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ANTHROPOLOGIE

1. Les Espaces littoraux


Les espaces littoraux urbanisés constituent des lieux à fort intérêt en termes
d'analyse des aménagements qui y sont relevés. A travers le monde, il est noté que près
de 70 % des villes sont situées près des côtes. En Afrique de l'ouest par exemple, la
plupart des grands centres urbains sont proches des côtes. Ici, l'héritage colonial avec
le contexte d'économie extravertie (qui a détrôné le commerce transsaharien) qui a
prévalu à cette époque semble être la principale cause . Après les indépendances, cette
situation a été renforcée par les nouveaux Etats ; c'est le cas des villes comme Dakar,
Saint Louis, Banjul, Freetown, Tunis, Rabat, Nouakchott, Accra, …

Le littoral offre à ces centres urbains plusieurs avantages :


- climat côtier (températures clémentes : exemple de Saint Louis, Dakar...),
- l'économie de la pêche: apport en protéines d'origine animale et création de
richesses (Nouakchott, Saint Louis, Kayar, Dakar...),
- le développement du tourisme, des aires de plaisance, (Saly Portudal, ...),
- le développement des activités sportives (Jogging, marche, régates, arts
martiaux, beach volley, ...), des aires de villégiature, …

Seulement, avec l'urbanisation incontrôlée qui prédomine dans l'essentiel de ces


centres urbains, des problèmes et dysfonctionnements sont relevés. Il s'agit entre
autres des problèmes liés au dégoulinement des eaux usées domestiques (eaux vannes
et eaux grises) et industrielles(exemple de la pollution de la baie de Hann...), aux
menaces d'inondations marines (Guet Ndar, Rufisque...), aux embruns marins sur les
constructions....

Le littoral est souvent le lieu de fortes pressions démographiques (rapport entre le


volume démographique et la superficie d'un territoire donné) et urbaines (rapport
entre les effets et impacts des services urbains sur un territoire donné. Cette
situation se traduit par des taux de densité très élevés (exemple : 22500 hbts /km2 à
Guédiawaye) et des impacts négatifs sur le cadre de vie des populations et
l'écosystème naturel (constructions sur le domaine public maritime et l'obstruction au
transit sédimentaire qui peut porter atteinte à l'équilibre écologique de la plage).
Le littoral de Yoff

Depuis quelques semaines, l'état du littoral de Yoff soulève des débats souvent
passionnés et contradictoires à travers plusieurs plateformes virtuelles (groupes
Whatsapp, Facebook...). Suite à plusieurs interpellations, nous avons jugé nécessaire de
faire cette note sous forme de contribution qui se veut objective.
Pour cela, nous avons pensé qu'il serait indiqué de revenir sur quelques spécificités
caractéristiques du littoral de Yoff avant de mettre en relief les services associés à
ces spécificités, les atteintes liées aux usages littoraux, les conséquences de ces
atteintes et les initiatives en vue d'y remédier.

La définition la plus admise de l'espace littoral nous apprend que c'est une bande de
terre dont une partie est immergée et une autre émergée. Le littoral de Yoff
n'échappe pas à cette définition et il est le point de raccordement entre la Grande
côte sablonneuse du Sénégal et la côte rocheuse de la presqu'île du Cap-Vert. La côte
yoffoise, de Layene à Tonghor, décrit une concavité très prononcée à hauteur de
Guinta et Ndénatt. Cet espace littoral yoffois est balayé par les Alizés maritimes de
novembre - décembre à avril; ce qui explique le climat côtier (doux et clément très
appréciable) qui y règne. Le rocher qui se prolonge au niveau de l'île constitue avec les
cuvettes sous-marines « tiip » et « khondama », des habitats naturels pour une très
riche biodiversité marine.

Ces caractéristiques de cet écosystème expliquent la diversité des services qui sont
associés aux nombreux usages qui y sont relevés.
Entre autres usagers de cet écosystème, nous pouvons distinguer : les pêcheurs (à la
ligne, aux siennes de plage, aux sennes tournantes, aux éperviers, à la chasse
sous-marine, ..), les agents des services de pêche, les responsables des comités de
gestion du quai de pêche, les mareyeurs (macro mareyeurs et micro mareyeurs), les
transformatrices des produits de mer, les écailleuses, les dockers, les retraités (terru
Jay), les charretiers, les mécaniciens des moteurs hors-bord, les vendeurs des pièces
détachées, les conducteurs de tricycles, les gérants de stations-service, les gérants
d'usines de glace, les gérants des unités de mise en conditionnement des produits
halieutiques, les occupants des abris de plage, les charpentiers, les sportifs
(pensionnaires des écoles de football, les randonneurs, les pratiquants du jogging, des
arts martiaux,...), les acteurs culturels (procession du tuuru Mame Ndiaré, ...), les
marchands ambulants, les managers, les gérants des aires de plaisance, les plaisanciers,
les pèlerins (célébration de l'anniversaire de l'Appel de Seydina Limamou LAYE , le
Mahdi),...
Ces usagers de par leur diversité, renseignent sur la variété des services qui sont
associés à l'exploitation des ressources du littoral : les produits halieutiques (sources
de nourriture et de ressources...), eau (baignades, surf, ...), sable de mer (activités de
plaisance, sports...), air (épanouissement, activités de régénérescence...), les sites
sacrés et religieux (activités religieuses…).
Malheureusement, ces nombreux et utiles services de cette infrastructure naturelle
que représente le littoral de Yoff, masquent mal les cas d'atteintes de plus en plus
manifestes. Ces atteintes intègrent entre autres : l'insalubrité, l'érosion de la
biodiversité littorale, le recul du trait de côte, les inondations marines, la modification
prononcée de la morphologie du littoral, la dégradation des sites sacrés..
.
Cette situation très regrettable est due entre autres : au déversement quotidien
d'eaux usées domestiques (eaux grises et eaux vannes non traitées) et industrielles
(provenant des unités de mise en conditionnement des produits halieutiques...), de
déchets solides de toute sorte (déchets issus des enclos de moutons, des espaces
verts, ...), de gravats issus des modifications des habitations, …

Face à cette situation, plusieurs initiatives ont été développées pour des solutions
durables. Des actions de sensibilisation, de nettoiement de la plage et du fond marin,
d'expérimentation de l'assainissement écologique, de plaidoyer pour des pratiques et
expériences durables, de pavage et de reboisement ont été régulièrement organisées
par divers acteurs : services de l'État (DEEC, UCG..), de la ville de Dakar, de la
commune de Yoff, de la société civile (l'APECSY, Vision 129, Anda Défar Yoff, Anda
Takhawou Yoff, CECEY, les comités de quartier, Jottsi, ...). Ces acteurs ont été
accompagnés par des partenaires de la coopération décentralisée et autres
Organisations non gouvernementales comme l'ambassade royale des Pays Bas, l'UICN,
le programme LIFE, ENDA Tiers Monde, l'ONG CRESP , le cabinet américain COTERRE,
le réseau des écovillages du Sénégal, la fondation du port autonome de Dakar, le
programme de Master GIDEL/UCAD, KIRENE, le comité national de coordination, de
promotion du volontariat (CNCPV), le centre sportif Fayda, Mundis Maris...
Malgré ces nombreuses et dynamiques initiatives le problème reste complexe malgré
les « success histories » (élimination de l'extraction du sable de mer avec la fermeture
de la carrière ouverte dans les années 90 à hauteur de Wamélikhaass et gérée à
l’époque par les Freys ...). Une analyse plus fine de la situation actuelle révèle entre
autres recommandations :
•nécessité de créer des synergies à travers des plateformes à l'image de celle initiée
par l'APECSY en 2019, "Agir ensemble pour un environnement viable, vivable et
reproductible" la plateforme des acteurs environnementaux qui a mis en œuvre « le
programme de désencombrement de nettoiement et de valorisation du littoral » (cf.
Rapport analytique).

•changement de comportements à l'échelle de chaque citoyen. La perception que nous


avons de la notion d'espace privé et d'espace public doit évoluer dans le sens du
respect strict des servitudes associées au statut des différents espaces.

•arrêt systématique du dépôt de gravats le long de la plage. Il convient de retenir que


ces gravats, en plus de boucher l'habitat sous-marin des ressources halieutiques,
finissent par modifier la morphologie du littoral dont le sol a une texture et une
structure qui lui sont propres. Il serait indiqué que la Commune de Yoff ouvre un parc à
gravats pour recevoir les débris issus des modifications très fréquentes des
habitations.

•élimination systématique des canalisations de délestage qui proviennent du réseau de


l'Office nationale d'assainissement du Sénégal (ONAS) et la construction d'une autre
station de traitement des eaux usées à côté de celle de Cambérène. Les dégâts liés à
l'évacuation de ces eaux usées (eaux grises et vannes) sans traitement heurtent la
conscience des militants de l'application du concept de la durabilité.

• Élimination systématique des branchements clandestins au niveau du canal


d'évacuation des eaux pluviales le long de l'axe routier Saltigue Baida Mbengue.

• Encourager le développement des activités économiques durables qui donneront un


service économique au patrimoine culturel, naturel qu'offre le littoral en tant qu'
écosystème et espace vécu.
2. Le développement des espaces de
restauration et la production de l’espace en
ville
Le développement des lieux de restauration (gargotes, tangana, restaurants, dibiteries,
kiosques à lait, ...) font partie du paysage urbain dans la plupart des villes d'Afrique.
Leur présence s'explique en grande partie par le besoin de plus en plus marqué des
citadins de manger en dehors de leurs maisons. Les raisons qui justifient cette
situation sont multiples : nature des emplois, grandes distances entre les lieux de
travail et les habitations, la gestion du temps, le statut de populations flottantes en
ville…

De ce fait, cette catégorie de besoins sociaux intègre les éléments de production


spatiale en ville à côté des habitations, et des autres infrastructures et équipements
de base. Cette occupation des lieux de restauration présente des schémas variés qui
impactent diversement le paysage urbain. Les espaces de restauration formels produits
dans le respect des règles de l'urbanisme en général impactent positivement le paysage
urbain (alignement des installations, harmonie dans les dispositions des restaurants,
images attrayantes...). Par contre, si la réalisation de ces lieux de restauration ne
respecte pas les règles ci-dessus mentionnées, il se produit des occupations qui
provoquent des expositions à des risques variés : empiétements sur la voie publique,
obstruction de la voie publique, installation clandestine de fils électriques, …

Il semble que l'urbanisation incontrôlée que nous observons dans la plupart des villes
africaines explique la tendance générale des dysfonctionnements relevée. Avec le
pouvoir de plus en plus accru des villes, c'est là un vaste chantier qui mérite d'être
exploré et développé en relation avec d'autres secteurs de développement comme le
tourisme.
3. Le système éducatif et la production de
l’espace en ville
Avec le développement et la diversification du système éducatif dans la plupart des
centres urbains en Afrique, nous assistons à une variété d'espaces dédiés à la mise en
œuvre des activités scolaires et universitaires.

Aujourd'hui les populations croient de plus en plus à la nécessité de scolariser leurs


progénitures et la mondialisation et la globalisation renseignent et imprègnent les
populations sur les possibilités qui s'offrent à elles. Avec l'augmentation manifeste et
la jeunesse caractéristique de la population des pays sous-développés, le besoin de
disposer de nouvelles infrastructures et équipements scolaires et universitaires
s'impose sans cesse.

Une des particularités de l'école est le besoin très grand en espace pour abriter la
nombreuse population scolaire estudiantine (environ 800 pour un établissement scolaire
primaire, environ 100000 pour une université comme Cheikh Anta Diop...), les
nombreuses salles de cours (une dizaine pour les écoles primaires, une trentaine pour
les lycées...),les amphithéâtres les laboratoires les aires de sports (football,
athlétisme, basket...) pour accompagner les programmes sports/études... Une parfaite
illustration de cet exemple demeure les campus social et académique de l'université
Cheikh Anta Diop qui constituent l'équivalent d'un quartier de Dakar.

La gestion de cet espace requiert une administration très structurée et qualifiée eu


égard aux nombreuses exigences associées à leur gestion.

L'importance des établissements scolaires et universitaires est telle que les noms
donnés à ces lieux sont minutieusement choisis en relation avec les populations locales ;
ce qui justifie le sentiment d'appartenance qui s'ensuit.
Dans certaines situations, le manque de ces infrastructures scolaires et universitaires
dans certaines localités peut justifier le déplacement de certains résidents vers des
centres urbains plus équipés.
Cette situation aura des répercussions sur la mobilité des populations mais aussi sur le
marché de l'immobilier.
4. L’économie urbaine et la production de
l’espace
La plupart des grands centres urbains en Afrique concentre l'essentiel de l'économie
de ces pays.
Cette situation découle essentiellement d'un héritage colonial avec l'aménagement de
villes littorales comme Dakar, Saint-Louis, Abidjan, Conakry, Nouakchott, Freetown,
Tunis, Rabat... Selon les cas la situation peut varier d'un pays à un autre ; le de Dakar
fasciné du point de vue scientifique : c'est une presqu'île qui représente 0,28 % de la
superficie totale du pays (moins de 200000 km2), avec une zone franche industrielle
annexée au port autonome de Dakar, l'axe ferroviaire Dakar - Niger ...

Cette situation combinée avec les problèmes relevés dans le secteur agricole
(sécheresses, sols lessivés et appauvris par une sur utilisation des engrais chimiques, un
sous équipement en engins agricoles..) poussent les paysans à migrer en ville (exode
rural) pour s'insérer dans le secteur informel. De ce fait, l'économie urbaine dans sa
diversité (secteurs primaire, secondaire, tertiaire et même quaternaire) secrète une
variété de productions spatiales qui intègrent toutes les spécificités liées à leurs
fonctionnalités: building administratif, ministères, marchés (Kermel, Sandaga..),
complexe Touba Sandaga, stations services, aéroports, gares ferroviaires, gares
routières, établissements bancaires, hôtels, aires de plaisance, quais de pêche,
hypermarchés, …

Cependant, il est fréquent de voir dans certains secteurs d'activités comme le


domaine informel, des irrégularités flagrantes dans les représentations spatiales des
unités de production, d'écoulement et de consommation : gargotes, ateliers et magasins
de mécanicien (Petersen...), marché Colobane, marché Tilène, marché Grand Yoff …

Dr Oumar DIÈNE

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