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CH : 8,80FS
LAURENT
SON REGARD SUR LE BASKET FRANÇAIS...
SCIARRA
DIT TOUT
SOMMAIRE N°62 - AVRIL 2022
6. L
e jour où…
8. En vue : Nadir Hifi
Tom Dufour/FFBB
12. 3x3 : Mehdy Ngouama
8ème Art Studio
KoszKadra
14. Entretien Laurent Sciarra
42. R
ussie-Ukraine : le
basket face à la guerre
48. N
BA : ces Français
et Européens
qui ne jouent pas
2 place de la République
BP 43950
56039 Vannes Cedex
26. D
ossier : les nouvelles salles en France • Tél. : 02 97 47 22 29
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Rédacteur en chef : Yann Casseville
Directeur artistique : Thierry Deschamps
Ont collaboré à ce numéro : Alexandre Lacoste et
Clément Pernin
Gestion, administration : Clotilde Augu
Publicité, promotion : Loïc Boquien
• lboquien@basket-mag.com
• Tél. : 06 87 75 64 23
Basket est édité par : Les Éditions Atao
Directeur de la publication : Didier Le Corre
Imprimeur : Imprimerie Mordacq
62921 Aire-sur-la-Lys
Infinity Nine Media
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3
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ANNÉE DE NAISSANCE
Le jour où…
J’AI VU LA FINALE UNIVERSITAIRE
PARMI 64 959 SPECTATEURS
PAR DIDIER LE CORRE
E
n 1987, la FFBB a une heureuse idée : or- font visiter bureaux, salles annexes et vestiaires.
ganiser un «voyage d’étude» aux États- Celui des joueurs de UNC est d’un luxe insensé et
Unis pour ses cadres. À cette époque, bien sûr – comme pratiquement partout aux États-
le basket américain est encore entouré Unis – d’un mauvais goût total : moquettes su-
d’un nuage opaque. Pierre Dao, alors per épaisses sur le sol, fauteuils géants de cinéma,
entraîneur de l’équipe de France, et Gérard Bosc, casiers rutilants, urinoirs de hauteurs différentes
alors DTN, sont du voyage. Deux bons compagnons en fonction de la taille des joueurs, etc. Et le petit
de route. La Fédé propose aussi à quelques jour- détail qui marque à vie : juste avant d’entrer sur
nalistes de les accompagner. Nous serons deux : le parquet, chaque joueur a droit à son paquet de
Jean-Pierre Dusseaulx, de L’Équipe, et moi-même. chewing-gum personnel posé devant son numéro
Le programme est exclusivement universitaire. de maillot, disposé sur une table…
Au menu, visite de quelques campus et finale du Les visites et les matches se succèdent. Un pur
tournoi NCAA en apothéose. Pierre Dao et Gérard bonheur. Et nous arrivons enfin à New Orleans,
Bosc ont fait tourner leur carnet d’adresses. Des point final de notre trip qui aura duré une dou-
contacts ont été établis au cours de différents zaine de jours. Le Final Four NCAA y est organisé
événements ou de clinics auxquels ils ont parti- pour la deuxième fois, après 1982. Le tournoi a lieu
cipés. La Fédé américaine, l’ABAUSA, a complété au Louisiana Superdome, le stade de l’équipe de
les trous. Monté de bric et de broc, ce road-trip football américain des New Orleans Saints, qui
s’avérera en fait assez formidable. se transforme pour le basket en une salle gigan-
Le panel proposé est pour le moins très large. tesque où se pressèrent 64 959 personnes, record
Nous nous retrouvons ainsi à Lexington, un tout pour l’époque. Autant dire que malgré les écrans
petit patelin de Virginie – à ne pas confondre avec géants et les petites télés installées régulièrement
la grande ville du Kentucky –, fief de VMI, autre- dans les travées, 50 000 spectateurs n’ont pas vu
ment dit Virginia Military Institute, une école mi- grand-chose de ce qui s’est passé sur le terrain.
litaire dont l’équipe de basket évolue en Division I Par curiosité, je grimpe tout en haut des gradins.
NCAA et sort tous les quatre, cinq ans, de bons Le parquet ? À peine de la taille d’un ticket de mé-
joueurs du circuit. Mais à VMI, on ne rigole pas. tro… Un gars me montre son ticket justement. Il y
C’est la boule à zéro pour les étudiants et des ves- est indiqué pudiquement : «distant vision !»
tiaires quelque peu spartiates, avec notamment Grâce à Pierre Dao, nous sommes en loges VIP
toute une longueur de toilettes, sans porte, en face avec bar, canapé et télés à gogo. Classe certes,
des bancs ! On partage tout à VMI. Surtout l’in- mais on ne ressent rien du match. L’image la plus
timité. Deux jours après, nous sommes dans un forte de la soirée sera le retour des vaincus, ceux
autre monde. Nous passons soudainement de l’am- de Syracuse, à leur hôtel. Lorsque les joueurs des-
biance de l’Allemagne de l’Est à celle d’Hollywood. cendent de leur bus, une haie d’honneur immense
Bienvenue à Chapel Hill, North Carolina, l’antre se fait alors. Tous, flanqués de leur sweet ciglé
des Tar Heels de Dean Smith et sa salle ultra mo- Syracuse University, leur réservent une ovation
derne de 21 750 places. Nous sommes scotchés. puis scandent d’une même voix sourde et puis-
Pour nous, Français, c’est un stade de foot. Trois sante : «We are S.U. ! We are S.U.» J’en ai encore
heures avant le match, des membres du staff nous des frissons aujourd’hui.
Chaque mois, Didier Le Corre, journaliste presse écrite et consultant télé des
années 1980 à 2000, fondateur de Maxi-Basket, Sport Action Basket, Basket Hebdo,
BasketNews et consultant pour Eurosport, Pathé Sport, Canal+ et Sport+, nous raconte
un événement majeur de l’histoire récente du basket sous forme d’une anecdote.
6
AB CAMPS FÊTE SES 30 ANS !
AB CAMPS est une véritable institution du Haut-Rhin dans l’organisation de stages d’initiation,
de perfectionnement et d’élite. Après avoir accueilli 600 stagiaires en 2021, l’édition 2022, qui
célèbre les 30 ans du programme, s’annonce exceptionnelle. Au programme, des stages «Élite»
pour les jeunes de 14 à 20 ans, et des sessions «Avenirs/Espoirs» pour les jeunes de 7 à 14 ans.
Au total, ce sont 11 sessions programmées entre le 10 juillet et le 12 août.
7
En vue
NADIR HIFI
LA RÉVÉLATION
Inconnu du grand public en début de saison, le talentueux
combo français (1,90 m, 19 ans) s’est imposé en quelques
matches comme indispensable au Portel.
PAR YANN CASSEVILLE
“
Putain, je fais le con…»
En ce mois de février
2019, seule cette pensée
rebondit dans l’esprit de
Nadir Hifi. Le ballon, lui,
ne danse plus. L’ado de 16 ans
vient de quitter le centre de for-
mation de Lille. «Avec le coach,
ça ne passait pas, il pensait que
j’étais un meneur gestionnaire,
et j’avais un comportement pas
très cadré.» Il rentre dans sa fa-
mille à Strasbourg. «Là, je me re-
mets en question. Je me dis : je
n’ai plus rien, plus de lycée, plus
de club, alors que d’autres vont
se présenter à la draft dans deux
ans.» Pour repartir de l’avant, il
puise dans sa passion du jeu. «Je
suis amoureux de ce sport», in-
siste-t-il. «T’as commencé à 6
ans, tu en as 16, tu vas abandon-
ner maintenant, après dix ans ?
Moi, je ne vais pas lâcher. Je ne
peux pas.» Trois ans plus tard,
le voici aujourd’hui signataire
d’un premier contrat pro, et jo-
ker inattendu du Portel dans sa
lutte pour le maintien. «Tout est
allé vite : je suis entré sur le ter-
Pauline Ledez/ESSM-Lnb Center
LONGTEMPS
SOUS LES RADARS
À voir ses instincts offensifs, on de sélection régionale, ni même donc le pôle, le Creps, tout m’est
pourrait croire que ce combo départementale. Question de passé sous les yeux.» Avec les
guard, né à Strasbourg le 16 niveau ? L’intéressé avance de jeunes de la SIG, il parvient tout
juillet 2002, vient d’une famille lui-même une autre piste : «À de même jusqu’aux U15 France
où l’on manie le ballon. «Non, il l’époque, mon comportement et, redoublant d’effort à l’école,
n’y aucun lien familial», s’amuse- n’était pas forcément bon. s’ouvre les portes du centre de
t-il. Seulement une salle en face J’étais encore un gamin, je Lille. Avant le retour à la case
du domicile. Nadir Hifi est long- m’amusais, je ne réalisais pas. Et départ en cet hiver 2019.
temps passé sous les radars. Pas je ne travaillais pas bien à l’école, Il termine la saison en s’entraî-
8
nant avec Souffelweyersheim tu ne peux pas baisser ton ni-
en N1 et l’équipe de N3 de veau. Je ne peux pas le décevoir.
Strasbourg, où il livre ensuite Je suis reconnaissant, je voudrais
une année pleine en 2019-20, au- le remercier.»
tour des 15 points de moyenne. Médaillé de bronze à l’Afro-
Avec ses agents, Olivier Mazet Basket U16 en 2017 avec l’Algé-
et Emmanuel Esso, il vise le
niveau espoir et convainc Le l’ESSM s’enlise à la dernière
Portel. À l’ESSM, il devient la sai- place. Éric Girard remplace
son passée le meilleur marqueur Serge Crevecoeur sur le banc, et “JE ME SUIS DIT : J’AI 16 ANS, JE
du championnat (21 points). dès le troisième match, à Dijon,
donne 12 minutes à Hifi, qui n’en
N’AI PLUS RIEN, PLUS DE LYCÉE,
avait cumulé que 14 jusque-là. PLUS DE CLUB. PUTAIN, JE FAIS
INTERNATIONAL L’espoir inscrit 8 points. Suivront
ALGÉRIEN 9 contre Strasbourg, 15 face à LE CON…” Nadir Hifi
Pour 2021-22, il était prévu que Roanne, 14 à Pau… Souvent,
le gaucher continue son déve- les jeunes, par peur de l’erreur,
loppement en espoir. Ce qu’il restent discrets. Lui ose. «Je rie (origines parentales), Hifi a
a commencé par faire : le top- suis quelqu’un de très confiant, été sélectionné en A. «Un hon-
scoreur s’est mué en meilleur et mes coéquipiers m’ont mis neur». Mais avant de penser à
passeur de la division, grimpant à l’aise : tu sais ce que tu dois la suite, il veut rester concentrer
d’1,5 à 7,5 passes. «La saison der- faire.» sur le présent, et le maintien de
nière, j’étais poste 2, on me de- Avec Girard, Le Portel retrouve l’ESSM dans l’élite, qui semblait
mandait de marquer, on m’a la victoire et Hifi, avec plus de illusoire en décembre. «Nous, on
collé cette étiquette de scoreur. 20 minutes par match, devient y croit, nos supporters aussi. Les
Cette saison, le projet était de pro. «Éric m’a fait passer ce cap. autres, on s’en fout. On n’aura
passer au poste 1.» Il est derrière moi tous les jours. pas de cadeau.» Nadir Hifi le sait
En parallèle, en Betclic Élite, Son exigence est si élevée que bien.
arrêtes le basket… Ici, comme on n’est pas nom- 18 ans, Académicien esport et sportif
breux en cours, ça nous laisse le temps de poser «Depuis que je suis à l’Academy, j’ai le senti- 400 logements
des questions, de s’intéresser aux différents su- ment d’avoir évolué en tant que joueur mais sur le campus
jets, d’avoir une bonne relation avec les profs.» aussi en tant que personne.»
10
ZOOM SUR L’APPRENTISSAGE !
Pour répondre davantage à la promesse faite
par l’Academy «Come to our Academy and get
a job !», l’organisme «TPAA FORMATION» a
été créé. Il propose des cursus en apprentis-
sage, qui permettent de préparer un diplôme,
pratiquer et améliorer ses compétences dans
sa passion, tout en rentrant dans la vie active
par l’intermédiaire d’un contrat de travail dans
un club ou une entreprise partenaire !
Vous êtes passionné(e), souhaitez devenir en-
traineur, travailler dans l’encadrement sportif,
ou vous êtes attiré(e) par les métiers commer-
ciaux ? Il y a forcément un projet pour vous à
Matt Pokora
la Tony Parker Adéquat Academy ! DES RENCONTRES MARQUANTES (chanteur et
L’Academy place la passion au service de l’édu- acteur) lors d'une
L’ACADEMY, C’EST POUR QUI ? cation et l’entreprise au cœur du quotidien. intervention à
L’Academy s’adresse à tous les passionnés, Tout au long de l’année scolaire, des confé- la Tony Parker
jeunes filles et garçons, à partir de 15 ans, rences et temps d’échange sont organisés, Adéquat Academy
en 2021.
Français et Internationaux (enseignement en comme autant d’opportunités d’échanger avec
français et anglais). Du niveau Seconde au bac différentes personnalités aux carrières et par-
+5, elle propose une offre variée et adaptée cours variés. Un moyen pour les Académiciens
aux profils de chacun. de se questionner sur leur projet profession-
nel, s’inspirer des profils qu’ils rencontrent et
Les formations : apprendre à travers le partage d’expérience.
– Lycée (bac général et technologique) Les Académiciens ont notamment rencontré et
– Prep year échangé avec Jean-Michel Aulas (Président OL
– Gap year Groupe), Jérémy Frérot (chanteur), Gauthier
– BPJeps (alternance ou initial) Mvumbi (handballeur), Elisabeth Moreno
– Chargé(e) de Clientèle - Bac +2 (alternance) (Ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes,
– Global BBA avec l’emlyon - Bac +4 à la Diversité et à l’Égalité des chances), Vince
Balse (pianiste et chef d’orchestre), Michael
Peters (CEO Euronews), Matt Pokora (chan-
teur et acteur)…
TONY PARKER
“S’OCCUPER
DE TOUS !”
«Les différentes expériences que
j’ai pu avoir m’ont amené à pen-
UNE JOURNÉE TYPE,
ser une Academy qui mette tout en
RACONTÉE PAR AURANE
œuvre pour permettre à chacun de
17 ans, Académicienne basket
vivre pleinement sa passion, sans
«Dans une journée type, je me lève à 7h, je
jamais renoncer à un avenir pro-
prends mon petit-déjeuner puis je vais en
fessionnel solide. Je veux bien sûr
cours. En fin de matinée, soit j’ai du soutien
m’occuper des 5% de jeunes qui se-
scolaire, soit un temps basket de travail indi-
ront joueurs professionnels, mais je
viduel. L’après-midi, j’ai deux heures de cours
veux aussi m’occuper des 95% qui
puis entrainement collectif. Le soir, je mange à
ne pourront pas. J’ai vu beaucoup
la cantine, puis on a du temps libre pour faire
de sportifs qui n’arrivaient pas être
nos devoirs ou une activité avec les autres
professionnels et qui étaient laissés
Académiciens. On s’entend tous très bien, on
seuls, abandonnés.»
rigole ensemble. J’aime l’entraide entre nous. »
11
3x3
MEHDY NGOUAMA
DRIBBLER
POUR AVANCER
Mehdy Ngouama (1,88 m, 26 ans) a connu la rue et aujourd’hui,
grâce au 3x3, le voici en équipe de France. Pas une revanche :
un parcours. Certes cabossé, mais c’est le sien.
PAR YANN CASSEVILLE, À PARIS
I
l en faut du courage, pour planter son immédiatement à sa mère. «La situation était
regard dans celui d’un journaliste que délicate aussi pour elle, une femme seule qui
vous rencontrez pour la première fois et élevait quatre enfants dont un à l’hôpital.» Il
lui raconter l’un des moments les plus s’en sort et peut reprendre le basket, qu’il avait
sombres de votre parcours : «En ren- dû arrêter un an.
trant des États-Unis, je dormais dehors. J’étais Plutôt que ses qualités intrinsèques, ses en-
SDF.» À cet instant précis, l’interview va au- traîneurs notent son physique frêle. «J’ai vu
delà de ces quelques mots. Dans les yeux de pas mal de portes se fermer. Avant que je parte
Mehdy Ngouama, on peut lire bien des émo- aux États-Unis, mon coach m’a dit : tu finiras
tions. De la sincérité, désarmante. Une frac- en N2.» En 2014, à 19 ans, après une bonne
ture, reste d’une douleur. Et ce courage, chez saison espoir à Nancy, il traverse l’Atlantique
ceux qui, parce que leurs fêlures passées les et rejoint un Junior College floridien. «J’ai eu
cette chance d’aller aux États-Unis, et d’où
je viens, la banlieue, le quartier, ce n’est pas
donné à tout le monde, j’ai essayé d’en pro-
“PAR ORGUEIL, JE N’OSAIS PAS DEMANDER fiter.» Et de croire en son rêve américain, lui
DE L’AIDE AUX GENS. J’AI PRIS SUR MOI, dont le profil de meneur puncheur «se traduit
plus» aux États-Unis. Mais «ça n’a pas fonc-
COMME J’AI TOUJOURS FAIT.” tionné». Changement d’environnement, phy-
sique, problèmes administratifs…
ont endurcis, osent désormais en parler, se Après deux ans outre-Atlantique, les charges
montrer à nu. Pas pour demander la pitié, scolaires ne sont pas prises en compte alors
pas pour faire du misérabilisme, simplement qu’il comptait vivre une saison redshirt à la
parce que cela fait partie de leur parcours. fac d’Alabama State, et il rentre en France.
Chacun ses bagages, et certains pèsent plus «Là, je réalise que j’ai tout perdu. Les gars du
que d’autres. C’est ça aussi, la vie. Celle de quartier viennent à l’aéroport et me disent que
Mehdy Ngouama décrit un homme qui dribble, ma mère n’est plus ici. Je pensais avoir un chez
malgré les rebonds capricieux, car c’est sa fa-
çon d’avancer.
L’INTERNATIONAL DU MOIS, PAR
12
«On a stabilisé la situation, mais je n’étais
pas heureux, j’avais l’impression d’avoir aban-
donné quelque chose.» Après un an sans jouer,
le basket se rappelle à lui, grâce à Guerschon
Yabusele. «Il n’avait plus de nouvelles, j’avais
coupé mon téléphone, il a appelé ses contacts
pour m’aider. Il m’a remotivé.» Cette flamme
pour le jeu qui brûle en lui ne demande qu’à
repartir. Il la sent, un jour d’un-contre-un avec
son frère. «L’intensité est revenue d’un coup.
Ça avait beau être mon petit frère, je lui en ai
mis plein la gueule ! Mais il voulait ça, il était
attristé pour moi. Il a su me relever.» Puis il cite
sa femme, Yabusele… «Tous ceux qui m’ont re-
levé. J’essaie de les rendre fiers aujourd’hui.»
Ngouama lance sa carrière en Pro B, à Denain,
Vichy-Clermont puis Souffelweyersheim,
avant de grimper à Nanterre. «De la Pro B
à l’Eurocup, ce n’est pas rien !» Mais lui qui,
en jeunes, a souvent été la première option,
a soif de responsabilités, qu’il espère trouver
au Portel. Après un an et demi, l’aventure nor-
diste a pris fin en février. «La relation avec Éric
Girard était compliquée. Là-bas, je ne me sen-
tais pas bien, j’avais besoin de respirer, j’ai dé-
cidé de partir.»
Pour l’avenir, il rêve d’Espagne. «En France,
Tom Dufour/FFBB
13
LAURENT SCIARRA
“LE BON COACH
EST CELUI QUI
EST PRÊT À TUER
POUR SES JOUEURS”
En 2017, Évreux officialisait le départ de Laurent Sciarra,
désireux de quitter son poste à cause de rapports conflictuels
avec ses joueurs. Retiré du monde du basket depuis, l’ancien
meneur des Bleus a surpris cet été en reprenant les destinées
de Hyères-Toulon en Nationale 2. Lui qui se confie rarement
a accepté de le faire à notre micro. Du Sciarra dans le texte !
PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE LACOSTE, à Hyères • PHOTOS : 8ÈME ART STUDIO
P
lus de quatre ans après votre der- Coacher en Pro B ou en N2, est-ce le même
nière expérience sur un banc, à métier ?
Évreux, pourquoi avoir soudaine- (Il hésite) Oui, c’est la même chose. Après… (Long
ment décidé de replonger, en N2, silence) Comment le formuler ? On a des gar-
en septembre dernier ? çons qui arrivent à se satisfaire avec pas grand-
Parce que Vincent Chetail a démissionné, tout chose, manquent un peu d’ambition, de régu-
simplement. William (Dumas, le GM) m’a de- larité, même beaucoup. Je vois des mecs qui
mandé si je voulais filer un coup de main. On ont été bons contre nous, les cinq matches sui-
a discuté deux jours avec le président Garcia vants, c’est négatif à l’évaluation. Voilà. Après, je
et j’ai dit oui. n’ai pas adapté les entraînements que je faisais
en Pro B mais ces quatre années m’ont peut-
On ne savait pas si vous aviez envie de reve- être permis de relativiser sur certaines choses
nir aux affaires… où j’étais un peu fermé avant, un peu marche
(Il coupe) Non. Mais là, c’est mon club forma- ou crève. J’ai remodelé mon discours.
teur, le club et la ville qui m’ont permis d’avoir
été le joueur que j’ai été et l’homme que je Il y a dix ans, vous aviez refusé de rester à
suis. J’étais à la création du HTV en 1990 ! Vichy en disant que vous ne vous voyiez pas
Avec William, on se connaît depuis 30 ans. Ce coacher en N1, un championnat que vous ne
n’était pas prévu de reprendre le coaching, ça connaissiez pas. La réflexion a été différente
s’est fait comme ça et avec le recul, je me de- avec le HTV ?
mande si ce n’est pas mieux ainsi. Tu te jettes C’est un contexte différent. Je ne faisais rien
dans l’aventure sans trop y penser. depuis quatre ans, j’ai refusé des choses car je
14
15
n’avais pas envie de replonger pour tout un tas
de raisons. Parce que… (Il souffle) Parce que le
JFL dans ce qu’il représente me fatigue, voilà.
Je ne suis pas sûr qu’on rende service aux mecs.
Qu’on veuille protéger le joueur français, c’est
bien. Mais il ne faut pas penser qu’à prendre et
j’ai l’impression que des mecs ne pensent qu’à
prendre. Il y a un petit micro-marché, quoiqu’il pour ça. Peut-être que j’ai une vision arrêtée
arrive les mecs retrouveront du taf, qu’ils soient sur le basket qui n’est pas adaptable ou adap-
bons ou pas. Moi, ça me gonfle. Tu mets des tée à ces mecs. Je n’aime pas trop employer le
clubs, des salariés, des bénévoles en péril parce terme de générations. Mais peut-être !
que toi, tu penses que t’es au-dessus. Eh non !
Si t’es si fort que ça, pourquoi tu pars pas à N’êtes-vous pas resté sur une vision d’il y a
l’étranger ? Je trouve ça limite. Donc moi, je vingt ans pendant que les mentalités ont
suis un fou passionné et je dois me mettre au évolué ?
niveau de ces gars ? Eh non, non, non. Donc j’ai Quand on a la chance de se voir avec les
décidé de faire une autre vie. Et le HTV, c’est rares anciens, ça revient souvent dans nos
un concours de circonstances. discussions : «Mais putain, nous, nos coaches
n’avaient pas besoin de faire 36 000 speechs.
Qu’avez-vous fait pendant quatre ans ? Ils appuyaient sur un bouton et on partait
Plein d’autres choses ! J’ai continué à suivre le comme des bons soldats.» Maintenant les
basket car c’est ma passion. J’allais voir des mecs, il faut faire attention à ce que tu leur
matches à Antibes, à Monaco et même au HTV. dis, à leur temps de jeu, aux jours de repos.
16
coach, il y a des moments où tu frises la folie, eux, je ne suis rien. Alain Weisz m’a dit un truc
parce que ça t’échappe un peu. Il faut faire en très juste quand on rentrait des JO (2000).
sorte que ça t’échappe le moins possible. Parce «Tu sais ce qu’est un bon entraîneur ? Y a deux
qu’à la différence d’autres entraîneurs, quand colonnes : victoire, défaite. Il faut gagner plus
t’as connu ce que j’ai connu comme joueur et de matches que t’en perds.» Il a raison ! Tout
que ça te paraît tellement évident, tu te dis : le monde rêve de faire un beau basket, rêve
«Mais comment il ne voit pas ce mismatch ?!» d’extra-passes, na-na-na-na... Mais dans le
Malheureusement, tu ne pourras pas les chan- basket actuel, quand des postes 4-5 sont ca-
ger, ils sont comme ça. Et malheureusement, pables de tenir des petits en un-contre-un,
on ne pourra pas tous entraîner les 18 clubs vas-y. L’extra-passe de l’extra-passe, mon œil.
d’Euroleague ou de Betclic Élite. Moi, le tech- L’important, c’est de gagner. Si tu peux ga-
nicien, c’est quelque chose, mais je suis sur- gner en jouant bien, c’est mieux !
tout heureux en tant qu’homme. Le reste…
Vous épanouissez-vous dans ce métier ?
Vous dites qu’on ne peut pas tous entraîner les Ouais ouais, ça va. Après, si ça m’avait gonflé…
18 clubs de Betclic Élite. En Lituanie, Šarūnas Je fais 250 kilomètres tous les jours pour venir
Jasikevičius s’est vu confier les clés du plus entraîner mes gars. Si je ne trouve pas de plai-
grand club du pays, Kaunas, dès ses débuts sir, j’arrête. Moi, ça reste ma passion, mon kif.
dans le coaching. Si je ne vois pas de la joie chez mes joueurs, je
On n’a pas la même carrière, il faut remettre reste chez moi. C’est ce que je leur dis souvent
les choses dans le contexte. Je n’étais pas fan quand ils m’énervent : «J’ai autre chose à faire
du joueur, pour plein de raisons. Mais quand que venir faire baby-sitter de luxe».
t’as gagné quatre fois l’Euroleague et que
t’es top, bravo. Mais voilà, peut-être que j’ai Vous avez souvent dit ne pas être fait pour
du mal à faire passer mon message. J’espère ce métier. Cette saison fait-elle évoluer votre
que les mecs que j’entraîne ici sont contents réflexion ?
du basket que l’on veut mettre en place. Les Sans mettre mes garçons plus beaux qu’ils
acteurs de ce jeu sont les joueurs. Moi sans ne le sont, c’est en grande partie grâce à eux.
17
C’est plaisant pour moi car j’ai un bon rapport le bon sens, hein. Extraordinaire. Avec sa du-
avec eux. Sinon, je ne vois pas l’intérêt. Ce qui reté, ses excès, son amour aussi. Mais je n’ai
me plaît est d’être avec les mecs : discuter, on compris qu’après. Pour moi, c’était un tel chan-
s’entraîne, on papote. Sinon… Évreux, Rouen, gement, une telle exigence… Il a ce côté exces-
j’étais peut-être un peu trop fermé, dur, exi- sif, passionnel. Certains voient même un peu
geant… (Il s’arrête) Je ne comprends pas qu’on de folie. Pour moi, le vrai bon coach est le mec
puisse dire en 2022 : «Putain, ce coach est trop qui est prêt à tuer pour toi. La question, c’est
exigeant». Je ne comprends pas. Je ne pense est-ce que toi t’es prêt à tuer pour lui ? Il te
pas ne pas être fait pour ça. Quand je vois le dit: «T’es prêt à tuer pour moi ? Moi, je suis
Daouda Condé heureux après avoir été hors prêt à tuer pour toi.» Et il te le répète avec du
de forme, qu’Elio Sadiku a repris du jus alors volume, et les yeux comme ça ! Je n’ai même
qu’il se posait des questions sur sa carrière, ça pas passé un an avec lui et je suis marqué de
me réjouit. Je me dis : «Merde, quelque part, la même couleur que la bouteille de Coca là
tu contribues à ça, c’est bien». (rouge). À vie. Des entretiens individuels, des
colères, du câlinage, des restos, boire un coup,
Vous inspirez-vous de coaches pour lesquels parler de ta famille... Il sait que ton fils est né
vous avez joué, comme Željko Obradović à et il t’envoie un cadeau alors que toute l’année,
Trévise ? il t’a mis des coups de râpe. Pareil, Panagiotis
Forcément, je regarde les autres mais je ne Giannakis, à un autre niveau. Un mec dur, exi-
m’arrête pas aux trucs techniques. Obradović, geant mais humainement, t’as envie de tuer
j’étais jeune… Il m’a mis un coup de poing dans pour lui. Les belles années de (Didier) Dobbels,
la gueule à tout niveau. Il m’a déstabilisé. Dans idem. Jacques (Monclar) aussi, dans un autre
18
va me dire : «Ils ont fait Ice, là ils sont passés
sous l’écran…» Mais on s’en bat les couilles !
Kiffe, mec, kiffe !
19
William Dumas,
le GM de Hyères- Ma Chaîne Sport, c’est le hold-up du siècle, il Que faudrait-il faire ?
Toulon, et se vexe. Depuis, qu’est-ce qu’on a récupéré ? Tu remets des gens compétents en place. Mais
Laurent Sciarra, Fiff, zéro. S’il y a un sport qui nous a écrasés, ils n’ont pas envie ! T’es fou toi, la bouffe est
le coach. c’est le rugby. Eux, ils ont accepté de jouer à bonne coco, personne va lâcher sa place, t’es
14h, à 17h et maintenant, ils ont les primes malade. Et on gagne, et on fait des résultats,
à 21h, des émissions. Ils ne se sont pas écar- et le Centre Fédéral n’a jamais gagné autant
tés de Canal. Nous, on est toujours allé au donc tout va bien. Tu mets Jean-Aimé Toupane
plus offrant. Quand tu fais ça, au bout d’un avec les filles. Non mais… Pourquoi tu ne mets
moment, tu te retrouves à poil. Les mecs le pas Cathy Melain, elle est bidon ? Pourquoi pas
savent et t’envoient zéro. On n’a pas fait ce la coach de Basket Landes (Julie Barennes),
elle est bidon ? Pareil, Valérie Garnier, tu la
jettes comme une malpropre... Et t’as mis qui ?!
Jean-Aimé Toupane, je veux bien savoir son
“NANDO DE COLO VA TERMINER DANS LE pourcentage de victoires au Centre Fédéral.
TOP HISTORIQUE DE L’EUROLEAGUE, ET Je n’ai rien contre Jean-Aimé mais ce n’est
pas cohérent, il n’a jamais coaché de basket
NOUS EN FRANCE, ON SE TIRE LA PIGE SUR féminin. Mais c’est comme ça tout le temps !
D’AUTRES. IL N’EST PAS BANKABLE, MAIS IL Votre parole est extrêmement rare. Pourquoi ?
S’EN FOUT.” C’est un choix. J’en ai assez dit et au bout d’un
moment, c’est toujours le même discours qui
qu’il faut. Notre ligue n’est pas forte, on est revient. Je ne vois pas l’intérêt d’aller parler
à notre place. Le fou passionné que je suis, du basket français et des dirigeants qui ne me
ça me fait chier de ne pas voir l’Euroleague. font pas rêver la nuit. Et je ne peux pas chan-
Par contre, ne pas voir les matches de Betclic, ger le système car je n’ai ni l’envie ni les armes.
je m’en bats les rouleaux. On a la chance que
les équipes de France brillent, on n’a jamais eu On manque de voix dissonantes…
des clubs autant armés financièrement. Les Tant pis. Mais c’est à l’image de la société
clubs ont travaillé. Et alors ? Il y a une force de non ? Donc tu devrais être content. J’espère
reconnaissance ? Non. C’est dommage. que t’auras passé un bon moment…
20
HYÈRES-TOULON
RETOUR VERS
LE FUTUR
Rétrogradé en N3 en 2018, le HTV, aujourd’hui en N2, renaît
progressivement de ses cendres. Avec un nouveau président,
Gilles Garcia, le club varois affiche de grandes ambitions.
PAR ALEXANDRE LACOSTE, à Hyères • PHOTOS : 8ÈME ART STUDIO
“
Il faut regarder l’Euroleague le mer- l’identité de leur nouveau coach. «Quand il a
credi ou le jeudi soir quand ça passe à signé, j’ai dû recevoir trente messages me sou-
la télévision et quand tu demandes, il haitant bonne chance», rigole Raphaël Wilson.
y en a un sur quinze qui te dit : Ouais, «Il est arrivé avec tous les a priori qu’on avait
j’ai regardé hier», tempêtait Laurent sur lui, on était sur la retenue au début.» Tous
Sciarra il y a dix ans au sujet de ses joueurs, ont vite été rassurés. L’international 3x3 dé-
alors à Vichy. Une conférence de presse culte, crit un coach ouvert à la discussion, attentif
visionnée plus de 450 000 fois sur Youtube. aux propositions et aux préférences de ses
Et forcément par ses actuels joueurs du joueurs. «Tout se passe bien, tout le monde
HTV… Il faut croire que ceux-ci ont retenu la est content.»
leçon : le capitaine Samba Dia a organisé plu- L’artisan du retour de Sciarra est un ami de
sieurs sorties d’équipe pour aller voir Monaco longue date, désormais manager général du
en Euroleague, contre le CSKA Moscou puis HTV, William Dumas. «Cette fois, tu ne peux
l’ASVEL. pas me dire non. Tu ne crois pas que c’est le mo-
Blague à part, les Hyérois n’étaient pas très ment ?», lui a-t-il écrit, en substance, fin août.
rassurés le 2 septembre quand fut annoncée «C’était une aberration qu’un tel passionné
22
reste dans son canapé à regarder l’Euroleague
en t’appelant pour commenter les matches»,
sourit-il. «Mais il lui fallait un vrai projet.» Ce
qui semble se dessiner à Hyères-Toulon.
UN BUDGET DE 800 000 €
Grand nom du basket français avec treize sai-
sons en Pro A à son actif, pratiquement rayé
de la carte en 2018 avec la cession des droits
sportifs à Paris – qui continue d’assumer le
redressement judiciaire, quand bien même le
club varois regrette «qu’il y ait eu pas mal de
trucs oubliés dans les tiroirs, comme 80 000 €
de factures impayées la première année» –,
le HTV est reparti en Nationale 3. «On a fait Gilles Garcia, le un peu plus réservé. Une fois en N1, il faudrait
table rase du passé et des gens qui étaient là président du HTV. tutoyer le haut de tableau en deux ans.» D’ici
pour ne pas retomber dans les mêmes travers», là, pratiquement assuré de terminer premier
explique William Dumas. «Il a fallu cravacher, de sa poule de N2 (trois victoires d’avance à
trouver quelqu’un qui croyait en notre projet cinq journées de la fin), le HTV jouera sa sai-
et qui pouvait apporter financièrement ce que son au cours d’une série de playoffs en mai.
le HTV n’a jamais eu en trente ans.»
L’homme providentiel se nomme Gilles Garcia,
directeur général du Groupe Loudane, spé- “LE CLUB EST MIEUX
cialisé dans le transport sanitaire et funé- ORGANISÉ QU’EN PRO A”
raire. Si d’autres personnes étaient intéres- Demeure cette impression générale d’être
sées, comme Mourad Boudjellal, ancien taulier potentiellement aux prémices d’une nouvelle
du rugby toulonnais, le nouvel homme fort du belle histoire. Dans sa configuration actuelle,
HTV a décidé de plonger seul dans l’aventure l’Espace 3000 fait pratiquement le plein avec
en juin 2021. «L’arrivée de Gilles a impulsé un 1 200 spectateurs en moyenne, dont le retour
virage à 180 degrés», souffle le GM. progressif des vieilles gloires, signe d’un fré-
Ex-sponsor maillot du RCT, le groupe Loudane missement autour du HTV. «D’ailleurs, Vincent
Masingue me disait que le club est mieux orga-
nisé qu’en Pro A, que les joueurs sont mieux lo-
tis qu’eux à l’époque», assure William Dumas.
“JE VOUDRAIS STABILISER LE CLUB EN PRO B, Une question continue de rester en suspens :
combien de temps restera Laurent Sciarra ?
ET RETROUVER L’ÉLITE D’ICI CINQ À SIX ANS.” Celui qui a été élu meilleur joueur français de
Gilles Garcia l’histoire du club a refusé de s’engager sur la
durée et laisse planer le doute quant à son
a déjà placé le HTV parmi les places fortes fi- avenir. «Il est tellement dans son truc pour
nancières de la N2, avec un budget estimé à l’instant», justifie William Dumas. «Quand
800 000 €. Le tout au service de très hautes j’essaye de lui en parler, il me dit qu’on verra à
aspirations. «Je suis un homme pressé», ad- la fin de la saison. Mais il s’est vite repris au jeu.
met le président Garcia. «Mais on peut être S’il remettait les pieds dans le basket, je savais
pressé et bâtir malgré tout. On essaye de se que ce serait à 220 %.» D’autant que pour la
structurer pour passer des étapes. J’aimerais première fois depuis 2006, le HTV a récem-
retrouver l’élite d’ici cinq à six ans. Il faut que ment changé d’identité visuelle. Le nouveau
l’on soit en N1 dès l’année prochaine afin de logo met désormais en valeur un flamant rose,
viser la montée directement. C’est en Pro B au lieu d’un dauphin auparavant. Car comme
que je voudrais stabiliser le club. » À ses cô- le veut l’adage popularisé par Sciarra : «D’un
tés, son GM nuance. «Avec Laurent, on est dauphin, t’en fais pas un requin».
23
ADÉQUAT CHALLENGE TOUR
ADÉQUAT S’ENGAGE
POUR L’ÉDUCATION ET
L’EMPLOI DES JEUNES
Adéquat, leader de l’intérim & du recrutement, lance sa
grande tournée «Adéquat Challenge Tour» parrainée par Tony
Parker, une série d’événements pour les 15-25 ans dans 4 villes
de France associant études, sport et emploi.
B
asée sur un concept ment, nos agences, les grandes
novateur alliant entreprises du bassin géogra-
passion du sport phique, les clubs de baskets ainsi
et emploi, la Tony que tout l’écosystème de l’em-
Parker Adéquat ploi local. Nous proposons une
Academy créée à Lyon en 2019 journée spéciale d’animation et
permet à de jeunes passion- d’apprentissage avec de beaux
nés de basket et d’e-sport d’al- défis. Tony Parker, qui a renou-
lier passion et études tout en velé son soutien à la Tony Parker
construisant leur projet pro- Adéquat Academy, est parrain
fessionnel avec la promesse de l’événement».
d’un job à la clé. En tant que
cofondateur, Adéquat y contri-
bue comme expert du recrute-
ment et de l’insertion profes-
sionnelle mais aussi comme À LA CLÉ
formateur. Convaincu du suc-
- Pour les 15-18 ans : deux
cès de ce concept et du rôle du
places pour une bourse
sport comme découvreur de ta-
de trois années d’études
lents et ambassadeur de l’éga-
à la Tony Parker Adéquat
lité des chances, Adéquat a dé-
Academy de Lyon.
cidé d’organiser au printemps
2022 une tournée nommée - Pour les 18-25 ans,
«Adéquat Challenge Tour» dans un premier emploi près
Infinity Nine Media
Cette initiative exprime nos valeurs, notre enthousiasme et notre souhait d’accompagner
les entreprises à trouver des profils de candidats motivés et doués de soft skills très recherchées,
que le sport collectif tel que le basket révèle souvent de façon évidente.
24
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passionné(e) ans ?
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Participe à notre challenge Academy, parrainé par Tony
Parker !
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13Toulouse
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Toulouse
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L
e parc des arenas en France, reprochée depuis des semaines par
en comparaison à ses voisins Evan Fournier, Nicolas Batum et les
européens, est affligeant de défenseurs du basket, part de l’état la-
pauvreté. On voudrait bien mentable du parc d’infrastructures. Le
y aller moins fort, mais les basket ne le sait que trop bien, ayant
faits sont têtus. Prenez la capitale, vu nombre de projets d’arenas mort-
Paris : seule existe l’Accor Arena de nés, à Cholet, Dunkerque, Limoges…
Bercy – qui date de 1984. Aux JO de Pour autant, des chantiers aboutissent.
Paris 2024, cette enceinte étant tout 2023 marquera l’arrivée de l’arena à
d’abord occupée par la gymnastique Porte de la Chapelle – même si la jauge,
artistique et le trampoline, le basket, 8 000 places dans une région de 12 mil-
pour sa phase de poule, sera envoyé lions d’habitants, interroge –, qui donne
dans un hangar, également appelé Hall l’espoir d’un grand club parisien. Suivra
6 du Parc des Expositions. Pourquoi l’écrin flambant neuf de l’ASVEL, qui al-
pas à l’arena Porte de la Chapelle, ternera alors entre l’Astroballe et l’arena.
qui sortira de terre en 2023, avec le Caen, en 2023, investira son Palais des
Paris Basketball en club résident ? Car Sports de 4 200 places, remplaçant l’ac-
celle-ci sera le théâtre du badminton tuel, vieux d’un demi-siècle. Strasbourg
et de la gym rythmique. Bienvenue espère sa nouvelle salle (8 200 places)
en France, où le problème, au-delà pour l’été 2024, Quimper son Palais des
de l’incompétence des organisateurs Sports (3 500 places) pour 2025. Tout
comme Boulogne-Billancourt (5 000
places). Mais en attendant leur poten-
tiel nouvel outil, les Metropolitans vont
quitter Levallois la saison prochaine pour
Issy-les-Moulineaux et sa salle de 1 700
places… Encore un raté.
Nous avons préféré consacrer ce dos-
sier aux avancées concrètes, aux nou-
velles enceintes déjà livrées ou qui le
seront dans moins d’un an : Orléans,
Reims, Poitiers et Saint-Chamond.
26
CAEN
Palais des sports
REIMS
Reims Arena STRASBOURG
4 200 places PARIS BOULOGNE 5 500 places Crédit Mutuel
Livraison : Arena 5 000 places
Alice-Milliat Livraison : Forum
septembre 2023 Livraison :
8 000 places
février 2022 8 200 places
2025 ?
Livraison : Livraison :
été 2023 2024
ORLÉANS
CO’Met
10 000 places
Livraison :
janvier 2023
POITIERS
Arena
Futuroscope
5 250 places
Livraison :
avril 2022
LYON
(Décines)
SAINT-CHAMOND LDLC Arena
Arena Saint-Étienne 13 000 places
Métropole Livraison :
4 200 places 2023
Livraison :
avril 2022
27
Dossier
Orléans
OLIVIER ROUET
“IL Y A DE L’EXCITATION”
À Orléans, l’arena sportive d’une capacité maximale de
10 000 places, dernier étage du projet CO’Met, qui réunit
également Zénith, Palais des Congrès et Parc des Expositions,
ouvrira en janvier 2023. L’OLB en sera son club résident,
bénéficiant également d’une salle annexe pour l’entraînement
et de bureaux. Interview du nouveau président du club, Olivier
Rouet, qui a suivi le chantier de près, étant revenu en ville
en 2009 comme chef de projet arena.
L
e club investi- parler aujourd’hui, mais pendant VIP. C’est un élément important,
ra-t-il l’arena dès deux ans, c’était plus rock’n’roll cela donne une capacité récep-
l’ouverture ? de garantir que ce serait livré tive d’un peu plus de 20 %. On
Cette question n’est dans les délais. pourra proposer des niveaux de
pas tranchée au- prestations vraiment différents
jourd’hui, elle le sera à l’intersai- L’arena propose une jauge à de ce que l’on peut trouver dans
son. Est-ce un déménagement 5 000 places et une autre à les salles habituelles en France.
intégral ? Progressif ? C’est un 10 000 ?
sujet qui devait être anticipé dif- Oui, c’est deux salles en une. L’OLB va donc démarrer à 5 200
féremment, mais la crise n’a pas Quand on réunit les gradins avant de viser les 10 000 ?
aidé. C’était lié au risque de li- bas et l’anneau de loges priva- Passer de 3 200, la jauge actuelle,
vraison de l’équipement. Il n’y a tives, on est sur une capacité de à 5 200, est à la fois une ambition
pas eu d’aléas négatifs dans la 5 200 places, ce qui est déjà une positive et audacieuse. Quand le
construction, et c’est facile d’en belle jauge. Dont 1 200 places club a joué l’Euroleague au Zénith,
28
la jauge était de 6 000, avec un
public plutôt orienté basket. La
vocation de l’arena est aussi de
capter un public différent. Le bas-
ket n’est pas étroit en termes de
marché. Dans les tribunes, on
a beaucoup de femmes, de fa-
milles. C’est un sport attractif, nale, dont le bassin de popula-
et quand on le couple avec un ef- tion est de 420 000 personnes,
fet de nouveauté, et notamment “LA VOCATION DE L’ARENA et je ne parle pas de la zone de
de nouveaux services qui auront EST AUSSI DE CAPTER UN chalandise, qui peut s’étendre
vocation à fidéliser des gens qui jusqu’au sud de l’Île-de-France.
viendront peut-être voir le spec- PUBLIC DIFFÉRENT.” Il y a un tissu économique local,
tacle plus que le basket au dé- de très belles entreprises fran-
part, c’est l’occasion de leur dé- l’environnement. On ne va pas çaises et étrangères impliquées
montrer qu’en associant les deux, s’inhiber parce qu’on a de beaux ici. La volonté du club, avec cet
on peut devenir un spectateur ou jours qui s’annoncent et que le outil, est de renforcer ce sta-
une entreprise fidèle toute la sai- meilleur est à venir, il ne man- tut de marque territoriale. Ça
son. Cela dit, cela ne se fait pas querait plus que ça ! C’est d’au- doit être un outil qui permette
en claquant des doigts. Il peut y tant moins le cas que le groupe de rassembler l’ensemble des
avoir des effets d’engouement, ce a conscience des enjeux et est acteurs économiques, privés et
qui compte est de s’inscrire dans pleinement mobilisé sur l’objec- publics. Quand les entreprises
la durée. 5 200 est un objectif tif maintien. Ils ont une frustra- viennent visiter, elles voient un
réaliste mais néanmoins ambi- tion, avec l’enchaînement des bel écrin dans lequel elles auront
tieux, et viendra le moment où blessures, ils n’ont pas pu mon- plaisir à s’afficher. L’association
on s’interrogera. Si on doit gérer trer leur vraie valeur. OLB a plus de 520 licenciés, c’est
le succès, ce ne sera pas compli- un des dix plus gros clubs fran-
qué ! (Il rit) Une arena moderne, au cœur çais. Il y a de nombreux clubs
d’une ville de 115 000 habi- autour, c’est une région avec
En sortie de crise, l’OLB affiche tants, avec un public basket, un nombre de licenciés impor-
un budget autour de 4 M€. Avec sans la concurrence du foot, du tants. On ressent de l’envie.
l’arena, vous pourrez cibler les 6 rugby ou du hand : les éléments Et avec tout ce qu’on a connu
M€, qui semblent un prérequis sont réunis pour qu’Orléans re- comme frustration à cause du
pour viser le Top 8 sur la durée ? devienne une place forte du bas- virus, peut-être que ça arrive au
La réponse est oui. Mais il faut ket français ? bon moment. Il y a de l’excita-
le faire de façon progressive. On est dans une capitale régio- tion, de la curiosité positive.
C’est difficile d’intégrer la salle
dans une modification du mo-
dèle alors que l’on ne va pas dé-
buter la saison dans le nouvel
équipement, comme il sera livré
en milieu de saison. Nous joue-
rons des matches en 2023 dans
la nouvelle salle, mais ce ne sera
pas une saison intégrale. Le ren-
dez-vous sera plutôt en début de
saison 2023-24. La saison pro-
chaine doit être une saison de
transition. Quant au budget, si
on souhaite jouer la première
partie de tableau, il doit être de
l’ordre de 6 M€. C’est vers cette
cible que le club doit tendre.
Bouygues Batiment Centre Sud Ouest
29
Dossier
Reims
CHAMPAGNE
SANS BULLES ?
faire sur Châlons un lieu qui s’ap-
À Reims, une arena de 5 500 places en configuration sport pelle la Maison du basket départe-
vient d’ouvrir. Mais le Champagne Basket, balloté entre Reims mental, dans lequel on peut loger
les joueurs, avec des salles d’en-
et Châlons-en-Champagne, a peu de certitudes quand à son traînement. Les filles joueraient
avenir dans cette salle. à Châlons et la Betclic Élite à
l’arena. Et ça à partir de l’année
2. En année 1, on continuerait d’al-
terner entre l’arena et Châlons.»
Ce projet a été soumis aux res-
ponsables politiques. Dont la
décision sera décisive quant à
l’avenir du club, 16e budget de
l’élite (4 M€). «On est arrivé
dans une situation compliquée
pour garder notre place au plus
haut niveau», témoigne Gobillot.
«On est accompagné par les col-
lectivités avec des subventions
très correctes. Où on pèche,
c’est en partenariat privé, avec
les grosses entreprises, parce
que nous n’évoluons pas dans
des conditions confortables
type arena. Pour moi, c’est une
grande déception de voir un dé-
GL Evnets
E
Marne incapable de jouer le Top
lle est là. La Reims la moitié des matches dans une 8-10 du championnat. Il y a deux
Arena (5 500 places arena de 5 500 places et l’autre explications : ou le président du
pour les sports de moitié devant 2 200 spectateurs», club n’est pas bon, c’est possible,
salle) a été inaugu- reprend le dirigeant, qui a donc ou il n’y a pas de volonté locale.
rée fin février. Une exposé un projet aux deux villes L’envie, au club, on l’a, mais on
révolution pour le Champagne et différentes collectivités impli- ne peut pas faire de miracle. Les
Basket, qui alterne actuellement
entre deux des quatre plus pe-
tites salles de l’élite (moins de
3 000 places au Complexe René- “ON A VISITÉ L’ARENA, ÇA FAIT RÊVER. MAIS LE RÊVE
Tys de Reims comme au Palais
des Sports de Châlons-en- EST UNE CHOSE, LA RÉALITÉ EN EST UNE AUTRE.”
Champagne) ? Pas si vite ! «On
a visité l’arena, ça fait rêver. Mais Michel Gobillot, président du Champagne Basket
le rêve est une chose, la réalité
en est une autre», calme Michel quées. «On a eu l’idée de créer le moyens financiers sont la clé de
Gobillot, président d’un club qui Champagne Basket pour s’an- la survie du Champagne Basket
n’a guère de certitudes quant à crer dans le territoire et jouer à dans l’arena. Il faut un budget
son avenir dans cette nouvelle l’arena. Mais on ne peut pas se de 6 M€, et je m’interroge sur
enceinte. Si ce n’est une : il n’en passer des subventions de la ville la capacité à les avoir, sauf s’il y
sera pas résident. de Châlons. On a imaginé fu- a une réelle prise de conscience
«On n’imagine pas, à terme, jouer sionné avec les filles de Reims, et du monde économique local.»
30
Dossier
Saint-Chamond
I
l reste ! Alors qu’il avait
précédemment annoncé
sa retraite pour l’été
2022, Alain Thinet, doyen
des entraîneurs de LNB
(68 ans), a décidé de repartir
pour un tour à Saint-Chamond,
qu’il dirige depuis 2010. Et la
sortie de terre de l’Arena Saint-
Étienne Métropole a joué dans
sa décision. «Tout le monde me
disait : ce serait dommage que
tu ne fasses pas un an dans la
nouvelle salle. Je l’ai visitée, et
au fond de moi, j’avais envie de
connaître ça», confie-t-il.
Officiellement, l’enceinte ou-
vrira en avril, mais les politiques
et dirigeants seraient d’accord
Saint-Étienne Métropole
pour que le club de basket,
qui en sera résident, démarre
l’aventure au moment du lan-
cement de la saison prochaine.
Et s’il avait lieu en première di- la métropole, la région. Cet ou- tuel 9e budget de Pro B (2,0 M€,
vision ? Alors que le club luttait til manquait dans la région sté- inférieur à la moyenne de la di-
pour son maintien en Pro B il phanoise. Le sportif a suivi, la vision, 2,4 M€), va voir sa ca-
y a un an, il fait aujourd’hui la montée en Pro B a accéléré les pacité d’accueil bondir d’envi-
course en tête du champion- ron 1 200 places à 4 200, mais
nat. «On ne se met pas de pres- pas seulement. La nouvelle
sion, la saison est déjà réussie. salle étant située entre Saint-
Mais on n’a pas envie de lâcher. “EN DEVENANT LE CLUB DE Chamond et Saint-Étienne, la
Entrer dans la salle au plus haut perspective d’attirer un autre
niveau serait la cerise sur le gâ- SAINT-ÉTIENNE MÉTROPOLE, public est grande. «Jusqu’à pré-
teau. Et même si le maintien se- ON VA PASSER D’UN BASSIN sent, on était confiné sur Saint-
rait compliqué, une montée, ça Chamond. À moyen terme, on va
ne se refuse pas.» DE 40 000 PERSONNES À UN devenir le club de Saint-Étienne
Quelle que soit la division, l’en- Métropole, passer d’un bassin de
trée dans la nouvelle salle mar-
BASSIN DE 400 000.” 40 000 personnes à 400 000.
quera une étape majeure dans Alain Thinet, coach de Saint-Chamond La Loire est un département
l’histoire du club, et l’aboutisse- basket, on a un potentiel public
ment d’un projet long de plus discussions, tout s’est enchaîné, intéressant. Avec des sponsors
de dix ans. «Quand je signe en on a réussi à avoir l’adhésion de qui suivent, des collectivités qui
2010, c’était déjà les prémices toutes les collectivités.» veulent faire vibrer cette arena,
d’échanges entre les mairies de En passant de son étroite Halle on a tous les atouts pour conti-
Saint-Étienne, Saint-Chamond, Boulloche à l’arena, le club, ac- nuer à grandir.»
32
Dossier
Poitiers
DYNAMIQUE RETROUVÉE
Le 12 avril, à l’occasion de la réception de Lyon SO, le Poitiers
Basket va effectuer l’inauguration de l’Arena Futuroscope,
à la capacité modulable de 3 200 à 5 200 places.
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FFBB Communication 2022 - Agence :
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A R ÇON DE 1 Û T-1
G I R O
ART 8A
ÀP
36
JULIE ALLEMAND
“JE RESSORS
GRANDIE DE CETTE
SITUATION”
La meneuse belge de l’ASVEL, star du championnat,
a révélé sur les réseaux sociaux avoir connu un burn-
out après les Jeux Olympiques de Tokyo. Avec le
recul, elle a pris ici le temps d’en parler, d’expliquer.
Un témoignage clair, fort, et important.
PROPOS RECUEILLIS PAR YANN CASSEVILLE
C
ommençons par 12-15 ans dans le premier, puis mais maintenant, c’est les filles,
votre amour du trois à Sprimont, trois à Braine, les filles, les filles.
jeu. Pour certains et maintenant quatre à l’ASVEL,
pros, le basket n’est même s’il y a eu un passage à C’est au cœur de cette belle
qu’un métier. Pour Montpellier. Je me sens bien ici. aventure, après être allée si haut,
vous, qui avez commencé à 4 Et le projet sportif est très ambi- après avoir connu un été 2021
ans, il semblerait, à vous écouter tieux. Quand tu discutes avec les marqué par le bronze à l’Euro et
en interview, à voir vos émotions boss, tu as envie d’aller loin. Je me les premiers JO, que vous avez
durant les matches, qu’il s’agisse rappelle les premières discussions connu un burn-out. Avec le recul,
d’une véritable passion ? avec Tony (Parker), c’était : un comment l’analysez-vous ?
Oui, c’est certain. C’est ça qui jour, décrocher une Euroleague. Je ne suis pas allée aussi haut
me fait être là aujourd’hui. C’est ça que j’ai en tête. que je le voulais. C’est ça qui a
Avant tout le travail que ça de- été très dur. La défaite contre
mande, il faut s’amuser. Sinon, Ces cinq dernières années, la le Japon (-1 en quart des JO)
aller travailler nous emmerde- sélection féminine belge a rem- est toujours dure à encaisser
rait. Je me dis : «Tu aimes ce bal- porté ses premières médailles à l’heure actuelle. À l’Euro, on
lon, tu aimes ce sport, donc va européennes, disputé ses pre- perd d’un point contre la Serbie
t’amuser, ne vois pas ça comme miers JO et Coupe du monde. (demi-finale). Deux fois, c’était
un travail». Depuis toute petite, Cela a-t-il déclenché un engoue- pour jouer les médailles. Ça a
je le vois comme un jeu. ment au pays ? été trop. Plus plein de choses…
Bien sûr ! C’est incroyable ce On est parti au Japon le 7 juil-
Vous disputez votre 4e saison qu’il se passe en Belgique, parce let, c’était beaucoup trop tôt !
à l’ASVEL, où vous avez signé qu’avant, il n’y avait rien. On a On était dans un hôtel, en-
jusqu’en 2025. Alors que vous rendu fiers les Belges. Au début, fermé, on ne pouvait pas sortir,
avez acquis une dimension in- il y avait 200 personnes dans les seulement s’entraîner. Sachant
ternationale, pourquoi cet at- salles pour nos matches, au- qu’on avait joué l’Euro, on n’a
tachement au club ? jourd’hui elles sont remplies, et eu que quatre ou cinq jours off.
J’ai directement accroché avec même trop petites. Et même par On a tiré, tiré… Et on connaît
l’ASVEL. Je suis une personne rapport aux garçons ! Avant, on les groupes de filles : à un mo-
qui s’attache aux clubs. J’ai fait entendait surtout parler d’eux, ment, on aimerait avoir notre
37
les gens qui faisaient un burn- quand j’ai appelé Tony (Parker)
out. Je me disais : «On parle de pour lui expliquer la situation,
passion, comment tu peux en ar- au début, il a dit qu’il ne com-
river à détester le basket ?» Et prenait pas, parce que ça ne lui
aujourd’hui, je me dis que j’ai est jamais arrivé. C’était un su-
été conne de ne pas prendre jet tabou dans le passé, ça l’est
au sérieux ces gens-là. Parce encore un peu aujourd’hui. Le
que oui, tu peux en arriver là, Covid a laissé beaucoup de
“J’AI EXPLOSÉ. JE N’AVAIS PLUS et beaucoup plus vite que tu ne traces, je pense que c’est ça qui
le penses. Le club m’a dit : «Tu fait que beaucoup de gens ont
RIEN, J’ÉTAIS VIDÉE. JUSQU’AU prends dix jours, et on te veut de été dans ce creux. Je connais
JOUR OÙ TU ARRIVES À retour sur place». Et aujourd’hui, plein de personnes qui étaient
je ne suis pas encore à 100%, aux JO qui ont fait un burn-out.
LA SALLE, ET TU PLEURES…” mais je ressors grandie de cette Et quand j’ai partagé mon expé-
situation. rience sur les réseaux sociaux,
plein de gens m’ont dit être dans
paix. On était trop longtemps Pendant ces jours de coupure, la même situation. Des sportifs,
ensemble. Et il y avait le Covid. vous ne vouliez ni regarder ni des gens dans la vie de tous les
Faire ton test au réveil, tout le entendre parler de basket ? jours…
temps porter le masque, mettre Oui. J’ai raté deux matches, je
tes gants quand tu vas manger, n’arrivais même pas à les regar- Pour les sportifs, il est parfois
avoir le plexiglas partout autour der. Je mettais le match, je me difficile de l’exprimer, certaines
de toi, ne pas profiter du village disais «Je dois le faire pour les personnes leur opposant tou-
olympique. Il fallait rester dans filles», mais je ne pouvais pas. En jours un argument qu’elles es-
ta chambre, ne pas aller voir les revanche, tous les jours, je vou- timent implacable : vous êtes
autres disciplines. Alors en plus lais faire de la muscu. C’était le payés pour vivre de votre pas-
quand tu n’as pas le résultat… basket le problème, pas le sport. sion. Avez-vous entendu cette
Si on gagne contre le Japon, je remarque ?
pense que je ne fais jamais ce Et l’on en revient à la notion Non, l’ASVEL a été super. Mais
burn-out. de passion. Peut-être la situa- je sais que si j’avais été dans
tion aurait-elle été différente un autre club, peut-être pas en
Comment s’est-il manifesté ? si le basket n’était qu’un simple France mais dans un pays de
Ça s’est installé petit à petit. Je travail ? l’Est, on m’aurait dit : «Eh, tu
ne voulais pas le voir au début, Je vous rejoins là-dessus. Je ne ramènes ton cul et tu joues». Je
je me suis dit : «Ça va aller, je suis pas sûre que si je n’étais pas remercie franchement l’ASVEL.
me suis toujours relevée des dé- autant passionnée, j’aurais fait
faites». Mais celle-là était pro- un burn-out. Tellement je mets Depuis votre reprise du jeu, avez-
fonde. Très profonde. Tu penses d’engagement, tellement je vis vous connu un déclic, un moment
à tout ce que tu as vécu avant, la chose à fond, qu’à un mo- précis où vous avez senti que le
au fait que tu es fatiguée de ci, ment, soit tu es trop haut, soit plaisir était revenu ?
de ça, le retour à l’ASVEL n’a pas trop bas. J’ai des moments, à l’entraîne-
été celui que j’espérais, dû au ment, en match. Quand je sais
nouveau groupe, nouveau coach. Le burn-out est un mal en- qu’une fille ou moi va marquer
Tout, l’un dans l’autre, a fait que core méconnu. Avez-vous été et que je commence à mon-
j’ai explosé. Je n’avais plus l’éner- confrontée à des personnes qui trer mes émotions, je sais que
gie pour surmonter tout ça. Je ne comprenaient pas ? je suis de retour. Ce n’est pas
n’avais plus rien, j’étais vidée. Bien sûr. Ne serait-ce que ma encore au stade où ça l’était,
Jusqu’au jour où tu arrives à la famille, au début. Elle ne com- mais jour après jour, c’est de
salle, tu pleures. Ça m’est ar- prenait pas, ne voulait pas ad- mieux en mieux. Et je me sens
rivé trois, quatre jours d’affilée. mettre que ça pouvait arriver, plus en confiance. Je fais des
J’arrivais à la salle, je pleurais. parce qu’alors tu te poses cin- actions que je n’aurais pas ten-
De savoir que j’allais m’entraî- quante mille questions : «Elle tées avant, parce que j’aurais
ner, je pleurais. C’est là que va arrêter le basket ? Elle ne eu peur, ou pas envie. Tout ça
je remercie l’ASVEL. Ils m’ont va plus jamais rejouer ?» Non, part de mes émotions, mon res-
écoutée, les filles m’ont entou- j’avais besoin de faire une cou- senti sur le terrain. Même sur le
rée. Pour elles aussi ce n’était pure, mais je savais que ça n’al- banc. Là, j’ai envie de me lever,
pas facile, tu vois quelqu’un qui lait pas être sur du long terme. alors qu’avant, j’avais juste en-
pleure, tu ne sais pas quoi faire. Je savais qu’au fond, je suis née vie de dire : «Coach, ne me fais
Moi, avant, je ne comprenais pas pour faire du basket. Mais même pas jouer».
38
FIBA
Pour aller mieux, avez-vous pra- Comme pour en finir avec le su- Aux JO de main. Au début, je croyais que
tiqué l’introspection, la réflexion jet en terminant l’année ? Tokyo, avec qu’il y aurait un déclic, mais non,
personnelle, ou le dialogue, avec C’est un texte que j’ai com- la Belgique. ça demande beaucoup de temps.
des proches, des professionnels ? mencé début décembre, que j’ai Parfois, je suis impatiente, je me
Je suis allée voir une psy. D’abord, construit jour après jour. Écrire dis : «Pourquoi ça n’est pas là ?
j’en parle beaucoup avec mes m’a aidé, et je me suis dit : «Le Pourquoi ça ne sort pas natu-
proches, mais ce n’est pas pa- jour où je serai prête à le mon- rellement ?» Parfois, je dois me
reil. Je me suis dit qu’il fallait que trer, c’est que j’aurai tourné la forcer pour ressentir des choses
j’aille voir quelqu’un de neutre, page». Juste avant la nouvelle naturelles auparavant. C’est un
qui ne connaissait rien au bas- année, ça tombait bien. travail, étape par étape, au quo-
ket. Et ça m’a fait énormément
de bien. Quand on réfléchit in-
dividuellement, on voit toujours
les choses de la même manière. “JE CONNAIS PLEIN DE PERSONNES QUI ONT FAIT
Si on voit quelque chose en noir,
ça sera toujours noir. Mais le psy
UN BURN-OUT. C’ÉTAIT UN SUJET TABOU DANS LE
va peut-être te faire voir non PASSÉ, ÇA L’EST ENCORE UN PEU AUJOURD’HUI.”
pas noir mais blanc, en tout
cas différemment. C’est aussi
ça qui m’a permis de sortir de ce Terminons là où nous avons com- tidien. Mais au fond de moi, je
burn-out. Maintenant, dès que mencé : la passion du jeu. A-t- sais que rien n’a changé. Hier,
quelque chose m’énerve, je n’hé- elle changé ? fin de l’entraînement, je regarde
site pas à retourner voir cette Pendant le burn-out, j’ai eu peur l’heure, première chose à laquelle
personne, ça doit être un tra- de la perdre. Aujourd’hui, je n’ai je pense : il faut que je me dé-
vail continu, pas juste une pé- plus cette peur, je sais que la pas- pêche pour aller regarder un
riode de dix jours. sion est encore en moi. Mais pas match d’Euroleague. Cet amour
encore complètement retrouvée. pour le basket ne change pas. Et
Vous avez rendu public votre burn- Ce que j’ai vécu, il faut le prendre c’est la chose la plus importante :
out par un texte publié sur les ré- au sérieux, on ne revient pas savoir que tout est là, qu’il suffit
seaux sociaux le 30 décembre. comme avant du jour au lende- juste d’être patiente.
39
RUSSIE-UKRAINE
LE BASKET FACE
À LA GUERRE
En Ukraine, le championnat est à l’arrêt, certains basketteurs
ont pris les armes, d’autres jouent à l’étranger. En Russie, la
VTB League continue, comme si de rien n’était, ou presque.
C’est absurde. C’est la guerre. Le paysage du basket européen
en sortira bouleversé.
PAR CLÉMENT PERNIN
Antonis Stroggylakis
L
a photo a fait le tour L'Ukrainien est Ukrainienne. Hier, elle jouait Volkov, 57 ans, champion olym-
du web. Une jeune Sergey Gladyr, au basket. Aujourd’hui, elle dé- pique 1988 avec l’URSS, réfé-
femme en tenue mi- lors d'un fend Kiev au sein de la 112e bri- rence majeure du basket en
litaire porte un fu- temps-mort à gade. Comme elle, d’autres de Ukraine, apparaît en habits de
Monaco.
sil automatique ses compatriotes liés au ballon combat, une arme à ses côtés.
sur lequel elle a scotché deux ont pris les armes depuis que Artur Drozdov, ancien chouchou
bandes jaune et bleu aux cou- la Russie a lancé son offensive de l’Élan Béarnais, s’est égale-
leurs de son pays. Elle s’ap- dans leur pays. Un deuxième cli- ment engagé dans les forces
pelle Katya, elle a 23 ans, elle ché a beaucoup circulé : Sasha du pays, a révélé Didier Gadou.
40
notre argent, nos moyens et nos
forces vont être utilisés pour
protéger l’Ukraine, soutenir nos
L'arbitre forces armées et notre défense
ukrainien territoriale.» Depuis, les joueurs
Boris Ryzhik. ont trouvé de nouveaux points
Quant à Stanislas Medvedenko, de chute, notamment en France,
double champion NBA avec les à Fos pour D.J. Stephens et
Lakers en 2000 et 2001, ancien Antibes pour Viacheslav Petrov.
candidat au conseil municipal de Pendant que le basket ukrainien
Kiev, il organise un quartier gé- s’efface, de l’autre côté de la
néral d’autodéfense dans la ré- frontière est du pays, en Russie,
gion. «Certaines personnes tra- le ballon continue de rebondir.
vaillent à la logistique, d’autres La VTB League, qui comptait
s’occupent de l’ordre public dans 20 clubs issus de neuf pays il y
les rues. Je patrouille dans la a dix ans, a vu les équipes litua-
ville, tandis que ma femme tra- niennes et ukrainiennes se reti-
vaille dans un centre de commu- rer dès 2014, imitées cet hiver
Eurohoops
nication», a-t-il expliqué au site par les Estoniens et Polonais.
Sport Arena. Aujourd’hui, elle ne présente plus
pionnat national, était tout de que dix clubs : huit de Russie, un
même parvenue à se refaire de Biélorussie (Minsk), un du
LA VTB LEAGUE une santé, notamment finan- Kazakhstan (Astana). Entre
SE POURSUIT cière. Cette saison, le cham- eux, se poursuit la saison, avec
En Ukraine, alors que la sélec- pion en titre, Prometey, se ré- les fans, les mascottes, les
tion brillait (6e de l’Euro 2013), vélait comme la sensation de la cheerleaders… mais sans les
que les clubs se montraient en Champions League, en passe de meilleurs joueurs.
Europe (Kiev en Euroleague, rallier les quarts de finale. Mais Pour cause, bon nombre d’étran-
Mariupol en Eurocup), le bas- peu après le début de la guerre, gers ont quitté la Russie. Le
ket avait déjà subi un sérieux le président du club a annoncé CSKA Moscou a enregistré les
déclassement en 2014, en rai- le retrait de son équipe de la Avant un
départs du Danois Iffe Lundberg,
son de la guerre du Donbass. compétition. «Nous avons pris match de du Géorgien Tornike Shengelia,
Après des années de vache la décision de dissoudre toutes Lega en de l’Italien Daniel Hackett, du
maigre, la Superleague, le cham- les équipes du SC Prometey. Tout Italie. Lituanien Marius Grigonis, de
Lega Basket
41
Russie-Ukraine
Jordi Villacampa
financier international Swift, un sport avec des représentants
rouage important des transac- russes à l’avenir. Les Slaves tuent
tions financières internatio- des Slaves. Des frères se tuent
nales. Dès l’annonce de cette Rançon du succès, à mesure que entre eux. Cela peut prendre un
nouvelle, la valeur du rouble a les trophées s’empilaient, le bas- demi-siècle.» Quant aux clubs
dégringolé. Alors que 85 roubles ket russe a perdu de sa subs- ukrainiens, certains pourraient
égalaient un dollar en janvier, le tance, et laissé ses joueurs lo- revenir au jeu dans le champion-
taux est monté à plus de 140 au caux être relégués au rang de nat polonais, comme l’a déclaré
cœur du mois de mars. faire-valoir. La sélection mas- le président de la fédération
Avant la guerre, si la Russie culine n’a plus remporté de mé- polonaise.
comptait encore énormément daille depuis 2012 (bronze aux En attendant, partout sur la
planète basket, affluent des
messages de soutien en jaune
et bleu. Et certains Ukrainiens
UNE PHOTO A BEAUCOUP CIRCULÉ : SASHA VOLKOV, expatriés continuent d’exercer
leur profession, comme ils le
57 ANS, CHAMPION OLYMPIQUE 1988 AVEC L’URSS, peuvent, malgré leurs pensées
RÉFÉRENCE MAJEURE DU BASKET EN UKRAINE, tournées vers leur famille au
pays. C’est le cas de Boris Rhyzik,
APPARAÎT EN HABITS DE COMBAT, UNE ARME À SES arbitre en Euroleague, de Sergii
Gladyr, assistant à Monaco, ou
CÔTÉS. encore de Boby Bobrov, passé
de Dnipro à Nanterre durant
dans le paysage du basket eu- JO) ; son homologue féminine, la guerre. Pour son premier
ropéen, c’était uniquement pour hier grande puissance mondiale, match en France, il a débarqué
sa puissance financière. Celle qui n’a plus atteint le dernier carré à Gravelines, dans un Sportica
a permis à ses clubs masculins de l’Euro depuis 2011 et ne s’est déguisé, fêtant le Carnaval. Une
de remporter quatre Euroleague plus qualifiée pour le Mondial ambiance forcément impalpable
et cinq Eurocup depuis 2006, depuis 2010. pour lui, comme il l’a expliqué au
et à ses clubs féminins d’écra- site BeBasket : «Quand il y a une
ser la concurrence, avec douze guerre dans votre pays, que des
sacres en Euroleague depuis EXCLUS PAR enfants meurent, que des mères
2003. Chez les garçons comme L’EUROLEAGUE et des hommes ne protègent pas
les filles, la même recette se ET LA FIBA que leur vie mais aussi notre na-
voyait appliquée : monter Même si la VTB League se tion, il est certain que c’est par-
des armadas constituées des poursuit, la Russie se retrouve fois très compliqué de se concen-
meilleurs étrangers. complètement isolée sur la trer sur le basket.»
42
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ien t po ssi ble en
de ce qu’ils cro
illeur possible.
et l’envie d’être le me
EN NCAA
LES TROIS FRÈRES
Trois coéquipiers de l’université de San Francisco ont
publié une vidéo appelant à la paix. L’un est Ukrainien,
les deux autres Biélorusses.
PAR CLÉMENT PERNIN
I
l apparaît le premier sur la vidéo, Les
au centre de l’image. Volodymyr Biélorusses
Markovetskyy, pivot ukrainien de la Dzmitry
Ryuny et
fac de San Francisco, dont la mère et
Yauhen
la sœur ont fui le pays en guerre, mais Massalski,
pas le père, policier, resté sur place. Puis il est et, à droite,
rejoint par deux coéquipiers, qui passent leurs l'Ukrainien
bras autour de lui. Yauhen Massalski et Dzmitry Volodymyr
Ryuny sont Biélorusses, un pays allié de Moscou, Markovetskyy.
à la position géographique stratégique pour
le Kremlin afin d’entrer en Ukraine. Et les trois
universitaires de prononcer un discours appe-
lant à mettre fin à la guerre. Ces mots repré-
sentent un risque pour les deux Biélorusses : ils
savent qu’ils ne stopperont pas l’horreur, et en
revanche qu’ils hypothèquent sérieusement leur
retour au pays dans un avenir proche.
Massalski et Ryuny sont les deux seuls
Biélorusses de toute la NCAA, tandis que
Markovetskyy est l’un des sept Ukrainiens. Les
probabilités qu’ils se retrouvent au sein de la
même équipe s’avéraient des plus faibles, pour-
tant le hasard les a réunis en Californie. Quand
il a débarqué à l’université, Markovetskyy a
été rassuré par la présence des deux autres
Européens de l’Est. Tous trois sont rapidement
devenus amis. Entre eux, ils parlent en russe, ils
SI
mangent des spécialités russes. «Quand j’ai vu blagues, mangent la même nourriture. C’est
ces deux gars de Biélorussie, je me suis dit : le incroyable», a renchéri Massalski.
Leur union, leur amitié, ont été éprouvées
lorsque l’armée russe est entrée en Ukraine
via la Biélorussie. Un jour de match contre
UN JOUR DE MATCH, ALORS QUE Gonzaga, alors que Markovetskyy s’inquié-
tait pour sa mère et sa sœur, en fuite, Ryuny
L’UKRAINIEN MARKOVETSKYY S’INQUIÉTAIT l’a enlacé. «Je suis là, mon frère. Je suis là
POUR SA MÈRE ET SA SŒUR, EN FUITE, LE pour toi.» C’est cette scène qui a donné l’idée
à Massalski de tourner une vidéo appelant à la
BIÉLORUSSE RYUNY L’A ENLACÉ. “JE SUIS LÀ, paix. «Parce que son cœur pleurait, et le nôtre
en même temps.»
MON FRÈRE. JE SUIS LÀ POUR TOI.” Après des jours à tenter de dominer leurs émo-
tions, ils ont réussi à monter cette séquence de
monde est si petit !», a raconté Markovetskyy 64 secondes. Et Ryuny de conclure : «L’essentiel
à Sports Illustrated. «Imaginez que vous dé- était de montrer que nous venons de pays op-
ménagez dans un endroit très éloigné et que posés mais que nous ne nous détestons pas.
vous vous retrouvez avec deux personnes ve- Que nous restons unis et que la guerre ne nous
nant du même coin, qui connaissent les mêmes sépare pas.»
44
Russie-Ukraine
EN HAUTE-SAVOIE
LA PIZZERIA
DEVENUE REFUGE
Un simple message sur Facebook d’un
pizzaïolo italien installé en Haute-
Savoie, Carmelo D’Agostino, lui a
permis d’accueillir toute une équipe
de basketteuses ukrainiennes, et sur-
tout a engendré un véritable élan de
solidarité sur place..
PAR YANN CASSEVILLE
C
e jour-là, Carmelo années précédentes dans le dé-
D’Agostino était partement voisin de l’Isère pour
«peut-être encore le Big Twelve à Voiron, un tournoi
un peu drogué de international de 3x3. Après un
l’anesthésie, pas périple de plus de dix jours à tra-
tout à fait lucide», dit-il en sou- vers l’Ukraine, la Roumanie et la
riant. Fin février, l’homme se ré- Pologne, les joueuses de la ville
veille d’une sérieuse opération du d’Ivano-Frankivsk débarquent
dos. «Franchement, j’étais per- en plusieurs groupes en Haute-
suadé que j’allais mourir, ne pas Savoie. Elles sont notamment
me réveiller après l’anesthésie. Et accueillies par une amie de
au réveil, on m’a dit de me lever Carmelo, Bettina et son mari,
dans deux heures. Je me suis levé, propriétaires d’un gîte, qui ve-
j’étais bien, je n’avais plus de dou- naient de terminer la construc-
leur.» L’information de la guerre tion de deux chalets, de fait non
en Ukraine arrive jusqu’à lui. «Là, occupés.
je me suis dit : putain, je dois faire Depuis, en quelques semaines,
quelque chose !» l’appel lancé par le pizzaïolo a
Depuis, l’homme, en arrêt mala- largement dépassé ses espé-
die, accorde tout son temps à la rances, engendrant toute une
Carmelo D’Agostino
46
Carmelo D’Agostino
Et au final, ça me coûte même club à ses nouvelles connais- ter aux goûts français. Je ne suis
moins que ce que j’avais imaginé, sances – «Je ne connais rien au pas le champion du monde de la
parce que tout le monde a envie basket, je viens d’apprendre qu’il pizza, c’est sûr, mais on cherche
d’aider !» y avait maximum deux étran- à s’approcher le plus possible du
Quant aux basketteuses, l’une gères par équipe, on essaie d’ac- client. Donc là, j’ai pensé à faire
a depuis rejoint son fils au cumuler les connaissances pour une pizza ukrainienne !»
Portugal, l’autre son fiancé en les accompagner du mieux pos- Et l’homme, au-delà de l’anec-
Espagne. «Elles sont encore sept sible, de rentrer en contact avec dote, d’insister sur un mes-
ici», indique D’Agostino. La com- la fédération ou des agents» –, sage : «Moi, je parle, je ne suis
munication passe par l’anglais renforce chaque jour son soutien pas timide, je dis des conneries,
et les gestes. «C’est très facile par de nouvelles voies. je suis passé à la télé (au JT de
pour un Italien de parler avec
un étranger, parce que nous, on
parle avec les mains !», s’amuse-
t-il. D’autres fois, la musique les
“JE M’ÉTAIS DIT : JE PEUX ACHETER 25 KILOS DE PATATES,
rassemble. «On a chanté Bella ET MÊME 50, ÇA NE VA PAS CHANGER MA VIE. ET AU
Ciao !»
FINAL, TOUT LE MONDE AIDE !” Carmelo D’Agostino
BIENTÔT UNE PIZZA
UKRAINIENNE ? Certaines extrêmement sé- TF1), mais ce qui compte, ce
Pour les rapprocher de leur pas- rieuses – «Avec ma femme, on n’est pas Carmelo le pizzaïolo,
sion du basket, elles ont pu s’en- a déjà pensé à adopter un en- c’est Bettina, c’est Isabelle,
traîner avec le club de Cluses, fant» –, d’autres plus légères. c’est Ursula… On est un groupe
avant d’être invitées à assister à «En Italie, la pizza, c’est à la nombreux, et tout le monde
une rencontre d’Annemasse. «Et sauce tomate. Si vous deman- fait quelque chose.» Et c’est
l’agglomération m’a dit qu’elle dez de la crème fraîche, on va aussi, surtout, Olga, Anastasia,
allait leur offrir l’accès, deux- vous mettre dehors. Mais ici, Anna, Maria, Katerina, Veronica,
trois fois par semaine, à la salle comme je suis en Haute-Savoie, Anastasia, Pasiko, Olena, Irina,
de sport», précise Carmelo. Qui, je fais la moitié de mes pizzas à Yuri… «Les basketteuses sont de-
à défaut de pouvoir trouver un la crème fraîche, pour m’adap- venues des symboles.»
47
LA PLACE DES EUROPÉENS EN NBA
LE PRIX DU RÊVE
AMÉRICAIN
La NBA a depuis des décennies lancé son processus
d’internationalisation. Ses derniers MVP viennent de
Grèce (Giánnis Antetokoúnmpo) et de Serbie (Nikola
Jokić). Les Européens ont pris le pouvoir outre-
Atlantique ? La réalité est tout autre. Beaucoup doivent
se contenter de la G-League. Et parmi eux, des Français.
PAR CLÉMENT PERNIN
“
Dans dix ans, la moitié des joueurs de NBA, 13, soit près de la moitié, ne présentent
NBA seront des Européens.» Cette qu’un voire zéro Européen dans leurs rangs.
phrase, signée Andreï Kirilenko, date Le nombre d’Européens outre-Atlantique s’est
de 2003. Près de vingt ans après, envolé dans les années 2000. Mais depuis une
force est de constater que le Russe dizaine d’années, il demeure stable (voir ta-
s’est trompé. Bien sûr, la NBA a appris à res- bleau). Au lancement de la saison 2014-15,
pecter le jeu et les joueurs européens – encore ils étaient 57. Et sept ans plus tard, 58. Avec
que… faut-il rappeler toutes les inepties lues une moyenne d’une soixantaine de représen-
et entendues aux États-Unis à chaque com- tants parmi les 450 joueurs chaque saison,
pétition internationale ? –, et a clairement ou- les Européens pèsent moins de 15 % des ef-
vert ses frontières. fectifs. Conclusion : Andreï Kirilenko s’est bel
Les trois derniers trophées de MVP ont été et bien trompé.
remportés par des Européens : le Grec Giánnis
Antetokoúnmpo en 2019 et 2020, le Serbe
Nikola Jokić en 2021. Pour 2022, tous deux fi- PRÈS DE LA MOITIÉ
gurent parmi les cinq principaux candidats, en DES EUROPÉENS JOUENT
compagnie du Slovène Luka Dončić. Celui-ci MOINS DE 15 MINUTES
évolue à Dallas, où il compte parmi ses coé- Cette saison, trois Européens dépassent les
quipiers le Français Frank Ntilikina, l’Alle- 20 points de moyenne : Antetokoúnmpo, Jokić À défaut
mand Maxi Kleber, le Letton Dāvis Bertāns et Dončić. Et il y a quinze ans ? Ils étaient déjà de NBA,
et le Serbe Boban Marjanović. Cinq Européens trois : Dirk Nowitzki, Ben Gordon et Pau Gasol. beaucoup
chez les Texans ! Sur la côte Est, ils sont no- Cette saison, dix Européens jouent plus de 30 de Français
tamment quatre à Atlanta, avec le Français minutes par match. Et il y a quinze ans ? Un évoluent en
Timothé Luwawu-Cabarrot, le Suisse Clint peu moins, certes, mais huit tout de même. G-League. Ci-
contre : Sekou
Capela, le Serbe Bogdan Bogdanović et l’Ita- Voici une caractéristique majeure de l’inter-
Doumbouya
lien Danilo Gallinari. nationalisation de la NBA : les portes de la (South Bay
Mais à l’autre bout de ce spectre, Phoenix, le ligue s’ouvrent plus facilement qu’au siècle Lakers), Théo
leader de la ligue, n’aligne aucun Européen, dernier, mais beaucoup d’appelés passent le Maledon
tout comme les Lakers, Minnesota ou encore plus clair de leur temps à cirer le banc. Parmi (Oklahoma
Charlotte. Parmi les cadors, beaucoup n’ont les 66 Européens entrés en jeu cette saison, City Blue),
qu’un représentant du Vieux Continent : le un tiers est utilisé moins d’un match sur deux, Petr Cornelie
(Grand Rapid
Serbe Nemanja Bjelica à Golden State, le Turc et près de la moitié a un temps de jeu infé-
City Gold)
Furkan Korkmaz à Philadelphie, l’Allemand rieur à 15 minutes. et Joël Ayayi
Daniel Theis à Boston, le Slovène Goran Dragić La NBA n’hésite plus à drafter les Européens (Capital City
à Brooklyn… Au total, parmi les 30 franchises tôt, peut les placer ensuite en couveuse Go-Go).
48
49
Photos : G-League (South Bay Lakers,Oklahoma City Blue, Grand Rapid City Gold et Capital City Go-Go)
Le jeune Français
Jaylen Hoard, en
G-League, avec
Oklahoma City Blue.
50
Aujourd’hui, tous les trois se retrouvent en
G-League. Sont-ils partis trop tôt ? La ré-
ponse affirmative semble évidente, mais le
système NBA détourne la question.
«Si on n’essaie pas, on ne peut pas savoir si
on va réussir à se faire une place, et l’oppor-
tunité pourrait ne jamais se représenter», ex-
plique un agent de joueurs, donnant l’exemple “BEAUCOUP DE JOUEURS SONT PARTIS
de Mam’ Jaiteh. Sa cote était au plus haut en
2013, quand il venait d’être élu MVP français TROP TÔT. QUAND ON T’APPELLE,
de Pro B, dans sa 19e année. Alors que la draft
lui tendait les bras, il avait préféré retirer son
MALHEUREUSEMENT, TU NE PEUX
nom, n’ayant pas de garantie au premier tour, PAS REFUSER. PARCE QUE TOUT EST
pour mieux retenter sa chance deux ans plus
tard. Mais en 2015, il ne fut jamais appelé. Le ALÉATOIRE, TU PEUX RATER UNE ANNÉE ET
train de la hype était passé.
La NBA est devenue trop puissante, sporti-
FINALEMENT NE JAMAIS ALLER EN NBA.”
vement, comme meilleure ligue au monde, Bouna Ndiaye
et financièrement, avec un salaire moyen
à 5,6 M$ (5,1 M€), pour se permettre de la «Il y a beaucoup de joueurs qui sont partis trop
faire attendre. Il y a quelques années, quand tôt. Mais tu n’as pas le choix. Quand on t’ap-
nous avions demandé à l’agent français nu- pelle, malheureusement, tu ne peux pas refu-
méro 1, Bouna Ndiaye, si les joueurs partaient ser. Parce que tout est aléatoire, tu peux ra-
trop tôt, lui-même, qui a accompagné tant de ter une année et finalement ne jamais aller en
Frenchies outre-Atlantique, ne le cachait pas : NBA. Pour moi, Rudy (Gobert) est parti un an
trop tôt, Kévin (Séraphin) aussi, Alexis Ajinça
aussi. Nicolas (Batum) a attendu. Il aurait pu
13% D’EUROPÉENS partir un an plus tôt, il a dit : non, je veux avoir
2014-15 101 57
2015-16 100 53
2016-17 113 62
2017-18 108 65
2018-19 108 66
G-League (Rio Grande Valley Vipers)
2019-20 108 60
2020-21 107 57
2021-22 109 58
52
MOI, JE…
IAN MAHINMI
“JE N’AI JAMAIS REGARDÉ
MES STATS, JE SUIS FAIT
POUR LE SPORT CO”
Pas le plus flashy ni le plus médiatisé. Dans l’ombre, Ian
Mahinmi (35 ans) est resté treize ans en NBA, disputant
à huit reprises les playoffs et remportant le titre avec
Dallas en 2011. Au nombre de matches dans la ligue
américaine, avec 685, il est le cinquième Français. C’est
ce parcours d’abnégation qu’il raconte aujourd’hui.
PROPOS RECUEILLIS PAR YANN CASSEVILLE
“
J’ai grandi dans les quartiers des en VHS. Ça m’a plongé dans cet univers amé-
hauts de Rouen. Maman jamaïcaine, ricain, hip-hop.
papa béninois. Une grande famille, Tout s’est enchaîné vite. À vitesse grand V. Après
multiculturelle, atypique : mon grand ma première licence, mes premières sélections
frère et ma grande sœur étaient entre en Seine-Maritime, Normandie, des coaches
New York, la Jamaïque et le Canada. Quand viennent taper à la porte, dont Jean-Manuel
ma mère est arrivée en France, elle ne par- Sousa, à la tête du centre de formation du STB
lait pas le français, elle l’a appris avec moi. À Le Havre. Avec à peine un an de basket, je pars
l’école, j’ai toujours eu des facilités. Je n’étais en centre et j’ai la chance d’intégrer une équipe
pas un élève studieux mais je me débrouillais cadets exceptionnelle. On perd zéro match !
bien sans forcer. Mon papa était prof, il nous Mes débuts sont difficiles, je me fais une pubal-
a élevés d’une certaine façon, où l’école, c’était gie après quelques semaines d’entraînement,
important. J’étais porté sur les maths, je me mais j’apprends vite. Christian Monschau m’a
voyais trouver un job dans la comptabilité, j’ai donné ce surnom d’éponge : tout ce qu’on me
fait un stage de quelques mois chez un ex- donnait, je prenais. À 15 ans, je commence à
pert-comptable qui s’est très bien passé. m’entraîner avec les pros. En face, j’ai Derrick
Très vite, j’ai été rattrapé par le sport. J’ai joué Lewis, Pat Durham, Gary Alexander… Des gars
au foot de 6 à 11 ans, et j’ai basculé dans le bas- physiques, des hommes. Le premier entraîne-
ket. J’ai été recruté au SPO Rouen dans la cour ment, j’étais traumatisé !
de récréation. J’étais au collège Fontenelle, où Mais quand ton papa est Béninois, dans notre
le pôle espoirs Normandie s’entraînait, coa- culture, on est une famille de guerriers, ma
ché par Pascal Pisan et Bruno Suares. Bruno mère est Jamaïcaine, et si tu connais l’histoire
me voit dans la cour et me dit : «On s’entraîne de la Jamaïque et du panafricanisme, on a été
après l’école, passe au gymnase». Je suis venu éduqué avec beaucoup de résilience, d’esprit
une fois, puis de temps en temps, et je suis de combativité. Être élevé à la dure m’a donné
tombé amoureux du basket. Je ne regardais les outils. Quand on m’a jeté dans le feu, j’avais
pas la NBA à la télé. Les premières images qui du répondant. Le coach pro, Éric Girard, a été
m’ont fait kiffer, c’étaient les mixtapes And 1, très, très dur, m’a poussé dans mes retran-
54
55
FIBA
Julien Tragin/RMB
chements, je me demandais si j’avais le ni-
veau. Mais dans l’adversité, j’ai réussi à trou-
ver des solutions, et je suis passé de cadet à
pro en quatre ans.
“CHRISTIAN MONSCHAU
A EU LE BON DISCOURS”
J’intègre l’équipe de France junior, on ter-
mine troisième de l’Euro U18 à Saragosse.
56
une qualité appréciée par mes pairs mais aussi
les staffs. C’est peut-être ce qui m’a sorti du lot,
qui fait qu’aujourd’hui, même retraité, énormé-
ment d’anciens coéquipiers sont amis avec moi,
parce qu’ils ont vu quelqu’un qui plaçait l’équipe
avant lui. Des gars comme ça, il en faut dans
chaque équipe. Au niveau des stats, je n’étais pas
indispensable, mais dans la construction d’une
équipe, je l’étais. La stat la plus importante, je l’ai
apprise très tôt à San Antonio, c’est la colonne
victoires/défaites. Si tu penses que ce sont les
points qui comptent le plus pour les dirigeants,
c’est faux. Ça m’a permis de vivre et survivre
dans chaque franchise. Et je suis quelqu’un de
très pro. Premier à la salle, dernier à partir, je ne
fais pas la fiesta. Quand tu es coach, tu cherches
des personnes de confiance. Les dirigeants ai-
ment se dire : «Lui au moins, on n’a pas à le gé-
rer en dehors du terrain et c’est un bosseur».
sur le pied de Paul Millsap. Premier match, Avec le Havre en J’ai toujours effectué la totalité de mes
2004, au début
première action ! On est en août, la saison contrats. J’avais signé 2+1 à San Antonio, j’ai
de sa carrière et
reprend fin octobre, je me dis que ça va aller, avec Pau-Orthez fait trois ans. Deux ans à Dallas, j’ai fait deux
mais non. En octobre, ma cheville est toujours en 2007. ans. Quatre ans à Indiana et Washington, et
énorme. Novembre, décembre, toujours rien. j’ai fait quatre ans à chaque fois. Pour moi, ça
Je me fais opérer à Los Angeles, je rate toute veut dire quelque chose.
la saison. Et je rate une opportunité, les Spurs
n’avaient pas pris beaucoup d’intérieurs parce
qu’ils voulaient me lancer. Je me dis : «La NBA, “DALLAS, UNE AVENTURE
c’est fini, je vais rentrer en France». MÉMORABLE”
J’ai passé des moments très compliqués. Mon Le titre avec Dallas en 2011, c’est l’apothéose
papa est venu vivre avec moi à San Antonio, il est de ma carrière. Quand tu gagnes, tu te rends
venu à Los Angeles pour l’opération. Les Spurs compte à quel point the journey, l’aventure,
ne font pas une bonne saison, Pop est vénère, est difficile. Il ne suffit pas d’être bon, il faut
ils me disent que ça va être compliqué. La sai- que tellement de paramètres aillent dans ton
son suivante, il y a six intérieurs devant moi : Tim sens. Que ton joueur majeur ne se blesse pas.
Duncan, Theo Ratliff, Francisco Elson, Fabricio Avec la France
Que les joueurs du banc fassent leur boulot.
Oberto, Kurt Thomas, Marcus Haislip. Je me de- à l'Euro 2009 Qu’un facteur X émerge.
mande comment je vais pouvoir jouer. J’ai les (devant le Croate J’ai vécu des saisons magnifiques après, avec
mots de mon père en tête : «Allez, keep wor- Sandro Nicević). plus de victoires et de responsabilités, mais
king ! » Et il y a cette phrase à San Antonio qui
m’a frappé, l’histoire du rocher qui se casse au
100e coup de marteau : ce n’est pas le 100e coup
qui a cassé le rocher mais les 99 d’avant. Keep
pounding the rock. Alors j’ai continué, continué.
Cette troisième saison aux Spurs commence, je
ne vois pas le terrain, jusqu’en janvier. Un jour,
Pop veut mettre des vétérans au repos, et un
matin, il me dit : «Ce soir, c’est toi le back-up
de Tim Duncan». Je sors 17 points et 9 rebonds
contre les New Jersey Nets. Tout la ligue se dit :
«Mais qui est ce gars ? Il sort d’où ?» C’est le point
de départ de ma carrière NBA… et il arrive dans
ma troisième année !
Je suis resté treize ans en NBA, où la carrière
moyenne est de quatre ans et demi. Une de mes
caractéristiques est ma capacité d’adaptation,
et je pense être un très bon coéquipier. Je n’ai ja-
Pascal Allée
57
Jerome Miron/US Presswire-Presse Sports
l’aventure à Dallas est vraiment mémorable. Chris Bosh, mais on arrive en équipe,
Sur la saison, on n’est pas favori, loin de là. sur une dynamique, et on prend le titre
La première série, on joue à Portland, la à Miami. Mémorable !
grande époque avec Brandon Roy, LaMarcus Quant à l’équipe de France, j’ai de très
Aldridge, Nico (Batum), une des salles les plus bons souvenirs, de très belles ren-
bruyantes de NBA, on ne s’entend pas. Ça contres, qui m’ont enrichi. Mais pas for-
a probablement été la bataille la plus diffi- cément un sentiment d’appartenance,
cile. Après, on sweepe les Lakers. Le facteur pas cette attache que d’autres ont.
X est Peja Stojaković, qu’on ne verra quasi- Ça a toujours été une fierté, j’ai pris
ment plus ensuite. Après, Oklahoma City. Les énormément de plaisir, mais dans le
jeunes KD, Russell (Westbrook), Serge Ibaka, comment ça s’est fait, ça n’a jamais
James Harden, un quatuor dingue, mais c’est matché, je n’ai jamais eu l’impression
trop tôt dans leur développement. On les d’avoir fait partie d’un projet. Souvent, j’étais
froisse, en équipe, rouleau compresseur. On appelé dans un deuxième temps. Ça a terni
ma relation avec l’équipe de France. Cette
expérience aura été enrichissante aussi pour
l’équipe. Ça se passe beaucoup mieux mainte-
“JE SUIS RESTÉ 13 ANS EN NBA, OÙ LA CARRIÈRE nant. Je vois l’implication de la fédération sur
ses joueurs à l’étranger, c’est le jour et la nuit.
MOYENNE EST DE QUATRE ANS ET DEMI.
JE DONNE CORPS ET ÂME POUR L’ÉQUIPE.
“DÉVELOPPER LE BASKET EN
C’EST PEUT-ÊTRE CE QUI M’A SORTI DU LOT.” AFRIQUE, ÇA ME FAIT VIBRER”
Il y a trois façons de prendre sa retraite. La
plus difficile, c’est sur blessure. J’ai encore cette
arrive à la finale contre Miami, et à chaque image de Dikembe Mutombo qui se pète à
match, un mec sort du lot : une fois Jason Houston parce qu’il fait la saison de trop. Ou les
Kidd, une fois DeShawn Stevenson, Shawn dernières années de Dirk Nowitzki. J’entendais
Marion, Tyson Chandler… Les gens pétaient les les petits jeunes qui parlaient mal de lui parce
plombs : «Dallas va vraiment gagner ! » C’est que c’était l’ombre de lui-même. Dans son prime,
la première année du trio D-Wade, LeBron et le mec était injouable. Pour moi, c’est le meil-
58
2011 : champion NBA avec il peut car c’est un joueur africain, mais il ne
SON
Dallas, il reçoit sa bague des peut pas être joueur et propriétaire en même
mains de Mark Cuban. temps». Je pouvais encore jouer, mais je décide
PARCOURS
En dessous, avec Le Havre (2003-
d’ouvrir ce nouveau chapitre.
Washington, en 2020, lors 06), Pau-Orthez
de sa dernière saison NBA.
Aujourd’hui, ma vie est rythmée sur quatre
(2006-07), San
piliers. Celui qui prend le plus de place est
Antonio (NBA,
la restauration. J’ai trois restaurants, Steak
2007-10), Austin
leur Européen. Je suis très proche de Tony, mais ‘n Shake, ça représente une centaine d’em-
(G-League, 2007-
Dirk a révolutionné le jeu. Et je trouve qu’il a fait ployés. Deuxième volet, une marque de vê-
08), Dallas (NBA,
deux, trois années en trop, ça ne laisse pas une tements, French Deal. Troisième, mon impli-
2010-12), Le Havre
belle image. Ensuite, il y a les Luis Scola, Vince cation au Rouen Métropole Basket. Je suis
(2011), Indiana
Carter, qui veulent aller au bout du bout. Et en- l’actionnaire majoritaire, c’est une responsa-
(NBA, 2012-16)
fin, ceux qui choisissent quand ils veulent arrê- bilité que je prends très au sérieux. Dernier vo-
et Washington
ter. Moi, j’ai toujours voulu choisir. let, le développement du basket en Afrique.
(NBA, 2016-20).
La pandémie a chamboulé pas mal de choses. Ça me fait vibrer tous les jours. C’est ce que
Après la bulle à Orlando, je n’ai pas aimé la je veux faire. Quand j’ai commencé à entre- ÉQUIPE DE
tournure de la NBA, j’avais l’impression qu’il prendre au Bénin, à travers mes camps, ma FRANCE
y avait de moins en moins de place pour des fondation, qui aurait cru que six ans plus tard, 32 sélections, de
personnes comme moi, plus friandes de dé- je serais impliqué à cette hauteur ? Là, j’ai 2009 à 2014
fense, de confection collective. C’était beau- passé cinq jours avec le ministre des sports SON
coup d’individualités. J’ai dit à Bouna et béninois, Oswald Homeky, beaucoup de choses PALMARÈS
Jérémy : «J’ai trois enfants, une femme, 34 se font, des lois sont créées, des infrastruc- Champion NBA
ans, donc si je signe dans un club, ce n’est pas tures se construisent. Et quelle opportunité 2011 et vainqueur
pour être baby-sitter, pas la peine de m’en- pour moi de pouvoir redonner ! de la Coupe de
voyer à Detroit. Si je fais le sacrifice d’être loin France 2007.
de ma famille, c’est pour une équipe qui vise le
titre, que je puisse avoir une plus-value dans “JE PRENDS LE MÉTRO
un vestiaire compétitif.» On a ciblé quelques INCOGNITO À PARIS”
équipes, qui ne se sont pas manifestées. Au Mon papa, c’est un peu un sage africain, il a
même moment, la NBA Africa tape à la porte. plein d’histoires, et avec mes frères et sœurs,
Je suis appelé par un gros groupe d’investis- depuis qu’on est petit, il nous a toujours dit :
seurs africains, et la NBA dit à Bouna : «Si «Écoutez, dans la vie, vous pouvez courir, avan-
Ian veut devenir propriétaire de la NBA Africa, cer, marcher, aller à quatre pattes, mais de
temps en temps, il est important de s’arrêter,
se retourner, et regarder le chemin parcouru.
Et surtout, ne repartez jamais en marche ar-
rière.» J’ai gardé cette image. Aujourd’hui, je
suis arrivé au stade où je peux m’arrêter, me
retourner, regarder le chemin parcouru. Je l’ai
fait quelques mois, et je suis reparti.
Quand tu as le nez dans le guidon, tu mini-
mises tes accomplissements, il y a toujours un
match qui arrive. En faisant cette rétrospec-
tion sur ma carrière, je ne le voyais pas forcé-
ment avant, mais je me suis dit : good job ! Je
ne suis pas médiatisé, pas une personnalité re-
connue en France, je suis tranquille, je prends
le métro tous les jours incognito à Paris. Les
spécialistes basket me reconnaissent, le grand
public pas du tout. Quand je regarde ce que
j’ai accompli sur le terrain et à côté, je me dis :
«Quand même, on a fait quelque chose. On a
impacté des gens». Et je suis particulièrement
fier. Je ne sais pas si fier est le bon mot. Je
suis heureux. Voilà. Content, heureux. J’ai fait
beaucoup d’erreurs, j’en commets encore, mais
Mogami Kariya.eps
59
Rétro
BOURGES 1997
SIGNÉ
KAPRANOV
Il y a vingt-cinq ans, Bourges devenait le
premier club français à remporter l’Euroleague
féminine, avant de réussir le doublé, le premier
dans l’histoire du sport collectif tricolore, tous
sexes et disciplines confondus. Le résultat d’une
construction savamment réfléchie et d’une
méthode : celle du coach russe Vadim Kapranov.
PAR YANN CASSEVILLE
U
n soir du printemps 1997, à ractère. Les joueuses étaient fermées, menta-
quelques jours du départ pour lement énormes. Elles ont dit : on va gagner
le Final Four de l’Euroleague à pour lui.» Et elles l’ont fait.
Larissa, en Grèce, Pierre Fosset,
le président du club de Bourges,
appelle Yannick Souvré, sa capitaine. «On a un QUELLE BARRIÈRE 1997 : Bourges
gros problème», dit-il. «Vadim (Kapranov, le DE LA LANGUE ? devient la première
coach) vient de perdre sa fille.» Officiellement, L’histoire commence bien des années en équipe française
dans un accident de voiture. L’entraîneur a amont. Avec ses amis, Fosset entend pla- à remporter
toujours été persuadé qu’il s’agissait d’un cer Bourges, une ville où le club de football l'Euroleague
assassinat. «Il est retourné avec sa femme à évolue en 2e division, sur la carte du basket féminine.
Moscou», poursuit Fosset au téléphone. «On français et même européen. Une question se
part à Larissa sans lui.» Un drame, un choc. pose : faut-il miser plutôt sur les garçons ou
«Vadim, c’était notre guide», décrit Isabelle les filles ? «On a fait une étude économique
Fijalkowski, l’ex-pivot de Bourges. «Là, notre sur le département, qui a montré qu’on pou-
objectif n’était plus seulement de gagner, mais vait faire une coupe d’Europe à Bourges, mais
de gagner pour Vadim. On savait que c’était plutôt sur les féminines», raconte-t-il. «Quand
dérisoire, mais on voulait finaliser le travail je suis recrutée, on me parle déjà de cet ob-
fait pendant ces années de construction, lui jectif : gagner, un jour, le plus grand titre», se
dire merci. On est parti au Final Four pour lui.» rappelle Yannick Souvré, arrivée à l’intersai-
Dans ses années de présidence, Pierre Fosset son 1993. Un tournant. Cet été-là, le club at-
a connu bien des équipes mythiques. Aucune tire Kapranov, ex-international puis coach de
n’a atteint l’unité montrée par le groupe de l’URSS, et sa compatriote Yelena Khudashova,
1997. «Jamais je n’ai vu une telle force de ca- intérieure de référence.
60
Fonds Emile Sineau/Tango Bourges Basket
Kapranov ne parle ni le français ni l’anglais. daient : non, là, on ne traduit pas, car vous,
Avec lui, la communication est… «particulière», en tant que Françaises, vous ne le supporte-
sourit Fosset. «La première fois que j’ai voulu riez pas.»
discuter avec lui, on monte dans mon bureau,
je m’assieds sur mon fauteuil, lui en face, mais
je sens que ça ne va pas : il y a le bureau entre UN COACH, UN COUPLE
nous. Ensuite, pour discuter, j’allais chez lui. La méthode Kapranov, «c’est facile, c’est trois
Il m’offrait le café, une petite vodka, et ça se mots», poursuit l’ancienne meneuse : «Travail,
passait très bien.» travail, travail». L’entraînement dure 1h30, ja-
Avec les joueuses, la barrière de la langue, mais une minute de plus. Et pendant 90 mi-
bien qu’existante, se baisse. «Le ton de sa nutes, règnent les mots intensité et exigence.
voix, le regard… On s’est mise à comprendre «Il était hyper dur, mais il nous aimait, on le sen-
le russe», dit Fikalkowski. Surtout, Khudashova tait. Moi, je l’aurais suivi au bout du monde»,
et Anna Kotočová, autre star russe, arrivée dit Souvré. «C’était sans complaisance, mais
dans le Berry en 1994, servent de pont. «Elles c’est la véritable bienveillance : on sentait qu’il
traduisaient tout. Sauf les insultes !», s’amuse avait à cœur de développer les joueuses indi-
Souvré. «Quand Vadim était énervé, je leur di- viduellement, pour apporter à l’équipe», pour-
sais : mais qu’est-ce qu’il dit ? Et elles répon- suit Fijalkowski.
61
Photos : Fonds Emile Sineau/Tango Bourges Basket
Yannick Souvré, «Et il ne faut pas oublier sa femme, ancienne jamais de relation avec elles.» Quand ces pro-
après la victoire.
championne de Russie de patinage artistique pos lui sont rapportés, Souvré passe menta-
À droite, le
président Pierre puis entraîneure nationale», insiste Souvré. lement en revue les autres entraîneurs. «Il n’y
Fosset avec la «Elle nous a fait beaucoup de prépa physique, en avait pas un qui n’était pas a minima dans
Coupe et un et elle apportait un regard féminin à Vadim.» une des catégories.»
supporter. Un exemple. «Un jour d’entraînement, j’ai mes
règles. Aujourd’hui, on en parle, à l’époque c’était
extrêmement tabou», resitue la capitaine. «Je LA GUEULANTE CONTRE
SANTANIELLO
À Bourges, en même temps que la mé-
thode russe infuse, l’effectif s’étoffe. Odile
“YELENA KUDASHOVA ET ANNA KOTOČOVÁ Santaniello arrive en 1994, Isabelle Fijalkowski
et Cathy Melain en 1995, la Tchèque Eva
TRADUISAIENT TOUT. SAUF LES INSULTES ! Němcová en 1996. «À chaque fin de saison,
Vadim repartait à Moscou, la nouvelle équipe
QUAND VADIM ÉTAIT ÉNERVÉ, ELLES NOUS n’était pas constituée, et il me disait : fais
DISAIENT : LÀ, ON NE TRADUIT PAS, CAR comme tu veux !», rit Pierre Fosset. «Il esti-
mait que Bourges payait, donc je prenais les
VOUS, EN TANT QUE FRANÇAISES, VOUS NE joueuses, et lui s’occupait de les faire jouer.»
Les victoires arrivent vite. Bourges remporte
LE SUPPORTERIEZ PAS.” Yannick Souvré son premier titre de champion de France en
1995, gagne la Ronchetti (deuxième coupe
lui dis : j’ai mal au ventre. Il m’a répondu : rentre d’Europe) la même année, puis atteint le Final
chez toi te reposer. Alors qu’un entraîneur fran- Four de l’Euroleague en 1996. Et en 1997, le club
çais, dans les mêmes conditions, m’avait dit : retrouve le Final Four après avoir concassé
t’as qu’à courir, ça coulera plus vite...» Galatasaray, limité à 33 points en quart !
Un autre épisode a marqué Souvré. Lors d’un Bourges présente la première défense de la
séminaire entre coaches, interrogé par ses compétition, de loin (59,2 points encaissés, de-
confrères français sur sa conception du mé- vant Ružomberok, 67,6). «Avec un groupe plutôt
tier, Kapranov répond : «Il y a trois choses. Je constitué d’individualités offensives, Vadim a
ne veux que des joueuses à fort caractère, je réussi le tour de force d’en faire une équipe qui
ne m’occupe jamais de leur vie privée, et je n’ai défendait très bien. Parce qu’on défendait en
62
équipe», explique Fijalkowski. «Tu ne défends
pas ? Tu ne joues pas», résume Souvré. Et au-
cun passe-droit, pas même à Odile Santaniello,
débarquée dans le Berry auréolée de ses huit
trophées de MVP. «À l’époque, Odile ne défen-
dait pas. À la mi-temps d’un match où rien ne
marche, Vadim lui a passé une gueulante ter-
rible. C’était : tu as peut-être tes huit titres de “ÇA NE PLAÎT PAS QUAND JE DIS ÇA,
MVP mais tu n’as jamais rien gagné, tu n’es rien,
rien ! C’était violent. Mais Odile s’est beaucoup PARCE QUE CERTAINS SONT COCORICO,
plus mise au service de l’équipe.»
MAIS VADIM A FAIT DÉVELOPPER LE
BASKET FÉMININ FRANÇAIS.” Pierre Fosset
DÉMONSTRATION À LARISSA
En avril 1997, l’équipe s’envole pour Larissa. Elle
a rendez-vous avec Côme, qui l’a éliminée un an grand événement, avec toute la ville aux cou-
plus tôt à ce stade des demi-finales. Et elle doit leurs orange et noir», revoit Fosset. Cette fois,
donc faire sans Kapranov (remplacé par son as- Kapranov est de la partie. Mais un décès a
sistant Olivier Hirsch), absent physiquement… encore frappé le groupe à quelques jours de
mais pas mentalement. Là est le coup magis- l’événement, celui du père de Kotočová. «Anna,
tral de l’entraîneur qui, pendant des années, a c’est notre socle, l’expression parfaite du sys-
fait plus que diriger ses joueuses, il leur a donné tème Kapranov, l’abnégation totale, la fille qui
confiance. «Il nous a inculqué la culture de la jouera même avec une jambe en moins», image
gagne. Il a enlevé ce sentiment qu’on avait, nous, Souvré. «Et là, elle joue. Pour son père, pour
Françaises, d’être inférieures», recontextualise Vadim. Quand tu vois ça, à côté, tu y vas avec
Fijalkowski. «C’est ça, la force de Kapranov : on un supplément d’âme.» Bourges conserve son
était programmé, parce qu’on croyait en cette titre, devenant le premier club français, tous
méthode», appuie Souvré. sexes et sports confondus, à réussir un dou-
Bourges prend sa revanche sur Côme, 68-58, blé européen.
et 48h plus tard, en finale, domine le champion 1998 marque le départ de Kapranov, que l’on
en titre, le club allemand de Wuppertal, 71-52, ne reverra plus en club, mais sur le banc de la
qui n’a pas vu le jour. «On récite la leçon, mot sélection féminine russe. Et en 2001, lors de
pour mot, c’est du papier à musique», savoure l’Euro en France, face aux tricolores qui rêvent
Souvré, élue MVP du week-end. «Sans Vadim, d’un premier sacre, c’est la grande Russie de
on n’était pas perdu, il ne nous a pas rendues Kapranov en finale. Impériales, les Bleues de
dépendantes. C’est le travail ultime : on n’en- Souvré, Fijalkowski, Melain ou encore Audrey
traîne pas pour soi, pour son ego, mais pour Sauret, passées entre les mains de l’ancien
que les joueurs, d’eux-mêmes, puissent conti- Colonel de l'Armée rouge, se parent d’or.
nuer leur chemin», rend hommage Fijalkowski. «Ça ne plaît pas quand je dis ça, parce que cer-
Lors des deux rencontres, les Berruyères af- tains sont cocorico, mais Vadim a fait déve-
fichent une bandelette noire sur leur maillot lopper le basket féminin français. C’est lui qui
blanc, au-dessus du cœur. «On voulait gagner a appris aux joueuses à être des gagnantes»,
pour nous, évidemment, mais ça allait au-delà. estime Fosset. Et Souvré d’appuyer : «Sans
C’était pour Vadim», rappelle Souvré. faire offense à Alain Jardel, qui nous a fait ga-
gner, Vadim est une part prépondérante de la
victoire de 2001. C’est sa méthode, qu’il nous
1998, À DOMICILE avait enseignée, qu’on s’est appropriée, qui
Un an plus tard, Bourges est de retour au nous a permis de gagner contre lui.» Lui, c’était
Final Four, à domicile. Symbole de la struc- Vadim Kapranov, décédé en 2021. Certains
turation du club qui se poursuit. «Ça a été un l’appelaient le sorcier. Il était un guide.
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Mes souvenirs
ALI TRAORÉ
“LA MÉDAILLE D’ARGENT
À L’EURO 2011, C’ÉTAIT FOU”
À 37 ans, l’intérieur aux doigts de fée a officialisé sa retraite. L’ex-Bleu clôt
un chapitre extrêmement dense et varié, qui l’aura vu parcourir le globe.
PROPOS RECUEILLIS PAR YANN CASSEVILLE
Pascal Allée
L
e joueur qui vous a fait Ali Traoré et Le meilleur coéquipier ? L’adversaire le plus talentueux ?
aimer le basket ? sa fameuse Si j’en dis un, les autres vont Pour rester sur mon poste, Pau
Le show Allen Iverson “papatte me tomber dessus ! Allez, parce Gasol. C’est la quintessence du
gauche" avec la
en finale NBA en qu’il va bientôt prendre sa re- basket. FIBA, NBA, c’est pareil.
France face à la
2001. Quand il Russie lors de traite, Amara Sy. Je l’ai rencon- 2,15 m, ambidextre, trois-points,
marche au-dessus de Tyronn l'Euro 2009. tré quand je suis arrivé à 15 ans passe… Je me le suis coltiné
Lue, je me suis dit : «Putain à l’ASVEL, on s’est suivi pendant plusieurs fois, c’est un cauche-
mais le basket, c’est trop cool ! toutes ces années. Sur le ter- mar. Mais quand même, Kevin
» C’est devenu une obsession, je rain, ça collait à mort, on a été Durant… 2,10 m, dextérité, shoot,
n’avais plus que ça en tête. Alors champion de France ensemble capacité à tirer dans n’importe
qu’avant, comme je viens d’une à l’ASVEL, et on était carrément quelle position, c’est anormal !
famille de basketteurs et que je voisins de palier à Lyon – l’enfer
suis un rebelle dans l’âme, je re- pour les autres voisins ! (Il rit) Le coach qui a le plus compté ?
fusais le basket. C’est un grand frère. Vincent Collet. Il m’a appris le
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basket de haut niveau. Au début,
c’était chiant, parce que c’est un SA VIE AUJOURD’HUI
professeur, il répète, tu as par-
fois envie de lui dire «ferme ta
gueule». Mais quand tu intègres
ce qu’il te dit, le basket devient
tellement plus facile.
nale, mais on s’est qualifié pour
Le moment où vous vous êtes les JO.
senti le plus fort ?
En Russie, j’étais au top de Le pire souvenir ?
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Découverte
ANNE-MARIE GRENIER
LA DOYENNE AU BALLON
À 89 ans, la grand-mère
de William Howard,
inscrite au club de
Montbrison, est la plus
âgée parmi les 630 000
licenciés en France.
PAR YANN CASSEVILLE
A
nne-Marie Grenier
est la licenciée…
«La plus vieille !»,
d eva n ce -t - e l l e,
alors que nous lui
confirmons l’objet de notre ar-
ticle. «Je le savais, parce que
notre entraîneuse nous l’a ré-
pété au moins dix fois. Je lui ai
dit : écoutez, je sais que je suis la
plus vieille, ce n’est pas la peine
de me le rappeler sans arrêt !»,
raconte-t-elle en riant. Parmi
les plus de 630 000 licenciés
D.R.
du pays, Madame Grenier pré-
sente effectivement le statut de passé dans de très bons clubs, Mamie a suivi les traces du pe-
doyenne, étant née en 1933. «Le William «Skip» Howard. Et en- tit-fils en s’engageant ces der-
1er janvier», précise-t-elle. «C’est semble, ils ont eu William, qui nières années à Montbrison via
comme ça, j’attaque l’année !» joue aujourd’hui à l’ASVEL.» le basket santé, un programme
Elle est inscrite à Montbrison, Anne-Marie Grenier est ainsi la fédéral permettant une pratique
ville qu’elle a ralliée à son ma- grand-mère de l’actuel ailier de mixte, intergénérationnelle, ou-
riage, «après être née dans l’Est, Lyon-Villeurbanne. «C’est ça ma verte à tous les publics. «C’est
Nancy, et avoir habité Paris». Le chaque lundi matin de 10h30 à
sport a toujours intéressé «d’une midi. Ce sont surtout des gens
manière générale» celle qui, dans à partir de 60 ans. C’est sym-
sa jeunesse, «a beaucoup joué au
“C’EST SYMPATHIQUE, ÇA NOUS pathique, ça nous fait remuer
tennis et pratiqué le ski l’hiver» FAIT REMUER UN PEU. ET QUAND un peu. Et quand on réussit à
notamment. «Je m’intéresse mettre un panier, on est bien
aussi au foot, et plus globale- ON RÉUSSIT À METTRE UN content !», dit-elle, bien déci-
ment à beaucoup de disciplines.» dée à poursuivre sur sa lancée.
Et donc, évidemment, son ins-
PANIER, ON EST BIEN CONTENT !” «Quand on approche des 90 ans,
cription au basket témoigne on peut se dire que du jour au
d’une passion de toujours pour passion», sourit-elle. «Quand ma lendemain, on quitte cette Terre.
la balle orange ? Tout faux ! fille jouait, on regardait le bas- Je ne sais pas ce que l’année pro-
«La passion du basket, je ne l’ai ket. Et quand il y a eu William, chaine me réserve, mais si je suis
pas eue», s’amuse-t-elle. «En l’intérêt a été encore plus grand. là, bien sûr que je continuerai !»
revanche, j’ai eu une fille, qui a Je ne suis pas allée à l’Astroballe Avec toujours le même réflexe
joué au basket, et qui a épousé cette saison pour le voir, mais à chacun de ses paniers : «Je
un Américain, un basketteur l’année dernière, oui.» pense à mon petit-fils».
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