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N° 638 Janvier 2023

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Dans la gueule
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des “Assam Dragons”


L 19853 - 638 - F: 8,20 € - RD

1942-1945
Anniversaire Saga judiciaire C-47 “Skytrain” Vol vertical

Jean Barbaud Esnault-Pelterie : En vol avec Les ambitions


aux commandes 73 procès un magnifique de l’Allemagne
du Fana ! pour un manche aigle hurlant en 1971
SOMMAIRE N° 638/JANVIER 2023

Le P-40N de Cliff “Moon Face” Long


en action par Jean Barbaud.

Jean Barbaud fête ses 40 ans au Fana de l’Aviation en parsemant ses pages
de son fameux Maestro. Merci à Hello Maestro/Procidis pour leur aimable
autorisation de publication. Bonne année 2023 chers lecteurs ! Le Fana

Espace Clichy, immeuble SIRIUS

4 Actualités
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E-mail : redac_fana@editions-lariviere.com
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14 Livres Quand un pilote français découvre
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des “Assam Dragons” Première partie. Les Irakiens mettent
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Aux confins de la Chine, la Birmanie en œuvre le missile sol-air “Roland”
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480 bougies verticales
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pour Jean Barbaud de l’Allemagne
Fana après Fana, l’ami Échapper à la destruction des pistes
Jean Barbaud et toujours là. et riposter à l’attaque ? Les Allemands Rejoignez
Retour sur un incontournable. étudient le vol vertical avec le VAK191B.
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pour un manche Le “Constellation”
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Une bataille judiciaire épique s’envole
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des textes et illustrations qui lui sont envoyés
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ACTUALITES

BYRON HUCKEE

Un A-1H “Skyraider” vétéran du Viêtnam


dévoilé au National Museum of the USAF
Depuis la fin du mois de Dong Hoi, au Vietnam du Nord, lors duquel de stockage pendant plusieurs années. L’A-1H
novembre, le Douglas A-1H il fut touché par des tirs venus du sol, ce Sa restauration n’a débuté qu’en 2011 “Skyraider”
“Skyraider” BuAer. n° 134600 qui déclencha un incendie ; William Jones environ, mais les travaux ont vite été restauré
récemment restauré est exposé au sein parvint à ramener le “Skyraider” à sa arrêtés parce qu’il manquait de nombreuses aux couleurs
du National Museum of the US Air Force base malgré de très graves brûlures, et à pièces, notamment plusieurs panneaux du Proud
(NMUSAF) à Dayton, dans l’Ohio. transmettre les informations vitales pour le externes blindés à l’arrière du capot American par
L’avion exposé a participé à l’opération sauvetage du pilote du F-4 qui fut récupéré moteur. Ces pièces n’étant pas facilement le NMUSAF peu
Farm Gate au début des années 1960 le lendemain. The Proud American est disponibles, la restauration a été avant qu’il soit
et a servi dans la force aérienne sud- encore bien connu pour avoir été le dernier abandonnée et le “Skyraider” relégué rentré dans
vietnamienne de 1965 à 1975. Il a été A-1 “Skyraider” perdu en combat en Asie dans un hangar de stockage. un des halls
restauré, modifié et peint par les ateliers de du Sud-Est, en septembre 1972. Au début de 2019, ma frustration avait d’exposition,
restauration du NMUSAF pour représenter La restauration du A-1H aujourd’hui exposé atteint un tel niveau que j’ai décidé d’agir où il est le
l’A-1H matricule 52-139738 du capitaine a pris 18 mois et a été financée par un car il n’y avait toujours pas de plan pour centre d’une
Ron Smith, The Proud American, tel qu’il partenariat entre l’Air Force Museum la restauration de l’A-1H. L’un de mes exposition
fut utilisé lors de la mission de sauvetage Foundation et l’A-1 Skyraider Association. camarades de classe à Hurlburt Field permanente
consacrée aux
d’Oyster 01B, le navigateur d’un F-4 Byron Huckee, ancien pilote de lors de ma transition sur A-1 était
missions Search
“Phantom” abattu près d’un aérodrome “Skyraider” Sandy lors de la guerre un autre 1st lieutenant du nom
and Rescue
nord-vietnamien le 2 juin 1972. Ron Smith du Viêtnam, raconte : “En 1997, un de Lance Smith. Lance a eu une belle
(SAR) durant
fut décoré de l’Air Force Cross pour ce A-1H et un A-1E “Skyraider” sont arrivés carrière et a pris sa retraite en tant que
la guerre
sauvetage, la mission la plus en profondeur au 309th Aerospace Maintenance and général 4 étoiles. J’ai pensé qu’il pourrait du Viêtnam,
au Viêtnam du Nord jamais effectuée Regeneration Group près de la base nous aider à avoir un peu de “levier” notamment
par des Sandy. Il volait alors au sein du de l’USAF de Davis-Monthan, à Tucson, au sein du NMUSAF pour restaurer celles dont
1st Special Operations Squadron, depuis dans l’Arizona. Il s’agissait de “Skyraider” l’A-1H… et du levier, il en a eu ! l‘indicatif radio
la base de Nakhon Phanom (NKP) en abandonnés par la force aérienne Une équipe de trois anciens pilotes était Sandy,
Thaïlande. Sandy était l’indicatif radio des vietnamienne au sud du Viêtnam de “Skyraider” vétérans du Viêtnam et réalisées par
“Skyraider” lors des missions de recherche après la chute de Saïgon en avril 1975. un pilote actuel de “Skyraider” spécialiste les “Skyraider”.
et de sauvetage durant la guerre du La rumeur dit qu’ils avaient été saisis de l’histoire du type (tous membres
Viêtnam (lire Le Fana de l’Aviation n° 619). par les douanes américaines après avoir de l’A-1 Skyraider Association) ont visité le
En plus de sa participation à la mission de été exportés du Viêtnam par une personne musée en novembre 2019 et ont fait une
sauvetage Oyster 01B, The Proud American dont l’identité n’est pas connue. proposition qui a finalement été acceptée
acquit une petite renommée pour avoir L’A-1E s’est retrouvé au Hill Aerospace et mise en œuvre. La proposition était
participé à une mission Sandy réalisée Museum près d’Ogden, dans l’Utah, que l’A-1H serait restauré et ferait partie
le 1er janvier 1968 par le lt-col. William où il est actuellement exposé, et l’A-1H a d’une exposition plus large et plus inclusive
Jones qui valut à ce dernier une Medal été expédié au National Museum of the US intitulée Recherche et sauvetage en Asie
of Honor : le sauvetage d’un pilote de F-4 Air Force (NMUSAF), où il fut réassemblé, du Sud-Est (SAR in SEA). Ce qui a été fait
“Phantom” abattu 30 km au nord-ouest de mais a ensuite langui dans le hangar de la plus belle des manières.”
4
En bref
Tragédie de Dallas : le rapport Fin du “Mystère” 20 à la DGA-EV
préliminaire du NTSB évoque Le 25 novembre dernier, le Dassault “Mystère” 20 n° 288
codé CV a effectué le dernier vol d’un “Mystère” 20 pour
l’absence d’indications de le compte des Essais en vol de la Direction générale de
l’armement (DGA-EV). Les premiers “Mystère” 20 étaient
arrivés en 1968 au centre d’essais en vol, cinq ans après
déconfliction d’altitude au briefing le vol inaugural du biréacteur. Jusqu’à 14 exemplaires
ont été utilisés par DGA-EV et l’Epner (École du personnel
Le NTSB (National Transportation Safety Board, Bureau
d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation
civile américain) a publié son rapport préliminaire sur la tragique
collision en vol de Dallas le 12 novembre dernier. Six personnes sont
mortes après que le Bell P-63F “Kingcobra” matricule 43-11719,
immatriculé N6763, a percuté en vol le Boeing B-17G “Flying
Fortress” immatriculé N7227C et baptisé Texas Raider,
lors du Wings Over Dallas Airshow de la Commemorative Air Force.
Le rapport préliminaire ne donne aucune indication sur les causes DR
de l’accident. Il indique que le directeur des vols a indiqué navigant d’essais et de réception). Ils ont notamment été
par radio à un trio composée de deux P-51 et du P-63 de passer utilisés pour la mise au point des équipements embarqués
– sur une ligne éloignée de 1 000 pieds (305 m) du public – devant de la famille “Mirage” 2000 puis des “Rafale”, mais aussi
cinq bombardiers menés par le B-17 qui allaient se présenter pour celle des systèmes de guerre électronique, et même
à la queue leu leu pour un passage sur une ligne parallèle à la ligne des auto-directeurs actifs d’un grand nombre de missiles.
du public, éloignée de 500 pieds (152 m) de celui-ci. Le P-63 suivait Les “Mystère” 20 ont également été utilisés par l’Epner
les deux “Mustang” et était en virage à gauche quand il a percuté pour la formation des équipages d’essais.
le B-17. Dans ce rapport, il est mentionné que la coordination
des altitudes (déconfliction) n’avait fait l’objet d’aucunes indications
lors du briefing précédant le vol ou durant le vol. Lors d’une
La directrice du musée l’Air
interview, Eric Weiss, porte-parole du NTSB, a indiqué que l’agence et de l’Espace lauréate
gouvernementale essaie de déterminer la séquence des manœuvres du prix de l’Excellence française
qui ont amené à l’accident et si des spectacles aériens de cette
Anne-Catherine Robert-Hauglustaine a reçu, au nom du
nature ont normalement des plans de déconfliction. Le rapport
musée de l’Air et de l’Espace, le prix de l’Excellence française,
pourrait être publié à la fin de cette année.
qui distingue chaque année depuis 2009 des sociétés et
des institutions représentées par des personnes qui, par leur
Carolyn Grace emportée talent, leur créativité et leur capacité d’innovation, participent
au rayonnement du pays dans le monde. Il est soutenu

par un accident de voiture par les pouvoirs publics, mais aussi par plusieurs ministères
(dont celui de la Culture et de la Communication et celui
de la Défense). Il distingue chaque année dix personnes
La collectionneuse et pilote d’origine australienne Carolyn
jugées les plus représentatives des secteurs d’activité
Grace est décédée des suites d’un accident de voiture en
dans lesquels la France brille à l’échelon mondial.
Australie le 2 décembre dernier. Son fils Richard Grace, patron
de la société Air Leasing et de la patrouille Ultimate Fightrers,
présent dans la voiture, n’a été que légèrement blessé. Carolyn
Grace était une icône du monde des warbirds. Elle mettait en œuvre
le “Spitfire” Tr. Mk IX ML407, dit “The Grace Spitfire”, depuis
le décès en 1988 de son mari Nick Grace qui l’avait restauré (lire
Le Fana de l’Aviation n° 605). Elle avait pris les commandes du
ML407 pour la première fois en 1990, après avoir appris à piloter
après le décès de son époux, et avait plus de 900 heures sur
le chasseur. Elle n’avait arrêté de piloter le ML407 qu’en 2017.
DR
DR/VIA ANNE-CATHERINE ROBERT-HAUGLUSTAINE
À la suite
du décès Prenez date pour les 70 ans
de son mari
Nick en 1988, de la PAF, La Ferté-Alais et Melun
Carolyne Grace Les premières dates de meetings pour 2023 sont annoncées :
avait appris – le Meeting de l’Air 2023, organisé par la Fosa (Fondation
à piloter pour des œuvres sociales de l’air), se tiendra les 20 et 21 mai
“faire vivre” le sur la base aérienne 701 de Salon-de-Provence. Il sera
biplace ML407, l’occasion de fêter les 70 ans de la Patrouille de France ;
alors que sa fille – la 50e édition du Temps des Hélices, le spectacle aérien
Olivia et son fils annuel de l’Amicale Jean-Baptiste Salis, aura lieu les 27
Richard étaient et 28 mai. La billetterie est d’ores et déjà ouverte sur :
en bas âge. https://letempsdeshelices.fr/billetterie/
– le Paris-Villaroche Air Legend aura lieu sur l’aérodrome
de Melun-Villaroche les 9 et 10 septembre.

5
ACTUALITES

Un A6M3 “Zero” et un SNB-1 “Kansan”


pour le Military Aviation Museum

MAM
L’A6M3 “Zero”
Au début du mois de du MAM
novembre dernier, le Military restauré par
Aviation Museum (MAM) du Legend Flyers
collectionneur américain Jerry Yagen, à doit encore faire
Virgina Beach, en Virginie, aux États-Unis, son premier
a annoncé avoir acquis un rare Mitsubishi vol post-
A6M3 “Zero” restauré par la société restauration.
Legend Flyers d’Everett, dans l’État de
Washington. Le chasseur est immatriculé
NX9940, mais n’a pas encore effectué son
vol inaugural post-restauration. Son épave
avait été récupérée sur l’atoll de Tarawa,
dans l’archipel des Gilbert, en 1991.
Le MAM a par ailleurs ajouté à sa collection
le SNB-1 “Kansan” (version pour l’US Navy Ce SNB-1
de l’AT-11) BuN° 39926, réceptionné par “Kansan” fait
l’US Navy le 27 mars 1943 et immatriculé désormais partie
N2880D. Le bimoteur a été confié des collections
à un atelier californien pour être rafraîchi du Military
et mis au standard du musée. Aviation Museum.
MAM

L’Avro “Vulcan” XH558 désormais silencieux à tout jamais,


L’Avro “Vulcan” matricule XH558 a fait entendre pour la John Sharman, président de VTTS. Bien que nous reconnaissions
toute dernière fois le son de ses réacteurs Bristol-Siddeley qu’il serait extrêmement triste de devoir démonter le XH558, cela
“Olympus” le 20 novembre dernier sur l’aéroport de Doncaster, signifierait qu’en fin de compte il serait préservé et pourrait toujours
en Grande-Bretagne, salué par les pompiers de l’aéroport qui l’ont informer, éduquer et inspirer les futures générations d’ingénieurs.”
surplombé d’une arche d’eau. Il avait fait son tout dernier vol le En février 2022, une tentative d’appel aux dons pour collecter
20 octobre 2015, pour rejoindre Doncaster, où le Vulcan to the Sky suffisamment d’argent pour construire un hangar dédié et un centre
Trust (VTTS) le maintenait en état et faisait tourner ses réacteurs d’accueil pour le XH558 n’avait pas porté ses fruits. Le projet portait
régulièrement durant la belle saison, lors de séances publiques. sur un mélange nébuleux de “Vulcan Experience”, de plateforme
Mais le contrat de location du hangar qu’occupe le VTTS n’a pas de technologie verte et de mémorial dédié à la V-Force (les
été renouvelé par l’aéroport de Doncaster qui est menacé bombardiers stratégiques britanniques de la période guerre froide)
de fermeture, et le “Vulcan” devra l’avoir quitté au plus qui pouvait sembler passionnant et innovant sur le papier mais
tard en juin prochain. À ce jour, l’avenir du XH558 est qui, dans la pratique, avait sous doute peu de chances d’attirer
donc des plus incertains. le nombreux public requis pour le rendre viable à long terme.
“La principale alternative est de démonter l’avion et de le VTTS possède également le “Canberra” matricule WK163, détenteur
déplacer vers une autre demeure ; nous avons deux d’un record mondial d’altitude, qu’il devait remettre en vol. Et dont
emplacements potentiels en négociation, a expliqué l’avenir doit sans doute être encore plus assuré que celui du XH558.
DR

6
En bref
Le “Spitfire” Mk XVIII TP280 a quitté
l’Allemagne pour le Canada
Le Canadien Mackenzie Cline, patron et chef pilote
de la société Stampede Aviation sur l’aéroport
de Chatham-Kent Ontario, a annoncé qu’il présentera
dans les futurs spectacles aériens de cette année
le Supermarine “Spitfire” Mk XVIII matricule TP280.
Le chasseur appartenait auparavant à la collection
allemande Hangar 10, dont le fondateur est décédé dans
un accident d’avion en août 2020. Le TP280 appartient
désormais au collectionneur canadien Peter Timmermans,
de Blenheim dans l’Ontario, qui possède également
le P-51D immatriculé N551TF et baptisé Double Trouble
Two (acheté en Allemagne en 2021) et le Hawker “Sea
Fury” qui appartenait au Français Christophe Jacquard.

US AIR FORCE PHOTO BY NICHOLAS PILCH

Bud Anderson élevé au grade


de général à 100 ans
Le 2 décembre dernier, dans l’Aerospace Museum of Ci-dessus,
California de McClellan, en Californie, le chef d’état-major de le chef d’état-
l’US Air Force, le gén. Charles Q. Brown Jr a présidé une cérémonie major de DR
lors de laquelle le colonel (en retraite) Clarence E. “Bud” Anderson, l’USAF, le
triple as durant la Deuxième Guerre mondiale, a été promu au grade général Charles Un B-25 pour le Lincolnshire
honoraire de général de brigade aérienne. Cet événement s’inscrivait Q. Brown Jr
(à gauche) salut
Aviation Heritage Centre
dans la liste de ceux qui ont marqué tout au long de l’année 2022
le 75e anniversaire de l’USAF en tant qu’arme indépendante. le triple as de Le Lincolnshire Aviation Heritage Centre, à East Kirkbyn
En effet, c’est le 18 septembre 1947 que le tout premier secrétaire la Deuxième en Grande-Bretagne, a réceptionné au début du mois
de l’Air Force fut nommé au sein du gouvernement américain, Guerre de novembre le North American B-25 “Mitchell” matricule
donnant ainsi naissance à une nouvelle branche de l’armée mondiale Bud 44-29366, en provenance du Royal Air Force Museum.
américaine ; le général Carl A. Spaatz en devint le tout premier chef Anderson qu’il Ce dernier avait publié en 2021 la liste des avions qu’il
d’état-major le 26 septembre suivant. vient d’élever considérait surplus par rapport à ses collections et avait
Bud Anderson a effectué 116 missions de combat au sein du au grade lancé un appel d’offres. Le Lincolnshire Aviation Heritage
357th Fighter Group durant la Deuxième Guerre mondiale. Il a à son honoraire Centre, dirigé par Andrew Panton, avait alors soumissionné
crédit 16,25 victoires en combat aérien, ce qui lui vaut le titre de triple de général pour le B-25 et a eu la bonne surprise en août 2022
de brigade de recevoir la confirmation que son offre avait été retenue
as. Il a servi avec l’USAF jusqu’en 1972, après quoi il a travaillé au
aérienne et qu’il allait devenir le nouveau propriétaire du 44-29366.
centre d’essais du F-15 sur la base d’Edwards. Il a piloté plus
le 2 décembre Le bombardier a été promptement remonté à la fin de l’année
de 130 types d’avions différents et enregistré plus de 7 500 heures
dernier. dernière pour pouvoir être exposé dans les meilleurs délais.
de vol au cours de sa carrière de pilote. Il a été décoré, entre autres,
de deux Legion of Merits, cinq Distinguished Flying Crosses, 16 Air
Medals et de la Bronze Star Medal. Il fêtera ses 101 ans ce 13 janvier.
Il est actuellement le plus ancien as de la chasse américaine encore
vivant et le dernier triple as survivant de la Deuxième Guerre mondiale.

cherche une nouvelle demeure


À l’issue de sa DR

toute dernière
mise en route
des réacteurs,
L’AéCF organise le concours national
le “Vulcan” des jeunes artistes de la FAI
XH558 a reçu Cette année, l’Aéro-Club de France organise pour la France
l’hommage le concours national des Jeunes Artistes de la Fédération
des pompiers aéronautique internationale (FAI) sur le thème “Les sports
de l’aéroport aériens et l’environnement”. Les jeunes de 6 à 17 ans
de Doncaster, sont invités à prendre leurs pinceaux pour participer à ce
que le concours qui leur permettra peut-être, en cas de victoire,
bombardier de participer au concours international organisé par la FAI.
devra avoir
La date limite d’envoi des productions est fixée au 1er mars
quitté au plus
2023. Le règlement du concours est disponible à l’adresse :
tard en juin
https://aeroclub.com/commission-jeunes/
prochain.

7
ACTUALITES
La Marine dit adieu à ses “Alouette” III

ANTHONY RUÉ
La SA.319B
Le 9 décembre dernier, sur l’emport d’une charge utile plus importante ; été supérieure à celle des “Lynx” dédiés codée 997
la base de Lanvéoc-Poulmic, – SA319B, avec un moteur adapté aux à la lutte anti-sous-marine pourtant entrés était revêtue
les trois derniers exemplaires conditions de vol hot & high (temps en service bien après elles, en 1978, d’une livrée
de l’hélicoptère “Alouette” III qui étaient chaud et haute altitude), une meilleure et qui avaient alors permis à la Marine commémorative
encore opérationnels au sein de la flottille consommation de carburant, un radar nationale de réaliser un saut capacitaire spéciale lors
34F/ESHE ont officiellement été retirés du météorologique ORB-32 situé dans le nez. et technologique ; ils ont tiré leur révérence de la cérémonie
service, au cours d’une cérémonie présidée L’entrée en service en 1974 de la version en septembre 2020. L’“Alouette” III est officielle
par l’amiral Pierre Vandier, chef d’état- SA.319B au sein des flottilles 34F et 35F demeurée opérationnelle quasiment du retrait
major de la Marine nationale. Les SA.319B fit d’elle un appareil de lutte anti-sous- jusqu’au dernier jour, la 302 ayant en effet du service de
“Alouette” III codées 161, 302 et 997 ont marine. Elle pouvait sur le papier emporter effectué un dernier déploiement opérationnel l’“Alouette” III
effectué leur dernier posé sous les yeux deux torpilles Mk 46, mais elle n’emporta à bord du bâtiment de commandement de la Marine
d’une petite foule émue. Entrée en service le plus clair du temps qu’une seule de et de ravitaillement (BCR) Somme, lors nationale le
en 1962, soit trois ans après sa première ces munitions. Elle fut remplacée pour de l’exercice Silent Wolverine, organisé 9 décembre
au Salon du Bourget, la SA316 “Alouette” III ces missions de combat par le Westland en novembre autour de l’USS Gerald Ford, dernier
a accompagné la plupart des bâtiments “Lynx”, très efficace mais beaucoup moins le nouveau porte-avions de l’US Navy. à Lanvéoc-
de la Marine nationale en opérations rustique. En 60 ans, les “Alouette” III ont Selon les plans initiaux, l’“Alouette” III Poulmic.
sur toutes les mers. Les escadrilles 20S effectué plus de 330 000 heures de vol avec aurait dû être remplacée par la version Posé final
de Saint-Raphaël et 23S de Saint-Mandrier la Marine nationale, dans le cadre de tous navale de l’hélicoptère interarmées léger en formation
reçurent les premiers exemplaires. types de missions : transport, SAR (search [HIL] H160M “Guépard”, mais ce dernier des trois
Au total, 37 “Alouette” III ont volé sous and rescue, recherche et secours), lutte anti- ne sera disponible qu’à partir de 2028. dernières
la cocarde bleu, blanc, rouge ornée sous-marine, soutien logistique de L’intérim sera assuré grâce à la location “Alouette” III
d’une ancre et ce, sous deux versions : la flotte, “Pedro” (sauvetage au profit auprès du secteur privé d’une flotte de la Marine
– SA316B, avec une transmission d’un avion embarqué) pour le groupe aérien de dix “Dauphin” N3 et de six H160 le 9 décembre
renforcée, un rotor amélioré, permettant embarqué, formation, etc. Leur longévité a militarisés pour les missions SAR. dernier.

DR

8
En bref
L’association Bunker Archo 56 Le tout dernier B-747 est sorti
retrouve les vestiges d’un P-61 des usines Boeing de Seattle

“Black Widow” près de Vannes


Durant le mois de septembre dernier, les membres de
l’association Bunker Archeo 56 ont retrouvé des pièces
provenant du Northrop P-61A-10-NO “Black Widow” matricule
42-5566 du 425th Night Fighter Squadron, qui s’était écrasé près
de l’aérodrome de Vannes-Meucon le 28 août 1944. Génératrice
électrique pour l’allumage, culbuteur, soupape, potentiomètre, etc.
ont été retrouvés en surface. Ces pièces seront mises en valeur
dans le cadre d’une exposition.
Frédéric Arhuero, membre de Bunker Archeo 56, avait rencontré au
BOEING/PAUL WEATHERMAN
printemps de 2021 Pierre Jacob, à Trebrat en Saint-Avé, non loin
du site de l’accident, qui avait été à l’époque témoin de l’accident Le 7 décembre 2022 demeurera un jour historique dans
quasi direct puisqu’il s’était rendu le lendemain sur place avec les l’histoire de Boeing : le 1574e et dernier B-747 produit
Forces françaises de l’intérieur (FFI). Celui-ci lui livra son témoignage est sorti de ses usines d’Everett-Paine Field, près de
sur l’épave du Northrop P-61 “Black Widow” dont il a parfaitement Seattle. L’avion, un B747-8F portant le n° de série 67149,
conservé le souvenir malgré ses 95 ans. L’histoire resta dans un immatriculé N863GT, est destiné à Atlas Air. Il marque la fin
coin de tête de Frédéric Arhuero et c’est à l’occasion des recherches d’un long cycle de production de 54 ans, au cours duquel
menées pour la rédaction du livre Vannes-Meucon l’aérodrome sous l’avionneur a produit 1 574 “Jumbo Jet” : 205 B-747-100,
l’occupation 39-45 (coécrit par Mathieu Fromage, Frédéric Nebout, 45 B-747SP, 393 B-747-200, 81 B-747-300, 694
Frédéric Henoff et Johann Schmitz), publié en mai 2022, B-747-400 et 153 B-747-8.
que l’association bretonne relança l’enquête sur cet avion. L’été Pierre Jacob,
2022 fut mis à profit pour effectuer des prospections visuelles entouré Le dernier des briseurs de barrages
et localiser précisément le site avec l’accord des propriétaires. de Mathieu
Mme Gallo, maire de Saint-Avé, la direction régionale des affaires Fromage s’en est allé
culturelles et les associations de mémoires ont suivi avec intérêt (à gauche), Le squadron leader George Leonard “Johnny” Johnson,
cette recherche sur ce pan d’histoire méconnu de la commune. président dernier membre vivant du légendaire Squadron 617
En février 2021, un des membres de Bunker Archéo 56 avait fait de Bunker “Dambusters”, les fameux briseurs de barrages qui avaient
une découverte surprenante dans un champ de Monterblanc dans Archéo 56, effectué un raid resté dans les annales de la Deuxième
le Morbihan. Amaury Jubin, 15 ans, arpentant un champ tout juste et de Frédéric Guerre mondiale sur les infrastructures de l’Eder, de la Sorpe
cultivé par son père, avait découvert une chevalière gravée “GHF” Arhuero qui de la Mohne (lire Le Fana de l’Aviation n° 521), est décédé
datant de la Deuxième Guerre mondiale. Au terme d’une enquête tient dans le 7 décembre dernier. À bord d’un “Lancaster” du Squadron
ses mains 617, “Johnny” Johnson fut celui qui visa le barrage de la
minutieuse menée par son équipe de passionnés, Bunker Archeo
un morceau Sorpe et largua une des fameuses bombes qui ricochèrent
56 avait pu attribuer cette chevalière à l’aspirant Guy Henri Frottier
de collecteur plusieurs fois à la surface de l’eau avant de le heurter et
du GB 1/18 Vendée, qui pilotait une Douglas A-24 “Banshee” le
d’échappement d’exploser quelques mètres sous l’eau. Mais il ne largua la
29 novembre 1944 et s’était écrasé, trouvant la mort en compagnie
du P-61 “Black bombe qu’après que son pilote McCarthy eut effectué neuf
de son son mécanicien, le sergent mécanicien Isidore Andrei. Widow”.
BUNKER ARCHO 56 tentatives d’approche, renonçant à chaque fois du fait d’un
environnement très contraignant. Véritable héros, “Johnny”
Johnson avait été fait membre de l’Ordre de l’Empire
britannique par Sa Majesté la Reine d’Angleterre en 2017
et avait célébré son 100e anniversaire l’année dernière.

BUNKER ARCHO 56

Mathieu Fromage
montre un
morceau
de collecteur
d’échappement
RAF
du P-61.

9
LE COURRIER
Des hélices mystérieuses
La confiance en la qui précise néanmoins : “Il s’agit
perspicacité de vos bien du Salmson D6.T2 “Cri-
rédacteurs (justifiée par Cri” n° 250 construit en
25 ans de lecture du Fana), me pousse novembre 1938 avec semble-t-il
à demander votre aide : le classique moteur
l’association des Salmson 9ADr
professionnels de 60/70 ch. Il
de l’aéronautique et appartenait à l’État
de l’espace Les Vieilles au titre de l’Aviation
Racines, fondée en populaire. Quant
1926, a pu sauvegarder, aux hélices, elles
malgré de nombreux sont coaxiales
déménagements, et à l’évidence
certains documents contrarotatives.
transmis par ses Ce pourrait être
DR/COLL. GÉRARD MEYER
membres. Nous avons un système Colin,
retrouvé dans nos mais sans la moindre garantie. Ci-dessus et photo,
archives les photos ci-jointes d’un Le système Salaün concernait le Salmson D6.T2 “Cri-Cri”
Salmson “Cri-Cri” à deux hélices. plutôt la technique du pas et ses deux hélices.
D’après son immatriculation, variable. Peut-être qu’un lecteur
il a été livré le 22 novembre 1938, passionné de moteurs et d’hélices
sans mention particulière. Quelqu’un pourrait nous en dire plus ?”
connait-il l’histoire de cet avion Quelques précisions : le système
et la raison de cette double hélice Salaün se composait de deux
(peut-être un système Salaün ?). hélices semblables montées sur
l’arbre moteur, l’une derrière
Gérard Meyer, vice-président l’autre ; les deux hélices
des Vieilles Racines exécutaient le même mouvement
de rotation, mais l’hélice
C’est une colle en place avant avait la faculté
pour l’ami Bernard Bombeau, de coulisser sur l’arbre.
DR/COLL. GÉRARD MEYER

La malle mystérieuse de Mister Guillem


La réponse du mois dernier Le défi du mois
Le mois dernier l’ami Jacques Guillem avait trouvé une pépite Jacques Guillem plonge à nouveau dans sa malle mystérieuse
sous la forme du bien inconnu Edmunds G-1 et son moteur Salmson et vous propose un avion plus facile. Ses particularités vous aideront
croisé à Smithville, dans l’Ohio, en juillet 1957. Il faut bien dire que nous à le retrouver. Bonne chasse à vous !
savons peu de chose sur cet appareil, totalement inconnu au bataillon
et même dans la littérature spécialisée. Pas de gagnant !

Je ne suis pas le cheval


blanc d’Henri IV mais
je suis…

JACQUES GUILLEM

10
Le chant du cygne du YF-17A
Je me souviens avoir vu le chasseur bombardier et opte pour les opportunités de doter d’autres
YF-17A dont vous parlez dans un dérivé du YF-17A, lui offrant pays sont encore importantes,
Le Fana de l’Aviation n° 637 au Salon un nouvel avenir. Du coup comme par exemple l’Iran.
du Bourget. Mais quelle année ? Northrop commence une intense Mais le chasseur de Northrop
Hervé Duriaud promotion de son chasseur. peine à dépasser son handicap
Elle passe par une participation de départ en n’étant pas adopté
Réponse en images au Salon du Bourget de 1977. par l’USAF. Pire, sa version
avec la photo de Pierre Gaillard, Il faut en effet se mesurer à ses embarquée sur porte-avions, le
qui partage ici ses souvenirs du adversaires commerciaux du F/A-18A, est sous le contrôle du
Salon de 1977. Retour en arrière. moment, et surtout au General constructeur McDonnell Douglas,
En 1974, l’US Air Force Dynamics F-16A, dont la ce qui en fait un rival commercial,
sélectionne le General Dynamics production en série commence. en plus du F-16A. Le Salon du
YF-16A comme chasseur, Les démonstrations en vol sont Bourget de 1977 sera de fait le
délaissant le Northrop YF-17A l’occasion de souligner les qualités chant du cygne pour le YF-17A.
apparemment sans avenir. C’était du YF-17A, notamment sa Il s’effacera inexorablement face
sans compter l’US Navy qui maniabilité. Si l’Otan décide aux F-16A et F/A-18A au début
cherche de son côté un nouveau de s’équiper du F-16A, des années 1980.

Le Northrop
YF-17A présenté
au Salon du
Bourget de 1977.
Plusieurs pays
s’y intéressèrent
sans jamais
passer
commande.
PIERRE GAILLARD

Un mauvais code pour le Laté 631

Le Laté 631
avec son code
63+11 qui était
inspiré par sa
désignation.
DR/COLL. GÉRARD BOUSQUET

Fidèle lecteur depuis des Mureaux il reçut une décoration française On retrouve une similitude entre les
décennies, pour une fois j’ai F-BAGV avant de poser à Marignane codes et le numéro de type des avions.
trouvé une petite coquille dans l’article (zone libre). Après l’occupation Benoît Georgelin
sur le Laté 631 de Gérard Bousquet de la zone libre, les trois prototypes du
(Le Fana n° 636), dans la légende de la programme d’hydravions transatlantiques Tournée générale
photo en ouverture. Le code 16+11 cité reçurent une décoration allemande. au bar de l’Escadrille pour
n’est pas le bon, c’est celui du Cams. Les occupants ont ré-immatriculé le rédacteur en chef qui reçoit
Quand le Potez Cams 161 décolla de les trois appareils : le Late 631 reçut du camarade Gérard Bousquet
Sartrouville (zone occupée), il portait alors les codes 63+11, le Sncase SE 200 le la correction et qui ne l’applique
le code VE+WW. Après une escale aux 20+01 et le Potez Cams 161 le 16+11. pas dans l’article !
11
LE COURRIER
Censure
En lisant votre bel article sur les
F-15 israéliens (Le Fana nos 635
et 636), je remarque que les cocardes En rouge les marquages cachés
israéliennes ont été recouvertes de par la censure sur un F-15.
peinture orange. Était-ce pour masquer
l’identité des attaquants de l’opération
Wooden Leg ? Ou une autre raison ?
Encore bravo pour votre magazine
que j’ai plaisir à lire chaque mois.
Gaëtan Schnepp

Il est fréquent sur les


avions israéliens que les insignes
d’unité et les marquages soient
censurés sous la forme de carrés
noirs ou orange. L’H’eil Ha’Avir
(la force aérienne israélienne)
entretient souvent le flou sur
le nombre d’appareils disponibles
et les unités qui en sont dotés.
AC

Accidents Le A-35A “Vengeance” matricule 41-31198


à Meknès accidenté le 12 octobre 1943.

Je suis tombé dans une brocante


sur une série de photos
d’accidents d’avions français,
apparemment au Maroc en 1943.
Pourriez-vous m’en dire plus ?
Joseph Gitchenko

Si l’on en croit
les légendes écrites en blanc sur
les photos, c’est en effet du Maroc
dont il est question ici. Les dates
sont comprises entre mars
et décembre 1943, c’est-à-dire
à l’époque où l’armée de l’Air
est en pleine mutation après
le débarquement des Alliés en
Afrique du Nord en novembre
DR/COLL. JOSEPH GITCHENKO
1942. Les anciens matériels
cohabitent avec les nouvelles
dotations, ce que montrent bien Le A-35B matricule 41-31283
les photos où sont visibles du accidenté le 16 octobre 1943,
Potez 63/11 et du Dewoitine 520 puis de nouveau le 15 décembre.
déjà ancien à l’époque avec
le Vultee A-35 “Vengeance”
américain, plus récent. Quelques
mots à propos de ce bombardier
en piqué. Les Américains
en livrèrent 60 aux Français,
qui dotèrent les groupes de
bombardement GB I/32, GB II/62
et le GB I/17. Très vite le A-35
se tailla une mauvaise réputation
à cause de pannes répétées.
Il ne fut jamais engagé au combat
et resta en Afrique du Nord
pour l’instruction des personnels.
Il est question de Meknès dans
vos photos. Cette base aérienne
est en activité dès avant la
DR/COLL. JOSEPH GITCHENKO

12
Un Salmson
en Allemagne ?
Je viens de sortir d’un album
de famille cette photo. Pouvez-
vous me dire à quelle unité appartient
ce Salmson vu en Allemagne ?
Hervé Hui

Aucune hésitation
pour David Méchin : “Il s’agit
d’un Salmson 2A2 de l’escadrille
SAL 17, reconnaissable à son
DR/ COLL. H. HUI
insigne, un léopard rouge à tête Salmson 2A2
de diable dans un fanion blanc de l’escadrille à laquelle elle revient en France En 1940, cette escadrille est
ou bleu. Ce léopard démoniaque SAL 17 avec à Bitche. Elle devient en devenue la 1re escadrille du
évolue ensuite en lynx… son insigne janvier 1920 la 6e escadrille GR I/14 sur Potez 63.11.
L’unité stationne en Allemagne de léopard du 5e régiment d’observation, L’insigne du lynx orne
sur le terrain de Mayence- rouge. puis au mois d’août suivant maintenant le flanc des H225M
Gonsenheim entre le 1er janvier la 3e escadrille du 33e régiment “Caracal” de l’escadron
et le 23 septembre 1919, date d’observation. d’hélicoptères 1/67 Pyrénées.”

Première Guerre mondiale. bombardement s’installent au navigant (EAPN) s’installe


Après la défaite de juin 1940, Maroc et à Meknès. Fin 1943, à Meknès – elle devint l’École
plusieurs unités de chasse et de l’École d’application du personnel de chasse en 1947.
Le D.520 n° 81 en
mauvaise posture
le 23 mars 1943.
Il appartenait
alors à la
1re escadrille
du groupe
de chasse I/2
avec son célèbre
insigne
de la Cigogne
de la SPA 3.

DR/COLL. JOSEPH GITCHENKO

Le Potez 63/11
n° 730 accidenté
le 6 mars 1943.
Un ancien
de la bataille
de France avec
sur la dérive
le scorpion de
l’escadrille 554
qui appartient
au groupe de
bombardement
moyen (GBM)
2/63 Sénégal.

DR/COLL. JOSEPH GITCHENKO

13
À LIRE, À VOIR
L’essentiel seul exemple marquant : Kamikaze très parlante : “En ce d’un riche collectionneur
la vitesse des chasseurs, qui concerne la valeur italien de la fin des
qui augmentent dans martiale, il est plus années 1960. Mais quand
des proportions assez méritoire de mourir pour cette mission de routine
incroyables entre 1939 son maître que d’abattre se transforme en un
et 1945. Certains avions un ennemi”. convoyage clandestin
sont présentés plus en emmenant quatre
détail, de même que des Pacifique médecins en Afrique, Gilles
moteurs. À chaque fois Par Stéphanie Hochet Durance, le directeur
sont soulignés les points Chez Payot & Rivages de la petite compagnie
importants. Plusieurs 153 pages, 7,70 € de Perpignan, ex-membre
grands noms (ingénieurs ISBN 9782743652982 des Services secrets
ou pilotes) font par ailleurs français, comprend vite

Voici un livre pour initier


aussi l’objet d’une fiche
résumant leur importance
Stéphanie Hochet nous
immerge dans l’esprit d’un Grandes que les intentions de
son client ne sont pas si
un oisillon à l’histoire
de l’aviation. 800 avions
dans l’histoire de
l’aviation. Un glossaire
pilote kamikaze à la fin
de la guerre du Pacifique.
aventures louables que ce qu’elles
laissent paraître. Grâce
forment une fresque permet enfin de C’est un roman qui plonge à cette BD liant humour
chronologique qui ne pas se perdre dans l’état d’esprit des et rebondissements,
permet d’aller des dans le jargon. Il y a Japonais en 1945, quand plongez au cœur du désert
frêles pionniers sans doute des trous les certitudes s’effondrent avec Gilles Durance et
jusqu’aux dans la raquette, mais face à la réalité de la ses acolytes qui tentent
supersoniques l’ensemble forme défaite ? Que faire ? Reste d’échapper aux gangsters
actuels en une synthèse l’honneur, tout un état de la Mafia Italienne.
passant par intéressante. d’esprit qui conduit Andrés Richer
toutes les grandes les pilotes au geste fatal.
périodes. Des fiches 800 avions Ce grand prix littéraire Le Souffle
techniques permettent de légende de l’Aéro-Club de France de l’Harmattan
de faire des comparaisons, Chez Larousse 2021 vous propose un Pour le cinquième tome Gilles Durance, T. 5
ce qui est fort utile pour Ouvrage collectif voyage dans les mentalités de la série Gilles Durance, Par Callixte, chez Paquet
comprendre les évolutions 320 pages, 39,95 € du Japon de la fin de la on nous propose une 56 pages, 15,5 €
entre les appareils – un ISBN 978-2-03-604127-1 guerre. L’épigraphe est expédition à bord du DC-3 ISBN 978-2-88932-197-1

Chasseur légendaire
Le Messerschmitt 262 suscite toujours autant les caprices d’un dictateur de plus en plus loin
de publications. Il faut dire que le sujet impressionne des réalités opérationnelles. Tout cela est bien analysé
par son importance dans la guerre aérienne. et remet les pendules à l’heure sur le sujet.
Deux ouvrages se penchent sur son histoire. Autre publication avec le Me 262, Northwest Europe,
Dan Sharp revient, dans Me 262, Development & Politics, 1944-1945, qui se penche sur la carrière opérationnelle
sur le lancement du programme ; c’est une plongée du chasseur. Les tactiques pour attaquer les formations
dans les méandres tortueux de l’administration et de bombardiers sont expliquées, des témoignages de pilotes
de la folie du monde politique du IIIe Reich. Les décisions permettent de comprendre les spécificités de l’avion,
contradictoires s’enchaînent ; les ingénieurs doivent suivre ses points forts et ses points faibles. Une synthèse efficace.

Messerschmitt
Mes Me 262, Me 262, Northwest
Development
Dev Europe
Eur 1944-45
and Politics Par
P r Robert Forsyth
Pa
Par Dan Sharp Chez
Ch Osprey
Chez
Ch Tempest Books 8 pages, 23,70 €
82
32 pages, 35 €
326 ISBN
I
IS 9781472850515
ISBN
IS 978-1-911658-27-6

DR

14
HISTOIRE

Chine-Birmanie-Inde
Dans la gueule
des “Assam Dragons”
MICHAEL OCHS/GETTY

De 1942 à 1945, les “Assam Dragons” à 562), mais il est intéressant de reve-
nir sur les marquages du 25th Fighter
affrontèrent sans relâche les Japonais Squadron à travers les souvenirs
d’une poignée de ses pilotes ou per-
de l’Inde à la Chine. sonnels au sol.
Par Jean Barbaud Les Curtiss P-40 de l’American
Volunteer Group du général Claire

D
ents de requins et Curtiss blié” et demeura discret dans les Chennault, basés en Chine, avaient
P-40 semblent depuis colonnes des médias, certaines popularisé les dents de requins
long temps i nd isso - unités firent preuve d’originalité. peintes sur leurs museaux. Lors
ciables, et la forme de Parmi celles-ci, le 51st Fighter de la dissolution de cette unité,
leur mâchoire resta le Group se distingua par un type de suivie de la création de la
plus souvent immuable. Cependant, dentier reconnaissable au premier 14th Air Force, le 23rd FG, avec
sur le théâtre d’opérations CBI coup d’œil. Son histoire a déjà été ses 16th, 75th et 76th FS, reprit la
(Chine-Birmanie-Inde), peut-être racontée par Carl Molesworth tradition des gueules agressives sur
parce qu’il fut appelé le front “ou- (lire Le Fana de l’Aviation nos 559 ses avions. Le 51st FG, initialement
20
HELLO MAESTRO
Le P-40K JINX l’aérodrome de Karachi, au nord- vembre, la moitié de l’escadron dé-
supposé porter ouest de l’Inde, le Pakistan n’ayant ménagea effectivement, tandis qu’un
le n° 13. pas encore été créé. La chaleur y était nouveau lot d’une soixantaine de
Cet avion a infernale, et bientôt le travail s’y ef- P-40K arrivaient pour être assem-
très longtemps fectua en partie après le coucher du blés avant la fin de l’année. Début
été représenté soleil. Les mécaniciens William janvier 1943, le reste des effectifs
comme arborant Jordan et Stan Stout, arrivés avec le quitta enfin Karachi, via un voyage
un camouflage groupe, ont raconté leur quotidien, épique en train, pour traverser le
gris avec des complétant utilement les récits de nord du pays en direction de Landhi,
lèvres bleues… combat aériens qui R
AYMONDM RC EYNOLDS puis
pui jusqu’à Dinjan, à
Encore un mythe remplissent habituel- el- mi-chemin de la
m
balayé ! lement les pages des route
r aérienne me-
magazines. nant
n à Kunming en
Ils alternaient l’as-
as- Chine,
C plus connue
semblage des Curtiss, ss, sous
s la célèbre ap-
livrés dans d’impo- po- pellation
p de Hump
santes caisses de bois ois ((Bosse). La base
qui allaient bientôt être éétait située au cœur
L’insigne CBI
réutilisées pour bâtir âtir dde l’Assam, une ré-
(Chine-Birmanie-
Inde).
des locaux de vie, avec ggion verdoyante
ceux des Seversky P-43 jouxtant le fleuve
jo
“Lancer” destinés és aux Brahmapoutre, et
B
forces chinoises. En n juin, le c’est à cet endroit que
c’e
vent se renforça, apportant l’unité officialisa son
l’uni
avec lui d’invraisemblables
semblables surnom, les “Assam
surno
quantités de sable. Dissimulés par Dragons”, et que les P-40
Dragons
ce brouillard ocre, deux P-40 P 40 qui commencèrent à arborer leurs
commencère
venaient juste d’être assemblés s’em- peintures de guerre carnassières
brassèrent fougueusement sur un (lire encadré page 22).
taxiway… Juillet vit le début de la
période de la mousson. On avait Ces étranges
auparavant ordonné aux hommes de
creuser des tranchées “anti-raid
oiseaux métalliques
aérien” de 2,50 m de long par 1,50 m Pilotes et officiers étaient logés
de profondeur, pour une obscure dans le bungalow sur pilotis d’une
raison puisque les Japonais n’avaient plantation de thé. De part et d’autre
aucun moyen d’atteindre cette partie du fleuve se trouvaient les terrains
de l’Inde ! Remplies en une heure, de Sookerating et de Sadiya, et les
ces piscines boueuses se révélèrent tribus locales ne manquèrent pas de
de parfaits pièges pour le piéton venir observer les étranges oiseaux
égaré ou peu familier des lieux. métalliques aux museaux ornés de
Le 20 septembre, le 26th FS fit mâchoires grimaçantes. Sadiya avait
ses valises pour Dinjan, au nord-est été aménagé en déboisant une por-
du pays, et un mois plus tard des tion de jungle, et les chasseurs du
rumeurs commencèrent à faire état Flight A (escadrille) étaient parqués
d’un prochain départ du 25th FS sur le pourtour, abrités sous les fron-
dans la même direction. Le 5 no- daisons. Les jacassements et tenta-

Le lt Maxwell
devant son P-40K
LIZ à Sadiya,
en 1943.

attaché à la 10th Air Force, fut trans-


féré l’année suivante à la 14th Air
Force et passa sous les ordres de
Chennault. Il était composé des 25th
et 26th FS, rejoints bientôt par le
16th FS, qui restait basé en Chine,
ainsi que par le 449th FS sur P-38
“Lightning”.

Les P-40E et K débarqués


et assemblés en Inde
Fin mars 1942, les premiers
P-40E et K destinés au 51st FG furent
débarqués et assemblés dans un im-
mense hangar à dirigeables, sur
USAF

21
DANS LA GUEULE DES “ASSAM DRAGONS”

Le 21 mars 1943, à Mogaung, en de “Flying Dentists” fut attribué


Birmanie, le colonel John E. Barr aux pilotes, suite aux dommages
contemplait un stock de bombes de qu’ils inf ligeaient aux ponts
450 kg destinées à une unité de B-25 (bridges en anglais) de l’empereur
“Mitchell”. Récemment, les missions du Japon ! On peut également noter
de bombardement à l’aide de projec- qu’en avril, le célèbre as de la
tiles de 225 kg n’avaient pas donné Première Guerre Mondiale, Eddie
de résultats durables, les dégâts étant Rickenbacker, leur fit une visite sur-
réparés en moins de 24 heures… prise pour maintenir le moral des
L’idée de les accrocher sous le ventre troupes. Perdu et à court d’essence,
d’un Curtiss germa dans la tête de le B-17 avec lequel il avait traversé
Barr et, aidé du 1st lt Hazel Helvey, le Pacifique avait terminé son
du lt William Bertram et du lt Robert voyage dans l’océan, et après trois
McClung, un premier essai fut mené semaines en mer, l’équipage avait
avec succès : les quatre “Warhawk” finalement pu être récupéré. Le
réussirent à décoller, lestés de leur vétéran se sentait investi d’une mis-
lourd “blockbuster”, et surtout à le sion consistant à raconter les condi-
larguer sur la cible. tions miraculeuses de leur survie.
Fort de cette expérience, le colo-
nel poursuivit l’emploi de ces La menace grandissante
bombes qui se révéla décisif pour
bloquer les forces nippones dans
des Japonais
Des paysannes du nord de l’Assam leur progression. Cette action valut Le 25th FS étant maintenant
rencontrent JINX… aussitôt au P-40 de se faire rebapti- basé plus près du front, les Japonais
BILL JORDAN
ser “B-40 bomber” et le sobriquet se montraient en revanche davan-
tage menaçants, et il fut décidé de
tives de chapardage des macaques
étaient une source de soucis pour le Dans le C-47 à 6 500 m,
“nous
disperser les appareils sur des ter-
rains annexes. Une dizaine de P-40
personnel. Un nouvel arrivant partit donc se poster à Lilibari et
chargé de faciliter les liaisons avec
Sookerating avait également fait son
grelottions tout en Mockelbari. Leurs capots arbo-
raient tous les crocs démesurés du
apparition : un biplan Bœing PT-17.
Cela allait donner à Bill Jordan l’oc-
écoutant le ronflement dragon, et de grands yeux arrondis
ajoutaient une expression plus sou-
casion d’entretenir un moteur en
étoile et de voler en place avant, en des moteurs ” vent comique que menaçante.
Comme les activités aériennes
tant que mécanicien embarqué. s’étaient légèrement calmées, le ma-

Dragons et mâchoires
Les pilotes souhaitèrent se doter d’une identité visuelle Le lt Robert “Skonk” McClung, qui avait suivi les cours
pour leurs propres avions. Aucun ne portait alors d’une école d’art à Denver avant d’intégrer une agence
de marquages distinctifs, hormis les chiffres d’identification publicitaire dans le Colorado, se fit un plaisir de mettre
réglementaires, sur les dérives. au point un emblème, à l’instar du “Blitzer”. Son crayon Le personnel
L’insigne du 16th FS “Great Wall of China” (Muraille accoucha d’une créature mixant des éléments animaliers au sol
de Chine) avait été dessiné par les Studios Disney, et l’unité avec les attributs caractéristiques du Curtiss : un dragon des “Assam
avait conservé les mâchoires qui ornaient ses “Warhawks”. rigolard au sourire encadré de larges lèvres rouges, affublé Dragons” avec
Bientôt, par contagion, des dents de requins s’étalèrent lui aussi d’un nez de P-40, d’une paire d’ailes munies l’emblème du
également sur les capots du 26th FS “China Blitzers”. 25th Squadron.
Celles-ci étaient de forme classique, mais le badge rond
représentant un curieux mélange d’un renne croisé avec
un P-40 venait joliment s’y superposer. Stanley E. J. Sherrow
semble avoir conçu ce personnage du “Blitzer” : un curieux
quadrupède arborant en guise de museau le cône d’hélice
rouge d’un P-40 ! On a dit que la chanson de Noël Rudolf
the red-nosed reindeer (Rudolf, le petit renne au nez rouge)
était probablement à l’origine de ce dessin, mais on peut
en douter puisque seul un poème existait à cette époque,
la chanson datant de 1949…
Le 25th FS possédait également un personnage
emblématique dont l’origine du nom remonte à l’arrivée
de l’unité en Inde. Le lieutenant D. W. Maxwell écrira :
“Nous étions basés en Assam, et très vite on nous assigna
la mission de protéger les multimoteurs assurant le transport
au-dessus des contreforts de l’Himalaya. Les missions
étaient assez longues et fatigantes, de sorte qu’au retour,
nous nous traînions pour franchir les crêtes [“Our ass am
draggin” : on traîne nos popotins].
Il n’était donc pas, à proprement parler, question de dragons !
USAF

22
jor Caldwell, à la tête d’un des trouve parfois l’écusson des “Assam
Flights, décida d’épicer un peu le Dragons” parmi les reliques des vété-
programme en montant une facé- rans de l’escadron dont les P-40 étaient
tieuse opération de bombardement décorés de larges crânes blancs.
vers l’un des terrains de desserre-
ment. Les réservoirs ventraux lais- De l’Inde à la Chine
sèrent place à des sacs en toile de jute
remplis de bouse de vache, et un trio
par-dessus le Hump
de chasseurs s’envola vers Mockel- Le 12 septembre, l’ordre de dé-
bari… Une quinzaine de jours plus ménager vers la Chine arriva et,
tard, trois P-40 apparurent à l’hori- deux jours plus tard, 27 avions de
zon et larguèrent en représailles, une l’unité se posaient à Yunnanyi, un
tenue de vol XXL remplie de bouse, terrain situé à près de 2000 m d’alti-
accompagnée du message suivant : tude. Le climat y était plus froid et
“Avons trouvé les restes de votre com- sec, mais les conditions de vie du
mandant sur notre base, et nous vous personnel y gagnaient en confort.
les renvoyons”. C’était capi-
ait signé du capi Bill Jordan relata
relat son transfert vers
taine John Svenningsen,
ngsen, qui la Chine, à bord d’un C-47 :
devait trouver la mort, “Nous avions quitté l’Inde
l’année suivante, en au crépuscule, car
Afrique, lors de son on même
mê si le survol du
retour aux États- s- Hump
H de nuit n’était
Unis à bord d’un n pas
p sans risques, nos
avion de transport. pilotes
p le préféraient
BILL JORDAN
En mai, la mous-- au
a risque de se frot- … leurs
son força à nouveau u ter
te à la chasse japo- compagnons commença à se faire sentir lorsque
ne
l’escadron à faire une naise.
na La nuit était ne sont pas l’altitude de 6 500 m fut atteinte.
halte dans ses opéra- éra- tombée
tom lorsque nous moins fiers de Équipés de nos masques à oxygène,
tions. À la fin de l’été,
été, 23 atteignîmes
atteign l’altitude re- poser en sa enroulés dans des couvertures, et
pilotes accompagnés nés de 130 F ORBES
quise, et malgré
ma la lueur de la compagnie. malgré nos blousons, nous grelot-
autres membres de l’unité partirent Lune, tout ce que nous apercevions tions tout en écoutant le ronflement
grossir les rangs du 80th FG – les cé- se limitait à la silhouette noire des En médaillon, des moteurs, redoutant la moindre
lèbres “Burma Banshees” – nouvelle- pics se découpant sur le ciel sombre. l’insigne variation pouvant signifier un pro-
ment arrivé en Birmanie (lire Le Fana L’appareil n’était pas conçu pour de la 14th Air blème. Avant d’embarquer, on
Force.
de l’Aviation n° 529 de décembre le transport régulier de passagers et, m’avait confié cinq bouteilles d’oxy-
2013). C’est ce qui explique qu’on re- sans chauffage, un froid intense gène à livrer dès notre arrivée en


de six mitrailleuses et coiffé de pipes d’échappement fumantes
et d’un collimateur ! Sa patte gauche faisait un doigt d’honneur griffu, tandis
que sa main droite singeait le V de la victoire. On retrouva bien vite
ces créatures ayant quelques similitudes sur la poche avant gauche
des blousons des pilotes des deux unités jumelles.
Bob McClung se fit également un devoir d’adapter sa version des dents
du “Dragon de l’Assam” sur les P-40 de son unité. Il lui fallait trouver
un élément distinctif, et ce furent les canines démesurées qui remplirent
ce rôle ! Les gueules étaient soulignées de larges lèvres rouges (1), et un œil
de bonne taille était chargé de surveiller les arrières ou de jeter un regard
agressif vers l’avant. McClung dressa même un portrait de leur mascotte,
sous la forme d’un poème (document ci-contre) :
“C’est d’un chasseur intrépide, dont je vais vous conter l’histoire.
Celle d’un féroce Dragon, qui au cœur de l’Assam vivait.
C’est bien au-delà des montagnes qu’il commença sa vie sauvage
Où maints humbles petits japonais, sous sa menace, tremblaient.
Courageux et intrépide, le Dragon de l’Assam
régnait sur sa jungle, redoutable et invaincu,
Les Japonais pointèrent leurs museaux, pour une grande bagarre.
Il les renvoya chez leurs ancêtres, en une longue procession de larmes.
Ô Dragon de l’Assam, Ô Dragon de l’Assam, si rusé et si sournois,
Tes lèvres grimaçantes, tes narines fumantes, éclipsent ton œil attendri.
Tel un cabriolet sur la route de Birmanie, coiffé d’une couronne de feuillage.
Dans ta tanière forestière, plus d’une fois, on t’imagina tapi
Tes ailes d’acier déployées, bardées de pétoires calibre 50,
Toujours prêtes à enlacer une jolie môme australienne.”
(1) On crut longtemps que celles-ci étaient bleues, et l’erreur se propagea
de livres en livres pendant une quarantaine d’années avant qu’une série
de diapositives couleurs de Michael Ochs et Ivan Dmitri ne mette fin
à cette légende tenace.
BOB MCCLUNG

23
DANS LA GUEULE DES “ASSAM DRAGONS”

Le Curtiss P-40K LOUISE du 25th FS à Dinjan en 1943.


De nombreux avions portaient un prénom féminin.

Chine ; mais peu avant minuit, sous transis, nous avions besoin d’avaler teau. Je lui demandai ce que signifiait
l’effet de la différence de pression, la quelque chose et nous dirigeâmes “Jing Bao”, et il sembla amusé en me
valve d’une des bouteilles s’ouvrit vers l’épave toute proche d’un Curtiss répondant “Ah… “Jing Bao”… Raid
brièvement, laissant échapper son Le P-40K C-46 qui semblait avoir été convertie aérien, raid aérien… Pourquoi ça ?”
contenu dans un sifflement aussi BECKY du lt A. en restaurant ! Dépourvu de ses ailes, Je lui expliquai qu’un jeune garçon
strident que menaçant. Tout rentra D. Gaston, le fuselage affichait une enseigne venait de crier “Jing Bao”, en son
dans l’ordre en une dizaine de se- matricule Hump Haven et un vieux chinois se absence. En un instant le plateau
condes… juste le temps de nous flan- 42-9742 trouvait derrière la planche du comp- tomba à terre tandis qu’il se faufilait
quer une sacrée frousse ! en 1943, vu toir qui barrait le fuselage. Avec sous le comptoir pour gagner la sor-
de la tente quelques difficultés nous arrivâmes tie en criant à son tour ! Nous lui
“Entassés en vrac dans d’alerte des
pilotes. Deux
à lui commander du thé chaud et des emboîtâmes le pas à la hâte, en direc-
biscuits. Il s’éclipsa, et quelques ins- tion de la plus proche tranchée-abri
une tranchée-abri” Gurka knifes tants plus tard un gamin fit irruption creusée à proximité, pour nous y
(couteaux
Le soleil n’était pas encore levé en criant “Jing Bao ! Jing Bao !” retrouver, entassés en vrac. Bien-
Gurka)
que nous nous posions à Yunnanyi, avant de s’enfuir. Nous nous regar- venue en Chine !”
entrecroisés
une base aménagée de part et d’autre dions perplexes quand le vieil Les “China Blitzers” (26th FS)
sont peints sur
de la route de Birmanie. Affamés et le gouvernail.
homme revint apportant notre pla- étaient déjà là depuis plusieurs mois,

MICHAEL OCHS/GETTY

24
féroce et davantage asiatique, don- prendre pied du côté chinois. Une fois
nant aux “Warhawk” un sourire bien l’objectif désigné, une attaque par six
plus vicieux. de nos P-40 fut décidée : nous ferions
Lors de ce premier mois en une première passe pour balancer des
Chine, pour un total de 74 missions, grappes de bombes à fragmentation,
l’unité perdit quatre pilotes et cinq puis une seconde pour mitrailler le
avions. Celui qui eut la chance de campement. Jeune lieutenant, je me
s’en sortir se nommait
mait Francis portai volontaire
vol pour cette
C. Forbes et racontaa ainsi mission,
missio et nos “Warhawk”
son aventure : “L’aéro-
ro- attaquèrent
atta selon le plan
RNE
VINCENT DHO drome de Myitkyina, a, prévu,
pr en file indienne.
tenu alors par les N otre leader
L’insigne Japo nai s , nou s amorça alors un vi-
du 25th Fighter obligeait à em- rage, après le bom-
Squadron. prunter une route bardement qui sem-
plus au nord lors de blait avoir été un
nos escortes dee total
t succès, mais les
transports franchis-s- Japonais
Ja avaient eu le
sant le Hump. Ce trajet
ajet temps
tem de retrouver leurs
et l’arrivée des “Assam Dragons” nous menait vers rs les esprits,
esprits et une mitrailleuse
allait leur permettre de partir pour gorges inhospitalières
è de lla
d J
OHN FUSHI
nous priti pour cible. J’étais en
Kunming. Rapidement, l’escadron rivière Salween, abruptes et encais- queue de peloton et sentis un impact ;
se retrouva engagé en soutien des sées, et dotées d’une météo particu- le moteur s’arrêta dans un dernier
troupes chinoises qui s’opposaient lièrement désagréable. hoquet avant de s’embraser d’un
aux forces japonaises le long de la coup ! Je dirigeai mon P-40 vers la
rivière Salween, marquant la fron- “Le moteur s’arrêta avant rivière et me posai sur la rive caillou-
tière birmane. Des P-40 de type M teuse, dans une gerbe d’étincelles et
et N, à fuselage allongé, commen-
de s’embraser d’un coup“ de fumée, une partie de l’avion ter-
çaient à remplacer les versions K Ce jour-là, nous étions partis de minant sa course dans les flots.
employées jusqu’alors. Au fur et à Kunming, à environ 150 km à l’est de Libéré de mon harnais et de mon
mesure de l’arrivée de ces modèles notre base habituelle, où se trouvait parachute, j’évacuai le cockpit en-
plus récents, le graphisme des yeux le QG du Group. Le réseau de ren- touré par les flammes et sautai dans
peints sur les capots évolua, l’œil seignement chinois avait fait état de le courant alors que les Japonais
arrondi laissant place à un dessin troupes ennemies massées sur la rive commençaient déjà à me canarder
Carte
affiné plus discret avant de se stan- ouest, projetant probablement une en dévalant la pente. Le flux du tor-
du théâtre
dardiser sous la forme d’un œil plus traversée du cours d’eau afin de rent glacé m’emporta rapidement


des opérations.

FRANÇOIS HERBET

25
DANS LA GUEULE DES “ASSAM DRAGONS”

Je sentis la pointe
“d’une baïonnette
appuyer fermement
entre mes côtes ”
hors de leur portée, mais les remous
de la rivière me firent revenir inexo-
rablement vers la rive tenue par
l’ennemi. Je m’y échouai et trouvai
abri parmi les roseaux, afin de faire
un rapide état de mes blessures.
Mes gants et lunettes m’avaient La salle
bien protégé, mais mes manches d’opérations
relevées et ma tenue de vol légère du 25th FS
n’avaient pu empêcher le feu de pro- à Yunnanyi,
voquer des brûlures au second de- le 26 janvier
gré. Je pouvais entendre les Japonais 1944.
KUNMING MUSEUM
se rapprocher, fouillant la rive en
criant. Sans hésiter, je replongeai manière à éclairer la trappe, car la m’éloigner avec mon matériel. À par-
dans le courant malgré la douleur, pénombre s’était installée, et déver- tir de ce jour, je ne fus plus jamais
pagayant frénétiquement de tous rouillai le panneau puis me penchai inquiet sur l’efficacité du gardien-
mes membres pour m’éloigner au à l’intérieur pour me nage de nos avions !”
plus vite : je regrettais déjà amère- saisir de mes affaires. Un système de
ment de ne jamais avoir pris de le- C’est à ce moment veille bien rodé avait
çons de natation ! Des coups de feu que je sentis la pointe été mis en place pour
claquaient, et je commençais à voir d’une baïonnette avertir les terrains de
ma fin approcher, haletant et souf- appuyer fermement l’arrivée prochaine
flant entre deux gorgées d’eau de la L’insigne entre mes côtes et d’un potentiel raid
Salween. Soudain, un objet métal- du Flight C. mon bras droit : il ne ennemi. Un réseau
lique heurta ma jambe, flottant entre m’était même pas de guetteurs distri-
deux eaux. Je m’y cramponnai : venu à l’esprit que buait les informa-
c’était une des bonbonnes d’oxygène l’avion pouvait être tions jusqu’à la base
qui avait dû se détacher de l’épave gardé ! Je m’immobi- visée et un dispositif
SDASM
pour dériver jusqu’à moi, arrivant à lisai instantanément, permettant de visua-
point nommé pour m’emporter après m’être copieusement cogné la liser les différents stades de l’alerte
quelques kilomètres plus loin. Je fus tête sur l’ouverture dans les tôles, avait été conçu. Une large sphère
finalement récupéré par les troupes alors qu’une voix hurlait en chinois tressée était hissée en haut d’un mât,
chinoises, sur la rive est, et trans- derrière moi. Je me mis à crier “Mei puis une seconde si la menace se
porté à l’hôpital.” guo bing !” frénétiquement afin de confi rmait, et enfi n une troisième
faire comprendre au garde que j’étais enclenchait le “Jing Bao” final. Mais
Les avions gardés un “soldat américain”. Je dus être les Japonais avaient pour habitude
convaincant car la pression de la de s’approcher autant que possible
par un effectif chinois lame disparut et le garde me laissa de l’objectif avant de faire demi-tour
Un effectif chinois était égale-
ment sur place, à Yunnanyi, affecté La tour
à la garde de l’aérodrome et de ses de contrôle
avions. La communication était dif- de Yunnanyi,
ficile entre eux et le personnel du avec des fûts
25th FS. Bill Jordan en garda un sou- de 100 gallons
venir… piquant : “Un soir, après une (378 l) entreposés
journée de boulot, je m’attablai au devant.
mess, mais réalisai pendant le repas
que, le matin même, tandis que j’ef-
fectuais des vérifications et prépara-
tifs sur mon P-40N, j’avais entreposé
mon casque et mon masque à gaz
dans le petit compartiment du fuse-
lage où était aussi logée la réserve
d’oxygène. J’avais oublié de les re-
prendre alors que j’étais supposé les
garder à proximité en permanence.
Sitôt mon dîner avalé, j’emprun-
tai une Jeep et roulai vers l’endroit où
était parqué l’avion. Je me garai de USAF

26
Le Flight B à au dernier moment, afin d’obliger les
Yunnanyi : avions à décoller et à ainsi gaspiller
James R. Thorn en vain leur précieux carburant.
(assis sur l’aile, C’est pour cette raison que l’ordre de
à gauche) ; Ernest décoller n’était donné qu’au dernier
Thygeson (au instant. Bill Jordan raconta l’une de
centre) ; Glade ses alertes : “Shepherd et moi nous
“Clem” Burton nous trouvions à l’une des extrémités
(agenouillé au de la piste, près d’une rangée de P-40
milieu, à droite) ; parqués là, lorsque la troisième
Bill Jordan sphère fut hissée. Ça nous prit com-
(debout contre plètement au dépourvu car nous
le fuselage, étions certains que ça allait encore
à droite). être une fausse alerte. On a regardé
des “Warhawk” décoller, tout en
Le lt Thygeson, nous dirigeant vers les abris, à près
au centre, de 800 m d’où nous nous trouvions.
entouré du En longeant la piste, je jetai un coup
Flight B, devant
d’œil en l’air et me rendis compte
un trophée
qu’un groupe de bimoteurs semblait
nippon, près
venir dans notre direction. Nous
du P-40N
Jeanette n° 208.
pressâmes le pas, alors que des ra-
ERNEST THYGESON
fales d’armes se faisaient entendre :
on se battait là-haut, dans le ciel bleu.

“Des bombes ! Et elles


semblaient viser la piste !”
Fascinés par le combat qui avait
lieu au-dessus de nos têtes, nous
avons soudain remarqué que les
soutes des “Betty” semblaient ou-
vertes et que des petits points sombres
s’en échappaient… Des bombes ! Et
elles semblaient viser la piste ! Nous
courrions maintenant de toute la
vitesse dont nous étions capables.
Pendant ce temps, la première bombe
venait de frapper le seuil de la piste
en explosant dans un vacarme as-
sourdissant. Les bombardiers nip-
pons devaient avoir mal ajusté leur
visée puisque les projectiles tom-
baient dans la surface herbeuse
proche de notre piste, celle-là même
où le lieutenant Jones était en train
de rouler, après avoir dû revenir se
poser suite à un ennui mécanique.

ERNEST THYGESON

Le Hump Haven, bar aménagé dans la carcasse


d’un C-46 accidenté, à Yunnanyi.

STAN STOUT

27
DANS LA GUEULE DES “ASSAM DRAGONS”

Une des bombes explosa près de


l’arrière de son P-40N, le souffle sec-
tionnant la partie avant et la proje-
tant à plus de 5 m tout en éjectant le
pilote de son siège ! Il nous apparut
aussitôt que notre seul espoir de sur-
vie consistait à plonger chacun dans
un des barils de 100 l enterrés tous
les 15 m et destinés à servir d’abri de
la dernière chance.

“J’crois que j’en ai eu


un Jordan !”, hurla-t-il
Lorsque le vacarme et la fumée
mêlée de poussière se dissipèrent, je
me rendis compte que mon front sai-
gnait, ayant accroché le bord mal
dégrossi du fût métallique dans le-
quel nous avions plongé. J’ai depuis
gardé une jolie cicatrice en souvenir
PAUL ROYER
de ce raid mémorable. Nos P-40 reve- Miss Julie,
naient déjà se poser, et pas un seul ne le second poser avec beaucoup de difficultés cembre 1943 : “Le troisième signal
manquait à l’appel. Un par un, ils P-40M de Paul et, en examinant l’épave, je constatai du “Jing Bao” venait d’être hissé et,
rejoignirent le parking où, une fois Royer, en 1944. que c’était un vrai miracle que l’em- attrapant mon Colt 45, j’ai couru
l’avion immobilisé, chaque mécani- pennage entier ne se soit pas détaché rejoindre la Jeep qui nous a emmenés
cien grimpa sur l’aile pour poser à son suite aux tirs encaissés.” vers la douzaine de P-40 parqués.
pilote la question rituelle : “Alors, Il devint également évident que Mon mécano venait d’ôter les der-
comment ça s’est passé, M’sieur ?” La des chasseurs d’escorte protégeant niers caches ainsi que les cales des
réponse habituelle était le plus sou- les bombardiers B-24 “Liberator” roues. Je n’ai eu qu’à m’installer aux
vent : “Ça aurait pu être mieux.” Mais lors de missions sur le port de commandes de ma Miss You qui a
cette fois mon pilote, le capitaine Haïphong, en Indochine, étaient démarré dans un bref toussotement
Moffitt, était tout excité : “J’crois que dorénavant indispensables. Lors de fumées. Pas le temps de ménager
j’en ai eu un, Jordan, j’crois que j’en d’un bombardement précédent, le le moteur ; on a décollé et grimpé
ai eu un !”, hurla-t-il. seul B-24 qui avait pu réussir à ren- aussi vite que possible pour atteindre
Malheureu sement, son P-40N trer à la base s’était écrasé sur l’aéro- 4 000 m. Les “Betty” évoluaient plus
Mary ne survécut pas longtemps. drome… Paul Royer se souvient de bas, un peu patauds, et nous avons
Quelques jours plus tard, il revint se cette mission effectuée le 19 dé- plongé vers leur formation en armant
nos mitrailleuses. C’était horrible de
voir certains des bombardiers se dis- Le P-40N SING PAO
loquer sous nos coups, alors que les n° 212 du lt Fred
occupants tombaient en chute libre Burgett, armé
de roquettes M10.
sans parachutes !
M ais un autre bombardier
m’avait pris pour cible, et j’ai obliqué
vers lui, en l’arrosant copieusement.
J’avais dû toucher un de ses réser-
voirs car il s’est embrasé d’un coup ;
j’ai tenté d’éviter la gigantesque boule
de feu en virant à droite. Trop tard, je
suis passé à travers le brasier et Miss
You a tremblé sous un violent impact.
Émergeant du nuage incandescent,
je me suis retrouvé en virage à gauche,
Les P-40N mais jetant un œil de ce côté, je suis
des “Assam resté pétrifié : mon aile avait disparu BILL JOHNSON
Dragons” et je voyais distinctement le sol défiler
à Paoshan, à sa place ! Il devenait urgent de faus-
en décembre ser compagnie à ma monture, enga- Les lance-roquettes M10
1944. Don gée dans une course mortelle vers le Vus entre autres sous les ailes de certains P-47D sur le front méditerranéen,
Downie, pilote sol, ainsi que les deux bombardiers ces groupes de trois tubes ont connu un emploi assez large en Asie. Accrochée
de C-46, venait que je venais de détruire.” sous la voilure des A-36, P-47, P-51 et bien sûr des P-40, cette arme rustique
de se poser Avec quelque difficulté, Royer n’était ni un modèle de précision ni d’efficacité. Bien que certains se soient
et attendait parvint in extremis à s’extraire de sentis satisfaits de leur emploi, Bill Norberg, du 26th FS “China Blitzers”, fut
patiemment son cockpit et à sauter, atterrissant témoin d’un de leurs premiers essais :
qu’on refasse dans une forêt de bambous. Après “Ayant réceptionné les tubes et leurs munitions, il fut décidé d’en équiper quatre
le plein quand trois jours de marche, il réussit à de nos P-40N. Un peu au nord de Kunming, le long de la route de Chungking,
il a pris cette rentrer à sa base, alors que ses effets une cible d’environ 100 m de diamètre avait été dessinée à l’aide de petits blocs
photo couleur personnels avaient déjà été embal- de pierre blanche. Cette installation se situait sur un petit plateau surplombant
où on aperçoit lés pour être expédiés à sa famille. la chaussée d’à peine une dizaine de mètres. De l’autre côté de la route,
The Seducer Son père apprit même, par le jour- une colline surmontée d’un cimetière couronné de pierres tombales offrait un
(à gauche), nal local, qu’il était porté disparu et point d’observation idéal. À cette époque, nous ne disposions pas d’un véhicule
le 206/A,
présumé mort, avant que cette nou- pour communiquer avec les avions par radio, donc nous avions emporté avec
Jefferey C,
velle ne soit démentie. nous un pistolet lance-fusées, et le tir de l’une d’elles signifiait l’abandon
Shirley,
Le 25 décembre ne fut émaillé de l’exercice de tir. J’escaladai la colline en compagnie d’un autre pilote, alors
et Carolyn,
tout au fond.
que d’une patrouille sans histoire sur que les quatre P-40 approchaient. Dès les premières salves de six roquettes,
DON DOWNIE/ETHELL il me parut évident qu’elles n’étaient pas fiables : ça fusait vers le bas, vers
le haut, à droite ou à gauche ! Heureusement que nous avions les stèles pour
nous abriter, car des éclats volaient en tous sens. C’est à ce moment qu’un vieux
bus chinois apparut sur la route, avançant cahin-caha tandis qu’une seconde
paire de “Warhawk” approchait ! Je tirai frénétiquement une série de fusées
rouges mais, concentrés sur leur cible, les pilotes ne durent pas les apercevoir.
Une des roquettes explosa dans la paroi rocheuse surplombant le toit du bus
qui s’immobilisa dans un grincement de freins, mais personne ne fut blessé.
Je pus moi-même essayer cette arme début juin 1944, sur mon P-40, puis
le 19 septembre avec mon P-51, en attaquant un convoi ferroviaire près d’Hanoi.
Ça ne fit que conforter mon opinion mitigée sur cet armement. L’arrière d’un des
bazookas explosa sur un de nos avions, endommageant une partie de l’aile…”

le nord de la Birmanie, et tout le Katy Jane, avait tout d’une lady ca-
monde se retrouva autour de la dinde, pricieuse ! Mais il avoua aussi
pour le menu de Noël. Le 31 dé- l’étrange affection qu’il pouvait res-
cembre, Paul Royer reçut son second sentir envers les personnalités si dif-
P-40M qu’il baptisa Miss Julie. férentes de ses deux machines.
Il ne faisait pas bien chaud, à Au début de l’été 1944, une nou-
cette altitude, en Chine, et le lt Glade velle arme fit son apparition sous les
“Clem” Burton se souvient que l’in- ailes des “Warhawk” : les tubes
génieux cne Everett Baker avait mis lance-roquettes M10 (lire encadré
au point un mini-poêle bricolé à ci-dessus). Employés par les “Assam
l’aide de l’enveloppe d’une bombe et Dragons”, en compagnie des bombes
d’un tuyau pour réchauffer un de à fragmentation, ils permirent à
leurs baraquements ! Burton eut l’unité d’ouvrir une brèche dans la
l’occasion de voler sur deux P-40N muraille entourant Tengchung, dé-
qu’on lui avait attribué : l’un, baptisé bouchant sur la prise de cette place
Jeffery C, avait un comportement de forte. Le jeune lt Cliff Long, âgé seu-
gentleman fiable, alors que l’autre, lement de 19 ans et surnommé

29
DANS LA GUEULE DES “ASSAM DRAGONS”

Le P-51C “Mustang” de Phillip Eppley, à Yunnanyi en 1944.


Il était baptisé du surnom de son épouse Susan “Betty” Miller.

“Moon Face” (Face de lune) à cause


de son physique juvénile, sembla plu-
“ Nous n’avons pas 300 km/h, et l’hélice se détacha tandis
que l’aile droite s’enfonçait, provo-
tôt satisfait de cette arme lorsqu’il quant un impressionnant “cheval de
participa à l’attaque, le 18 août :
“C’était ma 23e mission, et je volais
été touchés par un tir, bois”. Étourdi mais reprenant ses es-
prits, Long parvint à ouvrir sa verrière
ce jour-là sur le P-40N Sing Pao.
J’occupais la troisième et dernière
heureusement : je n’aurais au moment où l’épave commençait à
brûler. Il s’en sortit avec un pansement
place du dispositif et nous avons dé-
collé à l’aube de Kunming pour aller pas pu évacuer ” sur un doigt, et boucla au total 104
missions avant la fin du conflit.
frapper l’ancien consulat britannique Le 10 septembre, le 1st lt Ray-
qui abritait un QG japonais. Le tra- gea dans un piqué pour distancer ses mond Kaiser, pour sa 64e mission,
jet, à une altitude d’environ 4 000 m opposants. Salement amoché, mais participa avec deux autres pilotes et
dans un ciel frais et immaculé, fut encore contrôlable, le Curtiss lui per- un P-51C du 26th FS à l’attaque
idéal. L’objectif était situé hors des mit finalement de franchir la centaine d’une paire de bombardiers Ki-48
murailles de la ville, et nous avons de kilomètres le séparant de Paoshan, “Lily”. Le P-40K de Kaiser avait été
amorcé une descente en virage qui où il dût se poser sur le ventre sans baptisé Little Flower en hommage à
nous a amenés aux abords sud-ouest avoir moyen de ralentir sa vitesse. Le cne Glade Sainte Thérèse de Lisieux, dont
de Tengchung, au niveau de la cime L’avion toucha le sol à près de Clem Burton. c’était le surnom. Abattu, il fut récu-
des arbres. Nos mitrailleuses étaient péré, ainsi que le capot de son “War-
réglées pour converger à 300 m, et hawk”. La Smithonian Institution
c’est cette distance qui nous donna le souhaitait rapatrier cette précieuse
top pour tirer nos roquettes. Larguées relique aux États-Unis, mais elle
par paires, elles produisirent des dé- resta finalement en Chine : un prêtre
gâts considérables au bâtiment, et catholique l’avait converti en autel
j’étais surexcité par le résultat. dans sa chapelle improvisée !
Le 9 novembre 1944, les premiers
À la rencontre des Ki-43 P-51C “Mustang” se posèrent à Yun-
nanyi. Le 51st FG avait tenu à conser-
“Oscar” qui approchaient ver le plus longtemps possible ses
À l’issue de l’attaque, nous étions P-40, estimant leur radiateur moins
en train de reprendre notre forma- vulnérable que celui du “Mustang”, et
tion initiale quand notre leader nous des pilotes comme Clifford Long ne
informa que le contrôle au sol avait cachèrent pas leur regret d’abandon-
détecté des chasseurs japonais en ner leur “Warhawk”. Le museau du
approche. Il tenta de se débarrasser chasseur ne se prêtait pas vraiment à
des encombrants tubes, mais ceux la peinture des longs crocs du Dragon,
sous son aile gauche refusèrent de se et la seule couleur disponible en quan-
détacher de leur support !” tité était le noir, un peu comme pour
Cliff Long et le second ailier lar- les Ford modèle T ! Il fut donc décidé
guèrent les leurs sans problème, et le de délaisser les mâchoires caractéris-
trio grimpa à la rencontre de la dou- tiques pour revêtir les empennages de
zaine de Ki-43 “Oscar” qui appro- larges damiers noirs. Un système de
chaient. Dans la féroce mêlée qui bandes ceinturant le fuselage en ar-
s’ensuivit, le jeune pilote finit par être rière de la cocarde précisait également
touché à plusieurs reprises et s’enga- le Flight à l’aide d’une lettre. Stan
JEFF BURTON

30
HORNE
VINCENT D

BILL JOHNSON
Alignement
Stout se souvient de son unique op- de P-51C
portunité de voler sur ce nouvel appa- du Flight B.
reil, le 26 novembre : “Nous avions
décidé de transformer un de nos
P-51B/C en biplace [d’après le journal
de bord du lt Burton, il s’agissait du
n° 243, NdA]. En déplaçant le réser-
voir de fuselage ainsi que l’équipement
radio, on a réussi à installer un second
siège derrière la plaque de blindage du
pilote. Pour atteindre cette place, il
fallait dévisser le vitrage arrière et se
glisser par l’ouverture. Un jour, un de
nos Curtiss était resté en rade à
Paoshan, et on m’avait demandé d’y
faire un saut pour voir s’il pouvait être Le lt Fred
rapatrié. Comme ce matin-là une at- Raubinger près
taque d’un pont était prévue, j’ai de- d’un P-51C
mandé au cne Burton, un des pilotes portant une
habitués des missions de reconnais- bande différente.
FRED RAUBINGER
sance en solo, s’il pouvait m’emmener
et me déposer là-bas. “Où diable veux- ginais même le pilote ouvrant sa ver- par temps clair, mais il n’arriva ja-
tu que je te case ?” m’a-t-il répondu. Je rière en me saluant : “Désolé, mon mais à destination. Les recherches
lui ai désigné le biplace. vieux, je dois y aller !” pour le localiser restèrent vaines…
À mi-chemin, au retour, Burton Le 12 décembre vit la désactiva-
Libéré du P-51 par a quitté la formation pour mettre le tion du Group. Un an plus tard, il fut
cap sur Paoshan. Le niveau du car- réactivé pour retourner bientôt au
un mécanicien incrédule burant commençait à être assez bas, combat en Corée, en 1950. La décora-
Aussitôt dit, aussitôt fait ; je me mais une mauvaise surprise nous tion caractéristique de ses F-86 “Sa-
suis faufilé dans ce logement exigu et attendait puisque la tour nous a re- bre”, reprenant la tradition des da-
on m’a tendu un parachute ventral fusé l’atterrissage. En effet, un C-47 miers noirs sur les empennages de la
ainsi qu’un casque pour pouvoir écou- était immobilisé au milieu de la piste, 25th FS, s’étale aujourd’hui encore sur
ter les communications. Les chasseurs avec un pneu éclaté, sa voilure pen- les A-10C “Warthog” de l’unité. “Pil-
étaient armés de bombes et de réser- chant légèrement à droite. Glade sung !”, le cri de guerre des “Assam
voirs supplémentaires. J’avais fini par Burton les a avertis qu’il avait un Dragons”, n’a pas fini de résonner sur
convaincre Burton de me déposer au passager à déposer et a décidé de ten- la base d’Osan, en Corée du Sud ! ■
retour et voilà nos six avions en route ter sa chance. Il a parfaitement posé
vers l’objectif. Finalement, j’avais l’avion et a réussi à ralentir pour se Remerciements : Clifford Long Jr,
l’occasion de vivre une mission à leurs faufiler sous l’aile relevée de l’avion- Don Jordan, Mark Joyce, Dana Downie,
côtés. J’étais au comble de l’excitation ! cargo ! Les réservoirs étaient quasi- Jeff Slakey & David Thygeson,
Les deux piqués vers la cible m’ont vides, tout le contraire de ma vessie, Jeff Burton & Bill Johnson, David
retourné l’estomac, mais heureuse- et j’ai été bien soulagé d’être libéré Thorn, Amy Johnson, Dale McClung,
ment notre appareil n’a pas été touché par un mécanicien incrédule.” Le Jerry Stahl, Elizabeth Kaiser & Therese
par un tir ; cela aurait été impossible 20 janvier 1945, le cne Burton partit Palmertree, Philip Eppley, Tench Forbes,
pour moi d’évacuer l’avion, et j’ima- pour un vol de routine vers Kunming, François de Berard et… Randy !
31
ANNIVERSAIRE
40 ans au Fana de l’Aviation pilote de H-21 “Banane volante”,
malheureusement tombé au champ

480 bougies
d’honneur en Algérie en 1958. Le
petit Jean entame une carrière de
maquettiste et commence à peupler
sa chambre de drôles de machines

pour Jean Barbaud


volantes en plastique.
La rencontre avec Le Fana se
produit en décembre 1973 avec le
n° 50 de L’Album du Fanatique de
l’Aviation. “Alléluia !” s’écria-t-il !
Un magazine sur l’histoire de l’avia-
Depuis janvier 1983, Jean Barbaud est tion avec une grande rubrique ma-
quettes existe ! Il faut dire qu’à
un des piliers du Fana de l’Aviation avec l’époque les publications sur ce
thème sont dans la langue de
ses fameuses caricatures. 480 numéros Shakespeare et plutôt difficiles à
plus tard, voici comment les muses l’ont trouver sur les terres tourangelles.
L’aviation y est toutefois pré-
inspiré pour illustrer votre magazine. sente au quotidien sous la forme
d’une base à Tours alors très active
Par Alexis Rocher d’où partent au quotidien des avions
à réaction qui ne manquent pas de
souligner leur présence de façon

C
’était un jour de janvier Les hasards de l’existence lui parfois bruyante dans le ciel…
1983. Jean Barbaud pous- font croiser la route du producteur “Mystère” IV et T-33 forment une
sait les portes du Fana de Albert Barillé, qui cherche à lancer joyeuse colonie à laquelle se mêlent
l’Aviation. une série de dessins souvent “Mirage” III et autres su-
Il venait animés éducatifs personiques. La graine est plantée ;
de sa Touraine natale, intitulés Il était une elle va bientôt pousser et s’épanouir.
où il coule toujours fois l’homme. L’ami
une paisible existence Jean propose avec L’emblème
du “Dragon
Un rituel
sur les bords de la succès une galerie
Loire. Depuis son de personnages, de l’Assam” immuable
dessiné par Bob
plus jeune âge il des- dont bien sûr le fa- Jean a dans l’esprit les célèbres
McClung avec
sinait tout et n’im- meux Maestro, qui caricatures de l’illustrateur Chris
les signatures
porte quoi selon une se promène ce mois- Wren qui peuplaient le mythique
des pilotes de
inspiration prolifique ci dans les pages de magazine The Aeroplane dans les
l’unité autour.
que ses parents votre magazine et années de guerre puis Flight jusqu’en
eurent la bonne idée vous présente les 1982. Première tentative au milieu
de cultiver en l’en- articles tel un Mon- des années 1970. Il faut croire que la
voyant se perfection- USAAF sieur Loyal. Et BD d’aviation humoristique n’est pas
ner dans une école d’art. Les bases du l’aviation dans tout ça ? Elle le “cha- à la mode. Le Fana ne retient pas
dessin académique en poche, le voilà touille depuis toujours”. Le virus l’idée, pas plus que Spirou. La muse
qui exerce ses talents dans la publicité. avait été lancé par un oncle aviateur de la persévérance n’est pas loin

Jean Barbaud devant son


chasseur préféré, le P-40,
à Oshkosh en 2007.

AFROULA HADJIYANNAKIS

32
Jean Barbaud
prêt à vous
embarquer dans
un Fana qu’il
a mitonné aux
petits oignons.
MÉLISSA BARBAUD

puisque l’ami Jean profita d’un chan- tique mondiale. Tout au plus peut-on m’intéresser aux dents de requins, à
gement de rédacteur en chef pour noter comme une abondance de travers de vieux bouquins Aircam
proposer de nouveau ses bonnes mâchoires et un goût certain pour le trouvés à Paris chez Brentano’s [une
idées au Fana de l’Aviation. Banco P-40 tout au long de ces années… des plus anciennes libraires anglo-
cette fois-ci ! L’idée consiste à ani- Beaucoup d’entre vous chers lecteurs phones de la ville, NDLR], j’avais été
mer la rubrique maquettes. Le me disent invariablement commencer intrigué par ces crocs préhistoriques
“Hurricane” est alors la première votre magazine par la fin et la carica- vus sur quelques “Warhawk”, en
“victime” consentante à être carica- ture de l’ami Jean, de quoi se mettre Inde. C’est à l’occasion de mon pré-
turée. Le premier d’une longue liste ! en jambes pour attaquer le reste. cédent article sur les “Burma
Depuis c’est un rituel immuable. Banshees”, fin 2013 [Le Fana de
Dans l’antre de son atelier où “À force de creuser l’Aviation n° 529] que je me suis
s’alignent des cohortes de pinceaux rendu compte que certains de leurs
et des phalanges de tubes de pein-
un sujet… on trouve” pilotes étaient issus du 25th Squa-
tures bariolés, chaque mois il faut Pour marquer cette précieuse dron. Et comme d’habitude, à force
sélectionner parmi les nouvelles collaboration, nous avons confié les de creuser un sujet, on trouve
boîtes de maquettes un thème, une clés du Fana de l’Aviation tout en- quelques pépites, avec l’aide des fa-
drôle de machine à caricaturer, non tier à Jean, depuis la couverture milles de vétérans et de pas mal de
sans demander à Polymnie, la muse jusqu’à l’incontournable caricature chance. Les témoignages de deux
de la rhétorique, un bon jeu de mots de la rubrique maquette, en passant mécaniciens permettaient de rajouter
pour couronner l’ensemble. Soit dit par la carte de vœux et le dossier du des anecdotes inédites, que j’espère,
en passant, nous parlons de muse mois. Une invitation au voyage ; vous aurez plaisir à lire ! J’ajoute que
avec Jean pour la bonne et simple faites vos malles pour l’Extrême- le fait que le créateur graphique de
raison que sa compagne, Afroula, Orient. Mais pourquoi ce choix ? l’“Assam Dragon”, Bob McClung,
elle-même illustratrice, est origi- Réponse de Jean : ait été un dessinateur
naire de Grèce. “Ben… Déjà, ce n’est pas fait publicitaire me permet-
Ainsi en quelque 480 Fana de exprès, mais le P-40 pour mes 40 ans tait de lui faire un clin
l’Aviation a défilé pour votre plus de présence dans le magazine, cela d’œil amical, 2 x 40 ans
grand plaisir le gratin de l’aéronau- s’imposait ! Quand j’ai commencé à plus tard.”
33
SAGA JUDICIAIRE
Robert Esnault-Pelterie
73 procès
pour un manche
Robert Esnault-Pelterie affronta toute l’industrie
aéronautique devant les tribunaux entre 1913 et 1938
sur le brevet du manche à balai. La première saga
judiciaire de l’aéronautique, avant celle qui opposa
plus récemment et pour rien Boeing à Airbus.
Par Michel Bénichou

L
e nom de Robert Esnault- sionnelle à sa guise. Doué pour les
Pelterie reste attaché à l’his- études et “d’un goût inné pour la
toire de la conquête de l’es- mécanique”, il eut aussi la chance
pace dont il fut un éminent d’avoir un père, Albert, industriel,
théoricien. Il fut auparavant compréhensif, généreux et très
un des principaux pionniers de riche, qui le soutint aussi long-
l’aviation. Peut-être même se temps que possible à coups de
souviendrait-on qu’il inventa centaines de milliers de francs (de
en 1906 le “manche à balai.” l’époque… Comptez ça en mil-
Soyons précis : cette désigna- lions d’euros). Dans ces conditions,
tion familière du levier commandant Robert put se laisser emporter sans
les gouvernes d’un avion ne lui a contrainte par son rêve d’enfance
jamais été associée, sinon par d’imiter les oiseaux. Il commença à
accident ; elle serait issue, en se pencher sérieusement sur la
1909, de la première usine question en 1903, à 22 ans, et s’atta-
d’Henry Farman à Mourmelon. qua, seul, à la globalité des pro-
Cependant notre propos n’est pas de blèmes : concevoir un moteur léger
discuter ici de vocabulaire, aussi (30 ch, 7 cylindres en double éven-
devrons-nous quitter les aérodromes tail, 52 kg), étudier l’aérodynamique
pour les prétoires. Mesdames et mes- des hélices et des ailes, concevoir
sieurs les jurés, voici donc les faits. l’aéroplane. Sa solitude n’était ce-
Le premier pendant pas absolue puisque son
“Un goût inné monoplan REP
fut essayé à
génie – bien réel – puisait, répétons-
le, une bonne part de son énergie à
pour la mécanique” partir d’octobre l’abondante source des finances
1907 à Buc sur
Robert Esnault-Pelterie, REP, paternelles. C’est ainsi qu’en 1906,
le plateau qui
qui devint inventeur par vocation, après une vaine tentative dans l’auto-
deviendrait
hésita longtemps entre plusieurs dis- mobile, il commença la construction
l’aérodrome
ciplines avant d’être licencié ès de Toussus-
d’un monoplan, à nos yeux étonnant
sciences pour mener une vie profes- de modernité, “absolument origi-

le-Noble.

MAE ROL

34
Robert Esnault-Pelterie en 1908 dans son
monoplan 2 bis. On devine, devant lui,
les extrémités des deux leviers de commande.

35
ROBERT ESNAULT-PELTERIE

nal” selon le meilleur observateur du


moment, François Peyrey.
La bonne manière de conduire sa
machine volante lui occupa longue-
ment l’esprit. Selon ses propres
termes, il “bafouilla” longtemps,
mais il faut noter qu’il avait d’emblée
perçu la nécessité de pouvoir contrô-
ler les trois axes de lacet, tangage et
roulis, contrairement à Voisin et
Blériot, par exemple. Sa première
idée (brevet demandé en décembre
1906, 10 mois avant les premières
tentatives de vol) fut d’employer de
part et d’autre du pilote, parallèles à
l’axe longitudinal de l’aéroplane,
deux leviers horizontaux pouvant
être levés ou abaissés, un seul pou-
vant aussi être également poussé vers
la droite ou la gauche. L’expérimen- Les commandes
tation de ce système lui montra qu’il puis la conférence d’Octave Chanute du biplan nées pour le levier inclinable d’avant
fallait quelque chose de plus intuitif. à l’Aéro-Club de France au prin- Wright de 1908. en arrière, qu’il faisait aussi pivoter
Dans un autre brevet demandé le temps 1903, mais il serait bien éton- Croquis de René sur lui-même. Bien d’autres brevets
19 janvier 1907, les deux leviers à nant qu’au début de 1907 il connût le Gasnier figurant de commandes uniques furent aussi
main gauche et droite du pilote de- détail de leurs commandes de vol par dans le livre de déposés à l’étranger. L’idée n’était
vinrent verticaux ; le premier, à leviers, postérieures à 1903, car elles François Peyrey donc pas nouvelle. Chez Esnault-
gauche, servait à assurer la direction, ne furent pas brevetées. Elles ne Les Oiseaux Pelterie, le levier de gauche com-
inclinable longitudinalement ; le se- furent dévoilées qu’après l’arrivée de artificiels (1909). mandant le lacet aurait très bien pu
cond assurait la stabilité en agissant Wilbur Wright en France en juin La commande être remplacé par un palonnier, mais
d’un mouvement semblable sur la 1908 et lors de ses démonstrations au de roulis et lacet il avait réservé un pied pour la pé-
profondeur, ou, incliné latéralement Mans à partir du mois d’août. (fig. 1 et 2) est dale d’accélérateur. Dans les mois
grâce à un joint à la Cardan, sur le le levier à la qui suivirent janvier 1907, Louis
gauchissement de la voilure – dans la L’idée n’est droite du pilote. Blériot déposa plusieurs brevets per-
pratique, ces leviers furent inversés. La fig. 3 est fectionnant le système REP, basés
Ce système de commandes est,
pas nouvelle celle du levier sur l’usage d’un levier central unique
dans son principe, mais pas dans sa Un certain Jean Laroze avait de gauche, et d’un palonnier. De son côté, plus
réalisation, celui que les frères déposé en 1905 le brevet d’une com- commandant inventeur qu’industriel, REP dépo-
Wright adoptèrent en 1904. Hasard ? mande unique par levier central et la gouverne sait quantité de brevets sur les acces-
Esnault-Pelterie avait connaissance volant, mais en utilisant plusieurs de profondeur soires des moteurs, les ailes, la posi-
à l’avant.
des expériences des Américains de- transmissions dont trois roues engre- tion des gouvernes et la manière de
DR / COLL. M. BÉNICHOU

Le REP n° 2bis en cours de montage ou de démontage


sur un stand d’honneur du Salon de l’automobile de
décembre 1908 qui présentait aussi des aéroplanes.

36
Schémas dans un ouvrage remarquable (2) ont
des commandes raconté très en détail cette histoire
brevetées en 1906 étonnante qui trouverait sa conclu-
par REP, prévues sion presque 30 ans plus tard.
pour un monoplan REP ne put que suivre les assi-
en tandem qui ne gnations agressives suivies de saisies
fut pas construit. déclenchées par Blériot lors des ex-
Nous avons coloré positions de 1912 et 1913 ; il dut, à
les deux leviers cause de cela, abandonner le com-
horizontaux missariat général de l’exposition.
en rouge. Seul Louis Breguet avait accepté de
conclure un contrat de licence, mais
il avait soudain cessé d’en payer les
droits ; tous les autres constructeurs
avaient refusé un quelconque accord,
parfois même en lui riant au nez.
Tous étaient déficitaires… C’est ainsi
DR
que, presque malgré lui, REP fut
engagé en février 1914, aux côtés de
Blériot, dans un procès où presque
les actionner avec un ou deux leviers son autorisation. Robert Esnault- toute l’industrie aéronautique fut
sur cardan, en passant par une boîte Pelterie présidait toujours la accusée d’avoir contrefait l’invention
de vitesse hydraulique et automa- Chambre syndicale des industries de MM. Esnault-Pelterie et Blériot !
tique pour automobile, etc. aéronautiques depuis sa création en
REP et Blériot s’affrontèrent à ce janvier 1908 ; il était de ce fait à l’ori- Un naturel hautain
sujet jusqu’à ce qu’en 1911 REP se gine de l’exposition (1). Partageant la
plaignît, non sans raison, d’avoir été consternation des exposants en géné-
et cassant
copié ; l’ingénieur conseil commun ral, il se trouva à son corps défendant Selon ses biographes, REP au-
aux deux protagonistes, Marcel lié pieds et poings à Blériot par leur rait préféré se montrer conciliant,
Armengaud, ainsi qu’Albert Esnault- accord. Félix Torres et Jacques Vilain bien qu’il lui fût reproché un naturel
Pelterie, contraignirent Robert à ac- volontiers hautain et cassant. En
cepter un accord pour partager équi- termes choisis, Georges Besançon,
tablement avec Louis les droits de
licence sur les brevets de la com- “ Coupé des réalités secrétaire général de l’Aéro-Club de
France, l’avait d’ailleurs ainsi croqué
mande multidirectionnelle. Mais, lors
de l’Exposition de la locomotion
du marché, il vendait à dans L’Aérophile : “Solide et éner-
gique en son élégance robuste…”
aérienne qui suivit, Blériot, de sa
seule initiative, fit envoyer un huissier des prix excessivement Cependant, si REP pouvait donner
à ses concitoyens le sentiment qu’il
sur le stand des constructeurs utili- les regardait de haut, c’était aussi
sant un dispositif comparable sans
BIBLIOTHÈQUE NATIONALE/GALLICA
élevés ” parce qu’il était plus grand que la
moyenne, mince, très élégant, et
Sur un même vraisemblablement un peu trop sûr
document, de lui ; le labeur solitaire n’incline
Robert Esnault- pas forcément vers l’empathie.
Pelterie et son Malheureusement, il avait aussi
type 2 devant besoin d’argent.
Wilbur Wright, Trop soucieux du détail, il avait
dessinés perdu du temps à vouloir sans cesse
par Yves améliorer un même modèle de mo-
Marevéry noplan, s’était entêté à fabriquer des
en 1908. moteurs légers mais peu fiables, et
avait laissé les concurrents filer
devant lui en s’appropriant la plus
grosse part du marché avec des
matériels à bien des égards moins
raffinés, aux qualités de vol généra-
lement inférieures. Il fabriquait trop
peu et trop compliqué ; coupé des
réalités du marché, il vendait donc

(1) La Chambre est devenue


le Gifas (Groupement des industries
françaises aéronautiques et spatiales),
et l’exposition le Salon international
de l’aéronautique et de l’espace
du Bourget.
(2) Robert Esnault-Pelterie, du ciel
aux étoiles, le génie solitaire.
Éditions Confluence, 2007,
ISBN : 9-782355-270024.

37
ROBERT ESNAULT-PELTERIE

à des prix excessivement élevés qui Ci-contre


décourageaient la clientèle. Un et au-dessous,
cercle vicieux dont il ne sortit pas. les schémas
C’est pourquoi, bien que jusqu’à des commandes
50 % plus cher que les autres, il ne revues
cessait de perdre de l’argent, plus et corrigées
que les autres ; depuis 1905, ses acti- brevetées en
vités dans l’aéronautique avaient 1907 et adoptée
accumulé en huit ans un déficit sur ses premiers
d’environ 3 millions de francs or, le monoplans
prix de 100 à 150 aéroplanes ! par REP. Nous
Cependant, puisque la fortune pa- avons coloré
ternelle était inépuisable, il ne s’en les poignées.
souciait guère. Or, en 1913, sur la fin Le levier de droite
de sa vie, son père annonça brus- agit latéralement
sur le
quement qu’il ne payerait plus pour
gauchissement et
ne pas spolier la sœur de Robert, DR
sur la profondeur
voire ne pas se séparer de sa si pros-
longitudinale-
père affaire de cotonnades. ment. Le levier
Esnault-Pelterie produisirent 37 effectifs totaux – sous-traitance y
Robert retomba brutalement sur de gauche agit monoplans REP et 40 biplans comprise – à 2000 personnes.
terre. Ayant auparavant dédaigneu- longitudinale- Voisin à partir de la fin de 1914, puis Avec un moral retrouvé, REP
sement refusé diverses offres d’asso- ment sur le lacet. des pièces détachées en sous-trai- envisageait dès lors un avenir bril-
ciation, il n’eut d’autre solution, en Cette disposition tance. Par ailleurs, Robert Esnault- lant en songeant à ce que son inven-
mai 1913, que de liquider ses ateliers n’est cependant Pelterie était toujours président de tion du “manche à balai” allait
de la rue de Silly à Boulogne-Billan- pas conforme la chambre syndicale qui avait créé encore rapporter ; on peut imaginer
court. Il conserva autour de lui à celle qui fut avec beaucoup qu’elle devenait sa
quelques personnes et un petit ate- exploitée selon la d’efficacité un principale source de
lier à Lyon, notamment pour conce- même méthode. comptoir d’ap- revenus. Malheureu-
voir une version “Parasol” de ses provisionnement sement, il ne parvien-
monoplans dont seule la Royal Navy en m at ér i au x drait à concéder d’ac-
achèterait 12 exemplaires en 1915. grâce auquel l’in- cords de licence qu’à
dustrie aéronau- quelques construc-
La guerre suspend tique française teurs alors margi-
pouvait faire face naux, l’immense ma-
la procédure Les monoplans à des commandes jorité de l’industrie
Le procès du manche, com- REP étaient sans cesse crois- lui demeurant vio-
mencé en janvier 1914, dura plus réputés pour santes. En 1915, lemment hostile.
d’un mois. REP s’y trouva sur le leurs qualités sa société bénéfi- En 1917, il avait
devant de la scène parce qu’il possé- de vol. Lors cia d’un accord été convaincu par
dait les brevets les plus anciens. Il des meetings passé entre l’ar- Blériot de relancer
réclamait 2 000 francs par contrefa- de Tamise et mée et le cons- une offensive judi-
çon. En mars 1914, le jugement du de Saint-Malo tructeur italien
DR
ciaire pour obtenir le
tribunal, fondé sur cette antériorité, en 1912, Gianni Caproni ; elle lança la fabri- versement de droits considérables
lui fut favorable. Les perdants firent ils furent cation de 61 bombardiers trimo- portant désormais sur des dizaines
appel de ce qui menaçait d’un cata- considérés teurs “géants” Caproni-Esnault- de milliers de contrefaçons. C’est
clysme leurs entreprises générale- comme Pelterie CEP 1, suivis jusqu’à l’ar- alors que son avocat lui fit remar-
“très rapides”,
ment chancelantes, puis la guerre mistice par 50 CEP 2 et presque quer que le zèle de Blériot avait une
pouvant
vint suspendre la procédure. autant de CEP 3 toujours plus puis- double raison. Non seulement il
atteindre
Pendant les hostilités, à Lyon, sants. Elle fabriqua également 385 avait plus à y gagner que lui, mais
110 km/h
les établissements d’aviation avec 80 ch.
Sopwith 1 ½ “Strutter”, portant ses surtout il était en contravention

MAE

38
Extraits E ntre-temps, ses adversaires
d’un brevet de français avaient instrumentalisé
perfectionnement contre lui des fonctionnaires du
déposé en 1910, fisc. Alors qu’il n’avait encore rien
les schémas touché, ceux-ci, en 1919, lui récla-
d’une double mèrent près de 49 millions d’im-
commande REP. pôts sur des rentrées estimées à
Il y a toujours 60 millions avec la plus parfaite
deux leviers mauvaise foi. Recon naissant que
(répétés pour cet impôt était “complètement ar-
l’instructeur bitraire”, la commission supérieure
et l’élève) avec de taxation des profits de guerre du
à droite les leviers département du Rhône… le ra-
agissant mena à 24 millions sans plus de
latéralement raisons. Esnault-Pelterie en paya le
en lacet et,
dixième en 1920 ; ses biens furent
à gauche les
DR alors saisis, puis la même commis-
leviers agissant
sion divisa encore de moitié la
latéralement
avec la loi du 5 juillet 1844 sur la nèrent contre Esnault-Pelterie une en roulis
somme restant due !
propriété industrielle interdisant de campagne de presse en laissant cou- et longitudinale-
breveter le perfectionnement d’un rir les rumeurs les plus insensées sur ment en tangage. Les droits de REP
brevet déposé moins d’un an aupa- les profits qu’il allait tirer de l’affaire,
ravant par une autre personne. Les jusqu’à 1 500 millions ! Ils bénéfi-
À cette époque, confirmés aux États-Unis
Blériot utilisait
brevets de Blériot, datés du début ciaient, cette fois, d’un allié de poids : un levier central Jusqu’en 1933, REP se battit
de 1907, devaient donc être annulés. l’État, également poursuivi pour unique sur pivot contre une administration inca-
Ils le furent ; par conséquent le avoir commandé, recelé et réparé des et un palonnier. pable de motiver ses exigences. Il
contrat d’accord passé en 1911 avec appareils contrefaits ! Les commandes avait proposé de payer encore
Esnault-Pelterie était sans valeur, et Salomon en gloire : à chaque imposées par les 4 millions, puis 2 seulement après
Blériot, le plus important construc- fois, appels ou cassation, les juges militaires en 1912 que la crise économique frappa.
teur de la guerre avec ses Spad, donnèrent tort aux appelants, mais ont un levier Finalement, à bout d’arguments, il
devenait son débiteur. sans accéder aux souhaits de REP. central (Blériot) fit intervenir un ami auprès d’un
En mai 1923 la cour d’appel fi xa à sur cardan (REP) d i recteu r du m i n istère des
Les tribunaux favorables, plus de 7,2 millions le montant des et un palonnier. Finances, lequel reconnut “illé-
droits qui lui échoyaient, auxquels gale” l’imposition, mais sans oser
l’administration frileuse s’ajoutaient 6 millions de dom- l’annuler de peur d’être soupçonné
En 1919, le tribunal lui ayant une mages et intérêts. Pour autant de corruption. REP paya encore
fois de plus donné raison, Robert Esnault-Pelterie accepta parfois de 2 millions en 1934 la tranquillité
Esnault-Pelterie se retrouva seul transiger… Il lui fallut aussi tenter d’esprit de ce haut fonctionnaire.
contre tous. À chaque fois, au cours d’obtenir des droits sur les manches Pour solde de tout compte ? Pas
des années 1920, les tribunaux lui à balai des avions allemands exploi- encore. Le brevet demandé en 1908
furent favorables, mais en rabattant tés au-dessus de la France – ses par Esnault-Pelterie aux États-
ses prétentions financières de brevets n’ayant pas été acceptés en Unis avait été enregistré en 1914, et
2000 francs à 700 francs par infrac- Allemagne. Il réclama 5 millions au sa première utilisation constatée en
tion. Même ainsi, l’affaire du manche titre des réparations de guerre, juin 1917. Ne pouvant obtenir ses
pouvait avoir des conséquences ca- mais n’en obtint que 2. Des droits en 1920, REP avait entamé
Le premier
tastrophiques en coûtant des millions Britanniques, il dut accepter les une procédure en 1924 devant la
monoplan
à des industriels accablés par l’impo- 25 000 livres qui lui furent offertes Court of Claims [Tribunal, NDLR].
REP au
sition abusive des profits de guerre – il en attendait 300 000 ! – parce Elle lui avait donné tort dans un
conservatoire
qui en avait déjà mené plus d’un à la que la traduction anglaise de ses des Arts et
premier temps, puis défi nitivement
ruine, voire au suicide. Ceux-ci me- brevets était incomplète… Métiers à Paris. raison en novembre 1935 à la suite
d’une deuxième expertise. Il y eut
un puis deux appels.
En janvier 1938, les droits de REP
furent enfin confirmés ; l’administra-
tion américaine et le Français s’accor-
dèrent… en juillet 1942 sur une somme
globale d’un peu plus de 500 000 dol-
lars, somme dont la valeur s’était for-
tement dépréciée depuis 1920. De 1913
à 1938, Robert Esnault-Pelterie mena
donc 73 procès pour faire admettre
qu’il avait, en 1906, inventé la com-
mande de vol la plus emblématique de
toute l’aviation. Quant aux industriels
français finalement contraints de
payer, ils furent tous indemnisés par
le contribuable, au point que, pour
certains, l’épisode du manche à balai
fut une excellente affaire ! ■
MICHEL BÉNICHOU

39
REPORTAGE

Douglas C-47-DL Screaming Eagles


Beau comme un aigle
Hugo Mathys adore le C-47 tout autant que le DC-3.
Alors après s’être offert un magnifique DC-3, il s’est
fait faire un sublime C-47. Qui a reçu le trophée
de vice-grand champion dans la catégorie warbird
de la Deuxième Guerre mondiale lors du dernier
AirVenture à Oshkosh.
Par Xavier Méal

XAVIER MÉAL
hurlant

Resplendissant
dans le soleil
matinal,
le C-47-DL
Screaming
Eagles
de Hugo
Mathys survole
le lac Poygan,
non loin
d’Oshkosh,
l’été dernier.

41
DOUGLAS C-47-DL SCREAMING EAGLES

“J
’ai toujours voulu une version
civile et une version Jour J, ça
a toujours été mon rêve !”,
explique en toute simplicité
le discret Hugo Mathys.
Président du conseil d’administration
du groupe suisse Mathys AG Bettlach
spécialisé dans la production de pro-
thèses orthopédiques, fondé par son
père Robert en 1946, Hugo Mathys
consacre une grande partie de son
temps libre à sa passion : l’aviation.
Les plus de 2000 heures de vol ins-
crites sur son carnet de vol ont été
effectuées sur Beechcraft “King
Air” 90, Beech 18 et DC-3 – plus de
500 heures rien que pour ce dernier
type. En décembre 2007, Hugo
Mathys racheta un des deux anciens
DC-3 de la défunte compagnie aé-
rienne vintage suisse Classic Air. Puis
il lui adjoignit un, puis deux, puis trois
Beech 18, pour constituer la Classic Le C-47-DL 41-18401 après qu’il eut réintégré l’armée
Formation qui présente dans les mee- de l’Air en 1964. Son ancienne immatriculation civile
tings un ballet savamment orchestré F-BCBB est encore discernable.
avec ces quatre avions. Au sein de la
DR/COLL. JACQUES GUILLEM
Classic Formation, Hugo Mathys pi-
lote le Beech 18 “Classic 3” rouge en les signaux lumineux adéquats, ainsi 1941, le C-47-DL matricule 41-18401
tant que commandant de bord. qu’un poste de navigateur et les instru- fut réceptionné par l’USAAF le
Quand il se décida à concrétiser ments d’origine. À l’exception du poste 23 juin 1942, et affecté à Pan-
son rêve, Hugo Mathys demanda tout de pilotage qui devait être certifié IFR Le poste American Airways pour le compte
simplement au spécialiste mondial du selon les normes actuelles, tout le reste du navigateur du récemment créé Air Transport
DC-3/C-47, Basler Turbo Conversions devait être d’origine.” Basler Turbo dans le C-47 Command. L’ATC, commandement
à Oshkosh, dans le Wisconsin, de lui Conversions ne tarda pas à trouver le Screaming du transport aérien, était essentiel-
trouver un C-47 qui serait restauré C-47 ad hoc. Pas un vétéran du Jour J, Eagles est lement une compagnie aérienne en
selon ses désirs. “J’ai demandé à mais un vrai survivant de la Deuxième absolument uniforme militaire ; il commença la
Basler une version originale du Jour J, Guerre mondiale, qui servit sous trois authentique, guerre à très petite échelle pour la
avec des bancs de parachutistes et un drapeaux qui plus est. avec tous les terminer avec une taille supérieure
système original certifié de ligne sta- Sorti des usines Douglas de Long équipements à celle de l’ensemble des compagnies
tique pour les sauts en parachutes, avec Beach, en Californie, en novembre d’époque. aériennes américaines. Après que le
Lend Lease Act (accord Prêt-Bail)
eut été promulgué le 11 mars 1941,
le général Henry “Hap” Arnold
avait créé l’Air Corps Ferrying
Command le 29 mai suivant, pour
livrer par la voie des airs les avions
de l’accord en Europe, en Afrique et
en Asie. Par soucis d’efficacité,
l’USAAF fit appel aux compagnies
aériennes et à leurs pilotes chevron-
nés et, au cours de l’été 1941, Pan
American Airways passa un contrat
avec les gouvernements américain
et britannique pour livrer des avions
de construction américaine à
Khartoum, au Soudan, en utilisant
Miami comme point d’embarque-
ment. Par la suite, le réseau des li-
vraisons fut étendu, et d’autres com-
pagnies aériennes employées sous
contrat. La profusion de contrats
conduisit le président du Conseil de
l’aéronautique civile américaine,
L.W. Pogue, à proposer que toutes
les opérations aériennes soient me-
nées sous un commandement unique
relevant directement du président
des États-Unis et indépendant de
l’armée et de la marine. Le 20 juin
XAVIER MÉAL

42
certificat de navigabilité avec les
marques N150D pour le compte de
l’Ozark Airlines Museum de Saint
Charles, dans le Missouri, qui en
devint propriétaire le 17 octobre
2001 et le fit régulièrement voler.
La société Basler Turbo Conver-
sions d’Oshkosh, dans le Wisconsin,
l’acheta le 16 décembre 2016. Basler
travaillait alors déjà depuis plus
d’un an à la restauration au standard
Deuxième Guerre mondiale du C-47
That’s All, Brother ! de la Com-
morative Air Force. Le 41-18401
reçut un nouveau certificat de navi-
gabilité le 23 octobre 2018, toujours
avec l’immatriculation N150D, et
effectua son premier vol après une
restauration complète le 21 dé-
cembre 2018. Il fut peint en janvier
2019 et devint alors celui qui est fa-
milièrement appelé aujourd’hui
Screaming Eagles.

Hommage aux aigles


hurlants de la 101st
1942, le gén. Arnold, chef d’état-ma- rejoignit les Forces de défense israé- “Pour ce qui est du nom de baptême
jor de l’USAAF, créa l’Air Transport liennes qui lui allouèrent le matri- Hugo Mathys de l’avion, explique Hugo Mathys, j’ai
Command, commandement du cule 1432 le 25 janvier 1967 ; il fut à Oshkosh en toujours été impressionné par les ex-
transport aérien. Et c’est ainsi que utilisé par le Squadron 120 avec les juillet dernier. ploits des gars de la 101st Airborne
Pan Am se chargea de convoyer le marques 032 sur le nez et 4X-FNE Il ne sait pas Division Screaming Eagles (aigles hur-
C-47 matricule 41-18401 jusqu’en en sur la queue. Retirée du service en encore que lants). Une vraie troupe de choc, ils ont
Afrique le 2 juillet 1942. Le 1er mai novembre 1995, la cellule fut stockée son avion est fait le boulot le 6 juin 1944 !”
1943, le bimoteur fut transféré à sur l’aéroport Lod, à Tel Aviv, jusqu’à vice-grand Les tout premiers parachutistes
l’African Middle East Wing (escadre ce qu’elle soit achetée avec six autres champion de largués sur la Normandie au petit
la catégorie
Afrique-Moyen-Orient) de l’ATC, par la société Global Aircraft matin du 6 juin 1944 furent en effet
Warbirds
et prit résidence à Accra, au Ghana Industry de Phoenix, dans l’Arizona. des hommes du 502nd PIR (Para-
Deuxième
(alors appelé Gold Coast, Côte-de- L’avion fut alors immatriculé chute Infantry Regiment) de la
Guerre
l’Or), le 16 octobre 1942. N155JM. Le 9 avril 2001, il reçut un 101st Airborne Division, menés par


mondiale.
Vétéran de trois
forces aériennes
Après la fin de la guerre, le
41-18401 fut cédé à l’armée de l’Air,
qui le prit en compte le 20 novembre
1945, lui donna le matricule 11401 et
l’utilisa jusqu’à ce qu’il soit remis au
Centre des essais en vol (CEV), où
il fut immatriculé F-ZIKB en 1947.
Puis le C-47 changea d’immatricu-
lation pour prendre les marques
F-BCBB sous les auspices de la
Direction technique et industrielle
de l’aéronautique. Le bimoteur réin-
tégra l’armée de l’Air le 20 mars
1964, et perdit son immatriculation
civile F-BCBB le 11 mai 1964. En
décembre suivant. Il fut assigné à
l’EAA 601, l’entrepôt de l’armée de
l’Air à Châteaudun, puis à la base
aérienne 701 de Salon-de-Provence,
et enfin transféré en octobre 1965 au
GTLA 2/60 (Groupe de transport et
de liaison aérienne), au sein duquel
il fut mis en œuvre avec l’immatricu-
lation civile F-RAGC, puis F-RAJJ.
Déclaré surplus en octobre 1965, il
XAVIER MÉAL

43
DOUGLAS C-47-DL SCREAMING EAGLES

le captain Frank I. Lillyman ; ces


éclaireurs – Pathfinders en anglais –
furent parachutés en territoire en-
nemi sans balisage initial, simple-
ment en fonction de l’observation du
terrain et des calculs de navigation
effectués par le navigateur d’une poi-
gnée de C-47 “Skytrain” ; leur mis-
sion était de baliser les DZ (drop
zone, zone de parachutage) et LZ
(landing zone, zone d’atterrissage)
au profit des troupes aéroportées qui
suivaient (lire Le Fana de l’Aviation
n° 595). Ces “premiers des premiers”
furent largués par un avion piloté par
le lieutenant-colonel Joel Crouch,
patron de la Pathfinder Force ; le bi-
moteur était le C-47A-20-DK matri-
cule 42-93098 qui avait décollé à
21 h 54 BDST (british double summer
time, heure d’été anglaise, GMT + 2)
de North Witham. Crouch avait pour
copilote le capt. Vito S. Pedone, pour
navigateur le capt. William K. Culp,
pour opérateur radio le caporal
Harold E. Conrad, pour chef d’équi-
page le s/ sgt Edward F. Laurendeau
et pour médecin le capt. Edward E.
Cannon. Il avait emmené dans ses
ailes deux autres C-47 ; le trio consti-
tuait le “Serial #1”.
Initialement constituée de six
“Serials” de trois avions dont les
parachutistes étaient chargés de
marquer six DZ, la mission Path-
finders avait été renforcée à la der-
nière minute par un “Serial #6a” de
deux avions. Après une traversée de
la Manche sans soucis et un vaste
contournement des îles anglo-nor-
mandes, dans le silence radio le plus
total, Crouch franchit le trait de côte
de la péninsule du Cotentin à 00 h 06.
Les pilotes des C-47 avaient
alors été confrontés à une impor-
tante masse nuageuse et un épais
brouillard au sol qui masquait le
paysage normand et avaient rendu
difficile le travail d’orientation.
Crouch avait largué son stick
[groupe] de 18 parachutistes du
502nd PIR de la 101st Airborne
Division à 00 h 16, quatre minutes en
avance sur l’horaire programmé.

Un en Suisse,
l’autre aux États-Unis
“Le plus grand défi de la restau-
ration a été de retrouver les pièces
d’origine, poursuit Hugo Mathys.
Avec Basler, nous avions le partenaire
le plus compétent pour le travail tech-
nique ; ils ont trouvé une solution à
chaque problème pour faire décoller
ce bel oiseau. Mais trouver les pièces
nécessaires, surtout les équipements
d’origine, s’est quand même révélé

(Suite du texte page 48)


44
XAVIER MÉAL
Hugo Mathys
aux commandes
de son Screaming
Eagles en juillet dernier
à Oshkosh, pour
une mission photo au
profit de l’organisation
D-Day Squadron.

45
DOUGLAS C-47-DL SCREAMING EAGLES

Ce qui différencie le C-47 du DC-3


Le C-47 militaire diffère du DC-3 civil par de nombreuses de parachutistes. Le cône de queue a reçu l’équipement
modifications, parmi lesquelles essentiellement une porte nécessaire en prévision du remorquage de planeurs.
cargo, un support de palan, un plancher renforcé, et un cône Au surplus, un certain nombre de dispositifs spéciaux ont été
de queue raccourci du fait du dispositif de remorquage, ainsi incorporés au C-47 pour lui donner une palette de missions
qu’un astrodome dans le plafond de la cabine. Ajoutées plus large que celle du DC-3. Pour l’utilisation par temps chaud
à des modifications structurelles et un emport de charge plus ou en conditions désertiques, des filtres à air non-aspiré
élevé, elles n’ont cependant engendré que de petites différences de carburateurs et des grilles anti-poussières sont fournis.
dans les caractéristiques de vol. Pour les opérations par temps froid, des dispositifs ont été
Un rapport d’avril 1944 de l’USAAF donne des précisions prévus pour la winterisation [équipement pour les conditions
supplémentaires : hivernales, NDLR], tels que pulvérisation d’alcool pour
“Les caractéristiques de vol générales du C-47, selon des les carburateurs, les hélices et le pare-brise, tubes
rapports récents reçus de personnels qui l’emploient, font de dégivrage pour l’équipage, un système de chauffage
l’objet d’une comparaison défavorable avec celles du DC-3 par les échappements en lieu et place du système à vapeur
standard. Afin de comprendre les différences mineures du DC-3, une isolation et un revêtement de sol renforcés dans
de performances qui existent entre les deux avions, il sera les quartiers de l’équipage et de quoi installer un chauffage
discuté ici des modifications structurelles incorporées au C-47 de cabine auxiliaire. Un plus grand rayon d’action est obtenu
et de leurs effets sur les performances sur deux moteurs par l’addition de deux, quatre, six ou huit réservoirs
et les caractéristiques de vol. de 100 gallons [378 l] qui peuvent être temporairement
Il est de connaissances générales que le DC-3 est un avion de installés dans le fuselage. Un poste complet de navigateur,
transport de passagers commercial, conçu en premier lieu pour avec son équipement et un dôme d’observation ont été ajoutés ;
cet objet et sans considération pour l’emport de charges autres un système d’alimentation en oxygène basse pression
que des bagages légers et du courrier express. Étant donné que à cinq sorties est fourni pour les vols à haute altitude.
les diverses exigences des compagnies aériennes ont gouverné L’équipement radio additionnel comprend un intercom
la fabrication, chaque avion a été construit sur-mesure et peu à cinq sorties, une liaison radiophare, un radio compas
d’importance a été accordée aux méthodes de production et un système d’identification.
de masse. La masse à vide était aux environs de 16 500 livres L’aménagement intérieur du C-47 est constitué de revêtements
[7 484 kg] avec un poids brut sur le papier de 25 000 livres et garnitures minimales. Les faisceaux de câbles ne sont pas
[11 340 kg]. Les fauteuils réglables pour les passagers, la blindés par des conduites, sauf pour certains segments
possibilité de couchettes, un revêtement interne de cabine des équipements radio et moteurs.
de type luxe, des toilettes, des buffets et des compartiments Afin de parvenir à une production en masse du C-47,
à bagages dans la partie arrière de la cabine principale ont la chronologie d’assemblage du DC-3 a dû être abandonnée.
engendré de façon inhérente une lourdeur de la queue. Pour Dans les ailes et le fuselage, des sections sont boulonnées entre
maintenir des conditions de masse et de centrage favorables, elles, et les systèmes dans chaque section sont intégrés au
il était nécessaire de faire le plein des réservoirs de carburant préalable autant que possible de façon à ce que l’assemblage
avant en premier, et ensuite des réservoirs arrière, et d’utiliser final ne consiste qu’à joindre l’une à l’autre des sections finies,
le carburant de l’arrière vers l’avant. Du fait que les vols longue plutôt que d’avoir à installer des systèmes après l’assemblage.
distance n’étaient pas envisagés, rien ou presque n’avait été Un autre changement qui a permis d’accélérer la production JEAN-PIERRE TOUZEAU

prévu pour la navigation, un équipement radio supplémentaire, a été le remplacement par des pièces forgées et moulées des
ou un emport de carburant additionnel. assemblages par soudure utilisés sur le DC-3 sur des éléments
De l’autre côté, le C-47 est avion-cargo militaire, conçu pour tels que les trains d’atterrissage et les bâtis moteur, etc.
la production en série. S’il est similaire au DC-3 du point de vue Ces changements et installations additionnels ont nécessairement
de son aérodynamique, sa structure et son aménagement ont été entraîné une augmentation de la masse à vide par rapport à
radicalement modifiés. Afin de permettre le chargement celle du DC-3. La masse à vide du C-47 dépasse à présent les
de fret, de caisses lourdes, de moteurs, d’obus, de munitions, 17 900 livres [8 120 kg], soit une augmentation de 1 400 livres
de Jeep, etc., le plancher de la cabine principale et sa structure [635 kg] par rapport au DC-3. Bien que la masse brute sur
de support ont été grandement renforcés. Une large porte cargo le papier ait été portée à 26 000 livres [11 793 kg] avec une
est installée dans le côté gauche de la partie arrière du fuselage, surcharge au décollage admissible de 29 000 livres [13 154 kg],
et des poulies, des moufles mobiles [palans, NDLR], des œillets il est connu que ces limites sont fréquemment dépassées en
de levage et des anneaux d’arrimage sont à demeure. service. Dans certains cas, le C-47 a été mis en œuvre à plus
Parce que le C-47 est employé pour de nombreux usages de 35 000 livres [15 875 kg] de masse brute. Si cela est un tribut
tactiques variés, une quantité considérable d’équipement spécial à la robustesse inhérente de l’avion qui lui permet d’être mis en
non installé sur le DC-3 est emporté de façon permanente. Des œuvre en situation de surcharges bien supérieures au maximum
bancs emportant 27 passagers quand le C-47 est utilisé comme défini, on ne peut s’attendre à ce que ses performances soient
transport de troupes se replient pour dégager plus de place pour les mêmes que celles d’un DC-3 mis en œuvre dans le cadre des
le cargo. Des tubes et des ferrures pour transporter des hélices restrictions de poids définies par la CAA [Civil Aviation Authority,
sous le ventre de l’avion sont entreposés dans le compartiment à Direction générale de l’aviation civile, NDLR].
bagages de droite. Des supports pour 18 civières médicales sont Des radios et autres équipements spéciaux ayant été ajoutés
rangés sous le plancher de la cabine principale et peuvent être dans le compartiment de l’équipage, au contraire du DC-3,
installés rapidement. Il a été prévu sur la structure interne de quoi le C-47 est intrinsèquement lourd du nez. Pour améliorer
attacher des racks de largage de charges sous parachute afin cet état de fait, les procédures de remplissage des réservoirs
de pouvoir utiliser le C-47 comme transporteur de conteneurs de carburant et de consommation du carburant sont l’inverse de
d’aide d’urgence. Un panneau amovible dans la porte arrière celles du DC-3 : les réservoirs de carburant arrière sont remplis en
de la cabine principale, une ligne statique de parachutage premier, et la consommation se fait de l’avant vers l’arrière. On ne
et un plancher antidérapant sont fournis pour l’emploi mettra jamais assez l’accent sur le chargement correct du cargo

46
et du carburant, particulièrement quand une très lourde charge
Le C-47 “Skytrain” YARD BIRD est emportée. Le cargo est souvent balancé à l’intérieur de façon
du 6th Troup Carrier Squadron aléatoire, sans se préoccuper des limites de poids, de chargement
de la 5th Air Force et de centrage. Cela met non seulement en danger des vies,
en Nouvelle-Guinée, mais affecte aussi directement les performances de l’avion.
en avril 1943. Des essais en vol ont été faits avec le C-47 pour déterminer la perte
de vitesse engendrée par les modifications structurelles majeures
et les configurations externes additionnelles. Les configurations
externes qui affectent la traînée de l’avion incluent le dôme
du navigateur, les écopes d’air type manchon de l’échangeur
thermique, les écopes d’évacuation du système de chauffage
sous le fuselage, le cône de queue tronqué pour le remorquage
des planeurs, et les filtres à air non aspiré des carburateurs.
Les démontages des capotages des nacelles et de l’écope d’air
sous le fuselage ont été ajoutés à ces configurations.
Les tests ont été effectués avec les volets de capots fermés, et
les volets et le train d’atterrissage rentrés, à la masse brute de
26 000 livres pour les deux avions. Les résultats sont les suivants :
Perte de vitesse du C-47 comparé à l’avion basique
Mph perdus % perdu
Niveau de la mer (puiss. nom.) 7 3,24
8 800 pieds (puiss. nominale) 9 3,8
10 000 pieds (50 % puiss. nom.) 8 4,44
Le passage d’une hélice à pales étroites (6353A-18) aux pales
type “paddle” (rame) (6477A-0) (lire page 19 du numéro
de novembre 1943 de Douglas Service) n’a causé que des
changements sans conséquences des puissance, rayon d’action,
vibrations, vitesse, accélération, vitesse de décrochage, charge
utile et altitude. Les hélices à pales de type “paddle”, qui plus est,
procurent un refroidissement plus efficace dans toutes les plages
d’utilisation du moteur et rendent ainsi possibles des puissances
plus élevées sur de plus longues durées – un avantage certain,
particulièrement quand des planeurs sont remorqués.
En conclusion, si les C-47 et DC-3 sont de façon basique
les mêmes avions, les modifications de structures et
de configurations externes nécessitées par l’efficacité militaire
ont entraîné certaines pertes de vitesse avec le C-47.
Il convient de rappeler, cependant, que les caractéristiques
de vol des deux avions dans les mêmes conditions de chargement
n’ont pas été substantiellement altérées.”
USAAF

Le DC-3
de Hugo
Mathys
est basé
en Suisse.
Il est vu ici à
La Ferté-Alais.

47
DOUGLAS C-47-DL SCREAMING EAGLES

XAVIER MÉAL
XAVIER MÉAL
La partie avant
de la cabine (Suite de la page 44)
du Screaming une tâche bien difficile pour toutes les
Eagles, avec personnes impliquées. Actuellement
les bancs des mon DC-3 est basé en Europe pour
parachutistes des vols privés et les présentations
en position dans les spectacles avec la patrouille
relevée. Classic Formation (le DC-3 et trois
Beech 18), et le Screaming Eagles est
basé aux États-Unis.”

De retour en Normandie
en juin 2024
L ’attribution du trophée de
vice-Grand Champion de la caté-
gor ie Wa rbi rds -Deu x ième
Guerre mondiale à son Screa-
ming Eagles l’été dernier lors de
EAA AirVenture 2022 a été une
surprise pour le discret Hugo
La partie arrière Mathys. Car il n’était pas venu pour
de la cabine du faire juger son avion en quête d’une
Screaming Eagles, récompense, mais pour faire corps
avec des avec les autres propriétaires de
civières médicales C-47 impliqués dans l’organisation
installées. du D-Day Squadron.
XAVIER MÉAL

48
Le magnifique tableau
de bord du Screaming
Eagles. Une fausse
façade permet de couvrir
l’instrumentation moderne
quand l’avion est au sol.
XAVIER MÉAL
XAVIER MÉAL

Durant l’EAA AirVenture 2022, beaucoup ont perdu la vie, pour que
le D-Day Squadron a annoncé avoir nous puissions vivre en paix, a expli-
engagé l’organisation d’une nouvelle qué Eric Zipkin, chef pilote du
traversée mémorielle de l’Atlantique D-Day Squadron et directeur des
avec une flotte de C-47 en 2024 pour opérations. En juin 2024, alors que
le 80 e anniversaire du Jour J en si peu d’anciens combattants de la
France et le 75e anniversaire du pont Deuxième Guerre mondiale seront
aérien de Berlin en Allemagne. En encore avec nous, nous recréerons le
2019, le D-Day Squadron avait fait voyage vers l’Europe et participerons
rejoindre la Normandie à une flotte à chaque commémoration pour pré-
de 15 DC-3/C-47 via l’Angleterre, et server leur mémoire, pour ne jamais
jusqu’en Allemagne pour certains. oublier ce que ces anciens combat-
Hugo Mathys avait été de la partie tants signifient pour chacun de nous
avec son Screaming Eagles. Après le et notre histoire mondiale.”
succès de cette mission, le D-Day Une dizaine de propriétaires de
Squadron avait aussi été représenté C-47 américains ont déjà annoncé
sur plusieurs survols commémora- leur intention de participer à cette
tifs, événements aéronautiques – no- nouvelle aventure. La Commemo-
tamment le Salon du Bourget – et rative Air Force (CAF) a également
spectacles aériens. annoncé sa collaboration par la voix
“En 2019, notre objectif était de de son président Hank Coates.
rappeler aux gens comment, durant Quant à Hugo Mathys, il sera bien Les commandes des volets
la Deuxième Guerre mondiale, il y a sur du voyage avec son Screaming et de sortie de secours du train
plus de 75 ans, des hommes et des Eagles. Pour rendre une nouvelle d’atterrissage, ainsi que des
femmes se sont battus pour notre li- fois hommage à sa façon aux aigles extincteurs des moteurs.
berté, nos libertés, et ont servi, là où hurlants de la 101st. ■

49
TÉMOIGNAGE
Un pilote raconte
Ah ! Voler
sur le “Sabre”
Après avoir décrit une mission
en 1973 sur “Mirage” IV dans Le Fana
de l’Aviation n° 627, Maurice Larrayadieu
nous fait partager son enthousiasme
pour le Canadair “Sabre” Mk 6
qu’il pilota en 1956.
Par Maurice Larrayadieu

P
our tous les pilotes de chasse je me lâchai sur le “Sabre” Mk 6
qui ont patiemment mais n° 633 avec un Canadien à mes
laborieusement écumé les basques. On m’attribua l’indicatif
frontières nord-est de la radio “Cartridge 99”.
France en ces années 1950 Je bus aussitôt du petit-lait, car
dans le cadre de l’Otan, les rencontres je n’avais jamais piloté un avion aussi
avec des F-86 “Sabre”, et en particu- agréable ! En quelques mots et
lier le plus abouti, le “Sabre” Mark 6 chiffres, il montait à 40 000 pieds
canadien, étaient des épreuves diffi- [12 192 m] en 6 minutes depuis le
rminées p
ciles toujours terminées par de lâcher des freins et e se “promenait”
q
cruelles déceptions : quelle que à 600 nœuds
nœud d [1 111 km/h] à
plooyée, cet
soit la tactique employée, altitude.
basse alti i Je compris
avion diabolique étaitait imbat- pourquoi
alors pou u cet avion
table et se dérobaitt com
ccomme
o me était un ttueur
u qui flinguait
foorfait ac-
un pied de nez son forfait ttout
to ut ce ququi
u traînait dans le L’insigne du
compli. Il me futt enfin en fin
en coin : ill était tout simple- Squadron 439
donné l’occasion dee peper-
er- ment
m
me nt hyper-manœu- Fangs of death
cer le mystère. vrant,
vraa et la puissance (Les Crocs
dee son réacteur de la mort).
En 1956, l’unité
Cet avion “Orenda”
“OO 14 lui
était basée à
permettait
pee en com-
est un tueur bat
b de se dérober
Marville, dotée
de Canadair
Je débarquai à vers
e le haut en toute
ve “Sabre” Mk 6.
Marville, en Lorraine,
nee, sécurité.
sécc Des slats
base du Wing 1 dee laa [[bac
[b a de bord d’at-
Royal Canadian Air A ir taque,
taqu u NDLR] très
Force le 7 août 1956,
6, et
e je performants
perfor r sur sa voi-
fus détaché au Fighter
terr Squa
Squa- DR lure le memettaient à l’abri de
dron 439 Fangs of death (Les Crocs toute surprise à très basse vitesse, et
de la mort…). Je fus immédiatement un chasseur de tout autre type qui
pris en mains par le lieutenant tentait de le suivre à la verticale avait
Schneider pour un test sur T-33 afin droit à la gamelle. Il me rappelait le
de juger mon niveau pratique. C’était “Spitfire” [Maurice Larrayadieu fut
la première fois que je volais en place formé sur “Spitfire”, NDLR], tant
avant sur cet avion, sans en avoir été sur le plan de la performance en
prévenu, et par un temps de cochon. combat que sur celui de la facilité de
Dire que j’étais à l’aise serait pré- pilotage. Le confort prodigué par sa
somptueux ! Puis un test écrit suivit cabine ample et bien équipée et une
sur le F-86 “Sabre” (prise en main visibilité sur 360° participaient sans
au sol, procédures à bord…) pour doute à l’efficacité du pilote.
conclure cette évaluation. Apparem- Pour mon premier vol, l’avion
ment tout allait bien, car l’après-midi était équipé de deux bidons de

50
DR/COLL. MAURICE LARRAYADIEU
Maurice Larrayadieu était pilote de
“Mystère” IV dans l’armée de l’Air
quand il fut affecté en échange avec
le Squadron 439 canadien basé
à Marville, en Lorraine.
Il est ici avec un “Sabre” Mk 6,
chasseur qui l’impressionna beaucoup.

51
AH ! VOLER SUR LE “SABRE”

“deSix “Sabre” chaussés


120 gallons [2 x 454 l] et, à haute successifs et rapprochés dans le
altitude, je fus surpris par son ai- temps, de patrouilles de quatre
sance aux basses vitesses ; je le pous- “Sabre” lancés contre les paquets
sai au décrochage, environ
104 nœuds [193 km/h], qu’annonça
gros bidons pour se énormes de MiG qu’ils démante-
laient à l’usure. Il m’écouta avec at-
un léger buffeting [vibrations]. Mon
pilote accompagnateur me demanda
rendre à un mariage… tention, et donna des ordres pour
que l’on expérimente d’autres tac-
de continuer un instant sans me pré-
occuper de lui : “Je vais faire un loo- en Angleterre ” tiques. Pas très éduqués non plus sur
le plan des manœuvres relatives.
ping…”, me dit-il. Étonné puis cer- J’avais, à Dijon, toute modestie mise
tain d’avoir mal compris, je ne cente, à base de loopings intermi- à part, et depuis mon brevet de CP
quittai plus des yeux cet avion qui nables, de lazy eights (figure du “huit [chef de patrouille], une bonne ai-
partait à la verticale. Par réflexe, je paresseux”) cadencés et de bar- sance dans cet exercice. Je m’abstins
notai les conditions de départ du riques gigantesques. Chacun s’effor- de le dire, bien sûr.
looping : altitude 40 000 pieds, vi- çait de faire un maximum de visées
tesse Mach 0,93. Pour ne pas en précises sur l’avion précédent, avec Une chasse libre
perdre une miette, je me mis en vi- la caméra Bell & Howell branchée
rage pour suivre des yeux l’autre sur le collimateur de tir A4.
avec les “Mystère” IV
avion : il me sembla que le haut de Nous passions nos journées en Je fis rapidement mon trou dans
la boucle, que j’estimais à combinaison de vol, à attendre nos cet escadron et assis ma réputation
50 000 pieds [15 240 m], s’éternisait, appareils, grignotant de temps à avec deux faits : je venais de passer
mais le “Sabre” reprit la descente et autre, discutant de tactiques. le cap des 1 000 heures sur jet, une
vint finir à mes côtés, à quelque dis- J’ai été détaché chez les Cana- rareté chez les “Canacs”
tance. Tout à fait stupéfiant ! diens, en principe pour échanger des [Canadiens] en 1956 et, leader
L’atterrissage fut on ne peut plus méthodes, et continuer à jouer le rôle d’une patrouille, j’avais organisé
simple : l’oiseau, amené à la bonne de commandant d’escadrille. En avec les stations radar une chasse
vitesse, se posa comme une fleur. combat, ils étaient féroces, se pré- libre dans le secteur lointain de
Pour conclure cette festive jour- cipitant en paquets sur “l’en- Dijon, qui fut une réussite
née, un deuxième vol, en patrouille, nemi” mais de façon désor- complète : combat avec les
m’amena à 50 000 pieds, avant d’al- donnée, et parfois dangereuse, “Mystère” IV et atterrissage sur ma
ler chasser les F-100 “Super Sabre” genre mêlée de rugby. Il arrivait base, où j’eus mon petit succès !
américains qui venaient d’arriver en souvent que 12 “Sabre” ren- Certes tout n’était pas parfait.
Europe, et nichaient à Bitburg en contrent, sans idée tactique, 12 Lorsque, leader, je faisais un brie-
Allemagne. autres avions d’une autre es- fi ng, les gars lançaient une retape
cadre ! Il y avait parfois des col- dans les couloirs – “Hi ! Le Frenchie
Une poursuite dantesque lisions, mais le commandement fait un briefing !” –, et envahissaient
canadien avait l’air d’admettre que silencieusement le fond de la salle
à quatre avions cela était la rançon d’un bon entraî- pour se poiler tant mon anglais dé-
Les jours se succédèrent ainsi, nement opérationnel. Je ne fus pas plorable les amusait… Mais l’accent
généralement à raison de trois ou d’accord avec ce point de vue, et du Québec n’est pas mal non plus !
quatre sorties. Le 16 août j’en effec- m’en ouvris au squadron leader Restons courtois.
tuai même cinq ! En général, les mis- Bullock, patron du 439. J’ai expliqué Pour me témoigner leur amitié,
sions en altitude se terminaient par que la guerre de Corée, qui venait de les gars en question m’invitèrent au
une poursuite dantesque à quatre se terminer, avait mis en valeur l’ef- mariage d’un des pilotes. J’acceptais
avions sur le plan vertical en des- ficacité, nouvelle, des fluid four, raids avec joie cette amicale attention.

Canadair optimisa le “Sabre” américain


avec un réacteur “Orenda” plus puissant
et divers raffinements aérodynamiques
qui en firent un chasseur redoutable
à la fin des années 1950.
RCAF

52
MAURICE JARNOUX/PARIS MATCH/SCOOP
Patrouille
J’ignorais cependant une chose : le s’amuser un peu – et parce qu’ils de “Sabre” nouveau dans la journée. Rictus
mariage avait lieu en… Angleterre ! étaient sérieusement imbibés –, les à l’époque complice du squadron leader…
Nous avons “chaussé” six “Sabre” “Canacs” me fi rent constamment où ce chasseur Je remarquai une chose éton-
avec les gros bidons de 167 gallons conduire la grosse voiture améri- régnait nante : tous les vendredis un avion de
[632 l] et sommes partis faire un caine louée : un char ! Cette ville, en maître transport Bristol “Freighter” se par-
long steeple-chase sur la belle cam- truffée de ronds points et la conduite dans le ciel quait à faible distance du mess des
pagne anglaise, avant de nous poser à gauche… Ce fut un cauchemar. de l’Europe. officiers. On me dit qu’il amenait une
à Langar. La fiesta avec force liba- Nous sommes revenus à Marville le cargaison conséquente de… bière
tions a duré deux jours dans les troisième jour, et en bon état, mais danoise ! Invité par mes bons amis, je
environs de Nottingham. Pour j’ai été l’un des rares à avoir volé à vis dans la grande salle du mess que

Mk 6,
la quintessence
du “Sabre”
Canadair fabriqua pour le compte du Canada
le chasseur North American F-86 “Sabre”.
Les premiers CL-13 étaient identiques
aux avions fabriqués aux États-Unis.
Puis Canadair le modifia, d’abord avec
un réacteur canadien “Orenda” plus puissant
que le J47 d’origine, ensuite avec
des améliorations aérodynamiques.
Le tout aboutit au Canadair “Sabre” CL-13
Mk 6 en 1954. Il fut considéré comme la
meilleure version du chasseur. Un peu moins
de 400 exemplaires équipèrent la plupart
des unités canadiennes basées en Europe.
Il dota aussi l’Allemagne fédérale,
la Colombie et l’Afrique du Sud.
Le “Sabre” Mk 6 sur lequel fut lâché
Israël en commanda 24 exemplaires,
Maurice Larrayadieu le 7 août 1956.
qui furent mis sous embargo et finalement
replacés par les “Mystère” IV.
DR/COLL. MAURICE LARRAYADIEU

53
AH ! VOLER SUR LE “SABRE”

l’immense bar comportait un solide


grillage derrière lequel le barman
s’affairait placidement. Vers 18 heures,
moment correspondant à la fin des vols
de la semaine, un téléphone sonnait
soudain, déclenchant un frémissement
de l’assemblée. On m’expliqua que le
signal était donné par le contrôleur de
la tour, confirmant la fin de l’activité
aérienne. Le barman ouvrait alors son
grillage, et les gens récupéraient pres-
tement des cartons de bière à liquider
d’urgence entre amis.
Je dus souvent payer mon écot,
car pour chaque grosse erreur de pro-
nonciation dans mes briefings, un La maquette
petit malin inscrivait sur le tableau offerte à Maurice
d’ordres : “Larry (c’est moi). One case Larrayadieu lors
of beer ! [ Larry, une caisse de bière, de son départ
NDLR].” Ah les Anglo-Saxons… du Squadron 439
fin août 1956.
Aller chatouiller MAURICE LARRAYADIEU

les “Ruskoffs” dans les starting-blocks, pour le cas Les meilleures choses ayant une
Désormais OPS ready [opération- où… Je considérais que c’était sans fi n, je quittai le Squadron 439 le
nel sur l’avion, NDLR], je pris l’alerte danger et plutôt amusant et intéres- 31 août après avoir volé 45 fois sur
Zoulou en bout de piste pour une mis- sant. Les Français ne le faisaient pas le merveilleux “Sabre”. Le squa-
sion particulière : décollage vers encore. Il fallut attendre le “Mirage”… dron leader Bullock, au cours d’un
5 heures, de nuit, arrivée dans l’Adiz Pour garder un souvenir inou- pot très amical, m’offrit une superbe
(air défense identification zone : fron- bliable de cet avion superbe, j’effec- maquette en métal de l’avion, ornée
tière russe…) aux aurores, et patrouille tuai de nombreuses séances de d’une plaquette argentée sur la-
à 50 000 pieds, en remontant vers le vrilles : il déclenchait doucement quelle est gravé : “Presented to
nord. Le but de la manip’ était de cha- en croisant les commandes à basse Lt M. R. “Larra” Larrayadieu. First
touiller les Ruskoffs, pour voir en com- vitesse, et on le récupérait quand French Exchange Officer. 439
bien de temps ils réagissaient. Pour Les “Sabre” du on le voulait ! Tout cela est interdit (Fighter) Squadron.”
Squadron 439
assurer l’affaire, l’énorme radar Yellow sur les avions français… Je battis Je retrouvai la ville de Dijon peu
furent affectés
Jack nous suivait pas à pas et des inter- aussi mon record d’altitude : après, où de nouvelles aventures
à Marville
cepteurs américains F-102 étaient 55 000 pieds [16 764 m]. m’attendaient ! ■
RCAF
de 1955 à 1963.

54
HISTOIRE
Golfe Persique, 1980-1991

Les “Roland”
du désert
Première partie.
Tirant les leçons des premières semaines
du conflit avec l’Iran, l’Irak constate que
la couverture aérienne de son territoire
est insuffisante. Elle demande à la France
de lui livrer en urgence le “Roland”, l’un
des meilleurs systèmes sol-air du monde.
Par Hugues de Guillebon

L
a “chanson de Roland” en Les Irakiens se sont alors adres-
Irak débute en 198 0. sés directement au président Giscard
Roland Narboux, respon- d’Estaing qui a donné son accord
sable de production du pour que soit prélevé un lot de 13
“Roland” à l’usine Aéro- AMX-30 “Roland” destinés à l’ar-
spatiale de Bourges, se souvient : mée française, au grand dam des
“Un matin d’octobre 1980, nous militaires français qui les attendaient
avons reçu un n DR/C . C F
OLL LAUDE OUCHER depuis long-
appel d’un mi-- ttemps… Ces en-
nistre français quii ggins ont été rapide-
nous demandaitt mment préparé s
de récupérer en n ppour l’Irak : pein- Le nom “Roland”
toute urgence 133 tture sable, change- fait référence
A MX-3 0 “Ro - mment de l’IFF au preux Roland
land” 1 en courss [[id e nt i f i c at io n de Roncevaux
de fabrication à ffriend or foe, iden- et son épée
Bourges et desti- ttification ami ou Durandal, neveu
nés à la Francee eennemi, NDLR], de Charlemagne,
pour les transfé- dde la radio et mo- à la fois Franc
rer à un pays en n d if i c a t i o n d e s et Germain.
k.
g u er re , l ’Irak ““faces parlantes”, Parfait pour
Imaginez notre re c’e
c’est-à-dire des éti- un programme
surprise ! Les Ira- que
quettes des différents franco-allemand !
kiens avaient déjà systèm
systèmes, traduites en
toute la panoplie lie des anglais
anglais, mais que les
SAM d’origine sovié- Irakiens s’empresseront de
ulaient
tique mais ils voulaient traduire
traduir en arabe chez
autre chose. Commemme ils eux Puis
eux. Pu nous avons re-
étaient très satisfaits des missiles fait toute une série de tests sur les
antichars “Milan” et “Hot” que engins avant de les livrer à l’Irak.”
nous leur avions déjà livrés, ils se
sont à nouveau tournés vers “Emmenthal”… pour
Euromissile pour acquérir cette
fois-ci le système “Roland”, ce qui
détourner l’attention
se faisait de mieux à l’époque en Le contrat conclu avec l’Irak est
sol-air courte portée, mais les délais dénommé “Emmenthal”. Pourquoi
de livraison étaient de deux ans. ce nom ? “Sans raison particulière,

GIAT/COLL. PIERRE TOUZIN

56
Le premier “Roland” irakien chez Giat à Satory,
en octobre 1980. Les “Roland” du premier contrat irakien
“Emmenthal” étaient tous des AMX-30 “temps clair”
destinés à l’armée française et
rapidement repeints aux couleurs irakiennes.

57
LES “ROLAND” DU DÉSERT

répond Roland Narboux. Tous les


contrats Euromissile commençaient
par les lettres E et M d’Euro et
Missile. C’est sorti lors d’une réu-
nion, comme ça : Le “Roland” 1
– Nous allons l’appeler “Emmen- en position
thal”. de route.
– Mais on va penser que c’est pour On peut
les Suisses ! a rétorqué quelqu’un. remarquer que
– C’est parfait, ça va détourner les galets du
l’attention !” char sont encore
À sa mise en service à la fin des en vert armée
années 1970, le “Roland”, issu d’un française.
GIAT/COLL. PIERRE TOUZIN
programme franco -allemand
Aérospatiale-MBB, est sans équiva- Le même en
lent dans le monde : pour la première position de tir,
fois, un même véhicule tout-terrain radar tournant.
L’engin est
assure en autonomie totale les mis-
équipé de jupes
sions d’emport de munitions, de
pare-sable.
veille, d’acquisition d’objectif, de tir
et de conduite de tir.
Deux modes de fonctionnement
sont possibles : le mode optique, uti-
lisable par beau temps uniquement
avec une lunette de poursuite, et le
mode radar, utilisable quelle que soit
la météo grâce à un radar de tir. Cela
va donner naissance à deux versions :
le “Roland” 1 “temps clair”, choisi
dans un premier temps par la France,
et le “Roland” 2 “tous temps”, choisi
dès le début par l’Allemagne – une
version modernisée “Roland” 3 sera
GIAT/COLL. PIERRE TOUZIN

Le prototype du “Roland” 1,
un AMX-13, effectue des essais
en 1970 à Biscarosse. Le plastron
est un “Meteor” du CEV.

CEL/COLL. CLAUDE FOUCHER

58
produite en toute petite série pour L’installation
l’Allemagne à partir de 1992. Le pro- du pointeur-
totype du “Roland” 1 est d’abord tireur (ici Claude
monté sur AMX-13 avant de passer Foucher)
sur AMX-30, un châssis beaucoup dans le panier
mieux adapté. de tourelle
Le système “Roland” fonctionne du “Roland”.
par télécommande en alignement : si
le missile s’écarte de la ligne de visée,
un ordre de correction lui est envoyé
automatiquement par télécom-
mande. Le missile est donc guidé tout
le long de son parcours, les tech-
niques n’étant pas mûres à l’époque
pour un guidage par autodirecteur
de l’engin qui se veut simple d’utili-
sation. En mode optique, la poursuite
de la cible est assurée par une lunette
pointée par un servant. En mode
radar, la cible est poursuivie par un
radar de tir qui mesure l’écart entre
celle-ci et le missile localisé par son
signal émis d’une balise embarquée.
En fonction des conditions de visibi-
lité ou de brouillage électromagné-
tique, le choix est possible de com-
muter d’un mode à l’autre, même
pendant le vol du missile. Il peut être
intéressant par exemple de passer du
mode radar au mode optique en cas
de cibles multiples ou volant très près
du sol, ou bien en cas de brouillage
intensif du radar de tir.

DR/COLL. CLAUDE FOUCHER

La tourelle est composée


des équipements suivants : tubes lance-
missiles (en orange), radar de veille
(en rouge), radar de tir (sur “Roland” 2,
en bleu), lunette de poursuite (en vert)
et coffrets électroniques (en rose).

EU
RO
MIS
SIL
E/
CO
LL
. RO
LA
ND
NA
RB
OU
X

59
LES “ROLAND” DU DÉSERT

La séquence de tir est la sui-


vante : le chef de pièce-radariste
“ Le missile a atteint Tammouz, même si le déploiement
des “Roland” est intervenu trop tard
positionné dans la cabine commande
l’orientation de la tourelle sur l’azi- l’avion. Pour ce tir réussi, pour contrer le raid israélien du
7 juin 1981.” A noter que la CIA,
mut de la cible après son acquisition bien informée, établit dès le 23 juillet
et identification par le radar de veille,
puis le pointeur-tireur placé en tou-
j’ai reçu une Toyota 1981 une note sur la première iden-
tification opérationnelle de
relle effectue la recherche en site à
l’aide du viseur optique ou du radar
en récompense. ” “Roland” en Irak : quatre postes de
tir sont photographiés protégeant la
de tir. Dès que la cible est à portée et base de Qayyarah. Ils avaient déjà
son identité confi rmée, le chef de l’ouest de Bagdad, localité qui devien- été observés lors de leur décharge-
pièce donne l’autorisation de tir que dra tristement célèbre pour sa prison. ment en Arabie Saoudite…
le tireur peut déclencher. Dans le cas C’est en janvier 1981 que les 13
du système “temps clair”, il n’a plus AMX-30 “Roland” portant les numé- L’officier français
qu’à maintenir le réticule de la lu- ros 167 à 179 ont été livrés à l’Irak avec
nette sur l’objectif. En système “tous un simulateur de tir. Ils sont arrivés
en reste stupéfait
temps”, la poursuite est automatique par bateau à Djeddah en Arabie Pierre Longuet se souvient de
grâce au radar de tir. Saoudite, puis ont rallié par la route, quelques anecdotes : “En pleine
Le temps de réac- sur porte-char, le guerre Iran-Irak, un officier supé-
tion est très rapide : 6 camp de l’armée de rieur de l’armée française est venu
à 8 secondes pour le Taji situé au nord de expliquer aux Irakiens comment
premier engagement Bagdad. déployer les “Roland” comme pou-
qui comprend la dé- Les AMX-30 ont vaient le faire les Français en ma-
Photo souvenir
tection par le radar de été conduits ensuite nœuvre. Après une attention polie,
de l’artilleur
veille, le choix de la au camp d’Abou- un général de l’état-major l’a remer-
irakien Abbas
cible, la rotation de la Graïb où nous avons à Paris début
cié en déclarant : “Sorry Sir, here it
tourelle, l’accrochage assuré pendant trois 1981, à l’occasion
is the war and not a wargame !
par le radar de tir ou mois leur mise en de son stage [Désolé monsieur, ici c’est la guerre,
par la lunette, l’inter- route et leur contrôle “Roland” et pas un jeu, NDLR?]”. L’officier
rogation IFF, l’autori- global. Nous étions à l’école français en est resté stupéfait… Pour
sation de tir et la mise alors cinq d’Aéros- d’application l’entretien du matériel, nous insis-
à feu, et de 2 à 6 se- patiale plus deux de l’artillerie tions sur la maintenance préventive
condes pour le tir sui- techniciens de sol-air à Nîmes. comme les contrôles et échanges à
vant, selon qu’il s’agit l’AMX pour assurer 400 ou 800 heures d’utilisation.
DR/C . A
OLL BBAS
ou non du même ob- cette première mis- L’état-major m’a demandé de l’expli-
jectif. Le système peut engager des sion de déstockage. quer aux officiers responsables du
cibles supersoniques jusqu’à une dis- Pendant cette période, les équi- système. Durant 2 heures, j’ai fait
tance de 6 km et une altitude de pages irakiens sont allés se former en mon exposé et j’ai bien vu que cela
3 000 m. Dix missiles sont immédia- France, à Nîmes, pour le poste de ne les passionnait pas. Mais à la fin,
tement disponibles au tir. La vitesse tir. Le Repair Center a ensuite été un colonel a levé la main : “For a
de croisière du missile est de 500 m/s déplacé sur Bagdad, au camp Army AÉROSPATIALE/COLL. ROLAND NARBOUX

et la portée de détection de 16 km. Canal situé à proximité de la base


L’explosion de la charge militaire peut aérienne Al-Rashid.”
être déclenchée soit par fusée de Les 13 “Roland” 1 vont consti-
proximité, soit par impact direct. tuer le bataillon 184 composé de
Pierre Longuet, alors respon- trois batteries à quatre unités de tir,
sable de l’assistance technique à l’Aé- plus un engin gardé pour l’entraîne-
rospatiale, se souvient des débuts du ment avec le simulateur. Les postes
contrat irakien : “Lors d’une réunion de tir sont positionnés sur différents
dans les locaux de l’Efab, l’établisse- sites stratégiques pour en assurer la
ment d’études et de fabrications défense. “Ils m’ont emmené en héli-
d’armement de Bourges, un ingé- coptère pour sélectionner avec eux
nieur de la DGA [direction générale les meilleurs emplacements pour
de l’Armement] me déclara : “Nous leurs “Roland”, se remémore Pierre
avons été assez fous pour signer ce Longuet. Cela me gênait car je savais
contrat ; il va bien falloir s’y faire…”.” tout de leur tactique et de leur dé-
ploiement. Ils utilisaient leurs
Première mission AMX-30 en position de tir statique
et non pour accompagner les unités
de déstockage de char sur le champ de bataille,
Pierre Longuet poursuit : “En comme en France. Les premiers sites
octobre et décembre 1980, je suis parti choisis ont été la base des
à Bagdad examiner les hangars mis à “Mirage” F1 de
disposition par les Irakiens pour Qayyarah, la raffine-
servir de premier centre de main- rie de Kirkouk et la centrale
tenance pour le “Roland”, dé- électrique de Dora à
nommé Repair Center. Ces Bagdad, puis la
hangars étaient situés à centrale nu-
Abou - G ra ïb, à cléaire de
60
question, please.” Chic, l’un d’eux
est intéressé ! Sa question fut simple :
“Quel est le nom de votre eau de toi-
lette et pourriez-vous m’en procu-
rer ?” J’étais scié…
Au-delà de ces quelques anec-
dotes, nos relations avec les mili-
taires irakiens étaient très bonnes. Je
me souviens d’une intervention de
nuit à Qayyarah sur un poste de tir Le pilote iranien
qui n’était plus opérationnel. Me Abbas Dowran
doutant de l’origine de la panne, j’ai devant un F-4E
agi sur un coffret et “zizouné”, “Phantom” II.
comme on disait à l’époque à l’Aéros- Il fut abattu
patiale, un de ses sous-ensembles. le 21 juillet 1982
Remise en route ; le poste de tir était au-dessus
à nouveau opérationnel. Quand je de Bagdad
suis sorti du char, à ma grande sur- par un missile
prise, les servants et les officiers ira- “Roland”.
DR
kiens m’ont applaudi !”
Le premier engagement opéra- [F-4E] “Phantom” II iraniens sont tralise alors son missile pour éviter
tionnel des “Roland” en Irak a lieu arrivés de l’est à basse altitude. Le de toucher une installation et le chas-
le 26 février 1982 à Kirkouk où se “Roland” situé sur la hauteur a dé- seur-bombardier iranien plonge der-
situe une raffinerie importante. Ce tecté le premier les assaillants et a rière les montagnes pour disparaître.
site très sensible, entouré de mon- tiré un missile sur le leader. Le
tagnes, est protégé par différents “Phantom” a été touché mais a Deuxième victoire
modèles de missiles sol-air et pièces continué à voler ; j’ai alors engagé
d’artillerie. L’Irakien Abbas est à immédiatement la même cible et tiré
d’un “Roland”
bord d’un des AMX-30, assis dans mon missile. Après un vol très bref, Abbas poursuit : “C’était ma deu-
le panier de tourelle au poste de le missile a atteint l’appareil qui s’est xième victoire contre des avions ira-
pointeur-tireur ; il raconte : “Nous écrasé entre la falaise et le site. Pour niens. Le 24 octobre 1980, à Shalam-
étions trois unités de tir “Roland” ce tir réussi, j’ai reçu une Toyota en cha, à la frontière près de Bassora,
disposées en protection de puits de Vue d’artiste récompense.” j’avais déjà réussi à abattre un appa-
pétrole à Kirkouk . L’un des illustrant Le second avion engagé par le reil ennemi avec un missile SAM-6
“Roland” était positionné sur la l’engagement troisième “Roland” peut larguer une (1) . Compte tenu de mon expérience
des “Roland”
falaise dominant le site ; les deux bombe, mais trop bas. Il renonce à acquise depuis 1976 en tant qu’artil-
irakiens le
autres, dont le mien, étaient plus une autre passe de bombardement leur sol-air et de mon palmarès, j’ai
21 juillet 1982
bas, près des puits, pour pouvoir et, poursuivi par un missile “Ro- été sélectionné par l’état-major pour
à Bagdad
couvrir différents secteurs. Le 26 fé- contre des F-4
land”, passe en rase-mottes derrière partir en France constituer la pre-
vrier vers 6 h 45 du matin, deux un puits. Le tireur du “Roland” neu- mière promotion formée sur


iraniens.
LES “ROLAND” DU DÉSERT

“Roland”. Je suis arrivé sur place le


29 janvier 1981 pour démarrer à
Nîmes une formation accélérée qui
a duré du 1er février au 17 mars 1981.
À noter que ma formation sur
SAM-6 en 1976 en Russie avait, elle,
duré six mois. J’ai été formé en tant
que tireur “Roland” par les instruc-
teurs français et j’en garde un ex-
cellent souvenir. J’ai fait toute ma
carrière sur “Roland” et suis même Discrète photo
devenu instructeur par la suite. des essais à la
Croyez-moi, le “Roland” était vrai- mer de Sable-
ment un système extraordinaire !” Jean Richard en
L a deuxième victoire d’un décembre 1981
“Roland” a lieu à Bagdad en juillet du prototype
1982 [à noter qu’un autre engage- “Magirus
ment opérationnel du “Roland” par proposé” pour
les Argentins a eu lieu deux mois plus le contrat irakien
tôt, aux Malouines, NdA]. En voici “Emmenthal” 2.
DR/COLL. CLAUDE FOUCHER
le contexte : l’Irak souhaite organiser
sur son sol la septième conférence tiques stricts ont contraint le chef deux assaillants. D’autres modèles
des pays non-alignés. L’Iran s’y op- adjoint des opérations à monter un de missiles protégeaient également
pose et annonce qu’elle n’hésitera raid de démonstration pour prouver cette ville, mais aucun n’a pu inter-
pas à bombarder Bagdad. Dans une à ses propres pilotes qu’une défense venir : attaque trop rapide et trop
déclaration officielle, l’Irak défie antiaérienne à base de “Roland” basse. Au même moment, un
Téhéran en déclarant qu’aucun avion n’était pas infranchissable : “Roland” tire un missile. Les
iranien n’atteindra son objectif. – 6 heures du matin : les sirènes AMX-30 “Roland” sont disposés sur
Téhéran décide le 21 juillet 1982 de hurlent l’alerte sur la ville “avions des buttes de terre pour dégager le
prouver le contraire. hostiles signalés” ; champ de vision radar. Quelques
– 6 h 19 : venant du sud-ouest, secondes après, l’avion leader est
“Le haut pouvoir deux chasseurs bombardiers sur- touché par le missile “Roland” et
volent les faubourgs de la ville tandis s’écrase sur un terrain d’aviation en
dissuasif du système” que la DCA se déchaîne ; dehors de la ville. Son pilote est tué ;
À 6 heures du matin, deux F-4E – 6 h 24 : plusieurs unités de tir le copilote s’éjecte et est capturé ;
“Phantom” II iraniens arrivent à “Roland” sur AMX-30 étaient répar- 6 h 25 : le second chasseur fait
très basse altitude sur la capitale ties autour de la ville ; deux d’entre demi-tour, largue ses bombes dans
irakienne. Le leader de la mission elles coordonnent leurs feux sur les la campagne au hasard pour s’alléger
est Abbas Dowran. Ce pilote d’ex- DR/COLL. CLAUDE FOUCHER

périence, détesté par les Ayatollahs, Inédit ! Brétigny,


avait été victime des purges qui ont septembre
frappé toute l’armée iranienne après 1982 : voici
à quoi aurait
la révolution islamique. Au début de
pu ressembler
la guerre, il s’était porté volontaire
le “Roland” 2
pour retourner dans l’aviation. Les
irakien. Claude
objectifs qui leur sont assignés : la Foucher est juché
raffinerie de Dora, la base Al- sur le prototype
Rashid et/ou le bâtiment de la confé- “Magirus” non
rence. Après avoir viré près de retenu par
l’aéroport de Bagdad, les deux l’Irak. Un engin
avions sont engagés par des totalement
“Roland” positionnés dans le quar- oublié
tier de Dora. À bord de son AMX- aujourd’hui.
30, l’artilleur Fadhil tire un missile
qui va toucher le F-4E “Phantom” II
d’Abbas Dowran.
Voici le rapport de l’Aérospatiale
à l’époque : “La force aérienne enne-
mie ne voulait pas intervenir sur cette
ville car elle la savait défendue par des
missiles “Roland”. Des ordres poli-

(1) Information du journaliste iranien


Babak Taghvaee : le F-4E codé 3-6560
(n° 4344) a effectivement été abattu
le 24 octobre 1980 dans cette zone
après avoir bombardé le port d’Umm
Al-Qasr. Équipage : les capitaine
Mohammd Shademan-Bakht
et major Abolfazl Mahdiyar.

62
et s’enfuit, poursuivi par un autre Ils recherchent surtout un système tactiques d’Aérospatiale, se sou-
missile “Roland”. de défense statique, capable de se vient : “Un nouveau prototype de
Conclusion : l’assaillant n’a pas déplacer rapidement si besoin. cabine de tir pour les Irakiens fut
pu mener à bien sa mission. L’objectif Euromissile propose alors sa version réalisé par la société Lohr et monté
n’a été touché par aucune bombe et “Roland” 2 “tous temps” monté en sur un châssis Magirus-Deutz 6x6.
l’adversaire a perdu un avion. cabine et transporté sur un véhicule Ce véhicule blindé fut envoyé sur
L’objectif ne sera ensuite plus jamais à roues tout-terrain. Parmi les avan- place pour effectuer des essais de
attaqué par des chasseurs, ce qui tages : une cabine déposable au sol, mobilité. Ceux-ci ne furent pas
confirme le haut pouvoir dissuasif du aérotransportable, spacieuse et plus concluants et les Irakiens deman-
système “Roland”.” confortable pour de longues veilles, dèrent un nouveau véhicule réelle-
L’officier système d’armes du capable d’accueillir une grosse cli- ment tout-terrain. Un concours fut
F-4, Mansor Kazemian, peut s’éjec- matisation pour fonctionner en plein alors organisé en décembre 1981 à
ter. Abbas Dowran va jusqu’au bout désert surchauffé. Ermenonville sur le site de la mer de
de sa mission et s’écrase avec son L’affaire est conclue en 1981 avec Sable. Quatre camions étaient en
avion en feu sur la base Al-Rashid. Euromissile par la signature du lice : côté français, le Magirus, un
Pierre Longuet se souvient de cet contrat “Emmenthal” 2 de 10 mil- TRM 10 0 0 0 6x6 de Renault
épisode : “Je me rappelle très bien de liards de francs [en 1981, l’Irak signe Véhicules Industriels (RVI) gréé en
l’alarme vers 6 heures le matin, également le contrat “Volcan” pour batterie côtière “Exocet” MM40,
toutes sirènes hurlantes, puis des 4 milliards de francs avec Giat pour mais en panne d’essieu avant, et un
rafales de la DCA. Les Iraniens arri- la fourniture de 85 canons automo- camion Gazelle 6x6 ; les Allemands
vaient tôt le matin pour avoir le soleil teurs AMX-30 155 GCT et autant sont arrivés avec un camion MAN
dans le dos. Puis on a entendu péter. d’AMX-10 d’accompagnement, 8x8. Résultat : le MAN a écrasé tous
En arrivant au Repair Center, nous L’An-2 F-BTOM NdA]. Ce nouveau contrat est pour ses concurrents avec ses qualités tous
avons trouvé la base en liesse : un de La Ferté- Euromissile le “contrat du siècle” ; il terrains et RVI se couvrit de ridicule
avion iranien venait d’être descendu Alais repeint prévoit la livraison de 100 postes de avec sa batterie mutilée…”.
par un “Roland”. Les Français qui aux couleurs tir “Roland” 2 de 1983 à 1986 sur
étaient présents sur la base avaient nord-coréennes camion, à raison de quatre par mois, Des tests en conditions
nettement vu à la lunette l’un des en octobre avec tout le matériel de support asso-
deux pilotes s’éjecter.” 1982 pour cié, et assorti de pénalités farami-
extrêmes
les essais du neuses en cas de retard… La forma- À partir de 1983, le premier
La version “Roland” 2 “Roland”. tion des équipages irakiens sera MAN “Roland” 2 commence une
De gauche à assurée au Cemil (centre Euromissile longue série de tests en France. Des
“tous temps” droite : X, Fred d’instruction et de logistique), inau- essais de températures ont d’abord
Même performants, les 13 postes Sprengelmeijer, guré au Bourget en 1982. lieu en avril 1983 en chambre clima-
Jean Salis,
de tir “Roland” 1 ne sont qu’une Le développement du nouveau tique à l’ETBS, l’établissement d’ex-
Pierre Dague,
solution d’attente. Les Irakiens ont système démarre sans attendre. périences techniques de Bourges,
Claude Foucher
de gros besoins mais pas forcément Claude Foucher, qui travaille alors pour vérifier sa capacité à fonction-
et Yvon
celui d’un engin chenillé et blindé. aux essais en vol à la division engins ner dans des conditions extrêmes :


DR/COLL. CLAUDE FOUCHER
Maurice.

63
LES “ROLAND” DU DÉSERT

de - 40 °C à + 70 °C. Une ombrelle


est même testée pour protéger le
“deLoin des consignes menace qui motivait ces essais était
la perspective d’attaque de comman-
radar de tir de la chaleur – des essais
climatiques complémentaires seront sécurité (…) : dos nord-coréens amenés à pied
d’œuvre par des avions volant très
effectués en 1984. L’engin est ensuite lentement, des gros biplans mono-
conduit à l’Etas, l’établissement
d’expériences techniques d’Angers,
des soldats étaient en moteurs et rustiques, des Antonov 2
d’origine soviétique. La disponibilité
pour des essais de roulage en ter-
rains variés. À partir de juin 1983,
tongs et sans gants… ” de ce type d’appareil en France à cette
époque était très limitée ; seule
les essais sont menés au CEL, le physiologiques, sauf en ce qui l’AJBS, l’Amicale Jean-Baptiste
centre d’essais des Landes, avec le tir concerne le bruit… Pour ce qui est de Salis, à La Ferté-Alais, disposait
de plusieurs “bûches”, des maquettes la précision du tir, elle était compa- d’un de ces appareils, tout juste ac-
de missile, pour vérifier la séquence rable en “temps clair” à celle d’une quis en septembre 1982. Un accord
de départ de l’engin. carabine : +/- 0,1 mrad [milliradian]. fut conclu, la proximité de La Ferté-
L e 13 juillet 1983, Claude Dès mes premiers tirs, je me suis Alais et de Brétigny facilitant le dé-
Foucher tire à son bord le premier rendu compte de cette précision, mais roulement des opérations.
missile “bon de guerre”. Il témoigne : elle intéressait peu nos techniciens L’Antonov était piloté par Jean-
“Quel matériel intéressant ! Ce qui qui ne juraient que par la version Pierre Lafille, Pierre Dague et Jean
m’a frappé le plus en tant que pilote “tous temps”. Pourtant, j’ai tiré des Salis, tous les trois animateurs et
d’avion, c’était la similitude qui exis- dizaines de missiles en mode optique piliers de l’AJBS. Jouant le jeu à
tait, pour l’époque – surtout après avec succès et j’étais capable de réa- fond, l’association avait même
l’introduction de la version “tous liser des impacts directs sur la cible poussé le détail jusqu’à repeindre
temps” – avec l’équipement d’un “à la demande” !” intégralement l’An-2 en vert et y ap-
avion de combat : des commandes poser des cocardes nord-coréennes.
électrohydrauliques en site et gise- L’Antonov 2 L’ex-prototype monté sur châssis
ment liées à un calculateur de tir qui Magirus fut utilisé pour réaliser ces
permettait d’oublier la correction de
entre en scène essais. Une série de vols démontra la
tir, cauchemar du pilote de combat ; Bien que non retenu par l’Irak, capacité du système “Roland” à dé-
un radar de veille et un radar de tir le prototype Magirus ne reste pas tecter sans difficulté l’arrivée d’un
qui, parallèlement aux informations pour autant inutilisé. À la demande avion volant à une vitesse relative de
de la lunette de visée, permettait de de la Corée du Sud, intéressée par le moins de 40 km/h en raison d’une
passer à l’aide d’un système logique “Roland”, une opération destinée à approche en zigzag. Sur le plan dé-
très performant du système “temps Premiers essais valider les capacités du système à tection, l’énorme hélice quadripales
clair” au “tous temps” et inverse- de dépose de la détecter des avions volant à très de 3,35 m de l’An-2 se comportait au
nouvelle cabine
ment. Hormis l’absence de com- basse altitude et très faible vitesse niveau doppler comme un rotor
“Emmenthal” 2
mande en gauchissement, j’avais est organisée au centre d’essais en d’hélicoptère en stationnaire.
dans les sables
vraiment l’impression de piloter un vol de Brétigny en septembre 1982. En octobre 1982, à la fi n de ces
de Biscarosse
avion, mais sans subir de contraintes en juin 1983.
Claude Foucher se souvient : “La vols d’essais, nous nous rendîmes

CEL/COLL. CLAUDE FOUCHER

64
Ci-contre et s’en donnaient à cœur joie : montée
en dessous : puis virage à la verticale autour de
Illustration la colline de Cerny. Après chaque
d’une évolution, la manette des gaz était
interception poussée à fond et le gros moteur
de cible par un reprenait à en arracher son bâti.
missile “Roland” Aujourd’hui encore, cela reste l’un
(ici une C.22 de mes meilleurs souvenirs aéro-
en 1986). nautiques !” (2)
Les deux premiers “Roland” du
contrat “Emmenthal” 2 sont livrés
à l’Irak le 22 septembre 1983, après
avoir été chargés à Châteauroux à
bord d’un Il-76. Les livraisons s’en-
chaînent ensuite tous les 15 jours, à
raison de deux postes de tir par
avion. “L’arrivée du matériel en Irak
avait lieu de nuit à cause de la
guerre, raconte Pierre Longuet. Une
fois l’énorme quadriréacteur immo-
bilisé sur le tarmac, une centaine de
soldats émergeaient des hautes
herbes autour et le déchargement
Tir d’une commençait. Nous étions loin des
“bûche” consignes de sécurité enseignées à
(maquette) l’usine : des soldats étaient en tongs
à Biscarosse et, bien sûr, sans gants… Pour gru-
en juin 1983 ter, ils plaçaient un filin autour de la
pour valider cabine du “Roland” puis la levaient
la séquence pour la disposer sur la plateforme
de départ du du camion MAN. Bien sûr, ça pen-
CEL/COLL. CLAUDE FOUCHER missile. Le tir chait d’un côté ou de l’autre et mena-
sur le terrain de La Ferté-Alais pour tué par le chuintement des freins à était possible çait sans cesse de basculer. Alors les
dans cette
effectuer un vol à bord de l’Anto- air comprimé. Décollage et aussitôt soldats montaient sur la cabine et s’y
configuration,
nov. Après le démarrage dans un montée en chandelle impression- déplaçaient en fonction de l’équi-
cabine
nuage de fumée du gros moteur en nante ; jamais je n’aurais imaginé libre à trouver…”
simplement
étoile de 1 000 ch, nous roulâmes en qu’un aussi gros appareil se com- posée
direction de la piste, roulage ponc- porte de la sorte ! Les deux pilotes sur vérins. Disséminés sur tout
le territoire irakien
Les 100 postes de tir portant les
numéros 810 à 909 seront produits
en trois ans : 19 postes de tir en 1983,
41 en 1984 et 40 en 1985. Le Repair
Center installé au camp Army Canal
à Bagdad comprend tout le soutien
3e échelon des “Roland”. Les pièces
de rechange, en nombre très impor-
tant, sont stockées dans l’immense
camp de Taji, tout comme les mis-
siles. L’arrivée des 100 nouveaux
postes de tir permet d’équiper trois
autres bataillons : les 576, 599 et 832.
Les véhicules sont disséminés sur
tout le territoire irakien en protec-
tion de points sensibles. On les re-
trouve par exemple à Bagdad, Fao,
Zora, Bassora, Qayyarah, sur le bar-
rage hydraulique de Haditha, à Al
Qaïm à la frontière syrienne, près
d’une usine de phosphate, ainsi qu’à
Rashidiya, le centre enrichissement
uranium ou à Samarra, près de

(2) L’An-2 F-BTOM rebaptisé Sphinx


fut accidenté le 14 janvier 1985 au Maroc
au cours du tournage du film Le Vol
du Sphinx, puis finalement incendié
pour les besoins de la production.
CEL/COLL. CLAUDE FOUCHER

65
LES “ROLAND” DU DÉSERT

T. LAURENT
L’Il-76 YI-ALT
Tikrit, en protection d’un complexe la chaîne de commandement de la d’Iraqi Airways assister les Irakiens. Il est prévu de
chimique construit par les Alle- force aérienne irakienne, intercon- charge tirer six missiles. Les cibles utilisées
mands. Pierre Longuet ira même à nectait les SA-2 et SA-3 qui for- des pièces sont du type M4 d’origine sovié-
Bassora et à Fao, au plus près de la maient la couche haute, les SA-6 de rechange tique, un container métallique et
ligne de front, pour faire des mesures pour la défense moyenne portée et de “Roland” cylindrique favorisant la détection
sur des postes de tir. les SA-8, SA-9, SA-13 et “Roland” à Châteauroux et l’accrochage par le radar de tir.
pour la défense courte portée en mai 1984. Au largage de la cible, à l’ouverture
Les “Roland” en veille [contrairement à ce que l’on peut lire On peut voir ici du parachute, une charge éclairante
encore régulièrement, il n’y a jamais des antennes est éjectée pour permettre un repé-
permanente eu de système “Crotale” en Irak, du radar de rage plus facile. Les quatre pre-
Pour protéger un site sensible, NdA]. Le réseau “Kari” avait été surveillance. mières cibles sont larguées par un
les Irakiens disposent trois ou installé par Thomson-CSF pour sa MiG-23 ; les deux autres par un
quatre postes de tir à proximité les partie moderne sur la base d’un sys- Su-24, à l’altitude de 3 000 m. Le top
uns des autres pour les faire tourner tème soviétique. De plus, tout le largage est donné par le PC de tir
à tour de rôle et assurer une veille long de la frontière avec l’Iran, des tenu par les Irakiens. Le bilan des
permanente. Leur utilisation est postes d’observation étaient dispo- Premier tir tirs ? Mitigé.
intensive : “Les “Roland” irakiens sés avec des guetteurs équipés d’un depuis un Le véhicule de tir n° 866 effectue
étaient tout le temps en veille, se boîtier de désignation d’alerte “Emmenthal” 2. le premier tir en mode optique.
souvient Pierre Longuet. Au bout connecté à “Kari”, permettant de “Tir du missile L’avion fait un premier passage mais
d’un an, on a commencé à avoir des signaler le passage d’un avion ira- n° 10305 le le radar de veille ne détecte pas la
problèmes de joints tournants sur nien.” 13/07/1983, cible. Au deuxième passage, la cible
l’antenne du radar de veille. Les C’est le 15 mai 1985 qu’a lieu la vitesse de la est larguée à 3 000 m et le tir est dé-
pistes étaient encrassées ; il fallait première vraie démonstration de tir cible 180 m/s, clenché à 2 500 m, altitude de sécu-
les nettoyer. On a demandé aux du “Roland” en Irak. Elle se dé- altitude 1000 m, rité. La cible est détruite à une dis-
Français s’ils avaient rencontré ce roule au lac Razazah, au sud de interception tance de 5 km, en éloignement.Il n’y
11,5 s, cible
problème ; ils commençaient juste Bagdad. Trois véhicules de tir y par- a pas eu de coup au but pour les
CT20 détruite
à l’avoir après dix ans d’utilisation ticipent : l’AMX-30 n° 179 et les deuxième et troisième missiles tirés
par impact
des premiers “Roland”, correspon- MAN nos 819 et 866. Les équipes respectivement par les véhicules
direct”, indique
dant à 1 000 heures de fonctionne- d’Euromissile sont présentes pour la légende.
nos 819 et 179, car la cible est chaque
ment par poste de tir. Pour les
Irakiens, les 1 000 heures avaient
été atteintes après un an d’utilisa-
tion seulement…”
Jean-Louis Gragnic, assistant
technique Thomson-CSF sur la base
de Qayyarah, se souvient aussi des
“Roland” irakiens : “Des postes de
tir étaient positionnés à Qayyarah et
les premiers vols d’essais du brouil-
leur “Remora” sur [“Mirage”]F1EQ
ont été menés avec succès contre l’un
de ces “Roland”. Bien sûr, silence
radio de la part des Irakiens sur les
effets des actions de brouillage sur
leurs propres équipements ! Il com-
plète : Pour la défense antiaérienne,
le réseau du système intégré “Kari”
[Irak à l’envers], qui faisait partie de
CEL/COLL. CLAUDE FOUCHER

66
Essais climatiques
complémentaires
à Bourges
en janvier 1984,
moteur tournant.
On vérifie que
le système
est capable
de résister aux
températures
les plus extrêmes
(jusqu’à + 70 °C).
ETBS/COLL. CLAUDE FOUCHER

fois à plus de 7,5 km en éloignement, Pouzet se rua sur la commande de l’entreprise au même moment. La
au-delà de la portée du “Roland” qui neutralisation et le missile explosa chaîne de fabrication du missile
est de 6 km. avant d’atteindre l’avion…” “Roland” 2 à Bourges va s’arrêter.
Le quatrième tir effectué par le Quand la guerre se termine en Fin 1989, si un total de 22 968 mis-
véhicule n° 819 est déclenché alors 1988, le système “Roland” est cré- siles “Roland” a été fabriqué depuis
que la cible est déjà très basse, à envi- dité de trois victoires : celle obtenue le début du programme, tous clients
ron 100 m du sol, et un mouvement le 26 février 1982 à Kirkouk, celle du confondus, la production annuelle
brusque du pointeur lors du départ 21 juillet 1982 à Bagdad et une troi- n’est plus que de 710 missiles cette
du missile manque de provoquer sa sième enregistrée à Erbil en avril année-là contre 3 420 missiles en
perte dans la berge du lac ; la cible est 1988, toutes sur AMX-30 “Roland” 1 1983 par exemple.
malgré tout détruite. Le véhicule “temps clair”. À noter qu’aucun En 1989, la guerre est finie, mais
n° 866 effectue ensuite le premier tir poste de tir n’a été détruit ou capturé le “Roland” va enregistrer une nou-
en mode radar : la cible est détruite par l’ennemi. “Les matériels ont fina- velle victoire, inattendue cette fois…
à 4 km de distance sans problème ; lement très peu tiré durant la guerre, Alors qu’il rate l’aéroport d’Al-Mu-
la dernière cible prise en charge par raconte Pierre Longuet. Les Irakiens thana situé en plein cœur de Bagdad
le véhicule de tir n° 819 est détruite se consolaient en déclarant que les le 26 avril 1989 où il se rend pour
dans les mêmes conditions. Iraniens en avaient peur. “On ne voit participer au premier salon aéronau-
Le rapport d’Euromissile conclut plus un seul avion ennemi”, nous tique irakien, l’“Alpha Jet” MS2
“diplomatiquement” : “Aucun inci- disaient-ils. Il est vrai que les appa- n° 3608 égyptien est amené à survo-
dent de tir n’est à déplorer et cette reils iraniens ne s’aventuraient plus ler une zone interdite de la capitale,
démonstration a permis de prouver là ils savaient du “Roland” posi- probablement le palais présidentiel ;
une fois de plus à l’état-major irakien tionné ; il a finalement surtout eu un il est abattu sans ménagement par
l’efficacité du système d’arme effet dissuasif pendant le conflit.” un missile “Roland” au-dessus de la
“Roland”. Malgré l’erreur du PC de Avec la fi n de la guerre, l’Irak ville. Le major el-Touni et le deu-
tir qui a déclenché les deuxième et interrompt brutalement ses com- xième pilote parviennent à s’éjecter,
troisième tirs sur des cibles trop éloi- mandes de missiles. “La situation mais l’avion désemparé s’écrase sur
gnées, le client a été satisfait de cette pour la division engins tactiques un quartier d’habitation, faisant plu-
campagne de tir.” d’Aérospatiale devient même préoc- sieurs victimes… ■
cupante”, note un rapport interne de (À suivre)
“Les Iraniens” Une fâcheuse
en avaient peur méprise : alors
Au sujet de tirs effectués en Irak, qu’il va se poser
à Bagdad le
Pierre Longuet ajoute : “Une histoire
26 avril 1989,
véridique me fut contée par le chef de
un “Alpha Jet”
centre de l’époque, Michel Rufas, qui
égyptien,
était sur les lieux. L’état-major ira- le MS2 n° 3608,
kien voulait s’assurer que le est abattu par un
“Roland” pouvait intercepter des “Roland”.
missiles lancés par les Iraniens qui Ici un appareil
avaient une faible surface équiva- équivalent en
lente radar : 1 m 2 au cahier des Égypte, le MS2
charges du “Roland”. Ces essais se n° 3601.
déroulèrent près de Mossoul. L’un
d’eux faillit coûter un avion car le
radar de tir s’était accroché sur lui et
non sur la cible larguée ! Heureuse-
ment, notre chef de mission Olivier
DR/COLL. JEAN DELMAS

67
MONOGRAPHIE
VFW-Fokker VAK191B
Les ambitions
verticales
de l’Allemagne
Au début des années 1960, l’Allemagne
lança un avion d’attaque nucléaire à
décollage vertical pour riposter si une
attaque avait détruit ses bases aériennes.
Par Alexis Rocher

L
es origines du VAK191B se l’ennemi pouvait conduire à un dé-
trouvent en 1955, quand l’Alle- sastre en cas d’attaque surprise.
magne fédérale eut le Les bases aériennes repré-
droit de reconstituer sentaient des objectifs pri-
une armée pour mordiaux. Une des façons de
faire face au bloc de l’Est riposter après la destruction des
juste de l’autre côté du ri- pistes passait par des avions à
deau de fer. Des anciens de la décollage vertical. Ce fut
Luftwaffe s’occupèrent de pourquoi le domaine
mettre en place une du vol vertical de-
nouvelle force aé- vint immédiate-
rienne. Sur quel ment important.
principe la bâtir ? Dès Les Allemands s’inté-
le départ, les militaires res sèrent au pro-
prirent conscience que la gramme du “Coléoptère”
proximité immédiate de de la Snecma (lire Le Fana

Le 23 novembre
1956, une
délégation
allemande assiste
aux essais
de l’”Atar
volant”,
précurseur
du “Coléoptère”
de la Snecma.
De droite à
gauche : Gerhard
Eggers, ingénieur
allemand
travaillant pour
la Snecma, Josef
Kammhuber,
et Johannes
Steinhoff.
Kammhuber
commanda
la Luftwaffe
de 1956 à 1962,
Steinhoff
de 1966 à 1970.
PATRIMOINE SAFRAN

68
VFW FOKKER
Le VAK191B fut conçu comme bombardier
nucléaire à décollage vertical. Il se
caractérisait par son aile très petite.
VFW FOKKER VAK191

de l’Aviation n° 474). Ils lui appor-


tèrent un soutien financier important,
“ Les ingénieurs simplement parce que l’avion était le
premier successeur du Fiat G91 ita-
en faisant le premier programme de
coopération franco-allemand. En partagés : comment lien, qui venait d’être adopté par les
Allemands. Le VAK191A était le
attendant les Adav (d’avions à décol- P1127, le VAK191B le Fw 1262, le
lage et atterrissage verticaux), les
Allemands se dotèrent d’appareils
marier décollage vertical VAK191C le EK 421, et enfin le Fiat
G95/4 devint le VAK191D. Ce pro-
classiques, notamment des “Sabre”
canadiens (lire article page 50) et des
et vol classique ? ” gramme fut une formidable oppor-
tunité pour les Allemands de re-
F-84 américains. mettre en route des bureaux d’études
Les Allemands ne furent pas les de l’Otan et requérait deux Adav : en sommeil depuis la fin de la guerre,
seuls à s’intéresser aux Adav, l’Otan un chasseur supersonique et un puis de relancer une industrie aéro-
fit de même au tout début des années avion d’attaque. Ce dernier devait nautique qui repartait lentement,
1960. La doctrine de l’organisation emporter une bombe nucléaire d’un notamment avec des productions
militaire était celle des “représailles peu moins une tonne à Mach 0,92 sous licence dans un premier temps.
massives” ; en cas d’attaque, l’Otan avec un rayon d’action de 460 km. Les ingénieurs étaient partagés
riposterait par d’intenses frappes sur la configuration du futur avion
nucléaires. Dans cette perspective, De multiples projets d’attaque. Comment marier décol-
il fallait équiper les forces aériennes lage vertical et vol classique ? EWR
de l’Otan de bombardiers tactiques
chez les Européens proposait avec le EK421 quatre réac-
porteurs de la bombe atomique. Les constructeurs européens ri- teurs pour la sustentation et un autre
Pour riposter à une première valisèrent de projets. Les Britanniques pour la propulsion. Focke-Wulf basa
frappe, des vecteurs devaient pou- proposaient le Hawker P1154, direc- son projet Fw 1262 sur le Bristol
voir opérer en se passant des pistes tement issu des essais de leur P1127. Le banc RB193, une version plus petite du
détruites. C’est là que l’Adav pre- Dassault travaillait sur le “Mirage” V. d’essais réacteur britannique “Pegasus” (lire
nait toute son importance. Les Italiens de Fiat concevaient le SG 1262 encadré page 73) associé à deux réac-
Tout cela fut formalisé en 1961 G95/4. Les Allemands regroupèrent “Schwebe- teurs Rolls-Royce RB162, unique-
dans le programme NMBR3 (Nato leurs recherches sous le nom géné- gestell” ment utilisés pour le vol vertical (lire
comprenait
basic military requirement 3, néces- rique de VAK191 – pour vertikalstar- encadré page 71). Cette solution avait
cinq réacteurs
sité militaire basique n° 3 de l’Otan). tendes aufklärungs und kampfflug- l’avantage de ne pas trop alourdir
Rolls-Royce
Il avait pour ambition de fournir le zeug (avion de reconnaissance et de l’appareil avec des réacteurs inutiles
RB108 montés
même matériel à tous les membres combat à décollage vertical) ; 191 tout lors du vol classique. Les RB162 pou-


à la verticale.

VFW

70
Le SG 1262 “Schwebegestell”
éprouva un système
de stabilisation en vol vertical.

VFW

Un pour tous,
le réacteur RB162
Avec le RB108, Rolls-Royce s’était lancé
au début des années 1950 dans
les réacteurs adaptés au vol vertical.
Ses roulements et ses systèmes
de lubrification étaient étudiés pour
un fonctionnement en position verticale.
En juin 1961, Rolls-Royce annonça
que Britanniques, Allemands et Français
finançaient le développement du RB162,
dérivé plus puissant du RB108. Il se
caractérisait par son rapport poids/poussée
de 16/1. Le réacteur avait un carter de
compresseur en fibre de verre et des pales
de compresseur en plastique.
Le RB162 tourna sur banc d’essais à partir
de janvier 1962. Il motorisa le Dassault
“Mirage” IIIV – pas moins de huit RB162
(premier vol en 1965). L’avion de transport
Dornier 31 disposait aussi de quatre RB162
au bout de chaque aile. Le VAK191B avait
deux RB162. Après l’abandon du VAK191B,
Rolls-Royce poursuivit dans le domaine
des réacteurs pour Adav uniquement Maquette de l’avion d’attaque
le développement du “Pegasus”. nucléaire VAK191B dans son
Le RB162 connut un succès limité en étant environnement opérationnel.
installé sur le “Trident” 3B, fournissant Il devait décoller à la verticale
une poussée d’appoint pour les décollages de terrains non préparés
pour riposter à une attaque
par temps chaud.
du bloc de l’Est.
Rolls-Royce RB162-81
Hauteur : 1,31 m
Masse : 127 kg
Poussée : 2 530 kgp
VFW

71
VFW FOKKER VAK191

Italiens 40 %. Six prototypes de-


vaient réaliser les essais en vol.
Ce fut à cette époque que l’indus-
trie aéronautique allemande fut ré-
organisée. Focke-Wulf et Weser
Flugzeugbau furent regroupés dans
L’un des bancs VFW (Vereinigte Flugtechnische
d’essais utilisé Werke). Le VAK191B représentait
pour vérifier l’un des programmes majeurs de la
le fonctionnement société, avec l’avion de transport
des systèmes VFW 614 (lire Le Fana de l’Aviation
du VAK191B. n° 564). Pour la motorisation, MAN
VFW
Turbo fut associé aux Britanniques
pour la conception des RB162 et
RB193. Les réacteurs représentaient
la part la plus importante dans le
budget du programme.

Un banc d’essais
volant
À la fin de 1964, les Allemands
purent se confronter au monde des
Adav en intégrant le Tripartite
Evaluation Squadron créé sur la base
de la RAF de West Raynham. Les
pilotes britanniques, américains et
L’avant du allemands évaluèrent le “Kestrel”.
VAK191B fut Américains et Britanniques optèrent
fabriqué à Turin, pour le dérivé opérationnel du “Kes-
en Italie, pays trel”, le “Harrier”, mais les Alle-
partenaire mands préférèrent poursuivre le
du programme VAK191B. La mise au point de
VFW
VAK191B. l’avion passa par celle de son système
de stabilisation. Pour vérifier son
vaient encore propulser l’avion en cas de stabilisation en vol vertical de la fonctionnement, les Allemands as-
de panne du RB193. Apparemment Snecma dut probablement intéresser semblèrent un banc d’essais volant,
plusieurs ingénieurs qui travaillaient les Allemands. Ce fut le Fw 1262 qui le SG 1262 “Schwebegestell”. Il com-
sur le Fw 1262 venaient du pro- fut retenu et devint le VAK191B. Les prenait cinq réacteurs Rolls-Royce
gramme “Coléoptère”. À la fin de ses Italiens montèrent à bord du pro- RB108 montés à la verticale. À partir
essais, des documents techniques gramme, eux aussi pour remplacer à Avant de voler, de 1966, il fut essayé d’abord attaché
le VAK191B
avaient été envoyés en Allemagne. Si terme leurs G91, le Fiat G95/4 étant à un pylône, puis en vol libre. En
fut installé
l’aile annulaire ne présentait aucun abandonné. Les Allemands finan- parallèle des maquettes qui passaient
sur un pylône
intérêt pour le Fw 1262, le système çaient 60 % du programme, les 7 850 heures d’essais en soufflerie, les
VFW FOKKER
télescopique.
Le banc d’essais
statique
des commandes
VFW FOKKER
du VAK191B.

entrées d’air étaient optimisées pour riposte graduée. En d’autres termes, ment italien se retira du programme,
fournir aux réacteurs assez d’air dans l’emploi immédiat de la bombe ato- laissant les industriels du pays agir
chaque configuration de vol. mique laissait place à une riposte seulement en sous-traitants. Le
Le temps passait, les esprits chan- conventionnelle en cas d’attaque. VAK191B n’avait pas d’avenir dans
geaient dans les cénacles de l’Otan. Dans cette perspective il ne fallait la nouvelle Luftwaffe.
Le secrétaire à la Défense américain, plus nécessairement d’avion d’at- Dans le cadre de la doctrine de la
Robert McNamara, changea en effet taque nucléaire. C’était une remise riposte graduée, les Allemands mirent
de doctrine stratégique en passant en cause de la raison d’être du la priorité sur un avion plus classique.
des représailles massives à celle de VAK191B. Dès 1967, le gouverne- Après une coopération avec les

La conception du “Pegasus”
À la fin des années 1950, les motoristes se penchèrent
sur la conception d’un réacteur à poussée vectoriel, le
c’est-à-dire dont la poussée s’exerçait pour le vol vertical
et le vol horizontal. L’ingénieur Français Michel Wilbaut
travailla sur des soufflantes actionnées par une turbine
Bristol “Orion”. Ses travaux intéressèrent le Mutual
Weapons Development Program (MWDP) de l’Otan, qui
diffusa son concept auprès du constructeur britannique
Bristol. Son bureau travailla sur un dérivé de l’“Orpheus”
assez compliqué avec plusieurs arbres qui actionnaient
des soufflantes. L’ensemble était complexe et surtout
assez lourd, handicap rédhibitoire pour le vol vertical.
Le BE53 simplifiait la conception, avec quatre buses
d’éjection orientables de part et d’autre du réacteur.
Les deux premières soufflaient les gaz froids issus du
compresseur, les deux autres les gaz chauds de la turbine.
Le MWDP finança à hauteur de 75 % le développement
Le RB193, réacteur à poussée du BE53 devenu le “Pegasus”, le solde étant fourni par
vectorielle dérivé du “Pegasus”, la Grande-Bretagne. Le RB193 monté sur le VAK191B
monté sur le “Harrier”. reprenait la même architecture que celle du “Pegasus”.
ROLLS-ROYCE

73
VFW FOKKER VAK191

Américains sur l’AVS (advanced V/


stol strike, appareil d’attaque à décol-
lage vertical et court), ils lancèrent
avec les Britanniques et les Italiens le
Mrac 75 (multirole combat aircraft,
avion de combat multirôle), futur
“Tornado”. Le VAK191B devint un
programme à vocation strictement
expérimental, avec une commande
ramenée à trois prototypes. Les ingé-
nieurs en firent ainsi le banc d’essais
des commandes électriques et d’équi-
pements pour le Mrac.
L’industrie aéronautique alle-
mande changea et poursuivit le re-
groupement amorcé au début des
années 1960. En 1969, VFW prit
encore de l’ampleur en intégrant le
néerlandais Fokker. Coté motoriste,
Man rejoignit Daimler-Benz pour
former MTU. Cette année-là, le
VAK191B fut présenté au public
pour la première fois à l’occasion de
l’exposition de Hanovre.

Sur pylône “ L’arrêt de l’un des poussée sur le sol, notamment pour
mesurer les effets du souffle produit
et en vol
Le RB193 avait tourné au banc
réacteurs entraîna un par les réacteurs. L’avion pouvait
s’élever à près de 2 m du sol et béné-
ficiait de 15° de liberté en tangage et
d’essais à partir de décembre 1967.
Le premier réacteur bon de vol fut
atterrissage d’urgence en roulis, et pouvait tourner sur 360°.
Finalement, le 10 septembre, le
livré fin 1970. Tous les systèmes
embarqués sur le VAK191B pas- à 350 km/h !” VAK191B réalisa son premier vol
libre à Brême avec Ludwig Ober-
sèrent sur des bancs d’essais avant meier à ses commandes [Obermeier
d’être installés à bord de l’appareil, se tua à bord du “Tornado” P 04 le
assemblé à Brême. copique mobile sur trois axes de fa- 16 avril 1980, NdA]. Il vola 3 mi-
Ses essais furent retardés par des çon à vérifier tous ses systèmes. À nutes, atteignant 35 m d’altitude. Le
problèmes sur le circuit hydraulique. partir de février 1971, le VAK191B second prototype vola le 2 octobre.
Une fois les réacteurs installés, l’ap- s’anima, toujours sur son pylône, les Un hélicoptère grue Sikorsky
pareil fut accroché à un pylône téles- ingénieurs mesurant l’impact de la S64 transporta le premier VAK191B

Le VAK191B commença
ses essais en vol à partir
de septembre 1971. Les entrées
d’air des réacteurs verticaux
sont protégées pour éviter
l’ingestion de débris au décollage.

VFW FOKKER VFW FOKKER

74
RNE
ENT
DHO
VINC

Le VAK191B se présentait comme un Adav assez long


du fait de ses trois réacteurs en enfilade.

à Manching, plus au sud en Bavière, atterrissage d’urgence à 350 km/h !


pour la suite des essais. Ils se dérou- Lorsqu’il évoluait près du sol, ses
lèrent à un rythme relativement peu
Caractéristiques réacteurs ingéraient assez facile-
soutenu, du fait du caractère expé- du VFW VAK191B ment les gaz chauds de la combus-
rimental du programme. Les Longueur : 16,3 m tion dans leurs entrées d’air, dégra-
équipes avançaient à petit pas. La Envergure : 6,1 m dant la poussée et déstabilisant
faible portance engendrée par sa Hauteur : 4,2 m l’avion, qui avait alors tendance à se
petite voilure provoquait un décol- Surface alaire : 19 m2 cabrer. Par vent de travers, le sys-
lage à seulement 420 km/h. L’éloi- Masse à vide : 5 562 kg tème de stabilisation automatique
gnement des trains avant et arrière Masse max décollage : 9 000 kg avait dû mal à contrôler le roulis de Ci-dessous
ne facilitait pas l’atterrissage, lui Motorisation : 1 x RB193-12 l’avion, ce qui demandait l’interven- et à gauche :
aussi se faisant à grande vitesse, de 4 609 kgp max. tion du pilote sur les commandes. séquence
souvent non loin des 300 km/h aux- et 2 x RB162-81F Le passage du vol vertical au vol de décollage
quels pouvait résister son train de 2 530 kgp chacun horizontal se révéla plus difficile à du premier
d’atterrissage. L’arrêt de l’un des Carburant : 2 100 kg de kérosène réaliser que prévu. La poussée des prototype
RB162 en plein vol entraîna ainsi un réacteurs était tout juste suffisante,

du VAK191B.

VFW FOKKER

75
VFW FOKKER VAK191

VFW FOKKER
Le VAK191B.
devait et les traînées parasites provoquées – entre 5 et 10 minutes. L’avion n’avait étaient intéressants sur le papier. Le
emporter par les trappes d’entrée ouvertes pas dépassé les 555 km/h, loin de ses VAK191B Mk 1 bénéficiait d’une aile
une bombe gênaient le pilotage de l’avion. performances théoriques. avec 30 % de surface en plus que sur
nucléaire VFW Fokker n’avait pas aban- celles des prototypes. Les Mk 2 et
dans une soute Première transition vol donné l’idée de faire du VAK191B un Mk 3 étaient assez proches, avec des
centrale, juste avion opérationnel. Les ingénieurs réacteurs de sustentation plus puis-
en dessous du
vertical, vol horizontal voulaient en extrapoler un avion sants. Le VAK191B Mk 4 devenait
réacteur RB193. La première transition entre vol d’attaque classique. Plusieurs projets supersonique avec un RB193 équipé
Ici le deuxième vertical et vol horizontal se déroula furent envisagés. Ils passaient par d’une postcombustion qui produisait
prototype. le 26 octobre 1972. À la fin de cette l’agrandissement de l’aile, de façon à – en théorie – une poussée de 8 300 kg.
même année, le gouvernement alle- installer des pylônes pour transporter Les Mk 5 et 6 s’organisaient autour
mand décida d’arrêter les frais. Les des charges en dehors de la soute. La du “Pegasus” 11 britannique. Mais la
trois prototypes alignaient 200 vols, poussée du RB193 fut augmentée. Luftwaffe préféra se concentrer sur
la plupart du temps assez courts Ces VAK191B Mk 1, 2, 3, 4, 5 et 6 le Mrac “Tornado”, de sorte que tous
Les trois
prototypes.
De bas en haut :
le n° 1 (D9563),
le n° 2 (D9564)
et le n° 3 (D9565).

VFW FOKKER

76
Le VAK191B
termina
ses essais
en vol au profit
de l’US Navy
de 1974 à 1975.
VFW FOKKER

ces projets furent oubliés. Le temps Une nouvelle campagne d’essais gèrent l’avion relativement aisé à
des Adav était passé en Allemagne se déroula à partir de 1974 avec des piloter et sans défaut majeur.
(lire encadré ci-dessous). pilotes allemands et américains. Le À l’heure du bilan, il faut relati-
premier prototype réalisa des essais viser les choses. Le VAK191B affi-
Des essais sur pylônes pour des mesures sur la chait assez peu d’heures de vol, lar-
répartition des gaz émis par les ré- gement pas de quoi pouvoir en faire
pour l’US Navy acteurs, alors que le deuxième volait un chasseur opérationnel. Mais il
Le VAK191B n’avait pourtant et fournissait en particulier des don- contribua à mettre au point les sys-
pas dit son dernier mot ; l’avion inté- nées pour la phase essentielle de tèmes du “Tornado”, et de ce point
ressait l’US Navy. Le “Harrier” do- transition entre les phases de vol de vue fut profitable. Le premier
tait alors les Marines, et la marine vertical et horizontal. Il fallait au- prototype est désormais exposé au
américaine envisageait de s’équiper tour d’une minute pour passer de Flugwerft Schleissheim, l’annexe du
en porte-avions légers emmenant l’une à l’autre. À la fin des essais, en Deutsches Museum installée dans la
des Adav. octobre 1975, les Américains ju- banlieue de Munich. ■

Les programmes
d’Adav Allemands
L’Allemagne multiplia
les programmes d’Adav dans
les années 1960. Le premier fut
le chasseur VJ101. Il vola à partir
de 1963. Il fut supersonique mais
finalement abandonné en 1968.
Le chasseur Vint ensuite le Dornier 31.
à décollage Pas moins de 10 réacteurs
EWR
vertical VJ101.
(deux “Pegasus” et huit RB162)
pour ce cargo militaire qui vola
à partir de 1967 et fit sensation
au Salon du Bourget de 1969.
Comme tous les autres Adav,
il fut pourtant arrêté à l’orée
des années 1970. Il n’est pas
inutile de mentionner aussi
Le Dornier 31, une myriade de projets, parfois
avion de menés très loin, comme le VC 400
transport à ses quatre rotors basculants.
nécessitant dix Le rêve d’une Luftwaffe en vol
réacteurs pour vertical était passé.
le décollage DORNIER
vertical.

77
CE JOUR-LÀ… 9 JANVIER 1943
Premier vol du Lockheed XC-69
Le “Constellation”
s’envole
La grande aventure des Lockheed
“Constellation” commence en Californie
un matin de janvier 1943, sous l’uniforme.
Par Henri Stone

Q
uand un élégant quadri- coque et ne plus dépendre de plans
moteur camouflé fait son d’eau. Il faut partir des pistes exis-
premier vol le 9 janvier tantes et franchir d’un trait les
1943, la nouvelle passe océans. Avec son idée en tête,
totalement inaperçue Hugues invite une petite équipe du
dans le fracas de la guerre. Un nou- constructeur Lockheed à pousser
veau bombardier ? En fait c’est un les portes de sa luxueuse hacienda
avion civil que les cir- de 30 chambres d’Han-
constances font revê- cock Park, à proximité
Eddie Allen, chef SAN DIEGO AIR & SPACE MUSEUM
tir l’uniforme… Tout de Los Angeles. pilote d’essais
a commencé avant la Héritier texan for- de Boeing, fut le transport aérien. C’est ainsi qu’il
guerre, quand l’excen- tuné, Hugues connaît la sollicité pour prend le contrôle de la TWA en
trique homme d’af- gloire à Hollywood le premier vol du 1939 en y injectant 8 millions de
faires Howard Hu- comme producteur à la “Constellation” dollars et l’ambition d’en faire la
gues veut équiper la fin des années 1920. de Lockheed. numéro un du secteur. De son côté
compagnie aérienne Passionné d’aviation, il Il devait trouver le constructeur californien Lock-
TWA, dont il est le fonde Hughes Aircraft la mort peu après heed est déjà réputé pour ses avions
principal actionnaire, Company en 1932 et se aux commandes commerciaux et militaires. Un cer-
d’un avion de ligne lance dans des perfor- d’un B-29. tain Kelly Johnson y dessine des
transatlantique. Son B OEING
mances de plus en plus appareils rapides, légers, optimisés
idée est très ambi- impressionnantes avec pour les vols à grandes vitesses et
tieuse à une époque où ces grands records de vitesse, tour du monde, hautes altitudes.
avions de ligne sont encore des hy- non sans oublier de faire fructifier
dravions. Lui veut se passer d’une sa fortune avec des placements dans Les raffinements
L’ingénieur techniques s’accumulent
Kelly Johnson Transporter 40 passagers sur plus
(à gauche) de 5 000 km à 500 km/h en croisière ?
et le pilote
Johnson noircit des feuilles et des
Milo Burcham,
feuilles de calculs, accumule les plans
deux membres
de quadrimoteurs. Pour l’aile, il re-
de l’équipe
Lockheed
prend celle du chasseur P-38
travaillant sur “Lightning” – premier vol le 27 jan-
le “Constellation” vier 1939. Pas un grand empennage
en janvier 1943. à l’arrière, mais trois dérives aussi
efficaces qui permettent de le glisser
dans des hangars de tailles moyennes.
Pour la motorisation, non sans
quelques hésitations, Kelly Johnson
opte finalement pour le Wright
R-3350 “Duplex Cyclone”, un
monstre de puissance à l’époque.
Les raffinements techniques
s’accumulent : fuselage pressu-
risé, dégivrage électrique des
bords d’attaques des ailes, com-
LOCKHEED MARTIN

78
L’élégante silhouette du Lockheed “Constellation”
sous l’uniforme. Il est lancé avant la guerre par la TWA.

mandes assistées par hydraulique. changent, la guerre approche inexo- d’action, parfait notamment pour
Howard Hugues a voulu ce qui se rablement pour les États-Unis. arpenter l’immense Pacifique.
faisait de mieux et dépense sans Lockheed propose le XB-30, un Le C-69 n’étant pas prioritaire, le
compter pour obtenir tout simple- bombardier dérivé du “Constel- premier prototype XC-69 (X pour
ment le meilleur avion commercial lation”, repoussé en faveur du Boeing experimental) est prêt seulement
du monde. B-29. La chaîne de montage de l’ap- début 1943. Pour son premier vol,
pareil s’organise, mais la déclaration Lockheed fait appel à un “mousta-
D’“Excalibur” de guerre le 7 décembre 1941 change chu”, spécialiste des avions géants, en
radicalement la donne. Plus question la personne d’Eddie Allen. Le 9 jan-
à “Constellation” de fournir la TWA ; l’effort de guerre Le prototype vier, le “Constellation” immatriculé
du Lockheed
D’abord connu sous le nom transforme l’avion de ligne en cargo NX25600 décolle depuis Burbank,
XC-69
d’“Excalibur”, le nouvel appareil militaire C-69. Une aubaine pour les en Californie, pour se rendre à
atterrissant
prend finalement le nom de militaires qui voient d’un bon œil Muroc, aujourd’hui la base d’Ed-
à Burbank
“Constellation”. Fin 1940, les temps arriver un transporteur à long rayon en 1943.
wards. Le pilote d’essai en chef de
LOCKHEED MARTIN Lockheed, Milo G. Burcham, est
copilote. Sont également présents à
bord Kelly Johnson, Rudy Thoren,
l’assistant de Johnson, et Dick
Stanton, chef mécanicien. Un vol sans
histoire qui fait dire à Eddie Allen :
“Cette machine fonctionne si bien que
vous n’avez plus besoin de moi !” Le
pilote devait trouver la mort le 18 fé-
vrier suivant aux commandes du deu-
xième prototype du B-29.
Des problèmes récurrents avec
les puissants mais capricieux
“Duplex Cyclone” font, entre autres,
que moins de 20 C-69 sont livrés
avant la fi n de la guerre. Mais la
chaîne du “Constellation” est lan-
cée, et bientôt les compagnies aé-
riennes se disputent l’avion pour
animer leurs nombreuses liaisons
commerciales qui s’ouvrent tout
autour du monde. ■

79
MAQUETTES Par Hangar 47

Tom Cruise dans un “Tomcat”, quel matou vu !

F-14A “Tomcat” de celui des étonnants modèles récents, bien adapté à cette échelle.
Le montage débute par un poste de pilotage très détaillé ; des
Tiger Model décalcomanies reproduisent les instruments de bord et harnais.
La verrière peut rester ouverte pour profiter de cet aménagement.
La marque
que Les radiateurs et le train d’atterrissage sont bien réalisés. Les petites
chinoise,
e, pièces sont moulées avec précision. Six bombes peuvent s’accrocher
développe
pe sous le bimoteur. Comme toujours chez Eduard, les pièces optionnelles
doucement sa sont nombreuses. Les décalcomanies permettent de choisir entre
gamme d’avions les deux types de camouflage observés à l’époque (71-02 ou 74-75).
caricaturés avec L’un des avions porte
ce premier jet les restes d’un blanc
nc
moderne. lavable ; tous arborent
rent
Déformé de de grandes marques es
manière moins jaunes ; les insignes
es
systématique que ou nose arts d’uni--
les “œufs” d’Hasegawa, il présente un niveau de détail bien plus tés sont colorés et
satisfaisant et une taille également plus importante. Le modèle compte parfois étonnants
près d’une soixantaine de pièces moulées en plastique gris plus pour des unités
une verrière en deux parties, emballée à part et bien transparente. allemandes.
Le poste de pilotage est aussi bien détaillé qu’un modèle au 1/72.
Deux types de tuyères sont fournis, ainsi que des vérins pour laisser la Notre appréciation : maquette de qualité et couleurs
verrière ouverte. Une panoplie de réservoirs et de missiles “Sparrow”, intéressantes pour cet élégant bimoteur.
“Phœnix” ou “Sidewinder” viendra se fixer sur les différents points
d’attache. La voilure est mobile. Les décalcomanies ne proposent
qu’un F-14A de la VF-84 sur le Nimitz, une décoration iconique ! Aucun
pilote n’est fourni, mais qui sait, il se pourrait bien que des artisans y
Spad 510 at war
pourvoient bientôt… avec un mini-Tom Crouze ? Azur FRROM, 1/72
Notre appréciation : cette très jolie maquette renverra aux Seconde
oubliettes les deux modèles de “Tomcat” caricaturés précédemment. édition de
Vivement la suite ! la maquettete
du dernier chasseur
biplan mis en ser-
Bf 110E vice dans l’armée
de l’Air, cette boîte
Eduard Weekend, 1/72 permet de réaliser
les livrées portées
Sa première édition date d’une dizaine d’années mais cette au début des hos-
maquette garde toutes ses qualités. Ses surfaces sont tilités. Les pièces sont identiques avec une bonne représentation
finement gravées avec un rivetage partiel, précurseur des surfaces métalliques ou entoilées, et des bords de fuite d’une
80
épaisseur réaliste. Le poste de pilotage est raisonnablement détaillé
pour l’échelle et les petits éléments sont moulés avec finesse.
P-51B/C “Mustang”
Le montage demande un peu d’expérience, biplan oblige. Arma Hobby, 1/72
Les décalcomanies correspondent à trois machines peintes en aluminium
dessous et vert kaki dessus suivant les normes d’avant-guerre. Cette nou-
on
velle version
Notre appréciation : maquette de type “édition limitée” de bonne du très
qualité pour un sujet très original. beau P-51B du fabri--
cant polonais, déjà
analysé ici, met
Airbus A400M “Atlas” RAF l’accent sur les
“Mustang” des 8th
Revell, 1/72 et 9th Air Force,
en Europe. La boîte
Avec contient 87 pièces
65 cm très finement gravées et une verrière en plusieurs parties, dont
d’enver-
r- une option Malcolm Hood avec rails séparés. Le niveau de détail
gure et 212 du poste de pilotage ou des logements de train est très élevé
pièces, cet “Atlas”” comme on l’a vu, et un longeron interne assure un dièdre correct.
impressionne Deux types d’échappements, de bidons et deux bombes sont inclus.
par la taille Pas de métal photodécoupé dans cette boîte. Des masques adhésifs
et promet pour faciliter la peinture des montants de la verrière et des roues
des heures sont cependant inclus. Toutes les décorations fournies concernent
de montage. des appareils sans arête dorsale : quatre options aux motifs brillants,
La gravure des représentant un “Mustang” du 352nd Fighter Group à nez bleu ainsi
surfaces est que deux machines arborant le damier jaune et rouge des “Yoxford
simple et réaliste. Boys” avec une variante aux immenses motifs, en bonus. Mon préféré
L’extrados de la voilure est doté de renforts intégrés pour garantir reste un P-51B du 353rd FG, The Mighty Midget, que j’ai déjà eu
sa rigidité. L’aménagement interne se présente sous la forme le bonheur de présenter ici, en 2011. Ayant eu l’occasion de faire
d’un insert de grande taille qui reprend le plancher, les parois et quelques recherches sur cet appareil en contactant son pilote,
les cloisons nécessaires. La rampe de chargement peut être positionnée j’ai pu faire bénéficier ce fabricant de mes observations.
baissée. Le poste de pilotage est figuré simplement avec le renfort
de décalcomanies. La notice précise le poids à placer dans le nez. Notre appréciation : à l’exception de la photodécoupe absente
Le train d’atterrissage et ses 14 roues sont bien reproduits. ici, cette boîte vous permettra bien sûr d’assembler un “Mustang”
Même chose pour les entrées d’air et tuyères des turbopropulseurs. muni d’arête dorsale puisque toutes les pièces alternatives des deux
Le montage demande une certaine expérience en raison de la taille dérives sont incluses. Bravo !
de la maquette. La feuille de décalcomanies comporte un très grand
nombre de petits motifs et offre le choix entre deux machines gris
bleu foncé uni portant des cocardes britanniques ou espagnoles. The Ultimate “Tempest”
Notre appréciation : belle maquette pour reproduire cette grosse Eduard Limited, 1/48
machine, impressionnante star montante des meetings aériens.
Sans doute l’un
un
des plus beauxux
chasseurs
Avia S-199 “Erla Canopy” jamais construits, le
“Tempest” II méritait
Eduard Profipack, 1/72 bien une édition limi-
tée regroupant la su-
Nouvelle perbe maquette déjà
déclinai- bien connue, des élé-
son de ments photodécoupés prépeints,
é i des
d masques autocollants,
ll
l’Avia 199, cette un livret rempli de photos racontant l’histoire de la machine et deux
fois équipé de la grandes feuilles de décalcomanies offrant dix options de décoration.
verrière type Erla La maquette est parfaitement détaillée, ses surfaces présentent
(non bombée), la gravure commune aux dernières productions Eduard,
cette boîte celle très réaliste qui inclut un rivetage complet et très discret.
contient les Les options de peinture sont illustrées par des plans couleurs
pièces photodé- et des photos d’époque. Elles comprennent sept avions camouflés
coupées et masques vert et gris, deux alu naturel et un sable et brun. Des touches
habituels. La maquette garde toutes les qualités déjà décrites de couleurs égayent chacune d’entre elles ; les cocardes sont
dans cette rubrique. On nous propose cette fois cinq machines britanniques, pakistanaises et indiennes, avec une mention
gris vert uni, aux marques tchèques ou israéliennes, spéciale pour les petites cocardes bleu foncé et bleu ciel destinées
et une originale dont le capot et la partie arrière du fuselage aux cieux où pouvaient évoluer des hinomarus.
ont été repeints en beige.
Notre appréciation : magnifique maquette dont le montage
Notre appréciation : toutes les qualités des dernières demande doigté et expérience tant elle est détaillée ; décorations
productions Eduard au service d’un chasseur original variées fort bien documentées, impression du livret de qualité :
qui ne manquait pas d’élégance. un ensemble fort tentant !
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