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Comité National des Coproduits

Rédaction :
Benoît Rouillé
Huile et tourteaux Juillet 2010
de palme

Huile et tourteaux de palme en alimentation


des vaches laitières
Depuis une vingtaine d’années, l’huile de palme constitue un élément majeur du
marché mondial des corps gras au niveau de la production mais aussi des échanges
internationaux. En effet, la demande sur cette huile est forte du fait de
l’accroissement du prix des denrées alimentaires et de la possibilité de l’utiliser pour
produire du biodiesel. L’huile de palme figure parmi les huiles végétales les moins
chères, donc les plus recherchées par les pays à faibles revenus pour l’alimentation
humaine. Mais les pays développés recherchent cette huile ainsi que les tourteaux
de palme pour les usages dans les industries alimentaires, l’alimentation animale et
la production d’agrocarburants.

1. Huile et tourteaux de palme


L’huile de palme
Cette huile est extraite par pression à chaud de la pulpe des fruits du palmier à huile.
100 kg de fruits donnent environ 22 kg d’huile. Essentielle dans l’alimentation des
personnes vivant dans les zones de production, elle est aussi très utilisée dans les
aliments industriels et les cosmétiques par son faible coût de production. Enfin, l’huile
de palme est introduite dans l’alimentation du bétail par le biais des aliments
composés ou de divers additifs. Elle représente une source énergétique
intéressante.

Les tourteaux de palme


Les tourteaux de palme sont les coproduits de la fabrication d’huile de palme par
trituration. Ils sont majoritairement valorisés en alimentation animale à travers le
monde. Ils constituent une source azotée intéressante au même titre que les
tourteaux de soja, de colza ou de tournesol.

2. Une production mondiale d’huile de palme basée en Asie


et en Afrique
Des surfaces importantes
En 2004, les surfaces destinées à la culture du palmier à huile dans le monde étaient
de 12,3 millions d’hectares. Elles ont atteint presque 14 millions d’hectares en 2007.
64 % de ces surfaces sont cultivées en Asie et 31 % en Afrique. Ces deux bassins

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de production représentent donc à eux seuls 95 % des surfaces de palmier à huile,
les terres étant souvent utilisées au détriment de la forêt. Ces surfaces sont en
expansion forte du fait de l’utilisation possible d’huile de palme produite pour la
production de biodiesel.

Tableau 1 : Surfaces en palmiers à huile en 2004 et 2007 (Source : FAOSTAT)

En millions d’hectares
2004 2007
(%)
12,3 13,9
Monde
100 % 100 %
7,1 8,9
Asie
56 % 64 %
4,5 4,3
Afrique
37 % 31 %

Une production en constante augmentation


Il existe une différence majeure entre la production en Afrique et la production en
Asie : la production africaine est traditionnelle tandis qu’elle est devenue industrielle
en Asie. En 2005, l’Asie produisait 86 % des 33 millions de tonnes d’huile de palme
dans le monde. En 2007, 40 millions de tonnes environ ont été produites dont 88 %
en Asie, sur 64 % des surfaces mondiales.

Tableau 2 : Production d’huile de palme en 2004 et 2007 (source : FAOSTAT)

En millions de tonnes
2004 2007
En %
31,2 39,3
Monde
100 % 100 %
27,1 34,7
Asie
87 % 88 %
2,1 2,3
Afrique
7% 6%

La demande mondiale en huile de palme est donc en plein essor et entraîne une
hausse régulière de la production de +3 %/an depuis environ 15 ans. La demande
est réellement mondiale car 67 % de la production est destinée à l’exportation.

Des exportations surtout vers l’Europe et la Chine


En 2006, l’Union Européenne (6,8 millions de tonnes) et la Chine (5,2 millions de
tonnes) sont les principaux importateurs d’huile de palme. L’Union Européenne est
destinataire d’environ 23 % des exportations mondiales.

Les importations de tourteaux de palme de l’Union Européenne en 2006 étaient de


3,3 millions de tonnes pour un total mondial de 4 millions de tonnes, soit 82 % des
importations. Cette proportion semble stable sur les dernières années.

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Tableau 3 : Exportations et importations d’huile et de tourteaux de palme
(Source : FAOSTAT)

x 1 000 tonnes Matière première Exportations Importations


Monde 29 950 28 790
Europe 1 480 6 780
Huile de palme
Chine 0,9 5 220
France 2,8 335
Monde 44 403 39 680
Europe 520 32 750
Tourteaux de palme
Chine 0 2
France 0 148

A titre de comparaison, selon les statistiques de la FAO, l’Union Européenne importe


3 millions de tonnes de tourteaux de colza et 31 millions de tonnes de tourteaux de
soja. Les tourteaux de palme représentent donc 8,8 % des importations, si on ne
considère que les tourteaux de soja, de colza et de palme importés en Europe.

3. L’utilisation de l’huile et des tourteaux de palme dans


l’alimentation animale en France
L’huile de palme
L’huile de palme est la première huile végétale brute importée en France à raison de
335 000 tonnes en 2006. Sachant que les exportations françaises sont de l’ordre de
3 000 tonnes et que la production est quasi nulle, la France consomme donc 332 000
tonnes d’huile de palme par an.

L’huile de palme peut être utilisée en industrie alimentaire (selon différentes études,
10 % des produits de grandes surfaces en contiendraient), mais aussi comme
supplément énergétique dans des aliments composés ou ajoutée directement à la
ration par l’éleveur. Là encore, l’importance de cette pratique reste faible. Pour les
aliments composés destinés aux vaches laitières, les matières grasses végétales ne
représentent que 0,5 % de la composition d’un aliment moyen. En terme de volume,
cela ne représente qu’environ 15 000 tonnes, toutes origines végétales confondues.
Il n’existe pas de données fiables concernant l’utilisation d’huile (de palme ou autre)
par les éleveurs directement en élevage, mais il semblerait que les volumes soient
très faibles.

Les tourteaux de palme


Pour les tourteaux de palme, la production et les exportations françaises sont nulles.
La consommation est donc égale aux importations, soit 151 000 tonnes en 2006 et
148 000 tonnes en 2007.

En alimentation animale, suite à l’interdiction d’utiliser des farines animales dès 2001,
les fabricants et le marché se sont tournés vers d’autres matières premières : les
importations de tourteaux de palme sont alors passées de 4 000 tonnes par an à
environ 150 000 tonnes par an. Cela représente actuellement moins de 1 % des
sources azotées utilisées pour alimenter le bétail. A titre de comparaison, les
tourteaux de colza et de soja consommés toutes espèces confondues sont de l’ordre
de 1,5 millions de tonnes et 4,5 millions de tonnes respectivement. Les tourteaux de

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palme n’apparaissent même pas dans les formules moyennes du SNIA pour les
vaches laitières ou les autres espèces, ce qui témoigne de la faible importance de ce
coproduit dans l’alimentation animale. Ces chiffres ont été confirmés par des
contacts récents avec le SNIA.

4. Un impact négatif sur la qualité nutritionnelle des


produits
Les valeurs nutritionnelles
L’huile de palme est une source énergétique qui titre 2,73 UFL par kg de matière
sèche (MS) quand un blé est à 1,17 UFL/kg MS. Cela signifie qu’un apport, même
minime, d’huile de palme peut permettre de corriger rapidement un déficit
énergétique d’une ration.
Les caractéristiques nutritionnelles des tourteaux de palme sont les suivantes : 90,6
% MS, 0,93 UFL/kg MS, 116 g PDIN/kg MS, 124 g PDIE/kg MS, 90 g de matière
grasse/kg MS. Ce tourteau de palme se démarque par une faiblesse en terme de
PDI relativement aux autres tourteaux usuels (colza et soja).
La synthèse de plusieurs essais réalisés sur 29 lots d’animaux au total montre que le
savon de calcium d’huile de palme (huile de palme protégée) est significativement
favorable à la production laitière (+0,9 kg/j) et défavorable au taux butyreux (-1,2
g/kg) (Paccard, 2006). Dans le contexte actuel, il reste néanmoins des interrogations
sur la qualité nutritionnelle des laits produits avec un apport d’huile ou de tourteaux
de palme.

Lien fort entre la matière grasse de la ration et la qualité


nutritionnelle des produits
Nous savons qu’il existe un lien marqué entre les matières grasses ingérées par la
vache et les acides gras que l’on retrouve dans le lait. Ainsi, l’herbe pâturée améliore
le profil en acides gras du lait comparativement aux autres fourrages classiquement
rencontrés (Paccard et al., 2006). De même, l’utilisation de tourteaux de colza va
dans le bon sens comparé aux tourteaux de soja. Les caractéristiques de l’huile et du
tourteau de palme sont présentés dans le tableau ci-dessous, en parallèle avec les
principales huiles végétales et les tourteaux majeurs.

Tableau 4 : Part des différents acides gras dans les huiles et tourteaux de palme
(Source : Inra 2007)
% des AG Huiles végétales Tourteaux
totaux Palme
Palme Colza Soja Colza Soja
expeller
C6 + C8 + C10 - - - 7,8 - -
C 12:0 0,3 0,2 - 46,9 - -
C 14:0 0,6 0,1 0,1 15,7 0,1 0,1
C 16:0 43,0 4,2 10,5 8,5 4,2 10,5
C 16:1 0,2 0,4 0,2 - 0,4 0,2
C 18:0 4,4 1,8 3,8 2,6 1,8 3,8
C 18:1 37,1 58,0 21,7 14,9 58,0 21,7
C 18:2 9,9 20,5 53,1 2,2 20,5 53,1
C 18:3 0,3 9,8 7,4 0,4 9,8 7,4
C 20:0 0,4 - 0,3 - - 0,3
Total (%) 96,2 95,0 97,1 99,0 94,8 97,1

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L’huile de palme étant riche en acide palmitique (C 16:0), un acide gras saturé à
chaîne moyenne qui n’est pas recommandé en terme de santé humaine, son
utilisation n’est pas conseillée d’un point de vue nutritionnel car le lait ainsi produit
sera enrichi en C 16:0. La même conclusion peut être émise concernant les
tourteaux de palme expeller qui lui contient surtout de l’acide laurique (C 12:0) et de
l’acide palmitique. Les tourteaux et huile de colza sont favorables à la qualité
nutritionnelle des laits car ils sont riches en acide oléique (C 18:1), acide gras mono-
insaturés.

Toutefois, économiquement, le prix de ces produits issus de la palme attirent les


industriels qui y trouvent le plus souvent une bonne opportunité entre les valeurs
nutritionnelles et le coût de l’huile et des tourteaux de palme car ils utilisent la
programmation linéaire en formulation. En effet, cette méthode minimise le prix de
fabrication tout en satisfaisant des objectifs.

Une observation sur l’huile de palme


Une observation sur l’utilisation d’huile de palme dans l’alimentation des vaches
laitières a été conduite durant l’hiver 2008-2009 à la ferme expérimentale des
Trinottières. Le but de ce travail est de démontrer s’il y a un impact de cette pratique
sur le profil en acides gras du lait ainsi produit.

1. Matériel et méthodes

Les animaux
Six vaches laitières ont été retenues pour réaliser cette observation. Elles n’étaient
plus en essai et étaient donc disponibles. Il s’agit des trois vaches multipares et de
trois vaches primipares. Elles ont été maintenues sur leur régime expérimental :
ensilage de maïs + concentrés.

Le produit « huile de palme »


Le produit utilisé est un acide gras d’huile de palme (protégée) hydrogénée en
poudre. Il contient 99 % de matière grasse, 0,5 % de matières minérales et 0,5 %
d’humidité. Il est composé de 1,5 % d’acide myristique (C14:0), 50 % d’acide
palmitique (C16:0), 42 % d’acide stéarique (C18:0) et 3 % d’acide oléique (C18:1).
Le fabricant préconise une distribution de 300 à 800 g/j, du vêlage jusqu’à 100 jours
de lactation. L’huile de palme a été distribuée pendant trois semaines (12/01/2009 au
05/02/2009) à raison de 400 g/VL/j.

Le rationnement
Tous les animaux reçoivent le même régime pendant trois semaines avant la
distribution de l’huile de palme. La ration contenant de l’huile de palme est distribuée
aux animaux pendant les trois semaines suivantes avant un retour à la ration de
départ.

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Tableau 1 : Planning des périodes d'alimentation et des prélèvements
Semaine Dates Prélèvements Rations
calendaire Du … au …
52-1-2 1er janvier au 11 4 prélèvements en S2 Ensilage de maïs
janvier (Témoin)
3-4-5 12 janvier au 5 4 prélèvements en S5 Ensilage de maïs
février + huile de palme
6-7-8-9 6 février au 29 4 prélèvements en S8 Ensilage de maïs
février 2 prélèvements en S9 (retour témoin)

Les rations sont établies à partir des résultats d'analyses en vert du silo de maïs
utilisé. Les valeurs nutritives des aliments concentrés proviennent de valeurs
moyennes observées sur la ferme des Trinottières.

Tableau 2 : Composition des rations complètes distribuées aux six vaches


Ensilage de
Ensilage de
maïs + huile de
maïs
palme
Composition (% MS) S1-3 et S7-9 S4-6
Ensilage de maïs 70,9 69,0
Paille 2,1 2,1
T. Colza 19,5 19,5
T. Colza tanné 6,2 6,2
Carburée 0,6 0,6
Huile de palme - 1,9
AMV 0/28/3 0,3 0,3
carbonate de calcium 0,1 0,1
Sel 0,2 0,2
Total 100,00 100,00
Rapport concentré / ration totale (%) 25,7 25,7

La ration complète est distribuée après pesée des fourrages et les concentrés sont
apportés en proportion des fourrages. La distribution a lieu une fois par jour, le matin,
après enlèvement et pesée des refus de la veille. Pour les rations contenant de
l’ajout d’huile de palme, l’apport se fait après distribution de la ration dans le bac. La
dose est de 400 g/VL/j, et elle est mélangée aux fourrages et aux concentrés
manuellement.

L’apport du complément contenant de l’huile de palme permet d’augmenter l’apport


énergétique de la ration de 0,89 UFL/kg MS à 0,94 UFL/kg MS. Le lait couvert par les
UFL est supérieur de 2,5 kg avec l’apport de matières grasses végétales. La densité
protéique baisse respectivement de 110 g PDIN et 106 PDIE/kg MS à 103 g PDIN et
98 g PDIE/kg MS. Le lait couvert par les PDI est sensiblement identique entre la
ration témoin et celle d’observation.

2. Les résultats
Il faut bien noter que ces résultats ne sont que le fruit d’une observation sur un
nombre limité de vaches laitières (6) et que de ce fait, les analyses statistiques sont
impossibles. Il s’agit ici de tendances résultantes de la distribution d’huile de palme.

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Les performances zootechniques

Les performances zootechniques sont présentées dans le tableau ci-dessous. Les


mesures ont été réalisées au milieu de chaque période alimentaire (S2, S5, S8 et S9)

Tableau 3 : Performances zootechniques des six vaches


Ration EM (S2) EM+HP (S5) EM (S8) EM (S9)
Lait brut (kg/VL/j) 35,9 35,9 35,0 33,0
Taux butyreux
40,0 39,7 37,9 38,5
(g/kg)
Taux protéique
32,6 32,3 32,6 32,4
(g/kg)
Ingestion (kg/VL/j) 24,2 23,2 23,4 23,3

Les profils en acides gras


Les profils en acides gras des laits prélevés ont été analysés en chromatographie en
phase gazeuse au laboratoire Inra-UMRPL de Saint-Gilles (35) selon la méthode de
référence.

Tableau 4 : Résultats des analyses CPG sur les acides gras du lait
(en % des acides gras) EM (S2) EM+HP EM (S8) EM (S9)
(S5)
Acides gras saturés 69,9 72,2 71,0 68,5
Dont acide palmitique 32,7 34,6 32,7 32,0
C16:0/AGS (%) 46,8 48,0 46,0 46,7

Acides gras insaturés 28,4 26,3 27,2 29,6

Acides gras mono-


25,5 23,7 24,4 26,9
insaturés

L’apport d’huile de palme sous forme hydrogénée en poudre entraîne une


augmentation de la part des acides gras saturés. Cette augmentation semble être
liée en particulier à l’apport d’acide palmitique que l’on retrouve en plus grande
proportion dans le lait prélevé en S5. Il faut un peu de temps pour retrouver le niveau
initial après arrêt de la distribution d’huile de palme.

Dans le même temps, la part des acides gras insaturés baisse avec l’apport d’huile
de palme puis retrouve le niveau initial deux à trois semaines après le retour à la
ration témoin. Les acides gras mono-insaturés se comportent de la même façon.

7
AGS
Evolution des teneurs en acides gras en fonction des C16:0
régimes alimentaires AGI
AGMI

80

70

% des acides 60
gras
50

40

30

20
EM (S2) EM + HP (S5) EM (S8) EM (S9)

Evolution des teneurs en acide palmitique (C16:0)

35

34
% des AG
totaux
33

32

31
EM (S2) EM + HP (S5) EM (S8) EM (S9)

L’apport d’huile de palme dans la ration des vaches laitières a entraîné une
augmentation des acides gras saturés (non désirés) dans le lait et notamment de
l’acide palmitique (+ 2 points). A l’inverse, le pourcentage des acides gras insaturés a
baissé, y compris celui des mono-insaturés. Après l’arrêt de la distribution d’huile de
palme aux six animaux, le lait retrouve sa composition initiale au bout de trois
semaines environ, y compris concernant la teneur en acide palmitique. Toutefois,
aucune analyse n’a été effectuée entre S5 et S8.

L’alimentation des vaches laitières permet donc bien de modifier le profil en acides
gras du lait. Selon les recommandations nutritionnelles, l’huile de palme semble donc
détériorer la qualité du lait en augmentant la part des acides gras saturés et surtout
celle de l’acide palmitique.

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Pour en savoir plus :
Visitez notre rubrique « Les coproduits pour l’alimentation des ruminants »
http://www.inst-
elevage.asso.fr/html1/spip.php?page=rubrique_espace&id_espace=931&id_rubrique
=28

Références bibliographiques
Paccard P., Chesnais F., Brunschwig P., 2006. Maîtrise de la matière grasse du
lait par l’alimentation des vaches laitières. Etude bibliographique et simulations
technico-économiques. CR Collection Résultats, 36 pages.

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