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Prix de transfert au Maroc : Ce qu’il faut

savoir
Le prix de transfert au Maroc est une des problématiques fiscales les plus
importantes à gérer dans un groupe.
En effet, chaque entreprise (groupe) qui opère dans plusieurs pays avec des
parties liées est concernée par cette problématique.
Le prix de transfert se trouve également dans le centre des préoccupations des
administrations fiscales. Des accords multinationaux signés par les différents
pays visent à traiter de cette problématique. Il s’agit notamment des accords
dans le cadre de l’OCDE.

Qu’est-ce que le prix de transfert ?


Au Maroc, comme ailleurs, le prix de transfert dans le jargon fiscal désigne le
prix qu’une entité d’un groupe facture en contrepartie de ses ventes ou
prestations à une société du même groupe qui se situe dans un autre pays.
En effet, lorsqu’une société qui a son siège en France livre des marchandises à
sa filiale au Maroc, elle pourrait vouloir réduire ses tarifs. Évidemment, dans ce
cas l’intérêt pourrait être de faire réaliser à une filiale un bénéfice supérieur en
raison d’un régime fiscal avantageux. Par exemple, cet intérêt pourrait résider
dans le fait que le taux effectif d’I.S. au Maroc est inférieur à celui en France.
Imaginons une société informatique qui a procédé à l’externalisation d’une
partie de sa production au Maroc. Les sociétés opérant dans l’offshoring
bénéficient au Maroc d’une exonération pendant une durée de 5 ans et ensuite
d’un taux réduit de 15% en matière d’impôt sur les sociétés au Maroc.
On peut comprendre aisément qu’en faisant facturer à sa filiale au Maroc un
tarif horaire surrévalué, elle peut déduire de son résultat fiscal en France une
somme équivalente par heure passée. Si cette heure est exonérée au Maroc, le
coût fiscal se retrouve ainsi amoindri pour le groupe.
En effet, par cette opération le groupe réalise pour chaque heure une économie
fiscale. Le taux d’I.S. en France étant entre 28% et 31%.
Le prix de transfert peut fonctionner également dans l’autre sens. En effet, une
société française qui produit des machines par exemple, pourrait avoir intérêt à
minorer ses prix de vente pour les mêmes raisons.
La réglementation du prix de transfert au Maroc
Quelle est la documentation du prix de transfert au Maroc ?
Le code général des impôts au Maroc prévoit dans l’article 210 ce qui suit :
« (…) Les entreprises ayant des liens de dépendance directe ou indirecte avec
des entreprises situées hors du Maroc et avec lesquelles elles réalisent des
transactions, doivent mettre à la disposition de l’administration fiscale la
documentation permettant de justifier leur politique de prix de transfert, visée à
l’article 214-III-A ci-dessous, à la date de début de l’opération de vérification
de la comptabilité (…)« .

Quelle est la documentation du prix de transfert au Maroc ?


La documentation doit comprendre, selon les dispositions de l’article 214 les
éléments suivants :
 Un fichier principal contenant les informations relatives :
 D’abord, à l’ensemble des activités des entreprises
liées,
 Ensuite, à la politique globale de prix de transfert
pratiquée,
 Enfin, à la répartition des bénéfices et des activités à
l’échelle mondiale.
 et un fichier local contenant les informations spécifiques aux
transactions que l’entreprise vérifiée réalise avec les entreprises ayant
des liens de dépendance précitées.
Selon les dispositions du même article, cette obligation concerne uniquement les
entreprises qui ont un chiffre d’affaires H.T. OU un total actif brut supérieur ou
égal à 50 millions de dirhams.

Quelle est la procédure pour faire un accord préalable en matière de


prix de transfert au Maroc ?
Au Maroc, l’article 234 bis du code général des impôts a introduit depuis 2015
la possibilité de procéder à un accord préalable en matière de prix de transfert
avec l’administration fiscale marocaine.
Cet article stipule que « les entreprises ayant directement ou indirectement des
liens de dépendance avec des entreprises situées hors du Maroc, peuvent
demander à l’administration fiscale de conclure un accord préalable sur la
méthode de détermination des prix des opérations mentionnées à l’article 214-
III ci-dessus pour une durée ne dépassant pas quatre (4) exercices. Les
modalités de conclusion dudit accord sont fixées par voie réglementaire« .
La procédure d’accord préalable en matière de prix de transfert au
Maroc
La société doit présenter à l’administration fiscale une demande d’accord en
matière de prix de transfert. Avant cette demande, la société peut demander la
tenue de réunions préliminaires. En effet, l’objectif de ces réunions est de
discuter des conditions dans le cadre desquelles l’accord peut être accordé.
A la suite de ces rencontres (optionnelles), la société doit présenter une demande
qui récapitule :
 Premièremement, les entreprises associées avec lesquelles les
transactions sont réalisées;
 Deuxièmement, la nature des opérations objet de l’accord;
 Troisièmement, les exercices fiscaux visés par l’accord ;
 Enfin, les méthodes retenues pour justifier le prix de transfert et
leurs hypothèses de calcul.
Lire plus de détails dans la circulaire relative aux accords préalables en matière de prix de transfert
Les principes de base retenus dans la circulaire sont ceux internationalement
reconnus (notamment dans les normes de l’OCDE). Dans ce qui suit, nous
reprenons les normes internationales en matière de prix de transfert.
Comment justifier le prix de transfert aux
administrations fiscales ?
Les multinationales doivent élaborer une politique de prix de transfert en se
basant sur une règle de pleine concurrence. Un prix de transfert est équitable
lorsqu’il correspond au montant qui aurait été facturé à une société indépendante
:
 Dans une situation de pleine concurrence
 Avec laquelle le contrat est fait dans des conditions similaires
De ce fait, tout prix pratiqué peut être remis en cause par les administrations
fiscales si elles considèrent qu’il déroge à ce principe.
Cependant, en pratique, malgré la simplicité du principe, la mise en pratique de
cette règle n’est pas aisée. Elle nécessite l’application d’une analyse qui
s’articule autour de 3 niveaux d’analyse.
L’analyse fonctionnelle du groupe
L’analyse fonctionnelle permet de situer la fonction de la filiale dans le groupe.
En effet, il s’agit de lister de manière détaillée l’ensemble des fonctions que
réalise la filiale dans la structure du groupe. Cette méthode prend en
considération :
 La part du « travail » réalisé par la filiale (commercial,
production, marketing, service après-vente, organisation,
administration, logistique …) ;
 Les risques que le la filiale encourt vis à vis de l’extérieur : on
admet facilement dans le marché que plus une entreprise encourt des
risques, plus elle peut prétendre à une meilleure part de la marge ;
 Les moyens matériels et immatériels qu’elle utilise : plus une
filiale est engagée en moyens et investissements, plus il est justifié
qu’elle obtienne une part plus importante de la marge.
Si nous imaginons un exemple extrême où une entreprise au Maroc dispose d’un
seul salarié :
 qui gère la relation avec une société de logistique externe
 alors que la société mère dessine, teste, produit, promeut le produit
Il sera difficile de défendre, au moins auprès de la juridiction où se situe la
maison mère, qu’elle récupère une part de bénéfice supérieure ou même
équivalente à celle que récupère la maison mère.
Une fois on réalise l’analyse fonctionnelle, il conviendra de choisir une méthode
d’élaboration des prix de transfert

Les principales méthodes communément admises


Le choix de la méthode de prix de transfert permettra la détermination d’un prix
qui répond à la règle de « libre concurrence ».
De ce fait, il est essentiel de procéder à un choix pertinent lors de la
détermination de son prix de transfert. La méthode choisie doit prendre en
considération les spécificités de chaque entreprise compte tenu des informations
collectées dans la première phase : l’analyse fonctionnelle.
Par ailleurs, une seule méthode ne peut permettre à elle seule de fixer de
manière efficace le « prix de pleine concurrence » de toutes les transactions.
Chaque situation est unique.
Dans son guide pratique, l’OCDE a proposé plusieurs méthodes de
détermination du prix de transfert. Elles sont au nombre de cinq (catégorisées en
deux groupes) et sont :
 Les méthodes classiques de détermination de prix de transfert  :
Cost Plus, CUP, et Resale Price
 Les méthodes transactionnelles : TNMM et Profit Split

L’entreprise doit choisir parmi ces méthodes celle qui sera la plus adéquate à la
nature de ses transactions. Évidemment, aucune de ces méthodes n’est parfaite
et chacune a ses avantages et ses inconvénients. L’entreprise doit élaborer
ensuite, une documentation des prix de transfert qui explique les critères qu’elle
a retenus pour faire son choix.
Méthode « Cost Plus »
Appelée également méthode des coûts plus marge ou méthode des coûts
majorés. En effet, cette méthode consiste à déterminer dans un premier lieu le
coût de revient pour la société vendeuse. Ensuite, il s’agit d’appliquer une marge
« Fair » ou « équitable ». Cette marge équitable qu’on détermine par
comparaison avec les marges qui s’appliquent entre deux entreprises
indépendantes dans le même marché.
Le prix de transfert correspond ainsi à la somme du coût et de la marge. Il est
évident que la mise en place de cette méthode nécessite au préalable que la
société soit en mesure de déterminer efficacement ces coûts. Un système de
comptabilité analytique doit être mis en place par conséquent.
Méthode « CUP »
Appelée également méthode des comparables de marché. Dans ce cas, au lieu de
comparer les marges réalisées, il s’agit de comparer directement le prix de vente
pratique. Le prix de transfert correspond au prix que deux sociétés
indépendantes pratiquent dans des conditions de concurrence. Dans les faits, il
est difficile de trouver des comparables parfaits. On peut procéder à des
corrections lorsque ceci peut se faire en se basant sur des critères fiables.
Méthode « Resale Price »
dite également « Resale minus ». Elle consiste à appliquer une décote de marge
brute sur le prix de vente final qu’applique l’acheteuse. En effet, cette méthode
se base sur le prix de vente au client final. L’on se pose la question quel serait le
« Fair Margin » qu’appliquent les concurrents qui achètent auprès d’un
fournisseur indépendant. On considère cette marge comme  équitable dans la
transaction effectuée dans le cadre du groupe.

Conclusion sur les méthodes traditionnelles


En conclusion à cette partie, force est de constater que les méthodes précédentes
se limitent à l’analyse de la marge brute. En effet, ces dernières ne prennent pas
en considération les coûts de structure pour arriver à la « Bottom Line ». De ce
fait, les deux prochaines méthodes permettent de pallier cette difficulté.
Prix de transfert – Méthodes transactionnelles – Méthode « TNMM »
Dite également méthode de la marge globale ou méthode transactionnelle à
marge nette. Comme dans le cas des coûts, on s’intéresse à la marge réalisée par
chacune des sociétés du groupe. Néanmoins, l’analyse porte sur la marge nette
finale réalisée sur la transaction en question. Cette marge, comme dans les autres
méthodes, doit être comparable aux marges que réalisent des entreprises
similaires dans des conditions de concurrence pure et parfaite. La fiabilité de
cette marge dépend largement d’une bonne analyse fonctionnelle.
Elle consiste à comparer la marge nette que le groupe réalise sur une transaction
avec les marges nettes que réalise une entreprise indépendante (un comparable).
Il n’y a pas de comparaison des prix mais des niveaux de marge nette. Cette
méthode est complexe à mettre en œuvre et sa fiabilité peut être discutable.
Cependant, elle demeure largement utilisée par les entreprises et les
administrations fiscales.
Prix de transfert – Méthodes transactionnelles – Méthode du « Profit
Split »
Aussi appelée méthode de partage des bénéfices. Elle consiste à déterminer de
manière consolidée la marge globale réalisée par le groupe sur une transaction.
Ensuite, il sera question de répartir cette marge entre les parties prenantes en se
basant sur l’apport de chacune. La répartition doit prendre en considération les
résultats de l’analyse fonctionnelle.

Enfin, confirmer le modèle à travers des Benchmarks


Le benchmarking consiste à élaborer un échantillon de comparables pour étayer
sa politique de prix de transfert. Il est à noter que le groupe doit effectuer le
choix des comparables minutieusement. Il n’est pas une tâche aisée.
Le groupe doit s’assurer que les comparables choisis réalisent des transactions
comparables à la transaction analysée. En outre, les éléments de l’échantillon
doivent évoluer dans un contexte concurrentiel similaire. Lorsque ces conditions
ne sont pas possibles, il faudra ajuster les chiffres de manière justifiable.
Tous les concurrents ne sont pas comparables, et vice versa.
Les comparables peuvent être internes ou externes. Un comparable interne peut
être une société du groupe ou un contrat avec un autre client. Un comparable
externe correspond plutôt à une société indépendante.
Il s’agit, ensuite, de comparer les résultats obtenus avec la méthode que nous
avons choisi avec les résultats de l’échantillon.
L’analyse vise à prouver, enfin, que le prix que le groupe applique est
effectivement comparable à ce qui se pratique dans des situations de pleine
concurrence.

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