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Trivium

Revue franco-allemande de sciences humaines et


sociales - Deutsch-französische Zeitschrift für Geistes-
und Sozialwissenschaften 

25 | 2017
LʼAnthropologie philosophique dans le débat
franco-allemand contemporain
Die Philosophische Anthropologie in der deutsch-französischen Debatte der
Gegenwart

Thomas Ebke, Guillaume Plas et Caterina Zanfi (dir.)

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/trivium/5408
DOI : 10.4000/trivium.5408
ISSN : 1963-1820

Éditeur
Les éditions de la Maison des sciences de l’Homme
 

Référence électronique
Thomas Ebke, Guillaume Plas et Caterina Zanfi (dir.), Trivium, 25 | 2017, « LʼAnthropologie
philosophique dans le débat franco-allemand contemporain » [En ligne], mis en ligne le 08 février 2017,
consulté le 14 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/trivium/5408 ; DOI : https://
doi.org/10.4000/trivium.5408

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Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
1

Dans la philosophie française du XXe siècle, il n'est pas rare de rencontrer le terme
d'« anthropologie philosophique », mais à y regarder de plus près, aucun des travaux de
Jacques Derrida, Michel Foucault ou Louis Althusser, par exemple, ne se réfère à
l'« Anthropologie philosophique » comprise comme la « tradition » qui unit les
réflexions de Max Scheler, Helmuth Plessner, Arnold Gehlen et Adolf Portmann dans les
domaines de la philosophie de la nature et de l'histoire. Le présent dossier examine
l'héritage conceptuel de cette direction de pensée et cherche à montrer les grandes
lignes de sa réception actuelle en France et en Allemagne.
Ce numéro de Trivium a pu être réalisé grâce à des soutiens accordés par la Gerda
Henkel-Stiftung, la DGLFLF et le laboratoire d’excellence TransferS (programme
Investissements d’avenir ANR-10-IDEX-0001-02 PSL* et ANR-10-LABX-0099).
Der Titel »anthropologie philosophique« ist in der französischen Philosophie des 20.
Jahrhunderts vielerorts anzutreffen, doch die Arbeiten etwa von Jacques Derrida,
Michel Foucault oder Louis Althusser entbehren bei genauerer Nachforschung jeglicher
Referenz auf die »Philosophische Anthropologie«, verstanden als »Tradition«, die die
natur- und geschichtsphilosophischen Entwürfe Max Schelers, Helmuth Plessners,
Arnold Gehlens und Adolf Portmanns eint. Das vorliegende Themenheft erforscht das
konzeptionelle Erbe dieses Denkansatzes und versucht, die Grundlinien seiner
aktuellen Rezeption in Frankreich und in Deutschland abzubilden.
Diese Ausgabe wurde publiziert mit Unterstützung der Gerda Henkel Stiftung, der
Délégation générale à la langue française et aux Langues de France (DGLFLF) und des
Exzellenzclusters »TransferS« der Ecole normale supérieure (programme
Investissements d’avenir ANR-10-IDEX-0001-02 PSL* et ANR-10-LABX-0099).

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SOMMAIRE

Introduction

Introduction
Thomas Ebke, Guillaume Plas et Caterina Zanfi

Einleitung
Thomas Ebke, Guillaume Plas et Caterina Zanfi

Plessner "Über das Welt-Umweltverhältnis des Menschen" (1950)

Sur le rapport entre monde et monde environnant chez l’homme (1950)


Helmuth Plessner

Commentaire éditorial
Sur : Helmuth Plessner, « Sur le rapport entre monde et monde environnant chez l’homme » (1950), in : id. :
Gesammelte Schriften, tome VIII : Conditio humana, Francfort-sur-le-Main : Suhrkamp, 1983, p. 77-87.
Thomas Ebke et Guillaume Plas

Editorischer Kommentar
Zu: Helmuth Plessner, »Über das Welt-Umweltverhältnis des Menschen« (1950), in: ders.: Gesammelte Schriften Band
VIII: Conditio humana, Frankfurt/M.: Suhrkamp Verlag, 1983, S. 77–87.
Thomas Ebke et Guillaume Plas

Traductions vers le français

Le noyau théorique propre à l’Anthropologie philosophique (Scheler, Plessner, Gehlen)


Joachim Fischer

L’expressivité comme fondement de l’historicité future


De la différence entre Anthropologie philosophique et philosophie anthropologique
Hans-Peter Krüger

Max Scheler et Helmuth Plessner – la charnellité dans l’Anthropologie philosophique


Volker Schürmann

Traductions vers l'allemand

Das »Anthropologieverbot« bei Husserl und Heidegger und seine Übertretung durch
Blumenberg
Jean-Claude Monod

Die transzendentale Formel


Über den Beitrag der Phänomenologie zur philosophischen Anthropologie
Étienne Bimbenet

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Die Natur oder die Welt der Gestalten: Tierheit denken mit Merleau-Ponty und Portmann
Nicolas Zaslawski

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Introduction
Einleitung

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Introduction
Thomas Ebke, Guillaume Plas et Caterina Zanfi

1 Historiquement, il n’y a rien de surprenant à ce que la « direction de pensée » (Joachim


Fischer) que constitue l’« Anthropologie philosophique » de langue allemande n’ait
bénéficié d’aucun écho au sein de la philosophie française du XX e siècle. La
comparaison avec l’« École de Francfort » de la Théorie critique (Adorno, Horkheimer,
Habermas), tout particulièrement, fait apparaître que l’Anthropologie philosophique, si
l’on entend par là l’ensemble formé par les positions intellectuelles de Max Scheler
(1874-1928), Helmuth Plessner (1892-1985), Arnold Gehlen (1904-1976) et Adolf
Portmann (1897-1982), ne s’est jamais imposée, et ce moins encore sur la scène
internationale, comme une « école » unifiée par-delà ses divergences internes.
L’Anthropologie philosophique n’a jamais été soudée par un spiritus rector veillant
scrupuleusement à la loyauté de ses membres envers un paradigme, comme ce fut le cas
de la Théorie critique autour d’Horkheimer (que l’on pense aux rapports délicats que
celui-ci entretint avec Walter Benjamin). Au contraire : les auteurs qui, au cours des
années 1920 (Scheler, Plessner, Portmann) puis à partir des années 1940, firent leur le
programme d’une « Anthropologie philosophique » étaient parfaitement conscients des
écarts parfois profonds qui existaient entre leurs hypothèses de départ et leurs
orientations méthodologiques respectives1. Pour être en mesure d’éveiller l’intérêt,
notamment en dehors de l’espace germanophone, il aurait fallu à l’Anthropologie
philosophique un fil rouge bien visible, qui, par-delà les lignes de rupture internes,
aurait permis de réunir sous un dénominateur commun toutes ces initiatives
individuelles hétérogènes.
2 Si l’on prend au sérieux le projet de Scheler, Plessner et Gehlen qui a consisté à
développer une philosophie de la vie – ou plus exactement : trois philosophies de la vie
spécifiques – posant la question de la différence entre l’homme et le reste du vivant
(tout en postulant une telle différence originaire), alors réalise-t-on rapidement
pourquoi leurs théories n’ont jamais pu trouver en France un terreau fertile 2 : cela tient
à un scepticisme à l’égard des paradigmes de la biologie et a fortiori de la philosophie de
la vie profondément ancré dans la pensée française moderne 3, scepticisme qui, si son
origine est bien antérieure aux sociologies positivistes de Comte et de Durkheim
(puisque l’on peut en réalité la faire remonter à Descartes), a trouvé en ces sociologies

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son expression la plus éminente4. La mise en tabou du biologique – aussi bien


épistémologique, en ce qui concerne l’emplacement des disciplines biologiques dans le
champ des sciences5, qu’ontologique, en ce qui concerne la question de la position de
l’homme au sein du vivant – a fait son chemin en France en empruntant différentes
voies successives : la décision de Léon Brunschvig de définir les sciences par leur
rationalité analytique et non synthétique, d’abord (que l’on pense à sa réduction de
l’« esprit » au « jugement »), puis, plus tard, et à chaque fois dans une perspective
propre, la subversion du concept de nature par le biais de régularités structurantes du
social (Mauss, Lévi-Strauss), l’insistance sur les coupures épistémologiques dans les
spontanéités de l’intuition quotidienne (Bachelard, Althusser), ou bien encore la
relecture historicisante du paradigme biologique comme épistémè (Foucault). Certes,
des noms comme ceux de Bergson, Merleau-Ponty, Ruyer ou Canguilhem ne rentrent
pas dans cette tradition de scepticisme à l’égard d’une détermination de la position de
l’homme par le recours à la nature vivante ; mais la marginalisation du paradigme de la
biologie et de la philosophie de la vie n’en constitue pas moins une caractéristique de
l’essentiel de la pensée française du XIXe et du XX e siècles, et elle n’en a pas moins
exercé une extrêmement forte influence. C’est à ce climat que sont dus d’abord
l’improbabilité et finalement également l’échec d’une réception de l’Anthropologie
philosophique en France6.
3 Sous un angle systématique, par contre, l’absence d’écho français à l’Anthropologie
philosophique est plus surprenante : car, entre les lignes, il y a et il y aurait eu assez de
matière à discussion entre l’« Anthropologie philosophique » à la Scheler, Plessner et
Gehlen et le champ de la philosophie française après 1945 7. Non seulement l’usage par
Merleau-Ponty du concept de corps propre comme fondement de sa pensée a très tôt
conduit d’aucuns à se poser la question du rapport entre sa conception et celle de
Scheler et de Plessner8 – d’autant plus que ce dernier détermine la situation de
l’homme comme être vivant non par le biais de son immanence dans la charnellité
(Leiblichkeit), mais en portant son regard sur une brisure spécifique de la charnellité des
« personnes ». Mais surtout, la question de la présence non-explicitée de concepts du
vivant et du champ de l’anthropologie se pose avec le plus d’acuité là où – comme chez
Foucault – est critiquée l’absolutisation d’une conception finie de l’homme (que l’on
pense au concept du « doublet empirico-transcendantal »). Dans le cas particulier de
Foucault, non seulement son œuvre tardive des années 1980, mais aussi son
commentaire de l’Anthropologie d’un point de vue pragmatique de Kant (commentaire qui
accompagna sa thèse sur l’histoire de la folie) laissent apparaître que sa pensée
renferme également le lieu normatif (celui d’une négativité possiblement radicale : cf.
Plessner) depuis lequel il est possible de procéder à la critique des formations historico-
discursives de l’anthropologie moderne9. Enfin, la thématique du lien entre les
comparaisons verticales et les comparaisons horizontales au sein de la recherche en
anthropologie relie l’Anthropologie philosophique aux réflexions de Claude Lévi-
Strauss : Comment les ordres de l’évolution naturelle et originelle de l’homme se
comportent-il à l’égard des dynamiques, instituées et codifiées culturellement (tel que
l’interdit de l’inceste), qui règlent la « vie » dans les communautés spécifiques à l’être
humain ? Quelles conclusions les formes toujours hybrides et instables, autant
naturelles qu’artificielles, de constitution de communautés humaines conduisent-elles
à tirer au sujet de la position brisée qui est celle de la vie humaine à l’égard d’elle-
même ? Il y a là un problème à la frontière entre la philosophie et l’ethnologie
empirique que Lévi-Strauss a davantage contourné que résolu.

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4 En réalité, le concept d’« anthropologie philosophique » est apparu à maints endroits,


parfois même de premier plan, du paysage de la philosophie française du XX e siècle10.
Mais à aucun de ces endroits n’est alors fait référence à l’Anthropologie philosophique
au sens de la « tradition » qui unit, grosso modo, les théories de Max Scheler, Helmuth
Plessner et Arnold Gehlen. Plus : on ne saurait trouver dans l’œuvre des philosophes
français que nous évoquions à l’instant le moindre indice qui donnerait à penser qu’ils
ont eu ne serait-ce que connaissance de l’« Anthropologie philosophique » au sens
historique de l’expression (cf. plus haut). C’est pourquoi ce dossier se concentre, en
faisant sienne une distinction établie par Joachim Fischer, sur l’Anthropologie
philosophique en tant que « direction de pensée », c’est-à-dire sur l’héritage
conceptionnel, mais aussi en soi polémogène des réflexions de Max Scheler, Helmuth
Plessner et Arnold Gehlen. Ne seront pas examinées ici les témoignages d’une
compréhension de l’anthropologie philosophique comme « discipline 11 ». Nous
documenterons l’état actuel français et allemand de la réception de l’« Anthropologie
philosophique » au sens historique, c’est-à-dire comprise comme un paradigme posant
la question de la différence entre la vie humaine et la vie non-humaine. Pour nommer
dès à présent la thèse directrice qui spécifie ce paradigme : l’Anthropologie
philosophique est la tentative philosophique de penser des lignes de fracture
irréductibles qui délimitent la vie humaine face à celle des animaux ; mais elle s’efforce
de marquer de manière descriptive cette différence ou cette altérité structurelle de
l’homme – et non de réidéaliser ce dernier sous les traits d’un animal rationale, doté
d’une conscience de soi, d’un esprit et d’une liberté, à l’opposé de la nature. En tout état
de cause, lorsque l’Anthropologie philosophique de Scheler, Plessner et Gehlen a
recours à Kant, elle passe obligatoirement par Darwin et Nietzsche, dont elle a intégré
les leçons sur l’homme moderne.

Sur la résonance française de l’« Anthropologie


philosophique » au sens historique
5 À la différence d’Arnold Gehlen, et plus encore d’Helmuth Plessner, Max Scheler a bel
et bien fait l’objet d’une certaine prise en considération par la philosophie française du
XXe siècle12. Néanmoins, l’attention dont il a bénéficié s’est portée exclusivement sur sa
modification virtuose de la phénoménologie husserlienne en un réalisme
phénoménologique des valeurs et de leur expérience, sans que soit pris en compte le
fait que, de son côté, il a défini le lieu de sa pensée comme celui d’une Anthropologie
philosophique, et non comme une réinvention de l’« école » phénoménologique. Par
conséquent, on peut affirmer en forçant quelque peu le trait que l’on aurait très bien pu
identifier, ou au moins deviner les grands traits de l’Anthropologie philosophique à
travers la réception de Scheler en France, sans avoir à passer par une étude d’ensemble
consacrée à ce modèle de pensée. La discussion en France de l’Anthropologie
philosophique au sens étroit – de ce courant intellectuel qui a avant tout marqué en
Allemagne, de manière souterraine, la période de la République de Weimar – s’est
déroulée en trois phases bien distinctes.
6 On oublie aujourd’hui le fait que le premier élan de réception de l’Anthropologie
philosophique en France eut lieu presque en même temps que son établissement en
Allemagne, sans bien sûr la moindre conscience d’un contexte d’école, que l’on n’a du
reste pas davantage constaté en Allemagne, a fortiori au cours des années 1920 13. L’écho

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précoce et intense qu’a rencontré l’œuvre de Scheler en France trouve en effet son
origine principale dans le travail de Paul-Louis Landsberg, qui avait fui l’Allemagne et
rejoint Paris à l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933. Landsberg avait étudié chez
Scheler à Cologne et à Bonn auprès d’Erich Rothacker (qui a joué un rôle important
d’« unificateur et de transmetteur » de l’Anthropologie philosophique 14), puis, une fois
en France, il avait attiré l’attention de différentes revues sur l’œuvre de Scheler 15. Ce
premier moment de réception de l’œuvre de Scheler eut une coloration religieuse,
d’abord parce que Landsberg, comme Pierre Klossowski, évoluait dans les cercles
autour de la revue néocatholique Esprit, mais aussi et surtout parce que la première
thématisation de premier ordre de la philosophie de l’esprit et de la sensation
numineuse schelerienne en France fut l’œuvre du personnaliste catholique Emmanuel
Mounier. C’est sous ce même angle que le jeune Merleau-Ponty lut Scheler dans son
article « Christianisme et ressentiment » de 1935 (paru dans Esprit) 16. Enfin, les
traductions et commentaires de Scheler par Maurice Dupuy, à la fin des années 1950,
s’inscrivent eux aussi dans ce contexte de réception catholique et métaphysique de
l’Anthropologie philosophique, focalisée alors encore sur Scheler 17.
7 À partir des années 1960, c’est une tout autre « archive » qui se cristallise, et que l’on
peut nommer avec Etienne Balibar l’« épisode de la question de l’anthropologie
philosophique » au sein de la philosophie française de l’après-guerre 18 – à condition
d’avoir pleinement conscience de la dimension paradoxale et même problématique de
cette expression. Car l’anthropologie ne fut thématisée au sein de cette constellation
fortement imprégnée de marxisme que sous le mode de sa critique, notamment sous le
slogan emphatiquement négatif de l’« humanisme théorique » (Althusser). Il a fallu
attendre que cette archive soit elle-même historicisée pour qu’il soit de nouveau
possible de parler de manière positive d’anthropologie en France et que l’on cherche de
nouveau le contact avec les « fondateurs de discursivité19 » allemands. L’une des
premières impulsions à une telle révision de l’axiomatique postmarxiste a été donnée
par Gérard Raulet. Raulet avait d’abord joué, au début des années 1980, le rôle de
transmetteur du poststructuralisme français dans l’espace germanophone. Au tournant
des années 2000, il s’est rapproché de l’Anthropologie philosophique en reprenant des
recherches entamées deux décennies plus tôt au sujet de Cassirer. Dans le cadre d’un
projet de recherche international pluriannuel sur l’histoire et l’actualité de
l’Anthropologie philosophique, il a alors initié avec Karl-Siegbert Rehberg (l’ancien
assistant de Gehlen) et Joachim Fischer la discussion franco-allemande la plus intense
qui ait eu lieu jusqu’à aujourd’hui au sujet de cette tradition de pensée. C’est dans ce
cadre qu’il a notamment pu mettre en évidence, nonobstant le scepticisme qui
prévalait en France dans les années 1960 et 1970 à l’égard de ce champ thématique et
conceptuel (cf. plus haut), le potentiel critique de l’Anthropologie philosophique, et ce
précisément en inscrivant celle-ci dans la généalogie de gauche émancipatrice à
laquelle appartiennent différents auteurs français des années 1970. Car Raulet prend au
sérieux l’expression d’un « moment anthropologique » au sein de la philosophie
française des années 1960 et 1970, à la différence de Balibar qui avait lui-même forgé
cette expression. Raulet a ainsi dévoilé « une histoire politique des rapports
[quoiqu’ “indirects”] français à l’Anthropologie philosophique » au cours de cette
phase20.
8 La troisième et plus récente lignée de thématisation française de l’Anthropologie
philosophique est le fait d’une nouvelle génération d’interprètes phénoménologues qui,
à la différence des personnalistes des années 1930, ne mettent plus la métaphysique

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spirituelle de Scheler au premier plan, mais ont depuis découvert, grâce à quelques
(encore rares) traductions, les œuvres de Plessner et Gehlen21. On peut voir dans la
traduction française par Denis Trierweiler de l’étude (parue à titre posthume) de Hans
Blumenberg Beschreibung des Menschen (Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 2006 ; trad.
fr. Paris, Cerf, 2011) le moment initiateur de cette réception 22. Blumenberg avait
identifié dans cet ouvrage un dilemme inhérent à la phénoménologie : certes,
Heidegger avait bien souligné qu’un dépassement de la phénoménologie husserlienne
en direction d’une réflexion anthropologique était impossible et même inacceptable ;
pour autant, le cœur du lexique phénoménologie (les concepts d’« intentionnalité », ou
encore de « conscience ») n’en renferme pas moins bel et bien un revers
anthropologique, si bien qu’il est plausible de déconstruire les motifs du dernier
Husserl (notamment le concept de « Lebenswelt ») et du Heidegger d’Etre et temps pour y
déceler une « anthropologie de l’existence quotidienne ». Blumenberg tente d’intégrer
à cette lecture jusqu’à l’ambition émise par la phénoménologie de purisme
transcendantal de sa méthode, lisant la mise en œuvre de la perspective
phénoménologique (mise entre parenthèses de l’« attitude naturelle », etc.) comme une
production d’ordre culturel : comme le résultat d’un comportement compensatoire de
l’homme, qui ne peut créer son monde fait de « coquilles » culturelles (Blumenberg)
qu’au prix d’un dépassement et d’une neutralisation de son milieu biologique. La
stratégie de Blumenberg, consistant à anthropologiser la phénoménologie par le biais
d’un recours à Gehlen, a éveillé en France un intérêt pour les origines et les auteurs
initiaux de l’Anthropologie philosophique.

Structure du dossier et contexte des contributions


9 Le présent dossier thématique réunit (et confronte) trois contributions de langue
allemande et trois contributions de langue française tirées de la littérature secondaire
actuelle, avec pour intention de montrer dans quelle mesure les regards portés
actuellement en France et en Allemagne sur l’Anthropologie philosophique se
distinguent les uns des autres, mais se complètent également les uns les autres. Ces
contributions vont permettre de rendre visibles les particularités, découlant des
histoires respectives de la philosophie et plus généralement des cultures intellectuelles
des deux pays, sur lesquelles repose des deux côtés du Rhin l’intérêt pour (une
actualisation de) l’Anthropologie philosophique : chaque côté apporte sa propre
réponse spécifique à la question de savoir ce que cette tradition théorique est
susceptible de nous dire au XXIe siècle, et en quoi elle peut contribuer à l’analyse
diagnostique et la critique de nos sociétés. Ces six textes sont précédés par un texte
original d’Helmuth Plessner datant de 1950, « Über das Welt-Umweltverhältnis des
Menschen », dont nous présentons ici la première traduction française. La pertinence
particulière de ce texte de Plessner, qui y thématise, dans sa distinction entre les
concepts de « monde environnant » et de « monde », une distinction-clé de toute
l’Anthropologie philosophique, est présentée dans un commentaire éditorial distinct,
en introduction à ce texte.
10 Les articles des auteurs allemands, traduits ici en français, donnent un aperçu
représentatif de la recherche actuelle sur l’Anthropologie philosophique en Allemagne.
La contribution de Joachim Fischer inscrit les positions fondamentales de Max Scheler,
Helmuth Plessner et Arnold Gehlen dans un cadre commun cohérent. Contre le

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fractionnement de la recherche sur l’Anthropologie philosophique, Fischer s’efforce de


montrer que ces trois auteurs appartiennent à un même « lieu de pensée » (Fischer) du
nom d’Anthropologie philosophique, qui les lie et auquel ils se tiennent. Fischer parle
d’un « noyau identitaire » qui se maintient, à ses yeux, dans les trois édifices théoriques
respectifs, par-delà les vives tensions entre ceux-ci. Ce qui détermine en propre
l’Anthropologie philosophique peut être défini selon Fischer de la manière suivante :
l’Anthropologie philosophique réserve à l’homme, de façon analogue à d’autres
traditions de pensée, la « spiritualité » (au sens de ce « pouvoir dire non » aux
dynamiques vitales que Scheler a mis en lumière) ; mais elle examine, à la différence de
ces autres traditions de pensée, la question de savoir dans quelle mesure et en quoi
exactement l’homme est un être doué d’esprit par la biais d’un parcours d’une
philosophie du vivant, c’est-à-dire de manière « contrastive » et « indirecte ». L’homme
appartenant en grande partie également à l’ordre de la nature vivante et organique,
l’Anthropologie philosophique, afin de déterminer sa « position à part », doit
inévitablement en passer par une philosophie de la vie, le moment précis où il se
distingue de l’animal étant déterminé en prenant en compte la mesure dans laquelle
l’homme doit aussi être ramené à sa vitalité biologique. C’est cette double réinsertion,
de la spiritualité dans la vitalité et du monde dans le milieu, qui seule garantit la
position spécifique de l’homme au sein du vivant, et que les trois protagonistes de
l’Anthropologie philosophique ont déclinée chacun à sa façon.
11 Les réflexions de Hans-Peter Krüger tirent une conséquence supplémentaire du lieu
paradoxal de l’homme ainsi défini. D’une certaine manière, l’homme raye ou annule
son appartenance à l’ordre du vivant sans être jamais en mesure de dépasser ce lieu
immanent au vivant. Il serait donc plus exact de parler d’une transcendance
immanente. Krüger opère ici à l’aide du jeu des dynamiques contraires de l’
excentrement et du recentrement, c’est-à-dire d’un placement centrifuge au-dehors de
la vie s’opérant en même temps qu’un incessant rattachement à la vie, ce qui se
manifeste chez l’homme sous la forme d’un effort de stabilisation de la non-coïncidence
entre l’être-une-chair et l’avoir-un-corps. De cette manière, Krüger explicite
l’historicité intrinsèque à la vie de la personne telle que la comprend l’Anthropologie
philosophique, en ce qu’il met l’accent sur l’expressivité de cette personne : bien que,
comme il le montre, l’homme (la personne) ait besoin, dans l’immédiateté de son
comportement, de la centralité et de la territorialisation que lui confère sa chair, son
rapport à lui-même est un rapport historique, c’est-à-dire un rapport « naturellement »
artificiel, instauré, mis en œuvre pratiquement et acquis de haute lutte. L’accent mis
par Krüger dans sa lecture de l’Anthropologie philosophique élargit le champ ouvert
par les contributions de Fischer et Schürmann par l’idée d’un rapport de
complémentarité et de nécessité réciproque entre philosophie de la nature et
philosophie de l’histoire : l’axe thématique portant sur la stratification des êtres
vivants débouche sur un autre axe thématique, portant quant à lui sur les formes de
constitution de communautés et de sociétés historiquement et politiquement fragiles,
et dans lesquelles la vie humaine (personnelle) peut se différencier en d’innombrables
formes.
12 La force de l’article de Volker Schürmann tient à ce que l’auteur y précise de façon
fondamentale les rapports conceptuels qu’entretiennent les trois dimensions de la
corporéité (Körperlichkeit), de la charnellité et de la personnalité – ces dimensions dont
l’interaction complexe rend seule possible les questionnements et les possibilités
descriptives de l’Anthropologie philosophique. En analysant les œuvres de Scheler et de

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Plessner, Schürmann montre que les auteurs de l’Anthropologie philosophique n’ont eu


de cesse de porter leur attention sur le rapport précaire qu’entretiennent la corporéité
et la charnellité : la vie humaine est toujours déjà corporelle au sens de la res extensa,
qui apparait à la « perception naturelle » comme une entité objectivement mesurable.
Mais en même temps, chaque être vivant « vit » également en ayant une sensation
affective de son propre corps (comme du corps des autres êtres vivants), c’est-à-dire
une sorte de « conscience interne » de lui-même. Mais ce n’est pas tout : car si Scheler
avait lui-même déjà expliqué, comme le rappelle Schürmann, que ces deux modes (la
différence entre le moi et le monde extérieur pour un corps, et la charnellité comme
forme ou cadre des contenus du monde extérieur en tant que donné pour le moi)
entretiennent des rapports réciproques, les êtres humains acquièrent en sus une
troisième perspective, qui n’est pas liée à l’objectivation mais consiste en de pures
effectuations, en de purs actes. Scheler a donné à cette sphère des effectuations le nom
d’esprit, et a vu en celui-ci la caractéristique de personnes. Cependant, tandis que Scheler
a strictement séparé la spiritualité des personnes des expressions de la vie (afin de
soutenir la thèse d’un fort dualisme entre vie et esprit), Plessner s’est de son côté
davantage attelé à expliquer l’existence d’un monde personnel de manière immanente,
via une rupture au sein même de l’ordre du vivant. Parler de positionnalité excentrique
de l’homme, cela revient à étudier ce dernier comme un être qui ne peut vivre que s’il
mène sa vie. Pourtant, comme le souligne Schürmann, cette distance excentrique ne
signifie aux yeux de Plessner aucun positionnement au-dehors de la vie, dépassant
celle-ci, et dans lequel l’homme pourrait se retirer (ou ne pas se retirer) à sa guise : il
s’agit plutôt d’une structure basale qui distingue la vie humaine – qui, précisément,
« ne peut pas ne pas être excentrique23 » – de façon toujours déjà inéluctable dans
toutes ses expressions et ses effectuations.
13 Les textes français et allemands que nous mettons ici en réseau se rejoignent
précisément aux endroits d’où peut être lancée une discussion féconde entre les
directions de recherche prises dans chacun des deux pays. En effet, les trois articles
français traduits en allemand témoignent du fait qu’une partie importante du regain
d’attention dont bénéficie actuellement l’Anthropologie philosophique en France
découle d’un auto-questionnement critique de la tradition phénoménologique 24. Ainsi,
Jean-Claude Monod reconstruit, dans son texte sur « l’interdit anthropologique », la
manœuvre paradoxale de Blumenberg que nous évoquions plus haut, consistant à
explorer un sous-texte anthropologique complexe au sein de la phénoménologie sans
pour autant postuler la possibilité d’une transformation aisée, sans dénaturation, de
l’héritage phénoménologique de l’anthropologie philosophique. En suivant
Blumenberg, Monod examine l’interdit d’une anthropologisation de la phénoménologie
tel qu’il fut formulé par Husserl puis repris par Heidegger, mais aussi les lignes de
fracture de cet interdit, qui avaient, dès les écrits de ces deux auteurs, conduit à
l’irruption de contingences dans le processus d’accès aux essentialités. La
« déconstruction » (Monod) de la mise en tabou de l’anthropologie par la
phénoménologie a conduit Blumenberg à nommer trois « axes de contingence »
caractéristiques de la position de l’homme : le fait qu’il soit une « créature déficiente »,
le primat de la vue parmi ses sens, et sa tendance à prendre de la distance à l’égard de
ses peurs primaires archaïques. Pour le public germanophone, la lecture du texte de
Monod est avant tout en cela instructive qu’elle montre dans quelle mesure le regain
d’intérêt dont bénéficie l’Anthropologie philosophique en France est étroitement liée à
une crise interne de l’héritage phénoménologique que Blumenberg avait diagnostiquée,

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et qui incite à l’heure actuelle les interprètes français (de Husserl, Heidegger ou encore
de Merleau-Ponty) à examiner à nouveaux frais la hiérarchie traditionnelle entre
phénoménologie et anthropologie.
14 Pour Etienne Bimbenet aussi, le problème central qui se pose à la phénoménologie
depuis l’écrit de Blumenberg consiste à devoir se confronter à son inévitable
translation en des catégories appartenant à une théorie de l’homme. La mondanisation
du projet phénoménologique, qui était à l’origine, comme le rappelle Bimbenet, un
programme cartésien de refondation de toute science sur des fondements d’une
évidence inébranlable, n’est pas le fruit du hasard : elle est bien au contraire la
conséquence logique de l’ambition universaliste émise par Husserl lui-même. Bimbenet
fait ressortir cette translation en s’appuyant sur une limite interne, d’ordre
systématique, de la réduction phénoménologique husserlienne : les corrélats des
activités de notre conscience, lorsqu’ils sont vécus de manière claire et distincte (les
noèmes), sont censés être davantage que de simples positionnements solipsistes ; ils
devraient être indépendants de la perspective de la conscience d’une subjectivité et de
ses vécus, mais prendre au contraire une valeur qui transcende cette subjectivité – une
valeur universelle, précisément. Les « états de fait » intérieurs – qui ne peuvent être
assurés que de manière immanente à la conscience ! – sont censés se défaire en dernier
lieu de leur lien à la subjectivité d’une conscience donnée pour se poser comme
« choses elles-mêmes ». Bimbenet établit ici, de façon décisive pour la discussion menée
avec l’Anthropologie philosophique, un parallèle avec la théorie biologique de la
subjectivité des organismes développée par Jakob von Uexküll. Tandis que, selon ce
dernier, les organismes sont constamment plongés dans une corrélation avec leur
monde environnant respectif, dont ils font l’expérience sous les traits « de mondes de
la perception et de mondes de l’action », l’homme se trouve dans une situation
d’abstraction de tous les mondes environnants particuliers – autrement dit : il est dans
la transcendance du monde. Bimbenet mobilise ainsi à son tour le couple de concepts le
plus actif de l’Anthropologie philosophique, qui joue un rôle de premier plan aussi bien
dans les contributions françaises que dans le texte de Plessner : celui de l’opposition
entre monde et monde environnant. Dès lors, l’« idéalisme » biologique de l’animal (qui
n’appréhende son monde environnant qu’en qualité de corrélat de ses affections) se
révèle être un réalisme latent, tandis que le réalisme manifeste de l’homme, son
attention portée sur les choses mêmes, apparait contenir en réalité un surplus idéaliste,
à savoir l’« anticipation infinie » de la totalité du « monde ».
15 En même temps, le pas qu’effectue Bimbenet de Husserl vers Uexküll est emblématique
d’une ligne de fuite fondamentale de la découverte dont l’Anthropologie philosophique
fait actuellement l’objet en France. Car la question des positions qu’adoptent
phénoménologie et anthropologie l’une à l’égard de l’autre entre là en dialogue avec
une autre question d’importance, celle du rapport entre subjectivité et animalité. Au sein
de la philosophie française moderne, le sujet d’une structure de la perception et d’une
expressivité charnelle spécifiques à l’homme s’est imposé dès les écrits de Maurice
Merleau-Ponty. On ne peut entrer en débat avec l’Anthropologie philosophique en
France sans passer par la phénoménologie de la chair de Merleau-Ponty, ce qui est déjà
en soi remarquable tant la recherche en langue allemande sur l’Anthropologie
philosophique s’est à l’inverse depuis longtemps accordée à marquer une frontière
entre la pensée de Plessner, notamment, et celle de Merleau-Ponty, omettant de
prendre pleinement en considération les différentes strates génétiques de l’œuvre de ce
dernier (son passage de l’usage du concept de corps propre à celui de chair, ses cours

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sur le concept de nature, etc.). L’article de Nicolas Zaslawski reflète donc une tendance
lourde de la recherche actuelle lorsqu’il s’essaie à une confrontation entre le paradigme
de l’Anthropologie philosophique – ici en la figure d’Adolf Portmann – et la philosophie
de Merleau-Ponty. Zaslawski place au cœur de son étude les indications de Portmann
sur la divergence entre les lois de formation des « parties » visibles et celles des
« parties » invisibles des êtres vivants. La modification apportée par Portmann à
l’opposition entre intériorité et extériorité chez les organismes, c’est-à-dire à
l’opposition entre un organisme et son monde environnant, qui prend chez lui la forme
d’une opposition entre les aspects du vivant « pleinement visibles » et ceux
« opaques », marque une rupture tranchée avec le cadre général et les prémisses de la
phénoménologie de Merleau-Ponty, marqués par la théorie de la Gestalt. Selon
Zaslawski, c’est grâce à Portmann que Merleau-Ponty – qui évoque à plusieurs reprises
ses livres, comme Die Tiergestalt. Studien über die Bedeutung der tierischen Erscheinung
(1948/1960) – est parvenu au problème que pose le fait que dans l’attitude
phénoménologique, l’animalité ne peut plus être définie autrement que comme
« l’autrui » des constitutions de sens de la conscience percevante, et qu’il lui est donc
en même temps nécessaire d’être liée aux formes. Or, Portmann avait lui aussi établi la
distinction entre une théorie de l’« apparence adressée », par laquelle les êtres de race
identique ou semblable se perçoivent les uns les autres, et une théorie de l’apparence
inadressée. La question consiste donc à comprendre comment les êtres que nous
regardons nous regardent en retour. Ce qui est visible pour nous des phénomènes qui
nous sont donnés peut diverger de ce qui de nous est visible pour les êtres vivants que
nous observons. En confrontant les catégories de la perception introduites par
Merleau-Ponty à l’hypothèse d’une expressivité opaque de l’animal formulée par
Portmann, Zaslawski retourne également, implicitement, à Plessner, qui, à travers son
concept de « frontière », s’était interrogé sur le contact « cutané » des choses vivantes
avec ce qui leur est extérieur. Zaslawski lui aussi atteint donc – de façon semblable aux
développements de Monod et de Bimbenet, mais en même temps à sa propre manière –
une limite interne du projet fondamental de la phénoménologie à l’aide de
l’Anthropologie philosophique, dans la mesure où, dans son cas, le lieu depuis lequel
une description et une thématisation du monde du vivant est censée être possible est
mis à mal et démis par ce qui est ainsi décrit, à savoir les dynamiques du vivant.
16 De même que les textes en langue allemande réunis ici ouvrent des pistes nouvelles au
public français, les textes en français jettent une lumière nouvelle sur l’Anthropologie
philosophique, qui surprendra les lecteurs allemands ; et sans doute constatera-t-on
après la lecture de ce dossier qu’aux fins ouvertes où la phénoménologie, la philosophie
de la vie et la réflexion anthropologique renvoient l’une à l’autre, se trouve bien
davantage de matériel pour une future recherche franco-allemande commune qu’on ne
l’aurait pensé.

A propos de l’harmonisation terminologique des


traductions
17 La conception de ce dossier franco-allemand a posé le problème délicat de savoir si, et
le cas échéant, à l’aide de quelles déterminations conceptuelles, ces traductions réunies
ici pouvaient et devaient faire usage d’une terminologie technique unifiée. Ce sont
avant tout deux séries de distinctions conceptuelles qui ont conduit à la question de

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savoir quelles solutions systématiques de traduction pouvaient être non seulement


judicieuses, mais même simplement possibles afin d’établir une homogénéité
terminologique, non seulement au sein de chaque texte, mais aussi, a fortiori, entre les
textes. La première série concerne la différenciation, dont on ne peut se passer dans le
contexte de l’Anthropologie philosophique, entre les concepts (et les phénomènes) du
« Körper » et du « Leib », série qui inclut également la sémantique corrélative de la «
Leiblichkeit » et du dynamisme relationnel entre « Leibsein » et « Körperhaben ». La
seconde série est celle d’une démarcation aussi bien conceptuelle que de contenu entre
les concepts dʼ « Umwelt », dʼ « Umgebung » et de « Milieu », chacun compris dans un
rapport contrastif avec une « Welt » personnelle : si l’on suit la tradition de
l’Anthropologie philosophique de Scheler, Plessner et Gehlen, ces concepts doivent eux
aussi être rigoureusement distingués les uns des autres et ne peuvent être rapportés les
uns aux autres que dans la mise en évidence de ce qui les distingue.
18 Pour ce qui est du premier ensemble conceptuel, il est, pour qui jette un regard franco-
allemand sur l’Anthropologie philosophique, à la fois remarquable et éminemment
problématique que la différenciation entre Körper(-lichkeit) et Leib(-lichkeit), qui joue un
rôle de toute première importance chez Scheler, Plessner et (en partie) chez Gehlen, ne
se recoupe pas avec l’usage de ce binôme fait communément et de manière influente
dans la philosophie française moderne, en particulier à la suite de la « phénoménologie
du corps » de Merleau-Ponty. Plus précisément, force est de constater qu’il n’y a pas eu
d’« action parallèle » entre le maniement de cette différence entre Körper et Leib chez
Scheler et Plessner d’un côté25 et, de l’autre, le travail de précision conceptuelle auquel
Merleau-Ponty l’a soumise, si l’on entend par « action parallèle » un parallélisme entre
deux initiatives sans lien l’une avec l’autre et ayant recouru pour ainsi dire par hasard
aux mêmes concepts d’une dyade terminologique, concepts soigneusement démarqués
l’un de l’autre. Du point de vue de l’histoire de la philosophie, il convient donc de dire
que ces usages – celui par l’Anthropologie philosophique en Allemagne et celui avant
tout par la phénoménologie du corps en France – entretiennent une proximité
complexe l’un avec l’autre, caractérisée aussi bien par des recoupements que par des
incompatibilités infranchissables : c’est de là que découle la fascination, mais aussi
l’embarras terminologique du dialogue entre ces deux formes de pensée.
19 En fin de compte, la distinction critique que Merleau-Ponty opère entre les concepts de
« Körper » et de « Leib » – si l’on mobilise pour le moment les traductions allemandes –
découle de l’emploi de ces concepts par Husserl, en premier lieu dans ses Méditations
Cartésiennes, où « Leib » est entendu précisément non seulement au sens d’un objet
matériel (un corps) porteur de qualités physiques, mais aussi et en même temps au sens
de ce « dans » quoi nous nous éprouvons et dans quoi nous nous considérons localisés
par le biais des « Empfindnisse » (Husserl) ressentis à l’occasion de contacts avec des
objets physiques extérieurs. Scheler avait élargi cette différence intentionnelle en
soutenant la thèse (de ce qu’il appelait l’indifférence « psycho-physique ») selon
laquelle, s’il est nécessaire de séparer de manière absolue et sous une perspective
qualitative, au sein de la sphère du donné, le « Leib » en tant qu’instance qui (se) ressent
du « Körper » en tant qu’objet du monde extérieur, il n’en faut pas moins opposer à
l’inverse cette « sphère du donné » en tant que telle au « centre des actes » processuel
et purement spirituel de la personne26. Il est donc décisif pour l’approche de Merleau-
Ponty qu’il radicalise la réflexion sur la transcendantalité du Leib (ou, pour le dire de
manière plus exacte d’un point de vue intentionnel, de « mon » Leib) de Husserl, et

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même celle de Scheler sur ce même sujet, en pensant le Leib lui-même comme instance
transcendantale qui ne peut, quant à elle, être encore dépassée vers un ego
transcendantal qui la constituerait (comme chez Husserl) ou vers une activité
purement nouménale de la personne (comme chez Scheler). Le Leib lui-même agit pour
ainsi dire comme « apriori vécu », comme clé insupprimable, ouvrant au sujet quant à
lui toujours corporel (leibhaftig), dans son activité perceptive même, le réel en tant que
ce qui est corrélativement éprouvé et formé sensuellement par ce sujet. Il est donc
éloquent que dès 1966, Rudolf Boehm, le traducteur allemand de la Phénoménologie de la
perception de Merleau-Ponty, ait visé ce rôle transcendantal du Leib en tant que « point
de vue de tous les points de vue » mouvant et mouvementé, mais que l’on ne peut
jamais ni supprimer ni abandonner : « [L]e Leib est tout simplement notre point de vue
sur le monde, le point de vue de tous les points de vue, que non seulement nous ne
pouvons factuellement jamais quitter et qui nous oblige toujours de son côté à adopter
des points de vue, mais sans lequel également, puisque nous ne ferions alors plus partie
du monde, nous ne serions pas en mesure de voir quoi que ce soit. Le Leib est donc en
même temps la preuve phénoménale qu’il nous faut adopter des points de vue si nous
voulons voir quoi que ce soit27. »
20 De manière tout à fait étonnante, et à l’inverse de ce que laisserait notamment
supposer l’histoire de la réception allemande de Merleau-Ponty, cette détermination
factuelle précise de ce que veut dire philosophiquement « Leib » et « Leiblichkeit » chez
Merleau-Ponty ne trouve en vérité pas d’écho dans l’original français, c’est-à-dire dans
les textes de Merleau-Ponty lui-même – aucune opposition rigoureuse n’y étant faite
entre les dimensions que l’on a coutume de distinguer en allemand, en tout premier
lieu à la suite de Husserl, Scheler et Plessner, sous la forme de « Körper(-lichkeit) » et «
Leib(-lichkeit) ». Un coup d’œil aux index des versions française et allemandes de la
Phénoménologie de la perception permet en effet de constater que le texte français parle
de « corps » à chaque occurrence où, dans le texte allemand, il est question de « Leib ». 28
Quand bien même il est donc pertinent, pour respecter la logique interne et le
cheminement de la pensée de Merleau-Ponty, de parler de « Leib » et non de « Körper »
dans des contextes tels que celui qui vient d’être mentionné, force est néanmoins de
constater que l’on trouve très souvent, dans le texte original de Merleau-Ponty, tout
simplement le mot « corps » là où l’on rencontre dans la traduction allemande le terme
de « Leib », le mot français « corps » à lui seul ne permettant bien entendu d’établir
aucune distinction stricte entre les significations de ce que l’on exprime en allemand
par les deux termes de « Körper » et de « Leib ». La littérature secondaire francophone
récente sur Merleau-Ponty a tendance à recourir, pour rendre la distinction allemande
marquante entre le « Leib » et le « Körper », à la distinction entre le « corps
phénoménal » et le « corps objectif29 ». Pour autant, un certain flottement dans la
terminologie de Merleau-Ponty est indéniable, qui, pour parler de ce que l’allemand
nomme « Leib », parle quant à lui parfois de « corps propre », parfois de « corps vécu »,
parfois encore de « corps animé », si bien que les éditeurs de ce dossier se sont résolus à
ne pas homogénéiser, par le choix d’une seule et même traduction, toutes les variantes
choisies ici en français, comme déjà chez Merleau-Ponty lui-même, pour rendre les
concepts allemands de « Leib » et de « Leiblichkeit ». Un examen plus approfondi amène
à conclure que l’inventaire conceptuel de la phénoménologie du corps, y compris le
maniement de ces concepts chez Merleau-Ponty lui-même, s’avère trop disparate pour
que l’on puisse forcer l’ensemble des traductions des formulations de Scheler et de
Plessner, par exemple, à rentrer dans le corset d’un monisme sémantico-

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terminologique. Sans compter qu’il ne fallait pas négliger non plus l’exigence de
lisibilité et d’élégance stylistique des traductions faites pour ce dossier. Ainsi, l’une des
uniformisations discutées par les éditeurs au sujet des possibilités de traduction
française du concept allemand de « Leib » aurait consisté à employer le terme de
« chair » pour « Leib », et, partant, celui du « charnellité » (à la place, par exemple, de
« corporéité ») pour « Leiblichkeit ». Cela aurait eu pour conséquence d’éviter certains
barbarismes, qui auraient été inévitables si l’on avait opté pour les termes de « corps
propre » ou de « corps vécu » en guise de traduction de « Leib » ; mais en même temps,
un tel choix serait allé à l’encontre d’une décision conceptuelle spécifique de Merleau-
Ponty. En effet, celui-ci, dans ses écrits tardifs, comme dans Le visible et lʼinvisible, parle
bel et bien de « chair » et non plus, précisément, de « corps (propre, vécu...) », terme
dont l’équivalent désormais usuel dans les traductions allemandes de Merleau-Ponty
est quant à lui le mot « Fleisch », et non « Leib30 ». Ainsi, le choix du mot « chair » pour
désigner « Leib », choix tout à fait plausible hors de ce déplacement sémantique au sein
de l’histoire de la pensée merleau-pontienne, aurait pu susciter une certaine confusion
et certaines associations d’idées incorrectes au moins chez les lecteurs de Merleau-
Ponty. Voilà donc pourquoi les éditeurs ont renoncé à uniformiser, entre les
traductions françaises de textes allemands ici présentées, les variantes de traduction
relevant de cet ensemble de concepts en faveur d’un emploi exclusif des expressions de
« chair » et de « charnellité ». La première occurrence de tel ou tel choix de traduction
pour marquer en français la différence entre « Körper » et « Leib » sera plutôt
accompagnée de l’expression originale allemande (« Leib », « Leiblichkeit », etc.) entre
parenthèses, la seule uniformisation opérée étant une uniformisation interne à chaque
texte, et non à l’ensemble du dossier. Bien que l’Anthropologie philosophique de langue
allemande et la tradition française de phénoménologie ne se soient certes pas
constituées dans un dialogue direct l’une avec l’autre, l’une des exigences éditoriales
majeures consistait à rendre manifestes les chevauchements et la complémentarité des
lexiques respectifs de ces deux courants de pensée, tout en insistant en même temps
sur l’originalité de l’instauration par l’Anthropologie philosophique allemande d’une
différence entre « Körper » et « Leib » qui ne coïncide précisément pas avec la variante
qu’en a proposée Merleau-Ponty.
21 Du reste, l’extrait que nous avons cité plus haut de l’introduction éditoriale qu’avait
écrite Rudolf Boehm à la traduction allemande de la Phénoménologie de la perception
laisse au moins deviner l’antagonisme théorique central entre la conception de la
Leiblichkeit de Merleau-Ponty et celles de Scheler et de Plessner. Car la thèse merleau-
pontienne selon laquelle nous ne ferions « plus partie du monde 31 » sans le point de vue
immanent du « Leib » ne se retrouve pas chez les auteurs de l’Anthropologie
philosophique. Scheler, et a fortiori Plessner, pensent bien plutôt la relation de
l’homme au monde depuis une extériorité radicale : le monde, à la différence du monde
environnant, ne s’ouvre en effet que pour des êtres qui ne « se trouvent » précisément
pas au centre d’eux-mêmes et n’éprouvent donc pas leur propre « Körper » sous le mode
d’un « Leib » ; il ne s’ouvre selon ces auteurs que pour des êtres qui, « placés dans le
néant32 », se comportent envers eux-mêmes en tant qu’« agents corporels (leiblich) »,
depuis un dehors irréductible à eux-mêmes – et qui, ce faisant, se comportent
également envers le fait qu’ils ne sont pas seulement des êtres corporels (leibliche
Lebewesen), mais en même temps, comme le dit Scheler, de simples « objets physiques »
(« Naturkörper »). Les tenants de l’Anthropologie philosophique opposent au regard
merleau-pontien, qui privilège une perspective interne au Leib (comme « point de vue

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de tous les points de vue »), une triplicité, une triple brisure du regard : « Du point de
vue de la positionnalité, il y a [dans le cas de la personne vivante, note des éditeurs] trois
choses : le vivant est corps, dans le corps (en tant que vie intérieure ou âme) et hors du
corps en tant que point de vue, depuis lequel il est les deux à la fois 33. »
La question de la traduction en français des concepts de « Welt », « Umwelt », «
Umgebung » et « Milieu » posait fort heureusement moins de difficultés. « Welt » et «
Milieu » doivent inévitablement être rendus respectivement par « monde » et
« milieu » ; de même existe-t-il pour « Umgebung » la traduction traditionnelle,
courante et parfaitement non-problématique, par « environnement ». Dès lors, seul le
concept d’« Umwelt » pose véritablement problème. Or, comme le montre l’article de
Plessner présenté dans ce dossier dans sa traduction française, le « monde » (Welt) des
êtres humains ne se détache transcendentalement en tant que « néant » des
déterminations spatio-temporelles34 ni d’un « environnement » ( Umgebung) ni d’un
« milieu » (Milieu), mais toujours d’un « Umwelt ». Et les autres auteurs de langue
allemande dont nous publions ici des textes en traduction partent tous également de
cette distinction conceptuelle. C’est pourquoi il est impossible de traduire « Umwelt »
par « environnement » ou « milieu », qui sont les équivalents français de termes
allemands dont la sémantique et l’usage sont rigoureusement distincts de ceux de «
Umwelt ».35 Il fallait donc opter pour un autre terme. S’est ajouté à cette première
considération un élément d’ordre lexical. « Umwelt » est d’une part construit sur le
radical de « Welt », et reprend d’autre part le préfixe « Um- » de « Umgebung », montrant
ainsi sa proximité aussi bien lexicale que sémantique avec les deux concepts. C’est
pourquoi il nous est apparu comme la solution la plus adéquate de traduire « Umwelt »,
à tout le moins lorsque l’on se situe, comme c’est ici le cas dans le contexte idéel de
l’Anthropologie philosophique, par « monde environnant » : une solution qui peut
apparaître un peu plus lourde que son équivalent allemand « Umwelt », mais qui a le
mérite de correspondre en ceci parfaitement à cet équivalent qu’il porte à son tour la
marque lexicale aussi bien de sa provenance du concept de « monde » que de sa
proximité factuelle à un « environnement ».
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p. 207-223 ; trad. fr. : « Max Scheler et Helmuth Plessner – la charnellité dans
l’Anthropologie philosophique », trad. par G. Plas, in trivium 25/2017.
Tarot, Camille (1999) : De Durkheim à Mauss, lʼinvention du symbolique, Paris : La
Découverte.
Waldenfels, Bernhard (2009) : « Maurice Merleau-Ponty », in : Bedorf, T. / Röttgers, K.
(éd.) : Die französische Philosophie im 20. Jahrhundert, Darmstadt : WBG, p. 253-259.

NOTES
1. Le texte d’Arnold Gehlen (Gehlen [1983]) est à cet égard particulièrement éloquent.
2. Notons que dans d’autres aires culturelles, les auteurs et les thématiques de l’Anthropologie
philosophique ont bénéficié d’une réception bien différente. C’est le cas de l’Italie, d’où
proviennent un très grand nombre d’études sur le sujet, bien que dans ce pays la réception de
l’Anthropologie philosophique n’ait pas non plus été immédiate. Les traductions en italien de
quelques ouvrages de référence de Scheler, Plessner, Gehlen, Portmann et même Anders sont
pour certaines antérieures aux années 1960, mais c’est surtout à partir de la fin des années 1970
que la présence de ce courant s’est imposé dans le débat philosophique italien, par l’ouverture de
chantiers d’études qu’il serait réducteur de ne considérer que sous l’angle de leur caractère
historique. Dans les études schélériennes, c’est notamment le cas des travaux de Guido Cusinato,
qui a d’abord précisé le texte de la Stellung des Menschen im Kosmos en reprenant l’édition de 1928

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(prochainement rééditée en allemand par W. Henckmann, Hambourg : Meiner, 2017), pour


aboutir à l’élaboration d’une théorie de l’eros capable d’échapper au dualisme entre Geist et Drang
(cf. Cusinato [1999]). Les études portant sur Gehlen et Plessner sont davantage à insérer dans le
paysage philosophique italien de la fin des années 1970, caractérisé par la recherche d’une
alternative non seulement à Heidegger mais aussi à la Théorie Critique. Les observations de
Horkheimer sur l’Anthropologie philosophique (Horkheimer [1988 (1935)] ; trad. ital. [1978])
étaient en fait déjà connues, tout comme la controverse que Habermas avait eue avec Gehlen
(Habermas [1958] ; trad. ital. [1966]), que Lepenies avait reprise et analysée dans un article de
1970 (Lepenies [1970] ; trad. ital. [1978]). Stimulée par ce débat, la relance des traductions et des
études sur Gehlen a également été motivée par l’intérêt éprouvé pour les implications politiques
de sa pensée. Les travaux d’Ubaldo Fadini, en particulier, voulaient relancer une réflexion
positive sur les institutions, dans une direction différente de celle proposée au même moment en
RDA par Wolfgang Harich, et faire apparaître des rapprochements possibles avec la théorie des
systèmes de Luhmann (cf. Fadini [1983]). La mise en lumière d’une pertinence de la Kulturkritik de
Gehlen, qui, loin de n’être que réactionnaire et conservatrice, présenterait une certaine fécondité
dans son abandon des philosophies de l’esprit et de la conscience, se retrouve également dans
d’autres études gehleniennes en italien, jusqu’aux recherches de Mario Marino (cf. Marino
[2008] ; trad. all. à paraître). Les études sur Plessner, développées surtout par Bruno Accarino à
partir des années 1990, sont elles aussi motivées par la crise des catégories politiques et sociales
traditionnelles et par la recherche du sens politique de la contingence. Parmi les remarquables
contributions d’Accarino, on évoquera ici seulement Accarino (1991). Les fruits de ces travaux
ont continué à mûrir dans les années 2000, et ont donné lieu à des traductions et des recherches
focalisées quant à elles sur les aspects technologiques de la différence anthropologique et sur le
rôle de la culture occidentale et européenne dans le contexte technico-scientifique
contemporain. La dimension politique de ces réflexions reste toutefois centrale, et le thème de la
fonction anthropo-biologique des institutions demeure au centre des analyses de la pensée
plessnerienne et gehlenienne offertes par Roberto Esposito à partir de Immunitas (Esposito [2002],
p. 95-133). A titre de bilan de ces études, nous évoquerons enfin deux numéros de la revue
Discipline filosofiche dirigés en 2002 et en 2003 par Alberto Gualandi, qui montrent eux aussi
l’actualité des questions anthropologiques dans le panorama international, et suggèrent dans
certains cas des dialogues possibles avec la pensée française, notamment avec celle du dernier
Merleau-Ponty (cf. Iofrida, [2003]).
3. Cf. à ce sujet Fruteau de Laclos / Bianco (2016).
4. Canguilhem (1947).
5. Tarot (1999).
6. Cf. Ebke (2012), p. 32 sq.
7. Keller (2015).
8. Beaufort (2000) ; cf. également récemment van Buuren (2017).
9. Cf. à ce sujet, depuis la perspective de l’Anthropologie philosophique de Plessner : Krüger
(2008).
10. Cf. par exemple Althusser (1975), p. 234 : « La rupture avec toute anthropologie ou tout
humanisme philosophique n’est pas un détail secondaire […] ») ; Derrida (1972), p. 138 :
« Heidegger dont on ne connaît ou ne retient qu’un projet d’anthropologie philosophique ou
d’analytique existentiale […] ») ; Foucault (2008), p. 77 : « il faut récuser toutes ces
“anthropologies philosophiques” qui se donnent comme accès naturel au fondamental […] »).
11. Sur la distinction entre l’Anthropologie philosophique comme « école de pensée » et
l’anthropologie philosophique comme « discipline » d’orientation philosophique, cf. Fischer
(2008), p. 479.
12. Cf. Lenz-Medoc (1951). Une traduction française, par Maurice Dupuy, de Die Stellung des
Menschen im Kosmos avait paru en 1951, suivie en 1959 d’une interprétation systématique de

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l’œuvre de Scheler en deux tomes, écrite elle aussi par Dupuy (Dupuy [1959]). Dès 1936, Pierre
Klossowski avait traduit les articles de Scheler Vom Sinn des Leidens, Vom Verrat der Freude ainsi
que Liebe und Erkenntnis ; Maurice de Gandillac publia quant à lui en 1955 sa traduction française
de Der Formalismus in der Ethik und die materiale Wertethik.
13. Cf. Keller (2015). Notre évocation de cette première phase de la réception de l’Anthropologie
philosophique s’appuie sur les développements extrêmement instructifs de Keller.
14. Sur le rôle de Rothacker au sein de la tradition allemande, cf. Fischer (2008), notre citation :
p. 254.
15. Cf. Landsberg (1936/37). Il faut absolument évoquer dans cette chronique les Recherches
philosophiques, dirigées à partir de 1932 par Alexandre Koyré, Albert Spaier et Henri-Charles
Puech : une revue qui constitua un lieu de rencontre éditorial d’une importance majeure entre
les philosophies allemande et française des années 1930. Des traductions françaises de textes de
Scheler, Plessner, Bollnow, Groethuysen ou Löwith y côtoyèrent des articles de Lacan, Ruyer,
Bachelard, Lévinas ou Wahl, pour ne citer que quelques exemples éloquents.
16. Le colloque en deux parties intitulé « Merleau-Ponty et l’anthropologie philosophique », qui a
été organisé en 2013 et 2015 aux Archives Husserl de Paris (à l’ENS Paris) par Christian Sommer et
Emmanuel de Saint-Aubert, a permis d’éclairer le rapport entretenu par Merleau-Ponty avec la
tradition allemande de l’anthropologie philosophique. Cf. également à ce sujet la thèse encore
inédite de Jasper van Buuren Body and Reality : Materialism, Physical Reality and the Structure of the
phenomenal world, qui développe la première confrontation systématique entre la pensée de
Merleau-Ponty et celle de Plessner.
17. Cf. à ce sujet Agard (2017).
18. Balibar (2003), citation p. 7.
19. Michel Foucault a utilisé cette formule pour caractériser la résonance intellectuelle
particulière de Marx et Freud (Foucault [1994], p. 804) ; elle caractérise néanmoins également
parfaitement les positions de Scheler, Plessner et Gehlen, dans la mesure où ce que Foucault dit
de Marx et de Freud, à savoir que « l’instauration d’une discursivité est hétérogène à ses
transformations ultérieures », vaut tout aussi bien pour eux. Cf. également Foucault (1994),
p. 806.
20. Raulet (2014), p. 367.
21. Cf. la traduction de Lachen und Weinen aux Éditions de la Maison des sciences de l’homme
(1995), ainsi que celle, en deux tomes, des Essais d’anthropologie philosophique de Gehlen, parue
chez le même éditeur en 2009.
22. Cf., à titre de premiers signaux d’une attention de nature systématique portée en France sur
l’Anthropologie philosophique, les deux cahiers de la Revue germanique internationale 10/2009
(L’anthropologie allemande entre philosophie et science. Des Lumières aux années 30) et de la Revue
germanique internationale 13/2011 (Phénoménologie allemande, phénoménologie française).
23. Schürmann, « Max Scheler et Helmuth Plessner – la charnellité dans l’Anthropologie
philosophique » (dans ce numéro).
24. Les résultats du projet de recherche dirigé par Gérard Raulet ayant été pour l’essentiel
publiés en allemand, du fait du caractère international de ce projet (et ce avant tout au sein d’une
collection chez l’éditeur allemand Bautz, dont cinq volumes ont paru jusqu’à présent), il ne nous
a malheureusement pas été possible de les intégrer dans ce numéro.
25. Bien entendu, il faudrait parler à strictement parler de deux maniements bien distincts de la
différence entre Körper et Leib chez Scheler et Plessner, comme le montre Volker Schürmann
dans l’article dont nous publions la traduction française dans ce dossier.
26. Cf. ibid.
27. Boehm (1966), citation p. V (traduction des éditeurs).
28. Ainsi, de manière révélatrice, le premier chapitre de la version originale – chapitre
fondamental – fut intitulé « Le corps » tandis qu’il est intitulé dans le texte allemand « Der Leib ».

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Cf. également, entre autres exemples, la Partie 1, paragraphe I du livre : « Le corps comme objet
et la physiologie mécaniste » (Merleau-Ponty 1957), traduit en allemand « Der Leib als
Gegenstand der mechanistischen Physiologie » (Merleau-Ponty 1966), ou bien encore la Partie I,
paragraphe II : « Lʼexpérience du corps et la psychologie classique » (Merleau-Ponty 1957),
traduit « Die Leiberfahrung und die klassische Psychologie ».
29. Cf. Dupond (2008), p. 38 : « Conformément à une tradition qui remonte à Descartes et qui est
reprise par la phénoménologie, Merleau-Ponty distingue le “corps objectif” et le “corps
phénoménal” : tandis que le corps objectif a le mode dʼêtre dʼune “chose”, le “corps
phénoménal” pour “corps animé” est un pouvoir d’expression ; doué d’une “structure
métaphysique”, il est un sujet naturel ou un moi naturel. »
30. Cf. Waldenfels (2009), p. 257 : « L’être ne nous fait pas face de manière frontale, il nous
entoure comme un élément dans lequel nous nous mouvons et par le medium duquel tout se
manifeste à nous […]. En tant qu’être brut ou être sauvage, il ne s’épuise pas dans nos symboles
culturels ; il précède chaque constitution de sens et fait voler chaque ordre en éclats. Le concept
de corps propre [des eigenen Leibes] fait place à celui de chair [des Fleisches], dont la texture déborde
sur les autres, les choses, le monde, le temps et les idées. Voyant en même temps qu’il est vu,
touchant-touché, parlant et écoutant, le sujet corporel [leibhaftig] se définit comme l’unité du
rapport à soi [Selbstbezug] et du retrait de soi [Selbstentzug]. » (traduction des éditeurs).
31. Boehm (1966), p. V.
32. Plessner (1975), p. 310.
33. Plessner (1975), p. 293.
34. Plessner (1975), p. 294.
35. Que le concept de milieu, notamment, ait eu au cours de son histoire une signification tout à
fait spécifique, aussi bien dans le domaine de la mécanique (Newton) que dans ceux de la
géographie humaine et de la sociologie modernes, c’est ce que montre Canguilhem (1952). Cf.
également, à ce sujet, Feuerhahn (2009).

INDEX
Schlüsselwörter : philosophische Anthropologie, Scheler, Plessner, Gehlen, Portmann,
Phänomenologie
Mots-clés : Anthropologie philosophique, Scheler, Plessner, Gehlen, Portmann, phénoménologie

AUTEURS
THOMAS EBKE
Thomas Ebke est assistant de recherche à la chaire de philosophie politique et d’Anthropologie
philosophique à l’Université de Potsdam. Pour plus d’informations, voir la notice suivante.

GUILLAUME PLAS
Guillaume Plas est lecteur de français au Frankreich-Zentrum de l’Université de Freiburg. Pour
plus d’informations, voir la notice suivante.

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CATERINA ZANFI
Caterina Zanfi est boursière de la Fondation Alexander von Humboldt à l’Université de
Wuppertal. Pour plus d’informations, voir la notice suivante.

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Einleitung
Thomas Ebke, Guillaume Plas et Caterina Zanfi

1 Historisch ist es nicht überraschend, dass der »Denkrichtung« (Joachim Fischer) der
deutschsprachigen »Philosophischen Anthropologie« keinerlei Resonanz in der
französischen Philosophie des 20. Jahrhunderts beschieden war. Gerade der Vergleich
mit der »Frankfurter Schule« der Kritischen Theorie (Adorno, Horkheimer, Habermas)
unterstreicht, dass die Philosophische Anthropologie, wenn man unter dieser
Aufschrift zunächst die intellektuellen Standorte Max Schelers (1874–1928), Helmuth
Plessners (1892–1985), Arnold Gehlens (1904–1976) und Adolf Portmanns (1897–1982)
verklammert, nie, gar noch auf internationalem Parkett, als eine in sich über
Divergenzen hinweg grundsätzlich vereinheitlichte »Schule« inauguriert worden ist.
Von einem argwöhnisch auf paradigmatische Loyalität bedachten spiritus rector, wie es
Horkheimer für die Kritische Theorie war (man denke an sein kompliziertes Verhältnis
zu Walter Benjamin), ist die Philosophische Anthropologie nie zusammengehalten
worden. Vielmehr waren sich die Autoren, die sich in den 1920er Jahren (Scheler,
Plessner, Portmann) bzw. ab den 1940er Jahren das Programm einer »Philosophischen
Anthropologie« auf die Fahnen schrieben, über die teils heftigen Differenzen zwischen
ihren Grundannahmen und methodischen Ausrichtungen völlig im Klaren. 1 Der
Philosophischen Anthropologie fehlte mithin, um außerhalb des deutschen
Sprachraums nennenswerte Aufmerksamkeit zu wecken, ein markanter roter Faden,
der es jenseits der inneren Bruchlinien gestattet hätte, die untereinander so
heterogenen Einzelinitiativen unter einem gemeinsamen Nenner zu versammeln.
2 Nimmt man nun Scheler, Plessner und Gehlen dahin gehend ernst, dass sie alle eine
Philosophie des Lebens – oder besser: drei nicht ineinander aufgehende Philosophien des
Lebens – entfaltet haben, die nach der Differenz des Menschen im Leben fragt (und eine
solche genuine Differenz auch postuliert), dann wird rasch absehbar, warum ihre
Ansätze in Frankreich traditionell nicht auf fruchtbaren Boden fallen konnten 2: Für das
moderne französische Denken muss man eine tief verwurzelte Skepsis gegenüber den
Paradigmen der Biologie und a fortiori gegenüber der Lebensphilosophie konstatieren 3,
eine Skepsis, die sich (man kann hier bis auf Descartes zurückgehen) nicht erst in den
positivistischen Soziologien Comtes und Durkheims, aber in ihnen in eminenter
Ausprägung artikuliert.4 Die Tabuisierung des Biologischen – sowohl epistemologisch,

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was den Ort der biologischen Disziplinen in der Totalität der Wissenschaften betrifft 5,
als auch ontologisch in der Frage nach der Stellung des Menschen im Leben – hatte sich
auf vielfältigen zueinander versetzten Wegen in Frankreich Bahn gebrochen: In Léon
Brunschvicgs Festlegung der sciences auf analytische und gegen synthetische
Rationalität (siehe seine Reduktion von »esprit« auf »jugement«), später dann, und je
anders gelagert, in der Subversion des Naturbegriffs durch strukturierende
Regelhaftigkeiten des Sozialen (Mauss, Lévi-Strauss), durch das Insistieren auf
epistemologischen Brüchen mit den Spontaneitäten der alltäglichen Anschauung
(Bachelard, Althusser) oder durch eine historisierende Relektüre des biologischen
Paradigmas als episteme (Foucault). Zwar fallen Namen wie Bergson, Merleau-Ponty,
Ruyer oder Canguilhem aus dem Rahmen dieser epochalen Skepsis gegenüber einer
Grundlegung der Position des Menschen durch die lebendige Natur; aber die
Marginalisierung des biologisch-lebensphilosophischen Paradigmas ist auf breiter
Front für das französische Denken des 19. und 20. Jahrhunderts sehr wohl
kennzeichnend und hat einen unerhört starken Einfluss entfaltet. Diesem Klima ist die
Unwahrscheinlichkeit und schließlich auch das Scheitern einer Rezeption der
Philosophischen Anthropologie in Frankreich zu verdanken.6
3 Erstaunlicher ist das Ausbleiben eines französischen Echos auf die Philosophische
Anthropologie unter systematischen Gesichtspunkten: Denn zwischen den Zeilen hat und
hätte es reichlich Gesprächsstoff zwischen der »Philosophischen Anthropologie« à la
Scheler, Plessner oder Gehlen und dem Feld der französischen Philosophie nach 1945
gegeben.7 Nicht genug damit, dass Merleau-Pontys Fundamentalisierung des Begriffs
des Leibs (corps propre) schon früh Fragen nach dem Verhältnis seiner Konzeption zu
derjenigen Schelers und Plessners aufrief8: Zumal letzterer den Mensch als Lebewesen
gerade nicht durch dessen Immanenz in der Leiblichkeit, sondern mit Blick auf eine
spezifische Brechung der Leiblichkeit von »Personen« situiert. Vor allem steht die
Frage nach den unausgesprochenen Lebensbegriffen und Anthropologien gerade dort
im Raum, wo – wie bei Foucault – die Verabsolutierung einer verendlichten Auffassung
des Menschen kritisiert wird (Stichwort »empirisch-transzendentale Dublette«). In
Foucaults besonderem Fall lässt nicht nur sein Spätwerk der 1980er Jahre, sondern
inzwischen auch sein (die thèse über die Geschichte des Wahnsinns begleitender)
Kommentar zu Kants »Anthropologie in pragmatischer Hinsicht« durchblicken, dass in
seinem Denken immer auch der normative Ort (einer womöglichen radikalen
Negativität: siehe Plessner) zur Disposition gestellt ist, von dem aus die Kritik an den
historisch-diskursiven Formationen moderner Anthropologie überhaupt geführt
werden kann.9 Und schließlich verbindet das Thema des Zusammenhangs zwischen
vertikalen und horizontalen Vergleichen der anthropologischen Forschung die
Philosophische Anthropologie mit den Reflexionen von Claude Lévi-Strauss: Wie
nämlich verhalten sich die Ordnungen der natürlich-primordialen Gewordenheit des
Menschen zu den kulturell instituierten und kodifizierten Dynamiken (z. B.
Inzestverbot), die das »Leben« in spezifisch menschlichen Gemeinschaften regeln?
Welchen Aufschluss geben die stets hybriden und labilen, natürlich-künstlichen
Texturen menschlicher Vergemeinschaftung über die gebrochene Position
menschlichen Lebens zu sich selbst? Ein philosophisches Grenzproblem der
empirischen Ethnologie, das Lévi-Strauss eher umgangen als beantwortet hat.
4 Tatsächlich ist der Terminus »anthropologie philosophique« an vielen teils exponierten
Orten innerhalb der Landschaft der französischen Philosophie des 20. Jahrhunderts
aufgetaucht.10 Doch fehlt ihm dabei jedes Mal jegliche Referenz auf die Philosophische

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Anthropologie, verstanden als die »Tradition«, die grosso modo die Entwürfe Max
Schelers, Helmuth Plessners und Arnold Gehlens eint. Mehr noch: Es lassen sich
werkgeschichtlich nicht einmal die leisesten Anzeichen erkennen, die zu dem Schluss
berechtigen würden, dass den erwähnten französischen Philosophen die Existenz der
»Philosophischen Anthropologie« im historischen Sinn (siehe oben) überhaupt bekannt
gewesen ist. In Anlehnung an eine von Joachim Fischer etablierte Unterscheidung
konzentriert sich dieses Heft daher auf den »Denkansatz« namens Philosophische
Anthropologie, d. h. auf das konzeptionelle, aber auch in sich polemogene Erbe der
Reflexionen Max Schelers, Helmuth Plessners und Arnold Gehlens. Nicht verhandelt
werden im hier interessierenden Kontext hingegen Zeugnisse eines Verständnisses von
philosophischer Anthropologie im Sinne einer »Disziplin«. 11 Dokumentiert werden
sollen in der Tat der gegenwärtige französische und der deutsche Stand der Rezeption
der »Philosophischen Anthropologie« im historischen Sinne, d. h. verstanden als ein
Paradigma, das nach der Differenz des menschlichen Lebens gegenüber nicht-
menschlichem Leben fragt. Um hier nur die leitende Pointe dieses Paradigmas
vorwegzunehmen: Philosophische Anthropologie wäre dann das theoretische
Unterfangen, die irreduziblen Haltelinien zu denken, die das Leben des Menschen in
Sonderheit gegen tierisches Leben abgrenzen. Doch geht es dabei um die deskriptive
Markierung einer Differenz oder strukturellen Andersheit des Menschen – nicht um
dessen Reidealisierung zu einem animal rationale, zum Träger von Selbstbewusstsein
und Geist und von Freiheit in Entgegensetzung zur Natur: Allemal also hat die
Philosophische Anthropologie Schelers, Plessners und Gehlens, wo sie doch auf Kant
zurückgreift, die Lektionen Darwins und Nietzsches durchlaufen, hinter die das
moderne Nachdenken über den Menschen nicht mehr zurückgehen kann.

Zur französischen Resonanz der »Philosophischen


Anthropologie« im historischen Sinne
5 Im Unterschied zu Arnold Gehlen und gerade auch zu Helmuth Plessner hat Max
Scheler in der französischen Philosophie des 20. Jahrhunderts durchaus eine gewisse
Beachtung erfahren.12 Doch hatte sich diese Aufmerksamkeit durchweg auf Schelers
virtuose Umformung der Husserlschen Phänomenologie zu einem phänomenologischen
Realismus der Werte und der Werterfahrung konzentriert, ohne Schlüsse aus der
Tatsache zu ziehen, dass Scheler seinen eigenen Standort als eine Philosophische
Anthropologie, nicht als Neuerfindung der phänomenologischen »Schule« eingeschätzt
hatte. Etwas zugespitzt kann man daher behaupten, dass die Philosophische
Anthropologie auf dem Weg der Scheler-Rezeption in Frankreich zumindest in
Umrissen zu erkennen oder doch zu erahnen war, ohne dass es zu einer zielgenauen
Erschließung dieses Denkmodells gekommen wäre. Was nun die französische
Auseinandersetzung mit der Philosophischen Anthropologie im engeren Sinne betrifft,
die als intellektuelle Strömung vor allem die Jahre der Weimarer Republik in
Deutschland untergründig prägte, so verlief diese in drei voneinander unabhängigen
Phasen.
6 Heute weitgehend vergessen ist der Umstand, dass der erste Schwung einer Rezeption
der Philosophischen Anthropologie in Frankreich nahezu gleichzeitig mit ihrem
Hervortreten in Deutschland entstand: freilich ohne jegliche Kenntnisnahme eines
»Schulzusammenhangs«, den man in dieser Form aber auch in Deutschland, und in den

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1920er Jahren schon gar nicht, herstellte.13 Die ebenso frühe wie intensive Resonanz
Schelers in Frankreich geht maßgeblich auf den 1933 vor den Nationalsozialisten nach
Paris geflohenen Paul-Ludwig Landsberg zurück, der in Köln bei Scheler sowie in Bonn
bei dem für die »Bündelung und Weitergabe« des Denkansatzes der Philosophischen
Anthropologie wichtigen Erich Rothacker14 studiert hatte und nun in Frankreich das
Interesse gleich mehrerer philosophischer Zirkel an Schelers Schriften weckte. 15
Insgesamt war dieser erste Filter der Rezeption ein weitgehend religiös gefärbter:
Bewegte sich schon Landsberg selbst, wie Klossowski, im Orbit der neukatholischen
Zeitschrift Esprit, so war es maßgeblich der katholizistische Personalismus Emmanuel
Mouniers, der Schelers Philosophie des Geistes und des numinosen Fühlens erstmals
prominent zum Tragen brachte. Unter ähnlichen Vorzeichen wurde Scheler etwa auch
vom jungen Merleau-Ponty in seinem (wiederum in Esprit erschienenen) frühen Aufsatz
»Christianisme et ressentiment« (1935) gelesen.16 Auch Maurice Dupuys Scheler-
Übersetzungen und -kommentare Ende der fünfziger Jahre stehen im Kontext dieser
»katholisch-metaphysischen«, auf Scheler fokussierten Konjunktur der
Philosophischen Anthropologie in Frankreich.17
7 Ab den sechziger Jahren kristallisiert sich dann ein ganz anderes »Archiv« heraus, das
mit Etienne Balibar als die »Episode der Frage nach der philosophischen
Anthropologie« innerhalb der französischen Nachkriegsphilosophie angesprochen
werden kann18 – allerdings nur eingedenk der Paradoxalität und Strittigkeit dieser
Apostrophierung. Denn Anthropologie wurde in dieser stark marxistisch aufgeladenen
Konstellation lediglich im Modus ihrer Kritik thematisiert, etwa unter dem emphatisch
negativ gemeinten Schlagwort des „humanisme théorique“ (Althusser). Erst musste
dieses „Archiv“ selbst historisiert werden, damit in Frankreich wieder positiv von
Anthropologie die Rede sein und der Anschluss an die deutschen
»Diskursivitätsbegründer19« gesucht werden konnte. Als ein erster Impuls zu einer
solchen Revision der postmarxistischen Axiomatik können die Forschungen Gérard
Raulets gelten. Raulet hatte in den frühen 1980er Jahren zunächst die Rolle eines
Vermittlers des französischen Poststrukturalismus im deutschsprachigen Raum
gespielt. Um die Wende zu den 2000er Jahren näherte er sich, seine frühere Befassung
mit Cassirer auswertend, der Philosophischen Anthropologie an und initiierte
gemeinsam mit Karl-Siegbert Rehberg (einem früheren Assistenten Gehlens) und
Joachim Fischer im Rahmen eines internationalen und mehrjährigen
Forschungsprojekts zur Geschichte und Aktualität der Philosophischen Anthropologie
die bisher intensivste deutsch-französische Begegnung zu dieser Denktradition. Vor
diesem Hintergrund war es Raulet unter anderem möglich, der in den -60er und -70er
in Frankreich dominierenden Skepsis gegenüber diesem Themen- und Begriffsfeld
(siehe oben) zum Trotz, das kritische Potential der Philosophischen Anthropologie
freizulegen, und zwar gerade dadurch, dass er sie in die linksemanzipatorische
Genealogie diverser französischer Autoren der -70er Jahre einschrieb. Denn anders als
Balibar selbst nimmt Raulet dessen oben zitiertes Diktum eines »anthropologischen
Moments« innerhalb der französischen Philosophie der -60er und -70er Jahre durchaus
ernst und verfolgt in Bezug auf diese Phase »eine politische Geschichte der
französischen Verhältnisse zur Philosophischen Anthropologie« – wenngleich dieses
Verhältnis nur als ein »indirekt[es]« adressiert werden kann. 20
8 Der dritte und rezenteste Strang der innerfranzösischen Beschäftigung mit der
Philosophischen Anthropologie wird von einer neuen Generation phänomenologischer
Interpreten bestimmt, die nicht länger, wie die Personalisten der 1930er Jahre, Schelers

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Geistmetaphysik in den Vordergrund rücken, sondern die inzwischen durch einige


(wenige) Übersetzungen etwas bekannter gewordenen Plessner und Gehlen entdecken.
21
Als Initialereignis dieser Rezeption kann man die französische Übersetzung (durch
Denis Trierweiler, Paris, Cerf, 2011) von Hans Blumenbergs posthum erschienener
Beschreibung des Menschen (Frankfurt am Main, Suhrkamp, 2006) betrachten. 22
Blumenberg hatte in diesem Buch ein innerphänomenologisches Dilemma eingekreist:
Auf der einen Seite habe schon Heidegger demonstriert, dass eine Überschreitung der
Phänomenologie Husserls hin zum Projekt einer anthropologischen Reflexion
unmöglich und sogar unannehmbar sei; auf der anderen Seite jedoch hätten die
entscheidenden phänomenologischen Vokabeln (»Intentionalität«, »Bewusstsein«)
durchweg ein anthropologisches Revers, weshalb es plausibel sei, die Motive des späten
Husserl (Stichwort »Lebenswelt«) und Heideggers in Sein und Zeit als »Anthropologie
des alltäglichen Daseins« zu dekonstruieren. Den Anspruch der Phänomenologie auf
den transzendentalen Purismus ihrer Methode versucht Blumenberg dadurch
abzufangen, dass er die Etablierung der phänomenologischen Perspektive
(Ausschaltung der »natürlichen Einstellung« usw.) selbst wieder als kulturelle
Generierungsleistung liest: als Resultat eines kompensatorischen Verhaltens des
Menschen, der die Welt seiner kulturellen »Gehäuse« (Blumenberg) nur um den Preis
einer Überspringung/Neutralisierung seiner biologischen Umwelt zu Wege bringen
könne. Blumenbergs auf diese Weise im Rückgriff auf Gehlen entwickelte Strategie
einer Anthropologisierung der Phänomenologie hat in Frankreich ein Interesse an den
Wurzeln und an den ursprünglichen Autoren der Philosophischen Anthropologie
wachgerufen.

Struktur des Heftes und Verortung der einzelnen


Beiträge
9 Das vorliegende Heft führt drei deutschsprachige und drei französische, jeweils
übersetzte Beiträge aus der aktuellen Sekundärliteratur zusammen (und
gegeneinander ins Feld), die pointieren sollen, worin sich die Blicke, die man heute in
Frankreich und in Deutschland auf die Philosophische Anthropologie wirft,
unterscheiden und ergänzen. Transparent werden sollen die philosophiegeschichtlich,
aber auch aus den intellektuellen Kulturen beider Länder heraus zu begreifenden
Partikularitäten, die hier wie dort dem Interesse an (einer Aktualisierung) der
Philosophischen Anthropologie zu Grunde liegen: Was uns diese Theorietradition im
21. Jahrhundert noch sagen und was sie gesellschaftskritisch-diagnostisch leisten kann,
wird von deutscher und französischer Seite je verschieden beantwortet und begründet.
Diesen sechs Texten ist ein Aufsatz von Helmuth Plessner aus dem Jahr 1950, Über das
Welt-Umweltverhältnis des Menschen, vor- und übergeordnet, dessen französische
Erstübersetzung hier vorgelegt wird. Die besondere Relevanz dieses Textes von
Plessner, der mit seiner Trennung zwischen den Begriffen der »Umwelt« und der
»Welt« eine Schlüsselunterscheidung der Philosophischen Anthropologie überhaupt in
Position bringt, wird in einem gesonderten editorischen Kommentar erläutert.
10 Überblickt man die aus dem Deutschen ins Französische übersetzten Artikel, so wird
alsbald deutlich, inwiefern diese Auswahl einen repräsentativen Querschnitt durch die
aktuelle Forschung zur Philosophischen Anthropologie in Deutschland konstituiert. Der
Beitrag von Joachim Fischer setzt eine erste Pointe darin, dass er die Grundentwürfe

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29

von Max Scheler, Helmuth Plessner und Arnold Gehlen in einen – so die These – ihnen
gemeinsamen kohärenten Rahmen einschreibt. Gegen die Fraktionierung der
Forschungslage zur Philosophischen Anthropologie ist Fischer um den Aufweis bemüht,
dass die Autoren Scheler, Plessner und Gehlen einem sie verbindenden und für sie alle
gleichermaßen verbindlichen »Denkort« (Fischer) namens Philosophische
Anthropologie zugehören. Fischer spricht von einem »Identitätskern«, der sich in
diesen drei Einzelansätzen, über alle akuten Spannungen hinweg, die zwischen ihnen
auch bestünden, durchhalte. Dieses unverwechselbare Kennzeichen von
Philosophischer Anthropologie tout court konkretisiert Fischer wie folgt: Auch die
Philosophische Anthropologie behalte nur dem Menschen »Geistigkeit« (im Sinne von
Schelers »Neinsagenkönnen« zu den Dynamiken des Lebens) vor. Inwiefern und worin
genau aber der Mensch ein geistbegabtes Wesen sei, würde im Durchgang durch eine
Philosophie des Lebendigen, also »kontrastiv« und »indirekt« gezeigt. Insofern der
Mensch über weite Strecken auch an der Ordnung der lebendigen und organischen
Natur partizipiere, durchlaufe die Bestimmung seiner »Sonderstellung« in der
Philosophischen Anthropologie unweigerlich eine Philosophie des Lebens, so dass die
Stelle der exakten Abgrenzung vom Tier nur unter Berücksichtigung des Ausmaßes
entwickelt werde, in dem der Mensch auch auf seine biologische Lebendigkeit
zurückgeworfen sei. Es sei diese ihre Differenz erst garantierende Rückverwicklung von
Geistigkeit in Lebendigkeit und von Welt in Umwelt, die in verschiedenen Notationen
von allen drei Schlüsselprotagonisten der Philosophischen Anthropologie
ausbuchstabiert worden sei.
11 Die Überlegungen von Hans-Peter Krüger ziehen eine zusätzliche Konsequenz aus dem
damit bezeichneten paradoxen Ort des Menschen. In gewisser Weise streiche der
Mensch seine Zugehörigkeit zur Ordnung des Lebens aus oder durch, ohne diesen
immanenten Ort im Leben je überschreiten zu können. Es wäre treffend, von einer
immanenten Transzendenz zu sprechen. Krüger operiert hier mit dem Gegenspiel der
Dynamiken von Exzentrierung und Rezentrierung, also einem zentrifugalen
Hinausgestelltsein aus dem Leben bei fortlaufender Rückbindung an das Leben, die sich
beim Menschen zentral als das Erfordernis artikuliert, die Nichtkoinzidenz zwischen
Leibsein und Körperhaben ausbalancieren zu können. Krüger verdeutlicht so die
intrinsische Geschichtlichkeit von personalem Leben im Verständnis der
philosophischen Anthropologie, indem er Nachdruck auf die Expressivität der Person
legt: Obwohl, wie Krüger herausarbeitet, der Mensch (die Person) spontan, in der
Unmittelbarkeit seines Verhaltens, der Zentrierung und Erdung durch den Leib bedarf,
sei das Verhältnis solcher Lebewesen zu sich selbst ein geschichtliches, d. h. ein
»natürlicherweise« künstliches, eingerichtetes, praktisch gesetztes und umkämpftes
Verhältnis. Der Akzent, den Krügers Lektüre der Philosophischen Anthropologie setzt,
erweitert das durch die Beiträge von Fischer und Schürmann eröffnete Feld durch die
Idee einer Komplementarität und wechselseitigen Einforderung von Natur- und
Geschichtsphilosophie: Die thematisch an der Abstufung der lebendigen Entitäten
orientierte Achse gehe über in eine Linie, auf der nach den politischen und
geschichtlich fragilen Vergesellschaftungs- und Vergemeinschaftungsformen gefragt
wird, in denen sich menschliches (personales) Leben differenziert.
12 Die Stärke des Artikels von Volker Schürmann liegt darin, dass der Autor den
begrifflichen Zusammenhang der drei Dimensionen von Körperlichkeit, Leiblichkeit
und Personalität, die in ihrem komplexen Zusammenspiel die Problemstellungen und
Beschreibungsmöglichkeiten der Philosophischen Anthropologie überhaupt erst

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ermöglichen, grundlegend präzisiert. Mit Blick auf Scheler und Plessner demonstriert
Schürmann, dass es den Autoren der philosophischen Anthropologie stets auf eine
prekäre Bezogenheit von Körperlichkeit und Leiblichkeit aufeinander angekommen sei:
Menschliches Leben sei immer schon körperlich im Sinne der res extensa, die wiederum
der »natürlichen Wahrnehmung« als objektiv messbare Entität erscheint. Zugleich
(und darin) aber fände »Leben« immer schon so statt, dass jedes Lebewesen den je
eigenen Körper (wie auch die Körper anderer Lebewesen) affektiv empfinde, also
gleichsam ein »inneres Bewusstsein« seiner selbst habe. Aber damit nicht genug: Denn
schon Scheler, so Schürmann, habe argumentiert, dass diese beiden Modi (die Ich-
Außenwelt-Differenz von Körpern sowie Leiblichkeit als Form oder Rahmen der Ich-
Außenwelt-Gehalte) gegenständliche Relationen implizieren, wohingegen menschliche
Lebewesen zugleich noch eine dritte Perspektive einnähmen, die nicht an
Vergegenständlichung gebunden sei, sondern in schieren Vollzügen/Akten bestehe.
Scheler habe diese Vollzugssphäre als Geist und als Charakteristikum von Personen
bestimmt. Während Scheler die Geistigkeit von Personen jedoch vollkommen von den
Äußerungen des Lebens in ihnen separiert habe (um einen starken Dualismus zwischen
Leben und Geist zu behaupten), sei es Plessner darum zu tun gewesen, die personale
Welt immanent, über einen Umbruch innerhalb der Ordnung des Lebens selbst zu
plausibilisieren: Von der exzentrischen Positionalität des Menschen zu sprechen, hieße
dann, den Menschen als ein Wesen zu erläutern, das nur leben kann, indem es sein
Leben führt. Wie Schürmann unterstreicht, bedeutet diese exzentrische Distanz jedoch
bei Plessner kein dem Leben überhobenes Außen, auf das sich der Mensch nach
Belieben zurückziehen kann oder auch nicht: Vielmehr handelt es sich um eine
Grundstruktur, die menschliches Leben – das eben „nicht nicht exzentrisch sein kann«
23
– in all seinen Äußerungen und Vollzügen immer schon unhintergehbar auszeichnet.
13 Vor diesem Hintergrund sieht man, dass die Zusammenführung der in unserem Heft
miteinander vernetzten französischen und deutschen Texte genau die Stellen trifft, an
denen eine reiche Diskussion zwischen den beiden nationalen Forschungen einsetzen
kann: Zeigen doch die drei aus dem Französischen übersetzten Aufsätze, dass sich ein
Großteil der gegenwärtigen Blüte der Philosophischen Anthropologie in Frankreich aus
einer kritischen Selbstbefragung der phänomenologischen Tradition gebildet hat. 24 So
rekonstruiert zunächst Jean-Claude Monod in seinem Text über das sogenannte interdit
anthropologique das schon angesprochene paradoxe Manöver Hans Blumenbergs, einen
komplexen anthropologischen Subtext der Phänomenologie zu erkunden, ohne dabei
schlicht die bruchlose Transformation des phänomenologischen Erbes in
philosophische Anthropologie zu postulieren. Mit Blumenberg spürt Monod dem von
Husserl und Heidegger verhängten Verbot einer Anthropologisierung der
Phänomenologie, aber auch den Bruchstellen in diesem Ausschluss nach, die schon bei
diesen beiden Autorenfiguren selbst zum Einzug von Kontingenzen in die Bewegung
der Sicherstellung von »Wesenheiten« geführt hätten. Die »Dekonstruktion« (Monod)
der phänomenologischen Tabuisierung der Anthropologie habe Blumenberg dazu
veranlasst, drei »Achsen der Kontingenz« zu benennen, die die Stellung des Menschen
ausmachten: seinen Charakter als »Mängelwesen«, den Primat der Sehkraft unter den
menschlichen Sinnen und seine Tendenz zur Distanzierung von archaischen Urängsten.
Für das deutsche Publikum lohnt der Blick auf Monods Darlegungen vor allem deshalb,
weil sie zeigen, inwiefern die Konjunktur der Philosophischen Anthropologie in
Frankreich mit einer internen Krise des phänomenologischen Erbes zusammenhängt,
die Blumenberg diagnostiziert hatte und die die französischen Interpreten (von

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Husserl, Heidegger und Merleau-Ponty) aktuell dazu anregt, die traditionelle


Hierarchisierung von Phänomenologie und Anthropologie zu revidieren.
14 Auch für Etienne Bimbenet (La formule transcendantale) besteht das neue Kernproblem
der Phänomenologie seit Blumenberg darin, sich ihrem unvermeidbaren Umschlag in
die Kategorien einer Theorie des Menschen zu stellen. Die Mundanisierung des
phänomenologischen Projekts, das allem zuvor, so Bimbenet, ein cartesianisches
Programm der Neubegründung jeglicher Wissenschaft auf unerschütterlich evidenten
Fundamenten (gewesen) sei, habe sich nicht zufällig vollzogen, sondern sei das
konsequente Ergebnis des universalistischen Anspruchs bei Husserl selbst. Bimbenet
arbeitet diesen Umschlag anhand einer intern-systematischen Grenze von Husserls
phänomenologischer Reduktion heraus: Die intentional klar und deutlich erlebten
Korrelate (Noemata) der leistenden Aktivitäten unseres Bewusstseins sollen gerade
mehr sein als solipsistische Setzungen; sie sollen gerade nicht vom Standpunkt des
Bewusstseins einer erlebenden Subjektivität abhängen, sondern in Bezug auf sie
transzendente, eben universale Gültigkeit annehmen. Von innen her liefen die – nur
bewusstseinsimmanent zu sichernden! – »Sachverhalte« darauf hinaus, sich von der
Bindung an die Subjektivität des Bewusstseins zu lösen, um sich als »Sachen selbst«
unter Beweis stellen zu können. Bimbenet zieht hier, was für die Diskussion mit der
Philosophischen Anthropologie entscheidend ist, die Parallele zu Jakob von Uexkülls
biologischer Theorie der Subjektivität von Organismen: Während nach Uexküll
Organismen stets in die Korrelation zu ihren jeweiligen Umwelten, die sie affektiv als
»Merk- und Wirkwelten« erfahren, versenkt seien, befinde sich der Mensch in der
Situation einer Abstraktion von allen partikularen Umwelten, d. h. in der Transzendenz
der Welt. Auf diese Weise holt Bimbenet das virulenteste Begriffspaar der
Philosophischen Anthropologie ein, das nicht nur in den französischen Beiträgen,
sondern auch in dem hier übersetzten Plessner-Text eine überragende Rolle spielt:
nämlich die Welt-Umwelt-Opposition. Auf diese Weise stellt sich der biologische
»Idealismus« des Tiers (das seine Umwelt stets nur als Korrelat seiner Wertungen
erfasst) als ein latenter Realismus heraus, während der manifeste Realismus des
Menschen, seine Gerichtetheit auf die Sachen selbst, einen idealistischen Überschuss
enthält, nämlich die »unendliche Antizipation« der Totalität von »Welt«.
15 Bimbenets Schritt von Husserl zu Uexküll ist zugleich emblematisch eine
grundsätzliche Fluchtlinie der aktuellen Entdeckung der Philosophischen
Anthropologie in Frankreich: Denn die Frage nach der Stellung von Phänomenologie
und Anthropologie zueinander tauscht sich mit einer anderen wichtigen Frage aus,
nämlich mit der Frage nach dem Zusammenhang von Subjektivität und Animalität. In der
modernen französischen Philosophie war das Thema einer spezifisch menschlichen
Wahrnehmungsstruktur und einer leiblichen Expressivität, die menschlichen Akteuren
im Unterschied zu Tieren eigentümlich ist, schon lange durch die Schriften Maurice
Merleau-Pontys wirkmächtig gewesen. In der Tat führt in Frankreich kein Weg zu einer
Auseinandersetzung mit der Philosophischen Anthropologie an der
Leibphänomenologie Merleau-Pontys vorbei, was schon deshalb bemerkenswert ist,
weil sich die deutschsprachige an Philosophischer Anthropologie interessierte
community längst auf Grenzziehungen etwa zwischen Plessners Ansatz und dem
Merleau-Pontys verständigt hat, ohne allerdings die werkgeschichtlichen
Vielschichtigkeiten im Œuvre Merleau-Pontys (Wende vom Leib- zum Fleischbegriff,
Vorlesungen über den Naturbegriff usw.) vollständig zur Kenntnis genommen zu
haben. Der hier übersetzte Aufsatz von Nicolas Zaslawski spiegelt deshalb eine

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grundlegende Tendenz der aktuellen Forschung, wenn er sich an einer Konfrontation


zwischen dem Paradigma der Philosophischen Anthropologie – hier in Gestalt Adolf
Portmanns – und Merleau-Pontys Ansatz versucht. Im Zentrum stehen dabei
Portmanns Hinweise auf eine Differenz in den Gestaltungsgesetzen der sichtbaren und
der unsichtbaren »Seiten« der Lebewesen. Portmanns Umformung der Innen-Außen-
Opposition bei Organismen, d. h. der Entgegensetzung zwischen einem Organismus und
seiner Umgebung, in die voll »sichtbaren« gegenüber den »opaken« Aspekten des
Lebendigen steht, wie Zaslawski herausarbeitet, in einer brisanten Spannung zu den
gestalttheoretischen Rahmenbedingungen und Prämissen von Merleau-Pontys
Phänomenologie. Merleau-Ponty sei dank Portmann, dessen Bücher, z. B. Die Tiergestalt.
Studien über die Bedeutung der tierischen Erscheinung (1948/1960), mehrfach Erwähnung
bei ihm finden, auf das Problem gestoßen, dass in phänomenologischer Haltung
Animalität nurmehr als »das Andere« [lʼautrui] der Sinnstiftungen des wahrnehmenden
Bewusstseins bestimmbar und darin zugleich auf eine Bindung an Formen angewiesen
sei. Gerade Portmann habe nun aber zwischen einer Theorie der »adressierten
Erscheinung«, in der sich Lebewesen gleicher oder entfernter Gattung gegenseitig
wahrnehmen, und einer Theorie der nicht-adressierten Erscheinung unterschieden: Die
Frage also wäre, wie die Wesen, die wir anblicken, auf uns zurückblicken? Was an den
uns gegebenen Erscheinungen für uns sichtbar ist, und was an uns für die von uns
betrachteten Lebewesen zu sehen ist, kann auseinandertreten. Zaslawski knüpft, indem
er Merleau-Pontys Wahrnehmungskategorien mit Portmanns Hypothese einer opaken
Expressivität des Animalischen konfrontiert, implizit auch an Plessner an, der in
seinem Begriff der »Grenze« nach dem »hauthaften« Kontakt der lebendigen Dinge zu
ihrem Außen gefragt hatte. Auch bei Zaslawski steht mithin, ähnlich wie und doch
anders als bei Monod und Bimbenet, mit der Philosophischen Anthropologie ein
internes Ende des grundsätzlichen Projekts der Phänomenologie zur Disposition: dieses
Mal unter der Perspektive, dass der Ort, von dem her eine Beschreibung und
Thematisierung der Welt des Lebendigen möglich sein soll, durch das in dieser Weise
Beschriebene, d. h. durch die Dynamiken des Lebendigen selbst verunsichert und ent-
setzt werden kann.
16 So wie die hier versammelten deutschen Texte für das französische Publikum neuartige
Pisten eröffnen, rücken auch die französischen Texte die Philosophische Anthropologie
in ein Licht, das die deutsche Leserschaft überraschen wird: Und ohne Zweifel wird
man nach der Lektüre dieses Heftes konstatieren können, dass es an den aufeinander
verweisenden offenen Enden von Phänomenologie, Philosophie des Lebens und
anthropologischer Reflexion mehr Material für eine zukünftig gemeinsame,
französisch-deutsche Forschung gibt, als man vielleicht erwartet hätte.

Zur terminologischen Vereinheitlichung der


Übersetzungen
17 Im Zuge der Veröffentlichung dieses Heftes hat sich den Herausgebern
erwartungsgemäß das delikate Problem gestellt, ob und, wenn ja, mittels welcher
begrifflicher Festlegungen die hier versammelten Texte untereinander terminologisch
vereinheitlicht werden könnten und sollten. Vor allem zwei Serien von begrifflichen
Unterscheidungen haben die Frage, welche durchgängigen übersetzerischen Lösungen
sinnvoll bzw. überhaupt möglich wären, um terminologische Homogenität innerhalb

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jedes einzelnen Textes, aber a fortiori zwischen allen Texten herzustellen, mit
besonderer Schärfe aufgeworfen: Die erste Serie betrifft die im Kontext der
Philosophischen Anthropologie notwendige Differenzierung zwischen den Begriffen
(und Phänomenen) des »Körpers« und des »Leibs«, einschließlich der daran
gebundenen Semantik von »Leiblichkeit« sowie der relationalen Dynamik von
»Leibsein« und »Körperhaben«. Die zweite Serie ist diejenige einer begrifflich wie
inhaltlich markierten Abhebung zwischen den Begriffen der »Umwelt«, der
»Umgebung« und des »Milieus«, immer im Kontrast zum Begriff einer personalen
»Welt« gedacht: Auch diese Konzepte sind im Sinne der Philosophischen Anthropologie
à la Scheler, Plessner und Gehlen dringend auseinander zu halten und nur in ihren
wechselseitigen Distinktionen aufeinander beziehbar.
18 Was nun den ersten begrifflichen Zusammenhang angeht, so ist es für einen französisch-
deutschen Blick auf die Tradition der Philosophischen Anthropologie ebenso
denkwürdig wie hoch problematisch, dass die bei Scheler, Plessner und (mit
Einschränkungen) Gehlen enorm wichtige Unterscheidung zwischen Körper(-lichkeit)
und Leib(-lichkeit) mit der Verwendung dieses Begriffspaars kollidiert, die in der
modernen französischen Philosophie, insbesondere im Anschluss an Maurice Merleau-
Pontys »Leibphänomenologie«, üblich und wirkmächtig geworden ist. Präziser müsste
man sagen, dass zwischen den bei Scheler und Plessner vorfindlichen Umgangsweisen 25
mit der Körper-Leib-Differenz und der Pointierung, den sie gerade bei Merleau-Ponty
erhalten hat, eben keine »Parallelaktion« vorliegt, wenn darunter der Parallelismus
zweier unverbundener Initiativen gemeint sein soll, die eher »zufällig« mit denselben,
dann voneinander abgegrenzten Begriffen innerhalb einer terminologischen Dyade
operieren. Philosophiegeschichtlich entspricht es eher der Sachlage, dass diese
Verwendungen – die philosophisch-anthropologische in Deutschland und die im
Wesentlichen leibphänomenologische in Frankreich – in einer komplexen
Verwandtschaft zueinander stehen, die von Überlappungen ebenso geprägt ist wie von
unüberbrückbaren Unverträglichkeiten: Was die Faszination, aber auch die begriffliche
Verlegenheit des Dialogs dieser beiden Denkformen ausmacht.
19 Letztlich geht Merleau-Pontys kritische Trennung zwischen den Konzepten des
»Körpers« und des »Leibs« auf Husserls Begriffsgebrauch vor allem in den
Cartesianischen Meditationen zurück, wo unter dem »Leib« eben nicht ausschließlich ein
materieller Gegenstand (Körper) mit physikalischen Eigenschaften, sondern im
gleichen Zug als dasjenige verstanden wird, »worin« wir uns fühlen und worin wir uns
als verortet gegeben sind, wenn wir »Empfindnisse« (Husserl) in Kontakt mit
»äußeren« physikalischen Gegenständen verspüren. Scheler hatte diese intentionale
Differenz zu der These (von der sogenannten »psychophysischen« Indifferenz)
ausgeweitet, wonach zwar innerhalb der Sphäre des Gegebenen der »Leib« als
empfindende Instanz vom »Körper« als Gegenstand in der Außenwelt absolut und in
qualitativer Hinsicht zu separieren, diese »Sphäre des Gegebenen« hingegen als solche
von dem vollzugshaften, rein geistigen »Aktentrum« der Person zu scheiden sei. 26 Für
den Ansatz Merleau-Pontys ist es nun entscheidend, dass er Husserls Einsicht in die
Transzendentalität des (also intentional genauer: »meines«) Leibes gegenüber Husserl
selbst und auch gegenüber Scheler radikalisiert, indem er den Leib selbst als
transzendentale Instanz denkt, die ihrerseits nicht noch einmal (wie bei Husserl) auf
ein sie konstituierendes transzendentales ego oder (wie bei Scheler) auf die rein
noumenale Aktivität der Person überstiegen werden kann. Der Leib selbst fungiert als

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gleichsam »gelebtes Apriori«, als undurchstreichbarer Schlüssel, der dem seinerseits


stets nur »leibhaftig«, d. h. »leiblich« existierenden Subjekt bereits in der Aktivität der
Wahrnehmung das Wirkliche als das korrelativ von diesem Subjekt erfahrene und
sinnhaft geformte aufschließt. Auf diese transzendentale Rolle des Leibes als eines
beweglichen und bewegten, aber niemals durchstreichbaren oder aufgebbaren
»Gesichtspunkts aller Gesichtspunkte« zielt daher bezeichnenderweise bereits 1966
Rudolf Boehm, der deutsche Übersetzer von Merleau-Pontys Phénoménologie de la
perception, in seiner Herausgebereinleitung ab: »[D]er Leib ist schlechthin unser
Gesichtspunkt zur Welt, der Gesichtspunkt aller Gesichtspunkte, den wir nicht nur
faktisch nie zu verlassen vermögen und der selber immer uns zwingt, Gesichtspunkte
einzunehmen, sondern ohne den wir, nicht mehr weltzugehörig, überhaupt nichts zu
sehen vermöchten, und damit zugleich der phänomenale Beweis dafür, daß wir
Gesichtspunkte einnehmen müssen, um was auch immer zu sehen.« 27
20 Verblüffenderweise und anders als gerade die deutsche Rezeptionsgeschichte
suggeriert, schlägt nun diese sachlich pointierte Bestimmung dessen, was »Leib« bzw.
»Leiblichkeit« bei Merleau-Ponty auszeichnet, im französischen Original, in Merleau-
Pontys eigenen Schriften also, nicht auf eine stringente Opposition zwischen den
Dimensionen durch, die man im Deutschen, gerade mit Blick auf Husserl, Scheler oder
Plessner, als »Körper(-lichkeit)« und »Leib(-lichkeit)« voneinander zu unterscheiden
pflegt. Vielmehr zeigt bereits ein Blick in die Inhaltsverzeichnisse der französischen
und der übersetzten deutschen Version der Phénoménologie de la perception, dass im
Französischen schlicht »corps« steht, wo im Deutschen der Ausdruck »Leib« eingeführt
wird.28 So stimmig es also der Sache und der internen Logik der Gedankenführung
Merleau-Pontys nach ist, in Zusammenhängen wie dem eben genannten vom »Leib«
und nicht vom »Körper« zu sprechen, so sehr bleibt zu konstatieren, dass bei Merleau-
Ponty dort, wo auf Deutsch mit »Leib« übersetzt wird, vielfach schlicht »corps« steht –
ein Ausdruck, der für sich genommen eben keine strenge Grenze zwischen den
Bedeutungen »Körper« und »Leib« herstellt. In der rezenten französischsprachigen
Forschung zu Merleau-Ponty hat sich als Äquivalent für die freilich markante deutsche
Unterscheidung des »Leibs« vom »Körper« am ehesten noch die Abhebung des »corps
phénoménal« vom »corps objectif« herauskristallisiert.29 Jedoch ist ein gewisses
Schwanken der Terminologie Merleau-Pontys, der gelegentlich im Sinne der Bedeutung
des Leibbegriffs vom »corps propre«, vom »corps vécu« oder auch vom »corps animé«
spricht, unverkennbar, weswegen die Herausgeber sich entschlossen haben, die
verschiedenen im Französischen, und bereits immanent bei Merleau-Ponty,
kursierenden Pendants für die Konzepte des »Leibes« und der »Leiblichkeit« im
Rahmen dieses Heftes nicht durch eine einzige, durchgängige Übersetzungsvariante zu
homogenisieren. Bei näherer Prüfung erweist sich das begriffliche Inventar der
Leibphänomenologie einschließlich Merleau-Pontys eigenem Umgang mit diesen
Konzepten als zu disparat, um die Übersetzungen von Originalformulierungen etwa bei
Scheler und Plessner in das Korsett eines semantisch-terminologischen Monismus zu
zwängen. Auch der Anspruch auf die Lesbarkeit und die stilistische Eleganz der zu
Stande gekommenen Übersetzungen darf hier nicht vernachlässigt werden: So hätte
eine von den Herausgebern diskutierte Vereinheitlichung der französischen
Übersetzungsmöglichkeiten für den deutschen Begriff des »Leibes« darin bestehen
können, die Vokabel »chair« für »Leib« und entsprechend »charnellité« für
»Leiblichkeit« einzusetzen. Mit dem Ausdruck »charnellité« (im Unterschied zu
»corporéité«) hätten sich entsprechende Wortungetümer abwenden lassen, die

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ausgehend etwa von »corps propre« oder »corps vécu« für »Leib« vorstellbar gewesen
wären, jedoch hätte diese Wortwahl wiederum eine spezifische begriffliche Festlegung
bei Merleau-Ponty konterkariert: Wo nämlich Merleau-Ponty in seinen späten
Schriften, etwa in Le visible et lʼinvisible von »chair« und gerade nicht (mehr) vom
»corps (propre, vécu usw.) « spricht, hat sich in der Tradition der deutschen
Übersetzungen der Werke Merleau-Pontys die Rede vom »Fleisch« im Unterschied zum
»Leib« eingebürgert.30 So hätte die unabhängig von der semantischen Verlagerung in
Merleau-Pontys eigener Werkgeschichte durchaus plausible Wahl von »chair« für
»Leib« wiederum Konfusionen und unzutreffende Assoziationen zumindest auf Seiten
der Leser Merleau-Pontys auslösen können, weswegen die Herausgeber davon
abgesehen haben, die in den einzelnen Texten jeweils eingesetzten übersetzerischen
Lösungen für dieses Begriffsfeld zu einem Gebrauch von »chair«/»charnellité« zu
vereinheitlichen. Vielmehr wird nur beim ersten Auftreten einer von dem jeweiligen
Übersetzer eingeführten Variante zur Bewältigung der begrifflichen Differenz zwischen
»Körper« und »Leib« der im Original stehende deutsche Ausdruck (z. B. »Leib«,
»Leiblichkeit« usw.) in Klammern angeführt, so dass zwar interne, nicht aber die
Einzeltexte übergreifende Vereinheitlichungen möglich werden. Obwohl sich die
Philosophische Anthropologie und die französische Tradition der Phänomenologie
gerade nicht im direkten Austausch miteinander konstituiert haben, lag die editorische
Herausforderung darin, die Überlappung und Komplementarität der jeweiligen
Vokabulare beider Strömungen abzubilden, aber zugleich auf der Eigenheit der
philosophisch-anthropologischen Ausbuchstabierung der Körper-Leib-Differenz, die
gerade nicht mit Merleau-Pontys Variante zusammenfällt, zu insistieren.
21 Übrigens lässt die vorhin zitierte Stelle aus Rudolf Boehms Herausgebereinleitung zur
deutschen Übersetzung von Merleau-Pontys Phénoménologie de la perception den
zentralen sachlichen Antagonismus zwischen Merleau-Pontys Auffassung von
Leiblichkeit und denjenigen Schelers und Plessners zumindest ahnen. Denn auf die
Autoren der Philosophischen Anthropologie lässt sich Merleau-Pontys These, dass wir
ohne den immanenten Gesichtspunkt des Leibes »nicht mehr weltzugehörig« 31 seien,
keineswegs übertragen. Vielmehr denken Scheler und a fortiori Plessner die Relation
zur Welt von einer radikalen Exteriorität her: Welt im Unterschied zur Umwelt eröffnet
sich in der Tat nur für solche Lebewesen, die eben nicht zentriert in sich »stecken« und
darin ihren eigenen Körper als Leib erfahren, sondern für Wesen, die sich »im Nichts
stehend«32, aus einem irreduziblen Außen ihrer selbst zu sich selbst als leiblichen
Akteuren verhalten – und eben darin auch zu dem Umstand, dass sie nicht bloß
leibliche Lebewesen, sondern zugleich bloße »Naturkörper« (Scheler) sind. Dem von
Merleau-Ponty privilegierten Blick aus der Internperspektive des Leibes (als
»Gesichtspunkt aller Gesichtspunkte«) setzen die Philosophischen Anthropologen
mithin eine Triplizität, eine dreifache Gebrochenheit des »Blicks« entgegen: »Positional
liegt [im Fall der lebendigen Person, Anm. d. Hg.] ein Dreifaches vor: das Lebendige ist
Körper, im Körper (als Innenleben oder Seele) und außer dem Körper als Blickpunkt,
von dem aus es beides ist.«33
Die Frage der Übersetzung von »Welt«, »Umwelt«, »Umgebung« und »Milieu« ins
Französische war glücklicherweise deutlich einfacher zu entscheiden. »Welt« und
»Milieu« sind ohnehin unproblematisch als »monde« und »milieu« wiedergebbar. Für
»Umgebung« gilt die naheliegende, weil traditionelle und gängige Übersetzung mit
»environnement«. Nur der Begriff der »Umwelt« stellte mithin eine Schwierigkeit dar.
Wie aber nun gerade der in diesem Heft präsentierte Aufsatz von Plessner bezeugt, ist

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es der Sache nach die Dimension der »Umwelt« und keinesfalls die der »Umgebung«
oder des »Milieus«, von der sich die »Welt« lebendiger Personen als »Nichts« 34
raumzeitlicher Bestimmtheiten transzendental abhebt, was sowohl reflexiv als auch im
unmittelbar- spontanen Lebensvollzug die Distanz zu jeder möglichen Umweltbindung
überhaupt bedeutet. Auch die in diesem Heft durch eigene Texte vertretenen Autoren
aus der deutschsprachigen Sekundärliteratur zur Philosophischen Anthropologie
gehen von diesen begrifflichen Unterscheidungen aus. Vor diesem Hintergrund darf
»Umwelt« auf keinen Fall mit frz. »environnement« oder »milieu« übersetzt werden,
die bereits als französische Korrespondenzbegriffe zu sachlich anders bestimmten
technischen Termini des Deutschen besetzt sind.35 Hinzu kommt ein doppeltes
lexikalisches Kriterium für die terminologische Festlegung im Rahmen dieses Hefts:
Zum einen ist »Umwelt« auf der Basis des Stammes »Welt« gebildet, zum anderen teilt
dieses Wort sein Präfix »Um-« mit »Umgebung«, was lexikalisch wie semantisch Nähe
und Kontrast zu diesen beiden Konzepten anzeigt. Es erschien den Herausgebern
deshalb als die exakteste Lösung, »Umwelt« mit »monde environnant« zu übersetzen:
Eine zwar »umständliche« Wortbildung, die jedoch, darin ihren deutschen
Korrespondenzbegriff »Umwelt« sehr gut treffend, sowohl ihre Herkunft aus »monde«
(für »Welt«) als auch ihre sachliche, lexikalische und semantische Nähe zu
»environnement« (für »Umgebung«) einfängt.
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Horkheimer, Max (1988 [1935]): »Bemerkungen zur Philosophischen Anthropologie«, in: ders.:
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auf Italienisch in: Horkheimer, M.: Teoria critica, Torino: Einaudi, 1978, S. 197–223.

Iofrida, Manlio (2003): »Senso e limiti dell’antropologia nell’ultimo Merleau-Ponty«, Discipline


filosofiche XIII/1, S. 323–346.

Keller, Thomas (2015): »Person und Persona: Rendez-vous der Gefühle in einer deutsch-
französischen Philosophischen Anthropologie«, in: Agard, O. / Gangl, M. / Lartillot, F. / Merlio, G.
(Hg.): Kritikfiguren / Figures de la critique. Festschrift für Gérard Raulet zum 65. Geburtstag / En
hommage à Gérard Raulet, Frankfurt am Main u.a.: Lang, S. 343–372.

Trivium, 25 | 2017
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Krüger, Hans-Peter (2008): »Lebenspolitik: Die Zugänge von Habermas, Foucault und der
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jüdische und pragmatistische Moderne-Kritik, Berlin: Akademie Verlag, S. 25–62.

Landsberg, Paul-Ludwig (1936/37) : »Lʼacte philosophique de Max Scheler«, Recherches


Philosophiques, VI, S. 299–312.

Lenz-Medoc, Paulus (1951): »Max Scheler in Frankreich«, Philosophisches Jahrbuch, 61, S. 297–303.

Lepenies, Wolf (1970): »Anthropologie und Gesellschaftskritik. Zur Kontroverse Gehlen–


Habermas«, Soziologen-Korrespondenz, 1/4, S. 171–198;
auf Italienisch in Lepenies, W. / Nolte, H.: Critica all’antropologia, Milano: Feltrinelli, 1978, S. 79–
106.

Marino, Mario (2008): Da Gehlen a Herder. Origine del linguaggio e ricezione di Herder nel pensiero
antropologico tedesco, Bologna: Il Mulino;
deutsche Übersetzung in Vorbereitung: Von Gehlen bis Herder, Nordhausen: Traugott Bautz Verlag.

Plessner, Helmuth (1975): Die Stufen des Organischen und der Mensch. Einleitung in die philosophische
Anthropologie, Berlin / New York: de Gruyter.

Raulet, Gérard (2014): »Philosophische Anthropologie ‒ auch eine französische Wissenschaft?«,


in: Raulet, G. / Plas, G. (Hg.): Philosophische Anthropologie nach 1945, Nordhausen: Verlag Traugott
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Schürmann, Volker (2012): »Max Scheler und Helmuth Plessner – Leiblichkeit in der
Philosophischen Anthropologie«, in: Alloa, E. / Bedorf, T. / Grüny, Chr. / Klass, T. N. (Hg.):
Leiblicheit. Geschichte und Aktualität eines Konzepts, Tübingen: Mohr Siebeck, S. 207–223.

Tarot, Camille (1999): De Durkheim à Mauss, lʼinvention du symbolique, Paris: La Découverte.

Waldenfels, Bernhard (2009): »Eintrag ›Maurice Merleau-Ponty‹«, in: Bedorf, T. / Röttgers, K.


(Hg.): Die französische Philosophie im 20. Jahrhundert. Darmstadt: WBG, 2009, S. 253–259.

NOTES
1. In dieser Hinsicht ist aufschlussreich: Gehlen (1983).
2. In anderen kulturellen Gefilden haben die Autoren und die Themen der Philosophischen
Anthropologie freilich wieder eine andere Geschichte. Hier ist der Fall Italiens interessant, wo
eine ganze Reihe von Untersuchungen zu diesen Fragen entstanden sind, obwohl auch hier die
Rezeption der Philosophischen Anthropologie keineswegs unmittelbar verlaufen ist. So sind noch
vor den 1960er Jahren einige Standardwerke Schelers, Plessners, Gehlens, Portmanns oder gar
von Günther Anders ins Italienische übertragen worden. Erst seit dem Ende der 1970er Jahre
jedoch hat sich die Präsenz dieser Theorieströmung in der philosophischen Debatte Italiens
verstetigt und dort Forschungsräume eröffnet, denen man nicht gerecht werden würde, wenn
man allein ihren historischen Charakter in den Blick nähme. Im Kontext der Scheler-Forschung
sind hier insbesondere die Texte von Guido Cusinato zu nennen, der zunächst den Text der
Stellung des Menschen im Kosmos im Rückgriff auf die Ausgabe von 1928 – die 2017 von Wolfhart
Henckmann im Meiner Verlag auch auf Deutsch in einer kritischen Ausgabe herausgegeben
werden wird – aufbereitet hatte, um zur Ausarbeitung einer eigenen Theorie des eros
vorzustoßen, die den Dualismus zwischen Geist und Drang unterläuft (siehe Cusinato [1999]). Die
Forschungsbeiträge zu Gehlen und Plessner sind vor dem Hintergrund der philosophischen
Landschaft in Italien am Ende der 1970er Jahre zu sehen, die von der Suche nach einer
Alternative nicht bloß zu Heidegger, sondern auch zur Kritischen Theorie geprägt war.

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Horkheimers »Bemerkungen zur Philosophischen Anthropologie« (1935) [Horkheimer (1988)]


waren ebenso bekannt wie die Polemik von Habermas gegen Gehlen [Habermas (1958)], die
Lepenies in einem Artikel aus dem Jahr 1970 wiederaufgegriffen und analysiert hatte [Lepenies
(1970)]. Beflügelt durch diese Debatte, war die daran anschließende Neubelebung von Gehlen-
Übersetzungen und -Forschungen von dem Interesse an den politischen Implikationen seines
Denkens getragen. Insbesondere die Arbeiten von Ubaldo Fadini, die auf diesem Weg mögliche
Nähen zu Luhmanns Systemtheorie hervortreten ließen, haben eine positive Reflexion auf das
Problem der Institutionen versucht, und zwar in anderer Richtung als die zeitgleich von
Wolfgang Harich in der DDR entwickelten Überlegungen (siehe Fadini [1983]). Die Aufhellung der
Relevanz einer bei Gehlen angelegten Kulturkritik, der, weit entfernt davon, rein reaktionär und
konservativ zu sein, in ihrem Abschied von den Geistes- und Bewusstseinsphilosophien eine
gewisse Produktivität eignet, findet sich auch in weiteren italienischen Beiträgen zur Gehlen-
Forschung wieder, bis hin zu den Untersuchungen von Mario Marino (cf. Marino [2008]; deutsche
Übersetzung in Vorbereitung). Die insbesondere von Bruno Accarino in den frühen 1990er Jahren
vorangetriebenen Studien zu Plessner stehen ebenso unter dem Eindruck der Krise traditioneller
politischer und gesellschaftlicher Kategorien und sind von der Suche nach einem politischen
Sinn der Kontingenz bestimmt. Aus Accarinos bemerkenswerten Beiträgen sei hier lediglich
Accarino (1991) hervorgehoben. Die Früchte dieser Arbeiten sind in den 2000er Jahren weiter
gereift und haben Übersetzungen und Forschungen Raum gegeben, die nun ihrerseits auf die
technologischen Aspekte der anthropologischen Differenz sowie auf die Rolle der
abendländischen und europäischen Kultur im technisch-wissenschaftlichen Komplex der
Gegenwart fokussieren. Die politische Dimension dieser Reflexionen ist unterdessen weiter
zentral geblieben, und so steht das Thema der anthropo-biologischen Funktion der Institutionen
im Mittelpunkt der an Gedanken Plessners und Gehlens anknüpfenden Analysen von Robert
Esposito seit seinem Buch Immunitas (Esposito [2002], S. 95–133; auf Deutsch [2004], insb. S. 113–
156). Im Sinne einer Bilanz dieser Lektüren sei hier nur auf zwei von Alberto Gualandi in den
Jahren 2002 und 2003 herausgegebene Hefte der Zeitschrift Discipline filosofiche verwiesen, die
ebenfalls die Aktualität all dieser Fragen auf internationalem Parkett unterstreichen und
mancherorts mögliche Dialoge mit dem französischen Denken, in Sonderheit mit dem des späten
Merleau-Ponty, erahnen lassen (dazu Iofrida [2003]).
3. Siehe dazu Fruteau de Laclos / Bianco (2016).
4. Canguilhem (2006).
5. Tarot (1999).
6. Siehe Ebke (2012), S. 32 f.
7. Keller (2015).
8. Beaufort (2000); siehe aktuell van Buuren (2017).
9. Siehe dazu von Seiten der Philosophischen Anthropologie Plessners: Krüger (2008).
10. Siehe z. B. Althusser (1968), S. 176: »Der Bruch mit jeder philosophischen Anthropologie oder
mit jedem philosophischen Humanismus ist kein zweitrangiges Detail […]«; Derrida (1999), S. 139:
»Heidegger, von dem man nur einen Entwurf philosophischer Anthropologie oder existentialer
Analytik kannte […]«; Foucault (2010), S. 114: »[…] muß man all diese ›philosophischen
Anthropologien‹ verwerfen, die sich als natürlicher Zugang zum Fundamentalen geben […]«.
11. Zur Distinktion der Philosophischen Anthropologie als »Denkansatz« gegenüber ihrem Status
als einer philosophisch orientierten »Disziplin« siehe Fischer (2008), S. 479.
12. Siehe Lenz-Medoc (1951). Seit 1951 lag eine französische Übersetzung der Stellung des
Menschen im Kosmos durch Maurice Dupuy vor, der 1959 auch eine zweibändige systematische
Interpretation veröffentlichte (Dupuy [1959]). Bereits 1936 hatte Pierre Klossowski Schelers
Aufsätze Vom Sinn des Leidens, Vom Verrat der Freude sowie Liebe und Erkenntnis übersetzt; Maurice
de Gandillac (der spätere Doktorvater von Deleuze) besorgte die französische Übersetzung (1955)
von Der Formalismus in der Ethik und die materiale Wertethik.

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13. Siehe Keller (2015). Unser Verweis auf diese erste Rezeptionsphase der Philosophischen
Anthropologie folgt Kellers sehr instruktiver Darstellung.
14. Zur Rolle Rothackers innerhalb der deutschen Tradition siehe Fischer (2008), unser Zitat
S. 254.
15. Siehe Landsberg (1936/37). Unbedingt in dieser Chronik zu erwähnen sind die von Alexandre
Koyré, Albert Spaier und Henri-Charles Puech ab 1932 herausgegebenen Recherches philosophiques,
ein Zeitschriftenprojekt, das einen unerhört bedeutenden publizistischen Begegnungsraum
zwischen der deutschen und der französischen Philosophie der 1930er Jahre eröffnete.
Französische Übersetzungen von Texten beispielsweise Schelers, Plessners, Bollnows,
Groethuysens, Löwiths trafen hier mit Artikeln von Lacan, Ruyer, Bachelard, Lévinas, Wahl (um
nur einige prominente Fälle zu nennen) zusammen.
16. Eine Erhellung des Bezugs von Merleau-Ponty zur deutschen Tradition der philosophischen
Anthropologie brachte etwa die zweiteilige Tagung »Merleau-Ponty et l’anthropologie
philosophique«, die 2013 und 2015 an den Pariser Archives Husserl (ENS Paris) von Christian
Sommer und Emmanuel de Saint-Aubert veranstaltet wurde. Siehe zudem die noch unpublizierte
Dissertation Body and Reality: Materialism, Physical Reality and the Structure of the phenomenal world
von Jasper van Buuren, die eine erste systematische Zusammenführung der Ansätze Merleau-
Pontys und Plessners entwickelt.
17. Dazu Agard (2017).
18. Balibar (2003), S. 7.
19. Diesen Ausdruck wählte Michel Foucault, um die spezifische intellektuelle Resonanz von
Marx und Freud zu kennzeichnen (Foucault [1974], S. 24). Er lässt sich jedoch sehr treffend
abwandeln, um die Positionen Schelers, Plessners und Gehlens zu charakterisieren, denn auch
für diese gilt, was Foucault über Marx und Freud sagt, dass nämlich auch in ihren Fällen »die
Begründung einer Diskursivität heterogen zu ihren späteren Transformationen« bleibe. Siehe
Foucault (1974), S. 26.
20. Raulet (2014), S. 367.
21. Vgl. die Übersetzung von Lachen und Weinen bei den Éditions de la Maison des sciences de
l’homme (1995) sowie die 2009 erschienene zweibändige Übersetzung von Gehlens Essais
d’anthropologie philosophique im selben Verlag.
22. Als erste auffällige Zeugnisse der systematischen Fokussierung auf die Philosophische
Anthropologie im französischen Kontext siehe die beiden Hefte Revue germanique internationale
10/2009 (L’anthropologie allemande entre philosophie et science. Des Lumières aux années 30) sowie
Revue germanique internationale 13/2011 (Phénoménologie allemande, phénoménologie française).
23. Schürmann (2012), S. 219 (siehe auch die französische Fassung dieses Textes im vorliegenden
Heft).
24. Da die Erträge des Forschungsprojekts um Gérard Raulet, dem internationalen Charakter
dieses Projekts gemäß, nahezu allesamt bereits auf Deutsch publiziert wurden (überwiegend im
Rahmen einer mehrbändigen Reihe beim Bautz-Verlag, in der bislang fünf Bände vorliegen),
konnten sie leider in das Programm dieses Heftes nicht integriert werden.
25. Dass hier von zwei durchaus differenten Umgangsweisen die Rede sein muss anstatt von einer
Körper-Leib-Opposition bei Plessner und Scheler, stellt gerade der Text von Volker Schürmann in
diesem Heft klar.
26. Siehe Ebd.
27. Boehm (1966), S. V.
28. So ist, sprechend genug, das fundamentale Kapitel I im französischen Original mit »Le corps«,
im Deutschen mit »Der Leib« betitelt. Siehe z. B. Teil I, Abschnitt I des Buches: »Le corps comme
objet et la physiologie mécaniste« (Merleau-Ponty, 1957) vs. »Der Leib als Gegenstand der
mechanistischen Physiologie« (Merleau-Ponty, 1966) oder Teil I, Abschnitt II: »Lʼexpérience du

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corps et la psychologie classique« (Merleau-Ponty, 1957) vs. »Die Leiberfahrung und die
klassische Psychologie« usw.
29. Siehe Dupond (2008), S. 38: »Conformément à une tradition qui remonte à Descartes et qui est
reprise par la phénoménologie, Merleau-Pomty distingue le ›corps objectif‹ et le ›corps
phénoménal‹: tandis que le corps objectif a le mode dʼêtre dʼune ›chose‹, le ›corps phénoménal‹
ou ›corps animé‹ est un pouvoir d’expression; doué d’une ›structure métaphysique‹, il est un
sujet naturel ou un moi naturel.«
30. Dazu Waldenfels (2009), S. 257: »Das Sein steht uns nicht frontal gegenüber, es umgibt uns
wie ein Element, in dem wir uns bewegen und in dessen Medium alles erscheint; […]. Als rohes
oder wildes Sein (être brut, être sauvage) erschöpft es sich nicht in unseren kulturellen Symbolen;
es geht jeder Sinnbildung voraus und sprengt jede Ordnung. Der Begriff des eigenen Leibes (corps
propre) weicht dem des Fleisches (chair), dessen Textur auf die Anderen, die Dinge, die Welt, die
Zeit und die Ideen übergreift. Zugleich sehend und gesehen, berührend und berührt, redend und
hörend bestimmt sich das leibhaftige Selbst als Einheit von Selbstbezug und Selbstentzug.«
31. Boehm (1966), S. V.
32. Plessner (1975), S. 310.
33. Plessner (1975), S. 293.
34. Plessner (1975), S. 294.
35. Dass etwa der Milieubegriff eine begriffsgeschichtlich einschlägige Bedeutung sowohl in der
neuzeitlichen Mechanik (Newton) als auch in der modernen Humangeographie und Soziologie
besitzt, zeigt Canguilhem (2009). Siehe weiterführend Feuerhahn (2009).

INDEX
Mots-clés : Anthropologie philosophique, Plessner, Scheler, Gehlen, Portmann, phénoménologie
Schlüsselwörter : philosophische Anthropologie, Plessner, Scheler, Gehlen, Portmann,
Phänomenologie

AUTEURS
THOMAS EBKE
Thomas Ebke ist wissenschaftlicher Mitarbeiter am Lehrstuhl für Politische Philosophie und
Philosophische Anthropologie der Universität Potsdam. Nähere Informationen finden Sie hier.

GUILLAUME PLAS
Guillaume Plas ist Französisch-Lektor am Frankreich-Zentrum der Universität Freiburg. Nähere
Informationen finden Sie hier.

CATERINA ZANFI
Caterina Zanfi ist Stipendiatin der Alexander von Humboldt-Stiftung an der Bergischen
Universität Wuppertal. Nähere Informationen finden Sie hier.

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Plessner "Über das Welt-


Umweltverhältnis des Menschen"
(1950)

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Sur le rapport entre monde et


monde environnant chez l’homme
(1950)
Helmuth Plessner
Traduction : Marc de Launay

NOTE DE L’ÉDITEUR
Nous remercions Madame Dorothea Krätzschmar-Hamann et Madame Katharina
Günther de nous avoir accordé l’autorisation de traduire ce texte pour le présent
numéro. Nous tenons également à remercier Thomas Ebke et Guillaume Plas pour leur
révision de la traduction.
Wir danken Frau Dorothea Krätzschmar-Hamann und Frau Katharina Günther für die
freundliche Genehmigung, diesen Artikel in französischer Übersetzung zu publizieren.
Ein besonderer Dank gilt auch Thomas Ebke und Guillaume Plas für die Überarbeitung
der Übersetzung.

I.
1 Chez Uexküll, la notion de monde environnant [Umwelt] était à l’origine le moyen
méthodologique qui permettait à la biologie d’analyser, en étant affranchie des critères
anthropomorphes, les divers ordres intentionnels du comportement animal, en lui
épargnant ainsi des interprétations qui reposent habituellement sur des analogies avec
le vécu humain. Puisqu’on ne peut jamais savoir ce que vivent des animaux ni comment
ils le vivent, et qu’en outre la compréhension de leur comportement dépend des
conditions dans lesquelles ils vivent, Uexküll relègue la biologie à l’étude des
interrelations entre l’organisme et le milieu [Milieu] déterminant pour ce dernier, à
savoir le champ des conditions : le monde environnant.

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2 Cette relégation suscite deux difficultés fondamentales. La première tient à la


délimitation du champ nommé monde environnant par rapport à l’environnement
[Umgebung], qui peut être sans cesse étendu dans toutes les directions jusqu’à perdre
son caractère environnant et ne plus offrir aucun élément perspectif sur le sujet vivant.
La seconde, étroitement liée à la première, tient à la question de savoir dans quelle
mesure cet environnement qui pour nous, humains, peut sans limite s’élargir est lui-
même un monde environnant, et dans ce cas le monde environnant de l’homme, qui
doit englober les autres mondes environnants des animaux si la prétention de la
biologie à être l’observation objective de la vie qui nous est étrangère reste légitime.
3 Ordonner de manière perspectiviste le monde environnant comme un découpage de
l’environnement taillé en fonction d’un être vivant et installer de tels mondes
environnants au sein d’un environnement exposé au soupçon d’être analogue au
monde environnant humain suscitent, comme on le constate, non seulement des
difficultés techniques, mais aussi des difficultés de principe pour la biologie et la
philosophie. Si, en effet, le classement perspectiviste veut maintenir l’analyse du
comportement animal dans le cadre du plan d’organisation propre à chaque espèce, et
entend prémunir cette analyse d’une dérive vers des analogies psychologiques
invérifiables et d’autres analogies strictement physico-chimiques, il se heurtera en
outre, en soupçonnant l’environnement qui apparaît à l’homme comme un monde
[Welt] d’avoir la nature d’un monde environnant, au vieux problème de la
transcendance. Que veut dire en appeler à l’ouverture au monde, évidente dans le cas
de l’homme, si biologie, sociologie, ethnologie et histoire de la culture peuvent
démontrer qu’il y a chez lui une manière sans cesse renouvelée, même si elle est
susceptible d’une grande variabilité, d’être pris, pour ne pas dire prisonnier, dans des
mondes environnants typiques de nature vitale et spirituelle ? La corrélation
schématique aujourd’hui si prisée entre animal et monde environnant d’une part,
homme et monde d’autre part est en réalité un peu trop facile. Lorsqu’un philosophe
déchiffre dans l’organisation physique de l’homme non seulement un monde
environnant réservé précisément à l’homme, mais l’ensemble de sa confrontation avec
« le » monde, il outrepasse la limite qui, qu’on le veuille ou non, est prescrite à l’analyse
biologique.
4 Monde environnant et monde sont des concepts opposés dans leur application aux
animaux et à l’homme, et restent dans leur relation d’opposition référés l’un à l’autre,
mais en ceci que le monde environnant se détache d’une base, d’un arrière-plan lui-
même inaccessible, qu’on appelle monde, tandis que le monde en tant que tel autorise
certes la formation d’un monde environnant, mais sans qu’il dépende de ce dernier.
C’est ainsi que Uexküll a conçu la notion et en a fait l’axe de la recherche en biologie. La
proximité est patente avec la limitation kantienne du « monde » à une nature dont
l’homme est à lui-même redevable de l’esquisse. La démarche de Kant, qui part des
formes de l’intuition, des catégories et des idées à l’aide de quoi « notre » esprit s’assure
un monde d’expériences objectif bien que non absolu, une nature à laquelle on peut se
fier, s’appuie sur l’assurance d’un ordre moral. Théorie et pratique y vont de pair au
sein d’un « plan » qui garantit la dignité de l’homme. Si la philosophie kantienne
accorde les possibilités de la perception et de la connaissance aux possibilités pratiques
et morales de l’homme, le biologiste cherchera à traduire cette idée dans son langage et
à considérer comme autant d’expressions du plan d’organisation de l’homme le fait que
les formes grâce auxquelles nous saisissons la nature et celles à l’aide desquelles nous la

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maîtrisons pratiquement s’accordent mutuellement. À vrai dire, il s’agit là d’un


vitalisme bien tangible qui n’a plus rien à voir avec Kant. Mais on ne doit pas oublier
qu’à l’époque de la jeunesse de Uexküll, on cherchait de pareilles synthèses entre
philosophie et biologie, et que la croyance en la vie créatrice n’a pas toujours conduit à
des profondeurs comparables à celles auxquelles Bergson et Dilthey parvinrent. Même
Simmel a fini par entreprendre une synthèse de Kant et Darwin ; l’influence de Spencer
était puissante, et le pragmatisme de James et le fictionalisme de Vaihinger ont eux
aussi pu se référer à la pensée kantienne.
5 Si nous avons aujourd’hui un regard plus aiguisé sur les arrière-plans et les
conséquences de la notion de monde environnant chez Uexküll dans l’ordre de la
philosophie de la vie, nous devons tout autant reconnaître sa valeur pour la recherche
empirique sur la vie. La terminologie de Uexküll a beau à maints égards être artificielle,
la tentative d’analyse du sujet animal évitant les analogies psychologiques et
physicalistes, donc débarrassée de psychologie animale et sans pseudo-exactitude dans
le style de l’ancien behaviorisme, reste un progrès essentiel. Même si l’« éthologie »
moderne n’est pas en mesure, pour des raisons strictement méthodologiques, de faire
usage des catégories de la signification de Uexküll, la notion de monde environnant est
une impressionnante mise en garde qui lui est adressée : de ne pas oublier, en se
focalisant par trop sur l’analyse du comportement, l’unité de ce dernier, qui change
d’une espèce à l’autre (le style ou le plan d’organisation de chaque espèce), et qui
répond à un aspect du monde environnant. L’homme n’aura jamais accès à la manière
dont l’ordre perspectiviste se présente à l’être vivant dans les domaines de son attention
et de son action. Mais le fait qu’il se présente et les conditions dans lesquelles il le fait,
que l’être vivant ne soit pas une pure et simple chose mais un centre, même si c’est sans
disposer des possibilités de vécu comparables à celles de l’homme, le fait donc que le
monde environnant ne coïncide ni en extension ni en apparence avec l’environnement,
voilà ce que l’éthologie rigoureuse ne saurait un instant perdre de vue.
6 H. Weber1 distingue l’environnement, c’est-à-dire l’ensemble des composantes d’un
espace vital articulées selon des lois, espace au sein duquel nous observons un
organisme et nous le pensons installé, du monde environnant, qui désigne l’ensemble,
dans tout le complexe d’un environnement, des conditions qui permettent à tel
organisme de se maintenir grâce à son organisation spécifique ; Weber envisage aussi,
outre l’environnement resp. le monde environnant actuel, un environnement resp. un
monde environnant potentiel. Cette définition tient compte seulement des possibilités
heuristiques méthodologiques de l’éthologie rigoureuse. Elle se maintient dans le cadre
qui en est constitutif. C’est justement pourquoi elle s’abstient soigneusement de
prendre en compte le caractère d’immédiateté de l’organisme, grâce auquel la notion
de monde environnant chez Uexküll prend tout son sens, et qu’il faut lui conserver en
tout cas si l’on veut se servir de cette notion comme principe régulateur de la
recherche en biologie.
7 En effet, elle constitue ainsi un pont vers une analyse du rapport entre le monde et le
monde environnant chez l’homme, que nous cherchons à observer et à saisir dans
toutes les manifestations de sa vie, c’est-à-dire pas seulement, comme auparavant, dans
ses manifestations d’ordre somatique ; car c’est ainsi que l’idée d’une biologie de la
personne ne restera pas un simple programme. Ce qui jusqu’alors a été fait dans cette
perspective pêche en tout cas par une manière trop simpliste de traiter l’opposition
entre une forme de vie rattachée à un monde environnant et une forme de vie ouverte

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au monde. Ou bien le biologisme remporte la victoire en dégradant l’homme au niveau


d’une vie rattachée à un monde environnant. On peut comprendre que ce soit le cas
chez un chercheur en sciences de la nature, mais qu’un penseur comme Rothacker, si
familier du monde de l’esprit, plaide pour une telle conception, et ce précisément non
dans un sens dégradé, donc aveugle à tout esprit, voilà qui pose de manière plus
expresse le problème de l’application de ce concept de monde environnant à l’homme.
Ou bien le biologisme est écarté en se référant à l’ouverture principielle de l’homme au
monde et en indiquant qu’il n’est pas rattaché à un monde environnant, comme le font
Scheler et Gehlen ; chez ce dernier, il est même intéressant de remarquer à cet égard
qu’il le fait en vue d’une analyse du comportement humain strictement cantonnée au
niveau biologique, et qui embrasse la corporéité [Körperlichkeit], le langage et les
systèmes de l’action.
8 En revanche les deux partis n’ont pas compté avec la possibilité que, chez l’homme, le
rattachement au monde environnant et l’ouverture au monde soient deux attitudes qui
se heurtent et ne valent que dans un rapport d’enchevêtrement qu’on ne peut faire
parvenir à un équilibre, une possibilité qui pourtant tombe sous le sens étant donné sa
« nature » à la fois animale et non animale. Dans mon étude Les degrés de l’organique et
l’homme2 parue en 1928 et oubliée depuis 1933 au profit de celle de Scheler, et dans mon
travail Le rire et le pleurer, d’abord publié en Hollande en 1941 3, cet enchevêtrement
constitue la base aussi bien d’une analyse de la forme de vie humaine que des modes
d’extériorisation caractéristiques de l’homme, qui se sont jusqu’à présent soustraits à la
compréhension. Sans recourir aux analyses catégoriales du vivant, et plus
spécifiquement de ses modes d’être animaux et humains, développées dans le premier
ouvrage cité, nous allons dans ce qui suit tenter d’expliciter ce rapport
d’enchevêtrement qu’on affirme ici chez l’homme entre rattachement au monde
environnant et ouverture au monde.

II.
9 L’idée de monde environnant met l’accent sur la stricte correspondance entre le plan
d’organisation d’un animal et la portion d’un environnement plus vaste qui lui est
appropriée ; portion qui se réfère à lui, c’est-à-dire à sa manière d’être, et qui donc ne
peut en être détachée. Comme une cloche, ce « monde » spécifique d’une espèce
entoure chaque organisme dans ce qu’il peut percevoir et dans ce sur quoi il peut agir.
Répondant aux cycles fonctionnels, déterminés par des organes, de la nourriture, de la
sexualité, de l’ennemi, etc., le monde environnant est un système de rapports de sens
au sein duquel d’emblée seules sont tolérées les excitations dont l’organisme sait quoi
faire, c’est-à-dire qui ont pour lui une importance vitale. Le monde environnant
sélectionne et de ce fait isole, mais de telle manière toutefois qu’il reste possible que
certains « secteurs » de plusieurs mondes environnants se recouvrent partiellement,
lorsqu’il s’agit, par exemple, de symbioses d’alerte. Une submersion sous des
excitations qui n’auraient aucune importance vitale et ne joueraient aucun rôle dans
aucun cycle fonctionnel, du type de celles qui harcèlent à chaque instant l’homme, ne
peut y avoir lieu.
10 Le principe de la correspondance entre plan d’organisation et monde environnant
contient en même temps sa détermination en fonction d’intérêts et sa subjectivité ;
intérêts et sujet entendus dans une acception conforme à l’organisme animal. Les

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cercles fonctionnels entre lui et sa nourriture, sa proie, son ennemi, son compagnon,
son partenaire sexuel, son terrain lient la manière d’être ou d’apparaître, l’étendue et la
situation de ce qui va devenir et rester susceptible de solliciter son attention à ses
possibilités d’action prédéterminées par son organisation et la nécessité biologique.
Monde de la perception et monde de l’action sont corrélatifs. Il leur manque
l’autonomie et le détachement par rapport au contexte fonctionnel biologique, c’est-à-
dire le caractère factuel sur la base duquel l’homme cherche à réaliser et à corriger ses
perceptions et ses actions en un sens objectif.
11 Le caractère sélectif, isolant et de relativité à l’action, propre au monde environnant,
comporte finalement le fait de n’être pas transposable, qui à son tour est opposé à la
capacité humaine de vivre partout et de s’adapter à tout milieu même si c’est en
recourant à des moyens artificiels, et d’être du moins en principe chez soi dans
n’importe quel environnement. Il n’est donc pas possible d’affirmer qu’il y aurait chez
l’homme une nette distinction entre adaptation naturelle et adaptation artificielle.
Précisément parce que, du point de vue strictement biologique, il n’est nulle part chez
lui ni ne peut vivre en toute autonomie, mais doit chercher une nourriture qui lui
convienne et le cas échéant la préparer, nous rencontrons chez lui, même dans les
conditions les plus primitives, des amorces (ou des vestiges) des résultats et des
truchements de son activité planificatrice, qui font partie des conditions de son
existence physique. La relative faiblesse de ses instincts et sa relative non-
spécialisation physique, qui du point de vue vital sont des désavantages, deviennent
pour lui des avantages. Herder avait déjà vu que l’homme était un invalide de ses forces
supérieures. Son champ est le monde, un ordre ouvert d’arrière-plans cachés, sur les
virtualités et les propriétés duquel il compte, dans l’inépuisable richesse duquel il se
replonge sans cesse, aux surprises duquel il est livré quels que soient ses plans.
12 Si, pour reprendre les termes de Uexküll, le champ où se déroule la vie animale ne
connaît de significations que sous la forme de tonalités : tonalité de danger, de
protection, d’utilité, de portage, de grimpage, si donc dans cent mondes environnants
distincts le « même » objet joue un rôle tout à fait différent tantôt avec telles
« parties », tantôt avec telles autres, disparaissant comme il convient de le noter derrière
et dans ce rôle, l’homme est quant à lui capable de mettre entre parenthèses de telles
tonalités de son champ d’existence et d’intérêt, et de maintenir l’unité de l’objet dans et
malgré tous ses aspects. Le monde environnant lié à la vie et déterminé par des
impulsions et des aspirations est plein de tonalités ; le monde des objets et des états de
fait est sans tonalité ; si nous remplaçons « qui est plein de tonalités » par « qui a du
sens », tout monde environnant se présente à son centre vivant comme un ordre de
rapports de sens, tandis que le monde, par contraste, doit être défini comme affranchi
de tout sens.
13 Les tenants de cette théorie, dont font partie les anthropologues actuels d’orientation
philosophique, ne s’opposent que sur la question de savoir à quel degré l’homme est lui
aussi lié à un monde environnant. Qu’en tant qu’être vivant, donc « en-deçà » de sa
structure personnelle qui en fait un être humain, il soit prisonnier de pareils rapports
vitaux et de rétrécissements corrélatifs du champ de vision comme des possibilités
d’action, voilà qui n’est pas sujet à débat. Dans le rapport du congrès de l’Union
professionnelle des psychologues allemands de 1947, W. Witte attirait encore
l’attention sur l’importance pour l’homme à la fois de la perception de la forme et des
schèmes de réalisation (des « actions figées »), et « prenait en considération [les

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différents types de perception] avec leurs composantes expressives et synesthésiques,


avec leurs aspects structurels et représentatifs comme enfin dans leur caractère
objectif et ontotropique ».4 La remarque de Rothacker selon lequel la psychologie a
jusqu’à présent trop peu accordé de valeur, pour la compréhension du monde de
l’homme, à son caractère de monde environnant, n’est donc pas restée sans effet.
Néanmoins, l’énumération qu’il donne des concepts qui témoignent de la présence d’un
monde environnant5 montre que la psychologie de la forme et la psychologie
structurelle sont manifestement parvenues à des connaissances semblables
indépendamment des réflexions de Uexküll.
14 Au moins doit-on reconnaitre que transposer le concept de monde environnant à
l’homme en tant qu’être de culture, ce qu’entreprend Rothacker – certes à juste titre au
premier abord –, pose un problème plus difficile qu’il ne le suppose et Uexküll avec lui.
En effet, chez l’homme, le caractère de monde environnant propre à son cadre
d’existence et ses significations et rapports vitaux se détache sur le fond au moins
implicitement présent d’un monde. De même que pour l’homme l’environnement se
perd possiblement dans le temps et l’espace, même lorsque pour lui cette ouverture ne
signifie rien du point de vue pratique et culturel ou du point de vue théorique (par
exemple dans les conditions de vie qu’on appelle primitives ou archaïques), de même
que toute chose, outre l’impression subjective que l’homme a d’elle et le rapport de
maniement qu’il établit avec elle, continue d’avoir pour lui son caractère propre, tout le
lien de l’homme au monde environnant est quelque chose qui est acquis puis conservé,
il n’est pas tout simplement donné avec la nature de son corps, mais – et ce parce que
grâce à cette dernière son lien au monde environnant est maintenu ouvert – est
fabriqué et s’est développé naturellement uniquement en un sens dérivé. L’exemple
souvent cité d’une même forêt qui est tantôt réserve de bois pour le paysan, tantôt,
pour le commerçant, tant de stères exploitables, tantôt, pour le chasseur, réserve de
chasse, pour le garde-forestier domaine et varenne, pour le fugitif, un abri et une
cachette, pour le poète, sylve, pour le promeneur et l’autochtone, paysage, pour le
botaniste, forêt mixte, etc. montre, à travers la mise en évidence de rapports du monde
environnant à des professions et des attitudes, que ces différents aspects ou
physionomies changeants peuvent en même temps être mis de côté, être articulés, et
être aussi fondés. Paysan, forestier, chasseur, fugitif, promeneur ont conscience les uns
des autres et du fait que les aspects qu’ils perçoivent de leur environnement sont
déterminés par leur situation, aspects qui, le cas échéant, peuvent d’ailleurs se trouver
réunis chez une seule et même personne. Non seulement du point de vue de celui qui
l’observe, mais aussi du point de vue de celui qui interfère avec elle dans un but
intéressé, la forêt demeure en soi finalement la même, « finalement » marquant le
caractère inconstant et occasionnel de l’aspect déterminé par tel ou tel intérêt.
15 La situation ainsi diversement changeante de l’homme, tenant à son peuple, à sa
région, à sa classe, à sa profession, à sa confession, conduit par le biais de traditions et
de l’orientation de ses intérêts à des préférences, des préjugés, et même des
anticipations dans le champ de la perception spécifiques, par rapport au pouvoir
isolant et distinctif desquels l’humanisme quotidien passe trop aisément outre. Les
individus ont différents seuils d’excitation, psychologiques et biologiques, mais ils ne
sont pas les seuls à en disposer : les peuples, les états [Stände], les classes, et les
professions comportent aussi de tels seuils, et lorsque Rothacker veut étendre le
concept de seuil d’excitation à des unités entières d’ordre spirituel en parlant de seuils
de culture, en faisant allusion à Spengler, par exemple (mais il pourrait tout aussi bien

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rappeler les travaux de Max et d’Alfred Weber en sociologie de la culture), ce n’est pas
dénué de sens. Mais la question se pose de savoir si la structure sélective, isolante et
liée à tels intérêts d’une culture justifie qu’on la considère comme un monde
environnant même d’un ordre supérieur. Les rapports vitaux de la culture ne se
résument pas à des forces de champ ni à des rapports de maniement ; ils modifient au
contraire ceux-ci à leur image, en fonction de ce qui leur importe, et respectent, peu
importe en quel sens, le caractère qu’ont en soi – quoique de leur point de vue, certes –
les choses, le cosmos, l’être.
16 L’homme trouve son chez soi aussi – ou plus exactement : seulement au sein d’un cadre
d’existence portant l’empreinte d’une culture. Les domaines de la familiarité, de
l’évidence et du naturel se situent sur un plan qui relève spécifiquement de l’esprit :
paysage du pays natal, langue maternelle, famille et mœurs, tradition, ordre social,
modèles, sa propre ville, sa rue, son toit, sa chambre, les objets et tout le train-train de
la vie. Mais que sont ces cadres et ces sentiers protecteurs de notre existence sans
l’étranger dont ils nous préservent, sans le monde avec lequel un rapport s’établit
même s’il nous est inaccessible et reste peut-être insondable ? C’est seulement sur le
fond ouvert d’un monde qui ne se réduit plus à des rapports vitaux, un monde qui le
met dans des situations imprévisibles et avec qui il doit sans cesse passer de nouveaux
et fragiles compromis que l’homme se tient dans cet équilibre fluctuant d’une culture
toujours menacée et qui a sans cesse besoin d’être à son tour protégée. Ce que l’on
considère comme le caractère de monde environnant de la culture repose dans la
cohésion relative qu’on atteint à travers toute prise de position face à des œuvres, avec
chaque attitude et chaque donation de forme. C’est une partialité qui s’est développée
dans le temps, une partialité acquise, préservée par le biais de traditions, et dans
laquelle tombent les hommes lorsqu’ils ne sont pas conscients de la limitation de leurs
valeurs, des formes de leur socialité, etc. Lorsque pareille conscience leur échappe – or
la vie ordinaire ne permet pas de maintenir l’attention sur notre propre cadre
d’existence –, elle se mue en une conscience de familiarité et d’évidence : toute chose
doit être « en vérité » comme elle est habituellement.
17 Le lien à des intérêts, la non-transposabilité et le caractère sélectif du système spirituel
d’une langue, d’une coutume, d’une tradition et d’une hiérarchie de valeurs dans leur
évidence pour les groupes qui vivent au sein de ce système et avec lui montrent ainsi la
fermeture spécifique d’un « monde environnant » par rapport à l’extérieur et son
ouverture interne. Son caractère restreint, qui saute aux yeux de l’observateur
(historien, sociologue, psychologue) quand il considère d’autres systèmes, s’accorde
manifestement avec l’illimitation et la naturalité que la vie en lui possède grâce à ces
œillères. Quoi de plus naturel que d’assimiler du point de vue formel cette situation à
celle de la vie d’une libellule ou d’une étoile de mer, où ne surgissent que des « objets »
propres aux libellules ou aux étoiles de mer sous leur aspect d’absolue familiarité et
illimitation que ces organismes doivent aux œillères de leur plan d’organisation ?
18 Mais cette fermeture par rapport à l’extérieur et cette ouverture interne, cette
familiarité et cette évidence d’un espace vital spirituel au sein duquel nous autres
hommes nous développons, chacun dans des traditions différentes, dans lesquelles
nous pouvons même rester enfermés par la force des habitudes si nous ne sommes pas
capables de nous soustraire à leur zone d’influence ou si nous n’en sommes pas
arrachés, ne justifient pas que l’on considère cet espace vital comme un monde
environnant, ni au singulier ni au pluriel. De même qu’un appareil spirituel constitué

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d’une langue, de valeurs, de biens et de mœurs reste, en dépit de toute sa fermeture et


de toute sa non-transposabilité, en même temps ouvert vers l’extérieur et jette des
ponts vers d’autres appareils spirituels antérieurs ou présents dans le monde qu’il
partage avec eux, garantissant ainsi des aperçus vers une vie de l’esprit étrangère, de
même il se détache clairement par rapport aux liaisons purement vitales et
émotionnelles, qui sont elles aussi du type d’un monde environnant, et où nous les
hommes vivons avec notre personnalité profonde de manière préconsciente, affective
et instinctive. Que l’on applique le schéma de Uexküll à ces liens élémentaires,
commandés par l’instinct, sentimentaux, prisonniers de l’existence corporelle, soit ;
mais face aux réalisations spécifiques à l’existence humaine, il perd son sens. Car ces
réalisations sont gagnées sur des réalités dénuées de sens quoiqu’accessibles, et non
guidées, comme les réalisations de l’existence animale, par des tonalités et abritées par
elles, mais menacées par l’excès de leur poids désormais inaccessible en teneur propre,
en tournure dissimulée, incertaine ; mises en danger par l’irruption du non-sens et de
l’absurde sur le fond ouvert desquels seulement sens et tournure acquièrent leur
contenu.

NOTES
1. H. Weber : « Zur Fassung und Gliederung eines allgemeinen biologischen Umweltbegriffes »,
in : Die Naturwissenschaften. Wochenschrift für die Fortschritte der reinen und der angewandten
Naturwissenschaften, éd. par Fritz Süffert, 27e année, n° 38, Berlin, 1938, p. 633-644.
2. [Die Stufen des Organischen und der Mensch, désormais in Gesammelte Schriften, vol. IV ; N.d.E.]
3. [Lachen und Weinen, in : Gesammelte Schriften, vol. VII. Traduction française : Helmuth Plessner :
Le rire et le pleurer. Une étude des limites du comportement humain, Paris, Éditions de la Maison des
sciences de l'homme 1995 ; N.d.E.]
4. W. Witte : « Experimentalpsychologische Grundlagen der Lehre von der menschlischen
Umwelt », in : Charakterologische Schriften des Berufsverbandes Deutscher Psychologen, n° 1
(Kongreßbericht des Berufsverbandes, Bonn, 29 août – 2 septembre 1947, vol. 1), Hambourg, 1948,
p. 87-102 ; citation p. 96.
5. E. Rothacker : « Probleme der Kulturanthropologie », in : Systematische Philosophie, éd. par N.
Hartmann, Stuttgart / Berlin : Kohlhammer, 1942, p. 55-198 (cf. p. 161).

INDEX
Mots-clés : Plessner, monde, monde environnant
Schlüsselwörter : Plessner, Welt, Umwelt

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AUTEURS
HELMUTH PLESSNER
Helmuth Plessner (1892-1985) était un philosophe et sociologue allemand. Pour plus
d’informations, voir la notice suivante.

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Commentaire éditorial
Sur : Helmuth Plessner, « Sur le rapport entre monde et monde
environnant chez l’homme » (1950), in : id. : Gesammelte Schriften,
tome VIII : Conditio humana, Francfort-sur-le-Main : Suhrkamp, 1983,
p. 77-87.

Thomas Ebke et Guillaume Plas

1 L’article d’Helmuth Plessner « Sur le rapport entre monde et monde environnant chez
l’homme », de 1950, que nous publions ici pour la première fois en traduction française,
est tout particulièrement représentatif des préoccupations théoriques de son auteur
après 1945. Dès son titre, il affiche l’une des distinctions directrices, voire même la
distinction directrice de toute Anthropologie philosophique : celle entre le concept de
« monde » et celui de « monde environnant ». Développer et expliquer cette opposition,
c’est donc examiner le cœur théorique même de l’« école de pensée » de
l’Anthropologie philosophique telle qu’elle s’est consolidée, si l’on suit les analyses de
Joachim Fischer, au cours des années 19501. Voilà donc le but des développements qui
suivent, que nous faisons précéder d’une brève situation de cet article dans l’œuvre de
Plessner.
2 À partir de 1946, suite à son retour d’exil en Hollande où il avait fui le régime nazi en
1933, Plessner ne cessa de décliner dans de nombreux textes et conférences 2 la
distinction qui était déjà centrale dans son œuvre majeure, Les degrés de l’organique et
l’homme, entre les concepts de « monde environnant » et de « monde ». Ainsi, dans des
répétitions pour certaines même mot pour mot, Plessner intégra certains passages de
« Sur le rapport entre monde et monde environnant chez l’homme » dans son grand
article « La question de la Conditio humana » de 19613, qui constitue une tentative de
situation fondamentale, programmatique, de son propre lieu de pensée au croisement
de la philosophie, de la biologie et de la sociologie. Plessner, qui avait reçu une
formation de zoologue et avait conçu à l’origine un projet de thèse dans cette
discipline, qui aurait porté sur les processus régénératifs des étoiles de mer, fut nommé
professeur de sociologie à Göttingen en 1952, après avoir été professeur ordinaire de
philosophie à l’université de Groningen à partir de 1946. Herbert Schöffler, l’un de ses
proches depuis leurs études communes à l’université de Cologne dans les années 1920,
et qui était depuis 1944 doyen de la faculté de philosophie de Göttingen, lui avait

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proposé de prendre la succession de Nicolai Hartmann sur l’une des chaires de


philosophie de Göttingen, mais Plessner avait refusé cette première offre, qui incluait
un poste de professeur temporaire de sociologie jusqu’à l’éméritat de Hartmann. 4 Cette
biographie académique incertaine a joué un rôle non négligeable – aux côtés de la
légitimité intrinsèque du projet – dans le fait que Plessner, dans les années précédant et
suivant sa nomination à Göttingen, travailla à une mise en lien inédite de
questionnements de natures biologique, philosophique, anthropologique et
sociologique.
3 Du point de vue systématique, la distinction entre les concepts de monde environnant
et de monde à laquelle il procède, comme le titre lui-même le fait déjà apparaître, doit
être comprise de la façon suivante : les êtres humains peuvent et en réalité doivent
toujours adopter un comportement à l’égard du monde, ce qui signifie une rupture de
l’unité charnelle, de l’étroite imbrication de leur organisme et de leur monde
environnant (sur ce motif théorique d’unité, qui remonte à Uexküll, cf. l’article
d’Etienne Bimbenet dans ce numéro). Le point central de l’argumentation de Plessner
consiste, ici comme dans ses autres publications telles que Les degrés de l’organique et
l’homme, à dire que « l’ensemble de ce qui le lie au monde environnant est chez
l’homme quelque chose qui est acquis et conservé5 » ; qu’il n’est « pas simplement
donné avec la nature de son corps, mais – et parce que grâce à cette dernière son lien
au monde environnant est maintenu ouvert – [qu’il] est fabriqué et se développe
naturellement uniquement en un sens dérivé6 ». Autrement dit, Plessner rejette le
modèle corrélationniste de l’organisme et du monde environnant développé par Jakob
von Uexküll, d’après lequel chaque être vivant a « son » monde environnant, qu’il
structure de manière spécifique selon les situations devant lesquelles le placent son
existence et ses capacités d’évolution et d’action particulières. En se basant sur cette
imbrication de l’organisme et de son monde environnant, Uexküll avait introduit la
thèse selon laquelle l’être vivant est « un sujet […] qui vit dans un monde à lui, et dont il
est le centre7 ». Or, il est hautement caractéristique de toute la façon de penser de
Plessner qu’il ne fasse précisément pas sienne cette fondation biologique de la
subjectivité – et l’on pourrait dire également : cette réédition du primat du sujet sur la
base cette fois-ci d’une philosophie de la vie –, mais qu’il en montre bien au contraire
toutes les failles. C’est là en effet un élément clé qui permet de faire ressortir sa
conception dans toute son originalité : abaisser la structure de la subjectivité pour la
placer dans l’immanence, c’est-à-dire dans le centrement intérieur de sa propre
charnellité, c’est en effet une stratégie parfaitement caractéristique de la pensée
postmétaphysique du XXe siècle. L’idée que l’homme est pour ainsi dire pris « en lui-
même » et qu’il se comprend et se projette « en s’extrayant de lui-même » est un motif
théorique que l’on retrouve notamment chez Heidegger – même si ce dernier s’est bien
gardé de mobiliser la catégorie de la chair pour définir ce qui distingue le « Dasein » ;
en réalité, ce contournement du concept de chair n’entrave en rien la signification
paradigmatique, pour Heidegger également, de cette idée fondamentale selon laquelle
l’homme est une instance qui a en soi son propre centre et est en même temps
positionnée pour ainsi dire extatiquement en dehors d’elle-même. Quoi qu’il en soit, il
est important de noter que selon Plessner, les éléments de spontanéité, de familiarité
préréflexive avec le monde environnant organique et d’immédiateté du contact avec
celui-ci sont entravés chez l’être humain : dans sa situation, ces « incorporations » de
l’organisme dans le milieu perdent pour ainsi dire leur caractère d’automatisme. Elles
ne peuvent, à la différence de la situation des animaux, être simplement vécues, mais

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s’avèrent au contraire médiatisées ; elles doivent d’abord être instaurées, prendre forme
de manière artificielle, par des biais socioculturels. Cela signifie également que les liens
entre organisme et monde environnant chez l’homme, qui n’harmonisent donc pas en
eux-mêmes, peuvent aussi « faire défaut » à ce dernier : ils sont problématiques dans le
sens que l’avoir charnel du propre corps – ce qui spécifie sa vie de mammifère
supérieur – peut échouer de manière temporaire ou chronique, en d’autres termes : que
l’instauration d’un contact authentique avec le monde environnant peut échouer.
4 Le texte présenté ici montre l’usage différencié que fait Plessner de la théorie
uexküllienne du monde environnant, y compris de ses vastes implications
philosophiques que nous venons d’évoquer. Il commence par lui rendre hommage,
saluant le fait qu’elle ait dépassé les « critères anthropomorphes 8 » qui avaient cours
dans les modèles interprétatifs développés jusqu’alors pour décrire les comportements
biologiques. Plessner met cependant bien vite en évidence qu’il est néanmoins
illégitime de vouloir décrire le comportement spécifique de l’homme à l’aide d’une
analyse des rapports entre monde environnant et organisme : « Monde environnant et
monde sont des concepts opposés dans leur application aux animaux et à l’homme, et
restent dans leur relation d’opposition référés l’un à l’autre, mais de telle manière que
le ‹monde environnant› se détache d’une base et d’un arrière-plan qui ne lui sont pas
accessibles et qu’on appelle monde, tandis que le ‹monde› en tant que tel autorise
certes la formation d’un environnement mais sans y être référé 9. » Il voit dans la
réduction opérée par Uexküll du concept de monde au concept de monde environnant
une naturalisation du monde « immanent » kantien, compris comme l’unité de la
réalité pratique et de la réalité théorique de la raison humaine. La réappropriation par
Uexküll de l’idée kantienne d’une totalité immanente du monde constitue cependant, à
ses yeux, un « vitalisme bien tangible10 », auquel il apporte une correction tout à fait
spécifique : son apport argumentatif consiste en une dissociation du concept de monde
environnant de celui de « monde », compris comme pur négatif (une « base et arrière-
plan » non accessibles, cf. supra), et qui seul permet la corrélation de l’homme avec son
monde environnant sans pour autant que l’on puisse jamais lui substituer un monde
environnant particulier.
5 Ainsi, lorsque Plessner évoque dans son texte des recherches programmatiques en vue
d’une « biologie de la personne » dont la thèse fondamentale d’Uexküll serait
susceptible de préparer le terrain, il ne faut surtout pas commettre l’erreur de lire cette
formulation dans le sens d’une biologisation du statut de personne. Il serait davantage
adéquat de la comprendre comme double génitif, de l’objet et du sujet : Plessner pose la
question de la manière dont le mouvement, constitutif de la totalité du vivant (et en ce
sens « biologique »), de mise en lien de l’organisme et de son monde environnant se
produit chez la personne, au sens de la forme de vie spécifique à l’homme. Cette
perspective donnée à la question conduit à une toute autre thèse que celle selon
laquelle on pourrait décrire l’existence personnelle exclusivement à l’aide de catégories
biologiques. Dans ce contexte, la pique de Plessner à l’encontre d’Erich Rothacker est
particulièrement instructive : la naturalisation du problème du monde des personnes
est une erreur que l’on pourrait encore comprendre si elle était commise par « un
chercheur en sciences de la nature », explique-t-il11, mais de la part « d’un penseur à
qui le monde de l’esprit est aussi familier que Rothacker 12 », une telle réduction est
inexcusable. Par cette parenthèse polémique, Plessner fait allusion à une discussion
qu’il menait alors depuis plusieurs mois avec son collègue de Bonn, et qu’il avait eu
l’occasion de prolonger de vive voix quelques semaines plus tôt, à l’occasion du Congrès

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allemand de philosophie qui s’était tenu à Brême, et lors duquel tous deux avaient
participé à un symposium sur « Le problème de l’environnement 13 ». Rothacker y avait
fait valoir sa thèse, quant à elle biologisante et spécifique au sein de l’Anthropologie
philosophique, selon laquelle si l’homme se caractérise effectivement par sa faculté à
prendre réflexivement de la distance par rapport à son monde environnant, il n’en vit
pas moins la plupart du temps au sein d’un tel monde environnant préreflexif, qui n’a
pour seule différence comparé au monde environnant de l’animal que d’être une
construction, découlant des intérêts propres à chaque individu, issus eux-mêmes de sa
culture, de ses activités notamment professionnelles, etc. Dans la thèse communément
partagée selon laquelle l’homme se distingue par sa capacité à s’ouvrir à un monde
désubjectivisé, Rothacker mettait donc davantage l’accent sur la connotation
restrictive de cette « capacité » (portant en elle l’indication qu’elle n’est pas
constamment opératoire), rapprochant ainsi à la suite d’Uexküll l’homme de l’animal, là
où Plessner, déjà, soulignait au contraire la portée spécifiante de cette capacité
humaine à l’objectivation au sein du vivant. Que Plessner fasse référence précisément à
Rothacker dans ce contexte peut néanmoins également être lu, de manière accessoire,
comme une explicitation de sa conférence sur « L’homme et l’animal » de 1946 lors de
laquelle il avait déclaré que les êtres humains venaient de percevoir l’actualité de la
question de la ligne de démarcation entre l’homme et l’animal « dans leur propre
chair » : en effet, la réduction de l’ouverture au monde à des rattachements affectifs et
familiers à un monde environnant est, comme il l’avait alors expliqué fort justement,
une démarche qui invite véritablement à charger le monde environnant « que l’on
éprouve comme sa patrie » d’une connotation totalitaire, à absolutiser, comme l’avait
fait Rothacker à partir de 1933 dans sa théorie des « Lebensstile », des « styles de vie »
censés pourtant être des produits d’histoires spécifiques.
6 C’est aussi sur fond de ce contexte historico-politique, et non seulement sur celui de la
question du rapport entre philosophie et biologie, qu’apparaît dans tout son tranchant
l’idée centrale de l’Anthropologie philosophique, qui est exprimée de manière
particulièrement saillante dans l’article que nous présentons ici : « Le monde
environnant corrélatif de la vie et déterminé par des impulsions et des aspirations est
plein de tonalités ; le monde des objets et des états de chose est sans tonalité ; si nous
supposons que ce qui a du sens est plein de tonalités, tout monde environnant se
présente à son centre vivant comme un ordre de références sensorielles tandis que le
monde, par contraste, doit être défini comme affranchi de tout sens 14. »
L’Anthropologie philosophique n’inscrit justement pas l’être humain dans le « centre
vivant » des références sensorielles. Elle rappelle au contraire qu’il ne peut vivre une
vie emplie de réalité sensorielle que depuis une position qui est en soi exposée à
« l’absence de sens », à ce qui est à l’opposé de tout ce qui fait notre vie, au monde
entendu comme le vide de la pure négativité.

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BIBLIOGRAPHIE
Fischer, Joachim (2008) : Philosophische Anthropologie. Eine Denkrichtung des 20. Jahrhunderts,
Fribourg en Brisgau / Munich : Alber.

Plas, Guillaume (2012) : « Überholt oder unzeitgemäß? Erich Rothackers Nichtrezeption in der
deutschen Philosophie der unmittelbaren Nachkriegszeit », in : Müller, E. (éd.) : Forum
Interdisziplinäre Begriffsgeschichte, 1 (2), p. 109-114.

Plessner, Helmuth (éd.) (1952) : Symphilosophein. Bericht über den Dritten Deutschen Kongreß für
Philosophie Bremen 1950, Munich : Leo Lehnen Verlag.

Plessner, Helmuth (1983a) : « Die Frage nach der Conditio humana », in : id. : Gesammelte Schriften
Band VIII : Conditio humana, Francfort-sur-le-Main : Suhrkamp, p. 136-270.

Plessner, Helmuth (1983b) : « Mensch und Tier », in : id. : Gesammelte Schriften Band VIII : Conditio
humana, Francfort-sur-le-Main : Suhrkamp, p. 52-65.

Plessner, Helmuth (1983c) : « Über das Welt-Umweltverhältnis des Menschen », in : id. :


Gesammelte Schriften Band VIII : Conditio humana, Francfort-sur-le-Main : Suhrkamp, p. 77-87 ;
trad. fr. : « Sur le rapport entre monde et monde environnant chez l’homme », trad. par M. de
Launay, dans trivium, 25|2017.

Uexküll, Jakob von (1956) : Streifzüge durch die Umwelten von Tieren und Menschen. Ein Bilderbuch
unsichtbarer Welten. Bedeutungslehre, Reinbek bei Hamburg : Rowohlt.

NOTES
1. Fischer (2008), p. 235-291.
2. Sa première conférence sur le sujet fut celle qu’il tint à Hambourg en 1946 sous le titre
« L’homme et l’animal », lors d’un congrès commémorant le 300 e anniversaire de la naissance de
Leibniz, et dans l’introduction et les remerciements de laquelle il appela la « question de la
démarcation entre l’homme et l’animal » « une question dont nous avons perçu l’actualité dans
notre propre chair ». Cette conférence à Hambourg fut la première apparition que fit Plessner en
Allemagne dans un cadre universitaire après son exil forcé en 1933. Cf. Plessner (1983b).
3. Comparer notamment Plessner (1983c), p. 85 avec Plessner (1983a), p. 185.
4. Sur tout cet arrière-plan, cf. Fischer (2008), p. 208 sqq.
5. Plessner, « Sur le rapport entre monde et monde environnant chez l’homme », dans le présent
numéro de Trivium (Plessner ([2017]).
6. Plessner (2017).
7. Uexküll (1956), p. 24.
8. Plessner (2017).
9. Plessner (2017).
10. Plessner (2017).
11. Plessner (2017).
12. Plessner (2017).
13. Plessner (1952), p. 323-353. Cf. à ce sujet Plas (2012).
14. Plessner (2017).

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INDEX
Mots-clés : Plessner, Anthropologie philosophique, monde, monde environnant
Schlüsselwörter : Plessner, philosophische Anthropologie, Welt, Umwelt

AUTEURS
THOMAS EBKE
Thomas Ebke est assistant de recherche à la chaire de philosophie politique et d’Anthropologie
philosophique à l’Université de Potsdam. Pour plus d’informations, voir la notice suivante.

GUILLAUME PLAS
Guillaume Plas est lecteur de français au Frankreich-Zentrum de l’Université de Freiburg. Pour
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Editorischer Kommentar
Zu: Helmuth Plessner, »Über das Welt-Umweltverhältnis des Menschen«
(1950), in: ders.: Gesammelte Schriften Band VIII: Conditio humana,
Frankfurt/M.: Suhrkamp Verlag, 1983, S. 77–87.

Thomas Ebke et Guillaume Plas

1 Helmuth Plessners Aufsatz »Über das Welt-Umweltverhältnis des Menschen« von 1950,
der im Kontext dieses Heftes erstmals in französischer Übersetzung erscheint und der
französischen Leserschaft zugänglich gemacht wird, ist in besonderem Maße
repräsentativ für die Themen- und Problemstellungen, die Plessners Denken nach 1945
bewegt haben. Dieser Text führt schon in seinem Titel eine, wenn nicht die für jegliche
Philosophische Anthropologie leitende Unterscheidung ein: die Differenz zwischen den
Begriffen der »Umwelt« und der »Welt«. Diese Gegenüberstellung ein wenig zu
entpacken und zu erläutern bedeutet im Grunde auch, den Angelpunkt der
»Denkbewegung« von Philosophischer Anthropologie überhaupt, wie sie sich in den
1950er Jahren, der Einschätzung Joachim Fischers zufolge, konsolidiert hat 1, zu
untersuchen. Dies soll, nach einer knappen werkgeschichtlichen Verortung, im
Folgenden geschehen.
2 Nach seiner Rückkehr aus dem niederländischen Exil, wohin er, von den
Nationalsozialisten verfolgt, 1933 geflohen war, spielte Plessner ab 1946 2 in
zahlreichen, einander inhaltlich oft verwandten Vorträgen und Texten die für ihn
schon seit seinem Hauptwerk Die Stufen des Organischen und der Mensch (1928)
maßgebliche Abgrenzung zwischen den Begriffen der »Umwelt« und der «Welt» wieder
und wieder durch. In teils wortwörtlicher Wiederholung reaktualisierte Plessner einige
Passagen aus »Über das Welt-Umweltverhältnis des Menschen« 1961 in seinem groß
angelegten Aufsatz »Die Frage nach der Conditio humana«3, den man als Versuch einer
grundsätzlichen programmatischen Standortbestimmung auch zwischen den
Disziplinen der Philosophie, der Biologie und der Soziologie lesen kann. Plessner, der
von Hause aus studierter Zoologe war und sich mit dem Projekt einer Dissertation in
diesem Fach über regenerative Prozesse bei Seesternen getragen hatte, wurde 1952,
nachdem er ab 1946 zunächst ein Ordinariat für Philosophie an der Universität
Groningen bekleidet hatte, Professor für Soziologie in Göttingen. Herbert Schöffler, ein
Vertrauter Plessners aus gemeinsamen Jahren an der Universität Köln in den 1920er

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Jahren und seit 1944 Dekan der Philosophischen Fakultät in Göttingen, hatte Plessner
die Nachfolge auf dem philosophischen Lehrstuhl Nicolai Hartmanns in Göttingen in
Aussicht gestellt: Plessner jedoch sollte das entsprechende Angebot Schöfflers, das eine
temporäre Professur für Soziologie bis zur Emeritierung Hartmanns vorsah, ablehnen. 4
Werkgeschichtlich ist in jedem Fall bedeutsam, dass Plessner in den Jahren vor und
nach seiner Berufung auf die Soziologieprofessur in Göttingen an einer originären
Vermittlung biologischer, philosophischer, anthropologischer und soziologischer
Problemkreise arbeitete: eine Vermittlung, die ihre sachliche Berechtigung, aber auch
einen zusätzlichen Grund in Plessners unentschiedener akademischer Biographie in
dieser Zeit hatte.
3 Systematisch lässt sich die Differenzierung zwischen den Begriffen der Umwelt und der
Welt, die Plessner in seinem Aufsatz, wie allein der Titel schon signalisiert, verfolgt, so
verstehen: Dass menschliche Lebewesen sich zur Welt verhalten (können und auch
immer schon müssen), bedeutet den Bruch mit der leiblichen Einheit, der korrelativen
Verklammerung von Organismus und Umwelt (zu dieser auf Uexküll zurückgehenden
Einheitsfigur siehe den Artikel von Étienne Bimbenet im vorliegenden Heft). Plessners
argumentativer Hauptpunkt ist – hier wie in seinen anderen Schriften, gerade auch in
den Stufen –, dass »die ganze Umweltbindung beim Menschen ein erworbenes und
bewahrtes Wesen«5 hat, dass sie »nicht mit der Natur seines eigenen Leibes einfach
gegeben, sondern – weil kraft ihrer offengelassen – gemacht und nur in übertragenem
Sinne natürlich gewachsen«6 ist. Anders gesagt, Plessner verwirft Jakob von Uexkülls
korrelationistisches Modell von Organismus und Umwelt, wonach jedes Lebewesen
»seine« Umwelt hat, die es nach seinen Lebenserfordernissen und
Aktionsmöglichkeiten spezifisch strukturiert. Auf diese aktionsrelative
Verklammerung von Organismus und Umwelt hatte Uexküll den Gedanken begründet,
das Lebewesen sei »ein Subjekt […], das in einer eigenen Welt lebt, deren Mittelpunkt es
bildet«.7 Für die gesamte Stoßrichtung von Plessners Ansatz ist es nun höchst
kennzeichnend, dass er diese biologische Grundlegung von Subjektivität – und man
könnte zugleich sagen: diese Wiederauflage des Primats des Subjekts auf der Basis einer
Philosophie des Lebens – eben nicht mitmacht, sondern in ihre Schranken weist. Wir
finden hier in der Tat einen Schlüssel, um Plessners Konzeption in ihrer Originalität
freilegen zu können: Ist doch die Tieferlegung der Struktur von Subjektivität in die
Immanenz, d. h. in die innere Zentrierung der eigenen Leiblichkeit eine absolut
charakteristische Strategie des nachmetaphysischen Denkens des 20. Jahrhunderts.
Dass der Mensch gleichsam »in sich« steckt, um sich »aus sich selbst heraus« zu
verstehen und zu entwerfen, ist eine gedankliche Figur, die sich nicht zuletzt bei
Heidegger findet – auch wenn dieser es sorgsam vermieden hat, für seine Auszeichnung
des »Daseins« die Kategorie des Leibs in Anspruch zu nehmen. Der auch für Heidegger
paradigmatischen Bedeutung dieses Grundgedankens, den Menschen als eine in sich
zentrierte, gleichsam ekstatisch aus sich herausstehende Instanz zu bestimmen, tut
diese Umgehung des Leibbegriffs freilich keinen Abbruch. Wichtig ist jedenfalls, dass
Plessner die Elemente der Spontaneität, der vorreflexiven Eingespieltheit auf die
organische Umwelt und der Unmittelbarkeit des Kontakts mit dem Milieu bei
menschlichen Lebewesen durchbrochen sieht: In der Lage des Menschen sind diese
»Einpassungen« des Organismus in die Umwelt gleichsam desautomatisiert. Sie können
nicht, wie es Tiere tun, schlicht (aus-) gelebt werden, sondern erweisen sich als
vermittelt, als immer erst einzurichtende, künstlich und soziokulturell zu formende
Beziehungen nach Außen. Das heißt auch, dass die Bindungen zwischen Organismus

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und Umwelt beim Menschen, die eben nicht von innen her aufeinander eingespielt
sind, dem Menschen auch »wegbrechen« können: Sie sind fraglich und problematisch
in dem Sinne, dass das leibliche Haben des eigenen Körpers – worin seiner das »Leben«
höherer Säuger letztlich aufgeht – temporär oder chronisch auch fehlschlagen, dass
also die Einrichtung eines intakten Kontakts zur Umwelt misslingen kann.
4 Der hier vorgelegte Aufsatz zeigt nun Plessners differenzierten Umgang mit der
Uexküllschen Umwelttheorie inklusive ihrer eben angedeuteten philosophisch
weiterreichenden Implikationen. Einleitend honoriert er das Verdienst dieser Theorie,
»anthropomorphe Maßstäbe«8 für biologische Verhaltenskonzeptionen überwunden zu
haben. Doch inwiefern es illegitim ist, auch das spezifisch menschliche Verhalten aus
der Erforschung der Wechselbeziehungen von Umwelt und Organismus heraus zu
beschreiben, macht Plessner alsbald klar: »Umwelt und Welt sind Gegenbegriffe […],
doch so, dass Umwelt sich von einem selbst nicht zugänglichen Hinter- und
Untergrunde, Welt genannt, abhebt, während Welt als solche zwar Umweltbildung
erlaubt, doch auf sie nicht angewiesen ist.«9 Plessner versteht Uexkülls Einschmelzung
des Weltbegriffs auf den Umweltbegriff als eine Naturalisierung von der »immanenten«
Welt Kants als Einheit von praktischer und theoretischer Wirklichkeit der
menschlichen Vernunft. Uexkülls Wiederholung von Kants Idee einer immanenten
Totalität der Welt sei jedoch »handfester Vitalismus«10, dem Plessner durch eine
spezifische Korrektur entgegentritt: Plessners argumentativer Einsatz besteht in der
Tat in einer neuen Entflechtung des Umweltbegriffs von »Welt« als einem reinen
Negativ (ein »selbst nicht zugängliche[r] Hinter- und Untergrunde«, s. o.), das dem
Menschen allererst die organische Korrelation zur Umwelt möglich macht, ohne je
durch irgend eine partikulare Umwelt ersetzt werden zu können.
5 Wenn Plessner in seinem Text also von programmatischen Forschungen zu einer
»Biologie der Person« spricht, denen Uexkülls Haupteinsicht den Weg ebnen könnte, so
ist diese Formulierung nicht im Sinne einer Biologisierung des Personstatus
misszuverstehen. Einleuchtender wäre wohl, hier von einem doppelten Genitiv
(obiectivus und subiectivus) aus zu denken: Plessner fragt nach der Weise, in der die für
alles Lebendige konstitutive (insofern »biologische«) Bewegung der Organismus-
Umwelt-Vermittlung der Person, d. h. der spezifisch menschlichen Lebensform,
gegeben ist. Diese Akzentuierung läuft gerade auf eine andere These hinaus als auf die
Behauptung, man könne Personalität restlos in biologischen Kategorien auffassen.
Interessant ist in diesem Zusammenhang Plessners Spitze gegen Erich Rothacker: Die
Naturalisierung des Weltproblems von Personen könne man zwar noch nachvollziehen,
wo sie »einem Naturforscher«11 unterlaufe, aber bei einem »mit geistiger Welt so
vertrauten Denker wie Rothacker«12 sei diese Reduktion schon unverzeihlich. Mit
diesem polemischen Schlenker spielt Plessner auf eine Diskussion an, die er bereits
über mehrere Monate hinweg mit Rothacker austrug, und die er nach einigen Wochen
persönlich mit ihm fortzusetzen Gelegenheit haben sollte, und zwar anlässlich des
damals in Bremen stattfindenden Deutschen Kongresses für Philosophie, wo beide
Autoren gemeinsam an einem Symposion über »Das Problem der Umwelt« beteiligt
waren.13 Hier hatte Rothacker seine ihresteils biologistische und im Gesamtensemble der
Philosophischen Anthropologie spezifisch gelagerte These geltend gemacht, wonach
der Mensch, so sehr er sich in der Tat durch seine Fähigkeit ausnimmt, reflexiv Distanz
zu seiner Umwelt einzunehmen, nichtsdestotrotz überwiegend in einer solchen
präreflexiven Umwelt lebt, deren einzige Differenz im Vergleich mit der Umwelt des
Tiers darin besteht, eine Konstruktion zu sein, die den eigentümlichen Interessen jedes

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Individuums entspringt, welche ihrerseits aus dessen Kultur, insbesondere aus seinen
beruflichen Aktivitäten usw., hervorgeht. Innerhalb der sie beide verbindenden These,
der zufolge der Mensch sich durch seine Fähigkeit unterscheide, sich auf eine
desubjektivierte Welt hin zu öffnen, legt Rothacker also den Akzent vornehmlich auf
die Begrenztheit dieser »Fähigkeit« (die bereits die Anzeige in sich enthält, nicht
durchweg wirksam zu sein), wodurch er im Anschluss an Uexküll den Menschen ans Tier
annähert, während Plessner demgegenüber die in der Ordnung des Lebendigen
durchschlagende Spezifität dieser menschlichen Fähigkeit zur Versachlichung
herausstreicht. Dass sich Plessner in diesem Kontext gerade auf Rothacker bezieht,
lässt sich ganz nebenbei als eine Verdeutlichung von Plessners Äußerung in seinem
Vortrag »Mensch und Tier« von 1946 begreifen, wonach die Aktualität der Frage, wo
die Grenze zwischen Mensch und Tier verlaufe, in diesen Jahren von allen »am eigenen
Leibe« erfahren worden sei: Die Reduktion der Offenheit der Welt auf die affektiven
und vertrauten Bindungen an die Umwelt ist in der Tat, wie Plessner scharf gesehen
hat, ein Schritt, der zur totalitären Aufladung »heimatlicher« Umwelten, zu einer (von
Rothacker in seiner Theorie ab 1933 auch vollzogenen) Verabsolutierung vermeintlich
gewachsener »Lebensstile« geradezu einlädt.
6 Auch vor diesem politisch-geschichtlichen Hintergrund, nicht nur vor dem
Hintergrund der Frage nach dem Verhältnis von Philosophie und Biologie, schärft sich
der Kerngedanke der Philosophischen Anthropologie, der sich in Plessners Aufsatz
besonders pointiert ausgesprochen findet:
7 »Die lebensbezogene, impuls- und strebebedingte Umwelt ist getönt, die Welt der
Objekte und Sachverhalte ist tonlos; wenn wir für getönt sinnvoll setzen, so stellt sich
eine jede Umwelt ihrem lebendigen Zentrum als eine Ordnung von Sinnbezügen dar,
während Welt dazu im Kontrast sinnfrei heißen muss.« 14
8 Die Philosophische Anthropologie schreibt den Menschen also gerade nicht in das
»lebendige Zentrum« der Sinnbezüge ein. Sie erinnert vielmehr daran, dass dem
Menschen ein Leben in den vollen Zügen sinnhafter Wirklichkeit nur aus einer Position
heraus möglich ist, die für sich genommen dem »Sinnlosen«, dem Anderen gegenüber
allem, was im Leben besteht, der Welt also als Leere reiner Negativität ausgesetzt ist.

BIBLIOGRAPHIE
Fischer, Joachim (2008): Philosophische Anthropologie. Eine Denkrichtung des 20. Jahrhunderts,
Freiburg im Breisgau / München: Alber.

Plas, Guillaume (2012): »Überholt oder unzeitgemäß? Erich Rothackers Nichtrezeption in der
deutschen Philosophie der unmittelbaren Nachkriegszeit«, in: Müller, E. (Hg.): Forum
Interdisziplinäre Begriffsgeschichte, 1. Jahrgang (2), S. 109–114.

Plessner, Helmuth (Hg.) (1952): Symphilosophein. Bericht über den Dritten Deutschen Kongreß für
Philosophie Bremen 1950, München: Leo Lehnen Verlag.

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Plessner, Helmuth (1983a): »Die Frage nach der Conditio humana«, in: ders.: Gesammelte Schriften
Band VIII: Conditio humana, Frankfurt/M.: Suhrkamp, S. 136–270.

Plessner, Helmuth (1983b): »Mensch und Tier«, in: ders.: Gesammelte Schriften Band VIII: Conditio
humana, Frankfurt/M.: Suhrkamp, S. 52–65.

Plessner, Helmuth (1983c): »Über das Welt-Umweltverhältnis des Menschen«, in: ders.:
Gesammelte Schriften Band VIII: Conditio humana, Frankfurt/M.: Suhrkamp, S. 77–87.

Uexküll, Jakob von (1956): Streifzüge durch die Umwelten von Tieren und Menschen. Ein Bilderbuch
unsichtbarer Welten. Bedeutungslehre, Reinbek bei Hamburg: Rowohlt.

NOTES
1. Fischer (2008), S. 235–291.
2. Den Auftakt bildete Plessners Hamburger Vortrag »Mensch und Tier« (1946) auf einem
Kongress zum 300. Geburtstag von Gottfried Wilhelm Leibniz, in dessen Einleitungs- und
Dankessätzen er die »Frage nach der Grenze zwischen Tier und Mensch« als »eine Frage«
adressiert, »deren Aktualität wir alle am eigenen Leibe erlebt haben«. Der Hamburger Vortrag
war Plessners erster akademischer Auftritt in Deutschland nach seiner Vertreibung 1933. Siehe
Plessner (1983b).
3. Vgl. etwa Plessner (1983c), S. 85 mit Plessner (1983a), S. 185.
4. Siehe zu all diesen Hintergründen Fischer (2008), S. 208 ff.
5. Plessner (1983c), S. 84.
6. Plessner (1983c), S. 84.
7. Uexküll (1956), S. 24.
8. Plessner (1983c), S. 77.
9. Plessner (1983c), S. 78.
10. Plessner (1983c), S. 78.
11. Plessner (1983c), S. 80.
12. Plessner (1983c), S. 80.
13. Siehe Plessner (1952), vor allem S. 323–353. Siehe zum Thema Plas (2012).
14. Plessner (1983c), S. 83.

INDEX
Mots-clés : Plessner, philosophische Anthropologie, monde, monde environnant
Schlüsselwörter : Plessner, Anthropologie philosophique, Welt, Umwelt

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AUTEURS
THOMAS EBKE
Thomas Ebke ist wissenschaftlicher Mitarbeiter am Lehrstuhl für Politische Philosophie und
Philosophische Anthropologie der Universität Potsdam. Nähere Informationen finden Sie hier.

GUILLAUME PLAS
Guillaume Plas ist Französisch-Lektor am Frankreich-Zentrum der Universität Freiburg. Nähere
Informationen finden Sie hier.

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Traductions vers le français


Übersetzungen ins Französische

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Le noyau théorique propre à


l’Anthropologie philosophique
(Scheler, Plessner, Gehlen)
Joachim Fischer
Traduction : Matthieu Amat et Alexis Dirakis

NOTE DE L’ÉDITEUR
Nous remercions M. Joachim Fischer ainsi que la maison d’édition De Gruyter de nous
avoir accordé l’autorisation de traduire ce texte pour le présent numéro.
Wir danken Herrn Joachim Fischer sowie dem Verlag De Gruyter für die freundliche
Genehmigung, diesen Artikel in französischer Übersetzung zu publizieren.

A. Point de départ et objectif


1 À partir de la fin des années 1920 furent publiés plusieurs écrits portant le titre
d’« anthropologie philosophique » ou « Anthropologie philosophique 1 ». Die Stellung des
Menschen im Kosmos (La situation de l’homme dans le monde) (1928) de Max Scheler, Die
Stufen des Organischen und der Mensch (Les degrés de l’organique et l’homme) (1928) de
Helmuth Plessner et – un peu plus tardivement – Der Mensch. Seine Natur und seine
Stellung in der Welt (L’homme. Sa nature et sa position dans le monde) (1940) d’Arnold
Gehlen sont généralement associés à ce moment de l’histoire de la philosophie. Ainsi y
a-t-il quelque chose comme une « anthropologie philosophique » ou une
« Anthropologie philosophique ». Mais à quoi se reconnaît un texte dont
l’argumentation est spécifiquement philosophico-anthropologique ? Malgré les
diverses et utiles présentations et les articles de dictionnaire, le tableau reste dans
l’ensemble imprécis. Ceci repose d’abord sur le fait que d’autres auteurs sont
généralement rattachés à ce moment de l’anthropologie philosophique, tels que
Theodor Litt, Otto Friedrich Bollnow, Heidegger, Jaspers2, Ernst Cassirer et sa

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Philosophie des formes symboliques3, souvent également Merleau-Ponty et sa


Phénoménologie de la perception, Sartre et son chapitre sur le corps dans L’Être et le néant,
fréquemment aussi G. H. Mead4 ou encore Dewey et le pragmatisme classique dans son
ensemble5. Le caractère flou du tableau vient ensuite de ce que les auteurs qui semblent
constituer, d’un point de vue théorique et historique, le noyau dur d’une anthropologie
philosophique – Scheler, Plessner et Gehlen – faisaient déjà valoir de leur vivant leur
anthropologie philosophique comme un projet solitaire. Jusqu’à aujourd’hui, la
recherche consacrée à ces trois auteurs a conforté cette différence, souligné ce qui les
distingue les uns des autres et le caractère solitaire de leurs entreprises 6. L’extension de
l’anthropologie philosophique à d’autres auteurs et l’insistance sur la différence entre
les auteurs principaux rendent ainsi son identité peu claire. Dans la topographie
philosophique, le lieu de l’anthropologie philosophique est fragmenté et disloqué.
2 Les réflexions qui suivent se concentrent pour cette raison sur une seule question : le
moment philosophico-historique de l’Anthropologie philosophique peut-il être reconnu
comme une perspective théorique singulière ? L’Anthropologie philosophique peut-elle
être présentée comme un programme théorique, une approche spécifique identifiable
dans les écrits de ces trois penseurs – Scheler, Plessner, Gehlen ? L’objectif de cette
étude est d’y répondre. Elle nous permettra de savoir si l’Anthropologie philosophique
peut être considérée, d’un point de vue philosophico-systématique, comme un
programme théorique concurrent d’autres programmes théoriques, capable de faire
tradition, de faire droit aux faits, de se soumettre à la discussion critique et de se
modifier en conséquence.
3 Je propose, pour clarifier la question principale, une première distinction entre
l’anthropologie philosophique (en minuscule) et l’Anthropologie philosophique (avec
une majuscule)7. L’anthropologie philosophique existe comme discipline, comme sous-
discipline s’autonomisant au sein de la philosophie (ce point est clair). Mais il se
pourrait qu’il y ait également une Anthropologie philosophique, constituant un
programme théorique, un paradigme qui serait identifiable dans certains textes de
Scheler, Plessner et Gehlen (ce point, pas encore clair, constitue l’hypothèse qui sera
développée ici). La distinction n’est pas aisée car la discipline comme le programme
théorique peuvent apparaître au même moment sous le même intitulé ; mais la
distinction est néanmoins possible. L’anthropologie philosophique en tant que
discipline, et sous cette appellation, est passée au premier plan à la fin des années 1920,
les motifs et les orientations intellectuelles les plus divers convergeant alors pour faire
de la question de l’homme le point de mire de la réflexion philosophique. Elle devint
ainsi une nouvelle discipline de la philosophie aux côtés des sous-disciplines de la
théorie de la connaissance, de l’éthique, de la métaphysique, de l’esthétique – ou de la
philosophie du langage, qui s’élèvera certes plus tard au rang de discipline. Différentes
théories et orientations intellectuelles se rencontrent dans cette anthropologie
philosophique conçue comme discipline, de sorte que son corpus rassemble, au XX e
siècle, à côté des œuvres de Scheler, Plessner et Gehlen, dès le début également celles
de la philosophie de l’existence d’Heidegger et Jaspers, de la philosophie de la culture
de Cassirer, et plus tard celles de la phénoménologie de la chair de Merleau-Ponty (et
plus récemment d’Hermann Schmitz) ainsi que les œuvres du pragmatisme, en
particulier de Dewey ou Mead. Les classiques de la philosophie appartiennent ainsi
également à cette discipline ou cette science portant le titre d’anthropologique
philosophique8, si bien que la préhistoire de cette discipline remonte jusqu’aux

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réflexions anthropologiques développée depuis Aristote jusqu’à Feuerbach 9. Le devenir


autonome de la discipline anthropologique se révèle par soi fécond car, en tant que
sous-discipline, elle constitue un champ préparatoire et combinatoire à partir duquel
peuvent être établis les fondements de la philosophie et des sciences sociales et de la
culture10.
4 Il est toutefois nécessaire de distinguer cette anthropologie philosophique, en tant que
science ou discipline entretenue, transmise et recombinée, de la possibilité d’une
perspective et d’un programme théorique du même nom. Par ailleurs un programme
théorique entendu en ce sens ne peut avoir un seul auteur de référence, mais doit être
partagé par plusieurs. C’est un tel programme que j’ai en vue sous le nom de noyau
théorique propre à l’anthropologie philosophique. Ce n’est que par la distinction entre
l’anthropologie philosophique comme discipline et l’Anthropologie philosophique
comme perspective spécifique qu’il devient possible de classer et de considérer cette
dernière comme une approche théorique parmi les autres. La question est donc de
savoir s’il y a dans les écrits concernés de Scheler (ceux du Scheler tardif), Plessner et
Gehlen un programme théorique identifiable qui les réunisse malgré leurs différences,
et qui les distingue des approches théoriques propres au néokantisme et à la
phénoménologie, du paradigme naturaliste et évolutionniste dans la théorie de la
connaissance et dans la théorie comportementale, de la philosophie de l’existence, de la
philosophie analytique du langage, de l’herméneutique philosophique, du
structuralisme, de la théorie critique et de la théorie des systèmes.
5 Cette question théorique et systématique me semble importante, car y répondre est la
condition préalable d’une Anthropologie philosophique qui fasse droit aux
phénomènes, susceptible d’être critiquée à partir d’autres programmes théoriques et
d’être combinée à ces derniers. Cette tâche n’est pas aisée à accomplir. Elle est pourtant
nécessaire, au regard de l’histoire des sciences, car il n’existe ni programme théorique
consciemment transmis ni de tradition portant le nom d’Anthropologie philosophique,
à la manière des programmes théoriques du XXe siècle que l’on vient de mentionner. Il
y a à cela deux raisons :
6 1. La très grande rivalité qui se fait jour dès l’origine parmi les théoriciens, d’abord
entre Scheler et Plessner, ensuite entre Plessner et Gehlen, a compromis toute
constitution d’une école. Cette rivalité a été encouragée et exacerbée par certaines
circonstances institutionnelles et historiques. Elle prit la forme, entre Max Scheler et
Helmuth Plessner, du conflit classique entre un vieux professeur et un jeune
Privatdozent de la même université (Cologne), après que leur émulation réciproque
depuis le début des années 1920 se retourna en une accusation de plagiat par Scheler.
Après la mort soudaine de Scheler en 1928, puis les événements de 1933, Plessner et
Arnold Gehlen entrent dans un conflit encore plus violent, celui d’un philosophe
contraint à l’exil et d’un jeune philosophe qui fit une carrière fulgurante sous le
national-socialisme et ne tint ni pour opportun ni pour nécessaire de renvoyer, dans
son œuvre maîtresse de 1940, à son prédécesseur intellectuel. La justification invoquée
par Gehlen, suite au retour de Plessner en Allemagne, selon laquelle il n’aurait pas cité
Plessner en raison de l’accusation de plagiat par Scheler, fit se rencontrer et se mêler
les deux rivalités, laissant dans un premier temps le conflit se radicaliser puis perdurer
encore au sein des nouvelles générations de continuateurs, jusqu’à la mort de Gehlen
en 1975 et même au-delà. C’est la première raison pour laquelle le paradigme de

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l’Anthropologie philosophique n’a pas de contours institutionnels, sous la forme d’une


école et d’une tradition.
7 2. L’autre raison, complémentaire, est que les intérêts de tiers, des perspectives
théoriques concurrentes, en particulier la philosophie de l’existence de Heidegger puis
l’École de Francfort, ont continuellement entravé l’identification de ce noyau
théorique. Il faut ici distinguer la critique de fond, que les deux perspectives ont
avancée quant à la possibilité d’une Anthropologie philosophique (confirmant ainsi
indirectement l’existence d’une approche originale), et les intérêts politiques derrière
la théorie, ceux-ci visant à contrarier l’institutionnalisation de cette école de pensée.
Martin Heidegger, dont l’analytique du Dasein développée dans Être et temps entrait en
concurrence avec l’Anthropologie philosophique de Scheler et de Plessner dans l’espace
intellectuel de la fin des années 1920, a pris soin, avant même 1933, de propager le
reproche de plagiat et d’empêcher ainsi que Plessner ne soit perçu comme le successeur
légitime de Scheler dans le cadre de l’Anthropologie philosophique. Dans les années
1950 et 1960 ce sont Horkheimer et Adorno, également à leur retour d’exil, puis plus
tard Habermas, qui trouvèrent un intérêt à exacerber la rivalité entre Plessner et
Gehlen11, en opposant dans l’espace académique et public, le bon et libéral Plessner – en
raison de son exil et non de sa théorie – au mauvais et conservateur Gehlen – blâmé
pour sa carrière sous le national-socialisme12. Dans l’histoire des théories, la distinction
entre un Scheler métaphysicien et un Gehlen empiriste et positiviste a été imposée par
des tiers, de telle sorte que l’idée d’une perspective commune aux deux auteurs apparut
ne pouvoir être qu’un simple malentendu. Ce « diviser pour régner » politico-théorique
de la part d’approches théoriques concurrentes, auquel ni Plessner ni Gehlen ne voulait
ou ne pouvait échapper, a empêché la reconnaissance d’un programme théorique
propre à l’Anthropologie philosophique dans un espace institutionnel dans le milieu
académique. À cet égard, l’histoire de l’Anthropologie philosophique est un drame.
C’est d’autant mieux perceptible, rétrospectivement, si l’on considère la réussite des
courants de la philosophie germanophone qui se forment en même temps et
parviennent à dépasser les seules constellations de personnes : la philosophie de
l’existence (qui, malgré la différence entre Heidegger et Jaspers, fut perçue, entretenue
et développée de façon fructueuse comme une perspective théorique à part entière, par
exemple par leur élève commune Hannah Arendt) ; la théorie critique (notamment
Horkheimer, Adorno, Marcuse et Benjamin), l’empirisme logique développé par le
Cercle de Vienne avec Carnap, Neurath et Wittgenstein et que l’exil américain promut à
une carrière mondiale. Peut-être la constellation colognaise du début des années 1920 –
de laquelle est issue l’Anthropologie philosophique – fut-elle la constellation
philosophique la plus productive de ces années, si l’on pense qu’outre le jeune et
ambitieux Plessner, deux philosophes, Scheler et Nicolai Hartmann (à Cologne depuis
1925) étaient perçus par leurs contemporains comme dotés d’une puissance
philosophique exceptionnelle. Du point de vue de l’histoire des théories, l’histoire de
l’Anthropologie philosophique est donc à tous égards un drame, dont il s’agit ici de
s’efforcer de sortir13.
8 Il importe ici de savoir si, malgré ce drame relevant de circonstances contingentes de l’
histoire des sciences, un programme théorique peut être dégagé, d’un point de vue
philosophique et systématique, de l’œuvre des théoriciens mentionnés. Au reste ces
circonstances qui empêchèrent la reconnaissance du paradigme, suggèrent l’existence
d’un tel programme. Leur rivalité tenace indique précisément que ces théoriciens se
savaient partager une approche commune – sans quoi ils ne seraient pas entrés en

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concurrence. Devant Nicolai Hartmann, qui a observé de près la formation des trois
œuvres jusqu’à sa mort en 1950 et pour qui la communauté théorique entre Scheler,
Plessner et Gehlen était évidente, Erich Rothacker a ainsi pu désigner Plessner et
Gehlen comme des « frères ennemis ». Le principe du « diviser pour régner » utilisé
aussi bien par la philosophie de l’existence que par la théorie critique – comme école
théorique – contre l’anthropologie philosophique suggère la reconnaissance implicite
d’un effort intellectuel commun à Scheler, Plessner et Gehlen qui, s’il avait été reconnu
dans toute sa détermination, aurait pu captiver et intéresser les jeunes esprits de la
seconde moitié du XXe siècle bien plus qu’il ne l’a fait.
9 Par une démonstration en trois étapes (B), je voudrais tenter la reconstruction
philosophique et systématique d’un programme théorique propre à l’Anthropologie
philosophique à partir de ces trois auteurs – à la manière dont on peut identifier les
paradigmes propres à la théorie critique, à la philosophie de l’existence, au naturalisme
évolutionniste, à l’herméneutique philosophique, au structuralisme et à la philosophie
analytique du langage. I. Malgré les différences entre les auteurs, on peut dégager un
noyau théorique commun à partir de leur manière d’élaborer les concepts et la similitude
entre ceux-ci. II. La différence considérable, de fait, entre les textes, les thèmes et les
styles de Scheler, Plessner et Gehlen peuvent dès lors être considérée comme une
différenciation systématique à partir de ce noyau théorique commun. Dernière étape :
III. Cette manière d’élaborer les concepts, ce noyau théorique commun, fonctionne
comme un critère de délimitation et de différenciation, dans la mesure où l’Anthropologie
philosophique, en tant qu’approche théorique spécifique ne se confond avec aucun des
autres programmes théoriques du XXe siècle.

B. Le noyau théorique de l’Anthropologie


philosophique
I. Noyau théorique commun malgré la différence entre les auteurs

10 L’emploi par les trois auteurs de l’appellation « Anthropologie philosophique » est le


premier indice théorique d’une similitude au-delà de leurs différences. Le terme
« anthropologie » indique en premier lieu que leurs catégories visent à appréhender,
observer, ordonner et décrire la sphère de l’homme, les rapports vivants, culturels,
sociaux et à soi des hommes. Mais ces auteurs ont également en commun d’admettre
dans leur approche le fait que l’anthropologie, depuis le XIX e siècle, est
indiscutablement aussi une discipline biologique. Aussi le lien théorique interne avec la
biologie devient-il chez ces trois auteurs un trait fondamental de l’Anthropologie
philosophique. Chez chacun d’entre eux une bio-philosophie se dégage du programme
théorique, à partir de laquelle l’Anthropologie philosophique déploie une théorie des
rapports à soi, au monde et des rapports sociaux14. En l’occurrence, ces auteurs font
tous de la comparaison plante/animal/homme, ou au moins animal/homme, un organon
de leur approche. Mais l’Anthropologie philosophique a ceci de « philosophique » que,
tout en étant ouverte aux sciences particulières, elle ne vise et n’admet pas le type
d’explication qu’elles proposent, que ce soit celui des sciences de la nature, des sciences
de la culture, ou des sciences sociales.
11 Nous tâcherons de répondre à la question relative à un possible noyau théorique propre
partagé par les auteurs au-delà de leurs différences en nous limitant à un point précis.

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Dans cet exposé, nous ne questionnerons pas le lieu historico-philosophique de cette


approche – le « pourquoi » de la position du problème à partir duquel les auteurs
élaborent leur catégories15 –, mais nous nous demanderons si une convergence
caractéristique apparaît dans le « comment » de l’élaboration des catégories.
12 Un noyau commun pourrait résider dans la figure suivante : dans les textes qui nous
intéressent, la certitude de soi de l’« esprit » constitue certes un point de départ
indiscutable, pourtant le mouvement de la réflexion ne part pas des prestations de la
subjectivité mais d’un « ailleurs », de manière « indirecte » : du fait du vivant. Pour le
dire autrement : l’esprit est présupposé dans sa capacité d’auto-légitimation interne ou
dans la constitution d’une certitude par le langage, mais celles-ci ne suffisent pas ; le
regard doit être dirigé vers l’extérieur, vers le vivant. Le regard théorique se porte sur
la vie et non sur la matière (ou la nature) en général ; s’il se dirige vers la matière, c’est
seulement pour caractériser l’écart de l’organique vis-à-vis de la matière inorganique.
Le regard (le mouvement théorique) n’est pas non plus « intuitivement » dirigé vers un
« flux de la vie » (élan vital) entendu comme principe spéculatif de tout être, mais sur le
vivant empiriquement concret. Cependant, ce vivant concret, dont on peut faire
l’expérience, n’est justement pas atteint par considération de son caractère charnel
[Leiblichkeit] propre (celui du sujet pensant et se sentant lui-même par l’intermédiaire
de sa chair), mais par un regard distancié sur la « vie » comme objet (dont relève
également la chair [Leib] propre dans la mesure où elle est corps [Körper]). Le point de
départ n’est pas le caractère charnel, mais – ce qui est ici décisif – le regard distant,
celui du biologiste, dirigé vers l’organisme, vers le corps vivant [lebendigen Körper] au
sein de son milieu [Mediums] ou de son monde environnant [Umwelt]. Chez les auteurs
en question, le mouvement de la pensée commence par un regard porté de l’extérieur
sur le corps vivant dans son monde environnant, afin d’accéder à l’esprit, à travers une
catégorisation des types du vivant (plantes, animaux) – cela sans postuler une
téléologie de la vie vers l’esprit (comme dans l’idéalisme allemand) et sans que les
phénomènes de l’esprit ne soient réduits à la continuité évolutionnaire de la vie
(comme dans le paradigme de la biologie évolutionniste depuis Darwin).
13 Nous avons là un premier accomplissement du mouvement de pensée typique dans les
textes-clés des trois auteurs. À partir de là, d’autres voies, d’autres options, sont
possibles mais ne seront pas considérées ici ; elles mènent à d’autres programmes
théoriques. Je précise à présent les six traits que l’on doit tenir pour caractéristiques de
la manière de constituer les catégories propre à l’Anthropologie philosophique. Tels
sont, à mon sens, les six traits typiques de la manière d’élaborer les catégories propre à
l’Anthropologie philosophique :
14 1. Les catégories de l’Anthropologie philosophique sont constituées de telle façon
qu’elles tiennent pour possible un regard décalé, de côté, sur la relation sujet-objet. Le
point de vue qui rend possible de l’intérieur – intentionnellement – la relation sujet-
objet, est déporté afin de permettre un nouveau point de vue, extérieur, un regard
latéral, sur la relation épistémique. Autrement dit, cette manière de former des
catégories postule par principe la possibilité d’observer latéralement, de l’extérieur, la
relation sujet-objet interne à l’esprit. Ceci est décisif pour ce qui suit, car considérée de
côté la relation sujet-objet apparaît également comme une relation ontologique, la
relation épistémique comme une relation dans l’être, une relation immergée ou
émergeant de l’être.

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15 2. Ainsi établie, la réflexion se poursuit au sein de la relation sujet-objet, mais pas du


côté du pôle-sujet, celui de l’observateur. Elle ne débute donc pas pour ainsi dire dans
la sphère subjective de l’observateur et de la pensée, mais se concentre sur un
« quelque chose » qui fait face, sur l’objet. Ce « quelque chose » qui fait face – une
chose, un être vivant dans son monde environnant – s’offre ainsi au regard de
quelqu’un que chacun pourrait être. Mis à distance, l’objet s’ouvre pour ainsi dire à un
espace commun de perception, au regard public du sens commun (qui n’est pas à
confondre avec le langage commun, avec une médiation langagière précédant la
perception ; le langage est au contraire ici mis à l’épreuve de ce que chacun peut voir).
16 3. Le mouvement de pensée typique de l’Anthropologie philosophique suit ainsi
toujours une réflexion s’appuyant et s’approfondissant du côté du pôle-objet. Le point
décisif est que cette réflexion s’appuyant sur le pôle-objet choisit sciemment de ne pas
partir de l’homme – même pas du corps de l’homme – mais de remonter vers celui-ci en
partant d’en bas, au moins du niveau des corps vivants sub-humains (les animaux)
observables dans leur relation au monde environnant. La manière propre à
l’Anthropologie philosophique de constituer ses catégories implique ainsi toujours un
certain échelonnement ou une stratification du bas vers le haut. Elle ne part pas de la
hauteur de l’homme mais de plus bas, sans toutefois s’enfoncer jusque dans la matière
puisqu’elle reste dans le domaine intermédiaire du vivant – entre la matière
inorganique et l’homme. Ce n’est pas la comparaison avec la matière inorganique –
comparaison minéral/humain – qui est constitutive de cette approche, mais le regard
comparatif au sein du vivant – plante/animal/homme ou, au minimum, animal/
homme.
17 4. Ce que cette approche par le bas permet de saisir, au niveau du vivant, qu’il s’agisse
d’une plante ou d’un animal, est le « cercle fonctionnel » ou « cercle vital » par lequel
un organisme est en corrélation à son monde environnant16. Entre les rapports
matériels de causalité et l’intentionnalité de l’esprit, le regard théorique observe un
rapport de correspondance entre l’organisme et le monde environnant. Un point de
vue se différencie ici à même le pôle-objet, dans la différenciation constitutive entre
organisme et monde environnant, lequel point de vue permet de considérer la relation
de côté. Le regard de côté oriente désormais la constitution des catégories en arpentant
pour ainsi dire dans les deux sens le cercle fonctionnel (des plantes avec leur
environnement et des animaux avec leur monde environnant). Dans les corrélations
entre la forme de vie et la sphère de vie apparaît en effet déjà, chez les plantes et les
animaux, un contact élémentaire, une sorte de couplage entre moments subjectifs et
objectifs, une intentionnalité des corps vivants dirigée vers leur monde environnant.
18 5. Le mouvement caractéristique de l’Anthropologie philosophique consiste à remonter,
au moyen de cet échelonnement du bas vers le haut et de la comparaison par contraste
des niveaux d’organisation de l’organique, jusqu’au point où elle constate, au stade de
l’être humain, de sa forme de vie et de sa sphère vitale, une rupture dans le « cercle
vital » du vivant. En ce qui concerne les instincts, les pulsions, la sensation et les
mouvements (bref, tout ce que l’organique implique), cette rupture ne signifie pas une
cessation, mais une percée. Au niveau du corps humain vivant et de ses sphères vitales
s’ouvre une béance en laquelle ce que l’on qualifie d’esprit (à partir de lui-même, dans
son auto-manifestation) trouve son lieu en la comblant. L’esprit est nécessaire pour
répondre à la détresse causée par cette rupture mais il reste en cela nécessairement
dépendant des configurations de l’organique. Des expressions comme « spiritualisation

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du sensible », « sensibilisation du spirituel » (Plessner) ou « spiritualisation de la vie »,


« devenir vivant de l’esprit » (Scheler) signalent ce double mouvement de rotation que
l’anthropologie philosophique propose ou poursuit au moyen de ses catégories. Ce
mouvement de rotation dirigé par la progression comparative-contrastante du bas vers
le haut, qui dégage ou introduit l’esprit (en ce qu’il sait de lui-même) dans le vivant, est
d’emblée un double mouvement de rotation : l’élaboration des catégories, dans le
mouvement même par où elle fait émerger l’esprit de l’organique l’immerge dans le
vivant. La sphère de l’homme se reconnaît à ce qu’en elle le cycle vital est à certains
égards rompu et à nouveau médiatisé, de manière indirecte – quoique demeurant
toujours porté par la vie. Ainsi peut-on affirmer que les concepts décisifs de
l’Anthropologie philosophique sont tous des concepts rompant le cercle vital pour le
médiatiser à nouveau.
19 6. Ainsi, le mouvement de la pensée que l’on peut tenir pour caractéristique de
l'Anthropologie philosophique a transféré la réalité donnée du pôle-objet (le regard
distancié sur le corps vivant qui entretient lui-même une relation du type de celle d’un
monde environnant à soi) à celle, présupposée au départ, de la sphère intérieure (la
relation sujet-objet, telle que le sujet percevant et pensant en fait l’expérience).
L’homme se trouve dans un corps (objectif), dans une chose qui vit en tant que chair, et
se situe, d’un point de vue intérieur, en tant que sujet vivant dans le monde et face au
monde (la relation sujet-objet) sans coïncider avec cette perspective intérieure. Il existe
en effet sous ce double aspect : de l’intérieur comme sujet vivant centré, se sentant lui-
même et le monde, et toujours en même temps de côté et de l’extérieur, comme corps
parmi les corps matériels, marginalisé, décentré, objectivé – telle une « tête de bétail »
(Plessner), une chose parmi les choses. Dans ce double aspect, cette non-congruence
des perspectives intérieure et extérieure, les penseurs en question ont reconnu le
potentiel heuristique inédit de leur approche. La prise en compte systématique de la
sphère vitale permet de faire droit à tous les éléments ouvrants au monde et instituant
le monde humain : non seulement les capacités, en apparence sans lien avec le corps, de
la raison et du langage, monopoles de l’humain, mais aussi les passions, les sentiments,
les sens de la vue, de l’ouïe, du toucher, les postures, l’outil et la production d’image, la
musique et la danse, le rire et le pleur, l’extase orgiaque et les rites d’inhumation, tous
les types de mouvement et d’expression.
20 On ne peut parler d’approche théorique que si deux ou plusieurs auteurs et leurs textes
sont susceptibles d’en relever, et non pour désigner la manière de penser d’un seul
auteur. Notre thèse est précisément que les trois auteurs en question partageaient ce
mouvement de pensée et ce mode d’élaboration des catégories que nous avons
reconstruits – quelles que soient par ailleurs les différences revendiquées ou factuelles
dans la formation de leurs idées. Il s’agit à présent de le montrer en ce qui concerne
leurs concepts-clés, ce qui nous amène en même temps à une première exposition des
argumentations propres à Scheler, Plessner ou Gehlen.
21 Les concepts-clés de Scheler dans La situation de l’homme dans le monde sont : « l’être qui
peut dire non », « l’ouverture au monde » et la possibilité qu’il y ait un « être-objet » pour
cet être vivant. Scheler se donne l’objectivité, la conscience de soi, la liberté, comme
traits structurels et auto-manifestation de l’esprit. Dans son texte de 1928, avant
l’atteinte de la sphère de l’humain, le parcours dans le cosmos commence toutefois par
le bas, par le vivant caractérisé par sa « poussée » et qui, en cela, se tient déjà dans une
relation de contact à un autre, relation qui ne se réduit pas à la causalité 17. Par la

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« poussée affective », le vivant – en l’occurrence la plante – entre en contact avec un


autre que lui. Dans la progression comparative du vivant « biopsychique » et de ses
différents modes vitaux (l'instinct, la mémoire associative, l'intelligence pratique),
Scheler constate qu’en l'animal la poussée pulsionnelle suscite une expérience de
résistance du monde environnant. Il y a rupture du cercle vital lorsque cette expérience
de la résistance mène à la négation. Ce phénomène du vivant par lequel l’expérience de
la résistance devient celle d’une négation est le phénomène propre de l’être humain.
L’esprit, en tant que principe de négation, de réplique, de dépassement de sa position,
est l’état de tension correspondant à la rupture du cercle vital. C’est ainsi que
l’« esprit », selon Scheler, accède à son prédicat : la choséité, c’est-à-dire la capacité à se
laisser déterminer par l’être-ainsi des choses.
22 Or l'esprit n’accède justement pas à cette réalité de l’« être-objet » seulement par lui-
même, à partir de lui-même, par sa propre puissance, mais « indirectement », sur le
mode d’une rupture du « cercle fonctionnel » du vivant. Car si l'objectivation des
relations au monde environnant résulte de l'acte de négation issu de l'expérience
vivante de résistance, en tant qu’expérience de l’objet, elle advient seulement par
l’expérience d’une poussée vitale et des résistances qu’elle suscite dans le monde
matériel (laquelle est caractéristique du vivant et permet seule de faire apparaître
l’« être-ainsi » de la chose). Le mouvement de rotation typique de l’Anthropologie
philosophique rend compte de la « capacité d’objectivation » – le fameux prédicat de
l’esprit – dans son rapport avec la résistance pulsionnelle vitale originaire. Par la
négation – en tant que mise entre parenthèse de la pulsion de résistance – ce qui résiste
s’offre en tant que « chose » à l’être humain. Cet être peut laisser se manifester les
phénomènes dans leur « essence », en tant que choses dotées d’une signification
propre, plutôt que de seulement percevoir en eux, en fonction de sa situation et de son
comportement, les colorations d’un entrelacs de forces et de contre-forces. La
construction schélerienne a ainsi permis un réagencement et une justification
anthropologique originales de la posture épistémique de la phénoménologie –
l’intuition des essences à partir de l’intentionnalité entre sujet et objet. L’élaboration
spécifiquement anthropologique de ses catégories démontre précisément que
l’approche de Scheler n’est pas dualiste. L’« ouverture au monde » de l’être humain – en
tant que transformation de la « dépendance au monde environnant » de l’animal – n’est
ni un prédicat de l’esprit ni un prédicat du vivant, mais résulte de l’intrication effective
de la « poussée » (la résistance) et de l’« esprit » (la négation) en l’être humain.
23 Ce mouvement typiquement anthropologique de rotation, par lequel les prédicats
attachés à l’esprit d’un point de vue intérieur sont retrouvés en partant du bas et en
même temps modifiés dans leurs rapports vitaux – sans que ne soit suivie une
téléologie – est aussi contenu dans la formule catégorique de Scheler selon laquelle
l’homme serait « l’être qui peut dire non ». Le non est le pur principe de l’esprit, l’être-
contre. Mais que le « Non » soit « dit » – au sens de l’affirmation, de l’autorité d’une
position résolue, de l’imposition –, cet acte de langage, seul le peut un esprit qui
emprunte au vivant la puissance de se poser contre ; et cet emprunt, ce prélèvement
d’énergie n’est possible que parce que le cercle énergétique vital de la poussée et de la
résistance pulsionnelle est en même temps rompu par le pur principe de l’esprit. Dans
l’échelle de l’organique, Scheler repère un « retournement » au stade de l’homme.
« L’homme en tant qu’idée est le point, la phase, le lieu au sein du cosmos, en lequel
la “vie” organique (indifféremment psychique ou physique) se déployant à travers
toutes les familles, les genres, les espèces, perd sa maîtrise inconditionnelle et sert

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un principe – l’esprit – pour lequel l’organique a ouvert une brèche rendant


possible son activité et sa position de buts et de valeurs 18. »
24 La manière d’élaborer les catégories que l’on peut considérer typiquement
anthropologico-philosophique se manifeste également dans le texte de Plessner Die
Stufen des Organischen und der Mensch (Les degrés de l’organique et l’homme). Les
concepts-clés de Plessner sont la « positionalité excentrique » [exzentrische Positionalität],
l’« artificialité naturelle » [natürliche Künstlichkeit], l’« immédiateté médiatisée » [vermittelte
Unmittelbarkeit], le « lieu utopique » [utopischer Standort]. La « positionalité excentrique »
en laquelle Plessner voit la singularité de l’homme est la catégorie la plus artificielle du
programme théorique, bien qu’elle fasse ressortir de manière particulièrement claire ce
qu’a de caractéristique ce mouvement de pensée. Elle suit au reste le mode
d’élaboration des catégories de Scheler. Pour accéder conceptuellement à la sphère de
l’homme, Plessner s’appuie expressément sur la relation sujet-objet, sur l’expérience de
la chose faisant face au sujet19. Il entend distinguer, du côté du pôle-objet, la « chose
vivante » de la chose non-vivante. La thèse est que la chose vivante se distingue de
toutes les autres choses en cela qu’elle n’a pas seulement une limite à partir de laquelle
elle commence ou à laquelle elle s’arrête, mais qu’elle possède cette limite comme
« frontière ». La chose vivante est caractérisée par les « rapports à sa frontière » qui
déterminent sa relation à un monde environnant ; elle est une « chose réalisant sa
frontière ». Plessner qualifie cette « chose réalisant sa frontière » de « positionnelle »,
c’est-à-dire une chose dotée d’une « positionalité », capable d’une affirmation et d’une
expression d’elle-même. L’approche théorique porte à présent, pour ainsi dire de côté,
sur les étapes de l’organique en tant qu’étapes de la corrélation – constituée par les
cercles fonctionnels entre organismes et mondes environnants – entre les formes
positionnelles de la vie et leurs sphères vitales. Contrairement aux plantes qui se
caractérisent par leur positionalité ouverte, l’animal est une « positionalité fermée ».
L’animal le plus développé se caractérise en tant que « positionalité centrée »,
percevant et se mouvant dans les cercles fonctionnels au moyen de processus
neuronaux rétroactifs, intégré à un monde environnant différencié. Cet animal, cette
forme de vie vit « à la fois en son centre et en dehors de celui-ci » au sein de son champ
positionnel.
25 Ainsi préparé, le regard théorique repère, au niveau de l’organisme humain, une
rupture du cycle fonctionnel, du cycle de la vie à la fois sensoriel, moteur et pulsionnel.
Plessner nomme « positionalité excentrique » cette rupture du cycle fonctionnel au
stade du vivant humain. Le centre est extériorisé sans que la positionalité – la situation
de stabilité vitale – ne soit abandonnée. La positionalité excentrique représente une
percée vers l’extérieur de la positionalité, une positionalité non « auto-centrée », sans
mouvement de retour sur soi du vivant ou de l’élan vital. Cette percée vers l’extérieur
du vivant n’est pas non plus une percée de l’esprit, lequel pourrait désormais opérer
essentiellement par ou pour lui-même. La positionalité excentrique vise à caractériser
la situation vitale du vivant au sein de laquelle s’ouvre un pur écart, par un point
excentrique qui ne peut exister sans l’énergie d’un corps positionné de façon centrique,
mais qui reste pourtant soustrait aux capacités de ce dernier. Dans son développement
systématique du concept de « positionalité », Plessner dégage les catégories
philosophico-anthropologiques de l’« artificialité naturelle », de la « médiation
médiatisée » et du « lieu utopique » : les êtres vivants caractérisés comme humains sont
les êtres vivants positionnés en vue de leur fixation et de leur affirmation, des
stabilisations dans l’histoire naturelle visant une fixation et une affirmation. Ils sont

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par « nature » « artificiels » ou construits – tout en demeurant au sein de la nature. Ce à


quoi ils parviennent et ce qu’ils réalisent, ils n’y parviennent que de façon
« médiatisée », par les médiations qui rendent possible et déplacent et reconfigurent à
la fois leur réalisation. Par la « positionalité excentrique », ils vivent en un « lieu
utopique », ils peuvent, au moyen de l’organe virtuel de leur « imagination vitale »
(Palagyi), de leur capacité de représentation, arpenter tout lieu (u-topiquement), mais,
prisonniers de leur lieu, demeurent dans le matériau concret de leurs perceptions. Tout
ce que l’esprit reconnaît en lui-même de possibilités – la technique, la moralité et le
droit, le langage, l’histoire, l’art, la religion – est ainsi restitué par l’élaboration
philosophico-anthropologique de ces catégories et déterminé de telle manière par
celle-ci que le moment vital en est conservé et rendu visible.
26 Arnold Gehlen détermine L’homme. Sa nature et sa position dans le monde au moyen des
concepts d’« action » [Handlung], de « précarité » [Entsicherung], de « décharge »
[Entlastung] et d’« institution » [Institution]. La manière dont Gehlen articule
conceptuellement la notion traditionnelle d’« action » avec la « précarité » et la
« décharge », pour en faire la spécificité de l’être vivant humain, illustre
particulièrement bien le mode de pensée philosophico-anthropologique. Les
possibilités que l’esprit humain reconnaît en lui-même et peut manifester à partir de
lui-même – la connaissance, le langage – sont présupposées par Gehlen. Son regard
théorique, ascendant et latéral, se concentre sur la corrélation entre organisme et
monde environnant, principalement à partir de la comparaison animal/homme. L’être
vivant animal, équipé morphologiquement et dynamiquement pour satisfaire les
exigences du monde environnant, accomplit son existence au sein d’un champ vital au
moyen d’un couplage de perceptions et de modèles moteurs assuré par l’instinct. La
dynamique pulsionnelle circule rythmiquement à l’intérieur du cercle fonctionnel où
s’articulent l’organisme et le monde environnant. Le phénomène de l’être humain
constitue une rupture de ce cercle vital, non seulement parce qu’il est
morphologiquement non spécialisé – l’homme est considéré comme un « être
déficient » [Mängelwesen] –, mais surtout en raison du « hiatus » entre la pulsion et sa
satisfaction. Chez l’être vivant humain, le rapport dynamique naturellement
harmonieux entre l’intérieur et l’extérieur, la perception et le comportement, est
« précarisé » par la « différenciation des instincts ». Son comportement est livré à la
complexité incontrôlable des stimuli du monde extérieur et de la vie pulsionnelle du
monde intérieur.
27 Dans cette béance du vivant, l’esprit agit comme une « action » ordonnatrice, mais
cette action ne peut « décharger » de la pression de la situation que grâce à cette
béance elle-même, dans la mesure où elle met à sa disposition le matériau vital libéré
par cette « précarité » (les pulsions mobiles, la plasticité perceptive, la liberté de
mouvement) et, contre la pression exercée par les mondes extérieur et intérieur ainsi
émergeant, referme le cercle vital au moyen de la constitution d’un monde artificiel
propre, la culture. Sur la base d’une vie perceptive et motrice réassurée au moyen du
« cercle de l’action », le langage, en tant que fonction supérieure, peut refermer le
cercle fonctionnel auto-ordonné, en déchargeant de la pression de l’ici et du
maintenant et en rendant possible de façon ordonnée la référence au monde ainsi
ouvert. Le concept d’« institution » qui sert avant tout à caractériser la spécificité des
rapports sociaux des êtres humains entre eux, relève chez Gehlen d’une semblable
élaboration non naturaliste. Si les perceptions et les modes comportementaux des
animaux engagés dans des interactions sont harmonisées instinctivement, un substitut

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doit être maintenant trouvé à cette articulation instinctive entre cercles fonctionnels,
un équivalent de la coordination réciproque au sein du vivant. C’est à cette fin que
Gehlen propose la catégorie d’« institution », comme ritualisation réciproque des
modes comportementaux, laquelle rend possible, dans un second temps, par sa fonction
de stabilisation vitale, la détermination de buts propres à la conduite humaine de la vie.
28 Nous l’avons démontré : les trois auteurs se rejoignent bien dans le mode d’élaboration
de leurs catégories. En prenant à chaque fois l’esprit humain pour point de départ, mais
avec un regard porté sur le corps vivant, la progression comparative au travers des
types du vivant – par comparaison contrastante à partir au moins de l’animal – révèle
la rupture du vivant au stade de l’organisation du corps humain, en laquelle les
phénomènes de l’esprit se cristallisent en médiations nouvelles du cycle vital. Le mode
d’élaboration des catégories que l’on peut considérer comme spécifiquement
philosophico-anthropologique n’indique pas seulement le point de rupture où l’esprit
apparaît dans le corps vivant et s’extrait de celui-ci, mais fait de ce point de rupture
une sorte de ligne, qu’il tire pour ainsi dire au travers de tous les phénomènes sociaux
et culturels, pour les considérer, sans exception, à partir de ce point de rupture. Le
rapport à soi, le rapport au monde et le rapport social, autrement dire, les mondes
intérieur, extérieur et commun trouvent leur source dans le Bios (le monde du vivant),
constituent un déplacement (ex-centrique) du Bios qui néanmoins demeure en son sein
et continue à vivre en lui. C’est pourquoi la tension du vivant est palpable dans toutes
les catégories de l’Anthropologie philosophique et suit comme son ombre le moment
vital, le moment du corps vivant, jusque dans ses ramifications conceptuelles relevant
de la psychologie, des sciences sociales et de la culture.

II. Différenciation des auteurs à partir du noyau théorique commun

29 Parce que leurs manières d’élaborer les catégories coïncident, nos auteurs partagent
une même approche théorique. On doit pourtant reconnaître qu’il y a entre eux des
différences évidentes. La question est dès lors de savoir si cette indiscutable
hétérogénéité peut être systématiquement explicitée comme une différenciation
essentielle du noyau propre au programme théorique20. Ce serait au reste – après la
preuve de l’appartenance commune – une nouvelle preuve de l’existence d’un noyau
théorique propre à l’Anthropologie philosophique.
30 Les concepts directeurs concernant les rapports sociaux, les rapports à soi et les
rapports au monde de l’homme, se distinguent considérablement quant à leur contenu.
Si l’on passe en revue les énoncés des auteurs portant sur le rapport au monde, on
verra que Scheler parle d’un « fondement du monde » accessible, Plessner d’un
« monde » qui n’apparaît que dans les modalités phénoménales des différentes qualités
sensibles, médiatisé et scindé, tandis que Gehlen parle d’une « image du monde »
constituée et stable. Scheler saisit le rapport à soi des individus à partir du concept de
« personne », Plesnner fait du « masque » et du « rôle » les caractéristiques
structurelles décisives du rapport à soi, quand Gehlen les conçoit en termes de
« caractère ». Enfin, Scheler décrit les rapports sociaux essentiellement à partir des
« sentiments pathiques », Plessner, en revanche, en tant qu’« espace public »
producteur de distance et Gehlen en tant qu’« institution ».
31 La thèse est la suivante : si les trois penseurs suivent bien la manière indiquée
d’élaborer leurs catégories, la différence systématique entre eux réside dans l’aspect du

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vivant qu’ils mettent en avant dans la comparaison plante/animal/homme, c’est-à-dire


dans l’aspect du vivant dont ils observent la rupture dans la sphère de l’homme.
32 Tous trois conçoivent le vivant comme un « cercle fonctionnel » entre organisme et
monde environnant à partir de l’idée fondamentale de la biologie théorique de Jakob
von Uexküll. Le « cercle fonctionnel du vivant » signifie qu’« en tant que tout,
l’organisme n’est que la moitié de sa vie21 ». Nous pouvons distinguer au moins trois
caractéristiques de ce cercle fonctionnel.
33 En premier lieu, le vivant dans son cercle fonctionnel se tient, au moyen du cercle
sensorimoteur, toujours déjà en contact réel et en même temps intentionnel avec un
autre que soi, avec le monde environnant ou le monde commun – avec des êtres vivants
de la même espèce. Dans le cercle fonctionnel, au-delà des liens exclusivement
matériels et causaux, le vivant entre en contact avec un autre que lui, un quelque chose
qui lui est accessible au moyen des sens et de la motricité, qu’il voit et saisit
immédiatement, qui l’affecte et le stimule, éventuellement réciproquement. Ce contact
réel-intentionnel entre organisme et monde environnant est particulièrement
significatif.
34 En second lieu, on ne peut ignorer que, pour l’être vivant, le monde environnant qui lui
est corrélé et le monde commun apparaissent de façon expressive, et que
réciproquement le vivant lui-même, par la surface frontalière de sa figure corporelle,
apparaît de façon expressive dans le monde environnant et pour ceux avec qui il est en
relation. Le monde environnant ou le monde commun sont liés l’un à l’autre de façon
immédiate, mais par la médiation de l’apparence. Cette médiation, ce caractère médiatisé
du contact est particulièrement significatif.
35 En troisième lieu, il est également notable que le cercle fonctionnel de l’immédiateté
médiatisée entre l’être vivant et son monde environnant ou monde commun fonctionne
de facto, s’accomplisse rythmiquement, et devienne, chez l’animal, par l’instinct et
l’ajustement, une forme de vie allant de soi.
36 La différence entre les trois auteurs se laisse décrire au sein même de l’approche propre
de l’Anthropologie philosophique, quels que soient par ailleurs les raisons motivant ces
différences. Pour tous trois, « la situation de l’homme dans le cosmos » signifie que le
transpercement et la nouvelle médiation du cercle vital inaugurent une situation de
confrontation inédite : avec le monde environnant en tant que monde, avec les autres
êtres vivants dans leur différence (monde commun, alter ego), avec soi-même, dans
l’intimité avec un monde intérieur propre.
37 Scheler observe la rupture de contact du cercle fonctionnel du vivant au sein de la
sphère de l’homme à partir de la possibilité concrète de participation immédiate à
l’Autre qu’est le monde, la possibilité pour la chair corporelle [Körperleib] bio-psychique
propre de prendre part à la vie des autres vivants. En revanche, Plessner observe la
rupture du cercle vital en considérant principalement l’expression et les modalités par
lesquelles le monde apparaît indirectement à l’homme et l’homme aux autres. Gehlen,
quant à lui, observe la rupture du cycle vital rythmiquement assuré dans la sphère
humaine à partir des mécanismes de sécurisation artificielle que l’homme peut et doit
établir dans son rapport à lui-même, au monde et aux autres.
38 La thèse est que les concepts directeurs à l’aide desquels les auteurs décrivent le
rapport au monde, à soi et le rapport social sont justement travaillés en fonction de cet
accent à chaque fois spécifique. Ainsi s’explique la différence, considérée d’un point de

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vue systématique et au sein d’un même programme théorique, entre leurs manières de
traiter les phénomènes de la sphère humaine. Par là même se manifestent clairement et
dans toutes ses dimensions, la force et la valeur heuristiques de l’approche théorique.
39 En prenant en considération le contact réel-intentionnel du vivant, Scheler observe –
en ce qui concerne le rapport au monde – la rupture ou le retournement de l’expérience
de résistance du vivant (incarnation de ce contact réel) en une capacité d’objectivation
de l’être humain à partir de laquelle il interroge la possibilité d’accéder au « fondement
du monde ». Au moyen de la capacité de négation de l’esprit, dont l’accomplissement
requiert la puissance de la vie, les expériences de résistance de la réalité qui s’imposent
de manière impérieuse à la « poussée affective » de l’être vivant, se transforment en
participation affective et, par là, en « fenêtres sur l’absolu » (Hegel). « L’ouverture au
monde » signifie pour Scheler que le « monde » s’ouvre concrètement en cet être vivant
spécifiquement situé, qu’il se tient en lui. Il qualifie par conséquent le rapport à soi
comme un « centre d’action vivant », par lequel la personne accède, dans la profusion
de son « sentir intentionnel » au cœur de son rapport au monde, au contact réel à soi.
Sur ce point, l’intérêt théorique de Scheler se porte essentiellement sur des sentiments
tels que la « honte » ou le « regret », par lesquels l’être humain est affecté par lui-
même. Dans cette perspective, le rapport social s’explique par le retournement et la
transformation, dans la sphère humaine, de la stimulation réciproque au sein de
laquelle se trouvent les animaux, en des « sentiments pathiques » par lesquels une
participation au noyau non objectivable d’autrui devient possible. Parmi les
Anthropologues philosophiques, Scheler est le penseur de l’ex-stase, celui qui formule
de manière philosophico-anthropologique le potentiel extatique de la « positionalité
excentrique ».
40 Parce qu’il appréhende la corrélation organisme-monde environnant à partir de sa
dimension phénoménale sensible, Plessner observe, dans ce rapport au monde, la
phénoménalité différenciée du monde au niveau des « surfaces frontalières » de
l’organisme sensori-moteur. Dans Ästhesiologie des Geistes (Esthésiologie de l’esprit) ou
dans Anthropologie der Sinne (Anthropologie des sens), le philosophe thématise la
mutation, dans la sphère de l’homme, des modalités sensorielles de l’animal (la vue,
l’ouïe, le toucher) en vue d’une théorie de l’« immédiateté médiatisée », des
« médiations » (de la musique, de l’image, de la danse, du langage), au moyen desquels
l’homme conquiert des modes culturellement différenciés d’accès au monde. Plessner
détermine le rapport au monde comme rapport médiatisé par des médias et se
manifestant dans le monde de façon toujours différente.
41 Partant de cette dimension phénoménale sensible, Plesser décrit le rapport à soi comme
« être pris dans un étui » ; le soi se sent dans une chair et observe en même temps – par
son excentricité – cette chair en tant que corps, derrière l’enveloppe (l’étui) duquel il
demeure toujours dissimulé, ne fait l’expérience – médiatisée – de lui-même qu’en tant
qu’« acteur » faisant de cette situation de rupture une « corporéification [Verkörperung]
» porteuse de sens. Dans cette corporéification, le soi apparaît tout en demeurant
dissimulé par cette médiation même. Dans cette approche qui consiste à observer le
cercle fonctionnel rompu du vivant en tant que « médiation médiatisée », Plessner
thématise le rapport social comme « espace public ». L’accent étant mis sur
l’« immédiateté médiatisée », le rapport social ne peut consister en une franchise sans
retenue mais, compte tenu de la rupture des surfaces frontalières protectrices du
vivant, seulement en un rapport de façade entre les hommes, au moyen de « masques »

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et de « rôles », formes standardisées de représentation de l’immédiateté médiatisée,


par lesquels s’équilibrent les extrêmes que sont la volonté d’être vu et celle de rester
dissimulé.
42 Gehlen ayant prioritairement en vue le fonctionnement du cycle du vivant, il observe,
dans le rapport au monde de l’homme, comment, suite à la rupture du cercle vital
animal, un nouvel ordre efficient et fonctionnel peut être « fixé ». Il s’intéresse à la
façon dont le sujet vivant, soumis à une réalité ouverte et saturée de stimuli et à une
contingence de mouvements non coordonnés, parvient à faire de moments de réalité
flottants un « monde commensurable, plein de potentialités de sens, disponible », au
moyen d’« actions », de boucles de perceptions et de mouvements 22. En conséquence,
Gehlen aborde le rapport à soi à partir du concept directeur de « caractère », et
interroge la façon dont le sujet vivant soumet à la « discipline » la dynamique
pulsionnelle trouble et extrêmement mobile, surgissant comme monde intérieur, et se
consolide ainsi en tant que « caractère ». Enfin, à partir des concepts directeurs de
« rituel » et d’« institution », Gehlen thématise le rapport social qui, à la lumière du
fonctionnement des cycles dynamiques rompus, apparaît comme une situation
d’incertitude réciproque quant aux attentes et aux comportements (double
contingence).
43 Les trois penseurs sont fidèles au mode d’élaboration des catégories qui peut être tenu
pour caractéristique de l’Anthropologie philosophique. Ils voient la rupture du cercle
fonctionnel du vivant comme une situation de confrontation et de défi inédite pour la
vie. Cette situation est précisément ce que l’on peut qualifier et reconstruire comme la
sphère de l’humain. Chacun en souligne néanmoins un aspect différent : la recherche
philosophique de Scheler vise le corrélat intentionnel de la confrontation –
l’« essence ». Celle de Plessner porte quant à elle sur les modalités de la confrontation,
sur la médiation (comme dimension phénoménale) entre les corrélats de la corrélation,
tandis que la recherche de Gehlen se concentre sur la forme structurante de la
confrontation, sur la garantie de la relation entre les corrélats.
44 Les différences significatives entre les auteurs peuvent par conséquent être explicitées
à partir du noyau théorique de l’Anthropologie philosophique. Leur dissemblance ne
contredit donc nullement l’existence d’un noyau théorique de l’Anthropologie
philosophique en tant qu’approche singulière. Ne pas le reconnaître serait comme
considérer que Fichte, qui pense l’effectivité de l’esprit objectif à partir de l’acte-action
de la subjectivité, Schelling, qui la pense à partir du déploiement de la nature, et Hegel,
qui la pense en tant que logique historique de l’auto-déploiement de l’esprit absolu, ne
partaient pas d’un noyau théorique commun, celui de l’idéalisme allemand, alors qu’ils
tirent bien tous leurs concepts-clés du mode d’élaboration des catégories qui lui est
propre : la dialectique. On pourrait en dire autant pour la théorie critique : les
différences considérables entre des auteurs tels que Horkheimer, Adorno et Marcuse
pourraient toutes être explicitées à partir du noyau théorique constitué par une
« dialectique négative » développée d’un point de vue matérialiste.

III. Ce qui distingue le noyau théorique par rapport à


d’autres programmes théoriques
45 On peut aisément apporter une dernière justification de l’existence d’un noyau
théorique propre à l’Anthropologie philosophique. La manière d’élaborer les catégories

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propre au programme de l’Anthropologie philosophique ne se confond avec celle


d’aucune autre approche théorique. La supériorité d’un programme sur un autre n’est
pas ici en question ; il ne s’agit que de souligner la singularité irréductible de
l’approche.
46 La thèse est la suivante : que l’on prenne un texte de Scheler, Plessner ou Gehlen dans
le corpus délimité plus haut et l’on reconnaîtra, à sa manière d’élaborer les catégories,
malgré la diversité des thèmes, des styles et des énoncés, qu’il ne s’agit pas d’un texte
argumentant de manière transcendantale-critique, de manière évolutionniste, d’un
texte phénoménologique, structuraliste, ou relevant de la philosophie de l’existence, de
l’herméneutique philosophique ou de la philosophie analytique du langage.
47 L’Anthropologie philosophique ne peut être une théorie transcendantale-critique du sujet,
parce que celle-ci part toujours des réalisations (cognitives) de la culture et, à partir de
là, interroge, de manière critique, leurs conditions de possibilité dans le sujet agissant
(par exemple dans la Philosophie des formes symboliques de Cassirer) 23. L’Anthropologie
philosophique fait en revanche toujours du monde du vivant, de la position de
l’organique, une présupposition de toute prestation et détermination de la subjectivité
humaine.
48 L’Anthropologie philosophique ne peut être confondue avec une approche évolutionniste,
car celle-ci considère toutes les formes du vivant, y compris l’être humain, à partir des
principes communs de l’évolution et ramène, de façon naturaliste, au moyen d’une
théorie de la connaissance et d’une sociobiologie évolutionnistes, chaque forme de vie
au principe de l’autoconservation adaptive des organismes individuels et au principe de
production adaptif des espèces par l’intermédiaire des individus organiques.
L’Anthropologie philosophique observe au contraire de façon systématique la
distinction des formes de la vie (au moins à partir de la comparaison animal/homme) et
dévoile ce faisant la logique propre d’un « monde de la vie » spécifiquement humain.
49 Elle représente en outre un autre programme théorique que celui de la phénoménologie,
dans la mesure où celle-ci part de la conscience intentionnelle ou de la conscience
constituée inter-subjectivement, à laquelle est donnée l’expérience intersubjective de
l’objectalité comme noyau d’un « monde de la vie » (humain) universel (monde partagé
de façon intersubjective). L’Anthropologie philosophique est en revanche dès le départ
bio-philosophique et part de l’organique, du monde du vivant (le monde de la vie en
tant que monde du vivant) dont elle fait la présupposition du monde de la vie humain ;
en cela, elle tente de rendre compte de la possibilité de la phénoménologie.
50 L’Anthropologie philosophique se différencie d’un point de vue systématique de la
philosophie de l’existence, laquelle part toujours de l’expérience intérieure de consciences
charnellement [leiblich] situées, d’une subjectivité immergée dans le concret. Les
moments heideggériens du souci et de la finitude renvoient en dernier lieu à une
affection charnelle ; cette approche connaîtra un prolongement dans l’analyse
existentielle de la chair ou la phénoménologie de la chair (par ex. chez Merleau-Ponty
ou Hermann Schmitz) : d’abord le corps propre, ensuite le corps comme objet. D’un point
de vue systématique, l’Anthropologie philosophique ne commence pas par l’expérience
intérieure de la chair, mais par la perception du corps mis à distance en tant que chose
réalisant une frontière : d’abord le corps, ensuite la chair.
51 L’Anthropologie philosophique doit être de façon systématique distinguée de la
philosophie herméneutique philosophique, de la philosophie analytique du langage ou du

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structuralisme, bref de toutes les approches qui inaugurent – quelle que soit par ailleurs
leur grande diversité – un linguistic turn, en ce qu’elles partent du langage, considèrent
toutes les relations sociales, à soi et au monde par la médiation du langage. En
revanche, l’Anthropologie philosophique part du processus vital et fait certes ressortir
de sa rupture le langage comme medium compensatoire, mais comme medium parmi
d’autres (la production d’image, la musique ou la danse, etc.).

C. Bilan
52 À côté de l’anthropologie philosophique comme discipline, il existe donc également une
Anthropologie philosophique dotée d’un programme théorique propre et spécifique au
sein de l’histoire des théories philosophiques du XXe siècle. On peut en restituer le
noyau théorique présent dans chacun des textes de Scheler, Plessner et Gehlen qui en
relèvent. La différence entre les auteurs peut être montrée comme étant une
différenciation systématique du noyau théorique, lequel constitue un critère clair de
démarcation de l’Anthropologie philosophique par rapport aux autres approches. Ainsi
est-il toujours possible de faire droit à la spécificité et à la singularité des penseurs en
question.
53 Cet exposé n’a cependant pas considéré la mise en pratique de cette approche,
démontré sa force descriptive et diagnostique, pas plus qu’il ne l’a soumise à la critique.
Nous avons seulement montré que l’Anthropologie philosophique constitue un
programme théorique, un paradigme parmi d’autres paradigmes du XX e siècle. Et c’est
déjà un résultat considérable, car les penseurs liés par ce programme théorique –
Scheler, Plessner et Gehlen – sont déjà par eux-mêmes des figures de l’histoire de la
philosophie allemande du XXe siècle.

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NOTES
1. [Nous traduisons ici « philosophischen Anthropologie » et « Philosophischen Anthropologie ».
La différence est importante pour ce qui suit ; N.d.T.]
2. Brüning (1960).
3. Paetzold (1985).
4. Honneth / Joas (1980).
5. Krüger (2001).
6. À l’exception de Rehberg (1981).
7. Fischer (1995), p. 250.
8. Diemer (1978).
9. L’anthropologie philosophique entendue en ce sens est reprise et remaniée à partir de 1955 par
Michael Landmann (1982). – Les présentations récentes et bien distinctes de Gerhardt Arlt

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([2001], p. 66) et Christian Thies (2004) s’inscrivent également dans cette riche tradition de
l’anthropologie philosophique appréhendée à partir du thème de la « discipline conquérant son
autonomie ». Sur la reprise de cette tradition de langue allemande dans l’espace anglophone, voir
Pappé (1965) et, dans l’espace italien, Accarino (1991).
10. Thomas Rentsch cherche ainsi à fonder une anthropologie philosophique à partir d’une
articulation de l’analyse existentielle de Heidegger avec l’analyse du langage de Wittgenstein
(Rentsch [2003]); Gesa Lindemann articule les programmes théoriques de Plessner et de Luhmann
en vue d’une « anthropologie réflexive » ouverte à la recherche (Lindemann [2004]) ; Mathias
Gutmann met à l’épreuve les théories de l’expérience phénoménologique, naturaliste,
herméneutique et de théorie de l’action, afin de “dégager un fondement de l’anthropologie
philosophique” linguistique et constructiviste (Gutmann [2004]).
11. Habermas (1958). L’article de manuel d’Habermas sur l’Anthropologie philosophique
(Habermas [1958]), qui témoigne d’une profonde connaissance des trois théoriciens, a
vraisemblablement empêché, d’un point de vue théorico-politique, une réception impartiale de
cette approche dans la philosophie allemande, car les auteurs et les arguments – exposés à partir
d’une critique sévère de Gehlen – sont présentés à la lumière du dépassement de l’approche
anthropologique par une théorie critique de la société. Les présupposés du jugement de
Habermas furent les leçons sur l’Anthropologie philosophique tenues à Bonn en 1953 et 1954 par
son professeur d’alors Erich Rothacker (Rothacker [1964]).
12. Weiland (1995).
13. Concernant le corpus de textes de l’Anthropologie philosophique, son arrière-plan historico-
scientifique et les contours internes de sa perspective, voir Fischer (2000a) et Eßbach (2002).
14. La biologie philosophique issue de l’Anthropologie philosophique et différenciée à partir du
noyau de son programme théorique est présentée avec ses principaux auteurs dans Grene (1965).
Voir aussi Fischer (2005).
15. Sur ce point cf. Marquard [1973] ; Fischer [2000b], p. 266-270.
16. Concernant le théorème du « cercle fonctionnel », du « cercle d’action » et du « cercle de la
forme » au sein de l’Anthropologie philosophique, voir également Rehberg, « Anmerkungen des
Herausgebers », in Gehlen ([1993], p. 908). Voir de même, dans le cadre d’une « anthropologie
cybernétique », Rieger (2003).
17. Scheler (1951 [1928]).
18. Scheler (1987), p. 129.
19. Plessner (1975).
20. On trouvera également une proposition quant à la différenciation interne entre Scheler,
Plessner et Gehlen dans Eßbach (1994).
21. Plessner (1975), p. 255.
22. Gehlen (1993), p. 203.
23. Dans sa contribution à l’Adorno-Festschrift, Plessner caractérisera tardivement la Philosophie
des formes symboliques de Cassier comme une « philosophie anthropologique », qu’il distingue de
« l’Anthropologie philosophique » d’une manière que Scheler et Gehlen auraient approuvée ;
« Cassirer sait certes aussi que l’homme est un être vivant mais il n’en fait aucun usage
philosophique » (Plessner [1963], p. 243).

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INDEX
Mots-clés : Anthropologie philosophique, Scheler, Plessner, Gehlen
Schlüsselwörter : philosophische Anthropologie, Scheler, Plessner, Gehlen

AUTEURS
JOACHIM FISCHER
Joachim Fischer est professeur de sociologie à l’Université technique de Dresde. Pour plus
d’informations, voir la notice suivante.

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L’expressivité comme fondement de


l’historicité future
De la différence entre Anthropologie philosophique et philosophie
anthropologique

Hans-Peter Krüger
Traduction : Alexis Dirakis

NOTE DE L’ÉDITEUR
Nous remercions M. Hans-Peter Krüger ainsi que la maison d’édition De Gruyter de
nous avoir accordé l’autorisation de traduire ce texte pour le présent numéro.
Wir danken Herrn Hans-Peter Krüger sowie dem Verlag De Gruyter für die freundliche
Genehmigung, diesen Artikel in französischer Übersetzung zu publizieren.

1. Explication préliminaire des trois notions de


l’intitulé
1 Le titre de notre article est une allusion au chapitre conclusif de l’ouvrage Die Stufen des
Organischen und der Mensch (Les degrés de l’organique et l’homme) (1928) de Helmuth
Plessner et est conçu de façon systématique. Dans le chapitre en question, Plessner
oppose le sens de l’a priori, comme condition de possibilité de l’expérience, à son
identification courante à un a priori de forme ou de contenu. Au contraire, la condition
de possibilité de l’expérience est associée à un mode typique d’intrication active entre
forme et contenu :
« La forme de l’expression ne peut être apriorique, pas plus que ne l’est le contenu,
mais seulement la façon (qui ne peut être dévoilée que dans des cas exceptionnels)
dont la “forme” se manifeste envers son contenu. Il s’agit ici de la nécessité de
l’expression – qui précède la question des modes expressifs –, de l’examen du
rapport essentiel entre la forme excentrique de position et l’expressivité comme
mode vital de l’humain1. »

Trivium, 25 | 2017
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Cet a priori singulier ne concerne pas la condition de possibilité de certains contenus ou


de certaines formes de l’expression. Toutes ces dispositions relèvent selon Plessner de
phénomènes acquis historiquement. L’a priori chez Plessner concerne bien plus le mode
d’intrication entre contenu et forme dans l’acte de création et de découverte. Il ne
s’agit pas ici d’une théorie de l’expression avec une visée scientifico-expérimentale
comme celle que proposera peu après Karl Bühler dans son Ausdruckstheorie (Théorie de
l’expression) (1933) et sa Sprachtheorie (Théorie du langage) (1934). Cette dernière, selon
une démarche systématique, a pour objet les dispositions de forme et de contenu
présentes acquises historiquement. Plessner s’intéresse au contraire à la question
philosophique suivante : pourquoi le mode de l’expressivité est-t-il une nécessité vitale
pour les êtres positionnés excentriquement ?
2 Cet a priori modal n’avait rien d’évident – il suffit de penser à l’ a priori matériel
qu’opposait Max Scheler aux apriorismes purement formels. Et il n’est toujours pas
évident : une grande partie de la philosophie moderne se focalise encore aujourd’hui
sur l’action et le langage, comme si l’être humain y était suffisamment rencontré dans
sa spécificité. Cette critique vaut aussi bien pour la philosophie de Donald Davidson 2
que celle d’Ernst Tugendhat3. Parmi les philosophes contemporains rares sont ceux qui,
tel Charles Taylor, soulignent l’actualité philosophique de l’expressivité humaine –
dont la découverte progressive remonte, dans l’histoire de la philosophie, au XVIII e
siècle – bien qu’il n’en offre pas pour autant un développement systématique 4. À la
suite de Bühler, Habermas rapproche certes la fonction expressive du langage de la
fonction représentative et communicative mais, de même, sans la conceptualiser de
façon systématique5. Joseph Margolis va plus loin – et se rapproche ainsi de Plessner –
en critiquant les néo-pragmatismes contemporains – de l’ethnocentrisme de Richard
Rorty à l’internalisme de Hilary Putman – pour l’importance trop grande que ceux-ci
accordent à l’analytique linguistique : dès lors qu’aucun critère de connaissance interne
au langage ne suffit à constituer une référence fiable à l’extra-langagier, ni une
assertion véritable sur ce qui est extérieur au langage, les éléments adverbiaux de la
médiation – au sein d’une articulation historique et pratique – entre nature et culture,
dans le « savoir-faire » (sic) au lieu du « savoir » (sic), ne sauraient être négligés 6. « Ce
qui demeure est la question fondamentale, qui se perd aujourd’hui, celle de l’analyse de
la “condition humaine” (sic), celle du rapport entre nature et culture qui se pose dans
tous les domaines de notre recherche7. »
3 Dans son ouvrage Macht und menschliche Natur (Pouvoir et nature humaine) (1931),
Plessner critique également la méthode apriorique de type matériel ou formel car elle
équivaut à en faire la mesure de toute autre méthode, au lieu d’ouvrir le cercle
herméneutique qui lui est propre à de possibles corrections factuelles. Le renoncement
au cercle herméneutique doit inaugurer une nouvelle relation entre approches
empiriques et aprioriques conformément au principe d’insondabilité de l’être de
l’humanité [Menschheitlichkeit] dans son ensemble. Selon ce principe, cet être n’advient
que d’une façon toujours singulière à son apparition, dans l’accomplissement présent
d’une intrication entre passé et futur. Les êtres au comportement excentrique font
historiquement l’expérience de ce qu’ils sont et de qui ils sont. Ceci signifie également
pour Plessner que l’interprétation de soi qui est parvenue à s’imposer dans la tradition
occidentale européenne – une interprétation de la positionalité excentrique comme
puissance et impuissance de la vie – pourrait à son tour laisser place à une
interprétation nouvelle, de même que les interprétations de soi antérieures ou

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parallèles à la tradition occidentale pourraient être autres. Cette interprétation


anthropologique que l’homme se donne de lui-même, comme être contraint – parmi les
êtres vivants – à la spécification, ne correspond qu’à un cas historique. La
biophilosophie défendue par Plessner concevait que « cette façon d’aborder la vie et
l’homme comme tels ne relève pas seulement déjà d’une interprétation, d’une certaine
lecture explicative » mais que « cette circularité entre l’effort de perdurer et celui de
savoir est également instituée, qu’elle représente également une découverte historique,
une possibilité et un tournant », et enfin que la découverte du caractère historique de
ce tournant demeure « indissociable d’une prise de conscience, celle de ne pouvoir
répondre directement et en dehors de l’expérience historique à la question du “quoi”
(l’objet) et du “qui” (le sujet) de ce tournant8 ».
4 Plessner n’est pas prisonnier de ce que Foucault qualifiera plus tard de « cercle
anthropologique » : le cercle au sein duquel l’a priori et l’a posteriori ne sont que les
doublets l’un de l’autre9. Le principe plessnerien de l’insondabilité de l’être dans sa
totalité soustrait la théorie à la nécessité de redoubler l’empirie et libère l’empirie de
devoir redoubler la théorie. Les deux dimensions, à la fois comme conditions et
résultats de l’expérience, peuvent s’inscrire dans une rectification réciproque au cours
du processus historique. Par conséquent, l’historique ne se confond pas pour Plessner
avec ce qui advient factuellement dans l’histoire et qui peut être mentalement
considéré de diverses façons. L’historique représente le processus de rectification, à la
fois réciproque et contradictoire, entre ce qui rend possible et ce qui est rendu possible.
La méthode de Plessner ne demeure nullement prisonnière du cercle anthropologique,
ni du point de vue historique et factuel – en restituant à l’histoire son sérieux contre la
philosophie jusqu’alors apriorique – ni du point de vue philosophique et systémique. La
positionalité excentrique ne correspond pas seulement à l’humanité mais en rend
également possible l’interprétation sous certaines conditions historiques ; notamment
celles du cercle anthropologique que Plessner qualifie expressis verbis de cercle
herméneutique. La positionalité excentrique se déduit du cercle anthropologique
comme sa condition de possibilité mais à partir d’une extériorité à celui-ci. Par
conséquent, elle rend de même possible d’autres compréhensions historiques de soi tels
qu’elle le permettra dans le futur.
5 Au regard de son caractère expressif, ceci implique – déjà à la fin des Stufen – que par
son expressivité, l’homme est un « être toujours contraint à de nouvelles réalisations,
même lorsqu’il s’en tient continuellement à une même intention, et qui laisse ainsi
derrière lui une histoire. La raison intrinsèque du caractère historique de l’existence se
situe exclusivement dans l’expressivité10 ». Par ces formulations, nous ne considérons
pas seulement la question de l’expressivité qui rend possible un changement des
dispositions de contenu ou de forme de l’expression. Que signifie ici une « raison
intrinsèque » pour l’historicité ? Elle relève d’un fondement 11 phénoménologique que
conforte de nouveau Plessner dans sa leçon inaugurale de 1936 à Groningen. Dans celle-
ci, il n’attribue aux structures formelles « aucune valeur théorique conclusive, mais au
contraire une valeur ouverte d’exposition12 ». Ce qui, dans l’explication scientifico-
expérimentale, peut, sous certaines conditions, être déduit ou remplacé pour
l’observateur ne l’est pas nécessairement pour les personnes dans leur conduite de vie.
La conduite de vie comporte dans son ensemble, pour celui qu’elle concerne, une
relation d’indétermination. D’un point de vue phénoménologique, ceci signifie que la
conduite de vie repose sur quelque chose ou quelqu’un que l’on ne peut déduire ou
remplacer pour la personne. D’où provient cette connaissance ? Simplement du regard

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phénoménologique ou l’acquière-t-on par la démarche herméneutique ? D’où provient


ce jugement sur ce qui ne peut plus être déduit d’un point de vue théorique ni remplacé
d’un point de vue pratique ? Manifestement, la « raison intrinsèque » évoquée – dans la
mesure où le caractère « intrinsèque » doit ici être rapporté à la positionalité
excentrique – relève de la forme de jugement propre au fondement phénoménologique
– qui néanmoins est déjà contestée parmi les phénoménologues et a fortiori parmi les
non-phénoménologues. Quel type de fondement phénoménologique défend Plessner ?
6 Plessner le précise dans son ouvrage Pouvoir et nature humaine lorsqu’il rappelle à la fin
de celui-ci le caractère fortuit de l’appartenance de l’individu à un peuple. La
connaissance du caractère fortuit ne change, pour ceux qu’il concerne, rien à ce que
l’appartenance puisse s’imposer à eux comme destin politique, c’est-à-dire de façon
empirique et factuelle, et non pas apriorique. C’est ici que prennent sens les références
à Carl Schmitt : si l’on considère le politique comme autonomie et qu’on le saisisse avec
sérieux dans sa facticité empirique, ceci mène alors aux conséquences décrites par
Schmitt, c’est-à-dire à l’intensification de la relation ami-ennemi en vue d’une
autonomisation politique de la relation monde environnant-monde 13. En effet d’un
point de vue biophilosophique, la possibilité du politique ne réside pas exclusivement
dans cette autonomisation, centrée sur l’État, dès lors que le processus historique ne
saurait être dissout dans son intégralité sous le primat d’une pratique autonome de
l’action. L’argumentation systématique de Plessner démontre que l’imposition du
primat d’une autonomie – qu’il s’agisse de celle de l’anthropologie, de la politique ou de
la philosophie – ne peut relever par principe d’un choix, d’une décision 14. Aucune
conscience – l’instance classique de décision – n’est à la hauteur de cette question
considérée dans sa totalité. Une justification collective ne serait elle-même
qu’insuffisante pour les sujets directement concernés ici et maintenant. Même dans
l’idéal de sa rationalisation intégrale, cette justification parviendrait trop
prématurément ou trop tardivement d’un point vue pratique15. Bref, le type de
fondement phénoménologique de Plessner se distingue de celui de Husserl, lequel,
comme chacun sait, se garde de tout jugement envers la réalisation empirique et
factuelle du rapport fondamental16.
7 En guise de conclusion à cette introduction, je souhaiterais préciser pour quelle raison
le titre de mon texte évoque une « historicité future ». D’une certaine façon, le discours
sur l’historicité est ambigu car il suggère le primat d’une intrication de la dimension
temporelle au profit de ce qui demeure, au profit de l’histoire. Cette terminologie de
l’historicité remonte à la découverte du thème du temps dans la tradition initiée par
Dilthey et Misch. Ce que Plessner a à l’esprit correspond à tout un spectre de possibles
imbrications, avec en premier lieu une ouverture – non pas seulement vers mais – à
partir de l’avenir. Tel est l’angle d’approche défendu dans Pouvoir et nature humaine,
mais également déjà dans les Stufen dans la mesure où la positionalité y est déjà
caractérisée par l’affirmation d’un espace et d’un temps propres. L’être qui se
positionne se précède et, tout en manifestant un retard par rapport à lui-même,
s’accomplit ici et maintenant dans la conciliation des deux orientations temporelles et
implique, pour ce faire, un processus spécifique17. Dans cette mesure, on parlera plus
volontiers de « temporalité » [Zeitlichkeit] – concept plus neutre et plus englobant que
ne l’est celui trop court et trop ambigu d’« historicité » [Geschichtlichkeit]. Pour éviter
toute nouvelle confusion avec la philosophie de l’existence, on pourra parler de
« temporalité » [Temporalität], bien qu’Heidegger emploie également ce terme dans des
passages moins connus de son œuvre. On évoque aujourd’hui la temporality, non pas

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seulement par référence à Luhmann, mais principalement par la refonte anglo-


américaine des idées [Gedankengut] européo-continentales afin d’établir ce qu’il y a de
comparable et de distinct entre ces philosophies. Dans cette comparaison, Plessner se
singularise par ce que l’on pourrait qualifier d’orientation vers l’historicité future.
8 Suite à cette introduction thématique, je préciserai en trois étapes le rapport entre les
concepts de l’intitulé, c’est-à-dire (2.) la façon dont Plessner fonde son argumentation,
(3.) sa compréhension systématique de l’expressivité, transversale à toutes les phases
de son œuvre, et (4.) sa conception d’une herméneutique générale. La différence
mentionnée dans le sous-titre entre Anthropologie philosophie et philosophie
anthropologique nous sera, pour ce faire, d’une grande utilité.

2. Le mode de fondation phénoménologique chez


Plessner : une reconstruction quasi-transcendantale
des présupposés de la production scientifique du
savoir à partir des pratiques de vie communes
9 Le concept anthropologique de spécification de l’homme – une spécification qui le
singularise des autres êtres vivants – relève, dans les sciences expérimentales, de
présuppositions issues du sens commun. Parce qu’ils partagent ces présuppositions,
tous les experts, aussi spécialistes soient-ils, sont des profanes lorsqu’il s’agit de leur
conduite de vie. Dans la mesure où ces présuppositions ne sont pas elles-mêmes
expliquées sur la base d’une explication de type scientifico-expérimental, bref qu’elles
demeurent supposées sans être expliquées, ces présuppositions peuvent devenir l’objet
d’une réflexion philosophique. Plessner18 parle de présuppositions issues de
l’« observation pré-scientifique du monde » et transposées dans l’« observation
scientifique du monde » contrairement donc aux présuppositions que mentionnent
elles-mêmes les sciences expérimentales – par exemple les prémisses de leurs analyses
en conclusion de celles-ci. Pour éviter toute confusion, je qualifierai de
« présuppositions » [Präsuppositionen] les prémisses qui ne relèvent pas des sciences
expérimentales elles-mêmes mais sont néanmoins déterminantes dans leur production
de savoirs. Ce terme correspond à celui, très répandu, de « presuppositions » dans la
philosophie anglo-saxonne qui fut réimportée des États-Unis vers l’Europe.
10 Les sciences expérimentales intègrent de telles présuppositions issues de la culture
commune, les emploient comme une condition implicite de leur production et les
considèrent comme partagées de façon intuitive par leurs auditeurs et lecteurs. Dans
les sciences biomédicales, il s’agit par exemple des distinctions intuitives et imprécises
entre vivant et non vivant, conscient et non conscient, psychologique et non
psychologique, sain et malade, inorganique et organique, végétal, animal, humain ou
divin, etc. Les sciences de la nature limitent de telles présuppositions à certains aspects
perceptibles qui deviennent ensuite méthodiquement reproductibles et prévisibles à
partir de la perspective dite de la troisième personne. Il en résulte, d’un point de vue
scientifico-expérimental, une détermination et une conditionnalité plus précises du
savoir pour son développement futur – à supposer que les conditions et opérations
méthodologiquement définies demeurent conservées. Dans sa philosophie de la nature,
Plessner entreprend l’analyse de ces présuppositions occultées mais néanmoins
employées afin de déterminer si elles sont essentielles et nécessaires à l’explication

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scientifico-expérimentale ou au contraire accessoires et fortuites 19. Cette analyse


propre à la philosophie de la nature révèle de façon catégorielle les présuppositions
essentielles et nécessaires au-delà de l’intégralité du protocole concerné, c’est-à-dire
outre les notions scientifico-expérimentales consciemment mobilisées 20. Une telle
reconstitution aboutit à la catégorisation plessnerienne des diverses formes
d’organisation et de position du vivant. Cette reconstitution repose sur la combinaison
de diverses méthodes : la méthode phénoménologique, celle de l’herméneutique et son
usage quasi-dialectique pour la découverte de nouveaux phénomènes, ou encore la
déduction quasi-transcendantale de ce qui est présumé comme monde mais qui ne peut
être expliqué dans son intégralité21.
11 C’est la singularité déjà évoquée du fondement phénoménologique chez Plessner qui
est ici décisive, laquelle diverge clairement de Husserl d’un point de vue à la fois
méthodique et théorique. Du point de vue de la méthode, les jugements liés à
l’existence ne sont pas mis entre parenthèses afin de dégager l’idéation et modifier,
rétroactivement, les préjugés liés à l’existence22. Au contraire, Plessner emploie – après
Max Scheler – la technique de la mise entre parenthèses et de la Modifikation afin de
rendre possible l’accès à la spécificité propre aux phénomènes vivants. C’est par leur
caractère vivant que se manifestent de tels phénomènes qui, par leur comportement,
témoignent d’une dynamique entre leurs aspects physiques et psychiques. Pour en
rendre compte, il faut considérer leurs caractéristiques constitutives – et non pas
seulement les caractéristiques qui n’ont valeur que d’indicateur – ainsi que le rapport
entre physique et psychique23. L’alternative cartésienne trompeuse – selon laquelle
toute chose est soit physique, soit psychique (ou spirituelle) – est suspendue
(« neutralisée ») dans l’analyse du vivant. Elle est alors remise en question en tant
qu’« anthropocentrisme dogmatique ou méthodique »24. À l’inverse, le mode
d’apparition du vivant dans son intégralité – lequel est soumis à l’impératif de
spécification – est dégagé de telle sorte qu’il puisse se manifester de lui-même dans son
espace et sa temporalité dynamiques. Cependant, Plessner ne modifie pas seulement la
méthode phénoménologique, mais avant tout la théorie et, de la sorte, l’appréciation
des résultats phénoménologiques et herméneutiques. On sait que Husserl est revenu à
la philosophie classique, celle de la conscience transcendantale, dans les Idées directrices
pour une phénoménologie pure et une philosophie phénoménologique (1913). Plessner étend la
question transcendantale relative aux conditions de possibilité du savoir scientifico-
expérimental à celle des conditions de possibilité de l’expérience de la vie au sein de la
pratique, et ainsi aux présuppositions même du savoir scientifico-expérimental en tant
que forme de vie25. Et il libère ainsi la question transcendantale, classique, de sa
réponse : la conscience, comprise – selon l’ancien primat de la théorie de la
connaissance – comme « conscience de soi » (Kant) ou comme « subjectivité absolue »
(Husserl)26.
12 Selon Plessner, la réponse se situe bien plus dans les formes vivantes elles-mêmes ; en
lesquelles se réalise la formation centrique du comportement entre l’organisme et le
monde environnant. Cette formation se réalise de façon excentrique par une rupture
latérale génératrice d’un décalage au monde. De la sorte, le centre de la formation
comportementale ne peut pas se fixer ni dans l’organisme ni en un point fixe de son
interaction au monde environnant. Il oscille bien plus latéralement au fil des
interactions : de leur influence sur la chair corporelle [Körperleib] et dans l’influence
que celle-ci exerce inversement à son tour. Contrairement à l’ancienne représentation
d’un centre fixe, il existe dans le comportement une dynamique d’alternance – inscrite

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dans une spatialité et un temps propres – entre l’excentration et le recentrement. D’un


point de vue factuel, la corrélation entre les paramètres physiques et psychiques est si
incomplète et plastique que leur excès variable peut mener à un contournement latéral
de l’interaction de l’organisme au monde environnant. Cet excès, ce dépassement,
sensible à la rétroaction, peut, comme variable des relations, se transformer en une
négativité sémiotique du monde. Pour ce qui concerne le mode d’apparition : celui qui
parvient à imbriquer ce hiatus irrationalis, cette fracture entre dimensions physiques,
psychiques et mentales, à une unité, l’accomplit en même temps. L’accomplissement
intrique en effet les côtés hétérogènes de la fracture en une unité ; bien que
l’accomplissement n’abolisse pas la fracture mais au contraire l’accomplisse également.
L’intrication rend possible l’expérience de l’expérience, le vécu du vécu, le langage des
langages, c’est-à-dire l’expression d’une seconde puissance 27, bref : tout ce que l’on
considérait jusqu’à présent comme des monopoles comportementaux de l’homme. On
les qualifiait antérieurement de « réflexion », on les désigne aujourd’hui fréquemment
par l’auto-référence du langage.
13 Ceux-ci, la réflexion de la conscience sur elle-même en tant que conscience de soi et
l’auto-référence du langage à lui-même en tant que langage des langages, sont des
illustrations de la positionalité excentrique ; illustrations découvertes au cours de
l’histoire et inventées pour en rendre compte. Plessner n’était pas par conséquent un
philosophe de la conscience réflexive et ne se reconnaîtrait que trop peu aujourd’hui
dans la philosophe qui a pour objet l’auto-référence du langage. Car les philosophies du
langage s’enferment toujours dans un cercle d’explication et de compréhension dès
qu’elles s’efforcent d’expliquer ou de comprendre ce qui rend possible l’acquisition du
langage et l’évolution de celui-ci. Entre ce que supposent implicitement les pratiques
langagières et ce qui peut être explicité de leurs implications, se trouve le problème de
l’historicité future. Brandom a clarifié ce problème de la « temporality » – que l’on peut
situer entre l’implication et l’explication pratiques – sans pour autant lui fournir de
possible solution28.
14 L’objectif théorique de Plessner est de mettre à jour le monde – c’est-à-dire le monde
intérieur, extérieur et commun – sur lequel s’appuient les pratiques de vie personnelles
– et ce, même jusqu’aux aspects relevant de l’observation – sans qu’il ne puisse être
expliqué et compris au sein de ces pratiques. Cette généralisation des limites exige plus
qu’une reconstruction – à partir de la philosophie de la nature – des suppositions
pratiques qui sont celles des sciences expérimentales biologiques. On peut considérer le
modèle plessnerien de la théâtralité [Schauspielmodell], qui trouve sa limite dans le rire
et le pleurer authentiques, comme l’explicitation – à partir d’une philosophie sociale et
culturelle parallèle à sa philosophie de la nature – des présuppositions qui sous-tendent
la vie pratique au sein des sciences sociales et culturelles. De même, il y aurait tout
intérêt à lire son ouvrage La Nation retardée et ses écrits d’historien à l’aune de cette
reconstitution des présuppositions partagées par les sciences de l’esprit et les sciences
historiques29. Quel que soit par ailleurs dans le détail ce qu’il qualifie de fondement,
celui-ci se distingue, d’un point de vue théorique et méthodique, du sens courant qui lui
est associé. J’ai qualifié ce fondement de « quasi-transcendantal 30 ». Cette dénomination
vise en outre à rendre la position de Plessner plus féconde dans le débat philosophique
contemporain, en facilitant la comparaison de son approche aux exigences quasi-
transcendantales de Foucault, Derrida ou de la philosophie américaine contemporaine.

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15 Le fondement quasi-transcendantal consiste ici à dévoiler philosophiquement aux


« profanes » de la conduite de vie dans leur intégralité, c’est-à-dire également à tous les
experts, ce qui, dans celle-ci, ne peut plus être pour eux déduit d’un point de vue
théorique ou remplacé d’un point de vue pratique. Ce problème revêt une importance
fondamentale pour leur histoire de vie. En dernière instance, il s’articule certainement
à une critique philosophique de la volonté moderniste de puissance pour laquelle tout
peut déjà être surmonté par l’action et le discours. Plessner ne situe pas la souveraineté
dans l’autonomie mais dans la façon de gérer les limites de celle-ci. Son dévoilement
quasi-transcendantal de la fracture excentrique entre les dimensions physiques,
psychiques et mentales du comportement ne peut être concilié avec un fondement
ultime de type rationaliste. Car cette fracture n’est viable que dans l’intrication
accomplie présentement entre passé et avenir, laquelle suppose dans l’absolu une
relation d’indétermination à soi. Dans cette mesure, Plessner s’oppose à l’alternative
fallacieuse entre constantes anthropologiques et historicité irréductible. La fracture
structurelle de type excentrique ne peut être viable qu’orientée historiquement vers
l’avenir. La constante fonctionnelle dans la fracture structurelle de type excentrique
relève d’un accomplissement articulant incessamment, ici et maintenant et d’une façon
jamais définitive, les temporalités. Et pourtant, il représente pour le sujet, dans la
mesure du possible, un accomplissement définitif ici et maintenant, c’est-à-dire un pari
sur l’avenir. Aussi, le fondement ultime de type rationaliste – qui de toute façon n’est
aujourd’hui presque plus défendu – ne doit pas, par sa critique, servir de prétexte à
l’irrationalisme. Le fondement quasi-transcendantal de Plessner triomphe du doute
relatif à la théorie de la connaissance, lequel résulte d’une autonomisation de la
réflexion, au profit d’un scepticisme pratique se réalisant lui-même dans l’historicité
future – pour reprendre les termes de sa conférence inaugurale de 1936 31. Ce
scepticisme pratique, opposé à ce qui est présenté comme absolu – et dont les
idéologies de la mondialisation capitaliste et de la démocratisation instrumentalisée à
cette fin se nourrissent également encore –, est rigoureusement fondé du point de vue
méthodique et théorique. Dans la mesure où cette anthropologie philosophique ne
défend plus la fausse alternative entre anthropologie et histoire, l’historicité future ne
peut plus être comprise comme ne relevant que des sciences de l’esprit. Elle ne vise
plus à la sauvegarde des structures pures de l’esprit contre les limites physiques et
psychiques de celles-ci, mais soumet au contraire cette question : comment le mental
articule-t-il, d’une façon positive et par le recours à l’insondabilité, les conditions
physiques et psychiques du comportement ?
16 On renonce de la sorte à la perpétuation du cercle herméneutique propre comme
prétexte à l’interdiction apriorique de toute comparaison à autrui – pouvant être
soumise à un jugement – et à la possibilité de s’en enrichir de la sorte. Ce qui est
incomparable, comme objet ou sujet, dans quelle dimension et sous quel aspect, résulte
des limites de la comparaison et ne peut être préalablement établi par l’accaparement
de la puissance sécularisatrice faisant du dicton « c’est un rempart que notre Dieu » son
principe. Les diverses méthodes de Plessner se croisent et s’articulent théoriquement
au lieu d’élever une seule méthode d’entre elles au rang de théorie philosophique.
Contre les doublets, il insiste incessamment sur le mode de questionnement indirect.
Ces articulations préviennent, par l’analyse des différences, la conversion de
l’accaparement de puissance en une folie meurtrière – par laquelle, historiquement,
chaque époque cherche à se confronter directement à Dieu – :

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« La position excentrique, comme communication avec l’Autre en soi-même au


cœur du Soi, est l’unité ouverte de l’intrication entre l’aspect herméneutique et
l’aspect ontique-ontologique : la possibilité de comprendre l’homme et la possibilité
de l’expliquer sans pouvoir faire coïncider les limites de ce qui est compréhensible
avec celles de ce qui est explicable32. »

3. L’expressivité comme thème transversal à l’œuvre


plessnerienne
17 Quelle place occupe dès lors le programme de recherche de Plessner dans ses autres
écrits significatifs – bien que son élaboration fût incontestablement plus aboutie dans
les Stufen et Macht und menschliche Natur (Pouvoir et nature humaine) ? Comment
s’articulent les publications antérieures, en particulier Einheit der Sinne (L’Unité des
sens) de 1923 et Deutung des mimischen Ausdrucks (La Signification de l’expression
mimique) de 1925 à la systématique de la période 1928-1931 ? Dans quel rapport à celle-
ci se situent les ouvrages plus tardifs, tels que Le Rire et le Pleurer (1941) ou encore
Anthropologie der Sinne (L’Anthropologie des sens) de 1970 ? – Il ne me sera évidemment
pas permis de traiter cette question in extenso mais seulement d’esquisser une réponse.
Il n’existe dans l’œuvre de Plessner aucun tournant comparable à celui de Heidegger. À
la lecture des textes synthétiques de Plessner publiés dans l’après-guerre, de son article
de dictionnaire « L’Anthropologie philosophique » (1957), du texte « Der Aussagewert
einer philosophischen Anthropologie » (« La pertinence d’une anthropologie
philosophique ») (1973), on constate que Plessner demeure fidèle à la positionalité
excentrique comme fondement (dans l’axe vertical de comparaison entre formes de vie
humaines et non-humaines) et au principe méthodique de l’insondabilité (dans l’axe
horizontal de comparaison des socio-cultures personnelles de l’homo sapiens 33). La
tension entre, d’une part, le mode apriorique de l’intrication dans son accomplissement
et, d’autre part, la facticité historique se renouvelle ainsi constamment. La réflexion
philosophique est en permanence défiée par le discours anthropologique et,
inversement, elle remet aussi incessamment en cause les réponses
anthropologiquement conclusives à la question de l’homme. Ce que Plessner qualifie
dans les années 1950 de « recherche transdisciplinaire sur la frontière » est une forme
de canalisation de la rivalité entre philosophie et anthropologie, laquelle est elle-même
décisive à l’historicité future de la recherche pour l’édification d’une société plurielle 34.
Au regard des aspects comportementaux que l’on veut élever au rang de monopoles
humains, Plessner oppose la distinction entre, d’une part, ce qui rend possible, de façon
quasi-transcendantale, des phénomènes et, d’autre part, leur découverte et création
effectives au cours de l’histoire35. L’« Anthropologie philosophique », c’est-à-dire le
dévoilement philosophique des présuppositions qui sont celles des anthropologies
scientifico-expérimentales, n’induit jamais chez Plessner l’élaboration d’une
« philosophie anthropologique », c’est-à-dire la fondation d’une orientation
philosophique de l’existence sur la base de ces anthropologies scientifico-
expérimentales36.
18 Si l’on ne peut plus viser apriori à une universalité supra-historique de la valeur du
fondement anthropologique, on peut néanmoins formuler certaines hypothèses à partir
de l’état actuel de la recherche en histoire de la philosophie, de la science et de la
culture, lesquelles autorisent, par un questionnement indirect, une prise de distance
envers leurs origines. De telles hypothèses théoriques peuvent alors rendre possible de

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nouvelles expériences mais doivent également faire leurs preuves par celles-ci. Elles
peuvent alors aussi bien être limitées, réfutées ou même être universalisées en
conclusion de l’analyse. Dans ce procédé de recherche, seul peut être méthodiquement
vérifiable la façon dont on peut se situer de l’intérieur du centre, de l’extérieur de
celui-ci, de côté, de l’arrière, de devant, du dessus. Plessner emploie toutes ces
métaphores spatiales bien que, dans la positionalité excentrique, il s’agisse en premier
lieu d’intrications temporelles. Dans notre comportement, nous nous mouvons
rythmiquement par anticipation et après-coup, et pour cela nous parvenons plus
rapidement ou plus lentement, trop tardivement ou trop hâtivement à notre but. Pour
éviter certaines confusions, j’ai qualifié ce double mouvement, selon la spatialité et la
temporalité qui lui sont propres, d’excentration et de recentrement37. Cette distinction
entre ex-centration et re-centrement provient de celle entre « écart » et « retour ». Elle
caractérise de façon rétroactive et prospective diverses phases au sein du flux
pulsatoire des directions comportementales permettant de se précéder tout en
demeurant en retard par rapport à soi-même.

a) Le recentrement

19 Pour ceux qui accomplissent pleinement leur centre comportemental, les distinctions
entre « écarts » s’effacent et n’émergent de nouveau que d’une façon décalée dans le
temps. La dimension inédite et révolutionnaire de l’étude de Plessner et de Buytendijk
Deutung des mimischen Ausdrucks (La Signification de l’expression mimique) (1925) réside
dans sa description rigoureuse de l’accomplissement charnel [leiblich] et de
l’importance théorique de ses implications. C’est ce qui suscita l’intérêt de Merleau-
Ponty pour cet écrit dont il croisa la lecture avec celle de Scheler 38. En premier lieu,
Plessner et Buytendijk soulignent deux erreurs parmi les conceptions jusqu’à présent
défendues : d’une part, la localisation du psychique à l’intérieur du corps propre et,
d’autre part, l’accès à l’autre Je par la perception du corps d’autrui. Ces deux erreurs
représentent les deux faces d’un même problème : la séparation entre le physique et le
psychique et, ce faisant, l’identification à tort de celle-ci à la distinction entre ce qui est
propre et ce qui est étranger. On accorde ainsi un primat herméneutique à l’intériorité
propre avec les attentes les plus erronées quant à la différenciation spirituelle, laquelle
devrait, selon cette conception, se refléter de l’intérieur vers l’extérieur. Plessner et
Buytendijk défendent au contraire une compréhension très superficielle et
schématique de l’expression du comportement extérieur tel qu’il est vécu et non pas
décomposé scientifiquement. L’inversion du problème que posent les autres Je, c’est-à-
dire l’inversion du modèle de réflexion du Je propre de l’intérieur vers un
comportement extérieur, peut être formulée de trois façons :
« 1. la certitude de la forme-du-Tu et celle de la réalité-du-Tu sont co-originelles,
car dans un sens inverse aux certitudes de la forme-du-Je, de l’être-par-le-Je et de la
réalité-du-Je ; 2. la chair [Leibhaftigkeit] n’est pas seulement la façon d’être du corps
propre, parce qu’elle en permet l’appréhension, […] mais elle est au contraire le
mode d’être et d’appréhension du corps dans sa dimension [Schicht]
comportementale, elle représente en d’autres termes le « schéma » indifférent d’un
point de vue psycho-physique par lequel les images corporelles des sujets sont une
réalité les unes pour les autres et les unes avec les autres ; 3. la dimension
comportementale correspond à une sphère de Gestalt reliées les unes aux autres de
façon réciproque, […] sensées-imagées et indifférentes d’un point de vue
psychophysique, au sein desquelles se déroule le comportement 39. »

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Celui qui s’accomplit de façon charnelle, se situe en dehors de lui-même, en autrui, sans
même savoir qu’ici et maintenant les orientations comportementales vers l’intérieur et
l’extérieur, vers le psychique et le physique, vers le propre et l’étranger, s’intriquent en
tant que telles. L’intrication se produit chez celui qui est impliqué en elle, chez celui qui
accède à la compréhension du phénomène expressif.

b) L’excentration
Dans la mesure où les êtres excentriques ne peuvent pas déroger à leur
accomplissement vital ici et maintenant, ils s’accompagnent mutuellement et de façon
transversale, par anticipation du futur et par reprise du passé au sein de leur formation
comportementale. Cette situation engendre des problèmes de hiérarchisation entre les
directions de mouvements mentionnées, pour lesquelles les politiques discursives et la
conscience de soi prétendent toujours disposer de solutions adéquates – pour s’étonner
ensuite que des changements historiques soient malgré tout possibles 40. Pourquoi
cependant, dans le cadre d’une comparaison anthropologique des cultures, devrait-on
exclure l’interprétation nietzschéenne de la croyance comme une mise en scène pour
les dieux, et finalement pour un seul dieu – c’est-à-dire comme une mise en scène
perçue, entendue et ressentie par un être étranger – pour s’y retrouver soi-même ?
Dans des cas extrêmes, souvent qualifiés de pathologiques, le recentrement et
l’excentration de la formation comportementale se disloquent totalement. Outre la
comparaison ici nécessaire avec d’autres cultures et religions, de tels cas extrêmes –
dans le spectre des possibles formations comportementales – sont déjà instructifs au
sein même de notre culture car en eux se manifeste la désintégration de ce qui
normalement représente la condition de l’intégration au sein de la conduite de vie. En
outre, les pathologies mentionnées ne sont pas animales mais relèvent de problèmes
liés à la formation comportementale spécifiquement excentrique et soulèvent la
question de ce qui peut être légitimement normalisé.
Pourquoi par exemple l’emploi d’un même corps – du point de vue d’un observateur
extérieur – comme diverses chairs [Leib] par les différentes personnes que compte une
« personnalité multiple » est-il considéré comme une maladie ? Ou encore, pourquoi les
inversions charnelles de ce que sont les normes hétérosexuelles du corps auxquelles
s’adonnent les personnes homosexuelles, bisexuelles ou transsexuelles passaient-elles
pour une anomalie ? – Car, au regard des possibilités de combinaison qu’offre la
différence personnelle entre l’être-une-chair et l’avoir-un-corps, tous ces phénomènes
sont prévisibles. Ils s’écartent seulement de l’identification usuelle de ce qui est propre
au psychique et à l’intériorité, et de ce qui est étranger à l’extérieur et au physique.
L’évolution des thérapies biomédicales et de leurs critères relatifs « au normal et au
pathologique » (Canguilhem) se révèle riche d’enseignement pour une réflexion sur la
formation excentrique du comportement des personnes au sein d’un cadre mondain.
Parmi la littérature et l’art, la musique et le cinéma, les expérimentations sur les
possibilités et les limites d’une formation comportementale humaine ne sont pas moins
intéressantes à ce sujet. Enfin, l’expérience personnelle de crises, de transformations
comportementales et des limites de celles-ci au cours de l’existence témoigne
grandement de la questionnabilité de la formation excentrique du comportement et
des limites des réponses que celle-ci se donne à elle-même. Tous ces phénomènes de
référence relatifs à la problématique du comportement humain sont traités par
Plessner et articulés de façon parallèle à ses écrits. Il est en outre possible de lire et de

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mettre à l’épreuve ses théorèmes comme propositions hypothétiques et méthodiques


en vue de la réalisation des deux ordres de comparaison, tels qu’ils ont été
conceptualisés dans les Stufen comme comparaison horizontale entre hommes d’une
part et comparaison verticale avec les animaux d’autre part. De la sorte, sa philosophie
demeure toujours liée au contenu de son objet sans jamais se confondre avec une
procédure purement formelle.
L’ouvrage Le Rire et le Pleurer offre une illustration limpide de cette hypothèse
comparative en vue d’une détermination des différences essentielles – sans les articuler
à une philosophie positive et métaphysique. Plessner débute ici son étude par l’analyse
des présuppositions que véhiculent les pratiques du sens commun 41. L’étude L’Unité des
sens (1923), laquelle possède une valeur fonctionnelle pour la personne, a été
corroborée et rectifiée – avec raison selon moi – par l’ouvrage Anthropologie des sens
(1970). Plessner y renonce à son objectif antérieur, celui de reconstituer l’apriori
matériel des modalités de sens en vue d’une théorie future de la personne 42. En 1970, il
formule et maintient d’autant plus librement ses hypothèses anthropologiques
relatives à chacune des modalités sensorielles, à leurs limites et leur rapport inter-
modal. Les esthésiologies de la vue (dans le champ de coordination œil-main), de
l’audition (dans le flux temporel des voix et des ambiances sonores) et de la chair (dans
la perception et la sensation de soi-même) ne sont pas matériellement substituables. La
langue comme couplage par symboles entre expression et action est ainsi
conceptualisée dans le cadre d’une fonction plus large de somatisation des sens pour
l’orientation comportementale personnelle43. Or cette fonction de somatisation s’étend
également à la musique et aux mathématiques sans explication langagière, comme elle
faillit dans le rire et pleurer authentiques en tant que telle de façon palpable. Face à
l’éventail impressionnant de phénomènes concernés, Plessner réalise un examen
systématique des modes d’excentration et de recentrement de l’intrication entre
contenus découverts historiquement et formes crées historiquement.
En ce qui concerne le contenu anthropologique, c’est dans l’Anthropologie des sens que
l’hypothèse est la mieux formulée. L’apriori matériel, qui relevait d’une approche
devenue problématique car traditionnellement transcendantale, est reformulé de façon
anthropologique. On perçoit ici la façon dont l’œuvre plessnerienne déplace la frontière
entre philosophie et anthropologie au sein même de sa considération des modes de
l’historicité future. Ce qui était philosophique devient anthropologique et inversement,
eu égard précisément à l’historicité future comme possibilité. Cette reformulation
anthropologique ne signifie pas que l’ouvrage L’Unité des sens soit dépassé. On peut le
lire autrement que dans son contexte de parution : de façon rétrospective à partir de la
positionalité excentrique (selon une philosophie de la nature) et de l’insondabilité de
celle-ci (selon une philosophie de l’histoire). D’un point de vue méthodique, il nous
livre ainsi un instrument sémiotique pour l’étude des formations de contrastes
[Kontrastbildungen]44 qui peut être employé, de façon structurelle ou fonctionnelle, par
l’analyse phénoménologique et herméneutique. L’objet premier de L’Unité des sens est
l’étude de la fonction de symbolisation, antérieure et comparable au sens que lui
donnera Ernst Cassirer. Pour quelles attitudes personnelles un rapport entre la
perception de phénomènes et leur compréhension herméneutique comme quelque
chose de déterminée est-il nécessaire et quelle doit être la nature de ce rapport ?
Considéré d’un point de vue biogénétique, ce rapport n’est pas figé, mais – tel que nous
le savons maintenant mieux que Plessner lui-même – il se forme, grâce à l’auto-
référence et à la plasticité néocorticales, par interaction entre la perception sensorielle

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et la réponse motrice. Le rapport – qui façonne le comportement – entre la perception


(à la place du stimulus) et la compréhension (à la place de la réponse) doit être appris
socio-culturellement. Dans le cadre de la réflexion moderne sur la dimension construite
de l’action propre, Plessner établit, d’une façon des plus originales, un rapport entre
trois modèles : l’art, avant tout la musique, constitue un modèle pour l’ouverture
radicale à de nouveaux objets. Le langage représente un modèle pour la clarification
des objets au sein de rapports paradigmatiques. La science expérimentale, enfin, est un
modèle de schématisation des paradigmes en vue d’une reproduction pratique de
réponses par l’action. La fonction de symbolisation englobe ainsi aussi bien la
questionnabilité du sens, sa signification que la réponse schématisable à celle-ci.
Néanmoins, ce modèle global présuppose l’autonomisation moderne des pratiques
artistico-musicales, discursives et scientifico-expérimentales. La fonction de
symbolisation permet l’interpénétration réciproque de ces trois domaines autonomes
dans un modèle intégratif à partir duquel peuvent être analysés les processus
temporels relatifs à la génération, la raréfaction, la dissolution et la reconstitution
ultérieure du sens.
Par comparaison aux Stufen, il ne s’agit évidemment pas ici d’une théorie de la
personnalité dans son cadre mondain qui permettrait de fonder un jugement
[urteilsfähig] sur la base d’une comparaison horizontale des cultures excentriques. Il
s’agit ici seulement de la mise à jour méthodique d’une fonction de symbolisation – une
démarche avant-gardiste car interpénétrant diverses pratiques autonomes en
modernité – à partir de laquelle un sens et des jugements sur l’existence peuvent être
produits. Dans le cadre de celle-ci, les phénomènes se manifestent d’eux-mêmes en tant
que tels et nous permettent de reconstruire herméneutiquement la pré-compréhension
inhérente à notre confrontation aux phénomènes et à la description de ceux-ci. Pour
autant, cette méthode sémiotique de réflexion sur les conditions propres de production
ne doit pas être confondue avec des hypothèses empiriques [material] sur d’autres
cultures ou sur les critères équitables d’une comparaison à celles-ci. À partir d’une telle
mécompréhension de la fonction de symbolisation, les mythes et les religions
apparaissent d’emblée comme des confusions sans valeur entre les trois aspects du
processus symbolique. Cette fonction de symbolisation bien comprise clarifie en
revanche la structure par laquelle il nous est permis de former des contrastes
sémiotiques. Or ces contrastes ne doivent pas être établis conjointement à un apriori
matériel qui nous donnerait supposément accès à des empiries étrangères ; alors que
c’est dans un doublet que se conclurait notre propre empirie, dans la pré-projection de
celle-ci sur des cultures autres et étrangères, et dans le jugement de celles-ci à partir de
notre perspective singulière comme échelle centrique de référence45.
J’affirme depuis longue date que L’Unité des Sens nous livre un outil sémiotique et qu’il
ne représente pas, en comparaison des Stufen et de Pouvoir et nature humaine, l’esquisse
d’une seconde théorie dans l’œuvre plessnerienne, c’est-à-dire ni pour une
« philosophie herméneutique de la nature » pertinente (Lessing), ni pour une
« philosophie de la culture » (Fischer / Delitz)46. Au contraire, l’explication sémiotique
des conditions propres de la recherche peut être employée aussi bien à la façon d’une
philosophie de la nature qu’à celle d’une philosophie de la culture afin de se libérer du
cercle ethnocentrique propre, auquel revient fatalement une « philosophie
anthropologique » (voir plus haut). Elle contribue en outre à une conception alternative
de la modernité, au sein de laquelle les nombreuses formes d’autonomie ne sont pas

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seulement justifiées les unes par rapport aux autres, mais s’élaborent en vue de leur
pénétration et, par là même, de leur auto-délimitation réciproques et publiques 47.

4. L’Anthropologie philosophique comme


herméneutique générale. La différence personnelle
entre expression, compréhension de l’expression et
possibilités d’entendement
20 Les qualificatifs philosophiques sont trompeurs pour les profanes qui communément
prennent l’adjectif pour un substantif. Moral Philosophy, Social Philosophy, Political
Philosophy, ces appellations ne signifient évidemment pas que ces philosophies soient
particulièrement de grande valeur sur un plan moral, particulièrement engagées
socialement ou particulièrement actives politiquement. On doit bien plus attendre de
celles-ci une analyse des préférences et des préjugés personnels relatifs aux relations
morales, sociales et politiques et, ce faisant, la découverte de nouvelles conditions de
possibilité et de réalisation de ces types de relations. L’appellation « Anthropologie
philosophique » peut susciter des malentendus de diverses natures. Qui d’entre nous
n’a jamais eu à combattre le préjugé qu’il s’agit simplement ici d’une généralisation
philosophique de faits anthropologiquement indiscutables relatifs à un vieil Adam
inchangé ! Groethuysen a qualifié cette attente de « unreflective, philosophical
anthropology » qu’il oppose à une « reflective, anthropological philosophy 48 ». Et qui
d’entre nous n’a pas eu connaissance de la seconde étape de cette entreprise explicative
que symbolise le passage du substantif « anthropologie » (sans majuscule) et à celui
d’« Anthropologie » (avec majuscule) ? Or l’anthropologie philosophique comme sous-
discipline philosophique est autre que l’Anthropologie philosophique comme prima
philosophia49.
21 Puisqu’il s’agit d’expressivité, il est utile de rappeler le statut qu’accorde Plessner à son
Anthropologie philosophique au sein du programme philosophique général des Stufen,
c’est-à-dire dans le cadre d’une refondation de la philosophie. Il y aborde
l’Anthropologie philosophique comme une herméneutique globale à la différence des
herméneutiques spécifiques des sciences sociales, de la nature et de l’esprit. Cette
herméneutique générale a pour objet l’articulation de toutes les présuppositions qui,
avec les distinctions fondamentales entre l’inorganique et l’organique jusqu’à celles
entre le spirituel et le non-spirituel, font partie intégrante de l’existence. Pour ne pas
conclure cette entreprise par un cercle herméneutique ou empirique, les deux ordres
de comparaisons anthropologiques doivent être fondées indépendamment l’un de l’autre.
Car c’est la seule façon de permettre aux comparaisons horizontales et verticales de se
vérifier et se rectifier réciproquement. Le comparatisme vertical suppose par
conséquent un biais biophilosophique. Le comparatisme horizontal nécessite par
conséquent la dimension indirecte du questionnement, propre à la philosophie de
l’histoire, sur les socio-cultures de personnes. Or c’est par ces possibilités de
rectification que peut être vérifié si la théorie philosophico-anthropologique – relative
à la possibilité de l’expérience de la vie [Lebenserfahrung] dans l’historicité future –
trouve ou non également confirmation dans cette expérience de vie rectifiée. Ce type
de possibilité peut-il être ou non reconnu dans cette rectification de l’expérience de
soi ? L’expérience de vie factuellement rectifiée et considérée comme autre d’un point
de vue personnel est-elle typiquement rendue possible par l’intrication d’une rupture

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structurelle ? Si elle n’est pas rendue possible de cette façon, mais si au contraire ses
modes peuvent être autrement expliqués et compris d’une façon satisfaisante, ceci
signifierait l’échec de l’Anthropologie philosophique de Plessner. Le pari est donc
risqué ! Pas ici de business as usual ! Il ne s’agit pas là – tel que l’impose une certaine
police du discours – de détourner le regard des phénomènes expressifs et de ne rien
entendre de ceux-ci au nom de l’analyse des normes de l’écriture que cette « police »
promeut, ni d’évoquer dans un style romantique le caractère indicible de phénomènes
premiers, leur souffrance prétendument infinie ou leur désir soi-disant intarissable.
22 Plessner conçoit comme une herméneutique générale la « science de l’expression, de la
compréhension de l’expression et des possibilités d’entendement 50 ». Cette triple
distinction, articulées aux phénomènes, ne peut être saisie que par le renoncement, sur
sa base, au primat de l’intériorité – dont nous avons précédemment développé la
critique. A) Contrairement à la nature inorganique, se manifeste déjà dans
l’« expression » une certaine relation à soi de l’être vivant qui s’exprime aux autres par
l’intermédiaire de son monde environnant. Sans l’expression, il ne pourrait se
comporter en relation à son monde environnant. B) La « compréhension de
l’expression » suppose au moins une participation interactive aux communications
d’autres êtres vivants, sans se distancier de ceux-ci en tant qu’autres. L’expression
inaugure le comportement interactif, sa compréhension le termine. C) Ce n’est qu’avec
la possibilité d’entendement qu’a pu être questionnée la façon dont, dans le
comportement, l’expression a pu être spontanément prise pour la communication
d’une participation, comme si le comportement ne pouvait pas être également autre.
Par conséquent, on peut rétrospectivement examiner si cette distinction – constitutive
du comportement – entre l’expression (comme amorce du comportement) et la
participation (comme achèvement du comportement) demeure invariable car innée ou
seulement fixée par acquisition, ou si et comment cette attribution peut être modifiée.
La distinction analytique initiale entre expression, compréhension de l’expression et
possibilités d’entendement peut fournir empiriquement une première réponse :
pourquoi par exemple la célèbre oie cendrée suit-elle Korand Lorenz et non sa mère ?
Lorenz ne ressemblait pourtant pas à une oie cendrée ni ne s’est comporté d’une façon
similaire. Est-il seulement apparu par hasard lors de la phase d’imprégnation durant
laquelle l’oie identifie presque tout à une figure maternelle ? Et ne quitte-t-elle
maintenant plus Lorenz parce qu’elle ne dispose d’aucune possibilité d’entendement ? –
Comme pour tout autre objet de recherche, le problème de l’imprégnation a depuis été
mieux analysé : parmi les oies déjà, les nouvelles progénitures ne se fixent pas sur une
image déterminée de leur espèce propre. De nombreux exemples illustrent la façon
dont se manifestent, outre la différence entre oiseaux et mammifères, les similarités de
la positionalité centrique dans le comportement d’accompagnement. Les animaux
domestiques nous livrent le meilleur exemple de ce qui, déjà dans la positionalité
centrique, se produit et peut, par conséquent, être mis à profit par apprentissage
durant la phase plastique d’imprégnation des jeunes organismes.
23 Pour l’être excentrique toutefois, Plessner oppose d’emblée la triple distinction à
l’approche des sciences biologiques comportementales. La différence entre expression,
compréhension de l’expression et possibilités – spécifiquement spirituelles –
d’entendement est elle-même produite temporellement par les êtres vivants pour
lesquels la nécessité de spécification est vécue de façon personnelle. Dès lors qu’ils
évoluent au sein de la différence entre être-une-chair et avoir-un-corps, ils se
comportent en tant que personnes, c’est-à-dire en tant que tiers, envers eux-mêmes. Ils

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doivent en premier lieu constituer artificiellement leur positionalité centrique, leur


rapport à l’monde environnant. Par conséquent, l’herméneutique générale déborde
théoriquement la seule tâche d’une Anthropologie philosophique. C’est précisément
parce que les êtres que caractérise une rupture structurelle excentrique se rendent
questionnables et peuvent se comporter autrement que sur la seule base de l’inné
héréditaire, par l’apprentissage par associations ou intelligence – disposant ainsi de
plus de possibilités de compréhension que la durée de leur existence ne leur permettra
de réaliser – qu’ils s’assurent une certaine sécurité comportementale. D’une part, en
rendant expressif toute chose possible, et même ce qui dans la nature – par exemple
l’inorganique – ne l’est pas. D’autre part, en imposant comme une évidence, dans la
compréhension de l’expression, une distinction entre la question expressive et la
réponse par l’agir, comme si ce type de comportement était le plus naturel au monde,
comme si l’acculturation socio-culturelle n’avait été nullement acquise ou même
héritée. Comme si la questionnabilité de cette formation comportementale ne se
manifestait pas de nouveau, historiquement et de toute part, dans la succession des
générations, ou encore de manière institutionnalisée dans la culture moderne des
experts qui vivent littéralement de la reconnaissance de la contingence.
24 Prenons un contre-exemple actuel : les figures « ou-topiques » à partir desquelles l’état
des patients comateux est interprété dans les services de neurochirurgie. Tout, si l’on
suit l’analyse de Lindemann, est ici conçu à partir d’en haut, à partir de la finalité
thérapeutique des possibilités d’entendement. De telle sorte, la compréhension
adéquate d’une certaine expression techniquement très développée peut être
considérée en quelques secondes comme une réponse adéquate. Et même si
l’expression est ici élaborée historiquement afin d’en permettre la compréhension la
plus rapide. Ceci s’apparente à un décentrement déconstructif, il n’en est cependant
rien car la détermination des critères relatifs à la mort et au traitement médical fait
l’objet d’une négociation entre trois cultures d’expert : entre médecins, juristes et
politiques51. Les possibilités d’entendement, permettant la compréhension du discours et
plus encore de l’écrit, doivent demeurer viables pour le corps et la chair, ici également
et surtout pour le personnel médical. Or elles ne le seraient pas sans l’expression et la
compréhension de l’expression. Elles rendent possibles le changement, mais pas le
remplacement d’une expression et de sa compréhension. Dans ce cas, l’excentration
demeure viable ici et maintenant dans l’excentration (sic) et le recentrement. Ceci ne
peut advenir sans une « habitualisation ». On peut lire exclusivement d’une façon
excentrique mais pas vivre ainsi. La temporalisation de la non-simultanéité demeure la
pierre d’achoppement de cette rythmique comportementale, de toutes ses stylisations,
aussi bien comme « déconstructions » que comme « constructions ». Du point de vue de
la vie pratique, on ne peut pas tout considérer de façon contingente et encore moins en
même temps, même lorsqu’on le désire – de bonne volonté par pure abnégation.
L’idéologie de la contingence, appropriée à un christianisme sécularisé, est une fausse
promesse, à peine plus estimable que la capacité de consolation des idées
platoniciennes.
25 En ex-centrant et re-centrant leur comportement au sein d’une dynamique temporelle,
les êtres vivants instaurent une différence entre expression, compréhension
d’expression et possibilité d’entendement. Selon cette hypothèse, on ne peut s’étonner
que cette différence ne puisse être fixée dans aucun ensemble ultime composé de
Gestalt ou de phénomènes primitifs. Au contraire, la dépendance envers des archétypes
définitifs repose sur cette incertitude différentielle du comportement ; incertitude des

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personnes et incertitude pour elles-mêmes. Il n’existe pas de monde vécu innocent, tel
qu’on le supposait de Rousseau à Husserl et Heidegger52. Celui-ci se manifeste
historiquement comme l’édification artificielle d’un monde environnant déterminé,
c’est-à-dire d’une positionalité centrique, mais à partir de quoi ? À partir du monde. Le
monde vécu n’est justement pas le monde mais un monde environnant artificiel
familiarisé, c’est-à-dire recentré, au cours la succession générationnelle 53. Les formes
orientées de mouvement sont d’une certaine façon nécessaires à l’expressivité mais pas
des formes exclusives indépendantes de la situation et de son facteur temporel. Dans sa
contribution à une anthropologie positive de l’expression, Meuter met judicieusement
en parallèle la distinction classique entre expression naturelle et expression
conventionnelle avec la différence plessnerienne entre être-une-chair
(irremplaçabilité, immédiateté) et avoir-un-corps (remplaçabilité, médiation) des
personnes – de par leur positionalité excentrique et l’expressivité mimétique qui lui est
caractéristique54.
26 Je conclurai par un bref aperçu de la littérature actuelle consacrée à Heidegger et à
l’Anthropologie philosophique bien que leur conception de la temporalité à partir de
l’expressivité divergent fondamentalement. Le conflit entre ces deux courants de
pensée est un vieux sujet de réflexion mais toujours riche d’enseignements 55. Les
nouvelles générations issues des deux camps ne retombent pas dans l’ancienne guerre
de tranchée et parviennent à clairement différencier leur opposition de manière
fructueuse pour chaque camp. Il apparaît de plus en plus clairement que l’absence
d’une philosophie de la nature et d’une socio-philosophie dans l’herméneutique
heideggerienne peut être compensée par un recours à Plessner. À la place de
l’ignorance antérieure ou à l’incorporation en bloc56 des écrits de Plessner, on assiste à
une appropriation de ceux-ci parallèlement à ceux d’Heidegger, bien que celle-ci
demeure limitée à son anthropologie philosophique57. Il en est autrement de Peter
Sloterdijk. Celui-ci combine l’ancienne ignorance des anthropologies de Scheler et de
Plessner avec, dans une fuite en avant, la volonté de sauver Heidegger – contre le
propre « affect » de ce dernier – en réinterprétant sa philosophie pour en faire l’un des
principaux représentants de l’anthropologie philosophique et historique 58. De quoi faire
retourner dans sa tombe Heidegger. Alors que sa philosophie était concurrencée par les
anthropologies philosophiques de Scheler et Plessner – publiées en 1928 – il a
cependant lui-même préparé cette fuite en avant après que Cassirer se soit référé à ces
anthropologies philosophiques lors de la conférence de Davos 59. Heidegger dédia en
1929 son ouvrage Kant et le problème de la métaphysique à Max Scheler qui venait de
décéder soudainement. Voilà une bien surprenante façon de revendiquer contre
Cassirer le dépassement et la succession de Scheler à la tête soit-disant de la
philosophie germanophone ! En outre, Heidegger s’appropria dans ses leçons du
semestre d’hiver 1929/30, sur lesquelles s’appuie Sloterdijk, la distinction entre monde
environnant et monde issues de ces Anthropologies philosophiques 60.
27 Sloterdijk ne le mentionne pas, manifestement car il lit la différence entre monde
environnant et monde à partir du sens qu’en donne l’anthropologie philosophique
d’Arnold Gehlen – ce qui, dans ce cas, est justifié. Sloterdijk comprend ainsi ses
« sphères » comme des « mondes de l’entre-deux » qu’il situe entre le monde
environnant et le monde et qui, en conséquence, sont censées expliquer anthropo-
techniquement l’hominisation par « l’imagination61 ». Ce que Heidegger saisit par son
analyse du Dasein et sa philosophie de l’être, Sloterdijk le comprend
anthropogénétiquement comme la substance même des techniques culturelles

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archaïques. Ceci peut avoir une pertinence pour l’anthropogenèse mais interdit
cependant l’élaboration de façon systématique d’une philosophie de la personnalité
dans la diversité de ses formes. Une positionalité centrique produite artificiellement
n’est pas conceptuellement comparable à la positionalité excentrique et l’insondabilité
définies par Plessner. Qualifiant son projet d’« anthropologie historique radicale »,
Sloterdijk identifie la production artificielle d’une positionalité centrique 62 aux sphères
que sont les grands imaginaires culturels et historiques de la chair corporelle, c’est-à-
dire les « cages thoraciques » dans un sens figuré. Tandis que Gehlen pense en termes
de corps collectifs (les « institutions »), Sloterdijk conceptualise les chairs collectives
(les « sphères »). Bien que tous deux recourent, d’une façon distincte, à la différence
corps-chair, ils n’en précisent nullement l’origine et la finalité ou l’usage qu’ils en font.
Hannah Arendt commenterait : ici une fois de plus c’est l’action et la parole des
personnes dans l’espace public que dégrade la logique de production d’objets
occidentaux soumis au travail et à la consommation dans le cercle vital 63. Ceci était
caractéristique de l’illusion périlleuse d’une modernité auto-constituée, d’une
modernité de la vie nue, convaincue de la nécessité de dépasser la figure de la
personnalité64 au sein de l’espace public, en tant que survivance d’un âge pré-moderne
(car d’origine religieuse ou esclavagiste). Or si, tel Sloterdijk, on ne souhaite pas
contribuer idéologiquement, à partir de Heidegger / Gehlen, à une nouvelle guerre
civile mondiale, un modèle d’hominisation antérieur aux civilisations avancées de la
personnalité de la « période axiale » (K. Jaspers / S. Eisenstadt) n’y suffira pas. Nous ne
vivons pas avant la période axiale mais sommes confrontés à la question de savoir
comment l’historicité future de la personnalité peut être rendue possible par les
citoyens du monde65. La cage thoracique collective est présente depuis longue date dans
le changement climatique, de même que la possibilité de la mort propre comme
imagination collective. Or on ne peut déduire de ceux-ci des critères en vue de leur
appréciation et de leur modification.

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NOTES
1. Plessner (1975 [1928]), p. 323.
2. Davidson (1986), p. 236-246.
3. Tugendhat (2007), p. 10-14.
4. Cf. Taylor (1994), p. 855-899.
5. Cf. Habermas (1981), p. 446-452.
6. Cf. Margolis (2004), p. 76-80, p. 198-204, p. 219.
7. Margolis (2004), p. 224. Sur la profonde mécompréhension de ce que furent les
pragmatismes classiques, c’est-à-dire des anthropologies philosophiques avant la lettre,
mécompréhension entretenue par les néo-pragmatismes focalisés sur l’analyse du
langage, voir notamment Krüger (2007d), p. 369-372.
8. Plessner (1981b), p. 222.
9. Cf. Foucault (1966), p. 327-329, p. 379-385 et p. 397. Sur Foucault et Plessner, voir
notamment Krüger (2001), p. 43-56.
10. Plessner (1975 [1928]), p. 338.
11. [Le terme ici employé est celui de « Fundierung » qui renvoie moins au
« fondement » passif, figé, statique qu’à la fondation, à l’acte de fonder. De même,
« Kultivierung », généralement traduit par « culture », se rapporte au fait de cultiver,
d’entretenir et de développer une culture. Dans les deux cas, la dimension active et
dynamique ne peut être littéralement restituée par la langue française ; N.d.T.]
12. Plessner (1983a), p. 39.
13. Cf. Plessner (1981b), p. 141-143, p. 191-195, p. 231-233.
14. Cf. Plessner (1981b), p. 161, p. 201-202, p. 206-208, p. 211-214, p. 218-224.
15. Ce que mentionne déjà Plessner in Plessner (1981a), p. 53-56.
16. Cf. Husserl (1992), p. 151-154.
17. Cf. Plessner (1975 [1928]), p. 171-184.
18. Cf. Plessner (1975 [1928]), p. 23, p. 27, p. 118.
19. Pour une analyse des présuppositions ontiques et ontologiques d’une part,
historiques et méthodologiques d’autre part, de la neurobiologie actuelle, voir Krüger
(2007a).
20. « Les catégories ne sont pas des notions mais rendent au contraire celles-ci
possibles en tant que formes de concordance entre sphères hétérogènes ; aussi bien
entre pensée et perception qu’entre sujet et objet » (Plessner (1975 [1928]), p. 116). Une
conception que Gutmann semble méconnaître (Gutmann [2005], p. 139). A l’inverse, on
trouvera une excellente reconstruction de la méthode de la double déduction dans les
Stufen de Plessner dans Mitscherlich (2007), chap. 2. Contrairement à Gutmann, Illies
(2006) s’approprie de façon constructive le projet plessnerien.
21. Sur cette combinaison de méthodes, voir Krüger (2006a), p. 204-213.
22. Cf. Husserl (1985), p. 139-146.
23. Cf. Plessner (1975 [1928]), p. 114.

Trivium, 25 | 2017
108

24. Plessner (1975 [1928]), p. 79.


25. Cf. Plessner (1975 [1928]), p. 30 et 75.
26. Cf. Husserl (1992), p. 188-190, p. 260, p. 266.
27. Cf. Plessner (1975 [1928]), p. 399 et sqq.
28. Cf. Brandom (1994), p. 120-125.
29. Cf. Krüger (1999). Il n’existe également aucun « fondement ultime » des sciences
sociales ou des sciences de la culture, lequel est aujourd’hui dénigré comme une
mauvaise philosophie de substitution. Voir à ce sujet les analyses relatives à la tierce
personne, le tiers et la tiercéité in Krüger / Lindemann (2006), 2 e partie.
30. Cf. Krüger (2001), p. 30-32, p. 44-48, p. 88-93, p. 144-145, p. 289-290, p. 336-337.
31. Cf. Plessner (1983a), p. 43 et sqq.
32. Plessner (1981b), p. 231.
33. Sur les deux axes de comparaison voir Plessner (1975 [1928]), p. 32 et 36.
34. Cf. Plessner (1983e), p. 120-126, p. 133-135.
35. Voir notamment Plessner (1983b), p. 217 ; (1983c), p. 234.
36. Tel est le sens de la critique de Plessner envers la définition par Cassirer de
l’homme comme « animal symbolicum ». Cf. Plessner (1983d), p. 243 ; Krüger (2007d).
Mitscherlich ([2007], chapitre conclusif) tend de même à confondre Anthropologie
philosophique et philosophie anthropologique, une confusion qui, selon elle, domine
l’œuvre de Plessner à partir de 1936.
37. Cf. Krüger (1999).
38. Cf. Merleau-Ponty (1963), p. 41, p. 61-64, p. 66, p. 134, p. 140-141, p. 186-187, p. 191,
p. 195, p. 222 ; Merleau-Ponty (1945), p. 34-35, p. 44, p. 49, p. 56, p. 224, p. 279, p. 339,
p. 377, p. 381, p. 409, p. 438. Sartre fait pour sa part mention de Scheler dans Sartre
(1943), p. 85, p. 136, p. 395-396, p. 454, p. 692. Voir la réponse constructive de Plessner
dans Plessner (1982c), p. 392-398 ; (1983d), p. 236-338, p. 244-246. Cf. Köllner (2006),
p. 274-296.
39. Plessner (1982a), p. 125.
40. Cf. Krüger (2006c), p. 867-883.
41. Cf. Plessner (1982b), p. 218-224)
42. Cf. Plessner (1980b), p. 19-21, p. 270, p. 298.
43. Cf. Plessner (1980), p. 391.
44. Cf. Krüger (2001), p. 118-128.
45. C’est ce que Kämpf (2003) s’efforce d’éviter à partir de Plessner sans pourtant
s’appuyer sur une philosophie de la nature.
46. Cf. Lessing (1998). Dans la continuité du projet de Joachim Fischer relatif à une
philosophie de la culture voir Delitz (2005), p. 917-919.
47. C’est précisément ce qui rapproche l’Anthropologie philosophique des
pragmatismes classiques, à la différence des néo-pragmatismes. Cf. Krüger (2001),
chap. 2.3.
48. Groethuysen (1936), p. 88. Voir la réponse de Cassirer, dans Cassirer (1990),
p. 349-350. L’Anthropologie philosophique de Plessner s’oppose doublement à la
philosophie des symboles de Cassirer et à l’herméneutique historique de Groethuysen
dans leur détermination de l’homme, précisément en tant que « philosophies
anthropologiques ». Cf. note de bas de page 36.
49. Cf. Krüger (2006b), p. 21-29.
50. Plessner (1975 [1928]), p. 23.
51. Cf. Lindemann (2002), chap. 5-6.

Trivium, 25 | 2017
109

52. La position privilégiée de la « conscience dans le droit naturel » s’oppose aux autres
possibilités philosophiques de questionnement par sa défense d’une « hiérarchie
naturelle » des problèmes philosophiques (cf. Plessner [1981b], p. 214). Gernot Böhme
transpose le primat de la nature, considéré comme normatif, du passé vers le futur
pour fonder sa philosophie de la chair. Cf. Böhme (2002), (2003).
53. Sur les malentendus relatifs au concept de monde vital (à la suite de son
interprétation par Hans Blumenberg), voir Merker (1999), p. 68-98.
54. Cf. Meuter (2006), p. 94-96, p. 115-125. Meuter ne comprend malheureusement pas
le primat plessnerien de la positionalité sur la forme d’organisation en soulignant, à
l’opposé, le primat de la forme d’organisation sur la positionalité (cf. Meuter [ 2006],
p. 108 et sqq.). La philosophie de la nature de Plessner ne consiste nullement en un
prolongement de la théorie biologique de Von Uexküll. Par le biais de la théorie
frontalière, les « degrés de l’organique », c’est-à-dire du vivant, représentent les modes
de positionalité, i. e. les formes de positionalité.
55. Cf. Adlt (2001), chap. 2.
56. Cf. Gadamer, (1986), p. 448-456.
57. Cf. Hilt (2005), p. 316-318 ; à partir de Plessner, Haucke (1998), p. 200 ; et Ebke
(2006).
58. Cf. Sloterdijk (2001), p. 152-154.
59. Sur l’opposition entre Heidegger et Plessner voir Krüger (1996) ; (2001), p. 128-143.
60. Cf. Heidegger (1983), p. 283-532. Schmitz a démontré que Heidegger ne s’inspire pas
seulement de Scheler mais également de Plessner, dans Schmitz (1996), p. 368-389. Voir
également Hilt (2005), p. 312 et sqq.
61. Cf. Sloterdijk (2001), p. 162, p. 173, p. 194, p. 201.
62. Sur ce qui oppose Gehlen à Scheler et Plessner voir Krüger (2006b), p. 23-29.
63. Cf. Arendt, (2001), chap. 6 ; Krüger (2007c).
64. [La personnalité renvoie au jeu pluridimensionnel de l’homme dans son orientation
comportementale et son rapport à autrui. Or l’épanouissement de celle-ci trouve sa
condition dans le développement d’une sphère publique ; N.d.T.]
65. Cf. Krüger (2004), p. 77-83.

INDEX
Mots-clés : Anthropologie philosophique, Plessner
Schlüsselwörter : philosophische Anthropologie, Plessner

AUTEURS
HANS-PETER KRÜGER
Hans-Peter Krüger est professeur de philosophie politique et d’Anthropologie philosophique à
l’Université de Potsdam. Pour plus d’informations, voir la notice suivante.

Trivium, 25 | 2017
110

Max Scheler et Helmuth Plessner –


la charnellité dans l’Anthropologie
philosophique
Volker Schürmann
Traduction : Guillaume Plas

NOTE DE L’ÉDITEUR
Nous remercions M. Volker Schürmann ainsi que la maison d’édition Mohr Siebeck de
nous avoir accordé l’autorisation de traduire ce texte pour le présent numéro.
Wir danken Herrn Volker Schürmann sowie dem Verlag Mohr Siebeck für die
freundliche Genehmigung, diesen Artikel in französischer Übersetzung zu publizieren.
« Dieu seul est libre de tout corps1. »
« Dieu est donc pour ainsi dire la rigole où
confluent toutes les contradictions. C’est à un
recueil populaire de ce genre que nous avons
affaire avec la Théodicée de Leibniz. Il s’agit
toujours d’y tirer au clair toutes sortes de faux-
fuyants2. »
« Là où commence la dimension corporelle, la
philosophie cesse de la thématiser3. »
1 La problématique centrale à laquelle est confrontée l’Anthropologie philosophique au
sujet de la charnellité [Leiblichkeit] est la question du rapport entre le corps [Körper] et la
chair [Leib]. C’est pourquoi une définition préalable des notions de corps et de chair est
ici impossible, car elle nécessite que soit auparavant clarifié ce rapport que les deux
notions entretiennent.
2 La distinction entre corps et chair peut être à bien des égards sujette à controverse. Les
opinions peuvent tout d’abord diverger sur la manière dont les deux éléments de cette
distinction doivent être définis quant à leur contenu. On peut ensuite débattre sur le

Trivium, 25 | 2017
111

fait de savoir entre quoi ou au sujet de quoi on opère là une distinction – s’agit-il d’une
distinction opérée au sujet du corps lui-même, ou bien entre différentes définitions de
la “corporéité”, ou bien encore d’une distinction entre différentes perspectives sous
lesquelles nous thématisons notre corporéité. Et l’on peut enfin débattre de savoir
selon quelle logique on procède à cette distinction : on peut ainsi vouloir établir que ces
deux pôles sont identiques, ou bien que l’un d’entre eux n’existe pas, ou encore que l’un
n’est qu’un aspect partiel de l’autre, ou quelque autre chose encore.
3 L’un des aspects les plus importants de l’Anthropologie philosophique consiste à attirer
l’attention sur de telles divergences au sujet de la distinction entre corps et chair. Cela
a pour conséquence de contraindre, dans le travail de définition de ce qu’est le
« corps » et ce qu’est la « chair », à faire un détour, c’est-à-dire à clarifier certaines
questions préalables.
4 Je commencerai par conséquent par un bref retour historique (1ère partie) qui, en
s’appuyant sur l’exemple de Ludwig Feuerbach, va mettre en évidence le rôle
« spéculatif » de la charnellité. Ce qui ne signifie ici rien de plus que le fait que la
charnellité n’est pas seulement un sujet d’étude de l’anthropologie philosophique, mais
que la thématisation du corps et de la chair modifie à cet endroit également la
conception fondamentale que l’on a de la philosophie, et tout particulièrement celle
que l’on a de la vérité philosophique. La conséquence décisive qui en découle est que
l’Anthropologie philosophique ne thématise pas la corporéité et la charnellité
strictement en tant que telles, mais toujours considérées comme incluses dans une
troisième dimension. C’est la raison pour laquelle, en lieu et place d’une dualité
composée du corps et de la chair, apparaît une triade constituée de la personne, de la
chair et du corps. Ce faisant, il est possible, en s’appuyant sur la philosophie de Scheler
(2e partie), de mettre en évidence deux choses : d’une part, la différence entre ces trois
dimensions, chacune ne pouvant se réduire à aucune des deux autres ; d’autre part, les
logiques spécifiques à chacune de ces trois dimensions, qui expliquent ces
irréductibilités. Chair et corps se distinguent l’un de l’autre par leur rapport
fondamentalement divergeant au fait d’être vivant, et tous deux se distinguent
également, selon Scheler, de manière fondamentale de ce qu’est être une personne, ce
qui est selon lui lié aux effectuations et non à l’objectité, comme le sont le corps et la
chair. C’est en ce sens que le fait d’être une personne constitue ce que Scheler nomme
un état de fait « spirituel ». À l’aide de la philosophie de Plessner (3 e partie), il est
ensuite possible d’examiner la question de savoir si et comment la différence
fondamentale entre corps, chair et personne n’aboutit pas à une pure et simple altérité,
à une coexistence de ces trois éléments sans aucune relation entre eux, à un « d’un
côté…, d’un autre côté… » qui atténuerait leurs tensions. À la différence de Scheler,
Plessner insiste sur le fait que les hommes ne sont pas des personnes qui seraient en sus
dotées d’une chair – comme si le fait d’être une personne pouvait être en soi concevable
sans enveloppe charnelle. Plessner ne connait que des personnes dotées d’une chair –
ce qui signifie également que les trois dimensions de cette triade sont toutes des
dimensions corporelles. Cela va s’avérer constituer une différence essentielle entre les
concepts schelerien et plessnerien d’esprit (4e partie).

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1. La chair spéculative ou : l’anthropologie comme


prima philosophia
5 Sous le nom d’anthropologie philosophique, trois thématiques différentes peuvent être
abordées. D’une part, l’anthropologie philosophique est un sous-domaine de la
philosophie – de manière analogue, donc, à l’ontologie, à la théorie de la connaissance,
à l’esthétique, la philosophie sociale, la philosophie de la technique, etc. Cette
signification gagne en précision lorsque l’anthropologie n’est pas abordée en même
temps que d’autres domaines (par exemple à l’occasion de discussions en théorie de la
connaissance), mais qu’elle se constitue en sous-discipline autonome 4 ; Socrate (par qui
l’éthique s’émancipe de la philosophie de la nature) et surtout Feuerbach marquent des
étapes essentielles dans ce cheminement. L’Anthropologie philosophique – écrite avec un
A majuscule –, quant à elle, constitue un courant ou une école de pensée propre – de
manière analogue, donc, au néokantisme, à la phénoménologie, à la Théorie critique,
etc.5 Enfin, l’anthropologie philosophique est parfois élevée au rang de prima
philosophia : le fait d’être un être humain n’est alors pas seulement un objet d’étude
philosophique traité en même temps que d’autres, il n’est pas non plus thématisé
explicitement et avec insistance que dans une seule sous-discipline de la philosophie ; il
revêt bien plutôt la fonction de fondement de la philosophie.
6 C’est ce qui a lieu de manière explicite et résolue chez Feuerbach, mais c’est aussi une,
sinon la caractéristique essentielle de l’Anthropologie philosophique. Chez Plessner,
par exemple, cela a lieu de façon moins explicite mais tout aussi résolue que chez
Feuerbach6, et c’est, de plus, lié chez lui à une importante distinction et, partant, à une
importante clarification au sujet de ce que peut également signifier « constituer un
fondement ». Que l’anthropologie philosophique ait pour les représentants de
l’Anthropologie philosophique le statut d’une prima philosophia ne signifie pas chez
Plessner qu’il voie en elle un fondement précédant en logique tous les autres sous-
domaines de la philosophie. Une telle conception reviendrait à penser que l’on peut
déterminer au préalable et de façon positive l’essence de l’homme, pour ensuite, dans
un second temps logique, ériger sur ce fondement une philosophie. Plessner donne à
cette conception qu’il critique le nom de « philosophie anthropologique », et il dit – peu
importe ici que ce soit à tort ou à raison – voir en Feuerbach l’un des représentants de
cette philosophie7. Cette critique formulée à l’encontre de Feuerbach ne l’empêche du
reste pas d’attribuer lui aussi à l’anthropologie une fonction de fondement dans
l’entreprise de « recréation de la philosophie8 ».
7 Ce rôle de l’anthropologie comme prima philosophia n’est pas sans conséquence sur la
thématique du rapport entre corps et chair. Tout d’abord en ce que le corps, la chair et le
rapport que tous deux entretiennent appartiennent tout simplement aux sujets abordés
par une telle philosophie. Cela n’a rien de surprenant ; et c’est même ce que l’on a
coutume d’attendre d’une anthropologie philosophique. Néanmoins, l’Anthropologie
philosophique, comme nous l’avons évoqué plus haut, traite cette question d’une
manière qui lui est tout à fait propre, en partant du rapport qu’entretiennent le corps et
la chair, et en méditant à cet égard sur un point d’indifférence sur lequel repose même
la différence entre sujet et objet. Tout ceci ne serait cependant pas encore spécifique à
une anthropologie entendue comme prima philosophia. Cette spécificité n’apparait que
lorsque la thématique corps et chair n’est plus simplement un sujet d’étude (fût-il
intéressant, ou important, ou bien encore négligé par d’autres penseurs) parmi d’autres

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sujets d’étude importants, mais lorsqu’elle va de pair avec une modification de la


conception même que l’on a de la philosophie.
8 C’est notamment ce qui se passe dans l’œuvre de Solger9, mais également, et même tout
particulièrement, dans celle de Feuerbach. Ce dernier parle explicitement de « la
signification spéculative » de la chair10, et c’est là la preuve manifeste qu’une
modification de la conception de la philosophie est en train de s’opérer, conception que
Feuerbach adopte néanmoins avant tout comme postulat et présente, notamment en
s’opposant à Leibniz, plus qu’il ne la légitime véritablement en raison. Il éprouve une
haute considération à l’égard de Leibniz là où il lit et décrit le concept leibnizien de
monade, c’est-à-dire de substance individuelle, comme le concept philosophique de
l’individualité et de la fondamentale perspectivité du savoir 11. Mais il polémique contre
lui là où Leibniz, avec d’autres, continue d’adhérer à la conception d’une vérité
absolument générale, non pas située dans le monde mais flottant au-dessus de lui – à la
conception du vrai comme apeiron, comme dénué de corps. Philosopher, rétorque-t-il, a
par principe un fondement « humain » dans la mesure où nous, êtres humains, n’avons
par nature pas la possibilité de regarder le monde de l’extérieur, mais ne pouvons au
contraire jamais l’observer que depuis une situation à chaque fois spécifique, que de
l’intérieur du monde lui-même – même si cela ne nous empêche pas de le voir alors
dans sa totalité. Que Dieu soit libre de tout corps (comme l’affirme Leibniz) relève en ce
sens effectivement, mesuré à l’échelle humaine, d’une conjuration des esprits ; et cela a
également des conséquences sur les substances individuelles terrestres : les monades de
Leibniz ne sont pas de chair et de sang, explique-t-il encore, elles sont de simples
spectatrices et non des actrices dans le théâtre du monde. C’est là selon lui « le
principal défaut de la Monadologie12 ».
9 Dès lors, élever l’anthropologie au rang de prima philosophia, c’est mettre en place un
contre-programme radicalement opposé aux programmes de la « vérité nue 13 » et de la
« belle âme14 ». « Etre dans une chair signifie être dans le monde. Autant de sens –
autant de pores, autant de nudité. La chair n’est rien d’autre que le moi poreux 15. »
10 Le fait que l’anthropologie philosophique se voit revêtir le rôle de prima philosophia au
sein de l’Anthropologie philosophique a des conséquences sur la présentation qui suit.
En effet, il convient dès lors de différencier entre deux aspects : d’une part, le rapport
entre corps et chair est un problème factuel spécifique, qui peut et doit être examiné
avec les moyens de la philosophie universitaire ; d’autre part, le rapport entre corps et
chair est néanmoins un problème de grande importance de et pour la philosophie, il ne
s’agit donc pas là d’un simple cas d’application d’une “raison” bien établie, mais, de
manière analogue au rire16, d’un objet lors de l’étude duquel la raison philosophique se
retrouve confrontée à elle-même et placée devant un véritable défi.
11 On peut apprendre dans les écrits d’Arnold Gehlen certains aspects techniques relatifs à
la première thématique qui vont au-delà de ce que l’on peut déjà lire chez Scheler,
Plessner, Löwith, Portmann, etc. L’auteur Gehlen est assez intelligent pour rendre à
tout le moins vraisemblables de tels prolongements. Mais on ne peut chez lui rien
apprendre sur tout ce qui a trait à la deuxième problématique. Au contraire : il a aboli
de manière tout à fait ostentatoire cette dimension-là de la philosophie, qui se laisse
encore désorienter par ce qu’elle thématise ; à son contre-projet, il a donné le nom-
monstre de « philosophie empirique17 ». Comme s’il avait par avance deviné de tels
développements, Plessner avait dit dès 1936, dans le premier paragraphe de son cours
inaugural à l’Université de Groningue, tout ce que l’on peut et doit dire du point de vue

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de l’Anthropologie philosophique au sujet de telles conceptions : l’objectif


philosophique est d’acquérir une échelle de mesure et non de pratiquer des sciences
empiriques18. C’est ce qui explique que je ne traiterai pas de Gehlen dans ce qui suit.
Tous les arguments majeurs invitant à avoir une autre opinion sur ce sujet peuvent être
retrouvés chez Fischer19, qui ne thématise pour autant à aucun moment le rôle de
l’Anthropologie philosophique comme prima philosophia20.

2. Max Scheler : la différence entre objet et


effectuation
12 Le fait que les tenants de l’Anthropologie philosophique se posent avant toute chose la
question du rapport entre le corps et la chair signifie qu’ils recherchent une, ou même la
(seule) instance de leur médiation. Inéluctablement, leur thématisation du corps et de
la chair oblige chacun à intégrer à sa réflexion un troisième concept, sans lequel ils ne
pourraient indiquer ce qu’est le corps et ce qu’est la chair. Ainsi, les passages centraux
sur la définition du rapport entre le corps et la chair se trouvent chez Scheler dans un
chapitre définissant ce que signifie être une personne21.
13 L’intuition centrale de Scheler est que l’on doit certes distinguer de manière
fondamentale, c’est-à-dire irréductible, entre le corps et la chair, mais que les deux ont
néanmoins ceci en commun qu’ils sont définis comme des objets. Or, tout ce sur la
perception de quoi nous sommes en mesure de nous entendre n’est pas déterminé
comme objet. Nous connaissons également, par exemple, des effectuations, et ces
effectuations ne sont
« jamais des objets. Car bien qu’il existe, à côté de l’effectuation naïve, un savoir de
cet acte par le biais de la réflexion, cette réflexion ne contient […] rien de ce qui
relèverait d’une objectivation, telle qu’elle caractérise, par exemple, toute
perception de soi, et à plus fort titre encore toute observation de soi 22. »
En ce sens, ni la corporéité, ni la charnellité n’appartiennent à la sphère du spirituel –
Scheler appliquant « le concept d’esprit [à l’ensemble de la sphère des actes] 23 ». Or, les
personnes appartiennent à cette sphère du spirituel, car « il appartient à l’essence de la
personne qu’elle n’existe et ne vit que dans l’effectuation d’actes intentionnels 24 ». Par
conséquent, « en posant une personne et un acte, on ne pose encore aucune chair 25 ». Ceci
ouvre selon Scheler à la possibilité que Dieu soit une personne 26 – le fait d’avoir une
chair n’est donc pas une condition essentielle au fait d’être une personne. On pourrait
tenir cela, avec Hegel, pour « la rigole » de « faux-fuyants à tirer au clair », mais il est
plus important de se demander d’abord quels enseignements des interrogations
athéistes peuvent retirer de telles considérations, ou à côté de quoi elles peuvent passer
si elles se contentent de n’y voir que de simples bavardages.

2.1 La non-substantiabilité de la personne comme présupposé de sa


dignité

14 Il importe à Scheler de préserver également par la philosophie l’unicité et la non-


interchangeabilité de la personne. C’est pourquoi il part de la distinction kantienne
entre « prix » et « dignité27 ». Selon cette distinction, une personne se caractérise par sa
dignité – ce qui veut dire qu’elle ne peut jamais être prise en considération uniquement
parce qu’elle est un moyen hautement estimable en vue d’une fin autre (qu’elle-même),

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mais qu’elle doit être appréciée en premier lieu et avant tout pour elle-même. C’est
donc là que, selon le projet kantien, sont garantis l’unicité et le caractère non-
interchangeable de la personne ; considéré comme un moyen aussi bon soit-il pour
atteindre des finalités aussi nobles soient-elles, un être humain serait toujours
interchangeable ; par contre, l’estimer pour ce qu’il est en lui-même signifie le
considérer comme non-interchangeable.
15 Scheler partage de façon tout à fait résolue cette position et, dès lors, également la
critique kantienne de ce qu’il appelle à cet endroit l’« éthique matérielle », qui est tout
au plus en mesure de faire l’éloge des êtres humains, mais précisément pas de les
estimer. Mais il n’en critique pas moins avec tout autant de détermination l’« éthique
formelle » de Kant, qu’il juge « formaliste ». Il objecte que cette version d’éthique
formelle, malgré tout le bien-fondé de son opposition aux éthiques du prix, « dé
valorise » elle aussi, quoique d’une tout autre manière, « la personne, en ce sens qu’elle
place celle-ci sous la domination d’un nomos impersonnel auquel il lui faut obéir afin
qu’elle puisse devenir une personne28 ».
16 Scheler considère que dans la représentation kantienne de la personne comme
personne douée de raison, la personne est dévalorisée en ce que l’individualité y perd
précisément de sa valeur au profit d’un attribut commun à tous les hommes. Le concept
de « personne individuelle » y devient selon lui « au sens strict une contradictio in
adjecto29 », dans la mesure où aucune spécificité individuelle d’aucune sorte ne peut être
intégrée à ce par quoi se définit selon Kant le fait d’être une personne – l’observation
d’une loi collective, supra-individuelle, précisément, de la raison – sans venir
« troubler » ce caractère universel. Parler d’une « personne douée de raison » ne fait
donc, au sens strict de l’expression, pas de sens, c’est-à-dire que ce n’est ni paradoxal,
ni insensé, mais que l’évocation d’une « personne » perd alors tout son sens 30 : selon
Scheler, soit une personne est une personne individuelle, soit elle n’est pas une personne.
17 Cependant, une chose est selon Scheler « parfaitement correcte » dans la conception
kantienne, et c’est ce qui lui évite de devenir une éthique du prix matérielle : c’est
qu’elle pense la « personne » précisément non pas comme « une chose ou une substance
», « qui aurait de quelconques capacités ou pouvoirs », voire même, dans des cas
particuliers, « une “capacité” ou un “pouvoir” de raison31 ». Scheler montre ensuite32
néanmoins que le « moi » kantien de l’aperception transcendantale ne peut être
entendu au sens d’une personne, car Kant objectivise selon lui encore ce « moi 33 ».
Contre cette conception, Scheler préserve strictement le caractère d’effectuation des
« actes » ou des actions et définit sur cette base la “personne” comme le principe
d’individuation des effectuations34. Dans ce sens indirect – comme appartenant, de
manière essentiellement nécessaire, aux effectuations non-objectivisées –, la
“personne” n’est effectivement « dans son essence pas un objet 35 ». Seule est garante de
son individualité la « spiritualité » qui lui est propre.

2.2 Commentaire I

18 « Seul Dieu est libre de tout corps » (Leibniz) : voilà comment on entend
traditionnellement la vérité. Selon cette conception, elle est quelque chose
d’universellement valable, et toute relativité à l’espace, au temps ou à une personne
reviendrait à la limiter, à la rendre incompatible avec le caractère de nécessité qui lui
est propre. La vérité est considérée comme apeiron, et si elle avait un corps, elle serait

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particulière et en ce sens conditionnelle, et non inconditionnelle et nécessaire. Elle doit


donc être pensée dans cette conception comme dénuée de corps.
19 Scheler reconnait cette structure argumentative dans la conception kantienne de la
raison, mais il en fait une objection à son égard : il réclame contre elle que l’on doive
penser dans le concept de la personne l’individualité d’un universel. Or, ceci n’est par
principe possible qu’au sein de la sphère des actes, c’est-à-dire du spirituel. Dès lors,
corporéité et charnellité demeurent, contre Feuerbach, cantonnées au rôle qui leur est
traditionnellement dévolu : celui de n’être que des entraves à une perfection.

2.3 Chair et corps chez Scheler


« Il est en tout premier lieu certain que la chair n’appartient ni à la sphère de la
personne ni à la sphère de l’acte, mais à la sphère de l’objet de toute “conscience de
quelque chose et de ses façons d’être. Plus précisément, sa manière de se donner
phénoménalement et le fondement de cette donation phénoménale diffèrent
essentiellement de ceux du moi, de ses états et de ses vécus 36. »
Par cette différence essentielle entre la chair et le moi, se définit également la
distinction entre la chair et le corps.
20 A côté de la distinction fondamentale entre la sphère de l’esprit et la sphère de l’objet,
Scheler établit donc également d’autres distinctions fondamentales, au sein de la
sphère de l’objet elle-même. On y trouve d’abord les rapports “habituels” de la
perception de choses du monde extérieur. Concernant de tels rapports, Scheler parle
d’un « moi » auquel des choses – des corps naturels – se manifestent sous la forme
d’objets. Dans un cas particulier, il s’agit du propre corps, que nous percevons (dans ce
cas-là) de manière tout à fait analogue aux autres corps naturels, par exemple dans « ce
qu’on appelle les “sensations d’organes” » (les sensations de nos muscles, des
modifications de nos articulations, les sensations de douleur, de chatouillement, etc.) 37.
21 Ces rapports entre le moi et le monde des corps naturels sont indifférents à l’égard de
la distinction entre corps vivants et corps non-vivants ; ou pour le dire autrement, le
fait que certains de ces corps naturels soient vivants n’est pas pertinent pour
caractériser les rapports entre le moi et le monde extérieur. C’est ce qui distingue
d’emblée ceux-ci de ce que Scheler appelle « les rapports entre la chair et son monde
environnant » ; car nous avons « également » de notre chair « une conscience
intérieure, que nous n’avons pas au sujet de tous les corps non-vivants 38 ». Scheler
refuse énergiquement d’identifier cette « conscience intérieure » liée à la chair aux
sensations de notre propre corps évoquées à l’instant, ou plus exactement de gommer
la différence entre les deux39. L’argument central – en partie d’ordre logique, et en
partie d’ordre phénoménal – qu’il invoque à cet égard consiste à dire que nous ne
déduisons (ou ne pouvons déduire) de manière inductive notre charnellité de
sensations particulières que nous avons de corps naturels, mais qu’au contraire une
conscience de notre chair est inscrite dans chacune de ces sensations, afin de pouvoir
identifier ces sensations comme les miennes. « Et c’est précisément ce phénomène
fondamental qui est “la chair” au sens le plus strict du terme 40. »
22 La part logique de cet argument est un argument systémique : il est selon Scheler
purement et simplement erroné de se représenter la conscience intérieure de notre
chair comme une somme de sensations ; elle est bien plutôt toujours « la conscience
d’un tout, structuré de manière plus ou moins vague41 » – et c’est précisément ce
pourquoi elle fonde chaque sensation isolée. Le point déterminant est pour Scheler la

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logique selon laquelle s’articule le rapport entre la chair et les sensations particulières :
il ne s’agit pas d’une relation entre une partie et un tout, ni d’une relation entre un
fondement préexistant et quelque chose qui reposerait ensuite sur ce fondement, mais
d’une relation entre « une forme et son contenu42 ». Ce qui signifie également que la
chair n’est pas un objet dans le même sens que les corps naturels le sont pour le moi
dans ses sensations particulières. Matthias Koßler a reconstruit de manière très claire
et compréhensible cette différence fondamentale entre les rapports entre le moi et le
monde extérieur et ceux entre la chair et son monde environnant – en un mot : entre le
corps et la chair. L’étymologie nous livre un premier indice : le mot “chair” [Leib] est
« la forme ancienne et originelle de substantivation du verbe “vivre” [leben] 43 ». On
peut voir là le signe d’une opposition entre le corps et la chair dans la mesure où « la
“chair” est indissociablement liée au fait d’être vivant » alors que le terme de « corps »
peut précisément être aussi bien appliqué à des corps morts qu’à des corps vivants, et,
ce faisant, « souligne l’absence de vie », puisque cette distinction entre mort et vivant
ne détermine en rien ce qu’est un « corps44 ».
23 C’est aussi pourquoi il y a une différence très nette entre le « corps vivant » et la
« chair », car lorsque l’on parle de « corps vivants », on ajoute à certains corps – qui
sont des corps indépendamment du fait qu’ils vivent ou non – la qualité supplémentaire
d’être vivants. Etre vivant n’affecte donc ici en rien le fait d’être un corps, mais
distingue “seulement”, parmi toutes les choses dont il est déjà entendu qu’il s’agit de
corps, certaines tout à fait singulières, à savoir celles vivantes. À l’inverse, lorsque l’on
parle de « chair », est impliqué le fait que ne serait pas “chair” quelque chose qui ne
serait pas vivant. C’est la raison pour laquelle il serait faux de définir la « chair »
comme un « corps doté d’une âme » : « La chair est autre chose qu’un corps qui
posséderait également une âme45. » Le type de rapport qu’entretiennent la chair et la vie
est fondamentalement différent de celui qu’entretiennent le corps et le fait d’être
vivant ; tandis que le second est un rapport entre une chose et sa qualité, le premier est
une relation d’expression entre ses deux termes. Dès lors, la “chair” peut être définie
comme « l’expression matérielle de la vie46 ».
24 Koßler qualifie la différenciation ainsi opérée entre chair et corps de « position
commune à l’ensemble de l’anthropologie philosophique47 ». Et en effet, cette
distinction est également notamment pour Plessner une distinction importante, voire
même essentielle. Grâce à elle, en effet, c’est l’une des intentions les plus centrales de
Plessner qui peut être formulée de façon plausible : à savoir que nous devrions
commencer par appréhender l’homme, d’un côté, comme un être naturel semblable à
tous les autres corps naturels, comme une chose parmi d’autres choses – comme un
corps – ; afin de le concevoir d’un autre côté et en même temps sans contradiction
comme un être extraordinairement spécifique, comme le centre de son monde –
comme une chair. Ces attributs respectifs du corps et de la chair – un corps comme tous
les autres corps, et une chair au centre d’un monde – découlent d’un examen du monde
des corps naturels ; et le fait que ces attributions s’inversent exactement depuis le point
de vue de chaque être humain particulier appuie l’intention de Plessner : en tant que
corps, cet être humain particulier se rapporte à un centre, tandis que, en tant que
chair, il perd tout le pouvoir que lui conférait sa centralité 48. Cette distinction entre
chair et corps permet d’espérer parvenir à la fois à atténuer la « position à part de
l’homme dans le cosmos » par rapport à des conceptions traditionnelles tout en
préservant la part centrale légitime de cette conception.

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25 Cette intention demeure encore aujourd’hui d’une très grande actualité.


Traditionnellement, le discours attribuant à l’homme une « position à part » va
inévitablement de pair avec une hiérarchisation. On peut bien être tout à fait
bienveillant à l’égard des situations naturelles non-humaines – toujours est-il que se
reproduit là dans les faits une domination de l’homme, car de telles situations
naturelles ne peuvent être conçues dans ce cadre comme autonomes. C’est toujours-
déjà l’échelle de mesure particulière qu’est la raison humaine qui y est appliquée au
reste du cosmos ; jusqu’à Fichte inclus, c’est, sans exception, toujours le moi qui pose le
non-moi. Une telle « position à part » a donc à juste titre été critiquée comme un
anthropomorphisme fatal, qu’il convient donc d’atténuer. D’un autre côté, un
anthropomorphisme ne serait-ce que minimal est inévitable. Toute autre conception
impliquerait en effet que notre accès à la nature est totalement indépendant du fait que
c’est justement nous qui réalisons cet accès. Or, une telle neutralité, un tel regard
strictement naturalisé sur nos situations naturelles ne serait possible que depuis
l’extérieur du monde – et nous ne pouvons, nous, êtres humains, que rêver (ou
cauchemarder) de posséder une telle vision divine, ce qui pour autant est étonnement
le cas jusqu’à aujourd’hui. Le reproche de spécisme tel qu’il a notamment été formulé
avec grand bruit par Peter Singer s’oppose à toute forme d’anthropomorphisme. Dans le
meilleur des cas, une telle présupposition d’un regard divin suggère que l’on ne sait pas
vraiment de quoi l’on parle ; dans le pire des cas, on a là à faire à des prédicateurs de
futures révélations naturelles qui mettent ainsi leur magot en sécurité.
26 En résumé, on trouve donc chez Scheler les distinctions et attributions suivantes :
– entre le moi et le monde extérieur/le monde des corps naturels ; ce rapport
caractérise par exemple les sensations, que ce soient celles des corps naturels
“extérieurs” (par la « perception extérieure »), ou celles de son propre corps (par la
« perception intérieure49 »)
– entre la chair et le monde environnant ; « conscience intérieure » de sa propre chair,
forme du rapport entre le moi et les contenus du monde extérieur
– entre la personne et le monde ; lié fondamentalement aux effectuations, impossible
de substantialiser ce rapport
– une problématique découle de cela : parce que le terme de “personne” signifie
l’individualité, le « monde » qui est rattaché à chacune de ces personnes est d’abord un
monde singulier, aux teintes propres à chaque individu. Doit-on alors en rester « à une
multitude de mondes personnels50 » ? Ou bien « l’idée d’un seul et unique monde réel,
identique pour tous […] parvient-elle encore à trouver une concrétisation phénoménale 51
»?

2.4 Commentaire II

27 Les théories contemporaines de la performativité partent en règle générale de la


théorie des actes de parole. Cela conduit à certains détours, voire à certaines « impasses
conceptuelles52 ». Or, en partant de la distinction tranchée établie par Scheler entre
objets et effectuations, une autre lignée de pensée de la performativité peut être
retracée – en particulier si l’on y intègre la constellation formée à l’époque par la
phénoménologie, l’herméneutique, la philosophie de la vie et l’anthropologie. La
focalisation sur la performativité dans le langage parlé, par exemple, est alors d’emblée
atténuée au profit d’une « performativité corporalisante53 ».

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3. Helmuth Plessner : la différence entre chair-corps


centriques et chair-corps excentriques
28 On peut maintenant procéder peut-être au mieux à la transition vers l’anthropologie de
Plessner en s’interrogeant sur le rapport entre corps et chair, ou plus exactement sur le
rapport entre les rapports entre le moi et le monde extérieur et entre la chair et le
monde environnant. Il ne suffit pas en effet de dire que ces deux rapports diffèrent
fondamentalement l’un de l’autre ; car bien que corps et chair soient
fondamentalement différents et bien qu’il ne soit pas question ici d’annuler cette
différence fondamentale, il est bien certain qu’on ne peut dire à l’inverse que « l’être
humain (vivant) […] [a] une chair et à côté de cela un corps 54 ». Les « aspects de la
charnellité et de la corporéité ne [peuvent dès lors être] compris comme de simples
alternatives qui n’auraient aucun lien entre elles. En sa qualité d’expression matérielle
de la vie, la chair contient toujours en soi également la dimension de la corporéité 55. »

3.1 Ce qui se révèle dans le rire et le pleurer

29 Chez Plessner, la positionnalité est le principe qui rend identifiable, voire


« appréhensible » le corps naturel vivant comme être vivant, comme organisme. Cette
phrase doit paraître un peu complexe, car la « positionnalité » est chez Plessner une
catégorie, et non une qualité de certaines choses du monde qu’il serait possible de
déterminer empiriquement56. Plessner ne permet donc pas d’affirmer que les êtres
vivants sont positionnés (pas plus qu’il ne permet d’affirmer que les êtres humains sont
positionnés de manière excentrique), car pour lui, l’expérience que l’on peut avoir des
êtres vivants ne peut découler d’une généralisation par induction de la perception d’un
certain nombre de choses vivantes. Il est bien plutôt selon lui nécessaire d’utiliser telle
ou telle catégorie déjà en usage afin d’identifier les êtres vivants comme êtres vivants.
C’est là la même logique de l’argumentation systémique que celle que nous avons
rencontrée plus haut chez Scheler. Plessner définit cette catégorie comme la
positionnalité – “positionnalité” n’étant pour lui non une qualité des êtres vivants mais,
pour parler avec Scheler, la forme d’un contenu, ou bien, pour le dire avec Koßler,
l’expression du fait d’être vivant.
30 Plessner lie le fait d’être vivant au rapport particulier qu’entretient le corps naturel à
sa propre limite. À la différence des choses non-vivantes, une chose vivante ne s’arrête
pas à ses simples contours, elle entretient au contraire un rapport avec ces mêmes
contours – elle y effectue un passage de frontière57. Ou pour le dire autrement : les êtres
vivants sont inscrits par nature dans un rapport entre le centre et le monde extérieur,
et sont en ce sens positionnés : ils se posent et s’affirment. De ce fait, on peut et on doit
décrire la place de l’être vivant dans le cosmos selon deux « ordres », générés par le
doublet du corps et de la chair, ou plus exactement par le doublet de l’avoir-un-corps et
de l’être-un-corps.
31 Plessner distingue entre être un corps et avoir un corps. Avoir un corps nomme le fait
qu’un être vivant, dans ses actions, se distancie de son corps, se retrouve donc pour
ainsi dire face à lui et l’utilise comme un moyen pour se confronter à son monde
environnant. Le rapport qu’entretient un tel être vivant avec son monde environnant
s’effectue donc par l’intermédiaire de son corps, qui fonctionne comme un élément

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tierce entre lui et son monde environnant (de manière analogue à une échelle). Etre un
corps nomme le fait que le rapport d’un être vivant à son monde environnant ne
s’épuise pas totalement dans de tels rapports instrumentaux. Manifestement, les êtres
vivants n’ont pas les pleins pouvoirs sur toutes leurs actions. Concernant les êtres
humains, Plessner prend comme exemples le rire et le pleurer ; Seel évoque de son côté
ce qu’il y a de véritablement sportif dans la pratique sportive 58 : ce sont là des exemples
de réactions-limites au sein du spectre des actions humaines possibles, dans lesquelles
le fait d’être un corps se désolidarise du fait d’avoir un corps, et la chair-corps ainsi
libérée répond pour la personne à une situation-limite. Il arrive (passivement) quelque
chose à la personne, et pourtant c’est bien elle qui y répond (activement) – il y a bien
encore un pouvoir de la personne, mais en même temps elle n’a plus autorité sur elle-
même59. Dans les situations de l’être-un-corps, la médiation entre l’être vivant et son
monde environnant ne s’effectue pas par l’intermédiaire du corps fonctionnant comme
dimension tierce, comme moyen, mais par celui de la corporéité comme élément
médiateur (de façon analogue au rapport d’un poisson à sa nourriture, médiatisé par
son élément vital, l’eau). La distinction entre avoir un corps et être un corps ne consiste
donc pas en une opposition entre médiateté (par quoi l’on définirait l’avoir-un-corps)
et l’immédiateté (par quoi l’on définirait l’être-un-corps) ; elle est une distinction entre
deux types de médiateté60.
32 Résulte de cela deux « ordres » de description. Dans la perspective de l’avoir-un-corps,
toutes les choses du monde extérieur, y compris le propre corps, sont rapportées à un
« centre immuable » se trouvant pour ainsi dire “dans” le corps – à un soi-même –,
considéré comme point central absolu. Dans la perspective de l’être-un-corps, le propre
corps est un corps naturel parmi tous les autres – même si, comme nous l’avons relevé
plus haut, ceci dépend aussi de la perspective choisie : vu non pas sous l’angle du
propre corps mais sous celui de tous les corps, cette relation de réciprocité relative et
ce rapport à un centre sont exactement inversés.
33 La thèse déterminante de Plessner, à savoir la définition qu’il donne de l’excentricité,
consiste alors à dire que chez l’être humain, « ces deux ordres [sont] imbriqués et
[forment] une unité étrange61 ». Ces deux ordres s’excluent l’un l’autre, mais pourtant
on ne peut se passer de l’un ou de l’autre ; il est impossible de trancher en faveur de
l’un ou de l’autre, et, au sens strict, on ne peut parler d’une alternance entre les deux :
l’excentricité est l’« imbrication » des deux ordres. L’excentricité ne se caractérise donc
pas simplement par l’existence du doublet être un corps/avoir un corps ; car celui-ci
caractérise en réalité les êtres vivants en général. L’excentricité est bien plutôt liée à
une spécificité du rapport entre l’être-un-corps et l’avoir-un-corps, ou plus exactement
entre les deux ordres cités ; Plessner définit ce rapport à la suite de König comme un
rapport d’« imbrication62 ». Pour définir l’excentricité, Plessner a donc besoin – ses
propres formulations sur ce point ne sont pas toujours très claires – d’un argument
supplémentaire, par-delà la démonstration de l’existence de ces deux ordres.
34 Cet argument consiste à dire que chez l’animal (par exemple), le doublet constitué par
ces deux ordres se fond entièrement dans l’effectuation de son existence, tandis que
l’homme se place quant à lui, dans sa propre effectuation de son existence, de surcroît
dans un rapport à ce doublet. Plessner nomme cela la tâche consistant à « trouver un
rapport à eux [i. e. à ces deux ordres] 63 », alors que l’animal « effectue sans
discontinuer […] le renversement de l’être à l’avoir et de l’avoir à l’être », ce
renversement « ne lui apparaissant pas de surcroît et ne représentant dès lors pas pour

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lui un “problème”64 ». À un autre endroit, Plessner le dit de la manière suivante :


l’animal « maîtrise » sa chair, tandis que l’homme, au contraire, est dans sa chair
« comme dans un étui », et ne fait par conséquent que « dominer » sa chair 65.
35 Cependant, l’ambiguïté des formulations de Plessner évoquée à l’instant n’est pas
complètement levée : elle a simplement été déplacée. Deux interprétations
s’affrontent :
i) Si l’on met en avant dans cet argument le fait que l’homme est confronté à la tâche
consistant à établir un rapport à ces deux ordres – c’est-à-dire à établir un « équilibre
entre être et avoir » –, alors semble-t-il n’y avoir qu’exceptionnellement excentricité.
Être excentrique serait alors une option qui ne serait réalisée que lorsqu’un tel
équilibre est atteint, à la différence des situations dans lesquelles seul le
« renversement » s’effectue, comme chez les animaux. L’essence de l’homme résiderait
alors dans le fait de pouvoir être excentrique, et l’humanité “véritable” résiderait dans le
fait de réaliser effectivement cette excentricité.
ii) Si l’on met en avant dans cet argument le fait que l’excentricité est l’imbrication des
deux ordres, alors l’excentricité est par essence différente de la position de l’animal et
non quelque chose qui viendrait en supplément (de quelque chose de commun à
l’animal et l’être humain). Du fait de son excentricité, l’homme aurait toujours-déjà
réalisé cet « équilibre » ; chacune de ces actions serait altérée du fait qu’il y a établi un
rapport à ces deux ordres au lieu d’y effectuer sans heurts un renversement, comme le
fait l’animal. Du reste, Plessner explique que dans la vie normale d’un être humain,
l’« obligation de parvenir à un équilibre passe inaperçue 66 » – et non qu’à ces moments-
là, aucun équilibre n’a lieu.
36 Les développements de Plessner oscillent entre ces deux interprétations. Cependant, la
dénomination et l’intention du concept d’excentricité n’autorisent que la seconde
interprétation67. En effet, la première interprétation suppose un centre supplémentaire,
ou un point qu’il serait possible de déterminer, depuis lequel l’ordre lié à un point
central et celui non lié à un point central devraient au préalable être mis en relation.
Or, l’ex-centricité ne peut précisément plus disposer d’un tel centre propre, et exprime
seulement l’altérabilité principielle de l’ordre lié à un point central 68.
37 D’un autre côté, l’excentricité doit d’une quelconque manière avoir une nouvelle fois
pour objet ce point central (lequel n’existe quant à lui que dans l’effectuation), s’il faut
que l’action humaine se distingue du simple renversement entre l’avoir et l’être tel
qu’il s’effectue chez l’animal. L’animal « constitue un système qui se réfère à lui-même,
un soi, mais il n’a pas de vécu – de soi69 ». Autrement dit, le fait d’établir un rapport
avec les deux ordres principiellement de même valeur doit avoir une certaine
pertinence pour l’action humaine. En ce sens, l’excentricité n’est pas quelque chose qui
arrive simplement à l’homme, mais pour ainsi dire un s’être-toujours-déjà-réalisé actif.
Au-delà de ce paradoxe, il est impossible d’accéder à l’excentricité.
38 On peut ou l’on doit donc dire – si l’on clarifie ainsi l’équivocité de Plessner – que, dans
le cadre de cette conception, l’action humaine ne peut pas ne pas être excentrique,
mais que le mode de l’excentricité – la manière dont elle est réalisée – est entre les
mains de l’homme. König a qualifié de telles structures de « possibilités nécessaires 70 » :
une expression que l’on rencontre aussi de temps à autre chez Plessner, quoique sans
cette acuité conceptuelle71.
39 Ainsi, le rire et le pleurer illustrent, dans la perspective de définir ce que signifie
l’excentricité en tant qu’excentricité, précisément non une situation exceptionnelle,

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mais l’interprétation de Plessner selon laquelle, dans une situation de perte anodine de
l’orientation réflexive, c’est la chair-corps qui répond pour la personne au sein de cette
situation et à cette situation72, ce qui veut dire que « l’équilibre » toujours-déjà réalisé
entre avoir un corps et être un corps n’est pas quelque chose qui arrive simplement aux
êtres excentriques, mais quelque chose sur la forme duquel ils peuvent intervenir.
Intervient donc encore, ici aussi, dans le positionnement dans un rapport aux deux
ordres, une part de liberté. Cette liberté se manifeste encore comme pouvoir de la
personne à l’endroit même où celui qui rit ou pleure perd le contrôle de son corps.

3.2 Commentaire III

40 Décrit dans l’ordre de l’avoir-un-corps, l’homme entretient un rapport instrumental à


son corps. Cela vaut pour toute action humaine, et même pour toute action d’un être
vivant, et Plessner, à la différence de la critique de la culture, ne voit là aucun sujet
d’inquiétude. Cette description de l’action humaine n’est critiquable que si l’on procède
à deux réductionnismes. D’une part, si cette action n’est pas également décrite dans
l’ordre de l’être-un-corps. Dans ce cas, la forme des contenus de l’avoir-un-corps est
alors réduite, de manière implicite ou explicite, à n’être que le contenu d’un rapport
entre le moi et le monde extérieur. Une telle réduction ne rend déjà pas justice à
l’action animale ; elle le fait encore moins à l’action humaine 73.
41 D’autre part, le rapport d’imbrication entre avoir un corps et être un corps est en cela
réduit que la possibilité de donner une forme à ce rapport, c’est-à-dire de se comporter
de manière excentrique à son égard, est niée. Il est donc possible avec Plessner de dire
simultanément les deux choses : que toute action humaine est une technique du corps,
et donc jamais l’effectuation d’une capacité innée. – « J’ai dormi debout en montagne 74
». En même temps, ce serait tomber dans la démesure humaine que de nier la
détermination dont chacune de ces techniques du corps est l’objet. On ne peut
légitimer avec Plessner aucun culte autour de la domination du corps, aucune
technicisation exhaustive du corps. Le rapport des êtres excentriques à eux-mêmes « a
d’emblée un caractère instrumental75 », mais il n’en résulte pas pour Plessner que
l’homme doive se représenter son propre corps comme une machine.

3.3 Personnes dotées d’une chair

42 Le rapport entre le corps et la chair est donc chez Plessner, tout comme chez Scheler, un
rapport entre les trois éléments que sont le corps, la chair et la personne. Les êtres
excentriques adoptent un comportement à l’égard du rapport entre le corps et la chair,
et il leur est impossible de ne pas le faire. Cette configuration à trois éléments de ce
rapport caractérise les êtres excentriques en tant que personnes :
« En ce qui concerne la positionalité, il faut évoquer trois choses : le vivant est
corps, dans le corps (comme vie intérieure ou âme) et à l’extérieur du corps comme
point de vue, depuis lequel il est les deux à la fois. Un individu caractérisé ainsi par
ces trois choses quant à sa positionalité est une personne 76. »
Et tout comme chez Scheler, ce « point de vue » excentrique sur soi depuis l’extérieur
ne peut être substantialisé, il n’est donné que dans l’effectuation active, et Plessner
peut lui aussi encore parler ici d’esprit. Mais à la différence de Scheler, l’esprit chez
Plessner ne peut être divin – du moins pas au sens où il serait libre de tout corps.

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« On ne peut aller plus loin que ce stade, car la chose vivante a atteint là une vision
pleine et entière de soi-même. […] Elle est alors en-deçà et au-delà du fossé,
rattachée au corps, rattachée à l’âme, et en même temps nulle part, sans lieu autre
que tous ses liens dans le temps et l’espace, et c’est ainsi qu’elle est homme 77. »
Le point de vue spirituel est chez Plessner, à la différence de chez Scheler, lié
principiellement à deux égards – d’une part, au monde qui l’entoure, et d’autre part, au
corps. Que ce point de vue soit un regard porté depuis l’extérieur sur le rapport entre
avoir un corps et être un corps signifie que les êtres excentriques se voient toujours et
inévitablement avec un regard autre que le leur – ce qui signifie pour Plessner qu’ils se
voient toujours et inévitablement avec le regard d’autrui. Les corps naturels, de leur
côté, ne peuvent bien sûr adopter une position transcentrique. De plus, Plessner
prolonge un argument déjà développé par Scheler, en l’accentuant également au sujet
de la corporéité.
43 Scheler avait développé l’argument selon lequel les personnes appartiennent de façon
médiate à la sphère du spirituel. Certes, elles ne sont pas elles-mêmes des effectuations,
mais elles ne sont néanmoins pas non plus les simples points de départ vides des
effectuations. En leur qualité de principes nécessaires d’individuation, les personnes
font, selon Scheler, partie intégrante des effectuations – et c’est en cela qu’elles
participent de la sphère des effectuations, ou du spirituel. Toutefois, Plessner ne parle
pas simplement et à titre général d’effectuations, mais, précisément, d’effectuations
excentriques, qu’il avait définies comme un comportement à soi, c’est-à-dire comme un
comportement au rapport entre avoir un corps et être un corps. Et il reprend dans cette
concrétion l’argument de Scheler : dans la mesure où les effectuations excentriques ne
sont pas substantialisables, elles ne sont que sous le mode de comportements face à ces
deux ordres corporels. Il n’existe pour ainsi dire d’effectuations excentriques que sous
la forme de comportements face aux états de fait des ordres corporels [körperlich] et
charnels [leiblich], et, du fait de cette relation, ces effectuations excentriques sont elles-
mêmes, de manière médiate, corporelles. Contre Scheler : un dieu sans corps ne
pourrait être une personne, car il n’existerait pas d’ordres corporels face auxquels il
pourrait se comporter. « Qui ne se situe pas au-dessus de la vie, mais se meut au sein de
celle-ci, se comporte toujours également par rapport à son corps 78. »

3.4 Incarnations

44 Le fait que Plessner conçoive les effectuations excentriques comme liées au monde
commun et au corps a une conséquence déterminante pour leur compréhensibilité.
L’accent mis par Scheler sur les effectuations garantit que le fait d’être une personne ne
soit pas réduit à être une chose. Cependant, Scheler n’a pu préserver cette dignité de la
personne qu’en conduisant toute auto-objectivation du fait d’être une personne à être
soupçonnée d’œuvrer à une réification. Pour Scheler, chaque objectivation
d’effectuation tue le sens “véritable” de ce qui est en train de s’effectuer. Le concept
schelerien d’esprit n’autorise qu’une herméneutique du vécu : le sens d’une pure
effectuation ne peut au final être donné qu’à chacun de mes propres vécus. En
revanche, si l’on met comme Plessner l’accent sur le versant corporel des effectuations
excentriques, alors les effectuations elles-mêmes ne se déroulent déjà plus dans le
cadre intérieur et strictement privé de ce que l’on appelle un vécu ; transparaissent
d’elles bien plutôt des symptômes corporels, et donc accessibles, voire même, selon les
cas, compréhensibles. Surtout, les effectuations s’agglomèrent ensuite pour prendre la

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forme d’expressions, de telle sorte que l’on peut également comprendre les
effectuations de manière médiate, en déduisant l’effectuation de ce qui s’est effectué
sous forme incarnée. Dans l’essai écrit en collaboration avec Buytendjik, il apparait
clairement dans quelle mesure Plessner élabore une herméneutique non du vécu, mais
de l’expression79, au sein de laquelle le sens personnel est un sens public et accessible,
et non privé et renfermé sur lui-même80.
45 Le modèle d’excentricité que Plessner mobilise est le jeu d’un acteur 81. La question de
savoir si ce modèle est d’abord et avant tout un modèle d’activité excentrique, ou un
modèle de l’herméneutique de l’activité humaine, ou encore un modèle d’une
appréhension réussie de personnes par elles-mêmes en tant que personnes, est, pour le
dire avec un concept plessnerien, « indécidable82 ». Dans un sens comme dans l’autre :
« Ce n’est pas un hasard si nous disposons du mot “incarnation” [Verkörperung]
pour décrire le jeu d’un acteur, car ce dernier nous montre ce qu’est une telle
incarnation. Cette imbrication de la chair dans le corps, de l’être-un-corps et de
l’avoir-un-corps, avec laquelle nous, êtres humains, devons nous accommoder si
nous voulons réussir notre vie ici et maintenant, cette imbrication qui nous
préoccupe de manière incessante, qui nous tient sous son emprise – l’acteur nous la
donne à voir. L’être humain dans son entier devient là un personnage. Son jeu de
rôle, auquel la société le contraint, devient, interprété là sous une forme prosaïque,
un exemple. Ce rappel n’a pas pour intention de placer le théâtre au-dessus de
toutes les autres formes d’art. Il n’en demeure pas moins que lui seul parvient à
rendre visible l’unité des sens dans la multiplicité de leurs facettes, sans que cela
n’entrave le fait que chaque modalité sensuelle, prise individuellement, n’a les
mêmes chances que les autres qu’en interaction avec une activité qui lui
correspond. Jamais l’être humain ne parvient à l’unité des sens de manière
strictement passive. Cette unité n’est pas inhérente aux qualités elles-mêmes ; elle
ne leur est pas non plus instrumentale, ni intermodale ou synesthétique. Elle ne se
révèle qu’à notre activité, et l’incarnation opérée par l’acteur parvient à nous la
montrer à travers l’image d’un autre être humain83. »

4. Commentaire IV
46 La meilleure façon de déterminer ce qu’apporte l’Anthropologie philosophique à la
thématique de la charnellité et aux manières contemporaines de concevoir la
philosophie est peut-être de le faire ex negativo. On gagnerait à avoir davantage à
l’esprit, dans les débats actuels, ce que les tenants de l’Anthropologie philosophique
thématisent sous le nom d’« esprit ». Il apparaitrait alors que nous pouvons
effectivement traduire « esprit » par spirit, ce qui pourrait peut-être quelque peu
apaiser un climat tendu dans lequel chacun, lorsqu’il est question du problème de la
corporéité, a immédiatement en tête ce que l’on appelle le mind-body problem. Mais on y
gagnerait également en ceci que les questions factuelles n’ont pas été résolues. Tout
d’abord, nous utilisons simplement une terminologie nouvelle : à la place de « capacité
d’effectuation du spirituel », nous parlons de « performance » ; à la place de « monde
commun », nous parlons, selon l’accent que nous mettons, du « social », du « sociétal »
ou encore du « politique ». Bien évidemment, de telles modifications de la
nomenclature philosophique n’ont non seulement rien de problématique en soi, elles
témoignent même au contraire d’évolutions, de nouvelles vues et de nouvelles
différenciations. Elles deviennent néanmoins problématiques lorsque, sous ces
nouveaux termes, on ne fait en réalité que réinventer la roue. La renaissance que
l’Anthropologie philosophique a connue ces dernières années a été et est encore les

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deux à la fois : un rappel de faits déjà sus, et la relecture à nouveaux frais de textes que
l’on croyait connus.
47 Parfois, les rappels sont tout simplement des corrections ou des précisions dans des
débats qui s’étireraient sinon en longueur. Ainsi, le débat actuel autour du concept de
personne est dominé par le modèle consistant à voir dans le fait d’être une personne
une qualité84 ; or, si l’on suit Scheler, un tel modèle est tout simplement une erreur. Et
le fait qu’une herméneutique du vécu ayant pour point de départ le sens privé ne soit
pas compatible avec une herméneutique de l’expression qui se donne pour fondement
un sens public n’aurait pas à faire l’objet de pénibles démonstrations si l’on reprenait en
les confrontant Scheler et Plessner.

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NOTES
1. Leibniz (1982 [1714]), § 72.
2. Hegel (1986 [1833]), p. 255, trad. fr. (modifiée) p. 1639.
3. Plessner (1983 [1963]), p. 243.
4. Cf. Groethuysen (1931).
5. Sur cette distinction et sa justification dans le détail, cf. Fischer (2008).
6. Cf. entre autres Orth (1991).
7. Cf. Plessner (1983 [1937]), p. 39 ; Krüger (2009), p. 66.
8. Plessner (1928), p. 30. Sur l’actualité d’un tel projet d’une prima philosophia, cf. Borsche (2010).
9. Cf. Koßler (1999).
10. Feuerbach (1982 [1841]), p. 152 et suivante.
11. Feuerbach (1984 [1837]).

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128

12. Feuerbach (1984 [1837]), § 12, p. 92.


13. Konersmann (2006).
14. Konersmann (1993).
15. Feuerbach (1982 [1841]), p. 151.
16. Schürmann (2010a).
17. Gehlen (1983 [1941]), p. 62.
18. Plessner (1983 [1937]), p. 33.
19. Cf. Fischer (2008).
20. Cf. Schürmann (2009b).
21. Chapitre intitulé Formalisme et personne, in Scheler (1966 [1913/16]), p. 370-469.
22. Scheler (1966 [1913/16]), p. 386.
23. Scheler (1966 [1913/16)], p. 388 ; cf. Scheler (1976 [1928]), p. 31 et suivantes, et notamment
p. 31 et suivante, p. 38 et suivante.
24. Scheler (1966 [1913/16]), p. 389.
25. Scheler (1966 [1913/16]), p. 387.
26. Scheler (1966 [1913/16]), p. 389.
27. Scheler (1966 [1913/16]), p. 370.
28. Scheler (1966 [1913/16]).
29. Scheler (1966 [1913/16]), p. 371.
30. Cf. Scheler (1966 [1913/16]), p. 378, note 1.
31. Scheler (1966 [1913/16]), p. 371.
32. Scheler (1966 [1913/16]), p. 373 et suivantes.
33. Scheler(1966 [1913/16]), p. 379 et suivante.
34. Cf. Scheler (1966 [1913/16]), p. 383.
35. Scheler (1966 [1913/16]), p. 389.
36. Scheler (1966 [1913/16]), p. 397.
37. Scheler (1966 [1913/16]), p. 398.
38. Scheler (1966 [1913/16]), p. 398.
39. Pour une liste d’« erreurs » typiques, cf. Scheler (1913/16), p. 400 et suivante.
40. Scheler (1966 [1913/16]), p. 399.
41. Scheler (1966 [1913/16]), p. 401.
42. Scheler (1966 [1913/16]).
43. Koßler (2004), p. 80.
44. Koßler (2004), p. 80 et suivante.
45. Koßler (2004), p. 81.
46. Koßler (2004), p. 81.
47. Koßler (2004).
48. Cf. plus bas, paragraphe 3.1.
49. Cf. Scheler (1966 [1913/16]), p. 397.
50. Scheler (1966 [1913/16]), p. 395.
51. Scheler (1966 [1913/16]).
52. Krämer (2004), p. 21.
53. Krämer (2004), p. 17 et suivantes.
54. Koßler (2004), p. 82.
55. Koßler (2004).
56. Cf. Plessner (1981 [1931]), p. 151-154, et en particulier p. 152 au sujet de
l’« appréhensibilité » ; cf. également Plessner (1975 [1928]), p. 234-236 au sujet des différences
d’essence au sein du monde vivant.
57. Plessner (1975 [1928]), ch. 3.

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129

58. Cf. Seel (1993).


59. Cf. également Plessner (1983 [1973]), p. 396 et suivantes.
60. Cf. Schürmann (2010b).
61. Schürmann (2010b), p. 240.
62. Plessner (1975 [1928]), p. VI ; cf. aussi König / Plessner (1994).
63. Plessner (1982 [1941]), p. 241.
64. Plessner (1982 [1941]), p. 242.
65. Plessner (1983 [1969]), p. 356.
66. Plessner (1982 [1941]), p. 241.
67. Comme l’indique de manière explicite Plessner (1975 [1928]), p. 300.
68. Cf. Plessner (1975 [1928]), p. 289-291.
69. Plessner (1975 [1928]), p. 288.
70. Cf. König (1969 [1937]).
71. Plessner (1975 [1928]), p. 151 ; Plessner (1982 [1941]), p. 244 ; cf. Schürmann (1999), chap. 5.2.
72. Plessner (1982 [1941]), p. 274-277.
73. Plessner (1982 [1941]), p. 242, p. 246.
74. Mauss (1950 [1935]), p. 379.
75. Plessner (1982 [1941]), p. 242.
76. Plessner (1975 [1928]), p. 293.
77. Plessner (1975 [1928]), p. 291.
78. Krüger (2009), p. 66.
79. Plessner / Buytendjik (1982 [1925]), Schürmann (2009a).
80. Sur le concept plessnerien d’herméneutique, cf. Plessner (1983 [1953]), Plessner (1980 [1970]),
p. 383 et suivante ; Kämpf (2003), Lindemann (2008).
81. Plessner (1982 [1948]).
82. Plessner (1981 [1931]).
83. Plessner (1980 [1970]), p. 391.
84. Cf. à ce sujet et contre cette position Kannetzky / Tegtmeyer (2007).

INDEX
Mots-clés : Plessner, Scheler, charnellité, Anthropologie philosophique
Schlüsselwörter : Plessner, Scheler, Leiblichkeit, philosophische Anthropologie

AUTEURS
VOLKER SCHÜRMANN
Volker Schürmann est professeur de philosophie à l’Université allemande du sport de Cologne.
Pour plus d’informations, voir la notice suivante.

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Traductions vers l'allemand


Übersetzungen ins Deutsche

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131

Das »Anthropologieverbot« bei


Husserl und Heidegger und seine
Übertretung durch Blumenberg
Jean-Claude Monod
Traduction : Gustav Roßler

NOTE DE L’ÉDITEUR
Wir danken Herrn Jean-Claude Monod für die freundliche Genehmigung, diesen Artikel
in deutscher Übersetzung zu publizieren.
Nous remercions Monsieur Jean-Claude Monod de nous avoir accordé l’autorisation de
traduire ce texte pour le présent numéro.

1 Im 2006 postum erschienenen Werk Beschreibung des Menschen stellt Hans Blumenberg
eingangs die Frage: »Wovon soll in der Philosophie die Rede sein?« Und fährt dann fort:
»Im Gegensatz zu allen anderen Wissenschaften, in denen man zuerst weiß,
worüber geredet werden soll, und dann allmählich klärt, wie solches Reden
stattfinden soll, welcher Mittel man sich bedienen wird und in welchen Grenzen
Erkenntnis gewonnen werden kann, entscheidet sich für die Philosophie, wovon in
ihr die Rede sein soll, schon als eine Sache der Philosophie«. 1
Soll wesentlich vom Menschen die Rede sein? Blumenberg prüft und entwirft die
Möglichkeit einer philosophischen Anthropologie ausgehend von der Phänomenologie,
einer Denkschule, in der er ausgebildet worden war und der er bis zum Ende tief
verbunden blieb. In manchen zu Lebzeiten veröffentlichten Texten hatte Blumenberg
sein eigenes intellektuelles Unternehmen als eine »Phänomenologie der Geschichte«
charakterisieren können.2 In Beschreibung des Menschen wie in einer anderen wichtigen
postumen Schrift, Zu den Sachen und zurück, erinnert er an die Möglichkeit und
Zulässigkeit einer »phänomenologischen Anthropologie«.3 Wenn man aber der
phänomenologischen Orthodoxie folgt, wie sie bei Husserl und Heidegger und/oder
ausgehend von ihnen entworfen werden konnte, so scheint ein solches Programm eine
Häresie oder eine contradictio in adjecto zu bedeuten.

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2 Was im ersten Teil der Beschreibung des Menschen unter dem Titel »Phänomenologie und
Anthropologie« zusammengestellt worden ist, bildet in der Tat eine lange Erklärung
und Auseinandersetzung mit dem, was Blumenberg als »Anthropologieverbot«
bezeichnet4, ein Verbot, das – so Blumenberg – erstaunlicherweise Husserl und
Heidegger gemeinsam war.
3 Blumenberg beschäftigt sich ausführlich mit den Gründen – expliziten und impliziten,
bewussten und, vielleicht, unbewussten oder zumindest mit einem bestimmten Kontext
verknüpften –, die Husserl und auf andere Weise auch Heidegger davon abgehalten
haben, den Menschen zum Bezugspunkt ihres Diskurses zu machen, um stattdessen
zwei Entitäten zu bevorzugen, die im ersten Teil der Beschreibung des Menschen als
mögliche Alternativen für den Namen des Menschen einander gegenübergestellt
werden: Dasein oder Bewusstsein.
4 Diese Erinnerung ist gleichzeitig eine Diskussion, in der Blumenberg die Möglichkeit
einer philosophischen Anthropologie und vielleicht sogar einer phänomenologischen
Anthropologie erörtern kann. Entsprechend einem grundlegenden Prinzip der
Phänomenologie, nach dem die Möglichkeit höher, »notwendiger« einzuschätzen ist als
die Effektivität, legt Blumenberg kurz gesagt dar, dass wenn auch das Projekt einer
phänomenologischen Anthropologie von Husserl tatsächlich heftig zurückgewiesen
und bekämpft worden ist, wie gleichfalls, wenn auch mit einigem Zögern, von
Heidegger, diese »Tatsache« der Geschichte der Phänomenologie einen nicht davon
abhalten muss, die Möglichkeit einer philosophisch-phänomenologischen
Anthropologie zu denken und ihre Legitimität zu verteidigen; dazu verdeutlicht er vor
allem den Anteil an Kontingenz, der bei jenem »Anthropologieverbot« mitgespielt hat,
und zeigt auf, wie Husserl und Heidegger selbst mehrfach versucht waren, es
aufzuheben – von Max Scheler ganz zu schweigen.

Die Motive für die Zurückweisung der philosophischen


Anthropologie bei Husserl und Heidegger
5 Blumenberg prüft also zunächst ausführlich das, was er »Husserls Entscheidung« gegen
die Anthropologie oder den Anthropologismus nennt, wobei er unterstreicht, dass es
sich natürlich nicht um einen »misanthropischen Akt der Willkür« handelt, sondern
gewissermaßen um ein »Korrektiv: Der Mensch ist sich immer schon wichtig genug«. 5
Worum handelt es sich also? Blumenberg präzisiert:
»Für Husserl ist Philosophische Anthropologie eine philosophische Untertreibung.
Seine Voraussetzung ist, daß die Philosophie als Phänomenologie mehr leisten
kann. Sie muß imstande sein, eine Theorie von jeder möglichen Art von Bewußtsein
und Vernunft, von Gegenstand und Welt, auch von Intersubjektivität zu geben.
Darin hätte er mit Heidegger, bei genauerer Verständigung, ganz einig sein
können.«6
6 Entfalten wir diese Bemerkungen ein wenig: Die Vorbehalte Husserls gegenüber dem
Anthropologismus liegen im Wesentlichen an der Relativierung der logischen Gesetze,
für die nicht allein der Psychologismus verantwortlich ist (die Zielscheibe der Logischen
Untersuchungen), wonach die Gültigkeit dieser Gesetze sich reduzieren ließe auf einen
besonderen psychischen Apparat, und die Genese aller logisch-mathematischen
Erfahrungen auf psychologische Konstruktionen; vielmehr ergibt sich diese
Relativierung auch aus jeder Reduktion der Bewusstseinsleistungen/-operationen auf

Trivium, 25 | 2017
133

Operationen, die mit der Konfiguration »Mensch« verknüpft sind – der


physiologischen, psychologischen oder kulturellen Konfiguration des Menschen in der
Besonderheit seiner biologischen Verfassung oder in der kontingenten
Mannigfaltigkeit seiner kulturellen Einbettung.
7 Wie Blumenberg es formuliert: »Was phänomenologisch gilt und gesichert ist, gilt auch
für den Menschen, aber eben nur ›auch‹.«7 Das ist fast die Paraphrase eines Briefs von
Husserl, den Blumenberg weiter unten zitieren wird: »[Die apriorische Psychologie]
enthielte die Gesetze, die für das humane Bewußtsein gelten, weil sie (eben als apriori)
für jedes Bewußtsein überhaupt gelten.«8
8 Darin liegt ein »Kantianischer« Zug der Phänomenologie, der die universale Gültigkeit
an das rationale und nicht an das menschliche Wesen bindet.
9 Worin liegt das Interesse, der Nutzen, sich dem Anthropologismus zu verweigern?
Genau darin, einen Grad der Analyse zu eröffnen, wo deren Gültigkeit unabhängig von
traditionellen metaphysischen Bestimmungen des Menschen ist, während sie
gleichzeitig einen Charakter von Allgemeinheit oder Universalität aufweist, der nicht
der irgendeiner empirischen Anthropologie sein kann.
10 Diese Geste eröffnet so das, was Husserl ein »Reich ursprünglicher Evidenzen« nennt 9,
das jedem Bewusstsein zugänglich ist und deren Gültigkeit und »Notwendigkeit« jedes
Bewusstsein erfahren kann, unabhängig von jeder »These« hinsichtlich der Existenz
der Welt oder der Natur des Menschen.
11 Dies ist nun aber, wie Blumenberg bemerkt, eine Dimension der Phänomenologie, die
mit einem sehr starken zeitgenössischen theoretischen und praktischen Anspruch
korrespondiert:
»Heute gibt es«, notiert Blumenberg, »eine Menge ausgebildeter Theorien über die
Kommunikation vernünftiger Wesen unter der strikten Annahme der
Minimalisierung ihrer Erfahrungswelten und ihrer Verständigungsmittel. Vernunft
ist wieder unter das Postulat gestellt [das im 18. Jahrhundert so häufig entwickelt
wurde], in jeder möglichen Welt zu fungieren.«10
12 Man kann hier selbstverständlich an die Arbeiten zur künstlichen Intelligenz denken,
an die kognitiven Wissenschaften, an all das, was die Reflexion über die
Kommunikation und die Rationalität von jener Form inkarnierter Intelligenz ablöst, die
der Mensch ist. Blumenberg notiert:
»Wenn es im Weltall auch nur die geringste Chance vernünftiger Lebewesen geben
sollte, wäre es problematisch, die Erörterung der Leistungsfähigkeit der Vernunft
an das kontingente Faktum Mensch zu binden, auch wenn uns nichts anderes übrig
bliebe, als an diesem Exempel solche Möglichkeiten zu studieren.« 11
Das ist ein überzeugendes Prinzip unserer wissenschaftlichen Rationalität: das Leben
und die Vernunft auf die Erde zu beschränken wäre eine der letzten Varianten des
alten Vorurteils von der zentralen Stellung des Menschen im Universum.
13 Gewiss hat der »genetische« Husserl, der Husserl der Krisis, der das Konzept der
Lebenswelt einführt, alle diese »Kontingenzen« wieder ins Zentrum der Phänomenologie
»integriert« – das als gegeben angenommene »Leben« und die Hypothese »Welt« als
»reale« Vorbedingungen für die Entfaltung des wissenschaftlichen Denkens,
einschließlich des phänomenologischen Denkens … Aber Blumenberg fragt sich, ob
diese Dimension des Husserlschen Denkens nicht gerade einer »Gefährdung« oder
»endogenen Veränderung seines Konzepts von Philosophie« geschuldet ist, die für
Husserl von denen repräsentiert wurde, die er 1931 seine »Antipoden« nennt 12, Scheler

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134

und Heidegger, womit er sich auf die Anthropologie des ersten und die Quasi-
Anthropologie des zweiten bezieht.
»Husserls Lebenswerk hatte mit der Erfahrung des Psychologismus als der
Verunsicherung aller philosophischen Gewißheiten durch neurophysiologische
Kausalität begonnen; diese Bedrohung abgewendet zu haben erschien nicht nur
ihm selbst als der Inbegriff seiner Lebensleistung.« 13
Eine ähnliche Destabilisierung tauchte von neuem mit der Geste Heideggers auf, als er
das Bewusstsein wieder in das primordiale Feld des In-der-Welt-Seins versetzte, oder in
der Geste Schelers in Richtung einer affektiven Phänomenologie und »einer sich auf
den phänomenologischen Ansatz berufenden Philosophischen Anthropologie«. 14
14 Eröffnet der späte Husserl, der in den dreißiger Jahren über die Intersubjektivität
arbeitet15, wieder die Frage nach der Möglichkeit einer Anthropologie unter
phänomenologischem Gesichtspunkt? In Beschreibung des Menschen sollte ein teilweise
redigierter »Schlußabschnitt« zeigen (so sein Titel), »wie der späte Husserl doch den
Titel ›Anthropologie‹ aufnimmt, aber nichts tut, was für eine Anthropologie einschlägig
wäre«.16
15 Das ist ganz besonders der Fall beim Text vom November-Dezember 1932 mit dem Titel
»Universale Geisteswissenschaft als Anthropologie. Sinn einer Anthropologie«, in dem
Husserl schreibt:
»So ist universale Wissenschaft auch Wissenschaft vom Menschen in seiner
menschlichen Praxis, aber auch vom Menschen als erkennenden, also schließlich
auch vom Menschen als universal anthropologisch erkennenden, von allen dabei
wirklichen und möglichen Erkenntnisakten, Erkenntnisvermögen etc.« 17
16 Es handelt sich also nur darum, auch in die Phänomenologie als Geisteswissenschaft
eine anthropologische Region zu integrieren, wie Blumenberg festhält; Husserl
verteidige
»das Terrain dieser Disziplin für die Phänomenologie unter dem Rechtstitel der
Universalität: wo von allem die Rede ist, muß wohl auch vom Menschen gesprochen
werden. Das Sein der Welt sei vorausgesetzt, und zu dieser Welt gehöre auch der
handelnde und erkennende Mensch.«18
17 Das ist allerdings nicht das, was Blumenberg von einer phänomenologischen
Anthropologie erwarten würde.19 Eine solche Bemerkung ist vielleicht vor allem
bezeichnend für die Erwartungen Blumenbergs selbst hinsichtlich dessen, was eine
phänomenologische Anthropologie »sein sollte«. Man versteht möglicherweise a
contrario seinen Gesichtspunkt, seine Enttäuschung gewissermaßen, wenn man jenen
Satz liest, in dem er einen Punkt beschwört, an dem »Transzendentalisierung der
Intersubjektivität und anthropologische Visibilität […] konvergieren könnten, auch und
sogar gegen den Willen des ersten Phänomenologen«.20
18 Man versteht also, dass für Blumenberg der Primat des transzendentalen Motivs bei
Husserl aufrechterhalten worden ist, und dass eine Konvergenz mit dem Thema der
»Phänomenalität« des Menschen selbst, mittels des Studiums seiner Visibilität und der
Bedingungen seiner Visibilität, niemals stattgefunden hat. Die grundlegende Frage für
Husserl wäre stets eine Transformation der kantianischen Fragestellung (»Was kann
ich wissen?«) geblieben, in folgender Form: »Was können wir in Evidenz, in
Selbstgegebenheit, als Phänomen haben?«21 Und zwar derart, dass das Ideal der
strengen und absoluten Wissenschaft für Husserl die Tatsache verborgen hätte, dass
»wir« es sind, welche die Fragen stellen und die Antworten geben – ein »wir«, das kein
»interesseloser Zuschauer« ist, sondern ein »interessiertes Wir«, ein Wir, das sich

Trivium, 25 | 2017
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hauptsächlich für seine Selbsterhaltung und Selbstbehauptung in der Welt interessiert


und das zu diesem Zweck »weiß«. Dieser Anspruch der Integration der biologischen
Selbsterhaltung und der spezifischen Form des menschlichen Körpers nähert
Blumenberg an die mit der Phänomenologie konkurrierende Strömung an, die
philosophische Anthropologie der Jahre 1920–1960, wie sie Gehlen, Plessner oder
Rothacker entwickelt haben. Welches sind die realen Bedingungen der Möglichkeit der
Existenz eines die Welt und sich selbst bloß »betrachtenden« Bewusstseins? Diese Frage
impliziert, das transzendentale Ego wieder in der Welt, einschließlich der biologischen,
zu situieren: Ist es möglich, »biologisch« von dem Vermögen des Bewusstseins
Rechenschaft abzulegen, sich in Distanz zu den Dingen zu bringen, um daraus Objekte
zu machen, um eine »Welt« zu konstituieren und sich selbst zu begreifen als das, was
jeder imaginären Variation über die Objekte widersteht, als der »Rest« jeglicher
Nichtung? An die aktuellen Debatten über die Möglichkeit einer Naturalisierung der
Intentionalität anschließend, antwortet Blumenberg in Zu den Sachen und zurück
entschieden zustimmend: »Meine These ist: die Intentionalität als Bestimmtheit des
Bewußtseins, die ihm seine Gegenstandsfähigkeit bei Nichtidentität bewahrt, ist auf
einem anthropologischen Fundament zureichend zu begründen«.22 Diese These
impliziert, so Blumenberg weiter, dass man die Furcht »vor dem Anthropologismus«
bannt, die Husserl heimgesucht hatte.
19 Durch vielfache Fäden jedoch setzt sich seine eigene anthropologische Reflexion in eine
gewisse Kontinuität zu anderen Manuskripten Husserls aus den dreißiger Jahren, die
bereits die Aufmerksamkeit Merleau-Pontys auf sich gezogen hatten: über das
Verstehen des anderen und das Verstehen des Tiers, über die Leiblichkeit und »die
Ursprünglichkeit der Wahrnehmung meines Leibes [chair], meines Körpers [corps]«,
über die »Monadologie«, so wie Husserl sie aufgreift und umwandelt (die Monaden
haben Fenster: die Empathien), über das System der Triebe (mit diesem erstaunlichen
Satz: »Die Primordialität ist ein Triebsystem«, Husserl [19973b], S. 594, September
1933), über die »Triebintentionalität« in ihrer »Bezogenheit auf den Anderen«
(S. 593 f.), das Zeitbewusstsein – alles Themen, vielleicht, für eine künftige
phänomenologische Anthropologie, die Husserl nicht entfaltet hat.

Kontingenzen und Gabelungen im »Denkweg«


Heideggers
20 Heidegger seinerseits hat immer wieder die »anthropologischen« Lektüren von Sein und
Zeit als Missverständnis angeprangert, nach Ansicht Blumenbergs allerdings aus
kontingenten Gründen:
»Die von Heidegger verlangte Überführung der Daseinsanalytik in die
Fundamentalontologie ist eine willkürliche Forderung, die sich nur aus der
faktischen Kontingenz seines eigenen philosophischen Werdegangs ergibt. Die
Abweisung der Hauptrolle für die Anthropologie gehört zu dieser Kontingenz, denn
gerade in der Vermeidung einer letzten eidetischen Transzendenz des Bewußtseins,
im Unterschied zu Husserl, hätte die phänomenologische Rehabilitierung der
Anthropologie liegen können.«23
21 Eine entscheidende Bemerkung: nach Blumenberg »hätte« sich ausgehend von Sein und
Zeit eine Erneuerung der philosophischen Anthropologie ereignen können, und es
handelte sich dabei nicht um ein Missverständnis, wie es im Übrigen zahlreiche
Zeichen nahelegen, an die Blumenberg teilweise erinnert. Angefangen beim Text von

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Sein und Zeit selbst, § 5 (den Blumenberg interessanterweise nicht zitiert): »In der
Absicht auf eine mögliche Anthropologie, bzw. deren ontologische Fundamentierung,
gibt die folgende Interpretation nur einige, wenngleich nicht unwesentliche ›Stücke‹.«
24
Gewiss, Heidegger hat soeben präzisiert, dass die wesentliche Aufgabe einer Analytik
des Daseins die Ausarbeitung der Seinsfrage sei; gewiss, der § 10 bemüht sich um eine
strenge »Abgrenzung« der Daseinsanalytik gegenüber Anthropologie, Psychologie und
Biologie, aber man sieht zumindest, dass er die Tür für eine anthropologische
Perspektive nicht zugeschlagen hat, für eine »mögliche« Anthropologie, deren
ontologische Fundamente vorab geklärt worden wären. Außerdem ist bekannt, dass
Heidegger in Kontakt mit Max Scheler stand, auf dessen Einladung hin er 1928 einen
Vortrag gehalten hatte mit dem Titel Philosophische Anthropologie und Metaphysik des
Daseins. Um dieser Konvergenz seiner »Antipoden Scheler und Heidegger«
entgegenzutreten, wie er sie nennt25, unternimmt Husserl übrigens seine Vortragsreise
1931; sie ist gerichtet gegen das, was man eine drohende anthropologische Wende der
Phänomenologie nennen könnte.
22 Kontingenz um Kontingenz: Der klarste Repräsentant des Versuchs einer
phänomenologischen Anthropologie, Scheler, stirbt 1928, und 1929 akzentuiert
Heidegger in seinem anderen großen Buch vom Ende der zwanziger Jahre, Kant und das
Problem der Metaphysik, seine Distanz zur philosophischen Anthropologie, einschließlich
der Schelers.
»Wodurch«, fragt Heidegger in § 37, »wird denn überhaupt eine Anthropologie zu
einer philosophischen? Liegt es nur daran, daß ihre Erkenntnisse sich von denen
einer empirischen im Grade der Allgemeinheit unterscheiden, wobei ständig
fraglich bleibt, bei welchem Grad der Allgemeinheit die empirische Erkenntnis
aufhört und die philosophische beginnt?«26
Heidegger geht davon aus, dass allein eine philosophische Methode erlauben würde,
eine philosophische Anthropologie zu konstituieren, die dann ausgerichtet wäre auf
eine »Wesensbetrachtung des Menschen« und darauf, »die spezifische
Wesensverfassung dieser bestimmten Region des Seienden« herauszuarbeiten.
Heidegger präzisiert es nicht, aber eine solche Anthropologie hätte sehr wohl etwas
Phänomenologisches, wie er es sogleich auch mit der Verwendung des Husserlschen
Ausdrucks einer »regionalen Ontologie« nahelegt: »Philosophische Ontologie wird
dann zu einer regionalen Ontologie des Menschen«.27 Gleichwohl könne eine »so
verstandene philosophische Anthropologie« nicht ohne weiteres als »Zentrum der
Philosophie« betrachtet werden28, vielmehr ließe sie ebenfalls ungeklärt, was sie im
Hinblick auf das Wesen der Philosophie rechtfertigen würde. 29 Wenn man wieder von
der Kantischen Problematik und seiner vierten Frage »Was ist der Mensch?« ausgeht,
müsste man eher herausarbeiten, wie sehr es die Endlichkeit ist, die an dieser
entscheidenden Stelle – Kritik und Neubegründung – der Metaphysik als das erscheint,
was die Vernunft als menschliche Vernunft charakterisiert: eine Entdeckung, vor der
Kant zurückschreckte, aber die Heidegger erneut bekräftigt, wenn er betont:
»Ursprünglicher als der Mensch ist die Endlichkeit des Daseins in ihm.« 30
23 Damit sind wir zurückverwiesen auf die Analytik der Endlichkeit, auf die Endlichkeit als
Bedingung der Öffnung zur Welt.
24 In der Folge wird Heidegger sich zusehends von dem entfernen, was in Sein und Zeit
noch als eine »Quasi-Anthropologie« erscheinen konnte oder was aus der existenzialen
Analytik eine Form transzendentaler Anthropologie machte.

Trivium, 25 | 2017
137

25 Nun kann man aber, und für Blumenberg muss man sogar, die Möglichkeit und die
Fruchtbarkeit einer anthropologischen Lektüre und Inanspruchnahme von Sein und Zeit
verteidigen gegen die spätere Selbstinterpretation durch Heidegger und gegen den
absoluten Primat, der später der Seinsfrage zugestanden wird.
26 Selbstverständlich hat eine solche Perspektive, sagen wir, Kosten oder eine
Konsequenz, vor der Blumenberg nicht zurückschreckt, nämlich eine Relativierung,
wenn nicht gar eine Disqualifizierung der Stichhaltigkeit der »Seinsfrage«. Seine
Distanz gegenüber der Seinsfrage hat Blumenberg mehrfach deutlich gemacht,
manchmal auf sehr ironische Weise (denken wir an den Text über das Sein als
McGuffin, jenes mysteriöse Objekt, um das der Suspens der Kriminalfilme sich dreht
und das in Wirklichkeit nichts ist). In Beschreibung des Menschen fragt er sich »abrupt
und unverhüllt«: »Hat die Frage nach dem ›Sinn von Sein‹ überhaupt einen Sinn?« Und
wenn sie ihn hätte: »Muß man sich auf Heideggers Vorzug des Interesses an der
Seinsfrage derart einlassen, daß man die anthropologischen Errungenschaften der
Daseinsanalytik nur in ihrer fundamentalontologischen Funktionalisierung gelten läßt
und aneignet?«31
27 Funktionalisierung würde bedeuten, dass zum Dasein sich nichts anderes mehr sagen
ließe als dies: dass vermittels seiner sich die Frage des Seins und des Sinns von Sein
stellt. Das Dasein hätte keine andere Funktion. Daher vielleicht der immer »dürftigere«
Diskurs der Fundamentalontologie … Da die Seinsfrage sich, für Heidegger, vor jeder
anderen Frage stellt, einschließlich der nach dem Seienden, das sich die Seinsfrage zu
stellen vermag, ist jede Anthropologie »abgeleitet« im Verhältnis zur Ontologie.
Blumenberg wirft ein: »Anthropologische und ontologische Fragestellungen sind
trennbar«32; es sei möglich, die Daseinsanalytik auf die Seite einer philosophischen
Anthropologie zu ziehen, indem man insbesondere die anthropologischen
Grundkategorien entwickelt, die vor allem die Sorge, die Faktizität, die Zeitlichkeit …
sind.33

Dekonstruktion und Rekonstruktion einer


philosophischen Anthropologie
28 Heidegger hat in der Tat auf entschiedene Weise die Faktizität, die Abwesenheit des
Grundes, das Fehlen von Vernunftgrund und Grundlage an die Wurzel des Daseins
gestellt. Damit aber auch Fragen eröffnet, die Blumenberg folgendermaßen formuliert:
»[…] wie denn ein solches Wesen ohne Daseinsgarantie und begründbare
Rechtfertigung seiner Anwesenheit in der Welt überhaupt existieren könne. Eben
diese Folgefrage aus der Faktizität sollte, durch Arnold Gehlens philosophische
Wendung von 1940, zur Hauptfrage werden, die nicht nur die Wesensfrage ablöste,
sondern auch ganz andere Theorieerwartungen zu wecken und zu bestätigen
vermochte. Was ich mit diesem Hinweis zeigen möchte, ist dies: Eine vom Phänomen
auf das Problem zurückstrahlende Destruktion der traditionellen Anthropologie und
ihrer substantiellen Frageform hätte – analog zu der von Heidegger
programmierten Destruktion der traditionellen Ontologie – die Erneuerung der
philosophischen Anthropologie anbahnen können.«34
Man sieht die ganze Subtilität der Vorgehensweise Blumenbergs: Entsprechend einem
Grundprinzip der Phänomenologie, das von Heidegger wieder ausgesprochen worden
war und an das wir weiter oben erinnert haben, ist die Möglichkeit höher,
entscheidender als die Wirksamkeit: Und in der Tat ist die – offensichtliche –

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Möglichkeit einer phänomenologischen Anthropologie stärker als das faktische Verbot


oder der Ausschluss der Anthropologie durch die Phänomenologen. Eine solche
Anthropologie hatte Scheler auszuarbeiten begonnen, sie war in Sein und Zeit latent
vorhanden, und der späte Husserl schien sich ihr anzunähern, auch wenn hier nach
Blumenberg der Schein trügt.
29 Die Heideggerschen Themen des In-der-Welt-Seins, der Sorge, der Angst etc. lassen sich
nicht einfach auf die Seinsfrage zurückführen; daher hätten, ausgehend von der
gleichen Frage nach der Faktizität und der Abwesenheit des Grundes jenes Wesens, das
die Frage nach dem Sinn seiner eigenen Anwesenheit stellen kann, andere »Kehren«
eingeschlagen werden können: Blumenberg setzt hier der »Kehre« Heideggers von der
Daseinsanalytik zur Frage nach dem Sinn von Sein eine andere Kehre entgegen,
nämlich die von Gehlen in seinem Buch Der Mensch eingeschlagene Richtung einer
Erneuerung der philosophischen Anthropologie. Bevor wir auf Gehlen eingehen, sei
dieser letzte, entscheidende Punkt hervorgehoben: Es handelt sich für Blumenberg
selbstverständlich nicht darum, seelenruhig zur traditionellen Anthropologie
zurückzukehren, vielmehr eine »Destruktion der traditionellen Anthropologie«
durchzuführen, indem man sich vor allem von deren »substantieller« Form befreit 35
und ein zentrales Problem angeht, das von Scheler wie von Heidegger aufgeworfen
wurde: Wie kann man es vermeiden, dass eine Definition des Menschen nicht eine
Negation seiner konstitutiven Dimension der Zeitlichkeit bildet, des Vorauswerfens
seiner Möglichkeiten und demnach seiner Undefinierbarkeit a priori?
30 Blumenberg betont es nachdrücklich:
»Die Erneuerung der philosophischen Anthropologie in den zwanziger Jahren
unseres Jahrhunderts begann nicht zufällig mit dem traditionell nur als Paradox
möglichen Satz von Max Scheler: … die Undefinierbarkeit gehört zum Wesen des
Menschen.«36
Damit gehen wir zur Dekonstruktion und Rekonstruktion der philosophischen
Anthropologie durch Blumenberg selber über.

Das Problem der »Definition« des Menschen und das


Scheitern aller Definitionen
31 Die notwendige Dekonstruktion der traditionellen Anthropologie verläuft über die
Abweisung der klassischen Bestimmung des Menschen als »vernünftigem Lebewesen«:
Blumenberg macht sich eine gewisse Kritik des Anspruchs zu eigen, den Menschen zu
definieren, eine Kritik, die man in Frankreich oft mit Heideggerianismus und
theoretischem Antihumanismus assoziiert, die ihre Wurzeln aber ebenfalls in einem
»Existenzialismus« hat, dessen praktische und politische Implikationen ganz andere
sind (sagen wir, von Scheler und Jaspers bis zu Sartre und Derrida). Man muss diese
Frage der praktischen Implikationen stellen, denn Blumenberg weist jede feststehende
Definition des Menschen zurück (nicht aber jeden Definitionsversuch, der sich als
»Definitionsessay« versteht, ich komme darauf zurück); das geschieht gewiss aus
theoretischen Motiven, aber ebenso aus praktischen und politischen:
»Wir können jetzt aber, angesichts der pragmatischen bis politischen
Konsequenzen der angenommenen Definierbarkeit des Menschen als einer
möglichen Fremdkompetenz, ermessen, welche Bedeutung dem Satz Schelers
zukommt, der Mensch sei nicht nur kraft Insuffizienz, sondern aus Gründen seiner
Wesensstruktur undefinierbar.«37

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32 Mit jeder Definition geht man nämlich das Risiko ein, dass eine gegebene Instanz, eine
Gesellschaft oder der Teil einer gegebenen Gesellschaft, ein gegebenes Volk, sich
mittels ihrer definiert und so die anderen auf den Status eines Nicht-Menschen
verweist, eines Menschen, dem dieses oder jenes Attribut fehlen würde, das angeblich
den Menschen »konstitutiert« – und so ihre Beherrschung, oder schlimmer noch, ihren
Ausschluss, ihre Diskriminierung, ja ihre Vernichtung (die »Untermenschen«)
autorisieren würde. Die Tatsache, dass Blumenberg durch das Naziregime als Halbjude
klassifiziert worden war, ein Regime, das die Juden zu Untermenschen gemacht hatte,
hat gewiss etwas mit der Sensibilität für das Problem der Macht zu tun, die sich das
Recht anmaßt, zu definieren, was der Mensch sei, d. h. stets ein wenig zu definieren,
was der Mensch »par excellence« sei …
33 Ein epistemologisches Motiv tritt beim Zögern angesichts einer Definition hinzu: Es ist
die Auswirkung der Evolutionstheorien, des Darwinismus, und das Verständnis des
Menschen als »nicht festgestelltem Tier« (nach der Formulierung von Nietzsche), der
sich noch in Entwicklung [évolution] befindet … Es würde zu weit führen, die Reflexion
Blumenbergs zu diesem Gegenstand auszuführen, aber es ist klar, dass er zu
berücksichtigen versucht, was der Sozialdarwinismus und manche Gedanken zum
Übermenschen verkannt haben: die Tatsache, dass in einem Moment der Evolution die
Singularität der menschlichen Evolution dieses »Umkehrungsmoment« war, wie ein
Kommentator Darwins, Patrick Tort sagt, jenes Moment, wo die Menschheit sich vor
den brutalsten Mechanismen des struggle for life bewahrt, biologisch »weniger gut
ausgestattete« Individuen schützt, die Kranken, Behinderten etc. Dieser »nicht-
darwinsche Effekt« der Wissenschaft und der Technik soll Blumenberg zufolge
selbstverständlich gegen die »Verschiebung des struggle for life« zum gesellschaftlichen
Ideal stark gemacht werden. Wie er in der Beschreibung des Menschen schreibt:
»Nun haben wir hier in der Übertragung der Entwicklungstheorie des Darwinismus
im weitesten Sinne auf den Menschen eine Fehlleistung ersten Ranges vor uns. Und
zwar eine unvermeidliche Fehlleistung, weil eine solche Übertragung übersieht,
daß die Existenzmöglichkeit des Menschen gerade dadurch biologisch definiert ist,
daß er die Faktoren seiner eigenen Entwicklung auszuschalten vermochte. […] Die
Domestikation des Menschen ist also die Ausschaltung und Stillstellung des
biologischen Prozesses, durch den er geworden ist […].« 38
34 Um auf die Überlegungen Schelers zur Undefinierbarkeit zurückzukommen, die
Blumenberg abschwächt, indem er »Definitionsessays« berücksichtigt 39, so ist dies
nicht die einzige Anleihe, die Blumenberg bei der deutschen philosophischen
Anthropologie macht. Ich möchte jetzt, etwas umfassender, einige der Hauptachsen
von Blumenbergs philosophischer Anthropologie in Erinnerung rufen, in denen sich,
wie man sehen wird (oder wie ich zu zeigen versuchen werde), meistens ein
Husserlscher und/oder Heideggerscher Fragestil mit andersartigen Ressourcen
kreuzen, die vor allem aus der philosophischen Anthropologie der ersten Hälfte des
20. Jahrhunderts stammen, ja sogar aus früheren Zeiten ihrer Geschichte.

Drei Achsen der Anthropologie Blumenbergs:


Mängelwesen, Visibilität, Distanz
35 Die Charakterisierung des Menschen als Mängelwesen reicht bis in die Anfänge der
philosophischen Anthropologie zurück, ins 18. Jahrhundert, zu Herder, aber sie wurde

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im 20. Jahrhundert zum Gegenstand einer Wiederentdeckung und neuen Ausarbeitung,


vor allem bei Arnold Gehlen.
36 Blumenberg ordnet sich eindeutig in diese Perspektive ein, wenn er von der
Anthropologie als einem Diskurs spricht, der sich auf »ein Wesen« bezieht, »dem
Wesentliches mangelt«.40 Wie er in einem Artikel mit dem Titel »Anthropologische
Annäherung an die Aktualität der Rhetorik« schrieb:
»Der Mangel des Menschen an spezifischen Dispositionen zu reaktivem Verhalten
gegenüber der Wirklichkeit, seine Instinktarmut also, ist der Ausgangspunkt für die
anthropologische Zentralfrage, wie dieses Wesen trotz seiner biologischen
Indisposition zu existieren vermag.«41
Diese Frage verweist genau auf das Vorgehen des Abbauens, des Auflösens von
Selbstverständlichkeiten, aus denen eine »naive« Anthropologie glaubte Kapital
schlagen zu können. Wie es im selben Artikel heißt:
»Die erste Aussage einer Anthropologie wäre dann: es ist nicht selbstverständlich,
daß der Mensch existieren kann. […] Ich sehe keinen anderen wissenschaftlichen
Weg für eine Anthropologie, als das vermeintlich ›Natürliche‹ […] zu destruieren
und seiner ›Künstlichkeit‹ im Funktionssystem der menschlichen
Elementarleistung ›Leben‹ zu überführen.«42
Dass es nicht selbstverständlich ist, dass der Mensch hat existieren können, lehrt uns
auch die Evolutionstheorie, wo die Menschwerdung eine Antwort darstellt auf die
»akute Schwierigkeit der Selbsterhaltung«.43 Die Dekonstruktion der traditionellen
Anthropologie durchläuft demnach eine Infragestellung der Zweiteilung Natur/
Artefakt oder Natur/Technik, ja Natur/Kultur: Wenn, wie es diesmal in Beschreibung des
Menschen heißt, »die menschliche Kultur […] ein Notprogramm zum Ausgleich von
biologischen Ausstattungsmängeln« ist44, muss man die Kultur, die Institutionen, die
Technik als ebenso viele »natürliche« Notbehelfe für die »natürliche« Schwäche des
Menschen verstehen. Die moderne Technik ist demnach für Blumenberg nicht eine
Modalität der Seinsvergessenheit, sondern die Art und Weise, wie der moderne Mensch
aus dem »Mangel der Natur« den »Antrieb seines gesamten Verhaltens« macht, wie er
in Die Legitimität der Neuzeit schreibt.45
37 Anzumerken ist, dass hinsichtlich dieser Anfechtung der Zweiteilung Natur/Kultur
jüngste Arbeiten der Anthropologie, wie das meisterhafte Werk von Philippe Descola,
Jenseits von Natur und Kultur, sich auf andere Weise der Position Blumenbergs
anschließen. Blumenberg selbst aber tritt explizit in die Fußstapfen der
philosophischen Anthropologie von Gehlen (dieser hatte die These von der bereits bei
Plessner zu findenden »natürlichen Künstlichkeit« ausgearbeitet), nicht ohne deren
gleichzeitig fundamentalen und problematischen Charakter hervorzuheben.
38 So stellt Blumenberg in Frage, was er den »Absolutismus der ›Institutionen‹« bei
Gehlen nennt46, die antiliberalen Konsequenzen, die dieser aus seiner Anthropologie
gezogen hat, welche die Gefahren einer Anthropologie wie derjenigen Hobbes’
reproduziert: Bereits Hobbes hatte den Menschen im Naturzustand in eine Situation
totaler Gefahr versetzt (dem permanenten Ausgeliefertsein an einen gewaltsamen Tod),
in eine Situation vollständiger Entbehrung, wo nur der Krieg aller gegen alle herrschen
konnte, so dass das Verlassen des Naturzustands die Form einer totalen Preisgabe der
Freiheit an den absolutistischen Staat annehmen konnte/musste.
39 Gehlens Interpretation des Mängelwesens hat antiliberale Konsequenzen derselben Art;
wie schon hinsichtlich der Neotenie geht Blumenberg davon aus, dass die jüngeren
wissenschaftlichen Arbeiten aus der biologischen und psychologischen Anthropologie

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zu einer nuancierteren Sichtweise führen – man kann von einer gewissen Defizienz bei
den Instinkten und unmittelbaren Reaktionsfähigkeiten gegenüber anderen Tieren
sprechen, und in diesem Sinne von einer »frühreifen Geburt« und einer spezifischen
Hilflosigkeit, wie auch Freud annahm; aber die Ausgangssituation ist nicht die eines
vollständigen Mangels, einer Instinktwüste, die Gehlen hypothetisch konstruiert, wobei
er gerade von der extremen Hypothese ausgeht. Das ist übrigens ein Gedankengang,
den Blumenberg durchaus als interessant einschätzt, der aber vielleicht nicht folgenlos
bleibt, wenn er Gehlen dazu bringt, aus dem Menschen »ein Wesen der Zucht« 47 zu
machen, das den Institutionen alles verdankt. Zwar kompensieren die Institutionen
Mängel, aber sie verwirklichen keinen Übergang von nichts zu allem; auf diese Weise
lassen sich die antiliberalen Konsequenzen der Anthropologie von Hobbes vermeiden.
40 Der »Mangel«, die vollständige Entbehrung verweisen vielmehr auf eine archaische
oder »infantile« Situation, die nach Blumenberg sicher niemals gänzlich überwunden
ist, aber für die die Menschheit gerade alle Arten von protektiven Räumen gesucht oder
geschaffen hat: geschlossene und geschützte Orte, zu denen man fliehen kann, oder
besser noch: als Alternativen zur Flucht. Blumenberg zitiert hier das Szenario von Paul
Alsberg: Der Mensch wurde früheren Formen von Hominiden, die besser an die Flucht
angepasst waren, selektiv vorgezogen. Die aufrechte Stellung ist nicht ideal für die
Flucht, der homo sapiens sapiens ist in dieser Hinsicht defizient. Aber dieser Nachteil
wandelt sich zum selektiven Vorteil, wenn der Mensch – und das ist das Prinzip der
Menschwerdung nach Alsberg – dahin gelangt, präventiv zu handeln, auf Distanz, es
vermeidet, fliehen zu müssen, und das Handgemenge, den Kontakt umgeht. Die
entscheidende Klippe ist hier die Erfindung des Wurfgeschosses, die Aktion auf Distanz.
»Alle anderen Rivalen auf der Lebensszene werden erst in unmittelbarer Körpernähe
aktionsfähig.«48
41 Seit seiner Habilitation über die ontologische Distanz ist das Thema der Distanz, der
Distanzierung entscheidend bei Blumenberg. Aber man muss hier der Operation der
Distanzierung ihren ganzen Bedeutungsumfang geben, einschließlich ihrer
metaphorischen Bedeutung: Blumenberg begreift nämlich Theorien, Mythen und
Techniken gleichermaßen als Instrumente, die es erlauben, den archaischen
»Schrecken« auf Distanz zu halten. Alle diese intellektuellen oder praktischen
Instrumente, einschließlich der Rituale, erlaubten, die »Angst« angesichts einer
unbekannten und unbenannten Welt in eine bestimmte »Furcht« zu verwandeln:
Furcht vor den Göttern, Furcht vor den von der Wissenschaft identifizierten Gefahren
etc.
42 Hinsichtlich dieser Thematik des Ursprungs und seiner Distanzierung vollführt
Blumenberg mehrere interessante Bewegungen: Er kreuzt die Analysen der Neotenie,
die Theorien der Frühreife des menschlichen Wesens (das zu früh geboren würde,
empfindlich und exponiert ist und daher lange von seiner Mutter beschützt und
genährt werden muss) mit dem Heideggerschen Vokabular der Faktizität und dem
fehlenden Grund des individuellen Wesens, das ins Sein geworfen ist, ohne zu wissen
warum, woraus eine Angst entspringt, die das Nichts in das Sein einführt. Nun fügt
Blumenberg aber hinzu, dass es eine anthropologische Quelle für die Angst gibt – darin
steckt sowohl eine »Anthropologisierung« der von Heidegger in Sein und Zeit
entwickelten Theorie als auch die Wiederaufnahme der Unterscheidung zwischen
Angst und Furcht, die Heidegger selbst von Kierkegaard übernommen hat. Blumenberg
liefert diese wunderbare Charakterisierung der Angst: »Intentionalität des Bewußtseins

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ohne Gegenstand«.49 Die Angst (angoisse) ist ohne präzisen Gegenstand, und gerade das
macht sie schrecklich; die Furcht (peur) dagegen ist begrenzter, bestimmter, man hat
Furcht »vor« etwas, man hat nicht Angst »vor« etwas, es sei denn in einem
nachlässigen Sprachgebrauch, der die Angst trivialisiert (ich habe Angst vor meiner
Prüfung …). Aber die Angst ist existentiell und anthropologisch, insofern sie wesentlich
ohne Gegenstand ist.
43 In dieser Hinsicht ist es legitim, über die tiefenpsychologischen Quellen zu spekulieren,
seien sie phylogenetisch (wie es Ferenczi tat: das Lebewesen ist aus dem Anorganischen
hervorgegangen, es ist von der Angst erfasst, dorthin zurückzukehren), oder
ontogenetisch (mit dem Verlust der totalen Sicherheit und des Wohlbefindens im
Mutterleib, was Ferenczi als »Geburtstrauma« bezeichnete).
44 Hier kreuzt Blumenberg nicht nur die Heideggerschen Analysen mit den Thesen der
Neotenie, sondern mit der Tiefenpsychologie, der Psychoanalyse (wie es ebenfalls
Binswanger versucht hat, und in gewissem Sinn auch Merleau-Ponty). Hat Heidegger
diese tiefe anthropologische Erfahrung »ontologisiert«? Blumenberg sagt es nicht, aber
dies ist eine mögliche Deutung. Er selbst charakterisiert den Menschen auf halbem Weg
zwischen Existentialanalyse und Tiefenpsychologie als ein Wesen, das ohne Grund ist,
das »gerne gewollt gewesen wäre« (was exemplarisch die Einstellung des Kindes zeigt,
das im Zentrum der Aufmerksamkeit seiner Mutter stehen will) … Die Religionen, die
Metaphysik wären dann Antworten auf ein »Trostbedürfnis«, das verknüpft wäre mit
der Abwesenheit des Grundes, dem Fehlen eines zureichenden Grundes seiner
Anwesenheit.
45 In seinem Buch Mensch und Moderne bei Hans Blumenberg vertritt Felix Heidenreich die
Ansicht, dass Blumenberg Angst zur anthropologischen Differenz erhebt. Er stützt sich
dabei auf eine Passage aus dem Ende der Höhlenausgänge: »Naturwesen sind angstfrei.
Für jede von ihnen überhaupt wahrnehmbare und damit reaktionsbedürftige Situation
besitzen sie das Verhaltenskonzept.«50
46 Es handelt sich bei der Angst sicherlich um ein Unterscheidungsmerkmal, aber ich
denke, dass es nur eine – wenngleich wichtige – Differenz in einem Bündel mehrerer
ist. Beispielsweise verweist die Erwähnung des instinktiven Wissens, worin die
angemessene Reaktion auf die Situation besteht, auf eine andere Differenz, der sich
Blumenberg, auch hier wieder Gehlen folgend, unter dem Stichwort »Retardation« des
Bewusstseins nähert.
47 Es gibt eine konstitutive Verspätung des Bewusstseins: dieses entsteht aus der
Überdehnung der Reaktionszeit, dem Vermögen, sich Zeit zu lassen, um »die Situation«
herauszuarbeiten, anstatt unmittelbar auf einen Reiz zu reagieren. Die unvermittelte
Verkettung Reiz-Reaktion würde uns in einer reinen Naturhaftigkeit belassen, es gäbe
dann weder eine mögliche Anthropologie noch Phänomenologie, weil die notwendige
Zeit fehlen würde für eine Oberfläche des Auftauchens und des Ablaufs von
Phänomenalität vor den Augen eines Betrachters.
48 Eine zweite Achse der anthropologischen Reflexionen Blumenbergs bilden Variationen
der und über die Visibilität. Darunter ist nicht die einfache Tatsache zu verstehen, dass
der Mensch einen Körper hat und damit körperlich »sichtbar« ist, sondern bedeutet
mehr: »daß er vom Sehen-können der anderen ständig durchdrungen und bestimmt
ist«; es gibt einen »anthropologischen Komplex der Visibilität«, des
»Gesehenwerdenkönnens«, der nicht nur darin besteht, dass man weiß, wie man
aussieht (ohne dass man im Übrigen vielleicht jemals ganz sicher ist, wie), sondern

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grundsätzlicher, fügt Blumenberg hinzu, »sich dessen bewußt zu sein, daß man
aussieht«, dass man nach etwas aussieht, dass man Ähnlichkeit hat, dass der andere
»mich an meiner Erscheinung und durch sie identifiziert«.51 Diesem Bewusstsein der
Sichtbarkeit nähert sich Blumenberg zunächst durch das Prisma des Verhältnisses zur
Nacktheit und zum Bewusstsein der Nacktheit in der ganzen anthropologischen
Komplexität dieses Phänomens. Man konstatiert nämlich in vielen Gesellschaften
(darunter unserer) gleichzeitig einen Kult des nackten Körpers und eine Furcht vor der
Nacktheit, einen Nacktheits-»Komplex« als Quintessenz der Sichtbarkeit, der sich in
der Erfahrung der Scham, des Schamgefühls äußert, die Max Scheler untersucht hat,
aber selbstverständlich auch des Begehrens, der »Entblößung«, der Autoerotik und der
Erotisierung des anderen. Welches ist der Anteil der Kulturen, der kulturellen
Variationen und der »Valorisierungen«, der Hemmungen im Verhältnis zur Nacktheit?
Blumenberg eröffnet seine Analyse mit der Erinnerung an einen der in dieser Hinsicht
wichtigsten Mythen in unserer Kultur, nämlich Adam im Paradies, der seine Nacktheit
verbirgt, nachdem er von der verbotenen Frucht gekostet hat … Dieser »erste Bruch
mit der paradiesischen Unmittelbarkeit«52 sagt nicht nur einfach etwas aus über unsere
Kultur und unser »jüdisch-christliches« Verhältnis zum Körper, sondern bietet für
Blumenberg einen »Leitfaden der phänomenologischen Variation«. 53 Es liegt darin
selbstverständlich etwas Einzigartiges und etwas, das Blumenberg eigen ist, das sich
dennoch an Cassirer anschließen ließe (dem Blumenberg eine Gedenkrede gewidmet
hat): die Vermittlung einer phänomenologischen Perspektive durch den Mythos. So
schreibt er zu diesem Leitfaden der Paradieserzählung:
»Die Jahrtausende, in denen sie weitererzählt und an ihr gedeutet und ins Bild
gesetzt wurde, haben so etwas wie ein ›Hineinleben‹ geschaffen, das ganz
unabhängig von Resultaten ihrer Quellenzuweisung und kritischen Ernüchterung
ist. […] Phänomenologische Arbeit hat sich zu vergegenwärtigen, wie die
elementaren Selbsterfahrungen und Leistungen des Bewußtseins zustande
gekommen sein können.«54
49 Was die Erzählung vom verlorenen Paradies symbolisch ausdrückt, unter anderen
Dingen und sogar unabhängig von jeder Theologie der Sünde, ist die Tatsache, dass das
Bewusstsein, gesehen zu werden, den Körper in eine ausweglose Situation radikaler
Ausgesetztheit bringt: »[…] es gibt im raumzeitlichen Zusammenhang der Erscheinung
keine ›schwarzen Löcher‹«.55 Man kann sich nicht willentlich der Sichtbarkeit
entziehen, und Blumenberg erkundet die Bedeutsamkeit dieser Tatsache anhand
kindlicher Verhaltensweisen (die Augen schließen, um nicht gesehen zu werden) oder
anhand des Problems der juristischen Zeugenschaft, des Alibis, des Augenzeugen … In
der Tat gibt es viele relative Auswege, Hüllen und Verstecke, Unterschlüpfe (die
Höhlen, seit der prähistorischen Menschheit), und für die Nacktheit die Kleidung …
50 Aber die Anthropologie erhellt umgekehrt auch die Arbeit am Mythos: Gott, die Götter
»sind das hypostasierte Weltmoment eines Selbstbewußtseins, das sich aus dem
Gesehenwerden konstituiert hat, auf das Gesehenwerdenkönnen einrichtet, schließlich
auf das Gesehenwerdenwollen richtet«.56
51 Die philosophische Anthropologie Blumenbergs findet ihre Kohärenz um die
Thematiken des notwendigen Umwegs, des Ausdrucks als indirektem Weg der
Selbsterkenntnis und Selbsterfahrung, der »Verschiebung« als grundlegender
anthropologischer Operation, die erklärt, wieso die Metapher in seinem Denken zentral
ist. Wie er in einer anderen postumen Schrift, Theorie der Unbegrifflichkeit, schreibt: »Die
Metapher – als das signifikante Element der Rhetorik – zeigt auf einen

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anthropologischen Mangel und entspricht in ihrer Funktion einer Anthropologie des


Mängelwesens.«57

Die phänomenologische Dimension der Fragestellung


Blumenbergs
52 Genauso wie alle wissenschaftlichen Hypothesen von der (unhinterfragten) Grundlage
der Hypothese »Welt« ausgehen, wie Husserl in der Krisis vermerkt, genauso verhält es
sich laut Blumenberg mit den phänomenologischen Hypothesen und Variationen: Sie
sind Variationen und Hypothesen ausgehend von einer anthropologischen Grundlage,
die der späte Husserl zu sondieren versucht hat durch eine »Rückfrage« über die
Bedingungen der Entstehung eines Bewusstseins, das sich selbst betrachtet.
53 Blumenberg sieht die Philosophie im Allgemeinen als eine Disziplin der Hypothese – ein
Echo auf die Wichtigkeit, die Husserl der imaginären Variation und der »Fiktion«
zugestand, um durch imaginäre Variation herauszuarbeiten, was zum Wesen gehört,
was zu kontingenten »Schichten« etc. Blumenberg nimmt vielfältige empirische
Formen des Wissens über den Menschen in Anspruch (Psychologie, historische und
prähistorische Anthropologie, Psychoanalyse etc.), aber auch jene imaginären
Variationen, die in gewissem Sinn nicht phänomenologisch sind, nämlich Mythen oder
literarische Fiktionen; so etwa im Kapitel »Variationen der Visibilität« die Mythen von
Adam im Paradies (für die Nacktheit und die Scham), von Narziss (für die Erotisierung
des eigenen Körpers und seine Erfassung »als anderer« in einem Spiegelbild), aber auch
die literarischen Schriften von Keyserling, von Stendhal (Über die Liebe), eine
wunderbare Passage von Stevenson etc.
54 Er re-investiert damit seine theoretischen Arbeiten zur Metapher (Paradigmen zu einer
Metaphorologie), zum Mythos (Arbeit am Mythos), und greift manche Probleme wieder
auf, die mit der Visibilität als Ausgesetztsein zusammenhängen, wo Gefahr und
Aggression alle möglichen Arten von Flucht und Schutz erfordern, wie er sie in den
Höhlenausgängen behandelt.
55 So ist die phänomenologische Anthropologie Blumenbergs nicht die Präsentation eines
»Wissens«, sondern eher die Konstruktion eines Ensembles von Hypothesen über den
Menschen, zu denen ein Wechselspiel mit dem Empirischen gehört, eines Ensembles,
das sich nicht »schließt«.

BIBLIOGRAPHIE
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Husserl, E. (2001): Sur l’intersubjectivité, 2 Bde., Paris: PUF.

NOTES
1. [Blumenberg (2006), S. 9; A.d.Ü.]
2. [Blumenberg (2012), S. 6; A.d.Ü.]
3. [Blumenberg (2002), S. 300; A.d.Ü.]
4. [Blumenberg (2006), S. 91; A.d.Ü.]
5. Blumenberg (2006), S. 30.
6. Blumenberg (2006), S. 30.
7. Blumenberg (2006), S. 31.
8. Brief von Husserl an W. E. Hocking vom 25 Januar 1903, zitiert nach: Husserl (1975), S. XLVIII,
Anm. 1.
9. [»Die Lebenswelt ist ein Reich ursprünglicher Evidenzen«, Husserl (1962), S. 130; A.d.Ü.]
10. Blumenberg (2006), S. 489.
11. Blumenberg (2006), S. 489.
12. Blumenberg (2006), S. 17 f.
13. Blumenberg (2006), S. 19.
14. [Blumenberg (2006), S. 17; A.d.Ü.]

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15. Siehe die drei Bände Zur Phänomenologie der Intersubjektivität, Hussserliana XIII, XIV und vor
allem XV; von diesen 1800 Seiten wurden 800 ausgewählt und übersetzt von Natalie Depraz in
den beiden Bänden Sur l’intersubjectivité, Paris, 2003.
16. [Blumenberg (2006), S. 454; A.d.Ü.]
17. Husserl (1973), S. 480. [Siehe auch Blumenberg (2006), S. 457; A.d.Ü.]
18. Blumenberg (2006), S. 457.
19. Mir scheint Blumenberg allerdings die Tatsache, dass Husserl im selben Text kurz eine ganz
andere Hypothese ins Auge fasst, nicht genügend zu berücksichtigen: Die Gesamtheit der
Wissenschaft wäre in gewissem Sinne »universale Anthropologie«: »dass universale
anthropologische Erkenntnis alle Welterkenntnis überhaupt umspannt« (Husserl [1973a],
S. 480 f.).
20. Blumenberg (2006), S. 237.
21. Blumenberg (2006), S. 10.
22. Blumenberg (2002), S. 132.
23. Blumenberg (2006), S. 211.
24. Heidegger (1979), S. 17.
25. [Blumenberg (2006), S. 18; A.d.Ü.]
26. Heidegger (2010), S. 210.
27. Heidegger (2010), S. 211.
28. Heidegger (2010), S. 211.
29. Heidegger (2010), S. 212.
30. Heidegger (2010), S. 229.
31. Blumenberg (2006), S. 208.
32. Blumenberg (2006), S. 211.
33. [Vgl. Blumenberg (2006), S. 199; A.d.Ü.]
34. Blumenberg (2006), S. 215.
35. [Blumenberg (2006), S. 215; A.d.Ü.]
36. Blumenberg (2006), S. 510.
37. Blumenberg (2006), S. 510 f.
38. Blumenberg (2006), S. 539.
39. [Vgl. Blumenberg (2006), S. 511 ff.; A.d.Ü.]
40. [Blumenberg (2001), S. 423; A.d.Ü.]
41. Blumenberg (2001), S. 415.
42. Blumenberg (2001), S. 414 f.
43. Blumenberg (2006), S. 523.
44. Blumenberg (2006), S. 552.
45. [Blumenberg (1966), S. 92; A.d.Ü.]
46. [Blumenberg (2001), S 415; A.d.Ü.]
47. [Gehlen (2004), S. 32; A.d.Ü.]
48. Blumenberg (2006), S. 592.
49. [Blumenberg (1990), S. 10; A.d.Ü.]
50. Blumenberg (1988), S. 811.
51. Blumenberg (2006), S. 778 f.
52. Blumenberg (2006), S. 780.
53. Blumenberg (2006), S. 781.
54. Blumenberg (2006), S. 781 f.
55. Blumenberg (2006), S. 780.
56. Blumenberg (2006), S. 786.
57. [Blumenberg (2007), S. 88; A.d.Ü.]

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INDEX
Mots-clés : Blumenberg, phénoménologie, Anthropologie philosphique, interdit anthropologiqe
Schlüsselwörter : Blumenberg, Phänomenologie, philosophische Anthropologie,
Anhropologieverbot

AUTEURS
JEAN-CLAUDE MONOD
Jean-Claude Monod ist Professor für Philosophie an der École Normale Supérieure in Paris.
Nähere Informationen finden Sie hier.

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Die transzendentale Formel


Über den Beitrag der Phänomenologie zur philosophischen
Anthropologie

Étienne Bimbenet
Traduction : Thomas Ebke

NOTE DE L’ÉDITEUR
Wir danken Herrn Étienne Bimbenet für die freundliche Genehmigung, diesen Artikel
in deutscher Übersetzung zu publizieren.
Nous remercions Monsieur Étienne Bimbenet de nous avoir accordé l’autorisation de
traduire ce texte pour le présent numéro.

1 Seit einigen Jahren stellt die philosophische Anthropologie in Frankreich den


Gegenstand einer breit gefächerten Kommentierung dar.1 Man entdeckt ein Ensemble
von Autoren (wieder), die – von Scheler bis Gehlen und von Plessner bis Portmann – in
heroischer Weise den Versuch gemacht haben, die »Sonderstellung« des Menschen in
der Natur nach Maßgabe eines damals gerade erst festgestellten Faktums der Evolution
zu bestimmen.2 Nun hat sich jedoch herausgestellt, dass diesem Phänomen (der
Neuentdeckung der philosophischen Anthropologie) großteils durch die zeitgleich
stattfindende französische Rezeption des Werkes von Hans Blumenberg, und näherhin
der von diesem in der Beschreibung des Menschen aufgeworfenen Frage nach den
Beziehungen zwischen Anthropologie und Phänomenologie, eine neue Wendung
gegeben worden ist. Dies ist in der Tat »der« in jeder Hinsicht strittige Punkt, mit dem
Blumenberg über die gut 900 Seiten seiner 2006 postum erschienenen und 2011 in
Frankreich veröffentlichten Aufzeichnungen hinweg ringt.3 Und daher ist dies auch oft
genug der Ausgangspunkt jener Diskussionen, die in Frankreich auf die philosophische
Anthropologie Bezug nehmen4: Kommt man doch nicht umhin festzuhalten, dass
sowohl Husserls transzendentaler Idealismus als auch Heideggers Analytik des Daseins
jeglicher Anthropologisierung ihrer Diskurse eine Absage erteilt haben. Hier wie dort
ging es um die Erhaltung des transzendentalen Motivs in seiner Reinheit. Sobald erst
einmal das Bewusstsein bzw. das Dasein als grundlegend gerechtfertigt waren, trugen

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sie die Philosophie über das »Faktum« unseres Menschseins hinaus an einen Ort, an
dem die Gesetze des Denkens für jedes überhaupt nur mögliche Bewusstsein Geltung
haben mussten bzw. die Strukturen der Existenz eher auf den Sinn des Seins als auf die
empirische Ansehung unseres Menschseins ausgerichtet waren. Zwischen der
historischen Phänomenologie und der Anthropologie ist also keinerlei Verbindung
möglich:
»[D]ie ursprüngliche Phänomenologie, als transzendentale ausgereift, [versagt]
jeder wie immer gearteten Wissenschaft vom Menschen die Beteiligung an der
Fundamentierung der Philosophie und [bekämpft] alle darauf bezüglichen
Versuche als Anthropologismus oder Psychologismus.«5
2 Das Paradox besteht nun darin, dass genau in dem Moment, in dem die Imperative der
Begründung einer rigorosen Wissenschaft bzw. der Erweckung der Frage nach dem
Sinn des Seins die Phänomenologie »entmenschen«6, diese ihrerseits ein Ensemble von
Begriffen bereit stellt, die spontan in einen Diskurs anthropologischen Typs
umschlagen. Husserls strenge Eidetik der Wahrnehmung, der Intersubjektivität oder
der Lebenswelt und Heideggers gehaltvolle Hermeneutik der Faktizität boten sich all
jenen als unschätzbare deskriptive Ressourcen an, die als Philosophen, Psychologen
oder Soziologen aus dem Nachdenken über das menschliche Leben ihren Beruf gemacht
hatten. Auch Sartre, Merleau-Ponty oder Ricœur machten sich in dieser Weise die
Phänomenologie zu eigen; und genau so sollte sie einige Jahre später auch Blumenberg
auf noch ausgefeiltere Weise anvisieren. All diesen Denkern mutete das philosophische
Versprechen als zu schön und der von ihm zu erhoffende begriffliche Gewinn als zu
reich an, als dass ein »Anthropologieverbot«7 von vornherein auf der Möglichkeit hätte
lasten können, das Humane im Phänomenologischen zu denken. Und für all diese
Denker verstand es sich von selbst, dass der Preis, der zu bezahlen wäre, wenn man die
Phänomenologie in den Dienst einer bestimmten Einsicht in das Menschliche stellt, in
der Aufgabe oder zum mindesten in einer erheblichen Revision des
Absolutheitanspruchs des Transzendentalen bestehen müsste. In dieser Hinsicht findet
man bei Blumenberg die Einnahme einer entschiedenen Distanz gegenüber der
Seinsfrage, die seines Erachtens vollkommen von der Ausarbeitung einer Anthropologie
abtrennbar ist: Im Grunde hat jenes »kentaurische Gebilde«8, das bei Heidegger die
Analytik des Daseins systematisch an eine Fundamentalontologie kettet, nichts
Zwingendes für sich. Dazu passt, dass sich die Phänomenologie auf französischer Seite
auf der Grundlage einer »Endlichkeit« instituiert hat, deren hauptsächliches
Charakteristikum sich, wie Foucault gezeigt hat, durch die konstante und prinzipielle
Aushandlung zwischen dem Transzendentalen und dem Empirischen, zwischen der
Philosophie und den positiven Wissenschaften, definiert. 9
3 In diesem Punkt ist der Husserlschen Phänomenologie ein ironisches Schicksal zuteil
geworden. Zwischen Husserls philosophischem Projekt und den Möglichkeiten, die es
eröffnet, liegen Welten. Der inaugurale Kern der Phänomenologie siedelte uns
klarerweise auf Seiten eines cartesianischen Projekts der Neubegründung der
Wissenschaft auf einem Boden unbezweifelbarer Prinzipien an. Doch seit Heideggers
Dissidenz rekonfiguriert die phänomenologische Nachwelt dieses ursprüngliche Projekt
unaufhörlich und belebt es auf unvorhergesehenen Bahnen wieder. Als Schutzwall
gegen den von der empirischen Psychologie verbreiteten Skeptizismus errichtet, blühte
die Husserlsche Phänomenologie bei allen Autoren, die sich auf sie beriefen, in
weitgehend de-transzendentalisierter und besonders gegenüber den

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Humanwissenschaften aufgeschlossener Gestalt wieder auf. Und dies geschah jedes Mal
unter Berufung wo nicht auf Husserl selbst, so doch auf die Phänomenologie.
4 Warum so viel Freiheit im Inneren des Erbes? Und warum liegt, dem berühmten Wort
Heideggers zufolge, »[d]as Verständnis der Phänomenologie […] einzig im Ergreifen
ihrer als Möglichkeit«?10 Unserer Auffassung nach gibt es dafür einen prinzipiellen
Grund. Es ist kein Zufall, wenn in der Phänomenologie mehr steckt als eine
Bewusstseinstheorie; wenn Husserls philosophisches Vorgehen sehr rasch nach
Ausweitung seiner selbst sowie danach rief, seinen epistemischen Keim sich in alle
Richtungen zerstreuen zu lassen; wenn schließlich der Phänomenologie, die ebenso gut
eine Theorie der Wahrnehmung wie eine Theorie der Werte, eine Ästhetik wie eine
politische Philosophie sein kann, nichts Menschliches fremd ist. Was die Husserlsche
Phänomenologie ohne es zu wollen (und obwohl sie sich dem sogar widersetzte)
tatsächlich erschlossen hat, war die Möglichkeit einer philosophischen Anthropologie.
Darin bestand gerade nicht, um es noch einmal zu sagen, Husserls ureigener Ansatz.
Seine Phänomenologie ist jedoch so streng gebaut und so gut gegen ihre Widersacher,
die ihrerseits so gefährlich sind, gerüstet, dass ihr ein Diskurs entspringt, der in seiner
Gültigkeit formal auf alle Phänomene des Menschen übertragbar ist. Die an Husserl
anknüpfende Überlieferung reißt die Phänomenologie deshalb von ihrem
Herkunftsgebiet fort, weil sie, die Phänomenologie, in einer sofort anthropologisch
vertrauenswürdigen Gestalt auftritt. Dies zumindest möchten wir im Folgenden zeigen.
5 Die Anthropologie ist nicht etwa eine jener Disziplinen, auf welche die
phänomenologische Methode der Reduktion angewandt werden kann, um einen
Zusammenhang von Grundkategorien aufzuweisen. Die Idee, die Phänomenologie
würde der Region »Mensch« ihr eidetisches Fundament liefern (wie sie es für die
Bereiche der »physischen Natur«, der »menschlichen Gesellschaft« oder der »Kultur«
tun könnte), entspricht vollkommen dem ursprünglichen Ansatz Husserls. Wir sagen
etwas anderes: Seiner ganzen Form nach und noch vor seiner konkret-regionalen
Anwendung gibt Husserls Fundamentismus die Möglichkeit einer Anthropologie zu
erkennen. Was hier auf dem Spiel steht, ist weniger die Struktur oder das
architektonische Gefüge des ganzen Projekts, da dieses, wie wir noch sehen werden, in
zwei zueinander genau gegenläufige Richtungen hinein angelegt ist. Wenn dem so ist,
haben wir zu zeigen, dass sich die Phänomenologie nicht trotz ihrer idealistisch-
transzendentalen Anlage, sondern gerade wegen dieser Anlage als eine Ressource für
die Ausarbeitung einer philosophischen Anthropologie darbietet. Es geht nicht darum,
die transzendentale Hybris des Begründers der Phänomenologie zu leugnen, sondern
darum, eine Hybris zu behaupten, die vielmehr in der Sache selbst, d. h. in der als
menschlich aufgefassten Intentionalität gründet. Eben weil eine solche Intentionalität
stets von einer Mehrmeinung* erfüllt ist, die sie aus Prinzip exzessiv macht, und weil das
menschliche Leben aus einer unglaublichen Masse an Absolutheitsansprüchen heraus
anhebt, ist Husserls »transzendentale Formel« legitim, wenn es darum geht, uns über
das Humane zu verständigen.

Die husserlsche Diplopie


6 Husserls Phänomenologie zielt darauf, sich philosophisch der Grundlage der
verschiedenen Wissenschaften zu vergewissern. Dabei handelt es sich weitgehend um
ein für das Ende des 19. Jahrhunderts charakteristisches Projekt. In ihren wesentlichen

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Zügen schickt sich die deutschsprachige Philosophie dieser Zeit an, sich selbst
gleichsam zur »Wissenschaft der Wissenschaft« zu machen. Nur gibt es zwei einander
entgegengesetzte Weisen, um zu diesem Ziel zu gelangen: Husserls Originalität, und
sehr bald auch die der Phänomenologie überhaupt, besteht darin, sich keiner dieser
beiden Weisen anzuschließen. Die Phänomenologie erfindet sich in einer ebenso
merkwürdigen wie behaglichen »rechten Mitte«11, die zwar Missverständnissen
jeglicher Art freien Lauf lässt, in denen sich jedoch wiederum zugleich die erstaunliche
Fruchtbarkeit der Phänomenologie ankündigt.
7 Sie lehnt auf der einen Seite, wie man weiß, den Weg der experimentellen Psychologie
ab. Die Gesetzmäßigkeiten des Denkens kausal zu explizieren, das logische Rüstzeug der
Wissenschaften auf eine Naturtatsache zurückzuführen und die idealen Gesetze des
vernünftigen Denkens auf die reellen Gesetze der Funktionsweise des Gehirns zu
reduzieren, hieße die Universalität dieser Gesetze, die einzig und allein Wissenschaft
als Wissenschaft möglich macht, zu ruinieren. Gegen den bösen Geist des
Psychologismus macht Husserl in stets gleichbleibender Weise dasselbe Argument
geltend, nämlich die reductio ad absurdum einer Psychologie, die vorgibt, absolut wahr
zu sein und diesen Anspruch im selben Zug immer schon außer Kraft setzt, sobald sie
ihre eigenen Grundlagen empirisch reflektiert. Der Psychologe kann nicht gleichzeitig
Wissenschaft betreiben und eine skeptische Theorie der Erkenntnis vorlegen:
»Eine Theorie aufstellen und in ihrem Inhalt, sei es ausdrücklich oder
einschließlich, den Sätzen widerstreiten, welche den Sinn und Rechtsanspruch aller
Theorie überhaupt begründen – das ist nicht bloß falsch, sondern von Grund aus
verkehrt.«12
Aber dies ist nur die halbe Wahrheit. Tatsächlich genügt es nicht, im Allgemeinen die
Rechte des Apriori zu verteidigen; es genügt erst recht nicht, um die Gegenseite von
ihrer Inkonsequenz zu überzeugen. Über einen schlicht refutativen Nachweis hinaus
erfordert der Anspruch auf unbedingte Gültigkeit der Grundlagen der Wissenschaft
eine direkte und positive Absicherung. Und in diesem Zusammenhang eröffnet Husserl
in diskreterer Weise seine zweite Front, dieses Mal an die Adresse der
neukantianischen Erkenntnistheorien gerichtet. So kann man »verbal« wie Herbart
oder Lotze der Idealität der Wissenschaft gewiss sein, ohne dabei diese Idealität im
Lichte der Evidenz genauer in den Blick zu nehmen.13 Über eine bestimmte Form des
Neukantianismus hinaus betrifft dieses Problem die spezifische Leistung der
Wissenschaft selbst: Die Aussagen der Logik und der Mathematik sind, wie die Aussagen
allgemein jeder Wissenschaft, prekäre Aussagen, eben weil sie Aussagen sind, d. h.
Worte, die stets dazu verurteilt sind, nurmehr mechanisch zu funktionieren und leer zu
laufen. Die Logik gerät, weil sie mit Worten anhebt, wie die Arithmetik auch, die ihre
Kalküle auf Symbole gründet, laufend in Gefahr, zu einem sinnentleerten Symbolismus,
ja sogar zu einer blinden »Technologie« zu degenerieren. Es gilt also, nicht allein das
Prinzip der Idealität gegen den Psychologismus zu verteidigen; es geht auch um deren
anschauliche Fülle, die nun gegen einen bestimmten Logizismus abzusichern ist.
Dringlich ist, die Idealität zu klären, von ihr ein Zeugnis aus erster Hand zu geben, was
bei Husserl »Rückkehr zu den Sachen selbst« heißt:
»Wir wollen uns schlechterdings nicht mit ›bloßen Worten‹ zufrieden geben, das ist
mit einem bloß symbolischen Wortverständnis […] Bedeutungen, die nur von
entfernten, verschwommenen, uneigentlichen Anschauungen – wenn überhaupt
von irgendwelchen – belebt sind, können uns nicht genug tun. Wir wollen auf die
›Sachen selbst‹ zurückgehen.«14

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8 Damit versteht man jene sonderbare Anlage der Phänomenologie besser, die ihr in
Wirklichkeit bereits seit den 1890er Jahren eigentümlich ist. Sehr wohl handelt es sich
um eine Verteidigung des apriorischen (notwendigen und universalen) Charakters der
Grundlagen aller Wissenschaft gegen deren Reduktion auf die psychologischen
Bedingungen ihrer Instantiierung: Nur dass die Rechte auf Objektivität sich effektiv
nirgends anders als auf jenem Terrain behaupten können, das traditionell der
Psychologie zukommt, nämlich dem Terrain von Bewusstseinsakten, die allein im
Stande sind, sich in vollkommen intuitiver Weise zu bezeugen. Husserl tritt ebenso das
Erbe des Objektivismus eines Bolzano wie das der von Brentano erschlossenen
Möglichkeit einer »deskriptiven« Psychologie an, die der reinsten Erhellung der
Bewusstseinserlebnisse fähig ist.15 In diesem Punkt ist das Prinzip der Anschauungsfülle
oder auch der personalen Gebung [donation en personne] trügerisch einfach. Es ist
»doppelsichtig« [diplopique], sofern es, und die gesamte Phänomenologie mit ihm, zur
gleichen Zeit in zwei einander entgegengesetzte Richtungen blickt – in die der
Objektivität der Wissenschaft und in die der Subjektivität der Bewusstseinserlebnisse:
»[Was das heißt], […] wie die Idealität des Allgemeinen als Begriff oder Gesetz in den
Fluß der realen psychischen Erlebnisse eingehen und zum Erkenntnisbesitz des
Denkenden werden kann […].«16 Dies ist die von Buch zu Buch immer wieder neu
entfachte Frage, die Husserls Phänomenologie aufwirft. Sie ist eine philosophische, da
eminent problematische Frage: »[mich] peinigten […] die unbegreiflich fremden
Welten: die Welt des rein Logischen und die Welt des aktuellen Bewusstseins«. 17
9 Ihrer ureigenen Struktur nach ist die Husserlsche Phänomenologie also fälschlich
evident. Sie ist größtenteils und, so könnte man sagen, konstitutiv problematisch.
Objektivität soll sich aus der Beschreibung subjektiver Akte herleiten lassen, die jedoch
selbst wieder Vollzüge eben dieser Objektivität darstellen: So wird beispielsweise das
Problem der Zahl in der Mathematik zugleich durch die Beschreibung eines
psychischen Aktes (nämlich der Zählung als einer »kollektiven Verbindung« 18) und des
Gehalts, auf den dieser Akt intentional gerichtet ist, sowie durch das »Recht« eben
dieser Beschreibung, für jedes nur mögliche Bewusstsein zu gelten, bestimmt. Von
daher bin sehr wohl ich es, als unersetzlich singulärer Denker, der hier gefordert ist,
und zwar gefordert in der unersetzlichen Singularität meiner Selbstpräsenz, um die
Universalität-Idealität der Zahl unter Beweis zu stellen. Die bedingungslose Geltung der
Mathematik, ihre Geltung für alles und jeden, verlangt nach dem Zeugnis der
Jemeinigkeit* meiner je subjektiven Präsenz. Oder wie es Husserl am Ende seiner
»Vorlesungen über das innere Zeitbewusstsein aus dem Jahr 1905« sagt: »So heißt ein
Urteilsbewusstsein von einem mathematischen Sachverhalt Impression.« 19 In den
Logischen Untersuchungen praktiziert Husserl eine Methode, die sich im selben Zug als
deskriptiv und als ideierend ausnimmt. Er beschreibt ein System von
Bewusstseinsvollzügen, praktiziert jedoch direkt mit dieser Beschreibung eine
»ideierende Abstraktion«, die darauf angelegt ist, die Möglichkeit apriorischer
Wahrheiten zu legitimieren.20
10 Ab 1906/1907 sollte die phänomenologische Reduktion die von Anfang an vorhandene
Misslichkeit dieser Verfahrensweise noch ein wenig verschärfen. Bekanntlich
umschließt die »Sphäre von absoluter Gegebenheit«21, auf die von nun an
zurückgegangen wird, die evidente Selbstpräsenz nicht nur des
Bewusstseinserlebnisses, sondern zugleich auch diejenige seiner noematischen
Korrelate. Und da sie gleichermaßen eine Beschreibung der Bewusstseinsvollzüge wie

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der intentionalen Gegenstände dieser Vollzüge darstellt, strebt diese Beschreibung der
Bewusstseinserlebnisse danach, auch die Erkenntnis dessen, was ihr transzendent ist,
auf den Boden der Selbstevidenz zu gründen. Doch man muss sehen, dass sich die
Sphäre des rein Gegebenen mit dieser Wendung vor einer gewaltigen Herausforderung
wiederfindet, die sich über alle Werke Husserls hinweg immer wieder neu einstellen
wird. Muss man daran erinnern, dass das Gegebene-für-ein-Bewusstsein noch nicht mit
dem transzendenten Seienden zusammenfällt? Es ist in gewisser Weise sogar dessen
Gegenteil, insofern es im Vollzug der Reduktion den Index seiner Transzendenz
verloren hat. Darin besteht der wertvolle Hinweis, den Jean-François Lavigne gibt:
»Die einfache Evidenz (selbst wenn sie adäquat ist, falls sie sich überhaupt
einstellt), worin im Modus des ›Dieses-da‹ sowohl das Erlebnis als intentionaler Akt
als auch sein korrelatives ›Datum‹ gegeben sind, ist völlig außer Stande, das Verhältnis
zwischen dieser reinen Erscheinung und dem Sein zu bestimmen.« 22
11 Freilich suspendiert die Reduktion das Transzendente, um es im Anschluss desto besser
auf der Basis der evidenten Erlebnisse zurückzugewinnen. Doch der Umweg, den diese
Reduktion nimmt, ist prekär; versetzt sie uns doch, indem sie die einzige uns wirklich
gegebene Transzendenz – jene der Welt – aussetzt, in den Bereich einer
unentrinnbaren Subjektivität. Deswegen sind alle Werke Husserls von ein- und
derselben Spannung erfüllt: Wie schaffen wir es, wenn wir erst einmal in das Element
des Subjektiven versetzt sind, aus ihm wieder hinauszugelangen? Wird uns die Sphäre
apodiktischer Selbstevidenz mit etwas anderem als mit einer Transzendenz für das
Bewusstsein, mit etwas anderem also als einem bloßen Trugbild der Transzendenz, in
Berührung bringen? Steht es in den Mitteln der durch die Reduktion aufgewiesenen
Subjektivität, eine genuin transzendentale Subjektivität zu sein, d. h. eine solche, die das
Sein als solches enthüllt?
12 Die Phänomenologie ist ein zu einer Methode verwandeltes Problem. Durch sie
hindurch potenziert sich, was man als das »Paradox des Gleichen« bezeichnen könnte,
das wir als eine der gründenden Paradoxien der abendländischen Philosophie
betrachten würden.23 Wie Leo Strauss so schön gezeigt hat 24, erfindet sich die
Philosophie in dem Augenblick, in dem ich beanspruche, Zeuge meines eigenen Wissens
zu sein. Nicht länger jemand zu sein, der bloß vom Hörensagen her weiß und unter der
Autorität einer Gemeinschaft, die älter ist als er selbst, sondern im Gegenteil ein
Augenzeuge oder ein Zeuge aus erster Hand, wie es nur jemand sein kann, der mit
seinen eigenen Augen sieht: Darum geht es. Von Geburt an ist der Philosoph ein
»Augenzeuge«, dem man keine Geschichten erzählt.25 Im Gegenzug zur doxa, die ganz
aus dem besteht, was »man so sagt« und was »selbstverständlich« ist, fasst die von der
Philosophie ersonnene episteme das Sehen nicht etwa als einen Sinn unter anderen,
sondern vielmehr als Modell eines erstpersonalen Wissens auf, welches allein in der Lage
wäre zu bezeugen, dass die Sache wirklich in persona da ist. Das also wäre das Paradox
des Gleichen unter seinen beiden komplementären Aspekten: Ich muss selbst da sein,
um die Gewähr zu haben, dass es die Sache selbst ist, die ich schaue. 26 Als reine Vision,
als absolut sehende Vision, die nichts anderes tut als zu sehen (und dabei von keiner
weiteren Voraussetzung abhängt), ist die Evidenz gerade das Erlebnis dieses
Widerspruchs: Ich muss mich selber ins Spiel bringen, um das zu erkennen, was in
seiner Objektivität unabhängig von mir und unabhängig von jedem Erkennenden gilt.
Man muss selbst da sein, um das zu erkennen, was einem fremd ist. Die sokratische Maieutik
gibt ein eindringliches Bild dieses Widerspruchs: Ich kann niemals in die allen
gemeinsam gegebene Wahrheit, in das »An-Sich« der Gerechtigkeit oder der Dichtung,

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eintreten, wenn ich nicht aus mir selbst, der ich in meiner Beweisführung mit Haut und
Haar anwesend bin, heraustrete. Daraus ersieht man, dass die Husserlsche
Selbstgegebenheit* (die Tatsache, sich in der Anschauung als Person gegeben zu sein)
eine Erinnerung an das griechische autos und dessen grundlegende Inevidenz in sich
bewahrt. Im einen wie im anderen Fall gilt, wie Rémi Brague sagt, dass »›Ich weiß‹ […]
›Ich bin da, um zu wissen‹ [bedeutet]«.27 Husserl aber hat aus diesem Paradox den
Gegenstand seines Staunens und sogar die Struktur seines ganzen philososophischen
Theoriegebäudes gemacht. Besteht doch die Phänomenologie genau darin, »diese
eigentümliche Korrelation zwischen idealen Gegenständen der rein logischen Sphäre und
subjektiv psychischem Erleben als bildendem Tun zum Forschungsthema zu machen«. 28 Und
wie wir gesehen haben, ist diese Korrelation im Werk Husserls durchweg
problematisch, durchweg in die Schwebe versetzt oder in Frage gestellt. Indem sie aus
der Welt-an-sich in die Welt-für-mich zurückkehrt, mahnt die Reduktion jene
Subjektivität an, die mit ihren eigenen Mitteln den Lauf der Welt an sich wiederfindet: Die
Reduktion befragt das transzendentale Vermögen der Subjektivität, deren Fähigkeit
also, in den Begriffen meiner Evidenz, der Selbstevidenz, von demjenigen Rechenschaft
abzulegen, was in seiner Transzendenz jede mögliche Subjektivität übersteigt.
13 Wir denken nun, dass dieses Paradox des Gleichen und die singuläre
phänomenologische »Diplopie«, die ihm im Denken Husserls entspringt, einen direkt
anthropologischen Einsatz mit sich bringen. In dem Maße, in dem er der Sphäre der
erstpersonalen Erlebnisse die Absicherung wissenschaftlicher Aussagen und ihrer
Objektivität anheim stellte, richtete Husserl eine eminent problematische
Theorieanlage ein, derart, dass diese, um sich selber konstituieren zu können, einer
philosophischen Anthropologie bedarf, und zwar, genauer gesagt, einer Anthropologie,
die aus dem Faktum unseres animalischen Ursprungs den bevorzugten Gegenstand
ihres Staunens gemacht hat. Dass ein mir zugehöriges und für sich selbst stehendes
Erlebnis sich von sich selbst in Richtung auf das, was idealerweise für alle und keinen
gilt, lösen kann; dass das »Für-sich« des Lebens der Absolutheit dessen, was »in sich«
ruht, den Treueeid zu leisten vermag: Dies ist ein Problem, das sich bei Husserl in
einem epistemischen Modus niederschlägt, das jedoch in Wirklichkeit die Verfasstheit
unseres Menschseins selbst [la facture même de notre humanité] betrifft.
14 Wie in der phänomenologischen Reduktion die Welt in die Schwebe gebracht ist und
die transzendentale Subjektivität niemals die Gewissheit haben kann, die Transzendenz
der Welt wiederzugewinnen, so ist das menschliche Wesen jenes Lebewesen, das in der
Immanenz seines eigenen Ich »sein Leben lebt« und dennoch ohne Garantie in
Richtung auf eine jedem möglichen Leben gemeinsame Welt geworfen ist. Husserls
Phänomenologie entwirft in dem ihr eigentümlichen epistemischen Modus einen
anthropologischen Parcours. Sie expliziert und entfaltet das Menschliche als einen
Parcours, eine Wegstrecke von der Autarkie des Lebens hin zur Universalität der Welt.

Der Parcours der Vermenschlichung


15 Wir stammen vom Tier ab. Dies ist ein durch die Wissenschaft gegebenes empirisches
Faktum, das mithin in jenem der Wissenschaft eigentümlichen Umfeld besteht: Unser
animalischer Ursprung ist eine Summe von im Wechselzusammenhang zueinander
bestimmbaren Tatsachen, deren Zeitlichkeit einen Maßstab hat, der zu groß ist, als
dass sie uns jemals wirklich angehen könnte. Doch dabei kann man es nicht bewenden

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lassen. Die Evolution ist eine Geschichte von Lebewesen, von Wesen also, die ihr Leben
leben und sich in dieser Eigenschaft einer erstpersonalen Beschreibung von der Art
darbieten, wie sie die Phänomenologie versucht. Die Methode, die darin besteht, von
der wirklichen Welt zur erlebten Erfahrung oder vom äußerlichen zum eigentlichen
Standpunkt zurückzukehren: jene Methode, die wir an der Schwelle zur
Phänomenologie vorfinden, beruft sich, was unsere vergangene Geschichte betrifft, auf
sich selbst. Denn diese Geschichte ist, ob man will oder nicht, eine Geschichte von
Verhaltensweisen, also von je singulären Auseinandersetzungen, die zwischen einem
Organismus und seinem Lebensmilieu [milieu de vie] geknüpft werden. Bevor es sich auf
der von der Wissenschaft aufgerollten Ebene der Äußerlichkeit expliziert, bevor es sich
auf dem materiellen Niveau physikalisch-chemischer Gesetze, auf dem genetischen
Niveau von Reproduktions- und Selektionsmechanismen, auf dem behavioristischen
Niveau operanter Konditierungen oder schließlich auf dem kognitiven Niveau der
Verarbeitung von Prozessen der Information und der Optimierung von
Überlebenschancen erkennt, ist das Leben die Angelegenheit lebendiger Subjekte. Die
Phänomenologie möchte nicht die drittpersonale Sprache der Wissenschaft ersetzen;
sie möchte schlicht neben dieser die eigentlich subjektive Sprache vernehmbar
machen, die, so fragil und strittig sie auch ist, eben die Sprache des Lebendigen selbst
darstellt.
16 Zur animalischen Intentionalität gibt es viel zu sagen: So viele Arten es gibt, so viele
Beziehungen zur Welt gibt es. Aber wir denken, dass man eine solche Intentionalität
zugleich, und ohne dieser Diversität Gewalt anzutun, charakterisieren, d. h. von ihr eine
ebenso allgemeine wie intuitiv befriedigende Charakteristik erarbeiten kann – ein
eidetisch verlässliches Kennzeichen, das als ein- und dasselbe in allen verschiedenen
Verhaltensweisen der Tiere ausfindig gemacht werden könnte. Der Biologe Uexküll hat
am Anfang des vergangenen Jahrhunderts eine solche Charakteristik geliefert, indem
er vorschlug, die Animalität vom Begriff der »Umwelt« her zu denken. Ein Tier zu sein,
heißt intentional eine Umwelt* anzuvisieren. Es heißt, sich mit einer Welt zu umgeben
(Um-), also eine Welt wahrzunehmen, die die Eigenheit hat, genau dasjenige zu sein,
was das Tier umgibt. Die Umwelt ist eine Welt, die sich durch die schlichte Tatsache
definiert, die das Tier umgebende Welt, die Welt also »des« Tiers zu sein, die dem Tier
eigene Welt, die es wie eine Schutzhülle umschließt. Das Tier und die Umwelt sind
exakt miteinander korrelierende oder im Wechselverweis aufeinander definierte
Begriffe: Ein Tier zu sein heißt, eine Umwelt zu haben; eine Umwelt zu sein heißt, die
Welt eines Tiers zu sein.
17 Wenn nun aber diese Korrelation definitionsentscheidend ist und nicht etwa einer der
beiden Ausdrücke für sich allein, dann bedeutet dies, dass sich uns die Animalität als
ein Relativismus darbietet – im Grunde als die einzige Reinform des Relativismus. In
der unendlich weitläufigen Gesamtheit objektiver Reize, die seine geographische
Umgebung ausmachen, nimmt das Tier nur »seine« Umwelt oder die Umwelt, die es
umgibt, wahr. Das bedeutet, dass es nichts wahrnimmt als das, was für es nach
Maßgabe seiner möglichen Handlungen zählt. Es nimmt nur das wahr, was ihm als
Merkmal* gilt, was es also merkt*, weil es, wie Uexküll sagt, ein Wirkmal* besitzt.
Zwischen den »Merkmalen« und den »Wirkmalen«, zwischen dem, was das Tier
wahrnimmt, und dem, was es zu tun vermag, existiert, wie Uexküll sagt, ein
»Gegengefüge«29: Das Tier nimmt nichts anderes wahr als das, was es ausgehend von
seinen möglichen Handlungen antizipiert hat. Das Gegebene ist für das Tier ein

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Konstrukt im Ausgang von den praktischen Kategorien, die sein Am-Leben-Sein [être-
en-vie] strukturieren; es nimmt außen nichts wahr als das, was es selbst hineingetragen
hat. Das Tier ist von dem tangiert, was es umgibt: Es stiftet in einem praktischen Modus
Sinn. Es formt alles, was ihm erscheint, selektiv um. Nichts ist ihm passiv gegeben, als
was es von seiner Fähigkeit zu handeln her antizipiert hätte. In dieser Hinsicht ist das
Tier im starken Sinne eine Subjektivität: »Der Biologe gibt sich davon Rechenschaft,
daß ein Lebewesen ein Subjekt ist, das in einer eigenen Welt lebt, deren Mittelpunkt es
bildet.«30 Intentional neu bestimmt, erlegt die Animalität einen Subjektivismus, einen
Phänomenismus [phénoménisme] oder Relativismus auf. Diese drei Formulierungen sind
äquivalent: Nichts, was dem Tier begegnet, ist ihm fremd; alles betrifft das Tier per
definitionem, denn es könnte nichts wahrnehmen als das, was es bereits im Ausgang
vom Zirkel seiner möglichen Aktionen präfiguriert hat.
18 Wir stammen also von einem in sich zentrierten und sich mit einer Umwelt, d. h. mit
allem, was für es zählt, umgebenden Leben ab. Dieser Korrelationismus könnte die
Definition schlechthin eines schlicht lebendigen bzw. noch nicht sprechenden Lebens
sein. Weil wir Lebewesen sind bzw. weil wir stets lebendig sind und bleiben werden,
bevor wir Menschen sind, kennen wir eine solche Intentionalität auswendig [par cœur]
oder in »körperlicher Erkenntnis« [par corps].31 Diese Intentionalität ist der
Zusammenhalt unserer Erlebnisse in sich selbst, ihre prinzipielle Immanenz. Was auch
immer die Objekte sind, denen ein Lebewesen begegnet: Sie leiten es notwendigerweise
auf sich selbst zurück, weil sie die Anlässe seines Handelns und die Ankerpunkte seiner
Affekte sind. Bevor die Sprache das Lebendige von sich selbst trennt und es in einer
Umwelt von Objekten leben lässt, die jedem möglichen Leben gemeinsam sind, ist das
»schlicht lebendige« Leben Kontakt von sich mit sich, ist es Selbstevidenz, die sich
selber niemals verlässt. Die »Sphäre von absoluter Gegebenheit« 32, aus der Husserl den
unerschütterlichen Boden des Wissens machen wollte, ist auf der Ebene einer
Erkenntnistheorie der Ausdruck für ein sich selber nötig habendes Leben, das sich
selbst in jeder seiner intentionalen Eigenleistungen bezeugt. Husserls Selbstevidenz ist
nicht primär ein epistemisches Prinzip; ursprünglich ist sie das Absolute des Lebens in
uns.
19 Wie also werden wir die Intentionalität in ihrer humanen Form definieren? Ist es auch
hier wieder legitim, sie in einer wesenhaften Charakteristik zusammenzufassen? Läuft
eine Eidetik des Phänomens des Menschen nicht Gefahr, der Diversität von Mensch zu
Mensch, wie sie sich dem modernen Blick durch den Aufschwung und die
Vervielfältigung der ethnographischen Forschung aufdrängt, Gewalt anzutun? Diese
Frage beantwortet die Phänomenologie, vor allem die Husserlsche, klar. Gewiss weicht
sie der Subjekt-Relativität33 menschlicher Lebensumwelten keineswegs aus, wie man
aus der Analytik der Lebenswelt* ersehen kann. Das menschliche In-der-Welt-Sein ist
das Faktum von Lebewesen, für die die Welt zunächst die Welt ihres Lebens, die diesem
Leben entsprechende und nach je und je besonderen Interessen zweckmäßig
angeordnete Welt ist. Daher ist die Welt des Lebens an ihrem Grund plural und im
Ausgang von einem individuellen oder gemeinschaftlichen Standpunkt der Praxis
entworfen, die ihren Sinn unwiderruflich relativiert. Sie ist, wie es Jocelyn Benoist
ausdrückt, »von einer grundlegenden Umwelt-Struktur* gezeichnet«.34 Aber dies ist nur
die halbe Wahrheit, die unseren Status als lebendige Wesen anbetrifft. Wie nämlich
Husserl unermüdlich bekräftigt hat, »beherrscht uns doch im natürlichen Leben die
Gewissheit, daß trotz alledem eine objektive, endgültig wahre Welt sei, die wahre Welt,
wie wir einfach sagen. Darin liegt, genauer besehen, eine über jede aktuelle Erfahrung

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hinausreichende Präsumtion«.35 Dieser unerschütterliche Realismus ist das, was


Husserl die »natürliche Einstellung« nennt: Vor jedem reflexiven Rückgang zu sich (zu
uns selbst), vor jedem wissenschaftlichen Diskurs über die Welt als Weltsicht und als
geschichtlich-praktische Konstruktion, glauben wir dogmatisch, dass die Welt existiert.
Niemand hat jemals diese robuste Überzeugung bezweifelt, es sei denn in Worten. Die
menschliche Wahrnehmung ist keineswegs schlicht und ergreifend relativistisch: Sie
nimmt eine »Natur« an, wenn man darunter eine Welt »in sich« und nicht etwa »für
uns« versteht.
20 Dieser Realismus behauptet sich übrigens nicht im Gegensatz zum vitalen Relativismus,
sondern vielmehr direkt ausgehend von diesem Relativismus als von der Kraft und
Überzeugung, die ihn von innen her antreibt. Er ist keine Gegebenheit, die uns
(Menschen) zu eigen wäre – wie beispielsweise das Bewusstsein einer objektiven Raum-
Zeit, welche die verschiedenen Lebenswelten untereinander vereint. Die einzige und
wahre Welt ist nicht in der Pluralität der geschichtlichen Welten, als ihr universales
Fundament, gegeben. Eher ist sie das, was jede einzelne dieser Welten vom Grunde
ihrer jeweiligen Eigenart her zu sein glaubt: Ich bin spontan auf »meine« Welt als auf die
einheitliche natürliche Welt ausgerichtet, ich nehme dogmatisch an, dass diese Welt
hier, die meinem Leben und den praktischen Zwecken, die es verfolgt, gemäß ist, die
»wahre« Welt ist. In dieser Hinsicht ist der Realismus keine schlichte Gegebenheit,
sondern im selben Zug ein Meinen [une visée], ein universalisierendes Meinen, das die
Lebenswelt erfüllt und das uns, was immer auch der subjektiv-relative Inhalt dieser
Welt ist, spontan annehmen lässt, dass diese Welt die einzig mögliche sei. »[J]eder von
uns hat seine Lebenswelt, gemeint als die Welt für Alle.« 36 Wohlverstanden: Jenseits
ihres empirisch-faktischen Inhalts und durch meine praktischen Interessen ebenso
relativiert wie durch meine gesellschaftlich-geschichtliche Bindung, ist meine Welt im
gleichen Zug unterstellt als für jedermann rechtmäßig geltende Welt, als Welt aller. Hier
gibt es ein Paradox, nämlich das einer direkt aus der Unmittelbarkeit der Welt heraus
aufgefundenen Idealität bzw. eines Faktums (meiner faktischen Welt), das zugleich
beanspruchen würde, rechtmäßig für jedes mögliche Bewusstsein überhaupt zu gelten.
Wie Jocelyn Benoist es ausdrückt,
»die Identität der Welt, die ihre Struktur weitgehend definiert, hat die
merkwürdige, aber grundlegende Beschaffenheit, in ein- und demselben Zug ein
Recht und ein Faktum zu sein. Sie ist das, was gegeben ist (die Identität dessen, was
überhaupt gegeben ist), aber stets auch das, was gemeint [visé] ist; das, was in Bezug
auf das, was gegeben ist, gilt [fait droit]«37.
21 Gegen den Strich des inauguralen Relativismus des Lebens gehend, setzt das
menschliche Leben mithin einen nicht minder kategorischen Realismus durch. Unser
Leben organisiert sich in ganz anderer Weise als das des Tiers: nicht länger auf sich
selbst, sondern auf die Welt hin zentriert. Deshalb konstituiert die Welt als Gegenstand
eines dogmatischen Glaubens das grundlegende Charakteristikum des Humanen, so wie
die Umwelt das Tier auszeichnet. Für uns Wahrnehmende ist die Welt dasjenige, was
ohne uns da ist und was uns nicht nötig hat, um zu bestehen. Im Fall meines Todes oder
der Auslöschung der menschlichen Gattung sowie mit ihr allen Lebens auf der Erde,
würde die Welt noch immer und definitiv das sein, was sie ist: mit ihren Bergen und
Tälern, ihren trüben Gravitationen und vereisten Sternen. Die Welt ist immerwährend,
und wir sind nur auf Zeit [intermittents] in der Welt. Sie ist unser Jüngstes Gericht – das,
was immer das letzte Wort haben wird, wenn wir nicht länger da sein werden, um über
sie zu sprechen. Lange vor der galileischen Naturwissenschaft und lange vor der Macht,

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die sich die moderne Wissenschaft gibt, um zur mathematischen Erkenntnis eines
Universums zu gelangen, das ohne den Menschen existieren kann, vollendet bereits die
geringste Wahrnehmung, da sie eine menschliche Wahrnehmung ist, die
kopernikanische Revolution, die die Welt zum absoluten Zentrum und das
wahrnehmende Subjekt zum vergänglichen Satelliten der Welt macht. Die
Wahrnehmung, nicht die Wissenschaft, ist »diachron«38, in dem von Quentin
Meillassoux darunter verstandenen Sinne: In ihrem hartnäckigen Realismus ist sie es,
die das denkt, »was tatsächlich sein kann, wenn es kein Denken gibt«. 39 Sie sinniert
über die Ewigkeit einer Welt, die älter ist als unsere Gedanken und die sie alle
überleben wird.
22 Ein Lebewesen ist dann menschlich, wenn es sich nicht auf eine Umwelt, sondern auf
die Welt bezieht. Unter der Welt aber versteht man genau und nichts anderes als das,
was ohne den Menschen existieren kann. Dies ist überhaupt der Unterschied zwischen
einer Umwelt und der Welt »als solcher« oder der »einheitlich natürlichen Welt«: Die
Umwelt ist nicht vom Tier zu trennen und kann sich nicht anders ausdrücken als im
Genitiv oder Possessiv (eine Umwelt ist stets die Umwelt »eines« je bestimmten Tiers
oder auch »seine« Umwelt). Die Welt hat alle Taue gekappt, ist sie doch gemeint als das
Außen zu jedem möglichen Bewusstsein. Der nativen Intimität des Tiers mit seiner
Umwelt setzt sich jener bezugslose Bezug entgegen, der die Welt dem Menschen
gegenüberstellt: Welt gibt es, weil wir etwas in sich Bestehendes und nicht etwa Dinge
wahrnehmen, die uns einfach angehen. Deshalb macht der Parcours der
Vermenschlichung ein Ereignis sichtbar, das man als absolutes Ereignis bezeichnen
könnte – die Tatsache, dass es für eine bestimmte Gattung von Lebewesen die Welt gibt.
Wir müssen, so befremdlich uns dies auch erscheinen mag, den Gedanken in Betracht
ziehen, dass der Realismus eine Erfindung des Lebens und genau genommen der
Evolution ist. In der Geschichte der Lebewesen hat es den Realismus nicht immer
gegeben; es bedurfte des langen, gefahrvollen und kontingenten Prozesses der
Anthropogenese, um eine Gattung auf den Plan treten zu lassen, die aus der Welt ihr
Tribunal gemacht hat – die die Welt ins Zentrum all ihrer Verhaltensweisen gestellt
hat.

Die transzendentale Formel


23 Das ganze Problem besteht darin, etwas darüber zu wissen, wie sich die lebendige
Subjektivität von sich selbst im Gerichtetsein auf eine Welt für alles und jeden hat
ablösen können. Wie hat sich ein ursprünglich wie jedes andere Lebewesen auch mit
sich selbst verbundenes Lebewesen zu Gunsten des Wirklichen vergessen können? Auf
welche Weise und unter der Wirkung welcher Motivationen hat sich der vitale
Idealismus in einen Realismus verwandeln können?
24 An diesem Punkt präsentiert sich uns Husserls Phänomenologie als eine willkommene
philosophische Ressource. In der Tat bringt der transzendentale Idealismus insofern
eine wertvolle Antwort in das anthropologische Problem ein, als dass er uns vor jener
fälschlich evidenten Antwort bewahrt, der man in der ganzen Geschichte der
Philosophie immer dann zuhauf begegnet, wenn man sich fragt, wie der Geist zum
Leben hinzukommt. Ein Lebewesen würde genau dann den Kopf heben und sich von
sich selbst ablösen, um das anzuvisieren, was ist, wenn sein praktisches Verhältnis zum
ihn umgebenden Milieu [milieu environnant] sich nicht mehr von selbst verstünde. Dies

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wäre genau die Lösung, wie sie etwa Heidegger am Anfang von Sein und Zeit 40
beschrieben hat: Es sei die funktionale Störung der Praxis, die die Transformation des
lebendigen Besorgens zur reinen Aufnahme des Seienden vollendet. Es sei das auf
Probleme stoßende Leben, das die Handhabung des »Zuhandenen« für die Betrachtung
des »Vorhandenen« fallen lassen müsse. Die Unmöglichkeit, die bereits in Angriff
genommene Aufgabe einfach gedankenlos fortzusetzen, setze die Möglichkeit frei, dem
Wirklichen ins Auge zu sehen, es in einem nicht länger praktischen, sondern
theoretischen Modus »[a]n[zu]visieren« und bei ihr »[n]ur-noch-[zu]-verweilen«. 41 Nur
setzt eine solche Erzählung tatsächlich schon voraus, was erst gezeigt werden muss.
Wenn der Bruch mit dem Handeln ausreichend sein soll, um die Welt als solche
«[a]uffallen[zu]lassen»42, so setzt das stillschweigend voraus, dass ein solcher Bezug zur
Welt unter der Hülle des praktischen Besorgens schon bereit gelegen hat. Es würde
genügen, nichts mehr zu tun, um dann nichts anderes zu tun, als zu sehen: Das setzt
voraus, dass wir von Anbeginn »sehend« gewesen sind. Es setzt den Realismus an dem
Punkt voraus, wo dieser den Anspruch stellt, im Ausgang vom praktischen Besorgen
allererst hergeleitet zu werden. Eine solche Erzählung bringt die realistische
Intentionalität auf wundersame Weise zum Auftauchen und hat sie mithin schon
vorausgesetzt, während doch just das Auftauchen einer solchen Intentionalität aus der
Umweltintentionalität heraus das Problem darstellt.
25 Was aber sagt nun Husserl zu diesem Punkt? Dass die Welt niemals einfach als eine
Welt der Tatsachen gegeben ist, sondern stets zugleich als eine rechtmäßige Welt
angenommen wird. Dass wir nie direkt, sondern durch einen idealisierenden Akt zum
Wirklichen schreiten, in dem Bemühen, nicht bloß »eine« Welt vorzufinden (so wie
faktisch alles Lebendige eine Welt vorfindet), sondern »die« Welt aller: »Objektive Welt
ist von vornherein Welt für alle, die Welt, die ›jedermann‹ als Welthorizont hat.« 43
Diese ins Herz des Realismus eingeschriebene Idealität ist das Kennzeichen, das Husserl
dem Problem der Intentionalität aufprägen sollte. Intentionalität gibt es deshalb, weil
die Sache nur auf Grund ihrer Vorwegnahme durch eine universal gültige
»bezeichnende Intention« angetroffen wird, die für alle dieselbe ist. Man kann sich
aussuchen, ob man ein-und-denselben Mann als »Sieger von Jena« oder als »Besiegten
von Waterloo« bezeichnet: das ist der individuellen Wahl überlassen. 44 Ist sie aber erst
einmal ausgewählt, so ist jede dieser Bezeichnungen von universellem
Geltungsanspruch und prätendiert daher, uns auf eine gemeinsame Referenz zu
verweisen.45 Ein jeder muss sie durch Spracherwerb und kulturelle Akklimatisierung
verstehen können. Darum sprechen wir immer unter Voraussetzung einer idealerweise
allen zugänglichen Referenz. Wir sprechen auf dogmatische Weise: Wenn auch alles
unsere Sprachen und Denkweisen voneinander trennt, so tun wir gleichwohl so, als ob
unsere Worte »die ganze Welt« [tout-le-monde] im Hinblick auf die gesagte Sache
übereinstimmen lassen könnten. Dieses direkt der Reflexion auf die Sprache
entstammende Register der apriorischen Antizipation geht, wie man weiß, über die
Sphäre der Sprache hinaus, um Husserls Intentionalitätslehre insgesamt zu
konfigurieren. Husserl zufolge nimmt man niemals eine »Sache« wahr. Man nimmt »die
vollkommene Gegebenheit [eines Dings]« 46 wahr, und genau diese unmögliche
Vollkommenheit ist es, die, als »›Idee‹ (im Kantischen Sinn)« die »endlose[n]
Prozesse[...] kontinuierlichen Erscheinens [vorzeichnet]«47. Man nimmt die Sache wahr,
indem man sie bereits »hinausmeinend«48 überschritten hat, wodurch man nicht allein
das Ganze dieser Sache (ihren internen Horizont), sondern alle Sachen ringsum (ihren
externen Horizont) aufruft. Gleichsam im Labor der Theorie der Bezeichnung auf die

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Spitze getrieben, führt die Husserlsche Intentionalität einen prinzipiellen Exzess mit
sich. Die Rede [parole] und die Wahrnehmung laden sich beide stets von vornherein mit
dem auf, was sie nicht sind. Man spricht, hört und versteht sich dank Akten, die den
Gegenstand des Gesagten »vermuten« [présument] – und diese vermessene Vermutung
[présomptueuse présomption], die auf die Gesamtheit des Dings abzielt, treibt selbst noch
den geringsten unserer aufmerksamen Vollzüge [regards] an. Wenn die Semantik des
Voluntativen die Vokabeln, in denen sich die Intentionalität abzeichnet
(Bedeutungs»intention«; »Sagen-Wollen«; »Vermeinen«; »Erfüllungserwartung« etc.),
stets heimgesucht hat und niemals aufhören wird, dies zu tun, dann deshalb, weil die
bezeichnende Intentionalität und über sie hinaus jede Intentionalität überhaupt sich in
einem Voluntarismus oder in einem Exzess konstituiert: Man muss die Sache selbst
»wollen«, man muss sie in idealer Hinsicht meinen, um ihr in den ihr eigentümlichen
anschaulichen Bestimmtheiten zu begegnen.
26 Wohlverstanden: Eine solche Beschreibung setzt wie selbstverständlich ein
menschliches Universum voraus und richtet sich dogmatisch in einer Welt unendlich
explorierbarer Dinge ein. Es erscheint in einer gegebenen Welt ganz natürlich, die
verborgenen Aspekte einer Kugel zu eruieren. Aber dies entspricht nicht genau dem,
was Husserl beschreibt. Husserl beschreibt keine Welt unendlicher Aspekte; er
beschreibt, was etwas durchaus anderes ist, eine ins Unendliche gehende Intentionalität.
Diese aber ist nichts, was sich von selbst verstünde. Es versteht sich für ein Lebewesen
nicht von selbst, über das hinauszusehen, was es interessiert und angeht. Im Vergleich
zum Maß des lebendigen Fühlens und zu der perfekten Angemessenheit zwischen der
projektierten Bedeutung und dem Gegebenen im Inneren dieses Fühlens, erfasst sich
die menschliche Wahrnehmung als konstitutiv unverhältnismäßig [démesurée]. Sie
bereist die Horizontlinien, sie überschießt alles Gegebene, wo sich die schlicht
lebendige Wahrnehmung »bis zur Vollkommenheit« die sie umgebende Umwelt
assimiliert.49 Hierin scheint Husserl das anthropologische Problem zu verschärfen.
Denn zwischen Faktum und Recht ist der Abstand in der Tat unendlich. Indem er das
menschliche Fühlen mit der Elle der Idealität misst, buchstabiert Husserl aus, daß es
nicht selbstverständlich, zu sehen wie wir sehen. Er hebt den Raum eines Erstaunens
aus, den Merleau-Ponty einige Jahre später einnehmen wird, die ganze Ladung von
Inevidenzen platzen lassend, die die Abschattungslehre noch beinhaltete:
»Wenn ich sage, ich sehe den Aschbecher da und daß er da ist, so setze ich eine
Erfahrungsentfaltung als vollendet voraus, die ins Unendliche ginge, ich antizipiere
alle zukünftige Wahrnehmung. […] Um diesen Preis nur gibt es für uns Dinge und
Andere, nicht auf Grund einer Illusion, sondern auf Grund eines gewaltsamen Aktes,
der eben die Wahrnehmung selbst ist.«50
27 Aber wenn Husserl das Problem verschärft, löst er es genau auf diese Weise auch auf.
Wenn nämlich die Welt nicht das ist, dem man begegnet, sondern das, was man
behauptet, und wenn die Sache nur dadurch gegeben ist, dass man sie vermutet hat,
dann fällt es einem lebendigen Subjekt und nicht einer vorgegebenen Welt zu, die
realistische Haltung zu begründen. Diese ist nicht vorausgesetzt, weil sie, als Idealität,
genau das ist, auf das nur ein Subjekt Anspruch zu erheben vermag. Daher ist der
Schritt vom animalischen zum humanen Idealismus folgerichtig. Die unendliche
Antizipation, die uns die gemeinsame Welt eröffnet, ist noch immer eine Antizipation,
deren Geheimnis nur das Leben kennt. Der animalische Idealismus antizipiert das
Perzept [le perçu] im Ausgang vom endlichen Anspruch des Bedürfnisses; der
menschliche Realismus präsentiert sich wiederum in dem Maße als ein Idealismus, in

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dem er die Transzendenz des Wirklichen vom unendlichen Anspruch der Idee aus
antizipiert hat. Und selbst wenn ein Verständnis dafür noch aussteht, wie sich das
Leben zum Überbringer der Universalität hat machen können, so ist doch zum
mindesten klar, dass es dazu die Ressourcen besitzt. Selbst wenn die Begründung für
die Umwandlung endlicher in unendliche Antizipationen bzw. eines
phänomenalistischen in einen transzendentalen Idealismus noch aussteht, so ändert
das nichts daran, dass uns die Husserlsche Phänomenologie das Wesentliche dieser
Umwandlung gegeben hat: das Problem nämlich und seine allgemeine Lösung.
28 Dieser transzendentale Idealismus – die durch einen idealen Anspruch bedingte
Transzendenz des Wirklichen – ist Husserls Formel, um zu begreifen, dass ein
lebendiges Subjekt sich selbst von seinen eigenen Ressourcen her in Richtung auf das
Seiende zu überschreiten vermag. Das transzendentale Subjekt reißt die Barrieren des
Seins mit Gewalt ein, durch eine Form unendlicher und mithin ihrem Prinzip nach
gewaltsamer Antizipation. Eine solche Definition der Intentionalität ist prinzipiell
exzessiv. Aber wir denken, dass sie eben in ihrem Exzess eine anthropologisch
entscheidende Lehre in sich trägt. Insofern sie für den Menschen gilt, setzt die
Intentionalität nicht allein ein lebendiges Subjekt der Begegnung mit dem aus, was für
dieses Subjekt gut oder schlecht ist, sondern mit einer Sache, die beansprucht, für alle
ein- und dieselbe zu sein. Die dem Husserlschen Intentionalismus eigentümliche Hybris
ist nur für denjenigen ein Skandal, der, indem er sich selbst in der Mitte der Welt und
mitten unter den Menschen einrichtet, den Ursprung vergisst. Demjenigen dagegen,
der vom Tier ausgeht und denkt, dass am Anfang die Subjektivität war, erscheint dieser
Exzess als der einzige Weg, den ein Lebewesen einschlagen kann, um auf die nicht-
totalisierbare, in ihrem Grund also exzessive Totalität der Welt zu stoßen. Wenn das
Leben die Einklammerung [mise entre parenthèse] der Existenz, ihre Subjektivierung
oder nutzbringende Phänomenalisierung ist, so bleibt dem Leben nichts anderes als der
kategorische Wille zur Realität, die formelle Unterstellung dessen, was ist, um zuletzt
dasjenige, was ist, zu empfangen. Die Transzendentalphilosophie erzählt immer die
gleiche Geschichte einer Subjektivität, die, von sich selber ausgehend und auf ihre
eigenen Kräfte setzend, am Ende auf magische Weise mit der Wirklichkeit
zusammentrifft. Eine solche Philosophie – das im Ausgang von seiner
verabsolutierenden Antizipation angetroffene Wirkliche – ist keine Sache der
Vergangenheit, kein von einer sich ihrem Ende zuneigenden Metaphysik errichtetes
philosophisches Kartenhaus. Und das Objekt = X als Stütze einer unendlichen
Bestimmung, ist nicht das »blutleere[…] Gespenst«51, über das sich Frege mokierte. Es
ist eine Notwendigkeit, die einzige einem Lebewesen gegebene Art und Weise, mit dem
Sein in Berührung zu kommen. Es bedarf zum mindesten dieses Gewaltstreichs, es
bedarf dieser unendlichen Mobilisierung, um von einem geschlossenen zu einem
offenen Idealismus überzugehen – auf dass ein Lebewesen schließlich das Ganze seines
Lebens reorganisiert und an anderem als an sich selbst Maß nimmt.
29 Den transzendentalen Idealismus gilt es voll und ganz wiederzuentdecken. Weil er
zugleich auf das lebendige Bewusstsein (als sich niemals selbst verlassende
Subjektivität) und auf das Wirkliche hinsieht, kündigt er ein Problem an – nicht mehr
und nicht weniger als das anthropologische Problem. Und zugleich schlägt er eine
Lösung vor, die ebenso problematisch ist wie das Ausgangsproblem, die jedoch darin
besteht, dem menschlichen Lebewesen eine Art grundlegende Maßlosigkeit
zuzuschreiben: Wenn ein solches Lebewesen nicht den ihn betreffenden Sinn der

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Wirklichkeit oder ihren nützlichen Inhalt, sondern die Wirklichkeit selbst zu


antizipieren weiß, dann deshalb, weil es den Anspruch erhebt, dies zu tun. Die
»transzendentale Formel« nimmt, als magische Formel, die Wirklichkeit insofern
vorweg, als sie ein unendliches Vermeinen dessen, was Husserl »die Idee (im Sinne
Kants)« nennt, wagt. Als endliche Darstellung des Unendlichen oder der nicht-
totalisierbaren Totalität, ist die Idee so ziemlich das Höchste dessen, was eine endliche
Subjektivität zu beanspruchen vermag: »Die Idee einer wesensmäßig motivierten
Unendlichkeit ist nicht selbst eine Unendlichkeit; die Einsicht, daß diese Unendlichkeit
prinzipiell nicht gegeben sein kann, schließt nicht aus, sondern fordert vielmehr die
einsichtige Gegebenheit der Idee dieser Unendlichkeit.«52
30 Für ein lebendiges Bewusstsein besteht die einzige Art und Weise, vor die Wirklichkeit
selbst zu treten, darin, sie als Unendlichkeit aller möglichen Bestimmungen zu
antizipieren. Ein (nicht aus sich selber heraustretendes) lebendiges Bewusstsein
vermag der Sache als solcher, der wahrhaft existierenden Sache, nur zu begegnen,
indem es all das anvisiert, was jeder von uns oder ein jeder niemals über sie wird sagen
oder von ihr wird spüren können. Ein menschliches, das heißt ein ebenso lebendiges
wie in Richtung auf die Welt »als solche« dezentriertes Bewusstsein, vermag das, was
ist, nur vor dem Hintergrund einer unendlichen Antizipation wahrzunehmen. Es
kommt der Husserlschen Phänomenologie in ihrem Status als transzendentaler
Idealismus zu, uns in diese Unverhältnismäßigkeit unterwiesen zu haben.

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NOTES
1. Siehe Raulet (2006), S. 85–114 (Kapitel 4); Trierweiler (2010); Agard / Trautmann-Waller (2009);
Balibar / Gebauer / Nigro / Sardinha (2012); Sommer (2013); Le Débat (2014), Nr. 180.
2. Scheler (1983), S. 11.
3. Siehe Blumenberg (2006) [frz.: Description de l’homme, übersetzt von Denis Trierweiler, Paris, Le
Cerf, 2011].
4. Siehe exemplarisch Monod (2009), S. 221–236.
5. Husserl (1989), S. 164.
6. Siehe Fink (1988), S. 132: »[…] das Phänomenologisieren [ist] überhaupt keine
Menschenmöglichkeit, sondern gerade die Entmenschung des Menschen, das Vergehen der
menschlichen Existenz (als einer weltbefangenen und naiven Selbstapperzeption) in das
transzendentale Subjekt.«
7. So der berühmte Ausdruck von Blumenberg (2006), S. 60 bzw. 91.
8. Blumenberg (2006), S. 206.
9. Siehe Foucault (1991), Kapitel 9.
10. Heidegger (1984), S. 38.
*. [Der Asteriskus (*) bedeutet hier und im Folgenden: im Original Deutsch; A.d.Ü.]
11. Husserl (1992a), S. 70.
12. Husserl (1992a), S. 118.
13. Husserl (1992a), S. 216–221.
14. Husserl (1992b), S. 10.
15. Cf. Benoist (2002), S. 10 : »Die Phänomenologie [...] wird sich aus einer Art Synthese aus
Bolzanos antipsychologistischem Objektivismus (der Husserl helfen wird, den Anteil des
›idealistischen‹ Gehalts, den es in seinen eigenen Gedanken gibt, zu entdecken) und Brentanos
Psychologie als Bewusstseinsphilosophie ergeben.«
16. Husserl (1992b), S. 13.
17. Husserl (1984), S. 443.
18. Husserl (1992c), S. 17.
19. Husserl (2013), S. 104.
20. Siehe zu dieser Methode Lavigne (2005), S. 21–34.
21. Husserl (1950), S. 32.
22. Lavigne (2005), S. 26.
23. Hier folgen wir einer von Rémi Brague vorgeschlagenen Interpretationslinie: Brague (1988),
S. 9–17.
24. Strauss (1956).
25. Siehe Brague (1988), S. 15.
26. Brague (1988), S. 14 : »[…] als ob ›dasselbe‹ dasjenige wäre, von dem aus sich die Identität des
Objekts ebenso bestimmen würde wie die Präsenz des Subjekts.«
27. Brague (1988) S. 15.

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28. Husserl (1962), S. 26.


29. Uexküll (1956), S. 27.
30. Uexküll (1956), S. 24.
31. Siehe Bourdieu (2004), S. 165–209.
32. Husserl (1950), S. 32.
33. Husserl (1992d), S. 141.
34. Siehe Benoist (1996), S. 34: »Ohne jeden Zweifel ist die Lebenswelt, um in Heideggers Sprache
zu reden, von einer grundlegenden Umwelt-Struktur* gezeichnet. Die Lebenswelt* ist zunächst
einmal die Umwelt*, die nächstgelegene, immer schon gegebene, umschließende Welt, in der sich
mein naives Leben im Sinne meines in der Praxis betroffenen Lebens entfaltet.«
35. Husserl (1962), S. 125.
36. Husserl (1992d), S. 258.
37. Benoist (1996), S. 42 ff.
38. Meillassoux (2008), S. 152.
39. Meillassoux (2008), S. 162.
40. Heidegger (1984), § 13 et 15.
41. Heidegger (1984), S. 61.
42. Heidegger (1984), S. 80 (Hervorhebung i. O.).
43. Husserl (1976), S. 370.
44. Husserl (1992b), S. 53.
45. Siehe Husserl (1992b), S. 54: »Die ausgedrückte Bedeutung ist in den Paaren eine offenbar
verschiedene, obwohl beiderseits derselbe Gegenstand gemeint ist.«
46. Husserl (1992e), S. 331.
47. Husserl (1992e), S. 331.
48. Husserl (1985), S. 28.
49. Siehe Uexküll (1956), S. 27: »[…] man [erhält] einen Einblick in den ersten Fundamentalsatz
der Umweltlehre: Alle Tiersubjekte, die einfachsten wie die vielgestaltigsten, sind mit der
gleichen Vollkommenheit in ihre Umwelten eingepaßt.«
50. Merleau-Ponty (1966), S. 414.
51. Frege (1967), S. 181.
52. Husserl (1992e), S. 331.

INDEX
Schlüsselwörter : Phänomenologie, Husserl, philosophische Anthropologie, Blumenberg
Mots-clés : phénoménologie, Husserl, Anthropologie philosophique, Blumenberg

AUTEURS
ÉTIENNE BIMBENET
Étienne Bimbenet ist Professor an der Universität Montaigne in Bordeaux. Nähere Informationen
finden Sie hier.

Trivium, 25 | 2017
166

Die Natur oder die Welt der


Gestalten: Tierheit denken mit
Merleau-Ponty und Portmann
Nicolas Zaslawski
Traduction : Markus Sedlaczek

NOTE DE L’ÉDITEUR
Wir danken Herrn Nicolas Zaslawski für die freundliche Genehmigung, diesen Artikel in
deutscher Übersetzung zu publizieren.
Nous remercions Monsieur Nicolas Zaslawski de nous avoir accordé l’autorisation de
traduire ce texte pour le présent numéro.
»Die Theorie der Tier-Maschine ist nicht zu
trennen vom ›Ich denke, also bin ich‹. […] Die
Mechanisierung des Lebens aus theoretischer
Sicht und die technische Nutzung des Tieres sind
untrennbar. Der Mensch kann sich nur zum
Herrn und Besitzer der Natur machen, wenn er
jede natürliche Finalität leugnet und die gesamte
Natur außer sich selbst, einschließlich der
anscheinend beseelten Natur, als ein Mittel
ansieht.«
Georges Canguilhem, Die Erkenntnis des Lebens1

1. Einleitung: Die »andere Existenz« und das


Symbolische2
1 Die Philosophie ist regelmäßig über die Frage des Tiers gestolpert, und zwar in einer
Weise, die nicht selten karikierende Züge trug. Dieser Sachverhalt ist in gewissem

Trivium, 25 | 2017
167

Maße verständlich: Das Tier ist ein Objekt mit einem sehr besonderen Status, was jedes
Nachdenken über die Tierheit [animalité] zu einer philosophisch anspruchsvollen
Übung macht, denn das Tier ist mir sowohl sehr nahe als auch unvergleichlich fern: Es
kann mir ähneln, beinahe wie jemand meinesgleichen3 (das gilt für die großen Affen),
den ich unmittelbar als ein Lebewesen anerkenne, gleichzeitig ist es aber auch
dasjenige, an dessen Stelle ich mich nie werde versetzen können, wie ich mich an die
Stelle von jemandem versetzen könnte. In Merleau-Pontys Die Struktur des Verhaltens
findet sich eine Formulierung, die diese Ferne in der Nähe auf vollendete Weise zum
Ausdruck bringt: Das Tier »ist in einem bestimmten Maße, das je nach Integration
seines Verhaltens wechselt, durchaus eine andere Existenz« 4; und zwar eine Existenz, die
Merleau-Ponty letztlich sogar mit dem Begriff des »Zur‑Welt‑seins [être au monde]« 5
beschreiben wird, der den zentralen Begriff der Phänomenologie der Wahrnehmung bilden
wird, indem er dazu dient, das Sein des Leibs [corps propre], das heißt letztendlich das
Mensch-Sein zu begründen. Nur: Wenn das Tier eine Existenz ist, dann ist es vor allem
eine andere Existenz, ein Leben, das anders totalisiert und strukturiert ist als das meine
und dessen eigene Erfahrung mir auf immer unzugänglich sein muss. Mit dem als
andere Existenz verstandenen Tier stehen wir – gemäß einer Formulierung von Étienne
Bimbenet – in einer »widersprüchlichen Beziehung«.6
2 Die philosophische Geste, die darin besteht, das Tier in den Rang der Existenz zu
erheben, besitzt zweifellos inauguralen Charakter, insbesondere in jenem prä-
existentialistischen Kontext7, in dem Die Struktur des Verhaltens entstand; sie wirkt
beinahe provokant für den Philosophen, der auf der Grundlage klassischer
Denkkategorien denkt, aber auch für den Behavioristen. Zu sagen, dass das Tier
existiere, bedeutet im selben Atemzug, nicht nur das mechanistische Modell der Tier-
Maschine zu verwerfen, sondern auch das der Lehre von den Reflexen, da die Struktur
des als Existenz gedachten tierlichen Verhaltens präzise darin besteht, letzterem die
Fähigkeit zuzuschreiben, Reizen entgegenzugehen und seine Umwelt in einem
gewissen Maße zu erarbeiten. Nur: In Die Struktur des Verhaltens wird diese
Rangerhebung durch den Vergleich der tierlichen Existenz mit der menschlichen
Existenz sogleich gestoppt: Im Vergleich zum symbolischen Verhalten des Menschen
bekundet selbst das Verhalten des Schimpansen, das heißt eines jener Tiere, die zu den
komplexesten Verhaltensweisen fähig sind, »eine Art von Verhaftetsein ans Aktuelle,
eine beschränkte und schwerfällige Weise zu existieren«.8 Mit anderen Worten: In Die
Struktur des Verhaltens gäbe es eine Tendenz, der Entfaltung des Vorhabens, die Tierheit
hinsichtlich dessen zu denken, was sie eigentlich ist, dadurch Zügel anzulegen, dass
stets – mindestens implizit – die menschliche Existenz zum Bezugspunkt genommen
wird, im Vergleich zu der das Tier immer als mangelhaft erscheinen wird. Als Beweis
möchte ich folgenden Auszug aus dem III. Abschnitt mit dem Titel »Physische, vitale
und menschliche Ordnung« anführen, der sie einander gegenüberstellt:
»Während ein physisches System ein Gleichgewicht herstellt mit den gegebenen
Kräften der Umgebung und während der tierische Organismus sich eine stabile
Umwelt einrichtet, die dem jeweiligen monotonen Apriori von Bedürfnis und Instinkt
entspricht, inauguriert die menschliche Arbeit eine dritte Form der Dialektik, denn
sie entwirft zwischen Mensch und physiko-chemischen Reizen ›Gebrauchsobjekte‹
wie Kleidung, Tisch oder Garten und ›Kulturobjekte‹ wie Buch, Musikinstrument
oder Sprache, die die eigentümliche Umwelt des Menschen bilden und neue
Verhaltenszyklen auftauchen lassen.«9
Im Grunde genommen geht es hier, wenn auch auf nuancierte Weise, immer noch um
eine in menschlichen Objekten inkarnierte Kultur, die die spezifische Differenz

Trivium, 25 | 2017
168

ausmacht zwischen dem Menschen und einer Monotonie des Instinkts, der sich einer
apriorischen Natur anpasst, welcher sich das Tier nicht entziehen zu können scheint.
Es geht mir keineswegs darum, die Differenz zwischen dem symbolischen Verhalten des
Menschen und dem tierlichen Verhalten zu bestreiten, doch gilt es meiner Ansicht
nach hervorzuheben, dass das Verfahren, das Tier durch eine doppelte Negation (der
physischen Struktur und des symbolischen Verhaltens) zu situieren, eine positive
Beschreibung der Tierheit nicht zu ersetzen vermag. Ein theoretisches Bemühen, das
sich damit begnügt, zu zeigen, was sein Objekt nicht ist, streift letzten Endes nur den
Saum dessen, was es erkunden möchte.
3 Nun scheint es aber so zu sein, dass sich die eingenommene Perspektive in der
Vorlesung über die Natur, das heißt viele Jahre später, radikal geändert hat. In der
Vorlesung von 1959–1960 kann man folgende These lesen: »Das Verhältnis Mensch-
Tierheit [ist] kein hierarchisches, sondern ein laterales Verhältnis, ein Überschreiten,
das die Verwandtschaft nicht abschafft.«10 Wir stellen fest, dass dieses Lateral-Werden
des Verhältnisses zwischen Mensch und Tier sich ziemlich deutlich von jener
überwölbenden Perspektive abhebt, die für die Analysen in Die Struktur des Verhaltens
leitend gewesen zu sein scheint. Stützen lässt sich diese Vermutung durch das
Vorkommen des Konzepts einer »Tierkultur«11, das seinerseits auf einen neuen
spekulativen Horizont hinzuweisen scheint, von dem aus die Tierheit gedacht wird,
denn es steht in deutlichem Kontrast zu jener ›blinden Monotonie des Instinkts‹, durch
die die Tierheit in Die Struktur des Verhaltens charakterisiert war. Was mich hier jedoch
interessieren wird, ist weniger der Status als solcher dieser Tierkultur, oder das, was sie
in Bezug auf die sogenannte anthropologische Differenz12 implizieren kann, sondern
vielmehr das, was dieser Perspektivenwechsel offenbart. Anders formuliert: Wie und
aus welchen Gründen hat ein solcher Perspektivenwechsel stattfinden können? Letzten
Endes geht es hier aber um das Problem des Übergangs zur Ontologie im Werk von
Merleau-Ponty. Wie geht man von einem Denken der blinden Mono‑tonie des Instinkts
zum Denken einer Tierkultur über?
4 Ich möchte nun folgender Fährte nachgehen: Wie der Status des Anderen und die
Möglichkeit, den Anderen für sich zu denken, ist die Konzeption der Tierheit stark
abhängig von einer vorgängig erarbeiteten Konzeption der Subjektivität, mit der das
Tier unweigerlich in ein Verhältnis gesetzt wird. Mit anderen Worten: Je mehr die
menschliche Subjektivität als transzendentales Ego gedacht wird, desto weniger
Chancen hat das Tier, anders denn als nur dürftig ekstatische Existenz zu erscheinen.
Wenngleich es hier natürlich nicht darum gehen kann, die allgemeine Tragweite eines
solchen Prinzips zu diskutieren, so erscheint mir letzteres dennoch von entscheidender
Bedeutung zu sein, um den Weg, den Merleau-Ponty gegangen ist, zu verstehen. Nun
spielen aber in den Weichenstellungen dieses Wegs zwei Elemente, die eben deshalb
auch die zentralen Themen meiner vorliegenden Ausführungen bilden werden, eine
entscheidende Rolle im Hinblick auf den Status der Tierheit: Da ist zum einen Merleau-
Pontys eingehende Beschäftigung mit der Frage der Gestalt und des mit ihr
verbundenen Ausdrucksvermögens [expressivité], sowie zum anderen die Bezugnahme
auf Die Tiergestalt von Adolf Portmann. 13 Wenn nämlich die Gestalt, wie Renaud
Barbaras schreibt, »das Problem einer unerkennbaren Phänomenalität einer rohen
Existenz, eines in der Dichte einer Materie zurückgehaltenen Sinns aufwirft, mit dem
Merleau-Ponty sich von nun an unaufhörlich beschäftigen wird« 14, dann ist es nur
vernünftig anzunehmen, dass der Ausdrucks- und Bedeutungs‑Wert der Tiergestalt, wie

Trivium, 25 | 2017
169

Portmann ihn in der Erstauflage von Die Tiergestalt aus dem Jahre 1948 dachte, in der
Ausarbeitung des späten Denkens von Merleau-Ponty eine wichtige Rolle gespielt hat
(selbst wenn es nicht voll und ganz auf derselben Begriffsökonomie beruht); wir
werden sehen, dass die Bezugnahme auf Portmann in den Vorlesungen über die Natur
die Arbeit an jenen beiden Fragen begleitet, die für Merleau-Ponty absolut
entscheidend waren: das Problem des Anderen und die Definition des Leibes
beziehungsweise Fleisches [chair]15 als Sichtbarkeit. Ich werde zunächst auf das Risiko
zurückkommen, das in dem Vorhaben liegt, sich eine menschliche Existenz (ein
Bewusstsein) als Horizont vorzugeben, um die Tierheit zu denken; dazu werde ich
herausstellen, was diese Frage mit der Sackgasse verbindet, in die Merleau-Pontys
frühes Denken hinsichtlich der Frage des Anderen geraten war. Von diesem
problematischen Kontext der Rezeption des Portmann’schen Denkens ausgehend
werde ich dann untersuchen, worin dessen entscheidender Beitrag für Merleau-Pontys
Frage nach dem Tier bestand (insbesondere im Hinblick auf die Übernahme des
Portmann’schen Begriffs »Organ zum Anschauen«16). Schließlich werde ich, auf eine
Weise, die keinen anderen Anspruch als den eines bloßen Vorschlags erhebt, zu zeigen
versuchen, inwiefern Portmanns Denken in den Begriffen der Spätphilosophie von
Merleau-Ponty impliziert ist. In dieser Fragestellung steht zwar vor allem
epistemologisch viel auf dem Spiel, da es unmittelbar um die Frage unserer Erkenntnis
der Tierheit geht, sie kann aber auch auf ethische Implikationen abzielen, und zwar in
genau dem Maße, in dem »die technische Nutzung des Tieres« 17 gute Chancen hat, von
einer vorgängigen Konzeption der menschlichen Subjektivität gestützt zu werden, wie
wir aufgrund der eingangs als Motto zitierten Bemerkung von Georges Canguilhem
annehmen können.

2. Die Sackgasse des Bewusstseins: Das Tier als


mindere Existenz
5 Weist Die Struktur des Verhaltens dem Tier auch einen Platz zu, auf den es in der
Philosophie nie zuvor Anspruch hatte, wird dort mit Hilfe eines strukturellen
Unterschieds des Verhaltens gleichwohl radikal zwischen Tierheit und Menschsein
getrennt. Das eigentümliche Wesensmerkmal des Menschen (im Sinne einer
funktionalen Struktur und nicht eines substantiellen Wesens18), das im »symbolischen
Verhalten« oder in der »kategorialen Einstellung« besteht und durch die Fähigkeit
definiert ist, ein und dieselbe Sache unter verschiedenen Gesichtspunkten zu
betrachten, ist nämlich in der Tat eine Fähigkeit, deren das Tier, und zwar selbst das
am weitesten entwickelte, eben gerade entbehrt. Wie Merleau-Ponty im III. Abschnitt
von Die Struktur des Verhaltens in einer Neulektüre der Arbeit von Wolfgang Köhler
aufweist, »zeigt die tierische Tätigkeit ihre Grenzen«: Ein zu einem Stock gewordener
Baumzweig »[hört] als Zweig zu existieren auf«, während für den Menschen »der
Baumzweig, der ein Stock geworden ist, ein Stock-gewordener-Baumzweig [bleibt],
nämlich ein und dasselbe ›Ding‹ in zwei verschiedenen Funktionen, sichtbar ›für ihn‹
unter einer Vielzahl von Aspekten«.19 Eine solche Vorgehensweise ist unweigerlich
hierarchisierend beziehungsweise zeugt insofern von Resten einer impliziten
Hierarchisierung, als sie dem Menschen notwendigerweise eine übergeordnete Position
zuweist, die, selbst wenn sie gegenüber dem Tier nicht unbedingt abwertend ist, die
Gefahr birgt, uns das ihm eigentümliche Sein verfehlen zu lassen, indem sie die Tierheit

Trivium, 25 | 2017
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nur negativ zu denken gestattet, das heißt als ein Seiendes, das im Vergleich zum
Menschsein Mängel aufweist.
6 Somit ist klar, dass die Tierheit im Werk von 1942 in einem spekulativen Kontext
gedacht wird, an dessen Horizont sie nicht für sich erscheinen kann, und dass meiner
Ansicht nach die Wurzel dieses Problems in der Konzeption der von Merleau‑Ponty als
»Bewusstsein« gedachten Subjektivität zu suchen ist, auf die das Tierverhalten als
wahrgenommenes‑Verhalten [comportement‑perçu] unmittelbar bezogen ist. 20 Die
Struktur des Verhaltens eröffnet in der Tat mit folgendem Satz: »Unser Ziel ist es, ein
Verständnis zu gewinnen von den Beziehungen zwischen dem Bewußtsein und der
Natur […].«21 Während nun das Bewusstsein in diesem Werk von Merleau-Ponty
grundlegend neu gedacht wird, um zu einem Wahrnehmungsbewusstsein, das heißt zu
einem grundsätzlich verleiblichten Bewusstsein zu werden, bleibt der Sinn eines
Verhaltens doch stets noch auf ein es wahrnehmendes Bewusstsein bezogen, wie
folgender Satz, mit dem das Werk schließt, ziemlich klar zeigt:
»Das natürliche ›Ding‹, der Organismus, das fremde und das eigene Verhalten
existieren nur auf Grund ihres Sinnes, doch der Sinn, der in ihnen entspringt, ist
noch kein Kantischer Gegenstand, das intentionale Leben, das sie konstituiert, ist
noch keine Vorstellung, und das ›Verstehen‹, das den Zugang dazu eröffnet, ist
noch kein intellektuelles Verstehen.«22
So erscheint die Gestalt [forme] als gemeinsamer Nenner von Tierheit, Verhalten und
»Subjektivität«; sie liegt in der Tat der Einheit des Organismus zugrunde, diese Einheit
ist jedoch (nur) phänomenal, das heißt sie ist nur in dem Maße Sinneinheit, wie sie von
einem Bewusstsein wahrgenommen wird. Mit anderen Worten: Wenn dem Tier der
Sinn seines Verhaltens anhaftet – insofern die Gestalt seine Weise von Einheit und
Erscheinung charakterisiert –, dann einzig und allein insofern, als es durch ein
wahrnehmendes Bewusstsein wahrgenommen und konstituiert wird. 23 Darüber hinaus
wird der Status des verleiblichten transzendentalen Bewusstseins am Ende von Die
Struktur des Verhaltens in einer relativen Unbestimmtheit belassen, und die
Phänomenologie der Wahrnehmung wird es sich gerade zum Ziel setzen, sein Sein in
concreto präzise zu bestimmen: das Zur‑Welt‑sein des Leibes.
7 Inwiefern würde eine Konzeption des Bewusstseins als transzendentale Subjektivität –
selbst wenn sie in ihrer allgemeinen und anonymen Modalität (das Zur‑Welt‑sein)
beschrieben wird – die Möglichkeit, die Tierheit als solche zu denken, verschleiern?
Meiner Ansicht nach ist das Problem, dem wir hier begegnen, analog zu dem, das der
Status des Anderen in einer Transzendentalphilosophie aufwirft. Merleau-Ponty denkt
diese Frage nämlich ausgehend von der Sackgasse, in die Husserl in der Fünften seiner
Cartesianischen Meditationen sichtlich geraten war; für ein transzendentales, das heißt
monadisches Ego kann sich der Zugang zum Anderen letzten Endes nur mittels einer
»›analogisierenden‹ Auffassung«24 vollziehen, was Emmanuel Lévinas später zu der
Aussage veranlassen wird, dass man den Anderen in einer solchen Philosophie nicht
denken könne, ohne das Andere auf das Selbe zu reduzieren. 25 Nun besteht aber eines
der beiden Hauptziele der Verleiblichung [incarnation] des Bewusstseins und der
Phänomenologie der Wahrnehmung eben genau darin, diese für den Husserl’schen
Intellektualismus charakteristische Aporie zu überwinden. Dennoch gilt, um es auf eine
Weise zu sagen, die die Feinheiten des Vorgehens von Merleau-Ponty ziemlich
unangemessen verwischt: Insofern die Verleiblichung des Bewusstseins eben ein
Bewusstsein bleibt, kann sie uns zwar dazu bringen, eine Zwischenleiblichkeit
[intercorporéité] zu denken, das heißt ein unmittelbares (An‑)Erkennen 26 des Leibes des

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Anderen als menschlichem Leib, aber keine echte Intersubjektivität; die Schwierigkeit
wird gewissermaßen nur zurückgedrängt, aber nicht gelöst.27 In gewisser Weise gibt
Merleau‑Ponty dieses Scheitern am Ende der Phänomenologie der Wahrnehmung selbst zu,
da er sich wohlweislich klar macht, dass in einer solchen Transzendentalphilosophie
der Andere nie etwas anderes sein könne als ein – um seinen eigenen Ausdruck
aufzugreifen – »jüngerer Bruder«28.
8 So mag es bei einem Denken, das sich im Grunde genommen vom Husserl’schen
Intellektualismus und vom Ego‑zentrismus – im technischen Sinne dieses Ausdrucks –
nie vollständig zu lösen vermag, letztendlich kaum überraschen, dass die Tierheit nur
als eine Existenz gedacht werden kann, die im Vergleich zur Existenz des Menschen auf
einer niedrigeren Stufe steht. Das erklärt, warum sich im großen Text von 1945 [der
Phänomenologie der Wahrnehmung] der Status der tierlichen Existenz (die im Übrigen
kein Hauptthema mehr bildet) nicht signifikant von dem unterscheidet, den sie in Die
Struktur des Verhaltens besaß; die tierliche Existenz wird nämlich am Horizont eines
menschlichen Zur‑Welt‑seins gedacht, das sich von der in Die Struktur des Verhaltens
beschriebenen »Dialektik von Umwelt und Handlung« nicht wesentlich unterscheidet. 29
Es gibt natürlich signifikante Unterschiede vom einen Werk zum anderen. Die
Phänomenologie der Wahrnehmung vollendet nämlich die in Die Struktur des Verhaltens
begonnene »Neufassung des Bewusstseinsbegriffs«30, indem sie sich die Forderung nach
einer Ontologie der Lebenswelt zu eigen macht, einer »Lebenswelt«, die Husserl in
seiner Krisis‑Schrift31der Phänomenologie als oberstes Thema vorgegeben hatte und die
Merleau-Ponty zur Zeit der Abfassung von Die Struktur des Verhaltens noch unbekannt
war.32 Wenn es keinen wesentlichen Unterschied gibt, dann deshalb, weil wir es im einen
wie im anderen Werk stets mit einem mehr oder weniger gut verleiblichten
Bewusstsein (wenn man mir diese Formulierung durchgehen lässt) zu tun haben, kurz:
mit einem Bewusstsein, eine Kategorie, die Merleau-Ponty nach der Phänomenologie der
Wahrnehmung aufgeben wird, da sie die Reflexion blockiert und verhindert, die wahre
Verwurzelung der »Subjektivität« in der Welt zu denken.33 Im ersten Kapitel des Ersten
Teils der Phänomenologie der Wahrnehmung können wir Folgendes lesen: »Sagen wir von
einem Tier [animal], es existiere, es habe eine Welt oder es sei zu einer Welt, so ist damit
nicht gemeint, es nehme sie objektiv wahr oder sei ihrer objektiv bewußt.« 34 Darüber
hinaus wird der »Blindheit […] des Instinkts«, die den Sinn der durch das Tier
polarisierten Umwelt* ergibt, von Merleau-Ponty hier der »personale Entschluß«
gegenübergestellt, der die Möglichkeit des Menschen charakterisiert, sich über seine
Umwelt zu erheben. Erneut wird das Existieren des Tiers negativ gedacht, durch
Negation der menschlichen Existenz, die man sich zunächst implizit zum Vorbild gibt:
Die Charakterisierungen des Tier‑Seins sind im Übrigen sämtlich Negationen:
Blindheit35; mit irgendetwas ist nicht gemeint …
9 So wird am Ende dieser kurzen Wegbeschreibung begreiflich, warum Merleau-Ponty in
Die Struktur des Verhaltens eine These wie die folgende von Max Scheler für sich
übernehmen kann: Der Mensch sei ein Wesen, das es vermag, die »›Widerstands‹- und
Reaktionszentren seiner Umwelt, die das Tier allein hat und in die es ekstatisch
aufgeht, zu ›Gegenständen‹ zu erheben.«36 Mit anderen Worten: Von 1945 an ist es für
Merleau-Ponty darum gegangen, sich die Mittel für ein Denken der Subjektivität zu
verschaffen, das es nicht nur gestattet, die Andersheit zu denken, ohne sie
herabzustufen, sondern das auch das Ausdrucksvermögen der lebendigen Gestalten
nicht verdeckt, das heißt das sich vom Zwang zur Konstitution des Sinns der Gestalten

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durch ein wahrnehmendes Bewusstsein befreit. Ebendies werde ich nun ausgehend von
der Begegnung des Denkens Merleau-Pontys mit dem Denken von Portmann
untersuchen.

3. Von der Blindheit des Instinkts zur Interanimalität


10 Wir haben soeben die Gründe untersucht, die Merleau-Ponty bewogen haben, nach
einer Weise des Bewusstseins zu suchen, die ursprünglicher wäre als der Sinn, der ihm
klassischerweise im Wahrnehmungsbewusstsein zugeschrieben wird. Diese Bewegung
wird schließlich, nach der Phänomenologie der Wahrnehmung, in einer Preisgabe des
Bewusstseins zugunsten des Ursprünglichen enden.37 Von Die Struktur des Verhaltens an
ist das Leben nämlich als das Phänomen eines Wesens beschrieben worden, das sich
anschickt, »etwas auszudrücken und nach außen hin ein inneres Sein zu
manifestieren«38, womit es für Merleau-Ponty von Anfang an darum geht, das
Lebendige als Expressivität zu denken. Im Text von 1942 [Die Struktur des Verhaltens] ist
es aber nur um das Phänomen des Lebendigen gegangen, und dieses hat nur Sinn, sofern
es wahrgenommen wird. Somit geht es hier in der Tat um die Möglichkeit, das
Aufscheinen des Sinns unmittelbar an der Gestalt selbst zu denken, die ihm Leben
verleiht, ohne ihn der Tätigkeit eines wahrnehmenden oder erkennenden Bewusstseins
zu unterwerfen.39 Nun wird sich die Frage stellen, ob es möglich sei, dass sich das
Ausdrucksvermögen des tierlichen Lebens vom Zwang des Bezugs auf ein
wahrnehmendes Bewusstsein befreit, das seinen Sinn indiziert. Genau damit hat sich
Merleau-Ponty in besonderer Weise beschäftigt, wie man im letzten Jahr seiner
Vorlesung über die Natur in dem lesen kann, was als Siebter Entwurf verzeichnet ist:
»Man muß es [i. e. das Leben] durch das Leben denken und nicht im Verhältnis zum
Geist. Nicht so tun, als ob man wisse, was der Geist oder das Bewußtsein oder das
Denken sei. Was gibt es? Zunächst sichtbares oder sinnliches Sein, die Dinge, die
auch ihre verborgenen ›Seiten‹, ihre ›anderen Seiten‹, ihr Für‑das‑Lebendige‑sein
haben […]. Das wird nicht durch unser Denken konstituiert, sondern als Variante
unserer Leiblichkeit erlebt, d. h. als Auftreten von Verhalten im Feld unseres
Verhaltens. Das tierische Leben verweist auf unser Sinnliches und auf unser
leibhaftes Leben. Das ist nicht das idealistische Vorgehen, denn unser sinnliches,
leibhaftes Leben ist nicht unsere menschliche Gegenwart oder zeitloser Geist. In der
Ordnung der Einfühlung*, […] gibt es gerade eine Öffnung zu einem Sichtbaren,
dessen Sein nicht durch das Percipi definiert wird, wo im Gegenteil das Percipere
durch die Teilnahme an einem aktiven Esse definiert wird. Man darf also nicht alle
Dinge und das Leben auf ein Objekt zurückführen.«40
Für Merleau-Ponty geht es also nicht darum, den Index der Subjektivität, der für alle
Erfahrung des Wahrgenommenen charakteristisch ist, zu verwerfen, sondern – gemäß
dem, was Husserl Erfahrung nannte41 – viel eher darum, das Wahrgenommene zum
Ausdruck seines eigenen Sinns zu bringen. Das soeben Gelesene stammt aus derselben
Zeit, in der Das Sichtbare und das Unsichtbare entstand und Merleau-Ponty die Ontologie
des Fleisches entwickelte, in der das in einem Eigenleib [corps propre] verleiblichte
Wahrnehmungsbewusstsein, das 1945 das Vehikel des Zur‑Welt‑seins bildete, durch
eine Verflechtung beziehungsweise einen Chiasmus ersetzt wird, wobei mein Fleisch
dieselbe »Textur« besitzt wie das Fleisch der Welt. Nun geht es nicht mehr darum,
einen diskreten Verkehr zwischen meinem Leib (meinem verleiblichten Bewusstsein)
und einem nicht totalisierbaren Objekt zu denken, sondern, auf noch radikalere Weise,
darum, dass unser Blick nicht konstituierend ist, sondern, wie Merleau-Ponty im

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Vorwort zu Zeichen schreibt, »eine Öffnung unseres Fleisches, die sogleich vom
universellen Fleisch der Welt angefüllt wird«.42
11 Das bedeutet, dass das Denken Portmanns 1957‑58 im Denken Merleau-Pontys zwar auf
fruchtbaren Boden fällt, aber nicht in ein Land kommt, das sozusagen bereits
vollständig erobert wäre, da wir uns erst am Anfang dieser Ontologie des Sinnlichen
befinden. Alles legt in Wirklichkeit nahe, dass das Denken Adolf Portmanns und
insbesondere seine Konzeption der Tiergestalt als »Darstellungswert« 43 in Bezug auf
den Problemhorizont, vor dem sie diskutiert werden, für Merleau-Ponty eine starke
Herausforderung darstellten, nicht nur aufgrund der indirekten Implikationen
gegenüber dem reduktionistischen Utilitarismus in den Lebenswissenschaften, sondern
auch deshalb, weil Portmann beharrlich auf dem Sinn insistierte, der der Tiergestalt
selbst anhaftet. Das ist der entscheidende Punkt: Dass die Erscheinung des Tiers in
seiner phänomenalen Gestalt sich in seiner Ontogenese für ein Auge vollzieht, das sie
erblickt (das des Artgenossen, das des Räubers), bedeutet nicht, dass sie ihren Sinn des
Für‑eine‑Wahrnehmung‑seins einzig und allein im Ergebnis einer tatsächlichen (und
noch weniger einer menschlichen) Wahrnehmung erhält.44 Mit Portmann tut sich,
anders ausgedrückt, eine Möglichkeit auf, einen in die Leiblichkeit des Tiers selbst
eingefassten Sinn unabhängig von einem Bezug auf ein ihn konstituierendes
wahrnehmendes Bewusstsein zu denken – das ist der Sinn von »ein ›Organ zum
Anschauen‹«.45 Wie Jacques Dewitte 46 anmerkt, hat Merleau-Ponty vom späten Denken
Portmanns wahrscheinlich keine Kenntnis gehabt, insbesondere von der aus dem Jahre
1960 datierenden Fassung von Die Tiergestalt. In dieser wird nämlich das Schlusskapitel
überarbeitet, in dem nun der Begriff einer »unadressierten Erscheinung« 47 auftaucht,
die in Abwesenheit eines beobachtenden Auges statthaben kann. Es bleibt jedoch die
Tatsache, dass die Lektüre des Portmann’schen Werks in der Version des Jahres 1948
bei Merleau-Ponty zu einer neuen Konzeption der Tierheit führen wird. Nunmehr wird
die tierliche Existenz für sich positiv gedacht als unmittelbar verbunden mit dem
Darstellungswert der Erscheinung des Tiers:
»Die Tiergestalt ist nicht die Manifestation einer Finalität, sondern eher die eines
existentiellen Manifestationswertes, eines Darstellungswertes. Das Tier zeigt keine
Nützlichkeit; seine Erscheinung offenbart vielmehr etwas, das unserem Traumleben
ähnelt.«48
Mit anderen Worten: Worauf es bei der Existenz des Tiers ankommt, ist der
Ausdruckswert seiner Gestalt; wie wir, immer noch im Portmann gewidmeten Teil der
Vorlesung über die Natur, in der Tat nachlesen können:
»Das Studium der Erscheinung der Tiere wird wieder interessant, wenn man diese
Erscheinung als eine Sprache [langage] versteht. Man muß das Geheimnis des
Lebens in der Art und Weise erfassen, in der die Tiere sich einander zeigen.« 49
Das ist eine Definition des Status der Tierheit, die in deutlichem Kontrast steht zu den
Analysen in Die Struktur des Verhaltens, nicht nur deshalb, weil die Tierheit in
authentischer Weise von sich selbst her gedacht wird, sondern auch, weil Merleau-
Ponty dadurch dem Konzept der tierlichen Existenz einen neuen Wert zuschreibt,
indem er sie in einer Weise definiert, die – sozusagen antizipativ – dem ähnelt, was
später der ontologische Status des als Sichtbarkeit verstandenen Fleisches sein wird:
»[…] so gibt es hier eine Spiegelbeziehung zwischen den Tieren. Jedes ist der Spiegel
des anderen. Diese perzeptive Beziehung gibt dem Artbegriff erneut einen
ontologischen Wert. Was existiert, sind nicht getrennt lebende Tiere, sondern eine
Interanimalität. Die Art ist das, was das Tier zu sein hat, nicht im Sinn einer
Seinspotenz, sondern im Sinn eines Gefälles, auf dem alle Tiere derselben Art

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angesiedelt sind. […] Die Identität des Sehenden mit dem, was er sieht, scheint ein
Bestandteil der Tierheit zu sein.«50
So gibt es also, ausgehend von Portmann, unbestreitbar den Anbruch eines Denkens
einer »Interanimalität als Zwischenleiblichkeit und gegenseitige Sichtbarkeit«, um den
Titel von Jacques Dewitte51 aufzugreifen, der die Radikalität einer Untersuchung der
Natur bezeugt, die von den Imperativen der »insularen« Subjektivität befreit wurde. So
wie die Natur »unser Boden [ist], nicht das, was vor uns liegt«, also nicht in der Weise
eines konstituierten oder instituierten beziehungsweise gestifteten Gegen-stands ist,
sondern »das, was uns trägt«52, so kann das Tier an unserer Seite existieren und
manifestieren, dass das Leben »eine Macht, Sichtbares zu erfinden« 53 ist, wie Merleau-
Ponty formulierte.

4. Schluss: Das Für-den-Anderen und das Fleisch


12 Zum Abschluss sollten wir noch einmal auf ein anderes Element zurückkommen, das
bezeugt, welch große Bedeutung die Bezugnahme auf Portmann in der Ausarbeitung
von Merleau-Pontys Spätphilosophie besaß. Wie Jacques Dewitte hervorhob 54, wird der
Portmann’sche Begriff »Organ zum Anschauen« in Merleau-Pontys Vorlesung über die
Natur nach einem der Tierheit gewidmeten Jahr als »Organ des Für-den-Anderen«
geschrieben werden. Diese lexikalische Verkleidung ist meiner Ansicht nach das
Zeichen einer echten Neuverwendung und Aneignung des Portmann’schen Begriffs
durch Merleau-Ponty, denn er wird dazu dienen, die Grundlagen der Beziehung zum
Anderen im Rahmen der Zwischenleiblichkeit55 zu denken (diesmal ermöglicht durch
die tatsächliche Preisgabe der Kategorie des Bewusstseins). So betrachtet, besteht die
Spätphilosophie Merleau-Pontys im Hinblick auf sein vorheriges Werk viel eher in
einer Vertiefung als in einer Umkehrung. Bereits in Die Struktur des Verhaltens findet
sich diese Vorstellung, wonach der lebendige Leib das Mittel zu einem unmittelbaren
(An‑)Erkennen des Anderen als Anderem ist, gemäß einer ›Expressivität des Leibes‹,
durch die die bedeutungstragenden Bewegungen des Anderen in meiner eigenen
Leiblichkeit ein unmittelbares Echo finden. Ich empfinde die Gegenwart des Anderen
direkt durch seine Verhaltensweisen, durch die Spur seines Vorübergangs an den
»Gebrauchsgegenständen«, weil das, was er in meinem Wahrnehmungsfeld als
Bedeutungsintentionen hinterlässt, von meiner eigenen Leiblichkeit unmittelbar
aufgegriffen wird, eine Tatsache, die insbesondere beim ganz jungen Kind manifest
wird.56
13 Dieser Entwurf einer Zwischenleiblichkeit wird jedoch, wie wir gesehen haben, in
seiner Entwicklung von einer Art Wiederkehr des husserlianischen Verdrängten
gezügelt, das heißt von einer bestimmten Konzeption der transzendentalen
Subjektivität57, die bewirkt, dass der Andere niemals etwas anderes sein kann als ein
jüngerer Bruder. Die Tatsache, dass sich im letzten Jahr der Vorlesung über die Natur
eine Überschreitung dieser Grenze abzeichnet, ist, wie ich denke, in nicht geringem
Maße der Portmann‑Lektüre Merleau-Pontys zu verdanken. Folgender Auszug zeigt das
ziemlich deutlich, darüber hinaus offenbart er die Verschiebung, die Merleau-Ponty an
Portmanns Begriff »Organ zum Anschauen« vornahm:
»Das heißt, daß der Leib als Einfühlungskraft bereits Begehren, Libido,
Projektion‑Introjektion, Identifizierung ist, die ästhesiologische Struktur des
menschlichen Leibes ist also eine libidinöse Struktur, die Wahrnehmung ein
Begehrensmodus, ein Seinszusammenhang und kein Erkenntniszusammenhang.

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Parallel zum Studium des ästhesiologischen Leibes müßte man den libidinösen
studieren und zeigen, daß es eine natürliche Verwurzelung des Für‑den‑Anderen
gibt (wir haben Portmann gesehen: der Tierleib als Organ des Für‑den‑Anderen, die
Mimikry als Identifizierung, die […] Art ist auch in dieser Zwischenleiblichkeit
eingeschrieben) – «58
Es geht hier also um eine neue Art und Weise, den intersubjektiven (also im Grunde
genommen zwischenleiblichen [intercorporel]) Zusammenhang nach dem Modell der
gegenseitigen Sichtbarkeit [intervisibilité] zu denken, und diese Bemerkung lässt sich
meiner Ansicht nach durch eine der Arbeitsnotizen stützen, die Das Sichtbare und das
Unsichtbare begleiten. Diese mit April 1960 datierte Notiz beginnt wie folgt:
»Organe zum Anschauen (Portmann) – Mein Leib als zu sehendes Organ – D. h.
einen Teil meines Leibes wahrnehmen, bedeutet auch, ihn als sichtbar, d. h. für
Andere wahrzunehmen. Und gewiß nimmt er diesen Charakter an, weil ihn auch
tatsächlich jemand anblickt – Aber dieses Faktum der Gegenwart des Anderen wäre
selbst nicht möglich, wäre der in Frage stehende Teil des Leibes nicht vorher schon
sichtbar, gäbe es nicht um jeden Teil des Leibes herum einen Hof von Sichtbarkeit – «
59

14 Mit anderen Worten: Die Bezugnahme auf Portmann begleitet die Neudefinition des
eigenen Leibs als sichtbares Fleisch im Rahmen der Lösung eines Problems, das für
Merleau-Ponty ein Grundproblem darstellte, das er seit den 1940er Jahren mit Sartre
teilte, nämlich die Perspektive des Für‑den‑Anderen. Die echte Einfühlung* (Empathie)
darf also nicht nach dem Modell der »›analogisierende[n]‹ Auffassung« der Fünften der
Cartesianischen Meditationen, sondern muss nach dem Modell der Zwischenleiblichkeit
verstanden werden. Wenn die »Subjektivität« als ein Bewusstsein gedacht wird, führt
sie nämlich nicht nur zum Solipsismus, sondern zieht auch eine ganze Reihe von
epistemologischen Hindernissen nach sich, wenn es darum geht, ihre Beziehung zur
Welt zu denken, Hindernisse, für die uns die Frage des Tiers ein bezeichnendes Beispiel
geliefert hat. Die intersubjektive Beziehung vollzieht sich somit nicht mehr in einem
Echo individueller Leiblichkeiten, sondern in einer Resonanz des Fleisches. Damit
knüpft Merleau-Ponty an die wörtliche Bedeutung von einfühlen*60 an, das soviel
bedeutet wie innerlich fühlen, spüren, wovon folgende Aussage zeugt, die sich in der
Vorlesung über die Natur findet: Die Dinge der Welt, »ich stehe mit ihnen in einem
Einfühlungszusammenhang: Mein Inneres ist das Echo ihres Inneren.« 61

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NOTES
1. Canguilhem (2009), S. 200 bzw. 202.
2. Wenn die Arbeiten, die Florence Burgat der Frage des Tiers gewidmet hat (insbesondere Burgat
[2012]), im vorliegenden Text nicht direkt zitiert werden, da dieser einen anderen Weg
einschlägt, so bleibt dennoch die Tatsache, dass die kritischen Anmerkungen, die Ratschläge
sowie die Unterstützung Florence Burgats für mich von unschätzbarem Wert waren für die
Abfassung dieses Kapitels, das ohne sie das Licht der Welt nicht erblickt hätte; ich bin ihr daher
zu tiefstem Dank verpflichtet. Herzlich danken möchte ich ebenfalls Marine Kneubühler für die
aufmerksame Durchsicht des Textes und ihre wertvollen Vorschläge.
3. [Im Orig. un semblable, wörtl. »ein Ähnlicher«, alltagssprachlich auch im Sinne von
»Mitmensch« gebraucht; vgl. zuvor ressembler, »ähneln«; A.d.Ü.]
4. Merleau-Ponty (1976), S. 142.
5. Merleau-Ponty (1976), S. 142 [dort verbal: »zur Welt zu sein«; A.d.Ü.].
6. Bimbenet (2010), S. 174: »Unsere Beziehung zum Tier ist also eine widersprüchliche Beziehung,
nahe und fern zugleich; das Tier ist sowohl das Vertrauteste, aufgrund einer
leiblich‑fleischlichen Expressivität, die wir mit allem Leben teilen – als auch das Befremdlichste,
im Hinblick auf das Vermögen, die Umwelt zu objektivieren, das symbolische Funktion genannt
wird und das uns auf immer von der einfachen Tierheit trennt.«
7. Diese Beobachtung verdanke ich Florence Burgat.
8. Merleau-Ponty (1976), S. 142.
9. Merleau-Ponty (1976), S. 185 f.
10. Merleau-Ponty (2000), S. 359.
11. Dieses Konzept taucht im zweiten Jahr der Vorlesung mindestens zwei Mal auf, wobei es die
Portmann gewidmete Sitzung gleichsam einrahmt; ein erstes Mal in der Uexküll gewidmeten
Sitzung (genauer gesagt an der Stelle, an der Merleau-Ponty Uexkülls Begriff der Umwelt*
interpretiert), und ein zweites Mal während der Lorenz gewidmeten Sitzung. Vgl. Merleau-Ponty
(2000), S. 244 und 273 [Der Asteriskus (*) bedeutet hier und im Folgenden: Im Original deutsch;
A.d.Ü.].
12. Vgl. dazu die Arbeit von Étienne Bimbenet (zusätzlich zu dem bereits erwähnten Aufsatz vgl.
Bimbenet [2004] und [2011]). Vgl. auch das Ende des Aufsatzes von Jaques Dewitte (2010b).
13. Portmann (1948) [Tiergestalt in franz. Übersetzung: forme animale; A.d.Ü.].
14. Barbaras (2001b), S. 156.
15. [Hier ergibt sich folgende begriffliche Schwierigkeit: Während la chair als Übersetzung des
Husserl’schen Begriffs »Leib« verwendet wird (neben corps und corps propre), wird Merleau-Ponty
seine spezifische »ontologie de la chair« entwickeln, die im Unterschied dazu mit »Ontologie des
Fleisches« adäquat wiederzugeben wäre; A.d.Ü.]
16. Portmann (1948), S. 117.
17. Canguilhem (2009), S. 202.
18. Vgl. Bimbenet (2010), S. 171.
19. Merleau-Ponty (1976), S. 201.
20. In Le tournant de l’expérience findet sich eine überaus hellsichtige Erklärung des Problems, das
die Kategorie des Bewusstseins aufwirft: »Es scheint […] illusorisch zu sein, im Rahmen einer
Philosophie des Bewusstseins über die Grenzen des Intellektualismus, einschließlich des
Husserl’schen, hinausgehen zu wollen. Der Intellektualismus ist die Wahrheit des Bewusstseins,
denn jedes Bewusstsein, wie auch immer es beschaffen sein mag, hat letztlich eine Welt bloßer
Sachen* zum Korrelat: Auf diese kann man nur verzichten, indem man auf jenes verzichtet. Man
muss sich also entscheiden: Entweder situiert man sich im Rahmen einer Philosophie des
Bewusstseins und bringt den Intellektualismus in ebenjenem Moment zurück, da man ihn zu
überwinden behauptet; oder man will wirklich zum wahrhaften Seinssinn des Wahrgenommenen

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gelangen, das heißt zu den Dingen selbst zurückkehren, dann aber um den Preis, auf das
Bewusstsein zu verzichten, um den Preis einer radikalen Neubegründung« (Barbaras [2009],
S. 44 f.). Es ist just dieser latente Intellektualismus, an dem, wie wir noch sehen werden, Merleau-
Pontys Denken der Tierheit in seinen ersten Schriften leidet.
21. Merleau-Ponty (1976), S. 1.
22. Merleau-Ponty (1976), S. 259.
23. Das ist übrigens ein Punkt, der Merleau-Ponty eine ziemlich scharfe Kritik seitens Raymond
Ruyer im 18. Kapitel von dessen Buch Néo‑finalisme einbrachte, wobei man sich im Übrigen die
Frage stellen kann, ob diese Kritik beim Umschwung in Merleau-Pontys Denken nicht eine
gewisse Rolle gespielt hat; in der Vorlesung über die Natur gibt es zahlreiche Bezugnahmen auf
Néo‑finalisme. Inwiefern Ruyers Gestaltbegriff wie auch seine Verwendung der Thesen Portmanns
in Néo‑finalisme die Neuausrichtung des von Merleau-Ponty eingeschlagenen Wegs beeinflusste,
hätte meiner Ansicht nach eine konsequente Untersuchung verdient, die ich hier nur andeuten
kann.
24. [Vgl. Husserl (1992), S. 113 [§ 50–51]; A.d.Ü.]
25. [Vgl. Lévinas (1993), S. 55; A.d.Ü.]
26. [Im Orig. reconnaissance, was neben allgemein »Erkennen« speziell »Wiedererkennen«, aber
auch »Anerkennung« bedeuten kann; A.d.Ü.]
27. Das zeigt sich ziemlich deutlich im IV. Kapitel des Zweiten Teils, das mit »Die Anderen und
die menschliche Welt« betitelt ist (Merleau-Ponty [1966]). Vgl. zu all dem Barbaras (2001a), S. 57:
»Merleau-Ponty gelingt es also nicht, die Perspektive Husserls zu überwinden. Er begnügt sich
damit, das intentionale Übergreifen zu entwickeln, zu beschreiben; er zieht daraus keinerlei
Konsequenzen auf der Ebene des Status der Subjektivität. Mit anderen Worten: Der Solipsismus
ist nicht überwunden: Die leibliche Anonymität wird schließlich einem insularen Bewusstsein
untergeordnet, in dem die Andersheit des Anderen resorbiert wird.«
28. Merleau-Ponty (1966), S. 492.
29. Vgl. Merleau-Pontys berühmte Analyse des Fußballspielers im 3. Kapitel von Die Struktur des
Verhaltens (Merleau-Ponty[1976], S. 193 f).
30. [Merleau-Ponty [1976], S. 194; A.d.Ü.]
31. [Vgl. Husserl (1992); A.d.Ü.]
32. Für nähere Ausführungen dazu sei verwiesen auf Geraets (1971).
33. Man wird hier natürlich die Lektüre wiedererkennen, die Raymond Barbaras in De l’être au
phénomène entwickelt, in der sich folgende erhellende Formulierung findet: »Der Begriff des
verleiblichten Bewusstseins ist ein instabiler Begriff, der sich in gewisser Weise selbst
kritisiert«(Barbaras [2001a], S. 45).
34. [Merleau-Ponty (1976), S. 102; die dt. Übersetzung schreibt für animal »Lebewesen«, was dem
hier vorliegenden Kontext gemäß zu »Tier« modifiziert wurde; A.d.Ü.]
35. [Im Orig. aveuglement, unter Hervorhebung der privativen Vorsilbe a‑von aveuglement, das
etymologisch auf lat. ab und oculos [soviel wie »der Augen/Sicht beraubt«] zurückgeht; A.d.Ü.]
36. Scheler (1966), S. 39; zitiert in Merleau-Ponty (1976), S. 202.
37. Vgl. Barbaras (2009), S. 33–61.
38. Merleau-Ponty (1976), S. 185.
39. Vgl. Barbaras (2001b), S. 162: »Es gibt eine Autonomie des Erscheinens, und die
Wahrnehmungserfahrung muss als der Emergenz des Wahrgenommenen untergeordnet
aufgefasst werden: Weit davon entfernt, dass die Gestalt durch ein Bewusstsein konstituiert
würde, gibt es Wahrnehmungserfahrung nur aufgrund der Gestalt, so dass es sozusagen das
Bewusstsein ist, das durch die Gestalt ›konstituiert‹ wird.«
40. Merleau-Ponty (2000), S. 362 f.
41. Es geht um »die […] noch stumme Erfahrung, die nun erst zur reinen Aussprache ihres
eigenen Sinnes zu bringen ist.« Ein Satz Husserls, auf den man in den Cartesianischen Meditationen

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stößt (Husserl [2007], S. 40, § 16) und der im Werk von Merleau-Ponty häufig wiederaufgegriffen
wird [»Aussprache« wird im Französischen hier mit expression wiedergegeben; A.d.Ü.].
42. Merleau-Ponty (2007), S. 21. Diesem Satz geht übrigens folgender Abschnitt voraus, der
ziemlich gut zeigt, in welchem Maße die radikale Neudefinition der »Subjektivität« (die von nun
an in Anführungszeichen steht) und die Aufmerksamkeit, die dem Wahrgenommenen als
solchem gewidmet wird, Raum schaffen für das Denken des Anderen und der Tierheit: »Alles
beruht auf dem unübertrefflichen Reichtum, auf der wundersamen Vervielfachung des
Sinnlichen. Sie bewirkt, daß dieselben Dinge die Kraft haben, für mehr als nur einen Betrachter
Dinge zu sein, und daß einige unter ihnen – die menschlichen und die tierischen Körper – nicht
nur verborgene Gesichter haben, daß ihre ›andere Seite‹ auch ein anderes Empfinden ist, das
ausgehend von dem für meine Sinne Wahrnehmbaren zählt« [ebd.; Übers. modifiziert; A.d.Ü.].
43. [Portmann (1948), S. 238.Vgl. Merleau-Ponty (2000), S. 260; A.d.Ü.]
44. Das ist wahrscheinlich der Grund, warum Merleau-Ponty in seiner Vorlesung über die Natur
lieber vom Bezug auf ein mögliches Auge spricht, wo Portmann in Die Tiergestalt von einem Auge
sprach, das tatsächlich anblickt.
45. Portmann (1948), S. 117 [In der franz. Übersetzung »organe à être vu«, wörtl. »Organ zum
Gesehen‑werden« bzw. »Organ, um gesehen zu werden«; A.d.Ü.]. Vgl. auch das gesamte Kap. VI,
»Die optische Gestaltung«, ebd., S. 116–135.
46. Dewitte (1998), S. 107.
47. Portmann (1960), S. 253.
48. Merleau-Ponty (2000), S. 259 f. Hervorhebung durch N. Z.
49. Merleau-Ponty (2000), S. 259.
50. Merleau-Ponty (2000), S. 261 [Übers. modifiziert, indem der für das hier ausgeführte
Argument höchst relevante Satzbeginn in »Ce qui existe, ce ne sont pas des animaux séparés, mais une
inter‑animalité« wörtlich wiederhergestellt wurde; vgl. die a.a.O. vorliegende Übersetzung: »Nicht
getrennt lebende Tiere, sondern eine Interanimalität«; A.d.Ü.].
51. Vgl. Dewitte (1998).
52. Merleau-Ponty (2000), S. 20.
53. Merleau-Ponty (2000), S. 261.
54. Dewitte (1998).
55. [Im Orig. intercorporéité charnelle: Das Adjektiv charnelle, wörtl. »fleischlich« (zu la chair, »das
Fleisch«), dient häufig als Übersetzung von deutsch »leiblich«, »leibhaft(ig)«; im vorliegenden
Kontext kann es als spezifizierender Zusatz zu intercorporéité auch als Betonung des Aspekts
»Fleisch« im Sinne der hier akzentuierten Spätphilosophie Merleau-Pontys gelesen werden;
A.d.Ü.]
56. Vgl. Merleau-Ponty (1976), S. 196: »Notwendigerweise ist die gehörte oder vorentworfene
Sprache, die Erscheinung eines Gesichts oder eines Gebrauchsgegenstandes für das Kind von
vornherein die klangliche, motorische oder visuelle Einhüllung einer Bedeutungsintention, die
vom Andern ausgeht.« [«für das Kind» wurde dem Orig. gemäß ergänzt; A.d.Ü.].
57. Zu den Schwierigkeiten Merleau-Pontys, sich dem transzendentalen Idealismus wirksam zu
entziehen, vgl. »Merleau-Ponty et la racine de l’objectivisme husserlien«, in: Barbaras (2009),
S. 62–80.
58. Merleau-Ponty (2000), S. 287 f.
59. Merleau-Ponty (2004), S. 309 [Übers. modifiziert; statt »Sichtbare Organe« für Organes à êtres
vus (Portmann) wird hier der im vorliegenden Kontext bereits zitierte Original-Portmann-Begriff
»Organ[e] zum Anschauen« wiedergegeben; vgl. dazu weiter oben S. 17 sowie Anm. 44; A.d.Ü.].
60. Diesen Hinweis verdanke ich dem Aufsatz von Marie-Andrée Ricard (2005), S. 99.
61. Merleau-Ponty (2000), S. 305 [ Einfühlung im Orig. deutsch. Beim letzten Wort des Zitats
besteht eine Differenz zwischen der von Zaslawski zitierten französischen Fassung und der
deutschen Übersetzung. Im französischen Original steht mon dedans est écho de leur dedans; die

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deutsche Übersetzung (die in einer »Anmerkung zur deutschen Übersetzung«, ebd. S. 15, ohne
nähere Spezifizierung anmerkt, dass die »maßgebliche zweite französische Fassung von 1995 an
einigen Stellen verbessert [wurde]« schreibt: »Mein Inneres ist das Echo ihres Äußeren«; A.d.Ü.].

INDEX
Schlüsselwörter : Tierheit, philosophische Anthropologie, Merleau-Ponty, Portmann
Mots-clés : animalité, Anthropologie philosophique, Merleau-Ponty, Portmann

AUTEURS
NICOLAS ZASLAWSKI
Nicolas Zaslawski ist wissenschaftlicher Mitarbeiter an der Fakultät für Sozial- und
Politikwissenschaften der Universität Lausanne (Schweiz). Nähere Informationen finden Sie hier.

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