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PANZER-BRIGADEN vs PATTON
Les autres Experten en Afrique
cara publishing
tère contre Panzer-Divisionen
Arracourt 1944
M 01017 - 78 - F: 6,90 E - RD
Belgique, Luxembourg, Grèce,
LE DUEL
SYDNEY CONTRE KORMORAN
UN COMBAT À MORT
OPÉRATION « NEPTUNE »
x autres membres de l’OTAN d’intensifier leurs efforts opérations navales elles-mêmes. Une documentation riche et complète
Russie procède à des exercices de très haute intensité,
abondamment illustrée de photos, plans et cartes.
ontrer que ses forces armées affichent toujours un haut
nte selon certains observateurs à une « simulation de
3’:HIKNRA=YVY^UU:forces
du Reich
Renseignements : Éditions Caraktère - Résidence Maunier - 3 120, route d’Avignon - 13 090 Aix-en-Provence - France
Tél : +33 (0)4 42 21 06 76 - www.caraktere.com
L'ACTUALITÉ DE L'AÉRONAUTIQUE p. 04
Dogfights, F-117 en Zone 51, F-35 naval...
L'AÉRONAUTIQUE MILITAIRE p. 10
Aérorama Belgique
NOTAM
N°
70
[NOTICE TO AIR MEN]
TROIS JOURS EN MAI p. 22
Raids américains sur la Provence
AS VENTURA EN AFRIQUE
DANS L'OMBRE DE MARSEILLE p. 34
On sait à peu près tout du parcours Les autres Experten en Afrique
d’Hans-Joachim Marseille car tout ou presque
a été écrit sur l’as des as du théâtre d’opéra-
tions africain. Au point que l’on en a oublié
les autres Experten de la Luftwaffe ayant
combattu en Afrique du Nord. Ce ne sont
pourtant pas les grands noms qui manquent !
Bär, Müncheberg, Rudorffer, Geisshardt,
Bühlingen, Michalski ont tous effectué des
« tours » plus ou moins longs, et avec des
fortunes diverses, sur ce continent, alors
que d’autres talents y ont éclos, à l’instar
de Schroer, Stahlschmidt, Schulz ou Rödel.
Et ces pilotes sont loin de tous appartenir à « GARDEZ-MOI DE MES AMIS » p. 56
l’incontournable JG 27. Durant presque deux
Friendly Fires dans le Pacifique
ans et demi, ces as allemands se frottent aux
aviations alliées et signent de spectaculaires
BOMBARDEMENTS ALLIÉS SUR L'ALLEMAGNE
succès – certains y enregistrent même leurs p. 66
premières victoires sur des quadrimoteurs Instruments de la victoire ou ravageurs inutiles ?
américains –, avant l’inexorable montée en
puissance de l’ennemi qui n’autorise plus LES AVENTURES DU LERCHE PERDU p. 78
qu’une seule embellie, passagère, en Tunisie. L’évasion de Werner Lerche sur Do 335
C’est l’épopée de ces hommes, éclipsés par
l’« Etoile d’Afrique », que nous vous contons
AU SOMMAIRE DU N°71
DÉSASTRE À SCHWEINFURT
Aérojournal n°70 Service Commercial : Imprimé en Espagne par :
3 120, route d'Avignon Rivadeneyra, Madrid
Bimestriel // Avril - Mai 2019 13 090 Aix-en-Provence - France
ISSN : 1962-2430 Téléphone : 04 42 21 06 76 -O
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l'Actualité
de l'Aéronautique
Inde / Pakistan / Duel
DOGFIGHTS
ENTRE L’INDE ET LE PAKISTAN !
Par Loïc Becker
C'
à couteaux tirés depuis les années 1960, ont Mirage 2000H indiens décollent de différentes bases et frappent un
échangé des tirs et les aviations des deux camp d’entraînement du groupe terroriste au Pakistan. La guerre
pays se sont livrées à un véritable dogfight, des chiffres débute alors : selon les Indiens, les frappes ont détruit
menant à la destruction de deux appareils. La un camp d’entraînement et fait 350 morts, alors que de leur côté,
question du Cachemire est centrale dans les les Pakistanais affirment que les bombes n’ont rien touché. L’incident
relations entre ces deux puissances nucléaires est suffisamment grave pour que les troupes le long de la frontière
qui ont mobilisé des appareils datant pour commencent à échanger des tirs durant la journée du bombardement,
certains de la fin de la Guerre Froide. marquant les premiers affrontements armés depuis la fin du conflit
de 1971 (même si des tirs sont échangés quasiment tous les mois).
Pour mieux comprendre la montée de tensions entre l’Inde et le
Pakistan au début de l’année 2019, il faut remonter au 14 février
de la même année lorsqu’un attentat-suicide perpétré par un groupe LA RIPOSTE PAKISTANAISE
terroriste islamiste pakistanais fait 40 morts dans l’état du Jammu- Le 27 février au matin, le ciel au-dessus de la frontière indo-pakista-
et-Cachemire en Inde. Les victimes font toutes partie d’une force naise est chargé de nuages. Au pied de l’Himalaya, un radar indien,
paramilitaire indienne, la Central Reserve Police Force, qui était alors ses « grandes oreilles » pointées vers le Pakistan, commence à rece-
acheminée en bus. Mais la localisation du groupe terroriste sur le voir de nombreuses informations. Les opérateurs ne perdent pas de
sol pakistanais, malgré les démentis du gouvernement d’Islamabad temps à se rendre compte qu’une formation aérienne pakistanaise
4
le groupe pakistanais est composé d’au moins
2 huit F-16, quatre Mirage-III, quatre JF-17
Thunder et un Saab 2000 Erieye. Les pre-
miers appareils indiens engagent alors le
combat, notamment le Wing Commander
Vartaman et son Mig-21 « Bison » : un F-16
pakistanais est « accroché » par son appa-
reil, et malgré les manœuvres évasives, il est
abattu par un missile air-air Vympel R-73 tiré
par son poursuivant. Cependant, au même
moment, deux missiles air-air pakistanais
explosent non loin du chasseur indien ;
les commandes ne répondant plus, son pilote
doit évacuer l’appareil en parachute. Tombé
au Pakistan, il sera détenu deux jours avant
d’être relâché dans un geste d’apaisement
provenant d’Islamabad.
5
l'Actualité
de l'Aéronautique
51
Chasseur furtif / US Air Force / Guerre Froide
F-117
APERÇU EN VOL
UN NON LOIN
C
1
ette apparition n’a rien à voir avec les spéculations entourant la zone militaire a eu la surprise d’apercevoir à travers son
américaine la plus connue. Mais le F-117, premier avion d’attaque au sol téléobjectif non loin de la Zone 51 la sil-
à signature très réduite, est un symbole de l’aviation de la fin de la Guerre houette bien reconnaissable de l’appareil
Froide. Retiré du service en 2008, un exemplaire a néanmoins été repéré furtif. Simple « sortie du hangar » pour un
par un photographe à la fin du mois de février… ancien appareil ou possible remise en ser-
vice de ce Lockheed Martin ? La question
La carrière en elle-même du F-117 est digne à tel point que le gouvernement américain mérite d’être posée dans une époque où
des plus grands secrets d’État. Si les diffé- est obligé de reconnaître publiquement les coûts de développement d’un nouvel
rents pays ont cherché (notamment l’URSS en 1988 qu’il dispose d’un appareil furtif. appareil à basse signature radar tendent à
et les États-Unis) dès les années 1950 Sur les 59 exemplaires assemblés, seul un a être de plus en plus élevés…
à obtenir un appareil « furtif » (c’est-à-dire été perdu au feu le 27 mars 1999
avec une signature radar extrêmement faible au-dessus de la Serbie pendant la 2
afin qu’il ne puisse pas être « accroché »), guerre du Kosovo. Abattu par une
le F-117, lui, est rentré dans la légende, batterie de S-125 serbe, l’appareil
et pas seulement pour son fuselage très a de suite fait l’objet d’un intérêt
caractéristique. très marqué par la Russie (qui a
Après avoir effectué un premier vol inaugu- reçu une aile de l’appareil) et par
ral en 1981, le F-117 de Lockheed Martin la Chine, qui a tenté par tous les
entre en production de série en 1982. Afin moyens possibles de récupérer
de conserver la dimension secrète du pro- des débris de l’épave.
gramme (car finalement présenter un avion Cependant, après une carrière
furtif à la presse réduit déjà son degré de fur- opérationnelle d’une trentaine
tivité…), le gouvernement américain prend d’années, les F-117 ont été
de nombreuses décisions, comme celle de remisés en 2008… jusqu’à
ne faire voler les appareils seulement la nuit. preuve du contraire. Or, à la
Mais de nombreux incidents émaillent les fin du mois de février, le photo-
premières années de service de l’appareil, graphe britannique Neil Jackson
6
F-35
F-35 / Pologne / USA
LA
POLOGNE VA ACQUÉRIR DES
Par Laurent Lagneau 1 De par son histoire, le
F-117 est un des appareils
les plus emblématiques de la
Guerre Froide. Sa silhouette
doit réduire au maximum
sa signature radar. (DoD)
EN
août 2017, redoutant d’être question de reporter ce programme, appelé – Missile de croisière naval), de l’Allemand
dans le collimateur de la « Harpia », « à la seconde moitié de la prochaine ThyssenKrupp Marine Systems (U212) et du
Russie et après avoir fait une décennie. » Selon M. Blaszczak, il est en effet suédois Kockums (A-26).
« chasse aux sorcières » dans urgent de remplacer les MiG-29 et les Su-22 Depuis 2017, Varsovie a conclu plusieurs
les rangs de l’armée, Varsovie annonçait un « Fitter » (avion d’attaque) hérités de la période contrats auprès d’industriels américains. Ainsi,
effort en matière de défense d’un montant soviétique. Ces appareils sont « sans grande les forces armées polonaises seront bientôt
de plus de 45 milliards d’euros sur 15 ans valeur de combat, inutiles », a-t-il fait valoir, dotées de 20 systèmes d’artillerie HIMARS
dans le cadre d’un plan intitulé « Conception rapporte l’AFP. (pour 365 millions d’euros) et de batteries de
de développement des forces armées à l’ho- Probablement qu’il s’agira également d’accé- défense aérienne Patriot (3,8 milliards d’euros).
rizon 2032. » lérer la manœuvre au sujet du renouvellement Pour rappel, la Pologne est déjà l’un des rares
des sous-marins, lequel suscite l’intérêt du pays de l’Otan à atteindre l’objectif des 2%
Cependant, même si ce plan laissait augurer un français Naval Group (Scorpène armé du MdCN du PIB en matière de dépenses militaires..
budget militaire polonais porté à 2,5% du PIB,
les montants annoncés restaient insuffisants 4
pour renouveler l’ensemble des capacités des
forces polonaises. « L’augmentation radicale
des effectifs de soldats ne devrait pas être une
priorité, mais la modernisation et la formation
de ce que l’on a. L’une se fera au détriment
des deux autres », avait déploré le général
Mieczyslaw Cieniuch, ex-chef d’état-major et
ex-représentant de la Pologne auprès de l’Otan
et de l’Union européenne.
À priori, Varsovie a changé son fusil d’épaule.
Moins de deux ans plus tard, le ministre
polonais de la Défense, Mariusz Blaszczak,
a annoncé un nouveau plan d’investissements,
qui, doté de 43 milliards d’euros, devra être mis
en œuvre d’ici 2026 (et non plus d’ici 2032.
« Il s’agit d’un chemin à suivre, d’une base de
départ pour le développement », a-t-il indiqué.
Et, désormais, l’acquisition de 32 avions de
combat de 5e génération (donc, des F-35A,
ndlr) est prioritaire, alors que ce n’était pas
le cas précédemment étant donné qu’il était
7
l'Actualité
de l'Aéronautique
Top Gun / F-5 Tiger II / Retraite
F-5
LES DERNIERS TIGER II
VONT ENCORE JOUER LES PROLONGATIONS
DE L’US NAVY
A
rborant une livrée noire ornée d’étoiles rouges cerclées de jaune et rebap- un « Programme d’assistance militaire », lancé
tisés « MiG-28 », des F-5 Tiger II donnèrent, par la magie du cinéma, du en 1965.
fil à retordre aux F-14 Tomcat pilotés par « Maverick » et « Iceman » dans C’est ainsi que l’un des rares points communs
le film Top Gun, sorti dans les salles obscures il y a maintenant plus de entre les États-Unis et l’Iran est de mettre en
trente ans. Depuis, les F-14 Tomcat ont replié définitivement leurs ailes… œuvre ce type d’appareils. Ceux actuellement
Et les F-5 Tiger II continuent de voler aux États-Unis. utilisés par la force aérienne iranienne devraient
rester en service au-delà de 2040, malgré les
Et sans doute pour encore quelques années. John Stafford, cadre chez Northrop Grumman. difficultés pour se procurer des pièces déta-
En effet, et preuve que la fiction n’était pas très Conçu à la fin des années 1950 (le prototype chées. D’ailleurs, en août dernier, Téhéran
éloignée de la réalité, l’US Navy et l’US Marine a effectué son premier vol en 1959, ndlr), a prétendu avoir mis au point le Kowsar, un
Corps utilisent actuellement quelques dizaines le F-5 devait être initialement un chasseur léger nouvel avion de combat de conception 100%
d’exemplaires pour tenir le rôle « d’agres- destiné à l’US Air Force, avant de connaître un iranienne… qui ressemble comme deux gouttes
seurs » dans les simulations de combat aérien. réel succès à l’exportation, grâce notamment à d’eau au F-5 américain.
Alors qu’il est de plus en plus question de faire
appel à des sociétés privées ayant acquis d’an- 2
ciens avions de combat pour l’entraînement
des pilotes de chasse, l’US Navy et l’USMC
ont l’intention de prolonger encore la durée de
vie de leurs F-5 Tiger II « Agressors », à en
croire un contrat de 16,8 millions de dollars
que vient d’attribuer le Pentagone à Northrop-
Grumman, le 12 février dernier.
« Cette modification du contrat prolonge la
période d’exécution et assure la maintenance
des 44 avions F-5N / F de la Marine et du
Corps des Marines. […] Cette modification
prévoit l’inspection, la réparation, la révi-
sion générale, les réparations d’urgence, les
modifications, l’assistance technique et l’ap-
provisionnement en composants nécessaires
au fonctionnement et à la maintenance du
F-5N/F », a précisé le Pentagone.
« Durant cette phase de maintenance, nous
recevons l’avion et le démontons pour inspec-
tion. Nous savons, à l’avance, que certaines
pièces devront être remplacées en raison des
heures de vol effectuées par l’avion », a déclaré
8
Dassault / Qatar / Vente d'armes
DASSAULT AVIATION
RAFALE QATAR
A LIVRÉ
UN PREMIER
Par Laurent Lagneau
AU
EN
mai 2015, Dassault Aviation obtenait son second contrat à l’exportation Égypte (où la levée d’une option pour 12 appa-
pour son avion de combat Rafale, commandé à 24 exemplaires par le reils de plus est envisagée), au Qatar et en Inde
Qatar, le tout pour un montant de 6,3 milliards d’euros. Puis, à l’occasion (36 exemplaires), Dassault Aviation a dû porter
de la visite du président Macron à Doha, l’émirat levait une option pour la cadence de production du Rafale à deux
12 appareils supplémentaires pour 1,1 milliard d’euros. avions par mois, contre un seul auparavant.
Pour le moment, 96 Rafale ont été commandés
Alors que 23 des 24 Rafale commandés par Rafale perpétuera la tradition et contribuera à pour les besoins de forces aériennes étran-
l’Égypte ont été livrés, Dassault Aviation vient assurer la souveraineté de l’État du Qatar. » gères. Selon Le Figaro, le premier des 36
de remettre le premier des 36 exemplaire des- À noter que, actuellement, les pilotes et les avions attendus par l’Inde devrait être livré
tiné à la Force aérienne de l’Émir du Qatar, lors techniciens de la QEAF sont en cours de forma- en septembre 2019.
d’une cérémonie organisée ce 6 février à son tion au sein de l’armée de l’Air (à Saint-Dizier,
usine de Mérignac, en présence de Khalid bin ndlr) et de « l’industrie française ».
Mohamed Al Attiyah, vice-Premier ministre du Pour rappel, ces quatre dernières années, 1 Pour de nombreux passionnés, le F-5 Tiger II
restera pour longtemps encore un des appareils
Qatar et ministre d’État chargé de la Défense, le Qatar a multiplié les commandes d’avions mythiques du film Top Gun. Quelques exemplaires
de Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État de combat. Outre les 35 Rafale, l’émirat a en ont encore conservé leur livrée du film.
auprès de la ministre des Armées et du général effet signé des contrats pour 36 F-15 amé- (Creative Commons 2.0 - Tomàs del Toro)
Mubarak Al Khayareen, le chef d’état-major ricains et 24 Eurofighter Typhoon. Aussi, la
2 Le F-5 Tiger II joue déjà le rôle d'agresseur
de l’aviation militaire qatarie. QEAF va voir son format être multiplié par 8, depuis de nombreuses années lors des
« Cette première livraison est conforme au ce qui paraît hors de proportion pour un pays entraînements de l'US Air Force.
calendrier », a fait valoir l’avionneur, via qui compte 2,7 millions d’habitants (résidents
un communiqué, dans lequel il souligne étrangers compris). En outre, l’entretien de 3 Le Qatar est un client régulier de l'industrie
d'armement française, et le Rafale en est
« l’importance du partenariat historique et plusieurs flottes différentes risque de lui poser un des produits phares. Multirôle, l'appareil
stratégique qui unit le Qatar, la France et en matière d’approvisionnement, de formation a séduit de nombreux militaires et aviateurs
Dassault Aviation. » Et d’ajouter : « Après le pour les pilotes et de gestion de compétences. de l'émirat pour sa polyvalence.
(Creative Commons 2.0 - Alan Wilson)
Mirage F1, l’Alpha Jet et le Mirage 2000, le Quoi qu’il en soit, avec les contrats signés en
9
AÉRORAMA
1920
1939
x Gladiator du Sergent Pirlot.
Cet avion sera abattu le
11 mai 1940 près d'Eben-
Emael par des chasseurs
allemands. (Antonis Karydis)
L'Aéronautique
Militaire
Aérorama Belgique
par Stéphane De Bast
A
vec son territoire conquis à plus de 90 % par les A llemands, la Belgique sort
exsangue du premier conf lit mondial. Outre les destructions, les Belges ont
eu à subir des massacres de civils, des contributions de guerre, des amendes
collectives, ainsi que la déportation de plus de 100 000 ouvriers. Le pays est à
reconstruire, tout comme l’est son aviation militaire.
10
ique
Aérorama Belg militaire
L'a ér on au tiq ue
P
ourtant, la Belgique ne figure pas majeurs est de s’affranchir des constructeurs petites dimensions participent de près ou de
au rang des nations majeures lors étrangers (ayant trop souvent livré des appa- loin au renouvellement du parc aérien comme
du Traité de Versailles de 1919, reils non désirés par leurs propres aviations la SEGA, ou Société Générale d’Aéronautique
n’ayant de fait droit à aucune pendant le conflit). La démobilisation qui suit (à ne pas confondre avec un développeur de
reconnaissance pour sa résis- l’Armistice pousse certains aviateurs dans les jeux vidéo japonais !).
tance face à l’agression. Le pays compagnies aériennes civiles qui fleurissent. Les armées allemandes laissent sur le territoire
ne prend donc pas part aux négociations ; il D’autres participent à la fondation de sociétés belge de nombreux avions ainsi que plusieurs
obtient toutefois un gain territorial – les régions de constructions. terrains qui sont réutilisés. Il est évident que le
d’Eupen et Malmedy – ainsi que des répara- Ancien pilote du Roi Albert, Jean Stampe bond technologique effectué durant les quatre
tions de guerre, qui ne seront que partiellement s’associe avec un autre aviateur démobilisé, années du conflit rend les infrastructures
honorées. En outre, une partie de la Ruhr Maurice Vertongen, pour créer une école de d’avant-guerre complètement obsolètes. Ces
sera occupée par l’armée belge jusqu’en 1923- pilotage. Avec l’aide de l’ingénieur Alfred terrains aménagés par les Allemands offrent de
1924. L’aviation militaire, qui fait partie de l’ar- Renard, ils construisent plusieurs types d’avions belles possibilités pour l’aviation civile autant
mée – elle en est la cinquième arme – y envoie d’écolage. Les appareils issus de ce trinôme que militaire. On assistera au même phéno-
un détachement. En contrepartie, la Belgique sont connus sous le sigle « RSV » (« SV » mène après la deuxième guerre mondiale et
doit renoncer à son statut de neutralité pro- lorsque les deux premiers sont concernés). la construction de la base de Florennes par les
tégée. En 1925, le traité de Locarno assure Alfred Renard quitte cette triple association Allemands, l’une des deux principales bases de
l’inviolabilité des frontières belgo-allemandes pour fonder la Société « Renard Constructions la Force Aérienne Belge d’aujourd’hui. Ainsi,
et franco-allemandes. Celles-ci sont garanties Aéronautiques » à Evere qui produit aussi ses au début des années 1920, la chasse s’ins-
par l’Allemagne, La France, le Royaume-Uni, propres moteurs. L’ingénieur aura tôt fait de talle à Nivelles et Schaffen, le bombardement
l’Italie et la Belgique. Chacun des pays s’enga- présenter des avions « made in Belgium » aux à Bierset (Liège), la reconnaissance à Evere
geant à intervenir militairement contre celui qui autorités militaires, mais il se heurtera souvent (Bruxelles) et un groupe de coopération à
ne respecterait pas cet engagement. Ce traité à leur manque de confiance ! Le Commandant Goetsenhoven (Tirlemont).
tombe bien, car face au manque de moyens, la Nélis, qui dirige le Service Technique depuis
Belgique réduit drastiquement la durée du ser- 1915, mûrit l’idée de construire une industrie
vice militaire. Cependant, le traité de Locarno aéronautique belge tout au long de la guerre. TOUJOURS EN SERVICE…
ne durera que quelques années, avant qu’Hitler Auteur d’un pamphlet intitulé « L’Expansion de
ne passe complètement outre ! la Belgique par l’Aviation », il est prêt à lancer Au sortir de la Grande Guerre, l’heure est à
Parmi les principaux instigateurs de la son projet au sortir du conflit. Il fonde la Société l’économie : les finances publiques accusent de
Révolution Industrielle, la Belgique se doit de Anonyme Belge de Construction Aéronautique gros déficits, ce qui va se ressentir au niveau
développer une industrie aéronautique dans (SABCA) fin 1920 ; Nélis deviendra aussi le du parc aérien. En conséquence, de nombreux
les années 1920. Les constructions d’avant- premier directeur de la SABENA. Dès lors, avions acquis durant la guerre par l’Aviation mili-
guerre étaient du ressort de l’artisanat et la l’État belge va garantir la pérennité de l’en- taire Belge, qui devient l’Aéronautique militaire
guerre avait empêché le développement d’in- treprise par une série de commandes plus ou en mars 1920, restent en service au début de
frastructures adéquates. L’un des objectifs moins importantes. D’autres sociétés de plus la décennie, alors même qu’ils sont dépassés.
Gotha G.IX
Unité inconnue
© C. Fernandez, Aérojournal 2019
11
Breguet XIV A2
3e Escadrille
Les Moëres (Furnes), Belgique, printemps 1918
© JM. Guillou, Aérojournal 2019
On pense, dans le domaine de la chasse, du conflit. Bien qu’il disparaisse des unités de l’article IV d’armistice avec l’Allemagne, 75
à l’Hanriot HD-1 et au catastrophique première ligne vers 1923, il continue à voler appareils doivent être fournis à la Belgique
Ponnier M1. tout au long de la décennie dans les écoles et une trentaine de ceux-ci sont utilisés en
Le premier continue à équiper les escadrilles de et comme appareil de liaison. Très apprécié Allemagne occupée au côté des SPAD S.XI
chasse à la fin de la guerre. Acquis en 1917 des pilotes pendant la guerre, le SPAD S.XI A2 qu’ils sont alors chargés de protéger (et
à 70 exemplaires, notamment parce que la A2, développement biplace du chasseur S.VII, non plus de détruire !). Un certain nombre est
France gardait la priorité sur les Nieuport et entre en service en mars 1918. Aussi rapide utilisé en école et tous les appareils y seront
SPAD, ce petit chasseur agile est toujours en que le Hanriot HD-1 et le Camel, il continue à affectés à partir de 1922. Plus surprenant,
première ligne durant une bonne partie des voler dans les escadrilles d’observation avant la Belgique fait main basse sur une petite
« années folles » ; il terminera sa carrière d’être retiré du service au milieu des années vingtaine de Gotha Go IX en 1919. On sait
comme avion d’entraînement. Son succes- 1920. Des SPAD S.XI sont présents en peu de choses sur l’utilisation de ces bombar-
seur, le HD-2, mieux armé avec deux mitrail- Allemagne à Bochum avec deux escadrilles qui diers au sein de l’Aviation militaire Belge ou
leuses et plus puissant, est commandé à 12 participent à l’occupation du pays. D’autres de l’Aéronautique Militaire (puisque certains
exemplaires, mais l’armistice met fin à ce avions issus de la Grande Guerre sont toujours volaient encore après 1920). Le manque de
projet et aucun n’est livré. Autre chasseur présents après celle-ci, mais plus en première pièces détachées pour ces avions ne permet-
français, le SPAD S.XIII continue à voler en ligne. Parmi ceux-ci le Sopwith 1 ½ Strutter tra pas de les maintenir en état de vol et ils
première ligne au début de la décennie avant qui revient de l’école de vol de Juvisy-Sur- sont rapidement retirés du service au début
de servir, lui aussi, comme appareil d’entraî- Orge en France tout comme le Caudron G3. des années 20. D’autres avions allemands
nement ou de servitude. Le Sopwith Camel, En 1919, l’école revient s’installer en Belgique sont récupérés en petits nombres et la plu-
dont 50 exemplaires sont entrés en service et continue à voler sur ces appareils. L’avion part d’entre eux « basculent » dans l’aviation
en 1917, continue à voler jusqu’en 1922. de Caudron, conçu avant la guerre et donc civile. Parmi ceux-ci, des Rumpler C.IV, LVG
L’excellent Breguet 14, fer de lance des complètement désuet, formera des élèves-pi- C.VI, Halberstadt CL.V…
escadrilles de bombardement et de recon- lotes jusqu’en 1927. La rusticité de l’appareil La paix retrouvée, les investissements mili-
naissance françaises durant la seconde partie et sa bonne stabilité ne sont pas étrangères taires se réduisent concernant l’aviation (ce
de la guerre, est aussi entré en service dans à ce choix. sera bien pire avec la crise de 1929). Des
l’aviation belge en 1918. Uniquement dans Conséquence de la défaite de l’Allemagne, appareils entrés en service durant le premier
la version A2. Dès la fin de la guerre, de 12 à la Belgique récupère un nombre important conflit mondial vont grossir les rangs de l’Aé-
15 appareils sont commandés, qui s’ajoutent d’avions du camp vaincu. C’est le cas pour ronautique militaire, et ce à moindre coût. En
à la trentaine reçus dans la dernière année l’excellent Fokker F.VII. Conformément à 1919, un détachement belge de la RAF basé à
12
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Aérorama Belg militaire
L'a ér on au tiq ue
Ansaldo A300
4e Escadrille
1e Groupe d'observation
Goetsenhoven, Belgique, années 1920
© JM. Guillou, Aérojournal 2019
Buc et doté de De Havilland DH-4 avec moteur 17 remis à neuf et mus par un Hispano Suiza utilisé par deux pilotes militaires pour tenter
Rolls Royce Eagle VIII revient en Belgique. 6 8Fb de 300 chevaux (cette motorisation sera de battre le record du monde de durée de vol
de ces appareils arrivent à Evere en avril de à l’origine de l’appellation commune « Bristol en 1928 ! Toutes les huit heures, un autre
la même année. Le gouvernement belge en 300 » dans l’Aéronautique militaire). Ils sont appareil, véritable citerne volante avant l’heure
acquiert 5 après la dissolution de l’unité par livrés à Evere entre 1921 et 1922 puis rejoints et se tenant à moins de 10 mètres, approvi-
la RAF. Ces avions font alors partie d’une par 16 avions supplémentaires en 1923. La sionne le premier en carburant par un tuyau
unité chargée de tous les vols VIP et royaux. SABCA en produit environ 40 de plus à partir en caoutchouc. Après de multiples péripéties
Ils sont rejoints par deux Bristol F.2b de type de 1925. Mais suite au traité de Locarno et des comme le cisaillement du conduit de carbu-
14 équipés d’un Rolls-Royce Falcon III de 275 perspectives de paix qu’il engendre, plusieurs rant par l’hélice de l’avion ravitailleur, l’appa-
chevaux. Le premier est offert à Sa Majesté le unités de Bristol sont dissoutes. Les appareils reil atterrit 3 jours plus tard… Record battu !
Roi Albert en 1920. Il reçoit la lettre « A » et excédentaires sont envoyés dans l’école de Les De Havilland rejoignent l’écolage dans
le dessin d’une couronne dans une bande de pilotage dans laquelle ils resteront en service la seconde moitié des années 20 aux cotés
fuselage noire. Le second arrive en 1922 et jusqu’en 1930. Pour ce qui concerne le DH-4, des Avro 504. Ils sont acquis en 1921 à plus
est présenté à Sa Majesté la Reine Élisabeth. 21 avions sont encore livrés en 1920 dont six d’une cinquantaine d’exemplaires auxquels
C’est donc la lettre « E » qui est apposée sur à une compagnie civile. 19 autres appareils en s’ajoutent 28 avions construits par la SABCA.
le fuselage au côté de la bande noire et de sa provenance des stocks de la RAF sont livrés en Les élèves-pilotes volent aussi sur le Morane-
couronne. Il faut dire que le Roi Albert est un 1921. Enfin, la SABCA en livre 15 de plus en Saulnier MS-35 fabriqué également sous
grand admirateur de l’aviation qui participe 1926 malgré l’obsolescence de l’avion à cette licence par la SABCA depuis 1922. Autre
à de nombreux vols au-dessus du front pen- époque. Des DH-9 sont aussi fournis immé- appareil d’entraînement, le SAML qui puise
dant la guerre. Surnommé le Roi-Aviateur par diatement après la guerre par De Havilland. La ses origines dans l’Aviatik B1, mais équipé par
beaucoup, il n’hésite pas à essayer un nouvel SABCA en produit une trentaine entre 1922 un Fiat A12, est acheté en 1920 aux surplus
avion dès qu’il en a l’occasion. Il s’avère un et 1923. On ne connaît pas le nombre exact italiens en 10 exemplaires. Il est déjà déclassé
appui important pour l’Aéronautique militaire. de DH-9 utilisés par l’Aéronautique Militaire vers 1922 suite à de nombreux accidents.
Le Bristol plaît beaucoup et le gouvernement mais il semble qu’il y en ait eu au moins 103. À se demander pourquoi cet appareil est
belge passe commande de 15 exemplaires Ces avions sont utilisés pour l’observation et entré en service alors que d’autres appareils
du F2b pour équiper deux nouvelles unités de le bombardement. Un DH-9 modifié (moteur figurent déjà dans l’inventaire de l’Aéronau-
reconnaissance. Ce sont des appareils de type Siddeley-Puma de 240 chevaux) est même tique militaire.
Avro 504N
École de pilotage
1e escadrille
St-Denijs-Westrem, Belgique, 1930
© C. Fernandez, Aérojournal 2019
13
Spad S.XI A2
4e Escadrille
Bockum, Allemagne, fin 1918
© JM. Guillou, Aérojournal 2019
Spad S.XIII C1
10e Escadrille
Les Moëres (Furnes), Belgique, 1918
© JM. Guillou, Aérojournal 2019
ESSAIS stabilité désastreuse et au manque certain de les 88 derniers construits sous licence par la
DE STANDARDISATION fiabilité. De nombreux accidents émaillent la
carrière opérationnelle de l’appareil, surnommé
SABCA n’arrivent qu’en 1924. Mais l’appareil
ne plaît pas aux pilotes pour cause de fragi-
Tous ces avions ne sont donc pas récents et de manière peu flatteuse le « cercueil volant » lité ; de nouveaux appareils sont testés en
l’Aéronautique militaire cherche à s’équiper de par certains aviateurs. 1925. Dewoitine présente son D-9 et Avia le
matériel moderne au début des années 1920, En vue du renouvellement de la chasse, on BH-21. Le premier est un monoplan parasol, le
même si le bond technologique au cours de organise un concours qui va confronter plu- second un biplan, mais ils sont tous les deux
cette période de paix n’est pas énorme. Un pre- sieurs machines. L’Aéronautique militaire armés d’un duo de mitrailleuses Vickers de
mier objectif consiste à standardiser le matériel, acquiert divers chasseurs pour trouver le 7,7 mm. C’est ce dernier qui est choisi surtout
car une multitude d’avions différents sont pré- remplaçant des Hanriot HD-1, SPAD S-XIII en raison de son moteur Hispano Suiza 8Fb
sents dans les unités. Un autre vise à accroître et Sopwith Camel, sans oublier les Fokker ! pour d’évidentes raisons de standardisation,
le nombre d’unités dans l’aviation militaire pour Trois Morane AI concourent, tout comme deux mais aussi pour sa grande manœuvrabilité. La
satisfaire le vœu de créer une brigade aéro- Martynside F.4 Balbuzzard, un Sopwith 7F.1 remotorisation du D-9, qui consiste à remplacer
nautique composée de trois groupements, res- Snipe, un Ansaldo Ballila et enfin le Nieuport le Bristol Jupiter par un Hispano Suiza 12jb de
pectivement de chasse, de bombardement et Delage NiD-29 C1. Après différents tests, 400 CV, donnant ainsi naissance au D-19, ne
d’observation. Pour cette dernière branche, le c’est ce dernier qui est choisi par les autorités changera rien à cette décision. L’Avia BH-21
Ministère de la Défense choisit l’Ansaldo A300- militaires malgré le fait qu’il n’offre guère de est donc commandé à 44 exemplaires au début
3, triplace de reconnaissance. Cette décision progrès spectaculaires par rapport aux chas- de 1926. Cinq sont produits par la SEGA et le
va à l’encontre des avis et recommandations seurs de la génération précédente. Beaucoup reste par la SABCA. Ils entrent en service dans
des autorités de l’Aéronautique militaire. 30 de pilotes n’osent pas effectuer d’acrobaties les escadrilles de chasse basées à Schaffen et
avions motorisés par un Fiat A12bis de 300 à bord de l’avion, ce qui est généralement un Nivelles entre 1927 et 1928. Cependant, aussi
chevaux (rien de standard donc !) sont com- handicap lorsqu’on pilote un avion de chasse bizarre que cela puisse paraître, ils ne replacent
mandés à la firme italienne pour remplacer les (des Morane-Saulnier sont d’ailleurs présents pas tous les NiD-29 qui restent en service
SPAD XI et Breguet XIV dans les escadrilles dans les unités de chasse pour que les pilotes jusqu’en 1931 malgré leur obsolescence !
de reconnaissance. La SABCA construit 44 puissent s’adonner à la voltige !). Le gouver- Pour la reconnaissance et le bombardement,
avions supplémentaires en version A330-4 nement belge commande 108 exemplaires l’Aéronautique militaire s’intéresse de près
(avec capotage du moteur amélioré) qui sont équipés d’un Hispano-Suiza 8Fb de 300 ch (le au successeur du Breguet 14. En effet, le
livrés en unité à partir de 1923. Mais les pilotes même qui équipe les « Bristol 300 »). Les pre- Breguet 19 est une réussite manifeste qui ne
ne sont guère enchantés par cet appareil à la miers arrivent de France en 1922 alors que laisse pas indifférentes de nombreuses nations
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Aérorama Belg militaire
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étrangères de par ses capacités militaires et suivante et ce jusqu’à l’aube du second conflit d’autres avions développés sur la même base
ses records. Bien que l’appareil commence à mondial, comme avion de liaison. comme le RSV 22/180 et RSV 26/180. Le pre-
équiper les escadrilles d’observation (version Au rayon des constructions entièrement indi- mier est commandé à hauteur de 26 exem-
A2) et de bombardement (version B2), c’est gènes, Stampe et Vertongen développent en plaires et 30 pour le second. Pour anecdote,
bien plus tôt que l’avion suscite l’intérêt. Un collaboration avec l’ingénieur Alfred Renard le premier nombre se réfère à l’envergure de
premier prototype est présenté fin 1922, et la le RSV 32/90 d’écolage. Il ne faut pas être l’aile et le second à la puissance du moteur.
SABCA qui cherche à se développer au début grand clerc pour s’apercevoir que les élèves-pi- Ce n’est pas un numéro qui suit l’ordre de
de son existence reçoit une commande de lotes doivent souvent se former sur des avions développement comme à l’accoutumée.
6 avions motorisés avec trois moteurs diffé- déclassés qui n’ont pas été prévus à l’origine
rents : le Renault de 480 ch, le Lorraine-Dietrich dans ce rôle. Certains s’avèrent même dan-
12Eb de 450 ch, et l’Hispano Suiza 12ha de gereux pour des pilotes peu aguerris (et donc FAIREY PAR-CI,
450 ch… On est loin de la standardisation
tant recherchée ! Les deux derniers groupes
des apprentis !). Le RSV 32/90 remplit parfai-
tement ce rôle et remplace progressivement
FAIREY PAR-LÀ…
motopropulseurs seront utilisés pour les 146 et avantageusement le Fokker F.VII à partir de À la fin des années 1920, les Avia BH.21
appareils qui seront encore construits par la 1924. À noter que le Roi Albert exigea d’être sont déjà « largués » en termes de perfor-
SABCA en version A2 et B2 et livrés jusqu’en le premier passager du nouvel avion. Celui-ci mance. Que dire alors du NiD-29 C1 qui
1930. Certains sont utilisés pour de grands décolla avec Jean Stampe comme pilote pour fait office de pièce de musée à l’époque ?
raids à l’instar de ce qui se fait dans de nom- ce qui devait être le deuxième vol « officiel » Dès lors, un premier concours est organisé
breux pays avec le Breguet 19. Comme l’acti- du prototype. On imagine bien l’appréhension sous l’impulsion de l’énergique Général
vité militaire est assez réduite à cette époque, que devait avoir le constructeur à propos de Gillieaux, commandant de l’Aéronautique
des pilotes de l’Aéronautique militaire tentent la bonne conduite de ce vol et du retour « en militaire depuis 1928. Comme à l’accoutu-
de rallier des territoires éloignés comme la colo- entier » de Sa Majesté ! Les livraisons (14 mée, plusieurs appareils sont acquis et testés
nie du Congo. Ces raids montrent la fiabilité appareils) s’étalent sur plusieurs années, car suivant le cahier des charges élaboré pour
de l’appareil, mais aussi la qualité des pilotes. la société emploie un petit nombre d’ouvriers. le remplacement. On compte ainsi trois Avia
Les Breguet voleront encore toute la décennie Ces livraisons se font en même temps que BH-33 et trois Nieuport Delage NiD-72 C1.
Avia BH-21
1e Escadrille
2e Régiment d'Aéronautique
Belgique, 1928
© C. Fernandez, Aérojournal 2019
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Fairey Fox II
3e Escadrille
1e Régiment d'Aéronautique
Goetsenhoven, Belgique, 1934
© JM. Guillou, Aérojournal 2019
Fairey Fox VI
5e Escadrille
1e Régiment d'Aéronautique
Goetsenhoven, Belgique, 1937
© JM. Guillou, Aérojournal 2019
Ces avions sont essayés pendant de longs belges). Un appareil est envoyé en Belgique passer le nombre total à 87 Firefly utilisés
mois… avant qu’on ne s’aperçoive que le pour être testé. Ses qualités semblent faire par l’Aéronautique Militaire. Plus pointue que
temps qui a passé les a rendus obsolètes ! l’unanimité et sa vitesse de 350 km/h est ses prédécesseurs, l’école de pilotage n’est
Une histoire typiquement belge ! Un nouveau très appréciée (à comparer aux 235 km/h plus suffisante pour permettre aux pilotes de
concours est organisé avec une multitude de du NiD29 et aux 245 de l’Avia). C’est ainsi prendre l’appareil en main. D’ailleurs, une quin-
candidats : les Morane Saulnier MS-222 et que le Firefly écarte tous ses rivaux, malgré zaine d’accidents sont à déplorer durant les
Dewoitine D-27 français, tous deux mono- son coût plus élevé, pour le plus grand bon- premières années opérationnelles de l’avion,
plans parasols, le Bristol Bulldog II, l’Avia heur de Fairey (l’Air Ministry britannique a dont plusieurs mortels. On envoie des moni-
BH-33E (version complètement redessinée) préféré le Hawker Fury à celui-ci). Petit point teurs à l’étranger pour observer les méthodes
et le Renard Epervier national. Celui-ci est le d’honneur, c’est le Belge Marcel Lobelle qui d’entraînement. Ces observations débouchent
premier chasseur développé par l’ingénieur. est le concepteur de cet avion à structure sur la création de l’école de perfectionnement
Avion tout en contraste avec ses ailes para- métallique. Comme des accords sont signés en 1933. Tout pilote nouvellement breveté
sols anguleuses et son fuselage aux sections pour qu’une bonne partie des avions soient doit d’abord passer un stage de perfectionne-
circulaires, il a de bonnes caractéristiques de produits par une main-d’œuvre belge, la firme ment sous la supervision d’un moniteur avant
vol et est équipé du Gnome et Rhône Jupiter Fairey s’associe avec la SEGA pour fonder d’être versé en escadrille.
VII de 480 chevaux produit par la SABCA, une filiale belge. Cette association forme la Un autre avion Fairey est produit au même
ce qui est un avantage certain ! C’est la pre- Société Anonyme Avions Fairey qui installe moment que le Firefly pour les besoins de
mière déconvenue d’Alfred Renard, car un sa chaîne de montage à Gosselies dans la l’Aéronautique militaire en matière de recon-
autre chasseur est choisi… Hors concours qui banlieue de Charleroi (elle est l’ancêtre de la naissance et de bombardement. En 1928,
plus est ! En effet, un appareil a commencé à SONACA, qui participe aujourd’hui au dévelop- un concours est organisé pour remplacer les
pointer le bout de sa casserole d’hélice lorsque pement et à la production de plusieurs avions Breguet 19 et surtout les DH-4 et DH-9 com-
le Général Gillieaux et d’autres représentants civils et militaires comme l’A400M et l’A380). plètement dépassés, mais il ne débouche sur
ont assisté à la présentation du Fairey Firefly Cette société sera le principal challenger de rien de concret. Il faut attendre 1931 et la
IIM en Angleterre. Ils sont très impression- la SABCA durant la décennie. Une première présentation du Fairey Fox II, lui-même dû à
nés par celui-ci (l’uniforme gris ardoise de la commande de 45 appareils est passée dont Marcel Lobelle, pour que les autorités compé-
RAF impressionne aussi puisque décision est 20 construits à Gosselies et qui sont pris en tentes procèdent au remplacement. Construit
prise par après de l’adopter pour les aviateurs charge en 1932. D’autres commandes font lui aussi autour d’une structure métallique,
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l’appareil est motorisé par un Rolls Royce frappant de constater que la politique de réar- plus régulièrement le territoire ? On tente alors
Kestrel à l’instar du Firefly ce qui permet mement du royaume se heurtera souvent à la le remplacement du Rolls Royce Kestrel de la
enfin une certaine standardisation. Une pre- crainte de crisper les tensions avec le voisin première version par un Hispano Suiza de 785
mière commande de 12 avions est passée, germanique, l’obligeant à s’enfermer dans une chevaux, donnant ainsi naissance au Firefly
très vite suivie de 31 autres construits dans stratégie purement défensive. La première de IV. Mais le projet n’ira pas plus loin que ce
la filiale à Gosselies (dont quelques-uns en ces possibilités consiste à améliorer les appa- prototype. Fairey a pourtant proposé un déve-
version Fox IIS avec double commande pour reils existants ou à développer de nouveaux loppement du Firefly avec le Fantôme équipé
l’écolage). Plus surprenant, on pense à créer projets auprès des constructeurs nationaux. d’un Hispano Suiza 12Ycrs, d’un canon et
une unité de bombardement de nuit dans La seconde s’oriente vers l’achat de matériel de quatre mitrailleuses. Présenté en 1935 au
les hautes sphères de l’Aéronautique mili- à l’étranger. Mais la neutralité de la Belgique, roi, il s’écrase deux jours plus tard à la suite
taire. Peu de types d’appareils se prêtent à déclarée en 1936 – pour éviter que les armées d’un piqué. Ce qui le condamne auprès de
cette activité et on reconvertit trois Fokker allemandes ne passent par son territoire dans l’Aéronautique militaire.
acquis auprès de la compagnie civile SABENA l’intention d’attaquer la France comme en L’affaire est tout autre concernant le Fairey
en bombardiers ! 1914 – va faire passer le pays au second Fox : il apporte une série importante de déri-
plan auprès des nations étrangères telles que vés rentrant en service dans les unités de
les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, première ligne et devient un véritable couteau
DE NOUVEAU, d’autant que ces pays sont eux-mêmes en suisse, se retrouvant dans les unités de recon-
L’OBSOLESCENCE plein réarmement.
L’inertie de la France et de la Grande-Bretagne
naissance et bombardement, d’entraînement,
mais aussi de chasse ! De nombreux Fox IIM
Au milieu des années 1930, alors que le martè- face au réarmement de l’Allemagne et à l’oc- des premières séries reçoivent une verrière
lement des bottes se fait de nouveau entendre cupation de la Ruhr n’est pas étrangère à cette au-dessus de l’habitacle. En 1935, le Fox
chez le voisin oriental de la Belgique avec le décision. Dès lors la politique militaire se fon- IIIC fait son apparition. Produit à 34 exem-
réarmement du troisième Reich, l’Europe se dera uniquement sur des principes défensifs plaires, il est mieux armé (deux mitrailleuses
lance une nouvelle fois dans une course à l’ar- et notamment l’amélioration des fortifications tirant vers l’avant) et reçoit aussi un cockpit
mement pour faire face à un éventuel conflit. de Liège et d’Anvers. Le gouvernement et le semi-fermé. Mais le moteur Kestrel devient
C’est aussi le cas pour l’Aéronautique militaire parlement s’enferment dans la stratégie de trop limité en puissance pour permettre tout
du royaume qui démarre avec beaucoup de 1914 sans prendre en compte les avancées développement. La version plus puissante est
retard. Sans doute à l’avant-garde au début de tactiques développées pendant la guerre d’Es- le Fox VI dérivé des Fox IV et V développés
la décennie, les Firefly et Fox s’avèrent dépas- pagne. Le budget donné à l’arme aérienne s’en en Grande-Bretagne à partir d’une cellule qui y
sés au milieu de celle-ci. Et ce, alors que le pro- ressent forcément ! est envoyée. Au retour de celle-ci, un Hispano
totype du Bf 109 s’envole en mai 1935, suivi Suiza Ydrs de 860 chevaux est monté, ce qui
quelques mois plus tard par les Hurricane et permet au Fox VI de voler à 360 km/h. Dès
Spitfire ! Que dire alors du Breguet 19 toujours AMÉLIORATIONS 1934, 24 exemplaires de la version R sont
utilisé dans les escadrilles de reconnaissance
et de bombardement ? Pire, l’Aéronautique
ET PROTOTYPES commandés pour la reconnaissance. De 1935
à 1937, 56 exemplaires seront produits en
militaire prouve son manque de préparation Pour la chasse, le Firefly voit le remplacement version de chasse biplace sous la dénomina-
lors de manœuvres militaires organisées en de son duo de mitrailleuses Vickers 0.303 par tion de Fox VIC. Quelques-uns seront équipés
septembre 1937 avec un tiers de son parc deux FN/Browning de 7,62 mm construites d’hélices tripales, notamment pour participer
aérien indisponible. Des Breguet 19 simulant localement. Une hélice plus légère en bois au meeting international de Zurich de 1937.
une attaque de la capitale se jouent facilement prend aussi la place de la Fairey Reed d’ori- Deux exemplaires sont transformés la même
de la chasse, malgré leur flagrante vétusté ; gine. Certains appareils recevront en plus un année par un radiateur ventral reculé, don-
reste que seuls 60 % de ceux-ci atteignent poste radio émetteur-récepteur. Mais quelle nant ainsi naissance au Fox VII « Kangourou ».
leur objectif. est l’utilité d’un changement de mitrailleuses Cette version monoplace reçoit un armement
Pour étoffer son parc aérien, deux possibilités si l’avion s’avère incapable de rattraper les porté à six mitrailleuses tirant vers l’avant,
s’offrent alors à la Belgique, malgré les moyens appareils de la Luftwaffe (ainsi que de la RAF soit 4 dans l’aile supérieure et 2 dans le
limités mis à sa disposition. Il est d’ailleurs et de l’Armée de l’Air) survolant de plus en fuselage. Mais le projet ne va pas plus loin.
17
Le dernier développement est le Fox VIII com- présérie de 6 machines, à construire dans les de 1 050 ch, et l’autre avec un Hispano Suiza
mandé à 12 exemplaires en 1938 ; il comporte ateliers Renard, avant un éventuel contrat por- de 860 ch, mais aucun de ces deux avions
une hélice tripale et un capot-moteur mieux tant sur l’achat de 40 exemplaires. Les dés n’est retenu pour une production en série.
profilé sans les mitrailleuses, l’armement étant semblent donc avoir été pipés en faveur du Lancée dans la course à l’armement, et
constitué des 4 mitrailleuses de l’aile supé- chasseur britannique, car l’accident d’un pro- malgré de faibles moyens, l’Aéronautique
rieure. Les Fairey Fox seront donc les plus totype est monnaie courante à cette époque et militaire doit acheter des avions à l’étranger
nombreux en mai 1940, que ce soit dans les n’empêche pas nécessairement de déboucher pour combler son retard. En 1936, le géné-
escadrilles de chasse ou de reconnaissance sur une commande. Comme si le crash du ral Duvivier, à la tête de la DAT (Défense
et bombardement. prototype du B-17 avait empêché la fabrica- Aérienne du Territoire créée en 1935) part
L’industrie nationale n’est pas en reste. Suivant tion du bombardier à 12 677 exemplaires ! avec une délégation d’officiers en Grande-
les idées qui se développent au début des Sur la base du R-36, une version survitami- Bretagne visiter les usines Fairey. Ceux-ci
années 1930 concernant la doctrine du combat née équipée du moteur en étoile Gnome et sont impressionnés par le Fairey Battle…
aérien, le commandement lance un programme Rhône 4N21 de 1 050 chevaux voit le jour. qui n’impressionnera plus du tout en 1940.
en 1934 pour un avion de bombardement et Les performances de l’appareil ne sont pas Entre-temps, une commande pour 16 bom-
reconnaissance qui peut également servir de connues, car il ne volera pas avant l’occupa- bardiers est passée, livrés entre 1937 et
croiseur aérien. Ce programme est inspiré du tion de la Belgique, mais il démontre une belle 1938. Pour remplacer les Firefly, 22 Gloster
BCR de l’Armée de l’Air et s’avère tout aussi prouesse technologique de par la greffe d’un Gladiator Mk .I sont aussi commandés. De
décevant. Deux curieux appareils sont créés, moteur en étoile en lieu et place d’un moteur nouvelles commissions d’achat arrivent en
biplans bimoteurs à train fixe armés de tou- en ligne ; or, nous savons les difficultés qu’ont Grande-Bretagne en 1938 pour l’acquisition
relles de nez, dorsale et ventrale. Le Stampe connues les ingénieurs en tentant cette modi- de Spitfire et de Hurricane, mais seul ce der-
et Vertongen SV10 s’écrasera lors d’essais fication durant la Seconde Guerre mondiale. nier peut être fourni, dont 20 sur les stocks
en 1934, tuant Léon Stampe, le fils unique du Une version biplace est prévue sous la forme de la RAF, par un contrat signé début 1939.
constructeur et pilote d’essai. Le LACAB GR8, d’un chasseur-bombardier apte à transporter Ils sont de la première version avec hélice
très vite surnommé « doryphore » à cause de 200 kg de bombes, voire une torpille ! Autre bipale. Seul quinze sont livrés avant l’entrée
son nez disgracieux, est déjà anachronique développement : le R-38 est aménagé avec un de la Grande-Bretagne dans la guerre. Un deu-
lors de sa construction. Il sera endommagé en Rolls-Royce Merlin II ; il vole pour la première xième contrat est signé pour la construction
1938 avant d’être détruit dans un hangar par fois en 1938. Le prototype est emmené en sous licence de 80 machines à construire
des bombes allemandes en mai 1940. France lors de l’attaque allemande et n’entraîne dans les usines Fairey à Gosselies ainsi qu’à
Il en va tout autrement du Renard R-36 : il pas de suites. Enfin, le R-40 est construit pour la SABCA (sauf les moteurs livrés par Rolls
équivaut en performance à ce qui se fait de le compte du ministère de l’Air français, mais Royce), avec 4 mitrailleuses lourdes de 12,7
mieux à l’époque. En 1936, l’ingénieur et son n’aura pas le temps d’être terminé. mm et hélice tripale. Seuls trois effectuent
équipe entreprennent l’étude d’un monoplace Renard produit un autre avion pour l’Aéro- leur premier vol avant le 10 mai 1940.
de chasse armé d’un canon et de 4 mitrail- nautique militaire depuis 1934, le Renard D’autres avions indigènes rentrent en ser-
leuses. Mû par un Hispano Suiza 12Ycrs de R-31, dont il reçoit une commande de 28 vice, surtout pour l’entraînement des pilotes,
910 ch, l’appareil peut atteindre une vitesse exemplaires. Ils sont construits à la fois par la comme les Stampe et Vertongen SV-22 de
de 505 km/h lors des premiers vols en 1937. SABCA et les ateliers Renard au nombre final perfectionnement et le SV-5 d’écolage et de
Le prototype s’écrase en 1939 sans qu’une de 34. Appareil de reconnaissance classique à liaison. 20 exemplaires en sont produits entre
production en série ne soit prévue, au grand aile parasol, il reste en service dans les esca- 1936 et 1937. Dix sont même vendus à la
dam d’Alfred Renard et de la presse. Celle-ci drilles d’observation jusqu’à la capitulation Lettonie, faisant ainsi partie des rares avions
s’offusque du choix porté par le Gouvernement du 28 mai 1940. Une version équipée du militaires nationaux vendus à l’étranger. Les
d’acheter le Hurricane alors que le R-36 offre Lorraine Pétrel ne donnera pas de suite tout SV-5 servant dans les escadrilles d’observation
de belles promesses avec une cellule propice comme le Renard R-32. Deux prototypes de comme appareils de liaison sont équipés d’une
au développement. Une option avait pourtant cette version améliorée avec habitacle fermé mitrailleuse fixe et d’une autre mobile en place
été prise fin 1938 pour la fabrication d’une sont construits, l’un avec un Gnome et Rhône arrière. Pour remplacer les vieux Avro 504,
Fiat CR.42
Commandant du IIe Groupe Major Jacques Lamarche
2e Régiment d'Aéronautique
Nivelles, Belgique, mai 1940
© JM. Guillou, Aérojournal 2019
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ique
Aérorama Belg militaire
L'a ér on au tiq ue
Renard R-31
9e Escadrille
1e Régiment d'Aéronautique
Wilderen, Belgique, 1940
© JM. Guillou, Aérojournal 2019
Renard R-31
11e Escadrille
1e Régiment d'Aéronautique
Bierset, Belgique, années 1930
© JM. Guillou, Aérojournal 2019
l’Aéronautique militaire commande 30 SV-4B franco-britanniques. À charge des Firefly, Fox Un Heinkel intercepté par des MS.406 est
en 1939. 24 exemplaires de cet excellent VIC et Gladiator de surveiller la zone Ouest. touché au-dessus de la Belgique pour être
appareil d’entraînement sont construits avant Évidemment, les interceptions s’avèrent ensuite attaqué par des Gladiator qui ouvrent
l’invasion allemande durant laquelle ils sont difficiles pour les deux premiers appareils le feu sur l’avion. Le bombardier finira par être
repliés en France puis au Maroc. Au vu des et leurs moteurs devenus poussifs. Mais il pris sous le feu de la DCA néerlandaise avant
qualités de l’appareil, sa production reprendra arrive que les intrus se voient rejoints. Dans de s’écraser enfin sur la Hollande ! Ce genre
de plus belle après guerre. ce cas, la première mesure est de tirer des d’actions perdure tout au long de la « Drôle
L’entrée en guerre de la Grande-Bretagne et fusées éclairantes voire des balles traçantes de Guerre ».
de la France, qui fait suite à l’attaque des pour intimer l’ordre d’atterrir sur le terrain le
troupes allemandes en Pologne, débouche sur plus proche. Plusieurs avions de la RAF sont
ce qui est communément appelé la « Drôle de internés de la sorte, parfois simplement sur SHOPPING
Guerre ». Elle ne l’est pas trop pour la chasse
belge. Même si le pays est toujours neutre,
panne ou même erreur de pilotage. On compte
parmi eux un Whitley, un Wellington, deux
DE DERNIÈRE MINUTE !
le roi Léopold III tente par tous les moyens Blenheim et plusieurs Hurricane dont certains Il est évident que toutes ces actions mettent
d’éviter un second conflit mondial par divers sont repris en compte par l’Aéronautique en lumière les insuffisances de la chasse et
appels à l’apaisement. Malgré tout, la mobili- militaire. Mais plusieurs interceptions ne se l’obligation de moderniser celle-ci. Déjà en
sation générale est proclamée en 1939 pour déroulent pas comme prévu. Un Fox est abattu 1938, le Général Hiernaux, commandant l’Aé-
faire face à la montée des tensions. Coincé par le mitrailleur d’un Armstrong-Whitworth ronautique militaire depuis peu suite à la démis-
entre les différents belligérants, l’espace aérien AW 38 Whitley parti lâcher des tracts sur sion du Général Isserentant (dont les piètres
belge est presque quotidiennement survolé, l’Allemagne et coupant au plus court. Plus manœuvres de l’arme aérienne ont précipité
et ce de tous côtés. Ces incursions mettent dramatique, un Dornier 17 est intercepté par la chute), se rend en Italie accompagné du
irrémédiablement en avant les faiblesses de plusieurs Hurricane à haute altitude au-des- Général Duvivier. Des contacts se nouent avec
l’Aéronautique militaire. Dès septembre, on sus des Ardennes. Le mitrailleur arrière prend des firmes italiennes, qui débouchent fin 1939
décide d’affecter les premiers Hurricane à la pour cible le leader qui est abattu, pilote tué. sur l’achat de 40 Fiat CR.42. Celui-ci a l’avan-
surveillance de la frontière Est. C’est une déci- D’autres Hurricane seront impliqués dans de tage d’être livré rapidement contrairement aux
sion logique, car on craint plus une invasion semblables conditions lors des jours et mois avions anglais. 34 exemplaires arrivent avant le
venant de ce côté. De plus, les Do 17 et He suivants avec des fortunes diverses. Il arrive 10 mai. La commission passe aussi commande
111 de reconnaissance sont beaucoup plus aussi que plusieurs nationalités soient impli- de 24 Caproni 312 de reconnaissance et de
difficiles à rattraper que leurs homologues quées dans des combats aériens. Un exemple, bombardement qui n’atteindront jamais le pays.
19
Gloster Gladiator
1e Escadrille
2e Régiment d'Aéronautique
Schaffen, Belgique, 1939
© JM. Guillou, Aérojournal 2019
Cette même firme construit en Italie le pro- aussi pour les 16 bombardiers Douglas DB-7 terrain de Schaffen [3]. Le brouillard persiste
totype d’un biplace de chasse et de bom- commandés. Au vu de la stratégie défensive et le commandement hésite à donner l’ordre
bardement développé en collaboration avec et des tactiques employées pendant l’offensive d’envol, préférant attendre que le soleil perce.
la SABCA [1], le S.47 (Caproni Ca 335 allemande, on peut d’ailleurs se poser la ques- Les Hurricane, avec des Gladiator et Fox, sont
« Maestrale » pour les italiens). Celui-ci, qui tion de l’emploi qui aurait été fait de ces avions. ainsi toujours alignés comme à la parade. Une
doit à terme remplacer les Fox, est armé d’un Enfin, la France et les Pays-Bas sont sollicités aubaine pour le petit groupe de Do 17 qui
canon axial et trois mitrailleuses (deux dans les via la SABCA qui doit produire sous licence arrive à l’aube et réalise un carnage. Seuls deux
ailes et une en défense arrière). Une licence de le Breguet 694, version triplace de reconnais- Hurricane parviennent à quitter le terrain (l’un
fabrication pour 24 appareils est alors passée, sance armée, 32 pour l’Aéronautique militaire deux revendiquant un Heinkel lors de ce vol,
mais aucun ne sort des chaînes d’assemblage et 10 pour l’Armée de l’Air [2]. La guerre empê- première victoire probable de la guerre pour
avant l’attaque du 10 mai. Le prototype est chera cette production. 16 Koolhoven FK-56 l’Aéronautique militaire). D’autres terrains sont
accidenté en mars 1940 en France lors d’une parviennent au pays sur une commande de attaqués, causant des pertes parmi les Fox
série de présentations, ce qui l’empêche de 20 avions auprès de l’avionneur néerlandais. et Battle. Durant cette première journée, des
revoler avant l’arrivée des Allemands. combats aériens opposent la Luftwaffe aux
D’autres contrats sont établis à l’étranger Fiat CR.42 et Fox VIC. Quelques victoires sont
notamment aux États-Unis. Suite à l’échec GRANDE DÉFERLANTE revendiquées, un Fox se payant même le luxe
des négociations pour l’achat de Curtiss H75 d’abattre un Bf 109 ! Mais le prix est sévère
(les Français et Anglais commandent déjà mas- La plupart de ces appareils ne sont donc pas avec de nombreux chasseurs abattus. Au soir
sivement l’appareil), le choix se porte sur le encore entrés en service lors de l’attaque alle- du 10 mai, 45% de l’aviation est détruite dont
petit chasseur rondouillard de Brewster, seul mande et beaucoup de pilotes vont prendre un bon nombre de chasseurs.
appareil disponible relativement rapidement. part au combat dans des avions dépassés. Un deuxième massacre a lieu le lendemain,
Un contrat est signé en décembre 1939 pour C’est une preuve du courage de tous ces avia- mais dans des actions de bombardement.
la livraison de 40 B-339B, version terrestre du teurs. Dans la nuit du 9 au 10 mai 1940, le Contrairement à ce qui était prévu, des ponts
F2A-2 destiné à l’exportation, afin de rempla- gouvernement belge apprend, via son attaché sur le Canal Albert, proches de la frontière
cer les Fox VIC. Malheureusement, ils n’at- à Berlin, que l’attaque allemande est prévue allemande, n’ont pas été détruits. Les Battle
teindront jamais la Belgique. Le premier avion au lendemain matin. L’Aéronautique militaire sont requis pour effectuer le travail. On espère
atteint le port de Bordeaux en caisse et est cap- est immédiatement alertée et les escadrilles que les bombinettes de 50 kg parviendront
turé par les Allemands. Six accompagnent le s’envolent de leurs terrains de campagne. à pulvériser les ouvrages massifs en pierre ;
porte-avions Béarn dérouté en Martinique suite Mais comme trop souvent, tout ne se passe l’espoir fait vivre ! Les bombardiers s’envolent
à l’armistice. Ils y sont stockés. Les 33 autres pas comme prévu. Le gratin de la chasse en trois pelotons de trois appareils, un pelo-
sont cédés au Royaume-Uni. Ce sera le cas belge, les Hurricane, vont être surpris sur le ton pour chaque pont. Tout commence mal
Fairey Battle
5e Escadrille
3e Régiment d'Aéronautique
Evère, Belgique, 1938
© JM. Guillou, Aérojournal 2019
20
ique
Aérorama Belg militaire
L'a ér on au tiq ue
puisque les Gladiator envoyés en escorte sont la campagne. Les pilotes ne refusent jamais n’acceptent pas la situation et préfèrent conti-
interceptés par des Bf 109 et plus de la moitié de partir seuls au-dessus du front, avec leurs nuer le combat plutôt que l’inaction ou l’inter-
sont abattus (pour un 109 en contrepartie). appareils dépassés, pour réaliser les missions nement. Partant de France ou du Maroc, ils
Le premier peloton perd un appareil puisqu’un demandées et subir les attaques dans un ciel rejoignent la Grande-Bretagne [5]. Ces premiers
Battle est abattu par un He 111, preuve de aux mains de la Luftwaffe. Des Firefly sont pilotes vont participer à la bataille d’Angle-
la vulnérabilité de l’avion. Un deuxième est retirés de leur paisible retraite pour combler les terre dans les unités du Fighter Command.
descendu par un « 109 ». Quant au dernier, il pertes dans les groupes de chasse. Ils effec- D’autres les rejoindront au cours des mois et
peut lâcher ses bombes, mais celles-ci ne font tuent d’ailleurs une mission de guerre pour années suivantes parfois de manière rocambo-
qu’égratigner le pont. Le deuxième peloton montrer les cocardes. Tellement bien qu’un lesque. À ce titre, le futur Général-Lieutenant
perd deux appareils détruits par le Flak et seul appareil doit effectuer un atterrissage forcé « Mike » Donnet [6] tient la palme. Il s’échappe
le troisième peut rentrer au terrain. Enfin, cela après avoir subi des tirs de la part de troupes de nuit au nez et à la barbe de l’occupant
ne va pas mieux pour le troisième groupe : l’un belges ! Les Fiat effectuent encore quelques en compagnie d’un autre pilote, à bord d’un
des avions doit se poser en catastrophe après missions, perdant plusieurs appareils, avant SV-4b qu’ils ont retapé pendant de longues
des tirs fratricides venus du sol et les deux de rejoindre la France où de nombreux avions semaines agitées.
autres sont abattus par la Flak autour de l’ou- de l’Aéronautique militaire ont déjà trouvé Le nombre de pilotes belges sera suffisant
vrage d’art. Que ce soit dans l’Aéronautique refuge [4]. Ce repli vers la France plutôt que la pour créer deux Squadrons : les Nos. 349
militaire ou dans la RAF, le Battle apporte à Grande-Bretagne manifeste l’espoir que la lutte et 350. Au sortir de la guerre, plus d’un millier
cette époque la preuve qu’il n’a plus sa place est encore possible et que le voisin français va de Belges auront servi dans la RAF (Plus ou
au combat. pouvoir arrêter la déferlante allemande comme moins 200 dans la South African Air force et
Pendant que les bombardiers de la Luftwaffe en 1914. Ce ne sera malheureusement pas le une dizaine dans l’USAAF). Ils rassembleront
continuent à matraquer les aérodromes les cas. Quelques Fiat se retrouvent sur le terrain plus de 161 victoires confirmées.
jours suivants, Fox et Renard poursuivent de Chartres (dont trois arrivés en caisse depuis
leurs missions de reconnaissance (quelques-
unes pour le Battle), ce qu’ils feront jusqu’à la
Bordeaux). La capitulation de la Belgique le
28 mai 1940 n’entraîne pas la fin des combats Bibliographie
capitulation puisque ce sont les seuls avions pour ces avions qui participent à la protection • S. Capron, L’Aviation Belge et nos
qui seront disponibles du début à la fin de de l’aérodrome et sa région pendant plusieurs souverains, Ed. J.-M. Collet, Bruxelles,
jours. Face à l’avance allemande, ils effectuent 1988.
[1] Selon les accords, la SABCA un périple qu’ils terminent à Fréjorgues lorsque • J. Pacco, L’Aéronautique militaire 1930 –
devient le représentant des avions la France capitule. Les vieux Firefly protègent 1940, J.P. Publication, Bruxelles, 2003.
militaires Caproni en Belgique. aussi le ciel français puisque plusieurs appareils • A. Hauet et G. Roberty, Les Avions
[2] La SABCA obtient aussi un contrat
effectuent des missions de protection de ce Renards 1922 – 1970, Ed. A.E.L.R.,
pour la construction de 10 Koolhoven même terrain de Fréjorgues jusqu’au 15 juin. Bruxelles, 1996.
FK-58 destinés à l’Armée de l’Air. Plus de 136 missions sont effectuées durant • C.-J. Ehrengardt, Voyage au Bout de l’En-
les 18 jours de la campagne. On compte 21 fer ; les Breguet au Combat in Aérojournal
[3] Les moyens de détection sont encore n°26, Aéro Éditions International, France,
rudimentaires, majoritairement composés
victimes parmi les navigants, 39 appareils sont
d’appareils d’écoute. Les liaisons radios abattus en combat et 136 sont détruits au sol, Juin – Juillet 2002.
n’existent pas et le système de morse qui ce qui atteste de l’efficacité des attaques de la • P. Listemann, Rendez-Vous Avec la
transmet les messages est brouillé ! Luftwaffe sur le terrain. L’Aéronautique mili- Malchance ou l’Histoire Ratée des Buffalo
Belges in Aérojournal n°28, Aéro Éditions
[4] L’école de pilotage rejoint Caen taire a beau avoir des pilotes de valeur en mai
International, France, Décembre 2002 –
Carpiquet et l’école d’observation se rend 1940, mais si le matériel ne l’est pas, ceux-ci
Janvier 2003.
à Pau. L’école de tir va à Cazaux. ne peuvent faire de miracles. C’est le triste • D. Brackx, P. Cryns, 100 Ans d’Aviation
constat de la campagne. Les aviateurs restés en Belgique, Ed. Racine, Bruxelles, 2002.
[5] Certains seront condamnés pour
détournement de matériel militaire ! sur le sol belge jusqu’à la capitulation doivent • M. Donnet, Les Aviateurs Belges dans
saborder leurs avions sur ordre, alors que la Royal Air Force, Ed. Racine, Bruxelles,
[6] Le baron Michel Donnet est d’abord un pilote beaucoup veulent continuer la lutte. Mais les 2006.
de Renard R-31 dans l’Aéronautique militaire. Il
obtiendra 4 victoires dans la RAF et y commande
pilotes sont menacés d’une condamnation pour • M. Destexhe, H. Van Severen, Rêves et
le No. 350 Squadron en 1944. Après-guerre, il désertion s’ils tentent l’aventure. Un grand Obstinations de l’Industrie Aéronautique
travaillera à la réorganisation de l’aviation militaire nombre d’entre eux se voient internés par les Belge ; SABCA 1920 – 1990, SABCA,
et occupera plusieurs postes à l’OTAN. Allemands. Pourtant, beaucoup d’aviateurs Bruxelles, 1992.
21
BATAILLE AÉRIEN
NE
1944
TROIS JOURS
EN
MAI
Raids américains sur la Provence
par Guy Julien
R
elevant du « Transportation Plan » édicté par le SHAEF en prévision du débarquement
de Normandie, la destruction des voies de communication sur l’ensemble du territoire
français revêt à la fin du printemps 1944 un aspect prioritaire. Le rôle dévolu aux milliers
d’appareils des 2nd TAF et des 8th 9th et 15th Air Forces consiste donc à interrompre
tout trafic sur les axes est/ouest mais également sud/nord afin d’empêcher l’acheminement
des renforts allemands vers les plages où se doit se jouer le succès de l’opération « Overlord ».
22
Raids américains
sur la Provence
Les
triage et les ateliers de réparation
ferroviaire sont dans ces conditions
placés en tête de liste des objectifs
à atteindre. À plus long terme, les
missions conduites dans ce cadre par les équipages du
MASAF sur la Provence, le Languedoc et la vallée du
Rhône ont également vocation à préparer un futur débar-
quement prévu dans le Midi.
Les phases préliminaires à cette dernière entreprise ont
débuté le 29 avril 1944 avec le bombardement de Toulon.
La destruction d’objectifs militaires majeurs demeure bien
entendu à l’ordre du jour un mois plus tard. En outre, des
frappes sont également prévues contre les principales
bases aériennes à partir desquelles continuent d’opé-
rer les bombardiers torpilleurs du General Korte, dont
l’élimination constitue un impératif tant pour la réussite
de « Overlord » que pour celle plus lointaine de « Anvil ».
23
Ce sera l’unique manifestation de la défense allemande. Les Allemands disposent en C’est donc rassurés que les hommes quittent le local
Indifférents aux péripéties affectant leur escorte, les B-24 Provence et sur la côte d’Azur des opérations.
d’un réseau de détection
après un vol sans histoire s’alignent sur le Bomb Run. dense et efficace. Ici, la Les premiers décollages ont lieu vers 6h30. 36 Liberator
La visée est favorisée par la visibilité parfaite et l’absence colossale antenne du radar appartenant au 464th BG prennent l’air suivis par 32
de DCA. Le rapport rédigé à l’issue du raid par le 461st Wassermann établit au Cap autres du 465th BG. Le Cap Corse est atteint à 11h45.
BG fait état d’une grande réussite avec 35 % de bombes Dramont, à l’est de Fréjus. Les avions volent alors à 18 000 pieds, altitude de croi-
tombées dans un rayon de 1 000 yards de l’objectif. Fahrenberger (à gauche) sière. Vers 12h30 ,les quadrimoteurs se présentent
Quand on connaît la surface relativement limitée des et Rippert : deux pilotes du à l’ouest de Nice à la verticale du point d’entrée prévu.
installations visées, on comprend mieux l’étendue des JGr Süd impliqués dans les Immédiatement la Flak réagit par un violent tir de bar-
combats du 25 mai, durant
pertes civiles induites (97 tués). rage. Plusieurs B-24 sont atteints. Aucun n’est toutefois
lesquels Rippert revendique
Le repli ne s’effectue pas en bon ordre, puisque seule un B-24. Ils se retrouveront contraint d’abandonner la mission. Poursuivant leur vol
une partie des bombardiers vire effectivement sur son ensuite au sein de la JG 77. vers le nord, les « lourds » virent au-dessus du lac du
cap de retour. D’autres quadrimoteurs poursuivent vers Bourget, près d’Aix-les-Bains, en Savoie, avant de prendre
le nord, en plein cœur du territoire ennemi. Le 82nd FG La Luftwaffe réagit une route plein ouest en direction de Lyon.
doit donc rassembler le « troupeau » avant de reprendre vigoureusement le 25 mai, Après quelques minutes, moyennant une infime correction
la direction de la côte méditerranéenne, où la formation mais elle n’est plus capable de trajectoire, ils se présentent au-dessus de Givors, où
d’intervenir sérieusement par
est saluée à la verticale de Fréjus par les tirs peu précis de les premières bombes s’abattent peu avant 13h00 en
la suite . Ici un Bf 109 G-6 du
la Flak. Si cette première mission est à considérer comme JGr Süd photographié sur prenant la défense passive complètement au dépourvu.
un « Milk Run », d’autres vont en revanche se révéler l’un des terrains de la région. L’objectif atteint, sa rotonde en ruines et un important
beaucoup plus mouvementées !
24
Raids américains
sur la Provence
25
ne laissant que peu de chance de survie aux hommes
servant à son bord. Quelques-uns peuvent malgré tout se
parachuter. Atrocement brûlé, seul Trotter est retrouvé
vivant. Bringuebalé d’hôpital en hôpital, il décédera à Dijon
quelque semaines plus tard. Les dépouilles de ses cama-
rades seront en revanche inhumées en pleine forêt, avec
poru simple épitaphe « Aviateurs du Liberator 41-29382
abattu le 25 mai 1944. » Ils avaient baptisé leur avion
le « Lucky Lady »…
Tandis que les débris incandescents du « Lucky Lady »
déclenchent dans l’Esterel un départ d’incendie, le qua-
drimoteur du 2nd Lieutenant Garniss (779th BS) perd de
l’altitude, puis rompt la formation avant de disparaître
en Méditerranée, après que certains des membres de
son équipage aient été vus l’abandonner en se para-
chutant. En tout état de cause, aucun des 11 hommes
qui volaient ce jour-là à bord du B-24 H S/N 42-52463
ne reparaîtra jamais.
Épuisés, les survivants du 464th BG atterrissent à Goia
del Colle en milieu d’après-midi. L’unité a certes subi
des pertes mais sa défense opiniâtre a considérablement
érodé le potentiel militaire du EK / JGr Süd. Malmené au
Tandis qu’au terme d’un combat engagé dans le sec- Des B-24 au-dessus cours de cet affrontement, il n’est déjà plus en mesure
teur de Draguignan, Horst Rippert obtient quant à lui la de Nice ; la réaction de d’intervenir significativement dans la bataille. Le Einsatz
la Flak ou de la chasse
reconnaissance d’une victoire remportée à 13h59 contre adverse est inexistante. Kommando n’a pas été la seule formation du JGr Süd
un Liberator. C’est sa deuxième du mois, après celle du à parvenir au contact de l’ennemi. C’est ainsi que le
13 mai au-dessus de la Camargue contre un Mosquito Feldwebel Georg Amon servant en tant qu’instructeur
PR IX appartenant au No. 60 (SAAF) Squadron. au sein de la 1. Staffel se voit accorder l’homologation
Les archives allemandes font seulement état d’une perte d’un B-17 attaquée au large de Nice.
en combat aérien survenue dans le secteur de Cuers au Si les archives américaines ne recèlent aucune trace d’une
lieu-dit Camp de Vales. Il est difficile de raccrocher avec victoire de cette nature, il n’en demeure pas moins que
certitude cette annotation à un fait précis. S’agit-il de des B-17 ont bien été mis à contribution dès ce premier
Rippert contraint d’effectuer un atterrissage d’urgence jour d’offensive.
en campagne, d’une autre victime revendiquée par les
mitrailleurs de l’USAAF ou d’un Messerschmitt descendu LYON - Ayant, comme tout le monde décollé au petit
au-dessus de l’Estérel ? Son pilote parvenu à se parachuter matin de leur base italienne les « Forteresses » se présen-
au-dessus d’une zone boisée est récupéré par les troupes tèrent peu après 13h00 au-dessus de leur cible. Les 61
d’occupation arrivées prestement sur les lieux. appareils appartenant aux 2nd et 97th BG se délestent
Le sauvetage de leur camarade aviateur n’est pas, à la les premiers de leur chargement d’engins explosifs sur
vérité la seule cause de cette intervention rapide de la la gare de triage de Vénissieux. Sept minutes plus tard
part des Allemands. Le B-24 H du 2nd Lieutenant William les 63 B-17 des 301st et 483th BG parachèvent les
O’Trotter du 777th BS a en effet été vu quelques minutes Les escortes sont parfois destructions occasionnées par la première vague en lar-
musclées, mais ces Mustang
plus tard s’écraser un peu plus loin. Atteint à plusieurs P-51 B, en l’occurrence
guant cette fois des projectiles lourds de 1 000 livres.
reprises par les obus allemands, le quadrimoteur dont les du 31st FG, n’ont guère L’attaque réalisée à très haute altitude (jusqu’à 24 000
réservoirs d’aile ont été perforés s’embrase d’un seul coup l’occasion d’intervenir. pieds pour certains groupes) est exécutée sans aucune
26
Raids américains
sur la Provence
27
À ce moment, une erreur de trajectoire conduit le
464th BG et à sa suite le 460th à prendre la tête du
raid, rôles qui étaient initialement dévolus au 465th BG
suivit du 485th BG. Dans cette nouvelle configuration,
les raiders survolent Grenoble quelques minutes avant le
bombardement de la ville par deux groupes du 304th BW,
puis Chambery qui va sous peu subir l’assaut d’autres élé-
ments du même 304th. Le pivot a été effectué au-dessus
du lac du Bourget, et les bombardiers survolent mainte-
nant Vénissieux dont la gare de triage – comme celle de
Grenoble – semble regorger de matériels.
Bénéficiant une fois de plus d’excellentes conditions
météorologiques, le 464th BG se déleste de ses bombes
de 500 livres sur les installations de la Mouche à 10h41.
À 10h43, le 460th procède sur la même cible au lar-
gage de 63,5 tonnes d’explosifs. Les 465th et 485th
BG interviendront à leur tour entre 10h40 et 10h45 sans
être gênés par la chasse adverse ou une Flak totalement
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Raids américains
sur la Provence
d’une explosion d’origine indéterminée. L’incendie se Les conditions météo Pendant ce temps, les 455th et 456th BG qui ont d’ores
propage à hauteur de la tourelle dorsale. Immédiatement rencontrées pendant ces et déjà effectué une légère inflexion de trajectoire foncent
trois jours de mai ne seront
une épaisse fumée envahit le poste de pilotage. Quatre pas toujours idéales, comme vers Grenoble dont les installations ferroviaires de Saint-
membres d’équipage évacuent le bombardier tandis que le l’illustre ce cliché montrant Martin de Vinoux sont bombardées peu après. Pour les
pilote (Lieutenant Tomkins du 429th BS) parvient à maî- des B-24 du 464th BG. hommes du 1st FG, il s’agit à tous points de vue d’une
triser le sinistre et à regagner la Corse tant bien que mal. mission tranquille. Quatorze sorties sont validées sans
Sur les quatre aviateurs parachutés, seuls deux survivront victoire ni perte. À l’échelle du jour, cela représente moins
aux hostilités. de 2 % du total des vols opérationnels réalisés par le
Le 5th BW (à l’exception du 99th BG détaché sur Bihac) MASAF, qui a engagé en une seule matinée plus de
bénéficiant d’une couverture de chasse assurée par les bombardiers que lors le grand raid du 29 avril 1944.
Mustang du 31st FG bombarde finalement la ville de Simples rouages d’une vaste organisation, les pilotes qui
Saint-Etienne beaucoup plus que la gare elle-même. En participent à ces missions n’ont pas toujours conscience
quelque minutes 176 B-17 larguent plus de 400 tonnes de de l’importance de l’effort consenti par les MAAF. C’est
bombes. Elles causent la mort de plus de mille personnes ainsi que sur le chemin du retour, les hommes du Fighting
et dix fois plus de sinistrés. First notent l’exceptionnelle efficience des fumées
Outre les citadins fauchés dans les grands centres urbains de camouflage mises en œuvre au-dessus de Nice.
par les « bombes amies » il y eut également des morts
causées dans des lieux reculés non initialement visés par
l’offensive alliée. Tel est le cas de Forcalquier, sous-pré-
fecture tranquille du département des Basses Alpes ; cette
bourgade ne présentant a priori aucun intérêt stratégique
est néanmoins bombardée par erreur le 27 mai, sans
doute par un B-24 du 49th BW…
L’ensemble du grand sud subit en effet l’assaut des bom-
bardiers, et à ce titre les département Alpins l’Isère et la
Savoie sont également frappés
29
Or, si à 11h30, la baie des Anges est couverte d’une de 500 morts parmi les civils (313 tués et 153 disparus),
épaisse fumée cela résulte moins d’une quelconque action 476 blessés et près de 6 000 sinistrés.
allemande que du pilonnage massif qu’elle vient de subir Et ce n’est pas fini, car la 15th Air Force entend maintenir
de la part du 47th BW. la pression !
Deux objectifs ont particulièrement été visés : les ponts
sur le Var, déjà attaqués à de nombreuses reprises,
et la gare Saint-Roch. Le 449th BG dépêche 40 de ses SAMEDI 27 MAI 1944 : ACTE III
Liberator contre la première de ces cibles. Ils quittent
leur base vers 6h00. Le rendez-vous avec le 450th BG SALON ET MONTPELLIER - Au troisième jour de l’offen-
s’opère au-dessus de Manduria. Deux heures plus tard, sive lancée par les MAAF, les terrains de Montpellier et
les B-24 sont rejoints par leur escorte, en l’occurrence Salon-de-Provence sont une nouvelle fois bombardés.
des P-38 du 14th FG. Après un dernier virage à la verti- C’est au 49th BW qu’échoit la tâche difficile de raser
cale de Lantosque, la formation s’engage sur son Bomb des installations de Salon qui avait déjà été visées à
Run. La DCA réagit assez vigoureusement. Ses tirs par- plusieurs reprises au cours des mois écoulés. S’agissant
viennent à endommager quatre bombardiers tandis qu’un d’une cible parfaitement connue, on peut s’étonner de
cinquième le « High Life » (S/N 41-28972) appartenant au l’échec relatif de l’attaque tout autant que des dommages
718th BS est atteint de plein fouet. L’avion se désintègre subis par les assaillants. La formation conduite par le
en plein vol ne laissant aucun survivant. 37 Liberator 461st BG est vigoureusement prise à partie par la Flak
réussissent cependant à pilonner la cible. Une fois de plus, dès le passage de la côte. Plusieurs B-24 sont atteints
le pont ferroviaire sévèrement atteint sera déclaré hors plus ou moins sérieusement.
d’usage par les services d’interprétation photographique Les artilleurs antiaériens s’avèrent, également, particuliè-
tandis que le pont routier touché plus superficiellement rement actifs au-dessus de l’objectif, avec pour consé-
sera considéré comme endommagé. quence une précision médiocre lors du bombardement
Précédant de quelques minutes l’attaque sur les ponts, (24 % de bombes dans un rayon de 1 000 yards autour
le bombardement de la gare Saint Roch est entrepris par de la cible). Le « Flak Finder » du 1st Lieutenant Maroney
les vétérans des 376th et 98th BG. Les premiers abordent C’est finalement à Marseille durement touché par ces tirs ne regagne pas sa base,
la cible à 10h26. Les 29 B-24 dégagent par la gauche sitôt frappée le 27 mai 1944 que tandis que l’équipage au grand complet se parachute
les pertes et les destructions
le largage effectué pour laisser le champ libre aux 32 qua- seront les plus importantes. au-dessus des contreforts des Alpes, où il va vivre pen-
drimoteurs alignés par les « Pyramiders ». Trois minutes Le Vieux Port, clairement dant trois mois dans la clandestinité.
plus tard un nouveau déluge de bombes s’abat sur les reconnaissable, peut servir Dans un même temps, le 304th BW attaque l’aérodrome
installations ferroviaires et les quartiers environnants. de point de repère aux de Montpellier Fréjorgues. Comme à chaque fois, le pas-
équipages américaines. La
Si des dégâts significatifs sont infligés aux cibles, ils sont zone de la gare Saint-Charles sage à la verticale des Issambres déclenche un violent
loin d’être irréparables. L’attaque cause par ailleurs près est particulièrement visée. tir de barrage. Le 454th BG avait mis en l’air 30 de
30
Raids américains
sur la Provence
31
À cause d’une défectuosité dans le système de largage Marseille (en août 1944) 400 militaires allemands ont également péri lors de cette
du leader, le premier Flight des « Pyramiders » ne lâche après la destruction du attaque dont le souvenir douloureux marquera durable-
pont-transbordeur par les
aucune bombe sur l’objectif. Le deuxième et le troisième Allemands. La ville restera
ment la conscience des Marseillais. Toutefois, rapportées
élément vont en revanche saturer la zone de bombe de marquée durant de longues à la population de la ville, les pertes subies sont moindres
227 kilos à fort pouvoir explosif. années par les attaques que celles enregistrée ailleurs dans le grand sud-est
Quand vient le tour du 376th BG, un dégagement mas- subies en mai 1944. Tel est le cas à Nîmes où le bombardement raté du
sif de fumées générés par les incendies allumés par le L’équipage du 2nd poste de triage de Courbessac va, le jour même, qua-
groupe précédant vient encore une fois gêner la visée Lieutenant Maroney du siment à la même heure, entraîner la mort de presque
du bombardier de tête. Le leader décide alors, de sa 766th BS, 461st BG, dont 300 personnes !
le B-24 est venu s’abattre le
propre initiative, de se détourner avec une partie de son Cet objectif à priori sans difficultés particulières a été
27 mai 1944 dans les Alpes
effectif vers la gare du Prado sélectionnée au dernier Maritimes. Les 10 aviateurs confié aux équipages du 55th BW. Les 460th, 464th,
moment. Cependant cet exemple ne sera pas suivi par pourront se parachuter. 465th et 485th BG vont y dépêcher 108 bombardiers
les équipages constituant l’arrière garde du groupe. Ces
derniers malgré une visibilité toujours aussi réduite vont
avoir à cœur de bombarder la zone assignée.
L’attaque dure moins d’un quart d’heure. Six Bf 109
aperçus de loin n’interviennent pas de façon significa-
tive. Dans un même temps, des mitrailleurs identifient
la présence de P-38 probablement égarés.
28 bombardiers sont endommagés par la Flak, mais aucun
n’est touché sérieusement. Les quadrimoteurs regagnent
leurs bases en début d’après-midi. Les chasseurs du «
Checker Tail Clan » qui ont dû se réapprovisionner en
Corse ne rejoignent Lésina que vers 16h30. La mission
sur Marseille a été un Milk Run pour les équipages. Pour
autant les résultats ne sont pas vraiment au rendez-vous.
Des destructions conséquentes ont certes été infligées
aux infrastructures ferroviaires, cependant la ville elle-
même a été touchée sur plusieurs centaines d’hectares
de superficie par les bombes. Près de 2 000 civils sont
tuées ou portés disparus ; le double est blessé plus ou
moins gravement (les statistiques officielles font état
4 453 victimes dont 1 750 tués ou disparus). Environ
32
Raids américains
sur la Provence
33
AS
1941
1943
DANS L'OMBRE
DE
MARSEILLE
34
Dans l'ombre
de Marseille
158
victoires, dont 150 en Afrique du Nord entre le 23 avril 1941 et le 30 septembre 1942, tel est le
palmarès d’Hans-Joachim Marseille, devenu la star de la propagande de Goebbels et l’icône de
toute la Luftwaffe. Pour les pilotes de la Jagdwaffe envoyés sur l’autre rive de la Méditerranée,
difficile de se faire une place au soleil aux côtés de « L’Étoile d’Afrique ». Jusqu’à sa mort
accidentelle et même après, tant son souvenir hantera les esprits, Marseille éclipsera ses camarades de la JG 27
mais aussi ceux des autres groupes de chasse expédiés en Afrique. L’ego propre aux pilotes de chasse, les rêves
de gloire et la jalousie de certains envelopperont même l’épopée de la JG 27 d’un parfum de scandale, du fait
du zèle douteux de Gerhard Homuth, supérieur de Marseille soupçonné de vouloir « briser » la carrière de son
subordonné afin de rester devant lui au classement des Experten africains et surtout du « Schwarm des men-
teurs » de la 4. Staffel.
SI,
dans la mémoire collective, Hans-
Joachim Marseille incarne à lui seul
le visage de la chasse allemande en
Afrique, nombreux sont pourtant
les pilotes à signer des scores impressionnants et
à cumuler les faits d’armes durant plus de deux
ans en Libye, en Égypte et en Tunisie : Schroer,
Schulz, Rödel, Stahlschmidt, Franzisket, Steinhausen,
Müncheberg, rien que ces sept pilotes cumulent plus
de 300 victoires sur le continent. Voici donc une
galerie de portraits non exhaustive, les revendications
de ces Experten appelant, comme il se doit, à la plus
grande réserve.
L’ÉMERGENCE D’EXPERTEN
AU SEIN DE LA I./JG 27
Le 14 février 1941, les premières unités du Deutsches
Afrikakorps du Generalleutnant Erwin Rommel
débarquent en Libye. Hitler a dépêché ce corps
expéditionnaire sur place afin de porter secours aux
Italiens, en fâcheuse posture dans leur colonie depuis
la contre-offensive britannique de décembre 1940 qui
a balayé le Regio Esercito parti à l’assaut de l’Égypte.
Dix jours plus tard, naît le Fliegerführer Afrika rassem-
blant les escadrilles de la Luftwaffe chargées d’assurer
la couverture aérienne de Rommel.
Le premier groupe de chasse à se poser sur le sol Geschwader indissociable
africain est ainsi le I./JG 27 de l’Hauptmann Eduard des opérations en Afrique
Neumann, qui s’installe à Aïn el-Gazala à partir du du Nord, la JG 27, dont on
voit ici deux Messerschmitt
15 avril. Il ne faut que quatre jours à l’unité pour Bf 109 E en patrouille
enregistrer ses premières victoires sur ce nouveau au-dessus du désert libyen,
révèle de nombreux Experten
théâtre d’opérations : deux Hurricane abattus dans le dont le parcours est quelque
secteur de Tobrouk. Ils sont à mettre au crédit d’un peu eclipsé par les exploits
seul et même pilote, l’Oberleutnant Wolfgang Redlich d'Hans-Joachim Marseille.
(National Museum of the US Air Force)
(ses 11e et 12e personnelles), Staffelkapitän de la
1./JG 27. Vétéran de la Légion Condor ayant remporté Illustration page de gauche :
ses dix précédentes victoires durant les batailles de Le 4 novembre 1942,
aux commandes de
France et d’Angleterre en 1940, Redlich entame une son Bf 109G-2/Trop,
belle série qui prendra fin le 5 décembre lorsqu’il sera l'Oberleutnant Werner Schroer,
dauphin de Marseille, abat
rappelé à l’OKL, alors qu’il comptabilisera 36 victoires, son premier quadrimoteur : un
dont tout de même 26 en Afrique. L’as sera alors B-24 D Liberator américain de
remplacé par l’Oberleutnant Hans Remmer, qui a écrit l'US Army Middle East Air Force.
les cinq premières lignes de son palmarès sur le conti-
nent noir et en ajoutera dix autres, toutes obtenues
sur ce front, à l’exception d’une signée au-dessus de
Malte lors d’un bref séjour de la 1. Staffel en Sicile
en octobre 1942.
Très vite, alors que les Panzer du DAK se lancent à Le Staffelkapitän de la
1./JG 27, l’Oberleutnant
la reconquête de la Cyrénaïque, des talents émer- Wolfgang Redlich signe, le 19
gent dans les rangs du I./JG 27. Il y a Hans-Joachim avril 1941, les toutes premières
Marseille, bien sûr, qui ouvre son compteur avec la victoires de l'escadre en Afrique
du Nord, en triomphant de deux
3. Staffel le 23 avril, mais qui est encore bridé par Hurricane. À sa mort au combat
un Neumann n’appréciant guère ses méthodes de le 29 mai 1944, ce vétéran
combat peu orthodoxes et encore moins sa propen- de la guerre d'Espagne
comptabilise 45 victoires.
sion à ramener ses Messerschmitt à l’état d’épaves. (DR)
35
Messerschmitt Bf 109 E-7/Trop
Appareil de Ludwig Franzisket
Stab
Adjutant I./JG 27
Gazala (Libye), octobre 1941
Marseille n’est alors qu’un nom parmi d’autres pilotes de Gazala est fournie par 12 chasseurs Hurricane des
tout aussi prometteurs que lui, et notamment quatre No 1 SAAF et No 73 Squadrons. Or, la très mauvaise
associés à la période faste de l’offensive de Rommel visibilité de cette matinée disperse la formation, si bien
qui va mourir aux portes de Tobrouk à la fin de l’an- que le Captain Kenneth W. Driver, as sud-africain aux
née : Ludwig Franzisket, Albert Espenlaub, Gustav Rödel 10 victoires, se retrouve bientôt seul avec son Maryland,
et Otto Schulz. celui devant bombarder la piste Gazala-Sud. Les choses
L’Oberleutnant Ludwig « Zirkus » Franzisket est affecté empirent quand Driver s’aperçoit qu’ils ont déjà dépassé
à la Stab du I./JG 27 et il est déjà crédité de quatorze la cible, l’as se trouvant dans l’impossibilité de le signaler
victoires (2 en Pologne, 7 en France et 5 durant la bataille au bombardier, puisque celui-ci utilise une fréquence radio
d’Angleterre, toutes avec la JG 1) lorsque son unité arrive différente ! Il se déroule ainsi 32 km avant que Driver,
en Afrique. Adjutant du groupe, il réalise un doublé le volant dans l’aile du Maryland dans l’espoir de se faire
23 avril aux dépens de Hurricane au-dessus de Tobrouk comprendre par des signes de la main, ne parvienne à
Coiffé d'un casque en
(ses 15e et 16e victoires) et un autre le 14 juin (ses 17e liège typique du début des faire faire demi-tour au bimoteur. Mais au retour, le comité
et 18e) alors qu’il a été affecté à la 3. Staffel. Ce second opérations allemandes d’accueil est réuni : la Flak entre en action et quatre
en Afrique du Nord,
doublé est retentissant. Nous sommes à quelques heures l'Oberfeldwebel Albert
Bf 109 du I./JG 27 décollent en trombe. Franzisket est
du lancement, par le général Wavell, de l’opération Espenlaub est crédité aux commandes de celui qui affronte Driver dans une
« Battleaxe », contre-offensive britannique visant à briser de 14 victoires, toutes passe frontale. L’une de ses rafales atteint de plein fouet
remportées sur ce continent.
le siège de Tobrouk, et des Martin Maryland sud-africains (DR) le réservoir du Hurricane, qui s’embrase instantanément,
du No 24 SAAF Squadron décollent au petit matin pour la boule de feu « léchant » la nuque du pilote sud-africain.
Ces Tommies posent
aller bombarder préventivement les aérodromes germa- fièrement à côté de ce L’Allemand enclenche sa manœuvre d’évitement si tard
no-italiens afin d’empêcher l’intervention de l’aviation Bf 109 F-4/Trop posé sur le que l’aile gauche de son « 109 » tranche net la dérive
ennemie au-dessus du champ de bataille. L’escorte du ventre le 13 décembre 1941 du Hurricane, obligeant Driver à sauter en parachute.
et ils ont de quoi : il s'agit
binôme de bimoteurs chargé d’attaquer les deux terrains de l'appareil d'Espenlaub, Sorti vainqueur de son duel, Franzisket vire pour se retrou-
contraint à l'atterrissage ver dans la queue du Maryland et l’abat sans difficulté
forcé après avoir été touché
par les rafales du Squadron
la minute qui suit. La capture au sol par les Allemands
Leader D.R. Walker. Ainsi de l’as sud-africain constitue un beau succès dûment
s'arrête la courte carrière exploité par les photographes de la Propaganda-Abteilung.
de pilote d'Espenlaub.
L'as sera tué en février 1942 Le lendemain, Franzisket s’adjuge un autre Hurricane
au cours d'une tentative à Gambut, puis deux P-40 succombent à ses rafales à la
d'évasion de son camp de fin du mois de juin, portant son score à 21. Le 19 juillet,
prisonniers en Palestine.
(DR) il envoie un troisième Curtiss au tapis, 22e victoire en
36
Dans l'ombre
de Marseille
204 sorties qui lui vaut l’attribution, le lendemain, de la prestigieuse S’en est suivi un Martin 167 du No 21 SAAF Squadron (3e victoire)
Croix de chevalier de la Croix de fer (Ritterkreuz). Vers la fin de l’an- abattu vers Sidi Barrani le 21 du mois, alors qu’il transportait des…
née, promu Staka de la 1./JG 27, Franzisket a porté son tableau de tracts proclamant « Pilotes de chasse allemands, vous êtes battus !
chasse à 27 victimes (dont 13 en Afrique). Mais sa (première) moisson Abandonnez la lutte ! ». Puis, après cette réponse cinglante aux
africaine à la tête de la 1. Staffel est brutalement interrompue le jour « Sud-Af », plus rien jusqu’au mois de novembre. Le réveil d’Espenlaub
de Noël, lorsqu’il est envoyé « montrer les cocardes » aux troupes de a été fracassant. Entre le 15 et le 25, durant la bataille de Bir el-Gobi
l’Afrikakorps en retraite après le succès britannique durant l’opération et l’opération « Crusader », il a envoyé au tapis neuf avions ennemis
« Crusader », l’offensive alliée dont l’objectif était de desserrer l’étreinte (4 P-40, 1 Hurricane, 2 Boston, un Blenheim IV et un Maryland), portant
de Rommel sur Tobrouk. La Flak du « Renard du désert » étant alors son score à 12 victoires. Les 7 et 11 décembre, alors que Franzisket
bien plus habituée à voir des chasseurs-bombardiers alliés que des est devenu son Staka, l’Oberfeldwebel Espenlaub revendique ses deux
avions allemands, le Bf 109 de Franzisket est descendu par sa propre dernières victoires. Le 13 décembre, lors d’une patrouille avec son
artillerie antiaérienne ! Blessé au visage par de nombreux éclats, l’as ne ailier au-dessus d’El-Adem, les deux Bf 109 F-4/Trop « sautent »
retrouvera le commandement de la 1. Staffel qu’au mois de mars 1942. deux Hurricane en train de décoller de l’aérodrome : il s’agit de ceux
À la 1./JG 27, dont il prend la tête le 6 décembre, Franzisket n’aura des Squadron Leaders Tristram B. de la Poer Beresford et D.R. Walker,
eu sous ses ordres l’Oberfeldwebel Albert Espenlaub qu’une semaine. commandants respectifs des No 94 et 260 Squadrons convoqués au
Né en 1913, ce dernier est issu d’une famille prédisposée au métier de petit matin pour une réunion d’état-major et repartant alors vers leurs
pilote, puisque son grand frère, Gottlob, est un disciple de l’ingénieur unités. Bien que les Messerschmitt soient déjà loin, Walker lâche une
aéronautique Alexander Lippisch ; à son contact, il est devenu l’un rafale et touche à mort le WNr. 8477 d’Espenlaub, contraint à l’atter-
des plus brillants concepteurs et le plus illustre pilote de planeurs de rissage forcé en zone britannique. Titulaire de 14 victoires, toutes en
toute l’Allemagne. Marchant dans les pas de son frère aîné, Albert a Afrique du Nord, l’as allemand est capturé sain et sauf. Il mourra deux
intégré la 4./JG 26 fin 1939 et n’a complété son entraînement qu’un mois et demi plus tard, abattu dans la nuit du 24 au 25 février 1942,
an plus tard, se contentant avec son escadrille de simples missions lors d’une tentative d’évasion de son camp de prisonniers en Palestine.
de protection au-dessus de la Ruhr. Nommé Unteroffizier, il a été L’Unteroffizier Günter Steinhausen, originaire de Lobkevitz, sur l’île de
muté à la 1./JG 27 juste avant le départ de l’unité pour l’Afrique du Rügen, participe à la campagne en Afrique du Nord dès le début, lui aussi
Nord. Albert Espenlaub a obtenu sa première victoire sur un Hawker avec la 1./JG 27. Aux commandes de son Bf 109 E-7, il enregistre sa pre-
Hurricane de la 1re escadrille de chasse de la France libre (rattachée au mière victoire le 9 juin, un Hurricane du No 73 Squadron descendu dans
No 73 Squadron) du côté de Tobrouk dès le 21 avril 1941 [1], avant le secteur de Tobrouk, et il enchaîne neuf jours plus tard avec un nou-
de connaître une traversée du désert jusqu’au 2 août, date à laquelle veau succès sur un Brewster Buffalo, ce qui est formellement impossible
il a triomphé d’un Curtiss P-40 dans le secteur de Marsa Matruh. puisque les Britanniques ne perdent aucun appareil de ce type ce jour-là.
37
Le 2 août, Steinhausen revendique un doublé sur des Le Messerschmitt
Bf 109 E-7/Trop de Schroer
Hurricane près de Marsa Matruh, puis le 26, il est cré- au-dessus de la côte
dité de sa cinquième victoire : le Tomahawk IIb d’un as libyenne. Les débuts du
britannique du No 250 Squadron, le Sergeant Maurice pilote sont calamiteux,
avec « seulement » sept
Hards (7 victoires), forcé à l’atterrissage sur le ventre, petites victoires à son
toujours du côté de Marsa Matruh. Le 14 septembre, compteur à la fin de l'année
Steinhausen abat un P-40 Tomahawk, sixième et dernière 1941, alors que Marseille
en est déjà à 36 !
victime de cette série qui n’est interrompue que par le (DR)
départ de la 1. Staffel en Allemagne afin d’y percevoir Tobrouk, la formation allemande est interceptée par deux
L'Hauptmann Werner
ses nouveaux Bf 109 F-4/Trop. À son retour en Libye, Schroer au sommet de sa sections de Hurricane du No 274 Squadron. Le Squadron
Steinhausen reprendra son balai infernal. gloire avec sa Croix de Leader John Lapsley parvient à se placer dans le sillage
chevalier de la Croix de fer et
les Feuilles de chêne autour
d’un Junkers, mais il est aussitôt pris en chasse par deux
du cou. Il terminera la guerre Emil, dont le WNr. 3790 de Schroer. Son appareil touché
WERNER SCHROER : avec 114 victoires (60 d'entre par ce dernier, Lapsley est contraint à l’atterrissage forcé
DES DÉBUTS DIFFICILES
elles en Afrique) dont tout
de même 26 quadrimoteurs du côté d’El-Gobbi, le pilote étant gravement blessé à la
(un en Afrique). jambe et à l’épaule lorsque les Bf 109 reviennent mitrailler
(DR)
Vétéran de la bataille d’Angleterre et des premiers com- l’épave crashée au sol. Schroer n’a guère le temps de
bats de Malte, le Leutnant Werner Schroer arrive en savourer sa première victoire, car il est à son tour pris
Afrique le 15 avril 1941, en même temps que le I./JG 27 pour cible par un chasseur de la deuxième section bri-
d’« Edu » Neumann. Âgé de 23 ans, ce natif de la Ruhr est tannique, celui du Flight Officer D.J. Spence, qui n’est
à la 1. Staffel depuis le mois de mars (il était auparavant pas loin de l’envoyer ad patres : « Je fus attaqué par un
à la 2. Staffel), et il ne compte pas la moindre victoire Hurricane venant du soleil et mon avion fut percé par 48
à son tableau de chasse. Mais à force de s’être frotté balles, mais je réussis un atterrissage forcé près de notre
à la Royal Air Force, le jeune homme finit par vaincre le aérodrome de Gazala », confie l’Allemand.
signe indien. Deux jours plus tard, une nouvelle rencontre avec…
Le 19 avril, Schroer remporte sa toute première victoire. Spence se solde par un résultat presque identique.
Alors que des Messerschmitt Bf 109 E-7 de la JG 27 Le Hurricane « tire » le WNr. 4170 de Schroer de si
escortent vingt Ju 88 de la III./KG 30 partis bombarder près que les avions entrent en collision, chacun parvenant
38
Dans l'ombre
de Marseille
toutefois à ramener le sien en territoire ami et à s’y poser à la Saint-Sylvestre, Marseille s’envole seul vers son destin
en catastrophe. Schroer doit attendre le 25 juin pour avec un score déjà à 36 – Schroer ne pourra jamais le
renouer avec le succès, lorsqu’il revendique un Hurricane rattraper – et des pilotes de la 4. Staffel, pourtant arrivée
sud-africain, appartenant semble-t-il au No 2 SAAF plus tardivement avec le reste du II. Gruppe, ont déjà
Squadron. Le 8 juillet, il en ajoute un autre, descendu à dépassé très largement celui qui deviendra pourtant le
l’ouest de Bardia, avant d’abattre un P-40 Tomahawk le dauphin de l’« Étoile d’Afrique ».
19 lors d’une patrouille du côté de Ras Azzaz. Le 21 août,
ses rafales viennent à bout d’un Hurricane du No 229
Squadron escortant des Baltimore près de Bardia. Huit LE TANDEM DE CHOC
jours plus tard, le pilote allemand est crédité d’un P-40,
qui s’avère effectivement être celui de l’as australien Clive
DE LA 4. STAFFEL :
Caldwell. Ce dernier parvient néanmoins miraculeusement OTTO SCHULZ ET GUSTAV RÖDEL
à ramener à sa base son appareil qui est bon pour la En cette fin d’année 1941, deux Experten de la 4./JG 27
casse, puisque pas moins de 113 impacts de balles et font effectivement parler la poudre : l’Oberfeldwebel
d’obus de 20 mm sont comptabilisés par les mécanos Otto Schulz et l’Oberleutnant Gustav Rödel. Leurs per-
du No 250 Squadron ! formances sont d’autant plus remarquables que cette
À la 3./JG 27, après des mois de juillet et août diffi- escadrille relève du II./JG 27, tout récemment transféré
ciles, Marseille a vu la chance lui sourire de nouveau, en Afrique, comme nous venons de le voir. Ce groupe
puisqu’il a triomphé d’un Hurricane le 28 août, ce qui lui était auparavant en Union soviétique, où, entre le 22 juin
a permis de signer sa 14e victoire. À l’inverse, Schroer et le départ du front de l’Est de son dernier chasseur le
entre quant à lui dans une période compliquée. Hormis 13 octobre, il a enregistré 212 victoires.
un Hurricane abattu le 14 septembre, il n’a rien « à se Schulz n’a guère encore trop fait parler de lui, puisqu’il ne
mettre sous la dent » jusqu’à la fin de l’année. Il est vrai totalise que neuf victoires lorsqu’il pose le pied en Libye.
que la transformation du I. Gruppe sur les nouveaux Néanmoins, il prend très vite la fâcheuse habitude – du
Bf 109 F est programmée. L’arrivée du II./JG 27 en point de vue britannique – de revendiquer des triplés :
septembre permet ainsi de relever ses personnels qui un le 6 octobre, un autre le 30 octobre et encore un le
Le 13 février 1942,
partent goûter un (court) repos bien mérité en Allemagne Hans-Joachim Marseille 28 novembre ! À cette date, ce Poméranien a remporté 22
et surtout y toucher leurs Bf 109 F-4/Trop. La 1. Staffel pose à côté de sa 46e victoires, dont 13 en Afrique. Deux jours plus tard, le 30
victime : un Hawker
est de retour sur le continent africain début novembre, la Hurricane IIb du No 274 novembre, il donne véritablement la leçon à deux as aus-
3. début décembre. Schroer a-t-il du mal à s’acclimater Squadron abattu le traliens : le Sergeant Alan « Tiny » Cameron du No 3 RAAF
à sa nouvelle machine ? Toujours est-il que celui-ci tra- 13 février 1942 dans Squadron et le Pilot Officer Neville Duke (à ce jour, crédité
le secteur de Tobrouk.
verse la fin de l’année dans l’anonymat le plus complet, Au palmarès des pilotes de 22 de ses 28 victoires) du No 112 RAF Squadron. Ces
avec un score plafonnant à sept victoires quand bon de chasse du Fliegerführer derniers décollent avec leurs escadrilles respectives afin
Afrika, l'« Étoile d'Afrique »
nombre de pilotes de la JG 27 se détachent déjà et est déjà loin devant...
d’intercepter une formation allemande venant bombarder
ont acquis leur statut d’Expert. À titre de comparaison, (NAC) les positions de la New Zealand Division à Bir el-Gobi.
39
À 9h10, le P-40 de Cameron est le premier
1
à plonger vers le sol, touché par les balles et les
obus de Schulz. Le pilote « Aussie » parvient
à en sauter, et un camarade ayant vu la corolle
du parachute s’ouvrir viendra se poser pour
le récupérer au sol en le faisant grimper dans
son cockpit (ce qui n’a rien d’une gageure,
puisque « Tiny », comme son surnom l’indique,
est de très petite taille). Dix minutes plus tard,
c’est au tour du Tomahawk de Neville Duke
de croiser le chemin de Schulz :
« Je fonçai dans la mêlée et sur un G.50 en
le poursuivant vers l’ouest jusqu’au niveau du
sol, où il s’écrasa après que je lui eus injecté
des tonnes de plomb.
Je fus alors sauté par deux-trois 109 et un
G.50. J’endommageai un 109. Je pris le
chemin du retour, mais fus pris en chasse
par un 109 F ; je parvins à esquiver quatre-
cinq attaques de sa part et à le toucher de
quelques coups, mais il allait beaucoup trop
vite. Finalement, il me toucha à l’aile gauche
et, je pense, en plein réservoir. Ma machine
se retourna sur le dos, hors de contrôle. Je vis
le sol se rapprocher, donnai alors de grands
coups de pied dans le palonnier et poussai
le manche à balai tout en priant. Je repris le
contrôle juste à temps et la machine toucha le
sable sur le ventre. Je sautai de l’avion aussi
vite que possible et fonçai tête baissée derrière
une dune, me couchant sur le ventre par terre
à environ 20 mètres du lieu du crash.
Le « Hun » piqua et mitrailla ma machine déjà
fumante, la mettant en feu. Un horrible craque-
ment et des sifflements de balles résonnèrent
près de moi et je crus que j’allais être mitraillé,
mais le « Hun » dégagea. »
Duke (24e victoire de Schulz) s’en tire bien
et un Lysander viendra lui aussi le chercher.
L’Oberfeldwebel Schulz ajoute huit victoires
à son tableau de chasse au mois de décembre :
4 P-40 (dont, le 15 décembre, celui d’un autre
as, le Pilot Officer Geoffrey Ranger, tué alors
qu’il est crédité de 5,33 victoires), 2 Blenheim
et 2 Boston. Ces succès le portent à la fin de
l’année à 32 victoires, dont 23 en Afrique
du Nord.
GERHARD HOMUTH :
LE MEILLEUR ENNEMI DE MARSEILLE
Supérieur d’Hans-Joachim Marseille à la 3. Staffel, l’Oberleutnant Gerhard Homuth, Kapitän
de l’escadrille depuis le 1er février 1940, est celui qui concurrence le plus tôt et le plus long-
temps l’« Étoile d’Afrique ». Or, si cette rivalité se fait dans un esprit de saine camaraderie
entre Rödel et Schulz au sein de la 4. Staffel, il n’en va pas du tout de même à la 3./JG 27.
Né le 20 septembre 1914 à Kiel, Homuth est un ancien marin qui a rejoint la Luftwaffe en
1935, dont il a intégré la patrouille acrobatique de 1937 à 1938. Avec neuf victoires durant
la campagne de France et six durant la bataille d’Angleterre, il a tout du sérieux rival. Et le
moins que l’on puisse dire, c’est que les deux hommes ne s’apprécient guère. Cela relève
40
Dans l'ombre
de Marseille
41
Gerhard Homuth termine la campagne d’Afrique du Nord victoires), Schroer est promu Staka de la 8./JG 27 le
avec 47 victoires obtenues sur ce théâtre d’opérations. 22 juin. Dès lors, plus rien ne peut l’arrêter. Le 23, deux
Démonstration de la difficulté pour certains Experten à jours après la prise de Tobrouk qui vaut à Rommel son
passer des tactiques fort différentes du front africain à bâton de maréchal, il abat un P-40 du No 274 Squadron
celles du front de l’Est, il est porté disparu lors de l’une et, le 26, il revendique son premier triplé (13e, 14e et
de ses toutes premières sorties en URSS en tant que 15e victoires) : un P-40 et un Hurricane envoyés au tapis
Malgré des débuts difficiles,
Gruppenkommandeur du I./JG 54 le 2 août 1943, après Werner Schroer, devenu
au cours de la matinée, et un autre P-40 dans l’après-
avoir descendu un P-39 Airacobra. Il comptait alors un Staffelkapitän de la 8./JG 27, midi. Au mois de juillet, Schroer est crédité de 16 vic-
total de 63 victoires en approximativement 450 missions. se hisse sur la seconde toires, dont un triplé – en une seule sortie cette fois !
marche du podium des as
« africain » de la Luftwaffe, – en dix minutes le 3 juillet (deux Hurricane et un P-40
à égalité avec Heinz Bär qui à El-Hammam) et un autre en huit minutes le 13 juillet
LE « DAUPHIN » SCHROER arrivera un peu plus tard,
avec un total de 60 victoires.
(trois Hurricane, toujours à El-Hammam). Le 17 du mois,
(DR) il triomphe d’une 31e victime à l’ouest d’El-Alamein et
Depuis janvier 1942, la Panzer-Armee « Afrika » de obtient une permission bien méritée en Allemagne pour
La mort accidentelle
Rommel a repris le chemin de l’offensive et les mois qui d'Hans-Joachim Marseille, le mois d’août.
suivent sont ceux de la confirmation des talents entrevus le 30 septembre 1942, C’est donc frais et dispo que Werner Schroer fait son
chez certains pilotes de chasse durant le second semestre sonne comme un bien retour sur le sol nord-africain début septembre, alors
mauvais présage pour toute
1941, même si certains d’entre eux ont traversé des la Panzer-Armee « Afrika », que la Panzer-Armee « Afrika » et la 8th Army se sont
périodes de « disette ». à quelques semaines de la neutralisées à El-Alamein. Et la Desert Air Force paie
bataille décisive d'El-Alamein.
Alors qu’il avait terminé l’année 1941 crédité de seu- Un personnel de la Luftwaffe, cash le retour du Staffelkapitän de la 8./JG 27… Celui-ci
lement sept victoires, le Leutnant Werner Schroer, qui parti à la récherche de l'épave remporte 13 nouvelles victoires en septembre, dont un
prend les fonctions d’Adjutant du l./JG 27 en mars 1942, du Messerschmitt Bf 109 F-4/ doublé le 8 sur deux Spitfire (32e et 33e victoires sanc-
Trop de l'« Étoile d'Afrique »
voit la chance lui sourire de nouveau durant la bataille dans le désert, en exhibe tionnées par la remise de la Croix allemande en or le
de Bir Hakeim, fin mai - début juin. Le 30 mai, il abat le gouvernail, paré de ses lendemain), et six (en deux sorties) dans la seule journée
158 victoires et des Épées
un P-40 et un autre (même si, compte tenu de l’horaire, de la Ritterkreuz remises à
du 15 ! En vérité, comme bien souvent, les revendications
il doit plutôt s’agir d’un Hurricane du No 73 ou du No 213 l'occasion de la 100e de l'as, allemandes appellent à la plus grande réserve. Ce jour-là,
Squadron) le 10 juin. Après un doublé sur des Curtiss retrouvé sur le site du crash. la JG 27 prétend en effet avoir descendu 24 appareils
(© ECPAD/France/1942/
cinq jours plus tard au nord-ouest d’El-Adem (10e et 11e Photographe inconnu) ennemis, dont sept sont attribués à Marseille et six à
Schroer, alors que les pertes britanniques en Égypte se
montent en vérité ce jour-là à huit Kittyhawk I…
Toujours est-il que l’as termine le mois de septembre
avec un score de 44 victoires, la dernière étant un
Spitfire abattu lors d’une mission d’escorte de Stukas à
El-Alamein. Durant cette mission, la 3./JG 27 menée par
l’Hauptmann Hans-Joachim Marseille a été la première à
repérer les chasseurs adverses et, à défaut de pouvoir les
engager, a indiqué leur position au III./JG 27 d’« Edu »
Neumann. L’« Étoile d’Afrique » a pu entendre quelques
minutes plus tard dans ses écouteurs Schroer revendiquer
42
Dans l'ombre
de Marseille
« FIFI » STAHLSCHMIDT :
L’AMI DE MARSEILLE
Combattant toute sa carrière dans la 2./JG 27,
le Leutnant Hans-Arnold « Fifi » Stahlschmidt talonne
Schroer d’une petite victoire africaine et connaît une
ascension très similaire, quoique moins heureuse.
Ce Westphalien est âgé de seulement 20 ans lorsqu’il Le Leutnant Hans-Arnold ce qui est réputé porter malchance. Ayant hérité de
« Fifi » Stahlschmidt est le
débarque sur ce théâtre d’opérations avec le grade meilleur ami d'Hans-Joachim
la machine la moins rapide des six, Stahlschmidt se
d’Oberfähnrich. Ayant tout juste achevé sa formation Marseille et plusieurs combats laisse distraire par l’apparition des 11 Kittyhawk du No
et fait son baptême du feu dans les Balkans, il n’en tournoyants menés ensemble, 112 Squadron, au point d’oublier de pousser son avion
au cours desquels ils se
a pas moins remporté sa première victoire le 15 juin : sauvent mutuellement la vie, plein gaz. Erreur fatale, il devient une proie facile pour
un Hurricane descendu à l’ouest de Gabr Saleh. Il lui a scellent leur fraternité d'arme. un pilote aussi doué que « Killer » Caldwell qui n’a qu’à
fallu attendre le 20 novembre pour remporter de nou- Titulaire de 59 victoires - qui plonger à la verticale pour l’abattre. « Quel idiot s’est
en font le quatrième Expert
veaux succès, et de quelle manière ! Trois bombardiers du théâtre d'opérations laissé descendre ? » peut entendre Stahlschmidt dans
Maryland du No 21 SAAF Squadron abattus en dix africain -, il disparaît au cours ses écouteurs, de la part de Gerhard Homuth, durant
d'une sortie le 7 septembre,
minutes. La RAF reconnaît cinq Martin 167 abattus trois semaines avant un la chute de son avion qu’il parvient tout de même à
ce jour-là, et le témoignage d’un membre d’équipage « Jochen » Marseille qui poser sur le ventre. Le pilote est heureusement récupéré
de l’un des bimoteurs sud-africains rescapés de cette accuse durement le coup... par une patrouille de reconnaissance de l’Afrikakorps.
(DR)
mission, l’Air Sergeant Thompson-Brundidge, un volon- Six jours plus tard, la fin de partie semble proche, encore
taire américain servant comme mitrailleur dorsal, ne une fois. Le Bf 109 F-4 (WNr. 8497) d’Hans-Arnold
laisse que peu de place au doute : « le leader de ces Stahlschmidt est touché par des tirs venus du sol lors
109 au nez peint en jaune était sans aucun doute un de l’attaque d’une colonne motorisée alliée. Le pilote
pilote chevronné, et je confirme qu’il est responsable est de nouveau contraint à l’atterrissage forcé, mais
d’au moins trois des bombardiers abattus ». il est cette fois « cueilli » à la sortie de son avion par
Après un Hurricane et trois Curtiss du 27 novembre des soldats polonais. Molesté à coups de crosse, ses
1941 au 22 janvier 1942, le Leutnant Stahlschmidt décorations volées, il est confié aux Sud-Africains, mais
cumule les déconvenues, ce qui explique son ascen- il parvient à échapper à la vigilance de ses gardiens et à
sion tardive. Il est tout d’abord lui-même abattu le s’évader dès la nuit suivante, parcourant les 60 km qui
21 février, contraint à l’atterrissage forcé dans le désert le séparent des lignes amies en 16 heures de marche !
à l’issue d’une rencontre perdue face à l’as australien Les Alliés vont payer chèrement le fait d’avoir laissé filer
Clive Caldwell, du No 112 Squadron. L’Allemand a un Stahlschmidt, même si celui-ci se fait encore une belle
mauvais pressentiment au sujet de cette patrouille de frayeur le 7 mai en posant sur le ventre, dans ses lignes, son
six Bf 109 des 2. et 3./JG 27 au-dessus d’Acroma, car appareil en flammes après l’explosion en plein vol de l’une
des soldats l’ont photographié juste avant le décollage, de ses mitrailleuses alors qu’il poursuivait un Kittyhawk.
43
Le 22 mai, il prend le dessus sur un Curtiss P-40 ; même chose exac- « Aujourd’hui, j’ai vécu mon plus éprouvant combat. Mais, en même
tement une semaine plus tard (9e et 10e victoires). Le mois de juin temps, cela a été ma plus merveilleuse expérience de camaraderie
est celui de la consécration : il abat huit appareils ennemis (5 P-40 dans les airs. Nous avons été engagés dans un combat, d’abord avec
et 3 Hurricane), dont un quadruplé – en deux sorties – le 26 ! Promu 40 Hurricane et Curtiss ; plus tard, 20 Spitfire sont apparus au-des-
Staffelkapitän de la 2./JG 27, le jeune homme, qui peut se targuer sus de nous. Nous étions huit Messerschmitt au beau milieu d’une
d’être l’un des rares véritables amis de « Jochen » Marseille, se livre à incroyable masse tourbillonnante de chasseurs ennemis. J’ai piloté mon
un véritable massacre le mois suivant dans le secteur d’El-Alamein, avec 109 pour sauver ma vie, mais, bien que la supériorité de l’ennemi était
26 victoires dont un quadruplé le 4 juillet (2 P-40 et 2 Hurricane, 23 à écrasante, aucun de nous n’a cherché à échapper à son devoir, nous
26e victoires), des triplés le 8 (3 Hurricane, 28 à 30e victoires), le 10 virevoltions tous comme des fous. J’ai consommé jusqu’au dernier
(2 P-40 et 1 Hurricane, 31 à 33e victoires), le 22 (idem, 38 à 40e vic- gramme de mon énergie, et au moment où nous en avons terminé,
toires) et le 27 (1 P-40 et 2 Hurricane, 41 à 43e victoires). Stahlschmidt j’avais l’écume aux lèvres et j’étais complètement épuisé. Encore et
est récompensé par l’attribution de la Ritterkreuz le 20 août 1942 encore, nous avions des chasseurs ennemis dans notre queue. J’ai dû
pour son 48e succès : le Curtiss P-40 Kittyhawk I du Flight Sergeant piquer trois ou quatre fois, mais j’ai à chaque fois tiré sur le manche
Stevens, du No 3 RAAF Squadron, qui saute en parachute et s’en tire pour retourner dans la mêlée. Une fois, il m’a semblé que je n’avais plus
légèrement brûlé. Le 3 septembre, le pilote allemand est à l’apogée d’échappatoire ; j’avais poussé mon Bf 109 à la limite de ses perfor-
de sa gloire, puisqu’il signe un quintuplé (52e à 65e victoires), en deux mances, mais un Spitfire s’accrochait toujours derrière moi. Au dernier
sorties : deux P-40 et un Spitfire tombent sous ses balles au cours de moment, Marseille l’a abattu, alors qu’il n’était plus qu’à 50 mètres
la matinée ; un Hurricane et un P-40 durant l’après-midi. L’intéressé de mon 109. J’ai piqué et redressé. Quelques secondes plus tard, j’ai
relate sa mission matinale dans une lettre adressée à sa famille : vu un Spitfire derrière Marseille. J’ai visé le Spitfire, je n’ai jamais pris
44
Dans l'ombre
de Marseille
Hans-Joachim Marseille
(à l’extrême droite) discute
avec des pilotes de la
JG 27, dont (de dos) son
Kommodore, l'Hauptmann
Eduard Neumann, propice
à passer l'éponge sur ses
écarts, à l'inverse d'Homuth.
Remarquez l'auto Horch 850
superbement décorée !
(© ECPAD/France/1942/
Photographe inconnu)
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Croix de chevalier de la
Croix de fer autour du cou,
Otto Schulz est crédité de
52 victoires « africaines ».
Il est tué le 17 juin 1942,
alors qu'il mitraille une fois
de trop l'avion qu'il vient
d'obliger à se poser sur le
ventre. Pas assez attentif,
il est coiffé par le Kittyhawk
de l'as James Edward qui ne
lui laisse aucune chance...
(DR)
Dans la soirée du 9 juillet, Steinhausen réussit sa 33e victime le 11 janvier à Antelat. Et ce En l’espace de 10 minutes, il descend quatre
à abattre son premier Viermot : un B-24 D n’est pas n’importe qui, puisqu’il s’agit du Kittyhawk du No 94 Squadron, dont celui
Liberator américain du Halvorson Detachment Flight Officer Andrew W. Barr, as australien d’un as britannique, le Squadron Leader Ernest
(34e victoire). L’as ajoute cinq autres lignes du No 3 RAAF Squadron (11 victoires), qui, Mason (15,4 victoires) qui est tué au cours
à son tableau de chasse du 22 août au en dépit de ses blessures, parvient à poser en de l’engagement, ainsi qu’un cinquième du
3 septembre. Trois jours plus tard, au cours catastrophe son Kittyhawk près d’Agedabia-El No 112 Squadron venu se joindre à la mêlée,
d’une chasse libre qui se termine par une Brega : la machine ne pourra être récupérée, pertes toutes reconnues par la RAF. Cet exploit
rencontre avec des appareils des No 7 SAAF Schulz ayant pris soin, comme à son habitude, est sanctionné par la remise de la Croix de
Squadron et No 127 Squadron, il « exécute » de mitrailler sa victime au sol pour la détruire chevalier une semaine plus tard.
un Hurricane au sud-est d’El-Alamein, mais totalement. Après une série de trois doublés Après avoir ajouté deux autres victoires à son
son Bf 109 F-4 WNr. 13272 est porté man- le 25 janvier, le 8 février et le 13 février (six compteur en mars (45e et 46e), Otto Schulz est
quant, probablement abattu par un pilote du P-40, 34e à 39e victimes, Croix allemande en promu au grade de Leutnant le mois suivant.
No 127 Squadron. Titulaire de 40 victoires, or à la clé), l’Expert entre dans légende du En mai, il est affecté à la Stab du II./JG 27 en
Steinhausen est décoré de la Ritterkreuz et Fliegerführer Afrika le 15 février. Vers 16h45, tant qu’Oberleutnant et Technischer Offizier.
promu au grade de Leutnant à titre posthume 20 Curtiss Kittyhawk des No 94 et No 112 Il revendique coup sur coup deux doublés
le 3 novembre. Squadrons se présentent et commencent à El-Adem sur des P-40 le 28 et le 31 mai (47e
L’Oberfeldwebel Otto Schulz est l’une des à mitrailler le terrain de Martuba. Décollant en à 50e victoires), dont le Tomahawk IIb piloté
autres grandes pertes de la Jagdwaffe « afri- un éclair à bord d’un Messerschmitt flambant par un autre as, cette fois-ci sud-africain, le
caine » au cours de l’année 1942. Ayant ter- neuf, Schulz engage le combat avec les assail- Major Andrew Duncan (5,5 victoires) du No 5
miné l’année 1941 avec un score personnel lants qu’il prend pour des Polonais en raison de SAAF Squadron qui ne sort pas vivant de ce
à 32 victoires, dont 23 en Afrique du Nord, leurs marquages, un damier blanc et rouge qui duel. Le 17 juin, à 10h20, le Leutnant Otto
Schulz démarre 1942 en fanfare en faisant est en fait le marquage du No 94 Squadron. Schulz envoie son dernier ennemi au tapis :
46
Dans l'ombre
de Marseille
encore un as, en l’occurrence le Flight Lieutenant Walter A.G. Conrad Même s’il triomphe d’un Hurricane le 4 janvier (33e victoire),
(6,5 victoires), du No 274 Squadron. Ce Canadien pose son Hurricane l’Oberleutnant Gustav Rödel commence plutôt mal l’année 1942, car
sur le sable et s’en extrait en courant, légèrement blessé. Les habi- il doit poser en urgence son avion au sol après avoir été heurté en vol
tudes ont la vie dure et Schulz plonge comme toujours pour achever par un camarade, l’Unteroffizier Heidel. Ce n’est que le 27 mars qu’il
sa victime d’une bonne passe de mitraillage. Il effectue un premier revendique ses 34e et 35e victoires, au-dessus de la ligne « Gazala »,
strafing et juge bon d’en faire un second… qui sera fatal. Pas assez lors d’une escorte de Ju 87 du I./StG 3 qui sont interceptés par des
attentif, il est cette fois-ci coiffé par un Kittyhawk – peut-être celui P-40 du No 2 SAAF Squadron et des Hurricane du No 80 Squadron.
du Flight Sergeant James « Eddie » Edwards (16 victoires) du No 260 Rödel s’adjuge deux chasseurs ennemis. En avril, entre le 6 et le 25,
Squadron – qui ouvre le feu à bout portant. Criblé de balles, le Bf 109 il abat quatre autres P-40, portant son total à 39 victoires. L’homme
F-4 WNr. 10271 s’écrase au sol dans une gigantesque boule de feu. est promu Hauptmann le 1er mai, avant de prendre le commandement
Véritable tueur d’as, Schulz laisse derrière lui un tableau de chasse du II./JG 27 le 20 en remplacement du Major Erich Gerlitz, muté à
s’élevant à 51 victoires (dont 42 en Afrique) en environ 400 missions. la tête du III./JG 53. Le 23 mai, durant la bataille de Gazala, quatre
Autre destin brisé en Afrique, quoique de façon moins brutale, Bf 109 menés par Rödel dans une mission Freie Jagd surprennent
l’Oberleutnant Ludwig « Zirkus » Franzisket reprend le commandement des Hurricane du No 33 Squadron escortant un convoi au large de
de sa 1. Staffel en mars 1942, après ses blessures reçues au visage Tobrouk. Les assaillants ne laissent aucune chance aux pilotes bri-
dues à des tirs fratricides de la Flak. Il renoue avec le succès dès la fin tanniques et revendiquent trois victoires plus une probable. Les deux
du mois en sortant vainqueur de duels contre des P-40 le 21 et le 27 pertes reconnues par la RAF sont à mettre à l’actif de Rödel, qui a eu
(28e et 29e victoires) dans le secteur de Gazala, abat un Tomahawk le dessus sur le leader de la formation britannique, le Flight Lieutenant
du No 4 Squadron le 11 avril, avant de signer un doublé le 22 mai P.D. Wade ; celui-ci a réussi à poser sa machine sur l’eau, l’as alle-
(toujours au détriment de P-40, mais dont l’un ne peut être confirmé par mand ayant pu le voir s’éloigner à la nage, mais il est mort quelques
personne, 31e victoire). En juin, élevé au grade d’Hauptmann, il ajoute minutes plus tard, noyé ou ayant succombé à des blessures. Grâce
cinq lignes à son palmarès (dont un doublé le 27). Suivent ses deux à ce doublé, Rödel en est désormais à 41 victoires, mais son mois de
dernières victoires africaines les 5 et 17 juillet au-dessus d’El-Alamein juin est bien moins prolifique, avec un seul succès comptabilisé le 4 :
(37e et 38e), auxquelles s’ajoutent une autre, mais signée au-dessus un Curtiss P-40 du No 4 SAAF Squadron abattu lors d’une escorte
de Malte le 12 octobre. de Ju 87 sur Bir Hakeim.
L’« aventure africaine » de Franzisket s’arrête définitivement le 29 Le 10 juillet, alors qu’a débuté la première bataille d’El-Alamein, Rödel
octobre 1942, en pleine bataille d’El-Alamein, alors qu’il est abattu, au est crédité de son tout premier triplé « africain » (il en avait déjà réussi
cours d’une mission d’escorte de Stukas, par un Spitfire du No 145 un durant la bataille d’Angleterre et deux autres en Grèce) : un Spitfire
Squadron (probablement celui du Flight Lieutenant Taylor). Son et deux P-40 Kittyhawk I représentant ses 43e, 44e et 45e succès. Le
Bf 109 G-2/Trop WNr. 10616 touché, l’as allemand s’extrait de son 19 juillet, le pilote saxon revendique un doublé au détriment du No 238
cockpit pour sauter en parachute, mais, ce faisant, il heurte la dérive Squadron, mais c’est le surlendemain qu’il vit sa plus belle journée,
de son appareil. Franzisket est plus heureux que son camarade Hans- avec un quadruplé (48e à 51e victoires) obtenu sur des Hurricane IIb
Joachim Marseille, mort accidentellement dans des circonstances du No 127 Squadron, unité qui n’admet cependant la perte que de
exactement identiques quatre semaines plus tôt, car le choc ne fait deux appareils ce jour-là. Durant la bataille d’Alam el-Halfa, Gustav
« que » lui briser les jambes, alors que l’« Étoile d’Afrique, heurté Rödel enchaîne le 31 août avec une victoire sur un Spitfire, puis cinq
en pleine poitrine, a été assommé sur le coup, ce qui l’a empêché autres en septembre (dont un triplé le 5). Le mois d’octobre est sans
d’actionner son parachute. Gravement blessé, mais tombé dans les conteste le plus spectaculaire de sa carrière, avec un total de 15 avions
lignes amies, Franzisket est rapatrié en Allemagne et connaît de longs ennemis abattus : un triplé sur des P-39 le 9 octobre, un P-39 le 13,
mois de convalescence. Son score est alors à 39 victoires (dont un B-25 Mitchell achevé (le bimoteur du 12th Bombardment Group a
25 en Afrique), et il terminera la guerre avec 43 avions ennemis à été touché par la Flak et s’est écarté de sa formation) le 22, un triplé
son crédit, le reste de son palmarès consistant en des B-17 abattus sur des P-40 le 24, un autre P-40 le 26, un triplé le 27 (1 Spitfire, 1
au-dessus du Reich. P-39 et 1 P-40), un P-40 le 29 et enfin un doublé sur des P-40 le 31.
Le « Schwarm des
Experten » de la 4./JG 27,
qui deviendra bientôt le
« Schwarm des menteurs »
lorsque « Fifi » Stahlschmidt
découvrira le pot aux roses.
Quarante-six victoires
revendiquées du 3 au 14
août 1942 quand la 6. Staffel
n'en obtient que deux
durant la même période !
De gauche à droite :
l’Oberfeldwebel Erwin
Sawallisch, l’Oberleutnant
Ferdinand Vögel (Staka 4./
JG 27), l’Oberfeldwebel
Karl-Heinz Bendert et
l’Oberfeldwebel Franz
Stigler. Ce scandale sans
précédent dans la Luftwaffe
ébranle toute la JG 27.
(© ECPAD/France/1942/
Photographe inconnu)
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Le 1er novembre, l’Hauptmann Gustav Rödel revendique un Spitfire - 3 août : 2 vict. (Bendert 1, Sawallisch 1)
au sud de Sidi-Abd-el-Rahman (73e victoire), la toute dernière de ses - 4 août : 4 vict. (Bendert 2, Sawallisch 2)
52 victoires remportées en Afrique du Nord, car nous sommes alors - 5 août : 1 vict. (Bendert 1)
à quelques heures du retrait définitif de son escadre de ce théâtre - 6 août : 3 vict. (Bendert 2, Stigler 1)
d’opérations. Promu Kommodore de la JG 27 le 22 avril 1943, l’as - 7 août : 9 vict. (Bendert 3, Sawallisch 2, Stigler 2, Vögl 2)
terminera la guerre à la tête de la 2. Jagddivision avec le grade d’Oberst, - 10 août : 8 vict. (Bendert 2, Sawallisch 2, Stigler 2, Vögl 2)
titulaire des Épées de la Croix de chevalier, et fort d’un tableau de - 11 août : 5 vict. (Sawallisch 2, Vögl 2, Stigler 1)
chasse de 98 victoires. - 12 août : 12 vict. (Bendert 5, Sawallisch 4, Stigler 3)
- 14 août : 2 vict. (Sawallisch 2)
SCANDALE À LA 4./JG 27 : Problème : l’ennemi est alors assez peu présent dans le ciel à cette
LE « SCHWARM DES MENTEURS » époque, ce qui jette le trouble sur ces revendications impressionnantes
sans équivalent ailleurs. À titre d’exemple, la 6./JG 27 affirme durant
La nomination de Rödel au poste de Gruppenkommandeur du II./JG 27 cette même période avoir descendu seulement deux avions ennemis !
le confronte à un scandale des plus embarrassants, d’autant que les Des pilotes bien plus chevronnés de l’escadre commencent à mettre en
pilotes impliqués appartiennent à son ancienne 4. Staffel… Hans- doute les scores du Schwarm de Bendert et les rumeurs de tricherie ne
Joachim Marseille est alors en permission en Allemagne, où Hitler lui tardent pas à se frayer un chemin jusqu’aux plus hauts échelons de la
a remis les Épées de la Ritterkreuz pour son 101e succès. En Afrique, Luftwaffe, puisque le Gruppenkommandeur Gustav Rödel reçoit l’ordre
l’ambiance est au beau fixe dans les rangs de la Luftwaffe : les exploits de diligenter une enquête, toutes affaires cessantes. La missive, signée
de « l’Étoile d’Afrique » rejaillissent sur tout le Fliegerführer Afrika, Göring, Kesselring et « Edu » Neumann, ne lui laisse pas d’alternative.
Tobrouk est tombée et rien ne semble plus s’opposer à la conquête Après un bref interrogatoire, Rödel découvre vite que Bendert et Vögel
d’Alexandrie et du canal de Suez par la Panzer-Armee « Afrika » de volent toujours ensemble et bien à l’écart des autres quand ils portent
Rommel. L’euphorie des victoires pousse alors certains pilotes de chasse des revendications. « C’était assez embarrassant, se souvient Rödel. Je
à imaginer des procédés douteux pour améliorer exagérément leur ne pensais pas qu’il s’agissait de mentir intentionnellement à propos de
score, sauf que la ficelle est bien trop grosse aux yeux de beaucoup leurs victoires, mais il a été prouvé qu’il y avait une grande négligence ».
de leurs camarades… Rödel conclut en effet, un peu naïvement, que les deux « Experten »
Depuis quelques semaines, le Schwarm de l’Oberfeldwebel Karl-Heinz incriminés revendiquent leurs victoires sans vérifier que l’avion ennemi
Bendert, de la 4./JG 27, est sur le devant de la scène, ayant commencé s’est écrasé ou que le pilote en a sauté en parachute. « Nous avions
à faire parler de lui par sa chance et sa réussite insolentes qui lui ont per- un avion de reconnaissance, un Bf 109 avec un appareil photo, et une
mis de se bâtir en peu de temps un palmarès vertigineux. Comprenant autre unité ne relevant pas de la JG 27 stationnée non loin, peut-être
initialement, outre Bendert, l’Oberfeldwebel Erwin Sawallisch, l’Ober- près de Derna, qui alignait un Fieseler Storch. Ainsi, des pilotes de
feldwebel Franz Stigler et même le Staka, l’Oberleutnant Ferdinand chasse dignes de foi ont effectué des vols de reconnaissance. Les
Vögl, sans oublier, plus occasionnellement, l’Unteroffizier Ferdinand coordonnées du crash [de l’avion abattu] ou de l’engagement étaient
Just, ce Schwarm revendique pas moins de 46 victoires entre le 3 normalement requises pour l’Abschuß [destruction confirmée de l’en-
et le 14 août 1942 ! Ses revendications sont réparties comme suit : nemi], mais certaines revendications de Bendert et Vögl ne pouvaient
48
Dans l'ombre
de Marseille
être validées autrement que par leurs confirmations l’un Portrait du Major Joachim
Müncheberg après qu'il se
en faveur de l’autre. Le scandale éclaboussait tout le soit vu décerner les Épées de
monde dans le Gruppe et ce Schwarm ; même Stigler la Ritterkreuz, le 7 mai 1942.
et moi avons été interrogés ». À sa mort en Tunisie le 23
mars 1943, le Kommodore de
Les investigations de Rödel ne vont pas plus loin car le la JG 77 est crédité de 135
pot aux roses est découvert par « Fifi » Stahlschmidt le victoires dont 24 en Afrique.
(US Nara)
16 août, lorsque le Schwarm en question rentre après
avoir descendu 12 avions ennemis : 3 sont revendiqués
par Bendert, 3 par Sawallisch, 3 par Vögl, 2 par Stiegler et
1 par Just. L’Oberfeldwebel Karl-Heinz Bendert porte ainsi
son palmarès personnel à 37 victoires et l’Oberfeldwebel
Erwin Sawallisch atteint les 33 ; le premier a augmenté
son score de 19 unités depuis le début du mois, mais
il ne va pas tarder à déchanter. Revenant d’une autre
mission à Fuka, Stahlschmidt et son ailier ont en effet
vu les cinq Messerschmitt de la 4./JG 27 vider leurs
armes… sur les dunes ! Sitôt posé, l’as de la 2. Staffel
en réfère à « Edu » Neumann qui convoque aussitôt les
incriminés. Ceux-ci n’en démordent pas et confirment
mutuellement leurs 12 victoires. Mais le Kommodore n’est
pas dupe : Stahlschmidt n’a aucune raison de mentir et
ses accusations confirment les soupçons qui entouraient
le Schwarm.
Le chef de la JG 27 est confronté à des faits gravis- Page de gauche :
simes et à un cas inédit dans la Luftwaffe. Ivre de colère, Aérodrome de Martuba, fin
mai 1942. Gros plan sur le
il envisage de convoquer une cour martiale pour qu’elle gouvernail du Bf 109 F-4/
prononce de lourdes sanctions. Le courroux retombé, Trop de Gustav Rödel, alors
il renonce à prévenir sa hiérarchie, craignant que cette devenu Gruppenkommandeur
du II./JG27 et qui sera dans
affaire ne jette le discrédit sur toute sa Geschwader. Qui quelques mois placé dans une
plus est, Rommel ayant repris l’offensive à Alam el-Halfa, situation très inconfortable se pose à Gazala le 1er juin 1941 et est rattachée au I./
le Fliegerführer Afrika nécessite la présence de tous les par le « Schwarm des JG 27. Le premier séjour africain de Müncheberg est de
menteurs » qui combat sous
pilotes chevronnés dans les airs. Neumann se contente ses ordres. Rödel est alors courte durée, puisque son unité revient sans la moindre
donc de transmettre le rapport de Rödel et, humiliation titulaire de 39 victoires (dont perte en France dès le 31 juillet, mais avec tout de même
8 à l'Ouest, 12 sur le front
suprême pour un pilote de chasse, de remettre les comp- de l'Est et 19 en Afrique).
8 victoires à son compteur, dont 5 créditées à l’as (3
teurs des membres du « Schwarm des menteurs » à zéro, (DR) Hurricane les 20, 24 juin et 15 juillet, et un doublé sur
avant de les muter dans des Staffeln différentes. Faisant des P-40 le 29 juillet) qui a donc pu faire peindre une 48e
Deux Experten africains
preuve de clémence vis-à-vis de ce qu’il prend pour de en grande discussion en barre sur son gouvernail.
la simple négligence à la lecture du rapport de Rödel, mars 1943 en Tunisie, Devenu Kommodore de la JG 77, le Major Joachim
devant l’Oberleutnant
l’OKL cassera partiellement les sanctions de Neumann Ernst Laube (3./JG 77) et Müncheberg fait son retour en Afrique en novembre
en rétablissant les scores de chacun. Le dossier est alors le Leutnant Armin Köhler 1942 à la tête de toute son escadre qui relève la JG 27
définitivement enterré, mais ses répercussions ne sont (2./JG 77) : l'Hautpmann épuisée par plus d’un an et demi de campagne inin-
Heinz Bär, Kommandeur
pas finies. du I./JG 77 (à gauche), terrompue et très amoindrie par la bataille d’attrition
Trois jours plus tard, le 19 août, Erwin Sawallisch trouve et le Major Joachim d’El-Alamein. Müncheberg a alors élevé son palmarès
Müncheberg, Kommodore
la mort dans des circonstances obscures : il est porté de la JG 77 (à droite).
à 116 victoires et arbore fièrement au cou les Épées
disparu au cours d’une sortie, et son corps est recueilli (EN-Archives) qu’il a récemment ajoutées à sa Croix de chevalier.
le jour-même sur le rivage de la Méditerranée. Beaucoup
pensent alors qu’il s’est suicidé en écrasant son Bf 109
dans la mer, rongé par les remords et le déshonneur.
Le 29, c’est au tour de l’Unteroffizier Ferdinand Just
de disparaître : il est abattu par un Spitfire au sud-est
d’El-Alamein et capturé par les Britanniques. Les trois
autres pilotes du « Schwarm des menteurs » survivront
à l’épreuve de la guerre, Bendert obtenant même la
Ritterkreuz le 30 octobre 1942 pour ses 42 victoires
(dont 36e en Afrique).
49
1
50
Dans l'ombre
de Marseille
51
Le Staffelkapitän de la 5./JG 77, l’Hauptmann Anton Déployant une carte séjour sur le continent (total de 48). À la 8. Staffel, le
pour un briefing avec
Hackl, en est à 118 victoires lorsque son unité atterrit ses pilotes, l’Hauptmann
destin du Staffelkapitän, l’Hauptmann Helmut Belser,
en Afrique du Nord, mais il n’ajoute que six petites lignes Gerhard Michalski, se brise au bout de la piste de Castel Benito le 19 juin
à son palmarès (des P-40, 119e à 124e victoires) en Kommandeur du II./JG 53, 1942 : son Bf 109 F-4/Trop se crashe au décollage et
signe 9 de ses 73 victoires
décembre 1942 et janvier 1943. Et pour cause : il est en Tunisie : 4 Spitfire, il reste prisonnier de son appareil en flammes alors qu’il
blessé au bras lorsque son 109 est endommagé par 2 P-38, 2 P-40 et 1 B-17. est sur une belle série de 9 victoires depuis le 30 mai.
(US Nara)
un P-38 Lightning durant une interception de B-17 le Titulaire de 36 victoires au total, Belser est décoré de la
4 février. L’as bavarois est alors rapatrié et, une fois Croix de chevalier de la Croix de fer à titre posthume.
sorti de convalescence, reprendra du service, essentiel-
lement avec la JG 11, au sein de laquelle il terminera
le conflit avec 192 victoires, dont 34 quadrimoteurs !
L’Oberleutnant Siegfried Freytag, le « Lion de Malte »,
qui, à la tête de la 1./JG 77, a terminé la campagne de
Malte avec 78 victoires, arrive en Égypte le 23 octobre.
Il « aligne » 17 victoires du 10 novembre au 7 mai. Enfin,
citons le Leutnant Armin Köhler, de la 2./JG 77, dont le
score grimpe de 15 à 22 victoires du 4 novembre 1942
au 25 avril 1943.
Les groupes de la JG 53 « Pik As » effectuent plusieurs
rotations en Afrique du Nord, le III. Gruppe en comp-
tant deux à son actif : le premier, très bref, du 8 au 17
décembre 1941, le second du 24 mai au 30 novembre
1942 (après un retour-éclair en Italie fin octobre lors de ce
second séjour). Il est rejoint à partir de novembre 1942 par
les I. et II. Gruppen qui s’installent en Tunisie après l’opé-
ration « Torch ». Deux hommes s’illustrent lors du tout
premier « tour » africain du III./JG 53 : l’Oberfeldwebel
Hermann Neuhoff, de la 7. Staffel, qui revendique quatre
Le Leutnant Wilhem
Hurricane et P-40 entre le 11 et le 14 décembre 1941, Crinius débarque en Tunisie
succès qui lui permettent d’atteindre les 35 victoires ; avec un tableau de chasse
impressionnant : très
l’Oberfeldwebel Werner Stumpf, de la 9. Staffel, qui exactement 100 victoires
est crédité de trois victoires (ses 26e à 28e) du 12 au 14 remportées en Union
décembre. Neuhoff est abattu au-dessus de Malte le 10 soviétique. Il en ajoute
14 autres en Tunisie avec la
avril 1942 et capturé par les Britanniques. « Stumpfen » 3./JG 53, mais il est abattu le
Stumpf est quant à lui tué au combat le 13 octobre 1942, 13 janvier 1943 et capturé le
victime de la DCA ennemie après avoir ajouté 16 victoires lendemain après avoir posé en
urgence son 109 sur la mer.
« africaines » à son tableau de chasse lors de son second (US Nara)
52
Dans l'ombre
de Marseille
53
Messerschmitt Bf 109 G-2/Trop
Appareil d'Anton Hafner
4./JG 51
Tunis el-Aouina (Tunisie), début 1943
54
Dans l'ombre
de Marseille
Bibliographie sélective
• Kurowski (F.), German Fighter Ace: Hans-Joachim Marseille : The Life Story
of the "Star of Africa", Schiffer Publishing, 2000.
• Shores (C.) (dir.), A History of the Mediterranean Air War, 1940-1945,
Vol. 1, 2 & 3, Grub Street, 2012-2016.
1. L'Oberleutnant Kurt
Bühligen est le Staka de
la 4./JG 2 et il signe pas
moins de 44 victoires en
Tunisie ! À la fin de la guerre,
il en comptera 112, toutes
remportées à l’Ouest en
quelque 700 missions, et
sera détenteur de la Croix
de Chevalier avec Épées.
(© ECPAD/France/1943/
Photographe inconnu)
2. Photographié à Kairouan,
le Fw 190 A « 1 » blanc de
l’Oberleutnant Kurt Bühligen,
Kapitän de la 4./JG 2.
(© ECPAD/France/1943/
Photographe inconnu)
4. L’Oberleutant Erich
Rüdorffer dans son Fw 190
A-4 « 1 » jaune à Kairouan.
L'as succède à Adolf Dickfeld
à la tête de la 6./JG 2, lorsque
celui-ci est blessé dans un
accident au décollage.
(© ECPAD/France/1943/
Photographe inconnu)
55
HISTOIRE
1943
1944
« GARDEZ-MOI
DE MES AMIS »
Friendly Fires dans le Pacifique
par Guy Julien
E
rrare humanum est sed perseverare diabolicum. Ce proverbe latin souvent tronqué ou
mal interprété signifie en réalité que si se tromper est humain, persévérer (dans l’er-
reur) confine au diabolique. Un autre proverbe, anglais celui-là prétend que le diable
(toujours lui) se cache dans les détails. En pratique les deux vont trouver à s’illustrer
parfaitement dans le Pacifique, lors de la Seconde Guerre mondiale…
56
Friendly Fires
dans le Pacifique
Le PT-25, équipé de
trois moteurs V-12 Packard
totalisant 1 500 chevaux
et armé de deux tourelles
de Cal.50 jumelées
et quatre torpilles.
Canon de 40 mm à tir
rapide monté sur un PT
Boat. Un tel armement
représente un danger
mortel pour un avion
attaquant à basse altitude.
aviateurs vont en effet persister à tir rapide (20, 37 et 40 mm). Si la mission principale de ces « guêpes » demeure
Des
dans l’erreur, en ne faisant jamais le torpillage des navires à coups de Mk. XIII de 533 mm, le raid au long cours sur
de détails. Et les résultats seront les arrières de l’ennemi supplante peu à peu cette tâche originelle. Agissant seuls
tragiques. Passée dans le langage ou en petit groupe, les Captains des MTB (Motorized Torpedo Boat) en viennent
courant, l’expression Friendly Fires pour certains à ne plus distinguer le Star and Stripes du Jolly Roger et ont tendance
peut être traduite par « tirs amicaux ». Soucieux d’éviter à se considérer un peu comme des gentil-hommes de fortune arpentant les océans
l’oxymore nous préférerons en bon français parler de « tirs à la recherche d’une proie. Malheureusement, ce sentiment est aussi partagé par
fratricides ». En tout état de cause, les coups portés par d’autres boucaniers opérant dans cette zone : les équipages de B-25 Gunship !
erreur à des frères d’armes sont une constante depuis Une première rencontre tragique a lieu le 20 juillet 1943 en plein milieu de l’archipel
l’âge de bronze, et même avant. Il y a pourtant un abysse des Salomons, au large de Kolombangara, dans une zone appelée Fergusson Passage.
entre le coup de glaive malheureux ou le tir réflexe sur Cependant, quelques jours plus tôt, le secteur a déjà connu un cas de tir fratricide
un véhicule ami et ce qui va suivre, et qui relève parfois sur lequel il convient de revenir brièvement, dans la mesure où il peut servir d’étalon
de l’action concertée impliquant plusieurs équipages. pour considérer les autres incidents analysés à l’aune de cet engagement qui oppose
Certains vont même se révéler capables de réitérer une un quadrimoteur PB4Y à ce qu’il identifie à tort comme un G4M Betty.
opération visant des objectifs pourtant clairement iden-
tifiés comme amis, après plusieurs heures de réflexion !
NAVY HOOLIGANS
Les délinquants de l’US Navy était le surnom donné dans
les Salomons aux équipages des vedettes lance torpilles,
les PT Boats, déployées par la marine un peu partout
dans cette zone. Dotés d’un esprit de clan prononcé,
vivant en quasi-autarcie, aimant le risque, ces marins
manifestent un certain détachement vis-à-vis du carcan
de l’administration militaire qui leur impose des procédures
dont ils saisissent mal la finalité. Les Skippers sont le
plus souvent des 1st ou des 2nd Lieutenants tout juste
sortis de leur université et dont l’expérience maritime –
à l’image de celle du futur président John Kennedy affecté
au PT-109 – se limite à quelques régates au large de la
Nouvelle-Angleterre. Au sein des équipages se côtoient
employés de banque, fermiers du Middle West et ouvriers
de l’industrie automobile. La plupart n’ont jamais vu la
mer avant de s’engager. Après une formation rapide,
ils sont transférés dans le Pacifique où on leur confie
un PT Boat. Souvent produite par la firme Elco, il s’agit
d’une embarcation de 25 mètres, ultra rapide (80 km/h
de vitesse de pointe, ou 43 nœuds) et surarmée : combi-
naison de mitrailleuses lourdes (12,7 mm) et de canons
57
de 500 mètres, il a dégagé brutalement offrant ainsi
une excellente cible aux tourelles supérieure et latérale
gauche. Le temps de virer à sa poursuite nous a fait
perdre beaucoup de terrain. Bien que hors de portée,
nous l’avons malgré tout suivi pendant une dizaine de
minutes. Visiblement mal en point, il fumait et d’un coup
il a pris feu contraignant son pilote à un amerrissage forcé.
Nous avons survolé la zone. Il y avait deux survivants
surnageant au milieu des débris. Visiblement, ils n’étaient
pas Japonais…
Nous avons largué un dinghy, mais ils n’ont pas dû le
voir. Ils sont parvenus à se hisser sur un morceau d’aile et
ils n’ont plus bougé. Nous leur avons jeté deux gilets de
sauvetage. L’un d’entre eux est allé le chercher à la nage.
Nous en avons ensuite lancé un autres lesté du mes-
sage suivant : « Base informée de votre position - allons
larguer rations de survie - un canot devant vous - allons
marquer la zone avec fumigène - impossible rester plus
longtemps à cause carburant. » Le gars est reparti à la
nage et a pu ramener le canot auprès de son compa-
gnon, quand tous les deux ont été installés, nous nous
Le 12 juillet 1943 le Lieutenant Corbett arrache son Le PB4Y-1 est en fait sommes délestés d’un quatrième gilet, auquel était fixé
PB4Y-1 de la piste de Carney Field (Guadalcanal). La mis- un B-24 D servant dans les rations, un pistolet lance-fusée et des pots fumigènes.
la Navy. Ceux de la VD-1
sion du Liberator de la VD-1 consiste à réaliser une cou- étaient équipé d’appareils À 3h02, nous avons informé la base que nous venions par
verture photo du nord de l’archipel. Chemin faisant, l’avion photo à haute définition. méprise d’abattre un appareil présumé ami. Nous sommes
de la Navy croise la route d’un bimoteur qu’il pense être finalement restés sur la zone encore près de 3 heures,
ennemi. La suite est dans le rapport circonstancié établi jusqu’à l’extrême-limite de nos réserves de carburant. »
en octobre 1943. Au retour, les aviateurs diront avoir abattu un Mosquito.
« À 2 h08, un mitrailleur a signalé à notre niveau un Celui-ci se révélera être en réalité un Bristol Beaufort du
« Betty » volant à un peu plus de 300 mètres de nous sur No. 100 Squadron de la RAAF basé à Milne Bay. En
une route parallèle. L’appareil ennemi a tout de suite piqué dépit d’intenses recherches les survivants du A 9-225
vers la mer en direction de Buka Passage (Bougainville). ne seront jamais retrouvés.
Vers 2h15 nous avons de nouveau aperçu un bimoteur Malgré les doutes exprimés par les Australiens sur la
volant bas, au-dessus de l’eau. Nous avons alors piqué réalité d’une attaque dont leurs aviateurs auraient eu
sur lui. Il nous a probablement repéré et a fait volteface. l’initiative, force est de constater que l’on se trouve ici en
À ce moment-là, nous volions l’un vers l’autre à moins de présence d’une erreur manifeste – et a priori réciproque
30 mètres d’altitude. Nous avons ouvert le feu en même – d’identification et d’une riposte en état de légitime
temps à une distance d’environ un kilomètre. Tandis que Le PT Boat est une défense. L’enquête conclura d’ailleurs à une conjonc-
embarcation rapide et
leurs collègues à l’avant entraient en action, les mitrail- tion malheureuse essentiellement causée par l’absence
agile, capable d’enchaîner
leurs arrière et de sabord ont signalé des impacts sur les manœuvres d’évasion de communication entres services dépendant de deux
l’eau indiquant que l’hostile nous avait encadré. À moins en un clin d’œil. chaînes hiérarchiques différentes.
58
Friendly Fires
dans le Pacifique
59
tapé dur. L’aviation embarquée devait frapper d’abord
mais soit elle était en retard soit elle s’est trompée d’île.
En fait la Navy s’est surtout manifestée au retour et à nos
dépends. Quand nous avons survolé la flotte, l’artillerie
a ouvert le feu et leurs chasseurs nous ont engagé !
Ils ont descendu mes vieux potes Taylor et Cherrington.
Tous nos appareils ont été plus ou moins gravement
touchés par ces tirs fratricides. Doyle, le navigateur de
Casey, a été grièvement blessé et son avion est bon pour
la réforme. Truker a ramené son B-25 avec un moteur en
feu jusqu’à la piste mais, au dernier moment, le Mitchell a
décroché et s’est abîmé dans les eaux du Lagon. Aucun
membre d’équipage n’a été tué mais tous en sont partis
pour une longue convalescence à Pearl !
« 31 Janvier : cinq membres de l’équipage de Taylor ont
été récupérés par un destroyer (USS Gatling DD-653 ;
NdlA). On ne sait pas encore qui est porté manquant.
Nous ne restons que quatre équipages du Squadron ori-
ginal arrivés il y a à peine un mois! Aujourd’hui, la Navy
doit s’emparer de Wotje. Bonne chance… »
Ces souvenirs sont confirmés par le rapport de mission
établit par l’officier de renseignement du 396th Bomb
Squadron : « Les neuf B-25 après avoir quitté l’objectif
ont adopté une formation en V. ils ont volé sur environ
50 kilomètres, cap au 154, avant de virer comme prévu
au 172. Au bout de 60 kilomètres sur cet axe, une
importante force navale navigant au 210 a été aperçue.
Bien que nos hommes aient correctement identifié les
navires comme appartenant à l’une de nos Task Force,
ils ont modifié leur course au 192 pour éviter de survo-
ler la flotte. À ce moment, le bon fonctionnement de
l’IFF a été vérifié, mais pour plus de sûreté des codes
d’identification ont été échangés en morse optique au
moyen de lampes Aldis. Malgré ces précautions, certains
destroyers (il s’agit au sein du TG-58 2 constitué autour
des porte-avions Essex, Intrepid et Cabot des USS Healy
DD-672 et Knap DD-653 NdlA) assurant la défense du
périmètre extérieur du groupe de combat ont ouvert le
feu sur nos appareils qui ont immédiatement viré au 230
pour s’éloigner. De nouveaux échanges en morse ont eu
lieu et tous les escorteurs sauf un ont suspendu leur tir.
À ce stade, le Squadron a été engagé par des Hellcat.
C’est ainsi que le 621 a été attaqué par deux F6F qui,
sortant d’un nuage, l’ont engagé en effectuant une passe
Toutefois, en vérité, il est probable que les événements Le PT-166 victime sur son 3/4 arrière. Ils ont été repérés alors qu’ils se
qui ont alimenté la rumeur se soient déroulé six mois plus d’un B-25 du 42nd trouvaient encore à 800 mètres du B-25. Ils ont ouvert
BG en juillet 1944.
tard. Il s’agit en l’occurrence d’un dossier officiellement le feu à moins 600 mètres de distance. Une seconde
non classé et a priori même non ouvert du côté de la Le même B-25 que passe a été effectuée dans les mêmes conditions par deux
Navy qui n’a jamais reconnu ses torts au grand jour. la page précédente, lors autres Hellcat (ou les même Ndt). Pendant tout le temps
d’un vol en compagnie de
où ils se sont trouvés sous le feu ami, nos hommes n’ont
l’un de ses congénères.
L’armement encore limité à cessé d’émettre des signaux de reconnaissance. Ils n’ont
LA BATAILLE DE ROI 8 mitrailleuses de 12,7 mm
pourra évoluer et en
pas riposté. Cela n’a pas empêché le 825 de subir à son
tour l’assaut d’un Hellcat. Quatre des nôtres, victimes de
comporter jusqu’à 14, sur les
À la fin de 1943, alors que Rabaul s’inscrit dans le versions dites « Solid Nose ».
cette interception, ne sont pas rentrés à la base. Le 284
viseur des appareils de la 5th AAF, ceux de la 7th, qui a été abattu. Le 780 gravement endommagé à fini son
accompagnent la progression des Forces de Nimitz en vol au milieu du lagon. Moins gravement atteints les 367
Micronésie, se focalisent sur un atoll a priori sans intérêt : et 616 ont pu regagner Makin. »
Tarawa. Emporté de haute lutte, ce petit bout de terre Et puis, ce fut le silence. Il ne semble pas qu’une enquête
constitue en fait un marchepied nécessaire au dévelop- de commandement ait été diligentée. Si cela a été le cas,
pement de l’offensive entreprise dans la région par les son rapport semble s’être opportunément perdu. En tout
forces américaines. état de cause, aucune conclusion ne subsiste.
C’est dans cette optique que le 41st BG vient en décembre Dans un premier temps, afin d’éviter de trop se perdre
1943 poser les roues de ses B-25 sur les pistes à peine en conjecture, on peut retenir soit l’hypothèse d’une
aménagées de l’atoll « sanglant ». Les bases japonaises mauvaise identification des agresseurs soit celle d’une
des Marshall vont dès lors subir la loi de ces marchands volonté délibérée des parties d’étouffer une affaire
de mort subite que sont les Mitchell. Cependant leur gênante, d’autant plus facilement qu’en définitive un
intervention n’a rien d’une sinécure comme le prouve le seul aviateur, le 2nd Lieutenant Daniel Kritz, a perdu la
journal du 1st Lieutenant Thompson, alors pilote de l’une vie lors de l’accrochage.
des canonnières du groupe et qui relate un fait saisissant. La première de ces pistes, l’intervention massive de la
« 30 janvier : apparemment la mission d’hier a été une chasse nippone au-dessus d’une flotte ennemie puissam-
grande réussite. Sans casse sur l’objectif. Nous avons ment défendue et disposant en outre d’une couverture
60
Friendly Fires
dans le Pacifique
Alexander Vraciu de la
VF-6 rapporte la destruction
de deux « Betty » le 29 janvier
1944. À la fin de la guerre,
il aura accroché 19 avions
à son tableau de chasse.
61
D’un point de vue tout à fait factuel, les Japonais ne
revendiquant pas de B-25 descendus ce jour-là dans le
secteur de Kwajalein et l’US Navy (on s’en doute) pas
davantage, le mystère reste entier, officiellement. Quoi
qu’il en soit le mythe du Hellcat vengeur s’en prenant à
des B-25 va alors commencer à courir les popotes et les
coursives d’autant plus que d’autres incidents opposant
marins et aviateurs ne vont pas tarder à se produire !
En haut :
Bristol Beaufort australien prétendument
confondu avec un G4M japonais !
Au milieu :
Armuriers australiens se préparant à garnir les casiers à
munitions de P-40 avant un départ en mission. La RAAF
aussi s’en prendra aux patrouilleurs de l’US Navy. (DR)
Ci-contre :
Photographiés à Rendova, les PT 180 et 183 de la
MTBRon 11. On note l’efficacité de leur camouflage.
62
Friendly Fires
dans le Pacifique
63
bout de deux heures, le calme revient enfin : autour des
deux naufragés, surnagent des épaves et les corps de
huit membres d’équipage du PT 346 dont un officier de
l’Army, le Lieutenant Colonel Petitt attaché à la flottille
en tant qu’observateur.
Aux débris du « Betty Bee » se mêlent ceux des deux
autres PT Boats qui ont été également coulés, non sans
avoir tout fait pour se faire reconnaître avant de riposter.
Ils abattent ainsi un Hellcat probablement atteints par
des tirs du 346. C’est un recherchant le pilote disparu
que l’équipage du PBY envoyé depuis Green Island se
rendra compte de l’étendue de la catastrophe. L’équipage
faisant preuve d’un dévouement exemplaire parviendra à
secourir Talley, Chopper et quelques autres naufragés. La
nuit venant, des canots, des couvertures et des rations
de survie seront laissés aux autres survivants qui seront
finalement récupérés au petit matin par les PT 351 et
355. En tout, 14 marins dont le Commandant du PT
346 ont été tués lors de ces deux attaques ; 17 ont été
blessés. Le PT 346 avec 9 tués et 9 blessés est l’unité
la plus touchée.
Après le Lieutenant Cochran de la VMF 215, le Lieutenant
Knight de la VF-34 est à son tour porté disparu à l’issue
du second raid. Les vies de deux aviateurs et de quatorze
marins ont donc été perdues pour rien, lors de cet épisode
qui demeure le plus meurtrier et le plus incompréhensible
ayant affecté jusque-là le théâtre d’opération du Pacifique.
Nimitz comme McArthur atterrés exigeront le blac-
kout sur cette affaire. De l’enquête, il ressortira que les
vedettes avaient commis une faute en franchissant de
5 kilomètres la ligne de démarcation imaginaire sépa-
rant les secteurs Sud et Centre Pacifique . Se trouvant
dès lors dans une zone considérée comme ennemie par
l’état-major du secteur Centre, l’attaque sans sommation
de ses avions se trouvait « légalement justifiée » . Pour
autant les aviateurs sont critiqués pour leur inaptitude
manifeste à identifier des navires amis. En conclusion,
c’est juridiquement un match nul et personne n’est offi-
ciellement sanctionné. Toutefois le Major Dill quitte son
commandement quelques jours plus tard. Cet officier
semble au moins au regard de l’histoire porter une lourde
responsabilité dans le désastre du Cap Lambert. D’abord,
parce qu’il n’identifie pas correctement ses cibles lors
de la première attaque. Ensuite, parce qu’il force à la
seconde attaque, quitte à donner des coordonnées erro-
La première bombe est tombée. Elle a explosé à proxi- F4U-1 de la VMF-222 nées afin de les situer non pas en marge de la zone de
mité de notre patrouilleur : l’eau à envahie ma salle des photographié en 1944 à tir autorisé mais loin à l’intérieur de celle-ci, soit à plus
Green Island d’où a été
machines stoppant les moteurs et noyant les batteries. organisée l’opération de 25 kilomètres de leur position réelle. Enfin, parce
Je suis monté sur le pont ou gisait le corps de notre capi- punitive du Cap Lambert. La qu’aux dires des témoins ce seront surtout les Corsair
taine. Nous coulions. J’essayais de libérer un canot de VMF-222 prêtera un avion qui s’acharneront à mitrailler les naufragés. Nonobstant
au trio vengeur de la 215.
sauvetage quand j’ai aperçu un de ces maudits oiseaux qui Dill sera promu un peu plus tard et prendra sa retraite
fonçait droit sur nous. Je me souviens m’être demandé F4U-1 de la VMF-215 avec le grade de Colonel.
si ces gars-là n’avaient pas de radio. Je l’ai vu nette- photographiés à Munda Dans le même temps, la Navy déplace elle aussi ses
ment abaisser ses volets. Une bombe de 500 kg s’est durant l’été 1943. Sur ces cadres. C’est ainsi que très rapidement l’officier comman-
îles cohabitent des pilotes
alors décrochée pour nous tomber droit dessus. Je ne et des équipages des PT
dant la VF-34 est muté et remplacé par... le Lieutenant
me souviens plus du reste, seulement que je me suis Boats. À certains moments, Commander Robert Conrad (ça ne s’invente pas !).
retrouvé à la baille. » les relations de voisinage Du côté des victimes, le Lieutenant Robert J Williams,
Rejoint par Chopper, le chien mascotte du « Betty Bee » ont dû être tendues... « skipper » du PT 347, souffrant d’un grave syndrome
(surnom du PT 346), le cauchemar que vit le jeune méca- post-traumatique s’enfonce peu à peu dans les affres
nicien va se poursuivre pendant de longues minutes. « d’une profonde dépression, dont il ne sortira jamais. Les
Ils sont venus nous mitrailler encore et encore. J’avais autres rescapés s’en remettront peu à peu, au moins en
l’impression que chacun d’entre eux m’en voulait per- apparence. Rétablis, Tailley et Chopper seront démobilisés
sonnellement. À chaque rafale, je pouvais voir la fumée en 1945 ; le premier ayant adopté le second, ils rentreront
s’échapper de leurs armes, juste avant que les balles ne ensemble aux États-Unis. Laissé un temps à la garde des
crèvent la surface de l’eau tout autour de moi. J’essayais parents de l’ex-mécanicien, Chopper trouvera la mort
de plonger pour me protéger car je savais que la vélocité un peu plus tard, lors d’une partie de chasse au lapin.
des balles décroissait rapidement sous l’eau.» Ayant survécu au cours de la guerre du Pacifique à des
Par chance, Talley déjà blessés, pas plus que son com- balles de mitrailleuses et des bombes de 500 kg, il sera
pagnon d’infortune, dont le museau avait été entaillé finalement atteint mortellement par du calibre 22 tiré par
profondément par un éclat de Shrapnell, ne sont de la carabine d’un adolescent du voisinage : un tir ami !
nouveau atteints lors de ces mitraillages sauvages. Au Les méprise et les erreurs vont se poursuivre au moins
64
Friendly Fires
dans le Pacifique
jusque-là fin de l’année 1944. Le 1er décembre SBD-5 de la VMSB-341, unité basée à Green Island et qui a participé à la tragédie du Cap Lambert en 1944.
le PT 169 (MTBRon 10) qui patrouille dans
l’archipel des Moluques est victime d’un
B-25 non identifié appartenant probablement
à la 13th AAF. L’attaque du bombardier est
couronnée de succès puisque la vedette est
immobilisée, moteurs détruits et en proie aux
flammes. Quatre membres d’équipage sont
blessés. Une fois encore, l’enquête conclura
à un manque de coordination, les 5th et 13th
Air Forces se renvoyant la balle d’autant plus
facilement que le responsable ne sera jamais
retrouvé.
CONCLUSIONS
Au terme de cette étude, sans doute pour-
rait-on considérer que les faits relatés sont
tragiques mais demeurent le fruit d’une époque
révolue où fleurissaient des technologies
considérées aujourd’hui comme obsolètes.
On aurait tort !
En effet, l’engagement du Cap Lambert s’est
trouvé dépassé au niveau de son bilan par
la catastrophe survenue le 14 avril 1994
dans la région d’Erbil au Kurdistan irakien. Ce
jour-là deux F-15 C du 53rd Fighter Squadron
de l’USAF guidé par un AWAC ont en effet
abattu avec leurs missiles AIM 9 Sidewinder
deux UH-60 Black Hawk de l’Army en mis-
sion humanitaire faisant 26 victimes. Dans le
feu de l’action, les chasseurs ont confondu
ces hélicoptères de transport avec des Mil Mi un drapeau américain, jusqu’au moment où il a été fauché par les balles « amies », celui-ci
24 « Hind » dont était équipée l’armée de répond : « J’ai bien vu ce gars avec son drapeau mais c’était un drapeau japonais ! » Dans le
Saddam Hussein. même cadre, 50 ans plus tard, le pilote d’un des F-15 engagé sur Erbil déclare : « Je n’ai eu
On ne peut qu’être frappé par la similitude de aucun doute quand je les ai vus, c’étaient des Hind... Jamais la possibilité qu’il s’agisse de
dépositions recueillies à un demi-siècle d’in- Black Hawk ne m’a traversé l’esprit ! »
tervalle. En 1944 à un pilote de la VMBS-341 On laissera le mot de la fin à l’un des aviateurs impliqués dans la mission du 29 avril 1944
à qui un membre de la commission d’enquête qui, venant rendre visite à Ollie Talley soigné à Green Island, lui confiera : « Dans ce merdier,
fait remarquer qu’un marin du PT 350 a agité il n’y a eu que des victimes. »
65
ANALYSE
1940
1945
LES BOMBARDEMENTS
SUR
ALLIÉS
L'ALLEMAGNE
T
rois millions de tonnes de bombes déversées sur l’Europe, dont une majorité sur le
territoire du Reich ; des dizaines de milliers d’avions mis hors de combat de part et
d’autre, une industrie allemande ponctuellement ravagée, des dizaines de villes détruites
avec leur patrimoine parfois millénaire, des centaines de milliers de victimes, parmi les
équipages alliés bien sûr, mais surtout les populations civiles d’Allemagne ou d’Europe occupée.
Exprimés de manière brute et froide, les résultats des bombardements stratégiques alliés donnent
le vertige. Face à un tel bilan, une question posée dès l’origine n’a jamais trouvé de réponse
univoque tout à fait satisfaisante : cette forme de guerre totale et impitoyable a-t-elle été décisive,
ou tout au moins efficace, dans la défaite du nazisme, ou n’a-t-elle été qu’un échec transformé en
trompe-l’œil pour alléger la conscience des vainqueurs ? Au delà de la question morale répondant
à la tendance actuelle à juger les problématiques d’hier avec les yeux d’aujourd’hui, peut-on
évaluer objectivement leur efficacité militaire. En définitive, les résultats obtenus peuvent-ils
justifier les ravages perpétrés ?
66
alliés
Bombardements
sur l'Allemagne
67
La conclusion s’impose d’elle-même : puisque le Bomber L'Air Chief Marshall
Arthur « Bomber » ou
Command est au moins psychologiquement indispen- « Butcher » Harris (1892-
sable comme seule arme britannique susceptible d’at- 1984), maître d'oeuvre du
teindre l’adversaire, les bombardements doivent se pour- bombardement stratégique
britannique visant à abattre
suivre mais sur des objectifs atteignables à moindre coût. le « moral des populations »
Des cibles très vastes, identifiables, et offrant le double par des frappes assumées
prétexte militaire, à la suite des théories de Guilio Douhet, sur des objectifs civils.
Cette stratégie cynique
de chercher à viser le potentiel économique ennemi tout lui vaudra de nombreux
en abattant le « moral » des populations : les grandes surnoms et quolibets. (DR)
villes industrielles.
Malgré ces opérations initiales, il faut attendre le prin-
temps 1942 pour que le Bomber Command ne com-
mence véritablement à disposer d’un matériel adapté
en quantité suffisante pour reprendre les bombarde-
ments massifs contre les principaux objectifs du Reich.
En mars, avril et mai 1942, Lubeck, Rostock puis Cologne
sont successivement frappées de nuit avec un nombre
croissant de bombardiers. C’est contre cette dernière
ville qu’est lancé le premier et spectaculaire raid massif
dit « millenium » (mille bombardiers), le 30 mai. Pour
atteindre ce chiffre symbolique, on mobilise non seu-
lement la totalité des moyens du Bomber Command
mais aussi une partie des équipages d’instruction du
Training Command et du Coastal Command. Au prix de
36 appareils (soit un peu plus de 3% du total), la RAF
pulvérise en moins de deux heures 240 hectares de l’un
des principaux centres industriels du bassin rhénan et
atteint la plupart des objectifs fixés. Malgré un échec plus présente que l’Allemagne n’est pas l’unique objectif
deux jours plus tard sur Essen lors d’une tentative simi- de l’aviation stratégique alliée. Ports et centres indus-
laire, ce bombardement de Cologne initie véritablement triels des pays occupés sont également durant toute
les grands principes déclinés et démultipliés entre 1943 la guerre sévèrement bombardés en tant qu’objectifs
et 1945. S’il est encore trop tôt pour systématiser de militaires majeurs. En France, bien avant le débarque-
tels raids, la voie en est définitivement tracée et semble ment, des raids de diversion, de désorganisation ou de
dans un premier temps donner raison aux tenants des destruction sont ainsi opérés sur de nombreuses cibles
frappes stratégiques « débridées ». Dès lors, la « norme » comme les usines du Creusot, Dunkerque ou encore
des raids de bombardiers sera de rassembler plusieurs les bases des U-Boote à Brest, Lorient, St-Nazaire ou
centaines d’appareils sur un unique objectif, dans des Bordeaux. En septembre 1943, deux bombardements
délais très brefs, et sans distinction claire entre cibles consécutifs sur Nantes font ainsi plus de 1200 victimes
civiles et militaires. A partir du printemps 1942, l’Air civiles. Nombre de responsables américains abordent ces
Chief Marshall Harris ne sera plus connu du grand public bombardements urbains pratiqués par les Britanniques
que sous le sobriquet de « Bomber Harris ». avec circonspection voire répugnance. L’objectif offi-
La question « éthique » est malgré tout loin d’échapper ciel est encore de limiter autant que possible les pertes
aux autorités alliées et tout particulièrement américaines civiles inutiles en pratiquant un bombardement diurne
nouvellement engagées dans le conflit au début de l’an- de précision. Les réalités techniques de l’époque et les
née 1942 bien qu’encore incapables de contribuer de enjeux stratégiques et militaires s’opposeront pourtant
façon significative. Cette préoccupation est d’autant dans une large mesure à de telles ambitions.
68
alliés
Bombardements
sur l'Allemagne
Le « Wimpy » (d'après
le personnage de la série
Popeye) Wellington bimoteur
est une cheville ouvrière
du Bomber Command
dès la seconde moitié des
années 30. Supplanté
par les quadrimoteurs,
il demeure toutefois en
service jusqu'à la fin de la
guerre pour sa capacité
d'emport et sa fiabilité. (DR)
LE TEMPS
DES OPÉRATIONS COMBINÉES
Le basculement définitif vers un emploi systématique
de l’arme stratégique s’opère véritablement en janvier
1943 et prend en compte une série de graves échecs
démontrant les limites des tactiques et des techniques
mises en œuvre jusque-là. Lors de la conférence interal-
liée de Casablanca (ou conférence d’Anfa) du 14 au 24
janvier 1943 est défini le double objectif des futurs bom-
bardements stratégiques anglo–américains : « Détruire
progressivement le système militaire, industriel et éco-
nomique allemand ; saper le moral de la population
allemande jusqu’au point d’affaiblir de manière décisive
sa capacité de résistance ». Si certains affectent de voir
encore dans ces principes les conditions nécessaires et
suffisantes de la victoire finale, pour la plupart des res-
ponsables alliés en revanche il ne s’agit que d’une étape
devant préparer l’inévitable reconquête de vive force du
continent européen. En juillet, le très officiel Field Manual
100-20 de l’US Army Air Force intitulé « Command and
employment of air power » fixe la doctrine d’emploi de
l’arme aérienne américaine qui prévaudra jusqu’à la fin
des hostilités : interdépendance des moyens aériens et
terrestre ; obtention préalable indispensable de la supé-
riorité aérienne. Les missions dévolues à de l’aviation
stratégique y sont assez ouvertes pour laisser une grande centimétrique et des systèmes de radionavigation « Gee » puis « Oboe », associés
latitude dans le choix des objectifs: « L’objet de la force à la constitution d’une force d’éclairage spécialisée (Pathfinders). En 1945, de nuit,
aérienne stratégique est la défaite de la nation ennemie. un appareil « Pathfinder » spécialement équipé de radars aura 50% de chance de
Les missions sélectionnées sont celles pouvant apporter larguer ses bombes à moins de 1600 mètres de la cible, une nette progression par
une contribution maximum à cet objectif. Les objectifs rapport aux largages plus qu’aléatoires du début de la guerre, majoritairement voués
peuvent être trouvés dans les centres vitaux des lignes à labourer champs et prés. Après les mois de réglage et d’observation pour l’USAAF,
de communication ennemies ou les établissements impor- la répartition stricte des tâches avec la RAF devient la règle. Tandis que le Bomber
tants du système économique du pays hostile. » Si l’em- Command opère exclusivement par raids nocturnes et bombardements « de zone »,
ploi ponctuel des forces aériennes stratégiques au profit l’USAAF prend en charge les opérations diurnes dites « de précision », à haute
des forces combattantes n’est pas écarté, leur vocation à altitude et avec une puissante et croissante escorte de chasse. Cette complémenta-
systématiquement opérer en profondeur au cœur-même rité, par ailleurs non exempte de problèmes ponctuels liés en partie aux procédures
du pays ennemi devient dès lors une règle établie. permet durant deux années de maintenir la défense aérienne et anti-aérienne du
C’est ainsi que combinant objectifs à caractère militaro– Reich sous une pression massive et constante. La production de chasseurs de nuit
industriel et objectifs de démoralisation « anti-cités », notamment, quasiment inexistante en 1940, est multipliée par plus de quatre entre
justifiés en haut lieu et non sans opportunisme cynique 1941 et 1944 (plus de 4000 appareils).
par le fait de priver les travailleurs de leurs habitations Les premières opérations majeures issues des accords de Casablanca paraissent
afin de perturber la production, les raids américains pouvoir permettre d’envisager des résultats concrets et rapides dans la pers-
et britanniques se multiplient dès le printemps 1943. pective du futur débarquement programmé sur le continent. Dès les premiers
Leur précision est toujours très limitée mais néanmoins mois de l’année 1943, plusieurs centres économiques et militaires majeurs
croissante, grâce notamment à l’introduction du radar tels que Wilhelmshaven, Berlin, Essen, Kiel, Duisburg sont durement frappés.
69
1 - et création d’unités d’interception anti-bombardiers
spécialisées – Fw 190 Sturmbocke, Me-163 Komet...)
permet cependant d’obtenir des résultats tangibles. Les
pertes alliées augmentent significativement pour renouer
parfois avec celles de 1941. Lors de la « bataille de
Berlin » entre le 18 novembre 1943 et le 31 mars 1944,
la RAF lance 16 raids nocturnes majeurs sur la capitale
allemande et perd 300 appareils sans obtenir les résultats
attendus sur le moral allemand. Au total, la RAF perd plus
d’un millier d’appareils détruits et 1600 endommagés au
cours de la période, avec un taux d’usure insupportable
d’environ 10% par opération, et doit pendant six mois
cesser ses attaques sur les centres industriels au profit
de bombardements des lignes de communication prépara-
toires au débarquement puis en soutien des opérations en
Normandie. À cette époque, certains as allemands de la
chasse de nuit, tels Helmut Lent ou Wolfgang Schnaufer
se distinguent en abattant des dizaines de bombardiers
alliés, et achèveront la guerre avec plus d’une centaine
de victimes à leur actif.
DÉTRUIRE LA JAGDWAFFE ?
Durant deux ans, les bombardiers alliés et la Luftwaffe se
livrent ainsi à une lutte sans merci dans le ciel de l’Europe
occupée. Bien que cantonnant la « Luftflotte Reich » à la
défensive et lui infligeant des pertes terribles, jamais les
Alliés ne parviendront à éteindre complètement la défense
aérienne et moins encore antiaérienne allemande, malgré
des moyens croissants à la fois en nombre et en effica-
cité : fin 1944, la 8th Air Force aligne en permanence
environ 2000 bombardiers lourds (B-17 et B-24) et un
millier de chasseurs opérationnels (P-38, P-47 et P-51) au
sein de trois grandes divisions de bombardement. En avril
1945, chacun des sept groupes du Bomber Command
(dont le No. 206 canadien, le No. 8 « Pathfinder » et le
No. 100 affecté aux opérations spéciales) comprend 3
à 400 appareils opérationnels, essentiellement des qua-
drimoteurs Lancaster et Halifax.
2 À la fois corollaire et préalable à cette campagne de bom-
bardement intensive culminant en 1944-1945, l’un des
objectifs majeurs des Alliés consiste à épuiser la chasse
allemande à l’Ouest à la fois en préparation d’un débarque-
ment sur le continent et pour limiter autant que possible
le poids de la Luftwaffe sur le front de l’Est. L’étape
essentielle de ces opérations de supériorité aérienne est
connue comme l’opération « Pointblank » qui de l’été
1943 à l’été 1944 tente de détruire le potentiel aérien
allemand par la destruction systématique de l’industrie
aéronautique et, selon les prescriptions américaines, de
quelques « goulots d’étranglement », des productions
ciblées tels les roulements à bille. En réalité, dans l’es-
prit des responsables du bombardement stratégique, cet
objectif d’user la chasse allemande afin d’acquérir peu à
peu la supériorité aérienne au-dessus de l’Europe occiden-
tale est déjà bien présent dès 1941-1942 dans la perspec-
tives des opérations « Roundup » et « Sledgehammer »
envisageant un retour rapide sur le continent. Dès cette
époque, des opérations diurnes dites « Circus » sont
ainsi régulièrement mises en œuvre par la RAF afin de
provoquer les formations allemandes demeurées à l’ouest.
Au mois d’avril, le comité combiné des services de renseignement américain tire déjà Des groupes de bombardiers « appâts » opèrent sur des
un premier bilan partiel et évasif des opérations estimant que s’« il est improbable que objectifs littoraux afin d’attirer et de forcer la chasse
le moral militaire et civil allemand s’effondre en 1943 […] son état présent le rend allemande au combat dans le rayon d’action du Fighter
vulnérable ». Malgré cette surestimation des effets sur le moral allemand, l’ampleur Command. Mais l’opération « Pointblank » multiplie et
de ces opérations croît continuellement jusqu’aux tout derniers jours de la guerre. systématise le procédé tout en le doublant de puissants
L’intensification des efforts alliés provoque un véritable choc en Allemagne et conduit raids en profondeur. Pour autant, malgré des destruc-
au suicide du général Jeschonneck, chargé de la défense aérienne, suite notam- tions spectaculaires et des pertes très sensibles des deux
ment au désastre d’Hambourg et ses 45 000 morts. Le renforcement des défenses côtés, ces derniers s’avèrent finalement peu efficaces
(radars, projecteurs de nuit, concentration de Flak lourde – 55 000 pièces fin 1944 moyennant un détournement massif des ressources du
70
alliés
Bombardements
sur l'Allemagne
DES OBJECTIFS 1 - En tout, ce sont 55 000 pièces de Flak qui sont déployées pour défendre le ciel du Reich et qui
STRATÉGIQUES ATTEINTS ?
prélèvent un énorme tribut sur les forces de bombardement alliées. Même dans les derniers moi de
la guerre, les Alliés continueront de considérer la Flak comme un réel danger. (Archives Caraktère)
Une appréciation globale quant aux résultats effectifs 2 - Un Wellington photographié au dessus du ciel d'Europe. L'appareil effectue près de 50 000
sorties au sein du Bomber Command, larguant plus de 40 000 tonnes de bombes pour la
des bombardements stratégiques en Europe est particu- perte de plus de 1 300 appareils, en faisant un des chevaux de bataille de la RAF. (IWM)
lièrement difficile à déterminer. « À la fois dans la RAF
et dans les forces aériennes de l’armée des États-Unis » 3 - Conçu initialement comme un bombardier le Ju-88 se révèle particulièrement polyvalent au point
d'être décliné en de très nombreuses versions notamment pour la chasse lourde de nuit face aux
souligne avec prudence le Strategic Bombing Survey bombardiers alliés où il sera plus efficace que dans son rôle original. (Bundesarchiv Bild 101I-772-0472-42)
dans son rapport sur la guerre en Europe, « certains ont
4 - Le chasseur Fw-190 est dans certaines versons spécialisées et surarmées utilisé pour
cru que la puissance aérienne pourrait porter le coup l'attaque des bombardiers lourds. C'est un adversaire très dangereux pour les bombardiers
décisif contre l’Allemagne et la forcer à la capitulation. alliés malgré leurs formations en essaims. (Bundesarchiv Bild 101I-493-3362-05A)
71
Cette optique néanmoins n’a pas contrôlé le plan stra- Disperser et enterrer les les bombardements « anti-cité » de Dresde des 13 et
structures de production
tégique général allié. Les plans appelaient à établir une sont les deux moyens
14 février 1945 (opération « Thunderclap ») qui restent
supériorité aérienne avant la date de l’invasion et d’exploi- les plus efficaces pour un symbole. Le négationniste David Irving n’a pas hésité
ter une telle supériorité à réduire la volonté de l’ennemi éviter l'effondrement de à répandre un bilan de 130 000 morts. Or, malgré une
l'économie allemande
et sa capacité à résister. » Ces lourdes réserves avouant face aux bombardements extraordinaire violence et une utilité militaire au mieux
l’échec à demi mot une fois posées, les experts américains stratégiques. Ici, des soldats très discutable, le bilan déjà considérable de 25 000 tués
n’en concluent pas moins que : « La puissance aérienne alliés en 1945 ont découvert est beaucoup plus proche de la réalité. À Hambourg, la
une usine d'armement
alliée a été décisive dans la guerre en Europe occiden- allemande souterraine - elles « tempête de feu » de l’opération « Gomorrah », fin juillet
tale. Une sagesse rétrospective suggère inévitablement seront des dizaines ainsi – début août 1943, fait sans doute 45 à 50 000 morts.
sur le territoire du Reich.
qu’elle aurait pu être employée différemment ou mieux à Au delà des bilans morbides, les raids aériens alliés sur
certains égards. Néanmoins, elle a été décisive. Dans les l’Allemagne restent à ce jour dans leur ensemble les plus
airs, sa victoire a été complète. En mer, sa contribution dévastateurs de tous les temps. À la cessation des hos-
en combinaison avec la puissance navale a mis un terme tilités, selon l’appréciation même des Américains : « les
à la plus grande menace navale ennemie, les U-Boote. principales villes allemandes ont été largement réduites
Sur terre, elle a contribué à renverser les équilibres de à des murs vides et des tas de décombres ». Jusqu’au
façon écrasante en faveur des forces terrestres alliées. Sa printemps 1945, les bombardements anglo–américains
puissance et sa supériorité ont permis le succès de l’in- sur l’Allemagne causent directement la mort de plu-
vasion. Elle a virtuellement amené l’économie soutenant sieurs centaines de milliers de personnes. Les sources
les forces armées ennemies au bord de l’effondrement, allemandes, très partielles et incomplètes, donnent en
bien que les pleins effets de cet effondrement n’aient 1945 plus de 500 000 victimes graves pour la seule
pas atteint les lignes de front ennemies avant qu’elles période 1943 – 1945 : 250 253 tués du 1er janvier
En haut les deux photos :
ne soient enfoncées par les forces alliées. Elle a amenée Les chaînes d'assemblage
1943 au 31 janvier 1945, et 305 455 hospitalisés pour
jusque dans les foyers du peuple allemand les consé- de blindés constituent des blessures graves entre le 1er octobre 1943 et le 31 janvier
quences pleines et entières de la guerre moderne, avec cibles privilégiées des 1945. Le Strategic Bombing Survey présente lui-même
bombardements stratégiques,
toute son horreur et ses souffrances. Son empreinte sur ce qui n'empêchera pas la ces chiffres comme beaucoup trop bas, estimant quant
la nation allemande sera durable. » production allemande de à lui comme « un strict minimum » pour l’ensemble de la
En réalité, toutes les opinions ou presque ont depuis se maintenir et de croitre guerre un bilan de 305 000 tués et 780 000 blessés, soit
fortement jusqu'au début 1945.
été défendues et ce jusqu’à aujourd’hui. Des auteurs en Surtout, ces bâtiments plus d’un million de victimes en Allemagne, y compris les
font le symbole d’excès voire de crimes de guerre alliés, sont très vulnérables aux travailleurs forcés. Les destructions sont évaluées à 485
bombardements lourds,
certains allant jusqu’à manipuler les chiffres pourtant déjà les rendant nécessaires à
000 bâtiments résidentiels détruits et 415 000 gravement
spectaculaires. L’exemple le plus frappant réside dans l'effort de guerre allemand. endommagés, soit au total 20% du bâti allemand en
72
alliés
Bombardements
sur l'Allemagne
73
et Équipages vétérans
d'Avro Lancaster posant
fièrement devant leurs
appareils. En dépit de leurs
montures impressionnantes
et hérissées de mitrailleuses,
les pertes sont particulièrement
élevées : 1 membre
d'équipage sur 2 ne survivra
pas à la guerre. Même si les
tactiques élaborées petit à
petit permettront de limiter les
pertes, elles ne seront jamais
efficaces à 100 %. (IWM)
[1] Chef d’état-major de
l’armée des États-Unis
entre 1955 et 1959.
[2] Les mêmes
questions posées
pour le Japon méritent
une autre discusion,
et là encore génèrent
des appréciations
contradictoires. On
remarquera toutefois
que la campagne de
bombardement sur le
Japon est beaucoup
plus brève et le tonnage
de bombes largué
– essentiellement
incendiaires - beaucoup
plus faible qu’en
Europe, pour des
résultats stratégiques
au moins équivalents.
« Malgré tout ce qui s’est passé à Hambourg, critiques tels que l’Américain Bernard Brodie et produire, certes souvent avec un grave
les bombardements se sont révélés être com- n’hésitent pas à soutenir que « les bombarde- retard, mais de de plus en plus massivement,
parativement la méthode la plus humaine. Ils ments urbains de la Deuxième guerre mondiale de nouveaux modèles de matériels innovants
empêchèrent la jeunesse de ce pays et de nos [devaient] s’inscrire sans équivoque dans le et très divers du U-Boot type XXI au char
alliés d’être fauchée par les combats comme ce cadre d’un échec total. » t à l’autre grande Tigre en passant par les avions à réaction et
fut le cas lors de la guerre de 1914 – 1918. » ambitionw de ces bombardements : sont–ils les fusées V. La production militaire allemande
D’autres analystes, tels que le général Taylor [1] parvenus à détruire ou au moins épuiser l’éco- est, moyennant une triple adaptation de la
sont beaucoup plus réservés, renvoyant les nomie de guerre allemande ? Là encore, la production (dispersion spatiale, rationalisa-
bombardements stratégiques à « une contri- réponse est clairement négative et il faudrait tion, concentration vers quelques modèles
bution à la victoire finale, mais non un facteur être aveugle pour ne pas voir que le Reich clef), en croissance continue, avec un pic
décisif » qui n’eut « aucun effet sur l’industrie parvient jusqu’à la fin de la guerre malgré impressionnant en 1944, au sommet même
de guerre de l’Allemagne nazie ». Enfin, les plus les bombardements à concevoir développer de la campagne de bombardements alliés.
74
alliés
Bombardements
sur l'Allemagne
UNE ARME
MALGRÉ TOUT DÉCISIVE ?
La logique qui sous-tend les bombardements stratégiques
dès l’origine est d’en faire une arme décisive. Or, en
dépit des affirmations du Strategic Bombing Survey, les
deux objectifs définis par les doctrines d’emploi de ces
forces ne sont donc pas atteints en Europe [2] malgré la
pénurie croissante de ressources et des frappes conti-
nues et croissantes sur les centres industriels et urbains.
Seule la chute « physique » des bassins de production
de Silésie et de la Ruhr, après celle des ressources de
l’Est et des puits de pétrole de Ploiesti effritent vérita-
blement le potentiel de résistance global. En outre, le
Reich aurait été en mesure de produire des matériels –
chars, avions, armements - en plus grand nombre sans
ces bombardements, les contraintes géostratégiques et
démographiques aurait de toute façon limité le format
d’une armée qui « plafonne » dès le milieu de la guerre en
matière d’effectifs et incapable de motoriser l’ensemble
de ses forces fautes de ressources en hydrocarbures.
La pénurie endémique de pilotes de chasse que le système
de formation allemand est incapable de fournir, autant
quantitativement que qualitativement, pour combler les
pertes, est un exemple criant de ces lacunes. À quoi
auraient servi plus d’avions sans pilotes ni essence ?
En d’autres termes, face aux masses nombreuses et
aguerries de l’Armée rouge et aux unités alliées occi-
dentales, plus limitées mais remarquablement organisées
équipées et soutenues, le Reich manque en 1944 – 45
beaucoup plus de soldats aguerris et de spécialistes
expérimentés ainsi que de carburant que de matériel de
guerre, bombardements stratégiques ou pas.
75
Si l’on doit chercher un véritable succès dans les bom-
bardements stratégiques alliés, c’est sans doute dans
les objectifs annexes qu’il faut le chercher. Il est vrai
notamment que l’économie de guerre allemande fut
obligée de déployer des trésors d’ingéniosité pour assu-
rer la continuité et l’accroissement de sa production de
guerre, pratiquant l’enterrement et la décentralisation de
ses moyens à une très vaste échelle, avec de nombreux
problèmes afférents, et une captation de ressources très
importante au détriment du front. En obligeant le Reich à
de constants efforts de réorganisation perpétuellement
entravés ; en maintenant une pression sur l’économie
et les communications, les bombardements stratégiques
ont ainsi immobilisé de vastes ressources employées à la
défense antiaérienne, à la reconstruction, au maintien de
l’ordre et à la pérennité des infrastructures. Albert Speer,
le maître de la production militaire allemande à partir de
1942 considère notamment que les bombardements ont
« ouvert un second front longtemps bien avant l’invasion
de l’Europe ». De même, si la Luftwaffe poursuit sa résis-
tance jusqu’à la fin, prélevant un tribut très élevé auprès
des équipages alliés, l’usure continuelle qu’elle subit et
son incapacité à faire front partout constitue également
une contribution importante à la victoire. En cela, on ne
peut nier l’efficacité de la campagne de bombardements
stratégiques même si l’on peut la tempérer en prenant en
compte l’effort parallèle humain et matériel considérable
des alliés pour entretenir ces moyens offensifs. Le format
général réduit des forces terrestres alliées reste l’une des
conséquences majeure de ce choix stratégique impliquant
une dispersion des ressources.
Si les bombardements stratégiques n’ont donc sûrement
pas gagné la guerre, et ont même indubitablement échoué
dans les objectifs essentiels assignés par leurs promo-
teurs, ils ont néanmoins puissamment contribué à créer
les conditions de la victoire. Mais à quel prix ! À ce titre,
la conclusion du Survey sonne à la fois comme un aveu
et comme un vœu : « La grande leçon apprise dans les
villes frappées d’Angleterre et les cités en ruine d’Alle-
magne est que la meilleure façon de gagner une guerre
est d’éviter qu’elle ne se produise. »
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76
alliés
Bombardements
sur l'Allemagne
77
HISTOIRE
1945
ÉVASION SUR
DORNIER 335
N
ous avons vu, dans le précédent numéro d’Aérojournal, l’historique de la formidable
machine qu’a été le Dornier Do 335 Pfeil. Au printemps 1945, alors que les Soviétiques
s’enfoncent au cœur du Reich, l’Erprobungsstelle de Rechlin, le célèbre centre d’essais
de la Luftwaffe, est sur le point de tomber aux mains de l’ennemi. Mais l’un de ses
pilotes, Werner Lerche, ne compte pas finir ses jours en Sibérie !
Le 16 avril 1945, alors que l’Armée rouge lance sud-ouest, à basse altitude afin d’éviter la
son ultime offensive et franchit la rive droite chasse alliée et la DCA. Il sait que ce ne sera
de l’Oder pour prendre Berlin, ordre est donné pas une partie de plaisir, à 550 km/h si près
de déménager l’E-Stelle de Rechlin, situé à une du sol ! Pour la navigation, ce sera « à vue »,
centaine de kilomètres au nord-nord-est de la avec l’aide des voies de chemin de fer et des
capitale d’un III. Reich à l’agonie. Les avions chaussées d’autoroute. Le Dornier n’emporte
qui y sont aux essais doivent être restitués pas de munitions, à quoi bon ? Lerche n’a rien
à leur constructeur respectif. d’un combattant, encore moins d’un pilote de
chasse. Pour la navigation aux instruments,
NAVIGATION À VUE ce ne sera guère mieux, car ses expériences
en ce domaine consistent en des vols sans
Deux Dornier Do 335A-0 se trouvent alors visibilité, guidé par un opérateur radio... Par les
à Rechlin : le WNr 240102 (VG+PH) et le temps qui courent, il vaut peut-être mieux
240103 (VG+PI). Le pilote d’essais Werner également se passer de radio afin de ne pas
Lerche, recevant l’ordre de convoyer l’un attirer la chasse ennemie qui pourrait être à
des Pfeil, fait préparer le second (le n° 103), l’écoute. De toute manière, pense Lerche, le
mais en essai de roulage, un pneu est crevé, réseau de guidage radio en Allemagne doit être
probablement par un éclat de bombe traînant en piteux état. Alors, comme au bon vieux
encore sur la piste. Devant l’impossibilité de temps, il pilotera au « pifomètre » ! Il charge
réparer, il se rabat donc sur l’autre Do 335. quelques affaires personnelles dans la soute
Écoutant la BBC (!), Lerche apprend, le 19 à bombes.
avril au soir, que Berlin sera bientôt encer- Le décollage se passe à merveille, tout fonc-
clé par les Russes. Par conséquent, il décide tionne bien, les moteurs tournent parfaite-
Le Flieger-Ingenieur Hans-Werner d’évacuer l’avion dès le lendemain. Il prépare ment et les instruments confirment que tout
Lerche, à l’âge de trente ans. (DR) son vol qui doit contourner la capitale par le est correct, sauf le cap... En se repérant sur
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Évasion sur
Dornier 335
les bois et les lacs entourant Rechlin, Werner Lerche prend son cap
à l’estime. Cette orientation, pense-t-il, est plus fiable que le compas
du Do 335. En effet, à cause de la formule des moteurs en tandem,
le compas-mère a dû être installé dans l’aile gauche plutôt que dans
le fuselage. Comme le dit Lerche lui-même, ce compas-mère, à cause
de la force centrifuge et des accélérations, « vit sa propre vie ». En
fait, la direction indiquée par l’instrument ne correspond en rien à celle
réellement suivie ! Heureusement que le pilote connaît les moindres
repères des environs de Rechlin, grâce à ses nombreux vols précédents,
y compris en planeur.
MÊME EN AVION, SUIVRE LES ROUTES... et Le Dornier Do 335 A-02 (WNr 240102, Skz VG+PH) vu à la Naval
Air Station Patuxent River en 1946. Il est, à l’heure actuelle, exposé au
Normalement, sur le Do 335 le carburant est pompé des ailes vers Steven F. Udvar-Hazy Center, près de Washington. (EN-Archives)
le réservoir principal du fuselage, mais sur le « 102 », les pompes ne
fonctionnent pas. Comme le plein n’a pas été fait et que les 3 600 ch moineau ne trouverait pas sa route », est annoncé. Lerche pense que
de ses deux moteurs consomment quelque 900 litres par heure, Werner lui trouvera sa route grâce aux vallées de la forêt bavaroise. Mais, il est
Lerche se rend vite compte qu’il ne pourra pas atteindre Lechfeld, situé cloué au sol. Prague sera bientôt investi par les Russes. Il faut partir.
à 600 km de son point de départ. De plus, la nuit approche à grands Le 23 avril, malgré le mauvais temps, il prend le risque de décoller. Tout
pas. Tant pis pour les documents importants à remettre au commandant se passe bien et le vol se déroule à plus haute altitude afin de pouvoir se
de l’E-Stelle qui se trouve à Lechfeld ! repérer dans ce monde nuageux étrange. Le compas est toujours aussi
Toujours à vue, le pilote allemand, après avoir atteint le sud de Berlin, « indépendant ». Pas inquiet du tout, Lerche se demande qui pourrait
décide de prendre la direction de Prague-Ruzyne qu’il connaît bien bien lui « coller le train » par sale temps pluvieux à 4 heures du matin.
grâce aux nombreux vols d’essais qu’il y a réalisés, notamment aux Faisant confiance à la Providence, voici qu’il suit une vallée qu’il ne
commandes d’un B-17 capturé. connaît pas dans la forêt bavaroise. Il pense que le plus dur est fait,
En direction de Beelitz, au sud-ouest de la capitale, Werner Lerche croise mais il essuie brusquement un tir de traçantes.
l’autoroute de ceinture Sud de la ville qu’il suit vers l’est jusqu’à l’em- Est-ce un avion ennemi arrivant par l’arrière ? Mais non, tout va
branchement de Dresde, où il aperçoit des véhicules russes. Malgré la bien. Sûrement ce tir est-il dû à un servant de Flak nerveux. Par sûreté
nuit tombante, l’autoroute reste visible et, sans feu de navigation (pour- et d’instinct, Werner Lerche a plongé au ras de la cime des arbres. Le
quoi attirer l’attention ?), la ville de Dresde est vite atteinte. « Quittant voici près de Nuremberg, déjà aux mains des Américains. Il se dirige plein
l’autoroute », il prend la direction de Prague dont les lumières appa- sud. Avec ses moteurs intacts, il ne craint aucun chasseur ennemi. Il
raissent à l’horizon, ainsi que celles de l’aérodrome resté éclairé à cause franchit le Danube et s’oriente avant d’atteindre Munich, le temps
d’opérations nocturnes. continuant de se lever.
« Le train d’atterrissage ne descend pas ! Vite, utilisons le système Au-dessus de Munich, l’Allemand rase les toits de la gare de Pasing,
de secours. Mais où donc se trouve la manette de commande pneu- puis, à hauteur des poteaux téléphoniques, il prend la direction de
matique ? » Lerche ne tient pas à se poser sur le ventre, car la dérive Lechfeld. Au-dessus de lui, il aperçoit les traînées laissées par ses
ventrale ferait plonger le nez de l’avion dans le sol qui serait « labouré » « camarades de l’autre bord ». Il garde un œil sur eux, tout en suivant
par le moteur avant. Avec une vitesse d’approche de 200 km/h, il aurait la voie de chemin de fer. Il contourne le terrain de Fürstenfeldbruck,
peu de chance de survivre. C’est pour cette raison que la dérive ventrale de manière à éviter la chasse ennemie, mais aussi la Flak amie...
est éjectable, théoriquement du moins... À tâtons, il trouve la poignée, Maintenant, il lui est facile de reconnaître le chemin vers Lechfeld où,
l’actionne et les légers cognements du verrouillage du train se font après un circuit d’approche au plus près du terrain, il sort le train, d’un
sentir en même temps que les trois lampes vertes s’allument. L’avion seul coup cette fois, et atterrit alors qu’une alerte aérienne retentit. Le
prend contact avec la piste de Ruzyne à 20h20. La nuit est complète. calme revenu, il constate que seize avions soigneusement camouflés
ont été détruits, mais que son Do 335, pourtant bien en vue, est
DERNIER VOL DE LA GUERRE intact. Il pense que les Américains ont dû prendre son appareil pour
un leurre tant il a l’air bizarre !
Werner Lerche vient de voler sur environ 450 km. Afin de ne pas perdre Sa première mission accomplie, la remise des documents, Werner
de temps, il décide de partir le plus tôt possible le lendemain matin, mais Lerche n’a qu’une hâte : atteindre l’usine Dornier d’Oberpfaffenho-
il faut d’abord ravitailler en carburant C3, qui n’est pas disponible... Tant fen, but ultime de son voyage. Dès que les alertes aériennes lui en
pis ! On utilisera ce qu’il y a, du « 87 », mais l’essence n’est pas gratuite laissent le loisir, il redécolle vers l’est. La distance n’étant pas très
et ses paquets de cigarettes changent de propriétaire. Enfin, peu lui importante (une trentaine de kilomètres), il garde par prudence le train
importe, car les réservoirs du Do 335 sont maintenant pleins « à ras la sorti. Bientôt, il se pose et va parquer son avion, fièrement, devant le
gueule », comme on dit. Lerche trouve aussi un mécano qui ausculte bâtiment principal, à la surprise générale du personnel de l’usine qui
le train d’atterrissage et détecte la panne. Après plusieurs essais du n’en croit pas ses yeux.
train, l’avion monté sur vérins, tout semble correct. Werner Lerche ne le sait pas – mais peut-être le devine-t-il ? – c’est
Cependant, la météo s’en mêle. Un mauvais temps, « où même un son dernier vol sous l’uniforme de la Luftwaffe.
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Dornier Do 335 A-0
Plans au 1/48e © Hubert Cance - 2019
Chasseur-bombardier
Morphologie
Envergure 13,80 m
Longueur 13,85 m
Hauteur 5,00 m
Surface alaire 38,50 m²
Poids :
À vide 6 350 kg
Maximum en charge 9 510 kg
Motorisation
- Deux moteurs Daimler-Benz DB 603 A-2 (DB 603 E à l’avant et DB 603 QE à l’arrière), douze
cylindres en V inversé refroidis par liquide, développant 1 750 ch chacun au décollage et
1 390 ch à 6 500 m, entraînant une hélice VDM de 3,50 m de diamètre à l’avant et une VDM
de 3,30 m à l’arrière
- Capacité en carburant : 1 850 l
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Évasion sur
Dornier 335
Performances
Vitesse maximale - 580 km/h au niveau de la mer
- 703 km/h à 6 600 m
- 732 km/h à 7 100 m
Rayon d’action : - 1
230 km avec 500 kg de bombes à
550 km/h à 6 000 m
- 1 600 km à 630 km/h à 6 000 m
- 1 380 km à 703 km/h à 6 600 m
- 2 150 km à 460 km/h à 6 000 m
Performances
Performances - Plafond pratique : 9 500 m au poids
maximum en charge ; 4 500 m au
Temps de montée au poids poids de 8 300 kg sur un seul moteur
maximum en charge : - Distance de décollage : 960 m pour
- à 1 000 m, 1 mn 18 franchir un obstacle de 20 m
- à 2 000 m, 3 mn - Vitesse d’atterrissage : 190 km/h au
- à 4 000 m, 6 mn poids de 9 000 kg
- à 6 000 m, 10 mn
- à 8 000 m, 14 mn 30
Armement
- 2 canons MG 151/20 de 20 mm sur le dessus du capot, avec 200 coups par arme et
un canon MK 103 de 30 mm tirant par le moyeu de l’hélice (70 obus).
- De 500 à 1 000 kg de charges offensives en soute interne.
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n°34 : La chasse allemande face à l’Ouest (Réf. 534) n°62 : El Alamein (Réf. 11062)
Mandat postal
Carte Bancaire :
n°35 : Regia Aeronautica dans la bataille d’Angleterre (Réf. 535) n°63 : Luftprodktion, le défi industriel (Réf. 11063) Numéro : .........................................
n°36 : Pilotes belges sur Hawker Typhon (Réf. 536) n°64 : Hs 129, le tueur de chars (Réf. 11064) Date d’expiration : ...........................
n°37 : Kamikaze, la vanité de l’héroïsme (Réf. 537) n°65 : JG 52 - L'escadre de tous les records (Réf. 11065) Signature :
n°38 : Jagdgeschwader, les escadres de formation (Réf. 538) n°66 : Les jets de Shōwa (Réf. 11066)
n°40 : Insurrection en Irak (Réf. 540) n°67 : L'aviation embarquée allemande (Réf. 11067)
n°41 : Kampfgeschwader KG 200 (Réf. 541) n°68 : « Tueurs de chars » (Réf. 11068)
n°42 : KG 200 « Beethoven » (Réf. 542) n°69 : Les P-47 du 353rd Fighter Group (Réf. 11069)
n°43 : Les As de l’armée impériale japonaise (Réf. 543) n°70 : Dans l'ombre de Marseille (Réf. 11070) Attention ! Les Eurochèques, cartes Maestro
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