Vous êtes sur la page 1sur 6

Modele +

PEDPUE-1370; No. of Pages 6 ARTICLE IN PRESS


Journal de pédiatrie et de puériculture (2019) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect
www.sciencedirect.com

ARTICLE ORIGINAL

Diversification alimentaire chez les


nourrissons de 6 à 24 mois à l’hôpital
régional de Garoua, Cameroun
Complementary feeding in infants of 6 to 24 months at the Regional hospital
in Garoua, Cameroon

A. Chiabi a,∗,b, D.A. Kago Tague a, F.D. Nguefack a,b,


A. Laksira c, S. Nguefack a,b, E. Mah a,b, D. Simnoue d

a
Service de pédiatrie, hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé, Yaoundé,
Cameroun
b
Département de pédiatrie, faculté de médecine et des sciences biomédicales, université de
Yaoundé I, Yaoundé, Cameroun
c
Faculté de médecine et des sciences biomédicales, université de Yaoundé I, Yaoundé,
Cameroun
d
Hôpital régional de Garoua, Garoua, Cameroun

Accepté le 29 juillet 2019

MOTS CLÉS Résumé


Diversification Introduction. — Une diversification inappropriée peut conduire à une malnutrition chez les
alimentaire ; enfants de 6 à 24 mois. Ce problème crucial justifie des recherches dans la partie septentrio-
Nourrisson ; nale du Cameroun qui est une zone très touchée par la malnutrition afin d’adopter des mesures
Cameroun préventives appropriées. C’est dans cette perspective que s’intègre notre travail ayant pour
objectif de décrire la pratique de la diversification alimentaire et de rechercher les facteurs
favorisant une mauvaise diversification.
Méthodologie. — Étude transversale dans le service de pédiatrie de l’hôpital régional de Garoua
dans le nord Cameroun. Un questionnaire portant sur le mode d’alimentation à la naissance, le
démarrage de la diversification et les repas des trois jours précédant l’enquête, a été adressé
à 300 couples mère-enfant enrôlés pendant un mois.
Résultats. — Les nourrissons recevaient de l’eau comme boisson dès la naissance dans 80 % des
cas, 38,3 % un aliment solide avant 6 mois et l’allaitement maternel exclusif jusqu’à 6 mois était
de 14,3 %. Selon le score de diversification alimentaire, 37,3 % % avaient un mauvais score. L’âge

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : andy chiabi@yahoo.co.uk (A. Chiabi).

https://doi.org/10.1016/j.jpp.2019.07.006
0987-7983/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Chiabi A, et al. Diversification alimentaire chez les nourrissons de 6 à 24 mois à l’hôpital régional
de Garoua, Cameroun. Journal de pédiatrie et de puériculture (2019), https://doi.org/10.1016/j.jpp.2019.07.006
Modele +
PEDPUE-1370; No. of Pages 6 ARTICLE IN PRESS
2 A. Chiabi et al.

moyen d’introduction des protéines végétales et animales était respectivement de 6,30 mois
et de 8,07 mois. Les facteurs exposant à une mauvaise diversification étaient le jeune âge des
mères (moins de 20 ans) et leur bas niveau d’étude (inférieur au secondaire) et le 3e rang dans
la fratrie des nourrissons.
Conclusion. — Le renforcement des connaissances des agents de santé et des entretiens systé-
matiques avec les mères sur la diversification alimentaire du nourrisson lors des consultations
des nourrissons sains pourraient améliorer la conduite de la diversification alimentaire.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary
Complementary Introduction. — Inappropriate complementary feeding could lead to malnutrition in infants of 6
feeding; to 24 months. This was the justification of this study in the northern part of Cameroon, which is
Infant; highly affected by malnutrition, in order to bring out appropriate preventive strategies. It is in
Cameroon this perspective that this study was done in order to assess complementary feeding practices,
and the factors predisposing to poor complementary feeding practices.
Methods. — A cross-sectional study in the pediatric service of the regional hospital in Garoua in
the northern part of Cameroon. A questionnaire indicating the mode of feeding at birth, type of
complementary feeding, and meals taken within three days preceding the survey, which lasted
for one month, was filled for 300 mother-infant couples enrolled in the study.
Results. — We noted that 80% of the infants were given water since birth, 38.3% solid food stuffs
before 6 months of age, only 14.3% were exclusively breastfed to 6 months of age, and 37.3% had
a poor diversity score. The mean age of introduction of vegetable and animal proteins was 6.3
and 8.07 months respectively. Factors predisposing to poor complementary feeding were, the
young age of the mothers (less than 20 years), low level of education (lower than the secondary
level), and third position in the siblings.
Conclusion. — Reinforcing knowledge of health personnel, and educating mothers on comple-
mentary feeding during consultations could help improve on good practices of complementary
feeding of infants.
© 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction (Extrême-Nord, Nord et Adamawa) qui est la zone la plus


touchée par la malnutrition. Cette dernière aurait un lien
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la diversi- avec la mauvaise pratique de la diversification qui, en retour,
fication ou l’alimentation complémentaire se définit comme serait probablement la conséquence de bas niveaux socio-
l’introduction d’aliments complémentaires nutritifs adé- économiques, de bas niveau d’études des parents, de la
quats pour répondre aux besoins nutritionnels croissants du mauvaise pratique d’hygiène, des familles élargies. C’est
nourrisson de 6 à 24 mois ; l’allaitement maternel se pour- donc pour apporter quelques informations particulières sur
suivant jusqu’à l’âge de 2 ans ou plus [1]. Une alimentation cet aspect que nous avons entrepris de mener cette étude
inappropriée reste très critique dans la croissance et le portant sur la conduite de la diversification alimentaire des
développement des enfants surtout ceux de moins de 2 ans. nourrissons de 6 à 24 mois à l’Hôpital Régional de Garoua.
La malnutrition a été responsable, directement ou indirec-
tement, de 60 % des 10,9 millions de décès annuels d’enfants
de moins de cinq ans. Plus des deux tiers de ces décès sur-
venant dans la première année de vie, sont associés à des Matériel et méthodes
pratiques de diversification inappropriées [2].
En 2011, Ngo Um et al. au centre mère et enfants de Il s’agissait d’une enquête transversale réalisée du 10 jan-
la fondation Chantal Biya à Yaoundé a montré que 75 % vier au 28 février 2017 dans le service de pédiatrie de
des enfants avaient commencé la diversification entre 4 et l’hôpital régional de Garoua. L’hôpital régional de Garoua
6 mois. 50 % des enfants de 6 à 8 mois ne recevaient aucun est situé en plein cœur de la ville de Garoua, chef-lieu de
aliment d’origine animale en dehors du lait maternel, ni la Région du Nord ; c’est un hôpital de niveau 2. Le service
fruits et légumes [3]. de pédiatrie comprend trois unités : l’unité d’hospitalisation
On ne dispose d’aucune donnée sur la diversification composée d’une salle des urgences pédiatriques, une salle
alimentaire dans la région septentrionale du Cameroun de néonatologie et 6 grandes salles d’hospitalisation et une

Pour citer cet article : Chiabi A, et al. Diversification alimentaire chez les nourrissons de 6 à 24 mois à l’hôpital régional
de Garoua, Cameroun. Journal de pédiatrie et de puériculture (2019), https://doi.org/10.1016/j.jpp.2019.07.006
Modele +
PEDPUE-1370; No. of Pages 6 ARTICLE IN PRESS
Diversification alimentaire chez les nourrissons de 6 à 24 mois 3

salle pour la réhabilitation nutritionnelle ; l’unité de consul- Résultats


tation externe ; et l’unité de vaccination.
Un questionnaire a été élaboré d’après le modèle de Caractéristiques générales de la population
Ruel et Menon [4], que nous avons complété par quelques d’étude
questions concernant les données sociodémographiques. Ce
questionnaire était remis aux mères des enfants âgés de 6 à Nous avons retenu 300 couples mères-enfants. L’âge moyen
24 mois venues en consultation externe ou à une séance des mères était de 27,2 ans (±6,5) avec des extrêmes
de vaccination et ayant donné leur consentement éclairé de 15 et 50 ans. Leur niveau d’étude était le secon-
verbal. Étaient exclues de notre étude, celles dont les nour- daire (n = 142 soit 47,4 %), le primaire (n = 70 soit 23,3 %),
rissons présentaient des pathologies chroniques évidentes et le niveau supérieur (n = 38 soit 12,7 %). Cinquante
à l’interrogatoire et à l’examen clinique ; et les enfants mères (16,7 %) n’avaient pas été scolarisées. Elles étaient
amenés par une personne qui ne s’en occupait pas habituel- ménagères/sans-emploi (212 soit 70,7 %), fonctionnaire de
lement. l’état (68 soit 22,7 %) ou du secteur informel (20 soit 6,7 %).
Compte tenu qu’aucune étude sur cet aspect n’a été La plupart des mères (293 soit 97,7 %) vivaient en couple et
faite dans cette région, nous avons utilisé les données 7 mères (soit 2,3 %) vivaient seules. Les mères de confession
des études des EDS 2011 où la prévalence moyenne de chrétienne étaient de 158 (52,7 %) et 141 musulmanes (soit
l’allaitement maternel exclusif dans le pays était de 20 % [5]. 47 %).
Nous obtenons la taille minimale théorique de 246 couples Les nourrissons étaient dans 50,3 % des cas des garçons
mère-enfants. Les variables évaluées par ce questionnaire (n = 151) avec un sex-ratio de 1,01. Ils étaient âgés de 6 à
portaient sur : 8 mois dans 30 % (n = 90) des cas, de 9 à 11 mois dans
• le démarrage de la diversification alimentaire : la compo- 24 % (n = 72) des cas et de 12 à 24 mois dans 46 % (n = 138)
sition de l’aliment de départ, l’âge de début et les des cas. L’âge moyen des enfants était de 12,3 mois ± 5,6.
motivations des mamans à démarrer la diversification ; 141 nourrissons (47 %) occupaient au moins le 3e rang dans
• le score de diversification de Ruel et Menon a été appli- la fratrie, avec une fratrie moyenne de 2,9 ± 2,2 enfants et
qué. Pour cela, les enfants ont été répartis en 3 groupes : des extrêmes à 1 et 14 enfants.
6—8 mois, 9—11 mois, 12—24 mois [4].

Les aliments ont été classés en 4 groupes principaux Pratiques de la diversification alimentaire
[4,6] :
• poissons/viandes/œufs ; Le principal mode d’alimentation à la naissance était
• céréales/graines/racines/tubercules ; l’allaitement maternel (n = 298 soit 99,3 %). L’introduction
• fruits/légumes frais ; de l’eau comme boisson était faite avant le premier mois de
• lait et produits laitiers autre que le lait maternel, pour vie chez 80 % des nourrissons (n = 240). L’allaitement était
les enfants de plus de 12 mois. exclusif jusqu’à 6 mois pour 14,3 % des enfants (n = 43).
Il y avait 75 % des nourrissons dont l’allaitement mater-
Nous avons défini la diversité du régime journalier comme
nel était en cours pendant l’enquête. En tenant compte
la somme d’aliments de groupes différents reçus au cours
du taux d’allaitements révolus (24,3 %), la durée moyenne
des 24 h précédant l’enquête, et la fréquence des aliments
d’allaitement était de 12,1 mois (±6,5).
comme la moyenne d’aliments du même groupe reçus au
L’introduction d’aliments solides avait été précoce
cours des 3 jours précédant l’enquête [4,6]. L’allaitement
(avant l’âge de 4 mois) chez 16,7 % des cas (n = 50). Au
maternel a été considéré comme une pratique positive et
total 115 nourrissons (38,3 %) recevaient des aliments solides
l’utilisation du biberon comme négative [4,6]. La fréquence
avant 6 mois, et 16 % des nourrissons (n = 48) les recevaient
des repas solides au cours de la journée a été détermi-
plus tardivement après l’âge de 7 mois. Sept nourrissons ne
née par la moyenne de la fréquence des repas au cours
prenaient que le lait maternel comme seul aliment après
des 3 jours précédant l’enquête [4,6]. Des quantiles (ou ter-
6 mois. Les raisons évoquées pour introduire précocement
ciles) d’alimentation ont été définis : pauvre pour un score
des aliments solides étaient principalement : « lait considéré
inférieur à 9, moyenne pour un score entre 9 et 10, bonne
comme insuffisant » (n = 64/115 soit 55,6 %), « une déci-
alimentation pour un score supérieur à 10 [4,6].
sion volontaire » (n = 28/115 soit 24,3 %,), « le travail hors
du ménage » (n = 23 20 %) et le « conseil de grand-mère »
Analyse statistique (n = 5 soit 4,3 %).
Le motif d’arrêt de l’allaitement maternel avant l’âge de
Toutes les fiches ont été saisies sur le logiciel Epi-infoTM ver- 2 ans était pour 135 mères (45 %) une décision personnelle et
sion 3.5.1 qui nous a permis de faire l’étude statistique familiale chez 18 %. Un total de 1,7 % des mères continuaient
descriptive et analytique. Le seuil de significativité était à utiliser le lait de 1er âge après l’âge de 6 mois.
défini pour p < 0,05. Pour la comparaison des proportions, on Les mères débutaient la diversification par les céréales
a utilisé le test de Chi2 et pour la comparaison des moyennes, dans 57 % des cas (n = 171), suivis du poisson dans 30,7 %
le test de Student. L’étude univariée nous a permis de faire (n = 92), la viande (n = 80, soit 26,7 %), les fruits et légumes
une étude multivariée par une régression logistique simple (n = 70 soit 23,3 %), le lait pour nourrisson (n = 11, soit3,7 %)
(seuil fixé à 0,2). La mesure de la force de l’association entre et les œufs (n = 11, soit 3,7 %). L’âge d’introduction des
un éventuel facteur associé et la survenue d’une mauvaise protéines végétales était de 6,4 mois (ET : 1,79 [6—12]).
diversification a été estimée par le calcul de l’odds-ratio L’âge moyen d’introduction des protéines d’origine ani-
[OR] et son intervalle de confiance à 95 %. male était de 8,04 mois (ET : 2,37 ; [6—24]. La principale

Pour citer cet article : Chiabi A, et al. Diversification alimentaire chez les nourrissons de 6 à 24 mois à l’hôpital régional
de Garoua, Cameroun. Journal de pédiatrie et de puériculture (2019), https://doi.org/10.1016/j.jpp.2019.07.006
Modele +
PEDPUE-1370; No. of Pages 6 ARTICLE IN PRESS
4 A. Chiabi et al.

Tableau 1 Variables du score de diversification des nourrissons.


Variable 6—8 mois 9—11 mois 12—24 mois
Allaitement au sein 52 (57,8 %) 44 (61,1 %) 49 (35,5 %)
Utilisation biberon 37 (41,1 %) 23 (31,9 %) 30 (21,7 %)
Proportion d’enfants ayant reçus durant
les 24 dernières heures au moins une
fois
Céréale/graine/tubercule 30 (33,3 %) 42 (58,3 %) 83 (60,1 %)
Viande/œuf/poisson 18 (20 %) 30 (41,7 %) 71 (51,4 %)
Fruit et/ou légume 22 (24,4 %) 33 (45,8 %) 73 (52,9 %)
Laits et produits laitiers — — 26 (18,8 %)
Proportion d’enfants ayant reçus durant
les 3 jours précédents (au moins une
fois)
Céréale/graine/tubercule 35 (38,9 %) 44 (61,1 %) 88 (63,8 %)
Viande/œuf/poisson 25 (27,8 %) 43 (59,7 %) 88 (63,8 %)
Fruit et/ou légume 21 (23,3 %) 36 (50,0 %) 83 (60,1 %)
Laits et produits laitiers — — 45 (32,6 %)
Nombre de repas journaliers (solides) ≥ 2 : 33 (36,7 %) ≥ 3 : 31 (43,1 %) ≥ 4 : 33 (23,9 %)
Index d’alimentation 7,0ET : 3,37 [2—12] 9,2ET : 1,44 [5—11] 9,0ET : 1,13 [6—12]
Total des enfants n = 90 n = 72 n = 138

source d’information pour la diversification alimentaire Association des profils sociodémographiques


était la famille (n = 135 soit 45 %) suivi du personnel médical avec le mauvais score de diversification
(n = 132 soit 44 %) et des médias/livres/internet (n = 16 soit
5,3 %). Il existait une association significative (p < 0,05) entre la
mauvaise diversification et le jeune âge des mères (< 20 ans),
Score de diversification alimentaire le niveau d’instruction bas, la tranche d’âge des nourris-
sons de 6 à 8 mois et le 3e rang dans la fratrie de l’enfant
Au moment de l’enquête, 48,3 % des enfants étaient sous (Tableau 2). La source d’information pour la diversification,
allaitement maternel et 30 % des nourrissons étaient nourris le statut matrimonial, la religion de la mère, la résidence en
au biberon. On retrouvait des céréales, graines et tubercules milieu urbain ou rural et la profession de la mère n’étaient
dans l’alimentation de la veille chez 51,7 % des nourrissons pas associés à la mauvaise diversification.
mais 20 % de ceux de 6 à 8 mois avaient reçu des aliments du
groupe viande/poisson/œuf la veille de l’enquête. Les fruits
et légumes n’entraient dans l’alimentation que de 42,7 % des Discussion
enfants de notre population. Les enfants de moins de 12 mois
ne consommaient pas de produits laitiers. La cotation de ces La population d’enfants la plus représentée était celle de
éléments selon Ruel et Menon [4] donnait un score moyen moins de 12 mois car ceux-ci étaient amenés pour recevoir
de 8,4 (ET = 1,98). Le minimum était de 2 et le maximum de des vaccins et une supplémentation en vitamine A selon le
12 (Tableau 1). calendrier vaccinal en vigueur au Cameroun qui sont gratuits
Au cours des trois jours précédant notre enquête, jusqu’à 11 mois. Yugbaré et al. notaient que 71 % des nour-
156 enfants (84,3 %) des enfants avaient pris au moins une rissons avaient un âge compris entre 6 et 11 mois [7]. Le fait
fois des protéines animales ; 90,3 % des enfants avaient que le nourrisson soit le 3e de la fratrie était lié au jeune
consommé des céréales au moins une fois ; 75,7 % d’entre âge de départ en mariage des femmes dans cette région du
eux avaient reçu deux fois des fruits et/ou légumes. Seule- Cameroun (autour de 20 ans et moins) qui est également
ment 51,1 % des enfants de plus de 12 mois prenaient des fortement musulmane.
produits laitiers. Il y avait 89,2 % d’enfants qui recevaient Comme Ngo Um et al., la proportion de nourrissons ayant
au moins un aliment solide par jour (Tableau 1). bénéficié de l’allaitement maternel exclusif jusqu’à 6 mois
On notait une mauvaise diversification soit un score de tel que recommandé par l’OMS était inférieure à celle du
0 à 8 chez 69 nourrissons (37,3 %), 112 nourrissons (60,5 %) niveau national en 2011 (24 %) [5]. Cette différence tient
avaient une diversification moyenne (score de 9 à 10) et au fait que c’est dans cette région du pays qu’on a le
seulement 4 nourrissons (2,2 %) étaient parfaitement diver- pourcentage le plus élevé après la région de l’Extrême-
sifiés (score > 10). Dix-sept nourrissons (18,8 %) de 6 à 8 mois Nord de femmes qui ne font aucune consultation prénatale
ne recevaient aucun repas d’aliments solides par jour. 55 % et qui accouchent sans assistance de personnels médicaux
des nourrissons recevaient de 1 à plus de 3 repas par [5] ; ceci contribuerait à la diminution de la promotion de
jour. l’allaitement maternel exclusif au cours de ces différents

Pour citer cet article : Chiabi A, et al. Diversification alimentaire chez les nourrissons de 6 à 24 mois à l’hôpital régional
de Garoua, Cameroun. Journal de pédiatrie et de puériculture (2019), https://doi.org/10.1016/j.jpp.2019.07.006
Modele +
PEDPUE-1370; No. of Pages 6 ARTICLE IN PRESS
Diversification alimentaire chez les nourrissons de 6 à 24 mois 5

Tableau 2 Tranche d’âge des mères, niveau d’instructions et profession associés à la mauvaise diversification.
Facteurs Score de moins de 9
Oui Non Total OR p
n(%) n(%) n(%) (IC 95 %)
Niveau bas d’instruction (primaire) 44 (58,7) 31 (41,3) 75 (40,5) 1,63 (1,1—2,45) 0,040
Mère âgée de moins de 20 ans 2 (18,2) 9 (81,8) 11 (5,9) 1,73 (1,2—3,4) 0,041
Âge de l’enfant
De 6 à 8 mois 30 (57,7) 22 (42,3) 52 (28,1) 3,29 (1,68—6,42) 0,000
De 9 à 11 mois 9 (20) 36 (80) 45 (24,3) 1,59 (0,8—3,14) 0,001
3e rang dans la fratrie et plus 49 (57,6) 32 (42,4) 85 (45,9) 1,64 (1,1—2,26) 0,030

contacts manqués et d’où la décision personnelle d’arrêt de plusieurs autres aliments dans la composition des bouillies,
l’allaitement chez 45 % des mères de notre étude sans raison notamment le soja (riche en protéines), le poisson séché et
particulière. Comme relevé par Yugbaré, on constatait de écrasé (riche en protéines et calcium) et l’arachide riche en
nombreux obstacles à l’allaitement tels que les croyances ou matières grasses. Ceci fait de ces bouillies des aliments plus
idées reçues, la production insuffisante de lait, l’influence complets. La majorité des femmes utilisaient le sucre ordi-
des grands-mères, le retour à l’école ou la reprise du travail. naire, ayant perdu toutes les vitamines et environ 50 % des
L’introduction précoce d’aliments autres que le lait sels minéraux du sucre entier. Dans l’étude de Yugbaré, le
maternel est courante dans la population camerounaise et premier groupe d’aliments introduit était celui des céréales-
subsaharienne en général [5]. Cependant, un nourrisson sur racines-tubercules (94,2 %) suivis des fruits et légumes riches
sept recevait des aliments solides avant l’âge de 4 mois en vitamine A dans 3,1 % des cas. En France les premiers ali-
comme retrouvé par Ngo-Um et al. [3]. Nlend et al. retrou- ments introduits étaient dans l’ordre : les légumes en soupe
vaient une introduction plus précoce avant 3 mois [8]. En ou purée, puis les fruits écrasés en purée ou compote et
Afrique du nord, l’introduction des aliments solides pour enfin les céréales [11].
près de 85 % des nourrissons débute après 4 mois [9]. Le Bien que la majorité des enfants de 6 à 8 mois recevaient
niveau d’instruction de la mère influençait significative- encore du lait maternel, on note que les trois quarts d’entre
ment les pratiques d’allaitement maternel comme relevé eux étaient nourris au biberon ce qui est souvent associé
par l’EDS de 2011 au Cameroun [5]. Le taux d’allaitement à une plus grande survenue de diarrhée, et est fortement
en cours pendant l’enquête était similaire à celui retrouvé déconseillée par l’OMS [1,2]. Le taux de nourrissons nourris
par Ngo-Um et al. (71 %) [3]. au biberon était largement au-dessus des taux nationaux, et
Plus de la moitié des mères utilisaient les céréales pour de la sous-région d’Afrique centrale [3,5]. La consommation
débuter la diversification et seulement moins d’un quart des protéines d’origine animale était effective chez plus de
débutaient par les légumes et fruits. Il est recommandé 34 % des enfants, mais maximale après l’âge de 12 mois. Les
d’introduire en premier les légumes, qui apportent des aliments d’origine animale sont les principales sources en fer
polysaccharides, des fibres végétales, des vitamines et des et en zinc mais étaient moins consommés par notre popula-
minéraux, puis suivent les fruits environ 15 jours après, qui tion [1,2] exposant ainsi les enfants de moins de12 mois à
apportent des glucides, des fibres et des vitamines [9]. une anémie ferriprive. Les fruits et légumes riches en vita-
La principale source d’information concernant la diversi- mine A n’étaient consommés que par 69,2 % des nourrissons
fication alimentaire des nourrissons était la famille comme exposant ceux-ci à une carence en vitamine A aggravée par
retrouvé par Goullard et al. en 2007 [10]. Cette différence des ruptures fréquentes de vitamine A dans les services de
pourrait s’expliquer par le fait que cette population était vaccination. Yugbaré retrouvaient que les œufs (21,5 %), les
plus instruite et plus âgée que la nôtre. Nous avons mon- légumineuses et noix (36,4 %), ainsi que les produits laitiers
tré dans cette étude que les femmes de moins de 20 ans (32,5 %) étaient faiblement consommés par les nourrissons
et celles de bas niveau d’étude étaient moins sensibles aux malgré leur haute valeur nutritive, ceci est similaire à notre
conseils médicaux. Elles avaient plus recours à la famille étude. En plus de l’insuffisance sur le plan qualitatif, nous
comme source d’information. avons observé qu’un nourrisson sur deux recevait entre 1 et
Les aliments utilisés pour la diversification étaient sur- 3 repas par jour. Des études au Burkina Faso avaient révélé
tout des bouillies cuisinées contrairement à Nlend et al. que seul 13,4 % des nourrissons de 6 à 23 mois recevaient le
qui avaient observé une consommation plus importante de nombre de repas ainsi que le nombre de groupe d’aliments
fruits [8]. En effet, les fruits étaient donnés pour remédier minimum recommandé par jour [7].
à la constipation des nourrissons. Mais les principales rai- Comme les études de Ramanan [12] et de Goulard [10],
sons évoquées dans notre travail étaient le comportement nous avons constaté que le bas niveau d’instruction et le
des bébés ne semblant pas rassasiés ou la sensation de lait jeune âge (< 20 ans) des mères étaient un facteur de
insuffisant. La principale céréale de la composition des ali- risque de mauvaise conduite de la diversification avec un
ments de démarrage était le maïs qui est l’un des aliments plus grand nombre d’erreurs nutritionnelles. Cela pourrait
les plus retrouvés dans cette région. Notons que le maïs est s’expliquer par le fait que les mères de bas niveau d’études
un aliment de faible valeur nutritionnelle et gagne à être recevaient moins d’information adaptée, avec moins de lec-
enrichi. Ceci est probablement la raison de la présence de ture, plus d’informations de type publicitaire ou adaptent

Pour citer cet article : Chiabi A, et al. Diversification alimentaire chez les nourrissons de 6 à 24 mois à l’hôpital régional
de Garoua, Cameroun. Journal de pédiatrie et de puériculture (2019), https://doi.org/10.1016/j.jpp.2019.07.006
Modele +
PEDPUE-1370; No. of Pages 6 ARTICLE IN PRESS
6 A. Chiabi et al.

l’alimentation de l’enfant en fonction des contraintes éco- Déclaration de liens d’intérêts


nomiques. Ces mères s’informaient plus en famille que le
reste de niveau. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
En fin, les mères des nourrissons de rang plus élevé dans
la fratrie (à partir de rang 3) faisaient partir de la popula-
tion à risque de mauvaise diversification comme dans l’étude Références
menée à Lille [13]. Cela pourrait s’expliquer par le fait que
ces mères, ayant l’expérience personnelle des aînés, ont [1] Organisation mondiale de la santé. Principes directeurs pour
tendance à banaliser l’alimentation ou à proposer le régime l’alimentation de l’enfant allaité au sein; 2003, ISBN 92-75-
alimentaire des plus âgés pour homogénéiser les prépara- 22460-9.
tions alimentaires de la fratrie. [2] World Health Organization Global. Forum for Child Health
Research: a Foundation for improving child health. Swit-
zerland, Geneva: WHO; 2002 http://www.who.int/child
adolescent health/New publications Health/Gc/Who Cfh Cah
Conclusion 02 [Consulté le 01décembre 2016].
[3] Ngo-Um S, Mbassi AH, Hott O, Tchendjou P, Womga A, Koki
L’étude de la conduite de la diversification alimentaire des Ndombo P, et al. Les pratiques de diversification alimentaire
nourrissons a permis de noter que l’allaitement exclusif corrélées à l’état nutritionnel des nourrissons de 6 à 24 mois à
jusqu’à 6 mois était faiblement appliqué et la diversification Yaoundé. Arch Pediatr 2013;21:27—33.
était précoce avec une introduction initiale et consomma- [4] Ruel MT, Menon P. Child feeding practices are associated
tion prépondérante des céréales-graines-racines-tubercules with child nutritional status in Latin America: innovative uses
ceci en lieu et place des œufs, légumineuses, fruits et of the demographic and health surveys. J Nutr 2002;132:
légumes riches en vitamine A. La majorité des enfants 1180—7.
[5] Institut national de la statistique (INS) et ORC Macro 2011.
ne consommaient que 1 à 3 repas par jour. La source
Enquête Démographique et de Santé du Cameroun. Calverton
d’information sur la conduite de la diversification alimen-
Maryland, USA: INS et ORC Macro; 2011.
taire des nourrissons n’était pas toujours le milieu médical. [6] Sawadogo PS, Martin-Prevel Y, Savy M. An infant and child
Le renforcement des connaissances des agents de santé et feeding index is associated with the nutritional status of
des entretiens systématiques avec les mères sur la diver- 6 to 23 months old children in rural Burkina Faso. J Nutr
sification alimentaire du nourrisson lors des consultations 2006;136:656—63.
des nourrissons sains pourraient améliorer la conduite de la [7] Yugbaré/Ouédraogo SO, Toguyeni Tamini L, Dao L, Nelambaye
diversification alimentaire. F, Nagalo K, Yé/Ouattara D, et al. Conduite de la diversification
alimentaire du nourrisson à Ouagadougou (Burkina Faso). J Afr
Pediatr Genet Med 2017;3:17—22.
[8] Nlend A, Wamba G, Same Ekobo C. Alimentation du nourris-
Contributions des auteurs son de 0-36 mois en milieu urbain camerounais. Med Afr Noire
1997;1:44.
Tous les auteurs ont contribué à la réalisation de cette
[9] Tounian P. Alimentation du nourrisson normal. Encycl Med Chir
étude. Les auteurs déclarent également avoir lu et approuvé Pediatr 1999;4—002—H—10:6.
la version finale du manuscrit. [10] Goullard J. Conduite de la diversification alimentaire des nour-
A.C. : rédaction du protocole de recherche ; analyse sta- rissons de 3 à 36 mois [Thèse]. France: Université Claude
tistique ; rédaction de l’article. Bernard-Lyon I; 2007.
D.A.K.T : analyse statistique ; rédaction de l’article. [11] Jones G, Steketee RW, Black RE, Bhutta ZA, Morris SS. Bella-
F.D.N : rédaction du protocole de recherche ; analyse gio Child Survival Study Group. How many child deaths can we
statistique. prevent this year. Lancet 2003;362:65—71.
A.L. : rédaction du protocole de recherche ; collecte des [12] Ramanan Andriantseheno VH. Diversification alimentaire chez
données. les enfants de 6 à 24 mois vus au CHU Antananarivo [Thèse].
Antananarivo; 2013.
S.N. : rédaction du protocole de recherche.
[13] Bigot-Chantepie S, Michaud L, Devos P, Depoorter MH, Dubos JP,
E.M. : rédaction du protocole de recherche ; analyse sta- Gottrand F, et al. Conduite de la diversification alimentaire :
tistique. enquête prospective jusqu’à l’âge de 6 mois. Arch Pediatr
2005;10:1570—6.

Remerciements
Aux personnels du service de pédiatrie de l’hôpital régional
de Garoua.

Pour citer cet article : Chiabi A, et al. Diversification alimentaire chez les nourrissons de 6 à 24 mois à l’hôpital régional
de Garoua, Cameroun. Journal de pédiatrie et de puériculture (2019), https://doi.org/10.1016/j.jpp.2019.07.006

Vous aimerez peut-être aussi