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BIBLIOTHÈQUE DE PHILOSOPHIE SPIRITUALITE MODERNE


ET DES SCIENCES PSYCHIQUES
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HENRI BRUN

PROFESSEUR A L'ÉCOLE NORMALE

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LA FOI NOUVELLE
LA FOI ET LA SOCIÉTÉ
LA FOI ET LA SCIENCE
LA FOI ET L'ÉCOLE.

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Prix : 2 fr. 50

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PARIS
ÉDITIONS-LIBRAIRIE DE LA B. P. S.
8, RUE COPERNIC (16e)
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1925
Copyright 1925, by Jean Meyer

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TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS 4

CHAPITRE PREMIER. — La Foi et la Société 9


CHAPITRE II. — La Foi et la Science
13
CHAPITRE III. — La Foi et l'Ecole 22

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AVANT-PROPOS
_________

MON GAIN DE L'ANNÉE


(Monologue)

Te voilà donc encore seul, en cette fin d'année, au coin du feu où Elle avait
coutume de se chauffer à ton côté. Tu t'y trouvais seul déjà, depuis quelques jours à
peine, en décembre de l'an dernier. L'an dernier ! Tu te demandais alors si c'était bien vrai
qu'Elle fût partie, et tu as peine à croire maintenant qu'il y a treize mois — que de jours
cela fait! — Qu'Elle n'est pas revenue, et que tu as pu vivre sans Elle pendant treize mois!
Tu regardes, auprès de toi, la chaise vide et toutes choses à l'abandon autour de toi. Tu
écoutes en vain son pas dans la maison. Tu évoques les ouvrages qu'Elle n'a pas achevés,
les tiroirs qui ne s'ouvrent plus, « Fémina » qui s'empile, en rouleaux intacts, au coin de la
table, et les chemins où tu ne la mènes plus, chaque jour, prendre des forces... Oh !
comme je comprends que tu n'aies pas un regret pour l'année qui te quitte, et qui, la
première, depuis bien des années, pendant ses douze mois, t'a vu sans Elle !...
Et pourtant tu n'as pas sujet de lui en vouloir, et Elle vaut, entre toutes, que tu te
souviennes d'Elle ! Tu n'as pas idée du bien qu'Elle t'a fait !
Si tu savais comme tu es plus riche que l'an dernier ! Veux-tu que nous comptions ton
gain ?

*
**

Tu souffres. — Tu souffres toujours et partout, et de toutes choses et de hontes


façons! Tu souffres depuis le jour où Elle t'a quitté, et tu sais bien que tu souffriras
jusqu'au jour où tu iras la rejoindre. Tu souffres du matin jusqu'au soir. Tu souffres dans
votre demeure, dans les rues de la ville, dans les maisons où l'on rit comme dans celles où
l'on pleure, parmi les indifférents et près de tes amis. Tu souffres quand tu travailles et
quand tu ne fais rien, et, quand on pense te distraire et quand on te force à sourire. Tu
souffres de tous les objets qui frappent tes sens et de tous les souvenirs qui te remontent
au cœur. Tu souffres quand tu penses à elle et quand il te semble ne penser à rien. Tout ce
qui n'est pas Elle t'ennuie et tout ce qui est Elle Le fait mal. Tu ne peux soutenir la vue de
tes premières joies et de tes dernières angoisses, de sa vie fugitive et de sa lente mort.
Tu as tellement souffert certain jour que tu en pensas rendre l'âme. Tu as tellement

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souffert pendant des jours que tu faillis en perdre la raison. Et pendant des mois, jour à
jour, corps sans âme, tu perdis la vie sans trouver la mort, en proie à une agonie mille fois
pire que la mort. Tu as vécu des heures d'horreur et de pitié et de nostalgie sans fin et sans
fond. Tu as hurlé comme une bête, gémi comme une femme, pleuré comme un enfant. Tu
as demandé grâce pour Elle et crié vengeance pour toi. Tes sanglots maintenant s'es-
pacent au long des jours mornes. A peine s'il te reste la force de pleurer. Il semble que tu
vives sans que ton cœur batte !...
Bravo ! Je suis content et fier de toi ! Tu as bien fait les choses ! C'est ainsi qu'il
fallait souffrir pour rester digne d'Elle ! Tu n'as que la douleur qu'Elle mérite ! — Bravo !
Tu ne savais pas ce que c'est que souffrir ! Tu ne connaissais que les chagrins de passage,
les blessures à fleur de peau et les peines qui n'en valent pas la peine. Tu n'avais senti à
fond que la joie ! Tu n'avais vécu qu'à moitié ! — Bravo ! Sais-tu que souffrir est chose
assez rare ? Il faut pouvoir ! Bien des gens le voudraient, — pour la forme ! — et, faute
de fond, ne le peuvent pas ! Va, ils ne courent pas les rues, ceux qui ont les joues creusées
par les larmes et des cheveux blancs avant l'âge !... Allons ! Tu n'étais qu'un enfant gâté.
Te voilà homme !

*
**

Tu vis. — Ça n'a l'air de rien, et e'est prodigieux ! Je n'en reviens pas de te trouver
encore au poste ! Tu n'égaleras jamais l'homme que tu fus au plus fort de ton désespoir.
Vivre, quand on a perdu sa raison de vivre ; vivre quand on ne se sent plus de goût pour
rien ni de tendresse pour personne, et que les objets les plus chers vous laissent
indifférent ou vous font horreur ; vivre quand il est si simple et qu'il serait si doux de
mourir ; vivre, jusqu'à Dieu sait quand, sa vie de chaque jour, comme si de rien n'était,
alors qu'on est atteint aux sources même de la vie, sache que c'est l'effort le plus affreux
et le plus sublime que puisse faire un homme !
Oh! tu as bien failli rester sur le carreau! Tu as plus d'une fois fait ton plan de
défaite, et écrit, plus d'une fois, tes paroles d'adieu! Tu souhaitais au moins que le sort eût
pitié de toi, te sût gré d'attendre, t'enlevât, de lui-même, en cours de route ! Tu ne voulais
pas aller jusqu'au bout de l'année ! Ta pensée fut criminelle ! N'importe ! Tu ne lui permis
pas de s'achever en acte, et tu parvins même à la mettre à la porte ! Tu consentis à vivre
sans joie, tu te contraignis de sourire à tes proches et de préparer tes leçons. C'est bien !
Tu as été fort et tu as été brave. Le plus bel acte de ta vie sera d'avoir sacrifié ta mort!...

*
**

Tu crois. — Autre miracle ! Tu crois, toi qui depuis l'enfance avait cessé de
croire. Tu crois maintenant à la Vie éternelle et à la Providence. Tu crois qu'Elle n'est
morte qu'en apparence, et que tu n'es séparé d'Elle que par un voile et que pour un temps.
Tu crois qu'Elle est vivante en son corps invisible et en son âme immortelle. Tu crois
qu'Elle n'a fait que changer de matière et changer de séjour, et retrouver son corps d'éther
et sa patrie d'azur. Tu crois qu'Elle a gardé, au gré de ton cœur, sa figure et son âme. Tu
crois que son corps est plus radieux et son cœur plus aimant encore qu'ils n'étaient sur la

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terre. Tu crois qu'Elle vit à la fois dans deux mondes, le monde des Esprits et le monde
des Hommes, sa destinée l'emportant dans l'un, ta destinée la retenant dans l'autre. Tu
crois qu'Elle est heureuse de parcourir l'Espace où son rêve s'exalte parmi des splendeurs
innombrables et qu'Elle est plus heureuse encore de revenir au foyer toujours sien, où son
amour s'illumine à ta flamme pieuse. Tu crois qu'Elle te dit des secrets à l'oreille, qu'Elle
te conduit par la main sans que tu t'en doutes, qu'Elle est plus que jamais ta Muse et ton
Ange gardien !

*
**

Tu crois qu'elle t'attend, et que tu la retrouves parfois dans tes sommeils des nuits,
et que tu la retrouveras à ton dernier sommeil. Tu crois que vos destinées sont unies à
jamais, que vous êtes deux âmes sœurs et que de plus en plus vous ne serez qu'une âme.
Tu crois qu'il peut se faire, en attendant, dans certaines conditions, il est vrai peu
communes, qu'Elle te rende sa présence sensible, qu'Elle te donne un message par la main
d'un médium, qu'Elle incline vers toi la petite table où vous aimiez travailler côte à côte,
qu'Elle se montre à tes yeux et te caresse de sa main. Tu crois, que dis-je ? tu sais que ces
faits sont possibles, ayant eu l'occasion de les observer toi-même, et la conscience de lire
les comptes rendus qu'en ont faits des savants et des penseurs illustres, qui d'abord n'y
voulaient pas croire, et qu'ils contraignirent de croire...
Et depuis que tu crois en Elle tu crois en Dieu! Peu t'importe de ne le point
concevoir. Tu veux qu'il soit. Tu sens qu'il est ! Et, à communier avec les deux objets
divins de ton culte inespéré, tu ressens en ton cœur d'ineffables extases. Qui t'eût dit, il y
a un an, que tu allais devenir, dans le plus grand des malheurs, le plus heureux des
hommes ?

*
**

Tu aimes. — Tu ne te connaissais pas un cœur si profond et si vaste. Elle que tu


aimais à l'infini, tu l'aimes infiniment plus encore ! Jamais tu ne fus si sensible à son
charme et si reconnaissant à son bienfait. Tu ne savais pas qu'Elle était si douce et qu'Elle
te fût si nécessaire. Dire qu'il t'arriva de la gronder parce qu'Elle n'avait pas pris ses deux
œufs du matin, de la bouder parce qu'Elle t'obligeait à mettre des gants pour sortir, de la
négliger pour faire un article ! Si c'était à refaire ! Comme tu serais à genoux devant
Elle ! Elle est ton tout maintenant ! Tu ne la sentis jamais si présente que depuis qu'Elle
est absente, tu ne voulus jamais tant son honneur que depuis que tu es malheureux. Tu l'é-
voques dans tes nostalgies, l'invoques dans tes études, la consultes dans tes démarches, la
poursuis dans tes expériences, la célèbres dans tes écrits, la recommandes dans tes
prières, l'adores et la bénis du matin jusqu'au soir ! Tu vis d'Elle, avec Elle, pour Elle, en
Elle. Tu ne fais qu'un avec Elle.
Tu as multiplié les objets de ta tendresse et multiplié les liens qui t'unissent à eux.
Ton deuil t'a rendu tes anciens amis, dont l'affection t'est chère, et t'en a donné de
nouveaux, dont l'amitié t'honore. Tous ont été bons à ta peine, et tu leur en sais gré au
meilleur de ton cœur. — Tu faillis, il est vrai, quelque temps, délaisser tes proches, et tu

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pensas avec effroi avoir perdu ton cœur, et qu'Elle l'avait emporté tout entier. Mais c'était
« la perte du Rhône », comme t'écrivait un de tes amis, et quand tu t'es remis à aimer ceux
qui te chérissaient, tu les as aimés double, aimés pour Elle et pour toi, aimés dé-
sespérément, parce qu'ils ne te restait qu'eux au monde, aimés dévotement, parce qu'il ne
leur restait que toi au monde. — Tu as rencontré des hommes en deuil, à la figure défaite,
et tu en as fait tes amis, et ils te sont devenus plus chers que les autres. — Tu as voué un
culte aux choses de la maison, où Ses yeux ont laissé un peu de leur rayon et Ses doigts
un peu de leur fluide, et qui ont une âme, puisqu'elles ont, à vrai dire, Son âme !

*
**

Tu comprends. — Tu comprends bien des choses que tu ignorais il y a peu de


temps encore. Tu comprends ton malheur, après l'avoir maudit, et qu'il a son bienfait,
sinon sa raison d'être, et qu'il était sans doute nécessaire à ton progrès et qu'il t'en seras
tenu compte si tu ne l'as pas mérité — le malheur, quand il n'est pas le paiement d'une
dette, étant une créance sur Dieu ! — Tu comprends la vie, et qu'elle est un passage et
non pas une impasse, et, partant, un moyen et non pas une fin ; que le bonheur n'est pas
de ce monde et ne réside pas dans des biens de ce monde, que l'homme doit s'estimer
heureux quand il n'est pas trop malheureux, que l'homme heureux, d'ailleurs, ne sait pas
son bonheur, et ne le connaît guère qu'après l'avoir perdu ; — que ce n'est pas dans les
objets d'ambition, d'intérêt, de plaisir — vulgaires et précaires — qu'on trouve le
bonheur, mais seulement dans les profondeurs de la vie intérieure, qu'il consiste avant
tout à aimer et bien faire, que tel est aussi le but de la vie, et qu'ainsi le bon heur est où est
le devoir, se confond avec lui, en en est la récompense, et que ce bonheur-là est toute
grâce et toute force, défie toutes les disgrâces et peut supporter les pires douleurs...

*
**

Tu agis. — Tu as secoué ta paresse, ramassé les quelques ressources de ta pensée


et de ton cœur pour les mettre en œuvre, rallié tes énergies éparses pour les lancer à
l'assaut. Tu es devenu l'homme d'une seule Cause. Tu t'es mis tout entier au service de ta
Foi, la Foi nouvelle qui t'est chère parce que tu la crois vraie et que tu la sais bonne. Tu
voudrais qu'elle pût faire à d'autres le bien qu'elle t'a fait. Et tu vas prêchant la bonne
parole, envers et contre tous, et toi-même ! Tu t'es mis à l'étude, toi qui aimais tant rêver !
Tu t'es mis en branle pour aider à la fondation d'une société de recherches psychiques, toi
qui avais horreur des démarches ! On t'a surpris par les rues à toute heure du jour et de la
nuit, en quête d'expérience, toi qui ne mettais jamais le nez dehors ! Ça t'est bien égal de
passer pour fou, toi qui ne craignais que le ridicule ! Tu ne quittes plus la plume, toi qui
avais tant de peine à y mettre la main 1 Tu prends la parole en public, toi qui redoutais le
public. — Et tu n'as d'autre rêve à présent que de trouver enfin, un beau jour le journal de
bonne volonté. — mais le trouveras-tu ? — un journal connu et aimé du public, à qui tu
pourras dire : « Connaissez-vous la Foi nouvelle ? Vos lecteurs la connaissent-ils ? Les
neuf dixièmes de ses détracteurs l'ignorent, n'en savent pas le premier mot ! Voulez-vous

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lui ouvrir une tribune dans vos colonnes ? Voulez-vous donner au public le moyen de
l'entendre, une bonne fois pour toutes, avant de la juger ? Voulez-vous lui permettre de
fournir ses titres, de faire connaître les faits qui la fondent, les noms qui l'illustrent, les
œuvres qui la consacrent, et de répondre aux objections qu'on lui adresse en les priant,
l'une après l'autre, d'aller méditer tel fait, à telle page de tel ouvrage de tel auteur !
Voulez-vous lui laisser la parole si vous pensez que la parole d'un Crookes, d'un Wallace,
d'un Lodge, etc., est susceptible d'avoir quelque vérité et de faire, quelque bien ? »
C'est bien ! Tu mendies, mais c'est pour les pauvres, pour ceux à qui la vie n'a rien
donné, ou à qui elle a tout repris !...
Quand je te disais que tu es un autre homme !..

(Décembre 1913.)

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LA FOI NOUVELLE

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CHAPITRE PREMIER

LA FOI ET LA SOCIETE

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Qu'on permette à un « libre penseur » devenu « libre croyant », — à un athée


devenu spirite, — de dire ici toute sa pensée au sujet de l'utilité sociale de la Foi, et de
proclamer, fort de son expérience douloureuse, ce qu'il eût nié il y a quelques mois à
peine : « Oui, la Foi est nécessaire aux hommes ! La Foi est nécessaire à la vertu et au
bonheur des hommes ! »

1. Qu'on veuille croire que je me dispenserais d'évoquer les accidents de mon moi, si je
ne pensais qu'ils peuvent servir aux besoins d'une cause qui intéresse l'humanité au plus vif,
au plus vital de ses destinées.

*
**

Pas de vertu sans foi ! Pas de garantie constante, univers elle de vertu ! Que
L'école laïque me pardonne ! Mieux qu'un autre je sais tout le bien qu'elle fait. Il est vrai
qu'elle enseigne la vertu, sans enseigner la foi. A sa discipline vigilante, à son éducation
éclairée convaincue, l'enfant doit beaucoup. Il s'y forme à la pratique et à l'amour du bien
(1).

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1. Je connais les instituteurs et ai contribué à en former bon nombre. Il me serait aisé,
si c'était ici la place, de montrer la fausseté et l'injustice des critiques qu'on leur adresse
généralement. Que les spirites se gardent de faire, contre eux, chorus avec les cléricaux.

Mais demain ? A l'usine, à la caserne, dans la vie ? Que va devenir l'enfant de


l'école ? Sans maître ? Au milieu de dangers imprévus ? A l'âge des passions nouvelles ?
Demain, c'est la tentation ! La tentation, c'est-à-dire, d'une part, le caboulot, le beuglant,
le trottoir, le lupanar, le théâtre, le livre, le journal, c'est-à-dire, d'autre part, les places, les
honneurs, le pouvoir, la richesse... Contre tous les pipeaux de la sensualité, l'adulte saura-
t-il rester digne? Contre toutes les amorces de l'égoïsme, l'adulte saura-t-il rester bon ? Il
faut d'abord, pour être digne, avoir un sentiment très vif de ce qu'on se doit à soi-même ;
il faut d'abord, pour être bon, avoir un sentiment très vif de ce qu'on doit aux autres ;
respect de soi, amour d'autrui, la vertu ne va pas sans ces deux forces vives. Et il faut
aussi, pour être digne, il faut aussi, pour être bon, que ces deux forces vives n'aient pas
affaire à partie plus forte, instincts ou passions, — éternels adversaires de la vertu ! —
Hélas ! combien d'adultes, combien d'hommes se trouvent dans les conditions du salut !
Leur sauvegarde, c'est le souvenir du devoir, dont ils ont entendu parler autrefois à
l'école: un résidu ! C'est la notion du devoir, qu'ils entrevoient au fond de leur
conscience : un germe ! C'est la représentation idéale du bien : une idée ! Faible défense !
La tentation aura beau jeu ! Elle va enfoncer une porte ouverte ! Et que de complices
dans la place ! Les sens avides de jouir, impatients de tout frein, ivres déjeunes force !
L'ambition, l'orgueil, la peur, la colère, l'envie, toujours à l'affût, l'arme prête... Tous les
démons de la chair, tous les démons du cœur !... Ainsi périt la pureté ! Ainsi périt l'amour
! Les deux grâces divines de l'âme ! Sans doute, tous les hommes ne sombrent pas dans le
vice. Mais combien s'élèvent jusqu'à la vertu ? Combien seraient capables d'abstinence ?
Combien seraient capables d'abnégation ? On compte les traits d'héroïsme ! On les cite
dans les journaux ! On les prime dans les académies ! Oui, la passion du mal est peut-être
rare. Mais combien plus rare encore la passion du bien ! Le règne est à l'indifférence, à
l'indifférence au bien et au mal ! On ne fait pas grand mal, parce qu'on n'en a pas
l'occasion. On ne fait pas grand bien, parce qu'on n'en a pas le goût ! Moralité à ras de
terre, sans coup d'ailes vers les sommets ! Destinée à demi-bestiale qui oscille entre les
heures de crise, où le gorille se déchaîne, et les heures de calme, où chemine la taupe. «
Les dieux s'en vont, plus que des hures... Et ça devient tous les jours pis, ricanait Jules
Laforgue. « L'humanité recule », confirme Frédéric Passy. Les hommes d'aujourd'hui ne
sont pas beaux à voir ! Que leur manque-t-il donc pour chasser d'eux la bête et pour
susciter l'ange ?
La foi ! La foi qu'ils ont perdue !
Quand l'homme, au cours de sa vie, quand l'homme, à l'heure de la tentation,
entendra au dedans de lui une voix impérieuse et douce lui dire : « Prends garde ! Aucune
de tes pensées n'est secrète ! Dieu te regarde (1) !
1. Le Dieu dont il est ici question est, indifféremment, celui des chrétiens celui des
spirites. Dieu est également efficace dans le cœur des Croyants, quels que soient les traits que
ceux-ci lui prêtent.

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Dieu te devine ! Il voit tout ce que tu fais! Il sait tout ce que tu penses ! Il lit en toi
comme en un livre ouvert ! — Prends garde ! Aucun de tes actes n'est indifférent ! Rien
ne se perd dans l'éternité !
Tu auras des comptes à rendre ! Respecte-toi, si tu veux que Dieu te considère !
Aime ton prochain, si tu veux être aimé de Dieu ! Fuis les joies impures et les joies
injustes, car tu les achèteras au prix de longues et cruelles souffrances ! Recherche,
accepte, au moins, les dures privations, car elles seront rachetées par de suaves félicités !
Renonce aux biens de la terre, et le Royaume des Cieux t'appartiendra. Grandis-toi
jusqu'à Dieu si tu veux approcher de Dieu ! » Quand tout homme entendra une voix lui
parler ainsi, en vérité je dis que l'humanité sera sauvée. Car cette voix tient à l'homme un
langage que sa raison comprend—et le seul que sa raison puisse comprendre ; un langage
qui touche son cœur — et le seul qui puisse toucher son cœur ; un langage qui s'empare
de sa volonté, et le seul qui puisse s'emparer de sa volonté ! A cette voix venue de Dieu, à
cette voix de la Foi, quelle voix proposez-vous de substituer ? La voix qui vient de
l'homme, la voix de la conscience ! Et vous croyez que la vertu n'y perdra rien ! Sont-
elles donc si nombreuses, les consciences qui ont une voix ? Sont-ils donc si nombreux,
les hommes qui entendent la voix de leur conscience ? Qui prennent plaisir à l'écouter ?
Qui prennent la peine de la suivre ? Il y a tant d'autres voix en eux, plus fortes et plus
douces ! Oh ! que la conscience est faible,auprès de la Foi. La Conscience dit à l'homme :
« Tu dois des comptes à toi-même ! » La Foi : « Tu dois des comptes à Dieu ! » La
Conscience dit:«Songe à ta dignité d'homme ! » La Foi : « Songe à la justice de Dieu ! »
La Conscience : « Fais ce que le devoir ordonne ! » La Foi : « Fais ce que Dieu
commande ! » La Conscience : « Crains le remords ! » La Foi : « Crains le châtiment de
Dieu! » La Conscience : « Si tu fais le bien, tu auras la joie d'avoir fait le bien ! » La Foi :
« Si tu fais le bien, Dieu t'ouvriras les portes du Ciel ! » Que l'on compare ! Quine voit
que la conscience n'aura de pouvoir que chez ceux dont la conscience est toute-puissante!
Que le devoir, ne touche que ceux qui sont déjà en état de grâce, et qu'il laisse bien froids
ceux qui n'ont pas le feu sacré ! Qui ne voit que la « religion du devoir » n'a de prise que
sur les âmes religieuses, qu'elle n'a de vertu que sur les âmes qui ont déjà de la vertu !
Vous supposez acquis ce qu'il faut obtenir ! Vous supposez établi ce qu'il faut démontrer!
Vice capital ! Votre système pèche par la base ! La « Foi laïque ! » C'est de l'art pour
l'art! c'est bon pour amateurs sublimes ! Comptez les hommes qui ont souci de vivre en
beauté ! Cela ne convient pas à la masse ! Cela ne suffit pas à la masse ! La force de la
Foi, c'est qu'elle prend l'homme par ses grandeurs et par ses faiblesses ! Elle le mène au
bien par les voies de l'amour et de la crainte. Elle enchante ses rêves et satisfait ses
intérêts. Elle lui montre la vertu comme un poème magnifique et comme une sage
spéculation. Elle se fait humble, au besoin, comme lui, pour le rendre sublime comme
elle ! Que la vertu laïque ait plus de mérite que la vertu religieuse je n'en disconviens pas!
Mais c'est justement pourquoi je prétends qu'elle est moins accessible au vulgaire. Et c'est
le vulgaire qu'il faut sauver ! Aux surhommes la Foi laïque ! Aux hommes tout court la
Foi tout court1 !...
1. D'éminents penseurs ont affirmé que la Foi est inutile. Et il est vrai qu'ils ont
pu s'en passer sans dommage. Leur tort est de juger les autres d'après eux. Les grands
hommes n'ont pas qualité pour juger sur ce point, des besoins des hommes. Ils sont
disqualifiés par leur grandeur même.

11
La foi n'est pas une condition suffisante de moralité ? — Mais c'est une condition
nécessaire! Les hommes n'iront guère mieux quand ils auront retrouvé la Foi ? — Mais
c'est qu'ils vont joliment plus mal depuis qu'ils l'ont perdue ! Coïncidence ? Ou
conséquence ! — Les élèves des écoles chrétiennes ne sont pas meilleurs que ceux de nos
écoles ? Mais c'est qu'ils n'ont pas la Foi ! Ils n'ont pas la Foi dans le cœur ! Ils ont la Foi
sur les lèvres ! Leur Foi, c'est leur catéchisme ! On n'a pas su leur enseigner la Foi ! Ah !
si nos maîtres laïques enseignaient la Foi !... Et Celui qui a dit : « Laissez venir à moi les
petits enfants », s'il revenait enseigner la foi aux petits enfants ! vous verriez, demain, ce
que seraient les Hommes !...

*
**

Pas de Bonheur sans foi ! La Foi exalte la joie des heureux. La Foi adoucit la
peine des malheureux. Les heureux s'imaginent n'avoir pas besoin d'elle. Ils disent que
rien ne leur manque. -Quelle erreur ! Il leur manque de connaître le prix de la faveur dont
ils jouissent! Il leur manque de se sentir les enfants chéris de leur Père ! Il leur manque de
lever leurs regards et d'élever leurs cœurs vers l'infinie Bonté ! Il leur manque de rendre
grâces à Dieu ! Il leur manque la piété de la gratitude, la ferveur de l'adoration, l'en-
thousiasme du bonheur ! La joie du bienfait n'est parfaite que lorsqu'elle s'achève en
reconnaissance pour le bienfaiteur. C'est la Foi qui fait la félicité.
Et elle apporte aux malheureux l'espoir, l'espoir plus nécessaire que la lumière du
jour et que le pain de la vie, l'espoir sans quoi la vie est pire que la nuit et pire que la mort
! A tous ceux qui souffrent, la foi promet les délices de la vie éternelle. Aux victimes des
hommes, elle dit :- « Patience ! Dieu effacera le mal que les hommes te font ! S'ils
t'abaissent, il t'élèvera. S'ils te blessent, il te guérira. S'ils te maudissent, il te bénira !
Courage ! Plus tu es à la peine, plus tu seras à l'honneur et à la joie ! » — Aux victimes
du destin, elle dit : « Console-toi ! La séparation n'est que momentanée. Dieu te rendra.
Celle que tu pleures ! Il te la garde ! Elle t'attend ! Tu la retrouveras plus belle et plus
suave. Grande sera votre allégresse ! — Console-toi ! La séparation n'est qu'illusoire.
Celle que tu pleures ne t'a pas quitté.. Elle veille sur toi ! elle t'assiste et t'aime ! — Sèche
tes larmes, car tes larmes l'attristent ! — Réjouis-toi! Qu'importé que tu souffres,
puisqu'elle est heureuse ! Dis merci à la mort qui l'a délivrée ! Bénis ta douleur,
puisqu'elle est la rançon de sa joie !...» Adorable miracle, qui change le martyre en béati-
tude, qui fait descendre le Ciel dans l'Enfer !...
O vous qui aimez les Hommes, qui leur voulez du bien et qui les voulez incliner
au bien, rendez, rendez la Foi aux Hommes !...
Mais s'ils n'en veulent plus ? S'ils ne peuvent plus croire ? Si la Science... — C'est
la Science elle-même qui les convertira !...

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CHAPITRE II

LA FOI ET LA SCIENCE

___________

Oui, c'est la Science qui convertira les incrédules. C'est la Science qui les
conduira à la Foi. C'est la Science qui les initiera aux deux éléments de la Foi ; la
croyance l'immortalité et la croyance en Dieu. Rien n'est plus facile à prouver — je
pourrais presque dire syllogistiquement.

1° La croyance scientifique à l'immortalité.

Si une Science existait qui démontrât : d'une part, que l'âme, pendant la vie, est
indépendante du corps, qu'elle se borne à se servir du corps, mais qu'elle peut, à
l'occasion, s'en passer et même s'en séparer ; d'autre part, que l'âme peut, après la mort,
comme elle faisait avant et par les mêmes moyens, se manifester aux vivants ; qu'elle
peut, ainsi, invisible ou visible, exercer à nouveau tous les modes de son activité in-
tellectuelle et de son activité physique défuntes, parler, écrire, agir ; qu'elle peut, en un
mot, revivre la vie des vivants ; si une science existait qui révélât ces deux catégories de
faits, cette science n'établirait-elle pas, en conséquence, et sans conteste, en premier lieu,
qu'il est probable que l'âme survit, en second lieu, qu'il est certain que l'âme survit ?
Or, cette Science existe ! Elle a fait ses preuves, fourni ses titres. Elle se
recommande — elle s'impose ! — par les résultats de ses recherches comme par la qualité
de ses chercheurs.
A. — Résultats des recherches. — Cette Science, a porté ses pas et fait de
merveilleuses découvertes dans les deux voies qui conduisent, d'une part à la
présomption, d'autre part à la certitude de la survivance humaine. Elle a démontré que
l'âme est indépendante du corps pendant la vie et que l'âme se manifeste après la mort
comme pendant la vie. Et ces deux vérités, elle les a fondées sur des faits imprenables,
grâce à quoi elle a résisté à toutes les objections.
Elle a prouvé, d'une part, que l'âme est indépendante.

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Elle a montré que «la vie mentale déborde la vie cérébrale », « qu'il doit y avoir
infiniment plus dans une conscience humaine que dans le cerveau correspondant », que le
rôle du cerveau est « de traduire en mouvements une petite partie de ce qui se passe dans
la conscience », que « le cerveau est un organe de pantomime et de pantomime »
seulement », que « tout se passe comme si le corps était simplement utilisé par l'esprit ».
Vérité que Bergson — un officiel ! — a établie sur une argumentation scientifique
irrésistible 1.

1. Voir sa conférence sur « l'âme et le corps », parue dans la Revue Foi et Vie,
numéros du 16 décembre 1912 et du l" r janvier 1913, 85, avenue d'Orléans, Paris, et
reproduite dans Le Matérialisme actuel, ouvrage de la collection Flammarion.
Elle a montré que l'âme n'a même pas toujours besoin «d'utiliser le corps»,qu'il est
des cas où elle peut se passer de ses services, qu'elle est capable, ainsi chez certains
individus, et dans certaines conditions, de recevoir des informations, d'accéder à la
Connaissance sans l'aide d'aucun des organes des sens, et, par exemple, de s'ouvrir
directement par télépathie aux impressions d'une autre âme, et de percevoir directement
par clairvoyance des événements dans l'espace — proche ou lointain — et dans le temps
— passé ou futur. Pouvoirs dont les travaux de nombreux savants de tous pays, — et, en
particulier, de la Société des Recherches psychiques anglo-américaine — ont révélé l'in-
dubitable existence 2.
2. Voir : La Suggestion mentale, d'Ochrorowicz ; Les Hallucinations télépathiques, de
Myers, Gurney, Podmore ; L'Inconnu et les problèmes psychiques, de Flammarion ; La
Personnalité humaine, de Myers ; La Survivance humaine, de l.odge, etc.
Elle a montré enfin que l'âme, — c'est son chef-d'œuvre et le triomphe de son
indépendance — est susceptible, dans certains états de l'être, d'abandonner
temporairement son corps physique et, accompagnée d'un second corps, son subtil corps
fluidique, son siège, son véhicule et son instrument, son vrai corps en un mot, qu'elle
peut, invisible ou visible, continuer à penser, à sentir, à vouloir, à agir, à revivre enfin
exactement comme elle fait, — mieux parfois qu'elle ne fait, — par le moyen et dans les
limites de son corps physique. Fait dont les observations et les expériences de certains
savants officiels et de nombreux chercheurs indépendants — les magnétiseurs en particu-
lier — (Ochorowicz, Flammarion, Varleyv Richet, Reichenbach, de Rochas, Boirac,
Darget, Durville, etc.) ont établi irrécusablement la réalité. (3) Et elle a prouvé, d'autre
part, que l'âme, escortée toujours de son corps fluidique, est capable, dans certaines
conditions, — et généralement en présence et à l'aide d'un médium, — de se manifester
aux vivants après la mort de son corps physique comme elle faisait pendant sa vie ; qu'il
lui arrive ainsi, invisible et parfois visible, en état d'éthérisation ou de matérialisation
partielle ou totale, d'aller et venir, de déplacer un meuble, d'apporter un objet, d'émettre
des sons, des lueurs, etc., comme aussi de délivrer des messages par l'organe d'un
médium, ou par l'intermédiaire d'un objet matériel, ou par ses moyens propres ; qu'elle est
capable, en un mot, de produire toutes les sortes d'actions physiques et de
communications intellectuelles qu'on a accoutumé d'observer chez les vivants, et
certaines autres même dont les vivants sont bien incapables.
3. Voir : Les apparitions matérialisées des vivants et des morts, de G. Delanne, tome I ;
«Les Fantômes des vivants «.Editions de la B. P. S., 8, rue Copernic, Paris.
Phénomènes qui ont été constatés des milliers de fois depuis plus d'un demi-
siècle dans tous les pays du monde par de nombreux savants, officiels et indépendants

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(Russel Wallace, Myers, Hodgson, Hyslop, Lodge, W. James, Crookes, Lombroso,
Aksakof, Cari du Prel, Zœllner, P. Gibier, De Rochas, G. Delanne, etc.) , comme aussi
par d'innombrables chercheurs, — les spirites en particulier, appartenant à tous les
mondes de la pensée et de l'action, magistrats, officiers, hommes d'Etat, écrivains,
etc. (Edmonds, R. Dale Owen, Florence Marryat, W. Stead, E. Nus, Vacquerie, V. Hugo,
L. Denis, A. Valabrègue, J.- G. Chaigneau, Maxwell, etc.) 4.

4. Voir : Les Miracles et le moderne spiritualisme, de II. Wallace ; Recherches sur le


spiritualisme, de W. Crookes ; La Personnalité humaine, de Myers ; La Survivance humaine,
d« Lodge, ; Animisme et Spiritisme, d'Aksakof, etc.
Et la Science qui a apporté au monde ces deux grandes révélations, qui a
démontré la réalité de l'indépendance de l'âme pendant la vie et la possibilité de ses
manifestations après la mort, cette Science s'appuie sur des faits d'une valeur et d'une
force telles qu'elle a résisté victorieusement à toutes les attaques. Celles-ci ont respecté,
sans doute, les faits de télépathie et de clairvoyance. Trop de savants officiels — « ma-
térialistes » même — les ont constatés, proclamés. On n'ose plus y toucher. Certains
même s'en sont fait une arme (la bonne aubaine ! il faudrait les inventer, ces faits, s'ils
n'existaient pas !) contre la thèse spirite. Mais les faits de dédoublement pendant la vie,
les faits d'apparition et de communication après la mort ont soulevé des objections fort
vives, se sont fait des adversaires acharnés. Il en est qui mettent en doute la réalité même
des faits. Animistes (1) et Spirites seraient les jouets de l'illusion. Supercherie, disent les
uns. Hallucinations, disent les autres. Il en est qui, — plus renseignés, mais
insuffisamment encore, — se contentent de mettre en question la vérité de l'interprétation
que les spirites donnent des faits. « Spiritisme ? Allons donc ! Dites plutôt : animisme !
1. Les animistes sont ceux qui reconnaissent et, au besoin invoquent contre les spirites
les manifestations transcendantales de l'âme humaine : télépathie, clairvoyance, dédouble-
ment, etc.
Les manifestations des morts sont le fait des vivants, médium ou témoins. Les
phénomènes intellectuels ? Voyez suggestion, auto-suggestion ! Les phénomènes
physiques ? Voyez magnétisme ! Les matérialisations en particulier ? Voyez
dédoublement, voyez idéoplastie ! »
A toutes les objections, forte des seuls faits, la nouvelle Science a réponse,
décisivement.
« Fraude ? » dit-elle. » Parfois, oui. Pas toujours ! Le plus souvent, non ! Lisez les
comptes rendus des expérimentateurs. Considérez les conditions, considérez les résultats
de certaines, de nombreuses expériences. Remarquez le contrôle exercé avant la séance,
les garanties qu'offre le médium, le local, l'assistance. Le médium ? On l'a fouillé de fond
en comble. On lui a changé ses habits. Pas de masque pas de mousseline, pas de ficelle !
Rien dans les mains, rien dans les poches ni ailleurs. Voyez-le relégué dans un coin,
enfermé dans sa cage, ligoté dans son sac, relié au galvanomètre. Le local ? C'est celui de
l'opérateur, un savant, un sceptique. On a fermé, on a scellé les portes, les fenêtres. Pas de
trappe ! L'assistance ? Des parents, des amis intimes, curieux et défiants. Pas de
compères! — Remarquez maintenant le contrôle exercé pendant les séances, la
surveillance braquée vers le médium, les yeux qui ne le perdent pas de vue pendant la
séance, en plein jour, les brusques éclairs de lumière destinés à le surprendre au cours des
séances obscures, l'examen constant du galvanomètre chargé de l'épier, etc. —
Remarquez enfin le contrôle exercé après la séance, l'inspection finale du local, du

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médium, des scellés apposés à l'un, des liens imposés à l'autre, etc... Et dites si de telles
conditions permettent l'intervention de la fraude ! — Et examinez, d'autre part, les
phénomènes obtenus, dans ces conditions, en présence de certains opérateurs,
Crookes, Lombroso, Aksakof, etc., lévitation d'objets ou de personnes, apparitions de
mains se produisant en pleine lumière du jour ou en pleine lumière du gaz ;
matérialisations et dématérialisations totales et à vue de formes humaines en présence
de nombreux témoins ; apparition identifiée par un ami présent qui, tout de suite, la
reconnaît, l'embrasse, s'entretient du passé avec elle, etc., etc. Et dites, dites si la fraude
— fût-elle possible ! — est capable de produire de tels résultats (1) !
1. Il y a belle lurette que la question de la fraude ne se pose plus dans l'esprit des gens
informés, et il serait affligeant s'il n'était plutôt plaisant, de la voir posée publiquement, d'une
façon générale, de nos jours encore par tel prestidigitateur sans science dans tel quotidien sans
conscience. « De toutes les explications imaginables, celles qui n'invoquerait que l'imposture et
la supercherie serait, sans contredit, la plus extraordinaire et la moins vraisemblable... Je le
répète, dès qu'on a pris pied dans cette étude, les soupçons se dissipent sans laisser de tracas...»
(MAETERUNCK, La Mont, p. 88-89.)
« Une bonne fois pour toutes, qu'on informe avant de juger !
« Hallucination ? A priori, ce n'est pas impossible. Mais... Voyez-vous bien une
assistance de huit, dix, douze personnes et plus, hallucinée collectivement, subitement,
totalement, identiquement ?... Et cette anomalie se reproduisant immanquablement toutes
les fois que des gens s'assemblent pour observer un phénomène psychique ? Et le
témoignage des plaques photographiques, des empreintes, des moulages, obtenus dans les
conditions de contrôle les plus irrécusables, qu'en faites-vous (1) ?
1. L'accusation de truquage, en particulier, qu'on porte contre toutes les expériences
de photographie ou de moulage spirites — sans en excepter aucune — est absolument fausse et
injuste ! Il y en a de truquées. Il y en a d'authentiques. Il faut qu'on le sache ! On en trouvera
la preuve dans Animisme et spiritisme. d'Aksakof, et dans Les apparitions matérialisées des
vivants et des morts, de G. Delanne. Qu'on lise ! Qu'on lise! C'est le mot qu'il convient et qu'il
ne faut pas se lasser de répéter. Et c'est le mot qu'on refuse d'entendre ! «   C'est leur droit (de
n'avoir que « mépris et pitié », pourvu qu'ils aient lu avec conscience ce livre et les autres
comptes rendus. Ils ne le font ordinairement pas, et nous sommes excusables de ne pas faire
grand cas de l'opinion de gens qui sont mal informés. » Lodge. « La survivance humaine. »
« Allons, allons, qu'on s'informe ! »
Ainsi dit la nouvelle Science, et voilà établie la réalité des faits !
Et, soucieuse de défendre aussi l'explication qu'elle en donne, la nouvelle Science
poursuit :
« Magnétisme, les phénomènes physiques ? Assez souvent, oui ! Mais, souvent
aussi, ils sont d'une telle puissance ou d'une qualité telle que la seule « force odique »,
que la seule énergie fluidique du médium est bien incapable de les produire. Un
déplacement d'objet, une lévitation de personne pesant plus de 100 kilogrammes, un
apport de fleurs, etc., peuvent-ils être le résultat de l'action magnétique du médium ? Que
son fluide aide à la production du phénomène, soit ! Mais qu'il en soit l'unique auteur,
non, non ! Et quand on voit, quand on touche l'auteur du phénomène, quand on voit ou
qu'on touche la main qui déplace un objet, qui apporte des fleurs, etc... ? Et quand le
phénomène physique s'accompagne d'une manifestation intellectuelle ? Quand les « raps,
» quand les mouvements de la table, etc., produisent un message ? Oui, je sais, il se peut
— et il arrive — que la « personnalité seconde » du médium emploie et dirige
mystérieusement sa force fluidique et en tire ainsi des effets intelligents. Mais quand le

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message obtenu par un moyen physique est d'une teneur, d'une forme telle qu'il est
absolument impossible qu'il émane du médium ? (on en trouvera plus loin
quelques .exemples»). N'y a-t-il pas, en ce cas, collaboration d'une pensée et d'un fluide
extérieurs au médium? Et ce cas est loin d'être rare !
« Encore une fois, qu'on s'informe !
« Dédoublement, les apparitions matérialisées ? Oui, parfois. Mais quand la même
apparition se manifeste, identique à elle-même, en présence de médiums différents ?
Quand plusieurs apparitions différentes se manifestent en même temps en présence d'un
même médium ? Quand l'apparition est totalement dissemblable en ses traits physiques et
mentaux, du médium ? Quand l'apparition est absolument semblable en ses traits
physiques et mentaux à l'ami défunt d'un témoin ?
« Qu'on s'informe ! Qu'on s'informe ! « Idéoplastie, alors, projection
matérialisée d'une image mentale ? Cela arrive. Mais je répète : un médium est-il capable
de créer ainsi, artificiellement, trois, quatre, cinq apparitions A la fois ? Se peut-il que
des médiums qui ne se connaissent pas forment exactement la même image, une image
aussi complexe et mouvante qu'une personnalité humaine ? Et puis, voyons ! voyons !
Une création factice qui marche, qui respire, qui parle, qui écrit, qui me connaît, qui
m'entretient de notre passé commun, qui a le visage, la voix, les gestes, l'écriture, l'âme
de mon ami décédé, que le médium, note"z bien, ne connaît pas ; une création factice
qui vit, dans l'ensemble, comme vous et moi, et qui, plus spécialement encore, ressuscite
à la perfection la vie inimitable d'un mort, — d'un mort, je le répète, que le médium n'a
pas connu, — non ! non ! convenez que c'est un peu trop fort (1) !
(1) Voir les apparitions matérialisées des vivants et des morts, de G. Delanne.
« De grâce, de grâce, qu'on s'informe !.,. « Suggestion, enfin, ou auto-suggestion,
les communications intellectuelles ? Souvent, oui ! Mais, souvent aussi, non ! Considérez
le fond de certains messages, les développements improvisés, car ils sont, souvent, la
réponse immédiate à une question posée ex-abrupto, de spéculations abstraites,
littéraires, philosophiques, scientifiques, considérablement au-dessus de l'intelligence
du médium, et parfois des témoins ; les déclarations de faits reconnus exacts après
vérifications, totalement en dehors de la connaissance du médium et des témoins, et dont,
souvent, le communicant lui-même n'avait pas connaissance pendant sa vie, «et qui ne
peuvent avoir été appris par lui qu'après sa mort » (Myers), et dites si le médium est
capable de tirer de sa conscience ou de sa subconscience des notions ou des faits qui n'y
existent pas, et si les témoins sont capables de transmettre au médium des notions ou des
faits qu'ils ne trouvent pas davantage dans leur conscience ou dans leur subsconscience ?
— Considérez aussi la forme de certains messages : les uns reproduisant à la lettre le
style et l'écriture du décédé (le médium étant dans l'impossibilité absolue d'avoir pu se
procurer un de ses autographes) ; les autres délivrés en une langue que le médium ignore :
langue étrangère (tel médium, la fille du grand juge Edmonds, écrivant jusqu'à dix
langues qu'elle ne connaît pas), langage des sourds-muets, langage télégraphique, —
Considérez encore l'instrument de certains messages : les communications obtenues par
la main d'illettrés qui, normalement, ne savent pas écrire, et de nourrissons qui,
normalement, ne peuvent pas écrire. — Considérez enfin les circonstances physiques qui
accompagnent certains messages, et qu'il arrive que l'auteur de la communication est vu,
non seulement dans certains cas, par un médium, voyant, mais, dans d'autres cas, quand il

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est matérialisé en partie ou cri totalité, par tous les assistants. Et dites, dites, enfin, si
l'auto-suggestion et la suggestion sont capables de produire de pareils miracles (1) ! »
1. Voir Animisme et spiritisme, d'Aksakof; La Survivance humaine, de Lodge ;
Recherches sur la médiumnité, de G. Delanne (Editions de la B. P. S., 8 rue Copernic. Paris.
« Qu'on s'informe ! Qu'on s'informe ! Qu'on s'informe ! »
Ainsi parle la nouvelle Science ! Et c'est ainsi que toutes les vagues successives
des objections se sont brisées tour à tour, et toujours se briseront, poussière vaine, au roc
des faits, et que la nouvelle Science a triomphé de ses adversaires, uniquement parce
qu'elle sait et qu'ils ne savent pas !
B. — Qualité des chercheurs. — Et les résultats de ses recherches tirent un
surcroît de prestige de la qualité de ses chercheurs. On trouve parmi eux quelques-uns des
représentants les plus éminents de la science et de la philosophie. Une science
qu'illustrent les noms de Lombroso, de Zôllner, de Myers, deW. James, de Lodge, de
Wallace, de Crookes, etc., ne peut-elle, même à priori, inspirer confiance ? Et si l'on
songe, d'autre part, que ces savants, ces penseurs, ont abordé cet ordre de recherches non
seulement sans complaisance, mais — tous — dans une disposition d'incrédulité et de
scepticisme, et certains — dans un esprit de défiance, voire d'hostilité ; si l'on songe que,
néanmoins, ces recherches leur ont paru, tout de suite, assez dignes d'intérêt et de
considération pour qu'ils en vinssent à leur consacrer toute une partie de leur existence,
dix, vingt, trente ans ; si l'on songe que tous furent vaincus d'abord, ensuite convaincus
par les faits, contraints d'abord d'en accepter la réalité, puis, après un temps d'arrêt plus
ou moins long — parfois considérable — à l'explication animique 1, obligés enfin, par la
force des choses et la pression des faits, d'accepter l'explication spirite 2 ; si l'on songe
enfin à la fermeté sereine de leur conviction, à la netteté courageuse de leurs déclarations
(on n'aurait, pour les citer, que l'embarras du choix) ; si l'on considère toutes ces
circonstances personnelles relatives à la conversion de ces hommes de génie et de
vaillance, n'inclinera-t-on pas à passer de la confiance que leur nom inspire à l'adhésion à
la cause qu'ils servent ? Si la nouvelle Science vaut, d'abord, évidemment, par
l'importance de ses découvertes, l'importance de ses découvertes ne se rehausse-t-elle pas
du prestige éminent de ses chercheurs ?
1. A laquelle ils rendirent d'ailleurs un très grand service, introduisant de la sorte dans
la science, et accréditant par suite auprès du public les faits de télépathie, de clairvoyance, de
magnétisme, de dédoublement, etc.
.2. Suggestive, en particulier, l'évolution du célèbre Hodgson, d'abord tombeur de
médiums et démolisseur de spirites, puis animiste obstiné, enfin spirite convaincu, qui, après
dix ans de recherches, au cours desquelles M" e Piper lui avait fourni cependant des preuves de
médiumnité merveilleuses, refusait encore, d'adhérer catégoriquement à la thèse spirite, et se
vit enfin contraint d'y venir, nettement et loyalement, la treizième année ! Voir Recherches sur
la médiumnité, de G. Delanne, p. 355 et suivantes.
Ainsi se sont révélées au monde avec éclat les deux vérités les plus importantes
peut-être que le monde ait vu luire encore. L'animisme a montré que l'âme est
indépendante du corps. Le spiritisme a montré que les morts peuvent se manifester aux
vivants.
Donc, enfin (qu'on veuille bien se souvenir de mes prémisses), il s'avère que l'âme
survit à la mort du corps. C'est probable, sous-entend l'animisme. C'est certain, affirme le
spiritisme.

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Puisque l'âme, dit le premier, peut, pendant la vie, vivre sans le corps, qu'est-ce
qui pourrait bien l'empêcher de vivre sans le corps après la mort ? Puisque l'âme, dit le
second, manifeste, après la mort, une vie véritable, c'est donc, évidemment, que l'âme ne
cesse pas de vivre après la mort. Ecoutez Bergson, un animiste — timoré, pourtant ! — :
« Si la vie mentale déborde la vie cérébrale, alors la survivance devient si probable que
l'obligation de la preuve incombera à celui qui nie bien plutôt qu'à celui qui affirme »
(conférence citée). Ecoutez Hodgson — un spirite : « Je crois (à « l'existence après la
mort »). La démonstration m'a été faite de façon à m'ôter même la possibilité d'un doute.
La survivance humaine est donc un fait, un fait d'observation et d'expérimentation,
un fait de science. Et ainsi, comme je l'annonçais d'abord, la croyance à l'immortalité (1)
— premier élément de la Foi — est véritablement une certitude de science.
1. Evidemment qui dit « survivance » ne dit pas proprement « immortalité. » La
survivance se prouve. L'immortalité ne se prouve pas, du moins par le fait. Mais qui, croyant à
la survivance, pourrait douter de l'immortalité ?

2° La croyance scientifique en Dieu.

En peut-on dire autant du second élément de la Foi, de-la croyance en Dieu ? Oui?
Oui, dans une large mesure, quoique dans un sens un peu différent.
Si la nouvelle Science, sur la foi des Esprits, dont elle a démontré l'existence
certaine dans l'autre monde, et la manifestation possible dans notre monde ; si la nouvelle
Science, éclairée à la fois des lumières de deux mondes, enseignait que la Loi de
l'Evolution, — dont nous n'avons sur terre qu'une connaissance partielle, susceptible de
nous égarer à des conclusions erronées et amères — est une loi de justice parfaite, dont le
bienfait assure aux destinées humaines, en dépit — et en réparation — des misères
terrestres, un développement infaillible, progressif, indéfini, de puissance, de vertu et de
bonheur ; si la nouvelle Science, par la voix des Esprits, apportait aux hommes une telle
révélation, ne prouverait-elle pas — indirectement sans doute, et par voie de
conséquence, mais avec, néanmoins, quelle force d'évidence ! — qu'il se trouve au centre
de l'Univers un Principe souverain d'intelligence et de sentiment, un Cerveau et un Cœur
infinis, d'un mot, un Dieu ?
Or, telle est justement la révélation que la nouvelle Science apporte aux hommes.
Elle nous a fait connaître les conditions de vie des habitants de l'Au-delà. Elle nous a fait
connaître les lois qui président à leurs destinées ultra-terrestres : loi de conservation, en
vertu de la-. quelle ils gardent tous les traits essentiels et caractéristiques de leur identité
intellectuelle, sentimentale, morale, même physique : leur forme, leur caractère, leurs
affections, leurs idées ; loi d'action et de réaction en vertu de laquelle ils sont heureux ou
malheureux dans la mesure du bien ou du mal qu'ils ont fait, et de la sorte de bien ou de
mal qu'ils ont fait ; loi d'évolution, c'est-à-dire à la fois de progrès et de progression, en
vertu de laquelle ils sont promis sûrement à des destinées de plus en plus élevées, sous la
réserve qu'ils n'y accèdent que graduellement ; loi d'adaptation, en vertu de laquelle ils se
transportent, ou plutôt sont attirés successivement vers les régions de l'espace ou les
modes d'existence que leur assignent leurs mérites, leur corps fluidique (dont la densité
varie selon la qualité de l'âme qui l'anime) répondant automatiquement et nécessairement
à l'appel des forces magnétiques du plan spirituel — et de celui-là seulement — qui cor-
respond à sa substance : admirables règles de pédagogie cosmique, si l'on peut ainsi dire,

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dont le système des « sanctions naturelles » de Rousseau et de Spencer est une
application puérile, mais un exemple suggestif ; lois d'impeccable harmonie et d'équité
idéale, combien supérieures aux lois humaines ! — qui expliquent et réparent
l'incohérence et l'injustice — apparentes, mais flagrantes — des destinées terrestres. Vue
d'en bas, une brève vie d'homme, que la mort tranche, offre un spectacle déconcertant et
désolant ; vue d'en haut, l'immense vie humaine, que la mort libère, est un chef-d'œuvre
de logique et de justice, merveilleusement propre à enchanter la raison et le cœur des
hommes (1).
1. Voir Le livre des Esprits, d'Allan Kardec et Après ta Mort, de Léon Denis (Editions
de la B. P. S.).
Telles sont les sublimes vérités que la nouvelle Science a recueillies de la bouche
des Immortels. On dira peut-être que s'il lui est possible de prouver que les morts vivent,
il est impossible à elle de montrer comment ils vivent ; que, si c'est elle, sans doute, qui a
découvert l'existence des Esprits, ce sont les Esprits eux-mêmes qui nous ont découvert
leur mode d'existence, et qu'ainsi nos connaissances sur la vie d'outre-tombe ne sont pas,
à proprement parler le produit de la science, mais le produit de la révélation ; et qu'en
dernière analyse enfin, si l'on est bien obligé de croire aux informations de la science (et
encore !), il est permis de douter des informations des Esprits, d'autant plus légitimement
d'ailleurs qu'elles nous parviennent par la voie des médiums et qu'ils s'y glisse ainsi une
nouvelle chance d'imposture ou d'erreur. Je conviens volontiers qu'une révélation
n'a pas la valeur probante d'un fait, que les relations invérifiables des habitants de l'autre
monde n'ont pas la même vertu persuasive que les expériences positives des savants
de notre monde, que la Révélation, en un mot, étant objet de Foi, semble n'être pas — et,
à vrai dire — n'est pas rigoureusement matière de science. Mais je ferai observer qu'il
y a révélation et révélation — celle des différents cultes et celle des spirites, l'une qui
prétend venir d'un Dieu, être hypothétique, inaccessible à la science humaine, l'autre qui
vient effectivement des Esprits, êtres réels dont la nouvelle science a démontré
l'existence et la manifestation. La première n'est qu'affaire de Foi. Est-il abusif de
penser que la seconde est, en même temps et presque au même titre, affaire de Foi et de
Science ? Je sais aussi que, borné là, mon raisonnement serait spécieux, et n'aboutirait à
rien moins qu'à exiger créance pour tous les rapports des Esprits, pour toutes les
communications des médiums, sous prétexte qu'on ne peut plus mettre en doute
l'existence des uns et des autres. Mais si j'ajoute que la Révélation spirite est le produit
de communications identiques 1 obtenues sur tous les points du globe depuis
bientôt trois quarts de siècle (les Esprits se seraient-ils donné le mot pour induire en
erreur — à quelle fin ? — les hommes ?) par d'innombrables médiums de mentalités
extrêmement diverses ; que certains d'entre eux avaient fait, par ailleurs, et
merveilleusement, leurs preuves, comptant parmi les plus grands médiums qui aient
existé, que nombre d'entre eux étaient absolument étrangers, et d'autres, même,
absolument hostiles d'abord aux enseignements que transmettaient leurs messages, n'en
ayant jamais entendu parler ou n'en voulant pas entendre parler — ce qui les mettait à
l'abri de l'auto-suggestion et de la suggestion — ne pensera-t-on pas que, dans ces
conditions d'unanimité et d'authenticité, la révélation spirite, bien qu'elle soit, de sa
nature, invérifiable scientifiquement, a presque autant de chances de véracité que les
communications médianimiques les mieux établies, et qu'elle relève donc, au même titre
que celles-là, de la nouvelle Science, qu'elle est, enfin, comme elles, affaire de science ?
Et ne pensera-t-on pas que j'avais raison d'annoncer d'abord que c'est la Science — la

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Science spiritualiste — qui a démontré l'harmonie de la destinée des hommes, comme
c'était la Science déjà, — la Science matérialiste — qui avait démontré l'harmonie de la
vie des choses et des mondes, du brin d'herbe à l'étoile, de l'infiniment petit à l'infiniment
grand ?
1. Seule, la question de la « Réincarnation » semble avoir divisé les Esprits, les uns
enseignant qu'elle existe, les autres qu'elle n'existe pas ; mais cette divergence de leurs vues
sur ce point spécial ne rompt pas l'unité de leur doctrine au sujet des lois générales de
l'évolution humaine.
Et n'ai-je pas, enfin, le droit de dire (qu'on veuille bien ici, encore, se rappeler mes
prémisses) :
Donc, c'est la Science qui prouve Dieu ? Ce Dieu que le tableau des misères
terrestres dérobe aux regards douloureux des hommes à courte vue ; ce Dieu que le
spectacle des merveilles cosmiques révèle cependant à l'intuition ravie des hommes au
sens profond, la nouvelle Science l'atteste irrésistiblement, en découvrant aux yeux
de tous — de tous ceux du moins qui ne se ferment pas volontairement les yeux — que
l'harmonie qui préside aux évolutions des mondes préside aussi, malgré les apparences, à
l'évolution des hommes : harmonie qui ne peut être que l'expression d'une pensée
suprême et d'un suprême Amour (1). « Un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup de
science y ramène, » Oui, des hauteurs où la nouvelle science nous élève, des sublimes
sommets de l'Immortalité. Dieu se voit mieux (2). Et ainsi, si Dieu n'est pas, comme la
survivance, objet d'observation et d'expérimentation scientifique, il n'en est pas moins
objet d'induction scientifique ; et la croyance en Dieu — le deuxième élément de la Foi
— pour n'être pas, comme la croyance en l'immortalité, une certitude de la science, n'en
est pas moins, à proprement parler, une suggestion de la science (3).
1. Voir l'œuvre, de part et d'autre sublime, d'Allan Kardec et de Léon Denis.
2. Aussi les Esprits — mieux placés que les Hommes pour en .juger — sont-ils à
peu près unanimes à proclamer l'existence de Dieu. Ce trait de leur Révélation est bien
aussi à considérer !
3. Il est évident, néanmoins, que si la Science nous suggère que Dieu doit être,
elle est bien incapable de nous faire entrevoir comment il est. Mais la question n'est-elle
pas secondaire ! Et ne savons-nous pas que l'électricité existe, bien que nous ignorions
encore ce qu'elle est ?

3° Conclusion.

Et c'est ainsi que la science, dans son dernier progrès, mène l'homme à la Foi, aux
deux cimes consécutives de la Foi. Concours providentiel ! En un temps où, plus que
jamais, la Foi était nécessaire à l'Homme, privé, faute d'elle, de sa vertu et de sa joie, et
où, d'autre part, elle était plus que jamais impossible à l'homme, incapable de croire
désormais sans preuves ; en un temps de matérialisme amoral et mélancolique, de
positivisme athée et tyrannique ; en un temps où il n'y avait que la Foi qui pût sauver
l'homme et où il n'y avait que la Science qui pût sauver la Foi, voilà que les découvertes
de la Science sont venues rendre la vie à la Foi, et que les hommes ont pu retrouver le
bienfait de la Foi ! Oh ! la divine Sagesse, qui a suscité la Révélation des Esprits juste au
moment où la Foi fléchissait et où en même temps la science se préparait à démontrer
l'existence des Esprits, partant à sanctionner leur révélation ; juste au moment, en d'autres

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termes, où la Foi devenait indispensable, et où, impossible encore la veille, elle allait
devenir possible !
La Science d'hier avait aidé, par ses lacunes et ses sophismes, a tuer la Foi. Bénie
soit la Science nouvelle qui l'a ressuscitée !...
Mais la plupart des hommes ignorent ce miracle ? Hélas !... Aussi faut-il que
demain le sache! Il faut que, dès demain, l'Ecole en soit saisie ! Il faut que, dès demain, la
Science nouvelle et la Foi nouvelle règnent à l'Ecole.

CHAPITRE II

LA FOI ET L'ÉCOLE

___________

Il faut que la Foi nouvelle pénètre dans l'Ecole.


Pourquoi ? Comment ? Quand ?
Autant de questions qu'il convient d'examiner et au sujet desquelles je me propose
d'émettre, si l'on veut bien, quelques réflexions.

1° Pourquoi ?

Il importe que la Foi nouvelle pénètre dans l'Ecole, d'abord parce que l'enfant a
particulièrement besoin de la recevoir, et est, en même temps, particulièrement apte à la
recevoir et à la conserver — et aussi parce que l'Ecole est un foyer particulièrement
propre à la diffusion et à la communication de la Foi nouvelle.
Si la Foi est nécessaire à l'homme, si, comme nous l'avons vu, elle est nécessaire à
sa vertu et nécessaire à son bonheur, on ne saurait lui en assurer trop tôt le bénéfice, car il
est bon qu'il la possède avant la Tentation, et qu'il la possède avant le Malheur, car elle le
retiendra peut-être de tomber ou rendra sa chute moins grave, car elle l'empêchera peut-
être de souffrir ou rendra sa souffrance moins vive. N'est-ce pas une mesure de sagesse
élémentaire de n'attendre pas que l'ennemi soit aux portes pour mettre la place en état de
défense ? Saris compter que l'homme est d'autant plus fort contre les séductions ou les
disgrâces du destin qu'il est depuis plus longtemps sous l'égide de la Foi : car la Foi est
une armure qui se trempe en vieillissant ! Quand déjà, on la porte, enfant, on est, homme,
à l'abri de l'épreuve.
Et, en attendant d'être à l'abri des épreuves d'homme, on est à l'abri des épreuves
d'enfant. Comme sur l'homme, plus peut-être que sur l'homme, la Foi exerce ses bienfaits
sur l'enfant, sur sa vertu et son bonheur d'enfant. La Foi préserve l'enfant du mal. Elle
monte la garde au seuil de son âme innocente et tient en respect les vices — et Dieu sait

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s'il y en a ! — qui rôdent autour des enfants. Il reste candide, l'enfant qui a la Foi. Il n'a
pas de goût à faire le mal, et, s'il le fait, c'est sans malice ; il n'a pas de goût à faire du
mal, et il n'en fait qu'à son insu. — La Foi incline l'enfant au bien. Elle ouvre son âme à
l'humilité et son cœur à l'amour. Il est bon, l'enfant qui a la Foi. Il donne et se donne avec
joie. — C'est la Foi qui conserve à l'enfant son charme, le charme qu'il tient de la nature.
C'est elle qui fait qu'il reste « si beau. » Sans elle, avec le temps, son âme ne manquerait
pas de se ternir, de se flétrir, de se souiller. Tant d'enfants laidissent — corps et âme —
en grandissant I La Foi le maintient en état de grâce, et lui garde, «n dépit des ans, «son
doux sourire. » Elle lui est, en même temps qu'un bouclier, une parure !
Et la Foi seule peut ce miracle ! Tous les mobiles que la nature prévoyante a
déposés dans une âme d'enfant, et qu'exploité avec art la pédagogie des parents et des
maîtres, tous les mobiles qui sont susceptibles d'inciter l'enfant au bien, de l'éloigner du
mal, tous les mobiles sont vains auprès de la Foi, sont insuffisants sans la Foi. L'enfant
que l'appât d'une récompense ou la crainte d'une punition ne retient pas de faire le mal
dès qu'il se croit seul, s'en abstiendra peut-être au moment de le faire s'il pense tout à
coup que Dieu le regarde. L'enfant qui, pour être agréable à son père ou à son maître, se
dispose à faire le bien, aura plus de chances encore de l'accomplir jusqu'au bout s'il sait
qu'il fera plaisir en outre à sa bonne grand-mère, qui veille sur lui, dans l'autre monde. Il
est vrai que la Foi ne sauve pas l'enfant de toutes les défaillances. Mais, où elle échoue,
nul recours ne saurait réussir, et il n'est pas de vraie victoire sans elle (1). Chez l'enfant
surtout. L'homme, à la rigueur, peut se défendre seul, s'il a, moralement, de l'œil et de la
poigne. L'enfant a besoin du secours de la Foi, car il a la vue courte et la volonté faible.
Sa vertu ne saurait avoir trop d'appuis, et la Foi est le plus sûr de tous.
1. Je dis do vraie victoire. L'enfant qui fait son devoir par intérêt ou par peur ne fait
pas l'ombre d'un pas dans la voie du bien. Il recule plutôt. C'est défaite plus que victoire. Car
l'acte ne vaut pas par sa figure, mais par son âme I L'intérêt, la peur avilit Tact» bon ! La Foi
le consacre et le sanctifie !...
Et la Foi ne l'aidera-t-elle pas, d'autre part, à supporter les misères de sa jeune
existence ? Les enfants ont de poignants chagrins et des tristesses touchantes. La vie,
déjà, blesse plus d'une fois leur âme tendre. Il en est pour qui elle a des rigueurs de
marâtre, leur refusant le pain quotidien et la tiédeur d'un foyer. D'autres, qui sont
aujourd'hui heureux comme des anges, ne retrouveront pas, demain, à leur réveil, le
sourire et la caresse de leur mère, qu'ils aiment tant N A tous, on dirait, à certaines
heures, qu'il manque quelque chose. Dans le rêve vague de leurs yeux grands ouverts
passent de mystérieuses mélancolies, venues on ne sait d'où... Obscur ressentiment
d'existences antérieures, dont la dernière étend encore son ombre sur eux ? ... Regret
inconscient d'un paradis perdu, qu'ils viennent de quitter à peine ?... Sourde appréhension
des vies à venir, au seuil d'une nouvelle vie ?...
Sans doute, les larmes d'un enfant ne durent pas plus qu'une pluie d'orage. Mais,
pendant tout le temps qu'elles durent, quel ravage dans la petite âme !
La Foi est merveilleusement propre à prévenir ou apaiser cette tempête. Au petit
orphelin, elle dit que sa mère, dans l'autre monde, continue à veiller sur lui, et qu'il la voit
souvent en rêve, s'il ne la voit plus au réveil : et l'enfant sent qu'il n'est plus seul, et sourit
à sa mère invisible. Au petit meurt-de-faim, elle dit que des biens abondants se préparent
pour lui dans les granges du Seigneur, et que son dénuement n'en est que la rançon d'un
jour ; et l'enfant ne sent plus qu'il a le ventre vide, et sourit aux célestes moissons.

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Et qu'on ne dise pas que j'idéalise l'enfant, et qu'il est, en réalité, moins
compréhensif et plus positif que je ne semble croire. Je sais qu'il a parfois des chagrins
têtus et des aspirations inférieures. Mais je sais aussi que la faute en est moins à lui-même
qu'à ses éducateurs. L'enfant est généralement ce que le font les parents et les maîtres. Il
apporte, en naissant, le sens de l'idéal. Mais encore faut-il qu'on le cultive. La famille et
l'école y manquent trop souvent. S'il est borné, c'est parce qu'on a pas élargi son horizon.
Il n'est terre-à-terre que parce qu'on a négligé de lui montrer le Ciel. Entretenez dans
l'enfant, dès son plus jeune âge, le sens du divin, et vous verrez que les promesses de la
Foi, et que les consolations de la Foi, ne sont pas lettre morte à l'enfant malheureux.
Et quand la Vertu et le Bonheur entrent dans une âme d'enfant, sous les auspices
de la Foi, ce ne sont pas des hôtes de passage ! Ils se plaisent dans la demeure, la font leur
et y restent : Et le mal peut frapper à la porte : la Vertu n'ouvre pas ! Et l'Infortune peut
s'abattre sur la maison : le Bonheur ne succombe pas ! Heureux l'homme qui a connu la
Foi quand il était enfant !...
Et il se trouve, providentiellement, que, en même temps qu'elle leur est
particulièrement bienfaisante, avant qu'ils soient des hommes — et afin qu'ils soient des
hommes — elle leur est particulièrement accessible alors qu'ils sont encore enfants, et ils
ne s'y tiennent jamais tant que lorsqu'ils y sont venus enfants.
Qu'on n'allègue pas que l'enfant est trop jeune pour recevoir la Foi, qu'il est
incapable de concevoir le monde invisible et, surtout, de concevoir Dieu. L'Eglise, —
psychologue avisé s'il en fût ! — sait bien que non, qui tente de gagner l'enfant dès son
plus jeune âge !
Non, l'enfant n'est pas incapable de concevoir le monde invisible, et qu'il se peut
que des êtres vivent auprès de nous, bien que nos sens ne soient pas avertis de leur
présence. Il en est moins incapable peut-être que l'homme, étant plus poète que lui ! Son
imagination se prête merveilleusement à l'évocation de l'Invisible, car elle est
éminemment créatrice. Qui ne sait que l'enfant mène une existence double, qu'il vit dans
un monde imaginaire, en même temps que dans le monde réel, avec plus d'intensité sou-
vent que dans le monde réel ? Voyez-le dans ses jeux. Il conduit, général, une armée de
songe au combat. Instituteur, il fait la classe à d'invisibles élèves. Il aboie, le collier au
cou, à des passants imaginaires (ainsi Pour, le petit héros des frères Margueritte). Il
écoute, l'oreille au sol, les pas de l'Indien qui approche... Et tant que dure le jeu,
l'illusion dure : ces personnages fictifs sont, à ses yeux, aussi réels et vivants
que lui-même. S'il peut, avec une telle aisance, évoquer des Invisibles qui n'existent
que dans sa fantaisie, lui faudra-t-il un grand effort pour évoquer des Invisibles qui
existent en réalité, et dont on lui certifie et dont on lui démontre l'existence ? Lui faudra-
t-il un grand effort pour y croire ? Un grand effort pour se les représenter ? Perdrait-il
tout d'un coup sa magie* en passant du monde prestigieux de la fiction au monde
merveilleux de la Vie, de la Survie ? En vérité, l'enfant est tout préparé à entrer, en
pensée, dans le monde invisible !...
Et il y rentre d'ailleurs plus d'une fois, sans le savoir, et sans qu'on s'en doute !
Voyez-le dans ses rêves, ses rêves éveillés. Il est « dans la lune », dites-vous. Et vous ne
savez pas que c'est bien possible, et qu'il est peut-être, en tout cas, dans l'Espace, où il
était hier. Il « sourit aux anges », dites-vous encore. Et peut-être ne croyez-vous pas si
bien dire ! Oui, il se peut qu'il sourie à l'image qu'il a conservée de son céleste séjour :
image qui n'est visible qu'à ses yeux d'enfant, et qu'un jour, ses yeux d'hommes ne verront

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plus !... Il n'est pas rare qu'il ait des visions, qu'il entende des voix, comme en rêve. C'est
à peine s'il est incarné. Et il ne concevrait pas le monde invisible, lui qui le quitte à peine
et qui y tient encore !...
Qu'il soit incapable, d'autre .part, de concevoir Dieu, je l'accorde ! Mais l'homme
en est-il capable ? L'homme de génie même ? Et, parce qu'il est bien éloigné de le
pouvoir connaître, s'interdit-il de l'adorer, et n'est-il pas capable de le sentir, voire de le
comprendre ? Qu'importé même qu'il s'en fasse une représentation puérile, — qui,
d'ailleurs, se corrigera d'elle-même, avec le progrès de l'âge ? — Qu'importe, s'il peut le
comprendre en sa raison, s'il peut le sentir en son cœur, s'il peut l'adorer en son âme ?...
Or, l'enfant est capable de le comprendre, si on lui montre l'œuvre de Dieu et que la
création suppose un créateur. Et l'enfant est capable de le sentir, si on lui découvre le
bienfait de Dieu, et la souveraine justice et l'infinie bonté qui président à l'évolution des
destinées immortelles de l'homme. Et l'enfant est capable de l'adorer, si on lui montre la
perfection de Dieu, et que nul objet au monde n'en saurait donner la moindre idée.
L'enfant est capable, non seulement d'adorer et de sentir, mais de comprendre plus de
choses qu'on ne croit communément, si on a le souci et le talent de les évoquer à son âme,
de les suggérer à son cœur et de les expliquer à sa raison. Et Dieu, — l'Inconnaissable —
ne lui est pas plus inaccessible qu'à l'homme !
Et ne pensera-t-on pas, au contraire, que Dieu trouve dans l'âme de l'enfant un
certain nombre de tendances — propres à l'enfant et qu'il ne rencontrera plus chez
l'homme — qui ne demandent qu'à le servir, si l'on connaît l'enfant, ses dons
exceptionnels de réceptivité intellectuelle, de spontanéité sentimentale et de crédulité
morale ? Toute notion pénètre en son esprit avide. Toute émotion jaillit en son cœur ar-
dent. Toute foi s'imprime en son âme vierge.
Il a l'âge des acquisitions, des éclosions, des abandons. Il est toute curiosité, toute
adoration, toute confiance. Il brûle de tout connaître. Il aspire à tout aimer. Il incline à
tout croire. Il ne demande qu'à absorber le monde, qu'à scruter la terre, qu'à déchiffrer le
Ciel. Voyez-le devant les étoiles !... Il aime tout ce qui est bon — il admire tout ce qui est
beau, — il vénère tout ce qui est saint. Il croit à la parole du père, du maître : c'est parole
d'Evangile. Sur sa foi, il croit à la vertu, au bonheur, à l'immortalité, au « Père qui est aux
Cieux ». Il « fait sa prière », comme si c'était la chose la plus naturelle du monde... Ah !
si l'on savait utiliser ses facultés ! Comme il brasserait l'idée ! Comme il embrasserait
l'idéal I... D'instinct, sans le savoir, il est tout élancé vers Dieu !
N'attendez pas qu'il se replie, qu'il se referme, qu'il se durcisse ! Ce n'est pas
quand les rigueurs de la vie ont desséché l'âme qu'on y peut implanter la Foi ! Il arrive
sans doute qu'un puissant malheur la laboure et retourne à fond, et qu'elle offre alors à la
foi un incomparable terrain. Prodige rare ! La vie, le plus souvent, ne fait dans l'âme que
des crevasses. Allez donc y planter la foi ! Plantez, plantez en terre fraîche !...
Au reste, la Foi qui entre dans une âme adulte, — à moins que cette âme ne soit
exceptionnelle — n'y jette pas des racines profondes. On dirait une étrangère, égarée
d'aventure dans une âme qui n'est pas faite pour elle et qui n'était pas préparée à la
recevoir. Elle trouve la place prise, des hôtes qu'elle ne connaît pas et qui s'étonnent de
la voir. On lui fait bon accueil d'abord, car elle a les mains "fleuries et des yeux d'azur.
Mais tout de suite on craint que le Ciel de ses yeux ne soit un mirage, et que, des fleurs
que sa main offre, il ne reste plus qu'une tige triste dans les doigts au déclin du jour... Qui
sait si elle a plus de vérité que les fées des contes d'enfants, si elle n'est pas une illusion

25
charmante qui s'est donnée miséricordieusement la mission de bercer les hommes pour
qu'ils vivent leur vie douloureuse comme dans un rêve ? On la trouve adorable — et on
n'ose pas croire en elle, et se donner à elle entièrement. On lui fait fête un jour,
— et le lendemain on ne la regarde même pas. Alors elle ne sait plus ce qu'elle
doit faire, ayant peine à rester et n'ayant pas envie de repartir... Elle perd son temps, use
sa vertu et manque son bienfait !...
Quel dommage qu'elle ne soit pas entrée plus tôt dans une âme plus jeune et
vacante encore ! Elle aurait grandi avec elle, profité de tous ses progrès, de son étude, de
sa réflexion, de son expérience, de ses joies et de ses souffrances, de toutes les
acquisitions de sa vie intérieure. Toutes ces nouvelles venues se fussent installées auprès
d'elle sans répugnance, se fussent rangées sans résistance sous sa loi, lui eussent
volontiers offert leurs services et au besoin leur protection. Car la foi, loin d'avoir rien à
craindre, a tout à espérer du progrès de l'esprit, même — et surtout — de sa science et de
sa critique. Les dogmes, sans doute, ne résistent pas à leur examen. La Foi en sort
triomphante ! La critique ne fait que révéler à l'homme de nouvelles raisons de croire et la
science de nouvelles raison d'adorer. D'illustres savants ont eu la Foi. Et des savants de
plus en plus nombreux auront la Foi, — la Foi nouvelle — quand ils voudront bien re-
connaître qu'il existe une science — une science nouvelle — qui sanctionne la Foi ! — Et
si la Foi s'enrichit des conquêtes de l'esprit, elle s'enrichit aussi des conquêtes du cœur.
En même temps qu'avec le 'savoir, elle croît, chez l'enfant, avec l'amour. Les trésors de
tendresse que, nuit et jour, sa mère lui prodigue, autant que les merveilles que la nature
déploie à ses yeux nuit et jour, lui révèlent Dieu. On sait le mot sublime de V. Hugo :

Quand elle me disait : « Mon père. »


Tout mon cœur s'écriait : « Mon Dieu ! »

La gratitude est un élan vers Dieu. Ainsi en est-il de tous les sentiments, de toutes
les émotions du cœur. Quand l'enfant saute au cou de sa petite sœur qui pleure, quand il
partage une friandise avec le petit camarade qui mange son pain sec, c'est que Dieu est
descendu en lui, c'est qu'il a senti Dieu en lui. Chaque battement nouveau de son cœur est
une Visitation de Dieu en son cœur, Et plus il grandira en savoir et en amour, plus, aussi,
l'enfant grandira en Foi. Quant au doux enseignement d'une mère ou d'un père, la Foi naît
dans une âme d'enfant, on peut être assuré qu'elle n'y mourra pas, mais qu'elle y sera
toujours plus vivace1.
1. Lamartine entre autres, en est un bel exemple. Au reste, je ne pense pas qu'il existe
d'exemples d'enfants vraiment pieux qui aient perdu la Foi en devenant hommes. Ils ont pu
renier la forme de leur Foi, mais ils en ont conservé l’âme.

*
**

Et s'il est particulièrement utile — et facile — et sûr d'inculquer la Foi aux


enfants, c'est à l'Ecole qu'il est particulièrement désirable de la leur enseigner, l'Ecole
étant un milieu plus propice que la Famille à la diffusion collective et à la dispensation
individuelle de la Foi.
S'en remettre uniquement à la Famille du soin d'enseigner la Foi, c'est exposer
nombre d'enfants — la majorité sans doute — au grand dommage de ne la jamais

26
recevoir. Car beaucoup de parents n'ont pas la Foi, et ne voient pas d'inconvénients à ce
que leurs enfants s'en passent comme eux. Car beaucoup de parents ne veulent pas
entendre parler de la Foi, et en préservent leurs enfants comme de la peste. Car beaucoup
de parents n'ont ni foi ni loi, et se soucient plus de donner à leurs enfants de mauvais
exemples que de bonnes leçons. Car beaucoup de parents ont la Foi, mais n'ont ni le
temps ni la force, — surmenés le jour, harassés le soir, — de l'enseigner à leurs enfants.
Car beaucoup de parents ont la Foi,, mais n'ont pas la constance ou n'ont pas l'art de
l'enseigner à leurs enfants. Si le législateur avait compté sur la Famille pour instruire l'en-
fant, combien compterait-on d'enfants instruits ? Il en est — quoique dans une moindre
mesure — de l'instruction religieuse comme de l'instruction tout court : pour l'une comme
pour l'autre, abandonner l'enfant à la Famille c'est sacrifier l'enfant.
La Foi et l'enfant se rencontreront bien plus sûrement à l’Ecole. Puisque, de par la
Loi, l'enfant doit passer par les bancs de l'Ecole, il faudrait que, de par la Loi, la Foi fût
inscrite sur les programmes de l'Ecole. Quand toutes nos écoles, obligatoirement,
enseigneront la Foi, alors, alors seulement, tous les enfants connaîtront la Foi. L'Ecole
seule peut propager la Foi !....
Et ce n'est que l'Ecole qui, efficacement, peut inculquer la Foi, peut inculquer,
surtout, la Foi nouvelle !
Je ne méconnais pas la Vertu de l'enseignement domestique, — particulièrement
en ce qui concerne la communication de la Foi — et qu'il arrive que l'atmosphère du
foyer familial, l'exemple et les suggestions du père, de la mère, des grands-parents aient
une douceur d'insinuation et une profondeur de pénétration incomparables. Mais je pense
que cette grâce exige une vertu exceptionnelle chez les parents et chez les enfants à la
fois, et ne se rencontre que dans de rares familles privilégiées. La moyenne des enfants
aura plus de chances de s'imprégner de la Foi à l'Ecole, si l'Ecole consacre un moment
chaque jour à la lui imprimer. Car la Foi, d'une part, dans son élément intellectuel,
profitera, à l'Ecole, de l'avantage inhérent à l'enseignement collectif, qui comporte un
esprit de méthode, de discipline et d'émulation particulièrement efficace, et difficilement
praticable à l'enseignement individuel de la Famille. Car la Foi, d'autre part, dans son
élément émotionnel, bénéficiera, à l'Ecole, du surcroît d'exaltation que procure à chaque
cœur d'enfant la présence sympathique de dizaines d'autres cœurs vibrant à l'unisson du
sien : l'élève solitaire ne connaît pas ces courants d'émotion, ces frissons d'enthousiasme
qui traversent, à certaines minutes, l'atmosphère d'une salle de classe, au souffle inspiré
du maître. A cette contagion mutuelle des élèves, comme à l'enseignement collectif du
maître, la Foi ne peut que gagner...
Et, la Foi nouvelle, en particulier, ne se pourra guère dispenser qu'à l'Ecole. La
Foi nouvelle est toute une science, et cette science — comme toutes les autres, — les
maîtres seront plus qualifiés que les parents — sauf exception — pour l'enseigner. Car les
adeptes de la nouvelle Foi n'en connaissent, en général — et, longtemps sans doute, n'en
connaîtront — que les éléments, — et bien loin d'être en mesure de l'enseigner, ils
auraient, ils auront grand besoin de l'apprendre. Sans compter que l'enseignement est un
art, et que, cet art, la plupart des parents l'ignorent, n'ayant pas eu l'occasion de s'en
occuper. Le maître de demain, bien mieux que les parents, sera en état d'enseigner la Foi
nouvelle, parce qu'il possédera, — tandis qu'il leur manque, — la science dont elle se ré-
clame et l'art qu'elle exige — parce qu'il connaîtra — et qu'ils ignorent — la matière à
enseigner et la manière de l'enseigner.

27
Et nous voici au seuil de notre deuxième question : comment l'Ecole enseignera-t-
elle la Foi nouvelle ?

2° Comment ?

Question générale qui comporte un certain nombre de questions particulières,


celles-là mêmes que soulève tout projet de réformes dans l'ordre pédagogique et qui ont
trait à la matière, au programme, et à la méthode d'enseignement. Considérant donc de
ces trois points de vue la question de l'enseignement de la Foi à l'Ecole, demandons-nous
à quelle matière il convient de le rattacher, et selon quel programme et quelle méthode il
convient de le dispenser (1).
1. L'auteur de cette étude est particulièrement qualifié pour résoudre ce problème
spécial ; non seulement il appartient par sa fonction, à l'enseignement, mais il s'est voué,
depuis des années, a l'étude des questions d'enseignement et d'éducation et a écrit nombre
d'articles, dans différentes revues pédagogiques, notamment dans Le Manuel général de F.
Buisson, et Le volume de J. Payot, comme aussi dans le journal « Les Droils de l'Homme », de
Paul-Hyacinthe Loyson.
Et, d'abord, la Foi constituera-t-elle une matière à part, distincte et indépendante
des autres matières d'enseignement, ou bien se distribuera-t-elle dans les différentes
matières qui ont cours actuellement dans nos écoles ? A qui connaît la variété des
éléments constitutifs de la Foi nouvelle le second parti paraît s'imposer. La Foi nouvelle
implique la connaissance des forces inconnues de la matière et de l'esprit : elle relève de
la Science. La Foi nouvelle révèle l'intervention d'agents occultes à certains tournants
décisifs de la marche de l'humanité : elle relève de l'histoire. La Foi nouvelle montre
comment vivent les^aserts et comment doivent vivre les vivants : elle relève de la morale.
Ne convient-il pas, en conséquence, de séparer les divers éléments particuliers qu'elle
comporte, — scientifique, historique, moral, — pour les intégrer respectivement aux
matières correspondantes d'enseignement général — science, histoire, morale — plutôt
que de les grouper en un tout autonome, pour en faire l'objet d'un enseignement spécial ?
Au lieu d'introduire à l'Ecole deux séries indépendantes et concurrentes
d'enseignement, -un enseignement général et un enseignement spécial, n'est-il pas
préférable d'y installer un enseignement unique, rattachant et subordonnant, en leur place
et en leur temps, les notions spéciales aux notions générales ? Ne convient-il pas, par
exemple, d'étudier l'homme invisible à propos de l’homme visible, c'est-à-dire à
l'occasion du cours général de science ? D'évoquer les voix de Jeanne d'Arc, à propos de
Jeanne d'arc, c'est-à-dire à l'occasion du cours général d'histoire ? Dé traiter les
sanctions d'En-Haut à propos des obligations d'ici-bas, c'est-à-dire à l'occasion du cours
général de morale ?... Conception logique, qui répond au besoin le plus profond peut-être
de l'esprit humain et du génie français : le besoin d'unité et de hiérarchie harmonieuse.
Conception pratique, conforme à une des lois essentielles de la pédagogie contemporaine,
qu'on pourrait appeler la loi de dépendance, qui prescrit de relier et d'asservir le
particulier au général et, par exemple, les faits d'histoire et de géographie locales aux faits
d'histoire et de géographie nationales, ou les éléments d'instruction professionnelle aux
éléments de culture humaine. Sans doute, de même qu'il peut être loisible au maître et
utile aux élèves, en fin d'éludé, d'extraire, du cours d'histoire et de" géographie nationales,
les faits proprement locaux, et du cours de science générale les notions professionnelles,
pour les réunir en un résumé synoptique, de même il pourra être légitime et avantageux,

28
en fin d'étude, d'abstraire des cours de science, d'histoire, de morale générales, les faits
proprement spirites pour les embrasser d'une vue synthétique. Mais c'est là — et ce doit
être seulement — une démarche de révision, qui n'exclut pas, — et au contraire suppose
— la nécessité de rattacher, en cours d'étude, les notions spéciales (locales,
professionnelles ou spirites) aux notions générales (1).
1. La Foi nouvelle ne devant modifier en rien l'économie générale des matières
d'enseignement, il en résulte qu'elle ne bouleversa non plus nullement l'emploi du temps de
l'Ecole. Puisqu'elle ne constitue pas une matière à part, il est évident qu'elle n'aura pas son
Jour dans la semaine ni son heure dans le jour. Elle se fondra dans l'emploi du temps comme
dans les matières de l'Ecole.
Quelles sont, d'autre part, les notions spirites — de science, d'histoire, de morale
— qu'il y a lieu d'introduire dans les programmes généraux de nos Ecoles ? En principe :
celles qu'il n'est pas permis à l'homme d'ignorer et qu'il est possible à l'enfant de
connaître; toutes celles — et seulement celles — qui sont utiles à l'homme et accessibles
à l'enfant. Telles doivent être les deux règles de la pédagogie spirite, comme d'ailleurs de
toute pédagogie. En fait : il est aisé de déterminer les notions spirites qui, dans les
différentes branches d'enseignement, peuvent satisfaire à ces deux conditions. Peut-être
n'est-il pas vain d'en tracer, d'avance, le canevas.

I. — Notions de science spirite . — Les rattacher au cours de sciences


et, plus spécialement, au cours de sciences naturelles, dont elles constitueraient le dernier
chapitre, et le plus important : après l'étude de l'être physique, l'étude, de l'être périsprital.
1° Démontrer l'existence du périsprit, en indiquant ses manifestations. Prouver à
cette fin :

A) Qu'il permet à l'âme d'utiliser le corps, et que ce n'est pas l'âme qui est
fonction du corps, mais le^corps qui est fonction de l'âme.
B) Qu'il permet à l'âme de se passer du corps, dans le cas de télépathie et de
clairvoyance.
C) Qu'il permet à l'âme de- se séparer du corps, ainsi que l'attestent les
manifestations — spontanées ou provoquées — du « double » des vivants et de « l'Esprit
» des morts.
a) En montrer la nature : manifestations matérielles (bruits, lévitations, lueurs,
apparitions matérialisées) et manifestations intellectuelles (typtologie, incorporation,
écriture).
b) En prouver la réalité et l'authenticité. — Etablir que certaines manifestations
matérielles ne peuvent être ni le fait de la fraude (indiquer les conditions de contrôle) ni
le fait de l'hallucination (représenter les photographies et les moulages). Etablir que
certaines manifestations intellectuelles ne peuvent être ni le fait de l'autosuggestion
(quand le médium ignore les notions ou les faits qu'il révèle) ni le fait de la suggestion
(quand les témoins les ignorent aussi).

2° Montrer la nature, du périsprit, ses propriétés anatomiques et physiologiques,


son rôle psychologique, etc., et qu'il est le canevas du corps et le registre de l'esprit (1).
1. Utiliser, pour le cours de science spirite, les ouvrages da Gabriel Delanne (Editions
de la B. P S. 8, rue Copernic. (Paris),

29
II. — Notions d'histoire spirite. — Enrichir le cours d'histoire en ajoutant
de nouveaux traits à ses chapitres traditionnels et en l'augmentant de nouveaux chapitres.
1° Signaler l'intervention des Esprits dans la destinée de certains personnages
illustres qui furent de merveilleux médiums : Moïse, Jésus Mahometh Jeanne d'Arc, les
Camisards, etc... Accréditer les miracles du Christ, les visions de la Pucelle, démontrer
aussi, à l'occasion, le souffle des Esprits dans les soulèvements héroïques des peuples,
—— guerres, croisades, révolutions, et le « doigt de Dieu », dans les vicissitudes des
Empires, — ascensions prodigieuses et chutes retentissantes...
2° Retracer, dans les parties du cours qui ont trait à la civilisation et
particulièrement à la civilisation religieuse des différents pays et des différents âges,
l'histoire — inédite encore dans les programmes officiels — de la « doctrine secrète »
dans l'antiquité et du « mouvement spirite » 'dans la deuxième moitié du XIX e siècle.
Evoquer les noms des lointains adeptes de la Foi nouvelle, — qui est vieille comme le
monde — et des proches pionniers de la nouvelle science — médiums et chercheurs 1.
1. Utiliser, Pour le cours d'histoire spirite, les ouvrages de Léon Denis (Éditions de la
B. P. S., 8, rue Copernic, Paris).

III. — Notions de morale spirite. — 1°Fonder et compléter les «


obligations » de la morale.
A) Assurer nos devoirs envers les choses et les bêtes — nos subordonnées — en
montrant qu'elles ont une âme comme nous, que nous fûmes ce qu'elles sont et qu'elles
seront ce que nous sommes ; et nos devoirs envers les hommes — nos frères — en
montrant que nous avons tous même origine, même destinée, même non-fin ; et nos
devoirs envers les morts, les soi-disant morts, qui nous viennent en aide et qui ont besoin
de notre aide.
B) Ajouter, aux devoirs envers les créatures, les devoirs envers le créateur.
2° Compléter — couronner — les « sanctions de la morale, on y adjoignant les
récompenses et les peines d'outre-tombe. Révéler les conditions de la vie posthume et
leurs rapports avec les conditions de la vie terrestre (1).
1. Utiliser, pour le cours de morale spirite, les ouvrages d'Allan Kardec et de
Léon Denis (idem).
Ne pensera-t-on pas que toutes ces notions sont utiles pour donner à l'enfant une
vue complète de la Foi nouvelle et qu'elles sont toutes à la portée d'une intelligence de
douze ans ?

*
**

Mais le meilleur programme est, insuffisant et inefficace, s'il n'est secondé par
une bonne méthode. Le programme est la lettre de l'enseignement. La méthode en est
l'âme. Et pour que le programme ne reste pas lettre morte, il le faut confier à une méthode
vivante. Et pour être vivante, il faut que la méthode fasse appel aux perceptions directes,
au jugement et au sentiment spontanés, d'un mot, à l'intuition de l'enfant. Vérité qu'ont
proclamée en tout temps les grands maîtres de la pédagogie, Socrate, Montaigne,

30
Rabelais, Rousseau, Pestalozzi, Spencer, Buisson, et que confirme chaque jour
l'expérience des maîtres d'école. Or, si la méthode intuitive convient d'une façon générale
à tous les enseignements de l'Ecole, n'apparaît-il pas dès l'abord qu'elle convient
particulièrement à l'enseignement de la Foi, de la Foi nouvelle, qui, plus que tout autre
forme de la connaissance et que tout autre forme du sentiment, relève du sens intime, de
l’aperception immédiate, de l'intuition, — sensible mentale et morale — de l'enfant ?
Examinons donc les principales démarches de la méthode intuitive et comment elle doit
se comporter à l'endroit de la Foi.
Et, d'abord, la méthode intuitive s'astreint à suivre pas à pas le progrès naturel de
l'intelligence enfantine, et à ne lui présenter jamais aucune notion qu'elle ne puisse saisir.
Elle ne traite pas l'enfant de sept ans comme celui de treize, Elle institue un régime
intellectuel spécial pour chacun des trois « cours » de l'Ecole — « cours élémentaire » (de
7 à 9 ans), « cours moyen » (de 9 à 11 ans), « cours supérieur » (de 11 a 13 ans). Elle est,
d'un mot, progressive. Ainsi doit-elle être dans l'enseignement de la Foi nouvelle.
Le programme spirite que j'ai tracé est un programme-type, complet et général,
celui que l'enfant devra parcourir au cours de sa scolarité et posséder à sa sortie de l'école.
Mais ce programme devra s'adapter aux différents âges de l'enfant, et, s'il peut convenir
intégralement au cours supérieur, il doit subir quelques coupures au cours moyen, et se
réduire à sa plus simple expression au cours élémentaire. En science, par exemple, s'en
tenir au cours élémentaire, à l'indication pure et simple des seuls faits spirites ; y ajouter
au cours moyen, l'indication pure et simple des seuls faits animiques et de la nature
anatomique du périsprit, et, au cours supérieur, la discussion des hypothèses anti-spirites
et l'indication du rôle physiologique et psychologique du périsprit. En histoire, se borner,
au G. E., à la biographie des grands Inspirés, Jésus, Mahomet, Jeanne d'Arc, les
Camisards. Y ajouter, au G. M., des allusions à l'influence de l'Invisible sur les actes les
plus fameux de l'ample drame historique, et, au G. S., l'exposition de la« doctrine secrète
» et du « mouvement spirite ». En morale, se contenter au G. E. d'inspirer instinctivement
l'amour de Dieu et de toutes les choses et de tous les êtres du monde visible et du monde
invisible ; y ajouter au G. M. une vue sur la solidarité qui unit les différents « règnes » de
la nature et qui fonde philosophiquement la sympathie de l'homme envers la vie
universelle et au G. S. un aperçu des lois qui président aux destinées supra-terrestres de
l'humanité. En résumé, : n'enseigner, dans chaque « cours », que les notions spirites
accessibles à ce cours ; réviser, dans chaque cours, les programmes du cours antérieur,
selon le mode « d'enseignement concentrique » en usage dans nos écoles ; ajouter, dans
chaque cours, des notions nouvelles ou de nouveaux détails aux notions du cours
antérieur. Telles seront les démarches progressives de la méthode intuitive dans
l'enseignement de la Foi nouvelle.
En second lieu, la méthode intuitive montre à l'enfant les objets et les faits qui
sont la matière de son étude ; à défaut des objets eux-mêmes, elle lui présente des images
qui les reproduisent ou des descriptions qui les évoquent ; et elle lui présente, à défaut des
faits eux-mêmes, des récits qui les relatent. Elle évite les abstractions.
Elle est concrète. Certes, elle aura grand mérite à rester telle dans l'enseignement
de la Foi nouvelle. Il n'est guère aisé d'y instituer, même dans l'ordre scientifique, des «
leçons de choses » spirites. Comment offrir au sens des enfants des objets d'étude qui,
appartenant au monde spirituel, échappent, par définition, à la prise des sens ? Il'est peu
probable même, qu'ils puissent être témoins, à l'Ecole, d'une manifestation spirite

31
matérielle. L'événement pourtant n'est pas impossible. Vingt pensionnats ne furent-ils pas
témoins du dédoublement d'Emilie Sagée ? Qui sait si un cas de hantise ne surviendra pas
un jour dans le voisinage de l'Ecole ? Qu'on s'empresse, en l'occurrence, de mener les
élèves au lieu hanté, tout comme on les conduit, actuellement, à de petites excursions
scientifiques. Il est possible, en tout cas — et désirable — de montrer aux enfants un
certain nombre d'images authentiques — en l'espèce, de photographies — représentant
les principaux phénomènes spirites : déplacements d'objets, lévitations de personnes,
apparitions d'Esprits. Mais surtout il sera facile — et obligatoire — de recourir, dans
l'enseignement scientifique historique et moral de la Foi nouvelle aux descriptions et aux
récits. En science, comptes rendus de faits d'observations et d'expérimentations,
descriptions du périsprit. En histoire, portraits de personnages et relations de faits. En
morale, récits de « morale en action » et description de la vie d'outre-tombe — des-
criptions extraites, autant que possible, des « communications » spirites originales. Des
faits, des exemples, des anecdotes !... Au surplus, pour produire tout son bienfait, la mé-
thode descriptive et narrative doit s'astreindre à certaines pratiques de détail
indispensables : se garder des termes trop savants, des formules trop abstraites, des
notions trop concises ; produire, en science, l'explication pratique avant la définition
théorique, en histoire le fait avant la loi ; en morale, l'exemple avant la règle ; aller, selon
le vœu de Spencer, du « simple au composé, » du « particulier au général, » du « concret
à l'abstrait. » Moyennant quoi l'enfant prendra une vue facile et joyeuse, précise et juste,
des divers éléments de la Foi.
La méthode intuitive fait appel en outre à l'initiative personnelle de l'enfant,
spéculative et positive. Elle l'exerce à « l'invention », à trouver lui-même les idées par son
propre raisonnement inductif et déductif, et à apprécier lui-même les faits, par son propre
jugement; à découvrir parfois lui-même les faits, par son intuition et son expérience
personnelles, ou même à les produire, de son propre mouvement. Elle l'exerce à «
l'application, » à réaliser effectivement les notions et les faits qu'elle lui a révélés ou qu'ils
a découverts, et à les mettre « à cent visages divers » (Montaigne). Elle le « met sur la
montre » (idem). Elle est active. — Active elle doit être aussi dans l'enseignement de la
Foi nouvelle. Démarche facile d'ailleurs. En science, qu'on dresse les élèves à la discus-
sion critique des arguments favorables ou hostiles à la thèse spirite — qu'on les amène à
démontrer eux-mêmes, à l'occasion d'un compte rendu de séance expérimentale, que ni la
fraude, ni la suggestion, etc., ne sauraient être invoquées comme explication des faits.
Qu'on les exerce à découvrir dans leur expérience personnelle, et même, quelquefois, à
produire, séance tenante, de leurs propres forces, certains faits d'animisme ou de
spiritisme. N'est-il pas survenu dans leur famille, n'ont-ils pas ouï raconter dans leur
voisinage, n'ont-ils pas eu eux-mêmes des visions ou des voix, des rêves prémonitoires,
etc.? Qu'on les convie à mener eux-mêmes, au sujet des faits de ce genre, dans le cercle
de leurs relations, une petite enquête d'où pourra sortir un profit pour eux, et, qui sait,
pour la science elle-même. Et je verrais volontiers, de temps en temps, les plus sérieux
d'entre eux — à titre de faveur et comme de récompense — groupés autour d'une table en
vue de la faire bouger et parler^eux-mêmes (bon moyen, entre parenthèses, de découvrir
des médiums). En histoire, qu'on les forme à apprécier eux-mêmes la valeur des grands
missionnaires et martyrs de la Foi, la portée du mouvement spirite, etc. En morale, qu'on
les incite à découvrir eux-mêmes la raison de nos devoirs, à déterminer eux-mêmes la
destinée que se prépare dans l'au-delà un homme qui mène tel ou tel genre de vie ici-

32
bas ; qu'on leur suggère de faire chaque soir leur examen de conscience et de, composer
ou d'improviser eux-mêmes leurs prières ; qu'on les engage à tenir un petit registre, signé
hebdomadairement, des parents et du maître, de leurs bonnes et mauvaises actions, de
leurs victoires et de leurs défaites morales, etc. En un mot qu'on exerce l'enfant à être, lui-
même, l'ouvrier de sa Foi.
Et il est enfin une dernière démarche de la méthode intuitive qui me paraît
s'imposer dans l'enseignement des notions qui s'adressent au cœur autant qu'à l'esprit, et
que j'appellerai la démarche suggestive. Elle consiste dans l'influence personnelle du
maître sur ses élèves, dans l'action de sa conviction et dans la vertu de son exemple.
Démarche efficace entre toutes peut-être. Pour enseigner la Foi, il faut que le maître ait la
foi, et qu'il ait la foi expansive. Il faut qu'elle embrasse son cœur, qu'elle rayonne dans ses
yeux, qu'elle vibre dans sa voix et souffle dans son verbe, qu'à évoquer les divines
perspectives de la vie éternelle elle ait des effusions d'amour et des explosions d'enthou-
siasme, des murmures de prière et des éclats d'hymne. Si, d'aventure, l'inspiration vient à
lui manquer, qu'il recoure et puise largement aux plus belles pages de la littérature
religieuse en général et de la littérature spirite en particulier (on n'a, déjà, et de plus en
plus on n'aura,que l'embarras du choix), celles qui disent la gloire de Dieu, le charme de
l'immortalité, la magie des résurrections, et qui évoquent un monde de féerie où l'âme
rencontre de merveilleuses émotions et des rêves sublimes, celles qui illustrent le nom
des écrivains et des poètes qui, de toute leur âme, ont voué leur génie à la célébration du
divin *. Qu'il fasse appel aussi à l'action insinuante de la musique, aux bienfaisantes vi-
brations des cantiques chantés en chœur. Et il .faut que la Foi soit l'âme de sa conduite
comme elle sera l'âme de son enseignement — qu'elle inspire ses propos et ses actes de
chaque jour, à l'Ecole et hors de l'Ecole, — qu'elle porte des fruits de bonté et de dignité,
qu'elle fasse : sa vie exemplaire. « La Foi qui n'agit point » et se contente de prêcher peut
bien être « sincère » : elle est inefficace ! Elle est sans effet, surtout sur des enfants, plus
enclins à se régler sur la conduite du maître que sur ses discours. La Foi ne s'enseigne pas
seulement : elle s'inspire et se communique. C'est par la contagion de l'émotion et de la
vertu du maître qu'elle entrera dans le cœur et dans la vie des élèves. Que le maître fasse
donc de sa fonction une mission, de son métier un ministère !... Qu'il soit le Prêtre de
l'Ecole dont on a banni le curé ! Et que la Foi nouvelle ait à l'Ecole son Temple — n'ait
son Temple qu'à l'Ecole.
1. Il serait utile qu'on composât, pour chacun des trois « cours » de l'Ecole, un petit
recueil de « pages choisies» spirites comportant les notions historiques, scientifiques, morales,
adaptées à chaque cours, et d'où seraient tirés, parfois, les textes de « lecture, » de « lecture
expliquée » et de « récitation. »

3° Quand ?

Mais des voix innombrables m'arrêtent, venues de « l'Ecole publique » : « Et la


Neutralité ? » C'est vrai ! J'oubliais que l'éducateur public n'a pas les mains libres, ne peut
avoir les mains libres ! qu'il lui est interdit tacitement d'enseigner la foi spirite, de même
et parce qu'il lui est formellement interdit d'enseigner aucune foi : catholique, protestante,
israélite ou athéiste ! Contrainte regrettable, certes, en ce qui concerne la Foi nouvelle.
Car s'il est arbitraire au maître d'enseigner des notions religieuses qui ne s'inspirent que
de la Foi, et qui, partant, n'ont pas l'autorité de l'assentiment universel, il semble qu'il
doive être légitime au maître d'enseigner des notions religieuses qui relèvent de la

33
science, et qui, donc, sont valables pour tous et les mêmes pour tous. Contrainte
nécessaire pourtant, il faut bien le reconnaître, en l'état actuel des esprits, nécessaire en
droit et nécessaire en fait. Car, d'abord, l'enseignement d'une foi, quelle qu'elle soit, est
illégitime à l'Ecole, à l'Ecole publique. Les instructions ministérielles qui accompagnent
le « plan d'études » des écoles primaires notifient, non sans raison, à l'instituteur que «
toute discussion théologique et philosophique lui est manifestement interdite par le
caractère même de ses fonctions, par l'âge de ses élèves, par la confiance des familles et
de l'Etat. » Et je pense aujourd'hui encore que je n'avais pas tort d'écrire moi-même, il y a
quelques années, dans une revue pédagogique, que le devoir de neutralité « se fonde sur
le droit des parents à faire respecter devant leurs enfants la foi dans laquelle ils jugent bon
de les élever — sur le droit des enfants à sauvegarder la liberté de pensée dont ils doivent
pouvoir faire un jour l'usage qui leur plaira » et que « toute infraction à la neutralité, toute
tentative de substitution de la personnalité du maître à celle du père et de l'enfant, en
matière religieuse, est un abus de confiance à l'endroit du père, un abus de pouvoir à l'en-
droit de l'enfant. C'est capture illicite d'un bien, précieux entre tous, la conscience de
l'enfant, qui appartient à d'autres et doit s'appartenir un jour. C'est souveraine injustice. »
Et, d'autre part — et en conséquence — l'enseignement d'une foi, quelle qu'elle soit, est, à
l'école publique, dangereux. Il risque de provoquer de légitimes mécontentements chez
certains enfants et certains parents, d'engendrer de fâcheux abus chez certains maîtres. «
Si l'on vous permettait de faire la moindre brèche à la neutralité, » écrivais-je encore, «
vous verriez tous les fanatismes, toutes les fantaisies se ruer, se déchaîner dans l'école,
tous, d'ailleurs, avec les meilleures raisons du monde ! Chacun n'aurait-il pas son erreur à
combattre, son vice à exterminer ? Oh ! conservons à l'enfance sa sérénité (1). Evitons
donc de susciter la lutte entre la Famille et l'Ecole, — et la guerre civile dans l'Ecole !...
Evitons...hélas ! oui, évitons d'enseigner, à l'école publique, la Foi nouvelle !...
1. « La neutralité religieuse dans l'enseignement de l'histoire à l'Ecole primaire, »
dans Le Volume. 21 janvier 1911.
Alors ?..'. Faut-il que le maître se résigne à laisser ses élèves dans l'ignorance de
ce qu'il sait — scientifiquement — être la vérité, la plus importante, la plus bienfaisante
des vérités ?...
Que non pas ! Il lui est possible de se tirer d'affaire, légitimement et légalement,
sans qu'il soit exposé à encourir aucun blâme administratif, sans qu'il soit obligé de faire
la moindre entorse à sa loyauté professionnelle. Voici comment il peut s'y prendre.
Il ne dira pas, sans doute, en science : « II est démontré que l'homme possède un
corps fluidique qui peut se manifester à distance du corps physique pendant la vie, et en
l'absence du corps physique après la mort. » Mais il pourra dire : « Nombre de savants
assurent que l'homme possède un corps fluidique qui... etc. A vrai dire, leur thèse n'est
pas admise par tous les savants. Voici les arguments des uns. Voici les arguments des
autres. Il ne m'appartient pas de me prononcer ici sur ce débat. Tâchez de vous faire vous-
mêmes, quand vous pourrez, une .opinion. » II ne dira pas, sans doute, en histoire : « On
a cru longtemps que les visions de Jeanne d'Arc étaient des fantômes de son imagination
surexcitée. On sait maintenant qu'elles étaient bel et bien des réalités. » Mais il pourra
dire : « On a cru longtemps... etc. Nombre de chercheurs affirment aujourd'hui qu'elles
sont authentiques. Tel n'est point encore l'avis de tous les critiques La discussion reste
ouverte. Je n'ai pas qualité pour la trancher ici. A vous de prendre parti quand vous serez
en mesure de le faire. » Et (il ne dira pas, sans doute, en morale : « Il faut aimer les
animaux parce qu'ils sont immortels comme nous et qu'ils seront un jour deshommes

34
comme nous. » Mais il pourra dire : « II faut... etc. Certains penseurs vont jusqu'à
prétendre... etc. Ce n'est pas, il est vrai, l'opinion générale. Je n'ai pas autorité pour
émettre ici, sur ce point, un avis. Vous ferez un jour votre choix vous-mêmes. » Ne
pense-t-on pas que le maître a le droit et le devoir d'adopter l'attitude que je montre ? Il en
a le droit, car il se contente de la sorte d'évoquer les thèses adverses. Sans prendre parti
pour l'une ou l'autre, sans imposer, proposer exposer ou même laisser supposer son
opinion, sans violer en rien la neutralité. Et il a bien le droit, dans cette mesure et de cette
façon, de faire allusion à la Foi spirite quand l'occasion s'en présente, comme il traite de
la Foi israélite, catholique ou protestante quand il retrace l'histoire des Juifs, du
Christianisme ou de la Réforme ! Il en a le devoir, car c'est précisément son rôle de faire
connaître à ses élèves les divers arguments en bataille autour d'une idée, afin qu'ils
puissent se rallier eux-mêmes aux uns et aux autres en connaissance de cause, et
d'éclairer leur jugement pour qu'ils soient en état de juger. Ainsi il ne peut que développer
la personnalité de ses élèves, bien loin d'y porter atteinte, puisqu'il leur donne le moyen
de se faire eux-mêmes une opinion, sans rien laisser paraître de son opinion (1).
1. J'entends d'ici les irréductibles. « Seules valent d'être exposées à l'Ecole les thèses
qui ont quelque fondement. La thèse spirite ne tient pas debout. » Je leur rappellerai une fois
encore qu'ils sont mal informés, et que la science spirite a toujours acquis l'estime des
chercheurs consciencieux a toujours conquis la faveur des chercheurs persévérants, et qu'elle
doit, en conséquence, non pas sans doute être enseignée, mais être évoquée à l'Ecole.-
La plupart des éléments de science, d'histoire et de morale spirites peuvent donc
légitimement doivent donc nécessairement figurer dès aujourd'hui dans l'enseignement de
l'Ecole publique, sous les deux seules conditions que l'instituteur ne les présentera pas
comme des thèses admises de tous, mais comme des hypothèses émises par certains, et
qu'il les présentera d'une façon toute objective, sans déclaration ou suggestion d'adhésion
personnelle. L'Ecole publique peut et doit exposer la Foi spirite, pourvu qu'elle ne fasse
pas profession de Foi spirite (2).
2. Les Spirites comprendront l'avantage de cette méthode. Elle est irréprochable,
puisqu'elle observe la neutralité, qu'on ne saurait enfreindre sans tort et sans danger. Et elle
est, néanmoins, profitable à la Foi nouvelle, puisqu'elle la fait connaître des enfants, qui
emporteront peut-être de l'Ecole le désir de la mieux connaître et de s'en pénétrer davantage.
Pour être indirecte et lointaine, leur conversion n'en est sans doute pas moins sûre. On peut
donc considérer que cette méthode les gagne virtuellement à la Foi nouvelle. Un jour viendra
assurément où l'enseignement de la Foi nouvelle sera permis, sera prescrit ! En attendant — et
quelle que soit notre Impatience — ne dépassons pas notre droit, sous peine de manquer notre
but. Mais épuisons tout notre droit, afin de faire tout notre devoir.

Mais elle peut davantage encore. Je lis, dans le programme des Ecoles primaires :
« Devoirs envers Dieu. — II leur apprend à ne pas pro noncer légèrement le nom de Dieu,
il associe étroitement dans leur esprit à l'idée de la Cause première et de l'Etre parfait un
sentiment de _ respect et de vénération... Il s'attache à faire comprendre et sentir à l'enfant
que le premier hommage qu'il doit à la Divinité, c'est l'obéissance aux lois de Dieu telles
que les lui révèlent sa conscience et sa raison. » Eh ! oui, ce commandement se trouve en
toutes lettres dans le texte officiel ! Je sais qu'il reste lettre morte, — que la plupart des
maîtres l'ignorent et que nul ne le suit, que les familles s'accommodent généralement de
cette lacune et que l'Etat s'en désintéresse complètement, mais je sais aussi que les
instructions officielles n'ont pas été abrogées, qu'elles sont toujours valables et qu'elles

35
autorisent donc — puisque même elles prescrivent — l'introduction de Dieu à l'Ecole. Le
maître est donc dans son droit, et ne fait donc que son devoir, qui inspire à ses élèves la
foi en Dieu et leur enseigne les « devoirs envers Dieu. » Et s'il est vrai enfin que la Foi
spirite, dans ce qu'elle a de proprement nouveau et spécial — à savoir la croyance à
l'existence et à la manifestation des Esprits. — ne saurait encore s'enseigner sans réserve
à l'Ecole, il n'est pas moins vrai que, dans ce qu'elle a de traditionnel et d'universel,
d'essentiel aussi peut-être,— c'est-à-dire la croyance en Dieu, — le maître peut, sans peur
et sans reproche, l'enseigner dès aujourd'hui.

*
**

Et si l'enseignement de la Foi spirite est possible, en partie, dès aujourd'hui, à


l'Ecole publique, combien ne l'est-il pas plus encore à « l'Ecole privée. » L'Ecole privée
est indépendante (on l'appelle aussi « l'Ecole libre ». Elle est soumise sans doute à
certaines"conditions et formalités d'ouverture, mais, ces conditions satisfaites et ces
formalités remplies, elle peut régler selon son idéal l'économie de son enseignement, et
choisir à sa guise ses matières, ses programmes, ses méthodes et ses livres, que l'Etat n'a
le droit de contrôler que pour s'assurer, — sauvegarde nécessaire — qu'ils ne sont pas
contraires « à la morale, à la constitution et aux lois. » La Foi spirite n'ayant aucun tort
envers aucun de" ces objets respectables, rien ne s'oppose à son avènement à l'Ecole
privée. Le maître pourra donc l'y enseigner sans crainte, — puisqu'il n'enfreint aucune
disposition de loi. Il pourra l'y enseigner sans scrupule, puisque, s'avouant spirite, il ne
recevra guère que les enfants de" familles spirites. Il pourra l'y enseigner intégralement et
ostensiblement, et non seulement la Foi en Dieu, mais la croyance aux Esprits, — et non
seulement par voie d'exposition, mais par voie de persuasion, non seulement en
instituteur, mais en apôtre.
A la question — la troisième et dernière — : « A quand la Foi nouvelle à
l'Ecole?» je répondrai donc : « Aujourd'hui si l'on veut ! Aujourd'hui si l'Ecole privée en a
le désir! Aujourd'hui — dans un certain sens, mais dans une large mesure, si l'Ecole
publique en a le courage. »
Et ainsi soit-il !...

36
Le Spiritisme et l'Opinion des Savants
_________________

Après les conclusions si autorisées de Camille Flammarion, nous croyons utile de


mettre sous les yeux de nos lecteurs les déclarations non moins importantes d'autres
éminents savants :

Opinion du célèbre Arago, considéré comme le plus grand savant du xixe siècle,
et qui, assistant aux débuts du spiritisme, s'écriait, en présence du caractère merveilleux
des phénomènes :
Celui qui, en dehors des mathématiques pures, prononce le mot impossible
manque de prudence.

Opinion de Sir William Crookes, le célèbre physicien anglais qui a découvert le


thallium, fait connaître l'état radiant, inventé le radiomètre, expérimenté les rayons
cathodiques et facilité l'étude des rayons X (tubes de Crookes) :
M'étant assuré de la réalité des phénomènes spirites, ce serait une lâcheté morale
de leur refuser mon témoignage.
Après six ans d'expérience sur le spiritisme, six années pendant lesquelles il a
imaginé de nombreux appareils destinés soit à permettre un contrôle scientifique, soit à
enregistrer les phénomènes, William Crookes écrivit, à propos des faits spirites :
Je ne dis pas que cela est possible. : je dis que cela est.

Opinion de Sir Oliver Lodge, autre grand physicien dont les travaux, dans le
domaine de l'électricité, notamment la théorie des ions, sont enseignés dans le monde
entier :
Parlant pour mon compte et avec tout le sentiment de ma responsabilité, j'ai à
constater que, comme résultat de mon investigation dans le psychisme, j'ai à la longue et
tout à fait graduellement acquis la conviction et suis maintenant convaincu, après plus de
vingt années d'études, non seulement que la persistance de l'existence personnelle est un
fait, mais qu'une communication peut occasionnellement, mais avec difficulté et dans des
conditions spéciales, nous parvenir à travers l'espace.
Ce sujet n'est pas de ceux qui permettent une conclusion facile ; les preuves ne
peuvent être acquises que par ceux qui y consacrent du temps et une sérieuse élude.

37
Poursuivant ses recherches, le même savant, qui est à la fois Recteur de
l'Université de Birmingham et membre de l'Académie Royale, écrivait encore :
Je m'affirme spirite parce que j'ai eu à accepter les phénomènes comme des
réalités.
Dans un de ses plus beaux livre" : La Survivance . humaine, on peut lire :
Les témoignages en faveur de la survivance de l'homme, c'est-à-dire en faveur de
la persistance de l'intelligence humaine et de la personnalité individuelle au delà de la
mort du corps, ont toujours été en s'accumulant ; ils tendent maintenant à devenir irré-
futables.
Enfin, après trente ans de recherches et d'expériences, Sir Oliver Lodge fut amené
à formuler cette phrase, capitale, dans un discours prononcé à Walworth, le 22 novembre
1914 :
Ma conclusion est que la survie est scientifiquement prouvée, au moyen de
l'investigation scientifique.
Le livre Raymond ou la Vie et la Mort, dans lequel le grand savant anglais
confirme toutes ses convictions spirites à propos des phénomènes qui ont suivi la mort de
son fils, a eu de retentissants effets dans le monde entier. L'éminent physicien écrit dans
sa préface :
La perspective de rendre service me fait aisément négliger les railleries
auxquelles je m'expose. J'ai l'espoir de consoler quelques âmes affligées en leur donnant
l'assurance qu'il est possible de communiquer avec ceux qui sont de l'autre côté du
gouffre.
Opinion du professeur Lombroso, de l'Université de Turin, l'illustre criminaliste
italien qui combattit longtemps les théories spirites, mais qui consentit à les étudier :
Je suis forcé de formuler ma conviction que les phénomènes spirites sont d'une
importance énorme et qu'il est du devoir de la science de diriger son attention, sans
délai, sur ses manifestations.
Ce savant émit encore ce témoignage précis : On traite le spiritisme de
supercherie, ce qui dispense de réfléchir. Je suis confus d'avoir combattu la
possibilité des phénomènes spirites.
Opinion du naturaliste Russel Wallace, émule de Darwin et président de la
Société anglaise d'anthropologie :
J'étais un matérialiste si complet et si convaincu qu'il ne pouvait y avoir dans
mon esprit aucune place pour une existence spirituelle. Mais les faits sont des choses
opiniâtres, et les faits me vainquirent. Les phénomènes spirites sont aussi prouvés que
les faits de toutes les autres sciences.

Opinion du professeur Barrett, de l'Université de Dublin.


Sans doute, pour notre part, nous croyons qu'il y a quelque intelligence active à
l'œuvre derrière l'automatisme (écriture mécanique, transes et incorporations) et en
dehors de celui-ci, une intelligence qui est plus probablement la personne décédée qu'elle
affirme être que tout autre chose que nous pouvons imaginer. Il est malaisé de trouver
une autre solution au problème de ces messages et de ces « correspondances-croisées »
sans imaginer une tentative de coopération intelligente entre certains esprits désincarnés
et les nôtres.

38
Opinion de M. C. Varley, Ingénieur en chef dès Compagnies de télégraphie
internationale et transatlantique, inventeur du condensateur électrique qui a permis de
résoudre le problème de la télégraphie sous-marine :
Le ridicule que les spirites ont subi ne part que de ceux qui n'ont eu ni le courage
ni la convenance de faire quelques recherches avant d'attaquer ce qu'ils ignorent.
Et, dans une lettre de Crookes, Varley ajoute :
Je ne connais pas d'exemple d'un homme de bon sens qui, ayant étudié avec soin
les phénomènes spirites, ne se soit rendu à l'évidence.

Opinion de M. Duclaux, directeur de l'Institut Pasteur, dans une conférence faite


à l'Institut général psychologique :
Je ne, jais si vous êtes comme moi, mais dans ce monde, peuplé d'influences que
nous subissons sans les connaître, pénétré de ce quid divinum que nous devinons, sans en
avoir le détail, eh bien, ce monde du psychisme est un monde plus intéressant que celui
dans lequel s'est jusqu'ici confinée noire pensée. Tâchons de l'ouvrir à nos recherches : il
y a là d’immenses découvertes à faire dont profilera l'humanité.

Les hommes de science qui, après l'avoir soigneusement étudié, avec la même
attention, la même patience et la même liberté de pensée qu'ils ont apportées à étudier les
autres sciences, ont conclu en faveur du spiritisme sont de plus en plus nombreux. Nous
ne pouvons les citer tous.
Beaucoup, parmi eux ont consigné leurs travaux dans des ouvrages trop peu
connus ; tel l'éminent mathématicien A. de MORGAN, président de la Société
mathématique de Londres, secrétaire de la Société royale astronomique, qui, après dix
années d'expériences, a condensé ses recherches dans son livre From Matter o Spiritl. ;
M. BARRAS, membre de la Société de géologie de Newcastle, qui a écrit Outliness of
Investigations into Modern Spiritualism ;, M. OXON, professeur à l'Université d'Oxford,
qui a publié ces convictions dans Spirit Identity ; le Dr R. HARE, professeur de Chimie à
l'Université de Pensylvanie, auteur de l'ouvrage : Recherches Expérimentales sur les
Phénomènes Spirites ; Frédéric MYERS, auteur du magnifique ouvrage La Personnalité
humaine et sa survivance ; le professeur de géologie DENTON, les Drs Georges SEXTON,
CHAMBERS, James,GULLY.
Les faits spirites ont aussi été étudiés en France, en Russie, en Italie et en d'autres
pays, par nombre d'expérimentateurs scientifiques qui en ont constaté l'exactitude.
Camille Flammarion, le Dr Gibier, Gabriel De-lanne, Léon Denis, etc., ont publié
des ouvrages qui font autorité, et la littérature spirite s'augmente tous les jours de travaux
remarquables.

LE SPIRITISME ET L'OPINION DES SAVANTS


Sous le rapport de la réalité matérielle du phénomène spirite, on doit signaler la
création à Paris de l'Institut Métapsychique International, reconnu d'utilité publique et
qui, sous la direction éclairée du savant Dr Osty, étudie méthodiquement les ma-
nifestations de la médiumnité sous toutes ses formes.

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On ne peut parler des relations entre le Spiritisme et les Savants sans faire état des
remarquables travaux du professeur Crawford, du Collège de Belfast, qui a, lui aussi,
nettement conclu à l'intervention d'entités directrices dans les phénomènes du spiritisme.
En Italie, l'astronome Porro, le professeur Santo-liquido, M. Bozzano ; en Russie,
les professeurs Aksakof et Orchorowicz, etc., ont apporté leur précieux appoint à la cause
spirite.

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IMP. MODERNE- NICOLAS. RENAULT ET Cie, POITIERS

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