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7,30 € mensuel DOM/S : 8,30 €- BEL/LUX : 8,00 €- CH : 12,70 FS - CAN : 12,60 $ CAD - ILE MAURICE :8,30 €- MAR : 83 MAD - ESP/ITA/GR/ AND/PORT. Cont. : 8,30 € - NCAL/S 1120 CFP- NCAL/A 1960 CFP- POL/A : 2150 CFP
Boeing 2707
Paris - New York
à Mach 2,7
L 19853 - 605 - F: 7,30 € - RD
4 Actualités
Patrick Casasnovas En service depuis 1982
ÉDITEUR : Karim Khaldi
60
RÉDACTION La fin des “Firecat”
Tél. : 01 41 40 34 22
Rédacteur en chef : Alexis Rocher
Rédacteur en chef adjoint : Xavier Méal
10 Courrier français
Rédacteur graphiste : François Herbet
Secrétaire de rédaction : Antoine Finck
Secrétariat : Nadine Gayraud 12 Livres Un grand guerrier dans la lutte contre
les feux s’en va après 38 années de
SERVICE DES VENTES
(réservé aux diffuseurs et dépositaires) bons et loyaux service. Adieu “Firecat”.
Jennifer John-Newton
Tél. : 01 41 40 56 95 13 Abonnements L’attaque de la frégate Stark par
IMPRESSION : Imprimerie Compiègne
Avenue Berthelot 60200 Compiègne.
Supersonique américain,
66 un “Falcon” 50 irakien le 17 mai 1987
Papier issu de forêts
gérées durablement.
Origine du papier :
16 le bûcher des vanités Nuit de feu
Italie. Taux de fibres
recyclées : 0 %. Une lutte de titans dans le Golfe Rejoignez
Le Fana
Certification : PEFC/ sur Facebook
EU ECO LABEL. Première partie. Qui allait construire Troisième partie. Les “Exocet” ravagent
Eutrophisation :
0,018 kg/tonne. un supersonique géant capable de voler le Stark, affaire qui plonge Américains sur Twitter
DR
Bientôt dans
La société allemande l’atterrissage le 25 février à Indianapolis, VaDeBonCœur. Le “Mustang” reprit les airs nos cieux…
MeierMotors, de Bremgarten, tuant son propriétaire et pilote John le 30 octobre 2014, immatriculé N51ZW
a annoncé que son client M. Barker. Le fameux Bill “Tiger” Destefani et avec les couleurs du Frances Dell du Clark
Georg Raab avait acquis le North – connu pour avoir gagné plusieurs fois les 1st lt Clark W. Clemmons. Son nouveau Clemmons
devant son
American “Mustang” matricule 44-74453, courses de Reno aux commandes du P-51 propriétaire Georg Raab possède déjà et fait
Frances Dell
immatriculé N51ZW. Le chasseur porte la ultra-modifié Strega – en acheta l’épave voler le North American T-6 “Harvard” IIB
à Duxford
livrée du Frances Dell, le P-51D matricule demeurée entreposée de nombreuses immatriculé D-FRCP.
en 1945.
44-72927 du 1st lt Clark W. Clemmons années et en débuta la restauration en
du 84th Fighter Squadron du 78th Fighter 1981, utilisant la cellule d’un “Mustang” de
Group lorsqu’il était basé à Duxford, près construction australienne. L’avion adopta
de Cambridge, en Grande-Bretagne. Le alors le matricule 44-13903 sur son certificat
chasseur a été démonté et mis en caisse d’immatriculation. Il eut par la suite plusieurs
fin février à Broomfield, dans le Colorado. propriétaires, canadiens et américains ; dans
Affecté au 84th FS le 15 février 1945 à l’âge les années 1990, il fut décoré aux couleurs
de 21 ans, Clark W. Clemmons effectua du WD-L/Glamorous January, puis dans les
18 missions de combat ; au cours de l’une années 2000 dans celles du Glamourous Gal.
d’elles au-dessus de l’Allemagne, Le 15 octobre 2011, la jambe de train droite
il rencontra un Messerschmitt 163. se replia inopinément alors que l’avion se
Le P-51D “Mustang” matricule 44-74453 posait sur le Northeast Florida Regional
a d’abord servi avec la Royal Canadian Air Airport, à St Augustine, en Floride ; ses
Force dans les années 1950 avant de devenir deux occupants ne furent pas blessés. Le
un avion civil aux États-Unis dans les années chasseur fut alors vendu à l’Américain Carl
1960. Il fut malencontreusement impliqué Patrick qui le confia pour restauration à la
dans un accident en 1963 : il s’écrasa à société Midwest Aero Restorations de Mike
DR
HUW HOPKINS
DR
5
ACTUALITES
6
En bref
Adieu “Tonton Raymond” Trois organisations américaines
arrêtent leurs vols à sensation
en B-17 “Forteresse volante”
Mi-mars, la Liberty Foundation a annoncé suspendre la
tournée nationale aux États-Unis du B-17 Ye Olde Pub
(photo ci-dessous) qu’elle louait à la Erickson Collection
et avec lequel elle vendait des “flight experiences” (vols
à sensation) afin de financer la restauration du B-17
Liberty Belle. Dans son communiqué, la Liberty Foundation
explique que “compte tenu des événements récents, qui
ont entraîné une augmentation significative des coûts
de la tournée, nous avons choisi de nous concentrer sur
davantage d’événements régionaux dans le Sud-Est, avec
notre C-47 et d’autres avions de base jusqu’à ce que notre
B-17 Liberty Belle soit prêt à voler à nouveau.” Un peu plus
JACQUES GUILLEM
DR
7
ACTUALITES
8
En bref
vés de la destruction Des épaves de TBF “Avenger”
et de “Dauntless” découvertes
par AirCorps Library dans un lagon des îles Truk
DR
L’organisation privée américaine Project Recover, qui s’est
fixée pour mission de rechercher les corps des Américains
disparus au combat (missing in action, MIA), a découvert à
l’aide de technologies dernier cri les épaves de deux SBD-5
“Dauntless” et d’un TBM/F-1 “Avenger” dans le lagon de
l’île Truk, un groupe d’îles de l’État de Micronésie à environ
1 000 km au sud-est de Guam. Sept aviateurs américains
disparus au combat seraient liés à ces avions, abattus au
cours de l’opération Hailstone, les 17 et 18 février 1944, qui
visait à déloger les forces japonaises du lagon. Il est estimé
que 30 avions et 40 aviateurs américains ayant décollé des
porte-avions Enterprise et Intrepid ont été perdus lors de cette
opération – 12 de ces avions seraient tombés dans le lagon
de Truck. Pour parvenir à ce résultat, les experts de l’université
du Delaware et de la Scripps Institution of Oceanography
de l’université de Californie-San Diego, associés au sein
de Project Recover, ont effectué quatre expéditions entre
avril 2018 et décembre 2019. Selon Derek Abbey, patron de
Project Recover, en comptant ceux de l’opération Hailstone,
un total de 28 avions américains, associés à 103 disparus au
combat, seraient tombés dans le lagon de Truk.
KBOBM
9
LE COURRIER
La base aérienne Pierre Le Gloan
Suite aux excellents articles
de David Méchin sur Pierre
Le Gloan (lire Le Fana de L’entrée de la base
l’Aviation nos 602,603 et 604), il faut aérienne 211
savoir que la base aérienne 211, Lieutenant Pierre
créée le 1er juillet 1955 à Télergma, Le Gloan.
en Algérie, et commandée par le
colonel André Duranthon, a été
baptisée Lieutenant Pierre Le Gloan.
Cette base était la plus importante
d’Algérie.
Pierre Jarrige
10
Devine qui vient dîner ce soir ?
Voici une photo familiale datée
de 1913. Elle a été prise à l’issue
du baptême de l’air des deux dames
au centre de la photo. Sauriez-vous me
donner le type et le constructeur de
l’avion ?
Christophe Ruy
DR/COLL. L. BRUNET
11
LIVRES
Un “Tigre volant”
dans le ciel. Il regarda d’en haut les
“Warhawk” faire leur passe les uns
après les autres, mais il fut déçu de
voir que seulement deux des huit
bombes de 500 livres [225 kg] frap-
W
illiam “Bill” Reed 300 mph [480 km/h], Reed visa la
combattit inlassa- locomotive et ouvrit le feu à environ
blement en Chine un quart de mile [400 m] de la cible.
jusqu’à sa dispari- Les six mitrailleuses des ailes cra-
tion en décembre chèrent une longue rafale de calibre
1944. Carl Molesworth propose sa 0,50 pouce [12,7 mm] qui déchira la
biographie. Il raconte ici comment le chaudière de la locomotive, déclen-
7 juin 1944 “Bill” Reed mena un raid chant une éruption de vapeur et de
de bombardement en piqué contre métal tordu lors de son explosion.
un complexe ferroviaire japonais Les trois ailiers de Reed, le captain
à Chenghsien. C’était une installa- “Bill” Lewis, et les lieutenants Don
tion clé sur la ligne de chemin de fer Burch et Ed Mulholland, visèrent le
reliant Pékin au bastion japonais reste du train.
de Hankou. Voici une illustration Ayant effectué plus de 100 mis-
forte de l’état d’esprit qui animait sions de combat depuis le début de
les pilotes américains. la guerre, Reed aurait pu se conten-
“L’attaque a commencé à 6 h 45, ter de ce qu’il avait fait ce jour-là.
lorsque Reed prit de la hauteur puis L’élément de surprise avait disparu,
commença sa plongée vers la cible. ce qui signifiait que les troupes
Sentant que son avion commençait à japonaises sur le terrain allaient
prendre trop de roulis à mesure qu’il riposter si les P- 40 revenaient.
prenait de la vitesse en piqué, il corri- Mais son sang ne fit qu’un tour. Il
gea sa trajectoire pour garder son nez estima qu’une passe de mitraillage
pointé vers la cible. Boss’s Hoss [sur- achèverait le train, alors il fi t un
nom de son P-40N, NDLR] hurlait à cercle pour effectuer une nouvelle
près de 400 mph [643 km/h] lorsque attaque. Il descendit, reprenant de
Reed lâcha sa bombe puis tira fort la vitesse, avec les trois autres P-40
DR/COLL CARL MOLESWORTH
sur le manche. Sa vision se brouilla “Bill” Reed, juste derrière lui. Le train était en
avec un voile gris ; la ressource vi- secondes plus tard il retrouva une pilote de P-40 train de brûler alors que les mi-
dait le sang dans sa tête. Quelques vue claire alors que le P-40 revenait (en haut), avec trailleuses de Reed le touchèrent à
les volontaires nouveau. Cependant, alors qu’il se
américains retirait de cette nouvelle passe de
des “Tigres mitraillage, il ressentit une secousse
volants” et son moteur se coupa pendant une
(en bas, assis seconde ou deux, puis redémarra.
à droite). Ce n’était pas bon.”
■
Fly
Flying Tiger Ace,
the story of Bill Reed,
ch
china’s shining Mark
Par
Pa Carl Molesworth,
O
Osprey Éditions
3 pages, 20,10 €
336
IS
ISBN 978-1472840035
R. T. SMITH/SAN DIEGO AIR AND SPACE MUSEUM
12
SAGA INDUSTRIELLE
Supersonique américain, nique, et les premiers projets furent
présentés. Américains et Européens
le bûcher des vanités repartirent avec en tête l’idée que la
compétition du supersonique civil
Une lutte
était lancée.
de titans
Ce fut dans ces conditions que
Elwood “Pete” Quesada, direc-
teur de la FAA (Federal Aviation
Agency, Administration de l’avia-
tion civile américaine), monta en
première ligne en décembre 1959
Première partie. pour assurer la promotion du pro-
gramme qui prit désormais le nom
En juin 1963, Kennedy lança en fanfare de SST (supersonic transport) (1).
La FAA avait pour mission depuis
le programme du SST, supersonique qui 1958 la régulation du transport
devait relier New York à Paris en 2 h 45 min aérien aux États-Unis. L’idée de
Quesada consistait à fédérer sous
à la vitesse de croisière de Mach 2,7. une bannière étatique les études
menées par les industriels. Quesada
L’Amérique s’engagea euphorique dans entama un intense marathon pour
le plus ambitieux avion de ligne jamais promouvoir le SST auprès du gou-
vernement. D’emblée le SST fut
conçu. Boeing et Lockheed s’affrontèrent très ambitieux. Là où les Européens
visaient Mach 2,2 en vitesse de croi-
avec des projets gigantesques. sière, la FAA tabla sur Mach 3. Pour
Par Alexis Rocher la cellule, plus question de se conten-
ter d’aluminium, le futur SST faisait
appel au titane pour affronter le mur
de chaleur qui se manifeste aux
I
l ne faut pas dresser de barrière La Nasa impulsa parallèlement en grandes vitesses. Les Américains
nette entre les avions de lignes 1958 sous le nom de programme voyaient tout en grand, en géant. Un
subsoniques et les supersoniques Scat (supersonic commercial air des directeurs de Lockheed pérora
au milieu des années 1950. Les transports) des recherches sur les alors quelque peu : “Nous savons
uns et les autres furent dessinés différentes configurations aérodyna- que nous pouvons construire un
pratiquement simultanément. Avant miques envisageables. Britanniques avion supersonique, et si nous com-
même le premier vol du démonstra- et Français partageaient cet élan mençons maintenant, nous pouvons
teur “Dash” 80 en 1954 et l’entrée vers le supersonique (voir Le Fana le certifier pour 1965 !”
en service du 707 en 1958, Boeing de l’Aviation n° 592). En juillet 1959, Chez North American, on sou-
avait lancé ses ingénieurs dans des lors de la session annuelle de l’Or- lignait qu’il était facile de concevoir
études sur le supersonique commer- ganisation de l’aviation civile inter- un dérivé civil du B-70 “Valkyrie”,
cial. Ce fut aussi le cas chez Douglas, nationale (OACI), les délégations très ambitieux programme de bom-
Lockheed et General Dynamics. discutèrent du transport superso- bardier Mach 3 alors mené par le
constructeur (lire Le Fana de l’Avia-
Plusieurs des tion n° 584). Même son de cloche
configurations chez Convair, qui proposait de partir
de supersoniques du B-58 “Hustler”, son bombardier
civils étudiés
Mach 2 qui volait depuis novembre
dans les
1956. Pourtant Quesada ne rencon-
souffleries de
tra pas l’intérêt de l’administration
la Nasa dans
le cadre du
du président Eisenhower. Aucun
programme budget substantiel ne fut alloué au
Supersonic supersonique. Pire, le président
commercial abandonna même le “Valkyrie”
air transports. en décembre 1959 contre l’avis des
généraux de l’US Air Force et fus-
tigea dans son discours de départ le
17 janvier 1961 l’influence néfaste du
“lobby militaro-industriel”. L’heure
n’était pas aux grands projets.
▲
16
La maquette grandeur
nature du gigantesque
Boeing 2707, supersonique
aligné par les Américains
pour contrer Concorde
et le Tupolev 144.
BOEING
17
SUPERSONIQUE AMÉRICAIN
que la FAA n’avait aucune expé- à Seattle en mars 1962 pour discuter était requis, mais à une échelle encore
rience dans la gestion d’un grand de la possibilité d’une coopération. jamais vue. Dans le monde de l’aéro-
programme aéronautique. Halaby L’avionneur déclina D D O nautique, l’implication
réussit néanmoins à faire voter l’invitation mais in- ddirecte du gouvernement
pour le SST au Congrès un budget forma Halaby de la ddans une entreprise à vo-
de 11 millions de dollars alloués à la proposition française ccation commerciale sous
FAA et 8,5 millions pour la Nasa. en parlant de “me- fforme d’aides financières, McNamara,
nace étrangère” et de ccourante en Europe, ne l’influent
Une coopération entre “compétition lancée” sse pratiquait pas du tout ministre
pour le supersonique. aaux États-Unis. Pas plus de la Défense
Européens et Américains ? Boeing réclama une lle Douglas DC-3 que le de l’équipe
En 1962, l’idée d’une coopération réaction du gouverne- LLockheed “Constellation” Kennedy, se
à grande échelle entre Américains et ment américain. Les oou le Boeing “Stratoliner” montra d’emblée
Européens sur le supersonique civil industriels répétaient nn’avaient bénéficié d’in- sceptique quant
au SST.
fut envisagée, notamment dans les depuis le lancement vvestissements publics.
milieux diplomatiques. Pourquoi ne des premières études TToutefois, d’importantes
pas mutualiser les recherches et les qu’ils ne pouvaient pas assumer commandes de versions militaires
investissements ? Une délégation de seuls le coût du programme SST. des appareils alimentaient souvent
Sud-Aviation se rendit chez Boeing L’investissement de fonds publics les chaînes de montage au bénéfice
▲
19
SUPERSONIQUE AMÉRICAIN
Le NAC-60, projet
de supersonique
proposé par
North American.
20
Présentations des
différents projets
de supersoniques
civils Boeing.
Au premier plan
les projets avec
aile à géométrie
variable, puis
ceux avec aile
delta.
BOEING
fin de l’hégémonie américaine dans participe à la compétition de l’avion venant des différents ministères et
le transport aérien commercial, et de transport supersonique piqua de l’administration. Les consulta-
l’obligation pour le président des encore un peu plus l’orgueil amé- tions des experts s’enchaînaient.
États-Unis de se déplacer dans un ricain. Halaby joua parfaitement Déjà les anti-SST se faisaient
avion construit à l’étranger. Halaby sur la corde sensible du prestige de entendre. Ils critiquèrent surtout
flattait Kennedy : “Nous allons l’Amérique remis en cause. le coût du programme. Johnson
battre De Gaulle.” Apparemment, écouta mais son choix était fait :
le président américain n’appréciait La colère les Américains devaient lancer un
pas du tout que les Européens jouent supersonique et soutenir le SST.
dans la cour des grands. Il faut sou-
de Kennedy Kennedy prévoyait d’annoncer la
ligner que les Soviétiques avaient E n février 1963, Kennedy nouvelle le 5 juin devant les cadets
aussi décidé de travailler sur un confia à son vice-président, Lyndon de l’US Air Force Academy. Ce fut
supersonique civil, le Tupolev 144. B. Johnson, le soin de piloter un co- alors que résonna un énorme coup
Le fait que l’adversaire communiste mité SST regroupant des membres de tonnerre le 4 juin. La Pan Am,
▲
SUPERSONIQUE AMÉRICAIN
BOEING
22
Juan Trippe savait que nous allions
lancer notre programme ?” Halaby
répondit “oui”… mais il ne savait
pas si cette manœuvre était “déli-
bérée ou non”. Kennedy menaça
alors Trippe et la Pan Am de repré-
sailles. Le président réitéra ensuite
ses reproches auprès de son secré-
taire au Trésor Douglas Dillon. La
Pan Am sabotait la réussite du SST.
Furibond, Kennedy éructa : “Je vais
vraiment passer mon temps à baiser
Pan Am !”
Le lendemain 5 juin, à Colorado
Springs, apparemment plus serein,
Kennedy annonça le lancement du
SST dans un grand discours qui
rappelait inévitablement celui du
12 septembre 1962 qui avait initié la
conquête de la Lune : “Aujourd’hui, Première configuration
la nouvelle frontière difficile entre du 2707. Les réacteurs
l’aviation commerciale et l’avia- étaient placés à l’emplanture
tion militaire est une frontière déjà des ailes.
franchie par l’armée – le vol superso-
nique”. Kennedy posa les cadres du
▲
BOEING
Boeing
construisit
une maquette
Le désastre d’Oklahoma City
grandeur nature Dans la perspective de faire voler le SST au-dessus du continent américain pour
du 2707. Elle connaître la réaction du public au bang supersonique, la FAA organisa avec le
permettait de concours de l’US Air Force de vastes opérations à proximité de grandes villes.
présenter l’avion La première expérience fut connue sous le nom de Bongo. Entre juillet 1961 et
aux compagnies janvier 1962, des B-58 supersoniques volèrent près de Saint-Louis, dans le Missouri.
aériennes. Proportionnellement au nombre d’habitants concernés, peu de protestations
Les ailes étaient furent enregistrées. Néanmoins 825 plaintes furent jugées justifiées – elles
mobiles. coûtèrent 58 648 dollars aux contribuables. La FAA organisa ensuite Bongo II. Cette
Les réacteurs fois-ci l’expérience se fit à proximité d’Oklahoma City. Elle prévoyait huit bangs
étaient installés supersoniques par jour, 7 jours sur 7 pendant 26 semaines, entre février et juillet
sous les 1964. B-58, F-101, F-104 et F-106 des unités installées aux alentours se relayèrent
empennages. entre Mach 1 et Mach 2, à des altitudes variant de 6 400 à 15 240 m. Les vitres de la
First National Bank et de la Liberty National Bank, sises en centre-ville, furent brisées.
Des plafonds et des murs en plâtres furent fissurés. Un sondage diligenté par la FAA
indiqua que beaucoup d’habitants n’avaient pas été gênés. Cependant ce fut une
catastrophe dans la mesure où Almer Monroney, le sénateur de la circonscription,
reçut des centaines de plaintes et passa dans le camp des opposants au SST. Les
tribunaux condamnèrent le gouvernement à plus d’un million de dollars d’amendes.
De toute évidence le vol supersonique au-dessus de terres habitées n’était pas
anodin. De quoi très largement remettre en cause le SST.
Le GE4, moteur
du 2707, avec
au second
plan le J93,
réacteur étudié
par General
Electric pour
le bombardier
supersonique
“Valkyrie”.
Le GE4 était alors
le plus puissant
réacteur du
monde, le plus
bruyant aussi.
GENERAL ELECTRIC
23
SUPERSONIQUE AMÉRICAIN
24
Illustration
du Lockheed
L-2000 d’Air
France survolant
Paris. La liaison
transatlantique
était au cœur
du supersonique
américain, tout
comme pour
Concorde.
LOCKHEED/COLL. MUSÉE DE L’AIR ET DE L’ESPACE.
transport aérien commercial, ne fut n’avait désormais plus ses entrées à blic devait être remboursé par un
pas un bon signal envoyé aux com- la Maison-Blanche et perdit beau- pourcentage prélevé sur les ventes.
pagnies aériennes. coup de son influence. Black remit Comme tout programme amé-
le 19 décembre son rapport qui ricain financé sur fonds publics,
Un géant s’avéra déterminant pour l’avenir cela impliquait que son budget
du SST. Il recommanda que l’État fût approuvé chaque année par le
aux pieds d’argile investisse 90 % de son budget, le Congrès réunissant la Chambre
L e destin fit que Johnson solde venant des industriels et des des représentants et le Sénat. Les
remplaça Kennedy, assassiné le compagnies aériennes intéressées, exemples des grands programmes
22 novembre. Une nouvelle admi- principe qui fut adopté avec ce militaires contemporains comme
nistration se mit en place. Halaby programme. L’investissement pu- le chasseur bombardier TFX (futur
▲
La maquette
du L-2000 dans
la soufflerie de
la Nasa d’Ames,
en Californie.
Les ingénieurs
de la Nasa,
associés à ceux
de Lockheed,
optimisèrent
l’aile delta
du projet.
NASA
25
SUPERSONIQUE AMÉRICAIN
Mach 2,7 en
croisière, 310
passagers et
une structure en
titane faisaient
du 2707 le
plus ambitieux
programme
d’avions des
années 1960.
BOEING
F-111) démontraient que le SST le President Advisory Committee péen rencontrait des problèmes”.
allait être très discuté et surtout à on Supersonic Transport (Comité Il fallait surtout l’envisager comme
la merci d’un vote défavorable sus- consultatif du président sur le “un grain de sable” pour le SST. La
ceptible d’y mettre fi n. Le colosse transport supersonique, plus FAA conservait la gestion du SST,
avait des pieds d’argiles. Par ail- connu sous l’acronyme de PAC). mais voyait son rôle minoré.
leurs, le rapport Black se montra Il réunissait des représentants
circonspect sur la nécessité de lan- des différents ministères et avait Mobilisation
cer immédiatement le programme. pour fonction d’étudier tous les
Sa conduite devait être retirée à la aspects du supersonique civil. Des
des industriels
FAA pour se voir confiée à une réunions mensuelles permettaient Le SST suscita l’intérêt des indus-
nouvelle “autorité”. C’était un ca- d’auditionner experts, industriels triels de l’aéronautique. Convair pro-
mouflet pour Halaby. McNamara et politiques. Grâce à son réseau posait de partir du B-58. Cependant,
revint à la charge contre le SST. apparemment bien informé, la CIA les échecs cuisants du 880 et du 990,
Dès lors ce fut une lutte entre bu- y fit fréquemment des présentations qui tentaient de se faire une place
reaucrates dans les couloirs de la de l’avancement du Concorde et au soleil entre Boeing et Douglas,
Maison-Blanche. McNamara ob- du Tupolev 144. Par exemple, le obligèrent le constructeur à se retirer
tint pour ainsi dire gain de cause 30 mars 1965, son directeur John de l’aviation commerciale en 1963.
puisque Johnson mit en place McCone, décrivit où en était Boeing voyait avec le supersonique
sous sa direction le 1er avril 1964 Concorde. Pour lui “l’avion euro- l’occasion de consolider durable-
La configuration
particulière du Contrôle du roulis
2707 conduisit
les ingénieurs Contrôle du lacet
à adopter des Contrôle du tangage
commandes de
Systèmes hypersustentateurs
vol complexes.
L’empennage
canard fut ajouté
pour améliorer
le contrôle d la
profondeur
ALAIN RATINAUD
26
ment sa place de premier construc-
teur mondial (lire encadré à droite).
L ockheed trouvait avec le
SST une belle occasion de reve-
nir dans le marché de l’aviation
commerciale. Autrefois en tête
À Mach 2,7 en
avec les “Constellation”, “Super croisière, les
Constellation” et “Starliner”, le entrées d’air
constructeur avait connu une décon- étaient très
fiture totale en pariant sur le L-188 sophistiquées.
“Electra” marié au turbopropul- Les ingénieurs
seur, alors que Boeing et Douglas étudient ici le
optaient judicieusement pour le corps mobile
réacteur avec le 707 et le DC-8. Les placé au centre
premiers projets Lockheed de su- de l’entrée d’air.
personiques SST furent synthétisés Il permettait
sous la désignation de CL-823. Les d’alimenter
ingénieurs retenaient la formule de correctement à
l’aile delta pour le projet final, qui grande vitesse
devint le L-2000. Lockheed mit en le réacteur en
avant son expérience avec l’utilisa- contrôlant les
tion du titane sur sa famille d’avions ondes de choc.
BOEING
à grande vitesse A-12/YF-12/SR-71,
dont l’existence fut dévoilée par
Johnson en juillet 1964 (le premier
avait volé en avril 1962 dans le plus Colossale, démesuré, vertigineux…
grand secret). North American s’ali-
gna dans la course au supersonique
le Boeing 2707
avec le NAC-60. Le constructeur Boeing synthétisa toutes ses recherches dans le supersonique civil avec le 2707
ne pouvait pas se targuer d’une (pour 707 Mach 2,7). Il devait voler en croisière pendant 2 heures à Mach 2,7
grande expérience sur le marché à 20 000 m d’altitude. C’eût été des performances extraordinaires. Seuls le
commercial civil, mais en revanche “Valkyrie” et le SR-71 peuvent prétendre en 2020 faire mieux.
il bénéficiait des travaux sur ses jets Le 733, sa première appellation, synthétisait les recherches entreprises depuis
militaires comme le “Super Sabre”, les années 1950. La grande idée des ingénieurs de Boeing consistait à adopter
le “Vigilante” et le X-15. L’XB-70A l’aile à géométrie variable. Elle avait été étudiée au tout début des années 1960
“Valkyrie”, qui effectua son premier pour le projet d’avion de combat TFX. Les ingénieurs voyaient avec elle une
vol le 21 septembre 1964, s’attaquait solution miracle pour optimiser les vols à basse et grande vitesse. Début 1963,
à Mach 3. Il avait quitté son rôle de le projet de 733 affichait sur le papier 195 t au décollage avec 150 passagers.
super bombardier pour celui de Devenu le 2707-100, il évolua considérablement au fil du temps. Le changement
pionnier dans le programme SST. le plus notable arriva avec le 2707-200 et consista à rien de moins que de
Le NAC-60 reprenait quelques-unes déplacer les réacteurs installés initialement sous l’emplanture des ailes à une
de ses caractéristiques, notamment position sous les empennages. Le directeur du programme affirma que cela
l’empennage canard. avait permis d’améliorer l’aérodynamique de l’avion. La flèche de l’aile avait
L es motoristes américains initialement quatre positions : 20°, 30°, 42° pour le vol subsonique et 72° à
avaient aussi des études à propo- vitesse supersonique. La position à 20° fut finalement abandonnée. Des plans
ser. Avec le GE4, General Electric canard avec volets s’ajoutèrent bientôt à l’avant pour améliorer le contrôle de
partait du J93 qui propulsait le la profondeur (voir schéma page 26). Plusieurs aménagements de la cabine
“Valkyrie”. Il présentait alors passagers étaient proposés. L’arrangement typique prévoyait 292 passagers
une formule classique : un simple avec deux couloirs de front. Avec uniquement une classe touriste, 310 passagers
flux avec postcombustion – assez s’installaient à bord. Pour mesurer toute l’ambition du 2707 soulignons que
similaire à l’“Olympus” monté sur Concorde allait “seulement” emporter au maximum 120 passagers pour une
“Concorde”. Pratt & Whitney avait masse maximale de 185 t.
dans un premier temps opté pour le Le titane entrait à 90 % dans les matériaux de la structure – le SR-71 le précédait
JT11F4, dérivé du réacteur du SR-71. en tant qu’avion en titane. Il posait d’importants problèmes aux ingénieurs. Joe
Vint ensuite le JTF17, une proposi- Sutter, l’un des pères du 747, partagea à la fin des années 1960 une table dans
tion à la pointe des recherches de un célèbre restaurant parisien dans le plus grand secret avec une délégation
l’époque, mais non sans difficultés à soviétique, la Russie étant la spécialiste dans ce domaine. Le Département
résoudre. C’était un double flux avec d’État (ministère des Affaires étrangères) avait demandé au président de Boeing
postcombustion. Le souci consistait Thornton “T” Wilson de rencontrer discrètement une délégation soviétique pour
à conjuguer la réchauffe du flux froid la questionner sur le titane. Sutter souligne : “Nous n’en savions pas assez sur le
produit par la soufflante et celle du titane pour pouvoir fabriquer un fuselage entier à un coût acceptable.” Américains
flux chaud issu du compresseur. et Soviétiques partagèrent un salon privé dans une ambiance apparemment vite
Les ingénieurs travaillaient sur ce fructueuse grâce aux alcools partagés. Sutter raconte : “Bob Withington [un des
concept avec le TF30, destiné au ingénieurs du 2707, NDLR] les a assaillis de questions, lançant un échange animé
F-111. Curtiss-Wright ambitionnait et très enthousiaste de connaissances sur le titane et sa fabrication”.
de retrouver le succès de la famille Il est aujourd’hui difficile de mesurer l’influence de cette rencontre. Néanmoins,
des “Cyclone” montés entre autres c’est une certitude que le titane demeura jusqu’à la fin du programme du 2707
sur les “Constellation”, et proposa le un problème capital.
très ambitieux TJ-70. Pour une opti-
▲
27
SUPERSONIQUE AMÉRICAIN
À propos du sexe
des anges
Les auditions du PAC permettent
de se faire une bonne idée du climat
qui régnait autour du SST. Les com-
pagnies aériennes étaient toujours
divisées. Charles Tillinghast, à la
tête de la TWA, déclara que pour lui,
en l’état, l’avion n’était pas rentable.
Juan Trippe et son proche conseil-
ler, le légendaire Charles Lindbergh,
furent en revanche presque en-
thousiastes. Les industriels furent
aussi auditionnés. Ils répétaient de
concert : “Il faut faire le SST.”
Pour la cellule, les projets de
FAA
Boeing et Lockheed furent rete- Joe
nus en avril 1964. North American, alors avec McNamara, probable- Tymczyszyn, public. L’idée d’établir un corridor
malgré l’expérience du “Valkyrie”, ment rassuré d’avoir des interlocu- pilote d’essais supersonique pour effectuer de
n’allait pas participer à la com- teurs jugés plus fiables. Les querelles de la FAA nouvelles mesures entre Louisville,
pétition finale. Côté motoristes, d’experts à propos du volet financier avec les deux dans le Kentucky, et Indianapolis,
General Electric et Pratt & Whitney du programme se poursuivirent concurrents du dans l’Indiana, fut repoussée à fi n
avaient la préférence de la FAA. néanmoins tout au long de 1965. On programme 1966. Le fi lm de promotion Sonic
Curtiss-Wright fut écarté ; ce grand discuta en fait beaucoup sur le “sexe SST. Boom and You financé par la FAA
constructeur de moteurs disparut des anges”, en l’occurrence le mon- La FAA géra dans la perspective d’expliquer
ainsi définitivement du marché civil. tant et la répartition des bénéfices le programme que le bang supersonique était
Mi-mai, Halaby voulut accélérer tirés des ventes de SST aux compa- SST, préférant “tolérable” fit un bide complet. La
le programme. McNamara tempo- gnies aériennes. finalement le malchance voulut que le deuxième
risa. La guerre de tranchées entre les Boeing 2707. “Valkyrie”, qui avait atteint Mach 3
deux hommes s’acheva par le départ Le problème le 3 janvier 1966, s’écrasât le 8 juin
de Halaby de la direction de la FAA. suivant en étant percuté par accident
Il fut remplacé au pied levé par le
du bang par l’un des avions qui l’escortaient
general William “Bozo” McKee, L’un des problèmes les plus (lire Le Fana de l’Aviation n° 559).
personnalité qui passait mieux au- embarrassants provenait des effets Il devait mesurer les effets du vol
près du président et de McNamara. du bang supersonique. Les experts supersonique à grande vitesse. Il
Lors de sa cérémonie d’intronisation consultés lors des auditions du PAC fallut modifier le premier prototype
le 1er juillet 1965, Johnson lui rappela se montraient toujours pessimistes en installant toute l’instrumentation
sa mission de faire “un supersonique sur la possibilité de passer le mur du nécessaire pour le remplacer. Des
sûr pour ses passagers, supérieur à son sans provoquer de sérieux dé- vols réalisés entre novembre 1966
ses concurrents et, enfin, économi- gâts au sol. Lindbergh, de nouveau et janvier 1967 en coopération avec
quement rentable”. McKee appela le entendu par la PAC en juillet 1966, la Nasa confi rmèrent les effets du
gen. Jewell Maxwell pour lui confier se disait désormais “inquiet” des vol supersonique au sol. Ils variaient
la direction du programme SST. effets du bang supersonique. Après considérablement selon les condi-
C’était un “moustachu” qui avait le fiasco d’Oklahoma City (lire en- tions météo et la position de l’avion,
auparavant travaillé dans le pro- cadré page 23), la FAA hésita sur la mais ils ne pouvaient pas être consi-
gramme du B-52. Le climat s’apaisa conduite à tenir vis-à-vis du grand dérés comme bénins.
28
BOEING
Le 2707
De plus en plus de voix consta- du transport aérien, Boeing s’enga- imaginé aux et Lindbergh se montrèrent très
taient à l’unisson que le SST ne pou- geait ainsi dans l’augmentation du couleurs de confiants dans l’avenir du 747 (Pan
vait pas survoler les États-Unis à volume d’emport de passagers avec le Continental Am en avait commandé 25 exem-
Mach 2,7 faute de maîtriser le bang “Jumbo Jet”, et en même temps dans le Airlines, plaires au mois d’avril). Les options
supersonique et ses effets. C’était supersonique avec le SST. Lockheed qui en avait sur le Concorde n’étaient qu’une
ipso facto tirer un trait sur les ventes et Douglas optèrent aussi à la même précommandé simple “assurance”. Pour le SST,
aux compagnies aériennes intérieur époque pour le gros-porteur avec le trois ils recommandèrent la poursuite
américaines, une part importante du “Tristar” et le DC-10, avions de ligne exemplaires. de la compétition entre Boeing et
marché visé. Dépitée, la FAA préféra subsoniques qui volaient à la même Lockheed. Lindbergh apprécia la
néanmoins aller de l’avant en choi- vitesse que la génération du 707 mais “simplicité” du projet de Lockheed
sissant qui de Boeing W H P O
HITE OUSE RESS FFICE avec plus de passagers et et “l’effi cacité” du Boeing et son
ou de Lockheed allait ppour un pour coût bien aile à géométrie variable. Il ne
concevoir le SST. mmoindre. L’Airbus euro- voulut pas trancher formellement
Les deux construc- ppéen opta peu après pour entre les deux.
teurs fignolaient leurs lla même voie. Les esprits
projets. Dans un pre- lles plus audacieux affir- Les compagnies
mier temps, Boeing mmaient que les 747 trans-
eut les faveurs de la pporteraient du fret quand
Le président aériennes divisées
Johnson fut un
FAA. Lockheed se lles SST allaient entrer en ardent partisan L es compagnies aériennes
rattrapa néanmoins sservice. William Allen se du SST, dans furent relativement divisées quant
rapidement. Le L-2000 mmontra rassurant : le 747 lequel il voyait aux choix de l’avion. American Air
bénéficia de plusieurs nn’était pas un obstacle au la grandeur des Lines préférait Boeing et General
passages dans les SSST dans la mesure où les États-Unis. Electric, Eastern penchait pour le
souffleries de la Nasa ddeux programmes étaient L-2000 – sans faire de choix pour un
pour peaufiner son aérodynamique. diamétralement opposés tant dans moteur. Pan Am joua longtemps au
L’annonce du lancement du 747 en leur mode de financement que leurs chat et la souris avant d’opter appa-
avril 1966, autre géant des airs, ne performances. remment du bout des lèvres pour
manqua pas de provoquer des réac- Lors de leurs interventions de- le 2707. Les compagnies étrangères
tions. Pour répondre à la croissance vant le PAC le 9 juillet 1966, Trippe furent pour le moins timorées, refu-
sant de s’engager pour l’un ou pour
l’autre des concurrents. Les avion-
neurs finirent par trancher la ques-
tion de la propulsion. Lockheed
opta pour Pratt & Whitney, Boeing
préféra le GE4 de General Electric.
Les experts aéronautiques annon-
cèrent à la FAA que, selon leurs
calculs, le 2707 provoquait une onde
de choc moins importante que celle
du L-2000. Le turboréacteur Pratt
D
ATINAU
ALAIN R & Whitney était mieux adapté aux
vitesses subsoniques puis perdait de
l’intérêt face à son rival en superso-
nique. Le choix final du SST s’inscri-
vait plus largement dans la politique
▲
29
SUPERSONIQUE AMÉRICAIN
BOEING
Le “Dash” 80
industrielle américaine. Lockheed fut modifié Chez Boeing on fit plutôt profil bas. Il nourrir quelques espoirs. 26 com-
avait le cargo géant militaire C-5 pour mener s’en fallait de beaucoup avant de voir pagnies aériennes avaient réservé
“Galaxy”, Douglas la future station des essais voler le 2707. Les quelque 3 000 ingé- des positions de livraison pour 122
spatiale militaire MOL (Manned d’équipements nieurs affectés au projet planchaient avions. TWA précédait la Pan Am
Orbiting Laboratory, Laboratoire destinés au toujours sur la conception de l’avion pour la réception des premiers 2707.
orbital habité), General Dynamics 2707, comme tant elle se compliquait inexora
inexora- DR Cette dernière
dern était le plus
le chasseur bombardier F-111. le montre blement au fi l du temps.. Le important
import client avec 15
l’aménagement constructeur annonça qu’il il exemplaires en précom-
exem
Sus à la géométrie du nez. faudrait cumuler 15 mil- ma
mande. Air France
lions d’heures de travail ar
arrivait en dixième
variable ! pour la phase prototype p
position dans les
La FAA annonça officielle- – contre seulement un li
livraisons avec six
ment les vainqueurs le 31 décembre million d’heures pour le av
avions. À raison de
1966 : le Boeing 2707-100 associé au 707, une décennie aupa- cin
cinq exemplaires par
General Electric GE4. L’Amérique Pan Am voulait ravant. Boeing érigea à mois,
moi les chaînes de
était de retour dans la course au 15 Boeing 2707. Seattle un bâtiment pour ur la Boeing avaient deux ans
supersonique avec un premier vol fabrication du titane, où ù furent de travail een perspective.
prévu en 1970 et les premières livrai- assemblées dès la mi-1968 des pièces Les ingénieurs du constructeur
sons pour la fin 1974. Dans les calen- Le “Walkyrie”, pour les trains d’atterrissage du 747. durent malheureusement admettre à
driers des compétiteurs, Concorde ancien S’ajoutait un hangar pour abriter la la FAA qu’ils rencontraient de graves
devançait le 2707, mais ce dernier bombardier maquette à l’échelle 1. Le démonstra- difficultés. L’échéance du 30 juin 1967
était considéré par les Américains stratégique teur “Dash” 80 fut mis à contribution pour boucler le projet fut impossible
devenu
comme le supersonique de deuxième en recevant un nouveau nez et une à tenir. La configuration aérodyna-
explorateur
génération. Lockheed se montra bon nouvelle instrumentation pour éva- mique du 2707 péchait. Beaucoup
des grandes
perdant, les ingénieurs qui travail- luer en vol les systèmes qui devaient plus grave : la prise de poids inexo-
vitesses pour
laient sur le L-2000 furent la plupart le programme
prendre place dans le 2707. Début rable de l’avion. La masse au décol-
affectés au CL-1011, futur “Tristar”. SST.
1968, Boeing pouvait néanmoins lage passa de 294 à 300 t, puis 340 t
en septembre 1967. Il devenait tout
simplement impossible de tenir les
chiffres de charge marchande et de
distance franchissable annoncés fin
1966. Boeing et la FAA convinrent
que le 2707 courait à la catastrophe.
Il n’y avait pas 36 solutions : il fallait
abandonner l’aile à géométrie va-
riable et trouver une nouvelle confi-
guration aérodynamique propre à
assurer le vol à Mach 2,7. Bref, revoir
de fond et comble la conception de
l’avion. Le 21 février 1968, penauds, la
FAA et Boeing annoncèrent l’aban-
don du 2707-200 et au moins une
année de retard sur le programme
du SST qui avait désormais du plomb
dans l’aile… ■
À suivre
BOEING
30
HISTOIRE
Les carburants d’aviation
La stratégie
des calories
Le principe de Carnot définit le
moteur à combustion interne par la
transformation de chaleur en énergie.
En aviation, le problème est d’obtenir
le plus de chaleur possible dans des
moteurs les plus petits possible. Les
solutions sont multiples. L’une d’elles est
indispensable : un carburant approprié.
Par Michel Bénichou
D
ès les débuts de l’automo- de l’ampleur car, sous l’effet de cette
bile, il fut évident que la chaleur, le carburant s’enflammait
qualité des essences de prématurément, d’où cliquetis et
pétrole était irrégulière. perte de puissance auxquels seule
Certaines, plus volatiles une réduction des gaz pouvait
que d’autres, semblaient a priori mettre fin. Les essences de pétrole
supérieures parce que leur vapo- s’enflammaient généralement à
risation plus rapide facilitait leur 275 °C, aucune ne permettait donc
mélange avec l’air, assurant ainsi de dépasser le taux de compres-
une meilleure combustion. Mais, sion de 5,6 où la compression élève
avec les avions, lorsqu’ils furent la température du mélange car-
capables de prendre rapidement de buré de plus de 300 °C. L’emploi
l’altitude, l’essence n’ayant pas le de compresseurs efficaces sur les
temps de refroidir, la diminution de moteurs à taux de compression
pression atmosphérique accélérait considéré comme élevé pouvait en
sa vaporisation avant son arrivée au conséquence produire une détona-
carburateur ; c’était le vapor-lock, la tion aux effets éventuellement plus
▲
32
Remplissage des deux
réservoirs de voilure d’un
Curtiss H75 de l’armée
de l’Air à partir d’un camion-
citerne. Ces réservoirs
principaux contenaient
environ 500 l.
33
LES CARBURANTS D’AVIATION
▲
Ravitaillement d’un Breguet 693
de la première escadrille du I/54
de l’armée de l’Air de Vichy.
DR
35
LES CARBURANTS D’AVIATION
36
DR
Le “Spitfire”
ploi des forts indices sur les moteurs l’aviation commerciale), essaya avec Mk IX à moteur venaient d’Amérique du Nord. En
existant, c’est-à-dire au décollage et au le moteur Pratt & Whitney “Wasp” “Merlin” 60 qui, écho à la politique d’indépendance
début de la montée, la croisière étant de ses Boeing P-26A de chasse à cause de sa énergétique lancée la même année
exécutée avec un carburant d’indice quatre essences à plus ou moins 100 suralimentation par le président du Conseil Raymond
plus faible. Le DGA-6 Mr Mulligan octane contenant diverses quantités (compresseur à Poincaré, La Revue des études coopé-
conçu aux États-Unis en 1934 par de plomb. Les chasseurs volèrent deux vitesses rative (n° 7, deuxième trimestre 1923),
Ben Howard pour la course en ligne plus vite et sans problème de déto- et deux étages) entre autres, se complut à le déplorer
du Bendix Trophy ne comportait pas nation. D’une année sur l’autre, le avait besoin pour servir les intérêts du monde agri-
moins de trois réservoirs pour trois Pratt & Whitney “Twin Wasp” passa d’un fort degré cole, plus exactement des céréaliers,
essences de 80, 87 et 100 octane. de 1 065 ch au décollage avec la 87, d’octane. viticulteurs et sucriers qui se voyaient
Quelques chiffres donnés en 1933 à 1 215 ch avec la 100, là aussi avec capables de substituer un alcool bien-
par l’ingénieur en chef des moteurs réduction de consommation spéci- de-chez-nous aux produits du pétrole
Bristol, Roy Fedden, dans la revue fique. La messe était dite. Cependant, que la France n’avait pas encore, car
Flight, illustraient de manière specta- l’USAAC n’eut jamais, avant 1940, l’exploitation pétrolière dans l’empire
culaire ce qu’apportait l’amélioration les budgets nécessaires pour acheter colonial français commença en 1924
du carburant, en prenant l’exemple du le nouveau et plus coûteux carburant avec la Compagnie française des
moteur en étoile Bristol “Pegasus”. en quantités suffisantes. Sur les pétroles (aujourd’hui Total), princi-
Sa puissance maximale de 570 ch aérodromes palement en Algérie.
avec l’essence ordinaire à 69 octane 1922 : l’alcool, et les bases
aériennes,
Ce n’était pas nouveau ; lorsque
(indice américain), passait à 790 avec l’automobile cherchait son énergie
de la 92, tandis que la consommation
une vieille idée d’énormes au début du XXe siècle, ce groupe de
camions-
horaire diminuait de presque 15 %. Malheureusement en Europe, pression avait organisé un premier
citernes se
En 1934, l’USAAC, qui avait rencon- sauf au Royaume-Uni, l’essence était concours en 1901. En 1902, le mi-
déplaçaient
tré des problèmes de détonation avec importée de sources étrangères. En nistre du Commerce, Jean Dupuy,
d’avion en
l’essence dite “de combat” titrée à 92 France, en 1922, des 9 millions de avion pour
avait suscité un grand prix d’auto-
octane (comparable au super 87 de tonnes brûlées chaque année, 6 pro- faire les pleins.
mobiles à alcool afin de promouvoir ▲
USAF
37
LES CARBURANTS D’AVIATION
1939 : l’essence
“100/150”
L’indice d’octane de l’essence
d’aviation varie aussi selon la qua-
lité du mélange avec l’air ; il est
plus bas avec un mélange pauvre
qu’avec un mélange riche ; aussi,
le plus souvent, deux valeurs sont
données, mais là encore avec des
variations puisque la “100” amé-
ricaine faisait en réalité 98 ou 99 !
La meilleure essence d’aviation
française en 1939 était la 87/100
à laquelle succéda vite la C ou
38
25 km/h, le P-38J jusqu’à 27 km/h, Mk IX ; 586 km/h au lieu de 577 des bougies par le plomb. Au début
le Republic P-47D “Thunderbolt” pour le “Spifire” Mk XIV à moteur de 1945, au TEL qu’elle contenait fut
jusqu’à 30 km/h. Toutefois, le R-2800 “Griffon” ; 622 km/h au lieu de 599 par conséquent substitué un composé
surchauffait en montée et le V-1710 pour le Hawker “Tempest” Mk V à d’éthylène et un acide… qui rongeait
atteignait l’extrême limite de ses moteur “Sabre” ; 627 km/h au lieu de à ce point les sièges de soupapes qu’il
capacités. Seul le “Merlin” semblait 580 pour le De Havilland “Mosquito” fallait les changer en moyenne toutes
pouvoir aller plus loin ; ses ultimes ver- Mk III. Mais des difficultés d’appro- les 100 heures de fonctionnement.
sions d’après-guerre furent d’ailleurs visionnement en 100/150 – 2 000 t par Insupportable. Aussi, dès le 1er avril
poussées à 2 080 ch au décollage. mois –, obligèrent le Royaume-Uni 1945, la 100/150 au plomb redevint
La RAF qualifia début 1944 la à revenir, dans une certaine mesure, la règle, et les pilotes apprirent à net-
100/150 avec le moteur “Merlin” 66 vers la 100/130. toyer leurs bougies par de forts coups
du “Spitfire” Mk IX pour obtenir de gaz avant de couper les moteurs.
une pression d’admission supplémen- Les sièges des soupapes La 115/145 est toujours produite
taire de 25 livres, soit… 81 pouces ! À en très petite quantité pour les mo-
l’occasion de la chasse aux bombes
rongés par le composé teurs spéciaux d’avions de course,
volantes V1, les Britanniques mesu- Pour ses avions de chasse, la notamment les “Merlin” des “su-
rèrent avec ce supercarburant la 8th Air Force américaine, basée per” “Mustang” poussés à 2 800 ch
progression suivante des vitesses en Grande-Bretagne, réclama en avec injection d’eau et de métha-
maximales au niveau de la mer : mai 1944 la livraison immédiate de nol et une pression d’admission
576 km/h avec la 100/150 au lieu de 100/150. Celle-ci posa aussitôt des de 145 pouces (4,8 atmosphères) !
540 avec la 100/130 pour le “Spitfire” problèmes avec un fort encrassage La 100/130 est toujours en usage,
▲
ALAIN CROSNIER/COL. J. GUILLEM
Le plein
de carburant
d’un Noratlas
de la 64e escadre
de transport de
l’armée de l’Air.
39
LES CARBURANTS D’AVIATION
mais avec moins de plomb (envi- -60 °C, alors que la température
ron 0,6 g/l au lieu du double) afi n minimale rencontrée par les avions
de convenir aux moteurs de petite dans la stratosphère est d’environ
puissance conçus au départ pour la -50 °C. Les Américains en ont fait
80/87 ; c’est pourquoi elle est nom- le “Jet Propellant” (JP – combus-
mée 100 LL pour low lead (basse tible pour réacteur), et en ont dé-
teneur) en plomb. Elle confère au- veloppé plusieurs variétés parfois
jourd’hui à l’aviation qui sent si fort spécialement, aux États-Unis, pour
le kérosène un fumet de nostalgie. des avions aux performances parti-
En Allemagne, pendant l’entre- culières comme les Lockheed U-2
deux-guerres, la situation fut très (très haute altitude et très basse
différente car le traité de Versailles températures) ou SR-71 (échauf-
y interdit jusque dans la seconde fement cinétique très important)
moitié des années 1920 la produc- ou les avions embarqués. Au JP-1
tion de moteurs de moyenne et succéda en 1951 le JP-4 contenant
grande puissance. Le problème de la 50 à 60 % d’essence, remplacé à
détonation n’y fut donc abordé qu’à partir de 1978 par le JP-8 moins
partir de 1927. Faute de TEL, l’in- inflammable. L’aviation civile uti-
dustrie chimique fut priée de trou- lise principalement le Jet A-1 équi-
USAF
ver des palliatifs et les motoristes Un Lockheed valent au JP-8 militaire avec des
des substituts. Finalement, en 1938, U-2 “Dragon puissance passait aussi par une additifs différents.
le DVL (Deutsche Versuchsanstalt Lady” de augmentation de cylindrée et l’on
für Luftfahrt, établissement de re- l’US Air Force. aboutissait à des solutions énormes 1944 : les mauvais
cherches aéronautiques allemand) Son emploi comme le Clerget 16H de 81 l de
fut chargé du problème sans y ap- à très haute cylindrée, un 16 cylindres français
lubrifiants
porter de bonne solution. Dans le altitude impose à quatre turbocompresseurs dont L e bon fonctionnement des
même temps BASF (IG-Farben) un carburant on espérait 2 000 ch, mais qui fut moteurs dépend aussi considérable-
trouva notamment des catalyseurs particulier. abandonné au début de ses essais ment de la qualité des lubrifiants, des
spéciaux, et, surtout, le moyen de en 1939. Repris à la fin du XXe siècle, joints, des systèmes d’allumage. Le
produire des essences synthétiques le moteur Diesel d’aviation – dérivé bon exemple est ici celui de l’aéro-
aux propriétés antidétonantes de l’automobile – n’a pas non plus nautique allemande qui ne put dé-
convenables par hydrogénation de connu le succès attendu. velopper de moteurs à pistons aussi
la houille et du lignite. Un camion C onnu depuis le XIX e siècle puissants que les Alliés parce que
pompe est pour alimenter les lampes, le ké- les lubrifiants synthétiques fabriqués
1928 : les carburants nécessaire rosène, autre produit du pétrole à partir du charbon par son indus-
pour remplir moins inflammable que l’essence, trie chimique étaient de mauvaise
de sécurité les réservoirs est devenu un carburant d’avia- qualité – parfois inutilisables en
La volatilité de l’essence qui depuis un tion avec les turboréacteurs dont fin de guerre. Or les moteurs alle-
s’enflammait ou explosait trop fa- hydrant au sol. les premiers exemplaires fonction- mands consommaient des quantités
cilement en combat ou lors d’acci- Les quantités naient aussi à l’essence. Le kéro- d’huile très excessives faute de joints
dents suscita l’intérêt pour des car- de carburant sène possède un pouvoir calorique efficaces. Enfin, on ne peut ignorer
burants dits de sécurité parce que des gros avions sensiblement plus élevé que celle- qu’à partir du milieu de 1944, les
moins inflammables comme les de ligne sont ci, produisant donc plus d’énergie adversaires des Alliés, l’Allemagne
huiles lourdes, gazole ou distillats supérieures à à volume égal, or, si les turboma- et le Japon, commencèrent à man-
du goudron de charbon. Ceux-ci ce que pourrait chines produisent des puissances quer sérieusement de pétrole pour
transporter
nécessitaient des moteurs spéciaux très fortes, c’est grâce à des tempé- alimenter leurs armées. Quant au
un camion :
avec compresseur et injection di- ratures de combustion plus élevées. refroidissement, problème exacerbé
un A380 peut
recte. Les recherches furent enga- En outre, le kérosène, à l’inverse du par la suralimentation des compres-
emporter plus
gées après la Première Guerre mon- de 106 m3
gazole, se fige à des températures seurs et additifs, il fut plus ou moins
diale par de nombreux motoristes de kérosène.
extrêmement basses de l’ordre de résolu par les aérodynamiciens. ■
dans le monde, mais les seules qui
aboutirent à une production en série
furent celles de Junkers Motoren
avec le Jumo 205 (en 1932) aux deux
vilebrequins entraînés par des pis-
tons opposés deux à deux dans un
même cylindre. Junkers tentait ainsi
de corriger l’excès de poids des cu-
lasses renforcées pour résister aux
taux de compression élevés de ces
moteurs. Ceux-ci étaient d’ailleurs
défavorisés par une faible puissance
massique et l’impératif de réchauf-
fer en permanence le carburant
pour faciliter son inflammation ;
certains ne pouvaient être démar-
rés que par injection d’un produit
plus volatile ou par un moteur au-
xiliaire à essence. Augmenter leur
JACQUES GUILLEM
40
REPORTAGE
“The Grace Spitfire”
Bijou de famille
XAVIER MÉAL
Titulaire de la première victoire en
combat aérien du 6 juin 1944, puis piloté
par des Français libres, ce “Spitfire”
biplace fait la fierté d’une famille grâce
à la pugnacité d’une femme… qui l’a
transmis à son fils, Richard Grace.
Il nous raconte son histoire.
Par Xavier Méal
43
“SPITFIRE” MATRICULE ML407
DR
Le “Spitfire”
C
onstruit en avril 1944 dans plongeant à toute vitesse vers le sud. ML407, Squadron 485 en tête du tableau des
l’usine de Castle Bromwich, Montant à pleine puissance, j’ai vu codé OU-V, scores pour le Jour J. Quelques jours
près de Birmingham en l’avion ennemi entrer dans un gros aux mains avant l’invasion, j’avais négligemment
Grande-Bretagne, en tant nuage isolé au-dessus de la couche de Johnnie suggéré que nous devrions lancer un
que Mk IX monoplace, principale, et quand il est réapparu Houlton concours du premier qui abattrait
le Supermarine “Spitfire” matricule de l’autre côté, je m’en rapprochais le 27 août un avion ennemi après le début de
ML407 a servi durant les 12 derniers rapidement. 1944, lors l’invasion, et j’avais dûment collecté
mois de la Deuxième Guerre Mondiale Mon avion était équipé d’un d’une mission quelques shillings auprès de mes col-
avec des escadrons de première ligne, viseur gyroscopique qui évitait au d’escorte de lègues. Quand est venu le temps de
accumulant 176 sorties opérationnelles pilote les habituels calculs instanta- “Halifax” et de souffler et de faire la fête, le peu que
en un peu plus de 200 heures de vol. nés et conjectures requis pour toucher “Lancaster” sur j’avais gagné ne suffit largement pas à
Après avoir été remis à la Maintenance la cible – particulièrement quand sa Homberg, dans couvrir le coût de la fête.”
Unit 33 en avril 1944, il fut livré au trajectoire était raisonnablement la Ruhr. Il porte
Squadron (néo-zélandais) 485 le droite. Il permettait aussi d’utiliser les un réservoir Avec les “Free French”
29 avril 1944 par Jackie Moggridge, mitrailleuses avec précision depuis une supplémentaire
l’une des plus fameuses femmes pilotes plus grande distance qu’auparavant. de 45 gallons, du 341 Alsace
de ATA, l’Air Transport Auxiliary, J’étais bien au courant, cependant, (170 l) qui était En décembre 1944, le ML407 fut
organisation civile dont les pilotes que la plupart des pilotes sceptiques largué en cas transféré au Squadron 341 (Français
convoyaient les avions sortant d’usine quant à ce nouvel équipement préfé- de combat libres) – le groupe de chasse Alsace –
aérien ou dès
ou de réparation vers les unités de pre- raient utiliser le viseur conventionnel, et fut affecté au sergent Jean Dabos,
qu’il était vide.
mière ligne. qui était toujours incorporé sur l’écran futur pilote d’essai de la SNCASO,
Au Squadron 485, le ML407 du nouveau viseur. Normalement, on membre de l’équipe d’essai du
fut assigné au flying officer John ouvrait le feu à une distance inférieure Concorde et concepteur de deux
“Johnnie” Arthur Houlton. En juin à 250 yards [230 m] ; mais j’ai ajusté le avions de construction amateur. Le
1944, cet escadron était basé à Selsey, viseur gyroscopique pour une cible à chasseur reçut alors le code de fuse-
l’aérodrome le plus proche des plages 500 yards avec un angle de déflexion lage NL-D. NL parce que ce doublet
de Normandie, à l’extrémité d’une de 45°, positionné la mire sur le moteur était celui affecté au 341 par la RAF,
péninsule. Le Jour J, le 485 reçut pour droit de l’avion ennemi et tiré une ra- et D… parce que c’était la seule lettre
mission d’effectuer quatre patrouilles fale de trois secondes. Le moteur s’est encore disponible quand Jean Dabos
sur les plages du Débarquement, la désintégré, un incendie s’est déclaré ; avait rejoint le 340 quelques mois plus
première dès les premières lueurs deux membres d’équipage ont sauté et tôt… ce qu’il prit au début comme
du jour. Mais le ML407, alors codé l’avion a plongé de façon très abrupte une charmante attention… mais il
OU-V, ne put prendre part à cette pre- pour aller s’écraser sur une route, ex- apprit – bien plus tard – que le D était
mière patrouille, son hélice ayant été plosant à l’impact. la seule lettre disponible. Personne ne
endommagée après avoir malencon- Le Grand Quartier général dési- la voulait car elle avait la réputation
treusement rencontré le bureau que gna ce Ju 88 comme le premier avion de porter la poisse ! Le mécanicien
l’officier des Opérations avait sorti de ennemi abattu depuis que le débarque- Ken Gilham fut par la suite affecté au
son bâtiment pour l’installer au milieu ment avait commencé, plaçant ainsi le ML407, devint l’ami de Jean Dabos,
des avions. Son hélice fut néanmoins et eut un jour l’idée de peindre sur
réparée à temps pour les patrouilles le capot gauche du moteur un bébé
de l’après-midi. hurlant habillé tout de jaune, soit en
Dans son livre Spitfire Strikes,
Johnny Houlton raconta : “En milieu “ Le moteur s’est anglais un yellow baby – bébé parce
que Dabos était le plus jeune de l’esca-
d’après-midi [du Jour J], j’ai mené la
Section Blue pour ce qui était la troi-
désintégré, un incendie dron, jaune parce qu’il volait au sein de
la section jaune (Yellow Section, les
sième patrouille de la journée. Au sud
d’Omaha beach, sous une couche s’est déclaré […] sections étaient distinguées les unes
des autres à la radio par une couleur),
peu épaisse de cumulus épars, j’ai hurlant parce que Jean Dabos avait
aperçu un Ju 88 au-dessus de nuages l’avion a plongé ” du caractère ! Puis le ML407 passa
44
Le ML407 ne fut pas utilisé, restant
entreposé à Cricklewood. En avril
1970, Tony Samuelson vendit ses
quatre “Spitfire” et un “Hurricane”
en état de vol à Sir William Roberts.
Le ML407 fut transporté jusqu’à une
ferme à Flimwell et, plus tard, la cel-
lule fut déménagée à Shoreham, avant
de rejoindre la Strathallan Collection
de Sir William Roberts en Écosse.
Construction de voitures
de course et de yachts
M L407 fut acquis par le
Britannique Nick Grace le 9 août 1979
et immatriculé G-LFIX le 1er février
1980 à St Merryn, en Cornouailles.
Ingénieur-concepteur et pilote, Nick
DR
Le “Spitfire” Grace avait participé au développe-
au Squadron 308 (polonais), au 349 et les “Spitfire” suivirent. La plupart ML407, ment de la voiture de course Ginetta
(belge), au 345 (Français libres), au des Tr.9 furent transférés à l’école converti au G4 avec les frères Walklett. Puis il
332 (norvégien) et revint au 485. de formation technique au sol de standard Tr.9 avait déménagé en Australie où il
Après la guerre, le ML407 fut Baldonnel, ce qui fut le cas du ML407/ pour l’Irish Air avait conçu et construit sa propre voi-
expédié chez Vickers qui, en juin et IAC162 après qu’il eut effectué son Corps, dans les ture Brolga et pris part à des courses
juillet 1951, le convertit au standard dernier vol au sein de l’IAC le 8 juillet années 1950. avec un certain succès, après quoi il
“Trainer” IX (ou Tr.9, biplace d’en- 1960. Les biplaces furent utilisés en avait œuvré dans la construction de
traînement) et le tant que cellules yachts de luxe avant de revenir au
livra le 30 juillet à pédagogiques Nick Grace, Royaume-Uni et de lancer sa propre
l’Irish Air Corps pour la formation qui a restauré entreprise de construction de yachts à
(IAC) qui lui des mécaniciens. le ML407, est Guernesey, construisant des yachts de
décédé dans
affecta le code de Le 4 mars 1968, 40 pieds (12 m) selon les plans de Van
un accident de
fuselage IAC162. le ML 407 fut de Stadt. En 1979, il avait vendu cette
voiture en 1988.
Les “Spitfire” Tr.9 vendu à la société entreprise très prospère avec laquelle
furent utilisés pour Samuelson Film il avait également construit un yacht de
former des pilotes Services de Tony course de 9 m qui remporta les cham-
pour la flotte de Samuelson, un pionnats nationaux néerlandais.
“Seafire” de l’IAC collectionneur qui Le ML407 effectua son premier
et le cours com- fournissait des vol après restauration depuis l’aéro-
prenait la pratique avions à la Battle Deuxième essai drome de St Merryn le 16 avril 1985,
du tir, car bien que of Britain Film du “Merlin” aux mains de Nick Grace, avec sa
les Tr.9 fussent des
V R
IA G
ICHARD RACE
Company, qui s’ap- du ML407 femme Carolyn en place arrière. Le
avions d’entraînement, ils étaient équi- prêtaient à tourner le film The Battle restauré, en fils du couple Grace, Richard, était
1985. Dick
pés de deux mitrailleuses Browning of Britain (La Bataille d’Angleterre). alors âgé de neuf mois. Au cours
Melton est aux
.303, une dans chaque aile. Samuelson acheta en tout quatre Tr.9 de la restauration, Nick Grace avait
commandes,
Quelques années plus tard, l’IAC à l’IAC, dont deux étaient en état de modifié les verrières afin d’adoucir
Carolyn Grace
retira du service sa flotte de “Seafire” vol et furent utilisés pour le tournage. les lignes du biplace ; il avait pour
▲
en place arrière.
45
“SPITFIRE” MATRICULE ML407
Première boucle
en “Spitfire”
Pour autant, le biplace n’allait
pas, lui, être arrêté de vol. Car dix ans
auparavant, son fils Richard avait été
lâché sur “Spitfire” – sur ce “Spitfire”.
Il est aujourd’hui le patron de Air
Leasing, à Sywell, une société qui
entretient et fait voler une douzaine
de warbirds qu’il a tous pilotés. “ J’ai
grandi au milieu des avions, explique-
t-il. J’ai fait mon premier vol à l’âge de
18 jours, sur les genoux de ma mère,
dans le Stampe SV-4 familial, imma-
triculé G-AXNW, que nous avons
toujours. J’ai tenu les commandes À l’automne
dès que j’ai pu les attraper ! Mon dernier, le
défunt père a terminé la restauration “Spitfire” ML407
du ML407 avant que soit fêté mon a retrouvé les
premier anniversaire. Tout le temps marquages qu’il
où j’ai grandi, j’ai passé quasiment porta au sein du
chaque week-end sur un aérodrome Squadron 341,
ou à un spectacle aérien – ce qui m’a lorsqu’il était
toujours poussé à atteindre un stan- piloté par
dard similaire à celui de ses pilotes qui le défunt
ont bercé ma jeunesse. Jean Dabos.
▲
XAVIER MÉAL
46
47
“SPITFIRE” MATRICULE ML407
Richard Grace
a deux ans sur
cette photo ;
chiffon en main,
il astique le
“Spitfire” de
son père lors du
spectacle aérien
Fighter Meet à
West Maling.
Carolyn et
Richard Grace.
DARREN HARBAR
N
ovembre 1918. La France survécu : Istres, pour la formation de
fait figure de première base, et Bordeaux pour le perfection-
puissance aérienne mon- nement au tir. L’hémorragie humaine
diale tant par le nombre est énorme et contraste avec la situa-
de ses avions que par la tion d’abondance matérielle qui ne
qualité de ses personnels. Ses forces fait que s’amplifier. Six à huit types
armées disposent d’un parc aérien d’avions dépassés – dont les célèbres
colossal de 12 000 appareils. Près de Spad XIII de chasse et Breguet 14B2
12 300 pilotes sont mobilisés dans de bombardement – ont été progres-
l’Aéronautique militaire et environ sivement retirés du service. Mais
650 dans la Marine. Mais les appa- souvent, ces retraits ont grossi des
Animée à
rences sont trompeuses. Seuls 4 100 réserves déjà pléthoriques. Qui plus
Villacoublay par
avions équipent “en ligne” les esca- est, par crainte du chômage, l’achat
l’as de la voltige
drilles de l’Aéronautique militaire et d’avions neufs n’a pas brutalement Alfred Fronval,
de l’Aéronautique maritime. Le dif- cessé : de novembre 1918 à octobre l’école Morane
férentiel – quelque 8 000 autres ! – se 1919, l’État a passé commandes de est en 1922
répartit entre les réserves, les dépôts 1 700 appareils (prototypes et petites l’un des centres
et les écoles où leur nombre est éva- séries) et de 3 200 moteurs s’ajoutant de pilotage
lué à 3 000. Passé l’euphorie de la vic- aux 20 000 stockés ! subventionnés
toire, un vaste plan de démobilisation les plus réputés
a été engagé. En quelques mois les Liquider les excédents par la qualité de
effectifs ont fondu et, fin 1920, il ne
reste que 2 500 pilotes militaires en
et renouveler le parc ses matériels et
son faible taux
fonction. Beaucoup ont été remerciés Arrivé aux affaires en janvier d’accidents. Son
sans ménagement, d’autres, restés 1920, le cabinet Millerand reprend parc se compose
sous les drapeaux, ont rejoint leurs les choses en main. Supprimé un an essentiellement
armes d’origine (infanterie, cavale- plus tôt, le sous-secrétariat à l’Aé- de “Parasol”
rie, artillerie, etc.). Des sept écoles ronautique renaît de ses cendres, type AR, futur
militaires de 1918, seules deux ont rattaché au ministère des Travaux MS.35 EP2.
▲
DR/COLL. B. BOMBEAU
50
51
AVIONS-ÉCOLES MILITAIRES
52
1920 : l’Aéronautique se réorganise
Le nouveau sous-secrétariat d’État de l’Aéronautique et des Transports aériens
de Pierre-Étienne Flandin centralise les besoins exprimés par les différents
ministères et organismes étatiques (ministère de la Guerre, de la Marine, Colonie,
Transport, Postes) qui se partagent l’ensemble du domaine aéronautique.
Il chapote également un puissant Service technique de l’Aéronautique (STAé)
dont les compétences s’étendent de la passation des commandes (prototypes)
aux règlements des marchés. Au stade de la production, le Service des
fabrications de l’Aéronautique (SFAé) assure le contrôle des commandes et de
la fabrication en usines. Il passe les marchés de séries et opère les paiements.
Dans cette organisation complexe, l’Aéronautique militaire (hors Aéronautique
maritime) est rattachée au ministère de la Guerre dont elle constitue la
12e Direction de l’Aéronautique militaire. À ses côtés, mais sous l’autorité directe
du ministre de la Défense, cohabite l’Inspection générale de l’Aéronautique
militaire qui établit les programmes et définit les règlements des concours.
Pierre-Étienne Placés en porte-à-faux entre décideurs (politiques et militaires) et fournisseurs
Flandin le (industriels et équipementiers) souvent (trop) proches, les services techniques
23 octobre évoluent dans un climat de défiance qui n’encourage pas l’innovation ni ne
1920. contrecarre efficacement l’aspect spéculatif de certains marchés.
DR/ ROLL
faut de nouveaux avions pour une la vingtaine d’entreprises qui, pour tout autre – le Rhône 9C de 80 ch
nouvelle génération d’aviateurs. l’heure, ne survivent que grâce aux et l’Hispano-Suiza 8Ab de 180 ch,
Surfant sur les bonnes disposi- subsides de l’État. disponibles en abondance. Même
tions de la Chambre, le ministère Chez les motoristes, l’annonce au regard des royalties attendues
de la Guerre, en accord avec le suscite des réactions plus mitigées. d’un déstockage massif, l’affaire est
sous-secrétariat d’État, confie à Depuis la guerre, l’augmentation à l’évidence moins lucrative pour
l’automne 1922 à l’Inspection gé- de puissance occupe les bureaux les motoristes qu’elle ne l’est pour
nérale de l’Aéronautique militaire d’études. Mais il n’est nul besoin les avionneurs. Mais ceux-ci ne
l’organisation du premier grand de chevaux supplémentaires pour sont pas trop inquiets. Gnome et
concours de l’après-guerre pour des avions-écoles pouvant se satis- Rhône, qui a évité de peu la faillite
l’achat d’avions-écoles “devant faire des centaines de propulseurs en 1921, voit ses affaires reprendre
répondre aux différentes phases sans emploi qui encombrent les avec la licence de l’excellent
d’apprentissage et de perfection- réserves. L’occasion est trop belle Bristol “Jupiter” (9 cylindres en
nement d’une aviation moderne”. d’assécher les stocks. Le règlement étoile de 400 à 500 ch) britannique
Pour l’industrie c’est une aubaine. du concours impose donc pour très apprécié sur le marché civil.
Un tel concours est à la portée de seuls moteurs – et à l’exclusion de Hispano-Suiza, qui domine le seg-
▲
L’Aéronautique militaire termine la guerre avec près de 1 100
Spad VII et XIII en service dans une soixantaine d’escadrilles.
Dès 1919, les Spad VII sont versés dans la réserve et de
nombreuses unités disparaissent, à l’image de la SPA 151
(photo) dissoute le 3 avril de cette même année.
53
AVIONS-ÉCOLES MILITAIRES
DR/COLL. B. BOMBEAU
DR/COLL. B. BOMBEAU
Parmi les
ment militaire des 300 ch en ligne, avions rescapés
s’estime bien placé pour équiper du conflit,
l’ensemble des chasseurs du pro- figurent un
gramme C1 (chasse monomoteur) grand nombre
émis en 1922. de Breguet
14A2 dont
Trois catégories dans certains, une
fois désarmés,
un même programme furent confiés à
La 12e Direction de l’Aéronau- Latécoère pour
tique militaire a bien fait les choses. sa ligne France-
Le concours est divisé en trois caté- Maroc.
gories distinctes :
– la première, dite EP2 (école de
pilotage biplace), réclame un avion
de début équipé du Rhône de 80 ch
sur lequel l’élève sera instruit puis
lâché ;
Dans les centres
– la deuxième, dite ET2 (entraî-
de formation
nement et transformation biplace), militaire, la
requiert “un avion plus puissant “casse” est
à moteur fixe” Hispano-Suiza de élevée du fait
180 ch pour préparer au passage sur des défaillances
des appareils performants ; matérielles ou
– la troisième, dite ET1 (entraî- d’une instruction
nement et transformation mono- trop empirique.
place), est destinée, en fin de cursus, Tous n’ont pas
à “l’apprentissage de la virtuosité et la chance de ce
de l’acrobatie”. Il devra être équipé pilote de MS.35
de l’Hispano-Suiza de 180 ch et pré- qui a terminé son
senter des qualités de vol proches de vol haut perché !
celles d’un avion de combat. Tout est bien qui
La décomposition du besoin en finit bien, élève
différentes phases constitue une et sauveteurs ont
première dans le domaine de la le sourire…
54
formation ; il adapte le cursus à des Un rotatif
degrés croissants de difficultés. Dans Rhône 9C de
son édition de juin 1923, le mensuel 80 ch d’un G-3 de
L’Aéronautique explique à ses lec- l’école Caudron
teurs : “Il faut en effet, à mesure que du Crotoy
l’élève se forme, atténuer certaines (Somme).
des qualités de stabilité quasi-auto- Aux commandes,
matique, grâce auxquelles l’appareil un officier de
pardonne presque tout au débutant, l’infanterie
mais qui ne sont pas sans nuire à ce coloniale, le
sens du pilotage faute duquel l’élève, lt Bon. L’aviation
abandonné aux appareils modernes, militaire n’est
serait à la merci du premier coup encore qu’une
dur.” Car “jamais sans doute”, pro- “arme” en passe
phétise l’auteur, “le pilotage d’un de devenir
avion militaire ne se réduira à tenir une “armée”.
DR/COLL. B. BOMBEAU
un cap indiqué par le navigateur”.
et élève, 160 kg ; instrumentation, Cette logique de progression
Le STAé énonce 10 kg ; combustible, 65 kg) doivent aura aussi pour avantage de faciliter
pouvoir monter à 2000 m en moins de l’entretien et de limiter la disparité
les règles 20 minutes avec un régime moteur ne des rechanges, sans toutefois perdre
Pour être autorisés à concou- dépassant pas 1 200 tr/min. Ceux de de vue “qu’un avion d’école est fait
rir, les avions doivent au préalable la seconde catégorie (ET2) avec un pour être cassé” (sic). D’où la préfé- Le biplace du
répondre aux exigences imposées moteur plus puissant et une charge rence donnée à “une construction type Spad 34bis
par le STAé : en premier lieu des de 320 kg (pilotes et élève, 160 kg ; se prêtant à des réparations faciles (F-AEAH n° 11)
essais statiques pour s’assurer de la instruments, 10 kg ; combustible, par éléments presque standardisés”. construit en
résistance de la cellule et du fonction- 150 kg), doivent atteindre 4 000 m en Autant d’exigences qui devraient 1921 et utilisé
nement des équipements, puis des moins de 30 minutes à 1 800 tr/min. encourager les avionneurs à pré- par l’école
essais en vol démontrant des vitesses Le règlement insiste également sur senter un appareil dans chacune Blériot de Buc.
ascensionnelles et horizontales supé- le fait que les appareils retenus pour des trois catégories. Une démarche Le Spad 34
rieures aux minimas imposés dans chaque catégorie devront “présenter plus théorique que pratique dans la fut le premier
avion-école
chaque catégorie avec un moteur entre eux le plus grand nombre de ca- mesure où peu d’entre eux ont anti-
produit à
tournant à plein régime. Ainsi les ractères communs afin que les élèves cipé, au stade de la fabrication, un
plus de 130
appareils de la 1re catégorie (EP2), ne se trouvent pas dépaysés quand ils aussi large besoin. Mais, à dire vrai,
exemplaires
à la pleine charge de 235 kg (pilote passeront d’un avion à l’autre”. le risque est minime. Perdants ou
▲
dès 1919.
DR/COLL. B. BOMBEAU
55
AVIONS-ÉCOLES MILITAIRES
DR/DOC. MAE
56
sont eux qui, les premiers, ont ouvert
une école au Crotoy dès 1910. À
partir de 1915, plusieurs milliers de
pilotes, français et étrangers, ont été
formés sur Caudron G-3 quand ces
biplans, devenus obsolètes, ont été
retirés du front. Depuis, les grands
marchés militaires leur échappent.
Comme Louis Blériot, les frères
Caudron ont misé après-guerre sur
une encore bien hypothétique avia-
tion commerciale. Lucide, René
Caudron n’en a pas moins poursuivi
l’étude de nouveaux avions-écoles
pouvant succéder aux quelque 2 500
G-3 construits jusqu’en 1922.
DR/COLL. B. BOMBEAU
Produit depuis
Hanriot : vrabilité en janvier 1923 au meeting 1917, le après adaptation de l’Hispano de
de Biskra, en Algérie. À ses com- 180 ch imposé. La célèbre firme de
une seconde jeunesse mandes, le jeune lieutenant Joseph
Nieuport 82 à
moteur Rhône Billancourt sort de la guerre avec un
Présente dans les trois catégo- Thoret a tenu l’air 7 h 03 min durant, de 80 ch, grand nombre de projets et un cheval
ries, la firme Hanriot propose pour moteur calé. Avec des variantes “af- surnommé de bataille, le bimoteur de transport
chacune d’elles le HD.14ter (EP2), finées” du HD.14 – qui a déjà séduit la “Grosse F.60 “Goliath”. Les frères Farman
le HD.19 (ET2) et le HD.27 (ET1). la Marine nationale dans sa version Julie”, compte sont d’authentiques précurseurs en
Créée avant-guerre par René et hydravion (HD.17 E2) –, la fi rme au nombre matière de transport aérien, mais
Marcel Hanriot, père et fi ls, cette qui, comme beaucoup d’autres était des vieux leurs ambitions s’expriment aussi
société, installée à Neuilly-sur- à deux doigts d’abandonner en 1920 matériels à dans le domaine de l’aviation et de
Seine, est en cours de déménage- toute activité aéronautique, se lance bout de souffle la formation. En 1919, ils ont conçu
ment à Carrières-sur-Seine, près de avec conviction sur le créneau de la présents dans le Farman “Sport”, un petit biplan
Versailles. Elle a connu le succès formation. les écoles de de 50 ch également baptisé “David”
avec son chasseur HD.1 commandé l’Armée et de par opposition au gros bimoteur
en grandes séries en 1916. Depuis, Farman : la Marine. “Goliath” de 520 ch. Plus spécia-
elle n’a produit que des prototypes lement destiné à leur propre école,
hormis son modèle HD.14 dessiné
de David à Goliath le F.80 qui est apparu deux ans plus
par l’ingénieur Pierre Dupont et Autre grand nom de la compé- tard, était un monomoteur biplace
déjà adopté par quelques écoles tition, l’entreprise Farman, n’aligne de 180 ch dit “de transition” pour le
privées. Le HD.14 est un classique qu’un type d’appareil, le Farman perfectionnement des pilotes bre-
mais robuste biplan de construc- F.85 proposé en catégorie EP2 vetés. Un savant croisement entre
tion bois et toile qui a démontré ses avec un moteur Rhône de 80 ch et, le F.80 et le petit “David” – mariage
qualités d’endurance et de manœu- éventuellement, en catégorie ET2 dont les bureaux d’études d’Émile
▲
Le petit Farman F.65 “Goliath”, motorisé avec
un Gnome et Rhône 9Z ou un Anzani de 60 ch,
se veut “l’avion de sport le plus sur et le plus
économique de sa catégorie”.
DR/COLL. B. BOMBEAU
57
AVIONS-ÉCOLES MILITAIRES
58
mier succès a encouragé l’entreprise à
poursuivre dans une formule devenue
sa marque de fabrique ; le monoplan à
aile “parasol”. Du GL.21 a été décli-
née une version allégée, le chasseur
GL.22 C1, dont Gourdou a extrapolé
un monoplace non armé d’entraîne-
ment avancé, le GL.22 ET1. Ces
nouveaux avions, robustes et per-
formants, séduisent l’Aéronautique
militaire et divers clients étrangers.
Décidés à les produire eux-mêmes,
Gourdou et Leseurre ont édifié en
1922 une première et modeste usine à
Saint-Maur-des-Fossés, dans la ban-
lieue est de la capitale, avec l’espoir
d’y produire le GL.22 dans ses ver-
sions chasse et entraînement.
Nieuport-Astra :
une page se tourne
Engagés en catégorie ET1, les
Avions Nieuport-Delage (société
Nieuport-Astra), concourent avec
le NiD.29 ET1, version allégée et
sous-motorisée du chasseur NiD.29
DR/DOC. MAE
Le Potez VIII.R C1 commandé en séries en 1920.
côte doté d’une voilure supérieure avion de sa conception, le GL.22 ET1 n° 125 dans sa Conçu par les ingénieurs Gustave
surbaissée et décalée vers l’avant. (ou GL.22 Et.). Née avant-guerre version Delage et André Mary, le NiD.29
L’appareil ainsi modifié et renforcé d’une rencontre entre deux jeunes “en tandem” à est le premier chasseur acquis
reprendra la désignation Po. VIII.R ingénieurs, Charles Gourdou et moteur Gnome après-guerre par l’Aéronautique mili-
(“R” pour Rhône) déjà attribuée fin Jean Leseurre, la firme est entrée et Rhône 9Z taire. Vainqueur d’un programme vi-
1921 au modèle équipé du 9Z. dans l’aventure aéronautique durant dévoilée en sant à renouveler la quasi-totalité du
la guerre avec l’étude et la réalisation novembre 1921 parc des monoplaces de chasse (C1)
Gourdou-Leseurre : d’un prototype particulièrement per- en marge du hérités du conflit, le NiD.29 constitue
formant (GL.b) d’abord refusé au 7e Salon de l’ossature des régiments d’aviation de
robustes et performants profit du Nieuport-Delage 29C1 puis l’aéronautique chasse (RAC) à partir de 1922. Doté
Cet avionneur ne dispose encore présenté à nouveau dans une version du Grand en séries de l’Hispano-Suiza 8Fb de
d’aucune capacité industrielle digne améliorée (GL.b2) qui a fait l’objet en Palais. 300 ch, l’avion ne présente pas des
de ce nom. Mais cela ne l’empêche 1922 d’une petite commande de série performances exceptionnelles mais
pas de présenter en catégorie ET1 un sous la désignation GL.21 C1. Ce pre- demeure apprécié pour sa vitesse
ascensionnelle et sa maniabilité, mal-
Le Gourdou et gré une fâcheuse tendance à la vrille
Leseurre GL.b, à plat. Décliné en versions de course,
monoplan à aile le NiD.29V (“V” pour vitesse) brille
haute, proposé
dans les grandes compétitions de
pour la chasse
l’après-guerre. Tous ces succès ont
en 1918. Malgré
encouragé le développement du
d’excellentes
performances,
NiD.29 ET1, “avion de transition
on lui préféra le entre les appareils de transforma-
plus classique tion biplaces et les plus modernes des
Nieuport NiD-29. chasseurs monoplaces”. La fi rme,
C1. très proche du motoriste Hispano-
Suiza, jouit d’une réputation inter-
nationale acquise sur les champs de
DR/DOC. MAE
DR/COLL. B. BOMBEAU batailles et aux premières places de
Le Nieuport- la Coupe Gordon-Bennett de 1920
Delage 29 C1 de et de la Coupe Deutsch de 1922.
300 ch était en Les 300 NiD.29 C1 commandés en
passe de devenir
1920 ont permis à Nieuport-Delage
en 1923 le
de surmonter les aléas financiers de
chasseur standard
l’après-guerre. Mais l’Aéronautique
français. Ses deux
mitrailleuses
militaire cherche désormais un suc-
Lewis de capot cesseur à ce chasseur “dépassé” mais
sont carénées sur pouvant prétendre à une seconde
les plus récents carrière comme avion d’entraîne-
modèles. ment avancé. ■
À suivre
59
LUTTE CONTRE LES FEUX DE FORÊTS
En service depuis 1982
La fin
des “Firecat”
français
Les Conair “Firecat” de la Sécurité civile
viennent d’être brutalement mis à
la retraite deux ans avant l’échéance
prévue, conséquence directe de la
découverte de failles dans les jambes
des trains d’atterrissages. Triste fin de la
longue histoire d’un avion brillant qui a
révolutionné la façon de lutter contre les
feux dans notre pays.
Par Frédéric Marsaly
DR/COLL. J. GUILLEM
F. MARSALY
Après 37 années
F
in juillet 2019, c’est non loin
de la base de Nîmes que les de service,
opérations accaparent les la flotte des
“Firecat” de la
avions de la Sécurité civile
Sécurité civile
et les pompiers du secteur.
vient de terminer
Une série de feux ont éclaté autour
brutalement sa
de Générac, à moins de 10 km de la carrière, deux ans
piste de Nîmes-Garons et de la nou- avant l’échéance
velle base de la Sécurité civile. Le prévue.
2 août, en fin d’après-midi, plusieurs
reprises de feu doivent être traitées.
Franck Chesneau, ancien pilote de
“Mirage” 2000N entré à la Sécurité
civile en 2008, pilote de “Tracker”
depuis 2015 et aussi pompier volon-
60
Le “Tracker” T2,
taire pour le SDIS (service dépar- toute la communauté des soldats du ici lors du Q uelques jours plus tard, le
temental d’incendie et de secours) feu et des aviateurs. Les hommages meeting de 13 août, alors qu’il est en courte
13, grimpe à bord du T22. Quelques sont nombreux et au cours d’une La Ferté-Alais fi nale à Cannes en fi n de journée,
minutes plus tard, il arrive sur le cérémonie émouvante, les pilotes en 1995, fut le pilote du T01 réduit les gaz et la
feu et effectue deux tours autour du de “Tracker” doivent porter le cer- l’un des tout turbine de droite se coupe immédia-
brasier afin de prendre les repères cueil de leur collègue et ami et le premiers tement sans raison. Bien que sans
et décider de son axe de largage. À remettre, recouvert du drapeau “Firecat” livrés conséquence sur la fi n de ce vol,
17 h 17, il s’aligne pour larguer mais, français, à une famille dévastée par à la France le phénomène est potentiellement
pour des raisons que l’enquête en la douleur, le chagrin, la stupéfac- en 1982 ; ayant inquiétant ; les avions sont arrêtés
cours déterminera, s’écrase brutale- tion. Mais les feux n’ont que faire gardé ses de vol quelques jours, le temps de
ment au sol et explose, ne lui laissant du deuil et très vite les missions pistons, il fut le déterminer l’origine du problème,
aucune chance de survie. reprennent, l’accident n’ayant pas premier mis à de changer la turbine fautive et de
Il est le premier pilote de la été, selon les premières constata- la retraite renvoyer l’avion à Nîmes pour une
Sécurité civile à tomber au feu de- tions, provoqué par une défaillance en 2006. analyse un peu plus approfondie
puis 14 ans. Le choc est violent dans de l’appareil. de son circuit carburant. Quelques
▲
61
“FIRECAT” FRANÇAIS
62
Les 19 “Firecat” et “Turbo T16 F-ZBFO
Firecat” français (1982-2019) S2F-1 BuAer n° 136510. Opérationnel avec l’US Navy de 1956 aux
années 1970. Il est transformé en “Firecat” et opère pour Conair
T01 F-ZBAZ
dans les années 1980. Il est livré à la France une fois passé en “Turbo
CS2F-2 DH57. Royal Canadian Navy de 1958 à 1969. Devient le
Firecat”, dont il est le premier exemplaire, en 1988. Il est perdu en
premier “Tracker” modifié bombardier d’eau en 1971. “Tanker” 59
Corse avec son pilote Jean-Marc Aubouy, le 25 août 1996.
pour l’Ontario de 1972 à 1977. Vendu à Conair, sert de prototype pour
le “Firecat”. Livré en France en 1982 comme T1. Turbinisé en 1995 il T17 F-ZBFE
devient T01. Dernier “Tracker” à voler en France le 17 décembre 2019. S2F-1 BuAer n° 136747. Construit pour l’US Navy en 1959 il est retiré
13 000 heures de vol. du service en 1971 et stocké. Racheté par Conair il est transformé
directement en “Turbo Firecat” et livré à la France en 1989.
T2 F-ZBAU
Il est perdu le 20 août 2005 à Valgorge avec son équipage
CS2F-1 DH32 (1958) pour la Royal Canadian Navy. “Tanker” 56 pour
Régis Huillier et Albert Pouzoulet.
l’Ontario de 1972 à 1977. Racheté par Conair, il est livré à la France
comme “Firecat” T2 en 1982. Il est retiré du service en 2006 sans T18 F-ZBFI
avoir été remotorisé. Exposé au musée de Saint-Victoret (8 600 heures S2F-1 BuAer n° 136474. Opère avec l’US Navy de 1956 à 1970.
de vol dont 4 600 comme bombardier d’eau.) Racheté à Davis Monthan par Conair, il est converti directement
en “Turbo Firecat” et livré à la France en 1990. Il est détruit par un
T3 F-ZBAT
incendie accidentel le 19 juin 1996 alors qu’il est en maintenance à
CS2F-1 DH29. Royal Canadian Navy de 1957 à 1970. “Tanker” 53 pour
Marignane.
l’Ontario jusqu’en 1977. Racheté par Conair, il est converti en “Firecat”
et livré en France en 1982. Il est perdu avec son pilote Philippe Gallet le T19 (ex-T10) F-ZBBL
24 septembre 1990 au cours d’un feu en Corse. S2F-1 BuAer n° 136717. US Navy jusqu’en 1980. Racheté et modifié
par Conair, il est livré comme T10 en 1986. Il revient en 1991 comme
T4 F-ZBEG
“Turbo Firecat” devenu désormais T19. Il est détruit le 19 juillet 2005
S2F-1 BuAer n° 136504. US Navy de 1958 à 1980, il est revendu à
dans le Var après 12 445 heures de vol au cours d’une opération contre
Conair en 1982 pour être transformé en “Firecat” puis livré à la France
un feu, son pilote sortant de l’accident miraculeusement indemne.
en 1983. Il est perdu en mission le 18 juin 1989 causant la mort de son
pilote Christian Lallement. T20 F-ZBEH
S2F-1 BuAer n° 136501. Vole pour l’US Navy de 1957 à 1974. Revendu
T5 F-ZBEH
à Conair il est livré en France comme “Turbo Firecat” en 1991 et vole
S2F-1 BuAer n° 136451. US Navy de 1956 à 1980. Revendu à Conair
jusqu’en septembre 2019. Environ 14 000 heures de vol.
et modifié en “Firecat” il est livré à la France en 1983. Il est revendu à
Conair en 1989 où il vole comme T74 jusqu’en 2012 avant d’être retiré T22 F-ZBAA (ex-T14)
du service et stocké à Abbotsford. S2F-1 BuAer n° 136547. US Navy de 1958 à 1974. Racheté par Conair,
modifié en “Firecat” puis livré comme T14 à la Sécurité Civile en 1987.
T6 F-ZBEI
Il est converti en “Turbo Firecat” en 1993 et revient comme T22. Il est
S2F-1 BuAer n° 136448. US Navy de 1957 à 1981. Vendu à Conair en
détruit le 2 août 2019 lors d’un feu à Générac, causant la mort de son
1982 et livré à Marignane en 1983. Il est perdu à Gignac le 20 août
pilote Franck Chesneau. L’avion avait environ 15 000 heures de vol.
1985 avec son équipage Michel Brousse et Charles Daussin.
T23 F-ZBCZ
T07 F-ZBEY
CS2F-2 DH94. Vole pour le Canada de 1958 à 1990. Transformé
S2F-1 BuAer n° 136491. US Navy de 1957 à 1973 puis stocké à
directement en “Turbo Firecat”, il opère pour Conair de 1992 à 1996
l’Amarc (Aircraft Maintenance And Regeneration Center*). Racheté
comme “Tanker” 577 avant d’être livré comme T77 à la Sécurité civile.
par Conair et transformé en “Firecat” il est livré à Marseille en
Il devient T23 en 1997. Il vole jusqu’à septembre 2019 atteignant
1984 comme T7. Remotorisé en 1996 il devient T07. Dernier vol
19 000 heures de vol.
en septembre 2019 après environ 16 000 heures de vol. Il doit être
préservé sur l’aérodrome d’Aubenas en Ardèche. T24 F-ZBMA (Ex-T9 F-ZBEX)
S2F-1 BuAer n° 136552. US Navy de 1957 à 1980. Transformé en
T8 F-ZBEZ
“Firecat” il est livré à la Sécurité civile comme T9 en 1985. Il est
S2F-1 BuAer n° 136409. Construit en 1957 il sert l’US Navy jusqu’en
transformé en “Turbo Firecat” en 2000 et devient T24. Il fait son dernier
1980. Modifié en “Firecat” par Conair, il est livré à la France en 1984.
vol en septembre 2019 en ayant dépassé les 16 000 heures de vol.
Il est perdu lors d’un exercice le 23 juin 1987, tuant son pilote Marc
Favallelli. * Centre de stockage et de maintenance d’avions de l’USAF situé
à la Davis-Monthan Air Force Base à Tucson, dans l’Arizona
T11 F-ZBEW
S2F-1 BuAer n° 136712. US Navy de 1958 à 1979. Il est
modifié en “Firecat” par Conair et livré en 1987. En 1994 il
devient “Turbo Firecat”. Il est retiré du service en octobre
2018 avec près de 17 000 heures de vol.
T12 F-ZBDA (ex-T21)
S2F-1 BuAer n° 136658. US Navy à partir de 1957. Acheté par
Conair et modifié en “Firecat”, il est livré en France en 1987
comme T12. Remotorisé en 1992, il revient comme T21 mais
est rebaptisé rapidement T12. Après environ 17 000 heures
de vol, il est victime d’une rupture du train d’atterrissage à
Béziers le 8 septembre 2019.
T15 F-ZBET
S2F-1 BuAer n° 147559. Construit en 1959, il vole pour l’US
Navy jusqu’en 1981. Racheté par Conair il est livré comme La rupture du train du T12 à Béziers en septembre
“Firecat” en 1987. Remotorisé en 1989 il reste opérationnel F. M
ARSALY 2019 a eu des conséquences considérables.
jusqu’en septembre 2019. Environ 15 000 heures de vol.
63
“FIRECAT” FRANÇAIS
de délais étaient nécessaires pour simple. Ce n’est pas tant qu’ils étaient
obtenir ces pièces à un prix relative- parfaitement adaptés à leur mission,
ment élevé, légèrement inférieur à le guet aérien armé (GAAr), c’est
100 000 dollars l’unité (89 260 euros). simplement que ce sont leurs qua-
Les nouvelles découvertes signi- lités intrinsèques qui ont mené à la
fiaient qu’il fallait sans doute réé- création de cette mission !
quiper au moins cinq avions, dont D’un concept d’attaque initiale
un devait quand même être retiré rapide, décollant sur alerte pour vite
à l’issue de la prochaine saison. À circonscrire les départs de feu, les
l’heure où les dépenses inconsidé- performances du “Tracker” ont fait
rées de l’État peuvent causer d’im- qu’il est devenu possible de monter
menses scandales publics, mettre des patrouilles d’intervention au-
à la retraite des avions récemment dessus des zones à risques, prêts à
équipés à prix d’or de train d’atter- détecter les fumées – à 10 000 pieds
rissage neufs pouvait nécessiter une (3 050 m) elles se voient de très loin –
certaine réflexion d’autant plus que pour effectuer les premiers largages
le constructeur ne proposait aucune au retardant dans la foulée. Concept
solution de maintenance pour endi- couronné de succès, permettant de
guer le phénomène de criques. circonscrire les feux à de petites
surfaces, les largages de retardant
Une succession stoppant le feu ou le ralentissant
suffisamment pour laisser le temps
longue et délicate aux pompiers d’arriver sur les lieux.
En janvier 2020, Conair émet un Aujourd’hui, trouver un bitur-
bulletin de service statuant qu’en bine biplace mais utilisable en mono-
l’état, les avions ne peuvent plus vo- pilote pouvant voler plusieurs heures
ler avec les trains à plus de 320 km/h et
présentant ces emportant au moins
phénomènes de 3 500 l de retardant,
crique. La DGA capable de fréquenter
publie ensuite sa des pistes courtes pour
B
ENJAMINK ADOUCH
consigne de navi- 5 700 euros l’heure de
gabilité “valant vol, (coût donné par deux accidents en 2005 et le retrait
interdiction de un récent rapport par- du dernier avion à moteurs à pistons
vol” le 12 février. lementaire), relève de l’année suivante ont réduit la flotte à
D u côté des la gageure. La plaque neuf avions. Dash et Canadair sont
pilotes, aucune il- P eu coûteux et constructeur alors régulièrement sollicités pour
lusion. Après plu- emportant un peu plus à bord du T01. assurer des missions de guet aérien
F. M
ARSALY
sieurs semaines de 3 000 l de retardant, armé. Le retrait du T11 en 2018 et les
passées au sol et pratiquement le monoturbine AT-802F est l’appa- deux accidents de 2019 ne laissaient
certains que personne ne prendra reil qui s’approche le plus de certains donc que six avions opérationnels.
la décision d’acheter à prix d’or ces critères essentiels, mais l’évaluation Le T2 au
jambes de train neuves, les chefs de à l’été 2013 de deux exemplaires a musée de
Saint-Victoret
La Sécurité civile en
secteurs Canadair et Dash s’orga- mis en exergue leur lenteur, incom-
nisent pour intégrer les pilotes res- patible pour un appareil devant est désormais sous-effectif opérationnel
exposé en
tant du secteur “Tracker” au sein de intervenir rapidement. En 2017, l’émission d’un appel
extérieur. Nous
leurs effectifs respectifs. Seuls deux Et la situation est devenue ten- d’offres pour la succession du
souhaitons
pilotes, trop proches de l’âge de la due. Si le secteur “Tracker” comptait que ce soit
Grumman ne laisse guère de doute :
retraite, sont reclassés au sol dont le 12 avions au début des années 2000, temporaire.
ce sont six Dash 8Q400MR supplé-
chef de secteur, 22 ans de “Tracker”, F. MARSALY
mentaires qui étoffent la flotte et Les 15 années d’expérience vécues semble-t-il, jamais été considérée
prennent à leur compte la mission au sein de la Sécurité civile avec les sérieusement. En attendant la livrai-
des “Tracker”. Deux avions de ce deux premiers avions semblent avoir son de la dotation complète, deux
type, entrés en service en 2005 au été concluantes. Dash (Milan 75 et 76) seulement
cœur d’une polémique, ont, depuis Néanmoins, les pilotes du sec- ont été livrés pour le moment, et la
15 ans, assuré des missions variées teur “Tracker” n’ont jamais caché Sécurité civile se retrouve en sous-
de transport, évidemment, mais qu’ils auraient adoré recevoir de effectif opérationnel pour au moins
aussi d’intervention feu de forêt dans nouveaux “Tracker” sur le modèle deux saisons.
les Alpes, en Corse, à la Réunion, des S-2T de Californie, l’opérateur La fin brutale des “Firecat” fran-
là où on disait qu’ils ne pourraient Dyncorp ayant sorti un appareil çais à l’issue d’une saison dramatique
pas intervenir en raison de leur fac- quasi neuf en 2018 pour remplacer et à deux ans de l’échéance prévue est
teur de charge limite plus faible que un avion perdu en 2014 (voir Le Fana un triste épilogue pour une histoire
les autres avions. Plus rapide, plus de l’Aviation n° 585 d’août 2018). pourtant marquée du sceau de l’effi-
puissant, le Dash 8 ne remplacera Mais si la présentation de l’avion et cacité. Sur les 19 appareils utilisés, six
pas les “Tracker” poste pour poste de ses qualités a enthousiasmé les demeuraient disponibles à Nîmes au
mais va assurer la continuité de leur équipages, du côté de la direction moment où le couperet est tombé
mission avec plus de polyvalence. et du pouvoir politique l’option n’a, (lire encadré page 63). ■
F. MARSALY
Le T7 sera
bientôt exposé,
à l’initiative
des pompiers
ardéchois, sur
l’aéroport de
Lanas à Aubenas.
65
HISTOIRE
L’attaque de la frégate Stark
par un “Falcon” 50 irakien
le 17 mai 1987
Nuit de feu
dans le Golfe
Troisième partie.
Bien qu’il fût doté des systèmes les plus
performants pour détecter, leurrer ou
neutraliser les missiles antinavires, le Stark
ne sut faire face. Il panse maintenant
ses plaies. Le “Falcon” 50 se fait discret,
mais n’a pas dit son dernier mot…
Par Hugues de Guillebon
T
rès vite, les autorités améri- de cette zone, dans les eaux interna-
caines décident de la mise tionales (position exacte déterminée
en place d’une commission par satellite : 26°47’ N/51°55’ E). Les
d’enquête pour faire toute discussions sont serrées et la commis-
la lumière sur les circons- sion d’enquête demande à avoir accès
tances de la tragédie. Fin mai 1987, à l’appareil et à tout le personnel mili-
trois délégations américaines arrivent taire irakien ayant été mêlé de près ou
dans le Golfe. Deux sont des déléga- de loin à l’attaque, à commencer par le
tions de l’US Navy, la troisième est pilote qui a tiré sur le Stark. Le pou-
composée de sénateurs américains voir irakien refuse catégoriquement.
(Jim Sasser, John Warner et John Le pilote, protégé par Bagdad, reste
Glenn, l’ancien astronaute). caché ; il revolera par la suite. C’est
La première est dirigée par le Mowafak, chef adjoint du 81e esca-
contre-amiral David Rogers et se dron de “Mirage” F1EQ5, qui fait
rend à Bagdad le 25 mai pour ren- partie de la délégation côté irakien (1).
contrer les autorités irakiennes. Dès
le 21 mai, avant même que l’enquête Une version officielle qui
ne démarre, l’Irak donne son accord
de principe sur un dédommagement
a du mal à convaincre
pour les pertes en vie humaines et L’un des points précis à vérifier
les dégâts matériels provoqués par par les enquêteurs est “la capacité du Un phénix. Après
l’attaque. Un accord préliminaire “Mirage” F1 à emporter deux missiles avoir “disparu
est conclu pour “éviter que de tels “Exocet”.” Le “Falcon” 50 n’est bien des écrans
drames ne se reproduisent”, dit le sûr jamais évoqué ; ce nouvel atout radar” pendant
communiqué. Par contre, des diver- secret de Saddam Hussein dans “la une quinzaine
gences apparaissent quant à la posi- guerre des pétroliers” ne doit en aucun d’années, le
tion exacte du Stark, les Irakiens sou- cas être révélé. Officiellement, c’est un “Falcon” 50
tenant qu’il se trouvait à l’intérieur seul “Mirage” F1EQ5 qui a tiré par n° 122 réapparaît
de la zone de guerre au moment de erreur les deux “Exocet” sur le Stark.
▲
le 5 juin 2012
l’attaque, d’où la méprise du pilote à Mehrabad.
du “Falcon”. Ce point sera contredit Le nez de F1 a
par les relevés satellites du navire (1) Pour vivre toute l’enquête du côté disparu mais les
irakien, on se reportera à l’ouvrage
qui prouveront qu’il se trouvait en passionnant de Jean-Louis Bernard Les quilles ventrales
réalité à 40 km environ à l’extérieur Héros de Bagdad aux Éditions JPO, 2017. sont toujours là.
BABAK TAGHVAEE
66
67
“FALCON” 50 À L’ATTAQUE
Deux marins du
Stark, Hansen et
Rupe (à droite),
au milieu des
dégâts. Le trou
fait dans la
coque par le
deuxième missile
est nettement
visible (flèche).
68
travaux de réparation. Avec l’aide de
conseillers techniques, cette déléga-
“ Les Américains de donner l’alerte à temps. Seule une
identification visuelle a permis de le
tion mène une enquête précise sur tout
le déroulement de l’attaque. étaient dans une zone de faire, mais il était déjà trop tard. De
plus, les survols de bâtiments amé-
Le rapport officiel américain fi- ricains par des chasseurs irakiens
nira par conclure : “Les deux missiles
de croisière antinavire “Exocet “ont
guerre mais se croyaient étaient monnaie courante dans le
Golfe à cette époque, sans que ces
été tirés par un unique chasseur ira-
kien “Mirage” F1. L’attaque n’a pas été
invulnérables…” situations ne dégénèrent. À ce sujet,
le commandant du O’Bannon témoi-
provoquée et était non ciblée. L’USS gnera lors des enquêtes : “En janvier
Stark était – et a toujours été – dans graves et de laxisme qui ont conduit à 1987, tous les jours, des chasseurs ira-
les eaux internationales, en dehors la catastrophe. Compte tenu de circons- kiens nous survolaient à 150 m d’alti-
des zones de guerre déclarées par les tances atténuantes comme l’attaque tude par deux, et ce deux fois par jour.
Irakiens et Iraniens.” surprise d’un pays considéré comme Nous n’avons jamais été illuminés
“ami” et du comportement héroïque de par leurs radars et nous ne les avons
Les systèmes de défense tous pour sauver la frégate, ils ne seront jamais illuminés non plus. Nous les
pas traduits en cour martiale. Il leur contactions simplement par radio et
non actionnés sera notamment reproché une “phi- nous leur donnions notre position ;
Dès la fin de ces enquêtes, le 19 juin losophie de commandement exagéré- ils savaient ainsi exactement où nous
1987, trois officiers supérieurs de la fré- ment conservatrice”. Comme le dira un étions. Même s’ils n’avaient aucune
gate sont relevés de leurs fonctions : le Français présent en Irak : “L’équipage intention belliqueuse à notre encontre,
capitaine de vaisseau Glenn Brindel du Stark n’avait même pas ses systèmes nous restions vigilants et gardions tou-
ainsi que deux de ses principaux de défense en alerte ; les Américains jours un œil sur eux, avec le support
officiers, le commandant en second étaient dans une zone de guerre mais de l’“Awacs”. Les pilotes irakiens ne
Raymond Gajan et l’officier de quart- se croyaient invulnérables…” s’occupaient pas de nous ; ils faisaient
opérations Basil Moncrief, en raison Pour sa défense, Glenn Brindel simplement leurs “petites affaires”
“d’un manque de confiance” à leur mettra en avant la déficience des sys- dans le golfe.”
égard, annonce le Pentagone. Ils sont tèmes radar qui n’ont pas permis de Quand les Américains appren-
reconnus coupables de négligences détecter les “Exocet” en approche et dront-ils la vérité sur l’affaire du
69
“FALCON” 50 À L’ATTAQUE
70
RNE
DHO
ENT
VINC
atelier Acadia pour lui permettre de sera ensuite découpée pour en extraire Bernard, mais les Irakiens “jouaient le
regagner en toute sécurité et par ses l’explosif coulé, de l’héxolite 60/40. Les jeu”. Quant au “Falcon”, il ne pouvait
propres moyens les États-Unis en juil- marins ont été chanceux… Comme déjà plus être utilisé dans les missions
let. Durant ce chantier, deux éléments le raconte Scott Cummings : “Dans antinavires car la découverte de son
de l’“Exocet” n° 1 non-explosé sont notre poste d’équipage en dessous, où existence aurait contredit toute la ver-
retrouvés dans le deuxième pont du étaient aussi Michael O’Keefe et Gary sion irakienne sur l’attaque du Stark.”
Stark : un petit morceau de l’enveloppe Goodale, c’est moi qui occupais le lit Pendant ce temps, en France,
du missile et, surtout, la charge mili- du haut, ma tête étant située juste sous parmi ceux qui connaissent cet avion,
taire de 165 kg intacte… Cette charge la charge militaire non explosée…” le lien est immédiatement établi entre
militaire n’est pas immédiatement Le 3 juillet 1987, escorté par trois l’attaque du Stark et le “Falcon” 50, cet
identifiée comme telle. Les marins qui autres navires, le Stark quitte Manama appareil étant le seul capable d’accom-
dégagent les débris pensent d’abord à avec les deux tiers de l’équipage pour plir une telle mission. “Ils y sont allés
un morceau du navire endommagé. un voyage retour vers les États-Unis. forts…” diront certains. Cette bavure
Certains vont même jusqu’à taper des- Le tiers restant rentre en avion C-141 ne faisant l’affaire de personne, la dis-
sus avec un marteau en passant dans “Starlifter” le même jour, ce qui lui crétion sera de mise…
le couloir ; d’autres pensent la récupé- permet de relever l’équipage après sa Mais l’existence d’un tel appa-
rer comme souvenir… Elle a pour- traversée vers Mayport en Floride, reil n’est pas totalement inconnue
tant une forme très caractéristique : son port d’attache, à partir du 5 août. de certains journalistes de défense
ogive munie de crocs pour créer des Puis le Stark subit une reconstruction bien informés qui le font figurer en
amorces importantes de déchirure sur complète au chantier naval Ingalls 1990, au moment de l’invasion du
la coque du navire et éviter les rico- de Pascagoula et restera en service Koweït, à l’ordre de bataille irakien.
chets lors d’impacts sous incidence jusqu’en 1999. Un “Falcon” à capacité “Exocet” est
rasante ; paroi munie de mini-charges évoqué dans diverses publications,
creuses pour augmenter le pouvoir de “Ils y sont sans toutefois que l’on sache préci-
perforation dans les ponts successifs et sément s’il s’agit d’un “Falcon” 20 ou
les cloisons intérieures.
allés fort” 50 (voir Le Fana de l’aviation n° 251
Elle sera transportée avec précau- Dès l’annonce de l’attaque du et Aviation Magazine International
tion à bord de l’Acadia où des marins Stark, les Irakiens suspendent les n° 1012). Par la suite, d’autres auteurs
passeront plusieurs jours dessus enfer- attaques “Exocet” dans le Golfe, continueront à faire part de leurs
més dans un atelier du navire pour la le temps que les esprits s’apaisent. doutes sur la version officielle du
désamorcer. Ce sont finalement des Elles reprendront le 20 juin 1987 “Mirage” F1 (lire article de Jean-
équipes des Seal, les “Sea, Air, Land”, après 33 jours de trêve, avec l’attaque Louis Promé dans Marines Guerre et
les forces spéciales de l’US Navy, qui y de plusieurs bâtiments de la navette Commerce n° 59).
parviendront (3). L’enveloppe en acier pétrolière iranienne (voir Le Fana “En échangeant avec les Irakiens
de l’Aviation n° 580). “Les missions sur l’attaque du Stark, se souvient
AM39 étaient devenues plus compli- Jean-Marc, l’un des pilotes français
(3) Ces deux pièces historiques quées, chacune d’entre elles devant présents en Irak, l’un d’eux m’a dé-
sont aujourd’hui exposées au musée
de l’Académie navale d’Annapolis être préalablement déclarée auprès des claré : “C’est peut-être un bon coup
Américains, se souvient Jean-Louis finalement, ce qui est arrivé… Nous,
▲
dans le Maryland.
71
“FALCON” 50 À L’ATTAQUE
JACQUES GUILLEM
Morceau du DR
missile n° 1.
On peut
reconnaître
les lettres “SP”
DAN
d’Aérospatiale.
Proue du bâtiment
Missile n°2
Trajectoire et explosion
du missile.
72 Missile n°1
Trajectoire du missile non explosé.
“ L’appareil était Dubaï et tirent deux missiles dans sa
direction sept minutes après son décol-
FRANÇOIS HERBET
73
“FALCON” 50 À L’ATTAQUE
▲
Un “Falcon” 50 ravitaille un
Un “Falcon” 50 “Mirage” F1/”Exocet” irakien
ravitailleur pour l’Irak ? au-dessus d’un relief plus
montagneux que maritime…
Le “Falcon” 50 aurait également pu devenir
(tiré de Air et Cosmos n° 1019).
ravitailleur en vol. C’est un projet méconnu.
C’est en 1984 que Dassault présente le
projet de “Falcon” 50 ravitailleur. On prévoit
pour cela d’équiper l’avion d’un circuit de
transfert de carburant, de quatre réservoirs
additionnels placés dans la cabine et situés
de part et d’autre de l’allée centrale, et d’une
nacelle de ravitaillement placée à l’emplanture
de l’aile. Cette installation permet de porter la
quantité de carburant disponible à 9 110 kg.
Le pays prospect est évidemment l’Irak
qui possède déjà des “Falcon” 50 et
qui vient de recevoir des nacelles de
ravitaillement Intertechnique et ses premiers
“Mirage” F1EQ5, optimisés pour la lutte
antinavire et ravitaillables en vol. L’illustration
du projet ne laisse aucun doute puisqu’elle
montre un “Falcon” 50 en train de ravitailler
DR/COLL. PIERRE PARVAUD
un “Mirage” F1 armé d’un “Exocet”… “Cela
signifie qu’il pourrait par exemple ravitailler Schéma de l’installation du système sur
quatre “Mirage” F1 en fin de montée et le “Falcon” 50 (tiré de Air et Cosmos n° 1019).
accroître ainsi les capacités opérationnelles
de ces derniers”, indique d’ailleurs le
communiqué de presse.
Il n’y aura pas de “Falcon” 50 ravitailleur, les
Irakiens se satisfaisant de leurs F1 comme
“nounou”, mais un “Falcon” 50 autrement plus
polyvalent arrivera en 1987…
DR/COLL. PIERRE PARVAUD
75
“FALCON” 50 À L’ATTAQUE
C
’est un de ces géants qui qui furent autrefois les bibles an-
entre dans l’histoire de nuelles du monde de l’aéronautique. L’ingénieur italien “Gianni”
l’aviation en voulant faire Les bureaux des journaux sur l’avia- Caproni avait adopté la même idée
plein de bruit et qui dis- tion en étaient pleins. Les archives avec le Ca.60 “Noviplano” (neuf
paraît dans le plus grand du Fana de l’Aviation en conservent ailes), énorme appareil avec trois voi-
silence, en ne laissant aucune trace pieusement quelques éditions an- lures triplans qui se succédaient en
ou presque. Voici dans cette série ciennes, qui sont parfois plus pré- tandem de l’avant à l’arrière. Fokker
prolifique le “Johns Multiplane”, cises que les encyclopédies en ligne avait étudié de son côté le V.8, quin-
tout droit venu des États-Unis. De sur Internet. Mais passons. Avec le tuplane de chasse qui vola briève-
lui fort peu de choses apparaissent, “Johns Multiplan”, c’est une feuille ment en 1917. Pour la motorisation,
pas de ces grandes fiches détaillées pour ainsi dire vierge. Il apparaît le choix se porta sur un bon élément :
dans les Jane’s all the World Aircraft, dans un lot de photos consacrées aux le “Liberty”, moteur de configura-
USAF
Les ailerons
étaient installés
aux extrémités
des trois ailes
installées
au centre
du fuselage.
Trois moteurs
“Liberty” de
400 ch étaient
censés l’arracher
du sol.
USAF
tion V12 fabriqué en grande série à tion pour un autre géant de la même dans la presse de l’époque. Rien
partir de juillet 1917. Une réputation époque, lui beaucoup plus connu : le moins que six “Liberty” pour ce tri-
non usurpée de coucou suisse lui “Barling Bomber”. plan qui se voulait un bombardier
permettait de motoriser beaucoup C’était l’œuvre de l’ingénieur bri- géant à grand rayon d’action noc-
d’avions de l’époque. Huit “Liberty” tannique Walter H. Barling, qui avait turne, NBL-1 (“Night Bomber, Long
étaient montés sur le Ca.60. Ce gage dessiné ainsi “le plus gros avion du Distance”). Le “Barling Bomber”
de fiabilité avait conduit à son adop- monde” comme il fut souvent décrit vola – fort mal – et pendant peu de
L’impressionnant
“Johns
Multiplane”
et ses sept
ailes de 32 m
d’envergure.
Il fut très
probablement
étudié pour
devenir un
bombardier
lourd à grand
rayon d’action.
Les nacelles de
part et d’autre
du moteur
central devaient
sans doute
accueillir des
tourelles avec
mitrailleuses.
79
“JOHNS MULTIPLANE”
USAF
Des militaires
temps à partir de 1923. Le bombar- américains effectua tout en plus quelques sauts Model A acheté par les militaires
dier géant était bien trop pataud pour entourent de puce à peine plus haut qu’un en 1909 fut le n° 1), il fut sans aucun
pouvoir prétendre intégrer les rangs le trimoteur pachyderme au cirque (rappelons doute comparé au sol aux avions en
des forces aériennes. Cette mission “Johns en passant que l’éléphant comme ligne dans l’United States Army Air
était aussi très probablement celle Multiplane”. la tortue ou l’escargot ne saute pas). Service, Langley regroupant alors le
du “Johns Multiplane”. Les quelques Il fut Statique, le “Johns Multiplane” plus grand nombre d’unités de bom-
chiffres disponibles montrent qu’il brièvement dut impressionner les militaires bardement. Le “Johns Multiplane”
avait une envergure un peu plus évalué par américains. Dès qu’il fut question apparaît par ailleurs sur une carte
petite que le “Barling Bomber” : l’armée. de rejoindre les airs, “ses ailes de postale du terrain de McCook Field
32 m contre 36 m. Il était aussi un géant l’empêchèrent de voler” pour dans l’Ohio. Comment s’était-il
peu plus court, 17 m contre 19 m. pasticher le poète. La machine fut déplacé entre la Virginie et l’Ohio ?
Sa masse devait dépasser en pleine aperçue en fâcheuse posture le Mystère ! En effet, malgré ses sept
charge les 10 t. Autant dire que ses Le “Johns nez dans l’herbe sur le terrain de ailes, le “Johns Multiplane” ne vola
trois “Liberty” (400 ch de puissance Multiplane” Langley en Virginie, où elle fut jamais véritablement. Ce fut aussi
à l’unité) devaient vite être poussés n’effectua que apparemment évaluée par le Naca le destin contrarié du Ca.60, acci-
dans leurs retranchements pour l’ar- des sauts de (National Advisory Committee for denté dès son deuxième vol en mars
racher du sol. puce avant de Aeronautics, l’ancêtre de la Nasa). 1921. Après 1920, il n’existe stricte-
disparaître. Dans la littérature de l’époque, il ment plus aucune trace du “Johns
Statique, il impressionne, Il fut aperçu est question de passages en souf- Multiplane”, pas plus d’ailleurs que
à Langley flerie de deux maquettes du “Johns de la société American Multiplane.
mais le décollage attendra (Virginie) Multiplane” qui permirent d’amélio- Il dut probablement connaître le des-
Si le “Barling Bomber” avait dû et McCook rer la stabilité longitudinale de l’avion tin du “Barling Bomber” en étant
contourner la chaîne de Appalaches Field (Ohio), – c’est-à-dire sa capacité à revenir à consumé dans un grand feu après
sans plus de
pour se rendre péniblement à une position d’équilibre en tangage. avoir traîné sur les bords de piste ou
précisions sur
Washington, le “Johns Multiplane” Sous le matricule 64119 (le Wright dans un hangar. ■
ses essais.
USAF
80
Par Hangar 47 MAQUETTES
Dikam Death, P-40 de Robert Gale, pilote des Burma Banshees. Dikam pour le nom d’un improbable tord-boyaux local. “Vous avez
beau dire, y’a pas seulement que d’la pomme, y a aut’chose… Ça serait pas des fois de la betterave ?” (Audiard)