient changer la situation. La vieille

ville murée, que l'immigration d'outre-mer avait repeuplée, tendait,


malgré les progrès de sa construction, à déborder vers l'Est hors
de la de Saint-
son enceinte, et naissance nouveaux faubourgs,
Antoine et Saint-Michel, s'a joutant à la progression de celui de la

1. Squares Jeanne d'Arc, Garbé, plantations du Boulevard Joseph-Andrieu


par exemple.

2. A. M. S. du 22 février 1937.
'
274 L'AMENAGEMENT DU SITE

Mosquée et à la croissance du Village Nègre, déterminaient en


1866 le Génie, par décision du Ministère de la Guerre, à reculer
l'enceinte vers le Sud, le Sud-Est et l'Est. Comme conséquence,
le plan municipal de 1867, venant après ceux de 1849, de 1857 et
de 1863, fixait enfin le tracé de la nouvelle ville, sans d'ailleurs en

étendre les limites vers le Sud-Est et l'Est jusqu'à celles de la


fortification. Non moins décisifs pour l'avenir d'Oran, la construc

tion d'un véritable port, qui supplantait définitivement celui de


Mers-el-Kebir, et l'achèvement du chemin de fer d'Alger, témoi

gnaient de l'importance commerciale acquise par la véritable capi

tale de l'Ouest Algérien.

L'émancipation complète de l'Administration civile jusqu'alors


subordonnée à la Guerre, le redressement et la reprise de la colo

nisation qui accompagnèrent l'avènement du nouveau régime, acti

vèrent le peuplement de la ville ; de 1871 à 1881, les travaux pro

jetés dans la vieille ville furent liquidés et le plan de 1880, para

chevant celui de 1867, arrêta les lignes de la voirie principale, dans


les parties encore libres de constructions —
ou à peu près —
de
la nouvelle ville du plateau. L'installation décidée de l'Hôtel de
Ville sur la Place d'Armes consacrait le déplacement du centre

d'Oran.

L'ère de la vigne s'ouvrait alors en Algérie, les immigrants, dont


beaucoup d'Espagnols, affluaient eft
Oranie, le port prenait un
essor inattendu, qui allait déterminer de nouveaux travaux d'agran
dissement. Une question, déjà soulevée depuis le recul de l'enceinte,
passait alors au premier plan. Devantde crois
une pareille poussée

sance, les emprises militaires du début, notamment dans le fau


bourg de Karguentah, apparaissaient de plus en plus gênantes pour
le développement de la ville, tout comme les servitudes encore
nombreuses dont étaient frappés quelques-uns des meilleurs ter
rains à bâtir. En 1891, le Ministre de la Guerre se décidait à
ap
prouver enfin une large cession moyennant le transfert et la recons

truction des établissements militaires ; la convention avec la Muni


cipalité devait être sanctionnée en 1901. Cependant dans cette
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 275

XIXe
dernière période du siècle, la population s'était accrue de
plus de 50 % ; elle avait commencé à franchir les murs de l'en
ceinte de 1866. Eckmuhl et Gambetta se peuplaient progressive

ment, Chollet, Terrade


et Brunie, Lamur et Medioni étaient déjà

nés, et du l'Est, Montplaisant, Carteaux, et surtout Saint-


côté de
Eugène, formaient déjà un groupe de plus de 4.500 habitants, à
peu près la moitié de la population des faubourgs extra muros.

Grâce à l'installation des tramways et à l'améhoration des moyens

de transports publics, un mouvement excentrique se dessinait et

s'affirmait chaque jour. Des édifices d'utilité publique et des éta


blissements importants, tels que les deux Lycées de garçons et de
filles, les principales banques, le Palais de Justice, les P.T.T., la
Cathédrale et l'Evêché, achevés ou en construction, avaient émigré
de la ville basse sur le plateau. La perspective de la cession des
terrains militaires avait amené l'éclosion de plans d'extension et

d'embellissement, du projet Cayla en premier lieu. Entre 1901 et

1906, la population d'Oran allait dépasser 100.000 habitants.

Or, elle a doublé de 1901 à 1936. Deux faits marquent particu

lièrement cette dernière période, faits qui ont pris une significa

tion nouvelle et une ampleur croissante dans les dernières années,


de 1930 à 1937. Tout d'abord, comme conséquence des progrès du

peuplement et du renchérissement des loyers depuis la Grande

Guerre, plus encore que du manque d'espace à bâtir à l'intérieur


de l'enceinte, les faubourgs extra muros ont pris un développe
ment qui en a porté la population à environ 45 % du total de la

commune. La zone des servitudes a fini par être complètement

ceinturée par des nouvelles agglomérations, faubourgs, cités, lotis


sements divers, plus ou moins mal agencés et plutôt mal reliés les
aux mais surtout dépourvus des ressources d'une édi-
uns autres,
lité normale. Devant cette situation, qui accentuait l'inutilité des

murs, le Génie a fini par en décider le déclassement, comme d'ail


leurs en principe celui de la Place, tout en maintenant l'occupation
du Château Neuf et de quelques emplacements, dont la construc

tion civile et le réaménagement de la ville réclamaient de plus


276 L'AMENAGEMENT DU SITE

en plus l'abandon. Depuis 1912, avec un arrêt momentané pendant

la guerre, cette dernière question se posait en effet d'une manière

plus impérieuse que jamais. Elle a suggéré des solutions diverses,


des plans qui ne manquaient pas d'ingéniosité ; les derniers ont
été dressés conformément aux prescriptions de la loi de 1919 et
du décret de 1922. Devant la nécessité de coordonner et d'urba
niser plus complètement, selon les principes de l'époque contem

poraine, une ville dont la croissance créait sans cesse de nouveaux

besoins et s'accélérait, suivant un rythme que ne pouvaient suivre

ni les travaux municipaux, ni les ressources financières de la Ville,


il fallait les décisions, mais en même temps faire ce
précipiter^

grand projet d'ensemble que commandaient et la législation ré

cemment surgie et les intérêts majeurs de la grande cité oranaise.

C'est à quoi ont répondu, d'abord la confection terminée en 1931


de plans topographiques levés régulièrement, comme préparation

à un plan général d'aménagement, d'extension et d'embellissement,


dont l'exécution est, on peut le dire déjà commencée.

Depuis les toutes dernières années, Oran est entré dans une

phase nouvelle de son histoire. Elle marquera la clôture des pé

riodes de la reconstitution, de la croissance encore plus spontanée


que dirigée, des plans partiels de circonstance, des réajustements
plus ou moins bien coordonnés. Ci'âge de la pleine maturité est

arrivé, celui où le souci des destinées futures s'impose pour les


cités comme pour les individus. Ceux qui ont vu, au début du
siècle, cette ville fiévreuse, où l'on bâtissait hâtivement, médio

crement, sans autre préoccupation apparente que celle de loger


ses habitants sans cesse accrus, peuvent témoigner du progrès ac

compli. Un peu partout, sauf près du centre, son aspect était plutôt
celui d'un vaste faubourg inachevé, coupé de terrains vagues, dis
parate, sans élégance, sans agrément. Elle travaille aujourd'hui à
se donner un air nouveau de grande ville plus harmo
moderne,
nique, plus confortable et plus plaisante. Aux préoccupations, légi
times assurément dans un pays d'affaires, mais quelque peu pro
saïques, du négoce et de ses bénéfices, elle en ajoute d'autres, telles
LA CONSTRUCTION DE LA VILLE 277

que le souci de satisfaire plus complètement aux besoins de l'hygiène


et du mieux-vivre, et non moins de mieux exploiter les beautés
incontestables du site, en lui rendant la part qui lui revient natu

rellement dans l'esthétique urbaine.


CHAPITRE II

TRAVAUX D'ÉDILITÉ

LA QUESTION DES EAUX

L'alimentation en eau potable d'une ville, où la progression si


rapide du peuplement et l'extension du périmètre bâti ont créé
sans cesse des besoins nouveaux, a été, dans les dernières années,
et reste encore aujourd'hui le premier des problèmes d'édilité à

résoudre d'une manière définitive, c'est-à-dire pour un avenir aussi

lointain que possible, et à l'exclusion de tout ce qui peut ressembler

à un moyen de fortune, à un expédient temporaire.


Nous avons, au début de cette^tude1, examiné quelles sont les
conditions naturelles ; il y a heu maintenant de montrer comment

elles ont été utilisées au cours des siècles de l'histoire d'Oran, et

sous quel aspect se présente actuellement cette grave question

d'urbanisme.
La présence d'un oued permanent, d'eau douce et potable, avait

été une des raisons primordiales qui avaient fixé le choix du site

d'Oran pour l'établissement d'une ville2. Depuis l'origine jusqu'à


notre occupation, il ne semble pas qu'elle ait souffert de l'insuf-

1. Voir plus haut, p. 32.


2. Idem, p. 31.
TRAVAUX D'EDILITE 279

fisance des ressources naturelles. A la source, dont le Ras-el-Aïn1

était la surgescence, en amont de la porte du Ravin, avait été


XVe
ajoutée, probablement au début du siècle, celle de Bîlal, de
faible débit2. Sur les travaux des Espagnols, nous savons seulement

qu'ils avaient dû, entre 1734 et 1738, refaire complètement l'aque


duc qui alimentait la ville3. A la grande fontaine-abreuvoir du
pont de Canastel 4, ils avaient, en 1789, ajouté celle qui orne encore

aujourd'hui la placed'Orléans 5. D'autre part, le faubourg de Kar


guentah utilisait une conduite provenant du Ravin Blanc ; les jar

dins de celui d'Aïn-Rouina pouvaient sans doute être arrosés, mais


d'une manière intermittente, par une source de qualité plutôt
médiocre.

En 1835 6, l'Ingénieur civil Pézerat présenta au Conseil Muni


cipal un rapport sur la situation des eaux d'Oran et les possibilités

que l'on pouvait en attendre. La ville était alors desservie par deux
aqueducs. A l'origine du plus grand, l'auteur estimait le débit de
la source à 11 ou 12 me. à la minute, « jamais moins de 10 », soit
pour 24 heures à 14.400, chiffre manifestement exagéré, ainsi que

le prouvèrent des jaugeages postérieurs exécutés avec plus de


précision. Le petit aqueduc, réservé exclusivement à l'alimentation
des deux principaux quartiers, ne pouvait fournir que 80 à 90 me.

par jour. On comptait que sur le total, 1.080 environ étaient con-

1. Cette dénomination, étendue dans la suite à l'Oued tout entier et au

ravin, ne désignait proprement, comme le mot de « ras », c'est-à-dire de


« tête » que l'origine de la source.

2. Voir plus haut, p. 47. Elle débouchait sur la rive gauche du ravin, à
200 des remparts, à 6 m. au-dessous du
m. sol dans un jardin, d'une galerie

souterraine de 5 m. de long. Elle alimentait quelques fontaines de la Blanca,


on l'appelait aussi Billel. (Derrien, o. c, p. 96-98) ou Bel-El. Le débit jour
nalier était de 300 me.

3. Idem, p. 77.
4. Idem, p. 77.
5. Idem, p. 77.
6. Archives Municipales (Dossier des Eaux). Le rapport est daté du 5 fé
vrier 1834 ; les conclusions furent prises en considération par le Conseil le
17 juin 1835 (Derrien, o. c, p. 89).
280 L'AMENAGEMENT DU SITE

sommés parles fontaines, les abreuvoirs et le concessions à domi


cile 1, 4.000 servaient à l'irrigation des jardins, et 9.000 actionnaient
les moulins, qui tous avaient de 6 à 8 m. de hauteur de chute. Le
grand aqueduc se divisait en deux branches, dont la principale

suffisait à tous les besoins de la consommation et à l'irrigation, sur

la rive droite du ravin ; la deuxième, à l'irrigation seule de la


rive gauche. « Ces aqueducs et tous leurs rameaux de distribution
sont en si mauvais état, déclarait l'auteur du rapport, que, depuis
notre occupation, des travaux journaliers n'ont pu que les main

tenir dans un état passable pour la répartition des eaux ». Les


dégradations, facilitées par la fragilité des conduites en poterie,
augmentaient chaque jour, et il apparaissait que l'on serait amené

sous peu à une réfection générale au moyen de tuyaux de fonte,


et à une répartition nouvelle entre les quartiers. L'Ingénieur Péze
rat, sous ces réserves, envisageait la situation sous le jour le plus

optimiste.

Il calculait en effet que 7 ou 8.000 me. suffiraient largement


pour les besoins de la population et pour les irrigations. Le reste

servirait aux moulins et « aux autres établissements mécaniques »

que l'on peut, écrivait-il, « multiplier jusqu'à la source des aque

ducs, en faisant à des distances suffisantes, des chaussées et des


biefs successifs ». Le ravin deviendrait « un canal qui embellirait

les jardins et les chaussées tracées sur les bords offriraient la pro

menade la plus agréable de la ville É, tandis que la masse des eaux

alimenterait les fabriques « dont on peuplerait le ravin ». Il men

tionnait pour mémoire un troisième aqueduc, d'un débit journalier


de 60 à 65 me, qui jusqu'alors n'avait servi qu'à la Mosquée de
Karguentah et aux du Génie ; mais il estimait que le
travaux
volume pourrait être quadruplé, après les réparations nécessaires
exécutées à la prise d'eau 2.

1. Ce chiffre, que l'on pouvait admettre, apparaissait suffisant pour une

population qui n'excédait pas à cette date 7.000 habitants, même en tenant
compte de la consommation des abreuvoirs et des arrosages.

2. Rozet (o. c. I, p. 19) 1833 que,


signale en pendant son séjour, la conduite
TRAVAUX D'EDILITE 281

Ce rapport contenait des exagérations qui en infirmaient la


valeur. Une Commission nommée en 1838, dont faisait partie l'In
génieur Aucour 1, ramena les chiffres à des proportions plus mo

destes. Le jaugeage de la source, à la prise d'eau, réduisait


exact

le débit journalier à 4.500 me, dont 2.000 représentaient la consom


mation de la ville et les pertes d'eau considérables provenant du
mauvais état des conduites et des détournements abusifs ; les jar
dins en absorbaient 625, les moulins et les usines 1875 2. Le Service
des Ponts et Chaussées, faute de crédits suffisants, avait dû se

contenter jusqu'alors de construire un Château d'Eau à Ras-el-Aïn,


de réparer tant bien que mal les conduites, de remplacer quelques-
unes par des tuyaux en fonte, de créer quelques fontaines et des
abreuvoirs 3. C'est en 1841 seulement que sur les plans de l'In-

desservant le village de Karguentah avait été rompue et que l'eau s'écoulait

dans le ravin, à 400 m. du village, jusqu'à la mer. Le débit était estimé à


120 me par jour ; cette eau était d'ailleurs saumâtre et de mauvaise qualité.
Jusqu'en 1842, on utilisa pour abreuver les chevaux des Chasseurs et de
l'Artillerie casernes à Karguentah, les eaux de deux petites sources voisines,
dont l'une était au ravin de la Cressonnière (Derrien, o. c, p. 97 et 136).
1. Archives Mun. (Dossier des Eaux). La Commission comprenait quatre

membres dont l'Intendant civil Sol. Le rapport est daté du 12 décembre 1838.
Il est analysé dans une note de Aucour, du 4 mars 1868.
2. Les jaugeages ont fourni des chiffres très variés. En 1847, on trouvait
un débit de 18.052 me, ce qui ne pouvait provenir que d'une erreur, inex
plicable d'ailleurs; en 1864, 4.500, en 1866, 5.800, en 1886, 6.000 (Derrien, o. c,
p. 96). D'autre part, des difficultés surgissaient sans cesse au sujet des jardins
et des moulins. Une Commission des fontaines, instituée par arrêté provincial

1"
du juillet 1836 dut procéder à la vérification des titres des concessionnaires.

On recensa 19 jardins extra muros dont 6 appartenant aux autorités, 6 intra

muros, plus 10 arrosés par le courant de fond sans prise d'eau. Les usagers ne

cessaient de réclamer. On dut procéder en 1844 à une nouvelle répartition

(idem, p. 16). Les établissements militaires, Vieille Casbah, Hôpital Militaire,


Château Neuf et Manutention absorbaient près de 200 me.

3. Tableau de la Situation, etc., o. c, 1843-1844, p. 177. On établit des fontai


nes place de Nemours, rue du Vieux-Château et au Château Neuf, des abreu

voirs près la porte du Ravin et sur le quai Lamoune, un bassin de 25.000 litres
pour l'aiguade à la Marine, dans la grotte du Refuge, qui fut d'ailleurs ense
velie sous un éboulement l'année suivante.
282 L'AMENAGEMENT DU SITE

génieur Aucour1, on se décida à entreprendre une reconstruction

complète des aqueducs et une nouvelle distribution des eaux.

On refit donc le grand aqueduc, en adoptant par économie le


système des cunettes en maçonnerie de mortier hydraulique, et on

partagea l'excédent d'eau, après prélèvement pour l'alimentation,


entre les jardins des deux rives du ravin et les moulins, à raison

de 1/4 et de 3/4 respectivement. Les travaux étaient terminés en

1844 ; le Génie avait fait un branchement pour desservir les quar

tiers militaires de Karguentah 2. L'année suivante, on restaura la


conduite du Ravin Blanc, qui permit d'arroser de nouveau les jar
dins du faubourg de l'Est3. Mers-el-Kebir, où l'eau potable man
quait, était ahmenté par une canalisation venue d'Oran qui lui
fournissait quotidiennement 300 me. 4. Ainsi les eaux de Ras-el-Aïn,
avec l'appoint de la source de Bîlal et de celle du Ravin Blanc, suf

fisaient aux besoins de la population civile et militaire. On est

1. Le projet présenté le 5 juin 1840 fut approuvé par le Min. de la Guerre le


12 fév. 1841, en spécifiant qu'aucune indemnité ne serait accordée aux rive

rains. Le rapport signale que, jusqu'alors, les eaux étaient toujours bourbeu
ses et désagréables à boire. Le canal n'était recouvert de rondins pourris que

sur 175 m. ; le reste, soit 1575 m., recevait toutes les pollutions provenant du
versant droit du ravin. Les fuites les détournements, l'évaporation et les
et

infiltrations réduisaient le débit de plus de 20 %. (A.M. Dossier des Eaux). Les


travaux exécutés par les Ponts et Chaussées permirent d'élever en 1848 le
m™

débit dont jouissait la Ville à 1.500 l'Etat se chargeant de gérer les eaux

destinées à l'irrigation et aux moulins. Ceux de l'Administration militaire étaient


l'objet particulier de ses préoccupations. Des travaux importants furent faits
dans ce but en 1847 et 1849.
2. Derrien, o. c, p. 161.
3. Tableau de ïa Situation, o.c. 1843-1844, p. 180. On y comptait, en 1836, 18
jardins irrigués, que leurs propriétaires ne pouvaient plus cultiver (Derrien,
o. c.) La notice du Tableau signale que la population était
. obligée « de faire
venir d'Espagne à des prix exorbitants les légumes et les herbages les plus

indispensables à sa subsistance ». La réfection de l'aqueduc permit de disposer


de 800 me par jour.
1"
4. Idem 1850-52, p. 418. Un mars 1871 réduisit cette
arrêté préfectoral du
fourniture à 172 me, lors de la création de la commune. Un arrêté du Gou
verneur Général daté du 4 avril 1895 la porta à 250 me.
TRAVAUX D'EDILITE 283

cependant un peu en constatant que le nombre des bornes-


surpris,
fontaines de la ville intra muros ne dépassait pas 28 en 1851 *.
A cette date, Oran ne comptait encore que 24.000 habitants envi

ron. Il y en avait plus de 32.000 en 1867 2, lorsque l'Ingénieur Au


cour écrivait : « Dans l'état actuel, Oran, entre les limites de l'an
cienne enceinte, est abondamment pourvu d'eau ». Les analyses

faite par le géologue Ville établissaient qu'elle était de bonne qua

lité et fort peu chargée en sels 3.

Mais le développement pris par le faubourg de Karguentah,


l'occupation progressive du plateau par les constructions, hors de
la vieille enceinte et jusqu'aux limites de la nouvelle, la création

d'une gare de chemin de fer, suscitaient un nouveau problème d'ad


duction. L'utilisation de l'excellente source Noizeux4 allait per

mettre de le résoudre, au moins pour quelques années. Il en était


question au Conseil Municipal depuis 1859 5, mais comme d'un

1. Archives Mun. (Dossier des Eaux). Etat des bornes-fontaines de la ville

d'Oran, sept. 1851. On en comptait 14 dans la Blanca, 10 à la Marine, 4 seule

ment dans le quartier haut.


2. Idem, Rapport de l'Ingénieur en chef Aucour, du 10 août 1867.
3. Idem, Note du 4 mars 1868. Cette analyse donnait les résultats suivants,
pour un titre :

Chlorure de so- Sulfate de ma- Carbonate de


sodium 0 gr. 3126 gnésie 0 gr. 0100 magnésie ... 0 gr. 0266
Chlorure de Sulfate de Carbonate de
magnésium 0 gr. 0453 chaux 0 gr. 0466 chaux 0 gr. 0766

0 gr. 3579 0 gr. 0566 0 gr. 1032

Au total : 0 gr. 5177.


Dans la même note, le débit journalier était estimé à 6.000 me.

4. Voir haut, p. 35. Elle surgit à la tête d'un ravin perpendiculaire à


plus

celui de Ras-el-Aïn, à 5 kil. 800 du Château d'Eau. (Carte au 1/50.000").


5. A.M. S. du 2 juillet 1863. Il s'agissait alors d'alimenter les hauts quartiers

Napoléon et Karguentah. Or, la source Noizeux ne pouvait fournir que 250 me

par jour, quantité jugée insuffisante. On la sous-estimait ; car elle débita dans
la suite plus de 400 me —
à l'étiage du 6 août 1896, 458. Il est vrai que des
travaux d'agrandissement de la conduite avaient été faits en 1885. Le débit
284 L'AMENAGEMENT DU SITE

de débit d'ailleurs particulièrement variable. En 1861,


accessoire,
le Préfet demandait d'urgence l'étude d'un avant-projet pour l'ali
mentation des nouveaux quartiers au moyen de ces eaux1. Car, si

dans la zone basse et moyenne 2, grâce à l'installation de machines

élévatoires 3, on pouvait refouler respectivement 800 et 250 me. de

Ras-el-Aïn, la zone supérieure, celle du Village Nègre et du pla

teau de Saint-Michel, restait dépourvue de canalisations. Le projet

Aucour 4 comportait l'aménagement de la source Noizeux, située à


346 m., une conduite libre en ciment de 7.000 m., un bassin de
600 me. par jour, sur lesquels il en fallait réserver 40 pour le
chemin de fer5. Il en fut ainsi décidé, en attendant une solution

qui garantît plus sûrement l'avenir.


C'est qu'en effet une ère nouvelle s'annonçait, dont le signe le
plus manifeste était l'accroissement de la population d'Oran, à un

rythme de plus en plus accéléré. De 1866 à 1876, le gain dépassait


17.000 habitants ; des indices certains montraient que l'on entrait
dans une période d'essor et de prospérité dont le premier effet
serait de précipiter le mouvement d'immigration et d'afflux vers

la ville. Dès lors on ne pouvait plus se contenter, dans les grands

travaux d'édilité, de prévisions à courte échéance. Dès 1869, les


habitants des hauts quartiers, de Saint-Antoine à Saint-Michel,

variait d'ailleurs : en 1883 et 1884, il éteit tombé à 200 me pour monter ensuite

à 750. Ce furent d'ailleurs 43 propriéSires israélites du quartier Napoléon qui

avancèrent à la Ville, sans intérêt, la somme de 60.000 francs, nécessaire pour

l'adduction de l'eau (A.M.S. du 26 sept. 1864).


1. Lettre du 25 oct. 1861. (AM. Dossier des Eaux).
2. On désignait ainsi le quartier des Casernes d'une part, ceux que traver
sait la route de Mostaganem de l'autre.
3. AM. S. du 2 juillet 1863. On avait repris un projet de 1854, qui installait
la machine élévatoire au Moulin des Citronniers, au-dessous du Fort Saint-
Philippe,en dépit des protestations des usagers.

4. AM. Dossier des Eaux. Rapport de l'Ingénieur en chef


Aucour, du 10
août 1867 et Plan de distribution des eaux
de la source Noizeux (3 août et 8
nov. 1867-2 avril 1869).

5. Ce n'était qu'une partie de la fourniture d'eau au P.L.M., à qui l'on ven


dit, en 1868, 225 me par jour des eaux de Ras-el-Aïn.
TRAVAUX D'EDILITE 285

comme aussi ceux d'Eckmiihl, le premier faubourg surgi hors les


murs, se plaignaient de manquer d'eau et demandaient de partici

per à la distribution de celle de Noizeux1. Ce fut l'origine des


recherches et des projets qui aboutirent à l'adduction des eaux de
Brédéah.

On connaissait, depuis le début de notre occupation, le « ma


rais de Brédéah », situé à 26 kilomètres d'Oran, un peu à l'Est de
la route de Tlemcen. Il était formé par l'épanouissement de sources

bouillonnantes sur une étendue de plus de 100 hectares, au niveau

moyen de 88 m. environ2. Elles s'alignaient dans une dépression


allongée du Nord-Ouest au Sud-Est, sur 3 kilomètres et 150 m.

de largeur, et de chaque côté, dans les parties les plus basses, elles

s'étalaient en mares stagnantes encombrées de plantes aquatiques,


de débris végétaux constituant un foyer de miasmes et de palu

disme. Nos soldats en avaient subi l'épreuve et, en 1876 encore,


elles déterminaient de redoutables épidémies dans toute la région,
de Misserghin à Lourmel.

En 1864, le Service des Ponts et Chaussées avait été chargé

d'étudier, avec le concours de celui des Mines, et d'exécuter un

projet d'assainissement. Les résultats ne furent pas décisifs, bien


que l'on eût recouvert les bouillons, aménagé un exutoire commun

et planté des arbres sur le terrain conquis. Du moins les travaux


avaient permis de déterminer avec précision la coupe du sous-sol
12"

jusqu'à la nappe sous-jacente de profondeur3, et d'estimer


à m.

le débit moyen des sources. Il était, pour 24 heures, de 10.000 me,


sujet d'ailleurs à des variations, suivant les époques et l'importance

1. AM. S. du 21 mai et du 8 sept. 1869. Les plaintes reparaissaient en 1878


(S. du 18 février).
2. AM. Dossier des Eaux. Bouty. Etude d'un projet de conduite d'eau pour

amener à Oran les sources de Brédéah. Oran, 20 août 1876.


3. Soit, de la surface à la nappe, une masse d'alluvions, terre végétale, argile
plastique avec rognons ferrugineux, argile noire à fossiles, alternances d'argile
plus ou moins bitumineuse et d'argile jaune avec des cailloux roulés, enfin

assise de calcaire plus ou moins caverneux.


286 L'AMENAGEMENT DU SITE

des précipitations atmosphériques. L'eau avait une température de

23°, et, à l'analyse, elle s'avérait parfaitement saine et potable1.

Le 10 novembre 1876, un traité était signé entre la Commune


et M. Emile Cayla, fondé de de M. Devilliers, Ingénieur
pouvoirs

civil. Un arrêté du Gouverneur Général, en date du 25 février


1878 2, autorisa la Ville d'Oran « à dériver les eaux des sources de
Brédéah et à les amener à Oran pour ses besoins et ceux de la
banlieue ». Une convention nouvelle vint alors réviser et modifier

celle de 1876. La ville cédait ses droits à M. Devilliers, qui acceptait


les charges, sauf celles concernant la livraison aux établissements
publics et militaires. Il pourrait amener dans la conduite des eaux

d'une autre provenance, pourvu que leur qualité fût agréée. Il


s'engageait par ailleurs à alimenter Brédéah même et les com

munes de Bou-Tlélis, La Sénia et Valmy. Il était tenu de faire les


travaux d'adduction et de les entretenir, pour fournir à la Ville

un minimum de 5.000 me. Un réservoir couvert, d'une capacité


d'au moins 10.000 me, serait construit, soit à la porte de Mascara,
soit dans les fossés du Camp Saint-Philippe, à un niveau permet

tant d'amener l'eau à 2 m. au-dessus du point culminant de la


ville intérieure3. Les de canalisation, depuis l'issue du
travaux

réservoir, incombaient à la Commune. Le concessionnaire consti


tuerait une société dite « Société hydraulique d'Oran », au capital
de 2 millions. Au bout de 99 1ns, toutes les installations revien

draient à la Ville. La convention signée le 15 juin 1878 fut approu

vée par le Gouverneur Général le 4 juillet 1878 4.

1. L'analyse faite au laboratoire des Mines, à Oran, donnait les résultats sui

vants, pour un litre :

Carbonate de chaux : 0 gr. 214 —


Sulfate de chaux : 0 gr. 131 —
Chlorure de
magnésium : 0 gr. 189 —
Chlorure de sodium : 0 gr. 260. —
Au total : 0 gr. 794
de sels.

2. AM. Dossier des Eaux. Convention avec M. Devilliers du 15 juin 1878.


3. AM. S. du 8 1880. Lettre de M.
avril
Cayla, directeur de la Société des
Eaux de Brédéah, annonçant que la conduite d'amenée sera terminée avant le
30 juin et que l'exploitation pourra commencer le 1"
juillet.
4. AM. Dossier des Eaux. Affaire des Eaux. Ville d'Oran et Société des
TRAVAUX D'EDILITE 287

Si l'alimentation d'Oran en eau potable paraissait ainsi devoir


être assurée d'une manière satisfaisante, des difficultés n'en de
vaient pas moins surgir, qui allaient ouvrir la voie à une succes

sion de contestations et de procès, dont la Commune ne vit jamais


la fin jusqu'à nos jours mêmes. Cette histoire est tellement com

plexe et confuse qu'il serait fastidieux de l'étudier ici en détail ;


on doit donc se borner à faire ressortir les objets principaux des
litiges et les faits essentiels dont la réalité est la moins contestable.

Et tout d'abord, si surprenante que la chose puisse paraître, il


a fallu attendre un demi siècle pour que fût définitivement tran
chée une question primordiale, celle de la propriété des eaux : non

point qu'il y ait jamais eu d'incertitude dans notre législation depuis


le Code Civil, mais parce que des décisions prises légèrement, et
des interprétations fondées uniquement sur des abus et sur la
méconnaissance des textes, avaient obscurci une question cependant

parfaitement claire.

En 1902, un différend survenu entre la Ville d'Oran et la Société


Générale des Eaux était porté en dernier ressort devant le Conseil
d'Etat. Le Service des Ponts et Chaussées fut invité par l'Autorité
Supérieure à fournir un mémoire qui remettait au point les don
nées du litige, et qui à ce propos rappelait la saine doctrine et les
entorses que lui avait laissé infliger l'Administration elle-même.

La Société invoquait son contrat avec la Commune, qui lui affer

mait les cinq sources alors utilisées1. Or, pour trois de ces sour

ces2, on ne trouvait dans les sommiers de consistance du Domaine


aucune trace de titres réguliers conférant à la Ville la jouissance
de ces eaux. La Société ne se fondait pas moins, dans son litige,
sur des actes prouvant que la Commune avait traité avec elle comme

si elle avait eu la possession pleine et entière des eaux, ou tout

Eaux. Documents extra-judiciaires. Rapport de M. l'Ingénieur en chef des


Ponts et Chaussées de la circonscription d'Oran, 20 mai 1902.
1. Sources de Ras-el-Aïn, du Ravin Blanc, de Bîlel, de Noizeux et de Bré
déah.
2. Il s'agit des trois premières désignées ci-dessus.
288 L'AMENAGEMENT DU SITE

au moins la jouissance régulière K En d'autres circonstances, bien

que le contingent attribué aux irrigations des jardins et aux mou

lins de Ras-el-Aïn eût toujours été considéré comme géré par le


Service des Ponts et Chaussées, c'est-à-dire par l'Etat, la Commune
ne s'était pas privée de percevoir des redevances sur les usagers,
et le Préfet avait approuvé les arrêtés municipaux établissant ces

taxes2. En 1862 seulement elles furent supprimées, et le Conseil


Municipal ayant de nouveau, en 1880 3, voté le retour à cette
mesure illégale, il se trouva enfin un Préfet pour répondre que

« l'Etat était seul propriétaire des eaux, comme ayant hérité des
droits du Beylik, et qu'il ne les avait jamais cédées ». La conclu
sion du rapport de 1902 sur ce point particulier était que le con

trat d'affermage passé entre la Commune et la Société des Eaux,


en 1896, était défectueux ; il sous-entendait —
mais le fait appa

raissait clairement que l'Administration



avait eu tort de l'ap
prouver.

Un autre fait ressort de l'examen des documents qui peuvent

fournir la matière de cette histoire. La Ville d'Oran s'est trouvée,


ou a cru se trouver dans l'obligation de se décharger sur des sociétés

privées de la mission délicate et coûteuse d'alimenter en eau une

population sans cesse croissante ; ce jour-là, elle s'est engagée dans


une voie dangereuse, où elle rismiait fort de se heurter à de mul

tiples contestations de la part aMs fermiers, sans que les plus inté
ressés dans la question, les habitants consommateurs, fussent le
moins du monde satisfaits.

1. AM. Dossier des Eaux. Société Générale des Eaux. Mémoire au Conseil
de Préfecture en réponse à celui présenté par la Ville et à l'appui des demandes
reconventionnelles de la Société Générale des Eaux, Oran 1900.

2. Arrêté préfectoral du 26 mai 1851 reconnu comme illégal. Arrêté muni

cipal du 29 avril 1854 faisant verser ces taxes à la Caisse municipale. Approba
tion du Préfet, le 16 mai 1854.

3. Rapport de l'Ingénieur en chef déjà cité, et AM. S. du 22 janv. et du


15 fév. 1880.
TRAVAUX D'EDILITE 289

Jusqu'en 1870 \ date à laquelle fut créé un Service spécial « de


la Voirie, des Eaux et des Bâtiments Communaux », les Ponts et
Chaussées avaient géré le Service des Eaux. Avant 1847, date de
l'organisation municipale des communes de l'Algérie, la question
ne pouvait se poser de l'abandonner aux Conseils de ville qui,
n'étant pas électifs, restaient privés de toute action et de toute
initiative, pas plus qu'aux Maires, réduits aux attributions d'offi
ciers de l'Etat Civil 2. La répartition des eaux était faite, sans

consultationdu Maire, par le Sous-Intendant civil et les Ingénieurs.


Depuis 1847, la Commune continua à être traitée comme un simple

usager, c'est-à-dire que, conformément au principe, consacré même

sous les Turcs par la tradition du Gouvernement beylical, il lui


incombait de payer les travaux d'entretien et d'amélioration des
aqueducs et des canalisations. Seule d'ailleurs, la jouissance des
eaux destinées à l'alimentation publique lui était abandonnée, avec
le droit de délivrer des concessions pour les particuliers et de

percevoir des recettes. En 1887, et jusqu'en 1892, le Service des


Eaux de la Ville fut de nouveau confié aux Ponts et Chaussées ;
mais ils n'intervenaient qu'au point de vue technique, les rede

vances des particuliers et le paiement des travaux restant, soit


au bénéfice, soit à la charge de la Caisse Municipale. Or, il était
incontestable que les dépenses étaient supérieures aux recettes,
et que la Ville avait dû pour y faire face recourir à des emprunts

qui grevaient son budget3.


En 1892, la Ville décidait de retirer le Service des Travaux com

munaux aux Ponts et Chaussées et de le confier à des agents

municipaux4. Or, depuis 1887, il était question au Conseil de faire


appel à la concurrence pour l'affermage des eaux5. Divers projets

1. Rapport de l'Ingénieur en chef déjà cité, et A.M.S. du 22 janv. et du


15 fév. 1880.
2. Voir plus haut, p. 140.
3. AM. S. du 29 janv. 1887. Discours du Maire, M. Mathieu, installant la Mu
nicipalité nouvelle. « Notre Service des Eaux nous coûte plus qu'il ne rapporte. »

4. Idem S. du 17 juin 1892.


5. Idem S. du 29 janv. 1887.

10
290 L'AMENAGEMENT DU SITE

avaient été examinés, sans qu'on eût abouti1. En 1892, à la suite

d'une campagne de presse qui dénonçait comme malsaines les eaux

de Brédéah 2, et signalait le mauvais état de l'usine et de la conduite,


on se décidait à substituer complètement à ces eaux celles de Ras-

el-Aïn, pour l'alimentation des habitants. Malgré l'opposition de


quelques conseillers 3, qui préconisaient la régie directe par la
Ville et le recours à un gros emprunt permettant d'unifier la dette

d'Oran, un projet de convention avec M. Prestat, plusieurs fois


modifié, fut enfin voté, le 15 avril 1896, et reçut, le 6 mai, l'appro
bation préfectorale 4. La « Société Générale des Eaux » recevait
de la Ville la jouissance des cinq sources de Ras-el-Aïn, Brédéah,
Noizeux, Ravin Blanc et Bîlel, pouvant débiter un minimum de
16.000 me. par jour, dont 8.000 seraient livrés gratuitement à la
Commune : les droits acquis pour des fournitures diverses, notam

ment aux jardins, aux moulins, au chemin de fer et à quelques

communes voisines, seraient respectés. Les eaux de Brédéah, soit

plus de 9.000 me, étaient exclues de l'alimentation, que les autres

1. Il y eut notamment des pourparlers avec la Société Lyonnaise des Eaux


etde l'Eclairage ; un projet présenté par M. Bruniquel, ingénieur des Ponts et
Chaussées, fut sur le point d'aboutir. Entre temps, on continuait à emprunter
pour les travaux du Service : de 1881 à 1891, le montant des emprunts s'éleva

à 2 millions et demi. »

2. Notamment dans L'Echo d'Oran m Le Petit Fanal. La suppression de ces

eaux pour l'alimentation était qualifiée de « mesure essentielle pour la santé

publique ». On constatait qu'à l'hôpital civil, où elle avait été effectuée, la


mortalité avait diminué. On décida, le 21 nov. 1892, la suppression générale.

3. AM. S. du 6 août 1888. Le


de la Commission Mun. des Eaux
rapporteur

déclarait que « dans l'intérêt général, il était dangereux de livrer des Services
municipaux à des Compagnies. » Elles
y auraient trop à gagner, le plus gros
des mises de fonds ayant été déjà fait par la Commune. Les rapports de l'In
génieur en chef Genty, du 10 et du 19 nov. 1888, recommandaient l'exploita
tion en régie directe. C'est ainsi qu'avait été rejeté le projet Bruniquel.
4. AM. S. du 18 août 1893. Les charges du concessionnaire avaient été aggra

vées, depuis la présentation du premier projet, en août 1892. Le projet fut encore
modifié le 22 mai 1895, puis par la Commission
préfectorale, retiré par M. Prestat,
puis représenté le 25 fév. 1896.
TRAVAUX D'EDILITE 291

sources devaient assurer ; une canalisation distincte serait aménagée

en vue de l'irrigation, du lavage des rues, des égouts et des usages


similaires. La plus grande partie de l'eau potable devait être
élevée dans le bassin d'Eckmuhl, et en premier lieu celle de
Ras-el-Aïn que l'on espérait devoir atteindre, après quelques tra

vaux, le volume de 14.490me, chiffre donné dans le rapport Pézerat,


alors qu'elle ne débitait en réalité que 4.500 me, ainsi qu'on l'avait
constaté dès 1838, au grand maximum 6.000 1.

Des difficultés, inévitables dans ces conditions, surgirent dès


1898 entre la Société d'une part, la Ville et les Ponts et Chaus
sées de l'autre. La Société, impuissante à fournir la quantité d'eau
de bonne qualité qu'elle avait espéré retrouver à Ras-el-Aïn, avait

dû, pour éviter le retour de procès coûteux, racheter les droits


acquis des moulins et des jardins, et d'une manière générale les

1. Voir plus haut, p. 279. Le procès-verbal de jaugeage, à l'étiage du 6 août

1896, donnait les résultats suivants :

Ras-el-Aïn . . 6.283 me 5.700 me


9.451 —
9.500 —

458 —
300 —

Le minimum fixé par le contrat


Ravin Blanc . . 806 —
300 —

étant de
Bell Eli (Bîlel) 240 —
2C0 —

Total . . . 17.238 me 16.000 me

Les droits acquis représentaient :

Total de la source du Ravin Blanc 806 me

Total de la source de Bell Eli 240 —

Moulin Amy- Richard 2.816 —

Jardins de Ras-el-Aïn et de l'Aïn-Rouina (ensemble) 788 —

Abreuvoir de Brédéah 50 —

Abreuvoir Noizeux 14 —

Chemin de fer 220 —

Total 5.184mc
292 L'AMENAGEMENT DU SITE

servitudes qui affectaient les sources 1. D'autre part, les Ponts et

Chaussées pouvaient constater, justement mais non sans quelque

surprise, que l'état de prise en charge n'était pas conforme aux

termes mêmes de la convention. La Société attaquait la Ville, en

1900, devant le Conseil de Préfecture, qui rejetait sa demande


d'indemnité en 1901 ; il en était de même de son pourvoi en Con
seil d'Etat.
En 1913, le Conseil Municipal autorisa la cession de ses droits
à la Société Germain, Manent et Cie, avec un nouveau contrat2.
Les doléances des particuhers, traduites dans la presse, portaient

à la fois sur la quantité et sur la qualité des eaux fournis aux

habitants ; elles étaient devenues quotidiennes. Les hauts quartiers,


notamment le plateau Saint-Michel, au-dessus de la cote 120, ne

pouvaient être alimentés aux étages supérieurs des maisons. On


constatait d'autre part que le niveau de la nappe de Brédéah bais
sait sensiblement, à la suite des forages entrepris par les proprié

taires voisins, et, comme conséquence, que la teneur en sels aug


mentait Or, la population était, à cette date de
progressivement3.

1913, de plus de 125.000 habitants, à qui les eaux réunies de Ras-


el-Aïn, de Noizeux et de Bilel, les seules vraiment bonnes, même
utilisées en totalité, n'auraient pu fournir, théoriquement et au

maximum, que 56 litres par jour et par tête, chiffre considéré par

tous les hygiénistes comme notoiAment insuffisant ; cette quantité

n'était d'ailleurs pas à leur disposition.


Le nouveau contrat portait que la Société fermière fournirait
au minimum 200 litres par jour et par habitant, pour les usages

particuliers et publics de la commune, sans tenir compte des ser-

1. Rapport de l'Ingénieur en chef du 20 mai 1902, déjà cité. Notamment le


(1"
moulin Amy-Richard fév. 1898) à propos duquel la Ville avait perdu un
procès ; elle avait été attaquée aussi en 1899 par M. Nougier, usinier de Ras-

el-Aïn.

2. AM. S. du 15 oct. et 17 déc. 1912, du 15 janv. et 10 juin 1913. L'affermage


était consenti jusqu'au 31 août 1946.
3. AM. Dossier des Eaux. Mémoire du Secrétaire général du 9
avril 1927
qui contient un historique intéressant et complet.
TRAVAUX D'EDILITE 293

vitudes imposées pour les communes voisines, ni du service parti

culier des Sources. Elle aurait la jouissance de toutes celles dont la


propriété ou à la Ville, des machines,
la jouissance étaient reconnues

des aqueducs, des bassins, des conduites, des réservoirs, des fon
taines, des bouches, des maisons de fontainiers. Elle devrait se
mettre en état de desservir Oran et tous ses faubourgs, même toutes

les agglomérations futures, pourvu qu'elles ne fussent pas situées

au-dessus de la 175, au moyen des eaux de Ras-el-Aïn, de


cote

Noizeux et de Brédéah, et de toutes celles qu'elle pourrait se


procurer, sous la réserve de les faire agréer par la Ville. Dans les
10 mois, elle présenterait des projets de recherches et de captage,
et dans les deux ans, grâce aux travaux exécutés, elle devrait assu

rer les 200 litres prévus. Un volume gratuit et quotidien de 5.800


me serait accordé à la Commune, augmenté de 50 litres par tête

nouvelle constatée au recensement quinquennal. Elle aurait en

outre la charge de la fourniture d'eau douce aux navires, avec un

matériel permettant des opérations rapides et régulières. Telles


étaient les dispositions essentielles du traité K

Un projet de conduite d'amenée fut adopté par le Conseil


Municipal le 27 juin 1914. Les travaux auraient donc dû être
terminés le 27 juin 1916. Or, la guerre étant survenue sur ces
entrefaites, la Société se déclara dans l'impossibihté de faire exé

cuter ses commandes faites aux usines de Pont-à-Mousson 2, obtint

1. AM. Dossier des Eaux. Mémoire du Secrétaire général au sujet des procès

intentés à la Ville par la Société Germain et Cie, 9 avril 1927.


2. Idem. Les marchés avaient été passés avec la Société Anonyme des Hauts
Fourneaux de Pont-à-Mousson le 11 juin 1914. Or, les usines se trouvèrent
dans la zone de feu et furent bombardées. La résiliation du contrat fut pro

noncée par le Tribunal de Commerce d'Oran, le 6 juillet 1920 et le 2 mai 1921


celui qui concernait l'adduction des eaux de Brédéah fut également déclaré

caduc. La Société des Eaux réclama, en outre, une indemnité pour le préjudice

causé parla non-exécution du contrat. Ce n'est que le 12 oct. 1923 qu'elle

soumit un nouveau de travaux, qui fut rejeté par la Ville parce


programme

qu'il ne prévoyait que l'amenée des eaux de Brédéah, mais aucune canalisation

pour leur distribution. La Société n'en commença pas moins les travaux ; la
294 L'AMENAGEMENT DU SITE

la résiliation des marchés passés avec la Société des Hauts Four


neaux, mais se rejeta du côté de la Ville pour réclamer des
indemnités pour charges extra-contractuelles, en raison du ren

chérissement des matériaux et de toutes choses. Elle fut déboutée


par le Conseil de Préfecture, en 1919, et par le Conseil d'Etat, en

1922. La situation empirait, pendant que se prolongeaient et se

succédaient tous ces procès. La région de la ville située au-dessus

de la cote 120 manquait d'eau, et bien ailleurs aussi on constatait

à peu près la même pénurie. Les 5.800 me qui auraient dû être


fournis à titre gratuit, n'étaient pas donnés en réalité ; l'arrosage
des rues et des jardins avait dû être réduit au minimum. Il n'était

alloué qu'un volume de 2.500 me environ. L'hygiène était gra

vement compromise. Les sommations de la Ville se multiplièrent,


la Société y répondait à son tour par d'autres sommations récla

mant des expertises.

A la suite du décès de M. Manent, la dissolution de la Société


fut prononcée le 15 novembre 1921 ; mais le liquidateur se révélant

incapable de poursuivre l'exploitation, la Ville demanda la dé


chéance de la Société. De nouveaux procès surgirent, amenant un

double pourvoi, de la Ville et de la Société, devant le Conseil d'Etat.


A la suite du rejet par le Conseil de Préfecture, en 1923, de la
demande d'indemnité introduite par la Société, la Ville réclamait

sa déchéance pour inexécution denses


e&st engagements. Elle l'accusait
de poursuivre un réajustement de^son
e^sc traité à des conditions inac-

Commune refusa de nouveau, le 7 oct. 1924, d'accepter la deuxième partie du


projet. Il fut prouvé d'ailleurs par l'Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées
Vergnieaud, ingénieur-conseil de la Ville, et par deux experts hydrologues,
que le volume d'eau total, soit 28.500 me, serait insuffisant et qu'il fallait au
moins 39.000 me, sans tenir compte de la fourniture aux Communes voisines
et aux navires. Le 24 juin 1926, la Ville refusait encore de recevoir les travaux

d'adduction des eaux de Brédéah, parce qu'ils étaient incomplets. Elle se plai

gnait, en outre, que la Société, malgré ses


avertissements, n'avait rien fait pour
arrêter les forages abusifs qui enlevaient près de 15.000 me par jour à la
nappe de Brédéah ; à quoi la partie adverse ripostait en reprochant à la Ville
de n'avoir pas fait établir un périmètre de protection des sources.
TRAVAUX D'EDILITE 295

ceptables, et, dans l'impossibilité où elle se trouvait d'exécuter le


contrat de 1913, de préparer une cession à des tiers sur des bases
très avantageuses, tout en obtenant de la Commune des indem
nités K Le Conseil de Préfecture prononça, en 1928 2, la déchéance
de la Société et la résiliation de son contrat. A l'issue d'une lutte

qui durait en réalité depuis 1898, depuis 30 ans, la Ville était de


nouveau amenée à se prononcer sur la grave question des eaux,

passée —

et on le comprend —
la première à l'ordre du jour, la
plus inquiétante, celle qui réclamait la solution la plus urgente.

Il fallait choisir entre la régie directe, la régie intéressée ou le


régime de la concession. Le premier système fut écarté d'emblée 3.

On fit donc appel, par la voie de la Presse, à la concurrence des


Sociétés 4, tandis que la gestion des eaux d'Oran continuait à être

assurée par le liquidateur de la Société Germfein et Cie, M. Bla-

chette. Elle avait enfin réussi à faire recevoir ses travaux 5. Mais,
si les interminables discussions au sujet des litiges soumis aux juri
dictions administratives paraissaient devoir prendre fin, la Munici
palité et le Conseil de ville devaient se préoccuper de plus en plus

de la délicate question des recherches d'eaux, dont l'accroissement


surprenant de la population nécessitait une solution urgente. Elle
finit par prendre la première place dans leurs travaux et leurs déli
bérations, sous la pression d'une opinion publique qui se rrontrait

de plus en plus impatiente. C'est sur cette question que se firent les
élections municipales de mai 1934. Depuis 1913, date de l'affermage

1. A.M.S. du 8 oct. 1928. On rappela dans cette séance que « l'affaire des
eaux » était au programme, et en tête de ce programme, lors des élections de
1921. Le 10 novembre, le Conseil décidait d'enlever au plus tôt l'exploitation
à la Société, son pourvoi en Conseil d'Etat n'ayant aucun effet suspensif.
2. Le 28 juillet 1928. (A.M.S. du 8 oct. 1928).
3. A.M.S. du 10 nov. 1928.
4. Idem. S. du 13 nov. 1929. Quatre Sociétés se présentèrent : Eaux et Assai

nissement, Cie Générale des Eaux, Cie Générale de l'Ozone et Cie Lebon. Le
rapporteur concluait au choix de la Cie Lebon. Il prévoyait une consommation

journalière de 15.000 me à l'abonnement.


5. Idem. S. du 26 nov. 1931 et du 18 juill. 1932.
296 L'AMENAGEMENT DU SITE

à la Société Germain, Manent et Cie, le peuplement avait augmenté


de 40.000 habitants environ, d'après les résultats du recensement
de 1931, et le mouvement ne paraissait pas devoir se ralentir. Le
problème était d'ailleurs double : car il ne s'agissait pas seulement

de la quantité à refouler dans les conduites, mais peut-être encore


plus de la qualité des eaux. En 1934 i, la Société Algérienne des
Eaux, agréée par la nouvelle Municipalité, héritait de l'affermage
conclu en 1896 pour 50 ans, et le faisait prolonger de 18 ans, jus
qu'en 1964. Elle s'engageait à exécuter tous les travaux reconnus

nécessaires par la Ville pour assurer 200 litres par habitant et par

jour. Elle livrerait gratuitement un volume quotidien de 5.800 me,


calculé pour 200.000 habitants, chiffre au-delà duquel il serait aug
menté de 50 litres par habitant nouveau. On estimait, à cette date,
à 13.500 me la quantité d'eau journalière délivrée à titre onéreux.

Nous ne mentionnons d'ailleurs ici que les deux ou trois clauses

essentielles et nous laissons de côté les dispositions financières.


Approuvée par le Conseil Municipal, le 6 juillet 1934, le nouveau

contrat a reçu, le 6 octobre, la sanction du Préfet.


La question des eaux était-elle donc résolue d'une manière défi
nitive, sous le double rapport de la quantité et de la qualité ? Il
vaut la peine de se le demander. S'il a été possible de faire une ré

partition qui permît de dissocier ces deux points de vue, lorsque la


ville d'Oran n'avait à pourvoir qu'aides besoins d'alimentation res
treints 2, on ne peut plus les sépaler, aujourd'hui que la grande

rassemble plus de 200.000


agglomération urbaine
habitants, qui ré

clament beaucoup d'eau et de l'eau reconnue pure et saine, après

1. AM. S. du 6 juillet 1934. La nouvelle Société Fermière avait à sa tête M.


Blachette, liquidateur de l'ancienne Société.
2. On pouvait, en effet, y arriver, en réservant les eaux de Ras-el-Aïn et de
Noizeux pour l'alimentation des habitants, et celles de Brédéah pour tous les
autres usages. Mais le volume réclamé depuis pour les besoins domestiques
s'était élevé dans la proportion du double. On constatait en 1934 (S. du 6
juillet) que l'eau vendue à la population représentait journellement 13.500 me,
alors que l'on ne pouvait compter que sur un débit moyen, des deux sources
les meilleures, de 6.500 à 7.000 me.
TRAVAUX D'EDILITE 297

des analyses chimiques et bactériologiques. Comme nous le disions


plus haut, au début de cette étude 1, la solution doit être une solu

tion intéressant l'avenir, et un avenir aussi lointain que possible.

La ville d'Oran avait pu, jusqu'en 1870, se considérer comme

suffisamment pourvue en eau, encore que l'affirmation de l'ingé


nieur Aucour, en 1867 2, ne manquerait pas de soulever, de nos

jours, les protestations des urbanistes et des hydrologues contem

porains. Les calculs les plus optimistes montraient, en effet, que

la quantité mise à la disposition des habitants était loin d'atteindre


même 100 litres par jour et par tête, et ne dépassait guère 60. Or,
on estime aujourd'hui que 200 litres constituent un minimum, étant
donné que la consommation ménagère ne représente dans la réalité

que 20 % environ du total, le reste étant absorbé par l'arrosage,


les chasses des égouts et bien d'autres usages encore.
Devant les progrès du peuplement dans des proportions inatten

dues, il avait fallu pourvoir à de nouveaux besoins. De là l'inter


vention de la Ville, dès 1874 3, pour demander au Gouvernement
général la jouissance d'une de l'eau disponible à Brédéah,
partie

et, après les enquêtes et les rapports du Service des Ponts et Chaus
sées, l'arrêté du 25 février 1878 qui donnait satisfaction à la Com
mune. Or, il apparut, lors de la remise, que le débit des sources

était loin de répondre aux prévisions fondées sur les jaugeages de


1864, et surtout de 1865 4. En fin décembre 1864, le débit, après
des forages qui l'avaient augmenté sensiblement, était de 7.762 me

1. Voir plus haut, p. 33.


2. Voir plus haut, p. 283.
3. AM. S. du 5 août 1874. Rapport de M. Meuriot sur l'aménagement et la
conduite des sources de Brédéah. Il mentionne les recherches faites en 1873
sur le plateau environnant la source Noizeux ; elles avaient prouvé, selon lui,
que l'on n'avait affaire qu'à une poche d'eau alimentée par les pluies d'hiver,
dont le débit avait varié de 1.20O me à 250. Il estimait que Brédéah fournirait
10.000 me.

4. Tous ces renseignements précis ont été empruntés au rapport de M. Sa

vornin, qui contient un historique détaillé des travaux de forage et d'aména


gement.

10*
298 L'AMENAGEMENT DU SITE

en 24 heures ; en 1865, par suite de nouveaux travaux et d'un hiver

exceptionnellement pluvieux, il s'était élevé à 20.131. Mais, en 1879,


on ne trouvait plus que 6.615. Ces résultats révélaient, ou une ex

trême variabilité, ou l'insuffisance des captages, ou peut-être tous

les deux à la fois. On exécuta en conséquence un grand forage


central jusqu'à 9 m. 80 de profondeur de 1896, fut le
qui, à partir

seul utilisé. On assécha le marais qui, jusqu'alors, se déversait par

le canal « de l'Artillerie » 1, à raison de 1.640 me par jour, et après


des essais d'épuisement prolongés pendant 20 heures, on reconnut

la possibilité d'extraire 10.700 me en 24 heures. Mais l'expérience


ne renseignait pas sur le débit annuel. Un essai d'une durée de 11
jours, tenté par la Société Générale des Eaux, en 1897, permit de
constater une variation annuelle moyenne du niveau de la nappe

évaluée à 0 m. 40 ; un pompage intensif l'aurait amené à 2 m. 70,


c'est-à-dire qu'il suffisait de trois ans de ce régime pour amener un

véritable désastre. Une nouvelle expérience montra, en 1912, que

l'on pouvait réaliser un débit correspondant à 17.500 me par 24

heures, mais c'était encore une donnée purement théorique, qui ne

tenait pas compte des circonstances pouvant affecter l'alimentation


de la nappe d'eau, et au premier chef, dès précipitations atmosphé

riques, des conditions de la saison estivale. Enfin, en 1913, on entre

prit une galerie de captage, à 6 mètres de profondeur moyenne,


à la tête du vallonnement reconnu dans l'étude de la topographie
souterraine. On dut, devant l'affi&t de l'eau, l'arrêter à mi-lon

gueur ; reliée au forage central à l'usine de pompage, elle per


et

mettait de recueillir par les fissures des sources qu'elle absorbait,


elle devint le principal puisard. L'alimentation de la Ville était
considéré, en 1914, comme assurée de nouveau dans des conditions

que l'on estimait à peu près suffisantes.

De 1914 à 1924, les pompages annuels ont fourni un volume sen

siblement constant : de 2.716.000 me à 2.974.000 me, soit une moyenne


théorique de 7.544 à 8.186 me par jour. En y ajoutant le contingent

1. Travail exécuté par l'Armée en 1863 pour assurer l'écoulement des eaux.
TRAVAUX D'EDILITE 299

des autres sources calculé au maximum, on ne pouvait compter au

grand maximum que sur 20.000 me environ1, absolument insuffi


sant, si on les comparait aux prévisions et aux quantités imposées
par les contrats aux Sociétés fermières. Pour une population de
125.000 habitants, chiffre approximatif de 1914, on n'arrivait qu'à

160 litres par jour et par tête ; pour 150.000, en 1924, la moyenne

tombait à 133. Au prix d'un renforcement des moyens d'épuisement


et d'une exploitation intensive de la nappe de Brédéah, on arriva
à élever le taux annuel à 3.190.000 me en 1925, et à 4.583.000 en
1927 2, c'est-à-dire en dernier lieu à 164 litres par jour et par tête,
compte tenu des autres apports. Lors de la présentation des projets

de travaux par la Société, en 1923 et en 3, les experts et l'Ingé


1924
nieur en chef Vergnieaud, conseil de la Ville, avaient estimé in
suffisantle débit prévu, évalué au total à 28.500 me par jour. Ils
concluaient que, compte tenu des pertes et de la baisse à escompter

pendant la saison chaude, Oran, dont la population augmentait sans

cesse, devait pouvoir disposer au minimum de 39.000 me ; le déficit


serait donc de 10.500 me Et l'on en était encore, à cette date, aux
programmes seuls. En 1928, alors que le débit de Brédéah avait
été déjà renforcé, on pouvait constater que l'étiage de la nappe

s'était abaissé de 2 m. 75 au-dessous du niveau normal, après des


oscillations successives. Elles montraient, d'une manière irréfutable,
que depuis 1911, l'équilibre entre la puissance de débit des sources

et les prélèvements effectués était réellement rompu. C'est qu'une

cause était intervenue, qui n'était pas précisément l'abus


nouvelle

du pompage, mais bien plutôt la multiplication des forages entre


pris par les propriétaires voisins 4.

1. Mémoire du Service Général, du 9 avril 1927, cité plus haut.

2. Rapport Savornin.

3. Mémoire, o. c. Encore estimait-on le débit des sources de Ras-el-Aïn et

de Noizeux à un volume plus élevé que celui de la réalité. Les experts, MM.
Bourlier et Magne, ingénieurs hydrologues, estimaient les pertes et les dimi

nutions de débit pendant la saison chaude, à 20 %.

4. Rapport Savornin, o. c. et Mémoire, o. c.


300 L'AMENAGEMENT DU SITE

Dès Conseil Municipal ! que le de


1912, on signalait au niveau

la nappe d'eau de Brédéah était fortement atteint par l'ouverture


de puits dans les environs de l'usine ; en contractant avec la Société
Germain et Cie, on avait espéré qu'elle saurait protéger ses droits,
mais il ne semblait pas qu'elle fût émue ; dans
s'en ses discussions
avec la Ville elle rejetait la faute sur la Commune, qui n'avait pas

pris la précaution de faire délimiter le domaine où seraient inter


dits les forages des particuliers 2. Devant cette défaillance et de
nouvelles menaces de prélèvements abusifs, la Ville engagea, en
1927, une procédure pour obtenir la fermeture des puits incrimi
nés, et décida de faire établir un périmètre de protection des sour

ces 3. L'étude en fut confiée à un géologue, M. Savornin, professeur

à la Faculté des Sciences d'Alger, déjà connu pour ses travaux

d'hydrologie. La conclusion de son rapport était formelle : tout


prélèvement dans le réservoir géologique délimité équivalait à un

prélèvement dans le réservoir de distribution de la Ville.


Au lendemain de l'arrêt qui avait prononcé la déchéance de la
Société Fermière, celle-ci conservant la gestion des eaux jusqu'à
l'adoption d'une nouvelle solution4, on était obligé de procéder à
des recherches de nouvelles sources 5, sous peine de compromettre

gravement l'alimentation des habitants, et d'eaux vraiment potables,

1. AM. S. du 15 oct. 1912.


^
2. Mémoire, o. c. La Ville avait cependjit signalé les forages de puits exé

cutés par MM. Berton, Théus et Gay. Elle engagea même une procédure contre

ce dernier, en 1927.
3. AM. S. du 18 mai 1928.
4. Idem S. du 10 nov. 1928.
5. Idem S. du 18 juillet 1928. On décida de faire appel à des Sociétés ou à
des personnes spécialisées dans la recherche des eaux potables. Le 26 août de
la même année, on signalait que la Société des Eaux avait été mise en demeure
de louer ou d'acheter les puits voisins de la conduite de Brédéah. Le Maire
avait reçu des offres représentant un volume total de 6.000 me d'eau titrant
seulement 0 gr. 30 de sels : de MM.
propositions Robles, Perrier, Pouyel, Ribes,
La Palmeraie, Graber, Turr et Cuvellier. Il envisageait leur utilisation pour

diminuer, en les mélangeant avec elles, la salure des eaux de la conduite de


Brédéah.
TRAVAUX D'EDILITE 301

celles de la conduite de Brédéah devenant de plus en plus saumâ-

tres et impropres à la consommation. Cette question des recherches

et des achats consécutifs allait susciter des propositions multiples,


et soulever des polémiques alimentées malheureusement par les
passions politiques et les compétitions électorales.
Les propositions ont afflué depuis 1928 ; en juin 1933, on en

comptait déjà 29, dont 17 seulement avaient été examinées. Les


eaux offertes à la Ville sont, comme on pouvait
s'y attendre, issues
du versant oriental du massif du Murdjadjo, le seul réservoir où
il soit possible de puiser, à proximité d'Oran et de Brédéah. Les
puits de recherches sont ainsi échelonnés entre Bou-Tlélis et Ras-

el-Aïn. En 1932, la Ville traita un moment avec M. Marelle1, qui


comptait trouver sur le territoire de la Commune de Misserghin
un volume journalier de 24.000 me Un projet de convention avait

été même le Conseil ; mais au dernier moment, l'au


accepté par

teur se retira, devant les risques financiers que comporteraient les


premiers essais 2. En janvier 1933, apparaissaient les propositions de

M. l'Abbé Lambert 3, portant sur 10.000 me, au minimum 5.000, à


extraire aux environs de la conduite de Brédéah. Mais les cinq

1. AM. S. du 26 août 1932. Proposition de M. Marelle, ingénieur hydrologue


de la Commune mixte des Rirha. Il se faisait fort de trouver dans quatre cou

rants coulant du Nord au Sud, respectivement 5.600 me par 24 heures, 6.400,


6.900 et 5.100 me d'eaux dont le degré hydrotimétrique variait de 8 à 12 ; il
espérait, après de nouvelles études, pouvoir livrer à la Ville 30.000 me d'eau

parfaitement pure. La Commission des Travaux concluait à l'acceptation des


essais.

2. Idem. S. du 26 oct., 10 nov., 23 déc. 1932, du 17 fév. 1933. L'auteur de la


proposition qui, d'ailleurs, redoutait de rencontrer en profondeur des couches

trop dures à percer, déclarait ne pouvoir engager trop de frais dans une simple

démonstration, alors que la Ville, pour 3 millions, aurait à sa disposition un

volume considérable d'eau pure, solution meilleure que l'adduction « d'une eau
boueuse et polluée, à 120 kilomètres de distance », qui coûterait pour le moins
60 millions. L'allusion visait les eaux de l'Atlas, de Bou-Hanifia en particulier.
3. L'histoire de ses recherches et des démêlés avec la Municipalité se trouve
dans les procès-verbaux du Conseil, notamment des séances du 26 mai, du 19
septembre, du 4 octobre 1933. Sur les autres propositions, voir AM. S. du 13
juin 1933 : Offres de MM. Pradel, Cyrille, Camallonga, Berton et Gay.
302 L'AMENAGEMENT DU SITE

puits creusés sur ses indications se trouvaient à des distances va

riant de 1.800 à 2.000 m. à l'Ouest de l'usine, et par conséquent

dans la zone désignée par le rapport de M. Savornin comme devant


être exclue de tout prélèvement des particuliers. Par ailleurs, si

les quantités à extraire paraissaient intéressantes, pouvant attein

dre 15.000 me, et si la teneur en chlorure de sodium ne dépassait


pas 0 gr. 90 par litre, l'Ingénieur Vergnieaud, s'appuyant sur la
même autorité, se déclarait fondé à croire qu'après un pompage

et une exploitation intensifs, elle augmenterait certainement dans


des proportions inconnues. Trois propositions successives furent
ainsi rejetées, avec la réserve que, si l'auteur trouvait des eaux

dans un rayon de 15 kilomètres de l'usine de Brédéah, on pourrait


examiner de nouveau ses offres. Au cours des discussions, il fut
établi qu'un des arguments de M. l'Abbé Lambert allait à l'encontre
de l'expertise géologique de M. Savornin établissant l'unité du bas
sin hydrologique de Brédéah, ainsi qu'il l'avait défini, alors que

l'auteur des propositions prétendait qu'un massif rocheux situé à


l'Ouest de cette localité séparait en réalité ce bassin de celui de
Bou-Tlélis, et que d'autres cloisonnements existaient certainement

dans le périmètre de protection 1.

En juin 1933, le Conseil retenait une proposition de MM. Pradal


et Cyrille, relative à 15.000 me d'eau titrant 0 gr. 40 en chlorure

de sodium, à prendre au lieu dit Tefnsalmet, à 8 kilomètres de la


source de Brédéah, ainsi qu'au Ravin de la Vierge et entre Ta-

mermout et Misserghin ; un projet de convention fut adopté sans


qu'il lui ait été donné suite. En septembre, on se décidait à mettre
au concours la fourniture à la Commune d'un volume de 15.000
à 20.000 me par jour, à trouver dans la région de Brédéah. Quatre
concurrents étaient en présence : M. Berton, pour les eaux de sa

1. Voir, sur cette question, le rapport de M. Dalloni, professeur de géologie


appliquée à la Faculté des Sciences d'Alger, du 20 juillet 1934. L'auteur avait

été chargé par le Gouvernement Général d'une mission d'étude en vue de re


chercher les moyens d'alimenter la ville d'Oran en eau potable. Ce rapport a

été publié par le journal Oran-Matin (avril 1935).


TRAVAUX D'EDILITE 303

propriétéde Bou-Tlelis ; M. Camallonga pour la région entre cette


commune et Brédéah ; M. Gay, propriétaire des
environs, et M.
l'Abbé Lambert ; mais devant les contestations survenues entre les
auteurs et la menace d'une série de procès, on rouvrit un nouveau

concours 1. Le 20 février 1934 2, le Gouverneur Général, sur un avis


formel du Service Géologique et des Ponts et Chaussées, inter

disait tout pompage dans la zone de protection des sources de Bré

déah. L'arrivée, à la tête d'une nouvelle Municipalité, de M. l'Abbé


Lambert3, a été suivie de la conclusion du contrat avec la Société
Blachette4, dont nous avons parlé plus haut. A partir de ce jour,
le Conseil a accepté plusieurs offres portant sur des quantités mo

destes, mais faciles à déverser dans la conduite de Brédéah, en


raison de leur proximité : telles sont par exemple les eaux de Pont-
Albin. Ainsi, par des apports successifs, peut-on espérer que la quan

tité sera assurée, au moins pour quelques années. Le problème de


la qualité reste malheureusement encore à résoudre.

Les eaux de Ras-el-Aïn avaient été reconnues parfaitement sai

nes, dès les premiers temps de notre occupation, du moins si les


échantillons destinés à l'analyse étaient prélevés à la prise d'eau
même 5. Car il est bien certain que la nature et le mauvais état
des conduites formées de tuyaux de poterie, ou même de simples
rigoles en terre, les exposaient à toutes les souillures, surtout à la
saison des pluies, et qu'il était difficile de les considérer comme
pures 6. A une époque où l'hygiène alimentaire était encore fort

1. AM. S. du 19 sept, et des 4 et 5 décembre 1933.


2. Id. S. du 23 fév. 1934.
3. Id. S. du 25 mai 1934. Le nouveau Maire posa la question des eaux, telle
qu'elle se présentait alors.

4. Idem S. du 6 juillet 1934 et voir plus haut, p. 296.


5. Voir plus haut, p. 283.
6. AM. Dossier des Eaux. Projet Aucour du 5 juin 1840. L'auteur signale

que « les eaux des fontaines sont toujours bourbeuses désagréables à boire ;
et

en temps de pluie, elles contiennent même tant de limon qu'il faut les laisser

reposer ou les filtrer. » Les eaux du versant de Saint-Philippe s'écoulaient alors

dans la conduite à ciel ouvert, simple rigole qui recueillait ainsi des impuretés
de toutes sortes.
304 L'AMENAGEMENT DU SITE

négligée, on peut affirmer sans témérité qu'elles ont dû être une

cause fréquente d'épidémies. La réfection complète du réseau des


canalisations, en 1841-1842 avait modifié cette situation. Toutefois,
en 1900, le Conseil d'hygiène constatait qu'elles étaient contami

nées ; la Société Germain en fit un de ses griefs contre la Ville,


en l'accusant de les avoir mélangées avec celles de Brédéah, consi

dérées alors comme impures et impropres à l'alimentation1. Mais


les mesures prises dans la suite y remédièrent.

C'est que ces dernières eaux, à l'origine, lorsque la concession


en fut demandée au Gouvernement Général, étaient avant tout des
tinées à des usages autres que les usages domestiques. Il suffit,
pour s'en convaincre, de se référer aux rapports présentés à cette

époque. On y parlait sans doute de la pénurie d'eau dont souffrait

la ville d'Oran, « où manquait le principal élément d'hygiène et de


propreté » ; on signalait les résultats favorables de l'analyse ; mais
il était tout autant question des « irrigations agricoles ou d'agré

ment », et des « immenses bienfaits que produiraient des eaux abon

dantes répandues dans toute la plaine entre Oran et La Sénia2. »

En tous cas, le contrat de 1896 avec la Société Générale des Eaux


stipula qu'elles seraient exclues de l'alimentation, « mesure essen

tielle pour la santé publique », déclarait-on dans les journaux de


la ville 3. On ne cessa depuis de lus incriminer. Les autres sources

apparaissaient alors, et même en™l900, comme suffisantes, si du


moins on n'en distrayait pas une partie pour d'autres usages. On
avait compté en vérité sans l'énorme accroissement de la popula

tion, qui obligea bientôt à leur ajouter d'autres renforts et à pra

tiquer à Brédéah des pompages forcés pour accroître le débit. Le

1. AM. Dossier des Eaux. Mémoire présenté au Conseil de Préfecture par

la Société Générale des Eaux, 1900.


2. Notamment dans le projet Bouty, o. c, pour l'adduction de ces eaux.

3. Voir le mémoire ci-dessus, où il est question de la campagne de Presse


poursuivie dans L'Echo d'Oran et Le Petit Fanal. On constatait que la substi

tution des eaux de Ras-el-Aïn à celles de Brédéah avait eu des effets certains

sur la diminution de la mortalité à l'hôpital civil.


TRAVAUX D'EDILITE 305

résultat fut, comme on aurait dû s'y attendre, une augmentation


progressive de la salure, les eaux captives, les plus chargées, ayant
été de plus en plus aspirées et mélangées avec les autres. De 0 gr. 760
par litre, en 1888, le titre s'était élevé à 1 gr. 890 en 1927, à 2 gr. 040
en 1928, à 4 gr. 29 en mars 1931, à 5 gr. 49 en octobre 1932 1.
D'autre part, l'examen bactériologique pratiqué le 3 décembre
1927 au Laboratoire d'Oran, décelait la présence en grande quan
tité du bacterium », les calcaires, ici ailleurs, faisant
« coli comme

office de cribles, mais non de filtres. Le danger était particuliè

rement grave au début de la saison des pluies2.

Devant la nécessité de recourir aux eaux de Brédéah pour l'ali


mentation, et en attendant une meilleure on ne pouvait
solution,
guère songer qu'à en diminuer la salure, en versant dans les condui
tes des contingents d'eau plus douce qui, par leur nombre, rachè

teraient la médiocrité de leurs volumes respectifs. C'est le remède

qu'avait préconisé M. Savornin ; en puisant peu profondément dans


la zone même de protection, on pouvait en trouver. C'est aussi celui

que suggérait, en 1934, un autre géologue, M. Dalloni, dont les


conclusions étaient moins pessimistes 3. L'analyse du Laboratoire

1. Rapport Savornin, o. c.
2. Idem et Mémoire du Service Général, o. c. Une analyse du 15 nov. 1926
avait révélé la présence d'au moins 100 colibacilles par litre ; la conclusion était :

eau suspecte. Le 7 fév. 1927, le chef du Laboratoire municipal déclarait cette

eau « salée, saumâtre, séléniteuse, à rejeter comme eau potable, et d'ailleurs


impropre à la plupart des usages industriels, notamment à l'alimentation des
chaudières à vapeur. »

3. Voir le rapport cité plus haut, p. 302, note 1. « Le seul remède, disait-il
en conclusion, est de ne prendre à l'usine de Brédéah que la quantité (7.000
me en moyenne) que les « Sources » captées peuvent naturellement don
ner... Le problème de l'alimentation d'Oran semble relativement aisé à solu

tionner, puisqu'il ne s'agit pas d'une question de quantité, mais de qualité.

A cet égard, on ne peut mettre en doute la valeur des analyses qui ont

montré la faible teneur normale en chlorure des eaux qui se trouvent à la


base (ou dans la masse même) du calcaire sur toute l'étendue du massif

depuis Bou-Tlélis jusqu'à Ras-el-Aïn, en passant par les puits Gay, les
sources de Misserghin, les forages de Pont-Albin, etc. »
306 L'AMENAGEMENT DU SITE

municipal, à la date du 25 juin 1932, avait témoigné d'une amélio

ration, insuffisante d'ailleurs. La salure était tombée à 1 gr. 989 1.


Mais par ailleurs le du Docteur Malméjac, désigné comme
rapport

expert par le Conseil de Préfecture, concluait que : 1° Au point de


vue de la salure, les eaux de Brédéah ne correspondaient pas à

une eau potable ; Au point de vue bactériologique, on pouvait

les considérer, même après l'épuration préalable pratiquée par la


Société Germain, comme devant être réputées dangereuses 2.
L'adoption du système de verdunisation Bunau-Varilla a permis

d'atteindre le résultat désiré, sous ce rapport du moins. Les ana

lyses du Docteur Lallement, directeur de la Santé publique, ont


prouvé qu'elles ne présentaient plus aucun danger. Elles sont d'ac

cord avec celles de l'Institut Pasteur, du 23 juin 1933, qui n'y trou
vaient plus ni bacteriums coli, ni bacilles fécaloïdes, ni bacilles ty-
phiques, ni vibriums cholériques3. L'opinion publique était rassu

rée. Il n'en restait pas moins que la salure était un grave inconvé

nient, dont se plaignaient les habitants à demeure, et encore plus

les passagers. On en arrivait à vendre en ville l'eau douce trans


portéedans des tonnelets, de Pont-Albin notamment ; un nouveau
commerce s'était ainsi établi ; il faut en souhaiter la disparition.

Conclure sur ce grave problème des eaux d'Oran, on ne peut le


faire ici qu'en se fondant surl'historique même, qui nous paraît
suffisamment fertile en enseignemeAs ; on se défend d'ailleurs de

toute prétention à présenter une solution nouvelle, qui n'ait pas

été entrevue jusqu'ici, ou même à trancher une question que, seuls,


les techniciens les plus avertis sont qualifiés pour résoudre. Nous
ne pouvons donc, ici, qu'apporter un témoignage d'historien et tra
duire les faits qui se dégagent le plus clairement de toutes les ex

périences du passé.

Et tout d'abord, personne ne saurait affirmer qu'il y ait une

quantité suffisante d'eau, à proximité d'Oran, pour répondre à tous

1. AM. S. du 26 août 1932.


2. Idem S. du 10 et du 17 février 1933.
3. Idem S. du 13 juin 1933.
TRAVAUX D'EDILITE 307

les besoins d'une grande ville de 300.000 habitants, chiffre que l'on
doit envisager dès maintenant, si l'on veut éviter les surprises. Il
faut compter avec le coefficient de variabilité du
chmat, des préci
pitations atmosphériques, dont l'influence sur l'alimentation des
nappes souterraines du Murdjadjo est établie d'une manière incon
testable, et sur les effets de la saison chaude tout aussi bien recon

nus. En supposant même que le bassin hydrologique qui constitue

le réservoir des sources de Brédéah ne présente pas l'unité que lui


attribuent les conclusions de M. Savornin, et qu'il y ait des nappes
indépendantes cloisonnées et pouvant former des réservoirs auto

nomes, il semble difficile que l'on puisse atteindre le débit journa


lier de 60.000 me, qui correspond au chiffre normal de 200 litres
par habitant réclamé unanimement par tous les spécialistes de l'hy
drologie urbaine K
Par ailleurs, si les procédés modernes d'épuration des eaux peu

vent en garantir la salubrité, au point de vue bactériologique, il


est douteux que l'on puisse arriver, ou à réduire, pour leur masse
entière, la salure à des proportions normales, ou même à trouver
la quantité d'eau douce nécessaire pour les usages domestiques et

pour certaines industries alimentaires en toute saison de l'année.


On ne pourrait, en tous cas, assurer la qualité requise qu'au prix

de travaux considérables, qui exigeraient toute la refonte du réseau


des canalisations et la séparation complète des diverses eaux, selon
leur origine et selon leur destination. Ce n'est pas irréalisable sans

doute, mais est-il sûr que ce serait la solution la moins coûteuse ?

On se demande alors si l'on ne doit pas se rallier aux conclu

sions qui ont été, dans les dernières années, celles des Services

techniques, Ponts et Chaussées, Mines, Géologie, chargés par le


Gouvernement Général de rechercher les ressources en eau potable

1. Tous les rapports signalent notamment la variabilité du débit ; voir par

exemple le Mémoire du Secrétaire général déjà cité. Les conclusions du rap


l'alimentation eau elles ne comportent
port Dalloni ne visent que en potable;

pas d'ailleurs des assurances formelles permettant d'envisager un avenir loin

tain.
308 L'AMENAGEMENT DU SITE

de la d'Oran1. Or, il leur est apparu, qu'en dehors du Ché


région

liff, de la
Tafna, de la Macta et de l'Aïn-Skhouna, aucun point d'eau
ne pouvait fournir le volume nécessaire. La Société des Eaux en

avait pris acte ; elle proposa même, en 1933, d'amener les eaux de
Bou Hanifia 2. Les conditions furent jugées inacceptables par le
Conseil Municipal. Est-ce là cependant la solution à laquelle, tôt
ou tard, il faudra arriver, si l'on veut assurer à jamais l'avenir ?
Puiser dans le réservoir inépuisable offert par l'Atlas, et ne pas

reculer devant un captage et une adduction poussés jusqu'à plus

de 100 kilomètres de la grande cité 3 ? Y a-t-il là, si l'on doit du


moins acquérir cette sécurité définitive à laquelle on a toujours
aspiré depuis plus d'un demi-siècle, sans pouvoir l'atteindre, de
quoi effrayer les Pouvoirs publics et les Corps élus ? Au vingtième

siècle, nous nous refusons à le croire.

1. Voir le rapport de la Commission des Travaux (A.M., S. du 26 août 1932).


2. AM. S. du 11 juillet 1933.
3. Des études récentes et la construction du barrage des Beni-Bahdel,
dans la Haute Tafna ont amené les ingénieurs à concevoir une solution jugée
préférable à l'adduction des eaux de Bou-Hanifia, reconnues trop souillées pour
la consommation. C'est de ce côté que les projets tendent à s'orienter à

l'heure actuelle.
II

L'ASSAINISSEMENT: EGOUTS, MESURES D'HYGIENE

A côté de la question de l'alimentation en eau potable, il en est

une autre non moins importante à laquelle on travaille, à l'heure


actuelle, à donner une solution vraiment définitive : celle de l'éva
cuation des eaux usées et des déchets de la ville.

Le ravin de l'Oued Rehi fut l'égout naturel de la vieille ville des


Turcs et des Espagnols ; il était le déversoir jusqu'à la mer de tout
un réseau desservant la Blanca, dont on retrouva, après notre occu
pation, les conduites en aussi mauvais état que celles des eaux. Le
versant de la montagne était particulièrement exposé, en raison de
sa forte déclivité, au ruissellement torrentiel et aux inondations.
Les Espagnols y avaient remédié, dès leur première installation, en
creusant le large « Conduit Royal », qui traversait la ville en sou

terrain pour aboutir à un petit ravin, un fossé affluent du princi

pal; tard, lors de leur deuxième conquête,


plus en 1732, ils créèrent

une dérivation le long des murs de la Casbah pour la faire débou


cher près de la porte de Tlemcen1. La ville n'en restait pas moins

exposée à des accidents comme celui qui, en avril 1842, après des
pluies diluviennes, détermina l'écroulement du mur de soutènement

de la rue d'Orléans et de quelques vieilles maisons 2.

1. Voir plus haut, p. 77 et Fey, o.c, p. 170-172. Le conduit épousait


en réalité le tracé d'un ravin parfaitement visible au Sud-Ouest de la porte

du Santon, masqué par les constructions de la Blanca et de nouveau apparent

autrefois dans le voisinage de l'oued Rehi.

2. Derrien, o. c. à l'année 1942.


2. Derrien, o. c, à l'année 1842.
310 L'AMENAGEMENT DU SITE

Comme tous les travaux d'édilité de l'ancienne ville, ceux-ci


appelaient, dès notre arrivée, une réfection complète. Mais les res
sources financières manquaient ; on dut se contenter au début de
réparer les anciens égouts. A la suite de la grave épidémie de cho

léra de 1834, la Commission d'assainissement instituée à cette occa


sion attira l'attention sur l'insalubrité de la ville, dont les rues mal

propres étaient encombrées d'immondices, de débris d'animaux et

de végétaux en putréfaction 1. Elle reconnut la nécessité de consti

tuer trois réseaux d'égouts ayant chacun leur collecteur et corres

pondant aux trois groupes de voies publiques de la Haute Ville,


de la Ville espagnole et de la Marine. On activa dès lors la recons

truction à neuf de quelques sections, on refit et l'on compléta entre

autres l'égout de la rue Philippe raccordé à la nouvelle Place d'Ar


mes et aux quartiers avoisinant du Nord et du Sud2.
En 1844, le Service des Ponts et Chaussées constatait que les
égouts étaient en nombre insuffisant et « qu'un système général

était à créer ». Le fond du Ravin de Ras-el-Aïn était devenu un

dépotoir pestilentiel, dangereux pour la santé publique 3. C'est alors

que l'ingénieur Aucour fit accepter son projet de construction d'un


grand collecteur, de 2 m. 50 de hauteur sur 2 m. 50 aussi de lar
geur, de 410 mètres de longueur4, auquel viendraient aboutir tous
les égouts secondaires de la ville ; après quoi, un travail de com

blement et de nivellement permettrait l'établissement sur le ravin

désormais couvert d'un boulevarl, celui qui devait être le Bou


levard Malakoff. Les travaux furent immédiatement entrepris et
rapidement poussés ; l'ouverture concomitante de la rue
des Jar
dins 5 facilita d'un
celle exutoire au réseau du quartier israélite.
En 1854 seulement on arrêta le plan général de distribution et
de construction des égouts, dont l'exécution entreprise sans retard,

1. Derrien, o. c. à l'année 1942, p. 71.


2. Idem, p. 78-80 et Tableau de la Situation, o. c. 1844-45, p. 178.
3. Tableau, etc., o.c. p. 179-180.
4. Idem, 1846-1849, Ponts et Chaussées.
5. Voir plus haut, p. 150.
TRAVAUX D'EDILITE 311

mais poursuivie jusque vers 1880, et complétée au fur et à mesure

que se créait et se développait la nouvelle ville du plateau, a doté


Oran intra muros des éléments principaux de son réseau.

Il comprenait trois collecteurs majeurs écoulant par simple gra

vité jusqu'à la mer les eaux de pluie et les eaux usées de la ville

proprement dite 1. Le principal, dit « Egout de Sainte Thérèse » 2, en


rassemblait la plus grande partie, notamment celles du ravin de
Ras-el-Aïn, contournait le pied du Château Neuf, à travers les an

ciennes carrières de l'Abattoir, longeait le bassin Aucour et débou


chait dans la mer à l'Est et près de l'enracinement de la jetée Sainte-
Thérèse ; plus loin vinrent aboutir également des sections desser
vant les quartiers militaires et ceux qui furent créés avant et

après leur désaffectation. Le deuxième, « Egout de la Douane », de


débit moins important, ayant son origine rue d'Orléans, servait

d'exutoire aux quartiers de l'Arsenal, de la Calère et des anciens

jardins Welsford ; il se dirigeait vers le


du Centre, traversait
quai

dans le roc la petite presqu'île de Lamoune et aboutissait à la mer


à l'Ouest et en dehors de la grande jetée du large. Un troisième,

intermédiaire, Egout de la Manutention », recueillait le restant


«

des eaux du quartier de la Marine que l'on n'avait pu diriger sur


le précédent et les rejetait dans le port même à l'Est du quai Sainte-

Marie.

Les bassins s'étant progressivement développés vers le Ravin


Blanc, il a fallu, pour des raisons faciles à comprendre, dévier ré

cemment les égouts qui s'y déversaient ; le réseau s'est trouvé dé

sormais réparti entre deux collecteurs : l'Egout Lamoune, ancien


Egout de la Douane, à l'Ouest, et à partir du Boulevard Gallieni,
l'Egout de l'Est qui, après un parcours sous la ville à des profon
deurs variant de 30 à 50 mètres, aboutit à la mer au-delà du nouvel
avant-port ; sa capacité de débit est de 40 mètres cubes seconde 3.

1. Tableau de la Situation, 1854-1855, p. 428.


2. M. Meunier, o. c, qui les énumère, tels qu'ils existaient en 1887.

3. Renseignements fournis par le Service des Travaux Municipaux. Ceux


qui suivent ont la même source ; ils ont été empruntés à la note rédigée par
312 L'AMENAGEMENT DU SITE

Oran intra muros, soit environ 300 hectares de superficie, se


trouvait ainsi pourvu, mais il était seul à l'être. Le développement
des faubourgs couvrant 800 hectares imposait de nouveaux travaux

et des créations qui se révélaient de jour en jour nécessaires. On


signalait le danger que pouvait présenter pour la salubrité publique

P existence autour de la ville proprement dite de véritables foyers


d'infection, tels que les agglomérations indigènes de Lamur et de

Lyautey, pour ne citer que celles-là.


C'est afin d'obvier au plus vite à cette grave situation que le
Conseil Municipal d'Oran compris, dans un grand
a programme

d'emprunt de 80 millions destiné à des travaux d'édilité, une somme

de 25 millions qui sera sans doute dépassée. Du moins, un plan


général d'assainissement a été mis sur pied, après des études ap

profondies de la question, adopté par les édiles et les Pouvoirs


publics, et l'exécution en est en cours.

L'ouvrage principal est un énorme collecteur, destiné à servir


de déversoir à tous les égouts des faubourgs du Sud et
secondaires

de l'Est. Il a son origine à la Cité Petit, décrit un parcours péri

phérique, celui même du grand boulevard circulaire qui doit les


ceinturer, et débouche dans la mer non loin de l'Egout de l'Est.
On jugera de l'importance de ce travail par quelques dimensions :

6.700 mètres de longueur, à des profondeurs inférieures à 10 mètres

pour 3.200 mètres, et pour les autees 3.500 mètres variant de 30


à 90 mètres. La topographie du sire et la proximité de la mer a
permis de constituer un système unitaire et d'assurer l'écoulement
par simple gravité. Les sections transversales varient, suivant les
tronçons, de 4 à 7 mètres. Le débit à l'aval est de près de 50 mètres
cubes-seconde. L'ouvrage est construit en béton de ciment
vibré,
sans enduits intérieurs, sauf dans la cuvette. En janvier 1937, il
en avait été déjà exécuté 3.000 mètres ; on calculait que la dépense
totale serait, pour ce seul collecteur, de 13 millions environ. Le

M. Verny, dont il a été déjà question. Il est à noter que le bassin du vieux

portcontinue à recevoir, sous le quai de rive dit « du Sénégal » les apports

de l'égout intermédiaire.
TRAVAUX D'EDILITE 313

coût des égouts secondaires représentera certainement plus que

cette somme. Œuvre en tous cas de premier ordre, et par son uti

lité et par sa conception.

Un projet d'usine d'incinération des déchets, analogue à celle

qui fonctionne à Alger, a été mis à l'étude1. En attendant qu'il

aboutisse, le Service du nettoiement de la Ville dispose depuis peu

de perfectionnements qui l'ont modernisé, de camions automobiles

permettant une collecte rapide et conforme aux règles de l'hygiène,


de nombreuses prises d'eau pour faciliter le lavage complet des
rues, et d'arroseuses automobiles particulièrement appréciables

dans la saison chaude.

A toutes ces mesures d'assainissement, il faut joindre le fonc


tionnement et la vigilance du Bureau d'hygiène municipal, qui

concentre les différents Services communaux de caractère sani

taire, appliquant strictement les règlements imposés par la législa


tion, et particulièrement les prescriptions du décret du 5 août 1908.
C'est ainsi qu'il pratique dans son laboratoire l'analyse des eaux

destinées à l'alimentation des habitants, veille à leur épuration sui

vant le procédé Bunau-Varilla, préside au contrôle des denrées de


consommation dans les marchés et sur la voie publique, des viandes,
des poissons des coquillages, et, d'une manière générale, à l'hy
et

giène des individus, des immeubles et de la voirie, à la surveillance

des établissements insalubres. Grâce aux nombreux renseignements


dont il dispose, les auteurs du Plan d'aménagement de la ville ont

pu déterminer avec précision et reporter sur une carte schématique

l'emplacement des quartiers et des régions qui réclament plus par

ticulièrement des mesures d'assainissement2. Ils arrivent ainsi à

1. Plusieurs systèmes et plusieurs projets de traitement des déchets et

des ordures ménagères ont été aussi envisagés. Voir A.M., S. du 12 avril

1932, du 26 août où l'on prévoyait une dépense de 8 millions à cet effet ; du


10-17 février janvier, 21 février, 23-27 décembre 1935. En atten
1933, des 14

dant, il existe deux décharges principales : celle de Monte-Cristo, sur la côte,


entre Lamoune et Roseville, et celle du Petit Lac, au Sud-Est.

2. Le petit Atlas très instructif qui accompagne le « Rapport sur la Situa


tion actuelle de la ville » renferme un schéma sanitaire très bien documenté.
314 L'AMENAGEMENT DU SITE

conclure que « les îlots insalubres sont d'abord les quartiers d'ha
bitation les plus anciens, c'est-à-dire le quartier espagnol situé au

pied de la Casbah, le quartier indigène entre la route des Planteurs


et le fond du Ravin, le quartier de Terrade et de Chollet. Puis,
dans la Nouvelle Ville, le quartier situé au pied de la gare jusqu'à
larue d'Arzeu ; enfin, les quartiers Lamur et Lyautey, et le quar

tier proche des Abattoirs. » Il est superflu d'insister sur l'intérêt


que peuvent présenter des indications de ce genre pour l'urba
nisme oranais.

On peut d'ailleurs y constater que les moyens de défense ne manquent pas.

Les graphiques, construits d'après les données fournies par le Service de


l'Etat Civil, montrent que la mortalité est très légèrement supérieure à la
moyenne de la France, mais qu'en revanche la natalité l'est dans des pro

portions notables : respectivement de 4 à 5 pour 1.000 habitants et de 10


à 14, chiffre qui s'explique certainement par l'importance numérique de la
population d'origine espagnole ou indigène.

I
III

LE RAVITAILLEMENT DE LA VILLE ET DES FAUBOURGS

La question du ravitaillement, et particulièrement des marchés,


s'était posée dès le début de notre occupation ; elle n'a cessé depuis

de préoccuper les Municipalités qui se sont succédé et elle a pris

une importance croissante lorsque l'extension du périmètre bâti,


dans la ville intra muros et dans les faubourgs, par suite des progrès

du peuplement, a nécessité la création de nouveaux centres locaux


d'approvisionnement.
On a vu combien, sous la domination espagnole, le ravitaillement
en vivres de la population militaire et civile avait été précaire, en

raison du blocus perpétuel de la Place du côté de la terre et de


l'obligation d'importer par mer les denrées les plus communes et

les plus indispensables à son alimentation 1. Après notre installation,


il fallut remédier à une situation quelque peu analogue ; la menace

ne fut écartée que où les alentours, dans


du jour un rayon suffi

sant, furent dégagés de l'étreinte des tribus voisines par les progrès

de l'occupation étendue et finalement par la conquête et la pacifi

cation définitive de tout l'arrière-pays.


Lorsque Rozet2 vit Oran, au lendemain de notre arrivée, il

n'existait aucun marché couvert, pas plus que dans aucune cité

de la Régence. Les Arabes apportaient leurs denrées aux portes

de la ville, à la porte dite « Bab-es-Souk », appelée par nous « Porte

Napoléon », dans les fossés du Château Neuf et le long des rem-

1. Voir plus haut, p. 80.


2. Rozet, o. c.I, p. 275.
316 L'AMENAGEMENT DU SITE

parts de l'Est, où l'on s'approvisionnait de grains, d'oeufs, de beurre,


de volaille, de gibier, de viandes de bœuf et de mouton 1, les légumes
des jardins pénétrant par la porte de Ras-el-Aïn jusqu'au marché
aux Herbes, situé dans l'intérieur de la Blanca, près de la Place
d'Armes des Espagnols 2. En 1837, il existait 7 marchés, tous en
plein air. Le premier avait subsisté ; les fruits et les légumes étaient

vendus dans les autres, sur la nouvelle Place d'Armes (place Napo
léon), sur la Place Kléber, sur la Place Blanche, dans le quartier
israélite et sur le Boulevard d'Orléans, où se trouvait aussi une
halle pour le mesurage des grains et des huiles 3. Le marché au
poisson se tenait au Nord de la Place Kléber, dans le quartier de
la Marine. Le bois, le charbon, la paille, le foin étaient cantonnés

entre les fossés du Château Neuf et la rue du Rempart 4 ; en 1839,


on créa un second marché pour le charbon de bois Place de l'Hô
pital et un pour les bestiaux avec quelques abris en planches près

de la porte 5, on ouvrit sur la Place Oudinot


Napoléon. En 1844
un marché aux grains et aux légumes, sur un emplacement occupé

auparavant par les écuries du Train. En 1845, le 5 juin, on inau

gurait enfin le premier marché abrité d'Oran, le « parallélogramme

couvert » de la Place d'Orléans, marché de légumes et de fruits,

avec une poissonnerie annexe, auquel devait succéder un autre,


entièrement clos, dont la construction fut entreprise l'année sui

vante.
^

Cependant, la ville commençait à déborder sur le plateau et un

nouveau quartier s'était créé à Karguentah 6. En 1858, les habi


tants demandaient la création d'un marché quotidien ; on décidait
de l'installer en face de l'église du Saint-Esprit 7, puis de construire

1. Derrien, o. c, p. 27.
2. Voir plus haut, p. 78.
37<"
3. Tableau de la Situation, o. c. 1844-45, p.

4. Derrien, o. c, p. 123-125.
5. Derrien, o. c, p. 182.
6. Voir plus haut, p. 158.
7. AM. S. du 4 décembre 1858.
TRAVAUX D'EDILITE 317

un marché couvert sur le même emplacement 1. Ce n'est qu'en 1867,


après l'adoption du plan d'alignement définitif de la Ville Nouvelle,
que l'on s'arrêtait à l'emplacement où il s'est élevé, à l'angle de la
rue d'Arzeu prolongée et du Boulevard Magenta 2. Mais rien n'était

encore fait en 1870 et l'on discutait toujours sur la question ; en

1880, les travaux n'étaient même pas encore adjugés 3. En 1871 4,


on décidait la construction d'un marché couvert sur la Place Bas

trana, où se trouvait le théâtre, et qui servait déjà de marché vo

lant 5. Il devait devenir le principal de la ville et faire fonction,


bien insuffisamment d'ailleurs, de Halles Centrales.

Entre temps, les habitants du quartier israélite avaient réclamé

dès 1865, une par pétition6


qu'ils renouvelèrent en 1871, l'agran
dissement de la Place Blanche où se tenait un marché très fré
quenté 1. Les halles et les marchés couverts étaient sans doute
encore insuffisants, puisque le Directeur général des Affaires civiles,
Le Myre de 1879 8 dans les dotations de
Villers, comprenait en

terrains à obtenir du Domaine pour la Ville d'Oran, des empla

cements qui leur Dans les faubourgs intra muros,


seraient réservés.

le Village Nègre, qui avait pris, à la fin du siècle dernier, un déve


loppement important, était devenu le centre d'approvisionnement
des quartiers du Sud et du Sud-Est, Saint-Antoine et Saint-Michel

1. AM. S. du 21 novembre 1861, du 3 mai et du 27 octobre 1862.


2. Idem S. du 28 septembre 1867.
3. Idem S. du 7 avril 1870 et du 2 septembre 1880.
4. Idem S. du 8 mai 1871, sur la proposition présentée le 26 janvier par

Sir Francis Morton de construire «un marché en fer».

5. Victor Bérard, o. c, p. 508.

6. AM. S. du 3 juin 1865 et du 19 février 1870.

7. Il s'agissait d'en porter la superficie de 108 à 455 mq. Voir les consi

dérants présentés par des conseillers hostiles à la proposition, p. 178. A la


faveur de démolitions de maisons tombant en ruine, pendant la guerre, on

a pu réaliser la création du marché couvert de la place Blandan (ancienne

place Blanche).
8. AM. S. du 13 et 17 octobre 1879, où l'on discuta le rapport à présenter

à la Commission Parlementaire envoyée en mission.


318 L'AMENAGEMENT DU SITE

en particulier 1, D'autres se révélaient nécessaires. En 1907, par

exemple 2, lorsqu'on discutait sur l'aménagement du quartier neuf,


on en réclamait un pour le voisinage de la Vieille Mosquée et on

en décidait l'ouverture l'année suivante 3. En 1911 4, un programme

d'emprunt de 5.500.000 francs prévoyait la construction de marchés

couverts au Village Nègre, dans le quartier israéhte, dans le quar

tier neuf et à Eckmuhl. On en reparla après la guerre5, mais pour

réserver la question.

Faute de plan d'ensemble, on dut pourvoir jusqu'aux dernières

années,

on peut dire jusqu'à 1935 —
aux besoins les plus urgents,
par des marchés volants, par quelques installations provisoires,
comme les baraques du quartier neuf ; on dota cependant le Village
Nègre, le Plateau Saint-Michel, les faubourgs d'Eckmûhl, de Bou
langer, de Saint et de Gambetta de marchés couverts 6. Il
-Eugène

n'existait pas en tous cas de Halles Centrales suffisamment spa

cieuses, construites, aménagées et équipées selon la technique mo

derne et vraiment dignes de ce nom. Le marché qui en tenait lieu


était mal placé, peu accessible, et ne répondait en rien ni au chiffre

de la population ni au volume des approvisionnements nécessaires.

Un progrès considérable a été tout récemment réalisé, et, grâce

à l'activité du Service des Travaux communaux, l'œuvre entreprise


se poursuit à l'heure actuelle ; on peut donc espérer que, d'ici peu,

la ville d'Oran aura remédié %


ajoutes ces défectuosités et n'aura

1. A.M., S. du 4 mai 1906.


2. Idem, S. du 9 mars 1907.
3. Idem, S. du 14 janvier 1908.
4. Idem, S. du 3 août 1911.
5. Idem, S. du 12 novembre 1919.
6. Pion d'aménagement de la Ville d'Oran. Rapport, o. c, p. 25-26. En
1935, il existait dans la ville intra muros 8 marchés couverts : marchés de la
rue de Metz, de Bastrana servant de Halles Centrales, de la place Blandan,
de Karguentah, de Honsschoot, du Village Nègre et du Plateau Saint-Michel;
en dehors des murs, marchés d'Eckmûhl, de Boulanger, de SaintEugène et
de Gambetta. Une poissonnerie (marché à la criée) fonctionnait en outre sur

les quais du Vieux Port.


TRAVAUX D'EDILITE 319

plus rien à envier aux grandes villes les mieux pourvues de la


Métropole et de l'Algérie.

On a, en effet, procédé d'abord à un agrandissement et à un

aménagement plus confortable du marché d'Eckmûhl devenu insuf


fisant : les dimensions en ont été portées à 1.100 mq de superficie.
Mais surtout on a édifié deux marchés couverts d'un type complè
tement moderne, le marché Michelet, qui a succédé dans le Quar
tier Neuf, aux installations hâtives et défectueuses qui en tenaient
heu sur le même emplacement, rue de Metz, et le marché Saint-

Michel placé dans le quartier populeux de la Gare, rue du Marquis-

de-Morès 1, où n'existaient jusqu'alors que des baraques serdides.

Le marché Michelet couvre une superficie de 1.500 mq ; il est

construit entièrement en béton armé. Son ossature est constituée

par 8 grands arcs espacés de 7 m. 60 et d'une portée de 18 m. 50 ;


la couverture est endalles de béton translucide, la hauteur varie
de 9 à 14 mètres. Des claustras nombreuses assurent l'éclairage et
la ventilation. A l'intérieur, il y a deux rez-de-chaussées, l'un supé
rieur, constituant le marché proprement dit, immense salle où ont
été construites latéralement 25 boutiques fermées, tandis que le
centre est occupé par 68 éventaires complètement maçonnés et
recouverts de plaquages en faïence et en granito, dans d'excellentes
conditions d'hygiène. Au rez-de-chaussée inférieur se trouvent une

poissonnerie et divers locaux accessoires.

Le marché Saint-Michel a été construit sur un plan et selon

des formules analogues. Les dimensions sont un peu différentes :

1.700 mq de superficie, espacement des arcs de 6 m. 90, mais portée

de 19 m. 60. On y a adjoint quelques annexes, un Commissariat


de police et un bureau auxiliaire de P.T.T.

On a entrepris d'autre part, en 1937, la construction de nou


velles et de véritables Halles Centrales au faubourg Cuvellier, sur

1. IVote sur l'urbanisme d'Oran, de M. Verny, o.c, p. 11-13. On trou


vera des renseignements détaillés et des illustrations dans la revue « Chan

tiers», 3, 1937, p. 151-159, Alger.


320 L'AMENAGEMENT DU SITE

un terrainde 26.000 mq, bordées de vastes terre-pleins et de larges


voies de dégagement. Ce bâtiment ne mesurera pas moins de 150
mètres en longueur et de 48 mètres en largeur. Entièrement bâti,
lui aussi, en ciment armé, il sera couvert par une grande voûte

reposant sur 6 arcs de 48 mètres d'ouverture, espacés de 30 mètres,


à laquelle seront adossés deux portiqueslatéraux, tandis que sur

la façade principale une construction sera réservée aux divers Ser


vices. Au rez-de-chaussée, seront installés les carreaux des Halles,
traversés sur toute leur longueur, par une voie charretière ; à
hauteur d'étage se développera une galerie ; le sous-sol contiendra

des resserres frigorifiques 1.

Si, de ce côté, les réalisations et les projets en cours d'exécu


tion donnent toute satisfaction, la question des abattoirs reste encore

en suspens ; or, il s'agit là d'un organe essentiel pour une grande

ville, et d'une des techniques de l'urbanisme contemporain qui ont

reçu les perfectionnements les plus remarquables, comme a pro

gressé la science même de l'hygiène qui les a inspirés. Dans les


villes du Protectorat marocain français, où il a fallu créer de toutes
pièces, on a pu du premier coup en faire profiter les établissements
de cet 2. En Algérie, la tâche était plus difficile : les terrains
ordre

manquaient, et par ailleurs la tentation était trop grande de s'ac


commoder tant bien que mal de l'héritage du passé, quelque suranné

et défectueux qu'il fût, et de nAiager, par une politique que per

sonnellement nous estimons mal comprise, les ressources financières


des Communes.
La question des Abattoirs est une de celles qui ont soulevé le
plus de discussions ; leur emplacement a d'autre part été reculé de
proche en proche de leur première situation vers l'Est et à proxi

mité de la mer, au fur et à mesure que la ville s'étendait et qu'ils

étaient englobés par les constructions intra, puis extra muros. Avant

1. Revue « Chantiers », I, 1937, Alger, p. 64, où se trouvent reproduites

des maquettes.

2. Par exemple à Casablanca où ont été réalisées des installations-modèles


tant pour les abattoirs que pour les marchés.
TRAVAUX D'EDILITE 321

notre arrivée, il n'existait qu'un endroit pour l'abatage et la bou


cherie, aux lieux dénommés par les Arabes « El Mejezza » et « El
Djezzara », situés à la tête du ravin de l'Aïn-Rouina, entre les ha
meaux suburbains de Kheneg en Netah et de Kelaia 1. Peu de temps

après, le Service des Ponts et Chaussées, chargé en 1832 des tra


vaux civils, installait un abattoir affermé au pied du Château Neuf,
près du débouché de l'Oued er Rehi sur la petite plage de la Ma
rine2. Les travaux n'étaient pas encore complètement terminés que

l'on songeait à l'agrandir en 1841 3. En 1845, devant l'insuffisance


de cet établissement et l'extension du quartier dont il était par trop
voisin4, on commençait les travaux d'un abattoir spécialement mili

taire, hors ville, près des casernes de Karguentah5.


Lorsque s'installa la première Municipalité élue, en 1848, la
question du transfert de l'abattoir civil vint à l'ordre du jour. On
adopta au Conseil en attendant une construction nouvelle, une

proposition de location de l'Autorité militaire de son établissement 6 ;


en 1852, on se décidait enfin en faveur d'un projet qui rejetait

l'abattoir civil au delà de la Vieille Mosquée, au Nord de la route

d'Arzeu7, et c'est là, dans le quartier actuel de Montplaisant qu'il

fut définitivement et est encore placé.

Le développement des constructions et l'extension de la ville

XXe
vers l'Est rendaient nécessaire, au début du siècle, le transfert
de cet établissement au delà des murs. En 1911 3, le programme

1 28. L'auteur donne le nom de «Kheneg en Netah»


Derrien, o. c, p.
(l'endroit étroit où se battent les taureaux) comme origine du nom déformé

de Karguentah.
2. Idem, p. 76 et 82.
3. Idem, p. 105.
4. Victor Bérard, o. c, p: 511. «L'abattoir civil est placé sur le quai au

débouché du ravin ; il est longé à gauche par la rue d'Orléans et à droite

par la promenade de Létang. »

5. Tableau de la Situation, o. c, 1844-45, p. 77.


1"
6. A.M., S. du juin 1850.

juillet, 20 22 1852.
7. Idem, S. des 7 septembre, octobre

8. Idem, S. du 3 août 1911.

11
322 L'AMENAGEMENT DU SITE

des travaux justifiant l'emprunt de 5.500.000 francs comportait

l'exécution d'un projet qui devait le reporter à Gambetta Supé


rieur, sur la falaise ; il fut adopté en 1912, mais la réalisation

dut être ajournée pour des raisons d'ordre budgétaire 1, en même

temps que celle des grands égouts collecteurs.

On a depuis —
la question ayant été reprise après la guerre

et remise sans cesse à l'ordre du jour —


profité de la présentation

du Plan général d'aménagement pour chercher une solution défi


nitive et pour en poursuivre la réalisation. Un projet retenu au

concours de 1933 2 comporte le tranfert des Abattoirs hors ville,


sur la route d'Arcole, et une installation des plus perfectionnées

pouvant satisfaire aux besoins d'une population de 300.000 habi


tants. Tout à côté se trouvera un marché aux bestiaux. Il s'agit

d'une dépense estimée à 20 millions 3. Il faut souhaiter que la


ville se décide à entreprendre cette œuvre salutaire —
et néces

saire.

1. AM. S. du 12 novembre 1919.


2. Idem S. du 10 novembre 1932. Exposé du programme de concours

pour un abattoir à créer sur la route d'Arcole, à 1.500 m. du passage supé

rieur de Gambetta.
3. Note sur l'urbanisme d'Oran, o. c, p. 16-17. Projet de M. Mendelssohn,
architecte à Paris. La construction s'élèverait sur un terrain de 9 hectares.
II prévoit un bâtiment principal poi» l'abatage et de nombreux pavillons

pour la Section Sanitaire, les bureaux, les habitations, etc., séparés les uns

des autres par des cours, rues, terre-pleins ; des appareils de manutention
mécanique sont également mis en service. Le marché aux bestiaux est tout
voisin, mais séparé de l'abattoir proprement dit. Il est à noter que l'abatage
actuel atteint certains jours 200 bovins, 1.000 ovins et 100 porcs. La réalisa

tion des travaux pourra se faire par tranches.


LIVRE V

LA VIE ÉCONOMIQUE
CHAPITRE I

D'ORAN1
LE PORT

HISTOIRE DES TRAVAUX

Le port d'Oran est une création toute française2. Il n'existait,


lors de notre arrivée, que le petit mouillage, à peine abrité par

la pointe Lamoune, dont parle Rozet, lorsqu'il écrit en 1832 : « La


baie qui se trouve devant la ville 3 est peu profonde ; les bâtiments

1. Les documents statistiques relatifs au port d'Oran et de Mers-el-Kebir


sont rassemblés, pour la période de 1837 à 1866 dans le Tableau de la Situation
des Etablissements français dans l'Algérie, qui donne également quelques ren

seignements sur les travaux exécutés. Les publications annuelles du Gouver


nement Général, telles que les Statistiques et Annuaires, surtout les Documents
statistiques sur le commerce de l'Algérie de la Direction des Douanes (1901-

1936) permettent de les compléter pour la période plus récente. Depuis 1901,
le Service des Ponts et Chaussées publie chaque année une Statistique des
Ports maritimes et du commerce où une notice spéciale très substantielle, ac

compagnée de graphiques, est consacrée aux ports d'Oran et de Mers-el-Kebir.


Les plus importants de tous ces renseignements officiels, après avoir figuré dans
« L'Exposé des Travaux de la Chambre de Commerce d'Oran », publication an
nuelle utile à consulter pour l'histoire des travaux, des projets et des discus

sions relatives au port, sont rassemblés depuis 1935 dans une brochure à part

intitulée « Documents statistiques ». Depuis 1928, elle publie également un

Bulletin officiel bi-mensuel. On doit mentionner particulièrement ici la remar

quable notice due à l'Ingénieur Meunier, dans la collection du Ministère


en chef

des Travaux Publics de la France, tome huitième, première


Ports maritimes

partie (Corse, Algérie : de Nemours à Tipaza) Paris, Imp. Nat. 1890, p. 212-332,
,

et l'ouvrage de M. Ed. Déchaud, Oran, son port, son commerce, publié sous les

auspices de la Chambre de Commerce, Oran 1914. Mentionnons aussi, du même

auteur, Les ports de l'Oranie, Oran 1908.


2. Voir le chapitre des « Conditions naturelles », p. 23.
3. Il s'agit, ici, de l'anse de Lamoune.
326 LA VIE ECONOMIQUE

de guerre ne peuvent pas y mouiller et, pendant les vents du Nord


de du du tout l ».
et l'Est, ceux commerce n'y sont point en sûreté

Des travaux entrepris tardivement en 1736 par les Espagnols 2, il


ne restait, après la tempête de 1738, que les ruines affaissées et
transformées en écueils de 42 m. de jetée enracinée là où devait
l'être plus tard le Môle de la Cie Transatlantique, devenu aujour

d'hui Môle du Centre. Ajoutons-y quelques mètres de quais mieux

conservés construits sur la petite plage de Sainte-Marie, au pied


du quartier de la Marine, une petite cale de halage entre les deux,
et les grottes artificielles 3, dont une, celle du « banquillo » pouvait

servir d'abri à des barques et des marchandises.

C'est dire que tout était à faire. Le port d'embarquement et

de débarquement était depuis l'origine à Mers-el-Kebir, rade plu

tôt que port véritable aménagé, mais dont la sécurité permettait

les opérations d'une manière à peu près ininterrompue. C'est là


que les Espagnols et depuis nos troupes avaient touché terre ; de
là les marchandises gagnaient Oran par des barques ou des al

lèges remorquées qui en ramenaient d'autres ; une partie, ainsi que


les voyageurs, prenaient le chemin de terre fort incommode, avant
que l'ont eût construit la route en corniche4. En 1837, la première

notice du Tableau de la Situation des Etablissements français dans


l'Afrique du Nord 5 s'exprimait en ces termes : « L'importance
d'Oran repose encore sur le porfllqui est à Mers-el-Kebir, éloigné
de 5 milles par mer et de 1 heure 3/4 de marche par terre dans
la direction du Nord. »

Il s'agissait de savoir si l'on se déciderait à affranchir de cette

1. Rozet, o.c. I, p. 260.

2. Voir plus haut, p. 83.

3. Elles sont indiquées sur le plan d'Oran en 1831 de l'ouvrage de Derrien,


o. c, p. 26.

4. Voir plus haut, p. 159.

5. Tableau de la Situation des Etablissements français dans l'Afrique du


Nord, 1838, p. 56.
LE PORT D'ORAN 327

dépendance gênante et coûteuse 1 une ville naturellement appelée

à redevenir la porte d'entrée et le débouché de l'Algérie occi

dentale, ce qu'elle avait été du temps des Zeyanides de Tlemcen.


Il était clair que tôt ou tard on serait amené à la doter d'un
établissement maritime local proportionné à son importance com

merciale. Les événements allaient se charger d'en montrer la néces

sité et d'en justifier la création. Elle fut cependant marquée par

les mêmes hésitations, les mêmes timidités que celle du port d'Alger,
et pour mieux dire, que toutes les entreprises algériennes, auxquelles

manqua pendant trop longtemps la confiance en l'avenir.


Il fallut attendre jusqu'en 1848, l'année même où l'on se résol

vait aussi à arrêter le plan du port d'Alger, pour qu'on se décidât


enfin à construire un bassin « de débarquement ». Jusqu'alors on

ne fit que quelques travaux d'amélioration du médiocre refuge

d'Oran, et l'on discuta une série de projets mesquins, dont aucun

ne pouvait répondre aux perspectives que l'on entrevoyait cepen

dant déjà2.
Le déblaiement de la grotte de refuge, devant laquelle avaient
sombré en dix mois trois allèges de l'Etat, la construction d'un
quai de 120 m. sur 16, n'étaient que des mesures transitoires ; le
29 décembre 1834, la grotte trop largement voûtée s'effondrait, et

l'on devait, pour assurer la circulation, agrandir le quai au moyen


des matériaux provenant de l'éboulement. Du moins cet accident
faisait ajourner et abandonner l'exécution du projet de l'Ingénieur
Pézerat, déjà adopté en principe : un môle de 260 m., prolongeant

l'ancienne jetée espagnole, un autre de 400 enraciné sur la rive

1. On évaluait à 5 fr. par tonneau les charges qui pesaient de ce fait sur

la marchandise. Le Baron Baude (L'Algérie, tome II, Paris, 1841), qui croyait
en l'avenir d'Oran, aurait voulu un port de 35 hectares. Il estimait à 6 ou
7 fr. par tonneau les frais de surestaries, à peu près ce qu'il en coûterait

pour un aller et retour de Marseille à Oran (p. 27). On mettait selon lui,
avec la navette forcée entre Mers-el-Kebir et Lamoune, 15 jours à embarquer

ou à débarquer une cargaison qui, dans un port normal, en aurait demandé


un seul.

2. Voir p. 152 et la note 2 sur les progrès de la colonisation.


328 LA VIE ECONOMIQUE

parallèle du Sud, un crochet se détachant du premier pour abriter

la passe du côté du Nord-Est. L'Ingénieur en chef Poirel se serait

contenté du rétablissement de la grotte de refuge et d'un petit

bassin au Nord pouvant recevoir deux ou trois navires de com

merce. On ne donna pas suite non plus à un second projet Pézerat,


qui se contentait lui aussi de 120 m. de jetée enracinée à 150 m.

au Nord de la jetée espagnole et terminée par une petite traverse


dirigée vers le Sud. Mers-el-Kebir aurait continué à recevoir les
navires de commerce, qui, à tour de rôle auraient pu charger

et décharger à Oran. En 1837, on reculait encore la solution : il


n'était plus question que d'abriter
fond de l'anse de Lamoune,
au

près du fort, des embarcations, chaloupes, allèges et des tartanes,


sur une nappe d'eau de 42 ares ! Et ce fut le silence jusqu'en

1844 ; on se contenta d'entretenir les quais de Sainte-Marie et

celui de Lamoune ou « des magasins », et de construire un débar


cadère en charpente complété par un plan incliné.

Et cependant Oran était devenu, depuis 1840, le principal centre

de ravitaillement de l'armée opérant contre Abd el Kader ; elle

attirait un trafic de plus en plus actif, qui ne pouvait s'accommoder

longtemps de conditions maritimes aussi défectueuses. En 1844, le


Ministre de la Guerre instituait une Commission Nautique spé

ciale, où figuraient l'Ingénieur des Ponts et Chaussées Aucour et

l'Ingénieur hydrographe LieussotT, pour étudier les améliorations

à apporter aux mouillages de la Province d'Oran.

Elle conclut d'abord à la construction d'un bassin de 3 hec


tares, uniquement offert aux opérations locales, le port restant

toujours à Mers-el-Kebir où l'on créerait un entrepôt. Le Conseil


d'Administration de la Colonie et les autres commissions furent
mieux inspirés en se prononçant pour la construction d'un bassin
plus étendu. Successivement furent
présentés les projets Bernard,

Wisocq Cazeaux
et ; ce dernier parut trop coûteux. Il s'agissait
de 7 hectares à couvrir ! Enfin, le 17 juillet 1848, une décision
définitive intervenait: une jetée de 300 m., enracinée sur le môle
espagnol, reportée autant que possible vers le Nord, de manière
LE PORT D'ORAN 329

à élargir le quai opposé du Sud sans réduire la surface du bassin,


une autre, de direction perpendiculaire et une passe de 100 m.

d'ouverture. Le futur quai Charlemagne devait être amorcé par

des enrochements protégeant les remblais formés par les débris


fournis par l'exploitation des carrières. La dépense à prévoir n'at

teignait même pas 3 millions. L'Ingénieur Aucour aurait voulu des


revêtements en blocs artificiels ; on préféra aller à l'économie.

Les travaux, commencés en 1848, adjugés en septembre 1852


à M. Dessoliers, n'étaient pas encore terminés en 1860 ï. On avait
dû recourir à des dragages pour prévenir l'ensablement du bassin
par les sables amenés par le courant d'Est en Ouest de la baie
de Sainte-Thérèse. D'ailleurs toutes les prévisions relatives au

trafic étaient dépassées 2 l'idée s'imposait de plus en en


; plus,
présence de cette situation, qu'il fallait créer un véritable port,
accessible par tous les temps aux navires de commerce et affranchir

définitivement Oran de la dépendance de Mers-el-Kebir.

1. Lieussou (voir plus loin, p. 331, note 1) en donne les raisons. « Les
travaux poursuivis depuis 1847 avec des crédits annuels qui n'ont pas dépassé
en moyenne 150.000 francs ont marché avec une extrême lenteur. Ces crédits,
insuffisants des travaux à la mer, ont été absorbés en partie par le
pour

personnel, l'usure du matériel et les avaries occasionnées par les tempêtes ».


Les dispositions adoptées étaient d'ailleurs, selon lui, très mauvaises.
2. Le même auteur reconnaissait que les travaux (à la date de 1857)
avaient suffi « à assurer le mouillage et le débarquement devant la ville et

à conquérir sur la mer un vaste terre-plein que la Douane et le commerce

avaient immédiatement utilisé en y construisant de beaux magasins. » Il s'agit

de l'Entrepôt inauguré à Oran en 1857. « La darse,bien qu'inachevée, écri


vait-il, rend déjà de grands services ; elle est fréquentée par des navires de
300 tonneaux et ne tardera pas à l'être par ceux de 600. Les courriers de
France et ceux de la côte pourraient et devraient y venir ». « Ouvert en 1864
aux paquebots des Messageries Impériales assurant alors les services avec

la France, il recevait le 24 juillet la « Seine », de cette Compagnie. Inaccessible


d'ailleurs aux navires de gros tonnage, il était fréquenté par des paquebots
tels que le « Dutremblay » de 196 tonneaux, la « Province de Constantine »
de 203, le «Mérovée» de 268, le «Spahi» de 287, le «Marabout» de 370,
le «Zouave» de 355, le «Thabor» de 489. (Ed. Déchaud, u.c., p. 54).
Le dernier auteur remarque que les installations exécutées à Oran se sont

U*
330 LA VIE ECONOMIQUE

Ce fut l'origine du projet présenté en 1857 par Aucour, qui ne

fut d'ailleurs définitivement adopté que par le décret du 28 juillet


1860. Entre temps l'intervention de la Marine militaire et du Génie
avaient fait dévier les discussions de leur premier objectif. Lieus-

toujours révélées insuffisantes pour donner satisfaction au commerce (p. 60).


Il cite quelques chiffres à l'appui, dont voici ceux qui intéressent l'époque
dont nous parlons ici :

1855 775 navires jaugeant 36.000 tonneaux.


1865 1.146 — —
81.465 —

1875 1.806 — —
223.450 —

1885 2.063 — —
690.260 —

Dans sa notice (o. c.) l'Ingénieur en chef Meunier (p. 315) donne encore

d'autres précisions sur le mouvement maritime. On vit, pendant les tempêtes


de l'hiver 1853-54 quelques navires se réfugier à Oran ; dès 1855, les navires
à de la Cie Touache y venaient régulièrement ; en 1856, alors que les
vapeur

ouvrages du petit port étaient loin d'être terminés, il y entra 937 navires, et

depuis l'accroissement ne cessa d'être progressif : de 5.000 tonneaux annuel


lement jusqu'à 1865, de 1865 à 1875 de 20.000, de 1875 à 1885 de 40.000. Le
tonnage moyen est passé de 38 tonneaux au début—
à 400 en 1884. —

Le Tableau de la Situation (o. c.) est non moins intéressant à consulter.


Jusqu'en 1855 il groupe dans une seule rubrique Mers-el-Kebir et Oran. Les
fluctuations du mouvement de la navigation (nombre et jauge des navires

entrés et sortis) sont un des faits les plus notables. Il s'explique jusqu'à
1850 par l'instabilité des besoins de l'armée qui nécessitent suivant les expé

ditions et les effectifs des transports plm ou moins nombreux.

1837 1.743 navires jaugeant 127.566 tonneaux.


1839 1.001 — —
57.438 —

1840 1.798 — —
122.415 —

1841 2.424 — —
184.303 —

1845 2.447 — —
272.629 —

1846 3.154 — —
228.249 —

1850 2.331 — —
169.437 —

On remarquera la progression marquée de 1840 à 1845 ; or ce sont préci


sément les années des grandes opérations contre Abd el Kader. La descente
qui suit s'explique par le ralentissement du ravitaillement, mais aussi par la
crise commerciale de l'Europe en 1848-1850.
A partir de 1855, la statistique du Tableau sépare définitivement les chiffres
LE PORT D'ORAN 331

sou, qui était sceptique sur l'avenir commercial d'Oran1, aurait

voulu le détrôner au profit d'Arzeu, tandis que Mers-el-Kebir l'inté


ressait beaucoup plus, comme devant être un grand établissement
et une base navale de premier ordre à opposer à Gibraltar. Il alla

jusqu'à en dresser un projet. Le Général Frossard, Commandant


Supérieur du Génie en Algérie, entrait dans ses vues et préconisait

le prolongement du chemin de fer d'Alger-Oran jusqu'au port

militaire, avec faculté de lui adjoindre une annexe pour le com

merce. Il renvoyait à plus tard la construction à Oran d'un bassin,


non plus de 20, mais de 50 hectares et plus. La Commission Mixte
se prononça en faveur d'Oran et pour la création d'un port de 27

relatifs à Mers-el-Kebir et à Oran, et l'on voit s'accentuer la régression du


premier au profit du second.

ENTREES ET SORTIES
Mers-el-Kebir Oran

1855 . 2.202 nav. jaugeant 151.603 ton. 1.068 nav. jaugeant 26.844 ton
1856 . . 1.310 —
130.626 — 1.068 —
41.140 —

1857 . 825 —
107.902 —
1.477 —
64.037 —

1858 . 573 —
90.924 —
1.584 —
64.723 —

1863 . 210 —
60.411 —
1.930 —
108.695 —

1864 entrées seulement 1.180 —


71.569 —

(2e
1. A. Lieussou. Etudes sur les ports de l'Algérie édition, Paris, 1857). « La
nature des lieux paraît se refuser à la création à Oran d'un port de commerce

proprement dit et le caractère essentiellement militaire de la place ne l'exige

pas. Son rôle de capitale et les routes qui la relient à Mascara, à Sidi-bel-Abbès
et à Tlemcen, lui ont donné provisoirement le monopole du commerce de la

province, mais ce commerce reprendra tôt ou tard sa pente naturelle vers Arzeu

et vers la Tafna (Rachgoun). Oran lui-même, que sa position excentrique rend

peu propre au commandement militaire et administratif de la province, perdra


son titre de capitale pour redevenir ce que la nature l'a fait, la porte de terre
d'une grande rade militaire (Mers-el-Kebir) qui surveille le détroit de Gibraltar
et protège la côte Ouest de l'Algérie. On n'a jamais songé en France à attirer

à Toulon le commerce de Marseille ou à faire de Brest un chef-lieu de dépar


tement ; on ne devrait pas chercher à perpétuer, en dépit de la nature, la supré

matie administrative et maritime d'Oran. L'importance acquise par ce marché

pendant une période de transition ne doit pas faire perdre de vue que son avenir
332 LA VIE ECONOMIQUE

hectares1, tout en réclamant des travaux immédiats à Mers-el-

Kebir et le prolongement du chemin de fer jusqu'à ce point.

Le projet de 1860 comportait pour Oran une jetée Nord enra


12°
ciné un peu au Sud du fort Lamoune et orientée E. Sud, sur

900 m. de longueur, une deuxième Sud, dite « de Sainte-Thé


au

rèse » enracinée au pied de la promenade de Létang et courant en



direction du N. Ouest sur 250 m. 2, une passe de 100 m., pouvant
être réduite à 50 3, ouverte entre elle et un petit éperon de 30 m.

commercial est très modeste. La plus grande partie du territoire qu'il dessert
aujourd'hui devant échapper à sa sphère d'action par le développement naturel

des ports d'Arzeu et de la Tafna, un port qui satisferait largement à son mou

vement maritime actuel suffirait probablement à son mouvement futur. Ces


considérations, toutes générales qu'elles soient, nous paraissent devoir dominer
la question du port d'Oran. Elles tendent à prouver qu'on ne doit créer qu'un

petitbassin de débarquement devant la ville, destiné à affranchir le commerce


des transports par terre et du batelage entre Mers-el-Kebir et Lamoune. »
L'auteur ajoutait cet aveu : « Cette solution de la question du port d'Oran (il
faisait allusion aux travaux du programme de 1848) a dû paraître mesquine aux

personnes qui veulent conserver à ce marché sa suprématie actuelle... En com

battant cette tendance, nous avons peut-être tenu trop compte de la valeur in
trinsèque d'Arzeu et pas assez de la fortune acquise d'Oran. » Il reconnaissait

d'ailleurs que si le système de viabilité, notamment des chemins de fer, faisait


converger sur cette ville tous les de la province, il fallait logiquement
produits

créer « un grand port dans l'anse Lamoune tk ou faire sortir Arzeu de son iso
lement. En conclusion, Mers-el-Kebir devait être le grand port militaire, Arzeu
le grand port de commerce, d'autant, écrivait-il, « qu'on y trouve, chose unique
dans toutes les autres rades de l'Algérie, un très bel emplacement de ville, sur
un terrain plan qu'aucun obstacle naturel ne sépare de l'intérieur du pays. » La
difficulté d'approvisionnement en eau potable, et non saumâtre, pouvait être
vaincue quand on le voudrait.

Ce texte très intéressant, émanant d'un technicien dont la valeur ne peut


être contestée, nous montre que la question du port d'Oran n'apparaissait pas
alors aussi simple que nous pourrions le croire aujourd'hui, à la lumière des
faits qui en ont modifié les données et forcé la solution.

1. Aucour en aurait voulu 35.


2. Elle fut, en cours d'exécution, prolongée jusqu'à 335 m. pour mieux cou

vrir le bassin des vents du Nord-Est


3. On la réduisit finalement à 90 m.
LE PORT D'ORAN 333

détaché de la jetée du large. Celle-ci pourrait au delà servir

d'amorce pour la création d'un avant-port. En 1860, sur la demande


du Génie, elle fut légèrement recourbée vers le Nord-Est pour per

mettre au fort Lamoune de conserver ses vues sur toute la lon


gueur du talus extérieur, et aussi dans un intérêt nautique, pour

mieux abriter les navires gagnant la passe ou en sortant des vents

du Nord-Ouest et du Nord. Ce projet, qui fut exécuté, différait fort


peu du projet présenté par Aucour. Le profil de la jetée du large
proposé par lui aurait offert certainement plus de résistance, grâce

à un enrobement total des blocs naturels des blocs artificiels,


par

du côté du large et jusqu'au niveau de la nappe d'eau du bassin


sur la face interne 1. Le développement des quais devait atteindre

1.350 m. largeur de 20, 25 et 30 m. Les murs de quai


avec une

étaient faits de blocs de béton reposant sur des enrochements. Au


cour prévoyait 8 hectares de terre-pleins, mais là-dessus 5 étaient
réservés à la gare Cette surface, du
maritime. moins celle qui

serait livrée au commerce, allait se révéler bien vite insuffisante :

quelques années après l'achèvement des travaux, on constatait

l'encombrement jusqu'à l'embouteillage du port chaque année, au

moment de la campagne des grains.

Les travaux essentiels pouvaient être considérés comme termi

nés en 1876. Ils avaient été retardés par une tempête qui, le 2
novembre 1869, endommagea gravement la jetée du large déjà
construite sur 550 m. 2, par la nécessité de procéder à des répara-

1. Les profils proposés par Aucour et modifiés par l'Inspecteur général des
Ponts et Chaussées Reibell, ainsi que celui qui fut adopté après la tempête de
1869 ont été reproduits dans la notice de l'Ingénieur en chef Meunier (o. c.) .

2. Les dégâts furent considérables. La tempête dura du 30 octobre au 2 no

vembre. Un souffleur ouvert dès le début permit aux lames de chasser le béton
des fondations, le mur de garde finit par s'effondrer, des brèches de 60 à 80 m.
furent alors béantes et trois heures après, il ne resta plus debout, sur 550 m.,
que 150 m. de jetée coupée en 5 ou 6 tronçons. On trouvera d'autres détails
précis dans la notice mentionnée plus haut sur les effets des tempêtes de 1876 et

de 1886 et sur les mesures prises pour la réparation des ouvrages. Il semble bien
que chaque fois les blocs artificiels aient été en nombre insuffisant pour pro-
334 LA VIE ECONOMIQUE

tions très coûteuses, la résiliation, à la fin de 1873, du marché


et par

conclu avec l'entreprise. Une décision du Gouverneur Général, en


date du 16 juin 1868, avait affecté sur les terre-pleins une surface
de 4 hectares 49 ares à l'emplacement de la Gare Maritime ; on
discuta longuement sur les charges des travaux à exécuter et des
frais à partager entre la Colonie et la Cie du P.L.M., et provisoire

ment on ouvrit une voie au public en 1870.

A la suite d'une nouvelle tempête en 1876 (8-9 février), la jetée


du large bouleversée exigea des réparations. On en profita pour

arrêter le programme d'achèvement complet du port : la mise en

état des du Centre, de la Douane, de Charlemagne et de


quais

Sainte-Marie, du quai de la Gare, la construction d'une cale de

halage pour les réparations, et quelques travaux importants de


voirie. L'ensemble exigea une dépense supplémentaire de près de
4.500.000 francs. Par une loi du 19 juillet 1880, la Chambre de
Commerce reçut, pour se couvrir des avances faites à l'Etat avec

un empressement des plus louables, le droit de lever une taxe


de péage, dont furent dispensés sur sa demande les navires faisant
escale 1. Il fallut d'ailleurs faire de nouvelles dépenses de répara

tion, à la suite d'une tempête du 8 au 9 février 1886, qui détruisit


le talus extérieur de la jetée du large sur 246 m. et bouscula les
blocs du mur de garde. L'ensemble de tous les travaux exécutés

au port d'Oran depuis 1858 représentait en 1886 un peu plus de


17 millions2.

Malgré tous les travaux exécutés, le port d'Oran, tel que le


décrivait en 1887 l'Ingénieur en chef Meunier, était loin de donner
toute satisfaction au commerce. La nappe d'eau était en fait réduite

téger la masse de biocaille constituée par des petits matériaux naturels. On dut
les multiplier pour renforcer cette protection. L'histoire des tempêtes de 1930
et de 1931 et de leurs effets à Alger a montré combien peuvent être dépassées
les prévisions les plus pessimistes ; on ne saurait en faire un grief aux ingé
nieurs.

1. Du moins en ce qui concernait l'évaluation par tonne de jauge, et non pas

tonne d'affrètement.
2. Exactement 17.299.347 fr. 36.
LE PORT D'ORAN 335

à 30 hectares1, le développement des quais à 1.907 m., dont 1.380


seulement livrés
2, la superficie des terre-pleins à 3 hec
au public

tares 50, sans la Gare Maritime. La cale de halage, située à l'extré


mité Est du quai de la Gare n'avait que 40 m. de largeur entre

les deux terre-pleins de même dimension, et 53 m. de saillie sur

l'alignement des quais ; dans sa partie sèche, elle ne pouvait rece

voir que des bateaux de 250 à 300 tonneaux et elle suffisait à peine

aux besoins des petits vapeurs côtiers, à la construction et à la


réparation des chalands 3. L'outillage du port se réduisait à deux
grues, dont une de 20 tonnes, sur le quai Lamoune, avait été cons

truite l'Etat, l'autre de 6 tonnes, sur la face Nord du môle Sainte-


par

Marie par la Chambre de Commerce qui les entretenait toutes les


deux et percevait les taxes d'usage. La Cie Générale Transatlantique
possédait, sur 1.406 mq. du Môle du Centre, avec ses bureaux, un

magasin fermé. Les navires se répartissaient ainsi : les compagnies

faisant des services réguliers avec la France et l'Algérie accostaient

au quai Lamoune, les quais du Centre, outre ceux de la Cie trans


atlantique, servaient aux chalands transbordant l'alfa destiné aux

navires mouillés au Sud de la grande jetée, le petit bassin du


Vieux Port recevait les bateaux à vapeur de faible tonnage, les
balancelles, les barques de pêche et les petites embarcations de
servitude, la face Nord du môle Sainte-Marie était réservée
aux services réguliers d'Espagne, tous les autres navires mouillaient

en pointe à la jetée du large. Enfin, les liaisons routières avec la

1. M. Meunier (o. c.) donne les dimensions suivantes des jetées : jetée du

large, 1.035 m. avec une flèche de 87 m. à 710 m. du point d'origine ; jetée de


6° 45'

Sainte-Thérèse, 297 m. 45, dont 223 m. 70 direction N. O. et 73 m. 75 en pan

coupé reliés aux rochers de la pointe Sainte-Thérèse jusqu'au pied droit de


l'égout ; passe, 126 m. 49.

2. Us se partageaient ainsi : quai Lamoune, 135 m. 20 ; quais du Centre à trois


faces de 247 m. 40, 50 m. 20 et 239 m. 70 ; quai de la Douane, 117 m. 40 ; quai

Charlemagne, 214 m. 10 ; quais Sainte-Marie à trois faces de 89 m. 40, 80 m. 20


et 50 m. 30 ; quai de la Gare, 404 m. 80 ; terre-plein O. de la cale, 43 m. 60 + 40,
plus 6 pans coupés de liaison entre eux, 184 m. 60.

3. Déchaud, o. c, p. 79.
336 LA VIE ECONOMIQUE

ville, par les rues Charles-Quint d'Orléans, par la rampe du


et

Port à la Place d'Armes classée le 6 juillet 1887, pouvaient suffire


pour le drainage des routes

2 (Tlemcen) et 6 (Mascara), mais

beaucoup moins pour celles de l'Est i.

Et cependant tout faisait prévoir à cette date un accroissement

sensible et une progression annuelle a peu près constante du trafic


et du mouvement de la navigation. La population de la ville avait

plus que doublé depuis 1864, passant; de 30.000 habitants environ

à 70.000, en grande majorité Européens, c'est-à-dire constituant un


centre de consommation déjà important. La colonisation des envi

rons d'Oran et de l'arrière-pays avait ouvert à l'exploitation agri

cole quelques-uns des régions les plus productive de l'Algérie2.


Aux 57 centres dans la banlieue d'Oran (6), entre Oran
déjà créés

et Arzeu (12), d'Arzeu au Chélif (13), autour de la Grande Seb

kha (7), au pied des montagnes Telliennes (7), dans les Hautes
Plaines de Tlemcen, de Sidi-bel-Abbès et de Mascara (12), il s'en
était ajouté depuis 1862, principalement après 1870, 50 ; ceux de
ces dernières régions s'étaient révélés dès le début comme devant
être des centres de production remarquables pour les céréales et

la vigne. Le déjà à Oran, Aïn-Témouchent, Tlemcen,


rail rehait

Sidi-bel-Abbès et Mascara, et, depuis 1882, la ligne d'Arzeu à


Saïda avait été prolongée jusqu'au dKreider et à Méchéria, pour
faciliter le transport et l'exportation~de l'alfa des Hauts Plateaux
oranais qui étaient en même temps pays du mouton. Ainsi s'expli

quaient les progrès de la navigation et du commerce oranais.

1. La rue Charles-Quint conduisant des abords du quai Charlemagne, la rue

d'Orléans du quai Lamoune ; la route du Port à la Place d'Armes depuis l'ori


gine du quai de la Gare vis-à-vis du môle Sainte-Marie, la rue Sainte-Thérèse
la reliant à l'Ouest à la rue Charles-Quint et à l'Est à l'extrémité du quai de
la Gare.

2. Henri Busson. Le développement géographique de la colonisation agricole

en Algérie (Annales de Géographie, tome VII, année 1898, p. 41-45) où l'on


trouvera les dates de la création des divers centres et quelques renseignements
démographiques.
LE PORT D'ORAN 337

En 1885, alors que l'exportation des vins algériens commen

çait à peine, dans des conditions bien modestes encore, le tonnage


de jauge des navires entrés et sortis 1 dépassait 1.359.000 tomieaux,
et le tonnage métrique des marchandises embarquées et débarquées
était près d'atteindre 496.000 tonnes. Or, en 1864, lors de l'achè
vement du nouveau bassin, les chiffres respectifs étaient de 144.000
tonneaux et de 65.000 tonnes environ. Le commerce d'exportation 2
évalué en 1864 à 25 millions environ était monté à plus de 54 ; il
consistait principalement en céréales, en moutons et en alfa.

Or, un fait nouveau allait se produire, qui, en Oranie comme

dans tout le Tell algérien, devait accroître singulièrement les expor


tations des ports et en précipiter l'essor d'une manière inattendue :
on entrait dans cette ère de la viticulture, dont le développement
a contribué plus que toute autre circonstance à celui des villes, du

commerce extérieur et de la navigation. En 1885, date à laquelle


les exportations de vins l'emportaient pour la première fois d'une
manière franchement accusée sur les importations, elles atteignaient,
pour toute l'Algérie, 335.000 hectos environ. Or, dix ans après, en
1895, le port d'Oran à lui seul en expédiait plus de 917.000 3. Et il
s'agissait là d'une marchandise lourde et encombrante, c'est-à-dire

de l'un des meilleurs frets offerts au trafic des ports et au char

gement des navires.

Devant un pareil afflux auquel l'exiguïté des terre-pleins et

l'insuffisance des quais ne permettaient plus de faire face, et sous

la menace de la congestion, la Chambre de


de l'encombrement et

Commerce d'Oran proclamait, en 1898, la nécessité d'agrandir le


port. Un avant-projet fut élaboré avec le concours des Ingénieurs

des Ponts et Chaussées. Il comportait la construction d'un nouveau

bassin de 20 hectares à l'Est du bassin Aucour, la seule direction


possible en raison des conditions naturelles et des travaux déjà
exécutés. La jetée du large serait prolongée et une traverse, enra-

1. Meunier, o. c, p. 321.
2. Henri Busson, o. c, p. 43.
3. P. Delorme. Le commerce algérien, Alger, 1906, tome I, p. 8-9 et p. 51.
338 LA VIE ECONOMIQUE

cinée audu Fort Sainte-Thérèse, définirait à l'Est la


pied nappe

d'eau à couvrir. On gagnerait 6 hectares de terre-pleins par le


comblementde la baie de Sainte-Thérèse ; on était d'ailleurs assuré
d'une moyenne de fonds de 12 mètres. Le projet prévoyait en
outre une forme de radoub et une cale sèche accessibles à des
navires d'un tonnage pour le moins moyen, qui donneraient à Oran
le rôle indiqué par la position de port de refuge et de réparation1.

La Chambre de Commerce envisageait aussi l'approfondissement


des bassins existants, le long des quais de Lamoune, de la Douane,
du Centre, de Sainte-Marie, de la Gare, et s'engageait à en faire
les frais s'élevant à 365.000 francs.
Il fallut attendre, malgré les instances réitérées de l'Assemblée
Consulaire, l'année 1906, pour que toutes les études techniques,
les avant-projets, les discussions, et surtout la décision de l'Admi
nistration Supérieure, aient abouti à l'adoption d'un projet défini
tif, à l'adjudication et à la mise en train des travaux ; on leur assi

gnait l'année 1914 comme limite de leur exécution.

Il s'agissait de construire deux bassins, dont le plus oriental

remplirait provisoirement le rôle d'avant-port pouvant abriter les


plus grosses unités de la Marine Nationale et les escadres qui, plus

encore faute de place que faute de profondeur, étaient obligées de


recourir au mouillage de Mers-el-Kebir. L'économie du projet défi
nitif était ainsi établie : prolongement fcur 1.282 mètres de la jetée
du large et construction d'une nouvelle jetée de 400 mètres de
longueur et de direction perpendiculaire à la première, enracinée

à la pointe du Ravin Blanc. Mais cette superficie qui aurait créé


une nappe d'eau beaucoup trop étendue pour que l'on pût y
assurer la tranquillité complète et des aménagements bien adaptés

au commerce, était partagée entre un bassin proprement dit —


qui

est devenu celui du Maroc —


et l'avant-port prévu. On transformait
donc en môle large de 120 mètres la jetée de Sainte-Thérèse déjà
élargie à 50 ; on construisait à 470 mètres plus à l'Est une nouvelle

jetée parallèle de 220 mètres sur 200 ; on conquérait sur la mer un

1. Ed. Déchaud, o. c, p. 69.


LE PORT D'ORAN 339

terre-plein de 116 mètres de longueur sur 100 de profondeur. On


dotait ainsi le port de 895 mètres de quais nouveaux accostables aux

plus gros navires et de 11 hectares de terre-pleins. Le reste de la


nappe d'eau, protégé par la jetée du large, c'est-à-dire la plus

grande partie, formerait un vaste avant-port.

Cependant les travaux, qui furent terminés en 1914, étaient déjà


jugés insuffisants, bien avant leur achèvement. La progression du
trafic ne cessait de s'accélérer. Les chiffres suivants en témoignent
clairement :

ANNÉE NOMBRE TONNAGE DE JAUGE TONNAGE MÉTRIQUE

DE NAVIRES DES MARCHANDISES

1898 4.292 2.359.454 705.271


1903 4.909 3.023.490 787.725
1906 6.192 4.013.163 1.017.117
1910 7.217 6.349.322 1.349.676
1913 7.665 7.642.757 1.802.704 i

Le port avait pu recevoir des navires de 8.000 à 12.000 tonneaux.


Mais une nouvelle fonction avait pris naissance, qui activait le mou

vement de la navigation et créait des besoins nombreux : celle de


port de relâche et de ravitaillement en combustibles, c'est-à-dire à
cette époque essentiellement en charbon de soute. Elle croissait dans
des proportions qui n'étaient pas sans éveiller l'attention d'Alger. Et
en effet, alors que, en 1903, on n'avait compté à Oran que 42 navires

entrés en vue de cette opération 2, en 1908, le nombre en était passé

à 341 ; il était de 572 1910, de 1.084 en 1911 ; les quantités de


en

charbon embarquées avaient été respectivement de 6.000 tonnes, de

125.000, de 210.000 et de près de 400.000 3. Le nombre des voyageurs

embarqués et débarqués avait également sensiblement augmenté : de


1900 àl912, il avait plus que doublé, passant de 76.600 à 153.373.

1. Chambre de Commerce. Exposé des travaux. Année 1927, p. 767.


2. R. Lespès. Alger. Esquisse de géographie urbaine, Alger, 1925, p. 187, et

Ed.Déchaud, o. c, p. 65.
3. Ed. Déchaud, o. c, p. 62.
340 LA VIE ECONOMIQUE

1912, à la date même ou le


Dès grand projet d'extension du port

d'Alger était arrêté 1, un nouveau programme était présenté par la


Chambre de Commerce d'Oran. On décidait la construction d'un
quatrième bassin et d'un avant-port, le comblement définitif de la baie
de Sainte-Thérèse et d'autres travaux secondaires. La dépense était
estimée à 30 millions dont l'Assemblée Consulaire s'engageait à pren

dre 27 à sa charge. On dut, pour tenir compte de la hausse des prix

des matériaux et de la main-d'œuvre, porter cette estimation totale


à 66 millions, et l'on décida de scinder en deux tranches l'exécution
du programme : l'une de 53 millions et l'autre de 13. Ce n'est qu'en

1924 le Parlement, après sept renvois successifs de l'Adminis


que

tration, vota définitivement le projet. Les Délégations Financières


avaient, dès novembre 1926, affecté au port d'Oran 36 millions, puis
11 en deuxième urgence ; mais la part de la Colonie fut réduit de
53 à 20 pour la première tranche, payables en dix annuités.

On avait pu, dans l'intervalle et pendant la guerre, exécuter


quelques travaux ; mais l'élargissement du môle dit « des Hauts
Fonds » (môle Millerand actuel) , déclaré d'utilité publique en

avril 1916, fut adjugé seulement en décembre 1922, ainsi que le


dérochement du bassin du Maroc, nécessaire pour l'accostage des

navires de fort tonnage.


A l'heure actuelle on peut considérer comme réalisé à peu près

entièrement le programme de 19M-1924. Les principales caracté

ristiques du port d'Oran peuvent être ainsi définies comme il


suit 2 :

La jetée du large qui couvre tous les bassins se développe sur

2.287 mètres ; à 710 mètres de l'origine, elle s'infléchit progressi

vement vers le Nord-Est, direction qu'elle suit à partir de 1.677


mètres, avec cette seule réserve, que l'expérience acquise au cours

des travaux de prolongement a amené à la ramener légèrement,


à son extrémité, vers l'orientation de l'Ouest-Sud-Ouest à l'Est-

Nord-Est, pour mieux abriter l'entrée de la passe. Celle-ci, qui

1. R. Lespès, o. c, p. 171.
2. Ponts et Chaussées. Les ports d'Oran de 1936.
et
Mers-el-Kebir, Oran,
LE PORT D'ORAN 341

donne accès dans l'avant-port, est ouverte sur 150 mètres de lar
geur entre un petit l'épi du large », et la
éperon de 100 mètres, «

traverse dite également « du large », de 519 mètres de longueur,

enracinée au droit des falaises de Gambetta, au delà de la Batterie

Blanche.
A l'Ouest et à l'intérieur, entre la grande jetée et les quais de
rive, se développent successivement cinq bassins : l'avant-port de
40 hectares environ 1, le bassin Poincaré (ancien avant-port) de 30
hectares, le bassin du Maroc de 16, le bassin Aucour de 25, et le
Vieux-Port de 4, soit au total une nappe d'eau de plus de 115 hec
'

tares. Tous ces bassins communiquent entre eux par des passes 2,
larges successivement d'Est en Ouest, de 150, de 120 et de 90 m. ;
définies du côté du Nord par des épis détachés de la grande jetée
et du côté du Sud par des traverses qui devenues des môles,
sont
sont'

elles orientées de manière à se faire suite et à permettre des


évolutions faciles pour les navires entrants et sortants. Par ailleurs,
le cloisonnement des bassins par les môles et les éperons assure

le calme parfait de la nappe d'eau. Ces môles sont au nombre de


six, qui de
sont, par et d'ancienneté,
ordre succession de l'Ouest
à l'Est: le Môle du Centre, le Môle Sainte-Marie, le Môle Jules
Giraud ou de la Gare Maritime, le Môle Millerand (ancien Môle
des Hauts Fonds), le Môle oblique et le Môle du Ravin Blanc.
Les quais utilisables s'allongent sur 4.370 mètres, par des
fonds 3 qui varient de 4 m. 50 à 12 mètres. Les terre-pleins couvrent

1. Ponts et Chaussées, p. 6-7. Les bassins Aucour et du Vieux Port ont

exactement 25 hect. 5 ares et 4 hect. 16 ares.

2. Ces passes ont, la première, donnant accès dans le bassin Poincaré, 15 m.


de profondeur moyenne, la deuxième ouvrant le passage dans le bassin du

Maroc, 14 m., la troisième, à l'entrée du bassin Aucour, 10 m., enfin celle qui

donne accès au Vieux Port, 7 m. et 60 de largeur.


3. Ponts et Chaussées, o. c, p. 6-7. Ceux du bassin Poincaré sont fondés de

8 à 12 m. sur une longueur de 1.300 m. utilisables ; ceux du bassin du Ma


roc, à 7, 7,40 et à 10,40, sur 1.050 m. environ ; ceux du bassin Aucour ont 1.300
m. de développement partout accostables ; ceux du Vieux Port, 720 m. et les
quais sont fondés à 4,50.
342 LA VIE ECONOMIQUE

une de 44 hectares, dont 15 sont occupés par les voies


surface

publiques ; ils ont été concédés à la Chambre de Commerce par la

loi du 30 avril 1924. Cette superficie est certainement appelée à


atteindre prochainement près de 60 hectares, dont 47 utiles ; elle

pourra même être susceptible encore d'extension1.


L'effort financier fourni par moitié par la Colonie et la Chambre
de Commerce de 1924 à 1937 aura été de 191. 800.000 francs, dont
il restait à cette dernière date à utiliser 23.400.000. Ces chiffres ne

comprennent pas les dépenses d'équipement des terre-pleins que

l'Assemblée Consulaire a prises entièrement à sa charge ; elles

s'élèvent déjà à près de 62 millions.

L'équipement et l'outillage du port ont en effet dû suivre, dans


les dernières années, la création des bassins et de leurs terre-pleins
ainsi que les transformations opérées dans les autres. On peut dire

que, dans le présent, ils en permettent une bonne exploitation ;


mais il est tout aussi certain qu'ils réclameront une nouvelle exten

sion après l'achèvement complet des travaux en cours dans l'avant-

port. On sait de quelle importance est cette question, et combien

peut en dépendre le rendement commercial des ports. Si la tech


nique moderne de la navigation maritime et des constructions na

vales ne cesse d'évoluer, modifiant de ce fait les conditions purement

nautiques, les aménagements à terre, particulièrement ceux qui

intéressent la circulation, le dépôt kt la manipulation des marchan

dises doivent y être adaptées, au fur et à mesure qu'elles se modi

fient. L'objectif à atteindre reste d'ailleurs toujours le même :

gagner du temps et réduire au minimum possible, par la commo

dité et la rapidité maxima des opérations, la durée du séjour des


navires dans les ports. La substitution progressive de l'accostage
bord à quai à la pratique de l'acconage qu'exige l'amarrage en

pointe des bateaux, l'augmentation du nombre des postes installés


à cet effet, l'équipement des docks, le choix, le nombre et la
puissance des engins mécaniques reliant le hangar ou la terrasse

1. Si l'on exécute complètement le môle oblique prévu dans le bassin Poin


caré et les terre-pleins du nouvel avant-port.
LE PORT D'ORAN 343

aux palans, aux wagons ou aux camions, la spécialisation des môles

selon la nature des opérations et le genre des marchandises, exigent

des créations et des améliorations nombreuses, auxquelles un port,


de l'importance d'Oran, ne saurait se soustraire longtemps.
On peut dire qu'à ce point de vue des progrès considérables ont

été réahsés en quelques années ; il suffit pour s'en convaincre de


comparer les ressources offertes par l'outillage du port il y a dix
ans à peine et à l'heure actuelle. En 1926 1, on ne comptait encore

comme appareils de levage que la grue fixe de 8 tonnes installée


par la Chambre de Commerce sur le quai Sainte-Marie et maniée

à bras 2. Les particuliers avaient introduit trois pontons-grues d'une


portée en lourd de
10, 12 et 60 tonnes ; le matériel d'embarque
ment, de débarquement et de stockage du charbon avait seul été
l'objet de quelques perfectionnements. Or, on compte aujourd'hui,
comme appartenant à la Chambre de Commerce qui les loue, 13
grues dont 4 à portique et à double (de 1 t. 5 à 3 tonnes)
pouvoir

ont été récemment acquises pour le rééquipement du quai du Sé


négal et de Brest ; leur capacité totale est de 44 tonnes.
du quai

L'outillage privé, de beaucoup le plus important, consiste en 30


engins mécaniques 3, mus presque tous électriquement, grues sur

1. Ed. Déchaud, o. c, p. 78-79.


2. En 1930, l'Ingénieur en chef Vergnieaud, dans un rapport sur la nécessité

de constituer un outillage mécanique, déclarait que, jusqu'aux dernières années,


la situation avait été peu favorable : d'une part, depuis 1900, le port avait été
d'une manière à peu près ininterrompue, en pleine transformation ; d'autre part,

la main-d'œuvre était abondante et relativement bon marché. Or, il n'en était


plus ainsi (Chambre de Commerce. Exposé des travaux année 1930, Oran, 1931,
p. 332).
3. Ponts et Chaussées. Les ports d'Oran et de Mers-el-Kebir, 1936, p. 8. La
Marine Nationale a installé sur le quai Lamoune une grue de 20 tonnes réservée

à son usage. L'outillage privé comprend 16 grues flottantes et pontons-grues,


dont 3 de 1 tonne, 3 de 3 tonnes, 3 de 4 tonnes, 5 de 5 tonnes, 1 de 9 tonnes et
1 de 10 tonnes ; 5 pontons-bigues de 5, 7, 10, 30 et 50 tonnes et une biguette
de 2 tonnes, 1 ponton-mâture de 70 tonnes, 4 appareils transbordeurs, dont 2
à cabine fixe et 2 à cabine mobile, ayant un rendement horaire de 200, 160 et
120 tonnes, installés sur le môle des Hauts Fonds (môle Millerand) pour la ma-
344 LA VIE ECONOMIQUE

portiques, grues flottantes, pontons-grues, pontons-bigues, biguette,


ponton-mâture, appareils transbordeurs. Il en est qui sont de grande

puissance : tels un ponton-bigue de 50 tonnes et un ponton-mâ

ture de 70 tonnes. Le nombre des chalands est passé de 264 en

1926 à 427 ; ils appartiennent à des privées, leur portée


entreprises

en lourd varie de 30 à 350 tonnes. Dix bateaux-citernes à moteur


assurent l'approvisionnement en eau douce. Alors que les entre

prises privées disposaient seulement de 6 remorqueurs, dont le


plus puissant était de 16 HP, elles en possèdent aujourd'hui 23,
de 60 à 500 HP, plus 14 vedettes destinées elles aussi au remor

quage, de 35 à 70 HP. Ce matériel ainsi que les chalutiers de pêche

peuvent utiliser une cale de halage de 75 mètres *-, qui a remplacé,


au fond du bassin Poincaré, celle du bassin Aucour, et que l'on a

équipée à neuf en la dotant d'un treuil électrique.

L'emmagasinage des marchandises, question de première im


portance, a été distribué entre 10 hangars-abris échelonnés sur les
quais2, depuis celui de la Douane jusqu'à celui du Sénégal. Leur
superficie totale est de 14.334 mq ; ils appartiennent tous à la Cham
bre de Commerce.

En dehors de ces installations, il en est deux récentes, dont la


création a répondu à des besoins de plus en plus impérieux du

port d'Oran : les Docks-Silos à céréales du quai Henri Beaupuy et

la Gare Maritime construite sur le Aôle Jules Giraud.

nipulation du charbon de soute, ainsi qu'un transporteur à palettes et à cabine

fixe de 200 tonnes à l'heure, 1 grue électrique à portique de 120 tonnes-heure


et 1 grue à vapeur sur rails de 5 tonnes et de même rendement.

1. Elle est située dans la partie Est de l'amorce du môle oblique. Sur les
75 m., il y en a 40 pour la cale sèche et 35 au-dessous de l'eau pour l'avant-

cale. Elle peut recevoir 3 files de 3 chalands (P. et Ch., o. c).

2. Ponts et Chaussées. Ports d'Oran


de Mers-el-Kebir, Oran, 1936, p. 8.
et

Ils sont ainsi répartis : un de 1.760 mq sur le quai de la Douane, trois sur le
quai Charlemagne, dont deux de 2.086 mq et un de 1.086, soit au total 5.258

mq, un sur le môle Sainte-Marie de 1.086 et cinq sur le quai du Sénégal, de


1.086 mq, soit au total 6.230 mq.
LE PORT D'ORAN 345

La manutention des grains, ensachés, se faisait entièrement à


la main, très lentement par conséquent, et elle occupait des surfaces
importantes sur des terre-pleins reconnus d'autre part absolument
insuffisants. On calculait en 1930 que le trafic des céréales, blé,
avoine, orge et maïs, très irrégulier d'ailleurs et variable avec les
récoltes, avait atteint le maximum de 2 de quintaux, aux
millions

exportations, de 600.000 aux importations. Les arrivages de l'in


térieur étaient généralement concentrés sur les trois mois de l'été
et se faisaient en majeure partie par voie ferrée ; ils avaient été
jusqu'à représenter le chargement de 350 wagons de 10 tonnes
par jour. Le commerce d'Oran ne cessait d'exprimer ses doléances,
parfaitement justifiées ; le port tout entier souffrait de l'encombre
ment et redoutait l'embouteillage1. Il fallait donc assurer le loge
ment en pleine sécurité et avec la rapidité maxima d'une certaine

quantité de ces grains, principalement en vue de l'exportation, et

équiper les docks au moyen d'appareils mécaniques à grand ren

dement pour la réception et pour l'évacuation. C'est à quoi répondit

le projet présenté en 1930 par les ingénieurs.

Le Dock-Silo est actuellement terminé et en service. Il est situé

en arrière du bassin du Maroc, sur l'ancien quai Sainte-Thérèse,


aujourd'hui quai Henri Beaupuy, entre deux réseaux de voies fer
rées. Deux navires peuvent disposer de 250 mètres pour accoster

parallèlement à la façade des bâtiments. Ceux-ci se composent d'un


corps central et de deux ailes, qui couvrent une surface de 2.366 mq,
soit en longueur 91 mètres et 26 en largeur. La hauteur atteint
50 mètres dans la chambre de travail, de 8 étages plus un sous-sol

et un rez-de-chaussée ; les ailes abritent les 180 cellules de trois


capacités différentes et d'une contenance totale de 300.000 quintaux.

Toutes les opérations sont faites au moyen d'un équipement éleçtro-

II existe, en outre, un entrepôt réel, celui de San Benito, situé sur le quai

Charlemagne, dans un immeuble appartenant à la Ville, et où les perceptions

sont effectuées pour son compte par la Douane.


1. Chambre de Commerce d'Oran. Exposé des travaux. Année 1930. Oran,
1931, p. 567-601, où se trouvent réunis les rapports des Ingénieurs.
346 LA VIE ECONOMIQUE

mécanique ; le transport des grains et leur acheminement à travers


les bâtiments, du wagon, du camion ou du bateau à la cellule

logeuse, ou en sens inverse, sont assurés par un système de tapis


roulants. Grâce aux perfectionnements techniques de tous genres

qui ont été apportés dans la construction et le mode de fonction


nement des divers organes, on peut dire que les ingénieurs ont

réellement réalisé le maximum d'économie de temps et d'espace 1.


Ce magnifique ouvrage a été exécuté aux frais de la Chambre
de Commerce qui n'a pas craint d'y consacrer près de 25 millions.

On en a d'ailleurs prévu l'agrandissement futur pour la manipula

tion d'un tonnage supérieur.

L'affectation du môle Jules Giraud aux services des voyageurs

et des colis postaux, et son aménagement en gare maritime, ont été


également, parmi les transformations récentes du port d'Oran, une

des plus heureuses. L'Ingénieur en chef Vergnieaud, Directeur du

Port, en présentait l'avant-projet devant la Chambre de Commerce,


le 15 juin 1932 2.

1. Buhler. Chambre de Commerce d'Oran. Silo à céréales de 30.000 t. Paris,


1934. Les manipulations prévues comprennent : le déchargement des wagons

amenant les grains en vrac ou ensachés —


ce qui est encore le cas le plus

fréquent —
leur ensilage, à la cadence horaire de 200 tonnes par fosse, soit
et

au total 800 t. ; la même opération pour les navires transporteurs en vrac, avec
un débit horaire maximum de 100 t. ; ^
reprise au silo et le chargement en

vrac ou en sacs des bateaux, à la cadence de 800 t. à l'heure, ou 240 t. seu

lement, suivant le cas ; le transvasement de cellule à cellule ; le chargement

sur camions ou wagons après ensachage.

Deux passerelles en T, dont une de 240 m., en bordure du quai de rive, et


l'autre de 80 m. transversale reliant le silo à la première, permettent l'embar
quement ou le débarquement au moyen d'un portique spécial muni d'un aspi

rateur mécanique. Les diverses opérations : élévation, nettoyage, pesage,


volu-

métrage, ébarbage des orges, mélanges, sont effectuées de la manière la plus

ingénieuse, la plus rapide et la plus économique. Le poste central de manoeuvre,


où se trouve un tableau de signalisation à voyants lumineux, est un chef-

d'œuvre du genre : une simple pression sur un bouton de commande suffit

pour mettre en marche tous les appareils de l'itinéraire suivi selon le genre et
les phases de la manutention.

2. Chambre de Commerce. Exposé des travaux. Année 1932, Oran, 1933, p.

342-357.
LE PORT D'ORAN 347

Dans le rapport où il en démontrait la nécessité et en justifiait


l'économie, il signifiait les défectuosités résultant de la mauvaise

répartition dans le port des services maritimes réguliers de voya

geurs et de marchandises reliant Oran à la Métropole. Ils se par

tageaient, comme aujourd'hui, entre trois compagnies, la Cie Géné


rale Transatlantique, la Cie de Navigation Mixte et la Cie des
Transports Maritimes à Vapeur, dont les emplacements étaient dis
persés 1. Or, on calculait que le nombre des passagers, en prove

nance ou à destination d'Oran et de l'intérieur transportés par leurs


bateaux, avait été en 1931 d'environ 108.000, chiffre qui marquait

une progression sensible depuis les dernières années : en 1923, il


était en chiffres ronds, de 83.000, en 1926 de 96.000, en 1929 de
104.000 2. Ces voyageurs ne trouvaient à Oran que des installations
« rudimentaires et nullement en rapport avec l'importance du tra
fic : embarquement et débarquement des passagers dans des condi

tions inconfortables, incommodité de la visite des bagages par la


Douane, en plein air et à une trop grande distance des navires,
encombrement des terre-pleins et des voies publiques au voisinage

des points d'embarquement ». Les compagnies en question faisaient


en outre un important trafic de marchandises : en 1931, il avait

atteint 329.000 tonnes. La Cie Générale Transatlantique était parti

culièrement chargée de service des colis postaux transportés par

les trois compagnies ; leur nombre avait atteint, en 1929, près de


800.000 (777.000), chiffre que l'on estimait devoir être dépassé dans

l'avenir, par suite de l'admission qui venait d'être décidée des


colis de 15 et 20 kilos3.

1. Ils se trouvaient, en effet : à l'extrémité Est du quai Centre, pour la


Compagnie Générale Transatlantique, à l'angle Nord-Est du môle Jules Giraud,
pour la Compagnie de Navigation Mixte, dans la partie Est du quai du Séné

gal pour la Société des Transports Maritimes, chacune n'ayant d'ailleurs à la


fois qu'un seul navire de passagers.

2. Chambre de Commerce. Documents statistiques. Années 1935, Oran, 1936,


p. 79-80.
3. Chambre de Commerce. Exposé des travaux, o. c. p. 344 et 352. Les trois
Compagnies s'étaient partagé ce trafic : Transatlantique, 30.000 voyageurs,
348 LA VIE ECONOMIQUE

Il convenait, pour la commodité des usagers et la bonne mani

pulation des marchandises, de grouper les trois compagnies sur un


môle central réservé à leurs opérations. Le môle Jules Giraud, par
son emplacement et ses dimensions 1, une fois débarrassé des cons

tructions qui l'occupaient, régularisé par la suppression de la cale

de halage située au Sud-Ouest, et rendu accostable sur toute cette

face par le déroctage des fonds rocheux qui prolongent l'ancien


fort Sainte-Thérèse, remplissait parfaitement les conditions requises

pour ces nouvelles installations.

La Chambre de Commerce, désireuse de faire cesser une si


tuation préjudiciable à la réputation du port d'Oran, et à ses inté

rêts, a pris à sa charge les frais des travaux, aujourd'hui achevés,


qui se sont élevés à plus de 11 millions. Sur les quais on a établi
4 postes, dont 3 pour les navires postaux2, et un pour un cargo

de la Cie Transatlantique. La profondeur le long des quais de rive

a été uniformisée à 40. Trois bâtiments de 1.875 mq, à étage



7 m.

et couverts en terrasses, ont été construits au droit des trois postes


d'amarrage des paquebots, et toutes les commodités ont été réahsées
pour les voyageurs et les marchandises. Un autre bâtiment, de
3.125 mq a été élevé au Sud du quai Est et affecté au Service des
Colis Postaux des compagnies de navigation et du P.L.M. L'en
semble constitue la Gare Maritime, dans le même sens qu'on lui
donne jusqu'à nouvel ordre à Z^ger 3.

Cette transformation du môle Jules Giraud a eu pour consé-

175.000 t. de marchandises ; Navigation Mixte, 34.000 voyageurs, 75.000 t. de


marchandises ; Transports Maritimes à Vapeur, 44.000 voyageurs, 79.000 t. de
marchandises.

1. Idem. Sur la face Est, on pouvait disposer de 240 m. de quai, et sur la


face Ouest, après les travaux à effectuer et la suppression de la cale de
halage,
de 260 m.
2. Soit un pour le paquebot de la Compagnie Transatlantique à à
l'Est, et
l'Ouest un pour chacune des autres : au Nord, pour la Compagnie de Naviga
tion Mixte, au Sud, pour la Compagnie des Transports Maritimes.
3. C'est-à-dire sans la possibilité d'accès direct du paquebot au train de
voyageurs.
LE PORT D'ORAN 349


quences : la démolition des bâtiments de la Santé Maritime, de
ceux du Service des Phares, du Pilotage et des magasins des travaux

neufs du port ; le prolongement de 90 mètres vers le Sud du
quai Ouest, de manière à lui donner la même longueur que celui
de l'Est, c'est-à-dire 260 mètres ; 3° la suppression de l'ancienne cale
de halage et le raccordement du môle Jules Giraud, celui de la
Santé disparaissant, avec le quai du Sénégal, de direction perpen
diculaire, au moyen d'un quai de 30 mètres ayant son origine à
l'extrémité Ouest du pan coupé qui le reliait auparavant au môle

de la Santé.
La cale de halage agrandie et perfectionnée a été, comme nous

l'avons vu i, reconstruite dans la région Est du port. Les autres

bâtiments ont été réédifiés à neuf sur le du Centre, dont ils


môle

occupent la face Est ; celui-ci a d'ailleurs été élargi de 15 mètres


de côté du Nord2. La Chambre de Commerce a profité de ces

remaniements pour arrêter l'affectation des môles d'une manière

plus rationnelle. Celui du Ravin Blanc est provisoirement occupé

par les chantiers de la Cie de Dragages d'Entreprises maritimes,


et

à laquelle a été adjugée en 1926 la construction des nouveaux ou


vrages du port ; après l'achèvement des travaux il serait réservé

aux installations des combustibles, charbon, mazout, essence, et

au ravitaillement des navires relâcheurs 3. Le môle Millerand, qu'ils

occupent momentanément, pourrait être rendu ainsi au commerce

général. Le môle Jules Giraud étant affecté aux compagnies de


navigation assurant les services réguliers avec la
France, le môle

du Centre réunit tous les Services du Port, Direction, Pilotage,


Santé, etc... La petite darse, située au Nord, ses quais et ses terre-
pleins restent réservés à la Marine Nationale.

1. Voir plus haut, p. 344 et 349.


2. Afin de permettre l'accostage des navires à fort tirant d'eau, cette solu

tion a été jugée moins coûteuse que l'approfondissement au moyen des dra
gages.

3. On le projette du moins, mais il apparaît dans la réalité que les usagers

actuels sont peu disposés à faire les frais d'un transfert coûteux alors que ceux

qui grèvent le charbon sont déjà exagérés.


350 LA VIE ECONOMIQUE

De toute cette histoire des travaux effectués pour la création,


l'extension et l'équipement du port d'Oran, il ressort que, depuis
1900 pour ne pas remonter plus loin, il a été réellement en état
perpétuel de transformation. Cette activité due à la collaboration

des Ingénieurs de l'Assemblée Consulaire, a permis de rattraper


et

les retards fâcheusement accumulés. On jugera de l'importance de


ce dernier concours par ces quelques chiffres1. Depuis 1920, la
Chambre de Commerce a dépensé pour la construction et l'équi
pement du port la somme de 126.888.545 francs, dont 61 millions

673.443 francs pour des travaux dont elle a assumé seule le finan
cement, et 65.215.102 francs pour ceux faits à frais communs avec

la Colonie. Au début de 1937, le total des dépenses engagées tant


par la Colonie que par la Chambre, chacune pour moitié, attei

gnait 168.400.000 francs, dont 145.000.000 avaient été déjà versés.

Le montant global des emprunts contractés par cette dernière s'é

levait à 63.435.291 francs. Par là s'explique que l'on n'ait pas cru

devoir appliquer au port d'Oran, pas plus qu'aux autres de l'Al


gérie, la loi du 12 juin 1920 sur la création des ports autonomes,

1. Renseignements obligeamment communiqués par M. P. Isman, Secrétaire


général de la Chambre de Commerce. Les dépenses effectuées de 1924 à 1936
se décomposent ainsi :

Première phase achevée :


^
construction d'un nouvel awit-port 97.641.358 »

aménagement en bassin de l'ancien avant-port 38.500.000 >

construction de l'égout collecteur de l'Est 7.235.750 »

Transformations :

modification de la partie Ouest du môle J.-Giraud. . 5.580.000 »

construction des bâtiments du quai du Centre 1.442.892 »

Travaux complémentaires :

éperon de la grande jetée 5.700.000 >

achèvement du môle du Ravin Blanc 7.800.000 »

dérochement du bassin du Maroc 1.200.000 »

élargissement du môle du Centre 3.300.000 »

168.400.000
Il ne s'agit ici que des dépenses effectuées par moitié avec la Colonie.
LE PORT D'ORAN 351

mais seulement les décrets du 7 avril 1924 qui laissent à l'Assem


blée Consulaire, avec d'importantes attributions, la plus large part
dans les décisions essentielles, en matière financière surtout. Elle
a pleinement justifié cette confiance de la part des Pouvoirs publics

et de l'Administration.

Dans un rapport présenté à l'Association des Grands Ports


Français, le 2 octobre 1932 1, M. R. Bisch, vice-président de la Cham
bre de Commerce d'Oran, après avoir exposé les grandes lignes de
l'histoire du port et sa situation présente, terminait par un aperçu

sur ses possibilités d'extension et sur les projets préparés à cet

effet. « La Chambre de Commerce, disait-il, ne veut pas se laisser


surprendre par le développement du trafic d'Oran et porter la
responsabilité de l'insuffisance future du port actuel ». Or, il est

clair que son développement vers l'Est, la seule direction qu'il ait

pu suivre, depuis la création du


de l'anse Lamoune,
petit refuge

à l'abri de la grande jetée du large, devait atteindre à un moment


donné sa limite extrême ; et de fait, après l'achèvement du nouvel
avant-port, elle paraît bien atteinte. Sans doute, il est aujourd'hui

peu d'obstacles dont l'art des ingénieurs ne puisse triompher ; mais

encore faut-il que les dépenses à engager ne soient pas prohibitives.

Au fur et à mesure que la jetée couvrant les bassins progresse vers

le Nord-Est, la profondeur augmente, et c'est par —


30 et —
35 mè

tres qu'il faudrait en fonder les nouveaux éléments.En outre, les


falaises de Gambetta tombant à la mer, de près de 100 m. par une
pente abrupte, ne se prêteraient pas au dérasement, et l'on ne

saurait créer des terre-pleins à leur pied sans un comblement des


fonds trop coûteux, et sans une emprise sur la nappe d'eau utili

sable des nouveaux bassins. H fallait donc chercher une autre

solution, et c'est à répondu, dès 1930, un premier avant-


à quoi

projet de travaux à exécuter dans la rade de Mers-el-Kebir.


On ne pouvait songer à étendre le port du côté de l'Ouest en

1. Chambre de Commerce d'Oran. M. R. Bisch. Exposé de la situation ac

tuelle, des besoins et des perspectives d'avenir du port d'Oran. Oran, 1932,
p. 21-22.
352 LA VIE ECONOMIQUE

partant de la pointe de Lamoune :les travaux, tout comme ceux

que l'on aurait dû aborder au delà de l'avant-port, auraient été


certainement aussi difficiles, au moins aussi coûteux ; cette partie

de la baie est en outre trop exposée aux vents les plus redoutables.

C'est donc à l'abri même de la presqu'île de Mers-el-Kebir et au

mouillage reconnu depuis longtemps comme le meilleur de l'Al


gérie qu'il fallait demander des ressources nouvelles. Il se trouve
que des circonstances politiques récentes, et même actuelles, com

mandent une vigilance particuhère dans cette région de la Médi


terranée Occidentale, et que la création d'une base solide sur cette

position militaire de premier ordre est devenue une nécessité, si

nous voulons conserver la liberté de nos communications avec

l'Atlantique et avec la France du Sud. La Marine de l'Etat s'y est

donc intéressée de nouveau, et c'est grâce à son concours que pourra

être réalisée au moins la première tranche du vaste programme

prévu-

Dans toute son ampleur, qui l'a fait qualifier à juste titre de
« grandiose », il prévoit la construction, en quatre étapes succes

sives, d'une suite de bassins qui, protégés au Nord et à l'Est par une

digue de 5.800 mètres, relieraient peu à peu le port de Mers-el-

Kebir à celui d'Oran. Il n'existe actuellement dans le premier qu'une

petite jetéeenrochement, dirigée sensiblement du Nord au Sud,


en

sur 170 mètres de longueur, un débarcadère de 16 mètres, 365


de quais,
cal™

mètres une petite aujourd'hui inutilisée, et plus au

Sud un modeste abri pour les pêcheurs, au droit du village de


Saint-André 1.
La première tranche du programme comprend la création d'un
bassin de plus de 80 hectares, dont le plan a été modifié sur la
demande de la Marine de Guerre 2. Primitivement il devait être

1. Ponts et Chaussées, année 1935. Ports d'Oran et de Mers-el-Kebir. Oran,


1936, p. 10-11.
2. Idem. Le premier tracé est indiqué sur le plan au
1/2.000*
contenu dans
la brochure. Celui de la première des travaux, tel qu'il a été rectifié,
phase

a été publié dans la statistique des Ponts et Chaussées de l'année 1936, datée
de 1937.
PROJET D'EXTENSION
DU PORT D'ORAN
vers MERS-EL-KEBIR
d'après la Statistique
des Ponts et Chaussées -
1936
Plan du Nouveau Port
de MERS-EL-KEBIR
Première tranche des travaux)

au I / 1 0.000 ème
d'après la Statistique
des Ponts et Chaussées 1936

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PLANCHE XIII

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1
Vue générale du port d'Oran. Photo Lùck.

Vue prise un peu avant l'achèvement des travaux récents ; la baie de


Sainte Thérèse est déjà comblée et le fort a été dérasé. On travaille au
môle du Ravin Blanc et au prolongement de la grande jetée du large.

Les travaux du port d'Oran vers 1865. Photo Lùck.

Le premier bassin est déjà utilisé par la navigation ; mais le môle Sainte
Marie n'est pas encore construit. On travaille au bassin Aucour déjà
couvert par la jetée du large où des bateaux de guerre sont amarrés.
LE PORT D'ORAN 353

couvert du côté du Nord-Est par un élément de jetée de 450 mè

tres, enraciné à la pointe du Fort et orienté par conséquent du


Nord-Ouest au Sud-Est. Un autre élément le couvrait du côté de
l'Est ; séparé du premier par une passe de 425 mètres d'ouverture,
il consistait en digue de 650 mètres, de direction Nord-Sud,
une

poursuivie au delà d'un coude largement obtus par une autre


grande digue parallèle à la plus septentrionale. Au Sud-Est se

détachait du rivage une longue traverse de 900 mètres environ,


dirigée du Sud-Ouest au Nord-Est, et laissant entre son extrémité

et la grande digue du large une deuxième passe de 200 m. de largeur.


A la demande de la Marine Nationale, on a supprimé la première

passe, enraciné la jetée du large au Sud de la pointe du Fort


d'où elle part, en direction du N.N.O.-S.S.E. fortement redressée,
jusqu'à 1.320 mètres de son origine ; de là, elle se poursuit
après un coude un peu plus obtus que celui qui avait été prévu

sur 400 mètres, laissant, entre la pointe du coude et la traverse


qui doit fermer le bassin une passe de 400 mètres ; ce sera la seule

entrée et la seule issue de cette magnifique nappe d'eau.


Le programme complet prévoit la conquête sur la mer de vastes

terre-pleins d'environ 40 hectares, bordés de quais fondés à —


12

mètres, et la construction de deux grandes formes de radoub, selon

les vœux plusieurs fois réitérés par la Chambre de Commerce. C'est


sur ces emplacements que l'on envisage le transfert des combus

tibles stockés au port d'Oran pour le ravitaillement des navires

relâcheurs, et là que se feraient les opérations. Cinq postes à quai

seraient réservés aux navires charbonniers, tandis que 22 pour

raient être ravitaillés dans le bassin même.

Les autres étapes comporteraient la création de deux bassins à


deux darses chacun, ouverts vers le Sud-Est, et d'un avant-port
couvert par deux digues, une de 625 mètres du côté du Nord, et

l'autre au Sud, trois fois coudée, rejoignant par une ligne brisée
le point d'enracinement de la jetée du large d'Oran.

Une loi, du 16 juillet 1934, a déclaré d'utilité publique les tra


vaux de la première tranche. Ils nécessiteront une dépense de 275

12
354 LA VIE ECONOMIQUE

millions, à laquelle concourront la Colonie, la Marine et la Cham


bre de Commerce. Les travaux sont commencés et sont poussés

très activement ; déjà le quai de la péninsule est construit et la


digue du large est sortie de l'eau sur plus de 100 mètres.
II

LES FONCTIONS DU PORT

A. —

ORAN, PORT DE VOYAGEURS

Comme port de voyageurs, Oran occupe en Algérie le deuxième


rang, après Alger, qui est toujours resté, ne fût-ce qu'en raison de
sa position centrale, la grande porte d'entrée et de sortie de la
colonie, et même de l'Afrique du Nord française1. Du moins l'im

portance prise par la grande cité de l'Ouest en tant que ville euro

péenne, sa proximité de l'Espagne et du Maroc, comme aussi les


facilités nouvelles offertes aux communications par mer et par

terre, par les lignes maritimes et les voies ferrées, ont elles con

tribué à accroître le nombre des passagers transitant par son port.

C'est en 1864 seulement 2 que le bassin du Vieux Port recevait

pour la première fois un paquebot venu directement de la Métro


pole, inaugurant un service régulier 3. Jusqu'alors les voyageurs

1. Ch. de Com. Doc. stat., année 1936. 1937, p. 86. Mouvement des voyageurs

dans le port d'Oran depuis 1920 (arrivées et départs) :

1920. 129.042 1930. 135.175 1932. 139.213 1934. 141.509 1936. 128.629
1925. 103.346 1931. 154.819 1933. 137.687 1935. 129.709

Comparaison avec le port d'Alger :

1920. » 1930. 293.739 1932. 212.345 1934. » 1936. 218.247


1925. 208.807 1931. 252.360 1933. 216.949 1935. 210.563

2. Ed. Déchaud, o. c, p. 54. La Tamise, paquebot-poste des Messageries Im


périales, y vint de Marseille directement le 2 juillet 1864,
mouiller mais ne

put y séjourner, faute de bouée d'amarrage.

3. Idem. Le 24 juillet de la même année, La Seine inaugurait l'escale défi


nitive d'Oran. Le plus fort tonnage, celui du Thabor, était de 489 tonneaux.
356 LA VIE ECONOMIQUE

pour toute destination s'embarquaient ou débarquaient à Mers-

el-Kebir, à l'exception de ceux qui s'accommodaient du transport sur


les balancelles espagnoles, toujours plus ou moins aléatoire. Au len
demain de l'occupation, les avisos à vapeur de la Marine de l'Etat
furent seuls à assurer un service bimensuel, de Toulon, puis de
Marseille, par Alger, pour quelques passagers civils, fonctionnaires,
visiteurs de marque, ouvriers et colons ; les autres voyageurs uti
lisaient la navigation commerciale, très souvent retardée par l'obli
gation de la quarantaine. D'Alger à Oran, la traversée ne durait pas

moins de deux jours. En 1841, la levée de la quarantaine permit à


la Cie Bazin et Périer et à ses bateaux, de desservir Mers-el-Kebir

trois fois par mois 1 ; en 1848 elle fut chargée du service postal, qui

fut, en 1854, transféré aux Messageries Impériales (Messageries


Maritimes actuelles) assurant des relations directes et régulières

avec Marseille 2, une fois par semaine.

D'autres lignes vinrent s'y ajouter : celle de la Cie Arnaud,


Touache frères et Cie, celle de Fraissinet et fils de Rouen, qui
desservait les de l'Océan
de la Manche ; celle de la Cie
ports et

Générale des Transports Maritimes beaucoup plus tard et après


avoir commencé par réserver ses voyages à Alger et aux ports de
l'Est. Certains de ces bateaux faisaient escale àAlicante, Valence, à
à Barcelone et à Sète ; d'autres touchaient à Alméria, Malaga, Tan
ger et Cadix. *

Toutes ces relations se consolidaient lorsque le port d'Oran rem

plaça définitivement celui de Mers-el-Kebir. La Cie Valéry, qui

en 1871, avait succédé aux Messageries Maritimes pour le service

1. R. Lespès. Alger, 1930, p. 645, note 3.

2. Victor Bérard. Indicateur général de l'Algérie, 1861, p. XX-XXII. Les


départs d'Alger, après la traversée de Marseille-Alger, avaient heu le 4, le
14 et le 24 de chaque mois pour les navires de l'Etat, les arrivées le 6, le 16
et le 26. Les Messageries Impériales faisaient un voyage par semaine chaque
jeudi pour arriver à Mers-el-Kebir le dimanche. La Compagnie Arnaud-Toua-
che, tous les 15 jours, avec escales à Cette, Barcelone, Valence, Alicante. Les
navires de l'Etat assuraient un service mensuel entre Oran et Cadix.
LE PORT D'ORAN 357

postal1, puis, après le rachat de sa flotte, la Cie Générale Trans


atlantique, prirent la première place pour le transport des passa

gers entre Oran


Marseille ; elle l'occupe et la
et conserve depuis
1880. La Cie de Navigation Mixte (Cie Touache) assure seule les
relations Port-Vendres,
avec sur la ligne la plus courte d'Algérie
en France, que la Gare Maritime de ce port et les trains rapides

sur Toulouse, Paris ou sur Barcelone ont fait particulièrement

apprécier des voyageurs. A l'heure actuelle trois compagnies se

partagent les services réguliers avec la Métropole, la Cie Trans


atlantique, la Cie Touache etla Cie des Transports Maritimes ;
nous avons vu combien elles ont bénéficié des améliorations appor

tées par l'aménagement de la Gare Maritime d'Oran. En même

temps par ailleurs Oran ne manquait pas de maintenir ses rela

tions de port Algéro-Hispanique et Algéro-Marocain, par Cartha


gène, Alicante et Barcelone d'une part, Tanger et Casablanca de
l'autre.

Ainsi qu'on pouvait s'y attendre, c'est entre la Métropole et

Oran que les passagers sont le plus nombreux ; ce sont aussi les
lignes qui sont sujettes aux moindres variations et sur lesquelles
on observe depuis le début du siècle la plus forte progression. De
1900 à 1935, le nombre des voyageurs embarqués et débarqués est

passé de 76.600 à 129.707, après avoir atteint près de 184.000 en


1913. Moins stables les relations avec l'Espagne ont été influencées
par les circonstances mêmes qui ont déterminé un afflux ou un

1. Louis Piesse. Itinéraire de l'Algérie, 1879, o. c, p. XVII-XXI. Cette Compa


gnie assurait un service hebdomadaire de Marseille à Oran par Carthagène et

vice-versa. La Compagnie Touache, devenue Compagnie de Navigation Mixte,


desservait aussi chaque semaine Oran, avec escale à Valence ; elle avait éga
lement une ligne d'Alger à Tanger, hebdomadaire, avec escales à Ténès, Mosta
ganem, Oran, Nemours et Gibraltar, et vice-versa ; une autre spéciale bi-men-

suelle et directe d'Oran à Tanger. Enfin, les Messageries Maritimes, d'accord


avec la Compagnie des Chemins de fer Algériens, délivrait des billets à prix
réduits aller et retour pour le voyage Marseille-Alger et par la voie ferrée

Alger- Oran.
358 LA VIE ECONOMIQUE

exode de la population de cette origine ; les fluctuations sont par

conséquent plus accentuées et plus sujettes à des écarts sensibles 1.


De 1900 à 1935, les arrivées ont atteint deux maximas, en 1913
(25.594) et en 1931 (22.502), qui semblent bien être en rapport avec
l'activité des travaux agricoles en Oranie, et deux minimas qui
coïncident avec les périodes de la crise du change (1926-1929) et

de la crise agricole (1933-1935). Aux départs, il y a eu générale

ment progression quand les arrivées suivaient la même ascension,


et aussi en sens inverse, quand elles accusaient une baisse sensible

et soutenue. Il s'agit en effet d'une population essentiellement flot


tante, dont le mouvement de flux ou de reflux est commandé par

la demande plus ou moins grande de la main-d'œuvre qualifiée et

par le taux des salaires. Il est plus difficile de tirer quelque conclu

sion solide des chiffres correspondants sur le mouvement des pas-

1. Ch. de Com. Situation commerciale, etc., en 1913. Oran, 1914, p. 39-42.

Mouvement des passagers dans le port d'Oran, de 1895 à 1913 (arrivées) :

1895 34.569 1910 61.650


1900 38.881 1911 71.907 1913 94.006
1905 57.150 1912 78.593

Mouvement des passagers arrivés d'Espagne à Oran, de 1900 à 1913 :

1910 20.516
1900 12.457 1911 §.. 20.222 1913 25.594
1905 21.172 1912 ".. 22.777

Mouvement des passagers (arrivées seulement), de 1920 à 1936:

!920 65.912 1930 68.229 1934 70.052


^25 59.320 1931 86.361 1935 64.300
i926 53.499 1932 71.784 1936 59.558
1928 55.427 1933 71.025

Mouvement des passagers arrivés d'Espagne, de 1920 à 1936 :

192<> 8.243 1930 13.659 1934 15888


1925 4.067 1931 22.502 1935 9509
1926 3.791 1932 21.110 1936 4553
1928 3.634 1933 17.233
LE PORT D'ORAN 359

sagers entre le port d'Oran et les ports marocains K On ne peut que

constater de 1920 à 1935 une diminution sensible des arrivées et

une supériorité numérique des départs. Faut-il en chercher les


raisons dans l'ouverture des nouvelles voies ferrées entre l'Al
gérie et le Maroc et dans les restrictions apportées récemment par
d'
la législation du travail à l'emploi de la main œuvre étrangère ?

Le port d'Oran est également visité par quelques grands pa

quebots effectuant des croisières en Méditerranée, mais surtout en

vue du ravitaillement en combustibles et en vivres frais. Malgré


les ressources incontestables que la région oranaise peut offrir au

tourisme, on ne saurait à cet égard le comparer à celui d'Alger, qui

a toujours été et reste encore le point de départ préféré des grandes

tournées à travers l'Algérie. Les relations transsahariennes, telles


qu'elle existent déjà par la voie aérienne ou par les transports au

tomobiles, ne peuvent avoir de longtemps qu'une très faible influence


sur le transit des Usagers de la navigation maritime. Il est bien
probable, sans préjuger de l'intérêt du problème à d'autres égards,
qu'à celui-ci du moins l'ouverture d'un chemin de fer, dont Oran
ne manquerait pas d'être une des têtes de ligne, n'apporterait qu'un

appoint des plus modestes. Il y a, selon nous, beaucoup mieux à


attendre, et dans un avenir moins éloigné, des relations rapides

combinées par le rail •


et le bateau, entre le Maroc, la Métropole
et l'Europe Occidentale. Les grands projets d'une véritable gare

maritime à Alger 2, dont l'exécution estdéjà abordée, ne paraissent


pas devoir faire sérieusement obstacle à l'utilisation de la voie par
Port-Vendres la Au demeu-
mer, entre et Oran, qui est plus courte.

1. Mouvement des passagers arrivés du Maroc, de 1900 à 1936 :

1900 11.349 1920 7.791 1932 1.810


1905 21.172 1925 3.551 1933 1.655
1910 20.516 1926 3.500 1934 1.307
1911 20.222 1928 3.095 1935 4.576
1912 22.777 1930 2.530 1936 2.644
1913 25.594 1931 2.054

2. Voir plus haut, p. 348.


360 LA VIE ECONOMIQUE

rant, il appartient aux organisateurs du tourisme en Oranie, de


savoir, sinon capter au passage, du moins attirer les voyageurs à
destination ou en provenance du Maroc, et de les inviter à entrer

ou à sortir par le port de l'Ouest.

B. —
LE TRAFIC DES MARCHANDISES

EXPORTATIONS ET IMPORTATIONS

Si l'on considère uniquement le tonnage métrique des marchan

dises embarquées ou débarquées —


ce qui est incontestablement
le meilleur mode d'appréciation du trafic et des manipulations d'un
port —
celui d'Oran occupe à l'heure actuelle le second rang des
ports algériens, après celui d'Alger, dont il avait pris la place à
deux reprises : une première fois entre 1883 et 1889 1, et une deuxième
de 1928 à 1933.
'
La première période avait été marquée par une poussée remar

quable de la colonisation 2, un essor nouveau de l'agriculture


oranaise, et par suite par un accroissement important des exporta

tions. Mais trois faits principaux allaient modifier la situation

comparée des deux ports. Tout d'abord les exportations de vins du


port de la capitale l'emportaient ■>ientôt sur celles de son rival 3.
En second heu, une nouvelle fonction, celle de port de relâche et

1. Gouvernement Général de l'Algérie. Notice sur les Routes, les


Ports, etc.,
Alger, 1906, p. 66. Graphique indiquant le développement du trafic de 1887 à 1905.
2. Voir p. 193.
3. P. Delorme. Le commerce algérien. Alger, 1906, I, p. 51. Exportation des
vins par Oran et Alger, de 1895 à 1904 :
1895.... 971.105 hectos 1.415.734 1900. . . . 797.476 hectos 1.225.613
1896.... , . 1.163.233 —
1.608.131 1901.... 834.051 1.397.311
1897.... 778.988 1.852.872 1902.... 976.266 2.291.639
1898.... 886.236 —

1.857.497 1903.. 1.646.072 —


2.451.542
1899.... . 1.272.132 —

2.145.268 1904..., . . 1.449.391 —


3.246.512
PLANCHE XIV

Les travaux vers 1885. Photo Liick.

Le môleSainte Marie est achevé et les quais du bassin Aucour sont


partiellement livrés au commerce ; les voies ferrées y accèdent et la
route de la Place d'Armes au port y amène le charroi.

Le port a la fin du siècle dernier. Photo Liick.

Au premier plan, à D., le môle Jules Giraud et les dépôts de charbon de


soute. Tout contre le môle et à sa naissance la cale de halage. Les quais
apparaissent encombrés.
LE PORT D'ORAN 361

de ravitaillement en charbon de soute, lui apportait un appoint pro

gressivement croissant !. Enfin l'exploitation des minerais de fer du


Zaccar, de Rouina et de Breira déversait sur ses quais un tonnage

qui arrivait vite à dépasser annuellement 200.000 tonnes 2. Oran


restait à peu près exclusivement sous la dépendance de la produc

tion agricole de son département, alors que le trafic d'exportation


d'Alger était alimenté par des ressources plus variées, dont l'apport
pouvait facilement compenser les fluctuations inévitables des récol

tes. Oran ne déclinait cependant pas, puisqu'entre 1888 et 1903, le


tonnage métrique s'y élevait d'une manière à peu près progressive

de 468.000 tonnes environ à près de 764.000 ; mieux encore, après

avoir dépassé en 1906 le million de tonnes, il atteignait 2.215.000 ton


nes en 1926, 3.602.000 en 1928, 3.805.000 en 1929 3. C'est cette pros

périté qui décidait, comme nous l'avons vu 4, la Chambre de Com


merce à faire dresser les programmes d'extension de 1898 et de 1912
età prévoir, en 1930, l'aménagement de Mers-el-Kebir comme port

annexe de celui d'Oran.

En 1929, Oran avait reconquis le premier rang sur Alger. Les


progrès de la relâche et du charbonnage suffisaient à l'expliquer5,
Alger ayant été gravement atteint dans cette fonction par la perte

1. R. Lespès. Alger, 1930, p. 697. Les exportations de charbon y sont passées,


de 1886 à 1913, de 12.432 t. à 818.012 t. A Oran, elles n'étaient encore que de
28.430 t. en 1900 ; en 1913, de 321.668 t., d'ailleurs en voie de progression rapide.

2. Idem, p. 700. Le tonnage des minerais exportés par Alger qui. en 1904,
était de 34.949 t., avait atteint, en 1913, 412.078 t.

3. Tonnage métrique (exportations et importations) du port d'Oran, de 1888 à


1937. (Ch. de Com. Exposé des travaux et Situation commerciale, etc..) :

1888 467.870 1 1905 886.848 1 1926 2.214.860 1 1930 3.433.655 1 1934 2.746.337 t
1890 563.316 1906 1.017.117 1927 2.733.668 1931 3.641.810 1935 2.864.095
1899 759.032 1913 1.869.469 1928 3.601.771 1932 2.977.983 1936 2.520.208
1901 772.805 1920 1.045.890 1929 3.805.248 1933 2.683.619 1937 2.616.540

Le cabotage n'est pas compris dans ces chiffres.

4. Voir plus haut, p. 337.

5. Voir plus loin, p. 388.


12*
362 LA VIE ECONOMIQUE

de sa clientèle, en même temps que la crise industrielle mondiale

déterminait l'arrêt des exploitations minières 1.


Mais son redressement a été rapide 2. Les grands travaux d'ex
tension et d'équipement du port de la capitale, ses efforts pour

satisfaire à la demande croissante des combustibles liquides, mazout

et essence, substitués de plus en plus à la houille, la reprise vigou

reuse de l'exploitation et de l'exportation des minerais de fer, ont

rétabli sa prééminence, alors que la crise agricole atteignait d'autant


plus le port d'Oran que les premiers éléments de son trafic étaient
les vins et les céréales. On voit par cette histoire combien le port

de l'Ouest est dans la dépendance étroite de deux conditions pri

mordiales : au premier chef, la production agricole de l'arrière-pays


qu'il dessert, et tout autant les facilités d'écoulement de ses denrées ;
en second lieu l'exploitation des avantages que peuvent lui conférer

sa position, ses installations spéciales et la réduction au minimum

des frais, pour le ravitaillement des navires relâcheurs.

Il y a, quand on envisage l'avenir, une considération qu'on ne

saurait négliger, dans un examen critique de ce genre. L'aire d'at


traction d'expansion, qui est le champ d'action offert au trafic
et

du port d'Oran, est certes très étendue, plus vaste même que celle
d'Alger. Car, si, du côté de l'Est, elle ne dépasse pas les limites
mêmes du département, si, vers le Sud, elle se réduit et se réduira

d'ici longtemps encore, avant qu'Oran ne devienne un débouché de

1. Les exportations de minerais du port d'Alger tombaient de 407.727 t en


1929 à 78.226 1 en 1932, pour se relever progressivement à 146.119 1 en 1933,
217.150 1 en 1934, 238.279 1 en 1935, 285.059 1 en 1936.
5. Tonnages métriques comparés des d'Oran
ports et d'Alger, de 1927 à 1937 :

Oran Alger Oran Alger

1927 2.733.668 t. 3.446.772 t. 1933 2.641.113 t.


... ....
. .
3.400.980 t.
1928 3.601.771 t. 3.233.998 t. 1934 2.746.337 t.
... ....
. .
3.336.188 t.
1929 3.805.248 t. 3.713.742 t. 1935 2.864.095 t. 3.202.340 t.
... ....
. .

1930 3.433.655 t. 3.145.384 t. 1936 2.520.208 t. 3.340.400 t


... ....
. .

1931 3.641.810 t. 3.219.781 t. 1937


... ....
. . 2.616.540 t. 3.672.790 t.
1932 ... .... 2.977.983 t. 2.928.845 t.
LE PORT D'ORAN 363

l'A.O.F., aux régions productrices de denrées d'exportation du Tell


et des Steppes oranaises, le Maroc Oriental, auquel l'Oranie adhère

si largement à l'Ouest par sa frontière, offre des ressources qui ne

peuvent que s'accroître, et il apparaît bien au premier abord que

le débouché .maritime le mieux indiqué, comme la base de ravitail

lement la mieux qualifiée, se trouvent dans le port le plus grand et

le plus moderne par son outillage de l'Algérie Occidentale, c'est-à-

dire Oran. Son arrière-pays correspond donc à un vaste territoire,

auquel on ne peut comparer pour l'étendue aucun de ceux que

desservent les autres ports algériens. Mais, malheureusement pour

lui, il n'a pas le monopole de cette fonction. Alger, pour s'en tenir

au seul qui puisse être mis en parallèle, par l'importance de son

trafic, par la nature et l'étendue de ses relations —


Bône étant
avant tout un port minier, le port spécialisé d'une région elle-même

spéciale et plus limitée —


Alger donc approvisionne et draine d'une
manière exclusive, ou fort peu faut1,
s'en l'Algérie Centrale tout
entière ; c'est vraiment son domaine, dans lequel il ne peut avoir

que des satelhtes, des ports fort modestes, comme Cherchel, Tipaza,
Dellys 2, qui sont sous sa dépendance et ne peuvent nouer des
relations d'outre-mer que par son intermédiaire.

Or, il n'en est plus de même en Oranie, où il existe des ports

ayant leurs fonctions et leur vie propres, leur aire d'influence com

merciale plus ou moins définie, mais qui tend à s'étendre au fur


et à mesure que se développe et s'améliore le réseau des voies de

communication, routes et voies ferrées, que se répand l'usage de


la traction lourde automobile, que l'hydraulique agricole 3 ou la
prospection minière ouvrent à l'exploitation de nombreuses régions

1. On peut faire exception, en effet, pour Ténès.


2. Ponts etChaussées. Statistique des Ports de Ténès, de Cherchell, de Tipaza,
de Dellys, de Tigzirt et de Port-Gueydon, Alger, 1936, p. 14-19. La construction,
terminée en 1927, d'un quai de 500 m., partiellement accostable aux navires de
fort tonnage, a en effet déterminé, à Ténès, au profit du grand cabotage, inconnu
jusqu'alors, une augmentation du trafic dont profitait auparavant par transborde

ment le port d'Alger.


3. Algérie 1937. Alger, 1937, p, 121-138. R. Martin. Les grands barrages et les
irrigations en Algérie.
364 LA VIE ECONOMIQUE

jusqu'alors improductives. A l'Est d'Oran, il y a Arzeu et Mosta

ganem, à l'Ouest Beni-Saf et Nemours, c'est-à-dire quatre ports bien

vivants, qui, en 1936, ont reçu ou expédié 4.097 navires, d'un ton
nage de jauge de 5.431.047 tonneaux et d'un tonnage métrique de
1.223.165 tonnes, cerespectivement, dans l'ensemble
qui représente

des ports du département 34,9 %, 28 % et 32,6 %. Mostaganem, le


plus important, qui dispute le quatrième rang, dans le classement

de l'Algérie, à Philippeville i, et dont le trafic est sextuple de ce

qu'il était en 1900, draine de plus en plus la région de Tiaret et du


Bas-Chéliff et celle de Mascara, dont les céréales, les vins, les mou

tons se dirigent de préférence vers son port, grâce au réseau routier,


sans parler des brillantes perspectives que l'on peut croire prochai

nes, quand aura produit ses effets attendus l'utilisation des nouveaux

barrages. Arzeu, un moment languissant, s'est relevé, se maintient

comme débouché de l'alfa des Hauts-Plateaux et comme importateur


d'huiles lourdes d'essence 2. Beni-Saf, deuxième
et port minier de
l'Algérie, attire maintenant, depuis l'achèvement du chemin de fer,
les produits agricoles des vallées de la Tafna et de l'Isser et ceux

des environs de Tlemcen 3. Nemours, port algéro-marocain 4, détourne


les minerais de Bou-Arfa et les produits du Maroc Oriental, dont
il capte une partie au passage 5. C'est donc un tonnage total impor
tant qui échappe ainsi, et peut-être progressivement dans l'avenir,
au port d'Oran, de plus en plus concurrencé par ses voisins de l'Est
et de l'Ouest. I
1. Ponts et Chaussées. Statistique. Ports de Mostaganem, Mostaganem, 1936. Il
l'a même dépassé à deux reprises, en 1934 et en 1936. (Algérie 1937. R. Lespès. Les
ports, p. 88).
2. Algérie 1937, o.c, p. 90.
3. Idem, p. 91.
4. Idem, p. 92-93.
5. Le port de Nemours où des travaux importants ont été exécutés et sont
encore en cours d'exécution, a été ouvert au transit international le 1" juillet
1936. La voie ferrée de Oudjda-Marnia-Nemours a été mise en service dès le
1"
mars 1936 ; elle amène les minerais de fer de Bou-Arfa, les anthracites de
Djerada, les marbres de la
voisine, les céréales, le crin végétal, les alfas
région

du Maroc Oriental. Le trafic dans les 10 mois de 1936 a atteint 62.228


tonnes.
LE PORT D'ORAN 365

On comprend mieux alors que, par une politique sage et pré

voyante, sa Chambre de Commerce travaille activement à équiper


et à moderniser l'outillage de ce grand établissement maritime ;
elle se rend bien compte que c'est encore le meilleur moyen de
lui conserver sa valeur comme port importateur et comme débou
ché, et d'y attirer la clientèle qui recherche les meilleures condi

tions de transit et de manipulation des marchandises. Ici aussi,


comme dans la production c'est de la qualité qu'il faut attendre

le succès dans la concurrence.

Le tonnage des marchandises exportées par le port d'Oran


l'emporte généralement sur celui des importations. Il en a été ainsi

depuis le moment où les progrès de la colonisation ont activé la


mise en valeur du sol de l'Oranie. Alors qu'en 1860-1862, elles

étaient encore sensiblement inférieures aux entrées \ le rapport

était renversé en 1870-1872, et depuis, sauf exception, la balance


n'a cessé de pencher du même côté2. Si, en 1920, les importations
l'ont emporté sur les exportations, c'est à la suite de mauvaises
récoltes qui ont eu leur répercussion fatale sur les expéditions ;
en 1928, ce fut en raison d'une demande accrue des matériaux de
construction ; en 1931, le déficit des céréales suffisait à l'expliquer.
Mais depuis, si malgré la crise agricole qui a fortement atteint

l'Oranie, l'écart n'a pas été plus considérable entre le tonnage em

barqué et le tonnage débarqué, c'est bien le signe d'un affaiblis-

1. M. Meunier, o.c, p. 320. De 1860 à 1862, le tonnage métrique annuel a été


de 14.820 t. pour les exportations contre 49.340 t. pour les importations. De 1870

à 1872, les chiffres respectifs sont : 87.120 t. et 72.880 t. ; de 1883 à 1885 : 249.970 t.
et 190.030 t.

2. Tonnages métriques comparés des exportations et des importations du port

d'Oran, d'après les statistiques des Ponts et Chaussées (sans le cabotage algérien) :

Exportations Importations Exportations Importations

1900 385.818 t. 219.493 1. 1923 842.915 t. 733.569 t.

1910 734.935 t. 614.741 1. 1924 937.670 t. 924.961 t.


1920 383.698 t. 565.856 1. 1925 1.052.586 t. 893.788 t.
1922 768.529 t. 657.282 1. 1926 1.161.069 t. 1.053.791 t.
366 LA VIE ECONOMIQUE

sèment momentané de la faculté d'achat, et, en ce qui concerne

les matériaux de construction, matières lourdes, particulièrement

intéressantes à considérer ici, par l'effet d'un ralentissement de


l'industrie du bâtiment. Dans un pays tel que l'Algérie, le déficit
de la balance commerciale ne traduit pas d'ailleurs forcément une

diminution de la prospérité, quand il ne porte pas du moins sur

les denrées agricoles. C'est une chose bien connue dans la colonie,
que les années de bonnes récoltes sont aussi les plus fructueuses
pour le commerce d'importation de la Métropole, non seulement

par la vente des objets de luxe, qui sont souvent de faible poids,
mais aussi des matières plus pondéreuses, telles que les automo
biles, les machines et les matériaux de construction.

En 1936, Oran s'est classé, au point de vue du tonnage des


marchandises débarquées,
embarquées et au huitième rang des
ports français1, après Marseille, Rouen, Le Havre, Dunkerque,
Bordeaux, Alger, Nantes-Saint-Nazaire. Il y avait recul par rap
port aux chiffres de la période 1928-1932 inclus, particulièrement

de ceux de l'année 1929, considérée comme celle du maximum

atteint, aussi bien à Alger qu'à Oran, à ceux de 1936. La baisse


enregistrée était toute proche de 1.300.000 tonnes, soit de 34 %.
L'année 1937 marque un léger relèvement. Ne faut-il pas voir dans

1927 .... . . . 1.351.392 t. 1.382.376 t. 1933 1.384.390 t. 1.299.229 t


1928 .... . . . 1.861.618 t. 1.740.153 t. %Z4 1.472.171 t 1.274.166-
1.
1929 .... . . . 1.899.766 t. 1.905.482 t. 1935 1.546.726 t. 1.317.369 t.
1930 .... . . . 1.775.183 t. 1.658.472 t. 1936 1.338.654 t. 1.181.554 t.
1931 .... . . . 1.750.167 t. 1.891.643 t. 1937 1.401.546 t. 1.214.994 t.
1932 .... . . . 1.515.922 t. 1.462.061 t.
1. Tonnages métriques comparés des ports français en 1936 (P. et Ch. Statis
tique. Port d'Alger, 1937) :

Marseille 9.251.319 tonnes Alger 3.462.884 tonnes


Rouen 8.002.404 Nantes

et Annexe.
Le Havre 5.575.681 Saint-Nazaire 3.420.535

Dunkerque 4.600.088 —
Oran 2.661.606 —

Bordeaux 4.302.201 —

Les résultats de l'année 1937 conservent sa place à Oran.


LE PORT D'ORAN 367

ces vicissitudes un fait commun aux ports dont le trafic est avant

tout d'origine agricole, et ne peut se soutenir que par d'autres


fonctions, telles la relâche, l'exportation des minerais, ou l'im
que

portation des matières premières nécessairesà l'industrie ? Or, tous


les ports français qui occupent les premiers rangs, avant Oran, et
en Algérie, Alger même, ont pu disposer, à l'heure des crises af

fectant l'agriculture, de ces ressources dont était privé Oran, à


l'exception de la première, si fortement atteinte dans les dernières
années.

Au premier rang des matières exportées, qui dépassent, nous

l'avons vu, les importations, figurent les vins et les céréales. Ils ont
compté, dans les quinze dernières années, pour une moyenne
annuelle de 66 % du total, et en 1935, pour plus de 76 %, si l'on
en retranche du moins la houille que l'on doit considérer évidem
ment comme un produit de réexportation, à mettre à part dans une

revue de ce genre1.

Les vins et les alcools représentent un des éléments les plus

stables de ce trafic. Depuis le début du siècle, les expéditions en ont

suivi une remarquable progression, accélérée sensiblement dans les


deux dernières 1930-
périodes quinquennales, de 1925-1930 et de

1. Aussi la réservons-nous pour l'étude de la relâche. Matière très pondé-

reuse, elle occupe le premier rang parmi les produits exportés d'Oran depuis 1909;
elle n'a pas cessé de le conserver dans la suite. Les chiffres des céréales et des
vins réunis ont été les suivants :

1900 221.818 tonnes sur 357.388 (moins la houille)


1910 343.143 —
510.735 —

1920 136.460 —
327.858 —

1925 423.210 —
562.912 —

1930 640.886 —
960.597 —

1931 580.039 —
848.855 —

1932 664.515 —
869.600 —

1933 684.798 —
844.186 —

1934 645.364 —
873.192 —

1935 752.626 —
987.671 —

1936 616.639 —
927.827 —
368 LA VIE ECONOMIQUE

1935 ^ De l'une à l'autre, le gain a été dede 250.000 tonnes,


plus

malgré toutes les restrictions imposées à l'exportation et en dépit


de la crise qui s'en est suivie. Les plantations avaient été, en Oranie

particulièrement, tellement multipliées 2, les limitations, ni


que ni

les interdictions édictées par le législateur à la demande des vigne


rons du Midi de la France, ni le blocage des récoltes, ni la distil
lation rendue obligatoire en certains cas, n'ont pu empêcher d'ar
river sur les quais des quantités inconnues jusqu'alors.

Oran est le
d'expédition principal, sinon toujours exclusif,
port

de son arrondissement, de ceux de Tlemcen et de Sidi-bel-Abbès.


Ceux de Mostaganem et de Mascara tendent de plus en plus à lui
échapper, et les affaires même sont aujourd'hui de plus en plus

traitées dans la première de ces deux places. Il faut dire que la


qualité des vins expédiés se distingue en général par un degré
alcoolique élevé, même dans ceux qui proviennent des plaines. La
zone littorale d'Arzeu et de Saint-Cloud fournit des vins précoces

du milieu d'août précieux pour rafraîchir les vins stockés des récol

tes précédentes. Les régions d'Oran et de Sidi-bel-Abbès livrent des


vins du type « coteau ». Le vignoble d'Aïn-Témouchent, installé sur

des terres de premier choix, et qui, à lui seul, représente près de


l/7e
du total de l'Algérie, est renommé pour la richesse en alcool

de ses produits, particulièrement recherchés pour le coupage.

Dans les environs de Tlemcen, à Mansourah par exemple, on récolte

des vins « de montagne » de quSité supérieure à tous égards ;


15°
certains vins blancs titrent plus de D'autre part les exporta

tions de mistelles, de frais à


moûts raisin mutés l'alcool, viennent

s'ajouter à celles des vins proprement dits. Enfin, la distillation pour

1. Ponts et Chaussées. Statistique, 1936, p. 61.


Vins et eaux-de-vie ; exportations du port d'Oran :
1925 .. 270.651t. 1928 .. 244.429 t. 1931 .. 480.318 t. 1934 .. 534.888 t.
1926 335.5351 1929 338.884 t. 1932 550.910 t. 1935
.. ..
..
.. 646.625 t.
1927 193.167 t. 1930 451.857 t. 1933 618.028 t. 1936
.. ..
..
.. 525.764 t.
2. R. Lespès. Pour comprendre l'Algérie, Alger, 1937, p. 58. De 1930 à 1934,
elles sont passées de 125.000 hectares à plus 230.000.
LE PORT D'ORAN 369

la fabrication de l'alcool a pris aussi un développement nouveau,


depuis qu'elle a été imposée par la loi, comme moyen de résorber

les excédents de récolte et d'assainir le marché ; les quantités expé

diées qui, avant la guerre n'atteignaient même pas toujours la


moyenne annuelle de 20.000 hectolitres 1, ont dépassé, en 1935,
327.000 hl., après une moyenne quinquennale de 130.000. Il se

trouve ainsi que, pour le premier des produits qui alimentent ses

exportations, le port d'Oran est directement intéressé à l'appli


cation sévère et suivie de cette politique de la qualité que les
techniciens de la production et du commerce travaillent décidément

et fort heureusement —
à faire désormais prévaloir.

Il est devenu actuellement et d'une manière incontestable, le


principal port d'embarquement des vins d'Algérie, tout comme

son département en est devenu le premier producteur2.

Les céréales, blé tendre, blé dur, orge, avoine et les farines,
ont toujours apporté au trafic d'exportation du port d'Oran une

contribution qui, après avoir été la principale de l'agriculture, dans


l'Algérie de l'Ouest n'est passée au second rang qu'après l'avène
ment de l'ère viticole, c'est-à-dire vers 1885-1890. Mais il s'agit ici
d'un élément essentiellement variable selon les années et, plus
fortement atteint par les crises que les vins. Il suffit de comparer
les chiffres des expéditions, depuis le début du siècle par exemple 3,

1. En 1913, elles ont été de 18.409 pour tous les ports du département (Ch. de
Comm. Situation, 1914).
2. Annuaire Statistique de l'Algérie, 1935. Production comparée des trois
départements :

Oran : 10.926.130 hect. ; Alger : 9.173.512 hect. ; Constantine : 1.943.126 hect.


Exportations comparées : (Ch. de Com., Doc. Stat., 1937, p. 24) .

Oran : 6.093.074 hect. ; Alger : 4.078.908 hect. ; Constantine : 610.639 hect.


3. Exportations des céréales et farines du port d'Oran (P. et Ch., Statistique,
1936).

1900 . 124.656 1. 1912 . 83.853 1. 1930 . 189.029 t. 1935 . 106.001t.


1903 . 67.478 1. 1913 . 140.822 1. 1931 . 99.721 1. 1936 . 90.875 1.
1905 . 87.737 1. 1920 . 28.571 1. 1932 . 113.605 1.
1908 . 102.703 1. 1923 . 169.940 t. 1933 . 66.770 t.
1910 . 141.712 t. 1926 . 47.878 t. 1934 . 110.476 1.
370 LA VIE ECONOMIQUE

pour en être facilement convaincu ; la courbe se distingue par son

allure capricieuse, traduisant bien celle du climat, dans ce pays où

la Steppe et le Tell considéré comme seul propre à la culture se

pénètrent aussi profondément jusqu'au voisinage même de la mer i.


Les variations des exportations qui reflètent les caprices des récol

tes, accusent d'une année à l'autre des différences qui peuvent at

teindre plusieurs centaines de mille quintaux.

Oran est certainement le premier port céréaliste de l'Algérie ;


Philippeville seul peut entrer en concurrence avec lui, sans d'ail

leurs pouvoir lui nuire. Il l'a même dépassé plusieurs fois dans les
toutes dernières années. En 1935, il y a été expédié 115.368 tonnes
de grains, dont 94.702 de blé, alors que dans le port de l'Ouest le
total était de 106.000 tonnes seulement. Du moins, Oran travaille
à maintenir sa suprématie en facilitant l'arrivée sur ses quais, l'en-
magasinage et les manipulations des grains. Son silo à céréales 2 va

être incessamment complété par un autre construit par coopéra

tion. La Chambre de Commerce a fait en outre à ses frais l'acqui


sition de 20 trucks destinés à charger, pour les amener à la voie

normale du port les wagons à voie métrique du réseau oranais, et

particulièrement à effectuer la jonction des voies ferrées normales

desservant le silo d'Oran avec celles des régions voisines aux

quelles sont reliés les autres docks de ce genre 3.

Oran est le principal port exAditeur d'alfa de l'Algérie ; son

département est aussi celui qui renferme les surfaces les plus vastes

couvertes de cette graminée steppienne 4. En 1936, sur 1.859.995


quintaux récoltés sur toute l'étendue de la colonie, l'Oranie en a

produit à elle seule 1.485.094, dont l'exportation a été partagée entre


les ports d'Oran (831.667 qx), d'Arzeu (496.485 qx) et de Nemours
(159.942 qx). Si l'on compare avec ces chiffres ceux des années an-

1. Sur le coefficient de variabilité de la pluviométrie, 29.


voir plus haut, p.
2. Voir plus haut, p. 345.
3. Ch. de Com. Exposé des travaux. Année
1935, p. 296-299.
4. 2.600.000 hectares sur environ 4.000.000.
LE PORT D'ORAN 371

térieures \ on constate que les quantités embarquées dans le pre

mier, après avoir baisse à deux reprises, depuis 1880,


accusé une

d'abord au lendemain des troubles du Sud-Oranais et du massacre


des alfatiers en 1881, puis une seconde fois à l'époque de la grande
guerre, de 1910 à 1920, se sont fortement relevées, pour se maintenir
aux environs du taux actuel. Il s'agit donc ici d'un élément du
trafic, sinon invariable, du moins assuré.

On ne saurait en dire autant du crin végétal, dont les exporta

tions par Oran ont sensiblement dépassé depuis le début du siècle

celles du port d'Alger, mais en se limitant à un maximum moyen

d'environ 300.000 qx jusqu'en 1913 2. Dans la suite, la guerre, par

la perte des meilleurs clients, l'Allemagne en tête, a porté à ce com

merce une atteinte sérieuse ; en 1918, les quantités expédiées descen


daient au chiffre de 46.219 quintaux. Elles se sont redressées depuis,
mais sans retrouver leur niveau antérieur. C'est un fait avéré, que

les peuplements de l'Algérie centrale ayant été ravagés, ceux des


plaines basses et des hautes plaines de l'Oranie ont été de plus en
plus mis à contribution pour ahmenter les usines peignant les fibres
du palmier-nain ; en outre, ils ont dû reculer progressivement de
vant les cultures et les plantations des colons, et ont été peu à peu

cantonnés dans les régions hautes et au voisinage de la frontière

1. P. Delorme. Le commerce algérien. Alger, 1906, I, p. 485 et Stat. gén. de


l'Algérie. Exportations d'alfa par les ports d'Oran et d'Arzeu.

Oran Arzeu Oran Arzeu

1882 516.380 qx 209.050 qx 1930 629.203 qx 427.907 qx

1884 557.010 246.120 1931 651.886 402.489


1886 588.080 155.520 1932 750.945 322.128
1895 453.880 228.070 1934 804.190 »

1900 587.290 248.450 1935 590.684 426.298


1910 350.440 » 1936 831.667 496.485

Le port de Nemours, qui a déjà sensiblement progressé, est appelé à aug


menter encore ses exportations. En 1885. il expédiait 17.940 qx ; or en 1936,
il a atteint tout près de 160.000, à la suite de l'ouverture de la ligne de Marnia.
2. Oran en a exporté 193.780 qx en 1900, 320.640 qx en 1910, 518.040 en 1913.
372 LA VIE ECONOMIQUE

du Maroc oriental. C'est là que se trouvent aujourd'hui les princi

pales réserves, dont les ports voisins, Nemours et Beni-Saf, sont

appelés à assurer de plus en plus une partie importante de l'expor


tation. Le premier est particulièrement bien placé pour participer

à ce trafic. Oran ne figurait,


1936, en que pour 45.880 qx, sur 120.100
expédiés par le département ; Beni-Saf, pour 37.589 et Nemours
pour 22.674 i.
Parmi les autres matières végétales, que l'on ne saurait énumé-

rer toutes ici, il en est qui méritent une mention spéciale ; considé

rées en bloc, elles ont compté, en 1936, pour plus de 660.000 quin

taux2. Ce les semoules, les légumes secs, fèves, pois, haricots


sont

et lentilles, les fruits frais et confits (olives notamment), et les pri

meurs qui tiennent une place si importante dans la culture algé

rienne, et dont la production comme l'exportation tendent à aug


menter. Oran expédie des quantités croissantes d'agrumes, oranges,
mandarines, clémentines et citrons, provenant des jardins de Mis
serghin et Bou-Tlélis, de Tlemcen, de Saint-Denis-du-Sig et de Per
régaux3, ainsi que des légumes primeurs de la zone maraîchère lit-

1. Ch. de Corn. Doc. Stat. 1937, p. 28 et 57. Pour les années 1934-36, les expé

ditions ont été :

Départements : Oran Alger Constantine

1934 198.706 qx -
43.680 qx 244 qx

1935 120.101 1 33.192 »

1936 106.146 qx 32.736 qx »

Ports: Oran Beni-Saf Nemours

1934 113.156 qx » »
1935 56.509 29.627 qx 2.051 qx
1936 45.882 37.589 22.674
2. Doc. Stat. 1937, p. 55-57. Exactement 660.615 qx dont 178.926 pour les semou
les, 94.797 pour les légumes secs, les pois principalement, 133.129 pour les fruits
frais, les agrumes surtout (pour 128.000), 63.835 pour les olives confites (57.665)
et fraîches (4.020).
3. Exportations des agrumes : 1926, 55.993 ; 1927, 28.128 ; 1930, 36.827 ; 1931,
37.600 ; 1932, 33.811 ; 1935, 140.196 ; 1936, 128.001 quintaux.
LE PORT D'ORAN 373

torale, depuis Arzeu jusqu'à El-Ançor, Bou-Sfer, les Andalouses


et Aïn-el-Turk1 Ce genre de trafic, particulièrement rémunéra
teur, a fortement progressé depuis le début du siècle. En 1904, on
n'avait embarqué à Oran que 28.950 quintaux de fruits frais et

19.258 de légumes primeurs ; en 1913, les quantités correspondan

tes s'élevaient à 154.618 et 106.839 qx. Après être tombées, à la


suite de la guerre, à 35.425 et 32.121 en 1919, elles ont atteint, en

1936, 133.129 et 189.929 qx, c'est-à-dire plus de 32.000 tonnes. Indé


pendamment de la valeur de ces produits, ils constituent un fret
maritime qui n'est pas négligeable. L'utilisation des grands barra
ges nouvellement construits et les ressources précieuses qu'ils four
niront à l'irrigation doivent permettre une extension considérable

des cultures maraîchères et surtout fruitières, dont le commerce

d'exportation ne manquera pas de profiter 2.


Les produits de l'élevage figurent dans les statistiques des ex

portations du port d'Oran pour une part que l'on peut évaluer à
12.000 tonnes métriques en moyenne, dans les dernières années 3,
mais que l'on doit décomposer et soumettre à un autre mode d'ap
préciation, si l'on veut en donner une idée plus juste et plus pré-

1. Légumes primeurs exportés: 1934, 147.509 ; 1935, 149.557 ; 1936, 189.928 qx

(artichauts, petits pois surtout).

2. R. Lespès. Pour comprendre l'Algérie. Alger, 1937, p. 90. Nous ne mention


nons que pour mémoire les exportations de liège et d'écorces à tan que les statis
tiques des Ponts et Chaussées réunissent. Elles ont été en diminution depuis 1900 :

de 7.887 tonnes à cette date, elles sont tombées à 4.845 en 1910, à 1.253 en 1920,
à 726 en 1925, à 211 en 1930, à 170 en 1935, à 264 en 1936. Ce sont principalement

les écorces à tan qui ont un peu soutenu ces chiffres ; la production du liège
est très faible dans le département d'Oran. Quelques exportations ont été faites
dans les premières années du siècle. En 1936, les Documents statistiques du port
d'Oran ne mentionnent que 140 quintaux. Oran expédie des tabacs en feuille
(39 qx en 1936) et surtout des cigares et des cigarettes (86 qx). Les huiles
d'olive représentent environ 14.000 qx, les fourrages et la paille 7.000, le son plus

de 170.000.
3. Les statistiques des Ponts et Chaussées donnent des évaluations approxi

matives en poids : elles montrent que ce trafic est essentiellement variable :

10.000 tonnes, en chiffres ronds, en 1900, 27.000 en 1910, 19.000 en 1920, 12.000 en

1925, 14.000 en 1930, 7.000 en 1933, 10.000 en 1934, 10.162 en 1935.


374 LA VIE ECONOMIQUE

cise ; on pourra mieux se rendre compte de la nature et de la


valeur de ce trafic en distinguant les têtes de bétail et le poids des
produits animaux, des laines, des peaux et des cuirs, pour lesquels
Oran est un marché important de la colonie.

Sans s'attarder au gros bétail, aux bovins dont l'Algérie ne peut

expédier que bien réduites, on peut noter cependant


des quantités

que le Maroc, dans les premières années du siècle, en a été un im

portant fournisseur, et que ce commerce était pour une partie un

commerce de transit1. Il ne semble pas d'ailleurs qu'il soit appelé

dans un avenir prochain à un développement de quelque impor


tance. Il en est tout autrement de celui des moutons algériens.

Si, parmi les trois départements, celui d'Oran n'est pas le pre

mier pour le nombre des ovins, et s'il est dépassé, légèrement d'ail
leurs, par celui de Constantine 2, 1 n'en occupe pas moins ce rang
comme exportateur et cela depuis longtemps. Il faut dire que

les marchés du Maroc oriental y ont trouvé un débouché naturel

et y ont apporté une contribution, dont on ne saurait ni exagérer

ni sous-estimer la valeur. Elle a évidemment beaucoup varié, comme

la nature même de ce genre de trafic le comporte fatalement, sui-

exportations de bovins du port d'Oran ont été: en 1900, de 1.432 têtes;


1. Les
en 1910, de 7.664 ; en 1920, de 4.491 ; en 1923, de 14.957, et par contre de 84 en
1925, de 573 en 1930, pour se relever à 3^69 en 1932, 1.610 en 1933, 1.503 en 1934
et retomber à 76 en 1935. Les baeufs importés du Maroc ont atteint en 1900, en

1901, en 1902, en 1903, les de 18.150 têtes, 33.771, 12.176, 7.972,


nombres respectifs

alors que les exportations sur Marseille n'ont été que de 768, 4.761, 2.932, 5.237.

Il faut, en effet, tenir compte de la consommation algérienne, de l'utilisation des


animaux pour le travail en Algérie, et aussi des achats pour le ravitaillement des
colonnes, fréquentes dans les confins marocains à cette époque.
2. Annuaire Statistique de l'Algérie, 1935. Les chiffres donnés pour 1934 ont

été :

Départements : Oran Alger Constant]

Territoires du Nord . . . 1.332.091 994.967 1.912.582


Territoires du Sud 703.206 415.439 155.288

2.035.297 1.410.406 2.067.870


LE PORT D'ORAN 375

vant l'état du troupeau, les circonstances climatiques et économi


ques, auxquelles il faut ajouter aussi les circonstances politiques
fort troubles qui ont affecté à plusieurs reprises les confins de l'Al
gérie occidentale. Celles-ci ont amené une diminution sensible des
importations algériennes qui, de plus de 200.000 têtes au début du
siècle, sont tombées dans les années suivantes à environ 50.000 x
;
elles n'ont connu dans la suite qu'un redressement partiel, limité
par les mesures douanières prises par le Gouvernement Chérifien
depuis l'établissement du Protectorat2.

D'autre part, le cheptel même de la colonie a subi les varia


tions communes à ce genre d'élevage en pays semi-désertique, fluc

tuations que l'on travaille à restreindre, sans y réussir toujours ;


de là les écarts que l'on observe dans les chiffres de l'exportation,
sans d'ailleurs que le port d'Oran ait cessé de conserver sa préémi

nence, notamment sur Alger et les ports de l'Est3. Il partage ce

rôle avec Mostaganem surtout qui a vu le sien s'accroître, tandis


que celui d'Arzeu a complètement fléchi, jusqu'à l'arrêt presque

1. Ch. de Com. Situation mar. et commerciale, Oran, 1904-1919. En 1904, on


considérait la situation de ce commerce algéro-marocain, par le marché de Mar-
nia, comme précaire. Or les importations étaient de 190.378 têtes en 1903 ; en

1904, de 65.566 ; en 1905, de 54.213. Elles avaient atteint en 1900, le chiffre de


267.440 et en 1901, 290.419. Relevées de leur chute, elles atteignaient en 1910,
232.150 et en 1913, 147.230, pour retomber à 49.574 en 1915. Elles ont été très
variables depuis 1920 ; en 1934, de 81.044 ; en 1935, de 86.072. Le marché d'Oudjda

est devenu le principal.

du Maroc 1933, 32.771 1934, 49.750 ;


venant'

2. Oran a embarqué, : moutons ;

1935, 31.327 ; 1936, 25.099 ; 1937, 21.806.

3. Exportations de moutons d'Oran et de Mostaganem de 1920 à 1936 (P. et

Ch. Stat.) :

Oran Mostaganem Oran Mostaganem

1920 423.259 60.828 1932 172.090 157.005


1925 306.304 188.597 1933 170.700 125.215
1928 195.707 99.655 1934 238.531 111.406
1930 365.795 210.106 1935 254.069 107.757
1931 246.806 159.100 J936 268.337 198.846
376 LA VIE ECONOMIQUE

total des embarquements 1. Nemours, port algéro-marocain, parti

cipe au contraire depuis peu à ce trafic, qui peut lui apporter un

appoint de quelque importance. Oran conserve, en dépit de toutes


ces circonstances, sa supériorité, et nul doute que, si l'état du trou
peau algérien se rétablit d'une manière plus stable, grâce à toutes
les mesures qui sont prises à cet effet, il connaîtra de nouveau la
prospérité passée des dernières années du siècle précédent.

Les laines et les peaux, les principaux produits d'origine ani

male, ne représentent, comme on pouvait s'y attendre, qu'un ton

nage réduit, très variable selon la situation du cheptel, mais plus

intéressant par sa valeur que par son poids. Celui-ci a subi, depuis
1900, de fortes oscillations, de moins de 20.000 quintaux à plus de
60.000 2.

On ne peut parcourir le cycle des produits exportés par le port

d'Oran, du moins de ceux qui comptent pour leur tonnage métri

que, sans en mentionner encore quelques-uns, que les statistiques

des Ponts et Chaussées confondent sous la rubrique « divers »,


mais dont le total a varié suivant les années entre 60.000 et 200.000
tonnes ; on les estimait à 180.049 en 1936. Les matières minérales

1. Arzeu a embarqué, en 1908, 146.615 moutons ; en 1909, 134.863. Nemours a


expédié, en 1935, 27.381, dont 25.600 venusxdu Maroc ; en 1936, 38.465 dont 37.401
de cette origine ; en 1937, 12.680 tous ma^>cains.

2. Les statistiques des Ponts et Chaussées, qui groupent ces deux sortes de
produits donnent les chiffres suivants, en tonnes :

1900.... 3.400 t. 1925.... 3.928 t. 1929.... 3.336 t. 1933.... 2.159 t.


1910 .... 4.520 1. 1926 .... 5.940 1. 1930 .... 3.755 1. 1934 .... 1.757 1.
1920.... 1.139 t. 1927.... 4.868 t. 1931.... 2.714 t. 1935.... 2.202 t.
1923.... 4.520 t. 1928.... 4.376 t. 1932.... 1.903 t. 1936... 3.677 t.

Des variations analogues pouvaient être observées dans les années antérieu
res et dans la période d'avant-guerre :

1895 2.058 1. 1903 4.774 1. 1907 5.404 1.


....
... .
... .
1911 .... 4.833 1.
1898.... 3.720t. 1904.... 3.856t. 1908.... 3.945t. 1912.... 2883t
1899 1.104 1. 1905 4.555 1. 1909
... .
... .
.... 5.855 1. 1913 .... 3.956 t.
PLANCHE XV

fÊÊ^^u*''rt4!yiS
Le port a la veille de la guerre. Cliché de l'Ofalac.
Au premierplan, le môle de la Cie Transatlantique et à D., le vieux
port; en arrière, le bassin Aucour et les docks de la Chambre de Com
merce; plus loin, le môle Jules Giraud, la cale de halage, le fort Sainte
Thérèse, puis le bassin du Maroc avec le môle des Hauts Fonds, la baie
Sainte Thérèse et les falaises de Gambetta.

Le fort de Sainte Thérèse avant le dérasement. Cliché de l'Ofalac.


A D., le tunnel du chemin de fer d'Oran-Marine à Karguentah.
LE PORT D'ORAN 377

seules en ont représenté plus de 16.000, dont 10.500 environ re


viennent au Kieselguhr. C'est à vrai dire, à l'heure actuelle, le seul
minerai qui soit exporté par Oran. Cette sihce diatomée ou « terre
d'infusoires », particulièrement recherchée par l'industrie, pour le
polissage, la fabrication des fours céramiques et électriques, la fixa
tion des explosifs tels que la
dynamite, est extraite des gisements
de Ouillis (près de Saint-Denis-du-Sig) de Saint-Lucien et de ,

Cassaigne (Dahra). L'exploitation n'a cessé de progresser depuis


1920 !. Il ne semble pas que d'autres possibilités, au point de vue

minier, puissent être envisagées d'ici longtemps. Les mines de fer


de Kristel (Djebel Orous) qui, pendant quelques années après 1882,
expédièrent leur minerai sur Oran par des balancelles, avant de le
faire sortir par Arzeu, ont cessé d'être exploitées 2. Le manganèse

marocain de Bou-Arfa a été détourné sur Nemours 3 où les conven

tions entre l'Algérie et le Protectorat en ont fixé le débouché ; la


ligne de Marnia à Aïn-Témouchent par laquelle on aurait pu lé
diriger sur Oran est restée à l'état de projet. On peut d'ailleurs ré

connaître que les terre-pleins du port ont été, depuis longtemps,


considérés comme insuffisants pour se prêter au trafic massif des
minerais, qui réclame des espaces et des installations spéciales.

En ce qui concerne particulièrement les laines, la même instabilité apparaît

nettement :

1926 ... 9.766 qx 1930 ... 37.554 qx 1932 ... 11.666 qx 1935 ... 14.811
1927 ... 40.905 1931 ... 19.758 1934 ... 12.602 qx 1936 ... 30.106

1. Exportations du Kieselguhr : En 1921, 16.000 quintaux ; en 1926, 32.912 ; en

1932, 75.791 ; en 1935, 97.041 ; en 1936, 102.648 (Ch. de Com., Exposé des Travaux
et Doc. Stat).

2. D. Dussert et G. Bétier. Les mines et les carrières en Algérie, Paris, 1931,


p. 165 (Collect. du Centenaire). Le minerai fut d'abord amené à la mer par un

câble aérien de 1 kil. 500 ; puis en 1905 la Société Minière Franco -Africaine relia
la carrière à la Station de Saint-Cloud d'où le minerai était acheminé sur Arzeu.
De 1905 à 1914, date où cessa toute exploitation, on extraya 555.049 tonnes.

3. On en a expédié sur Oran, en 1935, 37.633 t. et en 1936, 920 t. seulement.

On espère que dans un avenir prochain 400.000 t. en pourront être dirigées


annuellement sur Nemours relié par la voie ferrée à Marnia et de là à la mine.
378 LA VIE ECONOMIQUE

Les importations du port d'Oran sont celles d'une grande ville,


capitale et marché de redistribution régionaux d'un pays pour ainsi

dire dépourvu d'industrie et obligé de faire venir d'outre-mer la


plupart des objets fabriqués. Fréquenté par les navires qui les ap
portent et par ceux qui embarquent les produits de l'arrière-pays,
il l'est aussi par d'autres qui font seulement escale pour se ravi

tailler en combustibles, qu'il est dans la nécessité d'importer du


dehors. Cette dernière fonction sera étudiée à part, sans oublier

cependant de rappeler ici que, dans le tonnage métrique des entrées

aussi bien que des sorties, la houille et les huiles minérales figurent
au premier rang.

Si l'on en fait le moment, les matières les plus


abstraction pour

pondéreuses de l'importation
les matériaux de construction,
sont

pierres, marbres, bois, tuiles, plâtre, ciments et chaux hydrauli


que 1, dont la demande est proportionnée à l'activité de la construc

tion. Elle était passée dans les dernières années du siècle précédent

et celles qui précédèrent la guerre, entre 1895 et 1913, de 34.777 1


à 107.877 t. Après l'arrêt qui se produisit pendant cinq ans, et qui

fit tomber cette importation à 12.942 1, il y a eu un relèvement sen


sible et une progression jusqu'à la toute dernière crise : la moyenne

de la période 1930-1934 a été de 180.175 t, précédant une chute su-

1. Les statistiques des Ponts et Chlussées distinguent les « bois » qui sont
presque exclusivement destinés à la construction et les «matériaux de cons
truction ». On peut les réunir ici.

Importations des bois Imp. des autres matériaux Totaux

1895 20.685 tonnes 14.092 tonnes 34.777 tonnes


1900 26.578 —

29.493 —

56.071 —

1905 29.571 -

40.832 -

70.403 —

WW 17.562 -

51.589 _

69.151 —

1913 16.004 -

91.873 —
107.877 —
LE PORT D'ORAN 379

bite de près de 115.000 1. 1. C'est la traduction exacte des vicissitudes

qu'a subies l'industrie du bâtiment en Oranie, comme dans toute


l'Algérie, en plein essor avant 1914, paralysée pendant la guerre,
réveillée et vigoureusement poussée depuis 1929, puis ralentie de
nouveau par le resserrement des capitaux et la prudence de l'en
treprise devant la rapide variation et la hausse des prix.

Ce n'est pas le seul cas permettant de vérifier les incidences de


la situation économique, régionale ou même algérienne en général,
sur le mouvement des importations. Parmi les denrées alimentai

res, dont le tonnage métrique global se place après celui des maté

riaux, il y en a, comme les denrées coloniales, que l'Algérie ne sau

rait produire, mais qu'elle consomme en grandes quantités2, telles


que les sucres, le café, le thé, le cacao, les épices ; l'augmentation
de la population, et par suite de la consommation, suffirait à expli
quer les progrès de l'importation, sans même que l'on ait recours

aux améliorations cependant indéniables de l'alimentation. Mais il


n'en va plus de même les céréales, dont l'entrée massive est
pour

le signe d'un déficit des récoltes et d'un affaiblissement de la pro


duction. Oran en est d'ailleurs la porte d'entrée, non seulement

pour l'Oranie, mais pour la région centrale et le département d'Al


ger même, les transactions se faisant souvent par cette place de
commerce. De là, comme dans le rendement du sol ensemencé, des

1. 1918 1.626 tonnes 11.316 tonnes 12.942 tonnes


1920 29.861 —
27.897 —
56.051 —

1925 32.569 —
41.494 —
74.063 —

1930 44.841 —
103.565 —
148.406 —

1933 97.724 —
134.892 —
232.616 —

1934 43.565 —
139.488 —
183.053 —

1935 31.070 —
86.902 —
117.972 —

2. Ch. de Com., Documents Statistiques, 1937. En 1936, il a été importé à Oran


272.807 quintaux de sucre, 51.054 quintaux de café, 7.912 quintaux de cacao et

chocolat, 7.428 quintaux de thé. On pourrait y ajouter le riz qui figure à cette

date pour 75.380 quintaux, et dont la consommation tend à augmenter. Toutes


ces denrées coloniales et quelques épices ne représentaient pas moins de 418.765
quintaux. Or, en 1926, le total correspondant était de 279.567 quintaux, dont
205.076 pour le sucre, 29.981 pour le café, 4.914 pour le thé et 24.018 pour le riz.
380 LA VIE ECONOMIQUE

variations qui affectent particulièrement cet variations que


article,
les chiffres révèlent d'une manière évidente ; car ils correspondent

parfois avec quelques retardements, à la diminution des exporta

tions.

Par exemple, les récoltes de l'Oranie ont été notablement défi


l
citaires en 1920, en 1926 et 1927 ; les importations de denrées ali

mentaires ont de ce fait accusé une progression subite, qui s'est

chiffrée respectivement de 1.390.000 quintaux, de 207.000


par près

et de plus de 780.000. En 1931, une diminution d'environ 500.000


qx dans les récoltes de céréales du département, accompagnée d'une
chute brutale dans celui d'Alger2, a eu pour effet de faire monter

les importations du port d'Oran de plus de 480.000. Ce balancement


et ces compensations sont des faits communs.

A côté de ces denrées, les importations de beurre, de fromages,


de conserves de fruits, de viandes ou de poisson qui sont beaucoup
moins variables3, témoignent de l'insuffisance constante des pro

duits animaux provenant de l'élevage, comme aussi d'une utilisa

tion incomplète et trop néghgée des ressources du pays. Comme


matières alimentaires, Oran reçoit également des fruits frais, au

1. Ch. de Com., Doc. Stat., 1937, p. 23. On s'en aperçut notamment aux expor

tations. Or voici, pour le département d'Oran, les chiffres de sorties :

1919.. 3.423.132 qx 1925.. 2.070.701 qx» 1928.. 2.419.113 qx 1931.. 1.514.145 qx

1920.. 521.347 1926.. 603.097 1 1930.. 3.356.232 L932.. 2.178.504


1921.. 2.569.965 1927.. 611.561

En 1920 et 1931, la chute des exportations d'Alger a été de 404.663 qx et de


2.042.207 qx.

2. En compensation les chiffres des importations de céréales au port d'Oran


ont fait monter ceux des denrées alimentaires de la manière suivante :

1919.. 554.700 qx 1925.. 411.240 qx 1928.. 694.200 qx 1931.. 1.231.920 qx


1920.. 1.908.000 1926.. 722.780 1930.. 745.410 1932.. 1.272.760
1922.. 470.550 1927.. 1.069.100

3.Les quantités en ont d'ailleurs sensiblement augmenté dans les dernières


années. En 1926, 28.600 qx pour les viandes, beurres, fromages, fromages et lait,
en 1927, 35.641 qx ; en 1930, 58.685 qx
poissons ; ; en 1931, 66.250 qx ; en 1932,
59.222 qx ; en 1934, 63.232 qx ; en 1935, 59.476 qx ; en 1936, 59.350 qx.
LE PORT D'ORAN 381

premier rang desquels on doit mentionner les dattes et les bana


nes !, du riz, des pommes de terre, des légumes frais et secs, des
huiles végétales, surtout d'arachide, des vins fins et de liqueurs,
des eaux-de-vie, des liqueurs, de la bière, des eaux minérales. Plu
sieurs de ces produits, dont quelques-uns peuvent être considérés

comme des denrées de choix, de luxe même, témoignent, en cer


taines années, par la progression ou les restrictions de la demande,
de la prospérité économique du pays ou inversement.

On peut en dire autant des fabrications et de quelques articles

notamment dont l'importation est un des indices les moins contes

tables que puisse révéler l'examen des douanières ; il


statistiques

l'est encore moins si, au lieu de s'en tenir à la comparaison des

poids, on se réfère aux estimations en valeur, quelque approxima

tives qu'elles puissent être. Il en est ainsi par exemple pour les
engrais et des produits chimiques utilisés par les colons ; le mou

vement de ces entrées peut être pris comme critérium de l'acti


vité agricole en Oranie, où ils ont d'ailleurs concouru à une culture

plus rationnelle et plus productive. On constatait, en 1913 2, que


l'importation des engrais chimiques et minéraux, évaluée à 18.232

tonnes, était en recul de 4.720 1 sur celle de l'année précédente,


par suite de l'installation près d'Oran d'une puissante usine fabri

quant des superphosphates de chaux. Elle était cependant déjà en

progrès très sensible par rapport à celle des premières années du


siècle, où les quantités débarquées n'atteignaient même pas 1.350
der-
tonnes pour tous les ports de l'Oranie réunis. Or, dans les

1. En 1936, Oran a importé par mer 19.945 qx de bananes et 26.563 qx de


dattes. Les fruits américains, poires et pommes, en augmentation, représentaient

8.224 quintaux.

2. Ch. de Com. Situation commerciale, p. 85. On peut dater les premières

importations d'engrais chimiques, jusqu'alors fort peu demandées ;


appréciables

elles surgirent brusquement en 1907 (13.202 qx). La notice de la Chambre de


Commerce d'Oran (Situation maritime, etc., o. c, 1908, p. 55) en donnait l'ex
plication. « Sur plusieurs points, et notamment à Bel-Abbès, nos colons ont
commencé de faire usage des engrais et nous croyons que les résultats obtenus

ont répondu à toutes leurs espérances. »


382 LA VIE ECONOMIQUE

nières années 1, après avoir dépassé à Oran seulement, et malgré la


production locale, le chiffre de 28.000 tonnes en 1931, les importa

tions sont tombées, en 1935, à 17.824 tonnes et en 1936, à 13.261.


On peut en chercher la raison principale dans la crise agricole qui

a déterminé la mévente, le stockage et la restriction des cultures.

Il en est de même pour les machines agricoles, dont l'introduc


tion varie suivant la situation plus ou moins prospère des exploi

tations : de 28.368 quintaux en 1926, elle est tombée à 6.832 en 1935.


Les importations d'automobiles subissent des fluctuations analo

gues ; c'est un fait avéré en Algérie que le sens de leur mouvement

indique mieux que tout autre, celui de la capacité d'achat, fonction


elle-même de la situation agricole. C'est ainsi que l'on a pu obser

ver, depuis le lendemain de la guerre, après une demande crois


sante, des hausses et des baisses correspondant aux alternatives de
prospérité ou de crises 2. Le tonnage métrique, après avoir atteint

en 1930, 54.223 quintaux, en est tombé en 1936, à 26.547.


On ne peut passer en revue ici tous les autres articles de l'im
portation du port d'Oran ; il nous a suffi de mentionner les plus

lourds. D'autres, comme les tissus


les vêtements, les modes, laet

lingerie, la bijouterie, la parfumerie, les articles de Paris, que leur

valeur classe au premier


rang, n'ont au point de vue du poids,
qu'une importance secondaire 3^Seuls, en dehors de ceux que nous

avons cités, les outils, les mécaniques diverses et beaucoup « d'ou-

1. Ch. de Exposé des travaux, 1926-1932 et Doc. Stat., 1933-1936. Impor


com.

tations d'engrais 1926, 11.216 t. ; 1927, 16.430 t. ; 1931, 28.070 t. ; 1932, 25.592 t. ;
:

1934, 17.972 t. ; 1935, 17.824 t. ; 1936, 13.261 t.

2. Importation des automobiles au port d'Oran (en poids) :

1925 22.429 qx 1931 52.477 qx 1935 23.267 qx


1927 21.661 1932 39.023 1936 26.547
1930 54.223 1934 40.213
3. Les statistiques des Ponts Chaussées qui groupent les tissus et les papiers
et

montrent que les quantités importées ont augmenté dans les dernières années :
1920-1925, moyenne annuelle de 10.594 tonnes; 1925-1930, 13.035; 1930-1935,
15.453.
LE PORT D'ORAN 383

vrages en métaux », ainsi que les dénomment les statistiques des


Douanes, les papiers 1, les verreries et les produits chimiques, peu

vent constituer un fret de quelque importance 2.

C. —

ORAN, PORT DE RELACHE

Dans le tonnage métrique des produits exportés ou importés par

le port d'Oran, la houille et les combustibles liquides occupent la


première place, depuis qu'il est devenu un port de relâche, où les
navires s'arrêtent pour ravitailler leurs soutes et leurs réservoirs.

Le développement pris par cette fonction depuis les premières an

nées du siècle mérite qu'on l'étudié à part, qu'on en recherche les


origines, qu'on essaie d'en mesurer l'importance, d'en suivre l'évo
lution, et d'entrevoir, à travers l'histoire des dernières années, les
perspectives pour l'avenir.

C'est plutôt tardivement qu'Oran est devenu un port d'escale


sur les grandes lignes de la navigation méditerranéenne et mondiale.

Si, depuis 1898, la houille avait définitivement dépassé par son ton
nage les autreséléments du trafic d'importation, en raison des be
soins croissants de la consommation locale et régionale, il n'en
était pas de même à l'exportation, où les vins, les céréales, l'alfa
même conservaient le premier rang. On notait cependant, dès 1896,
quelques fournitures qui, depuis 1900, allaient en pro
aux navires

gressant jusqu'à être doublées entre cette date et 1904, plus que

triplées en 1905 3. L'impulsion était donnée et, depuis 1909, le char


bon dépassait définitivement par son tonnage métrique, aux sorties

comme aux entrées, tous les autres articles du trafic, y compris les

1. A lui seul cet article représentait, en 1936, 84.700 qx, alors que les quan

tités étaient de 56.060 1926, de 71.562 en 1930, de 84.848 en 1935.


qx en

2. Les « articles en métaux » qui étaient évalués en 1900 à environ 11.000 t.,
.

figuraient pour 15.500 en 1936 ; une foule d'autres articles réunis sous la rubrique
« divers » étaient passés de 75.000 t. environ à 194.400 t.
3. Ch. de Com. Situation, o. c, 1906, p. 16.
384 LA VIE ECONOMIQUE

vinsl. On commençait à s'en inquiéter à Alger, tandis qu'à Oran,


on déclarait : « Les nouveaux travaux réalisés au port et les dispo
sitions adoptées par les entreprises de charbonnage permettent d'es
pérer un nouveau et important développement de cette branche du
trafic de notre port 2. » En 1911, le nombre des navires relâcheurs

avait été si considérable et l'accroissement si rapide (1.084 au heu


de 572 en 1910) que les fournisseurs de charbon avaient estimé in
suffisants pour un trafic supérieur la nappe d'eau de l'ancien port

et les emplacements mis à leur disposition pour le stockage3. Le


maximum possible pour ces opérations leur paraissait atteint, et

ils avaient eux-mêmes demandé à leurs contractants de limiter le


nombre de leurs navires jusqu'au jour où l'achèvement des tra
vaux en cours au port d'Oran leur permettrait de donner au char

bonnage une ampleur nouvelle.

1. Importations et exportations de la houille au port d'Oran, de 1895 à 1913.

Importations Exportations Importations Exportations

1895 61.426 t. » 1905 .... ... 174.692 t. 90.915 t.


1896 40.111 1. 10.129 1. 1906 .... . . . 171.697 1. 105.217 1.
1897 50.949 t. 1.136 1. 1907 .... . . . 210.717 1. 145.284 t.
1898 75.084 t. 767 t. 1908 .... . . . 260.957 1. 200.956 1.
1899 46.205 1. 773 t. 1909 .... . . . 250.016 1. 201.222 1.
1900 47.296 1. 28.430 t. 1910 .... . . . 338.884 1. 224.200 1.
1901
1902
56.408 1.
97.416 1.
»

49.481 1.
1 1911
1912
.... ... 430.917 t. 343.126 1.
.... . . . 378.617 1. 291.187 1.
1903 65.392 1. » 1913 .... . . . 460.303 1. 321.668 t.
1904 126.946 t. 55.120 t.

2. Ch. de Com. Situation, o. c, 1914, p. 80.

3. Idem, 1913, p. 10-17. Il avait été fourni aux relâchsurs environ 120.000 t de
charbon de plus que l'année précédente ; il fallut le mouvement, ainsi
ralentir
que le montrent les chiffres des exportations de l'année 1912. La Chambre de
Commerce portait d'ailleurs un intérêt particulier au développement de ces opé
rations, qui offraient «l'avantage d'utiliser une main-d'œuvre importante et de
conserver une certaine activité au
port, lorsque, par suite de circonstances for
tuites, le fret que donnent les produits de l'agriculture et de la viticulture fait
défaut. » Elles occupaient un minimum de place : en 1912, 600.000 t. de charbon
PLANCHE XVI

Les quais au moment de la campagne des grains, antérieurement à la cons

truction du silo de la Chambre de Commerce.


Photo Liick.

du blé dans la poussière et l'encombrement


Le travail a la main ; triage

des sacs amoncelés.


Photo Luck.
LE PORT D'ORAN 385

A la veille de la guerre, Alger conservait encore une supério

rité incontestée 1 qui ne paraissait pas devoir lui être enlevée de


sitôt ; en fait, Oran se trouvait en retard de dix ans ; les quantités

importées et exportées étaient approximativement celles que le port

de la capitale avait débarquées ou embarquées entre 1902 et 1903 2.


Mais il apparaît bien que l'on avait mieux compris dans le port

de l'Ouest l'importance que l'outillage et l'équipement des terre-

pleins pouvaient avoir dans la lutte future entre les ports char

bonniers concurrents3. Si l'on faisait seulement état de la position

de soute avaient été manipulées sur un emplacement de moins de 4.000 mètres


carrés.

Mouvement des relâcheurs entrés au port d'Oran de 1904 à 1913 et quantités

de charbon délivrées :

Nombre de Quantités Nombre de Quantités


relâcheurs délivrées relâcheurs délivrées

1904 178 35.000 t. 1909 336 180.000 t.


1905 .185 65.000 t. 1910 572 210.000 t.
1906 221 80.000 t. 1911 1.084 373.784 t.
1907 341 125.000 t. 1812 763 297.125 t.
1908 t 389 180.000 t. 1913 593 335.339 t.

(Ch. de Com., Situation, o. c, 1913, p. 27). On constatait en 1912, malgré le trou


ble apporté par les événements balkaniques une augmentation sensible des va

peurs allemands relâcheurs depuis que la puissante Compagnie Deutsche Levant


Linie avait choisi Oran comme port de ravitaillement. A ce mouvement les navi
C"
res autrichiens de la Austro-Americana, dont certains paquebots jaugeaient
plus de 12.500 tx, apportaient un appoint important.

1. Le nombre des relâcheurs entrés et sortis, en 1913, était de 4.356 ; leur ton
nage de jauge, de 10.439.453 tx ; les quantités de charbon embarqué de 818.010 t.
(R. Lespès, Alger, o. c, graphiques VII et VIII), alors que les chiffres respectifs

étaient à Oran de 1.186 navires, 2.267.966 tx et 335.393 t.

2. Ce sont les quantités moyennes des années 1902-1903 : 372.050 t et 549.278 t.


aux importations, 297.423 t. et 455.836 t. aux exportations.

3. On s'en inquiétait sans doute à Alger ; un môle aux charbons, le môle

Mouchez, avait été réservé dans l'arrière-port de l'Agha au stockage. Mais il


était insuffisant et mal placé ; le ravitaillement des relâcheurs exigeait des trans
bordements longs et coûteux, et se faisait à main d'homme, sans appareils

13
386 LA VIE ECONOMIQUE

sur les routes maritimes et des distances 1, la situation n'était guère

moins favorable que celle d'Alger ; malgré un déroutement de 17

on pouvait considérer son escale comme partageant aussi


milles,
bien le trajet de Port-Saïd ou du Bosphore aux ports de l'Europe
du Nord-Ouest et du Nord. Les navires italiens ou austro-hongrois

avaient presque dès le début reconnu l'utilité de ce port ravitail-

leur entre le golfe de Gênes, l'Adriatique et les Amériques. H s'a


accroître la clientèle des relâcheurs,
gissait donc, pour conserver et

de faciliter la rapidité des opérations du ravitaillement par le choix

des emplacements réservés au stockage des combustibles, ainsi que

des postes affectés à ces opérations, et de veiller en même temps

à ce qu'elles fussent le moins coûteuses possible. C'est à quoi ré

pondirent, dès 1914, l'affectation d'un môle entier nouvellement

construit, le môle dit « des Hauts Fonds », qui fermait à l'Est le


bassin du Maroc et se trouvait à proximité immédiate de l'entrée
du port 2, ainsi que l'équipement de ses terre-pleins par les sociétés

privées, l'acquisition d'un matériel mécanique fixe ou flottant 3, et

l'ajustement des taxes acquittées par les navires charbonniers ou

relâcheurs.

mécaniques. On avait, d'autre part, laissé occuper les terre-pleins par une

foule d'installations et de bâtiments à peu près étrangers à la vie maritime, au

point que l'on se trouva obligé de refuser, faute de place, l'établissement de


celles qui auraient le plus servi à la relftie et qui furent proposées sans succès.

1. Oran est à 1.706 milles de Port-Saïd, à 1.593 du Bosphore, à 1.531 de


Londres, à 1.580 de Anvers, à 1.861 de Hambourg. Alger est aux distances res

pectives des mêmes ports, de 1.510, de 1.400, de 1.730, de 1.775 et de 1.861


milles. (Ed. Déchaud, o. c, p. 66-67 et R. Lespès, o. c, p. 647).

2. Ch. de Com., Situation, o. c, 1916, p. 80. La superficie utilisable tout

entière, soit 15.500 mq environ fut consacrée en 1915 au trafic du charbon. A


cette date, les maisons anglaises n'avaient encore fait aucune installation spé

ciale. La moyenne des manutentions journalières était de 2.710 tonnes. Les


opérations ne se faisaient bord à quai qu'en cas d'urgence extrême. Le stock

moyen variait entre 25.000 et 40.000 t.

3. Il existait dès 1914 des grues à vapeur pouvant permettre de charger

100 ou 110 tonnes à l'heure, au lieu de 60 à bras.


LE PORT D'ORAN 387

Les circonstances de la guerre survenant en 1914 auraient for


tement atteint le port d'Oran, si les maisons de charbon, la plupart

anglaises, qui s'y étaient installées n'avaient pas multiplié leurs


efforts pour compenser la perte de clients aussi importants que
l'
l'Allemagne et Autriche-Hongrie, par l'attraction d'une nouvelle
clientèle, notamment des Pays Scandinaves, de la Grèce et des
Etats-Unis 1, et si la nationalité même des fournisseurs n'avait atti

ré particulièrement les navires anglais qui, en 1915, avaient acquis

une énorme supériorité numérique 2. Mais on ne pouvait empêcher

la crise subie par l'armement ni le ralentissement de plus en plus

sensible de la relâche, que précipitèrent la guerre sous-marine et


l'insécurité de la navigation. L'Amirauté anglaise, qui s'était char
gée d'organiser les convois escortés et la surveillance des routes

entre Gibraltar et le Canal de Suez, choisit Oran comme port d'at


tache de ce service, Gibraltar étant réservé à la marine de guerre.

Elle pourvoyait elle-même aux approvisionnements en charbon du


port algérien, réglant les envois au fur et à mesure et suivant les
besoins, c'est-à-dire avec économie. Toutes ces causes expliquent

la diminution progressive du nombre des relâcheurs, de 906 en

1915, à 420 en 1917, et la chute à 82 qui marqua l'année 1918, en

même temps que les importations de charbon tombaient de 536.800

tonnes à 270.000, puis à 90.200, et les quantités livrées aux navires

de 487.800 tonnes à 55.877 3.

Mais le réveil fut rapide. Le rétablissement de la situation

d'avant-guerre était achevé dès 1925, et trois années après, les

1. Ch. de Com., Situation, o. c, 1916, p. 82. En 1915, on comptait 43 navires


Scandinaves et danois et 7 américains, chiffres inconnus jusqu'alors et 233 grecs.

2. Idem. Sur 906 relâcheurs entrés à Oran, d'un tonnage total de 2.082.801 tx,
les navires anglais figuraient pour 514 unités et un tonnage de 1.866.520 tx.

3. Les renseignements font défaut partiellement, la publication en ayant


été interdite en 1916. Mais les chiffres ont été respectivement en 1914 de 569,

en 1915 de 906, en 1917 de 420, en 1918 de 82 unités et les quantités embarquées

de 124.704 t. en 1917 et de 55.877 en 1918, année qui marque le minimum

depuis 1904.
388 LA VIE ECONOMIQUE

chiffres arrivaient à être plus que doublés 1. Des améliorations im


portantes avaient été réalisées dans le port. Le môle des Hauts
Fonds avait été élargi de 95 mètres à 220 mètres ; l'avant-port, où

des relâcheurs de fort tonnage pouvaient s'amarrer par l'arrière


à des coffres, avait été déroché, et l'on travaillait à en faire un nou

veau bassin2, le futur bassin Poincaré. Les maisons de charbon de


la place3
pouvaient, en 1927, proclamer sans être contredites, que

si le port d'Oran était devenu le premier port charbonnier de la


Méditerranée 4, c'était bien grâce « aux efforts tenaces » qu'elles

1, Mouvement des relâcheurs entrés au port d'Oran et quantités de charbon

délivrées de 1918 à 1936.


Nombre Quantités Nombre Quantités

1918 82 55.877 t. 1928 2.542 1.187.702 t.


1919 267 161.376 1929 2.642 1.078.797
1920 264 140.548 1930 2.222 814.586
1921 332 180.583 1931 2.072 901.415
1922 551 303.854 1932 1.444 646.322
1923 610 261.586 1933 1.205 540.480
1924 886 440.035 1934 1.307 598 716
1925 .114 541.399 1935 1.313 559.044
1926 1.406
.406 596.380 1936 1.203 410.827
1927 .981 925.489 1937 1.882
(Ch. de Com., Doc.
Stat., 1937, p. 38.
2. Voir haut, p. 340.
plus

3, Ch. de Com., Exposé des travaux* xXJ o. c, p. 530-531. Lettre adressée au

Président de la Ch. de Commerce Anglo-African Coaling C°


par les maisons :

Ltd, Anglo-Algérian Coaling C°, Joseph Lasry, Oran, Coal



Ltd.
4, Il l'était, en effet, ayant dépassé Alger depuis 1925 (Ch. de Com., Exposé
des travaux, o. c, 1928, p. 784) par le nombre, le tonnage des navires relâcheurs
et les quantités de charbon manipulées :

Oran Alger

1923. . 607 relâch. entrés, de 1.450.772 tx 1.298 relâch. entrés, de 3.257.518 tx


1924. . 883 —
2.107.511 tx 1.198 —
2.939.269 tx
1925.. 1.110 —
2.690.184 tx 1.019 —

2.474.057 tx
1926.. 1.402 —

3.308.617 tx 1.085 —

2.562.241 tx
1927.. 1.976 —
4.897.361 tx 1.207 —
2.980.684 tx
Les expéditions de charbon d'Oran étaient supérieures à celles d'Alger depuis
1925: 541.399 t. contre 452.875.
LE PORT D'ORAN 389

poursuivaeint depuis plus de 20 ans dans le monde maritime inter


national. Elles disposaient de 13 grues flottantes pouvant fournir
chacune une moyenne de 80 à 100 tonnes à l'heure ; on citait des
cas nombreux où' un navire amarré en pointe et accosté sur ses

deux flancs par 2, 3 ou 4 de ces engins, avait pu en une seule jour


née embarquer 2.000 tonnes, quantité qui tendait à devenir fré
quente, sinon courante. Sur le môle des Hauts Fonds avaient été
installés quatre appareils transbordeurs et un transporteur pour

les opérations des charbonniers, une grue électrique sur portique

et une grue à vapeur sur rails. Des chalands occupant des postes

à la grande jetée du large collaboraient au stockage et à l'acconage ;


des remorqueurs et des citernes flottantes complétaient cet impor
tant matériel.

On s'était également intéressé, à Oran, au développement tou


jours croissant dans la navigation de la chauffe au mazout. Une
maison de la place1, qui pratiquait depuis longtemps déjà le com

merce du charbon et l'armement, demandait, en novembre 1927,


l'autorisation d'introduire dans le port un dépôt flottant de 2.000
à 4.000 tonnes et deux citernes, de 50 à 150 tonnes chacune pour
le ravitaillement. Mais la place manquait, le port étant déjà en
combré de chalands, et le trafic du mazout paraissait alors pouvoir

être suffisamment assuré, jusqu'à nouvel ordre, par les réservoirs

de la Société Générale des Huiles de pétrole, établis sur le môle


des Hauts Fonds et pouvant contenir jusqu'à 20.000 tonnes. On fut
donc obhgé d'écarter cette proposition et d'attendre le moment où

les travaux en cours du nouveau bassin et du nouvel avant-port

seraient terminés ; il semble bien qu'Alger ait profité de cet ajour

nement2. Les quantités fournies par Oran aux navires relâcheurs,

1. Ch. de Com. Exposé des travaux o. c. 1928, p. 567. Il s'agit de la maison

Joseph Lasry.
2. Voici les quantités de mazout fournies aux navires à Oran, de 1922 à 1926 :

1922 ... 874 1. 1926 . . . 4.688 1. 1930 . . . 26.092 1. 1934 . . . 43.074 1.


1923 ... 14.645 1927 ... 2.552 1931 ... 25.100 1935 ... 54.177
1924 . . . 13.223 1928 . . . 1.864 1932 . . . 39.610 1936 . . . 82.715
1925 . . . 4.074 1929 . . . 7.295 1933 . . . 47.359 »

A Alger, la fourniture a été de 89.857 t. en 1930, de 102.672 t. en 1933, de


390 LA VIE ECONOMIQUE

dont le premier ravitaillement datait cependant de novembre 1922,


régularité
ne prirent réellement quelque importance et quelque

qu'à partir de 1930, par suite de l'introduction dans le port de l'en


trepôt flottant « Mandane », qui vint faciliter les opérations K Alger,
son rival de l'Ouest,
où les installations avaient devancé celles de

a conservé jusqu'ici une supériorité qui n'a pas peu contribué à

attirer des relâcheurs qui tendaient à le déserter, et à améliorer

sa situation comme port de ravitaillement en combustibles2.

Oran retrouvera-t-il, comme port de relâche, la prospérité des

années 1929-1931 ? S'il serait vain de vouloir prophétiser en une

matière aussi complexe, où tant de circonstances d'ordres divers

interviennent d'une manière souvent inattendue pour modifier l'im

portance relative, la fréquentation des routes maritimes, et par

la valeur et le choix des escales, on peut cependant tirer


suite

quelques conclusions de cette histoire, conclusions qui permettent

d'entrevoir avec une certaine clarté les données principales du


problème.

Et tout d'abord il est inévitable que nos ports africains subissent

de plus en plus le sort que les transformations de la marine moderne

ont réservé aux ports d'escale en vue du charbonnage. Le mazout

(fuel oïl) tend à remplacer progressivement le charbon de soute,


et le « gas oïl », l'essence, à lui succéder à son tour par l'emploi

de plus en plus fréquent des moteurs Diesel pour la propulsion

des bateaux. On en voit imméjàiatement les conséquences : dimi

nution du tonnage des combustibles à embarquer, et par suite à


importer pour le stockage3, remaniement des escales pour ravi-

253.078 t. en 1934, de 276.555 t. en 1935, de 280.255 t. en 1936 et de 338.048 t. en

1937. Il y a eu, comme on le voit, progression continue. (Renseignements fournis


par la Ch. de Commerce d'Alger).

1. Ch. de Com. Doc. Stat. 1937, p. 38.


2. Après un mouvement de baisse progressif jusqu'à 1933, on observe en effet

à Alger un redressement : de 436 navires entrés en relâche en 1933, le nombre est

remonté à 687 en 1934, à 797 en 1935, à 949 en 1936, à 1.383 en 1937.


3. Indépendamment de cette cause, on peut en noter une autre : les trans
formations que les ingénieurs anglais ont introduites dans la chauffe, et qui

permettent aujourd'hui à un navire de 10.000 tonneaux par exemple, marchant à


12 nœuds, de réduire la consommation journalière de 50 à 14 tonnes de charbon.
LE PORT D'ORAN 391

taillement, et à cet effet préférence donnée aux ports les mieux

approvisionnés et les mieux équipés pour ce genre d'opération. A


cet égard, le port d'Oran est à même de réaliser sans difficultés
insurmontables, les meilleures conditions possibles, surtout si son

annexe Mers-el-Kebir est aménagée spécialement pour déconges


tionner ses terre-pleins de toutes les installations qui peuvent les
encombrer et gêner à la fois ravitaillement et les autres opéra

tions commerciales.

Mais ce n'est là qu'un de la question, le charbonnage


aspect

n'étant pas appelé à disparaître de si tôt, pas plus que les mines
anglaises, celles des principaux fournisseurs ne sont près de renon

cer à leurs exportations d'importance capitale pour la marine

britannique. Or, pour les ports algériens en général, et pour Oran


en particulier, le maintien de la fonction de port de relâche en vue

du charbonnage dépend étroitement d'une condition qui malheu

reusement est loin d'être réalisée à l'heure actuelle. Il s'agit de


l'abaissement, jusqu'à suppression totale même, des charges qui

grèvent le charbon de soute importé et stocké. C'est l'avantage


dont ont bénéficié depuis quelques années les concurrents qui ont

surgi, comme Ceuta, antérieurement à la guerre civile d'Espagne,


ou qui se sont redressés, comme Gibraltar : deux ports, que d'ailleurs
leur position géographique désigne naturellement pour ce rôle.

A Gibraltar les charbons de soute destinés à la réexportation

ont été à peu près complètement affranchis de toutes les taxes


que l'on continue à percevoir dans nos ports algériens. L'Amirauté
anglaise a, de plus, cédé gratuitement au consortium anglais des
marchands de charbon un môle entier où sept navires peuvent

accoster. Dès 1931 y étaient installés quatre ponts transbordeurs

d'un débit individuel de 250 tonnes-heure, propres au chargement


aussi bien qu'au déchargement. Le résultat a été de relever pro

gressivement depuis cette date le trafic du charbon, tandis qu'il

déchnait à Oran, à Alger et à Bône. En 1936, le port anglais avait

presque rattrapé notre premier port de relâche ; les ports algériens


392 LA VIE ECONOMIQUE

qui recevaient encore, en 1931, 91 % du charbon importé dans


l'ensemble des cinq que nous avons nommés, ne figuraient plus

ton-
en 1935 que pour 57 % du total1. Pour un navire de 2.000
naux ayant débarqué 5.000 tonnes de charbon et livré 280 tonnes
à un relâcheur du même tonnage, on calculait que les charges

fiscales s'élevaient à Oran, à 5 fr. 63 par tonne, alors qu'à Gibraltar


elles se réduisaient à 0 fr. 75 ; encore fallait-il y ajouter le prix
de la location des terre-pleins affectés au stockage2.

1. Ch. de Com. Exposé des travaux. Année 1922-1923, p. 357-374 et 1934-1935,


p. 57-63. Bulletins officiels de la Ch. de Com. du 15-30 juin 1932 et divers de
1932 à 1936. Par du Gouverneur Général du 9 février 1933, une Commis
arrêté

sion spéciale fut chargée d'étudier les mesures à prendre pour remédier à la
concurrence faite aux ports d'escale de la colonie. Les enquêtes diverses qui

ont suivi ont permis d'établir le tableau comparatif que nous reproduisons.

Quantités de charbon importées à Oran, Gibraltar et Ceuta, de 1928 à 1936 :

Proportion des ports algériens

Oran Gibraltar Ceuta dans le trafic total des cinq ports

1938 .. 1.135.193 t. 314.407 t. » 85 %


1929 .. 1.132.166 103.368 » 81 %
1930 .. 835.078 172.587 29.377 t. 85 %
1931 .. 931.989 114.182 54.097 91 %
1932 .. 657.201 181.583 87.606 80 %
1933 .. 536.699 246.880 139.146 70 %
1934 .. 660.932 482.278 182.241 57 %
1935 .. 575.739 514.048 186^4 57 %
1"
tr. IS 36 132.251 119.412 35.W1 54 %

A Alger, le mouvement de baisse se poursuivait également, et à Bône, le


tonnage métrique tombait, entre 1931 et 1933 seulement, de 77.431 t. à 54.697 t.

2. Voici la décomposition des diverses taxes acquittées pour une tonne entrée

et réexportée :

Droit de péage 1 50 Pilotage et amar


Droit de quai 0 90 rage 1 46
A la sortie
Taxe de statistique 1 »
Courtage 0 54
3 frs 63 Pilotage
2 frs
et amarrage 0 08
A l'entrée Droit sanitaire 0 08
Courtage 0 07

3 63
PLANCHE XVII

Le nouveau silo de la Chambre de Commerce. Photo Lùck.


On voit aussi à G. les installations mécaniques du charbonnage sur le
môle Millerand ; à l'arrière-plan les travaux du bassin Poincaré et du
nouvel avant-port.

La gare maritime et les courriers de France


LE PORT D'ORAN 393

En juillet 1936, les négociants en charbon de soute de la place

d'Oran étaient informés par plusieurs armateurs anglais que leurs


navires ne viendraient plus se ravitailler à Oran, les frais y étant

beaucoup trop élevés ; devant cette grave menace, ils demandaient


l'exonération complète des droits de péage pour les navires appor

tant des de réexportation, ainsi que celle des droits de


charbons

pilotage, de statistique et de courtage. La Chambre de Commerce,

après de longues discussions, a pu obtenir une réduction des


droits de péage à 0 fr. 75 la tonne ; mais toutes les démarches
relatives aux autres taxes d'Etat ont échoué jusqu'ici. L'Assemblée
Consulaire a elle-même consenti à diminuer de 25 % le prix de
location des terre-pleins occupés par les charbons de réexportation ;
mais les sacrifices qu'elle peut faire
forcément limités, le
sont

produit de cette location étant essentiellement destiné à gager les


emprunts contractés pour les travaux d'aménagement et d'extension
du port.

La question reste donc à peu près entière. Elle n'intéresse pas

seulement Oran, mais un grand trafic de nos ports algériens qui

n'a pas d'équivalent dans les ports de la Métropole, du moins dans


ses conditions et sous sa forme particulières. Il suffit d'estimer le
mouvement des navires qu'il détermine et les bénéfices qu'il procure

au commerce local de notre grand port de l'Ouest algérien l, pour

mesurer le préjudice dont il serait affecté, s'il venait à être privé

de cette importante ressource.

1. En 1912, pour moins de 300.000 t. livrées aux navires ayant relâché à Oran,
on estimait que le payement de vivres, des dépenses diverses et des
des achats

taxes, ajouté au prix du charbon, représentait une somme de plus de 10 millions,


dont un quart au moins était revenu au commerce local. Et depuis, à combien
se monterait-elle ! (Ch. de Com. Situation, o. c. 1913, p. 28) .

13*
D. —

ORAN, PORT DE PECHE

Oran est le chef-lieu de l'un des trois quartiers maritimes de


l'Algérie, celui de l'Ouest \ qui dans les dernières années a fourni
la plus grande quantité de 55 % du total, prove
de poisson2, plus

nant des six ports d'Oran, de Mers-el-Kebir, de Mostaganem, d'Ar

zeu, de Beni-Saf et de Nemours 3. Les deux premiers peuvent être


considérés comme ne formant qu'un seul centre, de par leurs
situations toutes proches et par le marché commun qui en rassemble

les produits4. C'est d'ailleurs là que l'on arme le plus de bateaux,


montés également par le plus grand nombre de marins 5.

Les conditions naturelles étaient les mêmes que celles de la


côte algérienne en général6. L'étroitesse de la plateforme conti

nentale et la forte déclivité des fonds restreignent le domaine des


espèces sédentaires, du « poisson blanc » et le champ d'exploitation
de la pêche côtière, la seule pratiquée par la population maritime.
Mais, par contre, il a été reconnu que la température des eaux et

1. Avec Alger et Bône, celui de Philippeville ayant été rattaché récemment

au dernier.
2. Annuaire Statistique de l'Algérie. Année 1934-1935. A Oran, il a été péché

9.989.131 kilos, contre 4.790.732 à Alger, *t 3.190.184 à Bône.


3. Les quantités débarquées en 1936 onr été pour les six syndicats du quartier
d'Oran: à Oran, 825.347 k., à Mers-el-Kebir, 929.433, à Beni-Saf, 4.050.936, à
Nemours, 3.436.230, à Arzeu, 626.971, à Mostaganem, 1.034.154 (Ch. de Com. Doc.
Stat. 1937, p. 123).
4. La statistique annuelle des Ponts et Chaussées les groupe d'ailleurs ainsi.
5. En 1936, on a armé 287 bateaux, de 1.388 tonneaux, montés par 1.009 marins.
6. Voir plus haut, p. 22. On consultera utilement sur ce sujet les ouvrages

suivants : D. C. Viguier. Sur les conditions de la pêche en Algérie. Paris, 1906,


p. 1-34 ; sur la faune des eaux algériennes A. Gruvel. Les pêches maritimes en
Algérie. Paris, 1926, p. 39-48 ; Dr J. P. Bounhiol. La contribution maritime à la
production économique de l'Algérie.
Alger, 1921 ; Le Bulletin trimestriel de l'En
seignement professionnel et technique des pêches maritimes. Oct.-déc. 1927.
Orléans, 1927.
LE PORT D'ORAN 395

la luminosité favorisent le séjour et la multiplication des espèces

errantes offertes à la pêchede surface, du « poisson bleu », dont la


sardine, l'allache et l'anchois sont les représentants les plus recher
chés notamment pour la salaison et les friteries. Il n'est pas éton
nant par suite qu'ils représentent, dans la quantité de poisson

ramassé sur la côte oranaise, la majeure partie. D'ailleurs les


variations qui affectent les poissons migrateurs ne manquent pas

d'influer suivant les années sur l'effectif des bateaux armés, comme
sur le nombre des ateliers de salaison et des usines de conserves en
activité.

Depuis notre occupation, des modifications importantes se sont

produites dans le personnel et dans le matériel ! ; sans en faire


l'histoire ici, on doit signaler les effets qu'elles ont eus à Oran
et Mers-el-Kebir. Il nous est impossible, faute de documents, de

dire avec quelque précision ce que fut la pêche du temps de la


domination espagnole ou turque. Les premiers renseignements précis

ne nous sont fournis qu'en 1838 par le Tableau de la Situation des


Etablissements français ; il garde le silence sur la marine propre

ment algérienne, qui déclina vite d'ailleurs, l'indigène du pays ayant

peu de dispositions pour les travaux de la mer, et céda la place


aux Européens. Nous savons de source certaine que des pêcheurs
XVIIIe
venus d'Espagne et d'Italie fréquentaient déjà au siècle les
côtes de la Régence 2 notre installation ne manqua pas de les y
;
attirer plus fortement, en leur garantissant des conditions de sécu
inconnues jusqu'alors. En à Oran-Mers-el-
rité 1838, on comptait

Kebir 23 bateaux, de 26 tonneaux, montés par 84 hommes, tous


étrangers : 40 Espagnols et 44 Italiens, dont 17 Toscans, 15 Sardes
et 12 Napolitains 3. Ainsi se constitua le noyau primordial de la

population maritime oranaise.

1. G. Pénissat. La navigation maritime et la pêche côtière en Algérie. 1889,


Alger. L. Lacoste. La colonisation maritime en Algérie. Paris 1931 (Collect. du
Centenaire de l'Algérie).
2. L. Lacoste, o. c, p. 21-22.
3. Tableau de la Situation, o. c, 1839.
396 LA VIE ECONOMIQUE

Elle ne tarda pas 1841, on recensait 104 pêcheurs,


à progresser. En
dont 60 Napolitains et 34 Espagnols ; en 1846, le nombre des bateaux
était passé à 185 de 812 tonneaux, et les équipages à 661 hommes,
dont 129 Napolitains, 91 Sardes et 99 Espagnols1. Les autres n'é
taient certainement pas Français ; malgré le silence des textes, on

peut supposer qu'ils devaient être des Indigènes embarqués comme

auxiliaires sur des bateaux étrangers. Et ainsi l'absence de restric

tions et de libéralisme exagéré du Gouvernement, tout autant que

la carence des pêcheurs métropohtains, même méditerranéens,


laissèrent librement ouvert aux autres un champ d'exploitation
qui par sa nature réclamait une surveillance étroite et qu'ils ne

manquèrent pas de mettre à contribution d'une manière abusive

et même destructive.

Oran et Mers-el-Kebir étaient devenus les deux colonies les


plus importantes de pêcheurs établis sur la côte Ouest de l'Algérie.
Leur installation se bornait pour beaucoup à un séjour plus ou

moins temporaire qu'ils faisaient d'ailleurs aussi bien sur leurs


embarcations qu'à terre. Le de Saint-André, construit tout
village

à côté de Mers-el-Kebir, en fixa une partie ; en 1846 Mers-el-Kebir


était peuplé de 400 habitants établis à demeure, tandis que 300
autres vivaient encore à bord de leurs barques 2. Il fallut attendre
1er
la loi du mars 1888 réservant la pêche côtière à nos seuls natio

naux pour que l'acte de navigation de 1793 fût rendu applicable à


l'Algérie; la loi de 1889 sur la Aturalisation automatique acheva

de fixer et de faire entrer dans la nationalité française la plus

grande partie de cette population. Mais, ici comme ailleurs sur le


littoral algérien, la surveillance ne peut empêcher complètement

les fraudes, et des marins étrangers en surnombre dese glisser dans

les équipages, surtout en été, au moment de la campagne de pêche


et de salaison des poissons migrateurs. Du
moins, par cette franci
sation plus ou moins volontaire, et malgré la pauvreté des res-

1. Tableau de la Situation, o.c, 1841-1846.


2. L. Lacoste, o. c, p. 24.
LE PORT D'ORAN 397

sources qu'elle en tirait1, il s'est constitué un contingent d'inscrits


se livrant à la pêche, qui a sensiblement augmenté depuis la fin
du siècle dernier. Celui des marins embarqués, variable suivant les
de 700 à de 1.600 2 dénombrait
années, a oscillé plus ; en 1935, on

à peine 57 étrangers, Italiens et Espagnols contre 952 inscrits.

Les changements n'ont pas été dans le matériel, en


moindres

dépit de l'attachement routinier des pêcheurs à leurs méthodes


ancestrales et à leurs engins. Alors que, dans les années précé

dentes, la flotte oranaise ne comprenait que des voiliers, pour la


première fois en 1912 on voyait apparaître 7 vapeurs de 91 ton
neaux et 44 hommes d'équipage3. En 1913 on déclarait que les
essais pouvaient être considérés comme concluants et que ce nou

veau genre de pêche était fort probablement appelé à se généra

liser 4. Ces petits vapeurs offraient l'avantage appréciable de pou-

1. Elles étaient réellement misérables. En 1906, on estimait les salaires annuels

moyens d'un pêcheur à Mers-el-Kebir, à 378 francs. Dans la suite, il y eut une
amélioration qui les porta à 400 francs en 1907, à 430 francs en 1909. En 1915
(Ch. de Com. Sit. 1916, p. 92), on signalait que le gain des pêcheurs chefs de
famille ne dépassait pas annuellement 1.000 francs. Les ateliers de salaison et

les usines de conserves permettaient heureusement d'améliorer cette situation par

l'emploi du personnel féminin, femmes et jeunes filles. La situation a bien chan

gé. Aujourd'hui, la moyenne des salaires du pêcheur est de 1.000 francs par

mois, de 1.400 pour le patron de barque. Les lois sociales protègent en outre

ceux qui se livrent à la pêche dite « industrialisée ».

2. Voici quelques chiffres empruntés à la publication annuelle (Ch. de Com.


Situation mar., etc), antérieure à la guerre. En 1905, on comptait 728 marins sur
208 bateaux. Les rendements des pêches paraissaient faibles ; les expéditions vers
la France étaient tombées, pour le poisson frais seul, de 145.668 kilos en 1903, a
30.041 en 1904 et 10.850 en 1905. En 1906, 1.200 marins embarquaient sur 326 ba
teaux de 614 tonneaux, dont 284 provenaient de chantiers français. En 1907, 408
bateaux et 1.591 hommes, presque tous d'origine étrangère. En 1908, 219 voiliers

de 798 tonneaux 850 hommes ; en 1911, 237 bateaux de 860 tonneaux.


montés par

Ces chiffres suffisent à montrer la variabilité de ce genre d'armement.


3. Ch. de Com. Situation, o. c. 1913. On notait une augmentation sérieuse du
personnel ; sur 473 voiliers avaient été embarqués 1.615 hommes.
4. Idem, 1914, p. 45. En 1913, on notait 3 vapeurs de 63 tonneaux avec 21 hom
mes d'équipage.
398 LA VIE ECONOMIQUE

voir tirer un filet traînant par plus de 100 mètres de fonds et

d'assurer ainsi un rendement très supérieur. La période d'après


guerre a été marquée par une deuxième innovation : la substitution

progressive du bateau à moteur au smiple voilier. Sur 287 bateaux


armés en 1935, on comptait 5 vapeurs de 303 tonneaux et 53 hom
mes d'équipage, 68 voiliers de 76 tonneaux et 98 hommes, et 214
bateaux à moteurs de 1.010 tonneaux et 801 hommes 1. L'emploi
d'un matériel plus puissant a eu d'ailleurs pour conséquence de
rendre la réglementation plus précise et plus rigoureuse, notam

ment en ce qui concerne le chalutage et l'emploi du filet traînant


interdit dans la zone des fonds inférieurs à —
50 mètres, ainsi que

la pêche au feu.

Les quantités capturées 2 alimentent abondamment le marché

d'Oran même, où a été établie une criée 3 ; mais de plus en plus


l'utilisation des transports automobiles permet d'approvisionner de
poisson frais les petits centres de l'intérieur et des villes importantes
telles que Sidi-bel-Abbès et Tlemcen, qui d'ailleurs en reçoivent

aussi des autres ports de l'Oranie. Le surplus est expédié, pour

une faible part, sur la Métropole et Marseille principalement ; mais


pour la plus grande part, le « poisson bleu » est livré à la salaison

1. Ponts et Chaussées, Stat. Année 1935-1936. En 1937, on a compté 40 cha

lutiers dans tout le quartier. A

2.Voici, à titre d'exemple, les quantités débarquées à Oran et Mers-el-Kebir


en 1936, pour les diverses espèces. On peut se rendre compte de l'importance
relative des sardines, allaches et anchois et du poisson bleu :

Sardines Maque- Poissons


et allaches Anchois Bonites reaux Thons divers Totaux

kgs kgs kgs kgs kgs kgs kgs


Oran 322.010 7.210 15.820 5.700 345 469.230 825.347
Mers-el-Kebir .. 725.200 » 84.785 3.550 440 115.180 929.433

Totaux .... 1.047.210 7.210 100.605 9.250 785 584.410 1.754.780


3. Elle installée dans un marché neuf, sur le quai Sainte-Marie,
est
qui borde
le vieux bassin devenu le port de pêche si pittoresque d'Oran.
LE PORT D'ORAN 399

et à la préparation des conserves, puis exporté en France, en Espagne


et en Itahe. Ce trafic a représenté, en 1936, 773.000 kilos, sur une

pêche totale de 1.754.780 1.

L'abondance du poisson migrateur 2 explique que de bonne heure


on ait pratiqué la salaison et l'industrie de la conserve dans le
quartier maritime d'Oran. Il existe à Oran même trois usines et

deux à Mers-el-Kebir pour la fabrication de ce dernier article ;


les premières ont dû ralentir leur activité et n'ont même pas tra

vaillé en 1936. Les autres ont traité 458.550 kilos. Deux ateliers

de salaison ont opéré à Mers-el-Kebir sur 85.440 kilos, c'est-à-dire

faiblement, si l'on compare ces quantités à celles de Nemours ou

de Beni-Saf, où l'on a compté dans cette même année respective

ment 21 et 10 ateliers ayant traité 2.739.400 et 1.169.000 kilos3.


Les usiniers se plaignent de l'irrégularité de leur ravitaillement

en poisson qu'ils attribuent à une réglementation trop rigoureuse,


tandis que les petits pêcheurs accusent les chalutiers de venir dans
les eaux interdites et de ravager les fonds. La surveillance est de
fait très difficile 4.

1. Ch. de Com. Doc. stat.1937, p. 55. Sur le nombre de 773.000, on ne comptait

que 42.300 kgs de poissons frais, dont 41.600 expédiés sur la France.
2. A eux seuls, les sardines, les anchois et les allaches ont représenté dans
le produit total de la pêche à Oran et Mers-el-Kebir, en 1927, 55 %, en 1930
52 %, en 1935 58 %, en 1936, 63 % capturés principalement aux filets traînants,
lamparo et sardinal.

3. Ch. de Com. Doc stat. 1937, p. 122. Il existe aussi des madragues, dont une,
à la pointe de l'Aiguille, a fonctionné en 1935 et celle du Cap
1936, l'autre,
Ferrât, en 1936 seulement.
4. Ch. de Com. Doc. stat., o. c. année 1934-1935, p. 119-130. Extrait du Rap
port de M. l'Administrateur principal Vilarem, chef du quartier d'Oran. L'au

teur y signale notamment une grande augmentation de la navigation de plai

sance à la voile, l'émulation des Sociétés nautiques qui groupent à Oran 1009
adhérents et diverses institutions maritimes telles que la Société d'assurances

mutuelles contre tous risques de mer « l'Oranie Maritime ». On y trouvera de

nombreux renseignements, et sur la pêche en premier heu.


III

LE MOUVEMENT DE LA NAVIGATION 1

Le nombre total des navires 2, entrées et sorties réunies, a été,


en 1937, au port d'Oran, de 8.720, et leur tonnage de jauge de
14.911.778 tonneaux. Ce dernier chiffre l'a placé au second rang
des ports algériens, qui, dès 1933, avait repris le
après Alger
premier pour le tonnage métrique, et qui l'a regagné également

pour celui-ci. La baisse que l'on enregistrait dès 1930 dans les
quantités de marchandises embarquées et débarquées à Oran s'est

poursuivie depuis la même date pour le reste, avec un certain

1. Mouvement de la navigation au port d'Oran, de 1880 à 1937 (entrées et

sorties) :

Nombre Jauge Nombre Jauge Nombre Jauge


Années de navires (tonneaux) Années de navires (tonneaux) Années de navires (tonneaux

1880 . . 2.760 849.236 1920.. 4.558 3.975.762 1933. 9.577 15.704.712


1890 . . 2.407 1.801.686 1925. . 7.997 11.591.513 1934. 9.356 15.469.017
1895 . . 3.915 1.832.767 1928. .
11.07f 19.747.628 1935. 8.793 15.244.793
1900 . . 3.922 2.125.259 1929. . 11.581 20.966.228 1936. 7.889 13.598.770
1905 . . 6.328 4.038.179 1930. . 10.831 19.073.810 1937. 8.720 14.911.778
1910 . . 7.217 6.349.322 1931.. 10.677 19.110.148
1913 . . 7.665 7.642.757 1932.. 9.705 16.270.143

2. On comprend, ici, le cabotage algérien, dont les statistiques font parfois

abstraction. En revanche, il n'est pas tenu compte du mouvement de la naviga

tion à Mers-el-Kebir, bien que ce mouillage soit véritablement une annexe du


port d'Oran. Son trafic consiste à peu près exclusivement en importations de
combustibles. La Marine de l'Etat y entretient un dépôt de charbon de 20.000
tonnes environ ; la Société Italo-Américaine pour le Pétrole y possède un en
trepôt d'huiles raffinées et d'essences de pétrole. En 1936, le mouvement a été
de 151 jaugeant 74.835 tonneaux ; le tonnage
navires métrique était à l'entrée,
de 45.996 tonnes, contre 99 à la sortie.
LE PORT D'ORAN 401

redressement, en 1937, que l'on voudrait espérer d'heureux augu

re1. Cependant la poussée de croissance avait été telle depuis la


guerre dans le port de l'Ouest que les résultats actuels, en dépit
de toutes les circonstances défavorables et de toutes les crises qui

l'ont affecté, restent encore sensiblement supérieurs à ceux de 1913,


et à tous les points de vue2.

Si, depuis 1880 jusqu'en 1913, on peut exphquer les progrès

de la navigation sans faire intervenir le mouvement des navires

relâcheurs et charbonniers, et par le seul effet de la colonisation

agricole, il n'en a pas été de même après la guerre. En 1929, année

où tous les maxima ont été atteints (nombre de navires, jauge,


tonnage métrique), sur 11.581 navires entrés et sortis, on comptait

5.294 relâcheurs ; sur un total de 20.966.228 tonneaux de jauge, ils


en représentaient, à eux seuls, 12.451.944, et sur une manipulation

de 3.805.248 tonnes, le tonnage métrique des combustibles embar

qués était de 1.078.797, qu'il faut considérer dans la réalité comme


double (2.157.594 tonnes), ces quantités ayant été au préalable
débarquées de navires charbonniers ou mazoutiers. On mesure

une fois de plus par là de quel ordre a pu être à Oran, comme

auparavant à Alger, la contribution apportée au mouvement de la


navigation par ce trafic d'escale.
Le pavillon français domine d'une manière incontestée dans
l'ensemble des navires entrés et sortis 3, grâce à la loi de 1889 qui

1. Les résultats de l'année 1937, qui viennent d'être publiés, sont les suivants

pour Alger et pour Oran :


Alger : 8.128 navires jaugeant 17.663.970 tonneaux, ayant embarqué et dé
barqué 3.672.769 tonnes. —
Oran : 8.720 navires jaugeant 14.911.778 tonneaux,
ayant embarqué et débarqué 2.616.540 tonnes.
Oran ne conserve plus que la supériorité du nombre, du reste avec une

augmentation de 831 navires et de 1.313.008 tonneaux par rapport à 1936 (7.889


navires et 13.598.710 tonneaux).
2. En 1913, on comptait 7.665 navires de 7.642.757 tonneaux et un tonnage
métrique de 1.869.469. (Ch. de Com. Doc. stat. 1937, p. 34).
3. En 1936, par exemple, on relève 4.377 navires français entrés et sortis de
6.873.744 tonneaux sur un total de 7.889 de 13.598.770 tonneaux. (Ch. de Com.

Doc. stat. 1937, p. 36).


402 LA VIE ECONOMIQUE

a réservé le cabotage de nos côtes métropolitaines et algériennes

à la marine nationale : la fréquence des voyages assurés par les


services réguliers de paquebots entre Oran, Marseille, Port-Ven

dres et Sète, ainsi que par les lignes commerciales desservant les
ports français du Sud, de l'Ouest et du Nord, suffit à exphquer
cette supériorité. Très variable dans ses proportions, suivant les

années, elle s'est toujours maintenue depuis 1920, quant au nombre

et au tonnage des navires, au-dessus de 50 % du total1.

On n'est pas étonné non plus de voir le second rang occupé par

le pavillon anglais 2 que le commerce du charbon et la relâche

attirent particulièrement. Ce dernier genre d'opérations exerce une

influence prépondérante sur le classement des marines étrangères


fréquentant le port d'Oran. Il explique par exemple les progrès

du pavillon anglais dans les années qui ont précédé immédiatement


la guerre3, comme aussi dans celles qui l'ont suivie de 1920 à
1929, ceux que les marines autrichienne, allemande et italienne
avaient faits entre 1905 et 1913 4 et par contre le recul du pavillon
;
britannique depuis 1930 5, tandis qu'une partie de sa place était

1. Ch. de Com. Doc. stat. En 1936, les proportions ont été respectivement de
55 et de 57 %.
2. Voici les chiffres concernant les pavillons étrangers les plus représentés,
en 1936 : Anglais : 532 navires et tonneaux ; Allemand 661 1.349.963
1.460.2^ : et

tonneaux ; Italien : 436 et 1.133.147 toiSeaux ; Grec : 342 et 772.080 tonneaux ;


Yougoslave : 265 et 463.913 tonneaux ; Espagnol : 235 et 204.083 (mais en 1935,
271 et 273.735 tonneaux).

3. Navires anglais : en 1905, 482 jaugeant 665.732 tonneaux ; en 1913, 892 de


1.391.738 tonneaux ; en 1927, 1.606 de 4.435.149 tonneaux ; le tonnage français n'at

teignant que 4.440.719 tonneaux en 1929.

4. Autrichiens : en 1905, 167 navires de 210.318 tonneaux ; en 1913, 357 de


698.511 tonneaux ; Allemands : en 1905, 75 de 87.989 tonneaux ; en 1913, 282 de
436.847 tonneaux ; Italiens : en 1905, 150 de 121.462 tonneaux ; 162 de
en 1913,
186.531 tonneaux.
5. Anglais en 1930, 1.274 de 3.462.907 tonneaux
:
; en 1931, 1.147 de 3.353.477
tonneaux; en 1932, 522 de 1.650.018 tonneaux; en 1935, 567 de 1.579.178 ton
neaux ; en 1936, 532 de 1.460.282 tonneaux.
LE PORT D'ORAN 403

reprise par les Allemands et les Italiens l, et occupée par les Grecs
etles Yougoslaves, héritiers partiels de la marine Austro-Hongroise.
Les navires français en revanche n'ont jamais pris qu'une part
restreinte à ce mouvement, dans lequel ils n'ont pu conserver que

le cinquième ou le sixième rang 2, au maximum.

Si l'on abstrait du mouvement total de la navigation celui de


la relâche, l'ordre des pavillons se trouve changé ; par là même

apparaît plus nettement l'importance relative des autres opérations

effectuées dans le port. La France arrive naturellement en pre

mière ligne, suivie sans contestation par l'Angleterre, puis par

l'Allemagne et l'Italie, par la Yougoslavie, la Hollande, le Dane


mark, la Norvège, la Suède et la Grèce. Quant à l'Espagne, on

ne peut tenir compte que des chiffres antérieurs à l'ouverture de


la guerre civile actuelle, où elle occupait le cinquième rang, ayant

reculé peu à peu en face des autres marines étrangères depuis les
premières années de l'occupation. On se rend compte ainsi de l'at
traction exercée par certains commerces, soit à l'importation soit

à l'exportation, tels que ceux du charbon, de l'alfa (Grande-Bre


tagne), des céréales, ou des bois de la Yougoslavie et des pays du
Nord3.

1. Allemands 1927, 436 navires de 708.485 tonneaux ; en 1930, 838 de


: en

1.606.354 tonneaux ; 1931, 872 de 1.677.622 tonneaux ; en 1932, 570 de 1.069.119


en

tonneaux; en 1935, 734 de 1.620.124 tonneaux; en 1936, 661 de 1.349.963 ton


neaux. Italiens : en 1927, 1.280 de 3.018.152 tonneaux ; en 1930, 1.141 de 2.668.573

tanneaux; en 1931, 982 de 2.353.321 tonneaux; en 1932, 716 de 1.541.353 ton


neaux ; en 1935, 544 de 1.224.517 tonneaux ; en 1936, 436 de 1.133.147 tonneaux.


Grecs : en 1927, 481 de 1.111.136 tonneaux ; en 1930, 692 de 1.614.422 tonneaux ;
en 1931, 632 de 1.560.766 tonneaux; en 1932, 378 de 921.843 tonneaux; en 1935,

409 de 975.967 tonneaux ; en 1936, 342 de 772.080 tonneaux. Yougoslaves : en —

1927, 116 de 266.982 tonneaux ; en 1930, 264 de 576.495 tonneaux ; en 1931, 300
de 594.336 tonneaux ; en 1932, 288 de 578.844 tonneaux ; en 1935, 312 de 688.529
tonneaux ; en 1936, 265 de 463.913 tonneaux.
(6e (10°
2. Relâcheurs français : en 1927, 181 rang) ; en 1930, 97 rang) ; en 1931,
(9e (8e (8e (5e
131 rang) ; en 1932, 116 rang) ; en 1935, 121 rang) ; en 1936, 192 rang).

3. Classement des diverses marines, par pavillons, selon le tonnage total des
404 LA VIE ECONOMIQUE

Le port d'Oran a des relations d'une ubiquité complète. Avec la


trois françaises 1 le desservent
Métropole, compagnies au moyen

de courriers postaux réguliers ; il en est de même pour le Maroc


avec une compagnie française (Cie Paquet) et une espagnole (Cie

Trasmediterranea) actuellement en carence, ainsi que pour l'Espa


gne. Des services commerciaux réguliers avec la France, toutes ses

colonies et divers pays étrangers sont assurés par 27 compagnies

françaises, dont les navires fréquentent même les ports des Amé
riques (Transports Maritimes à vapeur) et l'Extrême-Orient (Mes
sageries Maritimes) ; tandis que 25 compagnies étrangères établis
sent des relations généralement régulières avec tous les pays mari

times de l'Europe et de tous les continents. C'est dire que toutes

les marines y sont représentées plus ou moins fréquemment ; on


peut affirmer qu'il n'est pas une compagnie importante de la navi
gation mondiale qui ne figure dans le nombre 2.
C'est un fait indéniable que le cabotage côtier algérien a dimi-

navires, le tonnage des relâcheurs seuls, des navires non relâcheurs, en 1936
(entrées et sorties) :

Total des navires Relâcheurs seuls Navires non relâcheurs

(tonneaux) (tonneaux) (tonneaux)

1. Français . . . 6.873.744 1. Allemand 1.149.876 1. Français . 6.198.794


2. Anglais .... 1.460.282 2. Italien . 938.831 2. Anglais . . 543.271
3. Allemand . . 1 349.963 3. Anglais A. . 917.011 3. Allemand 200.087
4. Italien 1.133.147 4. Grec 727.796 4. Italien . . . 194.316
5. Grec 772.080 5. Français . . . 374.950 5. Espagnol . 151.225
6. Yougoslave . 463.913 6. Yougoslave. 320.232 6. Yougoslave 143.681
7. Hollandais 272.581 7. Hollandais 174.142 7. Hollandais 98.440
8. Danois 261.548 8. Danois 164.670 8. Danois . . . 96.870
9. Norvégien 246.777 9. Norvégien 164.572 9. Norvégien 82.205
*
10. Espagnol 204.983 10. Espagnol . . 52.858 10. Suédois . . 70.512
11. Suédois . . . 109.514 11. Suédois . . . 39.002 11. Grec 44.284
*
Classement soumis aux réserves formulées dans notre texte.
On remarque que les seuls pavillons conservant leur place dans ces trois
tableaux sont : leYougoslave, le Hollandais, le Danois et le Norvégien
1. Voir plus haut, p. 347.
2. Voir la liste complète dans les Doc. stat. de la Ch. de Com., o c, 1937,
p. 60-83.
LE PORT D'ORAN 405

nué sensiblement d'importance dans les dernières années. Son ton

nage métrique, qui avait atteint, en 1926, 477.696 tonnes, était tombé
en 1936, à 298.549 tonnes. On en découvre facilement les raisons.

Les petits ports secondaires, qui n'étaient que des satellites des
principaux seuls ouverts au grand cabotage, ont perdu la clientèle

des chargeurs 2, qui préfèrent aujourd'hui la voie terrestre à la


voie maritime, depuis que de nouvelles routes httorales ou sublit

torales ont été créées et que les transports automobiles les ont

empruntées. Ce mode de circulation des marchandises offrait

l'avantage d'être plus direct, plus économique, d'aller chercher les


produits à la source même et de réduire ainsi le nombre et les
frais des transbordements toujours coûteux. Seuls les ports possé

dant des quais accostables au moins aux navires de tonnage moyen

ont pu conserver à ce point de vue une certaine clientèle, grâce

à l'armement métropolitain bien plus qu'à l'armement local3.

L'Oranie s'est trouvée du reste dans des conditions assez spé

ciales, par le fait que ses cinq ports étaient en état de se livrer
au grand cabotage et ne faisaient pas seulement figure de satellites

d'un port principal, comme ceux du département d'Alger. Pour cette

rajson même, et parce que les opérations de chargement et de


débarquement peuvent s'y faire directement, sans passer par Oran,
le petit cabotage côtier du grand port n'a pas manqué d'être atteint,
tout comme l'armement qui y pourvoyait. Il n'existe actuellement

1. Tonnage métrique total du cabotage côtier de l'Algérie, de 1920 à 1936 :

1920 318.193 1. 1932 269.657 1.


1923 405.973 1. 1934 267.084 1.

1926 477.695 t. 1935 260.192 t.


1929 387.575 1. 1936 292.549 t.

2. Et aussi des passagers, Indigènes la plupart, qui utilisent aujourd'hui les


autobus plus rapides et plus confortables.

3. Une partie de ce cabotage est, en effet, effectué par des services qui ne

sont que le prolongement de services réguliers entre la Métropole et un des


principaux ports de l'Algérie. Nous ne donnons ci-dessous que les chiffres se

rapportant au petit cabotage que les statistiques de la Douane distinguent d'ail


leurs.
406 LA VIE ECONOMIQUE

que deux sociétés oranaises pratiquant ce genre de navigation :

le tonnage de leur flotte ne dépasse guère 8.000 tonneaux de jauge


nette 1. Quant au trafic, il reste tout au plus stagnant ; les sorties

l'emportent généralement sur les entrées, le tonnage métrique total


oscille autour de 100.000 tonnes 2. Alger est le port de destination
d'expédition 3 depuis Adjeroud
et principal ; les autres s'échelonnent

Kiss jusqu'à Bône, mais pour un mouvement de marchandises très


variable et quelquefois insignifiant. Les vins, les futailles, les maté

riaux de construction et les engrais en sont les principaux élé


ments ; la part prise dans ce trafic par Nemours et Beni-Saf est

en voie de régression4, pour les raisons exposées plus haut, aux

quelles on doit ajouter l'ouverture des voies ferrées de Tlemcen-

Beni-Saf et de Marnia-Nemours.
En ce qui concerne le grand cabotage et les relations d'Oran
avec les ports de la Métropole, on peut faire quelques remarques

sur la contribution relative qu'apportent ceux de la Méditerranée


ou ceux de l'Océan et du Nord-Ouest5. S'il y a un écart assez sen
sible entre les premiers et les autres, au point de vue du nombre

(1.022 entrés et sortis, contre 850), il est évidemment explicable

par la régularité et la fréquence des paquebots assurant les services

postaux entre Oran, Marseille, Port-Vendres et Sète. Mais il n'en

est pas de même pour les tonnages de jauge qui diffèrent de peu

(1.728.258 tonneaux contre 1.699.413 tonneaux) ; car si le rythme

1. P. et Ch. Stat. o. c, 1936, p. 42.

2. Tonnage métrique du cabotage côtier en provenance ou à destination


d'Oran :

1921 99.420 t. 1929 127.037 t. 1934 101.126 t.


1923.... . . 144.813 1. 1932 89.512 t. 1935 94.153 t.
1926 149.987 1. 1933 94.698 1. 1936 108.599 t.

3. En 1933, 29.000 tonnes environ ; en 1934, 34.500 tonnes ; en 1935, 30.0C0


tonnes ; en 1936, 39.000 tonnes.

4. Cabotage côtier avec Nemours : en 1926, 14.164 tonnes ; en 1936, 6.625 ton
nes ; avec Beni-Saf, 10.862 tonnes ; en 1926, 2.351 tonnes.
5. A défaut de chiffres plus récents, nous donnons ici ceux qui sont publiés
LE PORT D'ORAN 407

des voyages est plus ralenti, en revanche les cargos, qui sont d'ail
leurs seuls à les effectuer vers l'Océan et les mers du Nord, ont
une capacité supérieure.

Si l'on tient compte seulement du nombre des navires et de leur


tonnage de jauge, les ports avec lesquels Oran a le plus de rela
tions, sont : dans la Méditerranée, Marseille, Port-Vendres et Sète ;
dans les autres mers, Rouen, Dunkerque, Brest, Nantes-Saint-Na-

zaire et Bordeaux. Rouen se classerait au second rang dans l'en


semble 1. Mais sous le rapport du tonnage métrique des marchan

dises embarquées et débarquées, celui-ci étant toujours supérieur

au premier, Rouen, premier port d'importation des vins de l'Oranie


et de l'Algérie entière, dépasse Marseille, que suivent
sensiblement

par ordre Dunkerque, Sète, Nantes-Saint-Nazaire, Brest, Bordeaux,

par les Documents statistiques de la Direction des Douanes de l'Algérie en 1936


pour l'année 1935 :

Ports de provenance Ports de destination Totaux

nav. tx nav. tx nav. tx

Méditerranée .. 564 958.730 458 769.528 1.022 1.728.258

Océan et Mers
du Nord .... 436 871.040 414 828.373 850 1.699.413

Divers 23 28.854 22 33.952 45 62.806

Totaux 1.023 1.858.624 894 1.631.853 1.917 3.490.477

1. Ports de provenance Ports de destination Totaux

Marseille 496.905 tx 486.903 tx 983.808 tx

Rouen 292.093 tx 306.313 tx 598.406 tx

Port-Vendres .. 185.878 tx 184.926 tx 370.804 tx

Sète 266.526 tx 97.699 tx 364.225 tx


408 LA VIE ECONOMIQUE

le Havre et au dernier rang Port-Vendres qui reçoit peu de mar

chandises aussi pondéreuses K

1. Tonnage métrique des marchandises embarquées et débarquées, sur Oran


ou d'Oran :

Tonnage embarqué Tonnage débarqué Totaux

71.485 t. 286.292 t. 357.777 1.


Marseille 76.433 1. 116.505 1. 192.938 1.
Dunkerque 57.736 t. 82.087 1. 139.823 1.
Sète 8.584 t. 112.537 1. 121.071 1.
Nantes -
Saint-Nazaire. . . 8.928 1. 53.519 t. 62.447 1.
Brest 3.469 t. 43.804 1. 47.273 1.
Port-Vendres 3.425 1. 12.423 1. 15.848 1.
PLANCHE XVIII

,
liip
s
V*'
, mm «i teass^ ^B&ti'
'2 ^V ■

Le bassin du Maroc : Embarquement des céréales devant le silo de la


Chambre de Commerce.
'liché de la Chambre de Commerce.

Le Vieux Port réservé à la pêche et aux embarcations de servitude. Au


fond, le môle du Centre et les Services du port.

Cliché Rodio.
rv

LA LIAISON AVEC L'INTÉRIEUR

Comme dans presque tous les ports de l'Algérie, les terre-pleins


de ceux d'Oran sont d'anciennes plages agrandies et aménagées,
bordées par des escarpements et des falaises coupées de ravins :

topographie fréquente sur les bords de la Méditerranée, où les


villes et les villages de la côte dominent souvent leurs « marines »,
et n'y ont accès que par des sentiers, des chemins, des routes et
des rues en lacets, à pente plus ou moins déclive. Pour relier l'une
à l'autre ces deux parties du site, il a fallu créer un réseau de
voies rattaché à
de la ville, d'abord, puis à celui des voies
celui

ferrées et des routes de pénétration vers l'intérieur ; on a dû dans


la suite le compléter, au fur et à mesure que de nouveaux bassins,
de nouveaux terre-pleins et de nouveaux quais venaient prolonger
les premiers. L'histoire de ces travaux est donc parallèle à celle

des agrandissements du port ; on peut la résumer par quelques

faits et par quelques dates.


Au lendemain de la de Mers-
notre occupation, alors que rade

el-Kebir servait de port à Oran, le seul moyen de communication

avec la ville était la route en corniche créée par le Génie pour

remplacer l'ancien chemin escarpé et accidenté jusqu'à être péril

leux1 qui gagnait par le fort Saint-Grégoire la porte du Santon.


Pendant qu'on poursuivait l'exécution du programme de 1848 2, les
rues d'Orléans, de l'Arsenal et Charles-Quint successivement ou

vertes dans le quartier de la Marine 3, étaient les seuls moyens

1. Voir plus haut, p. 159.


2.Idem, p. 329.
3. Idem, p. 149 et 164.
410 LA VIE ECONOMIQUE

d'accès du port en construction vers la vieille ville ; et de là vers

les routes de l'intérieur par les portes de Tlemcen et d'Alger. Dès


1849, on estimait justement qu'elles deviendraient insuffisantes, et

l'on songeait à ouvrir une route unissant le quai Charlemagne et

la Place Napoléon (Place d'Armes) 1, en contournant par une rampe

le Château-Neuf, et en remontant le long du ravin de l'Aïn-Rouina.


Par suite des retards qu'amenèrent les discussions et l'opposition
de l'Autorité Militaire, soutenue, on doit bien le dire, par les com

merçants de la ville basse 2, il fallut attendre plus de 30 ans pour

que cette liaison, reconnue indispensable, fût réahsée ; la route

projetée ne fut classée définitivement qu'en 1887 ; c'est la rampe

actuellement dénommée « du Capitaine Valès ».

L'achèvement de la ligne du chemin de fer d'Alger-Oran, dont


la gare terminus était prévue sur les quais du port dans les premiers

projets, dès 1860, avait amené le prolongement du rail jusqu'au


second bassin en voie de création3, travail jugé trop évidemment
nécessaire, et qu'il fallut exécuter au moyen de tranchées profondes

et d'un vaste détour au delà de la nouvelle enceinte d'Oran. L'obs


tacle de la petite péninsule que le fort Sainte-Thérèse,
couronnait

entre l'anse de Lamoune et la baie de l'Est que l'on devait combler


par la suite, fut franchi par un tunnel que le Génie autorisa à cet

effet ; une gare maritime des marchandises fut installée au droit


du quai actuel du Sénégal, tandis que le charroi continuait à
emprunter les ruesde la Markie et la rampe ménagée entre la
Promenade de Létang et l'Aïifttouina,
Mais l'extension l'Est du port, comme de la ville, l'accrois
vers

sement du trafic routier, devaient imposer fatalement l'ouverture


d'une nouvelle voie, qui décongestionnerait la circulation déjà in
tense dans l'agglomération bâtie, et relierait plus directement, plus

commodément, au port la gare du P.L.M. définitivement fixée à


Karguentah ; une autre venait d'ailleurs de s'ajouter à elle, dans

1. Idem, p. 174.
2. Idem, p. 180 et 181.
3. Idem, p. 181. Il s'agit du second programme et du bassin Aucour actuel.
LE PORT D'ORAN 411

son voisinage, celle de l'Ouest Algérien et de l'Etat, terminus de


lignes à voie étroite, ce qui compliquait encore le problème des
communications entre le port et l'intérieur, les marchandises en

provenance ou à destination des quais ne pouvant être évacuées


que par le roulage. Le prolongement du trafic par la voie ferrée
jusqu'à la gare d'Oran-Marine n'a été rendu possible qu'après le
rachat en 1900 et 1924 des lignes de la Cie Franco-Algérienne et

de l'Ouest Algérien par l'Etat, qui en a confié la gestion à la Cie


P.L.M. La voie étroite s'est alors avancée jusqu'à la gare de
Karguentah i et ensuite jusqu'aux quais
; 1937, la Chambre de
en

Commerce a mis en service 20 trucs permettant de charger les


wagons circulant sur les voies de 1 m. 05 du réseau oranais et

d'amener directement les grains de l'intérieur jusqu'aux silos cons

truits sur les quais2.

Les communications routières étaient encore reconnues insuf


fisantes lendemain de la guerre3, alors que l'on allait aborder
au

les travaux d'extension vers l'Est du port, conformément au pro


gramme de 1912-1924. Le comblement de la baie de Sainte-Thérèse

et la création de terre-pleins, qui devaient se développer


vastes

jusqu'au pied des falaises de Gambetta, nécessitaient le remanie


ment de la voirie des quais, y compris celle des voies ferrées. Ainsi
fut-on amené, dès 1920, à étudier le tracé d'une nouvelle route
du port. Cet ouvrage remarquable, construit sur les plans de M.
l'Ingénieur en chef Vergnieaud, prend naissance sous le nom de
rampe Sainte-Thérèse au débouché de l'ancienne route du port

sur les quais, et s'élève en pente douce, à flanc de talus et en


surplomb de la voie ferrée jusqu'au droit du môle du Ravin Blanc,
Kar-
pour dessiner ensuite une courbe qui l'amène à la gare de

1. L'ancienne gare de l'Etat est prévue dans le plan d'extension de la ville

comme devant être affectée à la ligne future transsaharienne.

2. Voir plus haut, p. 345.


3. Ch. de Com. Exposé des travaux, année 1920, p. 47-54. —
Année 1921, p.

200-205. —
Année 1922, p. 180-191. —
Année 1923, p. 279. —
Année 1924, p.

366-372.
412 LA VIE ECONOMIQUE

Sainte-
guentah. Son établissement a nécessité le dérasement du fort
Thérèse, réclamé depuis 1913 \ dont l'éperon aurait presque barré
les communications entre les terre-pleins de l'Ouest et ceux de
l'Est, la suppression du tunnel qui le traversait, le déplacement
vers le Nord des voies ferrées, leur franchissement par un large

pont, dont le débouché sur les deux rampes,


quais est assuré par

enfin la création à l'Ouest d'une gare de triage, dont les nombreuses


voies peuvent desservir facilement les quais et les môles sur toute

leur longueur. Tous ces travaux considérables ont été exécutés en

moins de quatre années, la Nouvelle Route du Port, ainsi qu'elle


et

est dénommée, a pu être inaugurée en 1928. On peut dire que toutes

les difficultés opposées par la topographie ont été vaincues, et que


le port d'Oran dispose à l'heure actuelle du réseau de communica
tions d'accès et d'évacuation le plus largement conçu, le plus élé
gamment exécuté, le mieux garanti contre l'encombrement et les

embouteillages, si fréquents dans les grands ports. Pour faciliter


l'arrivée sur les quais du bétail destiné à l'embarquement, et les
opérations de la visite sanitaire, une piste moutonnière a été étabhe
dans la Est du port, à l'issue du Ravin
partie Blanc, d'où elle

gagne le nouveau Parc à Bestiaux, mieux placé que l'ancien, qui

se trouvait au voisinage immédiat du vieux port et du quai La


moune 2.

Le port d'Oran est donc aujourd'hui, grâce aux améliorations

qui ont accompagné ou suivi %s diverses étapes de son extension,


en communication directe avec les lignes et les gares de l'intérieur.
Celle d'Oran-Marine dispose de deux voies principales et de douze

1. Ch. de Com. Exposé des travaux, 47-54.


o. c. année 1920-1921, p. Idem,

1921-1922, p. 200-205 ; 1922-1923, p. 180-191 ; 1923-1924, p. 279 et 1924-1925, p.


366-372.

2. Idem, 1928-1929, p. 471. Jusqu'alors, les moutons arrivant par la route de


La Sénia, en troupeaux pouvant rassembler à la fois un total de 15.000 à 18.000
têtes, étaient obligés de gagner par la Place d'Armes et la rampe du Port les
quais, où ils refluaient dans toutes les rues du quartier de la Marine, en atten
dant la visite et l'embarquement. Voir aussi l'Exposé de 332.
1929-1930, p.
LE PORT D'ORAN 413

voies de triage et de débord, d'une longueur totale de 7.640 mètres,


facilement reliées elles-mêmes à celles des quais, qui se dévelop
pent sur plus de 12 kilomètres \


Les lignes qui veinnent y aboutir sont : celle d'Alger à Oran ;

de La Sénia à Aïn-Témouchent, embranchée sur la précédente ;

de Sainte-Barbe-du-Tlélat à Sidi-bel-Abbès, Tlemcen, Marnia et
au delà vers le Maroc ; 4° de Perrégaux à Colomb-Béchar par
Saïda-Aïn-Sefra, à voie étroite, primitivement tracée pour desservir
le port d'Arzeu. Celui-ci même et Mostaganem par La Macta, Tiaret
par Relizane, Mascara par Tizi, Ras-el-Ma par Tabia, peuvent éga
lement amener du trafic par la voie ferrée ou en recevoir. Ainsi
sont assurés l'écoulement vers le principal débouché maritime, tout
comme la distribution à travers l'Oranie entièredes marchandises
débarquées. On peut ajouter le tramway à vapeur d'Oran à Ham-
y
mam-bou-Hadjar, à voie étroite, qui collecte les produits de La
Mléta, mais s'arrête à l'intérieur de la ville, sans les amener jus
qu'aux quais.

Plus regrettable sans lacune, qui malgré les vœux


doute est une

réitérés des assemblées élues de l'Oranie, de la Chambre de Com

merce d'Oran et du commerce local, n'a pas été comblée jusqu'ici :

le prolongement de la ligne d'Aïn-Témouchent jusqu'à Marnia. Tout


en décongestionnant la voie d'Oran-Sidi-bel-Abbès, Tlemcen-Oudjda,
très encombrée à certaines époques de l'année et d'un profil tour

menté, elle réaliserait un raccourci de 60 kilomètres pour les rela

tions entre le Maroc Oriental et le grand port de l'Ouest Algérien.


Les difficultés financières de la Colonie, et au moins tout autant la
construction du port de Nemours, ainsi que l'ouverture de la ligne
de Nemours à la station frontière de Zoudj-el-Beghal, sont les prin

cipales causes qui en ont déterminé l'ajournement. La question

subsiste cependant, bien que la concurrence des transports auto

sur route et la situation financière des chemins de fer


algé-
mobiles

1. P. et Ch. Stat. année 1936-1937, p. 8. La Chambre de Commerce en possède

11.182 mètres sur 12.272 ; 1.090 appartiennent à la Compagnie P.L.M.


414 LA VIE ECONOMIQUE

riens n'encouragent guère pour le moment à construire de nouvelles

lignes à grand rendement x ; on estimait en 1927 que la dépense


serait d'environ 100 millions, chiffre qui ne pourrait être que

dépassé à l'heure actuelle. Il est possible que la réalisation en soit

de nouveau envisagée, si l'on décide quelque jour la construction

d'un Transsaharien ayant une origine à Oran et si l'on suit les


directives qu'a données sur la question subsidiaire de la ligne à
créer entre Aïn-Témouchent et Marnia, le Directeur même de l'or
ganisme d'Etudes, M. Maître-Devallon 1.
Les routes qui desservent le port d'Oran sont : comme routes

nationales directes, la route



2 de Mers-el-Kebir à Tlemcen par

4 d'Oran à Alger Arzeu Mostaganem,


n"

Aïn-Témouchent, par et

1. Ch. de Com. Exposé des travaux, o. c. année 1927-1928, p. 134-196, où se

trouve un exposé détaillé de la question, avec les rapports des ingénieurs, no


tamment celui de M. l'Ingénieur d'arrondissement Bertin, sur l'intérêt que pré
senterait la construction d'une ligne directe Aïn-Témouchent-Marnia et sur les
tracés possibles. On y rappelle les vœux présentés par la Chambre de Com
merce d'Oran en 1913, 1916, 1921 et 1923, celui émis en 1927 par le Conseil Gé
néral d'Oran, les objections opposées par le Gouvernement Général de l'Algérie
et les Assemblées Algériennes, l'avis favorable donné par M. A. Jourdain, Di
recteur de la Compagnie P.L.M. « Le port d'Oran, écrit-il, doit jouer dans l'ave
nir un rôle de plus en plus important pour la desserte, non seulement du dé
partement, mais encore du Maroc oriental au point de vue des marchandises,
du Maroc presque entier au point de vue des voyageurs. Il peut faire valoir
de sérieux arguments en faveur de s%l adoption comme tête de ligne du Trans
saharien. Ce rôle, il le jouera d'autant mieux, ces arguments auront d'autant
plus de poids, que les lignes principales aboutissant à Oran auront un débit
plus grand. » Cette ligne ne fera d'ailleurs pas disparaître les autres ports.

« Chacun d'eux, Nemours, Beni-Saf, Oran doit avoir son rôle. Beni-Saf a déjà
son trafic. Nemours pourra servir pour les minerais de gros tonnage, Oran pour

les marchandises diverses, grâce à son organisation complète. » (23 mai 1927).
On trouvera aussi les intéressants rapports de MM. les Contrôleurs de l'Exploi
tation commerciale sur les possibilités offertes par le Maroc oriental, sur le dé
tournement inévitable qui se produira sur le port de Nemours, à la construc
tion duquel ils sont comme à sa liaison avec Zoudj el Beghal, enfin
favorables,
l'avis final qu'il lieu, du moins pour l'instant, d'envisager le prolon
n'y a pas

gement de la ligne d'Oran-Aïn-Témouchent sur Oudjda.


1. Ch. de Com. Exposé des travaux, 153-165.
o. c. année 1930-1931, p.
LE PORT D'ORAN 415

6 d'Oran à Géryville par Mascara et Saïda, et indirectement par

branchement croisement, les routes 13 d'Arzeu à El-Aricha


ou

par Sainte-Barbe-du-Tlélat, Sidi-bel-Abbès et Bedeau, 7 de Sidi- n°

bel-Abbès à la frontière marocaine par Lamoricière, Tlemcen et


14 23 de Mascara de Rehzane à Tiaret. Il faut y
n°"

Marnia, et et

joindre les chemins de Grande Communication qui les prolongent

ou les réunissent, n°

20 de Mers-el-Kebir à Bou-Tlélis par Aïn-el-

33 de La Sénia à Misserghin,

Turk, Bou-Sfer et El-Ançor, 18 n°

de Valmy à Aïn-el-Arba, 50 d'Oran à Sainte-Barbe-du-Tlélat


32 d'Oran à Saint-Cloud par Arcole, et d'autres


n"

par Sidi-Chami,

encore plus éloignés 1. Bien entretenues, accessibles à la circulation

la plus rapide, toutes ces voies sont sillonnées par un roulage dont
l'intensité traduit au voyageur parcourant ce réseau celle même

du trafic, plus éloquemment que n'importe quelle statistique 2.


Oran avec son port est le point de convergence et le centre de
rayonnement de ce vaste système circulatoire qui le relie au Ma
roc, aux Hauts Plateaux, aux hautes plaines, aux plaines basses,
à toutes les régions variées de l'arrière-pays que différencient leurs
reliefs, leurs caractères climatiques, leurs genres de productions et

les facultés de consommation de leurs diverses populations.

Comment se répartit ce trafic entre les voies ferrées et les rou

tes ? A défaut de détails suffisamment précis et complets, on peut

affirmer néanmoins, sans crainte de se tromper, que la plus grande

partie emprunte la route. Dans les cinq dernières années 1933-1937,


la moyenne annuelle du tonnage des expéditions et des arrivages

1/400.000*
1. Voir la Carte des Voies de Communication au publiée par le
Service cartographique du Gouvernement Général de l'Algérie, département

d'Oran, 1930.

2. Voir plus haut, p. 255 les comptages effectués sur les principales rou

tes pénétrant dans la ville.


416 LA VIE ECONOMIQUE

de la gare d'Oran-Marine a été de 301.070 tonnes1. Il est vrai que

les années 1935 et 1936, par l'effet des crises agricoles, avaient accusé

un fléchissement sensible, suivi d'ailleurs par un certain redresse


ment. On peut se faire une idée de la proportion relativement faible

que représente ce chiffre par rapport au tonnage des marchandises

débarquées ou embarquées sur les quais d'Oran, déduction faite


naturellement du cabotage côtier et des combustibles réexportés

par mer. En 1936, il était de 1.515.144 tonnes 2, dont 286.269 tonnes


seulement ont été maniées ou évacuées par la voie ferrée, c'est-à-

dire 18,8 %. Mais il convient d'ajouter que quantité de marchan

dises introduites pour la consommation de la grande cité ou entre

posées dans ses docks et ses magasins, en attendant leur redistri

bution à l'intérieur de l'arrière-pays, échappent ainsi à la circu

lation ferroviaire du port aux gares ou inversement, soit qu'elles

tombent dans la consommation locale, soit qu'elles s'écoulent plus

ou moins lentement. Il est impossible d'en apprécier même approxi

mativement le tonnage ; mais on est en droit de supposer qu'il est

considérable. En cette même année 1936, la gare d'Oran P.L.M,

1. Résultats du trafic de la gare d'Oran-Marine de 1933 à 1937 (communiqués


obligeamment par la Direction des Chemins de fer Algériens) :

Expéd. Arriv. Totaux Expéd. Arriv. Totaux

1933 . . 194.047 t. 138.512 1. 332.55tt. 1936 . . 134.911 1. 151.358 t. 286.269 1.


1934 , . 167.603 1. 136.323 1. 303.92?t. 1937 . . 147.867 1. 173.347 1. 321.214 1.
1935 . . 109.129 t. 152.254 t. 261.383 1.

Trafic des gares d'Oran-PL.M. et Oran-C.FA.E. fusionnées en 1936 :

Grande Vitesse Petite Vitesse Totaux

1933 6.2571+2.690 1. 151.939 1.+38.427 1. 199.313 t.


1934 5.357 1. +4.365 1. 152.080 1+30.745 1. 192.547 t.
1935 5.080t.+9.857t. 93.609 1.+28.232 1. 136.778 t.
1936 6.308 t. 139.906 t. 146.214 t.
1937 5.020 t. 193.861t. 198.881t.

2. P. et Ch. stat, o. c. année 1936-1937. La réduction porte sur 1.005.064 tonnes


importées et réexportées.
LE PORT D'ORAN 417

fusionnée avec celle des Chemins de fer Algériens de l'Etat, a

reçu ou expédié un total —

grande et petite vitesse —


de 146.214
tonnes, c'est-à-dire à peu près la moitié du tonnage de la gare

d'Oran-Marine !.

Cet écart entre le trafic par la voie ferrée et le trafic routier

n'est pas un fait nouveau, ni qui soit particulier au port d'Oran2.


Il n'est pas davantage essentiellement imputable au développement
de la traction automobile. En 1905, alors que, pour les poids lourds,
elle était encore à peu près inexistante, on calculait que la gare

d'Oran-Marine avait reçu 83.477 tonnes et expédié vers l'intérieur


77.718 tonnes, soit au total 161.195 tonnes3, alors que le tonnage
métrique du port, compte tenu des mêmes déductions que celles

opérées plus haut, à 705.020 tonnes,


se montait et que les mauvaises

récoltes jointes à la mévente du vin avaient ralenti sensiblement

le roulage. En 1907, on notait que 737.688 tonnes sur 1.019.193 ton


nes avaient été « véhiculées par la traction animale » 4, en 1908
que le charroi et le cabotage continuaient « d'assurer presque exclu

sivement le trafic du port » 5. Cette constatation était reproduite

dans les années suivantes, malgré un accroissement indéniable et

sensible du trafic des voies ferrées 6. Depuis la guerre, l'importance


prise par les transports automobiles a aggravé la situation des

chemins de fer au point de nécessiter un règlement des relations

de la route et du rail. La stabilisation des chiffres du tonnage cir-

1. Soit, d'après les chiffres communiqués, 6.038 tonnes en Grande Vitesse et

139.906 tonnes en Petite Vitesse.

2. R. Lespès, Alger, o.c, p. 739-741. En 1930, nous calculions que la part du


chemin de fer n'atteignait même pas 11 % dans le trafic du port de la capitale.

3. Ch. de Com. Situation, o. c. 1905-1906, p. 28.

4. Idem, 1907-1908, p. 22-23.

5. Idem, 1908-1909, p. 11.

6. Idem, 1919-1920, p. 109.

14
418 LA VIE ECONOMIQUE

culant par voie ferrée traduit en fait un abaissement de la propor

tion qu'il représente dans le total K

1. En 1919, ce tonnage, pour la gare d'Oran-Marine, a été de 304.875 tonnes ;


en 1937, de 321.214 tonnes. Les proportions par rapport au tonnage amené au

port ou évacué ont été respectivement de 38 % et de 22 %.


Par ailleurs, le relevé des véhicules destinés aux transports de marchandises

et autorisés à Oran enregistre au début de 1938 :

Pour les transports à toutes distances : 408 camions de 2.623 1. 8 et 256 remor

ques de 1.90516.
Pour le camionnage à toutes distances : 34 camions de 121 1. 5 et 9 remor

ques de 88 t.
Soit au total : 442 camions de 2.745 1. 3 et 265 remorques de 1.993 1. 8.
et 707 véhicules de 4.739 t. 1. (Renseignements fournis par la Direction des
Chemins de fer Algériens).
A titre de renseignements et pour montrer l'importance des entreprises de
transports « voyageurs » partant d'Oran ou y aboutissant, on doit signaler qu'il

existe 20 lignes départementales, avec comme terminus, entre autres, Tiaret,


Relizane, Frenda, Mascara, Saïda, Sidi-bel-Abbès, Tlemcen, Beni-Saf, Oudjda,
desservies par 9 entreprises. La principale, l'entreprise Ruffié, assure sur 12
d'entre elles 50 services d'aller et retour journaliers, les autres sur 9 lignes en
assurent 51. Le nombre des véhicules est de 146 qui totalisent 4.626 places.

(Dir. des C.F.A.).


CHAPITRE II

L'AÉROPORT D'ORAN

1
L'AEROPORT D'ORAN-LA SENIA

Oran, devenu un de nos premiers ports maritimes, occupe aussi

aujourd'hui une place non moins importante dans le réseau aérien

français. Il n'est pas exagéré de le considérer comme un grand

carrefour des routes de l'air dans l'Ancien Continent, comme une

des plaques tournantes de la circulation aérienne.

On trouvait là réunis des avantages naturels de première valeur

pour inviter à la création d'un aérodrome et pour en favoriser le


développement. Tout d'abord la position, soit dans l'Afrique du
Nord, soit dans le cadre des pays riverains de la Méditerranée
Occidentale, soit enfin par rapport aux voies pouvant ouvrir l'accès
de l'Europe vers le Centre et le Sud Africains. Sans revenir sur

les considérations que nous avons déjà présentées au début de


cet ouvrage 2, on doit rappeler que l'abondance des plaines, l'étendue
des hautes plaines et des plateaux, l'absence de grands reliefs, font

de cette région de l'Algérie un pays privilégié pour la circulation

dans l'air comme sur la terre, et que le voisinage de l'Espagne


devait la désigner pour l'établissement d'une base, alors que la
liaison avec la France du Sud-Ouest apparaissait comme plus sûre

1. Une documentation abondante nous a été communiquée par M. Pourcher,


Directeur de l'Aéronautique civile au Gouvernement Général de l'Algérie. Nous
lui adressons, ici, nos remerciements.

2. Voir p. 16.
420 LA VIE ECONOMIQUE

que la traversée de la Méditerranée dans sa grande largeur. Du


côté Sud, c'est aussi là que dès 1930, après les reconnaissances

répétées de nos pilotes militaires, l'aviation civile fixait le point

de départ de ses audacieuses randonnées vers le Centre de l'Afrique,


et de là vers le Cap et Madagascar. La grande voie naturelle de la
Zousfana et de la Saoura vers Reggan, le Tanezrouft et les Terri
toires du Niger était ouverte. Et ainsi la plaine de la Sebkha d'Oran
se révélait bien comme le lieu d'élection où se croisaient la ligne
« transversale » l Casablanca-Tunis et l'axe France-Espagne-Sahara-

Niger ou Congo.
Le choix d'un terrain pour l'établissement d'un aérodrome était
facile à déterminer 2. Au S. -Sud-Est de la ville, à environ 8 kilo
mètres à vol d'oiseau de son centre, entre La Sénia et Valmy, la
route nationale de Mascara (route n°

6) traverse une plaine large


de 4 kilomètres environ et allongée de l'O.-Sud-Ouest à l'E.-Nord-

Est sur plus de 10 kilomètres ; elle était connue dès les premiers

temps de notre occupation sous le nom de « plaine du Figuier » 3,


dénomination que lui avait valu la présence d'un arbre isolé et

perdu au milieu des solitudes d'un terrain immense, dénudé, salé


1/50.0006
et impropre à toute culture. Sur la carte au du Service
Géographique de l'Armée, il se détache nettement en blanc entre

la ligne des fermes et des vignes qui longent du côté Nord la voie

ferrée de La Sénia à Aïn-Témouchent, et vers le Sud les fon


drières de la Grande Sebkha e^les abords de la route de Valmy
à Sidi-Chami. Elle se trouva ainsi orientée dans le sens même

des vents dominants ; libre d'obstacles naturels, le sol en est souple

et propice à un nivellement parfait ; toutes conditions excellentes

pour y aménager une plateforme de départ et d'atterrissage.

1. On a pris l'habitude de la dénommer ainsi, encore que sa direction par


rapport au front de mer de l'Afrique du Nord semblerait devoir appeler plutôt

le nom de « longitudinale ».
2. Voir la carte du Service Géographique de l'Armée au
1/50.000* (F8 n"

153, Oran).
3. On y avait installé le «Camp du Figuier» et un des blockhaus gardant
les abords de la place d'Oran (voir plus haut, p. 157 et 160).
L'AEROPORT D'ORAN 421

C'est dans ces parages, à l'Est du village de La Sénia que furent


exécutés, entre 1913 et 1914, les premiers vols d'aéroplanes prati

qués en Oranie 1. Dans l'angle défini par la route nationale et le


chemin du à la station, la Marine militaire monta
village pendant

la guerre deux hangars à dirigeables 2 qui abritèrent ses vedettes

de reconnaissance ; ils devaient disparaître après les hostilités, l'un


ayant été brûlé en 1934 et l'autre démoli par la suite. Mais peu de
temps après l'armistice, on songea à créer en Algérie des forma
tions d'aviation militaire, et l'on choisit un emplacement tout voisin

2e
y installer le Groupe 3, dans l'angle formé la 6

pour par route
d'
et la voie ferrée Aïn-Témouchent. C'est précisément l'origine de
l'aérodrome actuel.

En 1921, les Services Civils de l'Aéronautique et des Trans


ports Aériens 4 dont l'activité a toujours égalé la clairvoyance, déci
daient d'entreprendre l'équipement aéronautique de l'Algérie, où
ils estimaient avec raison, qu'entre autres perspectives, les trans
ports publics dvaient être appelés à un brillant avenir. Alors que

la liaison Alger-Marseille restait encore à l'état de projet, la Cie

Latécoère, désignée à cet effet, établissait, en septembre 1923, entre


Oran et Casablanca, avec escales régulières 5 à Fès et à Rabat, un
service bihebdomadaire ; en mai 1924, une ligne maritime par
hydravions Léo, 13 bimoteurs pour 4 passagers, venait relier le

1. Ils furent exécutés par les frères Servies, précurseurs de la brillante pléiade

oranaise.

2. C'étaient deux grandes constructions en bois de 150 mètres sur 40.


3. Sous le commandement du Commandant Gallet qui dirigea les travaux
de nivellement et installa le long de la voie ferrée ses escadrilles de Bréguet 14.
Le terrain, un parallélogramme à peu près équilatéral de 980 mètres de côtés,
couvrait 90 hectares.

4. Ils achetèrent les terrains partiellement aménagés par l'Aviation militaire

6, deux hangars standard de 40


etédifièrent le long de la route nationale


mètres sur 30 et un hangar T de 30 sur 20 ; une installation provisoire de T.S.F.

fut créée.

5. Le matériel consistait en Bréguet 14 du type de l'Armée, aménagés assez

sommairement pour deux passagers seulement. Les escales forcées étaient fré

quentes, à Oudjda, à Taza, à Meknès et parfois dans la plaine du Maroc oriental.


422 LA VIE ECONOMIQUE

port algérien à celui d'Alicante où elle se raccordait à celle qui

fonctionnait déjà entre Casablanca et Toulouse en suivant les côtes

d'Espagne. La partie du Vieux Port affectée à la Marine Nationale


et à la Défense Mobile avait été mise à la disposition de l'Aviation
Commerciale et quelques installations indispensables y avaient été
effectuées 1. Mais cette tentative, malgré le dévouement du person

nel, pour plusieurs raisons dont l'insuffisance du matériel n'était

pas la moindre, donna de sérieux mécomptes 2 et ne rendit pas

les services qu'on en attendait, même au ponit de vue postal. Les


deux lignes, terrestre et maritime, fonctionnèrent jusqu'à usure du
matériel et furent supprimées en 1926. Il apparaissait d'ailleurs que

le port d'Oran ne se prêtait pas commodément à l'établissement


d'une base fixe d'hydravions, mais seulement à des amerrissages

occasionnels ; Mers-el-Kebir et Arzeu sont certainement mieux dé


signés pour ce rôle.

L'aérodrome civil de La Sénia s'équipait pendant ce temps. Le


terrain était agrandi par l'adjonction d'un triangle, dont deux côtés
de 1.000 mètres et un de 1.150 en augmentaient la surface de 50
hectares, la portant ainsi à 140 ; la limite Ouest en était reculée

jusqu'à 2.000 mètres de la route nationale, et il acquérait dès lors


sa forme actuelle de trapèze, offrant pour les avions chargés une
magnifique piste de départ orientée vers l'Ouest et libre de tout
obstacle sur plusieurs kilométras. De 1924 à 1938, on y a construit

des bâtiments la Direction™le gardien, les postes émetteurs de


pour

T.S.F., la météorologie, érigé un émetteur-récepteur de guidage


goniométrique placé en dehors du terrain dons une position qui

en fait un excellent poste de recoupement pour la navigation

aérienne sur les lignes de la Méditerranée et du Maroc. En 1930,

1. On y avait notamment édifié un hangar sur le terre-plein de la Défense


Mobile et établi un atelier le long du quai Giraud; enfin on avait monté en

1924-1925 une grue de 10 tonnes.


2. Le service comportait quatre voyages aller et retour par semaine. Il y eut
des incidents divers et de graves accidents. Le rendement en fut d'ailleurs mé
diocre tant pour les services postaux que pour les passagers.
L'AEROPORT D'ORAN 423

la T.S.F. a été montée sur des pylônes ; la station radio-télégraphique

d'Oran peut être considérée comme une des plus importantes du


réseau aérien. D'autres améliorations encore sont ou en voie d'exé
cution ou en projet pour une échéance prochaine : tels l'aménage
ment commencé d'une piste de départ i qui permettra l'envol de
l'aérodrome de La Sénia des avions de tous tonnages par tous les

temps, l'étude d'un équipement radiogoniométrique de jour et de


nuit, et enfin l'agrandissement du terrain lui-même dans des pro
portions importantes.

On comprend que l'Autorité Militaire ait songé à faire des


étendues de la Sebkha toute voisine champ de tir
un pour les
forces aériennes de la Métropole et de l'Afrique du Nord, et même

à établir à La Sénia une base pourvue de contingents très impor


tants.

Cependant Oran ne pouvait rester longtemps sans communica

tion avec le réseau algérien des transports publics : c'est ce que

comprit un jeune algérois, M. H. Germain, qui obtint en décembre


1934 l'autorisation de créer entre Alger et Oran un service régulier

assuré deux Farman 190, à quatre places2, auxquelles furent


par

bientôt substitués des Dragons Havilland. La S.A.N.A., ainsi qu'on


l'appelait (Lignes Aériennes de l'Afrique du Nord), cessa son

exploitation en fin 1936 ; elle a été reprise par la Régie-Afrique.


Celle-ci fonctionne actuellement avec un service quotidien dans
chaque sens, sauf le dimanche.
Le 13 juillet 1935, la liaison bihebdomadaire d'Oran avec Ali
cante a été rétablie3
par Air-France, en correspondance avec la

ligne France-Maroc. Les événements d'Espagne ont amené un dé


d'
tournement de ce dernier parcours Alicante sur Casablanca par

Oran et Fès. Depuis le 15 juillet 1936, des relations journalières

étaient assurées entre La Sénia et le port marocain de l'Atlantique.

1. L'emplacement de «L'Algérienne», ainsi qu'on la dénommera, a été jadis

fixé par Bossoutrot et utilisé par Rossi.


2. A raison de trois voyages aller et retour journaliers par semaine.

3. Au moyen de Fokker trimoteurs.


424 LA VIE ECONOMIQUE

Ainsi a pu être définitivement réalisée sur toute sa longueur cette

grande ligne Casablanca-Tunis, la « Transversale », voie impériale

des airs, une des grandes lignes maîtresses du réseau Africain-

Français. L'aérodrome d'Oran, grâce à son équipement perfec

tionné sans cesse et doté de toutes les commodités recherchées par

les passagers, est devenu une des escales les plus confortables et

les plus plaisantes sur le parcours Marignane-Alger-Maroc. Ajou


tons que la puissance des appareils récemment mis en service rend

possible désormais le trajet direct de France à Oran.

Les avantages qu'offrait la position d'Oran pour les relations

aériennes entre le continent européen et l'Afrique Centrale, à


travers le Sahara, que l'on pouvait assimiler à une mer, mais à une

mer pourvue d'escales le jour où la reconnaissance en aurait été


faite, ont été exploités dès 1931. Celle-ci était en effet entreprise

à cette date et poursuivie avec persévérance par des avions belges


et des appareils de la S.A.B.E.N.A. ; elle a abouti à l'adoption de
l'itinéraire par Oran de la grande ligne Bruxelles-Congo, qui, après
un accord avec Air-France et Air-Afrique, a été inaugurée le 24
février 1935, et fonctionne régulièrement avec un matériel rapide

et puissant de Savoia 73. Elle assure deux services par mois dans
les deux sens. Désormais par Colomb-Béchar, Reggan
Gao, les et

Territoires du Niger et de l'Oubanghi, les deux Congos, Belge et


Français, sont en communicatioja aérienne avec l'Algérie oranaise,
et vers le Sud, elle peut se reli»-
ainsi à Madagascar. Oran a donc
réussi à prendre dans les services rapides entre la Méditerranée
française et le cœur de l'Afrique, la part qui lui revenait naturel

lement !.

1. On doit mentionner que la ligne de la S.A.B.E.N.A. (Société Anonyme Bel


ge pour l'exploitation de la navigation aérienne) , a fonctionné en 1937 avec ui„e
régularité de 100 %. Elle a transporté en 1936 25.059 passagers-étapes, 62.672
kilog. de poste et 4.957 de messageries plus 34.821 de journaux entre Bruxelles
et Elisabethville. Celle de la Régie Air-Afrique entre Alger et Oran a atteint
également ce résultat; le coefficient avait été 1935 de 79,5
en % d'Oran à
Alger et 80,3 d'Alger à Oran. Depuis le 15 jus-
avril 1937, elle a transporté
L'AEROPORT D'ORAN 425

Il y a enfin deux faits que l'on ne saurait passer sous silence.

Tout d'abord la qualité de l'aérodrome de La Sénia y a attiré depuis


1930 des aviateurs qui comptent parmi nos « as » les plus éprouvés,
pour y conquérir les records de distance et de durée en circuit

fermé et y faire l'essai d'appareils nouveaux en vue de raids mon

diaux1. En le tourisme, sous l'impulsion des Aéro-


second lieu,
Clubs, y a pris, comme d'ailleurs dans toute l'Oranie, un essor

remarquable. On y forme annuellement une soixantaine d'élèves ;


32 appareils et 128
privés pilotes y ont leur port d'attache. Oran
est devenu le centre d'une région où l'aéronautique prospère dans
un rayon de 100 kilomètres sur huit autres aérodromes 2 ; les deux
premiers à donner l'exemple de cette activité ont été Sidi-bel-Abbès
et Mostaganem, où l'on compte actuellement 32 appareils et 119
pilotes, l'Oranie entière en possédant respectivement 85 et 302.
Devant un tel succès, on peut supposer que sans les restrictions

amenées par la crise agricole, le nombre en aurait été encore plus

considérable.

qu'au 31 décembre 386 kilos de poste et 128 de messageries. Le nombre des


passagers reste faible. Elle longe une voie ferrée rapide ; on peut dire que

son rôle est surtout un rôle de liaison entre le Maroc et la Tunisie par Oran
et Alger.

1. Cette histoire serait trop longue à faire ici. Dès 1931, la « Swissair »

avait organisé des croisières aériennes que Mittelholzer avait poussées jusqu'au

Sud-Oranais. De 1930 à 1934, on vit passer sur l'aérodrome de La Sénia suc

cessivement Mollison, Amy Johnson, l'Australien Schmidt, Lady Bailey, Gou


lette, Salel, Boutillier, Moench, Reginensi, D'Estailleur-Chanteraine, Avignon
voguant vers Madagascar, Wauthier vers le Centre-Afrique.

Parmi les « as » en quête de records, citons Bossoutrot venu avec Rossi

en 1930 sur le Blériot 110, Paillard-Mermoz-Mailloux sur le Bernard 80. Le


26 février 1931 et le 26 mars 1932, le Blériot 110 y réalisa deux records du

monde de 8.822 puis de 10.600 km. C'est là que, le 10 septembre 1933, Assolant

et Lefêvre sur le Bernard 80, ont pris leur départ en direction de l'Indochine

pour gagner le record de distance en ligne droite.

2. Ce sont lesde Sidi-bel-Abbès, Mostaganem, Mascara, Reli


aérodromes

Perrégaux et Saïda.
zane, Lourmel, Aïn-Témouchent,
14*
CHAPITRE III

LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE

Oran est une grande de commerce, dont l'activité et la


place

vitalité n'ont pas besoin d'être démontrées par des chiffres et des
statistiques. Elle éclate, dès le premier abord, aux yeux du moins

averti des voyageurs les rues, dans n'importe quel


qui en parcourt

quartier, sans même qu'il se donne la peine de jeter un coup


d'œil sur son port, ses quais, ses môles et ses docks. Il y a long
temps que cette grande cité a acquis la réputation d'être une ville

essentiellement de négoce, « un monde d'affaires », ainsi


occupée

que l'écrivait un visiteur en 1872. Si depuis les dernières années,

sa richesse s'y manifeste plus ostensiblement par la construction

de grands et beaux immeubles, d'aspect cossu et moderne, tant


à l'extérieur que dans les aménagements intérieurs —
au quartier

de Miramar par exemple —

, d'allure des nombreux piétons qui

circulent dans ses artères, la densité des de toutes sortes,


véhicules

la continuité du roulage, y révèlent une ville, où les occupations


sérieuses ne laissent que des loisirs mesurés pour la flânerie. Il y
a longtemps que les Oranais l'ont réglée : dans le temps, entre les
heures où s'arrête la vie des magasins, des ateliers et des offices,
et celles que réclament le repas du soir, la distraction et le repos
des fatigues de la journée ; dans l'espace, jadis sur le parcours de
la rue Napoléon1, et depuis, le long du Boulevard Séguin. Encore
les conversations du dehors et du café se poursuivent-elles sur les

1. Voir plus haut, p. 156.


LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 427

affaires, dont on parle partout et à toute heure, tellement elles sont

la préoccupation majeure de la population.

Oran est « la principale place commerciale de l'Algérie », tel


est l'axiome si souvent produit dans les assemblées officielles 1 ;
c'est une capitale, « émule d'Alger », et l'Oranais, fier de sa ville,
ajoute au besoin, non sans quelque malice, que sa rivale est avant

tout la capitale administrative, celle des fonctionnaires. Nous avons

montré ailleurs2, des témoignages irrécusables, qu'Alger est


par

aussi la place de commandement du commerce algérien. Au demeu


rant, il est impossible de mesurer avec précision la part exacte que

prend Oran dans l'économie générale de la colonie. Elle est grande

incontestablement, comme le sont le nombre, la


dispersion, la popu
lation des centres urbains et ruraux de cette
Oranie, où la place
occupée par l'Européen, de civilisation sinon toujours d'origine,
l'étendue et la valeur du territoire cultivé par lui, lui confèrent
cette capacité d'achat de consommation qui est un des conditions

et le meilleur ahment du commerce 3. Dans l'Algérie de l'Ouest,

1. Idem, p. 97 par exemple.


2. R. Lespès, Alger, o. c, p. 787 et suivantes.

3. Dans le dénombrement de 1936, la population « municipale » européenne

des communes de plein exercice et mixtes réunies était, pour le département


d'Oran, de 386.472 habitants, supérieure par conséquent à celle du département
d'Alger, sous le même rapport, qui n'atteignait que 349.467 habitants. La po
pulation européenne des communes de plein exercice seules était, pour le dé

partement d'Oran, de 363.599 habitants répartis entre 114 communes, pour celui

d'Alger, de 336.869 et 114 communes aussi, de Constantine, de 186.438, pour 80


communes. Il ressort de ces chiffres que, dans la répartition du peuplement

européen, la balance penche fortement du côté de l'Oranie. Ce n'est pas une

considération négligeable au point de vue commercial.

Autre considération qui ne l'est pas davantage. Dans la distribution des


communes de plein les arrondissements, on remarque une con
exercice entre

centration sensiblement moindre dans le département d'Oran : sur 114 au total,

47 gravitent autour du chef-lieu, mais on en compte 26 dans l'arrondissement


de Mostaganem, 21 dans celui de Sidi-bel-Abbès, 13 et 9 dans ceux de Mascara
et de Tlemcen. Or, dans le département d'Alger, sur 114, 71 sont groupées

autour de la capitale, c'est-à-dire les deux tiers. On contestera difficilement


que cette diffusion plus grande de l'élément européen, le premier producteur
428 LA VIE ECONOMIQUE

malgré le développement remarquable des autres agglomérations

urbaines, telles que Sidi-bel-Abbès, Mostaganem ou Mascara, Oran


reste le pôle attractif, le principal centre de rassemblement vers le
quel converge la majorité des produits affluant de l'intérieur ou de
l'extérieur pour la consommation locale, l'exportation ou la redis

tribution, et par là même c'est bien la place de commandement du


commerce régional. Nulle part en outre, ne se posent avec plus

d'acuité que dans ce pays de production sans cesse accrue les


problèmes dominent toute l'économie algérienne, essentielle
qui

ment agricole, et au premier rang, celui des débouchés, de l'équi

libre des échanges avec la Métropole, et de l'ouverture des marchés


étrangers par des accords commerciaux fondés sur le sens des
intérêts réciproques, la seule garantie de leur durée.

Seul le commerce maritime d'Oran se prête à quelque évalua


tion, grâce aux estimations faites par la Douane ; le marché inté
rieur, local ou régional, échappe à tout contrôle de ce genre. Sans

nous arrêter aux réserves que l'on pourrait faire sur la précision

des résultats, calculés suivant les barèmes établis par la Commis


sion des Valeurs en Douane, nous pouvons y puiser quelques élé

ments utiles et intéressants d'information et de comparaison.

La valeur de ce trafic (commerce spécial), que nous pouvons

appeler « extérieur » en le comparant à celui d'une frontière, était


estimée, en 1936, à plus d'un millrârd 800 millions, importations et

exportations réunies. Nous en avfns suffisamment étudié le ton


nage métrique pour n'avoir pas à y revenir ; mieux que la notion

de la valeur, il nous renseignait sur l'importance des manipulations


du port, dont dépend son activité. L'évaluation précédente repré
sentait 27,7 % du commerce extérieur total de l'Algérie ; le port
d'Alger y figurait de son côté pour 40,1 %. Mais Oran se distinguait

par une supériorité proche de 160 millions des exportations sur

comme le premier consommateur, lui assure une emprise plus forte et contri
bue à accroître la diversité et le volume des échanges. Il représente d'ailleurs
dans l'Oranie 24 % de la population totale, contre 15,8 % et 7,5 % dans les
deux autres départements.
LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 429

les importations ; à Alger, ces dernières, dont la valeur dépassait


de plus de 700 millions celle d'Oran, contribuaient pour la plus
grande part à établir l'écart total entre les deux ports1. Le fait
n'était d'ailleurs pas nouveau, en ce qui Oran
concerne du moins

où il constituait la règle, sauf dans les années de crises agricoles.


A l'examen plus détaillé des statistiques, il apparaît nettement que
cette plus-value des importations d'Alger tient avant tout à une

demande importante des denrées alimentaires, des matériaux


plus

de construction, des produits chimiques, des tissus, des machines


et des fabrications nécessaires à l'industrie de la capitale, tandis
que dans les périodes normales, Oran se distingue par de plus
fortes exportations agricoles.

A ce commerce la France métropohtaine participe pour la plus

grande part ; en 1936, pour 726.474.000 francs aux importations,


soit pour 84 % du total, et 940.181.000 francs aux exportations,
ce qui représente 92 % ; dans l'ensemble, pour 89 %. Il est vrai que,
dans ces estimations du commerce spécial ne figurent pas les mar

chandises introduites pour être réexportées, telles que les combus

tibles solides et liquides destinés au ravitaillement des navires

relâcheurs ; mais leur valeur ne suffirait pas à changer notable

ment ces proportions. La Métropole reste donc le premier client

et le premier fournisseur. Si on peut se féliciter de cette cohésion

étroite des intérêts, on peut regretter que les débouchés vers nos

colonies et surtout vers l'étranger, dont la faculté d'achat est certes

autrement grande, soient aussi faiblement Ouverts, d'autant que

1. Direction des Douanes de l'Algérie. Doc. statist. Année 1936, p. 317 et

années précédentes :

Oran : valeur des importations : 859.679.000 fr. Exportations : 1.000.926.000 fr.


Total : 1.860.605.000 fr.
Alger: valeur des importations: 1.561.430.000 fr. Exportations: 1.129.447.000
fr. Total: 2.690.877.000 fr.
Les évaluations correspondantes étaient, pour Oran :

En 1935, de 787.880.000 fr. et de 819.269.000 fr., au total de 1.607.149.000 fr.


En 1934, de 1.122.006.000 fr. et de 787.126.000, au total de 1.909.132.000 fr.,
mais il s'agit en la circonstance d'une année de crise d'exportation agricole.
430 LA VIE ECONOMIQUE

les exportations vers cette destination sont par trop sensiblement

inférieures aux importations : en 1936, 60.745.000 francs contre

133.205.000 francs1. Le fait est général pour le commerce exté

rieur de l'Algérie ; mais on peut affirmer que, à Oran, encore plus


qu'ailleurs, on ressent les effets de cette situation, lorsque le marché
métropolitain des produits agricoles se contracte et oppose des
restrictions et des barrières à la production et à l'entrée de ceux

de la colonie.

Il ne saurait être question ici de passer en revue tous les arti

cles du commerce d'Oran, mais seulement de donner quelques

aperçus sur les principaux commerces de gros, sur leur approvision

nement et leur rayon d'action, ainsi que sur leurs caractéristiques

spéciales 2.
Au premier rang on doit certainement placer celui des vins, dont
l'extension devait nécessairement suivre celle de la plantation et

de la production3. Oran en est ainsi devenu, depuis les toutes der


nières années, le principal marché d'exportation, comme son dépar
tement a conquis la première place parmi les récoltants. Malgré
toutes les mesures législatives de réglementation de limitation,
et

qui n'ont pas été sans apporter quelque trouble dans les transac-

1. Direction des Douanes de l'Algérie. En 1935, les exportations vers les


Colonies françaises et les pays étrangers étaient évaluées à 48.546.000 fr. contre

124.981.000 fr. pour les importations, fe


2. En dehors des statistiques, la plupart des renseignements qui nous ont

servi à écrire ces pages nous ont été fournis par une enquête personnelle faite
auprès de personnalités des plus qualifiées du gros commerce oranais. Nous
tenons à les remercier, ici, de l'accueil aimable qu'ils nous ont réservé et de
la complaisance avec laquelle ils se sont mis à notre disposition pour nous

documenter. Nos remerciements vont particulièrement à MM. Azencot (Denr.


col.), J. Arnaud(Bois), Benyamine (Tissus), E. Botella (Crin végétal), H. Gar-
det (Charbons de consommation), Hud de Beaufort (Primeurs), Ed. Kruger
(Vins), Sydney Lasry (Charbons de soute), Lloret (Boucherie), Ad. Pautard
(Alfa), Alb. Smadja (Laines, cuirs et peaux), Albert Solal (Céréales). MM.
Méziat (Société Shell d'Oran) et Ximenès (Standard
d'Alger), ont également
droit à nos remerciements.
3. Voir plus haut, p. 368.
LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 431

tions, il a été expédié, en 1936, plus de 4 millions d'hectolitres de


vins ordinaires 1, dont la valeur était évaluée à plus de 540 millions.
On ne compte pas moins de 40 négociants en gros installés sur la
place, auxquels il faut joindre environ 30 commissionnaires. La con

sommation locale est insignifiante auprès de l'exportation, dont la


Métropole absorbe à peu près la totalité. Car à l'étranger, la lutte
est devenue à peu près impossible et le prix des transports — peut-

être aussi davantage encore leur manque d'organisation —


raréfient

la demande de nos 2. Hors de France, Oran n'a expédié


colonies

en 1936 que 6.686 hectolitres. Ce sont les ports de l'Océan et des


mers du Nord qui en importent les plus grandes quantités ; la pro

portion atteint 80 % 3. Rouen et Dunkerque tiennent la tête ; d'une


manière générale, on peut dire que la majeure partie de ce com

merce se fait avec la région parisienne et l'Ouest de la France 4.

Les vins demandés et expédiés sont avant tout des vins rouges

destinés à la consommation directe et au coupage. Oran s'approvi

sionne dans tout le département, mais avec une préférence mar

quée pour certains vins, comme ceux de Aïn-Témouchent ou de


Tlemcen, qui se rapprochent le mieux du type consacré par les
négociants de la place : ce type « Oran » est obtenu par un mélange

donnant un produit ayant du corps de la couleur, assez fruité,


et

une faible acidité, un bouquet que l'on demande par exemple aux

1. Exactement 4.337.442 hectolitres estimés à 542.181.000 francs. Les chiffres

correspondants avaient été, 1934, de 4.423.033 hectolitres et 420.189.000 francs,


en

en 1935, de 5.181.425 hectolitres et 414.514.000 francs.


2. Des efforts sont entrepris à l'heure actuelle pour ouvrir un plus large
débouché en A.O.F.
3. Direction des Douanes, o. c. 1936, p. xxvm-xxix. Chiffres des quantités

exprimées en quintaux métriques.

Ports de la Méditerranée : 1.003.774 quintaux.

Ports de l'Océan et des Mers du Nord : 3.976.595 qx.

4. Idem. Importations :

Sète, 728.033 quintaux. Marseille, 139.657 qx.

Rouen: 1.877.595 quintaux. Dunkerque: 704.128 qx. Nantes: 463.680 qx.

Brest: 373.204 qx.


432 LA VIE ECONOMIQUE

vins de Descartes, et titrant entre 11 et 12°. Les vins de 13 et 14°,


que l'Oranie produit sans peine sont peu recherchés par les ache

teurs métropolitains, en raison de leur prix qui paraît trop élevé.


13°
Oran expédie aussi des vins rosés de 12 à provenant notamment

de Rio-Salado et de Mascara, mais peu de vins blancs.


'
Depuis une quinzaine d'années, Mostaganem a pris une exten

sion considérable comme exportateur de vins \ sans d'ailleurs que

le commerce d'Oran en ait été sérieusement atteint ; le développe


ment donné à la viticulture depuis la guerre dans les régions plus

proches où il s'approvisionne a compensé les quelques pertes qu'il

a pu éprouver. D'ailleurs, les négociants du chef-lieu ont installé


dans la ville voisine des chais où ils peuvent réaliser parfaitement

le type de vin qu'ils recherchent.

Une transformation à signaler dans le mode de transport de


la propriété aux chais a été l'emploi qui tend à se généraliser des
camions-citernes automobiles ; le trafic ferroviaire en a éprouvé
quelque atteinte. Les futailles destinés à l'embarquement ont été
également améliorées, grâce à un procédé de laquage intérieur qui
assure dans de meilleures conditions la conservation des vins et

le nettoyage des récipients ; l'usage en est aujourd'hui répandu dans


l'Oranie entière.

Le commerce des céréales a toujours été très actif à Oran ;


avant que la viticulture eût asfciré la prépondérance à des
celui

vins, il occupait la première place dans le trafic intérieur et exté

rieur. L'Oranie est en effet, dans les années normales, le principal

producteur de grains en Algérie2, dans une proportion, dont on

peut estimer la moyenne à environ 40 %. La culture européenne,


qui a porté là ses plus grands efforts et réalisé ses progrès les plus

1. En 1936, les expéditions de vins ordinaires atteignaient 1.460.811 hectos


(Dir. des Douanes. Doc. stat. 1937, p. 325). Elles avaient atteint, en 1935,
1.800.282 hectos.
2. En 1933-34, elle a produit 9.424.270 quintaux, contre 4.649.283 pour le dépar
tement d'Alger et 9.119.230 pour celui de Constantine. (Annuaire Stat. de l'Al

gérie, 1934, p. 307.)


LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 433

remarquables y assure, malgré l'emprise progressive de la vigne

sur le sol, des excédents pour l'exportation que ne peut atteindre


aucun des autres départements. Seul, celui de Constantine, où pré

vaut la production du blé dur et de l'orge, cultures essentiellement

indigènes, peut rivaliser avec elle ; mais le blé tendre et l'avoine, dont
elle reste le premier fournisseur, compensent cette supériorité 1. Ce
sont précisément les objets principaux de son commerce d'expor
tation, qui n'exclut pas d'ailleurs des importations.

A Oran, qui en est la première place, ce négoce est fortement


concentré entre les mains de trois importantes maisons de gros,
les demi-grossistes traitant plus particulièrement des importations
pour le département. L'aire d'approvisionnement arrive souvent en

fait à dépasser ses limites vers l'Est, jusque vers Orléansville ; mais

la généralité des blés-colon qui font l'objet des transactions pro

vient de la région située à l'Ouest du méridien de Perrégaux, de


La Mléta, d'Aïn-Témouchent, de Tlemcen, de Bel-Abbès, tandis
que celles de Tiaret, de Mascara, de Saïda, de Relizane écoulent de
préférence leurs produits sur Mostaganem, Arzeu ayant été délaissé.

Inkermann et Relizane subissent l'attraction d'Alger ; Nemours et

Beni-Saf dirigent vers la Métropole des quantités très réduites

d'ailleurs. La coordination du rail et de la route a permis à la voie

ferrée de reprendre dans le transport de ces denrées son rôle, que

la création des silos sur le trajet des lignes a consolidé.

Le commerce d'Oran s'occupe également des orges, auxquelles

l'étranger, l'Angleterre surtout, s'intéressait autrefois pour la mal-

terie, mais dont l'exportation consiste aujourd'hui de plus en plus

en orges fourragères. Les avoines, comme les blés, sont dirigées à


l'extérieur la rencontrent d'ailleurs la
concur-
vers France, où elle

1. Récoltes comparées en 1933-1934 dans les trois départements:


Blé tendre. —
Oran : quintaux ; Alger : 802.196 ; Constantine : 575.411.
2.742.696
Avoine. —
Oran: 1.192.263 quintaux; Alger: 292.308; Constantine: 241.055.
Blé dur. —
Oran : 2.279.770 quintaux ; Alger : 1.624.032 ; Constantine : 3.754.020.
Orge. —
Oran: 3.174.126 quintaux; Alger: 1.884.821; Constantine: 4.486.544.
(Ann. Stat de l'Algérie, p. 299-303.)
434 LA VIE ECONOMIQUE

rence du Maroc et dans l'Est, à Strasbourg, celle du marché d'An


vers. Les ports français qui reçoivent des céréales d'Oran sont sur

tout ceux de la Méditerranée, Marseille et Sète en premier heu ;


de toutes manières, c'est la Métropole qui absorbe la plus grande

partie de toutes ces exportations 1.

La création de l'Office du Blé par la loi du 15 août 1936, appli

quée en Algérie selon les dispositions du décret du 21 septembre,


a certainement apporté un trouble profond dans cette partie du
commerce des céréales. Les négociants en gros se sont vus assi

miler aux coopératives, quant aux conditions d'achat et de paie

ment, sans profiter des mêmes avantages fiscaux.

Parmi les produits d'exportation de l'Oranie qui font l'objet d'un


commerce actif et en voie de progrès, il faut faire une place spé
ciale aux fruits frais et aux légumes primeurs, dont la valeur a été
estimée en 1936 à plus de 40 millions. Oran en est le premier expé

diteur, dépassant de beaucoup Mostaganem, où ce commerce est

plutôt accidentel que régulier 2. L'une de ses principales caracté

ristiques est que la plupart des exportateurs, les 8 dixièmes, sont


en même temps producteurs ; on ne compte que 5 ou 6 acheteurs.

La majeure partie des fruits frais, qui sont expédiés à peu près

exclusivement vers la France, consiste en agrumes, oranges, man

darines, clémentines, citrons, ceux-ci en bien plus faible quantité3.

Les régions de provenance sonP principalement celles de Perré


gaux, Saint-Denis-du-Sig et Relizane ; Misserghin, patrie de la

1. Dir. des Douanes, o.c, p. xxvm-xxrx. En 1936, les ports français médi

terranéens ont reçu d'Oran 648.412 quintaux de céréales, ceux de l'Océan et

des mers du Nord, 123.863. Marseille figure pur 362.264 quintaux, Sète pour

140.684.

2. Idem, p. 325. En 1936, Mostaganem a expédié 893 quintaux d'agrumes


et 582 de légumes frais, alors qu'Oran exportait 128.001 quintaux d'agrumes
et 190.928 de légumes.

3. Ch. de Com. Doc. stat. 1937, p. 56-57. Voici les chiffres. Oranges : 84.684
quintaux. Mandarines : 26.645. Clémentines : 13.826. Citrons : 2.846.
LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 435

« Clémentine » 1, Aïn-Témouchent, dont les fruits sont particuliè

rement appréciés, Pont-des-Issers. Les expéditions, assez sensi

blement précoces, sont faites à des commissionnaires de Marseille,


qui est le marché distributeur pour la Métropole ; Port-Vendres en

reçoit une partie, à destination de Toulouse, de Bordeaux et sur

tout de Paris 2.
Oran ne peut rivaliser avec Alger pour l'exportation des lé
gumes primeurs. Elle se restreint à peu près aux artichauts et aux

petits pois 3 ; non que les sols et le climat oranais s'opposent à d'au
tres productions, mais pour des raisons d'ordre commercial. Tel est

le cas pour les tomates, dont l'exportation, après avoir connu le


succès, est tombée devant la concurrence du Maroc, dont les pro

duits, plus précoces, apparaissent sur le marché métropolitain dès


le milieu d'avril. L'artichaut oranais est l'artichaut blanc, le « qua-

rantain », et non le violet comme celui d'Alger. Fleurus, Ben Okba,


Hassi bou Nif, dans les environs d'Oran, et un peu Aïn-el-Turk
et Bou-Sfer, sont les principaux centres d'approvisionnement. Les
petits pois viennent de plus nombreuses régions, mais particuliè

rement du Tlélat et surtout de Saint-Lucien, où l'on rencontre des


cultures couvrant jusqu'à 100 hectares.
Oran est le port algérien qui exporte le plus d'alfa, tout comme

son département en est le premier producteur *. Aussi ce com-

1. Cet hybride du bigaradier a été, en effet, obtenu pour la première fois

parle R. P. Clément dans le jardin de l'Orphelinat de Misserghin où l'on


montre encore le carré où il effectua ses greffes. L'Algérie se devrait de lui

élever un monument ; car il lui a donné une véritable richesse. Les clémen

tines de Philippeville, par exemple, font prime sur le marché de Paris.


des français ont en
2. Les exportations vers ports méditerranéens atteint,

127.629 total de 127.918. Marseille en a reçu 113.310 quin


1936, quintaux sur un

taux, Port-Vendres, 14.222. (Dir. des Douanes, o. c, p. xxvm-xxrx.)

3. Ch. de Com. Doc. stat, p. 57. Quantités de légumes primeurs exportées en


1936: Artichauts, 156.271 quintaux. Petits pois, 25.692. Tomates, 4.100. Fèves
fraîches, 3.111.
4. Sur 4.000.000 d'hectares, superficie totale des peuplements de l'Algérie, *e
département d'Oran, les annexes de Méchéria et de Géryville comprises, en

renferme plus de 2.600.000.


436 LA VIE ECONOMIQUE

merce y est-il fortement installé et représenté par sept grandes

maisons et sociétés principales, dont les autres négociants ne sont

que des fournisseurs ; deux de ces firmes sont anglaises. A l'heure

actuelle, la Société Générale des Alfas \ qui est la firme nord-

africaine la plus importante, s'est assuré aux adjudications tant en

Algérie qu'au Maroc la presque totalité des lots mis en vente par

l'Administration et, de ce fait, elle dispose de la majeure partie de


la production ; étendant ses opérations sur la Tunisie, où l'instal
lation des chantiers d'exploitation est libre, elle se trouve en pos

session de 60 % au moins du total récolté dans l'Afrique du Nord.


Arzeu, qui occupe le second rang comme expéditeur, ne possède

qu'une seule maison 2.

L'alfa récolté est acheté en vrac et emballé par les soins des
exportateurs ; il est transporté de l'intérieur de plus en plus par

camions automobiles. Les de départ sont, dans le Sud, Gé


centres

ryville et Méchéria, en bordure des Plateaux ou dans leur voisi


nage, Sebdou, Bedeau, Crampel, Sidi-bel-Abbès, Saïda, Tiaret.
Saïda écoule d'ailleurs ses alfas de préférence Arzeu, la ligne
sur

du chemin de fer permettant d'éviter les transbordements. La cam


1"
pagne d'expédition dure généralement du juillet à la fin de
février, parfois jusqu'au 15 mars.

L'Angleterre —
ou plus exactement la Grande-Bretagne, et

l'Ecosse en premier lieu —


est depuis l'origine de ce commerce le
principal client ; les quantités dffigées d'Oran vers la France sont

relativement infimes3. Le commerce de l'alfa, qui avait traversé


une crise pénible
souffert, notamment en 1936 et en 1937,
et avait

de la baisse des prix, s'est relevé depuis la fin de cette dernière


année, d'une manière très sensible. L'industrie anglaise de la pape
terie, dont les besoins ont augmenté, depuis que les pâtes de bois

1. Le siège de cette firme est à Alger.


2. Voir p. 370.
3. En 1936, sur 831.667 quintaux expédiés par la Grande-Bretagne
Oran, en
a reçu 830.383.
LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 437

ont subi une forte hausse, a été contrainte de s'adresser aux four
nisseurs algériens d'alfa, qui s'étaient, comme nous l'avons vu, ren

dus maîtres des stocks et par suite des prix.

Oran occupe également le premier rang pour le commerce d'ex


portation du crin végétal 1 ; malheureusement, la matière première

tend à se raréfier de plus en plus, comme nous l'avons vu2, sans


grand espoir d'être compensée par des apports du Maroc. D'ailleurs
Nemours Beni-Saf3 détournent
et en une partie. Le Maroc, dont
les plateaux du centre disposent encore de réserves importantes,
les exploite lui-même, pour les trois quarts au moins, et la région

principale, celle du centre, trouve sur Casablanca un écoulement


plus facile et plus économique.

Les six exportateurs que l'on trouve à Oran s'approvisionnent

surtout à Aïn-Fekan, au Sud de Mascara, ainsi que dans la région

de Pont-des-Issers et de Tlemcen. Leur clientèle est principalement

en Allemagne où les expéditions se font sur Hambourg, Stettin et


Kœnigsberg, en Italie, dans les Pays-Bas où Rotterdam importe en
grande partie pour la Westphalie, et pour une faible part en Rou

manie et en Grèce. Ce commerce, assez instable, n'est guère sus

ceptible d'un développement futur.


Plus prospère est certainement celui des bestiaux, bœufs et

moutons, qui, lui, plus facilement que les autres, trouve à se ravi

tailler au Maroc. De à juin, il se fait, soit par mer, soit


novembre

par terre, des importations de bœufs, dont la viande est appréciée


par la boucherie. Mais l'Oranie y achète surtout des moutons, dont
le marché marocain de Berguent est le principal. Les exportateurs

s'approvisionnent d'ailleurs abondamment dans le Tell, dans les


régions de de Tiaret, de Relizane, de Saïda et sur les
Mostaganem,
Plateaux, à Bedeau, Mécheria et, comme nous l'avons dit, Ber
guent. Les animaux sont généralement dirigés, avant de gagner le

1. Elle a été, en 1936, de 45.882 quintaux à Oran, dont 34.521 dirigés sur

l'étranger. (Ch. de Com. Doc. stat, p. 57.)


2. Voir plus haut, p. 371.
3. Idem, p. 372.
438 LA VIE ECONOMIQUE

port d'embarquement, sur les plaines basses, sur la Mléta notam

vers Aïn-el-Arba où leur engraissement est terminé dans les


ment,
pacages suffisamment abondants des environs. La campagne d'ex
pédition commence en fin février et se prolonge jusqu'en août et

septembre. Les tentatives pour acheminer des marchés plus ou

moins lointains les viandes abattues en cadres, que l'on avait faites
en Oranie comme dans le département d'Alger, n'ont pas donné
d'heureux résultats. On leur préfère aujourd'hui, lorsque les ani

maux ne sont pas embarqués sur pied, ce qui est le cas le plus

fréquent, les chambres frigorifiées aménagées depuis peu sur les

bateaux, où les carcasses sont enfermées après l'abatage.


C'est un des commerces les plus importants d'Oran, et des plus
concentrés, que le commerce en gros des laines, que trois grandes
maisons seulement se partagent, en même temps que celui des
peaux et des cuirs. Elles travaillent presque uniquement pour l'ex
portation.

Le centre principal d'approvisionnement en laines est la région

des Plateaux et du Sud, où à eux seuls les deux marchés de Géry


ville et de Mécheria traitent des quantités annuelles variant de 7
à 10.000 quintaux. Aïn-Sefra est comparativement bien inférieur';
en certaines années, lorsque le printemps est particulièrement pré

coce, la tribu marocaine des Béni Mguil apporte ses produits à


Colomb-Béchar, ce mouvement n'étant pas régulier et dépendant
ainsi des conditions climatiques. C'est aussi l'élevage indigène qui

alimente les marchés importants d'EI Aricha et de Berguent, où

dominent les laines marocaines, qui pénètrent en territoire algérien


jusqu'à Bedeau, à la lisière des steppes. Le Tell oranais contribue
à ce commerce par les laines « primeures » de belle qualité, « laines
colon », que fournit l'élevage européen, et dont les centres d'achat
sont Relizane, Perrégaux, Saint-Denis-du-Sig et Bel-Abbès, Saïda
rassemblant surtout des laines indigènes. Tiaret livre également de
8 à 10.000 quintaux qui sont dirigés sur Oran plutôt que sur Mos
taganem.

Depuis le début du siècle, grâce aux améliorations que le


LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 439

contrôle des Affaires Indigènes a introduites dans la présentation

des produits, la plus grande partie des laines en masses est dirigée
sur Dunkerque, pour le marché de Roubaix, qui en absorbe au

moins la moitié ; Mazamet en reçoit par Sète et Port-Vendres, en

viron un tiers, le reste étant expédié sur Rouen et Bordeaux. La


consommation intérieure est d'ailleurs ; l'industrie do
considérable

mestique et l'artisanat indigènes s'approvisionnent directement, à


Tlemcen par exemple, pour la fabrication des tapis1.
Le commerce des peaux est essentiellement, sinon en totalité,
orienté vers l'exportation. Les peaux de mouton sont dirigées sur

la France avec les toisons, vers le Midi et le Sud-Ouest, Mazamet


et Graulhet ; mais aussi sur l'étranger où l'Allemagne en tête, puis
l'Italie, la Tchécoslovaquie et même la Scandinavie et la Finlande
en importent plus du tiers. La ganterie française de Millau, d'Anno-
nay et de Saint-Junien utilise les peaux fines de broutards et
d'agneaux. Les Etats-Unis importent 90 %, soit 40 à 50.000 douzaines
de peaux de chèvres destinées à la chaussure, le chevreau étant de
mandé par la ganterie française. Quant aux cuirs, auxquels on re
proche, ici comme d'ailleurs en Algérie, d'être mal dépouillés et

détériorés par le varon, il n'en est expédié que des quantités très
réduites vers le centre de la France ; la « vachette » de 12 à 18
kilos est demandée par l'industrie algérienne de la sandalette.

Les principaux commerces de gros pour l'importation sont ceux

des denrées coloniales, des tissus, des bois, des charbons et des car

burants.
Le commerce des denrées coloniales est partagé entre une

trentaine de négociants, dont les affaires ne sont pas limitées au

seul département, mais s'étendent en Algérie, vers l'Est sur le


département de Constantine, au chef-lieu, à Bougie, à Philippe-
ville, et vers l'Ouest sur le Maroc Oriental. De ce côté, ils se

heurtent depuis peu à la concurrence de Nemours, depuis que

1. Il y existe d'ailleurs de petits ateliers de filature. A Oran même, au fau


bourg de Gambetta la Filature Nord-Africaine travaille pour l'industrie des

tapis.
440 LA VIE ECONOMIQUE

l'agrandissement de ce port, que l'on peut appeler «


algéro-maro-

cain » et l'ouverture du chemin de fer de Marnia ont détourne

une partie du commerce de transit qui se faisait auparavant par

Oran. Les maisons étrangères anglaises, hollandaises et danoises


la réexportation sur le Maroc ont installé
qui y travaillaient pour

maintenant des agents à Oudjda qui importent directement par

Nemours.
L'importance de ce commerce a toujours été considérable 1,
d'abord par suite du nombre et de la variété des produits qui en

sont l'objet, sucres, cafés, thés, épices, huiles végétales, rix, légumes

secs, arachides de bouche, savons, bougies, papiers de pliage, etc.,


et ensuite par le fait que certains de ces produits, tels que les
sucres, les cafés et les thés sont fortement consommés par la clien

tèle indigène, dont la population dépasse celle des Européens et

s'accroît progressivement. Mais pour cette raison même, les crises

qui ont amené une augmentation du prix de la vie et restreint la


faculté d'achat de cet élément pauvre affectent particulièrement

le commerce des denrées coloniales où l'on observe une diminution


sensible de la consommation que ne compense pas la hausse des
prix.

Il est à remarquer que, si les sucres, qui en quantité comme

en valeur, représentent près de la moitié de ce trafic, sont de


provenance exclusivement métropolitaine, par Marseille, par Dun
kerque et par Rouen (pour la région du Nord et la région pari
sienne), par contre d'autres denrées viennent directement des colo

nies et de l'étranger : c'est le cas des


du Brésil, de l'A.O.F. et des cafés

Indes néerlandaises, des thés de l'Indochine, de la Chine et du


Japon, et de quelques épices. Dans l'ensemble et pour la France,
le grand port colonial et le grand marché des corps gras qu'est

Marseille est le principal expéditeur des produits de ce commerce 2.

1. On peut en estimer la valeur à une moyenne annuelle de 140 millions.


2. Il faut faire exception particulièrement pour les sucres qui proviennent
surtout de la région parisienne et de celle du Nord et sont expédiés par
Dunkerque Rouen (respectivement 116.368
et
quintaux et 110.317 en 1936 —

sur un total de 237.514).


LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 441

Le commerce de gros des tissus, dont la valeur peut être estimée

à une moyenne de 60 millions, est uniquement orienté vers la


clientèle indigène ; car ceux qui sont destinés aux Européens sont

directement importés de France pour la vente au détail. On compte

sur la place 25 grossistes, qui traitent principalement des affaires


de cotonnades, de soieries et de rayonnes, mais fort peu de laines,
article qui n'est guère demandé par cette chentèle spéciale. L'aire

d'expansion de ce commerce n'embrasse pas toute l'étendue du


département, celle de la place d'Alger débordant sur lui, vers Tiaret
et Rehzane. C'est là une situation déjà ancienne ; il n'en est pas

de même du côté de l'Ouest, où le Maroc était pour le commerce

oranais un client important qu'il a malheureusement perdu, depuis


que le « dumping » japonais, vers 1930, a permis à ce concurrent

redoutable d'inonder des produits de son industrie, et notamment

de ses tissus, le territoire du Protectorat. Oudjda a pris ainsi la


place qu'occupait Oran ; c'est un fait constant que la clientèle

algérienne des régions limitrophes du Maroc Oriental, de Tlemcen,


de Nédroma, de Nemours se fait de plus en plus vêtir à Oudjda
où la différence des prix est, pour les articles de soie comme du

coton, de près des trois quarts i. Ils peuvent d'ailleurs aussi péné
trer dans les Territoires du Sud, où la réglementation douanière
permet d'introduire une certaine quantité de marchandises en

franchise. Les commerçants oranais se plaignent en outre avec

raison de la contrebande qui s'exerce à la frontière algéro-maro-

caine trop difficile à surveiller, et que ne décourage pas suffisamment

l'Administration, lorsqu'elle met en vente des marchandises saisies

et rachetées à trop bon compte pour être revendues en toute sécu


rité à des conditions défiant toute concurrence du commerce hon
nête.

Ces tissus, dont la vente a subi, depuis quelques années, les


effets des crises diverses, changes, mauvaises récoltes, chômage,

hausse de prix de la vie, insuffisamment compensée par celle des

1. On estime que moyennement la différence de prix des articles similaires

est dans le rapport de 0 fr. 60 à 2 francs.


442 LA VIE ECONOMIQUE

salaires, qui ont affecté la population indigène, consistent presque

exclusivement en cotonnades et en rayonnes. Les premières, les


plus importantes, qui venaient jadis de Rouen, proviennent main

tenant pour la majeure des Vosges, où la teinture et l'im


partie

pression sont commandées par les grossistes oranais, selon les goûts

de la clientèle ; celle des tribus de montagne et du Sud est restée


en général fidèle aux traditions et réclame, pour l'habillement des
femmes, des teintes plutôt unies et foncées, tandis que les « beldiya »

recherchent de plus en plus des étoffes plus claires et se rapprochant

des articles à l'usage des Européennes. Certains tissus, autrefois


répandus, ont même disparu de la circulation1. Le fait est d'ailleurs
commun à toute l'Algérie, où l'évolution du costume indigène s'est

particulièrement précipitée depuis la guerre.

Cinq grosses maisons se partagent le commerce oranais des bois,


qui dessert tout le département et par transit le Maroc Oriental,
en utilisant uniquement la voie ferrée pour la seconde de ces deux
destinations et principalement le mode de transport par camions

automobiles pour l'autre.

Les bois rouges de Suède sont importés pour la menuiserie du


bâtiment, tandis que le sapin blanc de Roumanie et de Yougoslavie
fournit les bois d'oeuvre pour la charpente. Depuis peu la Savoie
et le Jura français, grâce à l'exploitation intensifiée que l'ouverture
des nouvelles routes de montagne et les aménagements modernes

ont permise, grâce aussi à uni active et intelligente propagande

du Service forestier, grâce enfin à un réajustement des tarifs


douaniers, importent de plus en plus les matériaux d'origine
métropohtaine, et il apparaît bien que cette heureuse innovation
n'est pas seulement passagère.

Les Etats-Unis n'envoient plus que des quantités réduites de


pitchpin, que son prix élevé fait réserver pour certaines construc

tions spéciales telles que celle des chalands, les « mahonnes » des
tinées à l'acconage du port ; mais ils sont devenus les principaux

1. Par exemple, le « plumetis » fabriqué à Saint-Quentin.


LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 443

fournisseurs de merrains de chêne pour la tonnellerie, qui sont

exportés par La Nouvelle Orléans. L'industrie de la futaille s'ap


provisionne également de bois de palétuvier. La Yougoslavie s'est
fait une spécialité du hêtre étuvé.
A côté de ces bois, ceux qui sont destinés à l'ébénisterie repré

sentent relativement de chose, malgré le développement indé


peu

niable qu'a pris en Algérie l'industrie de l'ameublement : quelques


bois coloniaux introduits de Bordeaux, du Havre et de Dunkerque,
mais pour lesquels, malgré la demande du « bilinga » et du « dous-

sié », l'affrètement est difficile. L'acajou est rarement importé. Il

y a là, dans nos rapports avec nos colonies de l'A.O.F. et de l'A.E.F.


une lacune regrettable.

Le commerce des charbons est certainement celui qui occupe

la première place, pour le tonnage métrique sinon pour la valeur l.


On doit y distinguer celui du charbon de soute, commerce de réex

portation, et celui du charbon de consommation. Du premier nous

avons suffisamment parlé, à propos de la relâche, pour n'avoir pas

à y revenir 2. Ajoutons seulement que les cinq grandes maisons


d'Oran qui s'y consacrent ont adhéré à un « pool » méditerranéen 3,
formé pour maintenir la marchandise à un prix uniforme, en

dehors bien entendu du calcul des frets qui peuvent différer. Mais,
comme nous l'avons vu, d'autres charges pèsent sur ce trafic, au

port d'Oran comme dans les ports algériens en général, qui en ont

amené la baisse progressive dans les dernières années.

Pour d'autres raisons, elle a aussi affecté celui des charbons

de consommation, dont s'occupent spécialement six autres maisons.

Ce combustible est principalement destiné aux chemins de fer, aux

industries locales et aux usages domestiques... Une usine d'agglo


mérés installée à Oran sur les terre-pleins de la Chambre de

1. Voir plus haut, p. 361.

2. Idem, p. 383.

3. On le désigne par les cinq initiales des ports de Gibraltar, Oran, Bône,
Alger et Ceuta, et sous le nom de G.O.BA.C.
444 LA VIE ECONOMIQUE

Commerce 1, transforme en briquettes et en boulets les « menus »

importés d'Angleterre ou d'Allemagne ; elle fournit autres entre

la Marine Nationale et la Cie des Chemins de Fer Algériens. Les


mines françaises d'Anzin et d'Aniche en expédient également une

petite quantité ; mais la majeure partie des charbons provient du


Pays de Galles par Swansea, de la Westphalie par Rotterdam, quel

ques-uns de Pologne par les ports de Dantzig et de Gdynia. Depuis


peu, les mines de Djerada (Maroc Oriental) commencent à livrer
des anthracites de bonne qualité2. Les chantiers de stockage, cri

blage, triage et calibrage sont installés sur les terre-pleins du port

ou dans les magasins loués à la Chambre de Commerce.

Mais la consommation a été atteinte par la substitution du


mazout pour des usages de plus en plus nombreux, dans l'industrie,
pour la distillerie par exemple, dans le chauffage central3, ou par

suite de l'arrêt des machines à défoncer et de la limitation des


plantations de vignes. Les fonderies et la fabrication des produits

chimiques continuent à utiliser le charbon. On peut estimer à


20.000 tonnes de charbons classés et à 18.000 tonnes de briquettes
la consommation industrielle. Oran approvisionne tout le dépar
tement au fur et à mesure des ventes, par wagons de 10 à 15 tonnes ;
il n'existe qu'un seul dépôt de quelque importance, à Bel-Abbès.
Une grande ville, un vaste établissement maritime qui est un

port de relâche, un aéroport terrestre où se croisent les routes de


l'air du Nord au Sud et de l*st à l'Ouest, un territoire étendu,
peuplé de nombreuses agglomérations urbaines et rurales que

dessert tout un réseau de belles voies ouvertes à la circulation

automobile des voyageurs comme des marchandises, une porte

donnant accès aux immenses étendues du Sahara, et par là au Sou


dan et à l'Afrique Centrale, des pistes aménagées pour les commu

nications rapides, ce concours remarquable de circonstances appe-

1. Usine Gardet.
2. Il en a été embarqué tout récemment à Nemours 6.000 tonnes à destina
tion de Montréal (Canada).
3. On utilise de plus en plus le gas-oil pour cet usage.
LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 445

lait particulièrement l'utilisation des carburants hquides et en

garantissait un commerce actif d'importation et de réexportation.

Oran en est le centre d'approvisionnement et de redistribution. Il


n'est pas exagéré d'estimer les quantités de pétroles divers qui sont

l'objet de ce trafic à 160.000 tonnes, chiffre dans lequel le tonnage


« à terre » entre pour 75.000.

Cet important commerce est entre les mains de sept sociétés

principales, dont l'une, la Société Générale des Huiles de Pétrole,


est spécialisée dans la fourniture des navires, tant pour la chauffe

au mazout que pour les moteurs du type Diesel ; elle est d'ailleurs
seule à pratiquer ravitaillement des relâcheurs. A cet effet, elle

a été autorisée à installer sur le môle des combustibles (môle Mil-

lerand) et sur les terre-pleins du bassin Poincaré des tanks que

des pipe-lines relient aux quais accostés par les bateaux1.

Parmi les autres firmes, les deux plus importantes, dont les
dépôts sont répandus dans toute l'Algérie, la Cie Algérienne des
Pétroles Standard2 et la Société Anonyme des Pétroles Shell des
servent toute l'Oranie ; la première a pénétré dans le Sahara jus
qu'au Niger, et a installé un réseau de postes d'essence pour tou

risme ou aviation qui jalonne déjà les routes du désert ; elle appro

visionne en particulier la ligne franco-belge de la S.A.B.E.N.A. 3.


Nombreux et variés sont les produits faisant l'objet de ce com

merce : « produits blancs », ainsi qu'on les désigne, essences, pé-

1. On peut citer comme firmes importantes : La Cie Algérienne des Pétroles

Standard, la Société Anonyme des Pétroles Shell, la Cie Industrielle des


Pétroles du Nord (C.I.P.A.N.) dont les dépôtsà Arzeu, la principaux sont

Société Algérienne des huiles minérales Stelline, la Société des Raffineries


du Midi, la Cie Africaine des Raffineries de Berre, l'Algéronaphte, la Société
Algérienne des Essences.
2. Dont le siège central est à Alger. Son entrepôt est installé à Mers-el-Kebir.

La Shell possède sur les quais une station de refoulement par pipe Une sur

son grand dépôt du faubourg de Victor-Hugo.


3. Elle a installé des postes d'essence -aviation à Colomb-Béchar, Beni-Abbès,
Timimoun, Adrar, Reggan, In-Salah, Arak, Bidon- V, Tamanrasset, In-Guezzan,
Agadès, et des postes d'essence qui généralement les doublent.
-tourisme
446 LA VIE ECONOMIQUE

troles destinés à l'éclairage et au chauffage, c'est-à-dire à l'usage le


plus commun (90 %) ou à certains appareils tels que les réfrigé

rateurs employés surtout dans le Sud ; « produits noirs », gas-oil

et fuel-oil, de plus en plus consommés dans l'industrie par les mo


teurs, dans l'agriculture par les tracteurs, dans les usages domesti
ques par le chauffage central. Pour le cylindrage des routes, on

recourt à un mazout spécial ; la Société Shell introduit seule des


bitumes du Mexique qui viennent par Rouen dans des bateaux-
citernes. Les produits lubrifiants, huiles et graisses, font également
l'objet de ce commerce. Bien que l'on y observe depuis peu un

ralentissement marqué des affaires, qu'on explique par les mesures


de coordination du rail et de la route, par des restrictions survenues

dans l'agriculture, par le coût élevé de la marchandise et par les


taxes qui pèsent particulièrement sur le gas-oil, on peut cependant

présumer qu'il ne peut s'agir en la circonstance que d'une crise

plus ou moins passagère et qu'un territoire aussi étendu que l'Oranie


ne saurait être longtemps réduit dans la consommation de produits

à usages aussi multiples 1 et de plus en plus réclamés par l'économie


moderne.

Les provenances sont très diverses, suivant les compagnies et

la nature des produits ; elles s'échelonnent depuis Bornéo 2 et les


Indes Néerlandaises jusqu'au golfe du Mexique et aux Amériques.

Les produits blancs des Etats-Unis, du Mexique, de la Roumanie,


en viennent souvent d'une macère indirecte, après être passés par

les raffineries françaises3, tandis que les produits noirs sont plutôt
importés directement, par mesure d'économie. A l'intérieur et à
destination de tous les desservis
le rail, ils circulent en
points par

wagons-citernes sur les


ferrées ; à cet égard la Standard et
voies

la Shell peuvent être considérées comme les plus gros clients de la


Cie des Chemins de fer Algériens. Les camions-citernes étendent
cette distribution sur le réseau des routes et des chemins jusqu'aux

1. On en compte plus de 120.


2. Bornéo est spécialisé dans l'essence d'aviation.
3. Celles de Port- Jérôme principalement
(près le Havre).
LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 447

autres localités, voire même jusqu'aux grandes fermes. Ces trans


ports, comme ceux des vins contribuent grandement à animer la
circulation routière et à lui donner une physionomie particulière

dont ne manquent pas d'être frappés les visiteurs de l'Oranie.

Cet exposé n'avait d'autre prétention que celle de donner un

aperçu rapide du grand commerce d'Oran ; mais, sans chercher le


moins du monde à le rendre complet, on ne peut passer sous

silence les institutions qui ont concouru à son développement et

à sa prospérité, tout en lui permettant de traverser les périodes de


crises, sans que sa vitalité en fût sérieusement atteinte.

Au premier rang, on doit citer les banques dispensatrices de


l'escompte et du crédit, qui ont trouvé à Oran une place de choix.

Toutes les grandes sociétés financières qui opèrent en Algérie y


sont représentées par des succursales importantes : Banque de

l'Algérie, Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie, Crédit Lyonnais,


Compagnie Algérienne, Société Générale, Société Marseillaise,
Barclays Bank, Banque Industrielle de l'Afrique du Nord, et
d'autres établissements locaux ou régionaux viennent encore s'y

ajouter, tels que la Banque Populaire. On peut avoir une idée de


l'importance des affaires qui y sont traitées rien que par le nombre

des employés qui y travaillent. Au début de cette année 1938, le


personnel dirigeant mis à part, le chiffre en atteignait 710 dont
109 femmes.

La Chambre de Commerce d'Oran, fondée le 14 octobre 1844,


a un passé plus qui a répondu pleinement au pro
qu'honorable,
gramme que lui assignait Bugeaud, Gouverneur Général de l'Algé
la !. Son histoire étroitement
rie, lorsqu'il en provoqua création est

liée à celle du port ; elle en a réclamé l'installation à


Oran, a con
tribué dans une large mesure à l'adoption des plans de 1848, en
a sollicité l'agrandissement dès 1857, en même temps qu'elle pré

sidait au transfert à Oran de l'entrepôt réel de Mers-el-Kebir devenu

1. E. Déchaud, Oran, o. c, p. 98-103 et Le Livre d'Or de l'Oranie, Alger,

1930, p. 97-100.
448 LA VIE ECONOMIQUE

celui de San Benito 1


; et depuis elle n'a cessé de travailler à
l'aménagement et à l'extension de ce port dont elle est fière à
juste titre, ne reculant pas devant les sacrifices pécuniaires qu'ils

exigeaient2. Elle n'a pas pris une part moins active aux discussions
qui intéressaient l'urbanisme et le sort de la cité en voie de crois

sance, en se prononçant catégoriquement en faveur des plans qui

orientaient son développement vers l'Est et le Sud. Au lendemain


de la guerre de 1870, contre l'avis du Gouvernement Général d'alors,
elle a hardiment pris parti pour encourager l'immigration espagnole
en Oranie, dont elle a compris les ressources futures et prévu l'in
corporation définitive dans la patrie française. Par la même et par

toutes ses interventions heureuses, elle a collaboré efficacement à


cette conquête économique du pays qu'on lui avait assignée comme

première tâche. Il n'a pas tenu à elle que le commerce algéro-

marocain3, auquel elle s'était intéressée dès 1845, ne prît un essor

plus grand, ni que la voie dans laquelle il s'était engagé avec le


concours de véritables pionniers ne fût fermée par les barrières
douanières destinées depuis l'établissement du Protectorat à, faire
dériver le courant commercial du Maroc Oriental vers les ports
de l'Atlantique ; or, elle avait depuis 1861 réclamé la liberté des
échanges entre le Maroc et l'Oranie. Elle s'est enfin intéressée —

et cela de longue date, dès 1860 —


à la pénétration saharienne, et

n'a jamais perdu de vue les perspectives qu'elle devait offrir, le


jour où la route ouverte par r^s explorateurs et nos soldats serait

complètement hbre jusqu'au Niger, au Soudan et à l'Afrique Cen


trale.

A côté d'elle a été créée en 1887 4, comme une collaboratrice

plutôt que comme une concurrente, une Chambre de Commerce


espagnole (Camara Oficial de Comercio Espanola en Oran) chargée

1. Voir plus haut, p. 345.


2. Idem, p. 350.
3. E. Déchaud. Le commerce
Algéro-Marocain, o. c, et du même Une mission

commerciale ou Maroc.
4. Le Livre d'Or de l'Oranie, o. c, p. 101.
LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 449

de développer particulièrement les intérêts commerciaux, indus


triels et maritimes qui unissent l'Espagne au département d'Oran ;
la géographie et l'histoire ne pouvaient qu'encourager cette création.

Plus jeune deux institutions, celle du Syndicat Com


que ces

mercial et Industriel d'Oran a été fondée en


1904, sur l'initiative
heureuse du Syndicat du Commerce des vins en gros, pour être
une Fédération des Syndicats professionnels patronaux. Il ne

comprend pas moins, après un développement rapide, de 40 grou

pes, réunissant plus de 1.500 membres. En même temps qu'elle

permet librement à chaque catégorie de prendre pleine conscience

de ses intérêts et d'en concerter les moyens de défense particuliers,


elle réalise entre toutes cette solidarité sans laquelle leur isolement
les laisserait impuissantes et désarmées devant les crises économiques
d'ordre général1.

Il n'existe pas à Oran 2, pas plus que dans toute l'Algérie, de


grande industrie pouvant être comparée à celles que l'on trouve
dans la Métropole. Seules les industries extractives de minerais

ont acquis dans la colonie par le personnel employé et par le ren

dement, une importance qui pourrait être mise en parallèle avec

celle de certaines mines d'Europe. Or, en Oranie, leur région d'ex


ploitation comme leur débouché est celle de Beni-Saf et de Nemours.
Mais si la « grande industrie » est ici absente, pour des raisons qu'il

est inutile de développer une fois de plus 3, on ne peut nier que

1. Le Livre d'Or de l'Oranie, p. 127-131.


2. Il existe une Statistique Industrielle de l'Algérie publiée par le Gouver
nement Général de l'Algérie (Alger, 1926) où l'on peut trouver quelques ren
seignements sur sa situation à Oran, mais qui aurait besoin d'être fortement
rajeunie et sans doute aussi d'être refaite sur de nouvelles bases. Il en est

sans doute de même de l'ouvrage de M. S. Laboubée. Notes sur l'industrie


en Algérie, Alger, 1917, édicté sous le patronage des Chambres de Commerce.
On trouvera un exposé succinct, mais plus spécial à l'Oranie, rédigé par M. A.

Bouffier, alors Inspecteur départemental du Travail dans « Le Département


d'Oran et son Conseil Général », publié à Oran, en 1930 (p. 481-492) .

3. Nous renvoyons à l'exposé que nous en avons fait (Alger, o. c, p. 758-761


et 780-782).

15
450 LA VIE ECONOMIQUE

l'industrie en général ait pris dans les villes, les ports surtout, et
par suite à Oran, un essor remarquable depuis la guerre, ni que

de nouveaux établissements s'y soient créés, pendant que les anciens

se modernisaient, s'étendaient en surface et rajeunissaient leur


outillage. On ne peut songer à en faire une étude de détail, mais

seulement à en indiquer les principaux caractères et les perspec

tives qu'ils permettent d'entrevoir 1.


Lorsque nous sommes arrivés en 1831, il y avait à Oran, comme
dans toutes les villes de la Régence
2, un certain artisanat indigène
exercé par les Musulmans et les Juifs, qui ne devait pas tarder à
succomber, selon la loi fatale, devant la concurrence des fabrica

tions européennes. Peu à peu s'installèrent quelques moulins à


eau et à vent 3, quelques ateliers comme on en trouve dans toutes
les urbaines pour les besoins courants de la cons
agglomérations

truction, de l'alimentation, de l'habillement, quelques fabriques de


pâtes, de sparterie et des manufactures de tabacs ; ces deux indus
tries, très oranaises, furent des premières à surgir à la suite de
l'immigration espagnole.

Cependant les progrès de la mise en valeur de l'arrière-pays


par la colonisation, sensibles surtout depuis 1880, l'enrichissement
des campagnes par l'agriculture et particulièrement par la viti

culture, devaient être accompagnés d'un accroissement proportionnel

de son outillage, surtout dans un milieu où l'on est habitué à suivre

le progrès. D'autre part, une p^-tie des produits réclamés par une

population en voie continuelle d'augmentation pouvait être obtenue

sur place, grâce à ces industries qui sont liées directement au sol

et que l'on ne sollicitait jusqu'alors que d'une manière très réduite ;


tandis que l'exportation nécessitait quantité de récipients divers
dont la fabrication était possible dans le pays même. Par ailleurs,

1. Nous devons des remerciements à M. Ingénieur


Gantés, civil à Oran, qui
a bien voulu nous seconder dans la recherche de notre documentation.
2.
Rozet, o. c. II, p. 264-267 et plus haut, p. 97.
3. En 1861, V. Bérard, o. c, p. 512, comptait à Oran et dans ses faubourgs 17
moulins à vent, 8 à manège, 2 à
vapeur, 6 à eau «fonctionnant avec avan
tage ».
LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 451

l'emploi progressif de la traction automobile pour les transports


publics et privés de de marchandises, l'utilisation
voyageurs comme

croissante des appareils mécaniques, électriques et des moteurs,


rendaient indispensable la création de nombreux ateliers, sinon de
fabrication complète, du moins de montage et de réparation, si l'on
ne voulait pas être sans cesse sous la dépendance de l'industrie

d'outre-mer et à la merci des transports maritimes régis par le


monopole du pavillon. Aussi la prospérité des années de récolte qui

ont suivi la Grande Guerre avec la reprise de l'activité agricole, en


enrichissant les campagnes de l'Oranie, lui a-t-elle permis de com
pléter, de renouveler et de moderniser tout son matériel, de multi

plier ses machines, ses achats d'engrais et de produits chimiques

nécessaires à l'agriculture, de fournir les capitaux destinés à la


création d'industries de transformation, et enfin de donner une

impulsion nouvelle à celles, si nombreuses et si variées, qui tra

vaillent pour le bâtiment et la construction. Leur sort commun est

en effet d'être très intimement liées à celui de l'agriculture, dont


elles reflètent les vicissitudes de prospérité et de crises. De toutes

manières on a pu observer ici la même évolution qu'ailleurs, c'est-

à-dire l'apparition de cette phase nouvelle de l'économie coloniale,


qui de purement agricole, tend à devenir mixte par l'adjonction
de l'industrie à la culture et à l'élevage. Un grand centre régional

urbain, et qui plus est un grand port, ne pouvait rester en dehors


de ce mouvement.

Parmi les industries qui transforment les produits de la cul

ture, il faut rang la meunerie, qui tient depuis


citer au premier

longtemps dans le département d'Oran une place importante, tra


vaillant à la fois pour la consommation du pays et pour l'expor

tation, des semoules particulièrement. Des établissements considé

rables, pourvus d'un matériel des plus perfectionnés, sont dissé


minés dans tous les centres de production du blé 1. A Oran et dans

1. Les plus importants sont ceux d'Oran, de Mostaganem, Sidi-bel-Abbès,


Saint-Denis-du-
Tlemcen, Relizane, Saïda, Dublineau, Aïn-Fekan, Boukanéfis,
Sig. On estimait en 1930 à 5.600 quintaux de farine ou semoule la production

journalière totale des minoteries de l'Oranie.


452 LA VIE ECONOMIQUE

compte
les environs immédiats, à Saint-Cloud notamment, on en

quatre traitant journellement une moyenne totale de 1.800 quin

taux ; l'un d'eux, qui opère sur 700 quintaux expédie 80 % de


sa production dans la Métropole pour la fabrication des pâtes ali

mentaires. Comme le commerce du blé, cette industrie réglementée

a vu diminuer sérieusement ses bénéfices dans une proportion qui,


selon ses affirmations, ne lui laisserait qu'une marge insuffisante,
eu égard aux frais élevés et à l'amortissement d'un outillage coû

teux. Elle approvisionne de nombreuses fabriques de pâtes ali

mentaires, dont une emploie plus de 50 ouvriers. La consommation

est surtout locale et régionale, l'exportation qui promettait un

développement considérable au Maroc ayant été freinée par les


dispositions du régime douanier du Protectorat.

La brasserie est une industrie, importée de bonne heure par des


immigrants alsaciens, qui s'est concentrée depuis dans une seule

usine à Oran, la « Brasserie Algérienne », dont la fabrication et

l'écoulement des produits ont pris en revanche un remarquable

essor dans le département tout entier et même dans le Maroc


Oriental. Créée en 1900, elle a peu à peu substitué depuis 1906
au malt importé de France, celui des orges d'Algérie qui a donné
d'excellents résultats. Elle en utilise annuellement de 15.000 à
18.000 quintaux ; elle emploie plus de 160 ouvriers et sa production

dépasse 40.000 hectolitres de bière.

D'autres industries alimentâmes se sont également établies à


Oran : la distillerie, la rizerie, l'huilerie, la fabrication des con

serves de poissons, des conserves de légumes, dont il existe deux


établissements très bien outillés, employant ensemble 125 ouvriers,
des conserves d'olives pour l'exportation, la chocolaterie, les brûle
ries de café, les casseries de pois secs. Nombreuses parmi elles sont

celles qui datent d'après guerre.

L'industrie des tabacs, qui est une des plus anciennes, est aussi
une des plus prospères. Elle ne trouvait pas précisément en Oranie
de la matière première, la production y étant en effet très faible
et se réduisant à 200 ou 300 quintaux de tabac à priser, le « zlag »
LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 453

de Mascara ; elle a donc été obligée de la demander aux deux


autres départements et à l'étranger, aux Antilles, à La Havane, à

Saint-Domingue, en Bolivie, au Brésil, à Sumatra et à Java, à


Manille. En revanche, grâce au voisinage de l'Espagne et à l'im
migration, une main-d'œuvre qualifiée a été facile à recruter ; c'est,
parmi les industries oranaises, celle qui utilise le plus de femmes
(414 sur 615 ouvriers en 1937). On compte aujourd'hui quatre
manufactures fabriquant pour l'Algérie toutes espèces de tabacs
et se livrant aussi à l'exportation en France, dans les Colonies
françaises et les Protectorats, et même un peu à l'étranger 1.
La plus grande, dont la firme a acquis une renommée mondiale

la 2
est manufacture J. Bastos, dont l'origine remonte à 1838 ; elle

1. Une de ces fabriques produit uniquement des cigares qu'elle exporte en

Tunisie surtout. Une autre firme a acquis le monopole de la vente au Maroc,


dont elle a cédé une partie, le Maroc Espagnol, où les produits importés sont

les cigarettes, les cigares et une espèce de tabac granulé et pressé « la pica

dura » très apprécié des consommateurs du pays.


2. Les renseignements qui-
suivent nous ont été obligeamment fournis par

M. Botella, Directeur de la Manufacture Bastos d'Oran, que nous remercions


ici. Dans le petit bureau de tabac où travaillait à l'origine le fondateur de
cette grande industrie, il remplissait l'office des coupeurs de tabac jusqu'alors
indigènes, et très nombreux d'ailleurs dans la Régence ; il fabriquait lui-même
les cigarettes. Le transfert de ce modeste atelier au quartier des casernes de
Karguentah, rue de la Vieille-Mosquée, lui attira la clientèle des Chasseurs
d'Afrique, qui, au Mexique et en Crimée, furent les premiers à faire connaître
la marque à l'étranger. La fabrication fut encore pendant longtemps opérée

avec un outillage rudimentaire : couteau de boulanger pour couper le tabac


sur les genoux, table en briques sur un fourneau pour le sécher. Vers 1880
apparaissaient les paquets bleus et les paquets roses populaires dès cette époque
(à 0 fr. 20 et 0 fr. 10 !) les
, cigares (à 0 fr. 05 et pour le cigare de luxe 0 fr. 10) .

les bourses vertes et jaunes (à 0 fr. 10). On n'exportait pas encore; le déve
loppement de l'exportation date vraiment de la guerre de 1914-1918. Il y eut

même une création, en 1921, éphémère du reste, d'une usine à Barranquilla,


en Colombie ; des marchés importants furent passés avec la Régie Espagnole
(Cia Arredentaria dos Tabacos). La Société Anonyme a établi une usine à
Alger, au Frais Vallon (Manufacture Ben Turqui et Sté Bastos) qui livre

notamment 500.000 cigarettes. A l'étranger ses produits sont répandus et appré

ciés en Belgique notamment.


454 LA VIE ECONOMIQUE

a donc un passé déjà centenaire qui mérite qu'on s'y arrête. Le

fondateur, Juan Bastos était venu de Malaga, avant même l'occu


pation française ; les débuts avaient été des plus modestes, une

simple boutique dans le quartier israélite. Mais la clientèle mili

taire ayant assuré le succès, un petit atelier était formé avec un

personnel de 15 ouvriers et ouvrières environ, qui en 1889 était


passé à 50, puis peu de temps après à une centaine. Les grands

progrès datent de cette époque. En 1892, les premières machines

étaient introduites ; en 1895 la Régie Française devenait cliente

pour les cigarettes, tandis que la marque Bastos se répandait de


plus en plus dans les départements d'Alger et de Constantine. En
1898, puis en 1905, l'outillage était modernisé par l'installation de
deux modèles successifs de machines à cigarettes. En 1912 était
fondée la « Société Anonyme Bastos », qui transféra la manufac

ture dans le grand et bel immeuble de la rue Christophe-Colomb,


et continua à perfectionner son matériel. A cette époque le per

sonnel ne comprenait pas moins de 800 ouvriers, dont 700 femmes,


cigarières, paquetières et cigarettières ; la modernisation de l'ou

tillage et la réparition des fabrications entre les usines de la Société


ont eu pour conséquence sa réduction à 350, d'origine, sinon de
nationalité espagnole. La production annuelle atteint 1 million de
paquets de cigarettes, 1.500.000 cigares, 200.000 boîtes de tabac à
priser et à mâcher. La Société Bastos fournit, outre la Régie
Française, la Régie Tunisienne, fci Régie Marocaine pour le Maroc
Espagnol ; dans nos colonies elle exporte principalement en A.O.F.,
elle a même fondé récemment en Indochine une manufacture à
Saigon, qui travaille à plein rendement.

Parmi les produits du sol transformés par l'industrie, il faut


citer le crin végétal et surtout l'alfa, ouvrés dans des ateliers peu

considérables, nombreux, de corderie, de tresserie et surtout


mais

de fabrication d'espadrilles. La main-d'œuvre espagnole est par


ticulièrement dressée à ce genre de travail qui se pratique dans
quantité d'ateliers familiaux, où les femmes sont parfois plus nom

breuses que les hommes. Elles sont également utilisées pour la


fabrication, d'ailleurs avec des matières d'importation telles que
LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 455

le jute, des sacs et des emballages que réclament plusieurs produits

pour leur expédition et leur manipulation. Il en existe à Oran une

usine, entre autres, qui fait travailler environ 90 ouvriers.

L'industrie textile de la laine est restée très réduite comme ail

leurs en Algérie où la laverie peut difficilement être pratiquée.

Une petite filature d'Oran fournit les ateliers de tapis indigènes.


Ceux-ci, dont il existe deux fabriques employant ensemble plus

de 150 ouvrières musulmanes, auxquelles.il faut joindre un atelier

annexé à une école publique de filles, expédient dans toute l'Algé


rie et en France des tapis faits d'après des modèles orientaux, ou

Tlemcéniens, Marocains de Rabat ; le dessin, la couleur et la


ou

confection se sont fait apprécier des grands magasins de la Métro

pole. De l'élevage algérien est issue également une autre industrie,


celledes cuirs, qui depuis le début du siècle a pris un grand déve
loppement et qui est représenté à Oran par des fabriques de
chaussures, particulièrement de sandalettes confectionnées avec ce

qu'on nomme la « vachette ».

Une grande région agricole et viticole telle que l'Oranie, où la


culture est pratiquée suivant les méthodes les plus modernes, ne

pouvait se passer d'engrais ni des produits chimiques nécessaires

pour combattre les maladies des végétaux. Pendant longtemps ils


ont été importés d'outre-mer ; depuis 1912 une importante usine

a été étabhe à La Sénia,faubourg d'Oran, par la Société


véritable

Algérienne de Produits Chimiques et d'Engrais (S.A.P.C.E.), qui


possède dans l'Afrique du Nord trois autres usines, dont une à

Tunis, à Bône, la plus importante, et une à Maison-Carrée, près


une

d'Alger1. On y fabrique et seulement là dans la colonie et le


Protectorat —
l'acide sulfurique et ses dérivés employés dans l'a
griculture. Les pyrites sont ordinairement importées d'Espagne ;

actuellement, en raison des événements, on les tire des gisements

du Filfila, près de Philippeville. Les phosphates du Kouif, trans


portés de Bône par mer, sont transformés en superphosphates ;

1. Renseignements fournis obligeamment par M. Laguens, Directeur de la


S.A.P.C.E. à Alger.
456 LA VIE ECONOMIQUE

l'usine de La Sénia produit également du de cuivre,sulfate de fer et

tous les engrais composés à base d'acide phosphorique, de potasse


et d'azote, ainsi que les produits anticryptogamiques et les bouillies

spéciales employés par les colons. Ce grand établissement n'emploie

pas moins de 200 ouvriers d'une manière courante ; le personnel


de maîtrise est métropolitain, les ouvriers qualifiés Français et na
turalisés, les manœuvres Indigènes. Les produits sont de plus en

plus expédiés à travers tout le département par camions auto

mobiles, d'autant que certaines lignes de chemins de fer déficitaires


ont été supprimées. L'exportation sur le Maroc est très faible, en

raisondu droit fiscal de 12 % qui pèse sur la marchandise. Si les


mauvaises récoltes et la crise agricole des dernières années ont

eu leur retentissement sur la production de cette industrie, néan

moins ses services sont trop précieux et trop nécessaires pour

qu'elle puisse éprouver autre chose qu'un malaise passager.

L'abondance des calcaires dans la région d'Oran a favorisé l'ins


tallation de deux usines importantes, de la Société Anonyme des
Chaux hydrauliques et Ciments Oranais et de la Société des Chaux
de Ras-el-Aïn. La première fabrique du ciment et différentes sortes

de chaux, administrative, lourde, hydraulique, agricole et viticole,


ainsi que du plâtre. Depuis trois ans, en raison de la crise aiguë

du bâtiment, elle ne travaille qu'au ralenti. On peut en dire autant


des tuileries et briqueteries, établissements importants de Mers-

el-Kebir, dont la production étaft arrivée à atteindre annuellement

30 millions de pièces, alors qu'elle se trouve presque arrêtée, d'une


manière qui, sans doute, ne saurait être que temporaire.
L'importance croissante des besoins locaux et régionaux, et

l'augmentation des frais de transports déterminé des industriels ont

hardis à créer à Oran dans les dernières années une véritable


métallurgie, qui permet d'ores et déjà de s'affranchir de quel
ques importations jadis nécessaires et coûteuses. La fonderie y est
représentée par trois établissements, dont un1, créé en 1914 dans

des conditions modestes, a pris aujourd'hui une extension telle

1. Il s'agit de la Fonderie Ducros établie à Gambetta.


LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 457

qu'il couvre une superficie de 10.000 mq. et que le chiffre du per

sonnel est de 260 ouvriers et employés. Il se fournit de fonte brute


à Longwy ; sa production mensuelle est de 20 tonnes d'acier, 200

tonnes de fonte, 15 tonnes de bronze, 30 tonnes d'acier cémenté. Il


travaille non seulement pour l'Oranie, mais aussi pour la Tunisie
où il exporte des aciers ; ses transports se font par mer ou par les
voies ferrées. Sollicité par une clientèle régionale qui n'a cessé

de grossir, il est arrivé à usiner des pièces de 5 tonnes et au delà,


à produire et à combiner des métaux variés selon les commandes ;
il s'est même spécialisé dans la robinetterie de caves pour laquelle,
grâce à son outillage et à la perfection réalisée dans ses fabrica
tions il a acquis une réputation qui dépasse les limites de l'Algérie
même. Les deux autres fonderies, beaucoup moins importantes, n'at

teignent guère que le cinquième de sa production. A l'heure actuelle

on construit à La Sénia une aciérie où l'on se propose de traiter


dans un four Martin-Siemens les ferrailles qui jusqu'ici ont été
exportées à l'étranger.
S'il serait hasardeux de faire des prévisions sur l'avenir de la
métallurgie à Oran, comme d'ailleurs dans l'Algérie en général, il
n'en est certes pas de même pour tout ce qui concerne l'industrie
mécanique, dont le développement est assuré par celui de l'outil
lage agricole et des transports automobiles. Elle occupe déjà de
nombreux ateliers et un personnel ouvrier plus ou moins qualifié

que l'on peut estimer à plus de 2.000 ouvriers, si l'on fait entrer

en ligne de compte ceux qui travaillent dans les garages comme

mécaniciens.

Pour le matériel agricole, qui exige un entretien et des répa

rations fréquentes, il existe à Oran des firmes spéciales dont la plus

importante est une succursale de la plus grande maison de la co

lonie1, disposant de toutes les fournitures mécaniques réclamées

par les exploitations du pays : machines pour la récolte, les batta-

1. Il s'agit des Etablissements Billiard, dont le siège principal est à Alger.


Celui d'Oran, qui possède douze agences dans le département, emploie 150
ouvriers et employés, le chiffre d'affaires atteint 10 millions.

15*
458 LA VIE ECONOMIQUE

indus
ges, la vinification, le pompage, la motoculture, et moteurs
triels de tous genres. Ce matériel provient de France (moisson

neuses-lieuses), des Etats-Unis (tracteurs) et d'Angleterre (mo


teurs à huile lourde) ; des camionnettes et des camions en assurent

la livraison dans tout le département et au Maroc Oriental. Quant

à la traction automobile, son usage de plus en plus répandu a amené,


comme dans toutes les grandes villes, l'installation de nombreux

garages —
on en comptait 66 en 1937 —
et d'ateliers de tous genres

et de toutes dimensions où l'on exécute tous les travaux mécani

ques concernant le montage, l'ajustage et la réparation des pièces,


et même depuis quelque temps ceux de la carrosserie, tels que la
tôlerie, le nickelage, la peinture, le vernissage, la garniture, la vul

canisation. On peut estimer à près de 1.700 le nombre des ouvriers

qui se consacrent à cette industrie, aussi bien pour les voitures de


luxe que pour le matériel lourd des autobus, autocars, tracteurs
et remorques. La plus grande Société du département pour les
transports publics de voyageurs par automobiles, celle des Lignes
Ruffié !, qui dispose de 110 autobus, possède à Oran un garage et

un ateher occupant 200 ouvriers, où elle construit elle-même sa

carrosserie.

Les industries du bois ont également travaillé à affranchir le


pays des fabrications d'outre-mer ; mais elles n'ont pu transformer
que peu de matières premières provenant de l'Oranie, et le plus

souvent elles ont dû recourir %x importations. Seule ou à peu

près seule, la caisserie d'emballage, dont il existe à Oran trois grands

ateliers, et la confection des corbeilles et des cageots destinés à


l'expédition des fruits et des légumes primeurs ont pu utihser les
bois du pays, tels que le pin d'Alep. La tonnellerie, qui est obligée
d'importer ses merrains2, après avoir suivi les progrès de la viti
culture et du commerce des vins, est depuis les dernières années

1. Elle fait travailler près de 500 employés, dessert plus de 100 lignes et
réalise le transport des voyageurs sur 15.000 kilomètres par jour ; le chiffre des
voyageurs utilisant ces lignes oscille entre 7 et 8 millions par an.

2. Voir plus haut, p. 443.


LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 459

concurrencée par les camions-citernes, dont la traction automobile


tend à généraliser l'usage pour les transports à l'intérieur, et d'au
tre part, si elle a pu échapper jusqu'ici à la menace que consti

tuaient pour elle les premiers essais des bateaux-citernes, des pro

cédés nouveaux apphqués à la conservation des futailles 1 ont amené

une économie du matériel qui en a ralenti la fabrication. Du moins

l'outillage des maisons importantes d'Oran qui se livrent à la fabri


cation et à la réparation a été amélioré et l'emploi de la mécanique

a permis d'économiser la main-d'œuvre en voie de raréfaction.

Plus heureuse que cette dernière industrie, celle de l'ameuble


ment a pris depuis la guerre un essor inattendu, que l'on constate

d'ailleurs aussi dans les autres grandes villes de la colonie. Des


ateliers nombreux et bien équipés sont arrivés à évincer les maisons

françaises qui, au siècle dernier, étaient maîtresses du marché ; et

l'on constate que la demande locale s'est accrue sensiblement, té


moignant d'une recherche du confortable et de la nouveauté que

seul peut exphquer l'enrichissement de la population.

Enfin, on ne peut négliger, encore qu'il s'agisse d'industries né

cessairement communes à toutes les cités de quelque importance,


celles du gaz et de l'électricité, dont la croissance à Oran s'est faite
en rapport avec l'extension de la ville et les progrès de son peu

plement. L'usine à gaz de la Compagnie Lebon, qui fabriquait en

1870 264.000 me, en produisait plus de 1.840.000 en 1900,


environ

près de 5.800.000 en 1928, et en 1936, 10.000.000. D'autre part, la

production en kilowats de l'usine électrique créée à Oran en 1892,

est passée de 330.000 environ, en 1915, à près de 7.000.000 en 1930


et à 13 millions en 1936. A eux seuls, les deux établissements de la
Compagnie Lebon et de la Société d'Eclairage et de Force occupent

un personnel de 750 ouvriers et employés.

D'après les renseignements les plus sûrs que l'on puisse recueil

lir sur la main-d'œuvre des ouvriers et des employés occupés à


Oran dans les chantiers, les usines, les ateliers, les magasins et les

1. Voir plus haut, p. 432.


460 LA VIE ECONOMIQUE

qui relèvent des Administrations


bureaux1, à l'exception de ceux

publiques, on comptait, à la fin de 1937, 24.256 individus des deux


sexes et 2.129 établissements contrôlés par l'Inspection
du Travail.
Cette évaluation, malgré son caractère de précision, reste infé
à la réalité car elle ne peut se rapporter qu'aux éléments
rieure ;
les plus fixes, et elle laisse forcément de côté toute une population

plus ou moins flottante qui, par sa mobilité ou par l'irrégularité

de certains travaux, échappe à toute estimation. Il en est de même

de la domesticité, féminine surtout. Elle permet du moins de se

faire une idée suffisamment approximative de l'origine et de la


répartition de cette main-d'œuvre sur les commerces et les indus
tries.
Sur le total de 24.256, les Français et naturalisés comptent pour

la majorité, 67 %, les Indigènes pour 18 %, les Etrangers pour

15 % 2. Or, cette statistique dressée à un point de vue spécial, si

on la compare aux pourcentages qui reviennent aux trois éléments

dans la population totale, fait apparaître que les deux derniers oc

cupent une place inférieure à celle que l'on pourrait attendre3.

Et encore celle qui est réservée aux Français et naturalisés serait

bien plus grande, si l'on faisait entrer en ligne de compte les em

plois publics et les professions libérales qui leur sont trop évidem
ment plus largement ouverts qu'aux autres. La plus grande partie

de la main-d'œuvre féminine appartient aussi à cet élément, soit

83,7 %4.
|
Qu'elle soit particulièrement inutilisée dans la population indi

gène, c'est-à-dire musulmane 5, on ne saurait s'en étonner. A l'ex


ception des emplois domestiques, elle ne peut guère avoir accès

1. Cette documentation nous a été obligeamment fournie par MM. les Ins
pecteurs du Travail Choain et Poirot que nous tenons à remercier ici.
2. Les chiffres calculés par nous sont : sur 24.256, 16.369 Français, 4.390 In
digènes, 3.497 Etrangers.
3. Population totale : 200.671 au dénombrement de 1936, dont 121.400 Fran
çais (60 %), 48.068 Indigènes (23 %) et 31.203 Etrangers (17 %).
4. Soit 3.666 sur 4.376.
5. Elle se réduit en effet à 291, chiffre infime.
LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 461

qu'à un fort petit de métiers, où d'ailleurs le nombre des


choix

adultes est réduit 1. Malgré une évolution indéniable des mœurs,

elle a été exclue pendant longtemps du travail hors de la maison

familiale ; elle en reste encore à l'écart plus ou moins volontai

rement, mais surtout à cause de son incapacité à rendre d'autres


services que des services domestiques, d'être employées à d'autres
métiers de manutentionnaires, ou de tisseuses de laine
que ceux

et de tapis, ou encore à la confection des sacs, à la fabrication des

conserves ; et c'est assurément bien peu de chose 2.

Pour la population étrangère, le nombre n'en est pas moins

limité 3 dans les ateliers et les magasins, mais en ce cas c'est par

l'effet des règlements rigoureux qui protègent le travail national ;


beaucoup sont d'ailleurs employées comme domestiques ou tra
vaillent isolément pour leur compte, à moins que ce ne soit en
groupement exclusivement familial ; elles ne figurent pas dans nos
calculs, mais on peut en supposer le chiffre assez élevé 4.

Dans la main-d'œuvre masculine contrôlée, on peut être frappé


du fait que, pour un peuplement indigène devenu aussi important,
puisqu'il atteignait, en 1936, 24 % de la population totale, on ne

trouve de cette origine qu'une proportion de 18 %. Sans doute, il


y en a qui doivent échapper au calcul à cause de leur instabilité ;
mais il faut en chercher la raison avant tout dans leur manque

général d'éducation professionnelle, pour ne parler que de ce genre

d'instruction, et dans la rareté des ouvriers de cette provenance

pouvant être considérés comme qualifiés. Le chômage, qui est le


mal de l'époque, a particulièrement atteint cette population, par

suite du ralentissement de la construction, de la fermeture de quel-

1. On compte en effet 58 non adultes.

2. Elles ne figurent pour ainsi dire pas dans l'industrie du vêtement qui

paraîtrait à priori devoir leur convenir.

3. Nous en avons compté 419 contre 3.078 hommes.


4. Les domestiques des maisons bourgeoises sont en immense majorité Espa
gnoles ; il existe par ailleurs beaucoup de petits ateliers familiaux dans cette

population (couture, blanchissage, repassage, etc.).


462 LA VIE ECONOMIQUE

ques chantiers et des restrictions opérées dans le personnel des

entreprises, des usines, des ateliers, des entrepôts qui leur étaient
ouverts. Les naturalisés, pour la plupart d'origine espagnole, et les

étrangers, malgré toutes les mesures de hmitation introduites par

la législation du travail, occupent, dans le cadre des lois, la place


que les Indigènes espéraient trouver, lorsqu'ils ont imprudemment

afflué vers la grande cité oranaise. On ne saurait méconnaître ni

l'importance de cette question, ni la difficulté d'une solution qui

s'imposera de plus en plus. A l'heure actuelle, si l'on est arrivé

incontestablement à employer cette main-d'œuvre d'une manière

beaucoup plus variée que naguère, il y a à peine un demi-siècle,


ils n'en restent pas moins trop exclusivement cantonnés dans les
travaux qui réclament surtout la force, l'endurance et l'acceptation
des besognes manuelles les plus ingrates.

On les trouve en groupes plus ou moins denses principalement

là où s'imposent des manipulations de marchandises et de maté

riaux lourds, comme dockers sur les quais, sur les chalands et dans
les magasins du port !, où ils ont pris peu à peu la place des Maro
cains, dans les chantiers publics et dans la construction comme ter
rassiers ou comme manœuvres, dans les entreprises importantes 2,
dans les dépôts de charbons, de carburants liquides 3, dans les chais
et les entrepôts d'alcool4, dans la manutention de l'alfa et du crin

végétal, dans les usines occupant un nombreux personnel5. Ils sont

réduits le plus souvent à quelqufc unités, à une ou deux fréquem


ment, dans les autres établissements, tels que les garages, dans le
camionnage et en général dans les transports publics ou privés.

1. Ils sont plus de 500 travaillant régulièrement.


2. Grands Travaux de Marseille (226), Entreprises Maritimes et Dragages
(134), Société Africaines des Travaux (64), Entreprise Nord- Africaine de Cons
truction (64).
3. Plus de 300.
4. En nombre d'ailleurs très limité, et seulement pour des travaux de force
ou comme gardiens.
5. Par exemple les usines de la Cie Lebon (212), Brasserie Algérienne,
Chaux et Ciments.
LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE 463

Ceux qui ont réussi, à la longue et sans apprentissage spécialement

organisé à manierdes outils, arrivent à remplacer tant bien que

mal dans les ateliers des ouvriers qualifiés ; il en est d'autres que

l'on utilise dans les hôtels, les restaurants et les cafés, dans les
magasins comme hommes de peine, dans les commerces de gros

comme manutentionnaires. Mais on peut néanmoins dire que l'arti

sanat, à Oran, reste entre les mains des Européens, dans lesquels
on compte les Israélites, en tant qu'ils sont de nationalité, sinon
d'origine française. On mesure par là toute l'étendue de la tâche
qu'il nous faut accomplir pour élever progressivement au même

niveau ceux des Indigènes qui peuvent être appelés par leurs apti

tudes à remplacer peu à peu dans les villes la main-d'œuvre étran


gère. C'est là un des aspects de ce « problème indigène » qui cons

titue, à l'heure actuelle et si heureusement, une des préoccupations


majeures de nos gouvernants et de notre Administration.
L'ŒUVRE SOCIALE FRANÇAISE

CONCLUSION
L'ŒUVRE SOCIALE FRANÇAISE

CONCLUSION

Dans l'œuvre de colonisation que la France poursuit en Algérie


depuis un siècle, c'est évidemment un fait de premier ordre que la
formation d'une grande agglomération urbaine telle qu'Oran, pro

fondément européenne par les origines de son peuplement, par la


prédominance incontestable des caractères qui distinguent la civi

lisation latine, par les liens étroits qui rattachent sa vie économique
à celle de la Métropole. On ne saurait prononcer les mots de
« renaissance », de « restauration du passé » quand on parle de
l'Oran qui a succédé à celui du royaume de Tlemcen, de la domi
nation turque ou espagnole ; car il apparaît dans la réalité comme
une chose vraiment nouvelle, avec laquelle on ne peut trouver dans
l'histoire antérieure que des analogies lointaines et plutôt super

ficielles.
C'est tout d'abord à notre occupation et à la colonisation euro

péenne qu'elle a rendue possible, qu'Oran doit son rôle de grand

centre commercial et de capitale des pays de l'Algérie occidentale.

L'ancienne échelle fréquentée par les Catalans, les Génois, les


Pisans et les Vénitiens n'avait connu quelque prospérité qu'au

temps où les Zeyanides de Tlemcen en avaient fait une annexe

maritime, l'entrepôt l'intermédiaire de leurs relations plus ou


et

moins suivies avec l'Europe méditerranéenne. La ville espagnole,


forteresse et point d'appui plutôt que ville, était restée tellement
isolée de l'intérieur qu'elle ne pouvait même pas en tirer le ravi

taillement de sa garnison et de ses habitants. Celle que les Turcs


L'ŒUVRE SOCIALE FRANÇAISE 467

occupèrent à deux reprises n'eut ni le temps ni la force de se

rendre maîtresse des régions voisines livrées à l'insécurité. Seuls


nous avons donné à cette malheureuse cité, victime de l'état d'hos
tilité perpétuel des hommes, des forces de la nature, la place
et

véritable que sa position maritime, les ressources inexploitées de


son arrière-pays et l'heureuse convergence des voies de la circu

lation terrestre pouvaient lui conférer dans l'économie de l'ancienne


Régence.

Nous en avons largement ouvert les accès par mer et par terre,
nous lui avons littéralement conquis un territoire qu'elle commande

depuis que nous l'avons pacifié, une aire d'expansion et d'attraction


qui la relie au reste de l'Afrique du Nord, et par delà les frontières
politiques de l'Ouest ou les limites administratives du Sud Algérien,
au Maroc, au Soudan et à l'Afrique Centrale. Ce fut la tâche qu'ont

si bien remplie nos militaires par une prise de possession du pays

solide et complète, nos ingénieurs et nos voyers par la création du


remarquable réseau routier et ferré qui fait circuler la vie dans
tout cet organisme dont Oran est devenu le cœur.

Grâce à eux, la colonisation officielle et privée a pu établir son

emprise puissante que favorisaient des circonstances particulière

ment heureuses pour son expansion : un peuplement indigène des


campagnes moins dense que partout ailleurs en Algérie, par suite

de l'étendue du pays plat moins sûr et moins apte à la vie séden

taire que les reliefs où elle trouve des défenses naturelles et des
refuges moins exposés ; des espaces libres de toute occupation,
essentiellement propices aux deux cultures principales qui ont fait
la richesse de l'Oranie, les céréales et la vigne, des steppes vastes

où l'élevage du mouton par le nomade autochtone pouvait s'ac

commoder sans la moindre gêne de l'exploitation alfatière livrée


à l'Européen ; et enfin des réserves précieuses de main-d'œuvre,
que l'Espagne toute proche allait déverser sur un sol désormais

librement accessible à une population laborieuse et d'avance accli

matée d'ouvriers agricoles et de colons. C'est là ce qui a fait


d'Oran, porte d'entrée d'une immigration à peine ralentie par
468 CONCLUSION

moments, mais dire ininterrompue, la ville la plus euro


à vrai

péenne de l'Algérie par l'origine de sa population, celle où les


« Néo-Français », agrégés par la naturalisation à la plus grande

France, sont proportionnellement les plus nombreux.

Nos commerçants, nos hommes d'affaires, nos banquiers, qui

trouvaient sur place dans l'élément israélite, déjà parfaitement

adapté à la vie économique du pays, des collaborateurs, des four


nisseurs et des clients, ont fait le reste : c'est-à-dire un grand mar

ché d'exportation et d'importation, dont la Métropole absorbe l'im


mense majorité des produits agricoles, en échange des fabrications
de ses industries. Par un juste retour des choses, le port d'Oran,
création française, est, avec celui d'Alger, l'une des grandes bases
maritimes de nos relations commerciales avec notre colonie afri

caine, relations dont la prépondérance a été fort sagement assurée.

Nous avons vu comment cette ville a grandi, et suivant quel

rythme son peuplement s'est accéléré dans les dernières périodes

quinquennales. Quelques traits essentiels sont à rappeler ici : l'ex


tension en surface, favorisée la topographie du site, par les
par

lotissements en vue de la construction à bon marché, par l'amélio


ration des transports publics ; l'énorme développement de la zone

suburbaine des faubourgs, qui a nécessité des travaux d'édilité con

sidérables et l'établissement d'un plan d'aménagement et d'exten


sion ; enfin l'accroissement dans des proportions inconnues jus
qu'alors, à vrai dire inattenduel, de l'élément musulman, qui en

a porté depuis 1900 le pourcentage dans la population totale de


12 à 24 %. Elle approche de 50.000 unités, c'est-à-dire que jamais,
au cours de son histoire, même avant l'installation des Espagnols
XVIe
au début du siècle, Oran n'a exercé une pareille attraction
sur les tribus de l'intérieur ni possédé une pareille population de
cette origine. Sur ce point aussi, on peut dire que nous avons

réellement travaillé à la création d'une ville musulmane nouvelle,


sans rapport avec l'ancienne.
Ainsi se
présente, dans les
ses résultats plus généraux, le bilan
de l'une des réalisations les plus brillantes auxquelles nous ayons
L'ŒUVRE SOCIALE FRANÇAISE 469

présidé dans le domaine de la colonisation urbaine, intimement


liée d'ailleurs à la colonisation rurale. Or coloniser, selon une tra
dition que les siècles ont renforcée, ne consiste pas seulement pour

nous à exploiter les ressources d'un pays plus ou moins neuf, au

sens matériel du mot, pour servir des intérêts purement mercan

tiles, mais à y implanter et à y faire germer tout ce qui constitue

notre civilisation propre, notre langue, nos mœurs, notre culture,


notre patrimoine moral d'idées etde sentiments, et tout ce qu'il y
a de meilleur, de plus humain, dans le génie national. Les villes,
surtout quand elles forment des agglomérations aussi denses, peu

plées d'éléments hétérogènes,


ethniques aussi Français métropo

litains ou d'origine, Israéhtes devenus Français ou restés


Algériens
sujets Français ou étrangers, Néo-Français Espagnols, Italiens ou

Méditerranéens en général, Etrangers Européens, surtout Latins,


Musulmans sujets Français ou étrangers, doivent retenir plus par
ticulièrement l'attention de la puissance colonisatrice et réclamer

les efforts les plus efficaces et les plus soutenus dans cette œuvre

de rapprochement et de fusion. Car nulle part ailleurs les contacts

et les brassages qui en multiplient les effets ne peuvent être plus

favorables aux relations, à la compréhension mutuelle des hom


mes différents d'origine, et à la pénétration intellectuelle et morale

de notre civilisation, sans que cette adaptation ne détruise forcé


ment dans leur peuplement l'originalité des divers éléments. Là
se trouvent le mieux rassemblés tous les moyens, tous les organes

qui peuvent concourir au résultat cherché ; elles sont les foyers


d'où peut le plus aisément rayonner l'influence française et se

manifester le plus clairement cette action tutélaire et bienfaisante


qui légitime la domination politique. Ainsi vient s'ajouter aux pré

cédentes une nouvelle œuvre qui en est la fin suprême et le


couronnement : œuvre sociale entre toutes, dont il faut bien que

nous parlions, en manière même de conclusion.

La tâche la plus lourde revenait à l'Education Nationale i ; on

1. Nous devons des remerciements particuliers à M. Faure, Inspecteur d'Aca


démie, à M. Le Cesve, Inspecteur-adjoint, qui a bien voulu nous fournir
et une

documentation abondante et puisée aux sources les plus récentes.


470 CONCLUSION

ne peut lui reprocher d'y avoir failli. Les Enseignements Secon


daire et Primaire sont donnés à Oran, sans distinction de races,
de nationalités, ni de rang social, à une population de plus de 30.000
enfants et jeunes gens des deux sexes 1.
L'effectif total de ses deux Lycées, voisin de 3.000 élèves2, les
place sur le même plan que les plus grands établissements de la
Métropole. Celui des garçons en rassemble près de 2.000, chiffre

qui justifierait pleinement un dédoublement. Le Lycée de jeunes


filles en groupe près de 1.000. L'un et l'autre ont connu dans les
dernières années un accroissement rapide, d'environ 700 unités de
puis 1930 3. Deux Ecoles Normales forment pour l'Enseignement du
premier degré des instituteurs et des institutrices. L'Enseignement
Primaire Supérieur est moins bien doté assurément, bien qu'il soit

dispensé à 1.450 élèves, dont plus de 900 à l'Ecole Ardaillon, ou

verte en 1927, les filles restant pour le moment réparties entre 13


cours complémentaires ; à ces effectifs il faut ajouter ceux des
écoles privées, fort inférieurs et qui sont restés stationnaires depuis
1920. L'Autorité Académique a mis à l'étude la création d'un Petit
Lycée de garçons, l'agrandissement de celui des jeunes filles et
la substitution à leurs cours complémentaires d'une Ecole Pri
maire Supérieure.
Les besoins de l'Enseignement du premier degré se sont révélés

bien plus impérieux et plus difficiles à satisfaire, par suite de


l'accroissement précipité de la ^)pulation urbaine et surtout subur

baine. L'effort apparaît considérable et fortement progressif, si l'on


calcule que, depuis 1920 seulement, le nombre des classes est passé
de 302 à 551, soit une augmentation de 83 %, dont 57 % depuis

1. Soit 4.764 pour l'Enseignement du second degré et 25.828 pour celui du


premier, au total 30.592. Tous les chiffres mentionnés ici sont ceux qui ont
été relevés lors de la rentrée de 1937-1938.
2. Lycée de garçons : 1.962. Lycée de jeunes filles : 963. Ecoles Normales
d'instituteurs et d'institutrices : 95 60. Ecole Primaire Supérieure Ardaillon :
et

913. Cours complémentaires de filles: 539. Ecoles privées: 39 et (garçons)


193 (filles).
3. Effectifs en 1930 : 1.477 et 767 respectivement.
L'ŒUVRE SOCIALE FRANÇAISE 471

1930 1. On mesure par là l'importance que la question scolaire a

prise de plus en plus dans les préoccupations du Gouvernement et

des Assemblées de la Colonie.


Il existe à l'heure actuelle à Oran 24 écoles publiques de gar

çons, dont l'effectif est proche de 12.700 élèves, et 23 écoles de filles


en réunissant environ 11.400. Il faut y ajouter 49 classes mater

nelles et au titre de l'Enseignement privé 66 classes, dont 43 de


filles, représentant un total de 1.600 élèves. L'Enseignement du
premier degré est ainsi donné à Oran, à plus de 25.500 enfants,
parmi lesquels on compte environ 2.750 Indigènes et 3.530 Etrangers.

Malgré l'importance de ces résultats, il reste encore à faire pour

parachever cette œuvre. En ce qui concerne la distribution des


écoles entre les divers quartiers de l'agglomération, on peut dire
qu'elle a été réalisée d'une manière satisfaisante 2 ; pour la majo

rité, les classes ont été réunies en groupes scolaires (dans 36 écoles
sur47) Mais dans les quartiers urbains
. ou suburbains où prédomine

dans la population l'élément européen —


ce qui n'exclut pas d'ail
leurs la fréquentation des écoles par les enfants musulmans —

l'Autorité Académique estime qu'il manque 30 classes et qu'il y


a lieu de procéder à des travaux de construction, soit des agran
dissements, soit des aménagements nouveaux pour remplacer les
locaux que la Municipalité a loués dans des immeubles particu

liers, et qui sont souvent fort défectueux.


L'accroissement si rapide de la population indigène, qui re

cherche de plus en plus notre enseignement, appelle des créations

importantes. A l'heure actuelle on peut estimer à 6.000 le nombre

des enfants de cette origine pouvant être scolarisés, alors qu'on

1. Voici les chiffres : En 1920, pour les Européens 130 classes de garçons

et 118 de filles, plus 41 maternelles, pour les Indigènes, respectivement 9 et 4.


En 1930, 171 et 146 (Eur.), 13 et 6 (Ind.), 42 maternelles. En 1938, 247 et 217

Eur.), 28 et 10 (Ind.), 49 maternelles.


2. Cette répartition est la suivante : Ville proprement dite (intra muros),
12 écoles de garçons et Saint-Eugène, Del-
13 de filles. Faubourgs Gambetta,
monte-Victor-Hugo, Sanchidrian, Lamur, Boulanger-Choupot, Eckmuhl, 12 écoles
de garçons et 10 de filles.
472 CONCLUSION

n'en compte que 2.700 environ fréquentant nos écoles 1. Les quar

tiers urbains et suburbains qui réclament le plus des constructions

nouvelles sont ceux du Village Nègre, de Lamur et de Sananès.

Enfin, comme il fallait aller au plus pressé et scolariser d'abord


les élèves astreints à l'obligation, on a dû, quoique à regret, sus

pendre la des écoles maternelles, cette institution si pré


création

cieuse, particulièrement dans les faubourgs, où les mères de famille


sont, souvent, obligées de travailler au dehors ; un gros effort sera

nécessaire pour combler cette lacune.

L'Enseignement Technique et Professionnel n'est véritablement

pas organisé à Oran. Il existe bien une Ecole de Commerce et une

Association des Cours industriels subventionnées par la Ville ; une

section industrielle a été adjointe à l'Ecole Primaire Supérieure de


garçons 2, un atelier de tapis et de broderie fonctionne avec succès

à l'Ecole indigène des filles du Boulevard d'Iéna. Mais on estime

avec raison en haut lieu que ces enseignements méritent un tout

autre développement et qu'il y a place à Oran pour une Ecole


pratique de Commerce et d'Industrie analogue à celle qui existe

à Alger. Nous ne répéterons pas ici combien l'éducation profes

sionnelle est nécessaire dans une ville telle que celle-ci, où des
industries se sont installées et s'installeront certainement, si elles

peuvent recruter sur place un personnel ouvrier qualifié et des


chefsde fabrication ; la question fe l'apprentissage intéresse égale
ment, comme nous l'avons vu 3, la main-d'œuvre européenne et

1. Il existe actuellement deux écoles proprement indigènes pour les garçons :

une au Village Nègre et une à Lamur, quartiers où sur 1.830 élèves de cette

origine, on en compte respectivement 717 et 571, au total 1.288. L'enseignement


primaire est donné à 924 filles ; une école spéciale fonctionne au Village Nègre
(rue Renan) , où se trouvent 541 élèves ; on en relève à Lamur 146.
2. Elle forme quelques apprentis aux travaux de bois, du cuivre, du cuir,
mais plutôt pour des travaux d'art que pour des travaux d'apprentissage ordi

naire. Il en est de même des filles le travail des tapis, de la


qui apprennent

broderie et de la dentelle à l'école indigène de la rue Renan.


3. Voir plus haut, p. 461.
L'ŒUVRE SOCIALE FRANÇAISE 473

la main-d'œuvre indigène, dont il faut souhaiter qu'elle prenne

peu à peu la place occupée par les étrangers.

En même temps qu'elle travaille à cette diffusion de l'instruction


dont le but final est la formation d'un peuple algérien de langue,
de culture et de civilisation françaises, l'Administration, secondée

par les corps élus et les particuliers, poursuit une autre œuvre,
inspirée par cet esprit de bonté et de charité qui, selon notre con
ception coloniale, doit être la marque distinctive de nos institu
tions sociales. Oran est à cet égard pourvu de toutes les organisa

tions d'assistance publique et d'hygiène que l'on peut souhaiter

dans une agglomération urbaine de son importance ; elles ne récla

ment plus que les développements que peut nécessiter l'extension


même de la grande cité l.

L'ancien Hôpital Civil, érigé en Hôpital Colonial, a été l'objet


de nombreuses améliorations successives, depuis son transport en
1883 sur la plateau Saint-Michel ; les dernières, toutes récentes,
datent de 1936. A ses trente pavillons parsemés sur un terrain de
10 hectares, et 530 lits de malades, on en a ajouté
qui abritaient

un pour 250 tuberculeux, un autre de psychiatrie, un troisième

pour la chirurgie infantile ; des services de bactériologie, de radio

logie et d'électrologie y fonctionnent régulièrement, et l'on projette


encore d'autres agrandissements et d'autres perfectionnements.
L'effectif du personnel de tous ordres dépasse le chiffre de 200. Deux
asiles départementaux ont été placés sous la direction et soumis

à sa gestion : un hospice de vieillards de 100 lits, pour les hommes,


installé dans son enceinte même et un hospice de femmes âgées
pour 40 places, au faubourg d'Eckmûhl, il faut ajouter, comme ins
titution privée, l'asile des Petites Sœurs des Pauvres, à Gambetta.

1. Le Département d'Oran et son Conseil Général, o.c, chap. III (p. 169-198).
L'Assistance et l'Hygiène publique, par M. Gelly, et l'organisation de la Santé
publique par M. le Docteur Brégeat. M. Gelly a bien voulu y joindre quelques
renseignements complémentaires, dont nous le remercions.
474 CONCLUSION

gère une
Deux Bureaux de bienfaisance, dont un musulman,
Polyclinique munici
Infirmerie indigène, deux Dispensaires, une

de gratuites dans plusieurs quar


pale, des services consultations

maladies des yeux, des oreilles,


tiers, une inspection préventive des
l'on trouve organisée depuis une tren
du nez et du larynx, que ne

taine d'années qu'à Oran, un Bureau Départemental d'Hygiène, un

Service
Bureau Municipal d'Hygiène doublé d'un Laboratoire, un

Sanitaire Maritime, des œuvres privées, dont on ne compte pas

moins de quinze ayant leur centreà Oran, crèches, pouponnières,


goutte de lait, dispensaires, maternelles, etc... Tel est le faisceau
d'institutions qui veillent sur la santé publique et collaborent dans

la lutte contre la maladie et la misère.

Les enfants et les adolescents, avenirde la race, sont l'objet


d'une sollicitude toute particulière. Témoins les visites médicales

effectuéesdans les écoles, l'œuvre des Pupilles de l'Ecole Publique,


les Amitiés Laïques, associations mixtes de parents et de maîtres
qui groupent 5.200 membres, les cantines scolaires dont on étudie

la généralisation, le Cercle Oranais de la Ligue de l'Enseignement,


les œuvres de colonies de vacances organisées par ces groupements.
On ne saurait oublier non plus les encouragements donnés par les
Municipalités et les particuliers aux sports, pour lesquels ont été
aménagés déjà et prévus pour l'avenir de vastes terrains. L'Oranais

est très fervent de ces saines distractions, auxquelles il se livre


sur la mer comme sur la terre el dans les airs.

Ainsi se poursuit, par une progression continue, sans à coups,


sans retours, ce long travail d'intégration dans la communauté

française, pour lequel une mission spéciale est réservée aux agglo

mérations des villes. A ce point de vue, Oran témoigne brillamment


du succès de la colonisation urbaine en Algérie. Grande place de

commerce et grand port, dont l'activité et la prospérité sont sous

la dépendance étroite, d'une part de celles de la vie agricole dans


et de l'autre de ses relations avec la Métropole, com
l'arrière-pays,
ment ne serait-on pas amené à y reconnaître le lieu d'élection où
L'ŒUVRE SOCIALE FRANÇAISE 475

s'opère le mieux le contact entre le Maroc, l'Espagne, la France


et l'Algérie ? Et comment aussi ne soulignerait-on pas que, là même

où se trouve la route la mieux désignée par la nature pour relier

nos territoires méditerranéens à notre Afrique noire, se trouve


aussi pour l'occuper et la commander le peuplement français et néo

français le plus fort et le mieux distribué ?


INDEX

32, 40, 154, 156, 170, 171, 181, 186,


Abattoirs, 155, 261, 262, 263, 314, 190, 198, 208, 215, 217, 218, 220,
320, 321, 322 faubourg, 123, 127,

224, 236, 238, 262, 272, 279, 291,
202, 230. 321, 410.
Abd el Kader, 138, 139, 144, 154, 330 Aïn Sefra, 413, 438.

marabout (El Morsli), 227.


Aïn Skhouna, 308.
Abd el Moumen, 46, 53. Aïn Temouchent, 44, 128, 160, 223,
Abdelouâdites, 49, 53. 366, 377, 413, 414, 420, 421, 425,
Abou Abdallah, 63. 431, 433, 435.
Abou Hammou, 54. Albi, 56.
Abou Hammou III, 62. Albulae, 44.
Alcaudète (Cte d'), 62, 63, 65, 66,
Abou'lfeda, 45, 47.
71, 79.
AbouPHassan, 54, 70.
Abou Yacoub el Mansour (Almanzor) ,
Alcazaba (voir Casbah).
54. Alger, 26, 27, 28, 29, 30, 47, 49, 57,
Abou Yacoub Youssouf, 53. 59, 63, 86, 88, 90, 93, 94, 95, 104,
Abou Zeyan, 62. 106, 109, 112, 113, 114, 116, 120,
Adélaïde (place), 186. 122, 123, 125, 127, 128, 131, 132,
Adjeroud Kiss, 406. 144, 146, 151, 158, 163, 195, 197,
Adrar, 445. 199, 203, 205, 207, 208, 210, 211,
Agadès, 445. 237, 242, 252, 268, 271, 313, 327,
Agde, 88. 339, 348, 356, 357, 359, 413, 414,
Aguadas (las), 31. 421, 424, 425, 427, 441, 453, 455,
Aïdour, 18, 268. 457 port, 360, 361, 362, 363,

Aiguille (cap de F), 23, 399. 364, 366, 367, 380, 384, 385, 386,
Aïn Beïda, 34, 192. 388, 391, 392, 394, 400, 401, 406,
Aïn el Arba, 415, 438. 429, 435,, 436, 443, 468 dépar

Aïn el Turk, 39, 161, 192, 373, 415, tement d', 369, 372, 374, 379, 427,
435. 432, 433, 438, 454 porte d', 97,

Aïn Fekan, 436, 451. 143, 155, 160, 410.


Aïn Rouina (source), 97 —

ravin, 21 Algesiras, 95.


478 INDEX

Alicante, 61, 87, 356, 357, 422, 423. 332, 336, 364, 368, 370, 371, 373,
Alkmaer (rue), 142, 176. 375, 377, 394, 413, 414, 422, 433,
Allemagne (commerce), 371, 387, 402, 436 —
rue d', 119, 129, 167, 171,

403, 404, 437, 439, 444. 172, 187, 188, 189, 209, 226, 234,
Almeria, 13, 52, 54, 80, 95, 356. 246, 251, 254, 256, 257, 261, 269,
314, 317 porte d', 202.
Almohades, 45, 53.

Astorfe (carrières) 145.


Almoravides, 45, 53. ,

Alsace-Lorraine (rue), 189, 232, 251. Atalayas, 62.


Alvaredo (don Eugenio de), 81. Ateliers de l'Artillerie et Parc, 203,
Amargura (rue), 142. 214, 236, 237, 242, 248, 262, 265.
Moussa, 128. Atlas (rue de 1') 143 eaux, 308.

Ammi
Ampère (rue), 232. Aucour (Ingr), 150, 159, 182, 222,

Andalous, 13, 14, 44, 49, 59, 93


281, 282, 283, 303, 310, 328, 329,


plaine des —
ou des Andalouses, 40, 330, 333 —

bassin, 317, 337, 341,


154, 161, 193, 373 village, 193.

344, 410.
Andrieu (Joseph) (boulevard), 180, Austerlitz (rue d'), 113, 129, 144, 177,

243, 258, 260, 263. 178, 191, 226.


Angleterre ou Grande-Bretagne (com Autriche-Hongrie, 387, 402.
merce), 94, 96, 154, 387, 389, 402, Azdadja, 44.
403, 404, 436, 444, 458.
Aniche, 444.
Annonay, 439.
Antilles, 453. Bab Amara, 143.
Anvers, 386, 434. Bab Djiara, 145 —
mosquée de, 146.

Anzin, 444. Bab el Mersa, 715.


A.O.F., 440. Bab es Souk, 315.
Aqueduc (rue de 1'), 176, 177. Bacciochi, 230.
Aragonais, 53, 55. ^
Bains de la Reinne, 39, 81.
Arak, 445. | Baléares, 95.
Aramburu (don José de), 74, 88. Banques, 154, 447.
Arbal, 34, 44. Banquillo, 84.
Arbèsville, 123, 127, 246. Barcelo, 90.
Archgoul (voir Rachgoun). Barcelone, 89, 356, 357.
Arcole, 19, 28, 33, 170, 193, 231, 322, Barfat (Isaac de Checheth) dit Ri-
415. bach, 48.
Ardaillon (école), 470. Barranquilla, 453.
Arènes, 204. Bassano (rue de), 142, 146, 165.
Aroudj, 62. Bastié (faubourg), 123, 127.
Arras, 56. Bastille (rue de la), 237, 271.
Arsenal, 145, 311 rue de 1', 149,

Bastos (manufacture), 453, 454.
152, 164, 165, 175, 176, 409. Bastrana, 156, 163, 172, 184, 208,
Arzeu, 16, 32, 49, 61, 170, 255, 331, 221, 317, 318.
INDEX 479

Bauprêtre (rue), 187. Bons (projet), 238.


Bautzen (rue de), 177. Bordeaux, 366, 407, 435, 439, 443,
Bazin (C10), 356. —
rue de, 232.

Beaupuy (Henri) (quai), 344, 345. Bordj el Ahmar ou el Hameur, 70,


Bedeau, 415, 436, 437, 438. 73, 15y.
Bel Air (faubourg), 123, 127. Bordj el Djedid (voir Château Neuf).
Béni Abbès, 445. Bordj el Mahal, 70.
Béni Ahmed, 92. Bordj el Mersa, 70.
Béni Bahdel (barrage des), 308. Bordj el Youdhi, 71.
Ben Sabilia, 18. Bosphore, 386.
Béni Iren, 45. Bou Arfa, 364, 377.
Béni Mguil, 438. Bougie, 46, 54, 56, 57, 61, 86, 439.
Beni-Saf, 364, 372, 394, 406, 414, 418, Bou Hanifia, 301, 308.
433, 449. Bou Kanefis, 451.
Béni Snassen, 128. Boulanger (faubourg), 123, 127, 229,
Béni Zeyan, 45, 58. 241, 245, 246, 262, 264, 271, 318,
Ben Okba, 435. 471.
Bentz-Audéoud-Guénot (société), 213. Boulpiquant (projet), 218.

Berguent, 437, 438. Bourbaki (rue du Général), 259.


Berlin (rue de), 142, 168, 184. Bou Sfer, 35, 39, 139, 193, 244, 373,
Berthezène, 140. 415, 435.
Bertier de Sauvigny, 150. Bou Tlélis, 39, 286, 301, 302, 303, 305,
Béziers, 56. 372, 415.
Bidon V, 445. Boyer (Général), 157.
Bîlal ou Bïllel ou Bel-El, 47, 279, Brédéah, 18, 33, 34, 35, 36, 139, 160,
282, 287, 290, 291. 285, 286, 287, 290, 291, 292, 293,
Blanc (cap), 22. 294, 296, 297, 298, 299, 300, 301,
Blanca (la), 96, 141, 142, 149, 150, 302, 303, 304, 305, 306, 307.

151, 152, 153, 163, 168, 175, 176, Brest, 331, 407, 408, 431

quai de,
191, 205, 220, 258, 273, 279, 309, 343.
316. Brunie (faubourg), 123, 127, 228, 245,
Blanche (place), 154, 155, 177, 178, 262, 275.
184, 316, 317. Bruxelles, 424.
Blandan (place), 262, 317. Bugeaud (Maréchal), 139, 152, 447.
Blockhaus, 138, 139, 157, 159, 160,
161, 199.
Bolivie, 453.
Bolognino (Cte de), 81.
Bon Accueil (faubourg), 123, 127, Cadix, 57, 95, 356, 357.
262. Calère (quartier ), 20, 125,
de la

Bône, 39, 120, 144, 242, 363, 394, 132, 133, 164, 167, 168, 176, 311.
Campana (lunette de la), 174, 243.
406, 443, 455.
480 INDEX

Canastel, 13, 39, 40 porte de, 74,


334, 335, 337, 338, 340, 342, 343,


77, 78, 142, 143, 149, 279 —
mou 344, 348, 349, 350, 353, 354, 361,
lin de, 80. 365, 384, 393, 413, 414, 444, 447,
Carrera (rue de la), 142. —

Espagnole, 448, 449.


Carrières (place des), 38, 156, 191, Champ de Manœuvre, 179, 195, 200,

porte des, 145 —
chemin des, 204, 213, 236, 248, 260, 263, 273.
160. Channel méditerranéen, 13, 52.
Carteaux (faubourg), 123, 127, 230, Charlemagne (boulevard, 170, 189
246, 275. quai, 164, 329, 334, 335, 336,

Carthagène, 13, 49, 52, 61, 80, 95, 344, 345, 410.
117, 357. Charles II, 80.
Casablanca, 321, 357, 420, 421, 422, Charles III, 90.
423, 424, 436. Charles Quint, 62 —

rue, 172, 175,


Casbah, 19, 70, 71, 73, 75, 81, 90, 176, 180, 225, 227, 234, 336, 409.
92, 125, 145, 205, 236, 237, 242, Chasseurs d'Afrique, 145, 195, 200,
248, 281, 309, 314. 202, 204, 208, 453.
Casernes (chemin des), 181 —
rue Chasseurs (boulevard des), 209, 214,
des, 189, 232 —
quartier des, 188, 234, 254, 257, 268.
232, 257, 453 —
de l'Artillerie,, Château d'Eau, 201, 281, 283.
195, 199, 202, 203, 205 —

des Château Neuf, 20, 70, 71, 72, 81, 92,


Chasseurs, 195, 204, 208 —
des 98, 144, 145, 146, 150, 153, 155,
Ouvriers d'Artillerie, 195, 202, 204, 157, 159, 163, 168, 169, 171, 174,
235, 236 et voir Ateliers, —
de la 180, 182, 190, 194, 195, 196, 198,
Remonte, 195, 202, 204, 260 —
du 207, 208, 218, 219, 233, 234, 236,
Train, 199, 202, 204. 237, 242, 243, 248, 258, 262, 265,
Cassaigne, 125, 128, 377. 269, 272, 275, 281, 315, 316, 321,
Castillans, 53. 410.
Catalans, 50, 53, 54, 55, 56, 58, 466. Chélif, 336, 364.
Castillo de los Santos, 71, 72.
(| Chemins de fer, 163, 170, 178, 189,
Cathédrale, 166, 186, 187, 275. 208, 221, 222, 223, 224, 225, 229,
Cavaignac (faubourg), 123, 127. 252, 260, 263, 269, 274, 290, 291,
Cavaignac (centre), 125. 331, 334, 336, 357, 359, 364, 371,
Cayla (E.) Projet, 203, 204, 205, 206, 377, 406, 411, 413, 414, 416, 418,
207, 208, 209, 210, 211, 212, 218, 420, 421, 440, 444, 446.
224, 234, 275, 286. Cherchel, 363.
Centre (quai du) 311, 334, 335, 338, Chine, 440.
347, 350. Choléra, 111, 148, 166, 177, 310.
Cérez (r\ie du Général), 257. Chollet (faubourg), 123, 127, 228,
Cette (voir Sète).
245, 275, 314.
Ceuta, 54, 56, 57, 391, 392, 443. Choupot (faubourg), 123, 127, 241,
Châlons, 56. 245, 246, 262, 268, 271, 471.
Chambre de Commerce, 154, 206, 207, Christophe Colomb (rue), 454.
INDEX 481

Cité Giraud, 123, 127, 245. Dantzig, 444.


Cité Maraval-Berthoin, 124, 127, 241, Dar Beida, 138, 139, 152, 159, 161.
245, 262. Daya Morsli, 19.
Cité Petit, 124, 127, 245, 253, 262, Dedaux (vice-consul), 88.
269, 270, 312. Dellys, 363.
Cité Pouyet, 124, 127, 260. Delmonte (faubourg), 123, 127, 230,
Clemenceau (boulevard Georges), 129, 244, 261, 262, 271, 471.
251, 256. Desaix (rue), 142.
Clinchant, 125, 128. Desfontaines, 81.
Cocco Griffi, 53. Desmichels (Général), 138.
Colisée, 81, 143, 145, 146, 165. Détrie (rue du Général), 259.
Collège communal, 166, 172, 220. Devilliers, 286.
Colmar (rue de), 232. Diego de Cordoba (don), 61, 62.

Cologne, 268. Diego (rue de), 189.


Colomb Bechar, 413, 424, 438, 445. Djalis (village des). Voir Village Nè
Colombie, 453. gre.

Comarès (marquis de), 71. Djerada, 364, 444.


Comtat Venaissin, 56. Docks-silos, 344, 345, 370.
Conduit royal, 77, 309. Domaine, 152, 173, 179, 196, 197,
Congo, 424. 198, 199, 200, 202, 220, 221, 235,
Conserve de Barbarie, 57, 86. 237, 317.
Constantine, 113, 120, 133,, 199. —

Dominicains, 54, 65.


département de, 369, 372, 374, 427, Douairs, 92, 125, 138, 158.
Douane (rue de la), 143 quai de
432, 433, 439, 454. —

Corporations, 109, 110. la, 226, 271, 311, 334, 335, 338,
Courbet (faubourg), 123, 127, 230, 344.
246, 252, 262, 270. Douane, 83, 87, 200, 345, 347, 428.

Couvents, 76, 145. Drâa, 113.


Crampel, 436. Dresde (rue de), 142, 176.
Cressonnière (ravin de la), 21, 208, Dublineau, 451.
215, 236, 245, 254, 255, 257, 262, Dumont d'Urville (rue), 269.

268, 281. Dunkerque, 366, 407, 431, 439, 440,


Crimée, 453. 443.
Cuvellier (faubourg), 123, 127, 245. Duran (David), 94, 138.
262, 264, 270, 319. Duran (Rabbi Simon ben Zemah) , 48.

D
E
Dahra, 15.
Dalloni (rapport), 302, 305, 307. Echkouberes, 52.
Damrémont (Général), 137. Echo d'Oran, 156.
152. Eckmuhl (faubourg), 38, 123, 127,
Dandrieu,
Danger Frères (Plans), 244, 250. 130, 192, 210, 213, 226, 228, 229,

16
482 INDEX

235, 242, 245, 246, 253, 256, 257, Fez, 58, 92, 113, 421, 423.
261, 262, 275, 285, 291, 318. 471, Figuier (camp du), 139, 160, 192,
473. 199, 420 —
rue du, 186.

Eclairage, 153, 229, 272, 459. Finlande, 439.


Ecole Normale de garçons, 226, 470 Fleurus (centre), 39, 193, 435 —
rue


de filles, 210, 470. de, 144.
Ecosse, 436. Florentins, 53, 54, 57.
Edrisi, 46, 50, 52, 70, 75. Fort Neuf (voir Château Neuf).
Eglises, 76, 143, 166, 167, 186, 187. Fouque (Laurent), 208.
Egypte, 58 —

Egyptiens, 110. Foyer oranais, 123, 127, 241, 262.


El Ançor, 193, 373, 415. Fraissinet (Cle), 356.
El Aricha, 438. Franciscains, 54.
El Bekri, 44, 47, 50, 52. Frenda, 418.
Elbeuf, 88. Front de Mer (boulevard), 233, 234,
Elche, 61. 237, 238, 245, 257, 258, 262, 268,
El Haouwâri (Sidi Mohammed), 47, 269.
59, 96, 145, 146. Frossard (général), 331.
El Maqaddesi, 52. Fulton (boulevard), 185,
El Moungar (rue), 232, 234, 238, 239, Funiculaires, 221, 226, 227, 228.
269.
Empereur (boulevard de 1'), 171, 172, G
179, 180, 184.
Enrique III, 49. Galles (pays de), 441.
Escalonne (rue de 1'), 267. Gallieni (boulevard), 170, 181, 251,
Esclaves, 54, 57, 58, 62, 66, 89, 90. 258, 262, 269, 311.
Espagne (commerce), 335, 402, 403, Gambetta (plateau et faubourg), 21,
404. 38, 39, 123, 127, 192, 205, 208,
Estibot (architecte), 216. 226, 229, 230, 234, 240, 245, 248,
Etats-Unis (commerce), 387, 439, 252, 253, 254, 261, 262, 264, 268,
442, 446, 458. !
| 269, 275, 318, 322, 341, 351, 439,
Eugène Etienne (faubourg), 124, 244, 456, 471.
245, 246, 258. Voir aussi Plan Gao, 424.
teurs. Gare (place de la), 186 —
quai de
Evêché, 186, 187 rue de 1', 189.

la, 334, 335, 336, 338.


Gares, 170, 185, 186, 208, 219, 221,
246, 263, 410, 411, 412, 416.
Gare Maritime, 222, 224, 225, 334,
Falcon (cap), 13, 31. 335, 341, 344, 348.
Fatimides, 45. Gasser (maire) —

projet, 232, 234,


Faudoas (général de), 137.
236, 237, 238, 239.
Ferdinand d'Aragon, 65. Gâta (cap de), 13.
Ferrât (cap), 22.
Gdynia, 444.
INDEX 483

Gendarmerie, 147, 171, 186, 188, 220. Hassi bou Nif, 193, 435.
Gênes, 386 —
rue de, 147. Herbes (place aux), 78, 143, 316.
Génie, 19, 138, 144, 145, 159, 160, Herbillon, 39.
166, 168, 172, 179, 180, 181, 182, Hippodrome (lotissement), 123, 127,
185, 199, 201, 202, 203, 204, 205, 246, 262.
210, 211, 212, 216, 227, 232, 235, Hoche (place), 184, 187, 257, 262,
239, 242, 243, 274, 275, 280, 282, 270.
330, 333, 410. Hollandais, 404.
Génois, 50, 53, 55, 56, 57, 58, 466. Honeïn ou Hone, 45, 46, 57.
C10
Germain, Manent et (société), Honscoot ou Honschoot (rue de), 142,
Projet d'embellissement, 237, 238, 176.
264 —

Eaux, 292, 293, 294, 295, Hontabat (don Harnaldo), 64, 67,
300. 68, 69, 73, 77, 78, 89.
Géryville, 435, 436, 438. Hôpital Civil, 21, 166, 214, 220, 473
Gharabas, 92, 125, 138, 139, 158. Militaire, 20, 26, 145, 165, 172,

Gibraltar, 13, 14, 52, 87, 89, 93, 94, 173, 196, 236, 248 place de 1',

95, 96, 154, 331, 357, 387, 391, 76, 142, 155, 165 quartier de 1',

392, 443. 176, 316.


Giraud (Jules) —

môle, 341, 344, Hôtel de Ville, 123, 165, 166, 172, 190,
346, 347, 348, 349, 422. 205, 214, 215, 219, 258, 274.
Grande-Bretagne (voir Angleterre).
Graulhet, 439.
Grèce (commerce), 387, 402, 403, 404,
437.
Grenade, 45, 48, 49, 59. Ibica, 49.
Ibn Haouqâl, 46, 47, 50, 52.
Ibn Khemis, 47.
Iena (boulevard d'), 130, 185, 189,
H
202, 226, 257, 472.
Ifrénides (voir Béni Ifren).
Habibas (îles), 124. Iglesia Major, 143.
Hacho (Fanal ou Vigie), 71. Igli (rue d'), 232.
Halage (cale de), 335, 349. Impériale (place), 176, 184.

Halles, 155, 186, 244, 256, 264, 268, Indes Néerlandaises, 440, 446.
317, 318, 319, 320. Indo-Chine, 440, 454.
Hambourg, 386, 437. In Guezzan, 445.
Hammam bou Hadjar, 413. Inkermann, 433.
Hamyans, 39, 72. Innocent III, 54.
Hassan (bey), 137. Inquisition, 65.
Hassan Corso, 63. In Salah, 445.
Hassan Pacha, 63, 72. Isabelle la Catholique, 62.
Hassi Ameur, 193. Isser, 62.
484 INDEX

Japon, 440, 441. La Goulette, 63.


Jardins, 40, 75, 78, 97, 150, 154, 156, La Havane, 453.
157, 181, 217, 218, 272, 273, 279, Lahitte (rue), 269.
280, 290, 291. La Mona (voir Lamoune).
Jardins (rue des), 129, 148, 150, 163, Lamoricière (Général de), 125, 139,
175, 176, 177, 191, 206, 217, 225, 146, 148, 150, 154, 155, 158, 184.
257, 263. 185.
Java, 453. Lamoricière (centre), 39, 415.
Jayme II, 54. Lamoricière (place rue), 262, 271.
et

Joinville (rue de), 143. Lamoune (pointe et fort), 18, 23, 37,
Jornadas, 79, 89. 46, 71, 83, 159, 168, 199, 200, 248.
Junta de Abastos, 80, 85. 281, 311, 313, 325, 327, 328, 332,
Jura, 442. 333 —

quai, 335, 336, 338, 343,


351, 352, 410, 412.
Lamur (faubourg), 123, 127, 128, 129,
K
244, 245, 246, 251, 260, 262, 264,
275, 312, 314, 471, 472.
Kabyles, 109, 125, 127. Languedociens, 53, 56.
Karguentah (anse de), 22 —

plateau, Larrey (rue), 236.


28, 33, 70, 73, 75, 163, 164, 166, La Sénia, 139, 152, 160, 161, 193,
167, 206 —

faubourg, 32, 59, 75, 223, 231, 241, 252, 255, 286, 304,
93, 96, 126, 156, 157, 158, 159, 160, 413, 415, 455, 456, 457 —
aéro

169, 170, 171, 180 —

quartier, 38, port de la, 419-425.

139, 145, 155, 167, 180, 186, 187, Laugier de Tassy, 90.
188, 189, 192, 209, 215, 232, 264, Laval, 88.
273, 274, 279, 280, 281, 283, 316, Le Havre, 366, 408, 443, 446.
321, 453 —
casernes de, 146, 15^ Le Kouif, 455.
165, 168, 186, 195, 197, 201, 202f Le Kreider, 336.
203, 236, 282 —
station et gare Léoben (rue de), 144, 227, 238.
de, 185, 186, 222, 223, 224, 225, Léon l'Africain, 49, 50, 51, 55, 64, 75.
226, 410, 411 —

marché de, 188, Létang (général de), 159 —


prome
268. nade de, 18, 71, 151, 156, 166, 189,

Karsenty (boulevard), 264, 268. 198, 200, 207, 218, 234, 236, 237,
Kelaia, 157. 238, 239, 243, 254, 258, 272, 321,
Kléber (place), 74, 149, 155, 165, 176,
332, 410.
185, 191, 316. L'Hillil, 125.
Koenigsberg, 437. Lieussou (Ing.) 328, 330, 331, 332.
Koulouglis, 93. Lisbonne (rue de), 142.
Krichtel, ou Kristel, (ou Canastel), Livourne, 54, 95.
78, 253, 255, 277. Lodi (rue de), 143, 146.
INDEX 485

Lois (rue des), 188. Maréchal Foch (place), 253, 254, 256.
Londres, 386. Voir Place d'Armes.
Longwy, 457. Maréchal Joffre (boulevard), 252,
Los Vêlez (marquis de), 66. 256, 257, 263. Voir boulevard Na
Loubet (avenue), 129, 214, 261. tional.
Lourmel, 285, 425. Marignane, 424.
Liitzen (rue de), 177, 178. Marine (quartier de la), 68, 72, 77,
Lyautey (faubourg), 123, 127, 128, 84, 133, 141, 143, 145, 149, 151,
245, 260, 264, 312, 314. 152, 153, 155, 164, 167, 168, 175,
Lycée de garçons, 186, 195, 214, 216, 176, 180, 191, 210, 227, 237, 273,
220, 227, 234, 236, 239, 243, 255, 281, 310, 311, 321, 326, 409, 410,
265, 275, 470 —
de filles, 186, 187, 412 —

rue de la, 143, 148, 151,


470 —
boulevard du, 186, 216, 217, 165.
218, 219, 237. Maritime (boulevard), 209.
Lyon (rue de), 232. Marmol, 50, 52.
Marnia, 128, 371, 377, 406, 414, 440.
Maroc, 49, 65, 93, 112, 113, 222, 355,
M 359, 360, 363, 364, 372, 374, 375,
413, 414, 421, 422, 424, 425, 435,
Macta, 183, 308, 413. 437, 439, 441, 442, 444, 448, 452,
Madagascar, 420, 424. 453, 455, 458, 467 bassin du,

Madrid (rampe de), 74, 142. 338, 340, 341, 345, 350, 386.
Magenta (boulevard de), 171, 188, Marocains, 92, 95, 108, 110, 125, 128.
189, 219, 223, 252, 317. Marrakech, 113.
Magnan (foubourg), 123, 127. Marseille, 54, 55, 56, 57, 87, 88, 89
Maison-Carrée, 455. 327, 331, 356, 357, 366, 374, 398,
Majorque, 48, 49, 53, 54, 55. 402, 406, 407, 408, 421, 431, 434,
Maîchens, 88. 435, 440 rue de, 232.

Mairie (ancienne), 165, 173, 176, 190. Martin de Agulo (don), 62.
Malaga, 49, 61, 89, 95, 356, 454. Martinez de Leiva (don Sancho), 69,
Malakoff (boulevard), 129, 148, 150, Mascara, 16, 63, 64, 82, 88, 92, 93,
175, 176, 190, 192, 206, 209, 210, 94, 96, 112, 113, 123, 128, 134, 139,
225, 226, 310. 160, 170, 336, 364, 413, 415, 427,
Manduel, 56. 436, 453 boulevard de, 126, 134,

Mangin, 224. 185, 186, 189, 203, 242 porte de,


Manille, 453. 200, 286, 368, 425, 428, 432.


Mansourah, 368. Mathieu (maire), 209.
Marceau (boulevard), 129, 184, 186, Maures de paix, 78, 85.
223, 226. Maurepas, 88.
Marché (rue du), 177. Maussion (tour), 19.
Marchés, 149, 154, 155, 167, 178, 188, Mazamet, 439.
257, 268, 315, 316, 317, 318, 319. Mazouna, 128.
486 INDEX

Mecheria, 435, 436, 437, 438. 154, 160, 193, 256, 285, 301, 302,
Médéah (rue de), 176. 305, 372, 415, 434.
Médine (rue de), 142, 176. Missiessy (de), 83.
Medioni (faubourg), 124, 127, 128, Mléta (plaine de la), 58, 93, 139, 413,

229, 244, 245, 246, 251, 262, 264, 433, 438.


275. Mogatazes, 68, 80, 89.
Mohammed ben Abdoun, 44.
Meknès, 421.
Mohammed ben Abou'Aoun, 44.
Melilla, 61, 63, 113.
Mélis (faubourg), 124, 127, 246, 252, Mohammed ben el Kheir, 47.

264. Mohammed el Kebir, 92, 93, 157.

Melli (royaume de), 58. Môles, 83 —


du centre, 326, 335, 349,
Merced (rue de la), 142. 350 —
Jules Giraud, 341, 344, 346,
Mercier-Lacombe, 147, 150. 347, 348, 349 —
Millerand ou des
Mérinides, 45, 49, 54, 70. Hauts Fonds, 340, 341, 343, 349,
Mers-el-Kebir, 13, 14, 15, 16, 18, 19, 386, 389, 445 —
Môle oblique, 341

22, 23, 24, 31, 37, 38, 39, 44, 45,



du Ravin Blanc, 341, 349, 350

46, 49, 51, 52, 54, 56, 57, 61, 62,



de Ste Marie, 335, 336, 341, 344.

63, 64, 69, 70, 72, 75, 81, 82, 83, Molle (Docteur et Maire) (boulevard
88, 91, 138, 139, 154, 159, 163, du Doct.), 256. Voir boulevard Ma

168, 169, 193, 231, 268, 274, 282, lakoff.

325, 326, 328, 329, 330, 331, 332, Montebello (rue de), 142, 165.
338, 351, 352, 353, 356, 361, 391, Monte-Cristo, 124, 313.
394, 395, 396, 397, 398, 399, 400, Montémar (Cte de), 64, 73, 88, 91,
409, 422, 445, 447. 143.

Meseta, 72. Montesquieu (rue de), 188.


Messageries Maritimes (Cie des), ou Montpellier, 54, 55.
Impériales, 356, 404. Montplaisant, 124, 127, 230, 234, 246,
Meunier (Ing.), 325, 334, 335. 260, 261, 275, 321.
Mexique, 446, 453. I Montréal, 444.
Michelet (marché), 319. Moscou (rue de,), 142, 176, 220.
Milan (rue de), 124, 177. Mosguen, 44.
Milianah (rue de), 165 ville de, 92.

Moskowa (rue de la), 142, 165.
Millau, 439. Mosquées, 75, 96, 138, 143, 145, 146,
Millerand (môle), 340, 341, 343, 349, 147, 157, 158.
386, 389, 445. Mosquée (quartier de la), 158.
Mina (ravin de la), 21, 215, 236, 237, Mostaganem, 63, 92, 111, 123, 125,
255, 257, 262, 269. 128, 160, 161, 170, 242, 357, 364,
Minorque, 49. 368, 375, 394, 413, 414, 425, 427,
Miramar (quartier de), 205, 208, 246, 428, 432, 434, 437, 438, 451 —
rue

257, 268 boulevard de, 209, 214,


de, 167, 170, 171, 178, 185, 187,


233, 234. 226, 251, 261, 263.
Misserghin, 34, 36, 39, 40, 139, 152, Moulay Ismaïl, 64.
INDEX 487

Moulins, 32, 47, 71, 75, 80, 97, 145, O


155, 288, 290, 291, 450, 451, 452

plateau des, 168 rue des, 164.

Omeiyades, 45.
Murât (rue), 268. One (voir Honeïn).
Murdjadjo, 15, 18, 19, 20, 32, 33, 37, Oran-Marine (gare d') 224, 225, 269,
38, 39, 40, 44, 72, 301, 307. 411, 412, 416, 417, 418.
Murillo (marquis de), 86. O'Reilly, 90.
Musée, 220. Orléans (rue d'), 143, 148, 149, 150,
N 155, 175, 176, 235, 309, 311, 316,
Nancy (rue de), 268. 321, 336, 409 —
place d', 77, 143,
Nantes-Saint-Nazaire, 366, 407, 408, 176, 184, 279 —
blockhaus d', 161.
431. Orléansville, 128, 433.
Nao (cap de la), 52. Orous (Djebel), 377.
Naples (rue de), 144, 178 —
place
Osman, 93, 96.
de, 178. Oualata, 58.
Napolitains, 395, 396. Oubanghi, 424.
Napoléon (Prince), 189, 198. Oudinot (boulevard), 77, 129, 147,
Napoléon (rue), 144, 146, 155, 156, 149, 163, 175, 190, 200, 236, 316.
163, 176, 184, 426 place,

143, Oudjda, 16, 58, 92, 128, 253, 375, 413,


150, 155, 156, 167, 170, 171, 172, 414, 418, 440, 441.
173, 174, 180, 181, 182, 184, 198, Oued Bachir, 35.
316 —

quartier, 167, 175, 177, 184, Oued er Rehi, 31, 40, 71, 80, 97, 149,
199, 283 porte, 159, 170, 171, 315.
309, 321.

Narbonne, 54, 55. Ouillis, 377.


National (boulevard), 130, 171, 178, Ounazera, 66.
184, 188, 189, 226, 236, 237, 244,
252.
Nedroma, 92, 128, 441.
Nefza, 44.
Nègres, 93, 107, 109. Pacha (mosquée du), 143, 146.
Nemours, 357, 364, 370, 371, 372, 376, Paix (rue de la), 172, 186, 216, 217.
377, 406, 413, 414, 433, 440, 441, Paixhans (rue), 208, 216, 217.
444, 449 place de, 143, 281.

Palais de Justice, 166, 186, 188, 200,
Niger, 16, 58, 420, 424, 448. 207, 219, 275.
Noizeux (source), 35, 283, 284, 285, Parc à bestiauax, 322, 412.
287, 290, 291, 292, 293, 297, 299 Parc à fourrages, 145, 165, 195, 201,

carrières de, 38. 202, 204, 224, 248, 260, 261, 265.
Nord (boulevard du), 205, 207, 208, Paris, 357, 382, 435.
234, 254. Pavillons, 402, 403, 404.
Nouvelle-Orléans, 443. Pedro de Padilla, 72.
Pedro Navarro (don), 61, 65.
Pedro Nino (Cte), 49.
488 INDEX

Perpignan, 56. 289, 290, 291, 294, 297, 303, 307,


Perrégaux (général), 139 —

centre, 310, 321, 328, 337, 376.


372, 413, 425, 433, 434, 438. Port-Jérôme, 446.
Peste, 82, 93. Port-Mahon, 87, 89, 95.
Pézerat (Ing.), 83, 142, 148, 279, 291, Porto Pisano, 54.
327. Port-Saïd, 386.
Philippe II, 63. Port-Vendres, 357, 402, 406, 407, 408,
Philippe (rue), 97, 129, 143, 147, 148, 435, 439.
149, 150, 151, 155, 163, 191, 205, Postes, 152, 165, 206, 207, 219, 232,
206, 208, 209, 310. 275.

Philippeville, 242, 364, 394, 435. Préfecture, 165, 166, 170, 199, 206,
Piave (rue de la), 177. 219.

Pisans, 52, 53, 54, 57, 466. Prestat, 290.


Place d'Armes —
des Espagnols, 76, Prison civile, 147, 186, 188, 219.
143, 316 —
des Français, 143, 149, Promenade (rue de la), 164.
155, 178, 185, 190, 216, 221, 225, Provençaux, 56.
226, 227, 236, 241, 243, 253, 274,
310, 316, 336, 412.
Plage (rue de la), 216.
Plan de la Ville, 233 —
Plans d'ali

gnement, 158, 164, 170, 175, 176, Quinconces (place des), 237, 256, 263.
178, 179, 180, 185, 186, 187, 214,
232 Plan d'aménagement,
— d'ex

232, R
tension et d'embellissement,

233, 234, 250, 251, 252, 253, 254,


255, 256, 257, 258, 259, 260, 261, Raab (rue du), 142.
262, 263, 264, 265, 266, 267 ,273.
Rabat, 421, 455.
Planteurs (bois et promenade des), RAhgoun, 45, 331.
19, 166, 192, 237, 238, 243, 244, Randon (maréchal), 222.
245, 253, 254, 258, 259, 263, 270, Ras el Aïn (ravin et source), 20, 32,

272, 314 —
marnes des, 39. 34, 35, 38, 40, 77, 145, 149, 154,
Poincaré (bassin), 341, 342, 344, 388, 192, 210, 211, 227, 238, 243, 252,
445. 256, 258, 263, 273, 279, 281, 282,
Pologne (rue de), 143. 284, 288, 290, 291, 292, 296, 301,
Pologne, 444. 303, 304, 305, 310, 311 bordj

Polygone, 38, 39, 204, 207, 210, 234. de, 71, —


porte de, 150, 173, 174,

Pont-Albin, 34, 303, 305, 306. 206, 316 —


boulevard de, 150, 165,
Pont des Issers, 435, 437. 172, 175 —

faubourg, 75, 93, 124,


Ponteba (rue de), 78, 142, 143. 157, 158, 174, 456.
Ponts et Chaussées, 147, 148, 158, Ras el Ma, 413.
159, 160, 180, 182, 208, 209, 210, Ratisbonne (rue de), 144, 177.
226, 227, 281, 282, 285, 287, 288, Ravin Blanc, 21, 22, 32, 33, 38, 39,
INDEX 489

40, 153, 178, 208, 229, 247, 248, Aïn, 192 de Tlemcen, 135, 157,

256, 260, 261, 263, 269, 279, 282, 159, 160, 170, 171, 189, 192, 210,
287, 290, 291, 311, 338, 349, 411. 226, 228, 252, 253, 255, 256, 260,
Ravin de la Vierge, 302. 285, 331, 336, 414 de St Cloud

Ravin Vert, 150, 192, 228. et Aréole, 415 de Valmy, 229,


Real Corona (marquis de), 81, 90. 252, 415.


Rédemption (Pères de la), 54. Routes du Port ; ancienne, 181, 182,
Reggan, 420, 424, 445. 209, 218, 336 nouvelle, 234, 239,

Regiae, 44. 253, 254, 255, 257, 262, 263, 268,


Rehbinder (J. Ad. Frhn von), 69, 81, 269, 412.
91. Ruche des P.T.T., 124, 127, 245.
Relizane, 125, 413, 415, 418, 425, 433,
434, 437, 438, 441, 451.
Rempart (rue du), 146, 179.
Renault, 128.
Repentir (rue du), 188. Sahara, 16, 420, 444.
République (place de la), 174, 182, Saïda, 128, 336, 413, 418, 425, 433,
188, 226, 227, 233, 239. 436, 437, 438, 451.
Révolution (rue de la), 113, 144, 184. Saïgon, 454.
Rio Salado, 432. Sananès (faubourg), 124, 127, 128,
Rivoli (rue de), 142, 176. 244, 245, 472.
Rome (rue de), 200. San Benito, 165, 237, 345, 448.
Rosalcazar, 68, 72, 73. Sanchidrian, 124, 245, 471.
Roseville, 22, 39, 313. San Fernando (fort), 71, 73.
Rotterdam, 437, 444. San Miguel (fort), 72.
RoubaiX, 439. Saint André (village), 22, 38, 39, 193,
Rouen, 366, 407, 408, 431, 439, 440, 352, 396.
442, 445. Saint André (fort), 20 38, 72, 73,
Roumanie, 437, 442, 446. 74, 144, 145, 157, 160, 163, 168,
Routes —

d'Alger, 160, 215, 252, 255, 169, 190, 199, 243, 258, 263 —

256, 414 —

d'Arzeu, 159, 160, 167, lunette de, 158, 199, 200, 203, 211,
170, 181, 189, 190, 193, 215, 229, 234 carrières de, 38

église de,

255, 321, 414 —


de Mascara et 146, 166 porte de, 145, 153, 157,

Géryville, 135, 159, 160, 170, 171, 220.


189, 199, 229, 252, 255, 256, 260, Saint Antoine (quartier), 126, 130,
263, 331, 336, 415, 420 —
de Mers- 170, 178, 185, 186, 188, 192, 214,
el-Kebir, 159, 160, 414

de Mos 232, 257, 261, 265, 273, 284, 317.
taganem, 160, 161, 170, 171, 189, Saint Augustin (place et rampe),
215, 229, 230, 255, 284, 414 —
164.

d'Oudjda, 257, 263, 267 —


de Ste Sainte Barbe du TIélat, 128, 223,
Barbe duTIélat, 415 —
de Sidi 224, 255, 413, 415, 435.
Chami, 230, 415, 420 —
de Ras el Saint Charles (quartier) , 38, 214, 230,

16*
490 INDEX

232, 257, 260, 261 —

fort, 73 —

168, 180, 181, 182, 198, 222, 243,


carrières, 38. 338, 348, 410, 412 —
rue, 336.
Sainte Clotilde, 22, 193, 244. Santa Cruz, 13, 18, 19, 23, 72, 73,
Saint Cloud, 193, 255, 368, 377, 415, 145, 166, 227, 268.
452. Santon, 18, 22, 37, 39 —
porte du,

Saint Denis (rue), 189. 75, 77, 158, 174, 258, 309, 409 —

Saint Denis du Sig, 112, 128, 372, plateau du, 168.

377, 434, 438, 451. Saoura, 16, 128, 420.


Saint Domingue, 453. Sardaigne et Sardes, 52, 395, 396.
Saint Esprit (rue du), 189 église

Savornin (rapport), 36, 297, 300, 301,
du, 167, 316. 302, 305, 307.
Saint Eugène (faubourg), 21, 28, 38, Scandinavie, 439.
123, 127, 223, 226, 230, 245, 260, Schneider (rue), 216.
261, 264, 267, 275, 318, 471. Sébastopol (boulevard), 171, 172, 185,
Siant Grégoire (fort), 71, 72, 73, 145, 188, 189, 201, 219, 220 —
place,
159, 409. 186, 226, 252.
Saint Jayme (rue), 142. Sebdou, 436.
Saint Jérôme, 39. Sebkha, 19, 20, 34, 35, 40, 160, 336,
Saint Junien, 437. 420, 423.
Saint Leu, 39. Sédiman (rue), 142, 176.
Saint Louis (fortin et lunette), 74, Seguin (boulevard), 119, 170, 171,
174, 243 —
église de, 72, 76, 165, 178, 179, 181, 182, 185, 186, 189,
166, 187 —

porte, 173 —

centre, 190, 209, 215, 216, 220, 223, 226,


193. 233, 251, 426.
Saint Lucien, 128, 377, 435. Sénégal (quai du), 312, 343, 344, 349,
Sainte Marie (plage et quai), 83, 165, 410.
311, 326, 334, 335, 338, 343, 344 Sète, 88, 356, 402, 406, 407, 431, 434,

magasins de, 144, 145, 165. 439.
Saint Michel (plateau et quartier), Sidi bel Abbès, 16, 112, 113, 128, 223,
21, 167, 170, 178, 185, 187, 188, %4, 242, 331, 336, 368, 381, 398,
189, 214, 223, 232, 265, 273, 284, 413, 418, 425, 428, 433, 444, 451.
292, 317, 318, 319, 473. Sidi Chaban, 161
Saint Philippe (fort et camp) , 20, 21, Sidi Chami, 152, 170, 171, 193, 199,
38, 71, 72, 73, 145, 157, 160, 163, 224 —
route de, 230, 415 —
porte

169, 170, 196, 199, 200, 210, 235, de, 38 rue de, 186.

236, 243, 248, 256, 259, 263, 265, Sidi Mârouf, 193.
267, 284, 286, 303. Sidjilmâssa, 58.
Saint Pierre (quartier), 188, 214, 223,
Smélas, 92, 125, 138,158.
233, 257, 265. Sonora (marques de la), 80, 81.
Sainte Thérèse (baie de), 22, 181, Soubeyran (de), 150.
271, 311, 329, 332, 338, 340, 345, Soudan, 58, 444, 448, 467.
411 jetée de, 335

fort de, 71,


Stettin, 437.
INDEX 491

Strasbourg, 232, 434. Tlemcen, 16, 44, 45, 47, 49, 51, 53,
Sud (boulevard du), 180, 186, 210. 55, 56, 57, 58, 59, 60, 62, 63, 82,
Suède, 442. 85, 89, 92, 112, 113, 123, 128, 134,
Suez (rue de), 144 —
Canal de, 387. 139, 160, 170, 336, 364, 368, 372,
Sumatra, 453. 398, 413, 414, 418, 427, 431, 436,
Swansea, 444. 439, 441, 451, 456 —
rue de, 126,

Synagogue, 94, 172, 188. 130, 178, 185, 186, 189, 226 —

Syndicat Commercial et Industriel, porte de, 20, 74, 77, 142,


149, 174,
449. 204, 229, 247, 253, 309, 410, 433.
Tokrour, 38.
Torre Gorda, 74.
Touache (C"), 330, 347, 348, 356, 357.
Toulon, 331, 356.
Tabia, 413. Toulouse, 357, 422, 435.
Tadelah Aghmat, 58. Tramways électriques, 221, 225, 228.
Tafaraoui, 128. Transports Maritimes (C'ee des), 347,
Tafilalet, 58, 113. 348, 356, 357, 404.
Tafna (té de la), 139 —

eaux, 308, Transsaharien, 17, 411, 414.


331, 364. Transatlantique (Cle), 335, 347, 348,
Tagliamento (rue de), 142. 357.
Tamashouet (cimetière de), 157, 202, Trésorerie, 152, 165, 219.
260. Tribunal, 147, 165 —
de Commerce,
Tanezrouft, 420. 206.
Tanger, 113, 356, 357. Tripoli, 57.
Taza, 128, 421. Tunis, 54, 56, 57, 63, 420, 424, 425,
Tchécoslovaquie, 439. 455 —

Tunisiens, 110 Tunisie,


Telemsin (voir Tlemcen). 436, 457.


Tempêtes, 23, 333, 334. Turin (rue de), 148, 149, 151, 166.
Temsalmet, 302.
Ténès, 45, 357, 363 cap, 52.

U
Terrade, 228, 314.
Tessala, 47.
Tétouan, 49, 113. Ulm (rue d'), 177.
166,"
Théâtre, 155, 156, 172, 205, 221,
236, 238.
Thiers (rue), 185, 271.
Tiaret, 128, 364, 413, 415, 418, 433,
436, 437, 438, 441. Vallejo (don José), 64, 66, 72, 73, 74,
Tibda, 62. 75, 76, 79, 81, 85, 87, 91.

Timimoun, 445. Valence, 356, 357.


Tipaza, 363. Valéry (C8), 356.
Tizi, 413. Valès (rampe du capitaine), 254, 410.
492 INDEX

Valmy, 161, 193, 286, 415, 420 —

W
porte de, 202, 226, 248.
Wagram (rue de), 113, 144, 146, 177,
Vénitiens, 51, 53, 54, 55, 57, 58, 86,
466. 191, 236.
Welsford (jardins et quartier), 20,
Vergnieaud (ing.), 294, 299, 302, 343,
164, 168, 176, 311.
346, 411.
Victoire (place de la), 257, 262. Westphalie, 437, 444.
Wolff (plan), 240, 251, 265.
Victor Hugo (faubourg), 124, 127,
230, 252, 445, 471.
Vieille Mosquée (rue de la), 167, 170,
208, 271, 453 quartier

de la,
Ximenès (cardinal), 57, 61, 62, 78 —

167, 186, 188, 189, 195, 215, 234,


254, 257, 265, 269, 274, 318, 321. rue de, 164.
Vienne, 268 rue de, 146,

147, 171,
172, 189, 236, 257.
Vieux Château (rue du), 81, 125,
142, 146, 200, 281. Youalaten (voir Oualata).
Villadarias (marquis de), 73. Yougoslavie, 402, 403, 404, 442, 443.
Village Nègre, 126, 128, 130, 134,
158, 161, 169, 170, 178, 179, 180,
185, 186, 188, 189, 190, 192, 198,
200, 201, 202, 204, 213, 215, 232, Zemmora, 125, 128.
236, 251, 257, 260, 265, 274, 284, Zeyanides, 53, 55, 58, 62, 327, 466.
317, 318, 472. Zmélas (voir Smélas).
Vosges, 442. Zouaves (boulevard du 2e), 171, 188,
189, 226, 236, 251.
Zoudj el Beghal, 413, 414.
Zousfana, 16, 128, 420.
TABLE DES PLANCHES

Planche I. —

Vue perspective d'Oran (1732) 32

Planche IL —

Oran en 1831 64

Planche III. —
Un moulin au ravin d'Oran (1832). —
La
rue Philippe à Oran (1832) 72

Planche IV. —

La porte d'Espagne. —
La Grande Mos
quée dite du Pacha 88
■4

Planche V. —

Cour en hémicycle et fontaine de la Grande


Mosquée. Une rue en escaliers du

Vieil Oran 128

Planche VI. —
Vue générale d'Oran en 1850. —
Oran vers

la même époque 160

Planche VII. —
Oran vers 1875. —
Oran contemporain . . 168

Planche VIII. —
La Place d'Armes et l'Hôtel de Ville en
1885. Les mêmes à l'époque contem

poraine 184

Planche IX. —
Vue aérienne d'Oran contemporain (Ville
Nouvelle-Centre) 200

Planche X. —
Du vieux quartier israélite à la ville mo
derne. —
Le quartier neuf de Miramar. 216

Planche XI. —

Les jardins de Létang, le Bois des Plan


teurs, Santa Cruz et le Santon. La —

gare centrale d'Oran 232

Planche XII. —
La rade de Mers-el-Kebir 248
494 TABLE DES PLANCHES

Planche XIII. —
Vue générale du portd'Oran. Les tra

vaux du port d'Oran vers 1865 352

Planche XIV. —

Les travaux vers 1885. —


Le port à la fin
du siècle dernier 360

Planche XV. —

Le port à la veille de la guerre. Le fort—

Sainte Thérèse avant le dérasement. . 376

Planche XVI. —

Les quais au moment de la campagne des


grains. —
Le travail à la main ; triage
du blé 384

Planche XVII. —
Le nouveau Silo de la Chambre de Com
merce. —

La Gare Maritime et les cour


riers de France 392

Planche XVIII. —
Le bassin du Maroc : embarquement des
céréales. Le Vieux Port

408
TABLE DES PLANS

CROQUIS ET GRAPHIQUES

Topographie du site d'Oran 24

Piano de la Plaza de Oran (1732) 64


(2e
Piano de la Plaza de Oran moitié du XVIIP siècle) 96

Graph. I. Mouvement

de la population totale d'Oran de
1832 à 1936 104

Graph. II. —

Population d'origine européenne. Population fran


çaise et européenne naturalisée. Population étrangère 120

Graph. III. —

Populations espagnole et italienne. —


Popula
tions israélite et musulmane 128

Graph. IV. Répartition


et mouvement de la population sur

le site de 1866 à 1936 128

Graph. V. —

Pourcentage des principaux éléments 1876-1936. 128

Plan d'Oran et des environs en 1840 1 52

Plan d'Oran en 1881 184

Plan d'Oran et des environs en 1883. —


Plan d'Oran et des
environs à la même échelle (1 : 50.000) en 1934 192

Graph. VI. —
Eecettes du Budget Municipal. —
Mouvement de
la construction de 1832 à 1936 200

Plan E. Cayla. —
Embellissements d'Oran 216

Projet Germain, Manent et Cie 232

Plan des emplacements des Etablissements Militaires en 1890.



Plan correspondant en 1937 248
496 TABLE DES PLANS, CROQUIS ET GRAPHIQUES

Plan d'extension de la Ville d'Oran par Danger Frères et Wolff. 256

Plan de la circulation intérieure et extérieure d'Oran 264

Plan général du Port d'Oran 344

Projet d'extension du Port d'Oran vers Mers-el-Kebir 352

Plan des travaux de la première tranche 352

Graph. VII. Port d'Oran. Tonnage métrique des marchan


dises importées et exportées de 1890 à 1937. Cabotage côtier


de 1920 à 1937 376

Graph. VIII. —

Port d'Oran. Tonnage métrique exporté des


charbons, des vins et eaux-de-vie, des céréales et farines de
1900 à 1936 384

Graph. IX. —

Port d'Oran. Nombre et tonnage de jauge des


navires entrés et sortis. Nombre et tonnage des navires relâ
cheurs de 1880 à 1937 408

Plan d'Oran au 1 : 10.000 du Service Géographique de l'Armée


C1934.,l n. In. iivï ftn ninlti/mp.
TABLE DES MATIERES

Avant-Propos , 7-10

LIVRE I

LES CONDITIONS NATURELLES

Chapitre I

LA POSITION ET LE CADRE REGIONAL

Situation dans la Méditerranée 13. Oran Mers-el-


Occidentale, —
et

Kebir, 14. —

Oran, clef de routes terrestres, 15. —


Vers le Maroc
etl'A.O.F., 16.

Chapitre II

LE SITE

La baie d'effondrement, 18. La montagne, le plateau, la plaine de


la Sebkha, 19. Oran établi dans le ravin de Ras-el-Aïn, 20.


— —

Détail de la topographie, 21. —

Le plateau, 21. —

Les ravins de la
falaise côtière, 21. Le port

naturel de Mers-el-Kebir, 22. Le—

mauvais mouillage de l'anse Lamoune, 23.


498 TABLE DES MATIERES

Chapitre III

QUELQUES DONNEES CLIMATIQUES

Généralités, 25. —

La température; moyennes mensuelles, 26. —


Mini
mas moyens et extrêmes, 27.

Maximas moyens et extrêmes, 27. —

Lacunes dans les observations, 28. —


La pluviométrie ; moyennes men
suelles; comparaison avec Alger, 28.

Un coefficient de variabi
lité plus élevé, 29. —

L'insolation, 30.

Chapitre IV

LES RESSOURCES EN EAU

L'Oued-er-Rehi a déterminé le choix du site urbain,31. —


Les ressour
ces du Murdjadjo ; calcaires, eaux libres et eaux
captives, 33. Les

eaux de Brédéah ne sont pas artésiennes, 34.—


Les eaux chlorurées, 35.

Chapitre V

LES MATERIAUX ET LE RAVITAILLEMENT

Analyse de la carte géologique, 37.%— Les carrières de Ras-el-Aïn et


de St André, 38. —

Carrières de St Charles et de Gambetta, 38. —

Les matériaux d'empierrement, 38. —


Les pierres à chaux, le gypse,
le sable, les marnes de St André de Mers-el-Kebir, 39.
Le ravitaillement en vivres; possibilités, dans la 40.
sécurité,
TABLE DES MATIERES 499

LIVRE II

ORAN VILLE ET PORT AVANT 1831

Chapitre I

LES ORIGINES

Une petite ville avant notre occupation, 43.


Ouahrân fondée en 903

par des marins Andalous, 44. —


Oran et Tlemcen, 45.
Le port à—

XIe
Mers-el-Kebir, 46. La ville du

au XIV siècle, 47. L'immi —

gration juive, 48. Les Andalous, 49.


Le commerce et l'artisanat

XVe
indigènes, du XIP au siècle, 50. Les relations avec l'Espa

gne, 52. Avec les Génois, les Pisans, les Catalans, 53.

Oran —

entrepôt du royaume de Tlemcen, 53. Les traités de commerce, 54.


Languedociens et Marseillais, 55. Florentins et Vénitiens, 57.


— —

Relations avec le Soudan, 58. La prospérité du XVe siècle et la


décadence, 59.

Chapitre II

ORAN ESPAGNOL ET TURC


(de 1509 à 1791)

Oran de corsaires; la conquête Espagnole, 61.


nid Oran sera-t-il la

capitale d'une province ? 62. Tentatives et échecs, 63.



Oran —

n'est plus qu'une forteresse et un presidio, 64. La population, 64.


— —

Les rapports avec les tribus, 65. Avec les Juifs, 65.

La situation

en 1732, 67. —

Population de la ville et garnison, 68. Variations


jusqu'à 1788, 69. —


Histoire des fortifications d'Oran, 69. Avant —

XVIe
les Espagnols, 70. —

Les travaux du siècle, 71. Le gouver


nement des Beys, de 1708 à 1732, 72. Les travaux espagnols du


XVIIIe
siècle, 73.

La ville des Turcs, 73. La ville des Espagnols

XVIIIe
au siècle, 76. Difficultés du ravitaillement, 78.

Le Con —

seil d'approvisionnement, 80. La vie sociale, 80.



Insécurité et

insalubrité, 81. —

Le blocus permanent, 82. Essai de création d'un


petit port à Oran, 83. —

Aménagement des terre-pleins, 84. Le —


500 TABLE DES MATIERES

faubourg de la Marine, 84. —


Le marasme commercial ; ses causes,
84. —

La fiscalité, 85. —

Les relations extérieures sous la domina


tion espagnole, 86. —

Oran et les Marseillais, 88. Les razzias et le


commerce chrétien des esclaves, 89. La catastrophe de 1790 et


l'abandon d'Oran aux Turcs, 90.

Chapitre III

ORAN DE 1791 A 1831

Le repeuplement d'Oran, 92. Le rappel des Juifs, 92.


Population —

de la ville, 93. La renaissance du commerce, 94.


Relations avec —

l'Espagne et avec Gibraltar, 95. Quelques monuments, beaucoup


de ruines, 96. Une description d'Oran en 1831, 96.


LIVRE III

LA POPULATION D'ORAN DE 1831 A NOS JOURS

Chapitre I

LE MOUVEMENT DE LA POPULATION

Enorme accroissement, 101. —

De 1872 à 1936, 102. —

Résultats anté
rieurs, 103. —

La résistance aux crtees, 104. —

Agriculture, trafic
maritime et peuplement, 105. —

«cplication de quelques varia


tions, 106.

Chapitre II

LES ELEMENTS DE LA POPULATION

Eléments indigènes et européens, 107. —

Population musulmane de
1831 à 1901, 107. Progression accélérée au XXe siècle, 108.

Musulmans Marocains, 109. Nègres, 109.


Mozabites et Kaby

les, 110. —
Population israélite, 110. Difficulté de l'estimer avant

1881, 111. —
Afflux de l'intérieur, 112. Contribution importante

du Maroc, 112. Population juive de l'Oranie, 113.


Variété des —

professions, 114.
TABLE DES MATIERES 501

Oran est la ville la plus européenne de l'Algérie, 114. Absorption des


Etrangers dans la nationalité française, 116. Les Espagnols ; varia


—■

tions numériques, de 1831 à 1891, 117. De 1891 à 1931, 118.


Les —

professions qu'ils exercent, 118. Les Italiens ; immigration ralen


tie, 119. —

Autres nationalités, 120. Proportions des divers élé


—•

ments, 120.

Chapitre III

REPARTITION SUR LE SITE

Trois parties à distinguer dans l'agglomération : Vieille ville, Ville Nou


velle, Faubourgs, 121. Développement et

proportions respectives,
122. —
Stagnation dans le Vieil Oran, 122. —

Progrès et ralentis

sement dans la Ville Nouvelle, 123. —

Enorme croissance dans les


Faubourgs, 123.

Localisation de la population musulmane, 124. Immigration de l'in


térieur, 125. —
Le Village Nègre, 125. Répartition dans les fau

bourgs, 126. —
Comparaison avec Alger, 127. Origines des immi

grants, 128.

La population israélite ; tendance à la dissémination, 129. —


Vieille
Ville et Ville Nouvelle, 129. Faubourgs, 130.

Population d'origine européenne, la plus répandue sur le site entier,


130. Mouvement et proportions de 1856 à 1931, 130.

Immigra —

tion étrangère, espagnole surtout, 131. Français d'origine métro


politaine, 131. Dissémination de la population espagnole, 132.


— —

Importance numérique dans les Faubourgs, 132. Les Italiens can—

tonnés dans la Vieille Ville, 132.

Physionomie européenne Importance de l'élément d'ori


d'Oran, 133. —

gine espagnole, Progrès de l'élément musulman, 134.


133. — —

L'œuvre de francisation à poursuivre, 134.


502 TABLE DES MATIERES

LIVRE IV

L'AMENAGEMENT DU SITE

Chapitre I

LA CONSTRUCTION DE LA VILLE

I. —
La période militaire (1831-1848) 137

Les circonstancesde l'occupation, 137. —


L'insécurité des premières

années, 138.

La pacification de l'intérieur, 139. Un embryon de


Municipalité, 140. —
Pauvreté des ressources, 140. Une ville en

ruine, 141.

Les quartiers ; la Blanca, 141. La rive droite de

l'oued et le quartier juif, 143. Les travaux du Génie, 144.



Le —

logement des troupes, 145. Les services civils, 146.


Travaux des

Ponts et Chaussées, 147. La voirie ; rues et boulevards, 148.



Le —

boulevard de Ras el Aïn et la rue des Jardins, 150. La promenade de


Létang, 151. —
Progression de la construction, 152. Travaux d'édi-

lité, 153. —

Animation et prospérité du commerce, 153. La vie à


Oran depuis 1840, 155. Les faubourgs ; Karguentah et Ras el Aïn,


156. —
Le « Village Nègre » ; origine, 158. Le quartier de la Vieille

Mosquée, 159. )( Construction des routes de l'intérieur, 159.



La -\-

route de Mers-el-Kebir, 159. Les routes de l'Est et du Sud, 160.


~Y
II. —
De 1848 A 1880 162
L'ordonnance de janvier 1848 ; une véritable Municipalité, 162. L'a —

chèvement de la Vieille Ville, 162. Les grands faits de l'histoire


urbaine, de 1848 à 1871, 163. Plans d'alignement, 164. Crédits



insuffisants, 164. —

Constructions «îilitaires, 165. \Monuments et


édifices publics, 165. Promenades^ les « Planteurs Militaires », 166.



Croissance des faubourgs du plateau, 166. La question de la nou

velle enceinte à créer, 168. Le décret de 1860 relatif au port, 168.


Le plan d'alignement de 1865 et l'enceinte de 1866, 169. Plan —

définitif de 1867, 170. —

Le nouveau quartier de Karguentah, 171. —

Les « réserves civiles », 172. La question de l'Hôtel de Ville, 172.



Résistances des habitants de la Ville Basse, 173. Conceptions étran


ges de l'urbanisme, 175. —

La voirie de la Vieille Ville, 175. Le —

quartier Napoléon, 177. Discussions, longueurs et retards, 178.


Les terrains de l'ancien Champ de Manœuvre, 179. La Ville et le


Domaine, 179. —
Les alignements du Village Nègre, 179. —
j(Liaisons
avec le nouveau port ; le ravin de l'Ain Rouina
; les oppositions du
Génie, 180. ^La nouvelle route du port, 182.

TABLE DES MATIERES 503

III. —
De 1880 A 1900 183

Une période de transition et de redressement, de 1871 à 1880, 183. —

Liquidation des travaux amorcés dans la Vieille Ville, 184. La Ville —

Haute ; plans de 1874 et de 1880, 185. Les nouveaux quartiers du


plateau, 186. ^Edifices publics, 187.



Oran en 1880 ; répartition

de la population, 188. Les espaces bâtis, 189.


La Place d'Armes,

190. —
La Ville basse, 190. Aspect des vieux quartiers, 191.

Fau —

bourgs extra muros, 192. Les environs d'Oran, vers Mers-el-Kebir,


192. —
Vers La Senia et Arcole, 193. Prospérité des affaires, 194.

La question des établissements militaires et des servitudes, 194. Le —

Château Neuf, 194. Les quartiers militaires de Karguentah, 195.


Les servitudes, 196. Conflit avec le Domaine ; une ville déshé


ritée, 196.

Histoire des difficultés de la Commune, 201. Conven —

tion d'avril 1891, 202. Le projet de M. Emile Cayla, 203.



Analyse—

du projet, 203. La notice explicative, 203.


Le transfert des

casernes et des établissements de Karguentah, 204. De nouveaux


quartiers à créer, 205. Satisfactions à donner à la Ville basse, 206.



Difficulté d'arrêter le déplacement du centre de gravité de la ville
bâtie, 206. —
Le « Boulevard du Nord et les annexes », 207. Le —

boulevard des Chasseurs, 208. Les vieux quartiers ; de nouvelles


voies, 209.

Foi justifiée en l'avenir d'Oran, 211. Comment le

projet fut abandonné, 211. Nouvelles discussions, 212.


La Société

Immobilière Bentz-Audéoud-Guénot et la loi du 7 juin 1899, 213.


Développement de la ville et du peuplement, 214. Le boulevard Seguin

et le nouveau quartier du Lycée, 215. De regrettables décisions,


216. —

Projets de jardins dans le ravin d'Aïn Rouina, 218. Les —

édifices publics : Hôtel de Ville, Palais de Justice, Lycée, Théâtre, 219.


La questiondes transports rapides, 221. Discussions sur l'emplace
ment de la Gare Centrale, 221. La station de Karguentah, 222.
— —

Conflit avec le P.L.M., 223. Projets divers, 224.



Solution tar

dive, 225. Les tramways, 225.


-*-
Projets de funiculaires, 226.

Le développement des faubourgs extra muros, 228. Le groupe du —

Sud,
228. Le groupe de l'Est, Gambetta et Saint-Eugène, 229.

IV. —
De 1900 A 1930 231

Accroissement inattendu de la population, 231. v Des problèmes nom


breux à résoudre, 231. Nécessité d'un plan d'ensemble d'aménage


ment, d'extension et d'embellissement, 231. -^Les plans antérieurs ;


défaut de coordination, 232. Aucun plan d'ensemble de la ville avec

les alignements et les nivellements, 233. r Le rapport Gasser du 12



504 TABLE DES MA11ERES

juillet programme d'urbanisation, 234.


1912, Analyse des projets,

236. Propositions de la Société Germain-Manent et C", 237.



Projet G. Bons, 238. Projet Municipal de 1916, 238.



La question —

de l'aménagement des faubourgs, 239. L'avant-projet du plan


Wolff, 240. —
Lotissements et H.B.M., 241. —
Les terrains militai

res ; nouveaux pourparlers, 242.


Le plan régulateur Danger, 244.



Un grand emprunt, 244. -f Le recensement de 1931, 245. —

Les
syndicats de propriétaires, 246.

V. —
De 1930 A 1937 247

Une période féconde en résultats, 247. Le déclassement des remparts


de l'enceinte de 1866, 247. Cession de terrains militaires, 248.


— —

Le recensement de 1936, 249. La tâche imposée aux Services Com


munaux, 249. r Plans topographiques réguliers, 249.



Plan d'amé —

nagement, d'embellissement et d'extension de MM. Danger, Wolff et


Verny, 249. Le zoning organisé, 250.

Réaménagement de la voirie,

253. Le front de mer, 254.



Les circuits périphériques, 254.
— —

Elargissements et créations, 256. Des liaisons nouvelles, 257.


— —

L'aménagement du Château Neuf, 258. Aménagement de la région


des Planteurs, 258. Utilisation des anciennes rues militaires, 259.



Aménagement de l'ancienne zone des servitudes de l'enceinte, 260.

Réaménagement des faubourgs, 261. Le circuit périphérique


extérieur, 262. Les espaces libres, 262.


Gares routières, 263.



Centres sociaux, 263. Il reste encore des questions importantes

à résoudre, 264. Un plan se prêtant à des réalisations toutes pro


ches, 265. Une politique d'urbanisme préventive et défensive, 266.



Les premières réalisations, par la main-d'œuvre des chômeurs,
267. Le boulevard Front de Mer, 268.

Autres travaux en cours,


268. Améliorations importantes de la voirie ; classements et amé


nagements, 270. Transports pi^lics, 271.


Circulation, 271.

La —

question des espaces libres, 272.

Quelques conclusions sur l'histoire de la construction d'Oran, 273. —

Caractéristiques des diverses périodes, 273. Une phase nouvelle,


l'âge de la pleine maturité, 276.

Chapitre II

TRAVAUX D'EDILITE

I. La question des eaux


278
La situation en 1831, 278. —
Le rapport Pézerat (1835), 279. —
La
TABLE DES MATIERES 505

Commission de 1838 ; les plans de Aucour, 281. La Source Noizeux,


283. —
Alimentation des hauts quartiers, 284. Les eaux de Bré

déah, 285. Conventions de 1876 et 1878, 286.


Une longue suc


cession de procès, 287. La question de la propriété des eaux, 287.



Le système de l'affermage à des sociétés privées, 288. La ges —

tion des Ponts et Chaussées, 289. La Société Générale des Eaux ;


convention de 1896, 290. Cession à la Société Germain-Manent et


Cle
en 1913, 292. Suite des procès, 293.

Dissolution et liquida

tion, 294. Urgence d'une solution, 295.


La Société Algérienne des


Eaux ; le contrat de 1934, 296.

Examen de la situation ; la quantité et la qualité, 296. Histoire des —

travaux exécutés pour assurer la quantité, 298. Rupture de l'équili


bre et menaces d'épuisement, 299. Le rapport de M. Savornin, 300.



Recherches de nouvelles sources, 301. Les diverses propositions,

302. —
La solution de 1934, 303.

La qualité des eaux ; Ras el Aïn et Brédéah, 303. —


Augmentation de
la salure, 305. Examen bactériologique, 305.
— —
Le rapport de
M. Dalloni, 305. La verdunisation, 306.

Nécessité de recourir à une solution définitive, 307. —


Les eaux de
l'Atlas, 308.
IL —
L'assainissement. Egouts, mesures d'hygiène 309
Les égouts d'Oran l'occupation française, 309.
avant Réparations et

réfections Système général et grand collecteur Au


partielles, 310.

cour, 310. Le plan général de 1854 ; les trois collecteurs majeurs,


311. —
Réduction à deux, 312. Un problème nouveau, celui des Fau

bourgs, 312. Le grand collecteur en construction, 312.



Projet —

d'usine de destruction ou de traitement des déchets, 313. Le Bureau —

d'Hygiène Municipal, 313.

III. —
Le ravitaillement de la ville et des faubourgs 315

La 1831, 315.
situation en Les marchés de la Vieille Ville, 315.
— —
Kar
guentah, 316. La Place Blanche et le Village Nègre, 317.
— —
Les
créations récentes ; les marchés Michelet et Saint-Michel, 318. —
Les
Halles Centrales, 319.
XXe
La question des Abattoirs avant le siècle, 320.

Divers projets,
321. —
Le concours de 1933, 322.
506 TABLE DES MATIERES

LIVRE V

LA VIE ECONOMIQUE

Chapitre I

LE PORT D'ORAN

I. —
Histoire des travaux 325

La situation en 1831, 325. —


Travaux d'amélioration provisoires, 327. —

Discussions de projets mesquins, 328. La décision de 1848 :



un

bassin de débarquement, 329. Retards ; opinions, 331.


Le projet

Aucour de 1860, 332. Difficultés dans l'exécution ; tempêtes, 333.


Etat du port en 1887, 334. Nécessité de nouveaux agrandisse


L'ère de la viticulture et le port d'Oran, 337. Avant-


ments, 336.
— —

projet de 1898, 337. Le projet définitif de 1906, 338.


Progrès—

du trafic de 1898 à 1914, 339. Un nouveau programme (1912),


340. —

Reprise des travaux en 1924, 340.


Caractéristiques du port actuel, 340. La grande jetée du large, 340.

Les bassins, 341. Les quais, 341.


L'effort financier, 342.


— —

Equipement et outillage du port, 342. De grands progrès en dix


ans, 343. Hangars-abris, 344. Les docks-silos du quai Beaupuy,


— —

345. —
La Gare Maritime du Môle Giraud, 346. Transfert des ser

vices du port au Môle du Cen^e, 349. Cale de halage, 349.


— —

Affectation des môles, 349. Contribution financière de la Colonie


et de la Chambre de Commerce, 350.

Nécessité d'une nouvelle extension du port, 351. Le projet du port


de Mers-el-Kebir, 352. La première tranche, 352.


La loi de —

1934 ; les premières réalisations, 353.

II. —

Les fonctions du port 355

A) Oran, port de voyageurs 355


Le deuxième de l'Algérie, 355. Histoire des transports de voyageurs

de 1864 à nos jours, 356. Relations avec la Métropole, 357.


Avec —

l'Espagne et le Maroc, 357. Perspectives d'avenir, 359.



TABLE DES MATIERES 507

B) Le trafic des marchandises ; exportations et importations. 360


Trafic total, 360. —
Lutte pour la prééminence entre Oran et Alger, 361.

Exportations agricoles et relâche, 362. —
Les autres ports de
l'Oranie, 363. —

Conditions du succès, 365.


Tonnages comparés des exportations et des importations, 365. —

Rang
parmi les ports français, 366.

Matières exportées ; les vins etles céréales, 367. L'alfa, 370.


— —

Le
crin végétal, 371. Primeurs, 372. Bétail ; moutons, 373. Lai
— — —

nes et peaux, 376. —

Divers, 376.
Matières importées, 378. Matériaux de construction, 378.
— —
Denrées
coloniales, 379. Denrées alimentaires diverses, 380.
— —

Fabrica
tions ; engrais, machines agricoles, automobiles, 381. —

Tissus, arti

cles de luxe, 382.

C) Oran, port de relâche 383


Importance de cette fonction, 383.
Histoire de la relâche, 383.

La —

situation en 1913, 385.


Les effets de la guerre, 386.

Les amélio —

rations d'après guerre ; le môle des Hauts Fonds, 388. Le ravi —

taillement en mazout, 389. Les perspectives de l'avenir, 390.


Fuel —

Oïl et Gas Oïl, 390. Charges qui pèsent sur le charbon de soute,

391. Concurrence de Gibraltar et de Ceuta, 391.



Démarches des —

négociants et de la Chambre de Commerce, 393.

D) Oran, port de pêche 394

Le quartier maritime d'Oran ; Mers-el-Kebir, 394. —


Conditions natu

relles, 394. La pêche avant notre arrivée, 395. Progression de


— —

l'armement, 396. —

Les lois de 1888 et de 1889, 396. —


Changements
dans le matériel, 397. —

Les résultats, 398. Salaison



et conserves,
399.
III. —
Le mouvement de la navigation 400
Statistique des entrées et des sorties, 400. Les variations, 401. —• —

Prédominance du pavillon français, 401. Les autres pavillons ; clas


—-

sements, 402. Relations du port d'Oran, 404.



Diminution du —

cabotage côtier, 404. La situation à Oran, 405.


Le grand cabo —

tage ; Méditerranée et Océan ; mers du Nord, 406.


IV. —
La liaison avec l'intérieur 409
Les voies ferrées, 410. Les routes ; la liaison avec la ville, 410.
— —

La gare maritime, 411. La nouvelle route du port, 411.


— Oran- —

Marine, 412. Les lignes de l'intérieur, 413.


La question de la —

ligne Aïn-Témouchent à Marnia, 413. Comment se répartit le tra


fic, 415. Les transports automobiles, 417.



508 TABLE DES MATIERES

Chapitre II

L'AEROPORT D'ORAN-LA SENIA

Les avantagesde la situation, 419. Le choix du terrain, 420.



Equi —

pement progressif de l'aéroport de La Sénia, 421. Historique des


lignes successives, 421. La S.A.B.E.N.A., 424.



Développement

de l'aviation de tourisme, 425.

Chapitre III

LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE

Oran grande place de d'affaires, 426.


commerce et ville Pôle attractif

de l'Algérie occidentale, 427. Valeur du trafic maritime, 428.


— —

La Métropole, premier client et premier fournisseur, 429. Le —

commerce des vins, 430. Les céréales, 432.



Fruits et légumes

primeurs, 434.

Le commerce de l'alfa, 435. Commerce du crin

végétal, 437. —
Les bestiaux ; les moutons, 437. Le commerce

des laines et des peaux, 438. Commerces d'importation ; les den


rées coloniales, 439. Les tissus en gros, 441.



Les bois, 442.
— —

Les charbons de consommation, 443. Les carburants liquides, 444.


Les institutions commerciales, 447. Les Banques, 447.



La Cham —

bre de Commerce, 447. La Chambre de Commerce Espagnole, 448.



Le Syndicat Commercial et Industriel d'Oran, 449.
Progrès de l'industrie depuis la guerre, 450. Les débuts, 450.
— —

Caractères et utilité des industrie^oranaises, 451. La meunerie,


451. —
La brasserie, 452. Industrie des tabacs, 452.

Crin végé

tal et alfa, 454. —

Tapis, chaussure, 455. Produits chimiques et


engrais, 455.

Chaux et ciments, 456. Fonderie, 456.

Maté —

riel agricole, 457. Automobiles et transports, 458.


Tonnellerie,

458. —

Ameublement, 459. Gaz et électricité, 459.


La main-d'œuvre contrôlée, 460.


Masculine et féminine, française et

étrangère, musulmane,460. Main-d'œuvre féminine musulmane


et étrangère espagnole, 460. Main-d'œuvre indigène masculine,


461. —

Nécessité d'une éducation professionnelle, 462.


TABLE DES MATIERES 509

L'ŒUVRE SOCIALE FRANÇAISE

CONCLUSION

L'Oran contemporain est une nouvelle, 466.


chose vraiment Elle a

été créée par notre la colonisation européenne qu'elle


occupation et

a rendue possible, 466. Nous l'avons ouverte de tous les côtés,


467. Par l'immigration française et latine en général, nous en


avons facilité le peuplement, le plus européen des villes de l'Algérie,

468. La Métropole est devenue maîtresse de ses relations com


merciales, 468. Oran s'est agrandi, comme ville indigène, 468.


— —

L'œuvre de fusion dans la civilisation française, 469.

Le rôle de l'Education nationale, 469. L'Enseignement secondaire,


470. —
L'Enseignement primaire, 470. Ce qui reste à faire, 471.


L'Enseignement Technique et Professionnel, 472.
L'Assistance Publique et l'Hygiène, œuvre de bonté et de charité,
473. —
Hôpital civil, 473. Hospices et institutions diverses, 473.


Pour la jeunesse, 474. Oran, point de contact de la France, de

l'Espagne, du Maroc et de l'Algérie, 474. Position solide sur la


route de l'Afrique Noire française, 475.

Index 477

Table des planches 493

Table des plans, croquis et graphiques 495

61414
0^1
A chevé

d'imprimer en

Septembre 1938
sur les presses

de
F FONTANA
3, rue Pélissier
ALGER
HSra

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