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Depuis quelques semaines, l'état du littoral de Yoff soulève des débats souvent
passionnés et contradictoires à travers plusieurs plateformes virtuelles (groupes
Whatsapp, Facebook...). Suite à plusieurs interpellations, nous avons jugé nécessaire de
faire cette note sous forme de contribution qui se veut objective.
Pour cela, nous avons pensé qu'il serait indiqué de revenir sur quelques spécificités
caractéristiques du littoral de Yoff avant de mettre en relief les services associés à
ces spécificités, les atteintes liées aux usages littoraux, les conséquences de ces
atteintes et les initiatives en vue d'y remédier.
La définition la plus admise de l'espace littoral nous apprend que c'est une bande de
terre dont une partie est immergée et une autre émergée. Le littoral de Yoff
n'échappe pas à cette définition et il est le point de raccordement entre la Grande
côte sablonneuse du Sénégal et la côte rocheuse de la presqu'île du Cap-Vert. La côte
yoffoise, de Layene à Tonghor, décrit une concavité très prononcée à hauteur de
Guinta et Ndénatt. Cet espace littoral yoffois est balayé par les Alizés maritimes de
novembre - décembre à avril; ce qui explique le climat côtier (doux et clément très
appréciable) qui y règne. Le rocher qui se prolonge au niveau de l'île constitue avec les
cuvettes sous-marines « tiip » et « khondama », des habitats naturels pour une très
riche biodiversité marine.
Ces caractéristiques de cet écosystème expliquent la diversité des services qui sont
associés aux nombreux usages qui y sont relevés.
Entre autres usagers de cet écosystème, nous pouvons distinguer : les pêcheurs (à la
ligne, aux siennes de plage, aux sennes tournantes, aux éperviers, à la chasse
sous-marine, ..), les agents des services de pêche, les responsables des comités de
gestion du quai de pêche, les mareyeurs (macro mareyeurs et micro mareyeurs), les
transformatrices des produits de mer, les écailleuses, les dockers, les retraités (terru
Jay), les charretiers, les mécaniciens des moteurs hors-bord, les vendeurs des pièces
détachées, les conducteurs de tricycles, les gérants de stations-service, les gérants
d'usines de glace, les gérants des unités de mise en conditionnement des produits
halieutiques, les occupants des abris de plage, les charpentiers, les sportifs
(pensionnaires des écoles de football, les randonneurs, les pratiquants du jogging, des
arts martiaux,...), les acteurs culturels (procession du tuuru Mame Ndiaré, ...), les
marchands ambulants, les managers, les gérants des aires de plaisance, les plaisanciers,
les pèlerins (célébration de l'anniversaire de l'Appel de Seydina Limamou LAYE , le
Mahdi),...
Ces usagers de par leur diversité, renseignent sur la variété des services qui sont
associés à l'exploitation des ressources du littoral : les produits halieutiques (sources
de nourriture et de ressources...), eau (baignades, surf, ...), sable de mer (activités de
plaisance, sports...), air (épanouissement, activités de régénérescence...), les sites
sacrés et religieux (activités religieuses…).
Malheureusement, ces nombreux et utiles services de cette infrastructure naturelle
que représente le littoral de Yoff, masquent mal les cas d'atteintes de plus en plus
manifestes. Ces atteintes intègrent entre autres : l'insalubrité, l'érosion de la
biodiversité littorale, le recul du trait de côte, les inondations marines, la modification
prononcée de la morphologie du littoral, la dégradation des sites sacrés..
.
Cette situation très regrettable est due entre autres : au déversement quotidien
d'eaux usées domestiques (eaux grises et eaux vannes non traitées) et industrielles
(provenant des unités de mise en conditionnement des produits halieutiques...), de
déchets solides de toute sorte (déchets issus des enclos de moutons, des espaces
verts, ...), de gravats issus des modifications des habitations, …
Face à cette situation, plusieurs initiatives ont été développées pour des solutions
durables. Des actions de sensibilisation, de nettoiement de la plage et du fond marin,
d'expérimentation de l'assainissement écologique, de plaidoyer pour des pratiques et
expériences durables, de pavage et de reboisement ont été régulièrement organisées
par divers acteurs : services de l'État (DEEC, UCG..), de la ville de Dakar, de la
commune de Yoff, de la société civile (l'APECSY, Vision 129, Anda Défar Yoff, Anda
Takhawou Yoff, CECEY, les comités de quartier, Jottsi, ...). Ces acteurs ont été
accompagnés par des partenaires de la coopération décentralisée et autres
Organisations non gouvernementales comme l'ambassade royale des Pays Bas, l'UICN,
le programme LIFE, ENDA Tiers Monde, l'ONG CRESP , le cabinet américain COTERRE,
le réseau des écovillages du Sénégal, la fondation du port autonome de Dakar, le
programme de Master GIDEL/UCAD, KIRENE, le comité national de coordination, de
promotion du volontariat (CNCPV), le centre sportif Fayda, Mundis Maris...
Malgré ces nombreuses et dynamiques initiatives le problème reste complexe malgré
les « success histories » (élimination de l'extraction du sable de mer avec la fermeture
de la carrière ouverte dans les années 90 à hauteur de Wamélikhaass et gérée à
l’époque par les Freys ...). Une analyse plus fine de la situation actuelle révèle entre
autres recommandations :
•nécessité de créer des synergies à travers des plateformes à l'image de celle initiée
par l'APECSY en 2019, "Agir ensemble pour un environnement viable, vivable et
reproductible" la plateforme des acteurs environnementaux qui a mis en œuvre « le
programme de désencombrement de nettoiement et de valorisation du littoral » (cf.
Rapport analytique).
Il semble que l'urbanisation incontrôlée que nous observons dans la plupart des villes
africaines explique la tendance générale des dysfonctionnements relevée. Avec le
pouvoir de plus en plus accru des villes, c'est là un vaste chantier qui mérite d'être
exploré et développé en relation avec d'autres secteurs de développement comme le
tourisme.
3. Le système éducatif et la production de
l’espace en ville
Avec le développement et la diversification du système éducatif dans la plupart des
centres urbains en Afrique, nous assistons à une variété d'espaces dédiés à la mise en
œuvre des activités scolaires et universitaires.
Une des particularités de l'école est le besoin très grand en espace pour abriter la
nombreuse population scolaire estudiantine (environ 800 pour un établissement scolaire
primaire, environ 100000 pour une université comme Cheikh Anta Diop...), les
nombreuses salles de cours (une dizaine pour les écoles primaires, une trentaine pour
les lycées...),les amphithéâtres les laboratoires les aires de sports (football,
athlétisme, basket...) pour accompagner les programmes sports/études... Une parfaite
illustration de cet exemple demeure les campus social et académique de l'université
Cheikh Anta Diop qui constituent l'équivalent d'un quartier de Dakar.
L'importance des établissements scolaires et universitaires est telle que les noms
donnés à ces lieux sont minutieusement choisis en relation avec les populations locales ;
ce qui justifie le sentiment d'appartenance qui s'ensuit.
Dans certaines situations, le manque de ces infrastructures scolaires et universitaires
dans certaines localités peut justifier le déplacement de certains résidents vers des
centres urbains plus équipés.
Cette situation aura des répercussions sur la mobilité des populations mais aussi sur le
marché de l'immobilier.
4. L’économie urbaine et la production de
l’espace
La plupart des grands centres urbains en Afrique concentre l'essentiel de l'économie
de ces pays.
Cette situation découle essentiellement d'un héritage colonial avec l'aménagement de
villes littorales comme Dakar, Saint-Louis, Abidjan, Conakry, Nouakchott, Freetown,
Tunis, Rabat... Selon les cas la situation peut varier d'un pays à un autre ; le de Dakar
fasciné du point de vue scientifique : c'est une presqu'île qui représente 0,28 % de la
superficie totale du pays (moins de 200000 km2), avec une zone franche industrielle
annexée au port autonome de Dakar, l'axe ferroviaire Dakar - Niger ...
Cette situation combinée avec les problèmes relevés dans le secteur agricole
(sécheresses, sols lessivés et appauvris par une sur utilisation des engrais chimiques, un
sous équipement en engins agricoles..) poussent les paysans à migrer en ville (exode
rural) pour s'insérer dans le secteur informel. De ce fait, l'économie urbaine dans sa
diversité (secteurs primaire, secondaire, tertiaire et même quaternaire) secrète une
variété de productions spatiales qui intègrent toutes les spécificités liées à leurs
fonctionnalités: building administratif, ministères, marchés (Kermel, Sandaga..),
complexe Touba Sandaga, stations services, aéroports, gares ferroviaires, gares
routières, établissements bancaires, hôtels, aires de plaisance, quais de pêche,
hypermarchés, …
Dr Oumar DIÈNE