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Gynécologie Obstétrique & Fertilité 43 (2015) 128–132

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Article original

Faut-il mieux informer les femmes jeunes sur leur fertilité ? Étude des
connaissances sur une population d’étudiantes
Should we better inform young women about fertility? A state-of-knowledge study
in a student population

L. Chelli a, S. Riquet a, J. Perrin b,c, B. Courbiere b,*,c


a
École universitaire de maı̈eutique de Marseille Méditerranée (EU3M), université d’Aix-Marseille, campus Santé-Nord, boulevard Pierre-Dramard,
13015 Marseille, France
b
Pôle de gynécologie-obstétrique et reproduction, Gynépôle, AP–HM La Conception, 147, boulevard Baille, 13005 Marseille, France
c
Université d’Aix-Marseille, CNRS, IRD, Avignon université, IMBE UMR 7263, 13397 Marseille, France

I N F O A R T I C L E R É S U M É

Historique de l’article : Objectifs. – Évaluer les connaissances d’étudiantes sages-femmes (ESF) dans le domaine de la fertilité
Reçu le 22 juillet 2014 féminine et étudier la décision qu’elles penseraient prendre si un diagnostic d’altération de la réserve
Accepté le 31 décembre 2014 ovarienne leur était posé.
Disponible sur Internet le 27 janvier 2015
Patientes et méthodes. – Étude prospective observationnelle par autoquestionnaire réalisée auprès de
393 ESF de sexe féminin en 4e et en 5e années de sept écoles de maı̈eutique du sud-est de la France de juin
Mots clés : à décembre 2013. Le questionnaire était composé de trois parties : (1) des questions destinées à recueillir
Fertilité
des informations sur la population étudiée ; (2) un questionnaire composé de 10 items visant à tester les
Réserve ovarienne
Connaissances
connaissances concernant la fertilité féminine et la réserve ovarienne ; (3) un autoquestionnaire
Étudiantes simulant un diagnostic d’altération de la réserve ovarienne et quantifiant les décisions que penserait
prendre l’ESF à l’aide d’une échelle de Likert en 5 points.
Résultats. – Le taux de participation a été de 72,5 % (n = 285). La moyenne d’âge était de 22,6 ans  1,9.
Sur les 285 participantes, la notion de réserve ovarienne était connue par 93 % d’entre elles (n = 265) grâce
aux études de maı̈eutique (77 %, n = 204), aux médias (9 %, n = 24) et à d’autres sources d’informations. Au
total, 83,5 % des ESF (n = 238) ont répondu qu’elles étaient intéressées de connaı̂tre leur réserve ovarienne, et
ce dans l’immédiat pour 48,3 % d’entre elles (n = 115). Concernant leurs connaissances, 22,5 % des ESF (n = 64)
ont indiqué penser que la fertilité féminine commençait à décliner à partir de 35 ans ; 85,6 % (n = 244)
pensaient que la fécondation in vitro permettait à une femme de concevoir même avec une réserve ovarienne
considérablement diminuée ; 43,9 % (n = 125) ont répondu que l’activité physique et une alimentation saine
avaient une action bénéfique sur la préservation de la réserve ovarienne. Si elles se savaient atteintes d’une
diminution de leur réserve ovarienne, 76,8 % des ESF (n = 219) seraient tout à fait d’accord pour avoir des
enfants plus tôt que prévu. Parmi elles, 57,9 % (n = 165) approuveraient d’avoir recours à une
autoconservation de leurs ovocytes dans ce contexte.
Discussion et conclusion. – Cette étude est la première en France à évaluer dans une population
d’étudiantes leurs connaissances sur la fertilité. Nous avons observé : (1) des lacunes et des idées reçues sur
la fertilité féminine dans une catégorie de jeunes femmes ayant pourtant reçu une formation médicale ; (2)
une vision trop optimiste des capacités de la fécondation in vitro à pallier une infertilité liée à l’âge ; (3)
l’adhésion de jeunes femmes n’ayant pas fini leurs études et ayant un projet professionnel à la possibilité de
recourir à une autoconservation sociétale de leurs ovocytes ; (4) qu’une information adéquate sur la baisse
de la fertilité avec l’âge pourrait avoir un impact sur la décision d’avoir un enfant plus jeune. Bien que les
modalités exactes restent à définir en termes d’organisation, une information spécifique concernant la
diminution de la fertilité avec l’âge devrait être proposée à toutes les jeunes femmes, afin qu’elles puissent
s’organiser de façon éclairée pour allier à la fois parcours professionnel et familial.
ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : blandine.courbiere@ap-hm.fr (B. Courbiere).

http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2015.01.002
1297-9589/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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A B S T R A C T

Keywords: Objectives. – To assess midwifery students’ knowledge in the field of female fertility and to study their
Fertility decision if they had diagnosis of diminished ovarian reserve (DOR).
Diminished ovarian reserve Subjects and methods. – A prospective observational study by self-administered questionnaire was
Knowledge conducted among female midwifery students of seven French schools from June to December 2013. The
Female students.
questionnaire had three parts: (1) questions designed to gather information on the study population; (2)
a questionnaire consisting of 10 items to test knowledge about female fertility and ovarian reserve; (3) a
self-administered questionnaire simulating a DOR diagnosis and quantifying the decision that students
would make using a Likert scale of 5 points.
Results. – The participation rate was 72.5% (n = 285/393). The average age was 22, 6 years  1.9. Among
the 285 participants, the ovarian reserve concept was known by 93% of them (n = 265) thanks to the
midwifery studies (77%, n = 204), the media (9%, n = 24) and other sources of information. In total, 83.5% of
midwifery students (n = 238) were interested in assessing their ovarian reserve, and 48.3% of them were
interested in evaluating it immediately (n = 115). Among midwifery students, 22.5% of them (n = 64)
reported that female fertility began to decline from the age of 35 years old; 85.6% (n = 244) thought that in
vitro fertilization allowed women to conceive if fertility is related to a diminished ovarian reserve; 43.9%
(n = 125) answered that physical activity and a healthy diet had a beneficial effect on the ovarian reserve. If a
DOR was diagnosed to them, 76.8% of students (n = 219) would be likely to conceive their first child earlier
than expected. Among them, 57.9% (n = 165) would agree to have oocyte freezing in this context.
Conclusion. – This study is the first in France that assessed students’ knowledge on fertility. We
observed: (1) gaps and misconceptions about female fertility despite a medical training in midwifery
students; (2) a belief that in vitro fertilization is effective to overcome infertility related to age; (3) that
some of these young students would be favorable to oocyte social freezing (technique not allowed in
France); (4) that an adequate information on the decrease of fertility with age could lead some students
to anticipate their first pregnancy. Specific information regarding the decrease of fertility with age
should be offered to all reproductive-aged young women.
ß 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction procréation et de la confiance parfois excessive des patients en


leurs résultats [10,11].
La réserve ovarienne est constituée d’un stock définitif et Le premier objectif de notre étude a été d’étudier les
génétiquement déterminé de cellules germinales formées au cours connaissances sur la fertilité féminine d’une population d’étu-
de la vie embryonnaire et fœtale pour la totalité de la vie diantes sages-femmes, profession majoritairement de sexe fém-
reproductive, avec des variations inter-individuelles quantitatives. inin (99 %) [12]. La reproduction est un domaine qui fait partie du
Le nombre de follicules de réserve diminue progressivement dès la cursus de formation des sages-femmes ; la loi de bioéthique
naissance jusqu’à la ménopause par des phénomènes d’atrésie et permettant aux sages-femmes de s’impliquer dans les activités
d’ovulation. D’après les plus récents modèles mathématiques, la d’assistance médicale à la procréation [13,14]. Le deuxième
diminution de la réserve ovarienne folliculaire serait constante et objectif de notre étude a été d’évaluer leur attitude face à une
régulière avec l’âge : à 30 et 40 ans, il ne resterait respectivement proposition de dépistage de leur quantité restante de réserve
dans les ovaires plus que 12 % et 3 % des follicules formés avant la ovarienne et sur l’incidence professionnelle qu’aurait un diagnostic
naissance expliquant la diminution parallèle de la fertilité de diminution de leur réserve ovarienne.
féminine avec l’âge [1,2].
L’âge maternel moyen lors de la naissance du premier enfant
était de 28,1 ans en 2012 soit quatre ans de plus comparé à la fin 2. Patientes et méthodes
des années 60 [3]. L’augmentation de l’âge de la primimaternité est
multifactorielle, due entre-autres à la maı̂trise de la contraception, Une étude de type prospective observationnelle a été menée de
la réalisation d’études supérieures, et les contraintes profession- juin à décembre 2013 auprès des étudiantes sages-femmes de sept
nelles et sociales qui souvent conduisent les femmes à attendre écoles de maı̈eutique du sud-est de la France : Bourg-en-Bresse,
d’avoir une situation familiale et professionnelle stable avant Grenoble, Marseille, Montpellier, Lyon, Nice et Nı̂mes. Un
d’avoir une grossesse [4]. Les jeunes femmes sont prêtes à autoquestionnaire a été réalisé en s’appuyant sur celui utilisé
envisager la maternité dans des conditions bien précises : avoir dans l’étude de Bavan et al. testé sur des étudiantes de l’université
un partenaire stable, bénéficier d’une situation économique de Standford en Californie [15]. Les étudiants sages-femmes de
convenable et avoir terminé ses études [5]. Les femmes diplômées sexe masculin ont été exclus de l’étude. Les promotions de 4e et de
du supérieur sont ainsi celles qui ont leur premier enfant le plus 5e année du cursus de formation de sage-femme, respectivement
tard : 1,7 ans de plus que la moyenne des femmes résidant en master M1 et M2, ont été appelées à participer à un questionnaire
France métropolitaine. À la naissance de leur premier enfant, les en ligne. Le questionnaire anonyme (disponible sur demande) était
femmes sans diplôme ont trois ans de moins que la moyenne. Elles composé de trois parties :
commencent donc la constitution de leur famille près de cinq
ans avant les femmes diplômées du supérieur [3]. Dans la  des généralités et des questions personnelles afin de recueillir les
population générale, les connaissances concernant la fertilité caractéristiques générales sur la population étudiée ;
sont souvent insuffisantes [6] et les chances de grossesse  un autoquestionnaire composé de 10 items portant sur la fertilité
après 35 ans sont souvent surestimées [7–9], en particulier du et la réserve ovarienne dans le but d’évaluer le niveau de
fait du développement des techniques d’assistance médicale à la connaissances des étudiantes sages-femmes ;
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 un autoquestionnaire, qui après avoir demandé leur attitude face connaı̂tre leur âge ovarien, et ce dans l’immédiat pour 48,3 %
à une proposition de dépistage de leur réserve ovarienne, d’entre elles (n = 115). Dans la proportion des étudiantes
simulait un diagnostic d’insuffisance ovarienne précoce avec éprouvant un intérêt pour connaı̂tre leur âge ovarien, 34,9 %
évaluation de leur réaction vis-à-vis de leur vie de couple et (n = 83) y seraient favorables dans les cinq prochaines années et
professionnelle à l’aide d’une échelle de Likert en 5 points. 16,8 % (n = 40) dans les dix prochaines années.
Le Tableau 1 rapporte les réponses aux questions portant sur la
Les questionnaires ont été numérotés par leur rang de réception fertilité féminine et plus particulièrement sur la réserve
et aucune information relative à l’identité des participantes n’a été ovarienne : 22,5 % (n = 64) des ESF ont indiqué que la fertilité
demandée. Des statistiques purement descriptives ont été utilisées féminine commençait à décliner à partir de 35 ans ; 85,6 % (n = 244)
pour l’obtention des résultats. Cette étude a reçu au préalable l’avis ont répondu que la fécondation in vitro permettait à une femme de
favorable du comité d’éthique de la recherche en obstétrique et concevoir même avec une réserve ovarienne considérablement
gynécologie (CEROG no 2013-GYN-02-02-R1). diminuée. Pour 43,9 % d’entre elle (n = 125), l’activité physique et
une alimentation saine avaient une action bénéfique sur la
3. Résultats préservation de la réserve ovarienne, tandis que 26 % (n = 74)
connaissaient la probabilité d’obtenir une grossesse au cours d’un
Le taux de participation a été de 72,5 % : sur 393 étudiantes cycle menstruel chez une femme de 35 ans.
sage-femme (ESF) de sexe féminin contactées, 285 ESF ont répondu S’il leur était diagnostiqué une diminution de leur réserve
à l’étude. Les participantes avaient pour moyenne d’âge ovarienne, le Tableau 2 montre les réponses concernant les
22,6 ans  1,9 : 52,3 % (n = 149) étaient en 5e année d’étude ou conséquences qu’elles penseraient que cela aurait sur leurs projets
master 2 tandis que 47,7 % (n = 136) étaient en 4e année d’étude ou professionnel et familial. Parmi les ESF, 31,6 % (n = 90) étaient
master 1. Seules 13,7 % des ESF (n = 39) ont déclaré avoir effectué un d’accord ou tout à fait d’accord avec l’idée de se mettre en couple dès
stage en centre d’assistance médicale à la procréation tandis que l’annonce du diagnostic et 76,8 % des ESF (n = 219) étaient tout à fait
45,6 % d’entre elles (n = 130) ont eu un enseignement théorique dans d’accord ou d’accord pour avoir des enfants plus tôt que prévu. Parmi
ce domaine. Les mères des ESF avaient une moyenne d’âge de elles, 57,9 % (n = 165) approuvaient le recours à une autoconserva-
28,7 ans  4,6 ans à la naissance de leurs filles et aucune n’a eu de tion de leurs ovocytes dans ce contexte. En cas d’altération de leur
ménopause précoce. Parmi les ESF, 62,8 % ont déclaré être en couple réserve ovarienne, 53,7 % (n = 153) n’étaient pas d’accord pour avoir
(n = 179) et 61,8 % (n = 176) se sont dites prêtes à envisager dans les recours au don d’ovocyte. Le recours à une adoption serait une
années à venir un projet de grossesse. possibilité à considérer pour 42,8 % (n = 122) d’entre elles. Les ESF
La notion de réserve ovarienne était connue par 93 % des ESF étaient 70,8 % (n = 202) à être contre la démarche d’interrompre
(n = 265) grâce aux études de maı̈eutique (77 %, n = 204), aux leurs études transitoirement le temps d’avoir un enfant et 54,4 %
médias (9 %, n = 24) et à d’autres sources d’informations. Parmi les (n = 155) étaient d’accord pour dire que cette annonce théorique
ESF, 83,5 % (n = 238) ont indiqué qu’elles étaient intéressées de n’aurait aucune incidence sur le cours de leurs études.

Tableau 1
Résultats de l’autoquestionnaire consacré à la fertilité féminine.

Questions Réponses Nombres de Nombres de Ne sait


réponses réponses pas (%)
correctes (%) fausses (%)

À quel âge la fertilité naturelle décline chez une femme ? 35 ans 64 (22,5) 215 (75,4) 6 (2,1)
Fumer risque d’altérer la réserve ovarienne Vrai 242 (84,9) 22 (7,7) 21 (7,4)
Les contraceptifs oraux ont des effets délétères sur la réserve ovarienne Faux 234 (82,1) 16 (5,6) 35 (12,3)
La régularité des cycles menstruels est le marqueur d’une réserve ovarienne normale Faux 209 (73,3) 41 (14,4) 35 (12,3)
La fécondation in vitro permet à une femme de concevoir même avec une réserve Faux 24 (8,4) 244 (85,6) 17 (6)
ovarienne considérablement diminuée
La réserve ovarienne peut varier considérablement chez les femmes Vrai 258 (90,5) 15 (5,3) 12 (4,2)
Il a été démontré que l’activité physique et une alimentation saine ont une action Faux 40 (14) 125 (43,9) 120 (42,1)
bénéfique sur la préservation de la réserve ovarienne
Si une femme suit une chimiothérapie, elle peut envisager, au préalable, une congélation Vrai 250 (87,7) 7 (2,5) 28 (9,8)
d’ovocytes
Chaque femme dispose d’une réserve ovarienne fixe et non renouvelable dès la naissance Vrai 260 (91,2) 20 (7) 5 (1,8)
Quelle est la probabilité d’obtenir une grossesse au cours d’un cycle menstruel chez une 10 % 74 (26) 151 (53) 60 (21)
femme de 35 ans ?

Tableau 2
Impact supposé d’un diagnostic d’insuffisance ovarienne sur les décisions de planifications professionnelle et familiale des étudiantes sage-femme.

Dans l’hypothèse où une diminution de la réserve ovarienne vous était diagnostiquée, que feriez-vous ?

Tout à fait D’accord (%) Ne sait pas (%) Pas d’accord (%) Pas du tout
d’accord (%) d’accord (%)

Se mettre en couple 38 (13,3) 52 (18,3) 85 (29,8) 45 (15,8) 65 (22,8)


Avoir des enfants plus tôt que prévu 91 (31,9) 128 (44,9) 37 (13) 18 (6,3) 11 (3,9)
Avoir recours à la congélation d’ovocytes 72 (25,3) 93 (32,6) 62 (21,8) 28 (9,8) 30 (10,5)
Avoir recours au don d’ovocyte 5 (1,7) 35 (12,3) 92 (32,3) 84 (29,5) 69 (24,2)
Avoir recours à l’adoption 31 (10,9) 91 (31,9) 91 (31,9) 48 (16,9) 24 (8,4)
Interrompre ses études transitoirement le 13 (4,6) 21 (7,4) 49 (17,2) 93 (32,6) 109 (38,2)
temps d’avoir un enfant
Aucune incidence sur le cours de ses études 91 (31,9) 64 (22,5) 66 (23,2) 36 (12,6) 28 (9,8)
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4. Discussion ESF, une fois informée d’une diminution de réserve ovarienne,


n’hésiterait pas à accepter d’avoir leur premier enfant plus tôt.
Les résultats de cette étude ont montré : En cas de diagnostic d’altération de la réserve ovarienne,
seulement 12 % des ESF ont répondu être prêtes à interrompre leur
 des lacunes et des idées reçues sur la fertilité féminine dans une cursus pour avoir un enfant plus rapidement. Il est intéressant de
catégorie de jeunes femmes ayant pourtant reçu une formation constater que ces étudiantes semblent dans l’ensemble être plus
médicale ; disposées à avancer l’âge de leur première maternité sans pour
 une vision trop optimiste des capacités de la fécondation in vitro autant que cet évènement influe sur leur parcours d’études. Il est
à pallier une infertilité liée à l’âge ; montré que les jeunes femmes ayant un niveau d’études supérieur
 l’adhésion de jeunes femmes n’ayant pas fini leurs études et au baccalauréat retardent plus l’âge de la première maternité par
ayant un projet professionnel à la possibilité de recourir à une rapport aux femmes non diplômées : les femmes les moins
autoconservation sociétale de leurs ovocytes ; diplômées sont mères pour la première fois en moyenne à 25 ans et
 qu’une information adéquate sur la baisse de la fertilité avec l’âge les plus diplômées à 30 ans [23]. Ces résultats montrent
pourrait avoir un impact sur la décision d’avoir un enfant plus l’importance d’une sensibilisation et d’une information des jeunes
jeune. femmes, en particulier celles suivant des études de 3e cycle, et
qu’une part du recul de la primimaternité est peut-être aussi due à
une méconnaissance de la physiologie de la reproduction. Les
Seulement 22,5 % des ESF ont évalué l’âge du déclin de la limites de notre étude sont de s’être intéressées qu’à une
fertilité à 35 ans. Concernant la probabilité d’obtenir une grossesse population étudiante très spécifique, et nos résultats ne peuvent
au cours d’un cycle menstruel à l’âge de 35 ans, seulement 26 % ont pas être généralisés à toute la population féminine. Cependant, il
donné la bonne réponse, c’est-à-dire 10 %. Ces résultats sont en serait étonnant que les autres jeunes filles en France soient mieux
accord avec les études de Bretherick et al. au Canada et de informées des effets de l’âge sur la réserve ovarienne et la fertilité
Hashiloni-Dolev et al. en Israël qui ont montré que les étudiantes que des étudiantes bénéficiant d’une formation médicale en lien
surestimaient la probabilité de grossesse spontanée dans toutes les avec la reproduction humaine.
tranches d’âge [7,10]. D’autre part, 85,6 % des ESF ont répondu que En plus de l’intérêt d’étudier les connaissances de jeunes filles
la fécondation in vitro permettait de concevoir malgré une réserve de la tranche d’âge 20–25 ans, il nous a semblé intéressant de
ovarienne considérablement diminuée. Cette idée reçue souligne la préciser les connaissances et de mettre en lumière certaines idées
confiance excessive envers les techniques d’assistance médicale à reçues sur la fertilité chez des étudiantes sages-femmes qui seront
la procréation [15]. De plus, 43,9 % des ESF ont répondu vrai aux – leur future activité professionnelle – en contact permanent avec
bénéfices d’une alimentation saine couplée à une activité physique des jeunes femmes en âge de procréer. En effet, parmi leurs
sur la préservation de la réserve ovarienne. Si l’effet délétère du compétences dans le suivi de la grossesse normale, le travail,
tabac sur la fertilité est bien intégré (84,9 % de bonnes réponses), l’accouchement et le suivi post-natal, elles ont un rôle actif dans les
les jeunes femmes adultes sont exagérément optimistes en services d’AMP, d’orthogénie et sont habilitées à pratiquer des
pensant que des comportements de vie sains permettront de consultations de contraception et de suivi gynécologique de
sauvegarder leur fertilité future voire même d’augmenter leur prévention [24]. Il est donc capital que les ESF perfectionnent leur
potentiel de fertilité [7,10,16]. Les facteurs de risques en faveur savoir en reproduction humaine et soient plus sensibilisés à la
d’un trouble de la fertilité sont en général connus de la population baisse de la fertilité féminine afin de pouvoir informer à leur tour et
mais leurs influences sur la procréation ne sont pas toujours jouer un rôle primordial d’information et de prévention dans la
correctement évaluées [17]. Ce manque de connaissance dans le population féminine. L’inclusion des étudiants de sexe masculin
domaine de la reproduction pourrait peut-être participer au recul aurait également pu être intéressante dans le but d’évaluer l’état de
de l’âge de la première maternité depuis plusieurs décennies, les leurs connaissances dans le domaine de la fertilité féminine et des
femmes minimisant la chute de la fertilité tout en étant rassurées problèmes potentiels d’infertilité masculine de manière à aider les
face aux progrès des techniques d’assistance médicale à la couples à s’informer dans leur prise de décisions concernant leur
procréation. Le collège américain de gynécologie-obstétrique santé reproductive.
recommande d’informer toutes les femmes du déclin de la fertilité
dès l’âge de 32 ans [18]. Aux États-Unis, en 2006, une femme sur 5. Conclusion
cinq n’avait pas eu d’enfant à 45 ans. Dans l’étude de Craig et al.,
73 % des femmes sans enfant à 39 ans désiraient en avoir un ; mais À notre connaissance, cette étude est la première en France qui
seulement 7 % d’entre elles auront un enfant [19]. évalue dans une population d’étudiantes leurs connaissances sur la
Une majorité des ESF (83,5 %) serait intéressée de connaı̂tre leur fertilité. Nous avons ainsi observé l’existence d’idées reçues sur la
réserve ovarienne et cela immédiatement pour 48,3 % d’entre elles. fertilité féminine avec en particulier, l’idée que la fécondation in
Nous avons cherché à évaluer la façon dont ces jeunes femmes vitro est capable de compenser une infertilité liée à l’âge. Il
penseraient réagir à l’annonce d’un diagnostic d’insuffisance semblerait aussi qu’une information précoce sur la baisse de la
ovarienne. La grande majorité des ESF (76,8 % avec les groupes fertilité avec l’âge de jeunes femmes ayant un projet professionnel
tout à fait d’accord et d’accord) ont répondu qu’elles seraient prêtes pourrait avoir une influence sur leur décision d’avoir un enfant plus
à faire un enfant plus tôt et 57,9 % envisageraient une tôt.
autoconservation ovocytaire. Seules 14 % des ESF envisageraient Depuis 2009, l’exercice de la profession de sage-femme a été
en premier lieu pour avoir un enfant le recours au don d’ovocytes. élargi avec la réalisation des consultations de contraception et le
Ces résultats peuvent être discutés dans le cadre du débat actuel suivi gynécologique de prévention. Les sages-femmes doivent ainsi
sur l’autoconservation sociétale des ovocytes [20,21], actuellement contribuer à l’information de la population féminine sur la baisse
interdite en France, mais réalisée dans de nombreux pays et pour de la fertilité et les conséquences d’un report de l’âge de la
laquelle le collège National des gynécologues obstétriciens français première maternité. Il faut donc s’assurer qu’une formation
a émis un avis favorable en 2012 [22]. La majorité des ESF spécifique en reproduction soit dispensée dans les écoles de
préfèreraient recourir à une autoconservation ovocytaire pour maı̈eutiques, mais aussi dans les facultés de médecine, les futurs
concevoir plus tard, plutôt que de concevoir plus tard avec un don médecins généralistes étant aussi des acteurs centraux du suivi des
d’ovocytes. Cependant, il semblerait que la grande majorité des jeunes femmes. Une formation obligatoire pourrait aussi être
132 L. Chelli et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 43 (2015) 128–132

exigée dans le cadre de la spécialisation en gynécologie- [6] Bunting L, Tsibulsky I, Boivin J. Fertility knowledge and beliefs about fertility
treatment: findings from the International Fertility Decision-making Study.
obstétrique et en gynécologie médicale, beaucoup d’internes de Hum Reprod 2013;28:385–97.
spécialité ne réalisant pas de choix en médecine de la reproduction [7] Bretherick KL, Fairbrother N, Avila L, Harbord SHA, Robinson WP. Fertility and
dans leur cursus. Une prévention primaire pourrait influencer le aging: do reproductive-aged Canadian women know what they need to know?
Fertil Steril 2010;93:2162–8.
processus décisionnel de ces jeunes femmes concernant leur vie [8] Gossett DR, Nayak S, Bhatt S, Bailey SC. What do healthy women know about the
reproductive [25]. Ainsi, les recommandations canadiennes pré- consequences of delayed childbearing? J Health Commun 2013;18:118–28.
voient d’informer toutes les femmes entre 20 et 30 ans des effets de [9] Sabarre K-A, Khan Z, Whitten AN, Remes O, Phillips KP. A qualitative study of
Ottawa university students’ awareness, knowledge and perceptions of infer-
l’âge sur la fertilité [26]. Bien que les modalités exactes restent à tility, infertility risk factors and assisted reproductive technologies (ART).
définir en termes d’organisation sur le territoire, une information Reprod Health 2013;10:41.
spécifique concernant la diminution de la fertilité avec l’âge devrait [10] Hashiloni-Dolev Y, Kaplan A, Shkedi-Rafid S. The fertility myth: Israeli stu-
dents’ knowledge regarding age-related fertility decline and late pregnancies
être proposée entre 20 et 30 ans, afin que les femmes puissent
in an era of assisted reproduction technology. Hum Reprod 2011;26:3045–53.
s’organiser de façon éclairée pour allier à la fois parcours [11] Maheshwari A, Porter M, Shetty A, Bhattacharya S. Women’s awareness and
professionnel et familial. perceptions of delay in childbearing. Fertil Steril 2008;90:1036–42.
[12] Cavaillon M. La profession de sage-femme : constat démographique et projec-
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Déclaration d’intérêts gouv.fr/la-profession-de-sage-femme-constat-demographique-et, 10809.html.
[13] Collectif des Associations et Syndicats des Sages-Femmes. Conseil National de
l’Ordre des Sages-Femmes. Paris: Le référentiel métier et compétences des
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en sages-femmes; 2010, http://www.ordre-sages-femmes.fr/NET/img/upload/1/
relation avec cet article. 666_REFERENTIELSAGES-FEMMES2010.pdf.
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Annexe A. Matériel complémentaire
tion of childless women: lessons from the United States. Womens Health
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Le matériel complémentaire (Questionnaire) accompagnant la [20] Belaisch-Allart J, Brzakowski M, Chouraqui A, Grefenstette I, Mayenga J-M,
Muller E, et al. [Social egg freezing: which problems?] Gynec Obstet Fertil
version en ligne de cet article est disponible sur http://www. 2013;41:518–20.
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