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ARTICLE ORIGINAL
a
Service de pédiatrie, hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé, Yaoundé,
Cameroun
b
Département de pédiatrie, faculté de médecine et des sciences biomédicales, université de
Yaoundé I, Yaoundé, Cameroun
c
Faculté de médecine et des sciences biomédicales, université de Yaoundé I, Yaoundé,
Cameroun
d
Hôpital régional de Garoua, Garoua, Cameroun
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : andy chiabi@yahoo.co.uk (A. Chiabi).
https://doi.org/10.1016/j.jpp.2019.07.006
0987-7983/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Chiabi A, et al. Diversification alimentaire chez les nourrissons de 6 à 24 mois à l’hôpital régional
de Garoua, Cameroun. Journal de pédiatrie et de puériculture (2019), https://doi.org/10.1016/j.jpp.2019.07.006
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2 A. Chiabi et al.
moyen d’introduction des protéines végétales et animales était respectivement de 6,30 mois
et de 8,07 mois. Les facteurs exposant à une mauvaise diversification étaient le jeune âge des
mères (moins de 20 ans) et leur bas niveau d’étude (inférieur au secondaire) et le 3e rang dans
la fratrie des nourrissons.
Conclusion. — Le renforcement des connaissances des agents de santé et des entretiens systé-
matiques avec les mères sur la diversification alimentaire du nourrisson lors des consultations
des nourrissons sains pourraient améliorer la conduite de la diversification alimentaire.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Summary
Complementary Introduction. — Inappropriate complementary feeding could lead to malnutrition in infants of 6
feeding; to 24 months. This was the justification of this study in the northern part of Cameroon, which is
Infant; highly affected by malnutrition, in order to bring out appropriate preventive strategies. It is in
Cameroon this perspective that this study was done in order to assess complementary feeding practices,
and the factors predisposing to poor complementary feeding practices.
Methods. — A cross-sectional study in the pediatric service of the regional hospital in Garoua in
the northern part of Cameroon. A questionnaire indicating the mode of feeding at birth, type of
complementary feeding, and meals taken within three days preceding the survey, which lasted
for one month, was filled for 300 mother-infant couples enrolled in the study.
Results. — We noted that 80% of the infants were given water since birth, 38.3% solid food stuffs
before 6 months of age, only 14.3% were exclusively breastfed to 6 months of age, and 37.3% had
a poor diversity score. The mean age of introduction of vegetable and animal proteins was 6.3
and 8.07 months respectively. Factors predisposing to poor complementary feeding were, the
young age of the mothers (less than 20 years), low level of education (lower than the secondary
level), and third position in the siblings.
Conclusion. — Reinforcing knowledge of health personnel, and educating mothers on comple-
mentary feeding during consultations could help improve on good practices of complementary
feeding of infants.
© 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Pour citer cet article : Chiabi A, et al. Diversification alimentaire chez les nourrissons de 6 à 24 mois à l’hôpital régional
de Garoua, Cameroun. Journal de pédiatrie et de puériculture (2019), https://doi.org/10.1016/j.jpp.2019.07.006
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Diversification alimentaire chez les nourrissons de 6 à 24 mois 3
Les aliments ont été classés en 4 groupes principaux Pratiques de la diversification alimentaire
[4,6] :
• poissons/viandes/œufs ; Le principal mode d’alimentation à la naissance était
• céréales/graines/racines/tubercules ; l’allaitement maternel (n = 298 soit 99,3 %). L’introduction
• fruits/légumes frais ; de l’eau comme boisson était faite avant le premier mois de
• lait et produits laitiers autre que le lait maternel, pour vie chez 80 % des nourrissons (n = 240). L’allaitement était
les enfants de plus de 12 mois. exclusif jusqu’à 6 mois pour 14,3 % des enfants (n = 43).
Il y avait 75 % des nourrissons dont l’allaitement mater-
Nous avons défini la diversité du régime journalier comme
nel était en cours pendant l’enquête. En tenant compte
la somme d’aliments de groupes différents reçus au cours
du taux d’allaitements révolus (24,3 %), la durée moyenne
des 24 h précédant l’enquête, et la fréquence des aliments
d’allaitement était de 12,1 mois (±6,5).
comme la moyenne d’aliments du même groupe reçus au
L’introduction d’aliments solides avait été précoce
cours des 3 jours précédant l’enquête [4,6]. L’allaitement
(avant l’âge de 4 mois) chez 16,7 % des cas (n = 50). Au
maternel a été considéré comme une pratique positive et
total 115 nourrissons (38,3 %) recevaient des aliments solides
l’utilisation du biberon comme négative [4,6]. La fréquence
avant 6 mois, et 16 % des nourrissons (n = 48) les recevaient
des repas solides au cours de la journée a été détermi-
plus tardivement après l’âge de 7 mois. Sept nourrissons ne
née par la moyenne de la fréquence des repas au cours
prenaient que le lait maternel comme seul aliment après
des 3 jours précédant l’enquête [4,6]. Des quantiles (ou ter-
6 mois. Les raisons évoquées pour introduire précocement
ciles) d’alimentation ont été définis : pauvre pour un score
des aliments solides étaient principalement : « lait considéré
inférieur à 9, moyenne pour un score entre 9 et 10, bonne
comme insuffisant » (n = 64/115 soit 55,6 %), « une déci-
alimentation pour un score supérieur à 10 [4,6].
sion volontaire » (n = 28/115 soit 24,3 %,), « le travail hors
du ménage » (n = 23 20 %) et le « conseil de grand-mère »
Analyse statistique (n = 5 soit 4,3 %).
Le motif d’arrêt de l’allaitement maternel avant l’âge de
Toutes les fiches ont été saisies sur le logiciel Epi-infoTM ver- 2 ans était pour 135 mères (45 %) une décision personnelle et
sion 3.5.1 qui nous a permis de faire l’étude statistique familiale chez 18 %. Un total de 1,7 % des mères continuaient
descriptive et analytique. Le seuil de significativité était à utiliser le lait de 1er âge après l’âge de 6 mois.
défini pour p < 0,05. Pour la comparaison des proportions, on Les mères débutaient la diversification par les céréales
a utilisé le test de Chi2 et pour la comparaison des moyennes, dans 57 % des cas (n = 171), suivis du poisson dans 30,7 %
le test de Student. L’étude univariée nous a permis de faire (n = 92), la viande (n = 80, soit 26,7 %), les fruits et légumes
une étude multivariée par une régression logistique simple (n = 70 soit 23,3 %), le lait pour nourrisson (n = 11, soit3,7 %)
(seuil fixé à 0,2). La mesure de la force de l’association entre et les œufs (n = 11, soit 3,7 %). L’âge d’introduction des
un éventuel facteur associé et la survenue d’une mauvaise protéines végétales était de 6,4 mois (ET : 1,79 [6—12]).
diversification a été estimée par le calcul de l’odds-ratio L’âge moyen d’introduction des protéines d’origine ani-
[OR] et son intervalle de confiance à 95 %. male était de 8,04 mois (ET : 2,37 ; [6—24]. La principale
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Diversification alimentaire chez les nourrissons de 6 à 24 mois 5
Tableau 2 Tranche d’âge des mères, niveau d’instructions et profession associés à la mauvaise diversification.
Facteurs Score de moins de 9
Oui Non Total OR p
n(%) n(%) n(%) (IC 95 %)
Niveau bas d’instruction (primaire) 44 (58,7) 31 (41,3) 75 (40,5) 1,63 (1,1—2,45) 0,040
Mère âgée de moins de 20 ans 2 (18,2) 9 (81,8) 11 (5,9) 1,73 (1,2—3,4) 0,041
Âge de l’enfant
De 6 à 8 mois 30 (57,7) 22 (42,3) 52 (28,1) 3,29 (1,68—6,42) 0,000
De 9 à 11 mois 9 (20) 36 (80) 45 (24,3) 1,59 (0,8—3,14) 0,001
3e rang dans la fratrie et plus 49 (57,6) 32 (42,4) 85 (45,9) 1,64 (1,1—2,26) 0,030
contacts manqués et d’où la décision personnelle d’arrêt de plusieurs autres aliments dans la composition des bouillies,
l’allaitement chez 45 % des mères de notre étude sans raison notamment le soja (riche en protéines), le poisson séché et
particulière. Comme relevé par Yugbaré, on constatait de écrasé (riche en protéines et calcium) et l’arachide riche en
nombreux obstacles à l’allaitement tels que les croyances ou matières grasses. Ceci fait de ces bouillies des aliments plus
idées reçues, la production insuffisante de lait, l’influence complets. La majorité des femmes utilisaient le sucre ordi-
des grands-mères, le retour à l’école ou la reprise du travail. naire, ayant perdu toutes les vitamines et environ 50 % des
L’introduction précoce d’aliments autres que le lait sels minéraux du sucre entier. Dans l’étude de Yugbaré, le
maternel est courante dans la population camerounaise et premier groupe d’aliments introduit était celui des céréales-
subsaharienne en général [5]. Cependant, un nourrisson sur racines-tubercules (94,2 %) suivis des fruits et légumes riches
sept recevait des aliments solides avant l’âge de 4 mois en vitamine A dans 3,1 % des cas. En France les premiers ali-
comme retrouvé par Ngo-Um et al. [3]. Nlend et al. retrou- ments introduits étaient dans l’ordre : les légumes en soupe
vaient une introduction plus précoce avant 3 mois [8]. En ou purée, puis les fruits écrasés en purée ou compote et
Afrique du nord, l’introduction des aliments solides pour enfin les céréales [11].
près de 85 % des nourrissons débute après 4 mois [9]. Le Bien que la majorité des enfants de 6 à 8 mois recevaient
niveau d’instruction de la mère influençait significative- encore du lait maternel, on note que les trois quarts d’entre
ment les pratiques d’allaitement maternel comme relevé eux étaient nourris au biberon ce qui est souvent associé
par l’EDS de 2011 au Cameroun [5]. Le taux d’allaitement à une plus grande survenue de diarrhée, et est fortement
en cours pendant l’enquête était similaire à celui retrouvé déconseillée par l’OMS [1,2]. Le taux de nourrissons nourris
par Ngo-Um et al. (71 %) [3]. au biberon était largement au-dessus des taux nationaux, et
Plus de la moitié des mères utilisaient les céréales pour de la sous-région d’Afrique centrale [3,5]. La consommation
débuter la diversification et seulement moins d’un quart des protéines d’origine animale était effective chez plus de
débutaient par les légumes et fruits. Il est recommandé 34 % des enfants, mais maximale après l’âge de 12 mois. Les
d’introduire en premier les légumes, qui apportent des aliments d’origine animale sont les principales sources en fer
polysaccharides, des fibres végétales, des vitamines et des et en zinc mais étaient moins consommés par notre popula-
minéraux, puis suivent les fruits environ 15 jours après, qui tion [1,2] exposant ainsi les enfants de moins de12 mois à
apportent des glucides, des fibres et des vitamines [9]. une anémie ferriprive. Les fruits et légumes riches en vita-
La principale source d’information concernant la diversi- mine A n’étaient consommés que par 69,2 % des nourrissons
fication alimentaire des nourrissons était la famille comme exposant ceux-ci à une carence en vitamine A aggravée par
retrouvé par Goullard et al. en 2007 [10]. Cette différence des ruptures fréquentes de vitamine A dans les services de
pourrait s’expliquer par le fait que cette population était vaccination. Yugbaré retrouvaient que les œufs (21,5 %), les
plus instruite et plus âgée que la nôtre. Nous avons mon- légumineuses et noix (36,4 %), ainsi que les produits laitiers
tré dans cette étude que les femmes de moins de 20 ans (32,5 %) étaient faiblement consommés par les nourrissons
et celles de bas niveau d’étude étaient moins sensibles aux malgré leur haute valeur nutritive, ceci est similaire à notre
conseils médicaux. Elles avaient plus recours à la famille étude. En plus de l’insuffisance sur le plan qualitatif, nous
comme source d’information. avons observé qu’un nourrisson sur deux recevait entre 1 et
Les aliments utilisés pour la diversification étaient sur- 3 repas par jour. Des études au Burkina Faso avaient révélé
tout des bouillies cuisinées contrairement à Nlend et al. que seul 13,4 % des nourrissons de 6 à 23 mois recevaient le
qui avaient observé une consommation plus importante de nombre de repas ainsi que le nombre de groupe d’aliments
fruits [8]. En effet, les fruits étaient donnés pour remédier minimum recommandé par jour [7].
à la constipation des nourrissons. Mais les principales rai- Comme les études de Ramanan [12] et de Goulard [10],
sons évoquées dans notre travail étaient le comportement nous avons constaté que le bas niveau d’instruction et le
des bébés ne semblant pas rassasiés ou la sensation de lait jeune âge (< 20 ans) des mères étaient un facteur de
insuffisant. La principale céréale de la composition des ali- risque de mauvaise conduite de la diversification avec un
ments de démarrage était le maïs qui est l’un des aliments plus grand nombre d’erreurs nutritionnelles. Cela pourrait
les plus retrouvés dans cette région. Notons que le maïs est s’expliquer par le fait que les mères de bas niveau d’études
un aliment de faible valeur nutritionnelle et gagne à être recevaient moins d’information adaptée, avec moins de lec-
enrichi. Ceci est probablement la raison de la présence de ture, plus d’informations de type publicitaire ou adaptent
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