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M 05757 - 65 - F: 6,90 E - RD
Aérojournal n°65
Juin / Juillet 2018
Belgique, Espagne, Italie, Portugal Cont., Lux. : 7,90 €
Canada : 14$C - Suisse : 13 CHF - Maroc : 75 MAD
3’:HIKPRF=\U[^U^:?k@a@g@f@k";
JUIN
carapresse &tère
éditions
carapresse2018
tère
& éditions
JUILLET
ACTUELLEMENT EN KIOSQUE
cara tère
Aérojournal n° 65 Batailles & Blindés n° 85
presse & éditions
Ligne de Front n° 73
cara publishing
tère
Quand les Panzer La bataille de Smolensk
La Royal Navy, innovatrice hors-pair
tentent d’endiguer Une victoire à la Pyrrhus ?
la marée
COCARDE vs ÉTOILE ROUGE
En guerre contre les bolcheviques
KRINKELT-ROCHERATH La petite guerre dans la grande
1941, Pérou contre Équateur
SAINT-LÔ
JG 52
M 01699 - 85 - F: 6,90 E - RD
BOOMERS !
LES SOUS-MARINS BALISTIQUES SOVIÉTIQUES
LES MYSTÈRES de la Seconde
Qui sait que Winston Churchill envisageait de disperser de l’anthrax sur
le Reich pour exterminer des centaines de milliers de civils allemands en
1944, en représailles des tirs de V1 et V2 ? Dans les faubourgs de Berlin,
De tous les combats
des B-17 robotisés lancés par les Américains sur les plus secrètes des bases
Guerre moondiale
LE TORPILLAGE DU LACONIA
TRAGÉDIE EN HAUTE MER
DE KRONSTADT À TSUSHIMA
LE CALVAIRE DE LA FLOTTE DU TSAR M 07910 - 67 - F: 6,90 E - RD
KLEIN IST SCHÖN ! M 02731 - 38 - F: 6,90 E - RD
3’:HIKRTB=UU[^U[:?k@a@q@h@a"; M 09340 - 33H - F: 11,50 E - RD
Ligne de Front Hors-série n°33
3’:HIKMRD=VU[^UW:?k@a@n@i@a"; 3’:HIKTNE=UVVZU\:?k@a@n@d@f";
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LES « SCHNELLBOOTE DE POCHE » Espagne / Italie / Port. Cont. /
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Autriche : 8.20 € — Canada : 14 $C — Suisse : 13 CHF
Renseignements : Éditions Caraktère - Résidence Maunier - 3 120, route d’Avignon - 13 090 Aix-en-Provence - France
Tél : +33 (0)4 42 21 06 76 - www.caraktere.com
L'ACTUALITÉ DE L'AÉRONAUTIQUE p. 4
DC-3, F-15, B-21 ...
LOTNICTWO WOJSKOWE p. 12
Aérorama Pologne (Partie 2 - 1928-1939)
NOTAM
N°
65 GRUMMAN F4F WILDCAT p. 22
[NOTICE TO AIR MEN] Genèse, versions et production - 1e partie
TENIR LE CAP JG 52 p. 32
L’escadre de tous les records
Certains parmi vous se sont manifestés pour
réclamer (à raison) la suite et fin de l’Aérorama
consacré à la Pologne, ainsi que la dernière
partie des raids sur Berlin. Avec cette nou-
velle livraison de votre magazine, le contrat
est rempli pour ce qui concerne la Lotnictwo
Wojskowe ; quant aux opérations du Bomber
Command, j’y travaille ardemment. Enfin,
suis-je tenté de dire ! Car si le programme
éditorial d’Aéro-Journal a été bouleversé à la
charnière 2017-2018, ça n’a pas été par extra-
vagance, mais parce qu’il a été nécessaire de
tenir la barre, avec fermeté !
En cause, la situation désastreuse de notre
messagerie de presse (Presstalis, ex-NMPP)
chargée de mettre en vente les magazines et
de nous rétribuer ; paiements bloqués (on parle NUL N'EST PROPHÈTE EN SON PAYS p. 50
ici de dizaines de milliers d’euros !), retards La Royal Navy, innovatrice hors-pair
dans les mises en vente et, depuis, en guise
de solutions pour l’avenir, de nouvelles taxes,
de nouvelles règles coercitives et des mesures
COCARDE CONTRE ÉTOILE ROUGE p. 56
rétroactives en la défaveur des éditeurs. Une En guerre contre les bolcheviques
recherche sur internet vous renseignera sur ce
cas de figure édifiant ! En 15 ans de Presse, JUNKERS JU 287 p. 66
je n’ai jamais pensé vivre quelque chose de
semblable, pas plus que mes confrères, qui
Le bombardier expérimental de la Luftwaffe
souffrent eux aussi de cette situation.
AU SOMMAIRE DU N°66
Retrouvez le courrier des lecteurs sur notre page Facebook Illustration : © Piotr Forkasiewicz – Aérojournal 2018
www.facebook.com/aerojournal.magazine Une lettre d’information accompagne votre magazine. Elle est réservée aux abonnés et clients VPC.
© Copyright Caraktère. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans la
présente publication, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions
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caractère spécifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées. Loi du 11.03.1957, art. 40 et 41; Code Pénal, art. 425.
l'Actualité
de l'Aéronautique
Warbird / Restauration / Projet
DC-3
UN DOUGLAS
ppareils emblématiques du débarque- au long du conflit. Après guerre, nombre de ces avions
ment de Normandie, de nombreux Le DC-3 acquis par sont rachetés par des compagnies aériennes et réamé-
A
Douglas DC-3 sont encore en vol de l’association Avialogs. nagés afin de servir sur des vols continentaux. Le DC-3
De nombreuses
nos jours, mais d’autres n’ont pas modifications récupéré par Avialogs a lui une carrière atypique : sorti
autant de chance. Il faut attendre « civiles » ont été des chaînes de montage Douglas d’Oklahoma City en
2017 pour que l’un d’entre eux, le faites après-guerre, 1944, le n°12253 est transféré à la Royal Air Force
notamment au niveau
DC-3 C/N 12253 fabriqué en 1944 grâce au programme « lend lease ». Affecté au No.
de la porte d’accès et
mais laissé à l’abandon sur un aéro- l’aménagement intérieur. 271 Squadron (immatriculation FZ668), il est déployé
port au Canada, soit repris par l’as- le 5 juin 1944 sur le terrain de Blakehill Farm dans le
Toutes photos : Pierre Gillard
sociation Avialogs à des fins de restauration. Wiltshire. Le FZ668 participe alors à l’opération « Tonga »
avec neuf autres C-47 : à 23h20 le 5 juin, il s’envole
Mis en service en 1936, le Douglas DC-3 est un avion destiné au avec des parachutistes britanniques vers la zone de Caen. Retourné
transport de civils, notamment de nuit. Il bat très vite des records de au Royaume-Uni, il est racheté puis reconditionné en appareil civil
vitesse mais aussi d’autonomie ainsi que de fiabilité. Son succès dans pour Trans Canada Airlines, où il devient CF-TER. L’ancien C-47 finit
les compagnies aériennes civiles attire l’attention des militaires qui ont alors sa carrière à la fin des années 1980, où il est laissé à l’aban-
alors besoin d’un appareil de transport fiable et peu onéreux à produire. don pendant 25 ans. Forts de nombreuses années de récupération
Après une période d’essais, l’US Air Force décide de commander à de documentation technique, les membres de l’association Avialogs
Douglas une version militaire du DC-3, dénommée C-47 « Skytrain ». vont maintenant se lancer dans la restauration de l’appareil. Un ingé-
Les Britanniques l’utiliseront aussi mais sous le surnom de « Dakota ». nieur du Canadian Warplane Heritage ainsi que diverses écoles (ENA et
D’abord pensé comme transporteur de matériel, le C-47 gagne ses FBO-H18) vont collaborer à ce projet dont la finalité est de faire reprendre la voie
lettres de noblesse en convoyant les parachutistes américains dans des airs à cet « ancien » depuis l’aérodrome de Saint-Hubert de Montréal.
la nuit du 5 au 6 juin 1944 au dessus du Cotentin, puis lors de l’opé-
ration « Market Garden » le 17 septembre 1944 en Hollande. Fiable
Site de l’association : www.avialogs.com
mais peu protégé, le C-47 est construit à 16 079 exemplaires tout
4
L’état de l’appareil démontre les 25 ans d’abandon. Selon
l’association, il faudrait environ 400 000 € pour le faire revoler ; elle
va bientôt lancer une opération de financement participatif.
5
l'Actualité
de l'Aéronautique
Nouvelle arme / Révolution technologique ?
L'
an passé, le laboratoire de recherche de l’US Air Force a
confié un contrat 26,3 millions de dollars à Lockheed-Martin
pour mettre au point un démonstrateur de laser à fibre de
haute puissance dans le cadre du programme SHiELD (Self
protect High Energy Laser Demonstrator), lequel vise à doter
les avions de combat d’une arme à effet dirigé.
Ainsi, Lockheed-Martin devait développer un démonstra- Cependant, Lockheed-Martin a mis au point la technologie
teur d’ici 2021, en collaboration avec Northrop Grumman Un F-15E Strike ATHENA (Advanced Test High Energy Asset), dont la
Eagle lors de l’opération
(pour le système de contrôle des faisceaux vers les cibles) « Inherent Resolve »,
particularité est de concentrer plusieurs faisceaux laser
et Boeing (pour la nacelle devant alimenter et refroidir le en juin 2017, au- ayant chacun une longueur d’onde différente en un seul.
laser). Mais, visiblement, les travaux sont en avance car dessus de l’Irak. Ce qui ouvre le champ à des armes à effet dirigé à la fois
U.S. Air Force photo/Staff
l’US Air Force a annoncé, le 19 mars, que les premiers Sgt. Trevor T. McBride
plus légères et puissantes.
tests de cette arme laser seront effectués dès cet été. Cette technologie est utilisée pour le projet HELMTT (High
« Nous ferons nos premiers essais l’été prochain et les Energy Laser Mobile Test Truck) mené dans le cadre du
essais en vol sont prévus l’été suivant », a en effet indiqué programme « Robust Electric Laser Initiative Program »
Jeff Stanley, le sous-secrétaire de l’US Air Force chargé de l’US Army. Là, il est question de doter un véhicule
de la science, de la technologie et de l’ingénierie. d’une arme laser de 58 kW de puissance.
Le démonstrateur SHiELD sera installé sur un F-15. Par ailleurs, Raytheon a annoncé, en juin 2017, avoir
L’objectif est mettre au point une arme laser d’une puissance de 50 testé avec succès un système laser à haute énergie intégré (High
kW, qui permettra à un avion de combat de détruire des drones, voire Energy Lasers, HEL), qui couplé à un système MTS (Multi-Spectral
des missiles de croisière. « Nous avons encore des problèmes tech- Targeting System), avait été installé à bord d’un hélicoptère d’attaque
niques à surmonter, en termes de taille, de poids et de puissance », a AH-64 Apache
toutefois admis M. Stanley. La marine américaine n’est pas en reste puisque, en 2014, à bord de
Cela fait longtemps déjà que l’Air Force Research Laboratory (AFRL) l’Amphibious Transport Dock USS Ponce, elle a commencé l’évalua-
tente de mettre au point une arme laser. Ce fut le cas avec l’Airborne tion d’un prototype d’arme laser d’une puissance de 30 kW (LaWS).
Laser Testbed (ABL YAL 1A ou ALTB) et de l’Advanced Tactical Laser Très précises et d’un coût d’utilisation très faible (un « tir » couterait
(ATL). Mais les prototypes développés à l’époque étaient encore trop 1 dollar seulement), les armes laser pourraient constituer une rupture
imposants (il fallait un Boeing B-747 ou NC-130 Hercules pour les technologique. Cela étant, elles ont le défaut de dépendre des condi-
mettre en œuvre). tions météorologiques.
6
US Air Force / Projet
B-21RAIDER?
LE VOILE SERA-T-IL
BIENTÔT LEVÉ SUR LE
FUTUR BOMBARDIER
AMÉRICAIN
Par Laurent Lagneau
L’actualité de la défense et de la sécurité,
en partenariat avec :
P
été confié, en octobre 2015, au constructeur aéronautique Northrop
Grumman, dans le cadre du programme LRS-B (Long Rang Strike F-35, des F-22 et des liaisons de données exclusives et
Bomber). Il a seulement été précisé que cet appareil devra être furtives des drones. »
capable d’évoluer dans un environnement non-permissif et très
A-t-il vu juste? On ne devra sans doute pas tarder à le
exigeant, que sa conception reposera sur des « technologies exis-
savoir. En effet, le commandant du 412th Test Wing, le
tantes et matures » et que son architecture sera « ouverte » afin de
pouvoir lui intégrer de nouvelles fonctionnalités pour lui permettre général Carl Schaefer, a affirmé, lors d’une conférence à
d’affronter des « menaces futures ». la Chambre de commerce et d’affaires d’Antelope Valley
[Californie] que la base aérienne d’Edwards accueillera
Mais rien n’a été révélé au sujet de ses caractéristiques prochainement les essais du B-21 Raider. « Pour la toute
et de ses futures performances. Seule une vue d’ar- Vue d’artiste, mais première fois, je voudrais annoncer publiquement que
officielle car fournie par
tiste du B-21 Raider a été dévoilée en février 2016, le B-21 sera testé à la base aérienne d’Edwards », a en
l’U.S. Air Force, du futur
à l’occasion de l’Air Warfare Symposium d’Orlando bombardier Northrop effet affirmé le général Schaefer. « Et nous allons le
(Floride). Cependant, Tyler Rogoway, qui s’intéresse Grumman B-21. tester ici dans un proche avenir », a-t-il ajouté.
de très près à ce programme pour le compte du blog U.S. Air Force Graphic Certains s’attendaient à ce que les vols d’essais du B-21
spécialisé « The War Zone », a vu des similitudes entre Raider soient effectués à partir de la fameuse Zone 51
l’aspect du B-21 Raider tel qu’il été présenté avec le [Nevada], c’est à dire là où ont été mis en point les
« Tactical High Altitude Penetrator (THAP) », un ancien avions qui devaient rester à l’abri des regards, comme
concept de Northrop Grumman. l’U2 ou encore le F-117 Nighthawk.
Et d’en déduire que le futur bombardier devrait être L’annonce du général Schaefer n’a pas pris au dépourvu
une « plateforme d’armes et de capteurs extrêmement Tyler Rogoway, ce dernier ayant affirmé avoir « remarqué
aérodynamique », pouvant voler à 60 000 pieds (18 288 un certain nombre de changements » depuis sa dernière
mètres) d’altitude, susceptible de « servir de nœud de visite à la base d’Edwards. « Il était clair que l’installa-
connectivité pour les communications et les liaisons de tion de la base sud subissait une transition majeure »,
données, en récupérant de l’information provenant des a-t-il écrit.
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l'Actualité
de l'Aéronautique
Aggressors / Exercice / US Air Force
EXERCICE
Laurent Tirone
LA VRAIE GUERRE POUR DE FAUX
P
lusieurs fois par an, la Nellis Air Force Base située dans
le désert du Nevada et l’Eielson Air Force Base en Alaska
reçoivent des dizaines d’avions de combat pour un exer-
cice grandeur nature communément appelé « Red Flag ».
Contrairement à bien des manœuvres de ce type, les pilotes
n’affrontent pas un adversaire « immatériel » mais des instruc- effectué plus de dix missions affichaient de meilleurs
teurs de haut vol bien décidés à apprendre aux « novices »
résultats et que leur taux de survie était bien plus élevé.
toutes les ficelles du combat aérien dans une « vraie guerre
L’expérience aidant, ils parvenaient à mieux appréhender
pour de faux ». Pour sa part, l’exercice « Red Flag 18-1 » se caractérise par
l’utilisation massive de brouilleurs GPS. les situations critiques tout en se montrant plus efficaces
en Dogfight. Le 1er mars 1976, l’U.S. Air Force prend
alors la décision de créer un important programme d’en-
LA DÉCONVENUE traînement dirigé par le 4440e Tactical Fighter Training
VIETNAMIENNE Group, surnommé « Red Flag ». Les meilleurs pilotes de
l’USAF sont recrutés pour former deux les 64th et 65th
Lors de la guerre du Viêt-Nam (1964-1975), les pilotes Aggressor Squadrons, aussi appelés « force rouge »,
de l’U.S. Air Force (USAF) ne brillent pas particulièrement Deux F-15 Eagle par opposition à la « bleu » qui représente les invités. Ils
et un F-16 Fighting
lors des Air Combat Maneuvering (ACM) face aux MIG Falcon des Aggressor sont briefés aux tactiques de combat aérien du Pacte
ennemis. Pire, leurs performances en Dogfight s’avèrent Squadrons stationnés à de Varsovie car, en pleine Guerre Froide, l’ennemi est
inférieurs à leurs prédécesseurs durant la Deuxième la Nellis Air Force Base l’Union soviétique et ses MIG et autres Soukhoï. Les
(AFB) lors de l’exercice
Guerre mondiale. Il faut dire que l’avènement du missile Aggressor ont pour missions d’instruire les « bleus » lors
« Red Flag 07-3 ».
air-air à longue portée, qui rendait théoriquement obsolète U.S. Air Force photo/Master de scénarios d’entraînement, définis de façon à être aussi
les canons, avait conduit certains décideurs américains Sgt. Kevin J. Gruenwald réalistes que possible, menés à grande échelle au-des-
à réduire les entraînements. Or, dans le ciel vietnamien, sus d’un territoire grand comme la Suisse. Ceux-ci sont
identifier un ennemi imposait bien souvent de s’en appro- chapeautés par le Red Flag Measurement and Debriefing
cher et la menace sol-air (pièces antiaériennes et missiles System (RFMDS) qui permet de suivre et d’analyser, en
SAM livrés par les Soviétiques) s’est révélée bien plus dan- temps réel, les différentes manœuvres.
gereuse que prévue. L’analyse des opérations « Project Pour sa part, la branche aviation de l’US Navy préfère s’en
Red Baron II » montre que les pilotes américains ayant remettre à une méthode plus classique d’école de pilotage
8
avec l’United States Navy Fighter Weapons School, créée en 1969, Le 20 juillet 1948, il devient le 64th Fighter Squadron, Jet sur Lockheed
rendue célèbre par le film « Top Gun » (1986), destinée à former les P-80 Shooting Star, appareils qui seront remplacés par des Convair
meilleurs qui iront dispenser leur savoir dans leurs unités respectives. F-102 Delta Dagger. En 1966, il prend ses quartiers sur des bases au
Sud-Vietnam et en Thaïlande. Finalement, le 64th Fighter-Interceptor
Squadron est inactivé le 15 décembre 1969 avant de reprendre du
64th AGGRESSOR service le 15 octobre 1972 en tant que 64th Fighter Weapons Squadron
SQUADRON dépendant du 57th Fighter Weapons Wing. Il est déployé sur la Nellis Air
Force Base (AFB). Là, les pilotes reçoivent des avions d’entraînement
Cette unité tient ses origines de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, le Northrop T-38 Talon capables de filer à Mach 1,3. Enfin, en 1976, ils
64th Pursuit Squadron (Interceptor) est activé le 15 janvier 1941, sur réceptionnent des Northrop F-5E Freedom Fighter Tiger II, des versions
avions de chasse Curtiss P-40 Warhawk, en vue d’assurer la défense exports initialement destinées au Sud-Vietnam. Recouverts d’une livrée
aérienne au-dessus du Nord-est des États-Unis. En juillet 1942, il part évoquant celle des appareils soviétiques, les Tiger II ont été choisis
combattre en Afrique du Nord puis est déployé au-dessus de la Sicile car leurs performances se rapprochent de celle du Mikoyan-Gourevitch
en juillet-août 1943. Le ciel italien devient ensuite son nouveau terrain MiG-21 Fishbed qui équipent les armées de l’air du Pacte de Varsovie
de chasse avec des Republic P-47 Thunderbolt. Désigné 64th Fighter et qui a est vendu à des centaines d’exemplaires de par le monde. Ces
Squadron, Single Engine, il affronte la Luftwaffe dans le sud de la Tiger II deviennent alors les « ennemis » des pilotes venus participer
France et est désactivé le 7 novembre 1945. à des manœuvres ariennes.
Un F-15C du 65th
Aggressor Squadron
lors d’un exercice
« Red Flag-Alaska ».
U.S. Air Force photo/
Capt. Tana Stevenson
Un F-15C du 65th
Aggressor Squadron
lors de l’exercice
« Red Flag 11-3 ».
© Commonwealth of
Australia, Department
of Defence
9
l'Actualité
de l'Aéronautique
65th AGGRESSOR
SQUADRON
Cette unité à un parcours plus ou moins similaire au 64 AGRS. Ainsi,
le 65th Pursuit Squadron (Interceptor) est activé le 15 janvier 1941,
combat en Égypte, en Libye puis en Tunisie. Il est ensuite déployé
dans le sud de l’Europe et est désactivé le 7 novembre 1945. Dissous
et remis sur pied à plusieurs reprises, il prend la désignation de 65th
Aggressor Squadron le 1er avril 1983 et rayé des effectifs le 7 avril
1989 lorsque ses F-5E Tiger II sont envoyés au rebut après de longues
heures à « combattre » les bleus de toutes nationalités. En septembre
2005, le 65 AGRS reprend du service mais cette fois sur McDonnell
Douglas F-15C/D Eagle afin de simuler des Sukhoï Su-27 et Su-35
Flanker. Suite à des coupes budgétaires, la formation est dissoute le 26
septembre 2014 après avoir participé à de très nombreuses missions
d’entraînement que cela soit à la Nellis Air Force Base ou aux travers
des États-Unis, laissant les F-16C du 64 AGR en découdre lors des
nouvelles éditions des exercices « Red Flag ».
L’EXERCICE
« RED FLAG 18-1 »
Du 26 janvier au 16 février 2018, s’est tenue la première édition 2018
des exercices « Red Flag » (Red Flag 18-1) au-dessus de la Nellis AFB.
Placé sous le sceau du secret, Red Flag 18-1 a fait appel à un grand
10
nombre d’appareils provenant de l’US Air Force, l’US
Marine Corps, l’US Navy et l’US Army. Mais seulement
deux, pour une certaine confidentialité, armées de l’air
étrangères ont été conviées : la Royal Australian Air Force
(Australie), avec notamment ses quatre nouveaux EA-18G
Growler du Number 6 Squadron et un E-7A Wedgetail
de de détection et de contrôle avancé, et la Royal Air
Force (Royaume-Uni) qui a envoyé des Typhoon FGR4.
La grande particularité de cette édition est l’emploi massif
de systèmes de brouillage, d’où les EA-18G de guerre
électronique. En effet, les combats en Syrie et en Irak
ont vu l’emploi important de brouilleurs et l’Armée russe
en a utilisé dans l’est de l’Ukraine ou lors de l’exercice
« Zapad 2017 » (14 au 20 septembre 2017), organisé
dans l’oblast de Kaliningrad en Russie et en Biélorussie,
d’après le renseignement militaire norvégien. Les pilotes
ont évolué dans un environnement où le système Global
Positioning System (GPS, ou système mondial de posi-
tionnement) a été brouillé et rendu totalement inutilisable
au point que l’aviation civile a dû adapter ses horaires de
vol ou dérouter des avions de ligne vers des aéroports
situés assez loin du polygone d’entraînement de la Nellis
AFB. Au sein des forces armées de l’OTAN, la « dépen-
dance » données GPS est très forte car la quasi-totalité
des systèmes de communication ou d’armes l’utilisent.
Les pilotes ont donc dû réapprendre à naviguer aux seuls
instruments ou encore devoir gérer des matériels (bombes
guidées GPS ou missiles de croisière) inopérants.
Les comptes rendus de Red Flag 18-1 n’ont pour l’instant
pas été dévoilé au public, ce qui n’est pas vraiment éton-
nant compte tenu de la sensibilité du sujet dans un domaine
où la Russie et la Chine investissent massivement.
11
AÉRORAMA
1928
1939 x Septembre 1939 : chasseurs
PZL P.11 escortant un Karaś.
© Anders Lejczak et Antonis
Karydis - Aérojournal - 2018
Lotnictwo
Wojskowe
À
l’été 1927, la L otnictwo Wojskowe compte 230 avions opérationnels, ventilés
en 26 escadrilles ; des effectifs respectables pour un pays ayant retrouvé son
indépendance depuis moins de dix ans, mais qui ne sont cependant pas à la
hauteur des attentes de l’état-major général, dont le plan de développement
tablait sur 30 Eskadras en 1928 et 50 en 1935. Et ce n’est pas tout car, malgré l’aide
apportée par la France, l’existant est loin d’être exempt de défauts…
12
Lotnictwo
Wojskowe
En
fait, le coup d’état orga-
nisé par Józef Piłsudski en HEURES SOMBRES de produire des frappes stratégiques et tac-
tiques ; il a donc de bombardiers moyens mais
1926, qui débouche sur À cette époque, le patron de la Lotnictwo aussi d’avions d’appui au sol. L’idée est bonne,
une dictature militaire [1], Wojskowe est le colonel Ludomił Antoni Rayski, mais elle va rester à l’état de projet pendant
n’a pas arrangé les qui a succédé au général Włodzimierz Zagórski. de nombreuses années, Piłsudski et ses séides
affaires de la Lotnictwo Cet ingénieur de formation, pilote émérite et demandant simplement à ce que la chasse
Wojskowe, le vieux maréchal entretenant une pionnier de l’aviation, a successivement servi soit modernisée, sans que cela n’implique
méfiance viscérale à l’égard des aviateurs, qu’il au sein de l’aviation austro-hongroise puis de gros investissements ; une demande qui
considère comme des « amuseurs » et non turque, avant de rejoindre les nationalistes et devient une exigence absolue alors que les
comme de vrais soldats ; voilà qui explique que d’œuvrer à leurs côtés à la renaissance de premières conséquences de la crise de 1929
le budget de l’aviation ait à subir une coupe- son pays. Bras-droit de François Lévêque, le commencent à se faire sentir jusqu’en Europe
sombre de 73 % dès 1927 ! colonel français chargé en 1922 de développer centrale et orientale.
Mais Piłsudski va plus loin en exigeant une l’armée de l’air polonaise, Rayski est un person- Le colonel Rayski va donc se concentrer sur la
réforme complète de la doctrine d’emploi de la nage haut en couleurs et un officier quelque formation de ses pilotes, avec la création et le
Lotnictwo Wojskowe : en substance, en temps peu subversif. Surtout, c’est un passionné, développement de l’école de l’Air de Dęblin et
de guerre, les avions seront affectés à des mis- un homme persuadé du rôle essentiel que les l’ouverture d’environ 25 nouveaux terrains mili-
sions de reconnaissance et de liaison, agissant aéronefs joueront dans les guerres à venir. Il va taires permanents aux quatre coins du territoire
au profit des unités de la cavalerie montée et donc travailler au futur essor de la Lotnictwo national. Par un astucieux jeu de bonneteau,
de l’artillerie. Dans un tel contexte, Varsovie Wojskowe, tout en s’astreignant à obéir aux ceux-ci sont financés sur des budgets muni-
s’oriente vers des machines rustiques, légères, ordres de Piłsudski, créant ainsi une sorte de cipaux ou grâce à des levées de fonds, afin
peu onéreuses, aux performances minimales et programme de développement secret, qu’il de ne pas entamer le maigre budget du minis-
légèrement armées. Cette mesure a évidemment protégera de la curiosité mal intentionnée du tère de la Guerre consacré à l’aviation. C’est
un effet important sur la toute jeune industrie Ministère de la Guerre [2]. Un équilibre pré- ainsi qu’en 1933, le pays comptera 39 bases
aéronautique polonaise ; n’étant plus confron- caire qui va le contraindre à faire des choix aériennes, dont une douzaine sont capables
tée au moindre défi technologique, elle stagne drastiques, en fonction de ses certitudes, et d’accueillir 50 appareils, voire plus.
et voit partir quelques-uns de ses ingénieurs qui façonnera ainsi la Lotnictwo Wojskowe
les plus talentueux à l’étranger. Pis encore, de 1939. [1] Après la mort de Piłsudski, le régime militaire
le nombre d’escadrilles restant peu ou prou Rayski considère que la Pologne aura à se gardera la mainmise sur la Pologne, avec le général
Składkowski et le maréchal Rydz-Śmigły, qui
le même, des campagnes de recrutement de défendre de ses deux voisins et adversaires n’hésiteront pas à soutenir l’Allemagne lors de la
pilotes sont annulées, et leur formation simpli- historiques que sont l’Allemagne et la Russie crise des Sudètes en 1938, en échange de territoires
fiée. Des escadrilles sont dissoutes, d’autres dans les 20 prochaines années. Il estime que à annexer sur la défunte Tchécoslovaquie.
amalgamés. Bref, l’heure est à la compression la Lotnictwo Wojskowe doit ainsi se doter [2] Ce dernier est totalement acquis à
des personnels et à la réduction des moyens ! d’une composante de cinq Eskadras capable Józef Piłsudski, qui veut que les aviateurs
soient tenus « laisse courte ».
Fiat CR.20bis
Eskadra Treningowa
Cracovie, Pologne, 1929
© JM. Guillou, Aérojournal 2018
PWS A
123 Eskadra, 2 Pułk Lotniczy
Cracovie, Pologne, 1934
© R. Barraza, Aérojournal 2018
13
PWS 10
3 Pułk Lotniczy
Poznań, Pologne, 1932
© R. Barraza, Aérojournal 2018
PWS P.5t2
43 Eskadra,
Pinsk, Pologne, 1930
© R. Barraza, Aérojournal 2018
PWS 10
3 Pułk Lotniczy
Poznań, Pologne, 1932
© R. Barraza, Aérojournal 2018
PWS 26
École de Radom
Radom, Pologne, 1938
© R. Barraza, Aérojournal 2018
14
Lotnictwo
Wojskowe
PWS 18
4 Pułk Lotniczy
Toruń, Pologne, 1938
© R. Barraza, Aérojournal 2018
15
Plage & Laśkiewicz Lublin R VIII
Morski Dywizjon Lotniczy
Pologne, 1932
© R. Barraza, Aérojournal 2018
Il en va de même pour toute une nouvelle inquiétante, alors que de sombres nuages le conseil scientifique du directeur Gustaw
génération d’avions modernes 100 % polonais, s’accumulent au-dessus de l’Europe, et que Mokrzycki, qui s’appuie sur les professeurs
dont un chasseur et un bombardier moyen. l’Allemagne entame son réarmement ! On le de la Politechnika Warszawska, l’École poly-
Seules les machines d’entraînement et des comprend, privée de ressources, la Lotnictwo technique de Varsovie, qui a été formée sur le
améliorations portant sur des modèles exis- Wojskowe a végété au point de ne plus être modèle de la prestigieuse X, la grande école
tants peuvent être financées. capable de remplir sa mission. éponyme française.
Au 1er juillet 1936, la Lotnictwo Wojskowe dis- Le paradoxe est total, car la Pologne du début
pose encore de 170 Breguet XIX et Potez 25 des années 1930 ne manque certainement
ventilés dans 17 escadrilles. 130 chasseurs P.7 pas d’ingénieurs aéronautiques talentueux. PAS TOUCHE AU GRISBI !
et P.11 assurent la protection du ciel polonais. Cela tient à la création de l’Instytut Badań
Le fer de lance « stratégique » est émoussé, Technicznych Lotnictwa, l’institut de recherche Le 1er janvier 1934, Ludomił Rayski est promu
puisqu’il se limite à 18 Fokker F.VII/3m, de des technologies aéronautiques, inauguré en général de brigade. Les dégâts commis par la
vaillants trimoteurs considérés comme des août 1926 à Varsovie. Cette école – qui va crise de 1929 sur le tissu industriel polonais
bombardiers moyens (à condition de ne pas fournir leurs têtes pensantes aux bureaux ont commencé à se traduire très concrète-
être trop regardant…). Une centaine de Lublin d’études – joue en quelque sorte le rôle de ment : la Samolotów de Poznań fait faillite et
R-XIII ainsi qu’une imposante flotte d’avions pépinière. Des recherches y sont conduites et ses machines-outils et stocks sont repris par
d’instruction complètent l’ensemble. des essais menés dans le but de développer la Państwowe Zakłady Lotnicze, la PZL qui est
Toutefois, si l’on met de côté les appareils de des innovations au profit des futurs appareils administré par l’État. En 1932, c’est au tour de
servitude ou non armés, Varsovie peut tabler militaires du pays. L’institut s’appuie sur des la PWS (Podlaskiej Wytwórni Samolotów) de
sur environ 300 avions de combats ; à com- équipes de spécialistes [8] œuvrant dans dif- faire banqueroute, suite à des retards de paie-
parer aux 230 en service neuf ans plus tôt. férents domaines, comme les cellules, les ment de la part d’un gouvernement devenu
De fait, la progression quantitative est presque moteurs, mais aussi l’armement, les dispo- mauvais payeur ; active de 1924 à 1930,
négligeable. Quant aux aspects qualitatifs, sitifs photographiques, les transmissions, les ses chaînes auront assemblé quelques 400
disons-le tout net, si l’on excepte la centaine instruments de vol, etc. Ce sont ces hommes avions, surtout des machines d’écolage et
de chasseurs P.11, le gros du parc aérien est qui réalisent les essais des prototypes déve- principalement des modèles sous licence [9].
le même qu’en 1927-1928 ! Reste que le loppés par les industriels, afin de les évaluer Criblés de dettes, les propriétaires voient –
P.11 représente grosso modo le summum en et d’indiquer les modifications nécessaires ; non sans une certaine ironie – leur outil de
termes de performances pouvant être atteint ils sont aussi responsables de la seule souf- production être nationalisé par ce même État
pour ce modèle [7] et que, surtout, aucun flerie que compte le pays. Leur verdict est qui les aura « mis sur la paille » ! Dès 1933,
successeur n’est à l’étude ; une perspective évidemment redouté. Ils sont chapeautés par les constructions reprendront.
16
Lotnictwo
Wojskowe
PZL P.8
Prototype
Pologne, 1931
© R. Barraza, Aérojournal 2018
Deux ans plus tard, c’est la Plage & Laśkiewicz PZL WS1, l’usine continue à assembler des dans l’hypothèse – très probable – d’une
qui s’effondre. Et là encore, l’État n’est pas moteurs sous licence, tout en entamant des guerre contre l’Allemagne nazie, ses chefs
étranger aux mésaventures économiques recherches pour développer ses propres blocs. et l’état-major général se persuadent quant
rencontrées par la firme de Lublin, qui a vu Ces efforts déboucheront notamment sur la à eux que la Pologne aura de nouveau à se
son modèle R-XIIIF être rejeté sans aucune mise au point en 1936-1938 des PZL WS Foka battre contre l’Union Soviétique. Au final, on
raison. Une décision d’autant plus curieuse A : une famille de prototypes de V8 dévelop- le sait, les uns et les autres auront raison !
que l’avion respecte à la virgule près les spé- pant entre 420 ch à 610 ch. L’invasion du En attendant, cette discorde est source
cifications demandées par les militaires ! Le pays par les Allemands mettra un terme à ces d’atermoiements et empêche Varsovie de
résultat ne se fait pas attendre, la produc- travaux, alors qu’un V12 était en train de voir définir précisément ses besoins. Doit-on
tion est annulée et le carnet de commandes le jour sous la désignation de Foka B. s’orienter vers une force aérienne défensive
de toute une année se retrouve subitement Pour le général Rayski, le ciel s’éclaircit sou- ou offensive ? Considérant que l’attaque est
vide. Les dirigeants de la compagnie doivent dainement en 1935 : outre la nationalisation la meilleure des défenses, Rayski, qui est un
se résigner à prononcer la dissolution de leur des usines aéronautiques et un record de adepte convaincu de la théorie de Douhet,
société ; ateliers, stocks, machines et brevets production [10], voici que l’officier apprend le va répondre à cette question en privilégiant
sont alors repris par l’État, qui donne naissance décès du maréchal Józef Piłsudski ; le plus les bombardiers ; dès lors, toutes les autres
à la LWS (Lubelska Wytwornia Samolotow). grand adversaire des aviateurs polonais n’est composantes de la Lotnictwo Wojskowe
Et comme par miracle, voici que le R-XIIIF, plus. Ses successeurs ne sont pas de fervents vont passer au second plan, ce qui aura des
pourtant jugé sans intérêts quelques mois plus admirateurs de la Lotnictwo Wojskowe, mais conséquences désastreuses pour la chasse,
tôt, retrouve grâce et intérêt aux yeux des conscients des menaces qui pèsent sur le pays, et le pays !
chefs de la Lotnictwo Wojskowe. Les com- ils vont octroyer une plus grande liberté d’ac-
mandes initiales sont rétablies et les lignes tion à Rayski, qui conçoit un nouveau plan de [7] Le P.24 est conçu pour l’exportation. Ses
d’assemblage remises en route. développement pour la période 1936-1939. performances sont légèrement supérieures
à celles du P.11, mais elles ne représentent
Si Varsovie n’hésite pas à mener un vaste plan en rien un « bond technologique ».
de nationalisation, en provoquant des faillites
de sociétés privées, en revanche, le gouver- FOLIE DES GRANDEURS [8] De 85 en 1929, ils seront plus
de 900, dix ans plus tard.
nement fait montre d’une grande prudence
quand des intérêts étrangers sont en jeu, pour Conçu en 1935 et mis en place un an plus [9] L’usine a travaillé sur 19 modèles différents.
d’évidentes raisons diplomatiques ; c’est ainsi tard, le plan de Ludomił Rayski porte en On fait mieux en matière de rationalisation !
que la fabrique des moteurs d’aviation Škoda lui les germes d’une certaine inefficacité :
[10] 369 appareils (majoritairement des avions
est rachetée aux Tchécoslovaques pour une alors que le « patron » de la Lotnictwo
d’entraînement) sortent des ateliers polonais.
véritable petite fortune en 1935. Rebaptisée Wojskowe définit ses choix stratégiques
Fokker F.VII/3m
211 Eskadra,
Pologne, 1930
© R. Barraza, Aérojournal 2018
17
PZL P.30 / LWS-6 Żubr
Centrum Wyszkolenia Lotniczego
Dęblin, Pologne, 1939
© R. Barraza, Aérojournal 2018
Le plan de Rayski est présenté en 1936. En fait, ce phénomène tient à la nature même LWS, qui le désigne LWS-6 Żubr. L’avion est
Le général établit que la Pologne devra disposer du programme stratégique polonais et à ses livré en 1938 à la Lotnictwo Wojskowe qui ne
en 1941 de 380 bombardiers moyens et de incohérences : une fois les modèles connus lui trouve pas que des qualités, à commencer
360 avions d’attaque au sol, ce qui lui permet- achevés (en 1936-1937), les sociétés aéronau- par sa capacité d’emport : théoriquement
trait de s’en prendre efficacement à des cibles tiques doivent se lancer dans des séquences fixée à 1,2 tonne de bombes, dans les faits,
industrielles et militaires allemandes. Refusé de Recherche et Développement consomma- la soute du Żubr ne peut en contenir que 650
une première fois, le programme est accepté trices de temps et de ressources, alors même kilos. À noter que les Roumains s’intéressent
en 1937 ; il a été réduit à 180 bombardiers et qu’elles font face à des difficultés techniques et un temps à l’avion, envisageant d’en acquérir
320 avions d’attaque au sol, dont des bombar- industrielles. À titre d’exemple, Rayski ordonne 24 exemplaires, du moins, jusqu’à ce que le
diers en piqué. La Lotnictwo Wojskowe devra le design de quatre prototypes pour le futur démonstrateur se désintègre en vol, tuant
aussi pouvoir tabler sur 180 chasseurs (dont bombardier bimoteur, auxquels s’ajoutent deux au passage les membres de la commission
une majorité de P.11 maintenus en service), versions de l’avion d’assaut, sans oublier les roumaine venus l’évaluer !
80 machines de reconnaissance et 130 avions projets précédents. Surchargés, les ingénieurs Le PZL P.30 / LWS-6 ne réglera jamais ses
de coopération (les vieux Potez et Breguet). travaillent sous pression avec des moyens déri- problèmes de jeunesse et les 16 machines
Au total, les Polonais espèrent pouvoir disposer soires. Sans compter qu’un matériel majeur construites passeront la plupart de leur temps
de presque 900 appareils pour un budget de brille par son absence dans ce catalogue : un clouées au sol pour des raisons mécaniques,
près de 240 millions de dollars. Deux usines chasseur moderne. coûtant une fortune en réparation et mainte-
de la PZL doivent sortir de terre, à Mielec et Le premier bombardier réalisé est le PZL nance. Les aviateurs polonais emploieront ce
Rzeszów, la seconde produisant des moteurs P.30 Wisent, ou « bison ». Ce bimoteur à « vilain canard » à des missions d’entraine-
à une cadence estimée à 1 000 pièces par an. l’allure particulière est dérivé d’un avion de ment, en attendant l’arrivée du très prometteur
Armé de son bâton de pèlerin, Rayski va par- ligne rejeté en mars 1936 par la compa- PZL P.37 Łoś.
courir les sites industriels et militaires du pays gnie nationale. Motorisé par deux Pratt & Fruit du travail des ingénieurs Jerzy Dąbrowski,
pour y prêcher la bonne parole et insister sur Whitney Wasp Junior de 420 ch, l’appareil Piotr Kubicki et Franciszek Misztal, le Łoś
l’urgence de mener à bien son plan. Dans pre- est hâtivement transformé en bombardier ; représente ce qui se fait de mieux au sein de
mier temps, l’effet moral de son action se fait bien que ses performances s’avèrent au final l’aviation polonaise des années 1930. Le projet
ressentir. D’environ 400 avions en 1936, la médiocres, même après sa remotorisation a vu le jour en 1934. Une maquette est prête
production bondit à 520 exemplaires en 1937 ; avec des Bristol Pegasus VIII de 670 ch, la en avril 1935, qui enchante Ludomił Rayski.
une croissance qui ralentit soudainement en machine est tout de même commandée à Le prototype est achevé en 1936. Il connaît
1938 (460 avions) avant de s’effondrer en hauteur de 16 exemplaires, afin d’armer deux son baptême des cieux le 13 décembre de
1939 (à peine 210 machines !) : pourquoi ? escadrilles. La production est confiée à la la même année. Outre ses lignes élancées et
18
Lotnictwo
Wojskowe
harmonieuses, son design moderne et ses Les modèles de présérie sortent des usines mitrailleuse dorsale et d’une autre sous le
bonnes performances [11], ce qui frappe le pendant l’automne 1938. Les machines « bons fuselage, l’avion se révèle efficace pour le
regard, ce sont ses dimensions contenues ; de guerre » arrivent au compte-goutte en avril bombardement tactique et l’attaque au sol.
l’avion est relativement petit (4 membres 1939 ; elles disparaitront dans la fournaise Reste que les années 1930 sont fécondes
d’équipage) mais très bien proportionné. de l’automne 1939. À noter qu’une version en inventions et que les évolutions techno-
Pourtant, avec 2 595 kg de bombes, le bimo- « lourde » du Łoś, avec tourelle dorsale empor- logiques se succèdent à grand train ; c’est
teur ne sacrifie pas sa capacité d’emport. tant un canon de 20 mm et moteurs Hercules ainsi qu’en 1939, alors que la guerre s’an-
Il ne fait aucun doute que le Łoś est considéré de 1 300 ch, était à l’étude en 1939 ; elle nonce imminente, le Karaś est déjà proche
par tous comme un matériel de première qua- répondait à la désignation de PZL P.49 Miś. de l’obsolescence : il est pataud et lent (309
lité, qui remplacera sans regrets les quelques Dans la catégorie des avions modernes km/h). Son successeur est mis à l’étude en
LWS-6 Żubr assemblés en attendant mieux produits en Pologne, PZL P.23 Karaś de l’in- août 1938 : le PZL P.46 Sum (425 km/h) au
– ce qui n’est pas difficile ! La Lotnictwo génieur Stanisław Prauss occupe aussi une profil aérodynamique bien plus soigné que
Wojskowe s’engage auprès de la PZL pour place importante. Le projet a vu le jour en celui de son prédécesseur, équipé notam-
180 avions, mais les réalités économiques rat- 1932, avec un premier vol pour le proto- ment d’une gondole ventrale rétractable.
trapent les militaires en rase campagne, qui type en avril 1934 ; la mise au point de ce
doivent revoir leur commande à la baisse : monoplan a ailes basses, tout en métal avec [11] Une vitesse maximale de 412 km/h, un
124 machines sont confirmées. La production train fixe et moteur en étoile, s’est avérée plafond de 7 300 m et un rayon d’action de 1
est retardée par des problèmes rencontrés sur laborieuse mais, au final, le P.23 remplit son 500 km permettent au P.37 d’espérer pouvoir se
frayer un chemin jusqu’au cœur de l’Allemagne.
les moteurs PZL-Bristol Pegasus de 900 ch. office. Produit à 250 exemplaires, armé d’une
19
PZL P.46 Sum
Prototype
Pologne, décembre 1938
© JM. Guillou, Aérojournal 2018
PZL P.7a
123 Eskadra, 2 Pułk Lotniczy
Cracovie, Pologne, septembre 1939
© JM. Guillou, Aérojournal 2018
20
Lotnictwo
Wojskowe
PZL P.11c
113 Eskadra
Pologne, septembre 1939
© JM. Guillou, Aérojournal 2018
l’avion est Wsiewołoda Jakimiuk ; c’est lui qui au sol est quant à lui maintenu. Il va de Un premier lot de 22 exemplaires sera à bord
a conçu la stratégie exportatrice qui a permis même pour ce qui concerne les pilotes de la de deux cargos à destination de la Roumanie
à la Pologne de vendre ses P.24 à plusieurs Lotnictwo Wojskowe qui seront environ 800 lorsque la guerre éclatera en septembre 1939.
clients européens, sans oublier la Turquie. en cours de formation à la mi-1939. Une fois la défaite polonaise acquise, ils seront
Équipé d’un moteur en étoile Bristol Mercury Toujours en 1937, des voix s’élèvent contre détournés par Londres, et offerts à la Turquie.
VIII poussé à plus de 800 cv, le Jastrząb doit les projets du général Rayski ; certains des Pour chasser les avions de reconnaissance
être capable d’accrocher les 500 km/h et de officiers qui s’expriment ont une audience allemands pouvant opérer impunément à
grimper jusqu’à 9 000 m. Avec quatre mitrail- parmi les plus hautes sphères de l’État. Ce qui haute altitude, Varsovie envisage d’acheter
leuses de 7,92 mm, il aurait pu représenter est reproché au plan 1936, c’est précisément des Curtiss Hawk 75A puis des Seversky
un adversaire respectable sans être particu- le fait que les chasseurs y sont quasiment EP-1 (version export du P-35), avant de
lièrement redoutable. Toutefois, en 1939, absents et que la future force de bombarde- finalement jeter son dévolu sur 120 Morane-
aucun des 50 exemplaires commandés par ment draine à elle seule une part importante Saulnier MS.406 : les 20 premiers seront prêts
le Ministère de la Guerre – contre l’avis du des budgets ; or, voici qu’en 1938 des négo- à être livrés à la fin août 1939 ; trop tard,
général Rayski ! – n’est encore sorti d’usine, ciations sont entamées avec Paris et surtout trop peu pour espérer changer le destin de
le prototype rencontrant encore des problèmes Londres, sur fond de menaces grandissantes la bataille qui s’annonce. De leur côté, les
de jeunesse. À noter qu’une version avec un du nazisme, pour mettre en place une force de Britanniques confirment la livraison rapide –
moteur développant 1 600 cv et emportant bombardement « partagée », les Britanniques mais là encore cependant trop tardive – de
deux canons de 20 mm aurait été à l’étude. étudiant la possibilité de mener des raids sur 14 Hawker Hurricane Mk. I et d’un Spitfire
Au chapitre des vœux pieux, on pourra aussi l’Allemagne avec leurs nouveaux Wellington Mk. I à des fins d’évaluations. Sur le front du
s’intéresser au P.55, parfois désigné P.62 : qui finiraient leur mission en Pologne. bombardement, Paris s’engage à fournir 62
sous cette désignation, se cache un élé- 1938 et les crises tchèques et baltes font Amiot 143M à son allié polonais, ainsi que
gant chasseur (en projet) imaginé par Jerzy apparaître au grand joue les lacunes impor- des Potez 63, tandis que Londres confirme la
Dabrowski, l’un des pères du très beau et tantes de l’aviation polonaise. Pour parvenir faisabilité de son projet de « bombardement
réussi PZL P.37 Łoś. Dessiné comme un à aligner 15 escadrilles de chasse, Varsovie pendulaire » avec des Wellington.
intercepteur, le P.55 aurait été animé par un est contrainte de maintenir en service de P.7 En Pologne, la productivité des usines, qui se
V12 Hispano-Suiza de 1 700 cv, permettant à obsolètes aux côtés des P.11 qui ne sont plus sont dispersées sur de multiples programmes,
l’avion d’approcher les 680 km/h. Au chapitre eux-mêmes d’une grande modernité. Les P.23 s’effondre. Au premier semestre 1939, seuls
de l’armement, les « 109 » de la Luftwaffe Karaś manquent, et là encore, la seule réponse 210 avions sont construits dont 50 pour l’ex-
aurait trouvé à qui parler avec un canon de apportée pour pouvoir maintenir un nombre portation. En mai, la Lotnictwo Wojskowe
20 mm et 6 ou 8 mitrailleuses de 7,92 mm. correct d’unités en ligne, et d’en rééquiper une totalise 1 860 machines, dont 1 160 sont
Les premiers essais en vol étaient prévus pour partie avec des Potez 25 ; on complète aussi, des appareils d’entraînement ou des modèles
printemps et l’été 1940… évidemment, ils ici ou là, avec des machines d’entraînement. obsolètes sans valeur. La chasse se com-
n’auront jamais lieu. Quant aux bombardiers, les Fokker F.VII/3m pose d’un effectif théorique de 179 P.11
étant retirés des premières lignes sont rem- et 64 P.7. 68 P.37 et et 195 P.23 forment
placés par les P.37. Sauf que la conversation l’ossature offensive de l’aviation polonaise.
LA RÉALITÉ S’IMPOSE des équipages, et la fiabilisation de la machine En septembre, le pays ne comptera que 18
ne seront pas achevées avant mars 1939 ! P.37 supplémentaires.
L’échec du programme P.38 Wilk, qui La situation est si grave que le général Ludomił De fait, malgré une résistance acharnée et
consomme des ressources pour rien ou Rayski est poussé à la démission le 19 mars un courage exemplaire, les pilotes polonais
presque, et de nouvelles difficultés écono- 1939. Ses successeurs vont alors se tourner n’auront aucune chance lorsque la Luftwaffe
miques ne sont pas sans conséquences sur vers des commandes sur étagères, afin d’es- se ruera à l’assaut de leur pays. Ils paieront
le grand plan de 1936. Dès l’année suivante, sayer de renforcer une force aérienne qui sera ainsi le prix de l’immobilisme imposé par le
celui-ci doit être revue à la baisse. Les com- bientôt confrontée aux escadres allemandes. maréchal Józef Piłsudski, puis la conception
mandes d’avions sont réduites ; en revanche C’est ainsi que 100 bombardiers légers très personnelle de la guerre aérienne du géné-
l’augmentation des effectifs des personnels Fairey Battle sont achetés au Royaume-Uni. ral Ludomił Rayski.
21
AVION
1937
1945
GRUMMAN F4F
WILDCATGenèse, versions et production - 1e partie
«
Profils couleurs : Jean-Marie Guillou par Guy Julien
J’en suis tombé amoureux au premier regard ! » - Captain Eric W. Brown, de la Fleet Air
Arm. Que voici un étrange coup de foudre pour un petit avion rondouillard au cœur de
l’automne 1940, à une époque où Spitfire et Bf 109, purs chefs d’œuvre d’aérodynamisme,
dominent les cieux européens !
IL
faut dire que la Royal Navy n’a rien de comparable au Cette surprenante longévité ne s’explique pas autrement que par une
F4F qu’elle puisse affecter à ses porte-avions. Elle doit endurance et une facilité d’emploi reconnues de tous. Une cellule
se contenter de biplans Sea Gladiator ou de Blackurn solide, un moteur increvable, un blindage efficace et des armes de
Skua sous-motorisés et autre Fulmar ! Cet état de bord précises et puissantes (une fois réglés les problèmes d’enrayage
fait menaçant de s’éterniser, faute d’un remplaçant des débuts de production) constituent ses atouts majeurs. Ce « chat
crédible, c’est avec soulagement qu’elle récupère une sauvage », dont l’aspect évoque davantage un tonneau de bière qu’un
commande française portant sur 81 Grumman G-36A. Extrapolés félin enragé, va conquérir de haute lutte sa place dans l’histoire de
du F4F-3 en voie d’équiper l’aéronavale américaine, ils deviennent l’aviation, en intervenant sur certains des théâtres d’opérations les
sous l’égide de la Fleet Air arm des Martlet Mk. I. plus importants de la Seconde Guerre mondiale. S’inscrivant dans
Malgré certaines améliorations et bien que récemment conçu (1937), la lignée des biplans de combat produits avant-guerre par la firme
le F4F est déjà en passe d’être dépassé en termes de performances Grumman, il préfigure celle de ses successeurs, à commencer par
en novembre 1940. C’est à cette date qu’il entre en service actif le très réussi Hellcat.
au sein du No. 804 Squadron britannique ainsi qu’à bord des porte- Ce maillon essentiel dans l’histoire du constructeur, comme dans
avions américains. Reste qu’à l’instar du Curtiss P-40, son homologue celui du l’aviation embarquée, recelait en effet dans son ADN toutes
de l’Army, le F4F ou FM-2 va demeurer en production jusqu’en mai les caractéristiques chères au bureau d’études de Grumman : Simple,
1945 et en première ligne jusqu’au dernier jour du conflit ! solide et qui marche.
22
Grumman F4F
Wildcat
23
F4F-3 / G36 A / MARTLET MK. I
En novembre 1940, le F4F-3 est la
première version à entrer en service
actif au sein de la Navy. Il est doté
d’un Pratt & Whitney R-1830-76
Twin Wasp entraînant une hélice
tripale Curtiss Electric. Pourvu
d’ailes fixes, il est armé de quatre
mitrailleuses M2 Cal.50 et il peut
emporter deux bombes légères. Ses
performances en altitude sont (en
principe) garanties par l’installation
d’un compresseur à deux étages et
deux vitesses. C’est à l’époque un
dispositif très moderne, mais dont
les débuts ne seront pas pleinement
satisfaisants. C’est cette raison,
et non une prétendue volonté des
Le chasseur américain ne soutient en effet pas la comparaison Américains de protéger leurs secrets technologiques, qui conduit la
avec les meilleures productions domestiques, tel que le P-40, ni a France, qui manifeste son intérêt pour la version d’exportation dési-
fortiori avec des matériels comme le Bf 109 E ou le Spitfire Mk. gnée G-36 A, à choisir un autre moteur. Il s’agit en l’occurrence du
I. En d’autres termes, le F4F-3, dont les qualités de vol et les per- Wright R-1820 G-205 Cyclone associé à un compresseur à un seul
formances ne sont pas si différentes de celles de son concurrent, étage et à une hélice Hamilton Standard Hydromatic. Le Cyclone
se trouve lui-même dépassé avant même d’être entré en service ! est un 9 cylindres en simple étoile. Outre le fait qu’il équipe déjà les
Basé sur dessin qui ne brille guère par son audace, la fabrication des Curtiss H-75 A4 commandé par à l’Armée de l’Air, ce moteur est
F4F, FM-1 et 2 fait appel à des techniques éprouvées. Chasseurs plus léger et plus facile d’entretien que le 18 cylindres en double
embarqués monoplans et monoplaces dotés d’un moteur en étoile, étoiles du R-1830. La version A2 du G-205 prévue pour donner 1
ils disposent d’un train rentrant et d’une verrière coulissante fer- 200 ch se révèle toutefois limitée à une puissance réelle ne dépassant
mant l’habitacle. La modernité toute relative dont témoignait en guère les 1 000 ch. Ce différentiel avec les versions dotée de Pratt
1940 la combinaison de ses caractéristiques est atténuée par & Whitney, qui atteint lui sa puissance nominale, n’aura toutefois
l’aspect traditionnel (gouvernes entoilées) voire un peu obsolète qu’un effet limité au niveau des performances que l’Aéronautique
(recours massif à la force musculaire plutôt qu’hydraulique pour la navale n’aura de toute façon pas l’opportunité d’apprécier…
manœuvre du train d’atterrissage et des ailes) de de ces éléments En effet, après l’armistice de 1940, les 81 G-36A de la commande
qui, pris séparément, donnent d’emblée au Wildcat un aspect un française sont repris par les Britanniques. Pris en compte par la
peu suranné. Blackburn Aeroplane & Motor Company, les avions vont connaître
Après que le concept ait été arrêté avec le F4F-3, différents déve- quelques modifications : changement de l’instrumentation afin de
loppements ont été envisagés. Quelques-uns n’aboutiront à rien, la rendre lisible dans le système impérial, modification du sens de la
d’autres à des séries limitées, certains enfin à une production manœuvre de la manette des gaz et réinstallation des quatre mitrail-
de masse. leuses M2 d’origine, là où le client précédent avait prévu d’installer
Souvent décrié, le
Brewster Buffalo (ici un
F3A-2) concurrent du
Wildcat possédait en
fait des caractéristiques
très voisines.
Le BuAer 0383
photographié de trois quarts
avant mettant en évidence
les armes de capot (Model
1919 Cal. 30). Elles viennent
visiblement d’être testées !
24
Grumman F4F
Wildcat
25
Tous ces amendements, bien que profitables, alour- Le G-36 A était destiné mieux avec 6 ou même 8 !» - Une logique imparable
à l’Aéronautique Navale ;
dissent une machine dont la vitesse en pallier s’érode, son armement devait être
qui conduira la Navy à revenir à un armement allégé
tandis que ses qualités reconnues et saluées de grim- constitué de six Darne avec le FM-1.
peur s’effondrent. La surcharge pondérale dont souffre de 7,5 mm, dont deux de La Royal Navy commande et réceptionne 220 F4F-4 qui
capot. L’avion était doté d’un
le F-4 est en outre aggravée par l’augmentation de moteur Wright R-1820. deviennent sous son égide des Martlet Mk. IV. Équipés
sa puissance de feu : L’avion est en effet armé de d’un Wright R-1820-40B au lieu du Pratt & Whitney
six Colt Browning M2 au lieu des quatre constituant R-1830-86 de série, leur vitesse de pointe n’atteint
la norme depuis les débuts. À la différence des F-3, même plus les 500 km/h et leur taux de montée pla-
où la gueule de l’arme dépassait du bord d’attaque, fonne à moins de 600 m/min. Dans ces conditions, ils
elle se trouve avec le F-4 (et les versions ultérieures) constituent la variante sans doute la plus médiocre de
noyée dans l’épaisseur de l’aile. Dans la configuration toutes celles produites.
originelle, les 12,7 mm étaient montées deux par deux
en dehors du cône de l’hélice, sur le segment intérieur FM-1 ET 2 / WILDCAT MK. V ET VI
de la voilure correspondant aux limites de ses parties
mobiles. Les deux mitrailleuses supplémentaires (une de Dans le courant de 1942, Grumman se lance dans le
chaque côté) se trouvent déportées vers l’extérieur. La développement de son nouveau chasseur, le XF6F,
dotation en munitions est en revanche drastiquement officieusement désigné pendant un temps « Super
réduite. Avec 240 coups par arme contre 450 aupa- Wildcat ». Afin de se concentrer sur cette tâche, la
ravant, soit un approvisionnement à hauteur de 1 440 firme de Bethpage termine la production des F4F-4
Comme des oiseaux
projectiles contre 1 800 jusqu’alors, cela représente sans ailes... Un « batch » de
et des derniers TBF avant d’un passer la licence de
moins de 20 secondes de tir contre 34 sur les F-3. F4F-3 quasiment terminés production à la General Motors Corp. et à sa filiale
Cette disproportion a fait dire à un pilote des Marines : les attendent pour prendre Eastern Aircraft.
leur envol en direction du
« Si on n’est pas fichu de mettre un tir au but avec Pacifique où les hostilités Dans un premier temps cette union contre nature de
quatre mitrailleuses, il n’y a pas de raison qu’on fasse viennent de débuter ! l’avion et de l’automobile, impulsée par les autori-
tés américaines, fait grincer des dents chez les deux
partenaires. Ils vont toutefois s’attacher à aplanir rapi-
dement des difficultés liées avant tout à des cultures
industrielles très différentes.
Doté de capacités d’emport supplémentaires mais
d’un armement fixe ramené à quatre mitrailleuses
(alimentées par 430 coups), le FM-1 est par ailleurs
similaire au F4F-4. Le premier sort des chaînes de la
Eastern, établies à Linden, dans le New Jersey, pas
très loin de Bethpage, en décembre 1942. Pendant
les six mois suivants sa production monte en régime
alors que décroît concurremment celle du fabriquant
« historique ».
En mai 1943, le dernier Wildcat assemblé chez Grumman
est achevé. Une page se tourne alors qu’apparaît une
nouvelle version portant la patte de la General Motors :
le FM-2. Il s’agit d’un Wildcat profondément remanié
que ses pilotes se plairont à qualifier de Wilder Wildcat
soit « le plus Sauvage de tous » ; tout un programme !
Si la production en grande série du FM-2 est de la respon-
sabilité du sous-traitant, sa conception relève encore de
la maison-mère, qui fait voler son XF4F-8 le 8 novembre
1942. L’appareil dispose d’une dérive agrandie, de points
d’emport pouvant accueillir jusqu’à six roquettes de 3,5
ou 5 Inches HVAR ou encore 500 livres de bombes.
La principale évolution consiste cependant à adopter
le nouveau Wright Cyclone R-1820-56 de 1350 ch.
26
Grumman F4F
Wildcat
Grumman F4F-3
VF-7
USS Wasp (CV-7) 1940
Grumman F4F-3
VF-3
USS Lexington (CV-2), 1942
Martlet Mk. V
No. 822 Squadron
HMS Searcher, 1944
27
toutes les versions antérieures. Le dernier exemplaire
de cette série est livré à l’US Navy en mai 1945, soit
deux ans exactement après que Grumman a cessé de
produire « son » Wildcat.
Après avoir réceptionné 311 FM-1, la Fleet Air Arm
reçoit 340 FM-2. D’abord connu comme des Martlet,
ils redeviennent des Wildcat respectivement Mk. V et
VI en janvier 1944, à la faveur d’une rationalisation (ou
d’une « américanisation ») du système de désignation
britannique.
PRODUCTIONS LIMITÉES
ET EXPÉRIMENTATIONS
La recherche d’un appareil de reconnaissance photo
doté de bonnes performances conduit Grumman à pous-
ser des études en ce sens sur le Wildcat. Plusieurs
séries limitées en découleront.
Au premier rang des faibles tirages on relève le F4F-7.
Associé à un compresseur à un étage, celui-ci se révèle Un Martlet Mk. IV (F4F-4 Il s’agit d’un modèle tout à fait remarquable, étudié
équipé d’un R-1820) en
d’un diamètre plus important que le R-1830, ce qui attente de livraison pour avant l’entrée en guerre des Etats-Unis et destiné
réduit encore un peu plus la vision du pilote vers l’avant. le compte de la marine à la grande reconnaissance. Si l’appareil qui prend
Bruyant et produisant plus de vibrations que le Twin britannique ; cette version l’air pour la première fois le 31 décembre 1941 est
est sans doute la plus
Wasp, il confère au FM-2 de meilleures performances médiocre de toutes en équipé d’une voilure dépourvue du « Sto Wing », cela
à basse altitude, ce qui est désormais essentiel compte termes de performances. ne résulte pas d’un oubli et encore moins du hasard.
tenu de l’éventail des missions qui l’attendent au rang L’aile du F-7 n’est en effet pas celle d’un vulgaire
desquelles ne figure la défense aérienne de la flotte. Ces F-3 mais en réalité un vaste réservoir. La voilure du
« grands sauvages » devront en effet s’attaquer aux nouvel appareil peut en effet accueillir 2 100 litres de
menaces navales et sous-marines, œuvrer au soutien carburant portant sa capacité interne totale à 2 630
rapproché des troupes et à la reconnaissance tactique à litres, ce qui lui confère une extraordinaire autonomie
vue ou au moyen de caméra. Développant une vitesse de 4 150 miles ultérieurement ramenée à 3 700 miles
de pointe de près de 514 km/h, le FM-2 est capable (5 955 kilomètres) soit 25 heures de vol en régime
de grimper à 1 110 m/min, ce qui constitue un record économique ; certainement un soulagement pour ses
pour le modèle qui n’a rien perdu de sa maniabilité. La grande innovation pilotes : « La perspective de voler pendant une journée
du F4F-4 est son aile
Il constituera à ce double titre et assez paradoxale- repliable selon le procédé
complète était peut être séduisante pour les états-ma-
ment un concurrent sérieux pour quiconque viendrait « Sto-Wing ». Cette photo jors mais beaucoup moins pour les pilotes », souligne
lui chercher des noises ! Avec une moyenne mensuelle prise en 1942 permet de le Lieutenant Louis Bauer de la VF-2.
se rendre compte des
oscillant entre 150 et 200 machines, l’Eastern livrera dimensions relativement En réalité, le vol le plus long à l’actif du modèle est une
en définitive 4 467 FM-2 soit davantage que le total de réduites de l’appareil. transcontinentale reliant les deux côtes des États-Unis
28
Grumman F4F
Wildcat
en un peu plus de 11 heures. Destiné aux missions Démonstration du sera limitée. Devant être à l’origine amenés à agir de
gonflement d’un radeau de
stratégiques à très longue distance, le F-7, qui sera survie, dont on distingue
concert avec le laboratoire flottant USS Curtiss, ils
désigné F-7P en 1944, est équipé d’un pilote auto- l’espace de rangement seront en réalité disséminés au sein de certains Carrier
matique Sperry et d’une unique camera Fairchild F-56 sur le haut du fuselage, Air Groups ou d’unités basées à terre. En 1942, au
en arrière du poste de
montée à l’arrière du poste de pilotage. Il n’y a plus pilotage. Les premiers F4F- moins trois d’entre eux opèrent ainsi dans le Salomon.
en effet à cet endroit de plaques de blindage. Pour 3 ont aussi bénéficié d’un Outre des détachements à bord des USS Entreprise
absorber l’augmentation de masse d’un appareil qui a système de flottaison, en (CV-6) et Saratoga (CV-3), le BuAer 5263 est affecté
cas d’amerrissage, à base
pleine charge jauge désormais plus de 5 tonnes, il a été d’airbags positionnés sur à la VMO-251 sur Guadalcanal, où il côtoie des F4F-3P.
nécessaire de se débarrasser du superflu : armement, les extrados. D’une utilité Ces derniers sont des appareils de reconnaissance tac-
douteuse, ce dispositif
viseur, blindage. Si en conditions de combat le « gros sera abandonné.
tique développés sur la base d’un simple kit de conversion
chat » se comporte comme un fer à repasser, à vide, adaptable sur le terrain. Doté d’une caméra de 30 inches
il retrouve une maniabilité et un taux de montée assez les 18 appareils ainsi modifiés, qui conservent leur arme-
remarquables. Avec cette version spécialisée Grumman Gros plan sur l’avant ment et leur blindage, ne connaîtront une utilisation
du fuselage d’un F4F-
a donc presque réinventé le Zero ! L’utilisation opéra- 3 et son moteur P&W opérationnelle qu’au sein de cette seule unité, pour le
tionnelle des 21 F-7 produits (BuAer 5263 à 5283) R-1830 en double étoile. compte de laquelle ils ne prendront en définitive que fort
peu de photos ! À la même époque, au moins un F4F-4
est modifié selon le même schéma pour être rattaché
au groupe aérien du Ranger (CV-4) opérant au large du
Maroc dans le cadre de l’opération « Torch ». Outre les
versions de reconnaissance, d’autres expérimentations
ont été conduites.
C’est ainsi que cédant à une mode commune affectant
à la fin des 1930 les principales puissances navales,
Grumman, à l’instar de Supermarine, propose une version
à flotteurs de son chasseur vedette. Le Wildcat F4F-3S «
Catfish » est modifié en 1942, par l’adjonction de deux
flotteurs, de stabilisateurs sur le plan fixe et d’une quille
à l’arrière du fuselage. Pas plus que les quatre Spitfire
convertis dans le même esprit par les Britanniques, le
« Catfish » ne connaîtra pas de développement opéra-
tionnel. Seuls leurs adversaires japonais persévéreront
dans ce domaine particulier de l’hydravion de chasse.
En 1944, le « Catfish » est ferraillé : la multiplication des
porte-avions d’escorte et l’habilité des Seabees (phoné-
tique de CB pour Construction Battalions) ayant rendu
le concept caduc.
29
AUX COMMANDES DU WILDCAT
De loin, l’oiseau ne payait pas de mine ! Et de près, pas
davantage ! L’accès au poste de pilotage se faisait au
moyen d’un système de marche pied et de prise de main
situés de part et d’autre du fuselage. Il fallait ensuite
prendre appui sur l’emplanture de l’aile pour accéder au
« bureau ». À défaut d’être complètement ergonomique
et parfaitement fonctionnel, celui était spacieux. La vue
sur l’avant pouvait y être considérée comme bonne.
En revanche, la vision latérale surtout vers le bas et
malgré la présence de fenestrons ménagés à cet effet
demeurait tout juste moyenne. Il n’y avait en revanche
aucune visibilité sur le secteur arrière ! Cette occurrence
gênante pour un avion de combat sera partiellement com-
pensée par le montage d’un rétroviseur auquel nombre
d’aviateurs doivent la vie…
Dans certaines phases de vol, le Wildcat requérait toute
l’attention de celui qui en avait les commandes. C’était
particulièrement vrai au décollage ou l’effet de couple
devait être vigoureusement contré. À l’atterrissage,
l’avion se révélait allergique aux vents de travers. Au
roulage, enfin, ses freins avaient tendance à chauffer très
rapidement. Il n’était pas très rapide et son rayon d’action
Dans le registre des prototypes, on relève en 1941 le Le FM-2 est la dernière n’avait rien de sensationnel : « Nos patrouilles n’excé-
variante produite en
XF4F-5. En fait deux F-3 dotés de R-1820-40, puis d’un- grande série, leur nombre
daient pas deux heures et encore on rentrait alors avec
54 et enfin un -48 associé à un compresseur à 2 étages. dépassant celui de toutes des réservoirs quasiment vides. Pour ma part le souvenir
En 1944, Eastern propose le F2M-1. Doté d’un XR-1820- les autres versions réunies. d’un amerrissage forcé dû à une panne sèche m’incitait
Extérieurement l’appareil
70 de 1 350 cv, d’une verrière à vision intégrale et d’un est immédiatement à la plus grande prudence... » (Lieutenant Henry Adlam
train d’atterrissage classique : ayant de faux airs de T-28, reconnaissable du fait de sa de la Fleet Air Arm). Ses performances en piqué n’étaient
l’appareil n’entrera jamais en production. À l’état d’avion dérive agrandie et affinée. pas non plus spectaculaires, en tous les cas, inférieures à
de papier, le concept est en effet jugé potentiellement Un FM-1 qui n’est celles de presque tous ses contemporains, à l’exception
inférieur aux F6F et F4U alors en production, ainsi qu’au autre qu’un F4F-4 produit des machines japonaises. En revanche il se révélait plus
sous licence par Eastern.
XF8F nouveau félin en gestation chez Grumman et pré- maniable que la plupart d’entre eux, exception faite une
cisément installé sur le même créneau… fois de plus des nippons ! « Dans le cadre d’un parcours
On note enfin sur le modèle du démonstrateur Bell L-39 chronométré avec départ lancé à une vitesse stabilisée
qu’une épure destinée à doter le Wildcat d’ailes en flèche de 260 km/h, le Seafire Mk. IIC finissait par devancer un
(et d’un train tricycle) a été proposée en 1945 en vue Wildcat, mais pas de façon éclatante. À basse altitude, il
d’essais. Le projet resté en l’état était sans doute moins se révélait certes plus rapide que le chasseur américain
délirant que beaucoup d’autres. En effet, un tel « ton- mais sa marge de supériorité était réduite à moins de 20
neau » ainsi pourvu, mais propulsé par un turboréacteur km/h. Le Seafire avait l’avantage d’une vitesse ascension-
deviendra la norme un peu plus tard avec des appareils nelle supérieure. Cependant, en combat tournoyant, le
comme le MiG 15, le Saab J-29 ou par le Pulqui argentin. Wildcat virait systématiquement plus court, ce qui lui don-
Il faudra attendre 1951 pour que Grumman adopte enfin nait un avantage certain. En piqué les performances des
une aile en flèche avec le F9F-6 Cougar. À Bethpage, on deux appareils étaient proches, avec un léger avantage
aime se hâter, mais avec lenteur. au Grumman. Au niveau de l’armement notre préférence
30
Grumman F4F
Wildcat
Memento
Désignation Moteur Ailes Production Unités produites Utilisateur
G-36 A / Martlet I Wright R-1820 G- 205 Fixes 1940 91* Royal Navy
F4F-3 Wildcat P &W R-1830-76/86 Fixes 1940/41 285 USN/USMC
G-36 B / Marlet II P &W R-1830-S3C4-G Repliables 1941 100 Royal Navy
F4F-3A P &W R-1830-90 Fixes 1941 65 USN/USMC
Martlet III P &W R-1830-90 Fixes 1941 30 Royal Navy
F4F-4 Wildcat P &W R-1830-86 Repliables 1941/42 1 169 USN/USMC
Marlet IV Wright R-1820-40B Repliables 1941/42 220 Royal Navy
F4F-7 P &W R-1830-86 Fixes 1941/42 21 US Navy
FM-1 P &W R-1830-86 Repliables 1943/43 839 USN/USMC
Wildcat V Voir FM1 idem idem 311 Royal Navy
FM-2 Wright R-1820-56 Repliables 1943/45 3 720 USN/USMC
Wildcat VI Voir FM-2 idem idem 340 Royal Navy
*81 +10 ex belges
31
UNITÉ
1939
1945
32
JG 52
M
algré toute la prudence qui s’impose en termes de revendications, la JG 52 est bel et bien l’escadre
de chasse de tous les records : elle détient celui du nombre de victoires aériennes, celui du nombre
d’Experten (32 de ses pilotes ont dépassé les 100 victoires !), et compte dans ses rangs l’as des as,
toutes nations et toutes périodes confondues, en la personne d’Erich Hartmann. Opérant presque
exclusivement sur le front de l’Est, la JG 52 est responsable, à elle seule, de la destruction de près d’un quart des
avions que les Soviétiques admettent avoir perdus pendant la Seconde Guerre mondiale, soit un total de 10 600 à
11 300 victoires selon les sources, un bilan qu’elle n’aurait pu atteindre si elle avait été déployée pour la défense
du Reich face à l’USAAF et à la RAF. Retour sur une épopée sans précédent.
L’
origine de la JG 52 remonte à la création en novembre réaction franco-britannique à l’invasion de la Pologne programmée le
1938 d’un groupe de chasse à Ingolstadt-Manching, en 1er septembre, le I./JG 52 abandonne ses Bf 109 D à deux escadrilles
Bavière, le I./JG 433 de le Hauptmann Dietrich Graf von orphelines : la 1./JG 71, jusque‑là volant sur Avia B‑534 tchécoslo-
Pfeil und Klein-Ellguth. Aux pilotes fraîchement émoulus vaques, et la 11.(N)/JG 72, une pseudo-Staffel de chasse de nuit sur
des écoles sont amalgamés des cadres de la Legion Arado Ar 68 F, toutes deux réunies à Böbligen afin de former les deux
Condor. C’est ainsi que la 1. Staffel est commandée tiers du futur II./JG 52. Le déclenchement de la guerre et l’effervescence
par un certain Adolf Galland (transféré juste avant les hostilités au II. qui en découle en haut lieu contrarient la mise sur pied de l’escadre
(Schlacht)/Lehrgeschwader 2), la 2. et la 3./JG 433 respectivement et la prise effective de fonction de Merhart von Bernegg qui ne peut
par les Oberleutnant Wolfgang Ewald et Alfons Klein, chacun titu- intervenir qu’à la fin septembre.
laire d’une victoire aérienne en Espagne. Ce dernier est cependant En dépit de ces retards, les escadrilles opérationnelles de la JG 52
tué avec 10 autres passagers et hommes d’équipage dans le crash entament leurs patrouilles et reconnaissances de routine sur un front
du Ju 52/3m du groupe, pris dans une tempête de neige, le 18 de l’Ouest on ne peut plus calme, alors que les combats se déroulent
février 1939. Un autre vétéran de la Legion Condor, l’Oberleutnant en Pologne. C’est à cette occasion que le Leutnant Paul Gutbrod
Helmut Kühle lui succèdera. Entièrement équipé en Messerschmitt (5./JG 52), survolant le secteur de Kehl (sur la rive droite du Rhin, face
Bf 109 D, le I./JG 433 est transféré fin mars à Böblingen, où il est à Strasbourg) le 8 septembre, abat un Mureaux 115 du GAO 553 en
officiellement rebaptisé I./JG 52 le 1er mai, Pfeil und Klein-Ellguth étant deux passes. Gutbrod est ainsi crédité de la toute première victoire
confirmé à sa tête. En juin, l’unité gagne le terrain de Wengerohr, de la Luftwaffe à l’Ouest, ce qui lui vaudra l’attribution de la Croix de
dans la vallée de la Moselle, face au Luxembourg, où se multiplient fer 2e classe ! Quant aux occupants du Mureaux, le sergent Simon
à un rythme démentiel manœuvres et exercices, puis elle rallie celui Piacentini, pilote, et, le lieutenant Jean Davier, observateur, ils ont le
de Wangerooge, sur la plus orientale des Îles de la triste privilège d’être les premiers aviateurs de l’armée
Frise-Orientale. de l’Air à être tués au combat durant le conflit… Le 6
octobre, le I./JG 52 ajoute une nouvelle victoire à son
q Messerschmitt Bf 109 E palmarès, lorsque le Leutnant Hans Berthel descend l’un
EN PROTECTION DU WESTWALL du II./JG52, plus exactement
de la 6. Staffel dont l'insigne
des tout nouveaux LeO 451 (n° 6) en mission de recon-
DURANT LA SITZKRIEG à l'aigle, tout juste adopté
en ce printemps 1940,
naissance au-dessus de la Ruhr. Sitôt la présence du
bimoteur français rapportée dans le ciel allemand, deux
est visible sur le capot
Ce n’est que le 19 août, à peine trois semaines avant moteur. Cette photo a Schwärme ont décollé de Bonn-Hangelar pour l’intercep-
l’entrée en guerre, que le Geschwaderstab voit le jour, manifestement été prise ter : Berthel l’a vu le premier et aussitôt pris en chasse,
également à Böblingen. Le Major Hubert Merhart von durant la Sitzkrieg à Spire, parvenant à toucher l’un des moteurs malgré les tirs de
à en juger par l'église à
Bernegg, ancien commandant du J/88 de la Legion l'arrière plan qui semble bien riposte du mitrailleur arrière. Touché à mort, le LeO 451
Condor, devient alors le premier Kommodore de la être la Cathédrale Notre- s’est alors écrasé au sol et les membres d’équipage,
Dame-de-l'Assomption-
JG 52. Rééquipé en Bf 109 E avant son transfert à Bonn- et-Saint-Étienne.
tous blessés, ont été capturés (l’un d’eux décédera par
Hangelar, le 29 août, pour faire face à une éventuelle (EN-Archives) la suite des suites d’une amputation).
33
par l’Oberleutnant Wolfgang Ewald, un ancien
de la Legion Condor alors Staka 2./JG 52.
Le Hauptmann Siegfried von Eschwege sera
nommé Kommandeur le 9 février 1940.
TIMIDE CAMPAGNE
DE L’OUEST
Le mauvais temps hivernal est propice à
quelques légers remaniements, mais le 1er
mars 1940 est marqué par le plus impor-
tant d’entre eux : la création du III./JG 52 à
Straußberg, qui est placé sous les ordres du
Hauptmann Wolf-Heinrich von Houwald, venu
du I./JG 26. Comme la majorité des nouveaux
groupes établis à cette époque, celui‑ci est
créé par dédoublement des deux autres [2].
Cependant, ce III. Gruppe échappe à l’autorité
de Merhart von Bernegg, car, début avril 1940,
il est placé sous l’autorité du Stab/JG 53 afin
de parfaire sa formation. Pour la JG 52, la
Durant la seconde semaine d’octobre, le II./JG 52 touche p Günther Rall, ici en « Drôle de Guerre » s’achève sur une ultime confronta-
enfin une 6. Staffel et un Kommandeur, en la personne tant que Leutnant à la tion, le 23 avril, qui voit sa seule perte à l’ennemi, quand
4./JG 52 à Mannheim
du Hauptmann Hans-Günther von Kornatzki. Le 13, un pendant l’hiver 1939-40, l’Oberfeldwebel Franz Essl, dont l’avion a été endommagé
Blenheim Mk. IV du No 114 Squadron est envoyé au tapis fera la plus grosse partie par des Curtiss, effectue un atterrissage sur le ventre
par le I. Gruppe non loin de la frontière germano-luxem- de sa carrière à la JG 52, dans ses lignes. Côté succès, la récolte est assez maigre,
d’août 1939 à avril 1944.
bourgeoise, et devient ainsi sa toute première victime de Crédité de 275 victoires en puisque les deux groupes de la JG 52 n’ont obtenu au
la RAF. Le 8 novembre, le II. Gruppe fait coup double 621 missions de guerre, il total que 6 victoires (la dernière étant un Potez 637 du
termine le conflit comme
en abattant un ballon d’observation (Oberleutnant Heinz Kommodore de la JG 300 GR I/52 abattu le 24 mars au-dessus de Deux-Ponts) !
Schumann, Staffelkapitän de la 4./JG 52) sur la rive et titulaire des Glaives. Toutefois, les choses sérieuses ne vont pas tarder à
(Coll. J.V. Crow)
opposée du Rhin face à Karlsruhe, et un Morane MS.406 commencer, car le « Fall Gelb » est imminent.
au terme d’un combat tournoyant au-dessus de Bitche Au 10 mai 1940, le jour de l’offensive à l’Ouest, la
(Leutnant Karl Faust, 5. Staffel). Mais la Sitzkrieg n’est { Des Messerschmitt situation de la JG 52 est la suivante :
Bf 109 E de la 8./JG 52 à
pas pour autant une promenade de santé et c’est Pfeil und Zerbst, où le III. Gruppe Stab 3 Bf 109 E Mannheim-Sandhofen
Klein-Ellguth lui-même qui va l’apprendre à ses dépens. est envoyé se reconstituer
I./ 45 Bf 109 E Lachen-Speyerdorf
en août 1940 après ses
Le 21 novembre, alors que le I./JG 52 s’est récemment confrontations difficiles avec II./ 49 Bf 109 E Spire
établi à Lachen-Speyerdorf, le Gruppenkommandeur les Spitfire durant la bataille
d'Angleterre. (EN-Archives)
III./ 40 Bf 109 E Mannheim-Sandhofen
fête dignement ses 32 ans, puis décide d’emmener son
ailier pour une mission de routine au‑dessus du front. Intégrés au V. Fliegerkorps, le Stab et les deux premiers
Mal lui en prend : attaqué par des Curtiss H-75A du q Bel alignement de groupes sont affectés à la protection des frontières du
GC II/4, il est abattu par le sergent Antoine Casenobe ; Bf 109 E de la 8./JG 52 Reich et du flanc gauche du Heeresgruppe A, dans un
gravement brûlé, sa carrière de pilote est terminée [1]. Le à Zerbst, parmi lesquels secteur compris entre Verdun et Sedan, puis jusqu’à
on reconnaît le n° 13 de
lendemain, l’escadre déplore son premier mort avec le la Staffel, en gros plan Charleville (15 mai) et Compiègne (22 mai) après la
crash accidentel de l’Unteroffizier Hans-Joachim Hellwig page suivante. La « barre percée. De son côté, toujours subordonné au Stab/JG 53,
ondulée » derrière la
dont le Bf 109 « 4 rouge » est victime d’une défaillance Balkenkreuz identifie le le III./JG 52 ne sera engagé que le 17 mai et se consacre,
mécanique. Quant à Pfeil, il est temporairement remplacé III. Gruppe. (EN-Archives) en attendant, surtout à la défense de la Sarre et de la
34
JG 52
[2] Toutefois, on
remarquera que, d’ici au
10 mai 1940, l’industrie
aéronautique et les
écoles de la Luftwaffe
auront fonctionné à plein
temps, puisque la JG 52
alignera 138 Bf 109 E
(dont 102 disponibles)
et 112 pilotes (dont
92 opérationnels).
Rhénanie. La tâche des pilotes de l’escadre Alors que le I./JG 52 quitte le 1er juin la zone Pendant la campagne de France, le Stab n’a
opérant dans le secteur du Heeresgruppe A est des combats et rejoint Zerbst, sur l’Elbe au remporté aucune victoire, le I. Gruppe une
essentielle, car il s’agit d’interdire le ciel à l’en- sud-ouest de Berlin, pour protéger le centre seule, le II. Gruppe tout de même 27 et le
nemi au-dessus du Schwerpunkt de l’offensive industriel de l’Allemagne, ce même jour, III. Gruppe seulement 10, pour un total de trois
allemande. Le 14 mai, alors que les bombar- Houwald et ses hommes passent sous l’au- tués et un prisonnier à l’ennemi. Ce tableau
diers alliés tentent de détruire les ponts sur la torité du Stab/JG 52. Toujours le 1er juin, le II./ de chasse est plutôt mince par rapport à celui
Meuse qu’empruntent les Panzer de Guderian, JG 52 déplore la disparition du Leutnant Paul des autres Jagdgeschwader, mais la JG 52
les pilotes du II. Gruppe s’acquittent parfaite- Gutbrod, le premier pilote victorieux à l’Ouest, a hérité davantage de missions défensives
ment de leur mission, descendant pas moins tombé à Belval-Bois-des-Dames (Ardennes) qu’offensives en France, sans même parler
de 11 appareils ennemis – dont huit Fairey après avoir heurté une ligne à haute tension des III. et I. Gruppen qui se sont relayés dans
Battle – au cours de la journée. Le lendemain, et vraisemblablement achevé au sol par des de lointains vols de protections de sites stra-
le groupe revendique quatre MS.406 au nord- troupes coloniales françaises. tégiques à l’intérieur des frontières du Reich
ouest de Charleville, portant son score à 19 À ce moment-là, Hitler, fort de son écla- en prévision de raids aériens alliés qui ne se
victoires. Le 18, le III./JG 52 fait enfin son tante victoire à Dunkerque sur la British sont jamais produits.
baptême du feu. Un jeune Leutnant de 22 ans, Expeditionary Force obligée de rembarquer
appartenant à la 8. Staffel, descend son pre- en catastrophe, s’apprête à donner le coup
mier avion à cette occasion : « C’était notre de grâce à la France (« Fall Rot » du 5 juin). DÉCONVENUES
premier contact avec l’ennemi. Nous étions
tous terriblement excités et nous avons immé-
Peu engagée dans ces nouvelles opérations,
l’escadre de Bernegg ne connaît plus que des
FACE AUX SPITFIRE
diatement tout oublié de ce que l’on nous avait combats aériens sporadiques, et remporte Le lendemain de l’armistice avec la France,
enseigné. Les tactiques, la discipline à la radio, ses derniers succès le 9 juin, lorsque deux alors que s’annonce la Bataille d’Angleterre,
tout est passé à la trappe ! Tout le monde MS.406 sont abattus du côté de Rethel, suivis le Stab de la JG 52 s’installe au Touquet,
hurlait à la radio. J’étais en sueur. » En s’adju- de deux Hurricane dans le secteur de Laon. face aux falaises crayeuses de la Perfide
geant l’un des trois Curtiss Hawk abattus lors La victoire étant désormais assurée, le II./ Albion, mais tous ses groupes sont encore
de cette sortie – l’un des coéquipiers signale JG 52 quitte Laon pour rejoindre le Stab à au pays, toujours pour des missions de
qu’il a vu le pilote sauter en parachute [3] –, Luxembourg-Sandweiler le 11 juin, et le III./ défense du ciel allemand : le III. Gruppe ne
Günther Rall est officiellement crédité de la JG 52 s’envole de La Selve (Aisne) pour gagner se pose à Coquelles que le 22 juillet, et les
première de ses 275 victoires, qui en feront Hoppstäden deux jours plus tard. C’est désor- I. et II. Gruppen ne rallieront respectivement
le quatrième as de l’Histoire de l’aviation. mais l’heure du bilan pour toute l’escadre. Coquelles et Peuplingues que début août.
35
Arrivé le premier dans le Pas‑de-Calais, le III./JG 52 p Le Messerschmitt par le Hauptmann Alexander von Winterfeld, venu du III./
ne tarde pas à faire la connaissance du Spitfire et la Bf 109 E du Hauptmann JG 2, le Gruppe est logiquement renvoyé se reconstituer
Wilhelm Ensslen,
confrontation tourne vite au drame pour les Allemands. Staffelkapitän de la à Zerbst le 1er août. Il disparaît virtuellement des tablettes
L’après-midi du 24 juillet, l’escorte de bombardiers sur 9./JG 52, pendant la Bataille de la Luftwaffe : après avoir stationné sur différentes
d’Angleterre. Cette escadrille
le chemin du retour au niveau de Margate, sur l’estuaire est la seule du groupe bases en Allemagne, il sera transféré le 12 octobre en
de la Tamise, se solde, pour un seul adversaire abattu, à n’avoir perdu aucun Roumanie, à Bucarest-Pipera, afin de protéger les champs
par la perte de quatre Bf 109 E ! Et pas n’importe les- pilote pendant son court pétroliers de Ploiesti. Rebaptisé I./JG 28 jusqu’au 4 janvier
engagement (une semaine).
quels, puisque que trois d’entre eux appartiennent au (©ECPAD/France/1940/ 1941, date à laquelle le groupe reprendra sa dénomi-
Gruppenkommandeur Wolf-Heinrich von Houwald, et à Photographe inconnu) nation, il y coulera des jours pour le moins paisibles.
deux Staffelkapitäne, les Oberleutnant Herbert Fermer Ses pilotes, comme le Major Gotthard Handrick (l’ancien
(7. Staffel) et Lothar Ehrlich (8. Staffel), tous morts sous Kommodore de la JG 26, qui en prend le commande-
les balles de ces Spitfire du No 54 Squadron. Le qua- ment le 7 octobre) et l’Oberleutnant Günther Rall (Staka
trième est l’appareil de l’Unteroffizier Erich Frank, tué lui 9./JG 52), devront ronger leur frein et attendre le 25 mai
aussi. Le lendemain, quatre autres Emil, surpris par des q Les Bf 109 E-1 du pour renouer avec les combats, lorsque le III./JG 52 sera
III./JG 52 parqués sur
Spitfire du No 610 Squadron alors qu’ils accompagnent l'aéroport de Bucarest- dirigé sur Molaoi, dans le Sud Péloponèse, pour appuyer
des Stukas au large de Douvres, ne rentrent pas ; parmi Pipera aux côtés d'avions les forces allemandes en Crète. Sans véritable opposition
les manquants, outre un pilote non identifié, figurent de transport civil roumains aérienne, il sera principalement utilisé pour des missions
(à gauche) au printemps
l’Oberleutnant Willy Bielefeld, Staffelführer par intérim de 1941. Les chasseurs de mitraillage des troupes néo-zélandaises et même de
la 7./JG 52, et l’Oberleutnant Wilhelm Keidel, le rempla- allemands arborent les lutte antinavire lorsque la Royal Navy évacuera celles-ci
çant de Fermer… tué la veille. Seul l’Unteroffizier Reiss, marques tactiques de vers l’Égypte, avant de retourner en Roumanie le 12 juin
l'opération « Marita » : capot,
ayant réussi à se poser sur le ventre à Elvington Court, gouvernail de direction, 1941, sans avoir enregistré la moindre perte à l’ennemi…
a survécu, mais il a été capturé. Avec cinq officiers tués gouvernes de profondeur, ni la moindre victoire…
bande de fuselage et
en à peine 24 heures, l’encadrement du III./JG 52 est bande d'aile jaunes. La Bataille d’Angleterre est un peu plus favorable au
alors saigné à blanc ! Tandis que Houwald est remplacé (EN-Archives) I./JG 52, qui, rejoignant le front après la mission aussi
importante qu’honorifique d’escorte du Ju 52 d’Hitler
lors de ses déplacements au mois de juillet (discours à
l’opéra Kroll et festival de Bayreuth), revendique quatre
victoires dès son premier jour de combat sans endurer
la moindre perte. Du 2 août au 30 octobre, le groupe
sera crédité de 72 victoires, mais laissera néanmoins
6 tués et 16 prisonniers au cours de son séjour à
Coquelles. Un pilote sort du lot, l’Oberleutnant Karl-
Heinz Leesmann, Kapitän de la 2. Staffel, qui termine
la campagne avec 14 victoires. Le 26 août, Eschwege
cède son poste de Kommandeur au Hauptmann
Wolfgang Ewald. Après un retour en Allemagne, le
I./JG 52 retrouve les côtes de la mer du Nord et sta-
tionne sur plusieurs aérodromes néerlandais, d’où il
effectue de nombreuses missions de chasse-bombarde-
ment. Il a ainsi l’occasion de revendiquer 42 victoires,
permettant à Leesmann de devenir « der Experte » de
l’escadre avec 22 succès. Le 24 mai 1941, ce dernier
remplace Ewald et est aussitôt promu Hauptmann.
Entre le 6 août 1940 (date de son arrivée à Peuplingues)
et le 9 juin 1941 (date de son retrait définitif du front de
36
JG 52
t Les Messerschmitt
Bf 109 F-2 de la 6./JG 52
sur le terrain polonais de
Sobolevo en juin 1941,
au moment de l'opération
« Barbarossa ». L'appareil
du premier plan est celui
de Gerhard Barkhorn. Ce
dernier allait obtenir 301
victoires sur le front de l'Est !
(EN-Archives)
37
Au 22 juin 1941 au matin, la situation de l’escadre est la suivante : p Ces Messerschmitt il signe un premier fait d’armes en
Bf 109 F-4 du III. Gruppe s’adjugeant 36 avions soviétiques les
Stab Maj H. Trübenbach 4 Bf 109 F Vienne-Aspern (Autriche) stationnent entre deux
missions aux côtés
2 et 3 juillet, dont cinq reviennent au
I./ Hpt K-H. Leesmann 35 Bf 109 F Katwijk (Pays-Bas) de Henschel Hs 126 seul Oberleutnant Johannes Steinhoff,
II./ Hpt E. Woitke 39 Bf 109 F Suwalki/Sobolevo (Pologne) d'observation, appareils en de la 4. Staffel, le Leutnant Gerhard
fin de carrière, mais toujours
III./ Maj G. Handrick 43 Bf 109 F Bucarest-Pipera (Roumanie) utiles dans la coopération Barkhorn et l’Unteroffizier Willi Nemitz
avec les Panzer. Le nombre en revendiquant deux chacun.
Ainsi, au moment où commence « Barbarossa », la JG 52 est encore élevé de sorties face à des Quant au III./JG 52, il demeure en
VVS surprises en pleine
éclatée sur deux fronts, avec le Stab basé en Autriche et qui n’a autorité phase de modernisation Roumanie durant les premiers jours
que sur son troisième groupe et sur le I.(J)/LG 2. Le II./JG 52 est, quant sur le plan matériel et de « Barbarossa », protégeant le stra-
manquant de pilotes
à lui, rattaché au Stab/JG 27. Handrick est toujours mentionné comme expérimentés expliquent tégique terminal pétrolier de Constanta
Kommandeur du III. Gruppe, mais, en fait, il a été promu Kommodore de les succès tonitruants des tentatives de bombardements
la JG 77 deux jours plus tôt. Il est remplacé officiellement le 23 juin par des Experten de la JG 52 des Soviétiques. Du 24 au 26 juin,
dans ce qui est la dernière
le Major Albert Blumensaat. Blitzkrieg de la Wehrmacht. le groupe abat, pour le prix d’un seul
De fait, le premier jour de l’offensive à l’Est, seul le II./JG 52 est engagé (EN-Archives) Bf 109 F perdu, 35 bombardiers
sous l’autorité du JG 27. Il participe surtout à l’attaque d’aérodromes ennemis (un est le fait de Rall), dont
soviétiques, et les rencontres avec l’ennemi dans le ciel ne se traduisent 18 descendus rien que le 26, ce qui
que par de faibles résultats : 16 victoires attribuées au groupe de le vaut aux pilotes du Major Handrick un
Hauptmann Woitke en ce 22 juin 1941, chiffre à comparer aux 322 homo- télégramme de félicitations de Göring
loguées lors de l’ouverture de la chasse à l’étoile rouge. Le II. Gruppe en personne. Le 1er août, passé aux
est ensuite chargé de protéger l’avance des divisions du Panzergruppe 3 ordres du Major Albert Blumensaat, il
(Generaloberst Hoth) qui fonce à travers la Lituanie dans le but d’envelopper sera transféré en Ukraine, où il enre-
Minsk par le nord. Durant la bataille d’encerclement de Białystok–Minsk, gistrera 38 victoires durant sa première
semaine d’engagement, surtout dans
le secteur du Dniepr.
Le 23 juillet, Karl-Heinz Leesemann
devient le premier pilote de l’es-
cadre à décrocher la Ritterkreuz ; en
l’occurrence, en récompense de sa
u Le Messerschmitt
Bf 109 F-4 de l'Oberleutnant 22e victoire contre… un Blenheim
Hans-Jörg Zimmermann, depuis Leeuwarden, aux Pays‑Bas, où
Staka de la 7./JG 52, se trouve toujours le I./JG 52 !
photographié sur le terrain
de Poltava en septembre Car la dispersion de l’escadre reste
1941, alors qu'il est porteur une constante et continue à nuire à
de 7 marques de victoire
sur le gouvernail. sa cohésion, alors même que de nom-
(EN-Archives) breux talents commencent à éclore.
En effet, le Stab récupère sous son
t L'Oberleutnant Hermann
Graf, qui a rejoint la 9./JG 52 autorité les I. et II. Gruppen en date
en mai 1941 bien que frisant du 20 octobre, sauf que le III./JG 52,
la limite d'âge et dont il
est désormais le Kapitän,
qui vient de contribuer à la gigantesque
pose à côté du gouvernail victoire de Kiev, lui échappe à nouveau
de son Bf 109 F-4, sur en allant se ranger sous la bannière du
lequel vient d'être peinte la
barre de sa 111e victoire, Stab/JG 3 puis du Stab/JG 77. Or, ce
un avion soviétique abattu dernier est incontestablement le plus
le 30 juin 1942 dans le performant des trois groupes. Il se
secteur de Kharkov.
(EN-Archives) taille la part du lion et fait de l’ombre
38
JG 52
aux autres Gruppen, même si l’Oberleutnant en haut de l’affiche en cette fin d’année 1941 : dans un fossé. Je me suis brisé la colonne
Johannes Steinhoff, Staka 4./JG 52, reçoit Oberleutnant Günther Rall (36), Leutnant Adolf vertébrale à trois endroits. J’étais paralysé.
la Croix de chevalier de la Croix de fer le Dickfeld (31), Leutnant Hermann Graf (31), D’une infirmerie de campagne, j’ai été transféré
30 août après sa 36e victoire ; d’ailleurs, il Feldwebel Edmund Roßmann (30), Feldwebel à Vienne dans un hôpital très bien équipé, où
trônera en tête du palmarès de l’escadre, attei- Leopold Steinbatz (25), Unteroffizier Friedrich l’on m’a confectionné un corset spécial et où
gnant les 51 victoires au 2 décembre 1941. Wachowiak (25), etc. une infirmière s’est particulièrement occupée
Néanmoins, entre le 22 juin et le 5 décembre Günther Rall, Staka 8./JG 52, ne tarde pour- de moi. » Alors que les médecins pensent qu’il
1941, le III./JG 52 revendique à lui seul tant pas à quitter ses camarades. Le 28 ne remarchera plus jamais, Günther Rall, au
460 victoires – dont 86 pour le seul mois de novembre, il livre un combat tournoyant à des terme d’une longue rééducation, reviendra à
novembre, pour la perte de seulement 6 avions I‑16 entre Rostov et Taganrog. Il revendique sa la tête de sa 8./JG 52 en août 1942 !
et 2 pilotes blessés – et se classe en qua- 36e victoire à 15h05, mais à cette époque de Lorsque « Barbarossa » s’achève aux portes
trième position du palmarès des Gruppen de l’année, la nuit tombe vite. Dans l’obscurité, il de Moscou dans les bourrasques de neige,
la Luftwaffe, derrière les IV./JG 51, II./JG 3 et ne voit pas arriver un autre Polikarpov dans son la JG 52 a accumulé 875 victoires sur le
III./JG 77 ; il ne déplore, en contrepartie, que dos : « Je m’étais bien sorti de mon combat front de l’Est. Quelques changements ont eu
14 tués et disparus. Parmi ses Experten figure tournoyant, mais j’ai pris une rafale dans le lieu, à commencer par le remplacement de
le Feldwebel Gerhard Köppen (8./JG 52), moteur, qui a brutalement fait chuter les tours. Trübenbach par le Major Willhem-Otto Leßmann
qui termine l’année avec 48 victoires ; le J’ai réussi à regagner les lignes allemandes, au poste de Kommodore, le 11 octobre [4].
18 décembre, il recevra la Ritterkreuz, troi- mais j’ai dû me préparer à un atterrissage d’ur- Après la blessure de Leesmann, intervenue
sième pilote de la JG 52 à en être décoré. gence sur un sol bosselé. Je me suis posé sur le 6 novembre après un combat aérien, le
Et bien d’autres noms du III./JG 52 se trouvent le ventre, mais l’avion a glissé et s’est planté I./JG 52 est commandé par un intérimaire,
l’Oberleutnant Carl Lommel. Enfin, c’est un
peu la confusion au III./JG 52, où le remplaçant
désigné de Blumensaat (parti le 23 septembre),
le Hauptmann Hubertus von Bonin, ne prendra
pas ses fonctions avant le début de l’année
1942, laissant le Hauptmann Franz von Hörnig
à la tête du groupe dans l’intervalle.
Dans le cadre de la Croisade contre le bol-
chévisme, une Staffel composée de volontaires
croates est créée et rattachée au III./JG 52
sous la dénomination de 15.(kroat.)/JG 52, le
20 septembre 1941. Équipée en Bf 109 E‑7,
elle dispose d’une petite douzaine de pilotes
sous les ordres de l’Oberstleutnant Franjo Džal
et opère d’abord dans le centre de l’Ukraine
avant de gagner les bords de la mer d’Azov.
Sur les 15 victoires qu’elle revendique avant la
fin de l’année, elle n’est officiellement créditée
que de 6 (dont 4 homologuées au Leutnant
Ewald Baumgarten, officier de liaison de la
Luftwaffe !) pour la perte de deux pilotes [5].
39
Messerschmitt Bf 109 F-4
Oberleutnant Gerhard Barkhorn
Kapitän 4./JG 52
Grakovo, Union soviétique, 22 juin 1942
40
JG 52
41
t L’Oberleutnant
Hermann Graf reçoit
les félicitations pour sa
150e victoire, remportée
le 4 septembre 1942,
soit seulement six jours
après que Gordon
Gollob a réussi pareille
performance. Il porte
ici la Ritterkreuz mit
Eichenlaub, à laquelle
il ajoutera les Glaives
quinze jours plus tard.
(©ECPAD/France/1940/
Photographe inconnu)
Évitant les combats tournoyants, les pilotes utilisent les points forts de de l’escadre ne sont pas en reste : 13 Ritterkreuze sont distribuées au
leur nouvelle monture – sa vitesse en piqué et sa vitesse ascensionnelle cours du trimestre (dont la majorité à des membres du III. Gruppe), plus
– pour plonger sur leurs victimes et ne faire qu’une seule passe. Ils ne 2 Feuilles de chêne. Les récipiendaires de celles‑ci sont le Hauptmann
tardent pas ainsi à renouer avec les triomphes de l’été précédent. Les Johannes Steinhoff (le 2 septembre) pour sa 101e victoire et le Leutnant
chiffres parlent d’eux‑mêmes : Heinz Schmidt (16 septembre) pour sa 102e. À la fin de ce mois,
19 pilotes dépassent les 50 succès, le bal étant mené par Graf (202),
Victoires homologuées loin devant Steinhoff (110), Schmidt (108) et l’Oberfeldwebel Josef
07.42 08.42 09.42 Total Pertes(*) Zwernemann (94). Quant à Günther Rall, bien que meurtri par ses
Stab/JG 52 7 44 6 57 – douleurs au dos et ne pouvant monter seul dans son avion, il a fait un
I./JG 52 61 107 78 246 8 retour fracassant à la 8. Staffel, en mettant seulement une semaine
II./JG 52 130 141 89 360 10 pour faire passer son score de 36 à 65 victoires au-dessus du Terek,
III./JG 52 49 253 320 622 9 et en dépassant la barre des 100 en moins d’un mois, ce qui lui vaut
la remise de la Ritterkreuz le 3 septembre ; le 26 octobre, Hitler lui
Totaux 247 545 493 1 285 27
remettra les Feuilles de chêne en personne.
(*) Tués, disparus et prisonniers.
Dans ces conditions, les palmarès des Experten s’envolent et les récom-
penses pleuvent sur la JG 52. Premier concerné, Hermann Graf, qui est ENTRE STALINGRAD
le premier pilote de chasse à atteindre (et dépasser) les 200 victoires, le
26 septembre, notamment après une série de 10 succès dans la seule
ET CAUCASE
journée du 23 ! Dix jours plus tôt, il a déjà reçu les Diamants (premier Toujours scindée en deux, la JG 52 doit affecter plusieurs de ses
des deux pilotes de la JG 52 à en être décoré), quand il n’en était éléments à la progression de la 6. Armee vers Stalingrad. Le 13 sep-
qu’à… 172 ! Aussitôt promu Major, il est interdit de vol. Les autres as tembre, les 6. et 9. Staffeln forment ainsi un Kommando Stalingrad
qui s’installe à Pitomnik, terrain situé en périphérie Ouest
de la ville. Il y est rejoint le 22 par le I. Gruppe, ces
deux unités de la JG 52 étant placées sous les ordres
du Stab/JG 3.
Le 8 octobre, parmi les pilotes de remplacement versés
à l’escadre, se présente un blondinet à la silhouette élan-
cée et au visage poupin – qui lui vaudront le surnom de
« Bubi » (le « gosse ») –, tout juste âgé de 20 ans, qui
se nomme Erich Hartmann. Orienté vers le III. Gruppe, il
est affecté à la 7. Staffel. Il devient l’ailier du Feldwebel
Edmund Rossmann, un vétéran de… 24 ans, titulaire
de la Ritterkreuz (19 mars 1942) et de 72 victoires. En
dépit de débuts peu reluisants (il vomit son Bf 109 au
sol après avoir violé toutes les règles d’engagement dès
sa première sortie le 14 octobre, ce qui lui vaut une mise
à pied de trois jours avec les « rampants »), le jeune
Hartmann remporte sa première victoire – un Il‑2 – le
5 novembre. Commence alors la lente mais vertigineuse
ascension de celui qui deviendra le plus grand as de tous
les temps, toutes nations confondues [8].
Par ailleurs, le 27 octobre, le III. Gruppe se voit adjoindre
une nouvelle escadrille composée de volontaires slo-
vaques : la 13.(slow.)/JG 52. Celle‑ci, encore équipée de
42
JG 52
Bf 109 E‑7, est commandée par le Hauptmann Andres p En juillet 1942, le II./JG 52 au fin fond de la ville, la 6. Armee de Paulus s’est retrou-
Dumbala et s’installe à Maïkop. Sa première victoire lui reçoit ses premiers Bf 109 vée piégée par la violente contre-offensive soviétique du
G-2. Ceux-ci arborent
sera homologuée au‑dessus de Touapse le 12 décembre. un curieux mouchetis 21 novembre. Aussitôt, le II. Gruppe prend ses quar-
Elle remplace, en quelque sorte, la 15.(kroat.)/JG 52, reti- sur le capot, sans doute tiers à Morosovskaïa, d’où il envoie des détachements
pour masquer la peinture
rée des opérations le 15 novembre après avoir remporté jaune. À l’occasion de sa
à Pitomnik et Oblivskaïa. Le 10 décembre, la JG 52
160 victoires et perdu 6 pilotes tués ou disparus ; son transformation, ce groupe revendique sa 4 000e victoire, mais ses succès sont
grand as est le Leutnant Civilic Galic avec 27 victoires. abandonne sa large bande en trompe-l’œil, car les VVS prennent lentement mais
jaune sur le fuselage
Le 29 octobre, en remportant sa 64 e victoire, le arrière et repeint la barre sûrement l’ascendant sur la Luftwaffe dans la bataille de
Hauptmann Rudolf Resch (Staka 6. Staffel) signe la horizontale représentative Stalingrad, tant sur le plan quantitatif – ce n’est pas une
1 000e du II. Gruppe. Le 7 novembre, le III. Gruppe du II. Gruppe. On note les surprise – que sur le plan qualitatif, ce qui est nouveau.
casseroles segmentées.
passe la barre des 2 000 ! (EN-Archives) Ainsi, la 100e victoire de l’Oberleutnant Gerhard Barkhorn,
Le 1er novembre, de retour à la tête de sa Geschwader obtenue le 19 décembre (le 11 janvier 1943, il décrochera
mais mal remis de ses blessures, Herbert Ihlefeld est les Feuilles de chêne pour son 120e succès), apparaît-elle
remplacé par le Major Dieter Hrabak, l’un des grands anecdotique, tant les Experten sont impuissants à
meneurs d’hommes de la chasse allemande, qui a large- retourner le sort des armes en faveur de la Wehrmacht.
ment fait ses preuves au II./JG 54. Pendant ce temps, le
Geschwaderstab et le II. Gruppe sont installés à Maïkop [8] Ces dernières années, le nombre de victoires de
pour protéger à la fois les puits de pétrole de la ville Hartmann a donné lieu à des controverses enflammées.
et l’avance des armées germano-roumaines dans le S’il est à peu près certain que son palmarès, comme celui
d’autres pilotes, a été artificiellement gonflé, il n’en reste
Caucase [9], tandis que le I. Gruppe opère depuis Stary pas moins que, même si on le divise par quatre – ce qui
q Deux Bf 109 G-2
Oskol (oblast de Belgorod) sous les ordres du Luftwaffe du I./JG 52, avec, au semblerait néanmoins très exagéré –, il reste encore
Kommando Don. premier plan, celui du supérieur à celui des plus grands as alliés et même à
C’est à Stalingrad que se joue le sort de la campagne à Gruppen Adjutant du Stab, celui de Richthofen, référence absolue en Allemagne.
reconnaissable au chevron
l’Est de 1942 et la bataille est fort mal engagée pour les précédant la Balkenkreuz. [9] Voir à ce sujet Aéro-Journal n° 21 (avril 2011).
Allemands. Après s’être embourbée dans une Rattenkrieg (EN-Archives)
43
t Autre composante
de la JG 52 créée par
incorporation de volontaires
originaires d'un pays allié
de Berlin, la 13.(slow.)
Staffel dont on voit ici un
Messerschmitt Bf 109 G-6.
Les performances des
pilotes slovaques de cette
escadrille, bien qu'arrivés
plus tard sur le front de
l'Est, sont supérieures
que celles de leurs
homologues croates, avec
216 victoires contre 160.
(EN-Archives)
x Ce Messerschmitt
Bf 109 G-2/R6 - Rüstsatz
à deux canons MG 151/20
de 20 mm en gondole,
s'apprête à décoller d'un
terrain qui pourrait être
celui d'Anapa, dans la
tête de pont du Kouban.
(EN-Archives)
Le front est si étendu et les moyens alle- nous en devenions obsédés ; nous étions deve- menacé d’encerclement dans le Caucase.
mands si réduits, que c’est « Ivan », nus très agressifs sans jamais penser à nos À la mi‑janvier 1943, le II./JG 52 est envoyé
désormais, qui a l’initiative. Alfred Grislawski propres pertes. » à Rostov-sur-le‑Don pour protéger le flanc
se rappelle cette période : Au 31 décembre 1942, le Stab en est à 51 vic- droit de la 1. Panzer-Armee, tandis que le
« Pendant la bataille de Stalingrad, Hermann toires (celles de Gordon Gollob étant exclues), III. Gruppe se partage entre Armavir (sur
Graf est parti sur place avec la moitié de la le I. Gruppe à 875, le II. Gruppe à 1 206 et le Kouban) et Nikolaïev (sud de l’Ukraine).
Staffel, tandis que je suis resté sur le front du le III. Gruppe à 2 098, soit un total de 4 230, Quant au I. Gruppe, il s’échappe in extremis
Caucase avec le reste. Nous ne disposions qui fait de la JG 52 la plus prolifique de toutes de Rossoch (oblast de Voronej) au moment
que d’une vingtaine d’avions pour défendre les Jagdgeschwader de la Luftwaffe. Pour où des chars soviétiques pénètrent sur
le secteur de Groznyï, sur la mer Noire. Nos mémoire, la 13.(slow.) compte 3 succès et son terrain pour aller se poser à Urasovo
contacts avec les autres unités étaient rares, la 15.(kroat.) 160. (oblast de Belgorod). Malheureusement,
parce qu’il était trop dangereux de parquer trop à peine arrivés sur place, les hommes de
d’appareils sur un même terrain. Le JG 52 a Bennemann sont rapidement encerclés par
remporté le plus grand nombre de victoires, BATAILLES DU KOUBAN un régiment de cavalerie et pris sous le feu
parce que nous agissions comme une sorte de
“brigade de pompiers” affectée aux points les
ET DE KOURSK des mortiers ennemis ! Le 20 janvier, les
pilotes décollent avec chacun un mécano
plus chauds du front : le chaudron d’Ouman, La chute de Stalingrad entraîne un repli pré- tassé dans l’arrière du fuselage en direction
Kharkov, Touapse, Feodosia, la Crimée… en cipité des unités de la Luftwaffe vers l’ouest. de Stary Oskol ; le reste du personnel au sol
fait, partout où les Russes se présentaient en Toutefois, un nouveau danger se fait jour : regagnera les lignes allemandes après une
nombre. De ce fait, les occasions de détruire le verrou sur la Volga ayant sauté, c’est marche de 120 km dans la neige par ‑25°C.
des avions russes étaient si nombreuses que maintenant tout le Heeresgruppe A qui est Le 25 janvier, le I./JG 52 s’installe à Kharkov,
44
JG 52
ville abandonnée le 16 février, puis reprise un mois plus tard par le du I. Gruppe par intérim, s’offre une douzaine de victimes à lui seul,
SS-Panzer-Korps ; il combattra dans ce secteur jusqu’à la mi‑mai. talonné par l’Oberleutnant Walter Krupinski de la 7. Staffel avec 11
Le 24 mars, Steinhoff, appelé à prendre le commandement de la victoires qui lui permettent d’atteindre le total de 90. Hartmann se
JG 77, est remplacé par le Hauptmann Helmut Kühle à la tête du contente d’un « modeste » quadruplé, mais il ajoute 14 succès les
I./JG 52. Pour la Geschwader, la guerre se déplace au sud, et ses trois quatre jours suivants, portant son score à 35. Le 7 juillet, la JG 52
groupes sont fortement impliqués dans les combats qui se déroulent atteint 6 000 victoires, mais le mois de juillet lui coûte pas moins de
depuis le nord de la mer d’Azov jusqu’à la péninsule de Kertch et 29 pilotes, un autre record. Mis en échec par la profondeur du dispo-
la tête du pont du Kouban. Entre la mi‑avril et la mi‑mai, les I. et sitif de l’Armée rouge et confronté simultanément au débarquement
II. Gruppen ainsi que la 13.(slow.) Staffel s’installent à Anapa, sur allié en Sicile qui l’oblige à envoyer des renforts en Italie, Hitler met
la rive de la mer Noire, tandis que le III. Gruppe est basé à Taman, un terme à « Zitadelle » le 13 juillet. Les Allemands l’ignorent, mais
à l’extrême pointe Ouest du Kouban. Durant cette campagne, la la Wehrmacht a alors définitivement perdu l’initiative à l’Est. Entre
montée en puissance des VVS engendre des pertes importantes cette date et début septembre, les I. et III./JG 52 déménagent huit
dans les rangs de l’escadre, avec 23 pilotes tués ou disparus et 14 fois, preuve d’une totale instabilité du front, et échouent à Anapa,
blessés entre avril et juin ! Et pas des moindres, puisque la JG 52 où ils rejoignent le II./JG 52 pour le premier et à Varvarovka (au nord
perd quatre Staffelkapitäne tués (Rudolf Miethig de la de Donetsk, Ukraine) pour le second.
3. Staffel, Helmut Haberda de la 5., Karl Ritzenberger [10] Un Staffelführer
Quelques changements interviennent au sein des états-ma-
de la 6., et Ernst Ehrenberg de la 9.) et même, mais est un pilote désigné à jors : le 5 juillet, Hubertus von Bonin, promu Kommodore
de manière temporaire, le Kommandeur du I. Gruppe, l’échelon du Gruppe ou de la JG 54, cède le commandement du III. Gruppe au
Helmut Bennemann, grièvement blessé dans l’explo- de la Geschwader pour Hauptmann Günther Rall, et, le 31 août, le Hauptmann
conduire une escadrille
sion d’une bombe incendiaire ; il est suppléé par le Gerhard Barkhorn prend les rênes du II. Gruppe. De son
au combat, généralement
Hauptmann Johannes Wiese. Toutefois, les Experten en l’absence de côté, le Kommodore, Dieter Hrabak, franchit la barre des
réussissent encore à reprendre le dessus, notamment Staffelkapitän, mais 100 victoires le 2 août. Le 20 août, « Bubi » Hartmann
le 26 mai, quand 43 victoires sont homologuées à sa position n’est a très chaud : en descendant sa 90e victime, un Il‑2,
pas officiellement
l’escadre (dont 5 au Leutnant Berthold Korts, la nou- reconnue par le RLM.
il est atteint par des morceaux enflammés et doit se
velle étoile montante de la 9. Staffel, qui en a pris le poser d’urgence sur le ventre… dans les lignes ennemies.
commandement le 10 mai, après la mort du Hauptmann
Ernst Ehrenberg, qui avait lui‑même succédé à Hermann
Graf) ; les Slovaques revendiquent 6 victoires, dont
2 attribuées à leur futur as, l’Unteroffizier Jan Reznak.
Quant au jeune Erich Hartmann, promu Leutnant le
31 mars et Staffelführer [10] de la 7./JG 52 début mai,
il engrange de l’expérience et enrichit peu à peu son
palmarès : le 23 mai, il revendique son 17e succès.
Toutefois, un atterrissage forcé consécutif à une col-
lision en vol avec un LaGG‑3, deux jours plus tard, le
contraint à passer un mois et demi en convalescence.
Début juillet, l’opération « Zitadelle » contre le sail-
lant de Koursk étant imminente, le I./JG 52 remonte à
Besonovka (entre Kharkov et Belgorod) et le III./JG 52
à Kharkov-Rogan. Le 5 juillet, l’offensive allemande
débute. La Luftwaffe interdit le ciel aux Chtourmovik
pour faciliter l’avance des Panzer et frappe un « grand
coup » : elle revendique 432 victoires aériennes ! C’est le
record absolu pour une seule journée de combat toutes
périodes confondues. Johannes Wiese, le commandant
45
Jan Gerthofer (27), qui ont tous trois reçu la Croix de
fer de 1re classe. Il est à noter, toutefois, que le second
contingent, arrivé au front en juin 1943, n’a pas eu la
valeur technique ni morale du premier : le Major Andres
Dumbala, qui a commandé cette unité de bout en bout,
a reçu en renfort des pilotes peu motivés, dont trois ont
même déserté.
Concernant le I./JG 52, le Major Johannes Wiese
succède définitivement à Helmut Bennemann comme
Kommandeur le 13 novembre. La fin novembre est
propice aux Experten de l’escadre. Le 28, Günther
Rall devient le second pilote de la Luftwaffe à compter
250 victoires ; le 30 novembre, Gerhard Barkhorn entre
dans le cercle des « bicentenaires » ; et le 13 décembre,
Erich Hartmann atteint les 150. Le 4 décembre, la JG 52
revendique son 8 000e succès et figure largement en tête
du palmarès des Jagdgeschwader.
46
JG 52
47
La première fois, il est revenu avec 6 victoires : il en
compte maintenant 296. Plus que quatre ! Au sol, on
attend impatiemment le retour de « Bubi », comme
le raconte son fidèle mécano, l’Unteroffizier Heinz
« Bimmel » Mertens :
« Le cuisinier s’activait avec ardeur. Comme tout bon
cuisinier militaire, il préparait un gros gâteau au chocolat
sur lequel il allait écrire à la crème “Félicitations pour
la 300e”. Un autre se promenait dans le potager pour
cueillir ça et là ce dont il avait besoin pour confectionner
une couronne pour l’Oberleutnant, feuilles de mélèze,
marguerites… ; il était pressé, le chef venait de décoller
une seconde fois. Il ne lui manquait que quatre victoires.
Les mécaniciens attendaient aussi en transpirant. Le
grand bouclier n’était pas encore prêt. Six hommes
s’étaient échinés à y écrire un texte, jusqu’à ce qu’ils
acceptent de laisser faire le peintre, qui savait mieux
que quiconque placer les mots sans déborder du cadre.
Pendant ce temps, un personnel enthousiaste s’était
déjà massé pour fêter l’événement. À bout de souffle,
l’homme à la couronne avait trébuché au milieu du
champ de patates. Celle‑ci ne serait pas tout à fait ronde,
un détail que l’Oberleutnant serait le dernier à remarquer.
Un chariot est arrivé avec une caisse de bouteilles dont p L’Oberstleutnant Dieter à Jürgenfelde. Mais avec sa trentaine de Bf 109,
le goulot dépassait d’un coussin de fleurs de toutes Hrabak vient féliciter il éprouve de grosses difficultés face aux VVS et revient
le Hauptmann Adolf
les couleurs. Une vingtaine d’appareils photo et une Borchers, Kommandeur un mois plus tard en Pologne. Avant la fin de l’année,
caméra étaient prêts à immortaliser cet événement sans du I./JG 52, qui, en trois Ritterkreuzträger disparaissent au combat (Hans-
abattant sa 118e victime,
précédent dans l’histoire de l’aviation. Tout était prêt, a remporté la 10 000e
Joachim Birkner, 117 victoires, tué ; Heinrich Sturm,
l’Oberleutnant Hartmann n’avait plus qu’à arriver… » victoire de la Geschwader, 158 victoires, tué ; Friedrich Obleser, 120 victoires,
Et il arrive ! Or, il ne fait pas quatre, mais cinq passages le 2 septembre 1944. gravement blessé), un luxe que la JG 52 ni même la
(Coll. H. Obert)
à basse altitude au‑dessus de la piste. Non seulement Luftwaffe ne peuvent guère se permettre par les temps
Hartmann a remporté sa 300e victoire, mais il en a ajouté qui courent.
une de mieux (un Pe-2) ! Le lendemain, il est convoqué { Ce Bf 109 G-10 a été
à la « Tanière du loup » pour y recevoir les Diamants mis à l’abri de l'Armée
LA FIN
rouge par l’un des pilotes
des mains du Führer. Signe des temps, l’as n’est pas du II./JG 52 qui se sont
interdit de vol, comme tous ses prédécesseurs ayant réfugiés à Neubiberg en
zone américaine, le 8 mai
joué un rôle de pionnier en matière de palmarès, mais 1945. En pure perte, car, Le 5 janvier 1945, Gerhard Barkhorn, qui a réintégré
seulement renvoyé dans ses foyers pour deux mois. en vertu des accords entre l’unité avec une prothèse trois mois plus tôt, est le
Le 2 septembre, le Hauptmann Adolf Borchers, qui les Alliés, la plupart d’entre deuxième et dernier pilote allemand à atteindre les
eux seront remis aux
commande le I. Gruppe depuis le 11 juin, remporte la Soviétiques. On note les 300 victoires. La cérémonie sera à l’image du pilote :
10 000e victoire de la JG 52 (sa 118e personnelle) ! Ces 7 victoires sur la dérive. très modeste. Pourtant, l’as ne recevra jamais les
(Coll. J. V. Crow)
succès de prestige ne parviennent plus à cacher la tour- Diamants… Dix jours plus tard, Barkhorn est muté
nure catastrophique des événements de cet été 1944, u Une fierté légitime dans comme Kommodore de la JG 6, ce qui entraîne
l’escadre livrant désormais des combats d’arrière-garde laquelle pointe une gêne les changements suivants au sein de l’escadre : le
aisément perceptible pour
depuis la Pologne (I. et III.) et la Hongrie (II.), coincée cet as d’une modestie louée Hauptmann Wilhelm Batz prend le II./JG 52, abandon-
entre les VVS à l’est et l’USAAF à l’ouest et au sud. par tous ses camarades : nant le III./JG 2 à Adolf Borchers, dont le poste de
Le 1er octobre, Dieter Hrabak rejoint la JG 54 et passe et pourtant, ce cliché, pris Kommandeur du I./JG 52 est confié à Erich Hartmann.
le 17 avril 1945, montre
la main à l’Oberstleutnant Hermann Graf, de retour Hartmann – qui n’a pas À cette époque, la fin est proche car l’Armée rouge
d’une convalescence de six mois. C’est aussi le jour encore 23 ans ! – au pied de enclenche l’offensive finale. Or, Graf n’a plus que 75
son Messerschmitt recevant
où Hartmann quitte la « Karaya Staffel » pour prendre les félicitations pour sa 350e
chasseurs à sa disposition, et la pénurie de carburant les
le commandement de la 4. Staffel. victoire (un Yak-9). L’as des cloue souvent au sol, alors même que les effectifs des
En ce début de mois d’octobre, l’Armée rouge pénètre as n’a jamais été abattu et a « hommes en noir » (mécanos) diminuent à mesure des
été envoyé au sol à chaque
en Prusse-Orientale, premier territoire du Reich envahi fois uniquement du fait des besoins en fantassins de la Heer ! Sans parler de l’arrivée
par les Soviétiques, si bien que le III./JG 52 est envoyé débris de ses victimes. (DR) des nouveaux pilotes à peine formés, véritables chair
48
JG 52
à canon pour les Lavochkine et les Yakovlev. Dans ces conditions, l’abri en Autriche, le 1er avril. Vingt jours plus tard, son Kommandeur,
le rendement et l’efficacité des escadrilles de la JG 52 décroissent Wilhelm Batz, ajoute les Glaives à sa Ritterkreuz. Et pour cause :
d’une manière très sensible, d’autant que ses Staffeln sont étirées il en est à 237 victoires. Les autres groupes trouvent refuge en
sur toute l’étendue du front. Tandis que le II. Gruppe est toujours Tchécoslovaquie. Dans le ciel de ce qui est encore pour quelques
en Hongrie (Vezprem), les deux autres et le Stab se trouvent dans jours un protectorat nazi, Hartmann poursuit sa moisson. Le 17 avril,
la région de Breslau, l’un des objectifs principaux des Soviétiques. il atteint les 350 victoires.
Le II. Gruppe quitte la Hongrie, devenue intenable, pour se mettre à Le 8 mai, les I. et III./JG 52 s’installent à Nemecky Brod (Deutsch-
Brod), à 60 km au sud‑est de Prague, et le II. à Zeltweg (Autriche),
d’où plusieurs pilotes gagneront Neubiberg, en zone occidentale, dans
les premières heures de la journée, afin d’échapper à l’Armée rouge.
En cours de matinée, lors d’une ultime reconnaissance dans la région
de Brno, Erich Hartmann s’offre sa 352e et dernière victime, un Yak‑9.
L’as des as revient se poser à Deutsch-Brod, où Graf, choisissant de
rester avec ses hommes, a refusé d’obéir aux ordres du General der
Flieger Hans Seidemann, commandant le Luftwaffenkommando VIII,
l’enjoignant de s’enfuir avec Hartmann à Dortmund pour se mettre
à l’abri de la vindicte des Soviétiques. C’est ainsi que les Stab, I. et
III./JG 52 détruisent tous leurs avions à Deutsch-Brod et forment
une colonne de près de 2 000 soldats et civils qui prend la route en
direction des lignes américaines. Ce Sturmregiment Graf franchit
la frontière à Pisek dans la soirée et se rend à la 90th US Infantry
Division. Cependant, le 24 mai, en vertu d’un accord tacite entre
Moscou et Washington, les Américains livrent tous les captifs de la
JG 52 en leur possession à Staline.
Jugé pour « crimes de guerre » et « sabotage de l’industrie aéronau-
tique soviétique », Hartmann sera condamné à 25 ans de travaux
forcés ; envoyé dans un camp en Oural, il écopera de 25 ans de
plus comme meneur de grève. En octobre 1955, il sera finalement
remis en liberté et rejoindra l’année suivante la Bundesluftwaffe nais-
sante. Quant à Hermann Graf, son séjour en captivité donnera lieu
à de vives controverses, ses anciens camarades l’accusant d’avoir
collaboré avec les Soviétiques. Rejeté de l’association des anciens
aviateurs allemands à son retour en 1950, il s’installera dans son
Bade-Württenberg d’origine comme représentant d’une maison de
matériel électrique.
Ayant revendiqué à elle seule près d’un quart des avions que les VVS
ont admis avoir perdu durant la Grande guerre patriotique, la JG 52
a été cité quatre fois au Wehrmachtbericht, a produit deux des plus
grands as de l’aviation, titulaires chacun de plus de 300 victoires
(Hartmann et Barkhorn), en compte trois autres ayant franchi la
barre des 200 (Rall, Batz et Graf), et a donné à la Luftwaffe deux
récipiendaires des Diamants de la Ritterkreuz, un palmarès unique
dans toute l’histoire de l’aviation.
49
INNOVATIONS
1945
1975
NUL N'EST
PROPHÈTE...
Q
uand on a peu de moyens il convient d’avoir des idées et le sens de l’anticipation.
C’est ainsi que quelques ingénieurs britanniques et officiers de la Royal Navy vont,
après-guerre et dans court laps de temps, imaginer puis prouver l’efficacité de trois
développements essentiels qui aujourd’hui encore font du porte-avions un outil de
projection de puissance incomparable. Mais comme souvent les précurseurs de ces outils nouveaux
n’en seront pas les premiers utilisateurs.
D
urant l’hiver 1944-45, un comité composé d’officiers Farnborough pour tenter d’apporter les réponses techniques à ces
supérieurs de la Royal Navy, commence à réfléchir à nouveaux défis. En avril 1945, la Catapult Section du RAE devient le
l’utilisation des premiers avions à réaction sur porte- Naval Aircraft Department sous la direction d’un ingénieur civil, Lewis
avions et aux éventuelles modifications à apporter aux Boddington. Son équipe composée d’ingénieurs civils et militaires ainsi
bâtiments. Plusieurs problèmes apparaissent. que de pilotes est chargée de s’attaquer à ces problèmes.
• Ces appareils se posent à des vitesses supérieures à ce Dès la fin de l’été 1945, les installations nécessaires à la mise en
qui est connu à l’époque : compte-tenu de la faible poussée et du temps œuvre des avions à réaction dans de bonnes conditions de sécurité
de réponse très long des premiers turbo-réacteurs, l’appontage devra et qui caractérisent encore aujourd’hui les porte-avions modernes sont
se faire avec beaucoup de gaz sans guère de réserve de puissance. identifiées. Il faudra attendre 10 ans pour les voir mises en place
• Pour les mêmes raisons les avions à réaction, plus lourds, nécessitent ensemble sur l’USS Forrestal.
des catapultes plus puissantes que les installations hydrauliques alors
en service.
• Leur consommation de carburant est beaucoup plus élevée que les INNOVER OU ADAPTER ?
appareils à hélice. Il faut trouver tous les moyens indirects d’accroître
leur autonomie. Au sein de l’US Navy le Vice Admiral Marc A. Mitscher, patron de
Tout est à redéfinir, les vitesses d’approche, les angles de descente, la Fast Carriers Force de la Pacific Fleet, recommande au début de
les procédures et circuits d’appontage... Le comité se tourne vers l’année 1945 la création d’un organe de réflexion sur l’évolution des
les équipes civiles et militaires du Royal Aircraft Establishment de porte-avions à la lumière des enseignements de la guerre du Pacifique.
50
...
Nul n'est prophète
... en son pays
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De plus, fin juin, Boddington et ses collègues ont d’ores
et déjà imaginé deux solutions aux problèmes identifiés
l’hiver précédent : une nouvelle forme de piste d’appon-
tage permettant de freiner rapidement les appareils et
un système optique permettant un guidage plus précis
lors des approches.
Les avions n’utilisent pas un train d’atterrissage clas-
sique mais des chariots largables (cette idée sera mise
en œuvre plus tard sur le prototype français Baroudeur).
Catapultés sur un tel chariot, ils appontent et se posent
sur le ventre sur un matelas composé de boudins cylin-
driques (des tronçons de lances à incendie) gonflés
disposés transversalement sur le pont d’envol. Par des-
sus on dispose un revêtement souple sur lequel glisse
l’avion après avoir engagé un brin d’arrêt. Une piste
en béton de 60 mètres de long recouverte de modules
gonflables est ainsi réalisée sur le site de Farnborough.
Le Rear Admiral Matthew S. Slattery, chef du Naval
Reaserch Department estime, dès avril, que le flexdeck
représente une bonne solution pour dégrossir la question
de l’appontage des jets sur porte-avions [1]. De surcroît,
les premiers essais en grandeur réelle confirment que
les appareils à turbo-réacteur ont besoin de beaucoup
plus de vitesse ou de vent relatif que les appareils Moment historique le telle méthode ? Brown se déclarera étonné que les
3 décembre 1945, Eric «
alors en service pour décoller et apponter ; enfin, dans Winckle » Brown apponte le
Américains ne suivent pas les Britanniques dans cette
certaines configurations, ils ne peuvent plus utiliser les De Haviland Sea Vampire voie alors que des spécialistes du BuAer ont observé
installations existantes sur les porte-avions britanniques. Mk.10 LZ551/G sur le porte- de près les travaux entrepris à Farnborough. Ce qu’il
avions HMS Ocean. La
Les tests menés à Farnborough à partir de mars 1947 très faible garde au sol des ignore, c’est que le patron du BuAer, le Rear Admiral
avec des planeurs Hostpur réformés montrent que les volets semble difficilement Alfred M. Pride (un ancien de la « bande à Moffett » [2]
boudins bougent beaucoup lors des prises de contact de compatible avec les qui en 1921 à Hampton Roads participa en qualité
contraintes de l’appontage.
l’avion et que l’usure du revêtement, le rubber deck, est (Bonhams/BNPS) d’ingénieur aux travaux de mise au point des brins
très rapide. Néanmoins, ces préliminaires aboutissent au d’arrêt et des premières catapultes) est farouchement
premier essai grandeur nature le 29 décembre 1947. Le [1] En 1926, ce opposé à ce concept, jugé exotique et peu opérationnel.
pilote est Eric Brown, une légende de la Fleet Air Arm, dernier était un des Finalement, des deux côtés de l’Atlantique [3] on écarte
promoteurs des porte-
qui est le premier pilote au monde à apponter un jet (du avions d’escorte.
cette solution qui, outre des questions de fiabilité, pose
modèle Vampire) sur le porte-avion HMS Ocean le 3 d’insurmontables problèmes de manutention des avions
décembre 1945. Mais le 29 décembre 1947, il manque [2] Le Rear Admiral privés de trains d’atterrissage.
de se tuer sur la piste expérimentale de Farnborough. William A. Moffett fut le Alors que la Royal Navy travaille sur des moyens per-
premier chef du BuAer
Le pilote n’est pas échaudé par cet échec : en 1948, en 1921 qu’il contribuera mettant de faire opérer des jets depuis un porte-avions,
Brown enchaîne alors une quarantaine d’appontages. à créer. Il sera à la tête l’US Navy se focalise sur l’emport de l’arme nucléaire
Le 3 novembre de la même année, il apponte un Sea d’une petite équipe stratégique par l’aviation embarquée. C’est ainsi que
d’officiers visionnaires
Vampire sur le flexdeck du porte-avions HMS Warrior. nait le North American AJ-1 Savage. Les Américains
ou enthousiastes à
Dans ses comptes-rendus, Brown souligne que le pro- l’origine de la naissance ont une stratégie en trois temps :
cédé lui parait mature et peut constituer un bon moyen et du développement de • Concevoir un bombardier embarqué capable de
palliatif en cas de non résolution des problèmes sur les l’aéronavale américaine. concurrencer les B-29 dans l’emploi de l’arme nucléaire:
trains d’atterrissage classiques. [3] 23 essais sont
le Savage et ensuite lui donner un successeur propulsé
Cet épisode du flexdeck peut paraître étrange mais à réalisés à Patuxent par réacteurs (le futur Skywarrior).
l’époque, compte-tenu des performances des avions River sur un revêtement • Modifier les trois Midway pour l’accueil des bombar-
à réaction, apponter sur un porte-avions avec un tel conçu par Firestone diers bimoteurs.
Tire and Rubber co.
appareil relève de l’exploit. De plus, les pilotes n’ont • Imaginer un nouveau porte-avions encore plus grand
pas tous le même niveau d’expertise que Brown. Dès [4] Appontage loupé où capable de mettre en œuvre le Skywarrior.
lors, on recherche le moyen le plus « sûr » pour cette l’appareil ne parvient Dans sa lutte pour le maintien de son aéronavale dans
problématique, à savoir qu’un autre problème se pro- pas à accrocher un l’immédiat après-guerre, l’enjeu pour l’US Navy est consi-
dispositif d’arrêt.
file… quelle est l’efficacité opérationnelle réelle d’une dérable. Elle doit prouver qu’elle peut égaler l’USAF et
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Nul n'est prophète
... en son pays
dès le début des années 1950, les premiers tests de mise en œuvre - notamment en cas de non prise de brins - est de le faire se poser sur
des P2V-3C Neptune débutent sur les Midway. une piste disposant d’une angulation de quelques degrés sur bâbord.
En cas de « bolter [4] » l’avion, plein gaz, peut décoller et entamer
un nouveau circuit sans venir heurter ceux garés sur l’avant. En effet
... POUR MIEUX SE RETROUVER compte-tenu de la masse et de la vitesse des appareils en question
les systèmes de barrières d’arrêts utilisés alors sont insuffisants pour
Les impasses auxquelles mène le flexdeck obligent les Britanniques à garantir leur arrêt en cas d’urgence.
changer leur fusil d’épaule. Ils le font très rapidement et avec beaucoup Dans le même temps aux États-Unis, le Rear Admiral Pride demande
d’opportunisme. Le 7 août 1951 se tient une conférence à l’initiative au Naval Air Test Center de Patuxent River d’étudier le meilleur moyen
du Captain Campbell : les Britanniques remettent à plat les travaux de faire opérer un jet sur porte-avions. Les Américains reprennent l’idée
menés depuis 1947 en vue de trouver une solution efficace pour faire de la piste oblique envisagée de manière confidentielle vingt ans plus
apponter les jets, et Boddington participe à cette conférence. Les pre- tôt pour le projet mort-né de croiseur porte-avions cher à Moffett.
mières réflexions aboutissent à l’idée que le meilleur moyen de faire Cependant, un mois après la conférence du 7 août 1951,
apponter un appareil à réaction en garantissant une sécurité maximale Campbell évoque la piste oblique devant une délégation américaine.
53
À l’époque les contacts entre les deux services sont
très suivis et en novembre 1948 les Américains ont
communiqué aux Britanniques la liasse de plans com-
plète du Midway et le plan de pont (à piste axiale mais
avec des ascenseurs latéraux) de l’United States. Un
mois plus tard les Américains annoncent le projet de
modification du pont du Midway en vue des premiers
essais. Ils optent d’emblée pour un angle de 8° contre
4° chez les Britanniques. Outre le fait que cet angle
supérieur nécessite des travaux de structure plus impor-
tants, il permet d’augmenter dans de fortes proportions
la surface de parking sur le pont d’envol. Or bien plus
que les Britanniques, les Américains pratiquent le deck
parking sur leurs porte-avions et ce depuis les années
20. Une piste oblique est dessinée sur le Midway au
printemps 1952 pour les premiers essais. En janvier
1953 des tests à la mer sont menés à Gantanamo par le
Carrier Air Group 8 embarqué sur l’Antietam, le premier
porte-avions modifié pour recevoir une piste oblique
grâce à l’adjonction d’un petit sponçon sur bâbord. Pour
le Lieutenant Commander Harold Buell (commandant
de la VF-84) les tests sont particulièrement concluants.
Les essais de la piste oblique sont concomitants avec
l’apparition de la seconde innovation majeure de cette
époque, la catapulte à vapeur.
Avec la mise en service programmée du Savage le p Des F9F-6 Cougar de la VF-103 survolent l’USS Coral Sea (3ème porte-avions
BuAer estime qu’il devient nécessaire de dépasser les de la classe Midway) en 1954. Le Cougar fut utilisé pour les essais du flexdeck à
Patuxent River. Les Flying Cougars voleront sur Crusader en 1957 et reprendront
limites des catapultes hydrauliques alors en service. En leur nom d’origine The Sluggers, depuis 1995 le «Fighting 103» a repris les
janvier 1949 le Rear Admiral Pride arrive à la conclusion traditions d’une des plus célèbres flottilles de l’US Navy, les Jolly Rogers.
que le système de remplacement pourrait être celui q Un Douglas F4D-1 Skyray en dotation au Naval Air Test Center de Patuxent River en avril 1956
utilisant les gaz en expansion résultant de la détonation sur l’USS Forrestal. L’avion est sur le point d’être mis en service et le porte-avions vient à peine de
l’être. La Navy vit alors la révolution du supersonique et bientôt arriveront les missiles. Les nouvelles
d’une charge explosive. Ce système rencontre des pro- configurations des porte-avions facilitent la mise en œuvre de ces avions encore sous-motorisés.
blèmes techniques mis en lumière lors d’une campagne
d’essais s’étant déroulée à l’été 1949. La gestion de
l’expansion des gaz le long d’un cylindre de plusieurs
dizaines de mètres ne va pas sans poser des problèmes
de progressivité de la poussée. Cette dernière, très
violente et justement peu progressive, génère de fortes
contraintes sur les cellules des appareils catapultés,
sans parler de la sécurité liée à la manipulation et au
stockage des charges. Il faut trouver un système à la
fois puissant et fiable capable de fonctionner sur un
rythme rapide et une longue durée. Les Américains
savent à l’époque que la Royal Navy travaille sur les
catapultes à vapeur. Ces travaux sont dirigés par un
réserviste de la Royal Navy, le Commander Colin C.
Mitchell. En 1951, le porte-avions HMS Perseus en
est équipé, les résultats correspondent aux attentes: la
catapulte est plus puissante mais aussi plus souple car
la pression de la vapeur dans les cylindres est réglable
et de plus çà marche bien. À l’initiative de l’attaché
naval (Air) américain à Londres le Rear Admiral Apollo
Soucek, le HMS Perseus fait une démonstration à l’arse-
nal de Philadelphie en janvier 1952. Les deux marines
n’utilisent pas les mêmes pressions de vapeur dans
leurs appareils évaporatoires : les Britanniques ont des
circuits limités à 350 psi (livres par pied carré) quand les au point un système optique de guidage des avions vers
Américains utilisent des pressions de 600. Après des la piste oblique. Le principe est d’utiliser une source
réticences, ces derniers admettent que le système bri- lumineuse réfléchie par un miroir stabilisé pour don-
tannique peut s’adapter sans problème sur leurs porte- ner au pilote un angle de descente constant de 3°.
avions. En 1953 la piste oblique devient opérationnelle En mars 1952 les équipes de Farnborough qui ont
et deux ans plus tard l’USS Forrestal commence ses auparavant travaillé sur un système de guidage radar
essais à la mer avec 4 catapultes à vapeur. mettent au point un prototype qui est installé sur l’HMS
Dans le même temps les Britanniques, toujours sous la Illustrious en octobre. Donald Eugen, pilote de l’US
houlette de Campbell, poursuivent leurs travaux sur la Navy alors en échange à l’Empire Test Pilots School de
[5] Littéralement « boule
conception d’un système optique d’aide à l’appontage. Farnborough, est le premier pilote au monde à apponter
de viande ».
La problématique demeure la même : faire apponter avec à l’aide de la « meetball [5] ». Véritablement conquis,
un maximum de sécurité des avions peu réactifs aux [6] « Short Takeoff and Eugen fait un rapport très favorable au Chief of Naval
gaz dont les pilotes ne sont pas tous expérimentés… Landing », appareils Operations et au Naval Tactical Air Center. Dès l’été
à décollage et à
Durant l’été 1951, le Lieutenant Commander Hillary atterrissage court.
1955, l’USS Bennington est équipé d’un prototype de
Goodhart (qui travaille dans l’équipe de Campbell) met miroir d’appontage.
54
...
Nul n'est prophète
... en son pays
MISE EN PERSPECTIVE
On peut se demander pourquoi ces trois
innovations furent développées en Grande-
Bretagne alors que c’est aux États-Unis que
sont accomplis les plus grands progrès en
matière d’aéronavale au cours des années
30 et 40. Une partie de la réponse se trouve
sûrement dans le fait que certains officiers
supérieurs de la Royal Navy instruits par la
situation problématique de la Fleet Air Arm
en 1939 entament dès l’hiver 44/45 une
réflexion complète et sans tabous sur les
apports à l’aviation militaire de la propulsion
par turbo-réacteur et de son usage sur porte-
avions, chose que ne fait pas l’US Navy. En
effet, la Marine américaine a de nombreuses
préoccupations à la fin des années 40 :
• démontrer que les porte-avions, les rois de
la guerre du Pacifique, peuvent servir eux
aussi à la projection de l’arme nucléaire à
l’image des B-29 de l’USAF.
• assurer la survie de l’aéronavale et la péren-
nité de la Marine dans une guerre interser-
vices particulièrement âpre en période de
restrictions budgétaires dans l’immédiat
après-guerre.
• préparer l’ère des missiles et de la propulsion
nucléaire.
Les chefs de l’US Navy sont détournés des
recherches sur lesquelles se concentrent les
Britanniques par des préoccupations d’ordre
stratégique. Compte-tenu du nombre de porte-
avions d’escadre disponible (24 Essex et 3
Midway tous âgés de moins de 10 ans) ils
songent avant tout à adapter l’outil existant
sans envisager les ruptures technologiques
sur lesquelles travaillent leurs alliés. Ainsi
par exemple, les Américains s’investissent
beaucoup dans la mise au point d’une barrière
susceptible de supporter la masse d’un appa-
reil à réaction sans se départir du choix de la
piste axiale. En effet, les « cousins » auront
beaucoup plus de mal que les Britanniques à
remettre en cause ou à faire évoluer des choix
techniques rodés qui ont fait leurs preuves
dans le Pacifique. Les Britanniques, de leur
côté, n’ont pas ce problème. En 1945, équi-
pés d’avions américains et conscients de la
faiblesse de conception de leur porte-avions,
ils partent quasiment d’une feuille blanche. les trois améliorations sur un même bâtiment, Ci-dessus : L’USS Forrestal en achèvement à flot
Cette rigidité américaine se retrouve dans le l’USS Forrestal. Si les USS Forrestal et l’USS en décembre 1954. Les fosses des catapultes de 75
mètres et les emplacements des quatre ascenseurs
choix de la catapulte à vapeur. Il faudra la Saratoga sont conçus initialement avec un sont bien visibles. Avec les quatre Forrestal ainsi que
démonstration du HMS Perseus, la détermi- pont d’envol droit comme des porte-avions les trois Midway et les Essex modernisés, l’US Navy
dispose fin des années 1950 d’une flotte homogène
nation de Soucek et aussi le départ de Pride classiques extrapolés des Midway, ils sont de porte-avions capables d’opérer les chasseurs à
du BuAer en 1952, pour faire admettre la modifiés sur cale et disposent d’une piste réaction de deuxième génération comme le Crusader.
supériorité de la solution britannique. À une oblique orientée à 8°, de quatre ascenseurs
époque où l’arme nucléaire est susceptible de latéraux, de quatre catapultes à vapeur de
supplanter toutes les autres, les amiraux amé- 75 mètres (les C-11 dérivées de la BXS-1 endroit, au bon moment : Boddington,
ricains et les bureaux techniques ne réalisent britannique) et d’un miroir d’appontage et ce Campbell, Brown, Goodhart et Mitchell. Ces
pas aussi rapidement que leurs homologues bien avant l’HMS Ark Royal. hommes ne s’embarrassent pas de considé-
britanniques que l’apparition des avions à rations oiseuses ; dès qu’une option révèle
réaction va révolutionner le design et l’utili- ses limites, elle est écartée en suivant une
sation opérationnelle des porte-avions. Mais, à CONCLUSION seule logique : « trouver quelque chose qui
partir de 1950, les missions de frappes air-sol doit fonctionner ».
menées par l’aéronavale durant la guerre de Lorsqu’il sort de l’arsenal de Newport News Autre ironie de l’histoire, depuis 1975 la
Corée constituent un révélateur aux consé- en octobre 1955, l’USS Forrestal doit ses Grande-Bretagne a fait le choix des porte-aé-
quences capitales. Disposant de moyens innovations principalement aux ingénieurs ronefs et des appareils STOL [6] abandon-
financiers incomparablement plus importants de Farnborough. Pied de nez de l’histoire, nant le concept de porte-avions classique
que leurs alliés les Américains seront alors les durant cette période ce sont les Britanniques que ses ingénieurs avaient tant contribué
premiers à mettre en œuvre simultanément qui disposent des bons individus, au bon à faire évoluer.
55
CAMPAGNE
1919
COCARDE
contre étoile rouge
L’aéronautique militaire contre les bolcheviques
Profils couleurs : David Méchin par David Méchin
P
arvenu au pouvoir le 16 novembre 1917, Georges Clémenceau a la lourde responsabilité
de diriger un pays épuisé par la guerre et dont nombre de ses représentants politiques
plaident pour une paix de compromis avec les Empires centraux. L’inflexible homme
politique, surnommé « Le Tigre » depuis son passage au gouvernement de 1906 à 1909,
va acquérir le nouveau surnom de « père la victoire », en imposant la poursuite de la lutte à une
nation gagnée par le doute, jusqu’à l’armistice du 11 novembre 1918.
Si
cette date marque la fin de la Première Guerre mon- troupes à l’ouest et de manquer de peu d’enfoncer le front français
diale, seuls les soldats présents dans les tranchées au printemps 1918. Il considère les dirigeants bolcheviques comme
courant des Flandres jusqu’à la Suisse pourront rapi- « un gang de bandits », et écrit à leur propos : « La Russie représente
dement retrouver dans leurs foyers. Pour tous ceux le plus gros problème auquel nous ayons à faire face. L’Ours n’est
de l’armée d’Orient, qui a vaincu les troupes germa- pas une menace pour le moment, mais il est gros et fort, et pourra
no-bulgares en Grèce et qui occupe maintenant une nous causer des problèmes dans les années à venir (…) L’idée fixe
vaste portion des Balkans, allant de la Yougoslavie à la Roumanie, des Russes est que le communisme va inonder le monde sous la
il faudra attendre, car un nouvel adversaire émerge des plaines de direction du Kremlin. Par conséquent, dans les années à venir (…) je
Russie : le bolchevisme [1]. pense que le gouvernement soviétique, ayant solidifié ses positions
Clémenceau a des idées bien arrêtées sur les nouveaux occupants à l’intérieur, n’aura plus de limites. Il piétinera les nations faibles. Il
du Kremlin, dont il ne pardonne pas la sortie de la guerre en mars les pillera ; il signera des accords solennels s’ils servent ses objectifs
1918, ce a permis à l’Allemagne de redéployer un grand nombre de – et il les violera délibérément. »
56
Cocarde e
contre étoile roug
C’est ainsi qu’à peine la victoire acquise contre Officiers français de Sébastopol, où des navires de la Marine Nationale
de l’escadrille 590 en
l’Allemagne, avant même la signature de l’armistice, compagnie d’aviateurs
se mutinent, finit d’être évacué le 29.
l’ordre sera donné à l’armée d’orient d’engager la lutte tchèques en 1919. À gauche, C’est dans ce contexte qu’interviennent les pilotes fran-
contre les bolcheviques. Forte de 18 escadrilles, l’avia- le lieutenant Frédéric Stary, çais. Fin 1918, l’aviation d’orient a fondu avec les
pilote d’origine tchèque
tion de l’armée d’orient est une force importante qui breveté en France en 1916 démobilisations, et cinq escadrilles ont dû être dissoutes.
accompagne les unités françaises ; celles-ci avancent et ayant combattu sur le front Avec les quatre escadrilles franco-grecques qui passent
dans les Balkans, que sont en train d’évacuer les troupes français jusqu’en 1918. sous le contrôle du gouvernement hellénique, et trois aux
allemandes, austro-hongroises et bulgares. Dans le même Sauf mention contraire, serbes, il reste six escadrilles à la disposition de l’armée
toutes photos : Coll. B. Kudlička
temps, une nouvelle « ligne de front » se dessine autour d’orient. Deux (les 505 et 509) font partie des troupes
du Danube, en Roumanie, contre la Russie bolchevique, d’occupation à Constantinople, une (508) part en Serbie.
mais aussi la Hongrie, où un gouvernement communiste Trois autres vont être envoyées soutenir l’action des
a pris le pouvoir. troupes du général Berthelot en Ukraine : les 504 (six
Breguet 14 + trois SPAD), 507 (douze SPAD), et 510
(douze Breguet 14). Le gouvernement grec apporte son
ESCARMOUCHES SUR LE DNIESTR soutien avec l’escadrille 534 (six Breguet + trois SPAD)
qui se joint à l’expédition.
Avril – juillet 1919 Le manque de moyens logistiques retarde le départ de
L’intervention décidée par Clémenceau s’exécute en ces escadrilles de Salonique pour Odessa, et ce n’est que
[1] Pour l’instant, le
décembre 1918, avec l’aide des Grecs, qui espèrent le 12 mars 1919, qu’un navire quitte Salonique avec le
gouvernement de Lénine
le soutien français pour l’annexion de territoires turcs. est engagé dans une matériel du parc d’aviation. Après escale à Constantinople
Dans une grande improvisation, la marine française fran- guerre civile l’opposant le 15, le matériel arrive à Odessa le 17, où le débarque-
chit le détroit du Bosphore pour débarquer des troupes aux armées blanches qui ment s’effectue en trois jours. Bien qu’incomplète, la
se forment aux quatre
à Odessa, Sébastopol, Kherson, Kertch et Marioupol. coins de l’ex-empire
504 est déjà sur place ainsi qu’une escadrille polonaise
Le président du conseil a largement sous-estimé l’état des Tsars. formée par les français, plus trois escadrilles d’avions
de démoralisation des divisions françaises, pressées de des armées blanches et une composée d’hydravions.
rentrer chez elles et peu motivées à l’idée de repartir en Un premier SPAD XIII est remonté le 1er avril 1919 et
guerre. La logistique fait également défaut, les moyens confié aux Grecs de la 534.
de marine marchande manquant pour ravitailler ces Il n’y en n’aura pas d’autres : les bolcheviques avancent
soldats, qui doivent affronter un hiver très froid, et qui vite et l’ordre d’évacuer la ville tombe le 3 avril. Les
trouvent sur place un véritable chaos. Les régiments mécaniciens français remballent et improvisent un convoi
allemands sensés occuper le pays et y maintenir l’ordre vers la gare avec des camions allemands capturés. Mais
se sont volatilisés ; des réfugiés encombrent les villes les cheminots pro-bolcheviques sont en grève et il faut
et les autorités blanches qui doivent les contrôler n’ont se résoudre à regagner le port. L’aviation évacue par
en réalité aucune autorité, quand elles ne se montrent bateaux : un convoi dépose sa cargaison à Constantza,
pas hostiles à ceux venant les secourir. l’autre à Constantinople. Le 14 avril, le chef du Parc reçoit
Quand approchent les bolcheviques au mois de mars l’ordre de se rendre à Galatzi (actuellement Galați, en
1919, les garnisons françaises sont affaiblies et mal Breguet 14 de l’escadrille Roumanie, sur le Danube) où il arrive avec son matériel
510 en 1918, dans la
ravitaillées. Plusieurs unités refusent de tirer sur l’en- région de Salonique. Les le 17 avril ; celui-ci est complété d’une nouvelle cargaison
nemi. Clémenceau n’a d’autre choix que de décider escadrilles de l’armée de matériels techniques en provenance de Salonique,
l’évacuation de ses unités de toutes les villes d’Ukraine d’orient vont poursuivre qui permet de faire fonctionner les escadrilles avec effi-
la guerre en 1919 contre
(la première, Kherson, dès le 9 mars), pour les replier au les bolcheviques russes et cacité. Celles-ci s’installent dans deux localités proches
sud du fleuve Dniestr, en Bessarabie (actuelle Moldavie) hongrois, respectivement du Dniestr : Arcis pour la 504 (Actuellement Artsyz,
à partir de la Bessarabie
annexée par la Roumanie alliée et défendue par ses et du Banat yougoslave. Ukraine), et Kichinev (actuellement Chişinău, capitale de la
troupes. Odessa est évacuée le 6 avril 1919 et le port (Coll. de l’auteur) Moldavie) pour la 510, tandis que la 534 reste à Galatzi.
57
comprend 5 % de convaincus, 50 % de gens attirés
par le besoin et 45 % par l’intérêt. L’aviation n’est pas
franchement bolchevique et fait l’objet d’une certaine
suspicion. Pour éviter les désertions avec les appareils,
on a institué le principe de la responsabilité collective :
ainsi, pour un pilote qui s’enfuie, ce sont tous les pilotes
de l’escadrille qui sont fusillés ! »
Les deux hommes appartiennent à une unité spéciale
de quatre LVG à moteurs de 230 ch comprenant trois
pilotes, instituée pour faire des liaisons aériennes avec
la Hongrie communiste. Sur leur terrain de Proskurov
stationne la 21e escadrille de l’armée rouge, qui semble
n’avoir une valeur militaire que toute relative au vu de
sa composition : un LVG (ancien et en mauvais état), un
SPAD français capturé à Odessa, un Caudron très ancien,
trois Nieuport 120 HP (deux sont montés), et un Farman
XXX. Il n’y a que quatre mauvais pilotes dans l’unité qui
ne volent pratiquement pas, car l’essence fait presque
complètement défaut. L’arrivée du régime bolchevique
a plongé l’industrie aéronautique dans le chaos ; aucun
appareil neuf n’est produit et l’aviation rouge ne peut
compter que sur les stocks de l’ex-armée tsariste, elle-
L’escadrille de chasse 507, comptablement présente, Vue d’un Breguet 14 même équipée de matériels dépassés : durant l’hiver
ne sera jamais reconstituée. Une escadrille polonaise en B2 de l’aviation française 1918-1919, les bolcheviques parviennent à mettre la
photographié à Bucarest
cours de formation est également dépendante du parc en 1919. À leur départ main sur 502 avions et 1320 moteurs dans des dépôts
d’aviation : ce dernier va désormais recevoir plusieurs de Bessarabie, en 1919, à Moscou, Smolensk, Rybinsk et Iaroslavl, plus 250
d’importants stocks
livraisons de Breguet 14 B2 neufs en caisses ; ils arrivent d’appareils sont laissés
avions français et anglais dans les ports de Mourmansk et
directement de France, par voie ferrée. La question de à l’armée roumaine par Arkhangelsk. En grande majorité, des chasseurs Nieuport
l’approvisionnement en matériel est donc résolue pour les troupes françaises. et biplaces Farman ou Voisin – des antiquités en 1919.
(Coll. de l’auteur)
l’aviation de l’armée du Danube dont la direction est Sans parler du fait qu’il ne reste plus guère de pilotes de
assurée depuis Budapest par le commandant de Serre. l’ancienne armée tsariste pour les prendre en charge : la
La seule question qui inquiète l’état-major est la force quasi-totalité des officiers, représentant eux-mêmes les
réelle de l’armée bolchevique, pour savoir si celle-ci 2/3 des quelques 871 pilotes militaires recensés par le
envisage de franchir le Dniestr. Une indication sur l’état gouvernement bolchevique au 14 décembre 1917, ont
de l’aviation ennemie leur vient le 28 avril 1919 avec la fait défection dans les armées blanches.
capture d’un biplace LVG rouge qui s’est posé à Zalău, en Il n’y aura donc pas de soutien aérien pour l’armée
Transylvanie, où son équipage s’est perdu. Ayant décollé rouge, qui n’a pas la force de se lancer dans une guerre
de Proskurov (actuellement Khmelnyskyï, Ukraine) dans le contre l’armée roumaine épaulée de troupes françaises
but de rallier Budapest pour y transmettre des documents et grecques. Les quelques tentatives de traversée du
au gouvernement communiste hongrois, l’équipage s’est Dniestr ne vont pas être renouvelées, et l’annexion de
égaré dans les nuages et a été de contraint de se poser en la Bessarabie est de facto reconnue par le gouvernement
Transylvanie, où il a été capturé. Interrogés séparément de Lénine malgré les ultimatums qu’il lance au gouver-
par les militaires français, le pilote Rudolf Pier, ancien nement roumain.
pilote de l’armée de Kerenski, et l’observateur Bernard Les aviateurs français vont rapidement s’en rendre
Gretz, journaliste, ne font aucune difficulté pour révéler compte. L’escadrille 510, qui survole la partie nord du
tout ce qu’ils savent sur l’armée rouge, dont ils font Dniestr, constate le 20 mai 1919 la présence d’un LVG
théoriquement partie. Vraisemblablement soulagé de et un Nieuport 80 hp près du cimetière de Tiraspol, l’un
son sort, l’observateur indique que « le parti bolchevique d’eux étant même aperçu en vol. Le général Franchet
58
Cocarde e
contre étoile roug
d’Esperey, chef de l’armée d’orient, s’est déjà fâché le 16 et trouve une activité nulle sur l’ensemble du front.
mai sur le manque de combattivité de ses aviateurs et a Il survole Tiraspol, et tire une trentaine de balles sur
ordonné que tout avion ennemi soit abattu. Le comman- des travailleurs à la sortie nord de Slobozia (en aval
dant de Serre donne suite à la requête du commandant de Tiraspol). C’est finalement le 12 juin que Maurice
suprême par une note à l’escadrille 510 indiquant qu’un Lashermes va parvenir à ses fins en mitraillant l’avion
Breguet 14 B2 va être monté au Parc avec les lance- bolchevique qui est retrouvé entre la gare et le cime-
bombes anglais. Il doit être confié au lieutenant Maurice tière de Tiraspol. Selon le bulletin de renseignements
Lashermes, le meilleur pilote de chasse à la disposition de de la 30e division d’infanterie, « L’avion bolchevique a
l’aviation française en Roumanie, titulaire de 3 victoires été mis complètement hors de service. Il y avait une
homologuées et 4 probables dans l’armée d’orient, où il quarantaine de balles dans le moteur. Ce dernier a été
a été l’équipier de l’as des as de Salonique, Dieudonné envoyé à Odessa. » Lashermes est plutôt enthousiaste
Costes. Lashermes reçoit l’ordre de détruire cet avion de sa victoire ; il se demande dans une carte postale
rouge, et, comme pour le motiver, le commandant de adressée à ses proches, si elle lui sera homologuée.
Serre précise qu’il aura droit à une permission pour rentrer Il semble que non, mais ce qui est sûr, c’est qu’il a
en France une fois cette mission accomplie. gagné son ticket de retour pour la France, qu’il n’a pas
Il va se mettre à l’ouvrage, mais à bord de son SPAD vue depuis le mois de juin 1917.
XIII de chasse. Le 29 mai 1919, alors que les bolche- Quant à l’armée bolchevique, les reconnaissances ulté-
viques ont été repoussés deux jours plus tôt en tentant rieures menées en amont et aval du Dniestr montrent
de traverser sur la ville voisine de Bender, il effectue qu’elle ne semble pas disposée à le franchir. Le 16
une reconnaissance sur Tiraspol et y découvre une UFAG CI de l’ex- juin 1919, un Breguet 14 monté par le sous-lieutenant
aviation austro-hongroise,
batterie. Il rentre avec 3 balles dans son appareil issues remis en service par Arnault, avec le capitaine de Moustier en observateur, réa-
de tirs d’armes individuelles. C’est à peu près la même les forces armées du lise une longue reconnaissance depuis l’embouchure du
gouvernement communiste
chose que récolte de lieutenant Bergeaux, chef de de Béla Kun en 1919.
fleuve à Ovidopol, survole les villes d’Odessa et Mayaky,
l’escadrille 510, qui, le 2 juin, fait une reconnaissance (Coll. B. Totschinger) puis remonte le cours d’eau jusqu’à Tiraspol et Kichinev.
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Fokker D VII
8 Vörös Repülöszazad
Hongrie communiste, été 1919
Les deux hommes ne voient que des travaux de positions par sa hiérarchie, qui le sermonne sur son manque de
défensives, ainsi qu’une tente d’aviation sur le terrain tact. Les soldats Core et Muller, qui travaillent au parc
d’aviation d’Odessa. Seuls des pontons à Mayaky laissent d’aviation, n’auront pas autant de mansuétude : le
penser à un franchissement du fleuve, mais le lieu ne 17 mai, furieux de ne pas avoir eu leur ration de vin,
semble pas être le meilleur endroit pour mener une offen- ils se mettent en grève et incitent leurs camarades à
sive car la zone est facilement défendable sur la rive sud. l’insurrection. Ils sont aussitôt jetés en prison… De
On peut se poser la question de savoir si l’armée française manière générale, l’ambiance n’est plus à la discipline
aurait été à même de supporter une nouvelle guerre dans l’aviation, comme s’en rend compte à la fin juin
dans le cas où les « Rouges » avaient été en mesure 1919 un officier d’état-major qui effectue une tournée
d’attaquer ? À l’époque des mutineries de la Mer noire, d’inspection ; l’homme découvre la 510 à Kichinev
où des troupes françaises ont refusé de combattre les « dans le plus grand désordre avec le matériel négligé
Bolcheviques dans les ports d’Ukraine, les actes d’in- et les officiers logeant en ville où ils ne pensent qu’à
subordination gagnent aussi l’aviation, ce qui est de s’amuser. » En colère, Franchet d’Esperey ordonne
nouveau, puisque ce corps avait été exempt de telles immédiatement que le lieutenant Bergeaux soit relevé
réactions pendant la Grande Guerre. Le 12 mai 1919, Chasseurs SPAD de son commandement !
le lieutenant Economacos, chef de l’escadrille grecque VII et Nieuport 24 de Le limogeage de Bergeaux à la tête de la 510 se révèle
l’escadrille 523 de l’armée
534, se plaint du comportement d’un pilote français, le d’orient, passée sous le toutefois sans grande importance pour l’unité, car il inter-
sous-lieutenant Jacquart, qui lui « emprunte » sa voiture contrôle du gouvernement vient au moment du retrait des unités françaises, relevées
serbe et photographiée
de service à des fins personnelles, tout en le traitant avec à Novi Sad en 1919.
par des unités roumaines. Dès la fin du mois de juin,
le plus grand mépris. L’officier est mollement réprimé (Coll. B. Ciglic) la 510 est repliée au parc de Galatzi. Le 2 juillet, l’ordre de
60
Cocarde e
contre étoile roug
61
Elle y est opérationnelle le 23 et effectue immédiatement des recon- sud ; la seconde permettrait d’établir une liaison territoriale avec la
naissances sur le territoire Hongrois tenu par les communistes. Son Russie bolchevique.
chef, le lieutenant Picot, n’a que trois Breguet 14 en état de vol à sa La jeune armée tchécoslovaque est rapidement mise en difficulté
disposition. À bord de l’un d’eux, le 25 mars 1919, il survole Budapest et recule. La « mission militaire française de Bohème » va devoir
avec pour observateur le lieutenant Charmette. Ce qu’ils y voient sera rapidement mettre la main à la pâte pour prêter main-forte aux
confirmé par les autres avions de l’escadrille : il n’y a pas de mouve- tchécoslovaques bien mal en point, et principalement le détachement
ments vers les troupes françaises au sud du pays, qui à l’exception de d’aviateurs présents sur place depuis le 9 avril 1919 sur le terrain de
quelques échanges de tirs entre avant-postes, n’auront pas à affronter Kbely près de Prague, où se trouvent quelques pilotes-instructeurs et
les communistes. un nombre important d’appareils en caisse (Breguet 14, Salmson 2A2,
En fait, Béla Kun fait face à une menace plus importante : déterminé à SPAD VII et XIII) formant l’escadrille BR 590 dirigée par le capitaine
prendre possession par la force des territoires qui lui ont été attribués Georges Lachmann. Ce vieux baroudeur d’active, as aux 7 victoires
par les traités de paix, le gouvernement roumain passe à l’attaque à la aériennes remportées en France, en Italie et en Russie, a déjà com-
fin du mois d’avril. Les troupes hongroises, désorganisées et se battant battu les bolcheviques en évacuant la Russie en pleine guerre civile
sur un territoire majoritairement peuplé de Roumains, sont défaites en 1918. Aux commandes de son SPAD XIII, il va emmener cinq
et battent en retraite. Au début du mois de mai, Béla Kun demande Breguet 14 A2 (pilotés par le S/Lt Jean Dupré, l’Adj Honoré Soubira
la cessation des hostilités, en déclarant qu’il reconnaît sans réserve et les Sgts Joseph Pouliquen, Georges Pariset et François Forgues)
les prétentions territoriales des roumains. Les troupes françaises ont s’installer le 6 juin 1919 à Vajnory près de Bratislava. Tous sont
observé cet affrontement en spectatrices, les avions de l’escadrille 508, des pilotes volontaires autrement plus motivés que les aviateurs de
des Breguet 14 et même un vieux Dorand AR, survolant régulièrement l’armée du Danube, comme en témoigne Joseph Pouliquen, le futur
les lignes. Ils sont renforcés le 11 mai 1919 par l’escadrille de chasse commandant du groupe Normandie-Niemen : « Après la guerre [de
serbe 523 arrivant de Novi Sad. Elle reçoit l’ordre sans équivoque 14-18], nous avons reçu des circulaires dans les escadrilles. On ne
d’abattre les appareils hongrois qui s’aventurent parfois sur Szeged savait pas bien ce qu’on allait faire de nous. Il y avait des missions
pour y lancer des tracts invitant la population à se soulever contre militaires qui se créaient un peu partout. Je me suis porté volontaire
l’occupant français. et j’ai été pris pour la Tchécoslovaquie (…) Je me suis
battu contre Bela Kun, contre les bolcheviques, ce qui
m’a donné ma croix de guerre TOE dont je suis très
AFFRONTEMENTS EN SLOVAQUIE fier car peu d’officiers de réserve l’ont. (…) Je voulais
continuer à voler, on nous a dit qu’il allait y avoir de la
Juin 1919 bagarre contre les russes. Nous étions logés au Carlton
Si les appareils de l’armée de Hongrie n’auront pas à de Bratislava. Notre solde était supérieure à celle du
combattre des avions frappées de l’étoile rouge, d’autres ministre de l’air tchécoslovaque. Et nous avions le
machines françaises vont avoir à le faire à l’autre bout prestige des français, malgré le fait que nous étions en
de la Hongrie. Ayant conclu un cessez-le-feu sur le Les pilotes polonais ont territoire étranger. Car nous croisions dans la rue des
également à leur disposition
front roumain, Béla Kun va en ouvrir un autre face à la plusieurs chasseurs SPAD officiers hongrois qui nous regardaient comme des vain-
jeune Tchécoslovaquie, qu’il attaque le 20 mai 1919, XIII, bien supérieurs à tout queurs et qui ne nous aimaient pas beaucoup. Quand on
ce que les bolcheviques sont
en Slovaquie et Ruthénie. La première de ces régions en mesure de leur opposer. entrait dans les théâtres pour voir les opérettes, c’est
est majoritairement peuplée de Hongrois dans sa partie (Coll. de l’auteur) tout juste s’ils ne cherchaient pas la bagarre en nous
62
Cocarde e
contre étoile roug
provoquant d’un coup de coude, surtout si comme il se doit nous Nieuport 24 bis ex- l’aviation sur le front Slovaque, comprenant
étions avec une jolie fille. Je me souviens que j’avais emporté bolchevique, décoré d’une également deux escadrilles tchèques volant
magnifique Diane, qui a
de France une culotte rouge d’infanterie, sans la bande noire de été posé dans les lignes
sur des Hansa-Brandenburg C.I issus des
l’officier. Je ne la portais jamais, mais un jour mon uniforme étant polonaises le 6 juillet stocks de l’aviation austro-hongroise. Les
au teinturier j’ai mis cette culotte rouge pour aller au terrain. Pour 1919 par son pilote, Julius pilotes français n’ayant pas d’observateurs
Gilevich, déserteur et ex-
aller jusqu’au parc où étaient les voitures, on avait l’habitude de chef de la 3e escadrille ni de mitrailleurs brevetés, vont couramment
s’arrêter dans une pâtisserie pour manger des gâteaux. Depuis ce bolchevique. On le voit ici voler avec leurs mécaniciens assis en tourelle,
jour, tout le monde a sorti la sienne, c’était l’Empire [de Napoléon], revêtu des couleurs de ses ou avec des officiers tchèques.
nouveaux propriétaires
c’était l’Armée française ! Quand je suis parti, mes camarades polonais (Coll. P. Mrozowski) La situation des troupes tchécoslovaques reste
m’ont demandé que je leur laisse cette culotte rouge, car ils la précaire et les quelques Breguet 14 français
mettaient à tour de rôle en allant voir une fille... » q Breguet 14 A2 peint ne pourront pas renverser la situation. Ils vont
aux couleurs polonaises,
A peine arrivé avec ses hommes, Lachmann laisse le commande- vu à Cracovie. (Muzeum néanmoins se révéler très utiles, notamment
ment de la BR 590 au lieutenant Roussin, car il est nommé chef de Lotnictwa Polskiego) du fait de leurs reconnaissances, qui vont
permettre au commandement de mesurer
l’avance ennemie et de déployer ses troupes
en conséquence.
Les Breguet effectuent aussi de nombreuses
missions de bombardement sur les gares et
les voies ferrées, perturbant le ravitaillement
et la logistique de l’ennemi ; même si ces
attaques se font de manière assez artisanale,
comme s’en souvient Joseph Pouliquen : « Il
n’y avait pas de bombes sous les ailes, car on
n’avait pas de système de largage. On jetait
à la main des projectiles autrichiens. Mais
on pouvait viser juste, car on passait à 100
mètres au-dessus d’un train ou au-dessus
d’une gare de triage, et l’observateur ou le
mécanicien – le mien s’appelait Coutème –
prenait la bombe à ailettes avec une poignée
et la laissait tomber. On s’est pris plusieurs
fois des balles de mitrailleuse dans les ailes,
et je suis parfois revenu troué comme une
passoire. Le tout était de ne pas se prendre
une balle dans les fesses ou dans le crâne ! »
63
Les Breguet vont intervenir sur Komarno et le Danube, ainsi que sur à l’est du pays. Les troupes hongroises reculent sous la surveillance
Nové Zamky et Levice plus au nord, apportant un appui-feu significa- des Breguet de l’escadrille 590 vers la ligne de démarcation négociée.
tif aux troupes tchèques qui s’y battent et démoralisant les troupes Durant cette courte campagne, du 13 au 30 juin, les sept Breguet
ennemies. La gare de Nové Zamky est bombardée à plusieurs reprises et les deux SPAD de la 590 ont effectué quinze reconnaissances et
le 7 juin et les bolcheviques se replient. Pour augmenter l’efficacité vingt-huit bombardements (136 bombes lancées) en 38 missions ; ils
des frappes, trois terrains auxiliaires sont utilisés à Horny Bar, Nemes ont été épaulés par l’escadrille tchèque sur Hansa-Brandenburg qui a
Ocsa et Nitra. effectué onze vols durant lesquels 42 bombes ont été lancées.
L’aviation rouge hongroise est bien présente et le 14 juin a lieu le seul Le gouvernement communiste hongrois a échoué à s’ouvrir un corridor
combat aérien de la campagne quand un Breguet est attaqué par un vers la Russie bolchevique, afin de recevoir son aide. Ses jours sont
Aviatik-Berg D I (n°348.46) piloté par Joszef Matyasffy qui revendique comptés : la terreur instaurée par les Gardes rouges à l’intérieur du pays
la victoire, bien que l’appareil français piloté par le sergent Forgues soit favorise les défections dans son armée et augmente les ralliements au
rentré à sa base – le mitrailleur Robert Ellner est décoré de la croix de gouvernement contre-révolutionnaire de Szeged.
guerre tchèque pour avoir résisté à l’attaque. Le 15 juin, la plupart des Le régime va se désagréger après 133 jours d’existence, quand les
avions français prennent part avec les Hansa-Brandenburg C.I tchèques Roumains attaquent de nouveau au mois d’août 1919, franchissant la
à la bataille autour de la ville de Levice, sans pourvoir apporter d’appui rivière Tisza pour s’emparer de la ville de Budapest, contre l’avis des
décisif. Il leur faut défendre le 20 juin la localité de Nové Zamky, un puissances de l’Entente et de Paris. Reste qu’avec la fin de la menace
incident international survenant quand est bombardée par erreur une communiste, l’armée française de Hongrie n’a plus de raison d’être
raffinerie d’huile minérale appartenant à la Standart Oil – sans doute et ses unités sont rapidement dissoutes pour laisser la place à des
par l’équipage Pouliquen / Ellner (tchèque). missions militaires aux effectifs bien plus réduits.
L’action des Breguet 14 indispose l’aviation ennemie au point que
celle-ci organise le 21 juin un raid audacieux contre le terrain avancé de
Nemes Ocsa. Six Chasseurs Fokker D.VII et Aviatik-Berg D.I, escortent LA MISSION MILITAIRE FRANÇAISE
un unique Hansa-Brandenburg C.I transportant deux pilotes comme
passagers, supposés s’emparer de deux Breguet 14 au sol pour les
EN POLOGNE
ramener en vol en Hongrie... Ils ne découvrent qu’un terrain vide et Avril-septembre 1919
s’en retournent bredouilles, n’emmenant comme butin que le « T » Un troisième théâtre d’opérations va voir l’engagement de
d’atterrissage en tissu. l’aviation française durant l’année 1919 : celui de la jeune
république de Pologne, qui se bat dès sa naissance contre
la Russie bolchevique. L’armistice du 11 novembre 1918,
LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE causant l’évacuation des troupes allemandes, laisse un vide
DES CONSEILS que comblent les soldats d’une jeune Pologne aux frontières
non définies, et les troupes de la guerre civile russe d’où
q Joseph Pouliquen
Le conflit va s’arrêter par un cessez-le-feu arraché à de l’escadrille 590, aux émergent les bolcheviques.
Bela Kun le 24 juin 1919, après que le gouvernent commandes de son Breguet Du point de vue de l’aviation, les Polonais saisissent d’impor-
14 A2. Il deviendra le premier
français l’ait menacé d’une attaque conjointe avec des commandant du Normandie tants stocks d’appareils sur les troupes austro-hongroises et
divisions roumaines, françaises et serbes, au sud et Niémen en 1942 ! surtout allemandes, 237 selon un inventaire mais permettant
64
Cocarde e
contre étoile roug
UNE COMPOSANTE
DE LA PUISSANCE
MILITAIRE FRANÇAISE
L’action des aviateurs français en Europe de l’est durant
l’année 1919 a joué un rôle appréciable dans la fixation
des nouvelles frontières issues du traité de Versailles
et a permis d’apporter un appui militaire conséquent
à la Roumanie et aux nouvelles nations que sont la
Yougoslavie, Tchécoslovaquie et Pologne. L’influence
militaire et politique française sera prépondérante dans
ces pays qui vont constituer la « petite entente » dirigée
contre la Russie communiste et se doter d’appareils fran-
çais durant les années 1920. Mais aussi hégémonique
qu’ait pu être la France au lendemain de la première
guerre mondiale, son déclin industriel aura raison de toute
son influence politique et militaire qui tombera face à la
montée de l’Allemagne nazie durant les années 1930.
65
AVION
1942
1945
JUNKERS
JU 287
Le bombardier expérimental de la Luftwaffe
Sauf mention contraire,
toutes photos EN-Archives par Jean-Claude Mermet
En
1945, en France, dans le numéro de septembre de la revue p Le pré-prototype Ju 287
V1, vu à son emplacement
Science et Vie [1], on pouvait lire, dans un article consacré aux de départ sur le terrain
de Brandis, le jour de
avions à réaction, l’extrait qui suit : « Le Rechlin 66 (allemand) son premier vol le 8 août
serait un monoplan « canard » à aile basse ou médiane, de faible 1944. Sont bien visibles
le Skz RS+RA et les
allongement avec flèche prononcée et bords marginaux pointus. Le fuselage « couleurs thermiques »
sur le fuselage, apposées
serait assez épais et les cotes de cet avion – envergure, 19 à 20 m ; longueur, uniquement sur le côté droit.
17 à 18 m ; envergure du stabilisateur, 6 à 7 m ; corde maximum de l’aile, 4,50
m – sont considérées comme provisoires. » Toutefois, à l’époque, Science et
Vie n’a pas accès à toutes les informations relatives à cet avion, car celui-ci est
bel et bien un appareil avec une aile en flèche négative, c’est-à-dire tournée u Le planeur sans queue
vers l’avant. C’est l’histoire fascinante de cette innovation technique que nous S.9 est l'une des premières
productions de Willy
allons décrire dans ces pages, histoire qui ne s’est pas arrêtée le 8 mai 1945... Messerschmitt. Cet appareil
à ailes en flèche négative
évoluait grâce à des
ailerons placés sur le bord
d'attaque près des saumons.
Il n'eut aucun succès.
66
Junkers
Ju 287
É
tudié, dès le lancement du projet, en tant que bombardier, conçu. Il faut attendre 1913 pour que Jacob Emil Noeggerath recrée un
le Junkers Ju 287 peut être considéré comme le premier avion à aile en M, dont la construction est supervisée par le Dr. Theodor
bombardier à réaction au monde, même si, chronologique- Dieterle dans les ateliers Gustav Otto Flugmaschinen-Werke à Munich.
ment parlant, la version bombardier de l’Arado Ar 234, à Cependant, à ce stade, l’aile en flèche positive ou négative n’a pas
l’origine un avion de reconnaissance, a volé plus tôt que encore fait l’objet d’études aérodynamiques approfondies par manque de
le pré-prototype Ju 287 V1. Pourquoi cette dénomination moyens techniques avancés, si bien qu’une aile à flèche purement néga-
de pré-prototype ? Tout simplement parce que ce dernier, lors de son tive, résultat de tests, n’est pas utilisée avant l’apparition successive
élaboration, n’est, dans l’esprit des concepteurs, qu’une maquette des planeurs Messerschmitt S.9 en 1921 et Kirchner La Pruvo en 1927
volante (Fliegende Attrape) à l’échelle 1:1 de l’avion définitif qui innove lors de leur participation à la célèbre compétition de la Wasserkuppe.
par ses ailes en flèche négative. Avant-guerre, lors du lancement du projet de nouveau bombardier chez
Junkers, le seul théoricien allemand de l’aile en flèche est le Dr. Ing.
Adolf Busemann. Depuis 1938, des essais comparatifs en soufflerie,
DRÔLE DE DÉCOUVERTE… d’ailes droite, en flèche positive et en flèche négative, ont lieu à l’AVA
(Aerodynamische Versuchsanstalt) de Göttingen. Ces ailes sont de
L’histoire commence par une mission aérienne photographique, accom- toutes petites dimensions, allant seulement de 56 à 90 mm d’enver-
plie par les Flight Sergeants L. G. Oliver and G. Yeats le 19 avril 1944, gure, et sont testées dans des tunnels de soufflerie miniaturisés eux
à bord de leur de Havilland Mosquito (LR414) du No 540 Squadron aussi (!). Il en résulte qu’une flèche positive élève le nombre de Mach
basé à Benson dans l’Oxfordshire. Lors de l’exploitation des clichés, critique [3] au détriment de la portance aux basses vitesses, donc, lors
un nouvel avion est découvert à Rechlin, appareil qui, camouflé par des phases de décollage et d’atterrissage.
des filets ou autres artifices, ne peut pas être détaillé avec précision. Les ingénieurs de Junkers étudient, avec des maquettes et dans les
La référence « Rechlin 66 » lui est alors attribuée [2]. De retour d’une souffleries de Dessau, les effets de la compressibilité qui agissent
mission au-dessus de Stettin le 31 mai, à bord du Spitfire XI (PL790), principalement sur la traînée et la dérive par augmentation de leur
le Leutnant Charles F. « Chuck » Parker prend à son tour plusieurs valeur. Le flux d’air est visualisé à l’aide de fils collés sur les surfaces
photographies du terrain de Rechlin. Leur développement révèle une des ailes. Il apparaît alors que les extrémités décrochent en premier
nouvelle fois la présence du « Rechlin 66 », non camouflé cette fois, à cause de l’augmentation importante de l’épaisseur de la couche
mais sans moteurs apparents. Ce à quoi correspond exactement cet limite due au glissement latéral de l’air le long du bord d’attaque avec
avion ne peut toujours pas être entièrement déterminé... même s’il a accroissement de la masse aux extrémités (composante du flux d’air
un lien de parenté indéniable et irréfutable avec le Junkers Ju 287, parallèle au bord d’attaque). Les ailerons sont ainsi moins efficaces,
dont les deux pré-prototypes seront finalement découverts à l’état de même que l’hypersustentation, pour les mêmes raisons. Résultat :
d’épaves, lors de l’occupation du terrain de Brandis par les troupes les distances de décollage ou d’atterrissage sont plus importantes
américaines. Cependant, une énigme persiste : celle du « Rechlin 66 ». pour les avions. Les conclusions du DVL (Deutsche Versuchsanstalt
Pour la résoudre, un petit retour en arrière s’impose... der Luftwaffe ou Institut de recherche de l’armée de l’air allemande)
de Berlin et de l’AVA de Göttingen sont ainsi confirmées et validées
par... Junkers ! L’aile en flèche positive n’a donc pas que des avantages
UN NOUVEAU BOMBARDIER et ses limitations sont assez gênantes avec des réacteurs manquant
AVEC UNE AILE EN FLÈCHE NÉGATIVE encore de puissance. Chez Junkers, on en est bien conscient, si bien
que tous ces travaux de recherches sont placés sous la direction
En 1942, l’aile en flèche négative est loin d’être une nouveauté. En effet, du Dipl. Ing. Hans Wocke. Celui-ci propose alors d’employer une
dès les débuts de l’aviation, même théorique, elle est récurrente dans flèche négative, qui, positionnant les extrémités en avant de l’em-
les nombreux brevets déposés qui sont tous basés sur l’étude des ailes planture, inverse les phénomènes. Les essais en soufflerie confirment
d’oiseaux ou de chauve-souris. Beaucoup d’aéronefs sont alors équipés le bienfondé de cette théorie, sauf qu’aux performances annoncées
d’ailes en M (vues en plan) qui allient flèche négative et flèche positive en du nouveau bombardier, l’aile subit, à partir de Mach 0,7, des tor-
partant du fuselage vers les extrémités. L’Éole de Clément Ader est ainsi sions telles que la conception d’une aile fine en devient impossible.
[3] En aérodynamique,
le nombre de Mach
critique d’un aéronef
est le nombre de Mach
le plus bas à partir
duquel l’écoulement de
l’air atteint la vitesse
du son en un point au
moins de l’appareil.
67
Ju EF 116
Année du projet : 1943
Aile à flèche négative de 23,5° à 50% de la corde
Morphologie
Envergure 26,50 m
Longueur 22,10 m
Poids à vide 4 000 kg
Équipage 2
Motorisation
4 x Junkers Jumo 109-004 H de 1 300 kgp chacun
Performances
Vitesse maximale 980 km/h
Rayon d’action 5 500 km
68
Junkers
Ju 287
69
accouplement aérodynamique des réacteurs. C’est cette
dernière qui sera retenue pour la série, certainement par
facilité de production.
Junkers Ju EF 122
© Hubert Cance - Aérojournal - 2018
70
Junkers
Ju 287
domaine contiendra le parachute-frein. Le train d’atterris- z Plan du Junkers et pour cause, à celle du He 177 A‑3. Le 28 mai, le
sage fixe sera constitué de roues de Junkers Ju 352 A Ju 287 V3 (EF 122 C). Ju 287 V1 échappe miraculeusement à un bombarde-
Disposition des réacteurs
pour le train principal et de roues de… Consolidated du 21 avril 1944.
ment de Brandis effectué par 19 Boeing B‑17 Flying
B‑24 Liberator pour le double train avant ! Les roues sont Fortress de la 8th Air Force, sur les 1 341 bombardiers
carénées aérodynamiquement et les jambes principales { Plan du Junkers Ju 287 que compte cette mission [9].
sont renforcées par de fortes contre-fiches profilées. V3 (EF 122 C). Disposition Finalement, le prototype sort de son hangar à la
des réacteurs, notamment
Certains panneaux vitrés du nez sont remplacés par en Drillingstriebwerk,
mi-juillet. L’avion porte le Skz (Stammkennzeichen ou
des dômes d’observation, et tout ce qui touche à l’ar- datant du 2 mars 1944. immatriculation d’origine) RS+RA. Il est peint selon le
mement est purement et simplement supprimé. Le site schéma de camouflage réglementaire en segments de
de Brandis bei Leipzig – un centre d’essais secondaire la Luftwaffe en teintes RLM 70 et RLM 71 sur le dessus
des Junkers-Werke – ayant une piste plus longue qu’à et RLM 65 sur le dessous. La partie de l’intrados des
Dessau, les éléments constitutifs du premier pré-proto- ailes comprise entre le fuselage et le train principal est
type sont livrés et modifiés en vue du futur assemblage recouverte d’une peinture thermique noire, ainsi que
à partir, semble-t-il, de mars 1944. L’aile, qui est donc toute une surface sous les emplantures dépassant de
nouvelle, demande une adaptation au fuselage du He [6] Le préfixe 8 indique
part et d’autre de l’aile. En arrière des réacteurs du
177 qui est renforcé par deux fortes sections situées les aéronefs, le préfixe fuselage, de nombreuses petites barres, regroupées
en chaque extrémité de la corde à l’emplanture. Des 9, les moteurs. en carrés arrangés en damier et tracées à la peinture
becs de bord d’attaque automatiques sont ajoutés à la thermographique, permettent de mesurer la température
[7] Les désignations
jonction aile-fuselage. des prototypes du
sur le fuselage, à la sortie des tuyères. Le Ju 287 V1
La construction du Ju 287 V1 (alias Ju 288 V201) « vrai » Ju 288 s’arrêtent est soumis à tous les essais possibles et imaginables :
commence durant la seconde moitié de mai 1944, au au Ju 288 V103. entrée en résonnance des réacteurs à certains régimes,
plus tard aux environs du 21. Il n’est pas prévu que vibrations de l’aile, déplacements au sol, tractage...
[8] D’autres sources
ce prototype soit équipé de tous ses appareillages de indiquent de Ju 88 G-2. C’est à cette dernière occasion qu’il est découvert que
bombardement encore en perfectionnement, et il ne le double train avant ne se synchronise pas lors des
possède pas de soute à bombes équipée, qui, sur les [9] Stragegic Operations changements de direction et doit par conséquent être
avions de série, devra loger un minimum de 3 000 (Eighth Air Force): accouplé par une tige située entre les roues, mais éga-
Mission 376.
kg de charge militaire. Cette soute sera équivalente, lement guidé au sol par un mécanicien !
71
Ju 287 V1
Plans au 1/72e © Hubert Cance - 2018
Aile à flèche négative de 23,5° à 50% de la corde
Année du projet : 1943
Morphologie
Envergure 20.10 m
Longueur 18,30 m
Hauteur 4,70 m
Surface alaire 58,30 m²
Allongement 6,93
Poids :
À vide 10 900 kg
Carburant 4 080 kg (5 100 litres)
Lubrifiant 40 kg
Équipage (2 membres) 200 kg
Charge militaire 1 000 kg
Charge maximale admissible 5 320 kg
Poids au décollage 17 820 kg
Charge allaire 305,60 kg/m²
Rapport poids/puissance 527,80 kg/kN
Rapport poids/poussée 5,18 kg/kgp
Motorisation
4 réacteurs Jumo 004 B-1 et 3 Walter
HWK 509 pour le décollage.
Poussée statique d’un
réacteur : 8,44 kN (860 kgp)
Morphologie
Envergure 14,20 m
Performances
Longueur 9,75 m
Hauteur 3,25 m
VitesseSurface
maximalealaire 620 km/h à 6 000 m m²
29,00
VitessePoids
de croisière
: 600 km/h à 6 000 m
Vitesse de montée
À vide 13,70 m/s au niveau de la4mer
063 kg
Plafond pratique
Maximal 9 400 m kg
5 230
Rayon d’action 980 km à 6 000 m
Autonomie 1,5 heure à 6 000 m
Distance de décollage 610 m
Distance d’atterrissage 460 m
Vitesse d’atterrissage 170 km/h
72
Junkers
Ju 287
x Le Ju 288 V201,
nom de camouflage du
Ju 287 V1, lors de son
montage dans le hangar
IV à Brandis. Les différents
éléments constitutifs sont
très reconnaissables. La
photo date de la seconde
quinzaine de mai 1944,
époque de la livraison des
réacteurs Jumo 109-004 B-1,
sur le point d'être avionnés.
Junkers Ju 287 V1
Brandis, Allemagne, août 1944
73
Le phénomène de compressibilité est bien supporté,
mais les extrémités d’ailes se tordent avec une aug-
mentation du coefficient de montée, ce qui amplifie
l’incidence aux saumons de manière trop importante
par rapport à l’emplanture. Il en résulte une détérioration
de la stabilité sur l’axe longitudinal. La solution consis-
terait à renforcer la structure de l’aile pour diminuer
le phénomène, mais celui-ci reste dans le domaine de
l’admissible pour les performances demandées. Ces
vols d’essai sont tous conduits par les Flugkapitäne
Siegfried Holzbaur et Hans Pancherz, accompagnés
des ingénieurs de vol Karl Wendt et Werner Joop. En
résumé, voici les impressions de Holzbaur (extrait de
rapport) : « Le décollage, sans les fusées Walter, est lent
et l’avion doit être maintenu en ligne droite grâce aux
freins de roues, jusqu’à ce que le gouvernail devienne
efficace. Pendant l’approche à l’atterrissage, les moteurs
doivent être maintenus à 6 000 t/min pour avoir de la
réserve en cas de reprise. Le freinage par parachute est
efficace et les effets ressentis sont très acceptables.
En conclusion, on peut dire que l’avion est très facile
à piloter. (...) Les performances de l’avion ne sont pas
représentatives de la version définitive ».
À l’issue du dernier vol-test à Brandis, le Ju 287
V1 doit être transféré au centre d’essais de Rechlin
(Erprobungsstelle Rechlin) où l’écoulement de l’air sur les
ailes sera tout particulièrement étudié [12]. Cependant,
l’Oberkommando der Wehrmacht décrète bientôt l’aban-
don des programmes de nouveaux bombardiers, afin
que Junkers et les autres constructeurs aéronautiques
ne se consacrent plus qu’à la production d’avions de
chasse. Cet ordre, effectif à compter du 30 septembre,
entraîne l’arrêt des essais sur le Ju 287.
Le Ju 287 V2, lui aussi présent à Brandis – mais sans
ses moteurs – à ce moment-là, subit le même sort que
son aîné, à savoir qu’il est parqué et camouflé sous les
arbres bordant le terrain. Ce second pré-prototype, codé
RS+RB, se distingue du précédent par l’empennage
horizontal abaissé de 30 cm et les contre-fiches du train
principal inversées, c’est-à-dire tournées vers l’intérieur.
Il devait être hexaréacteur : toujours avec un réacteur
de chaque côté du nez (Jumo 004 B‑1) et les quatre
autres (BMW 003 A‑1) regroupés en nacelles de deux
accrochées sous les intrados à hauteur du bord de fuite
des ailes. Cette machine se distingue également du point
de vue du camouflage, car les carénages supérieurs des
jambes de son train avant sont en RLM 65. Par ailleurs,
les Balkenkreuze de son fuselage sont du type adopté à
partir du 15 août 1944, c’est-à-dire uniquement formées
des équerres blanches.
p Ci-dessus : Ce
plan rapproché du Ju
287 V1 montre bien
la flèche négative.
74
Junkers
Ju 287
UN VRAI PROTOTYPE :
LE JU 287 V3
Le 24 avril 1945, la 1st US Army entre dans Dessau
et, peu de temps après, s’empare des Junkers Motoren
und Flugzeug-Werke. Le personnel de l’usine présente le
matériel aéronautique en cours d’étude et les quelques lui démontrer ce que représente, en matière de progrès
[12] Selon les
prototypes en construction, dont le EF 126 et le Ju 287 témoignages de
techniques, ce prototype de bombardier Ju 287 V3. Cet
V3, ce dernier terminé à 50%. Quelques éléments des Holzbaur et de Pancherz, appareil, qui définit la série Ju 287 A-0/A-1, doit être mû
Ju 287 V4 et V5 sont également visibles. De façon le Ju 287 V1 n’a par six réacteurs Jumo 004 B‑1, dont quatre regroupés
surprenante, les Américains se désintéressent de ces jamais quitté Brandis, par deux sous chaque aile et les deux autres situés de
contrairement à ce qu’il
matériels qui ne sont pas perdus pour tout le monde... est traditionnellement part et d’autre du nez. Une autre disposition prévoit le
En effet, lorsque l’administration soviétique prend le rapporté. regroupement des réacteurs, soit des Heinkel HeS 011
contrôle des Junkers-Werke le 1er août, après le retrait soit des Jumo 012, par trois sous chaque aile (formule
des troupes américaines, il n’est nullement besoin de dite Drillingstriebwerk). Nous y reviendrons.
Junkers Ju 287 V2
Brandis, Allemagne, avril 1945 (montré avec ses moteurs)
75
Ju 287 V2
Plans au 1/72e © Hubert Cance - 2018
Aile à flèche négative de 23,5° à 50% de la corde
76
Junkers
Ju 287
1 3
77
Maquette de bureau du fuselage du Junkers Ju 488 nanti des réacteurs
latéraux, préfigurant le prototype Ju 287 V3. Là aussi, vues de face et de
dessus permettent de discerner que les réacteurs sont divergents vers l’arrière.
(Coll. Nowarra)
Junkers Ju EF 125
© Hubert Cance - Aérojournal - 2018
Junkers Ju 287 S
© Hubert Cance - Aérojournal - 2018
78
Junkers
Ju 287
Ju 287 V3 (armé)
Année du projet : 1943
Aile à flèche négative de 23,5° à 50% de la corde
Morphologie
Envergure 20.10 m
Longueur 18,60 m
Hauteur 5,40 m
Surface alaire 58,30 m²
Allongement 6,93
Poids :
À vide 11 900 kg
Carburant 7 700 kg (9 625 litres)
Lubrifiant 60 kg
Équipage (3 membres) 300 kg
Toujours est-il que Junkers se fait fort de pouvoir pro- p Plan d’usine du Ju 287 A-1 Charge militaire 1 520 kg
duire le Ju 287 S sans difficulté, étant donné que le de série. Notez l'emport Charge maximale admissible 9 580 kg
Ju 287 V3 est en construction et que cela ne saurait figuré, en soute, d'une Poids au décollage 21 080 kg
bombe de 1 000 kg et d'une Charge allaire 361,50 kg/m²
tarder pour le Ju EF 131... qui sera finalement terminé Bombentorpedo. (Coll. Nowarra) Rapport poids/puissance 377,80 kg/kN
par les Soviétiques ! Rapport poids/poussée 3,70 kg/kgp
79
Ju EF 131
Construit en 1946 à Dessau avec les réacteurs en
Drillingstriebwerke sous les ailes.
Envoyé ensuite à Ramenskoïe près de Moscou
pour essais en vol.
Année du projet : 1943
Aile à flèche négative de 23,5° à 50% de la corde
Morphologie
Envergure 20.10 m
Longueur 18,60 m
Hauteur 5,40 m
Surface alaire 58,30 m²
Allongement 6,93
Poids :
p & q Deux photos de la maquette du Ju EF 131 avec les moteurs en Drillingstriebwerk. (DR) À vide 11 900 kg
Carburant 7 700 kg (9 625 litres)
Lubrifiant 80 kg
Équipage (3 membres) 300 kg
Charge militaire 3 020 kg
Charge maximale admissible 11 100 kg
Poids au décollage 23 000 kg
Charge allaire 393,80 kg/m²
Rapport poids/puissance 368,60 kg/kN
Rapport poids/poussée 3,60 kg/kgp
Motorisation
6 réacteurs Jumo 004 C-1 ou 6 réacteurs « russes »
Jumo 012.
Poussée statique d’un réacteur Jumo 004 C-1 : 10,40
kN (1 060 kgp)
Poussée statique d’un réacteur Jumo 012 : 24,50 kN
(1 500 kgp)
Performances
Vitesse maximale 850 km/h à 9 000 m
Vitesse de croisière 900 km/h à 11 000 m
Vitesse de montée 20 m/s au niveau de la mer
Plafond pratique 11 300 m
Rayon d’action 1 900 km à 11 000 m
Autonomie 2,15 heures à 11 000 m
Distance de décollage 1 020 m
Distance d’atterrissage 570 m
Vitesse d’atterrissage 186 km/h
Junkers Ju EF 131 V1
© Hubert Cance - Aérojournal - 2018
80
Junkers
Ju 287
ÉPILOGUE
Après de bons et loyaux services pour le
compte de Moscou, et selon les accords
conclus sur les prisonniers de guerre, l’équipe
Junkers est libérée en 1954 avec possibi-
lité de retourner en Allemagne. Fritz Freytag
et Brunolf Baade s’installent en République
démocratique allemande dite « Allemagne
de l’Est », où, après avoir rejoint la VEB
(Volkseigener Betrieb, entreprise possédée
par le peuple) Flugzeug-Werke Dresden, ils
mettent au point le Baade B-150 (OKB-1
Type 150), un bombardier biréacteur, et le
Baade B-152, un quadriréacteur commercial
à ailes en flèche positive et réacteurs en
nacelles. Bien que réussi, ce dernier sera vic-
time de restrictions budgétaires drastiques.
En 1960, Freytag passe en République
fédérale allemande et devient responsable
du programme Nord-VFW-Fokker Transall
C-160. Hans Wocke ralliera également la
RFA où, chez Hansa-Flugzeugbau (HFB), il
concevra le HFB 320 Hansa Jet, un avion
de transport à ailes en flèche négative !
p & x Photos de deux
maquettes différentes du
bombardier Junkers Ju 287
A-1 de série. (Coll. Nowarra)
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PZL P.55
Vue d'artiste. Projet d'intercepteur.
Le prototype aurait du voler au printemps 1940