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INÉGALITÉS DE HEINSENBERG SPATIALES

I. Relations d’incertitude.
1. Incertitude statistique
Quand on observe la figure d’interférence produite photon par photon, on constate que les
maxima d’intensité correspondent aux zones où la probabilité de présence du photon est
maximum : la mécanique quantique est une théorie probabiliste.
Le caractère aléatoire de la détection fait que toute mesure si précise soit-elle s’accompagnera
toujours d’une incertitude de type statistique (on parle aussi d’indétermination quan-
tique).
Plaçons nous à une dimension. Si on mesure la valeur de x, en répétant N fois la même mesure
sur N particules préparées dans le même état, on obtiendra une dispersion des mesures.
L’ensemble des mesures se distribue suivant la densité de probabilité |ψ(x, t)|2 . La valeur
moyenne 1 est Z +∞
< x >= x|ψ(x, t)|2 dx
−∞

Le carré de l’écart quadratique moyen, qui mesure la dispersion des mesures autour de la
valeur moyenne, est donné par

(∆x)2 =< (x− < x >)2 >=< x2 > − < x >2

car

(∆x)2 =< x2 − 2x < x > + < x >2 >


=< x2 > −2 < x >2 + < x >2
=< x2 > − < x >2

On retiendra donc

∆x = < x2 > − < x >2

1. elle correspond à l’espérance mathématique vue en terminale

1
On peut définir de même l’incertitude statistique pour px la composante suivant ~ux de la
quantité de mouvement.
p
∆px = < p2x > − < px >2

Remarque : Ces incertitudes n’ont rien à voir avec une quelconque imprécision des mesures.
Elles sont intrinsèquement quantiques.
Si la précision de mesure δx des appareils de mesure est supérieure à ∆x on a une bonne
représentation d’un objet ponctuel.

2. Relations d’incertitude

Revenons à l’expérience de diffraction (de photons,


d’électrons ou d’atomes...) par une fente fine de
largeur a. Plus la fente est fine (donc plus la lo-
calisation est précise), plus la tache de diffraction
est large (donc moins la quantité de mouvement
est déterminée).
On note θ la demi-largeur angulaire de la tache
centrale de diffraction.

Si on se place au niveau de la fente diffractante, de largeur a, l’incertitude sur la position x


est de l’ordre de grandeur de la largeur de la fente :

∆x ' a

La composante px = p~.~ux de la quantité de mouvement de la particule considérée varie de


−p sin θ à p sin θ (en considérant la largeur angulaire de la tache centrale où se concentre la
majorité des particules diffractées). Or, sin θ ' λa , avec λ la longueur d’onde de de Broglie.
L’ordre de grandeur de l’incertitude sur la mesure de px est donc de l’ordre de

∆px ' p sin θ


λ
Or, sin θ ' , avec λ la longueur d’onde de de Broglie. On en déduit
a
λ
∆px ' p
a
h
d’après la relation de de Broglie p = λ , d’où

hλ h
∆px ' '
λa
 a
On a donc
h
∆x∆px ' 
a
a

∆x∆px ' h

2
On a raisonné ici sur des ordres de grandeurs. De manière générale, la relation d’incertitude
de Heisenberg, s’écrit sous la forme :

~ h
∆x∆px > avec ~ = .
2 2π

Cette relation s’applique bien sûr aux deux autres autres directions de l’espace :

~ ~
∆y∆py > ∆z∆pz >
2 2

Par contre ∆xi ∆pj , n’admet pas de limite inférieure non nulle pour i 6= j.
On ne peut donc pas mesurer simultanément la position et la quantité de mouvement (donc
la vitesse) avec une précision arbitrairement grande. La notion classique de trajectoire, pour
laquelle la position et la vitesse sont déterminées à chaque instant disparaît.
Si on confine des particules, leurs vitesses seront très dispersées.
Inversement, si on prépare des particules de manière à ce que leur vitesse soit bien déterminée,
alors l’indétermination sur leur localisation sera grande (les particules seront délocalisées).
Remarque : on comprend ici tout l’intérêt d’obtenir un faisceau de particules très monociné-
tique lorsqu’on réalise une figure d’interférence avec des particules. La vitesse des particules
étant très bien définie, ∆vx est faible, donc ∆px également ce qui entraîne une extension spa-
tiale ∆x importante : elle doit bien sûr être supérieure à l’écart entre les deux fentes si on
souhaite observer des interférences !

II. Énergie minimale de l’oscillateur harmonique quan-


tique
1. Oscillateur harmonique classique 1D (rappels)
On a étudié en début d’année le mouvement har-
monique à une dimension.
Si on note x l’écart par rapport à la position d’équi-
libre, le mouvement harmonique est caractérisé par

x(t) = A cos(ω0 t + ϕ)
vx (t) = ẋ = −Aω0 sin(ω0 t + ϕ)
– la position x est comprise entre −A et A
– la vitesse vx est comprise −ω0 A et ω0 A
L’énergie de l’oscillateur harmonique (correspondant à son énergie mécanique) est donnée par
1 1 1 1
E = Ec + Ep = mvx2 + kx2 = mvx2 + mω02 x2
2 2 2 2
r
1 1 k
On a montré que E = kA2 = mω02 A2 avec ω0 = pulsation propre de l’oscillateur.
2 2 m

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Le modèle de l’oscillateur harmonique a de nombreuses applications :
– en général, le mouvement conservatif d’un point au voisinage d’une position d’équilibre
stable est du type harmonique
– au niveau microscopique, les forces d’interactions entre les atomes d’une molécule sont
modélisées par des forces élastiques. On peut donc se ramener au modèle de l’oscillateur har-
monique pour étudier les vibrations de molécules.

Classiquement, quelle peut-être la valeur minimale de l’énergie ?

la réponse est Emin = 0

Dans ce cas la particule est en O, avec une vitesse nulle : elle est au repos au niveau de la
position d’équilibre. Sa position et sa vitesse sont donc parfaitement définies. On aura donc
∆x = 0 et ∆px = 0.
Ce résultat est en total désaccord avec l’inégalité de Heisenberg ∆x∆px > ~/2.
L’énergie minimale de l’oscillateur harmonique quantique ne peut pas être nulle.

2. Oscillateur harmonique quantique


L’étude quantitative des vibrations de molécules nécessite un traitement quantique. Il faut,
pour trouver les niveaux d’énergie de l’oscillateur, résoudre l’équation de Schrödinger. Cette
résolution dépassant largement le cadre du programme de première année, on se contentera
d’un raisonnement semi-classique.
L’inégalité d’Heisenberg va nous permettre d’évaluer l’ordre de grandeur de l’énergie minimale
d’un oscillateur harmonique quantique.
Pour une énergie donnée, le mouvement est borné. On peut alors évaluer les ordre de grandeurs
des incertitudes ∆x et ∆px .
1 1 p2 1 1
Classiquement : E = mvx2 + kx2 = x + mω02 x2 = mω02 A2
2 2 2m 2 2
< x >= 0, < px >= 0 ;
1 E
< x2 >= A2 < cos2 (ωt + ϕ) >= A2 = ;
2 mω02
A2 ω 2
< p2x >= m2 < vx2 >= m2 A2 ω02 < sin2 (ω0 t + ϕ) >= m2 2 0 = mE
On en déduit les incertitudes sur x et p :
s
√ √ E
∆x = < x2 > − < x >2 = < x2 > =
mω02
p p √
∆px = < p2x > − < px >2 = < p2x > = mE
~
∆x∆px >
s 2
E √ ~
2
mE
 >


 0
 2

~ω0
E>
2

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Notre calcul, très grossier, ne permet en toute rigueur que d’obtenir un ordre de grandeur de
l’énergie minimale.
Cependant, en résolvant l’équation de Schrödinger on trouve que les niveaux d’énergie de
l’oscillateur sont quantifiés. Les valeurs des énergies des différents niveaux s’expriment sous
la forme :
 
1
En = n + ~ω0 avec n ∈ N
2
1
On constate que le niveau d’énergie minimale (pour n = 0) vaut bien Emin = ~ω0 .
2
Remarque : l’hypothèse de Planck était donc bien fondée : quand un oscillateur passe d’un
niveau n + 1 au niveau n il émet un photon d’énergie En+1 − En = ~ω0 = hν0 et il l’absorbe
pour passer du niveau n au niveau n + 1.
Nous allons voir dans l’exemple suivant que, de manière générale, un mouvement limité spa-
tialement (état lié) entraîne une quantification des niveaux d’énergie.

III. Particule confinée


1. Puits de potentiel infini classique

On considère une particule contrainte à être


confinée dans un certain domaine spatial de
largeur L.
Un puits de potentiel infini de largeur L per-
met de décrire cette situation.

∞ si x < 0

Ep (x) = 0 si 0 < x < L

∞ si x > L

À énergie totale constante, la particule possède deux vitesses possibles telles que E = 12 mvx2 .
On peut imaginer un mouvement de va et vient entre les deux parois x = 0 et x = L, le
corpuscule étant contraint de "rebondir" sur chacune des parois limites.
Classiquement, l’énergie minimale possible est bien sûr nulle (particule au repos dans l’inter-
valle [0, L]). Mais, comme on l’a vu dans le chapitre précédent, cet état n’est pas compatible
avec l’inégalité de Heisenberg : l’énergie minimale ne peut donc pas être nulle.

2. Quantification des niveaux d’énergie


Le confinement entre 0 et L, le comportement ondulatoire des particules, ainsi que l’additivité
des fonctions d’ondes, permet de chercher des solutions sous la forme d’une superposition
d’ondes planes progressives se propageant dans deux directions opposées de manière à former
une onde stationnaire.
La probabilité de trouver la particule en dehors de la zone [0, L] est nulle.

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En admettant que l’amplitude de probabilité est continue en x = 0 et x = L, elle doit s’annuler
en x = 0 et x = L.
Par analogie avec les modes propres de vibration d’une corde fixée à ses deux extrémités on
en déduit la condition
λ
L=n avec n ∈ N∗
2
h
En utilisant la relation de de Broglie p = on écrit
λ
h
p=n
2L
On obtient ainsi des valeurs discrètes pour l’énergie :

p2x h2 n2 π 2 ~2
En = = n2 = avec n ∈ N∗
2m 8mL2 2mL2

π 2 ~2
L’énergie minimale est donc Emin = .
2mL2

Une résolution de l’équation de Shrödinger permet de retrouver exactement les mêmes ni-
veaux d’énergie que ceux établis à l’aide de l’analogie avec la corde de Melde.

La particule peut passer d’un niveau d’énergie En à un niveau d’énergie inférieur En0 (n0 < n)
en émettant un photon dont la fréquence ν telle que :

h2
hν = En − En0 = (n2 − n02 )
8mL2
Inversement, elle pourra passer du niveau d’énergie En0 au niveau d’énergie supérieur En en
absorbant une photon ayant cette même énergie.
La plus petite fréquence pouvant être émise ou absorbée correspond à une transition entre les
deux premiers niveaux d’énergie n0 = 1 et n = 2.
E2 − E1 3h
νmin = =
h 8mL2

On retiendra que les états liés présentent des niveaux d’énergie discrets alors que
les états de diffusion (état non lié) peuvent présenter un spectre continu d’énergie.

Exemples :
– niveaux d’énergie de l’électron lié à l’atome (état lié).
– énergie de l’e− diffusé (état de diffusion).

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Bibliographie succinte
• Thornton, Rex Physique Moderne, de boek
Cet ouvrage très documenté offre un large panorama de la physique actuelle, tout en exposant
les expériences historiques fondamentales sur lesquelles elle s’est construite.
• Michel Le Bellac, Le monde quantique, EDP Sciences Collection "Une introduction à" Cet
ouvrage expose les principes de base de la physique quantique ainsi que ses applications les
plus récentes : semi-conducteurs, laser, cryptographie quantique...
• Feymann, Leighton, Sands, Le cours de physique de Feynman - Mécanique quantique, Nou-
velle édition 2014, DUNOD.
Pour une approche plus mathématique sans être austère :
• Jean-Louis Basdevant, 12 leçons de mécanique quantique, Vuibert.
réédité sous le titre Introduction à la physique quantique chez le même éditeur.
Article de revue :
• La Recherche n◦ 520, Février 2017, Dossier : la physique quantique repense le réel.
Par ailleurs, le site de Julien Bobroff, défenseur intarissable de la physique quantique, permet
entre autres, de visualiser certaines expériences d’interférence.
http://www.toutestquantique.fr/

Dans un domaine plus littéraire :


Jérôme Ferrari, Le principe, Ed Actes Sud.

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