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PSYCHOLOGIE

DE L'ART ET DE L'ESTHÉTIQUE
PSYCHOLOGIE D'AUJOURD'HUI
COLLECTION DIRIGÉE PAR PAUL FRAISSE

PSYCHOLOGIE DE L'ART
ET DE L'ESTHÉTIQUE
ROBERT FRANCÈS

Y. BERNARD, M. BRUCHON-SCHWEITZER, J. CHAGUIBOFF


M. DENIS, E. DUMAURIER, M. GONZALEZ, H. GOTTESDIENER
M. HERROU, M. IMBERTY, J. MAISONNEUVE
F. MOLNAR ET A. ZENATTI

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE


Liste des collaborateurs
Yvonne Laboratoire de Psychologie de la Culture,
BERNARD Université de Paris X, Nanterre, CNRS.
Marilou Laboratoire de Psychologie expérimentale
BRUCHON-SCHWEITZER et différentielle,
Université de Paris X, Nanterre.
Jean Laboratoire de Psychologie de la Culture,
CHAGUIBOFF Université de Paris X, Nanterre, CNRS.
Michel Laboratoire de Psychologie de la Culture,
DENIS Université de Paris X, Nanterre, CNRS.
Elisabeth Laboratoire de Psychologie de la Culture,
DUMAURIER Université de Paris X, Nanterre.
Robert Laboratoire de Psychologie de la Culture,
FRANCÈS Université de Paris X, Nanterre.
Michel Laboratoire de Psychologie de la Culture,
GONZALEZ Université de Paris X, Nanterre, CNRS.
Hana Laboratoire de Psychologie de la Culture,
GOTTESDIENER Université de Paris X, Nanterre.
Michel Psychosociologue.
HERROU
Michel Laboratoire de Psychologie de la Culture,
IMBERTY Université de Paris X, Nanterre.
Jean Laboratoire de Psychologie sociale et
MAISONNEUVE Sciences de l'Education,
Université de Paris X, Nanterre.
François Laboratoire de Psychologie de la Culture,
MOLNAR Université de Paris X, Nanterre. CNRS.
Arlette Laboratoire de Psychologie de la Culture,
ZENATTI Université de Paris X, Nanterre, CNRS.

Ce travail a été réalisé grâce aux moyens fournis par le CNRS et


les Universités de Paris I et de Paris X au Laboratoire de Psycho-
logie de la Culture (Centre universitaire Saint-Charles, 75740 Paris
Cedex 15). Secrétaires de la rédaction : M. Denis et H. Gottesdiener.

ISBN 213 035932 9


1 édition : 2 trimestre 1979
ⓒ Presses Universitaires de France, 1979
108, Bd Saint-Germain, 75006 Paris
Avant-propos
ROBERT FRANCÈS


en psychologie —dans le domaine de l'art et, plus généralement,
de l'esthétique.
La psychologie de l'art prend pour pôles d'étude les œuvres
que les institutions culturelles considèrent comme dignes d'être
désignées et conservées comme œuvres d'art. Mais ces œuvres,
quelles que soit leur importance pour la connaissance des compor-
tements et desfonctions esthétiques de l'être humain, ne sont pas
seules à mobiliser ces comportements, à exercer ces fonctions.
Il y a, dans toutes les sociétés, un domaine plus large dont les
limites sont difficiles à tracer, qui suscite des « réponses »ayant
bien des analogies avec celles qu'éveillent les œuvres d'art : non
seulement les éléments sensoriels que les artistes utilisent, par
exemple les sons et les couleurs isolés ou en combinaisons simples,
les proportions, etc., mais aussi les aspects ornementaux ou
formels du cadre de vie, des objetsfabriqués, du corps propre, etc.
Ce domaine est, peu à peu, intégré dans la psychologie de l'esthé-
tique dans la mesure où des travaux scientifiques contrôlés lui
sont consacrés. Dans certains cas, comme celui des équilibres
optimaux visuels ou auditifs, l'intégration est fort ancienne,
puisque les premières expériences sur la section d'or ou les
accords de deux sons ont précédé les expériences sur les œuvres
picturales. Dans d'autres cas elle est toute récente lorsqu'il s'agit,
par exemple, des paysages naturels ou du corps propre. On
trouvera donc ici un chapitre sur les aspects esthétiques et
iconiques du corps et un autre sur ceux de l'environnement bâti.
En un mot, un des caractères distinctifs du présent ouvrage
est d'être non seulement une synthèse de recherches traditionnelles
sur la psychologie de l'art, mais aussi un bilan de recherches
frontalières de l'art ou touchant à la réactivité esthétique. Cette
extension à des travaux récents est un facteur d'intérêt pour le
lecteur — nous l'espérons du moins — mais il n'est pas sans
risque. Dans les secteurs très récents, les chercheurs en sont parfois
à l'étape préliminaire de l'évaluation de leurs méthodes, à des
tentatives dont les résultats sont encore peu nourrissants. Nous
avons cependant tenu à les présenter comme relevant de branches
prometteuses (plus que porteuses) de fruits, parce qu' elles font
le départ entre ce que l'on sait et ce qu'on croit savoir dans des
champs importants de la vie culturelle, ou non culturelle. Le risque
a donc été pris de présenter le bilan des nouveautés à côté de la
synthèse de ce qui est plus éprouvé et plus traditionnel.
Un autre trait distinctif de cet ouvrage, par rapport aux livres
et traités sur la psychologie de l'art, est l'extension à des secteurs
artistiques bien reconnus, soit anciens comme l'architecture, soit
récents comme le cinéma, mais que l'on passait sous silence
dans ces livres ou traités. Si l'architecture est un des arts les plus
anciens, la psychologie de cet art est un des derniers secteurs des
disciplines de l'environnement qui foisonne actuellement de tra-
vaux dont on a essayé de recenser les plus solides et les plus
intéressants. Si le cinéma est l'art le plus récemment inventé,
c'est à l'histoire du cinéma que l'on songe lorsqu'il s'agit des
sciences humaines qui lui ont été appliquées. Les recherches
psychologiques qui lui ont été consacrées sont dispersées dans des
revues françaises et étrangères et la synthèse qui en est faite ici
est un autre aspect distinctif de cet ouvrage.
Le livre s'adresse à un public de psychologues ou depsycho-
sociologues, mais l'on a évité de lui donner un aspect trop tech-
nique pour permettre à tout lecteur ayant quelque culture esthé-
tique ou scientifique d'en prendre connaissance. Les étudiants
d'art et d'esthétique seront à même, en particulier, d'en tirer
profit et d'élargir ainsi leur connaissance du domaine qui les
intéresse.
CHAPITRE PREMIER

Art, esthétique
et sciences humaines
ROBERT FRANCÈS ET MICHEL IMBERTY

A | INTRODUCTION :
ESTHÉTIQUE PHILOSOPHIQUE
ET ESTHÉTIQUE EXPÉRIMENTALE

L'esthétique a-t-elle une méthode, ou des méthodes, que


l'on puisse définir, apprendre, pratiquer, critiquer, faire
progresser ?
De nos jours encore, la question peut à peine être posée.
Les grands débats passés et présents sont, en esthétique
surtout, de doctrines. Alors même qu'on renonce à voir en elle
une discipline normative, on se range avec plus ou moins de
netteté dans un courant philosophique qui présuppose la
recherche achevée : expressionnisme ou intellectualisme, natu-
ralisme ou culturalisme, primat de la forme ou du sujet. Ces
options primordiales n'ont pas en général un caractère métho-
dologique. Elles peuvent s'accommoder de procédés d'approche
variables de l'objet qu'on s'est choisi. Ce ne sont encore que des
orientations de pensée n'impliquant pas d'effort de réflexion
sur les méthodes.
Nous disposons de bien des ouvrages, dont les uns sont
excellents, sur ce que doit être l'objet de l'esthétique : certains
désignent avant tout les œuvres, d'autres les artistes qui les
font naître, d'autres enfin le public, ou les publics qui les
contemplent et collaborent ainsi à leur existence en tant que
faits d'art. Sans doute ces voies sont-elles toutes dignes d'inté-
rêt, mais peut-on les suivre sans autre préparation que sa
curiosité, sa ferveur pour tel art, tel domaine de l'art ? En
ce cas, la seule exigence serait d'élargir le champ de ses obser-
vations immédiates, et de conclure au moment opportun. On
dira en ce sens : un quatuor, un bas-relief sont des faits ;
l'accueil réservé à Carmen ou à Pelléas, la psychose de Schu-
mann, la vie privée de Léonard et de Michel-Ange sont des
faits. L'impression que je ressens devant le spectacle du Palais
Vieux l'est aussi. N'y a-t-il pas là pour l'esthétique, quel que
soit l'objet qu'on lui fournit, une base empirique suffisante à
l'édification d'une science ? Si l'on entend ainsi que l'esthétique
est l'histoire — ou plus précisément la chronique — des faits
d'art, assurément. Mais si l'on veut lui assigner, ainsi qu'il est
de tradition, l'étude d'une problématique ayant un certain
degré d'abstraction, la visée épistémologique devient tout
autre. De ces faits singuliers que sont chacune des œuvres,
leurs origines, leur retentissement, il faut faire émerger des
concepts et des relations explicatives, abstraits dans une
certaine mesure. L'esthétique, jusqu'à Fechner (1876), n'a
pas eu d'autre méthode. C'est dire qu'implicitement elle en
suivait une, distincte de celle de l'histoire de l'art. Celle-ci
cherchait avant tout à individualiser ses objets, l'esthétique à
tirer des mêmes observations des ensembles d'idées pouvant
s'intégrer dans une problématique.
C'est donc le rapport des faits à l'idée qui suscite une diffi-
culté. L'assertion en matière d'art se présente souvent comme
intuitive et s'adresse à l'intuition, au souvenir ou à la vision
que chacun de nous peut avoir des œuvres dont on parle, des
fonctions ou des sentiments que l'on analyse. Et souvent aussi
elle est admise intuitivement, entraînant une forme d'adhésion
qui tient du sentir plus que du connaître.
Une telle esthétique crée jusqu'à un certain point son objet,
et cette création n'est pas indifférente pour la connaissance
objective : elle dévoile cette richesse indéfinie que constitue
le retentissement sur l'homme de ses productions accomplies.
Les interprétations souvent diverses, parfois même contra-
dictoires, montrent les mêmes œuvres sous différents angles,
établissent des rapprochements qui révèlent des apparences
nouvelles. Elles constituent la matière d'une esthétique au
second degré dont la connaissance objective a besoin, à côté
d'une matière moins fluente et tenant moins aux individualités.
Cette connaissance embrasse ce qu'on peut appeler des
faits d'art non intuitifs, qui, ainsi que tous les faits scienti-
fiques, doivent être en partie construits à partir de techniques
définies qui instituent un contrôle de l'observation ou de la
reproduction expérimentale.
Certes, on regrettera d'avoir à construire, de perdre ainsi
ce qu'il y a de spontané et d'intime dans notre contact avec les
œuvres. Mais ce regret devrait être tempéré par la considéra-
tion des autres sciences humaines ; leur progrès, leur constitu-
tion comme sciences datent du moment où elles ont renoncé,
l'une à l'introspection, l'autre à l'anecdote pour édifier, par des
détours rationnels, un savoir sur la subjectivité et les actes,
leurs conditions et leur enchaînement.
Il est certain d'ailleurs qu'il y a dans l'esthétique interpré-
tative une part de construction moins apparente peut-être,
mais plus trompeuse. Le choix, la succession, le rapprochement
des exemples suggèrent l'idée. Mais cette suggestion est-elle
fondée, partagée par tous, est-elle communicable, reproduc-
tible ? Nous ne le savons pas, car le rapport des faits à l'idée
n'a pas été l'objet d'un contrôle. Pour cette raison l'idée com-
porte une part de subjectivité qui sera révélée lorsqu'un autre
auteur aura, pour appuyer une idée différente, présenté d'autres
exemples, les aura rangés dans un autre ordre, etc. A côté de
ces faits dont la constitution peut être datée et localisée, la
paternité cherchée dans des écrits, l'esthétique en comporte
un certain nombre que des traditions ont véhiculés jusqu'à
nous, dont on ne peut se désintéresser, mais qui n'ont pour
ainsi dire jamais été établis avec rigueur : caractères affectifs
des modes majeur et mineur en musique, harmonies de couleur
en peinture, etc.
B | L'ESTHÉTIQUE EXPÉRIMENTALE

I | FAIT « DONNÉ » ET FAIT CONSTRUIT

Un rapport solide des faits à l'idée —et même une construc-


tion valable du fait — ne sera établi que par l'intervention de
techniques d'observation et de vérification semblables à celles
que les autres sciences humaines ont adoptées dans le traite-
ment de leurs problèmes. Cet emprunt ne va pas sans nécessiter,
pour l'esthétique, une certaine adaptation, en raison des parti-
cularités de son objet. Et c'est en partie à cause d'applications
trop naïves que beaucoup d'esthéticiens s'y refusent. Mais
n'est-ce pas aussi, en partie, à cause d'une certaine méconnais-
sance de ce qu'elles sont réellement, en raison d'habitudes de
pensée contre lesquelles on réagit difficilement ?
Parmi ces techniques, les unes ne supposent pas de produc-
tion expérimentale des faits, mais le simple dénombrement
d'unités préalablement définies dans des faits existants : pour
étudier le goût musical et son évolution aux Etats-Unis,
Farnsworth (1958) a établi une statistique descriptive des
compositeurs plus ou moins fréquemment représentés dans les
programmes de quelques associations symphoniques : pour
l'orchestre de Boston, l'étude a été effectuée sur une période
allant de 1895 à 1935. Si l'on retient les noms des 92 composi-
teurs qui constituent la grande masse des choix, on peut cons-
tater que les fluctuations des fréquences relatives sont nulles
entre 1915 et 1935 (corrélation de .90) et légères entre 1895
et 1915 (corrélation de .82), etc. Il y a donc pour cette période
une remarquable stabilité de l'ensemble des manifestations
sociales du goût. Cette stabilité, corroborée par différentes
autres mesures fournies par l'auteur, est un fait construit en
ce sens qu'il échappe à l'expérience individuelle, qu'il ne peut
être dégagé par la réflexion, aussi pénétrante soit-elle.
Mais il y a des techniques dont le propre est de construire
le fait esthétique à la suite d'interventions plus ou moins
profondes effectuées sur les manifestations spontanées de la
vie artistique. Elles suscitent en général des critiques de
divers ordres.
Une expérience, un questionnaire, dit-on parfois, transfor-
ment l'état ou la fonction psychologiques sur lesquels ils
portent, donc les déforment. La rigueur statistique des résultats
est compensée par cette altération des faits à la source. Mais
ce scrupule paraît étrange à une époque où l'on voit le progrès
des sciences être conditionné par la manipulation expérimentale
des faits. Certes, Aristote ne déformait pas les faits physiques
par des techniques expérimentales. Aussi ne nous a-t-il laissé
que la physique d'Aristote.
L'illusion est de croire que la déformation introspective
qui entache l'observation de soi est moins grave que celle de
l'observation du comportement, verbal ou autre, provoqué par
une intervention extérieure du savant. Il est clair pourtant que
la première, étant inconsciente, ne peut être corrigée, alors que
la seconde, connue et mesurée, est palliée par des procédés
variés.
En s'adressant à un groupe, déjà on considère à bon droit
que les influences adventices qui s'exercent en divers sens sur
les réponses de chaque sujet, en raison de particularités indi-
viduelles, se neutralisent. On obtient donc un phénomène
moyen qui ne représente l'état ou le jugement d'aucun individu
en particulier, mais celui d'un «échantillon »dont les membres
ont été tirés au hasard dans une population choisie selon cer-
tains critères, que l'on veut étudier en elle-même ou comparer
à une autre population choisie selon des critères différents ou
opposés.
C'est dire que la signification des preuves expérimentales
de ce genre est de nature probabilitaire : étant donné un nombre
limité d'observations on cherche, grâce à des règles empruntées
au calcul des probabilités, si l'inférence est possible à tous
les cas non observés, mais ayant la même définition : sujets
de même âge ou de même niveau culturel, œuvres d'un même
auteur ou d'une même école, etc.

1. D'observations et non de sujets. Ons'imagine souvent à tort que la valeur


d'une statistique est liée aunombre de sujets examinés. Or, il est évident que cela
n'est pasvrailorsquechacund'euxfournitungrandnombred'observationsrelatives
au mêmefait, mais indépendantes les unes des autres : par exemple les réponses
à des questions différentes concernant le même processus mental.
Economie de moyens et certitude de l'inférence des cas
observés à la loi générale, tels sont les avantages des règles
du calcul statistique actuellement en usage.

II | L'ARTIFICE EXPÉRIMENTAL
ET LE PROBLÈME DE LA REPRÉSENTATIVITÉ
DES EXPÉRIENCES

Le scepticisme à l'égard de techniques de ce genre relève


pour une bonne part de l'ignorance de ce qu'elles sont véri-
tablement. Ainsi, par exemple, dans la détection des aptitudes,
on utilise quelquefois des tests, c'est-à-dire des épreuves artifi-
cielles construites pour les mettre en évidence. Ces épreuves sont
subies dans des conditions et avec des données qui n'ont parfois
qu'un rapport lointain avec les situations et les données dans
lesquelles les aptitudes seront appelées à s'exercer. Un doute
s'élève alors tout naturellement sur la valeur prédictive du
test. Ace doute répond la procédure de validation : on confronte,
pour un groupe limité de sujets, les notes obtenues au test et
celles obtenues par d'autres voies qui mesurent le degré de
réussite scolaire, professionnelle, artistique des mêmes sujets.
Selon que ces deux séries de données sont dans une corrélation
plus ou moins élevée, on conclut à une validité plus ou moins
grande du test comme indice des performances concrètes. Ce
qui fonde cette validité, ce ne sont donc pas les impressions que
tel ou tel d'entre eux aura éprouvées en subissant le test, mais
les résultats d'ensemble fournis par le groupe expérimental, sou-
mis à deux sortes de tâches. A partir de ces résultats, le calcul
statistique nous donnera une idée précise sur les chances qu'a
désormais l'épreuve d'être confirmée par la pratique concrète.
Notons que cet effort en vue de la validation n'est qu'un
exemple des préoccupations que doit avoir tout expérimenta-
teur touchant la représentativité de ses résultats.
Dans de nombreux cas, on conclura par prudence à une repré-
sentativité limitée. Ainsi, quantité d'expériences ont été effec-
tuées sur l'expression musicale (voir Francès, 1955). Certaines
sont particulièrement simples dans leur principe : il consiste,
pour l'essentiel, à demander à des sujets auxquels on présente
des œuvres ou des fragments, de les caractériser par le choix,
sur une liste, d'un adjectif (dénotant un état ou un caractère
psychologique : enjoué, pensif, etc.). Les résultats montrent
que les choix des sujets sont bien groupés, c'est-à-dire que des
adjectifs identiques ou plus ou moins synonymes sont attribués
par les différents sujets aux mêmes œuvres. Dira-t-on alors, sans
plus, que «la musique exprime des sentiments »? Ce serait tenir
pour nulle l'opinion de bien des connaisseurs contemporains selon
lesquels la musique est totalement dénuée de pouvoir expressif.
Et surtout, ce serait ne pas tenir compte d'autres enquêtes récen-
tes montrant que certains sujets, en raison de leur formation
culturelle, de leur idéal esthétique, n'éprouvent pas le besoin de
chercher l'expressivité musicale : pour eux, la préoccupation
d'analyser l'œuvre, de la connaître, d'en découvrir l'originalité,
est dominante. L'expression est une virtualité qui n'a pas chez
eux l'occasion de s'actualiser, comme chez d'autres. Ces expé-
riences montrent donc seulement que, de manière générale, cer-
taines œuvres musicales sont douées de pouvoir expressif ; que ce
pouvoir s'exerce aisément sur tous, dès qu'il est sollicité ou qu'il
ne rencontre pas d'obstacle psychologique. Des attitudes socio-
culturelles, variables selon les époques et les civilisations, favo-
risent ou inhibent un mode de perception qui le fait agir.
Ainsi considérées, ces recherches permettent de donner un
élément de réponse à l'objection d'artifice, si fréquemment
opposée à l'expérimentation dans les sciences humaines. On
provoquerait, dit-on, en laboratoire, des faits qui dans l'activité
spontanée des individus ne se produiraient pas. Les «conditions
de laboratoire » seraient seules à l'origine de leur apparition
et les faits qu'elles permettent d'établir ne seraient pour ainsi
dire pas des faits humains. Or cette objection repose sur une
croyance invérifiée à la plasticité indéfinie des conduites
humaines et des lois qui les régissent. C'est là une croyance et
non une vérité : la meilleure preuve en est que bien des expé-
riences tentées dans des conditions de laboratoire échouent.
Nous avons en esthétique des exemples de confirmation de
résultats d'une expérience faite avec manipulation de variables
indépendantes par les résultats d'une enquête sans cette mani-
pulation. Cherchant à montrer en 1964, avec H. Voillaume, que
la fidélité de représentation est une composante majeure du
goût pictural, nous avons monté une expérience génétique
et comparative dans laquelle les sujets travaillaient sur des
séries de reproductions de tableaux figuratifs (format de carte
postale). Chaque série comportait cinq reproductions de pein-
tures sur un même thème mais dans lesquelles la représentation
avait été plus ou moins « altérée » par l'artiste — la période
historique couverte allait de Corot à Picasso. Les sujets devaient
ranger par ordre de préférence les reproductions de chaque
série puis, dans une autre phase, les ranger par ordre de fidé-
lité représentative. Parmi les adultes il y avait quatre groupes :
ouvriers manuels, lycéens de classes terminales, étudiants d'art,
artistes peintres —les trois premiers groupes étant d'âges peu
différents. Or, dans ces trois groupes, les résultats ont montré
une corrélation étroite entre ordre de préférence et fidélité
de représentation chez les ouvriers, une corrélation de plus en
plus faible des deux variables chez les lycéens et les étudiants.
Ce résultat établi à la suite d'une expérience a été confirmé
par l'enquête d'Y. Bernard (1973) portant sur l'achat de repro-
ductions sur toile et en grand format dans une galerie spécialisée
dans la fabrication d'objets de ce genre. L'échantillon, composé
des acheteurs, a été classé a posteriori suivant des variables
«sujet »dont l'une était le niveau d'instruction. Le corpus des
reproductions s'étendait sur une période allant du XVI siècle à la
peinture contemporaine. Or,l'analyse factorielle a permis de déga-
ger, sur l'ensemble des choix, un axe historique rendant compte
de la part la plus importante de leur variance et pouvant être
interprété globalement en fonction de la «dégradation »progres-
sive de la fidélité représentative. Sur cet axe les sujets se clas-
sent régulièrement selon leur niveau d'instruction : ceux qui
n'ont qu'une instruction primaire étant du côté des peintres les
plus «classiques »; ceux qui ont une instruction supérieure choi-
sissant les peintres les moins figuratifs ou les non-figuratifs.

III | FONCTION DE LE' XPÉRIMENTATION :


L'IDÉE ET LAPREUVE

Ces réserves sur la portée des expériences n'empêchent pas


de considérer qu'elles sont seules à constituer des preuves,
parce qu'elles peuvent être refaites par chacun et que leurs
résultats ne dépendent pas des opinions de leurs auteurs.
Ceux-ci énonceront des hypothèses contradictoires : mais seule
l'une d'elles sera confirmée.
Un exemple récent montre que, même aux yeux de ceux
qui ne la pratiquent pas, l'autorité de l'expérimentation est
grande. J'avais été le premier à formuler, aux Entretiens d'Arras
sur l'art contemporain, l'idée selon laquelle l'unité de langage
introduire par Schoenberg et son école sous l'aspect de l'écri-
ture sérielle n'avait pas d'effet perceptible, ne se traduisait
point par une impression auditive d'unité (Francès, 1956). Les
rares textes connus de Schoenberg nous laissaient sur ce point
dans le doute : «En musique, il n'y a pas de forme sans logique
et pas de logique sans unité. »De quelle unité, de quelle forme
s'agissait-il ?
Mais cette idée, avancée sans preuve expérimentale, ne
pouvait être acquise. Elle n'était qu'un témoignage personnel
que d'autres pouvaient contester. Aussi passa-t-elle inaperçue,
jusqu'au moment où la preuve fut donnée par nous en 1958.
L'expérience consistait à faire distinguer de courts exemples
enregistrés, joués au piano, dont les uns étaient écrits sur une
série, les autres sur une série différente de la première par ses
six derniers sons. Les exemples étaient soit de simples exposi-
tions de chaque série sous leurs différentes formes (renversée,
récurrente, transposée), soit des mélodies accompagnées ou
non d'accords, soit enfin des polyphonies. Les sujets étaient,
dans un groupe, des musiciens professionnels très avertis de
la technique sérielle (pianistes, compositeurs, chefs d'orchestre) ;
dans un autre, des musiciens préparant le professorat d'ensei-
gnement musical des lycées. Les résultats montrèrent que,
pour l'ensemble des exemples entendus, la distinction des deux
séries n'était pas meilleure chez les uns que chez les autres.
La pratique de la musique sérielle n'apporte donc pas de
progrès dans la perception de l'unité sérielle. L'analyse des
résultats partiels fournis par chaque catégorie d'exemples
montre que seules les expositions de séries (sans rythme et en
un tempo lent) permettent une discrimination distincte d'un
choix au hasard, encore qu'elle soit entachée de nombreuses
erreurs (35 % d'erreurs chez les professionnels, 51,8% chez les
autres). Pour les exemples mélodiques, harmoniques et poly-
phoniques, les pourcentages d'erreurs varient entre 48 et 74 %.
L'ensemble des sujets commet tantôt autant, tantôt plus
d'erreurs que s'ils agissaient au hasard. Ils ne distinguent donc
pas réellement les uns des autres les fragments composés sur
des séries différentes.
Devant des résultats aussi nets, obtenus sur de courts
fragments de structure beaucoup plus simple que ne seraient
des fragments d'œuvres, il est bien certain que l'on ne pouvait
plus soutenir l'idée d'unité perceptive sérielle.
Ainsi, l'analyse de cet exemple récent fait apparaître l'im-
portance pour l'orientation de l'esthétique — quelle que soit
l'inspiration et la doctrine qui l'animent — de l'établissement
de faits et de relations selon des techniques qui excluent le
doute. L'accès à l'idée, en esthétique comme dans les autres
sciences humaines, n'est possible qu'en partant d'une base
cognitive, d'un savoir éprouvé, c'est-à-dire ayant fait l'objet
d'une preuve. C'est la mutation des «idées »en hypothèses qui
nous paraît le mieux caractériser le passage à la maturité de
ces sciences. Changement de termes, changement de projet.
Les critères de l'idée bonne sont l'intérêt, l'originalité, la portée
(entendue comme le retentissement doctrinal). Ceux de l'hypo-
thèse sont la cohérence avec des faits déjà établis et les possi-
bilités de vérification. La portée et le sens y sont subordonnés,
l'intérêt y est suspendu.
Sans doute faut-il préciser que ces faits, scientifiquement
établis, ne seront souvent, dans les travaux d'esthétique, que
des points d'appui sur lesquels une élaboration théorique
d'ensemble pourra s'édifier. Nulle science n'est un catalogue
de faits, et en particulier les disciplines qui touchent à l'homme,
à sa conduite, à ses œuvres. Seule une synthèse réfléchie
embrassant des éléments divers de savoir, reliant des jalons
éprouvés, peut satisfaire l'intérêt porté aux problèmes dans
leur généralité. Cette synthèse, à son tour, suscitera de nouvelles
recherches de détail dans un domaine ou un autre de la vie
esthétique, dont les résultats, selon leur nature, viendront
étayer les précédents ou en atténuer la portée. Pour être, dans
ses fondements, différente d'un système d'idées, la synthèse
scientifique n'en est pas moins, jusqu'à un certain point, per-
fectible ou révisable.
C | INTÉGRATION DE L'ART
DANS LES SCIENCES HUMAINES :
SOCIOLOGIE ET PSYCHOLOGIE

I | SOCIOLOGIE ET PSYCHOLOGIE DE LA
' RT

On peut s'intéresser au comportement relatif à l'art de


deux manières différentes qui se complètent, tant par leurs
objectifs que par leurs méthodes.
L'une correspond à ce que nous appellerons les études
«distales »—pour emprunter à l'anglais distal. Dans des études
de ce genre la création artistique, l'appréciation et les autres
fonctions de l'art sont analysées avec une certaine distance
par la voie de traces comportementales objectives : le marché
des tableaux de maître (Moulin, 1967) ou des reproductions
(Bernard, 1973), les statistiques d'exécutions d'un corpus de
compositeurs ; à un niveau de plus grande généralité, la fré-
quentation comparée de manifestations artistiques diverses :
concerts, expositions, emprunts d'oeuvres littéraires aux biblio-
thèques dans des organismes tels que les Maisons de la Culture.
Ces études distales sont en général faites par des sociologues
ou des psychosociologues et elles utilisent la plupart du temps
des échantillons de sujets stratifiés, qu'ils soient représentatifs
ou systématiques.
On obtient ainsi des relations scientifiquement très inté-
ressantes dont les plus générales, les plus distales sont celles
des sociologues. Par exemple, on saura que les concerts sont
les manifestations les plus rarement choisies parmi celles qui
sont offertes par les Maisons de la Culture. Ou bien que la
composition socioprofessionnelle d'une exposition de peinture
organisée à Limoges avec l'appui d'un grand appareil publi-
citaire, une surinformation préalable diffusée par les mass
media n'a pas été différente de la composition ordinaire du
public assistant à des manifestations de ce genre (Bourdieu
et Darbel, 1966). Autrement dit, la préparation soignée d'une
diffusion artistique n'a qu'une efficacité relative, elle ne fait
de conversions que proportionnelles aux tendances spontanées
du public à l'accepter. Celles des psychosociologues comportent
des spécifications plus fines d'un domaine artistique. Ainsi la
relation entre les achats de reproductions de peintures de
maîtres et le niveau socio-économique des sujets qui les achètent
sera précisée par la prise en compte des peintres plus ou moins
choisis.
Une telle précision permet de faire des conjectures sur le
mécanisme du choix dans son articulation avec la variable
sujet qu'est le niveau d'instruction, très corrélée avec le niveau
socio-économique.
La considération des mécanismes est le propre des études
proximales que nous donne la psychologie. La relation entre
l'art et l'homme n'est pas considérée par cette science seule-
ment comme un rapport fonctionnel de production ou de
consommation ou même comme un rapport fonctionnel spécifié
de telle ou telle classe de produits ou d'oeuvres. Ce rapport
fait l'objet d'une explication par des mécanismes ou des pro-
cessus de psychologie générale déjà établis, s'ils peuvent être
invoqués, ou par des mécanismes propres aux faits artistiques,
si cela est nécessaire. En d'autres termes, il semble, au premier
abord, que la coopération de la psychologie et de la sociologie
à la connaissance des faits artistiques soit celle d'une recherche
de causes générales et lointaines avec une recherche de causes
prochaines et spécifiques. La sociologie fournirait des constats
ne faisant intervenir que des facteurs sociaux (le niveau socio-
économique ou socioculturel des sujets, les domaines et les
époques artistiques), cherchant des relations entre l'homme et
l'art en partant de ces facteurs. Elle ne s'interrogerait pas sur
la manière dont ces relations s'établissent à travers l'organisme
de l'homme et grâce à ses activités, à ses fonctions mentales.
Ce serait là le rôle de la psychologie. Celle-ci utiliserait des
mécanismes tels que le conditionnement, l'assimilation et
l'accommodation, facteurs d'adaptation (au sens piagétien) de
l'homme aux œuvres. Pour rendre compte, par exemple, de la
facilité relative de perception d'une classe d'œuvres musicales
(les œuvres « tonales »), Imberty (1969) fait intervenir, dans
une perspective génétique, les stades d'évolution du psychisme
depuis l'enfance jusqu'à l'adolescence. Au cours de cette évolu-
tion le sujet assimile les structures tonales (successions codifiées
d'accords ayant un sens suspensif ou conclusif dans la phrase
musicale), mais il les accommode aux moyens dont il dispose
au moment où il les reçoit. Pour expliquer la relation curvili-
néaire entre l'agrément esthétique et les niveaux de complexité
des stimuli, patterns construits ou œuvres réelles, Berlyne (1971)
invoque un processus déjà connu en psychologie cognitive,
celui de l'éveil (arousal). L'optimum d'agrément esthétique
serait atteint lorsque le sujet rencontre des stimuli de complexité
moyenne, ayant donc un potentiel d'éveil modéré, ou bien des
stimuli partant d'un potentiel trop élevé mais le réduisant par
des modifications appropriées. Cet optimum serait variable
en fonction de l'apprentissage.

II | NATURE ET CULTURE
EN ESTHÉTIQUE EXPÉRIMENTALE

Une telle conception de l'explication conjuguée, articulée,


des facteurs sociologiques et des mécanismes ou processus
psychologiques ou psychobiologiques (Berlyne, 1971) serait
satisfaisante si l'on concevait correctement la relation entre
le domaine de la culture au sens large du terme et celui de la
nature. Par culture nous entendons, d'une part, ce qui est
fabriqué et construit par l'homme et dont l'apparence percep-
tive est familière dans une société donnée (il peut s'agir des
êtres géométriques comme des formes et des proportions des
objets usuels ou des monuments), d'autre part ce qui, dans
cet environnement, est spécifiquement artistique et comprend
les œuvres auxquelles des renforcements sociaux sont attachés
sous l'effet des mass media, de la tradition et des effets du
prestige que ces œuvres produisent lorsqu'elles sont tant soit
peu consacrées. La nature, c'est tout le reste : ce qui ne s'apprend
pas, ce dont l'apparence perceptive n'est ni standardisée ni
valorisée par des normes sociales —lorsque cette apparence est
annexée par l'art ou par des mouvements sociaux qui la valo-
risent, elle devient un fait de culture, comme dans le cas de
« l'art brut ».
Cette distinction de deux domaines est indispensable si
l'on veut rendre compte avec cohérence notamment de l'en-
semble très complexe et en apparence contradictoire des préfé-
rences esthétiques que des expériences génétiques et compara-
tives (intersociales) ont récemment établies (Francès, 1977).
Le jugement de préférence même dans les cas les plus
simples de patterns, de figures géométriques, de couleurs en
combinaison, si l'on veut bien le considérer chez l'enfant à
différents âges et chez les adultes à différents niveaux socio-
culturels, ne peut se comprendre qu'en faisant intervenir les
deux domaines (dont le premier est double) avec lesquels les
mécanismes et processus suivants sont mis en action.

1 / Le niveau d'adaptation
Tout organisme est équipé, dès l'enfance, de normes internes
concernant des stimuli focaux privilégiés dans l'expérience
antérieure des sujets par rapport aux mêmes stimuli de même
nature, par leur durée, leur intensité ou leur fréquence relative.
Ces stimuli servent de point d'ancrage lorsqu'un jugement
affectif est demandé au sujet. Ainsi, dans des comparaisons
par paires de figures géométriques régulières et irrégulières,
on constate que des enfants scolarisés préfèrent les premières
aux secondes. On est en présence d'un point d'ancrage résultant
d'acquisitions scolaires (les figures géométriques régulières sont
des archétypes) ou de la familiarité de certaines de ces formes
dans l'environnement fabriqué. De jeunes adultes à niveau
d'instruction primaire ont le même comportement que les
enfants et, chez ceux-ci, il n'y a pas d'évolution génétique
dans les préférences.

2 / Les points d'ancrage spécifiquement artistiques


En revanche, des étudiants d'université, de même âge que
les ouvriers, préfèrent les figures irrégulières. Ils ont pourtant
acquis dans leur enfance la même familiarité avec les figures
régulières que les enfants ou les ouvriers. D'autre part, il y a eu
pour eux la même prépondérance de structures régulières dans
l'environnement fabriqué. D'où vient alors que ces ancrages
non artistiques n'entraînent pas chez eux les mêmes préférences ?
De même, des dessins, des photographies ou des reproduc-
tions de peintures comportant de l'incongruité sont massive-
ment rejetés par les enfants ou les ouvriers mais acceptés
par des étudiants et même préférés par des étudiants d'art.
Or l'incongruité n'existe pas dans l'environnement perceptif non
artistique. Elle n'existe que dans les œuvres d'art contempo-
raines, secteur de culture avec lequel des étudiants ont eu
quelque contact, mais non les enfants ou les ouvriers. Une
étude génétique sur un échantillon stratifié d'enfants et d'ado-
lescents montre, par ailleurs, qu'à partir de 15 ans l'évolution
génétique du goût est influencée par l'origine sociale des enfants,
ceux qui sont issus des classes favorisées tolèrent mieux
l'incongruité que ceux qui sont issus des classes défavorisées.
En d'autres termes, les ancrages non artistiques ne suffisent
pas pour expliquer la préférence de l'irrégularité de formes et de
l'incongruité des représentations chez des sujets adolescents
ou adultes dont on peut supposer qu'ils ont eu, plus que les
autres, des occasions de contact avec des formes d'art où ces
catégories sont développées. Ces contacts ont pu créer chez eux
des points d'ancrage spécifiquement artistiques qu'ils utilisent
lorsqu'ils sont amenés à juger des dessins, des photographies
ou des peintures en reproduction, c'est-à-dire justement des
« stimuli » où des catégories artistiques peuvent entrer en jeu
pour guider le jugement.

3 / Les renforcements par influence sociale


Cependant les points d'ancrage spécifiquement artistiques
ne bénéficient pas, dans l'expérience antérieure des sujets, des
propriétés que possèdent les points d'ancrage non artistiques.
La fréquence, la durée de présentation en ont été bien moindres.
D'où vient que ces ancrages faibles parviennent à équilibrer
et même à supplanter les ancrages forts de l'expérience non
artistique ? C'est probablement pour deux raisons : le jugement
de stimuli artistiques ne peut s'appuyer, chez ceux qui en
1. Onentend par ce terme des transgressions de la fidélité de représentation
des objets ou des êtres figurés dans des dessins ou des peintures : «impropriété »
dela couleur, delaforme,substitution d'un trait invraisemblable autrait qui serait
vraisemblable dans une représentation sans incongruité.
ont le choix, sur des normes qui ne sont pas pertinentes, mais
sur celles qui justement font partie d'un secteur de l'expérience
qui est celui de l'art. Les institutions ou quasi-institutions où les
œuvres sont présentées et diffusées permettent à ce secteur
de s'individualiser dans la personnalité des sujets. L'encadre-
ment social de l'art est donc un fait de base avec lequel il faut
compter en psychologie pour conjecturer et démontrer les méca-
nismes et les processus. En ce sens déjà la psychologie est ren-
voyée à la sociologie comme celle-ci nous renvoyait à la psycho-
logie pour rendre plus complètes ses explications. Deuxième
raison : les commutations de valeur auxquelles nous assistons,
chez les sujets cultivés, ne sont possibles que s'il existe chez eux
des renforcements suffisants pour équilibrer la faiblesse des
points d'ancrage artistiques relativement aux points d'ancrage
non artistiques. Pour préférer ce qui contredit les normes usuelles
ou objectales à ce qui s'y conforme, il faut que les transgressions
des normes du premier type aient été socialement approuvées
et valorisées par des institutions telles que les livres, les musées,
les messages radiophoniques ou télévisuels. Les processus
d'influence sociale sont primordiaux dans le montage de l'équi-
pement normatif du sujet qui est appelé à juger. Là encore, dans
la description d'un mécanisme, la psychologie est obligée
d'invoquer des concepts et des réalités sociologiques.
Cet échange réciproque entre deux disciplines de sciences
humaines, psychologie et sociologie, se rencontre, en esthétique,
à propos de l'appréciation et du jugement. Mais on le retrou-
verait à propos de la perception, en musique. On verra, dans
différents chapitres de cet ouvrage, à quel point le concept de
tonalité est important pour l'explication de la perception musi-
cale, tant chez l'enfant que chez l'adulte.

D | NIVEAUX D'APPROCHE DU DOMAINE

On distinguera successivement le niveau de la création


artistique et de la créativité, le niveau de la consommation et
des intérêts spontanés pour les domaines artistiques, le niveau
de la perception, de l'appréciation et du décodage sémantique
de l'œuvre.
I | CRÉATION. CRÉATIVITÉ
ET PERSONNALITÉ ARTISTE

1/ Approche comportementaliste du problème


a / Pour la psychologie scientifique, exigeant la preuve
expérimentale, il est indispensable de pouvoir donner des
aptitudes qu'elle désire étudier une définition opérationnelle.
Or on peut se demander si les notions de création ou d'inven-
tion artistiques peuvent se prêter à de telles définitions. Les
processus qui conduisent à la production d'une œuvre d'art
sont complexes et difficiles à cerner, car non seulement l'artiste
ne peut les expliciter, mais leur observation directe est souvent
impossible. En outre, la création apparaît presque toujours
comme le fait d'une individualité, et non comme un ensemble
d'aptitudes plus ou moins générales engagées dans une tâche
spécifique, la construction de l'œuvre.
Est-ce à dire que les processus mentaux de la création
résultent d'aptitudes rares et insaisissables ? Il est vrai que
les sujets non artistes mais amateurs d'art possèdent souvent
certaines capacités d'analyse, de discrimination perceptive,
voire une sensibilité comparables, et finalement ne se distin-
guent des artistes que parce qu'ils ne produisent pas d'oeuvres,
ou qu'ils ne produisent que des œuvres mineures, sans ori-
ginalité. En même temps, l'histoire donne de nombreux exem-
ples d'artistes méconnus de leur vivant, dont les dons n'ont été
reconnus que beaucoup plus tard, parce que la valeur de leur
œuvre a été reconnue comme telle par la société qui les avait
jusque-là ignorés.
La création apparaît donc comme un concept mal défini,
et mal définissable du point de vue expérimental, pour deux
raisons : il ne recouvre pas des processus mentaux observables
dans des comportements précis et contrôlables ; il n'est pas
neutre historiquement et socialement.
Cependant, on peut parvenir à définir certaines « qualités »
de l'artiste créateur : son originalité, ses capacités d'invention
peu communes, son aptitude à rapprocher ce que la plupart
tiennent pour fondamentalement différent, etc. Or, aussi impré-
cises soient-elles ainsi définies, ces aptitudes ne sont pas le
fait seulement des artistes, et n'entrent pas seulement en jeu
dans la création artistique.
On peut être créatif sans être créateur, mais les artistes
créateurs sont particulièrement créatifs. D'où, depuis une
vingtaine d'années, un intérêt accru des expérimentalistes
pour ce qu'on appelle la créativité.
b / La créativité peut donc apparaître comme un groupe
d'aptitudes générales distribuées normalement dans la popu-
lation.
Les recherches qui peuvent intéresser la psychologie de
l'art permettent d'éclairer certains aspects des processus de la
création par l'intermédiaire d'études différentielles de la créati-
vité et des aptitudes primaires qui la composent.
Ces aptitudes primaires (fluidité, flexibilité, originalité,
sensibilité aux problèmes) sont diversement corrélées avec les
activités de création artistique. Une étude de Yamamoto (1963),
faite sur 40 sujets âgés de 11-12 ans, montre une corrélation
significative entre les résultats à un test de créativité de
Torrance, et l'originalité de contenus d'histoires fantaisistes
que les sujets ont eu à imaginer à propos de personnes ou d'ani-
maux possédant une caractéristique inhabituelle. Les scores
d'originalité des textes sont évalués à partir de critères définis
au préalable et notés par des juges : ils concernent les détails
pittoresques, les implications personnelles, les éléments de
surprise, les dénouements originaux, etc.
Une recherche classique de Getzels et Jackson (1962) montre
des résultats analogues : deux groupes d'adolescents, les uns
« intelligents mais non créatifs » (QI supérieurs à 120), les
autres « intelligents et créatifs » sont comparés à travers
plusieurs épreuves destinées à évaluer la créativité. Parmi ces
épreuves, l'une d'elles consiste à achever quatre fables dont on
a laissé les dernières lignes en blanc. Les scores sont établis
à partir de l'originalité des dénouements inventés : or les
individus créatifs produisent beaucoup plus de dénouements
inattendus ; de même, l'attitude humoristique vis-à-vis du
thème de la fable et l'humour sont beaucoup plus fréquents
chez eux que chez les sujets non créatifs. Mais les exemples
tvpes donnés par les auteurs de la recherche montrent aussi
que l'individu créatif se révèle beaucoup plus capable de
s'éloigner des stéréotypes sociaux ou culturels suggérés par le
thème de la fable que les non-créatifs.
c / A partir des tests de Torrance, des études sur leur vali-
dité à long terme fournissent des indications sur les relations
entre certaines capacités plus spécifiquement artistiques et la
créativité en général. Des sujets âgés de 12 à 18 ans sont testés
en 1960 pour les aptitudes primaires suivantes : flexibilité,
fluidité, degré d'élaboration (nombre de détails fournis pour
la mise en œuvre des idées), originalité. En 1969, on recueille
les réponses à un questionnaire envoyé aux sujets testés en 1960.
Ce questionnaire comprend des indications sur les activités
créatives suivantes : rédaction de poèmes, d'histoires, de
chansons, publication de ces œuvres, rédaction ou publication
de livres, récompenses littéraires ou prix artistiques obtenus.
Mais on trouve aussi mention d'activités scientifiques, d'ini-
tiatives d'importance dans le domaine social, de recyclage indi-
viduel dans le domaine du travail, de changement dans la
conception de l'existence. Des juges indépendants établissent
deux indices, l'un de qualité de la créativité, l'autre de quan-
tité. Les résultats montrent que la flexibilité, la fluidité et
l'originalité constituent les aptitudes primaires essentielles de
la créativité. Mais les résultats ne permettent pas de dire si
les activités artistiques sont différentes des autres activités
créatives. La création artistique suppose donc la créativité,
mais il n'apparaît guère possible de définir un type particulier
de créativité correspondant à celle de l'artiste.
d / Une étude de Torrance (1973) montre l'importance du
niveau d'aspiration dans la manifestation des aptitudes créa-
tives. Mais c'est surtout la recherche de Weisberg et Springer
(1961) qui met en évidence le rôle du milieu familial dans le
développement de la créativité chez les enfants, en particulier
le rôle de la qualité affective des relations entre les parents et
les enfants. Enfants et parents participent à l'expérience (tests
pour les premiers, entretiens cliniques sur la situation fami-
liale pour les seconds).
Il apparaît tout d'abord que les enfants très créatifs appar-
tiennent à une structure familiale bien définie : absence de
domination des parents, liberté d'expression notamment avec
le parent de même sexe, acceptation parentale de la régression
de l'enfant, attitude libérale de la mère, autonomie profes-
sionnelle du père (père responsable de son travail, sans dépen-
dance hiérarchique sociale forte). Mais ce milieu familial, s'il
sécurise l'enfant, libère plus facilement l'anxiété. Les tests
projectifs montrent que les enfants créatifs sont moins attachés
à la réalité que les autres : l'anxiété, parce qu'elle n'est pas
réprimée, aboutit à une restructuration imaginaire de l'envi-
ronnement, et elle est provoquée par la liberté d'expression
et le manque d'interdépendance familiale. Dans une structure
où les individus affirment largement leur originalité, le senti-
ment d'isolement prime sur l'inclusion anonyme dans le
groupe familial.
Enfin, les entretiens avec les enfants font apparaître des
traits de personnalité particuliers aux sujets créatifs : forte
image de soi (même si cette image n'est pas agréable), humour,
anxiété œdipienne (jugée d'après les rêveries), irrégularité dans
le développement du Moi qui se manifeste par la coexistence
d'intérêts qui sont déjà ceux d'adultes et d'intérêts encore
très puérils.

2 / Personnalité créative et personnalité artiste


a / Ces faits sont confirmés par des études ne portant pas
directement sur la créativité, mais sur la personnalité créative.
Barron (1955), par exemple, montre que l'originalité est liée à
l'intérêt et la préférence pour les phénomènes et les spectacles
d'une certaine complexité et présentant un certain déséquilibre.
Par exemple, les personnes originales, dans une épreuve de
jugement de dessins, préfèrent les dessins complexes et asymé-
triques. Ensuite, l'originalité est liée à l'indépendance de juge-
ment, notamment l'indépendance vis-à-vis de la pression du
groupe. Enfin, les personnes originales s'affirment et tendent
à dominer : ces personnes rejettent toute régulation provenant
d'autrui, elles sont égocentriques, et la tendance au refoulement
est chez elles très faible, car le Moi est suffisamment fort pour
supporter une certaine désorganisation momentanée, due aux
impulsions et pensées auxquelles le sujet laisse libre cours.
C'est à des conclusions analogues que parvient McKin-
non (1962) dans une enquête portant sur 40 architectes de
renom. La créativité de ces sujets est évaluée directement à par-
tir de notes attribuées par les directeurs de cinq grandes revues
d'architecture. Les 40 architectes sont ensuite soumis à des
tests d'intelligence et de personnalité, ainsi qu'à un entretien
clinique. Il apparaît en particulier que les scores des sujets au
MMPIsont, sur les 8 échelles, de 5 à 10 points supérieurs à ceux
de la population normale. Les personnalités sont donc riches
et complexes, et font montre d'une absence à peu près complète
d'attitudes défensives. D'autres tests indiquent que ces sujets
sont à la fois sensibles à l'expérience intérieure et à l'expérience
extérieure, plus spontanés et moins enclins aux préjugés que
la population normale.
b / Sans s'occuper directement des problèmes liés à la
créativité, Child (1968) émet l'hypothèse que les activités artis-
tiques et les intérêts pour l'art sont liés à un profil de person-
nalité spécifique. Le point de départ qu'il adopte est l'existence
d'une certaine communauté interculturelle du goût et du juge-
ment, qui se manifeste chez les sujets spécialistes d'art (artistes
et experts de divers pays occidentaux et non occidentaux ;
cf. chap. III). Ce fait doit conduire à la conclusion que les
différences de goût et de jugement dues aux cultures sont
compensées chez ces sujets par des composantes de personnalité
qui leur sont communes, et que l'on ne retrouve pas chez les
sujets non artistes. En bref, l'orientation des activités et des
intérêts du sujet artiste ou expert serait liée à un goût marqué
pour ce qui défie la connaissance immédiate et quotidienne de
l'environnement. Ces résultats correspondent d'ailleurs assez
bien à ceux obtenus par McKinnon (1962) avec les architectes.
c / Cependant, des recherches plus précises portant sur
l'influence de la complexité et de la nouveauté des stimuli sur
les préférences (Francès, 1977) montrent que d'autres variables
que la personnalité ou la créativité interviennent. Si, d'une
façon générale, la complexité est mieux tolérée avec l'âge,
les sujets jeunes la rejetant, il n'en reste pas moins que le
niveau culturel des sujets adultes est déterminant : Francès
montre que, chez les ouvriers, le rejet de la complexité et de la
nouveauté est beaucoup plus marqué que chez les étudiants
par exemple. La sensibilité esthétique est donc largement
orientée par le milieu et les habitudes culturelles du sujet.
Et même si cette sensibilité n'est ni la créativité, ni la création
artistique elle-même, il est incontestable que les individus
créateurs la possèdent au plus haut point. Dès lors, il convient
d'être prudent quant à l'innéité des « dispositions » fonda-
mentales qui portent l'individu vers les activités artistiques :
le type de sensibilité que celles-ci supposent, le mode de relation
avec l'environnement, les aptitudes perceptives et intellec-
tuelles peuvent être renforcés ou inhibés par le milieu socio-
culturel. Les «dons »exceptionnels qui caractérisent le créateur
ne sont exceptionnels que dans la mesure où l'expérience qui
les a développés est elle-même exceptionnelle ; mais ces dons
existent chez tous à l'état de tendances personnelles ou d'apti-
tudes créatives diversement sollicitées par le milieu. Le talent
littéraire suppose sans doute l'exercice d'aptitudes spécifiques
et de dispositions tempéramentales, mais il reste plus rare
dans les milieux linguistiquement pauvres. Un environnement
riche peut-il alors prévaloir sur la personnalité dans l'orienta-
tion du sujet vers des activités artistiques intenses ? Cette ques-
tion n'est guère soluble, si elle ne concerne que les artistes de
génie. Mais la psychologie de la créativité fournit une réponse de
portée plus générale : le rôle décisif du milieu dans la formation
de la personnalité créative, et l'exercice des aptitudes créatives.

I | CONDUITES DO
' RIENTATION
VERS LES MESSAGES ARTISTIQUES

Les problèmes de création étant situés, il convient de


situer un premier niveau d'approche des œuvres par l'homme.
Cette approche est globale ou distale : avant d analyser ce qui
se passe dans le contact entre l'homme et les œuvres, il faut se
demander comment s'organisent ses orientations «spontanées »
vers l'ensemble des domaines artistiques.
Etant donné que cette approche ne sera plus évoquée dans
les chapitres suivants, nous en parlerons ici avec une certaine
ampleur.
1/ Les intérêts artistiques de loisirs
Quelle que soit la fonction psychologique que l'on assigne
à l'art, c'est principalement au cours des occupations qui
meublent le temps de non-travail qu'il intervient dans nos
sociétés.
Il peut donc être utile, avant d'entrer dans les différencia-
tions intersociales, de considérer la structure des intérêts
artistiques de loisir, en traitant comme variables, dans une
approche globale, les domaines artistiques et les modalités de
comportements par lesquels on accède à ces domaines (Francès,
Roubertoux et Denis, 1976). Cette « structure » peut être
conçue d'abord non pas comme représentative des intérêts
actuels de la population française, mais de ceux d'adultes ayant
un double privilège : 1) ce sont des étudiants et, pour eux, les
préalables de l'instruction générale sont satisfaits ; 2) ils
résident à Paris ou dans la région parisienne. De ce fait, les
obstacles concernant les équipements artistiques sont pour eux
levés dans tous les domaines. Une telle structure a donc une
validité actuelle pour un secteur limité de la population et une
validité prospective plus générale : on peut s'attendre à ce
qu'elle se vérifie chez tous les adultes urbanisés lorsque les
études secondaires seront achevées par tous et lorsque les
centres urbains seront suffisamment équipés. Elle a été dégagée
à partir des réponses à un questionnaire comptant 101 items,
administré d'une part à 350 étudiants de Paris et, d'autre part,
pour en vérifier la stabilité, à 87 étudiants de Nanterre.
La stabilité a été, selon les facteurs considérés, satisfaisante
ou très satisfaisante d'un échantillon à l'autre, malgré l'inter-
valle d'une année historiquement assez bouleversée (1968-1969)
qui s'est écoulée entre la première et la deuxième passation.
Les 101 items sont des questions fermées ou semi-ouvertes
réparties en sept sous-questionnaires (présentés dans un ordre
tournant selon les sujets). Chacun d'eux concerne un domaine :
littérature, musique, peinture, théâtre, cinéma, télévision,
radio. Les domaines sont explorés selon les dix modalités sui-
vantes : pratique personnelle d'un art (en amateur) ; souhait
de pratique personnelle ; volume de la fréquentation ; fréquen-
tation à travers les mass média ; souhaits d'une fréquentation
Untravail d'équipe sur la psychologie et la psychosociologie
des arts (musique, peinture, architecture, cinéma), mais aussi
des éléments sensoriels (formes, sons et couleurs) ou d'aspects
de la personne (beauté du visage et du corps).
La documentation, faite essentiellement de recherches d'un
caractère scientifique, est considérable. Répartie par chapitres,
elle permet de s'informer aux sources sur chaque problème.
L'exposé est particulièrement clair et ne suppose chez le lec-
teur aucune connaissance technique préalable. En ce sens l'ou-
vrage est destiné à un large public : celui des amateurs de tel ou
tel art, des éducateurs, des étudiants en art ou en esthétique, et
enfin celui des psychologues et psychosociologues qui se
sentent concernés par les problèmes de culture artistique ou
d'esthétique généralisée.
Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès
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