26 Le Tigre Au Combat (E)

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LE TIGRE AU COMBAT
LE
AU
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M 02756 - 26H - F: 7,00 E - RD
HORS-SÉRIE N° 26
ITINÉRAIRE D’UN HÉLICOPTÈRE

HORS DU COMMUN
AIR&COSMOS
BELGIQUE : 7.50 € - SUISSE : 14 CHF - MaroC : 85 MaD - CaNaDa : 10,99 $ - DoM/S : 7,90 € - toM/S : 1020 CFp
C. COSMAO
HORS-SÉRIE
AVANT-PROPOS
« Le Tigre à la pointe de tous

les combats de l’armée de Terre »
Q uatre ans après la li-

vraison du Tigre français à l’Ecole
franco-allemande, les premiers appareils en
version appui-protection sont projetés en
opérations. Et pas sur n’importe quel théâtre :
en Afghanistan ! Un des plus difficiles que
les troupes françaises aient connus depuis
plusieurs décennies.
Le Tigre va dès lors s’impliquer,

au-delà de toute attente, dans les affrontements
et s’inscrire comme un des systèmes d’arme
majeurs au combat. En effet, depuis ce 26 juil-
let 2009 et cette projection initiale en opé-
rations, l’hélicoptère d’appui-protection n’a
cessé d’être déployé sur les zones de conflit
l’issue d’un engagement en notre faveur.
C’est aujourd’hui devenu un élément in-
dissociable de toutes les opérations planifiées
par l’état-major des armées, à tel point que
sa défection peut constituer à elle seule un
critère de non-exécution de la manœuvre
envisagée.
A près de 10 ans d’exploitation

dans l’armée de Terre, quelques chiffres
permettent de mieux appréhender ce bilan
depuis la livraison, en mars 2005, du premier
appareil HAP de série. En termes d’activité,
d’abord, l’Alat a réalisé de l’ordre de
25 000 heures de vol sur le Tigre, dont
686 heures en version appui-destruction.
l’Helicopter Strike Group (HSG) engagé
dans la mission « Harmattan », accomplissent
215 heures en Libye, parfois lors d’actions
dans la profondeur. Au Mali, enfin, depuis
janvier 2013 et le lancement de « Serval »,
ce sont jusqu’à 8 hélicoptères de combat
qui ont été déployés au plus fort de l’opération
dans la région du Sahel, totalisant à ce jour
plus de 1 600 heures de vol. Ainsi, il est
permis d’affirmer que le Tigre est un système
d’arme majeur de notre défense, faisant bas-
culer à notre profit le rapport de force.
Plus encore, c’est le pion central

d’un système de femmes et d’hommes –
opérationnels, ingénieurs et industriels –
où sa polyvalence, sa puissance de feu, sa composant une large communauté d’initiés
rusticité et son autonomie ont été grandement qui raisonnent Tigre, qui agissent Tigre et
appréciées. Afghanistan dès 2009, Libye en D’un point de vue opérationnel, ont révolutionné le mode de pensée autour
2011, Mali depuis janvier 2013 sont autant ensuite, les détachements successifs en de l’emploi de l’hélicoptère.
de pays où cet exceptionnel outil de combat Afghanistan, de juillet 2009 à février 2013,
de nouvelle génération a fait valoir toutes ont intégré de 2 à 5 appareils, réalisant plus
ses aptitudes. Le Tigre HAP a objectivement de 4 000 heures de vol au-dessus de ce ter- Général Olivier Gourlez de La Motte,
sauvé la vie de plusieurs de nos camarades, ritoire très hostile. De mai à octobre 2011, commandant de l’Aviation légère
en faisant baisser la tête de l’ennemi, retournant 2 Tigre, vér itables anges gardiens de de l’armée de Terre
HORS-SÉRIE N° 26 - JUIN 2014 AIR&COSMOS air-cosmos.com 3

HORS-SÉRIE
Sommaire
Chapitre 1 : la naissance d’un fauve P. 12
Chapitre 2 : un hélicoptère, trois versions P. 26
Chapitre 3 : à bord du Tigre P. 46
Chapitre 4 : en service dans les forces P. 58
Chapitre 5 : le Tigre à l’export P. 86
Chapitre 6 : quel Tigre pour demain P. 94
C. COSMAO
HORS-SÉRIE
A. PECCHI - AIRBUS HELICOPTERS

La revanche du faible
Q ui aurait parié un kopeck sur

l’Homo sapiens dans les premières années de l’évo-
lution ? Sans pelage ni griﬀes, sans force ni vélocité,
nu face aux prédateurs, consacrant la moitié de son
espérance de vie à une lente maturation pour
péniblement atteindre l’âge adulte… Et pourtant…
L’hélicoptère de combat est à l’image de son
créateur. C’est une machine complexe et pourtant
aujourd’hui Airbus Helicopters, mais il aura sans
doute joué un rôle capital dans la formation du
groupe européen. Quand l’appareil est engagé pour
la première fois au combat en Afghanistan, à l’été
2009, 18 ans après son premier vol, il est déjà le vété-
ran de nombreuses batailles industrielles, politiques et
commerciales. A ces cicatrices gagnées dans les
chancelleries, les cabinets ministériels et les salons
fragile, qui évolue sur un terrain où pullulent les aéronautiques, il ne tarde pas à en ajouter d’autres,
engins blindés, lourds, mieux armés et plus puissants dues cette fois à la violence des combats dans la
que lui. Mais là aussi, la magie de l’évolution s’est chaleur et la poussière. En service depuis 10 ans, le
opérée, faisant de l’appareil le tueur le plus redouté Tigre compte aujourd’hui à son actif trois guerres et
du champ de bataille. quelques autres opérations plus discrètes. On porte
à son crédit 25 000 heures de vol, des engagements
décisifs, quantité de vies sauvées et de combats gagnés.
Le Tigre que nous vous présentons dans les Plus aucune opération d’envergure ne se conçoit
pages suivantes représente le summum de cette aujourd’hui en France sans le soutien du Tigre.
évolution, mâtinée d’enjeux industriels qui ont fina-
lement fait de cet appareil le ciment d’un rapproche-
ment franco-allemand. Le Tigre ne sera certainement C’est cette revanche du faible que nous vous
pas l’hélicoptère le plus vendu d’Eurocopter, invitons à découvrir dans les pages qui suivent.
HORS-SÉRIE / Le Tigre au combat

Hors-série Le Tigre au combat, réalisé par Frédéric Lert SOCIÉTÉ DES ÉDITIONS AIR & COSMOS (SAS)
S.A.S. au capital de 1.000.000 €
Siret 632 008 702 000 37.
Maquette : Frédéric Bergerat Siège social :
1 bis, avenue de la République
Directeur artistique : Cyrille Cosmao 75011 Paris (France)
Création artistique : Mourad Cherfi Principaux actionnaires :
Discom S.A.S. et Hubert de Caslou
Secrétaire de rédaction : François Julian
© AIR&COSMOS
Révision : Suzanne Riou ISSN 1240-3113 - Dépôt légal à la date de parution
Numéro de commission paritaire : 0215 T 86120
Distribué par Presstalis - Impression : Imprimerie de Champagne
Directeur de la publication : Hubert de Caslou Toute reproduction des textes et documents est interdite, ainsi que leur utilisation à des fins publicitaires. Les textes de publicité
sont rédigés sous la responsabilité des annonceurs. Ils n’engagent pas « Air & Cosmos ». Pour garantir son indépendance,
« Air & Cosmos » se réserve le droit de refuser (même en cours de programme) toute insertion publicitaire sans avoir à justifier
sa décision. Copyright 2013.
En couverture : Tigre HAD. Photo : A. Pecchi - Airbus Helicopters

HORS-SÉRIE
C. COSMAO
HORS-SÉRIE
EUROCOPTER
HORS-SÉRIE
NAISSANCE D’UN FAUVE
ELQUES ENTERREMENTS...
UN MARIAGE ET QU
MBB-AEROSPATIALE
entendu, de MBB (Messerschmitt-Bölkow-

Blohm) et d’Aerospatiale, mais aussi des
motoristes (Turbomeca, MTU et Rolls-
Dès la fin des années 70, Berlin et paris s’entendent sur le Royce) et des équipementiers.
fait qu’ils auront besoin d’un nouvel hélicoptère de combat. FRANCO-ALLEMAND. Pour Aero-
Mais militaires et ingénieurs de chaque côté du rhin vont spatiale et MBB, cette coopération n’est
pas vraiment une nouveauté. Les deux
industriels se connaissent déjà bien : à
mettre du temps à s’accorder sur un même projet. partir de 1963, à la suite de la signature
du traité franco-allemand de l’Elysée, Sud
Aviation et MBB avaient travaillé ensemble
L
sur le concept de rotor rigide MIR et les
pales en matériaux composites. Le pro-
totype du MIR volera d’ailleurs sur une
a genèse de l’EC665 Tigre est une depuis un dérivé du SA361 Dauphin mo- Alouette II banc d’essai, puis sur le pro-
histoire longue et complexe, faite de quantité nomoteur, jusqu’à la conception d’un appareil totype de la Gazelle, avant d’équiper le
de négociations, d’accords et d’échecs. Pen- lourd et polyvalent utilisant les ensembles BO105. Une décision politique fit que
dant plus de treize ans, Français et Allemands dynamiques du Puma. la Gazelle déboucha finalement sur une
ont négocié pas à pas pour tenter de rap- En 1975, constatant la similarité des ap- coopération avec la Grande-Bretagne, et
procher des points de vue parfois diamé- proches dans le domaine de la lutte antichar, les Allemands repassèrent le Rhin, le rotor
tralement opposés. Postures stratégiques di- les ministres de la Défense français et allemand rigide sous le bras…
vergentes, conceptions du combat héliporté se décident pour une coopération sur le Au milieu des années 1970, les choses
antagonistes, rivalités industrielles et programme. Pour compenser la maîtrise s’annoncent donc plutôt bien et un groupe
contraintes budgétaires ont été les éléments d’œuvre accordée à la France dans le cadre de travail Otan, « Finabel », est mis en place,
essentiels d’une potion binationale que les du programme de l’avion d’entraînement tandis qu’une convention est signée entre
deux pays partenaires auront mis plus de Alphajet, fruit d’une coopération entre les états-majors français et allemand en no-
13 ans à avaler, depuis la première expression Breguet et Dornier, Paris propose à Bonn vembre 1976. Un directeur de programme
du besoin pour un appareil de combat mo- le leadership de ce futur programme d’hé- allemand est nommé, avec un Français
derne, en 1974, jusqu’au lancement officiel licoptère de combat. Les premières études comme adjoint, et les directeurs techniques
du programme, le 7 décembre 1987. De sont lancées sur le sujet et les industriels des deux firmes sont en contact direct. Le
très longues années de tâtonnements, de sont priés de coopérer. On parle là, bien programme semble être sur de bons rails
marche en avant, de pas de côté, de reculades
et de valses-hésitations pour aboutir fina-
lement à un appareil qui fait, depuis près de
10 ans, les beaux jours de l’Alat française.
Mais, avant même son premier vol, le Tigre
aura été le vétéran de bien des combats !
PARTENAIRES. S’il fallait dater avec

précision le coup d’envoi du programme
Tigre, on pourrait retenir l’année 1974, bien
que la réflexion sur le combat futur et la
conception de systèmes d’arme nouveaux
dans les armées occidentales soient un pro-
cessus constant, qui ne puisse être donc
arrêté à une date particulière. Mais, en 1974,
la Bundeswehr exprime formellement un
besoin pour un PAH 2 Panzerabwehr Hub-
schrauber de 2e génération ayant une capacité
de combat de nuit. Il s’agit de venir compléter
les capacités du PAH 1, c’est-à-dire du
BO105 équipé de missiles HOT mais apte
uniquement aux missions de jour. L’héli-
coptériste allemand MBB effectue des études
pour un avant-projet alors appelé BO115.
De l’autre côté du Rhin, on réfléchit éga-
aerospatiale
lement à un « hélicoptère armé futur », alias

HAF. De nombreuses pistes sont explorées,
14 air-cosmos.com AIR&COSMOS HORS-SÉRIE N° 26 - JUIN 2014

Français et Allemands rêvent d’un hélicoptère de combat moderne pour leurs armées
de Terre (en bas, à gauche). Outre-Rhin, il s’agit notamment de se doter d’une machine
complétant les capacités du BO105, doté de missiles HOT (ci-dessous).
BUNDESWEHR
et on évoque alors le début d’une fabrication phase de définition de 18 mois. Il est

en série en 1985, avec des premières li- fran- alors précisé que l’appareil sera op-
vraisons dès l’année suivante. çaise. Bref, rien timisé pour la lutte antichar, qu’il
ne va, et les grands choix sera bimoteur et que les équipements
techniques sur la motorisation, l’ins- optroniques seront communs entre les
DIVERGENCES. En 1978, les es- tallation de l’équipage et la visionique res- deux pays et de préférence européens. Le
quisses montrent un appareil de tent encore dans le flou. Pendant ce temps, rotor anticouple classique est imposé. La
4 200 kg en charge, bimoteur, équipé d’un l’idée d’une version d’appui-protection maîtrise d’œuvre est confiée à MBB, qui
cockpit en tandem, d’un fenestron, d’un du nouvel hélicoptère commence à faire s’engage dans le même temps à soutenir
train principal rentrant dans des ailettes son chemin en France. le leadership d’Aerospatiale si un futur pro-
et d’un ensemble de visée d’origine eu- gramme d’appareil de transport tactique
ropéenne. Le missile filoguidé HOT est devait être dérivé du nouvel hélicoptère.
choisi comme armement principal et le La phase de définition annoncée par l’accord
LES DEUX PAYS

montage d’un canon en tourelle dans le franco-allemand se déroule en 1980 et 1981,
nez est évoqué comme armement secon- mais très rapidement, la belle unité de
daire pour un standard ultérieur. Cette vi-
sion des choses est loin de convaincre NE PARVIENNENT façade vole en éclats. Les deux pays ne par-
viennent pas à s’entendre sur les questions
outre-Rhin, où l’on estime (à juste titre…)
que la masse de 4 200 kg est très largement PAS À S’ENTENDRE techniques essentielles et le protocole bi-
latéral, plombé par des questions de finan-
sous-évaluée. En outre, les Allemands ne cement, se conclut par un fiasco.
veulent pas entendre parler de la visionique
européenne, préférant de loin acheter sur Pour faire bouger les choses et permettre
étagère le TADS-PNVS, en développement le démarrage d’une phase de définition EN TANDEM OU CÔTE À CÔTE ?
pour l’Apache. Ils se montrent par ailleurs commune entre les deux pays, un protocole Décidément, rien ne va entre Français
très opposés à l’utilisation d’un fenestron, intergouvernemental franco-allemand est et Allemands. Les premiers s’accrochent à
qui donnerait à l’appareil une allure trop… signé en 1979, prévoyant la réalisation d’une l’idée d’un appareil léger, monomoteur,

EUROCOPTER
avec un positionnement classique des pilotes

côte à côte. Cette disposition est le fruit A-129 Mangusta. Aerospatiale ne donne
d’un long héritage, commencé sur pas suite à la proposition de collaboration.
l’Alouette II, poursuivi sur l’Alouette III Agusta, qui tente vainement d’ouvrir son
et qui trouve une nouvelle application sur projet à la coopération, reviendra d’ailleurs
la Gazelle, qui donne toute satisfaction à à la charge quelques mois plus tard, mais
l’Alat. Les pilotes se voient du coin de l’œil, auprès des Allemands cette fois. Sans plus
contrôlent leurs actions, communiquent de résultat. Symptomatique des tâtonnements
rapidement par gestes. Mais, en Allemagne, et des errements de la période, le projet
on regarde avec envie du côté du Cobra, d’une coopération sur un appareil dérivé
du Hind soviétique du Dauphin est
ou de l’Apache, qui proposé à MBB par
prépare son entrée
en scène. C’est le L’ALLEMAGNE Aerospatiale : il s’agi-
rait d’un appareil de
cockpit en tandem
avec pilote et tireur REGARDE AVEC ENVIE 4 tonnes, bimoteur,
côte à côte, avec fe-
l’un derrière l’autre,
et les Français fini-
L’APACHE AMÉRICAIN nestron mais rotor ri-
gide made in Ger-
ront par se rallier à many. « Un Dauphin
cette vision devenue classique. déguisé », s’étouffent la presse et les militaires
Mais d’autres pierres d’achoppement di- allemands. Aussitôt proposé, aussitôt en-
visent les deux partenaires. L’œil rivé sur terré… Et du côté américain, l’idée de placer
ce que font les Américains ou les Soviétiques, l’Apache en Europe s’affermit.Washington
avec le Mi-24, l’Allemagne plaide en par- réussirait-il à renouveler, dans le domaine
ticulier pour un appareil bimoteur, forcé- des hélicoptères, la réussite exceptionnelle
ment plus lourd que le projet français. Spé- du F-16 ? L’armée allemande en rêverait
cialiste du rotor rigide, gage de d’ailleurs, mais son budget ne le lui permet
manœuvrabilité et de rusticité, MBB veut pas et la solution transatlantique serait po-
également en équiper le futur appareil de litiquement malvenue.
combat. Et puis, bien entendu, les questions
du rotor arrière et de l’optronique restent
en suspens. Après 2 ans de négociations, NOUVEL ÉLAN. Car, au début des an-
AEROSPATIALE
c’est un constat d’échec, le projet d’héli- nées 1980, l’entrée en scène du couple Fran-
coptère de combat est provisoirement classé çois Mitterrand-Helmut Kohl donne un
sans suite, et les rumeurs de rupture vont nouvel élan à la coopération franco-allemande.
bon train. Les deux chefs d’Etat souhaitent donner une
Face à cette situation, des solutions de nouvelle impulsion à la coopération entre de fondation à la coopération européenne
repli sont envisagées de part et d’autre du leurs pays, allant jusqu’à s’impliquer person- en matière d’hélicoptères. Il y va, bien entendu,
Rhin. En France, où l’idée d’un appareil nellement dans le suivi des programmes. Les de l’intérêt opérationnel, mais il ne faut pas
d’appui-protection finit par s’imposer, c’est ministres de la Défense, André Giraud, du se voiler la face : derrière le camouflage de
le projet d’un engin héritant des ensembles gouvernement de cohabitation en France, l’appareil, se profilent des enjeux industriels
mécaniques du Dauphin bimoteur qui tient et Manfred Wörner, en Allemagne, tapent du bien plus importants, avec la volonté de
la corde. Ce sont d’ailleurs ces mêmes en- poing sur la table : les militaires et les industriels constituer un axe franco-allemand solide,
sembles dynamiques qui intéressent les sont priés de se mettre d’accord et très vite. seul capable d’endiguer l’hégémonie amé-
Italiens d’Agusta, pour en équiper leur futur Le programme est, en effet, appelé à servir ricaine en matière d’industrie de défense. Et

Pour les Allemands, c’est la première raison d’être du Tigre : repousser des hordes de blindés venues de l’Est. Une mission qui motivera un grand
nombre de choix de conception, comme le choix d’un viseur de mât et l’emploi d’une cellule en matériaux composites, notamment en carbone-Kevlar.
la coopération est jugée indispensable pour signent donc un protocole d’accord lançant pour les hélicoptères ? C’est possible, car la
amortir les coûts de développement, de mise officiellement le développement de la famille situation est sans nul doute plus favorable
au point, mais aussi pour garantir les marchés Tigre, et le projet est officiellement entériné dans le domaine des voilures tournantes : il
intérieurs des deux pays partenaires et faciliter lors du 43e sommet franco-allemand. n’y a que deux interlocuteurs, et la coopé-
les exportations. Derrière le Tigre, qui renaît ration qui s’engage est portée par un véritable
de ses cendres, c’est Eurocopter, le futur projet industriel de rapprochement devant
numéro un mondial de l’hélicoptère, qui AINSI NAQUIT EUROCOPTER. déboucher sur la formation d’un groupe
pointe le bout de son nez. En mai 1984, les Ce que l’Europe n’a pas su faire pour les unique, dont le Tigre servira de test et de
ministres de la Défense français et allemand avions de combat, saura-t-elle le réaliser ciment. Que le projet capote, et cela en sera

peut-être fini de l’ambition européenne en

matière d’hélicoptère… Mais les deux in-
dustriels sont condamnés à s’entendre pour Vingt ans plus tard…
survivre. Guillaume Faury a suivi les cours de
En juillet 1984, une société spécifique est l’Epner (Ecole du personnel navigant
constituée et détenue à 50/50 par MBB et d’essai et de réception), en 1992-
Aerospatiale : il s’agit d’Eurocopter SA, qui 1993. Il a ensuite passé 5 ans sur le
va à son tour créer une filiale, Eurocopter programme Tigre, comme ingénieur
Tiger GMBH, de droit allemand et basée navigant d’essai au sein du centre
à Munich. Les Etats imposent un découpage d’essai en vol. « Une période extraor-
industriel du programme à 50/50 entre les dinaire, ponctuée de nombreux essais
deux partenaires. Cellule, pales, BTP, avio- et expérimentations, qui a pour moi
DR
nique, motorisation… l’hélicoptère est dé- été l’occasion d’apprendre énormé- Guillaume Faury (au dernier rang avec le blouson vert), pen-
coupé en lots et partagé suivant les domaines ment au contact de remarquables
dant les essais en chambre climatique à Bourges, en préalable
d’excellence de chacun. « Un partage rela- techniciens, explique-t-il aujourd’hui.
tivement intelligent », juge un témoin de à la campagne d’essais temps froid du Tigre en Suède.
J’ai beaucoup volé sur cet appareil,
l’époque. Sans doute, à une exception près : qui m’a toujours fasciné par ses
l’avionique, dont le retard de mise au point performances. » savoir-faire. Et c’est aussi un appareil
va plomber la version allemande pendant Aujourd’hui, à la tête d’Airbus très important dans nos relations avec
plus d’un an. Cet écueil mis à part, le projet Helicopters, Guillaume Faury ne tarit nos clients gouvernementaux majeurs,
semble bien parti et les rails solides. Sauf pas d’éloges sur l’hélicoptère de parce qu’il concentre sur lui des enga-
que… plusieurs mois sont encore perdus combat européen. « Après avoir été gements opérationnels très durs, dont
pour le déblocage des financements. le ciment du rapprochement franco- il faut assurer le soutien technique et
allemand, le Tigre est désormais un logistique, tout en le faisant évoluer
appareil emblématique de notre pour préparer son avenir. »
UN ANTICHAR COMMUN. Et il
n’échappe pas à un recadrage salutaire
de dernière minute : trois variantes distinctes
étaient prévues par le MOU (mémorandum nalement aboutir, le 13 novembre 1987, à
d’entente) de 1984, deux antichars pour la signature d’un avenant au MOU de 1984 :
la France et l’Allemagne et un appui-pro- il n’y aura donc que deux versions produites :
tection pour la France. Mais le développement un antichar au financement partagé entre
de ces trois versions distinctes s’apparente la France et l’Allemagne, et un appui-pro-
plus à un cumul de besoins nationaux qu’à tection, devenu prioritaire pour Paris, et
un véritable appareil commun. Il faut donc dont le coût sera pris en charge par la France
créer un appareil antichar commun. Les tra- seule. Les deux pays se mettent d’accord sur
vaux sont une fois de plus retardés et l’ouvrage une architecture de base unique pour l’ap-
est remis sur le métier. De nouvelles études pareil, sur laquelle viendront se greffer les
bilatérales sont engagées en 1986 pour fi- systèmes d’arme et les équipements de mis-
Des développements préparatoires importants

Pas moins de sept appareils de servitude, trois Puma et quatre Dauphin, sont
mobilisés au cours des années 1980 par la France pour lancer le développe-
ment d’équipements de nouvelle génération qui trouveront leur place sur le
Tigre. L’Alat joue un rôle moteur dans ces travaux, prêtant les Puma et finan-
çant les chantiers de modification des Dauphin.
• Dauphin 361 « Vénus » : visionique de tir HOT et tirs de nuit.

• Dauphin « Portos » : viseur de toit antichar.
• Puma « Cassiopée » puis « Hector » : essais de la tourelle canon,
d’asservissement et de conduite de tir canon.
• Puma « Helios » : système d’arme HAP.
• Puma « Aphrodite » : visionique de pilotage.
• Dauphin AC3G : emport et conduite de tir Trigat.
AEROSPATIALE
• Dauphin MTR390 : développement moteur.
18 air-cosmos.com AIR&COSMOS HOrs-sérIE n° 26 - JUIn 2014

sion spécifiques donnant naissance aux ver- Le 28 septembre 1988, un contrat de dé- 427 appareils par les deux pays partenaires :
sions souhaitées. La communalité attendue veloppement initial est signé entre la DGA 115 HAP, 100 HAC et 212 PAH 2. Des
est de 80 % d’une version à l’autre. L’idée et son équivalent allemand. Puis, le 30 no- chiffres qui seront constamment revus à la
d’une maîtrise d’œuvre allemande est éga- vembre 1989, c’est la signature du contrat baisse au cours des années suivantes…
lement abandonnée au profit d’une maîtrise
d’œuvre partagée au sein d’Eurocopter
GMBH, avec une répartition équitable de ENFIN, LA SIGNATURE ! En 1991,
la charge industrielle. C’est une étape décisive la création du GIE de commercialisation
dans l’édification d’un avenir commun pour
UNE VERSION ANTI- Eurocopter International précède d’un an
CHAR ET UNE VERSION

Aerospatiale et MBB. En 1987, la coopération la fusion de la division hélicoptères
sur le projet démarre pour de bon. d’Aerospatiale et de MBB qui reprend le
D’APPUI-PROTECTION
Les Français se sont finalement rangés nom d’Eurocopter. La fusion est officialisée
aux arguments allemands : le Tigre sera un le 2 janvier 1992. Le Tigre constitue le
appareil de 7 tonnes, bimoteur, avec un poste ciment de cette union en faisant travailler
de pilotage en tandem – pilote devant et ensemble, pour la première fois sur un pro-
chef de bord-tireur derrière –, et il ne sera principal de développement entre Eurocopter gramme commun, les équipes de Marignane
pas équipé de fenestron. Belle consolation, GMBH et les Etats français et allemand. et de Donauwörth. Le 30 juin 1995, le Salon
la visionique sera, en revanche, made in Cet accord comprend la réalisation de la du Bourget sert d’écrin à la signature de
Europe… Les premiers dessins distribués à version de base de l’hélicoptère et le déve- l’industrialisation. Mais aussitôt signée, l’in-
la presse montrent un cockpit sans décro- loppement de l’équipement Euromep (Mis- dustrialisation est repoussée, du côté français,
chement, le viseur derrière le cockpit, sous sion Equipment Package) antichar et MEP pour des raisons budgétaires. Il faut attendre
le rotor quadripale. Les turbines sont placées HAP. L’accord prévoit également la fabrication le 18 juin 1999 et de nouveau un Salon du
en arrière, avec la sortie de puissance vers de cinq prototypes volants et d’une structure Bourget pour assister à la signature du contrat
l’avant. Le canon dans le nez de la version statique pour les essais de résistance structurale. de production : 80 appareils pour la France
HAP est déjà là. On évoque à l’époque la commande de (70 HAC et 10 HAP) et autant d’UHT
L’une des maquettes préparatoires qui fut construite au début du programme. Bien que portant la
cocarde tricolore, cette dernière dispose du viseur de mât qui caractérise la version allemande.

• 27 AVRIL 1991 • 19 NOVEMBRE 1993 • 21 FÉVRIER 1996

LES PREMIERS PREMIER VOL PT1 PREMIER VOL PT3 PREMIER VOL PT5
VOLS • 22 AVRIL 1993

PREMIER VOL PT2
• 16 DÉCEMBRE 1994
PREMIER VOL PT4
• 19 NOVEMBRE 1996
PREMIER VOL PT4 RÉNOVÉ
Les pales sont en fibre de verre. Il en résulte

Lepremierprototype,PT1,faitsonpremiervolenversionHAP.Plustard, au total un allégement considérable de l’ap-
ilserareconfiguréenUHT,commesurcettephoto. pareil, qui ne pèse que 4 tonnes à vide, soit
2 tonnes de moins que l’AH-64 Apache, à
la structure principalement métallique. Plus
léger, l’appareil consomme moins, va plus
loin et sa structure particulière contribue à
sa discrétion radar.
... ET ANTICHOC. Mais face aux exi-

gences anticrashs très sévères posées par
les armées clientes, la mise au point de la
structure n’est toutefois pas un long fleuve
tranquille : le premier essai d’écrasement,
conduit au CEAT de Toulouse, est un échec.
AEROSPATIALE
La cellule est détruite, la poutre de queue

se tord de 90° par rapport au reste du fuselage.
Le deuxième essai, avec une cellule neuve,
se solde encore par un échec, mais les résultats
pour l’Allemagne. Il s’est écoulé un quart les parties basses de la barque qui doivent sont encourageants : la cellule peut être ré-
de siècle depuis les premières négociations… être les plus résistantes aux crashs. La partie cupérée, remise en état et renforcée pour
Cinq prototypes sont inscrits au pro- centrale, soumise aux efforts en torsion, est le troisième essai. La cellule est une fois de
gramme de développement. Ils sont complétés en composite « sandwich », tandis que les plus hissée à dix mètres de haut sous un
par plusieurs Dauphin et Puma affectés à parties hautes sont en carbone monolithe. portique, puis lâchée sans autre forme de
la mise au point des équipements (capteurs
et armements) et par une cellule statique
dévolue aux essais de résistance aux crashs.
Car le choix des matériaux composites pour
la fabrication fait partie des grands défis
techniques posés par l’appareil.Au moment
de choisir entre aluminium et composites,
on a jugé à Marignane que le temps était
venu de faire le grand saut. L’expérience
accumulée sur les pales, sur certaines pièces
de structure et sur de nombreux dévelop-
pements exploratoires est alors considérable.
« Le dural est arrivé au terme de ses capacités
d’évolution, on ne progressera plus avec,
tandis que le composite ouvre des perspectives
de progrès considérables », juge alors Manuel
Torres, directeur technique du programme.
PARE-BALLES… Cellule, rotor, dé-

rives, capots, trappes de visite, bras d’ar-
mement… la liste est longue des équipements
faisant appel aux matériaux composites. L ’absencedecanonetleviseurdemâtpermettent
EUROCOPTER
Pour les parties principales du fuselage, il dedifférencieraupremiercoupd’œilleTigreallemand.

s’agit de Kevlar aramide, notamment pour

• 17 FÉVRIER 1998 • 21 DÉCEMBRE 2001 • 23 MARS 2003
DESTRUCTION DU PT2 (AUSTRALIE) PREMIER VOL PS01 PREMIER VOL TIGRE
• 15 JUILLET 1998 • 2 AOÛT 2002 HAP DE SÉRIE
PREMIER VOL PT3 RÉNOVÉ PREMIER VOL TIGRE UHT DE SÉRIE
EUROCOPTER
Image symbolique des deux futures superstars de l’armée de Terre. Si le Tigre a eu de nombreuses occasions
de montrer sa valeur au combat, les engagements opérationnels ont été plus rares pour le puissant Leclerc…
procès. Cette fois-ci, c’est bon : l’appareil Marignane, où a été organisé le FIT, ou équipe multinationale a été un élément es-
conserve son intégrité et les accès au cockpit Flight Integrated Team. Cette équipe d’essai sentiel de la réussite du projet » se souvient
peuvent être ouverts sans forcer. Les mauvaises en vol regroupe dans un même creuset tous Pierre Rougier, qui en fut le patron pendant
langues diront que les trois appareils suivants, les spécialistes français et allemands dans 7 ans. Il est vrai que le monde de l’hélicoptère
perdus en vol (le quatrième prototype en quatre domaines essentiels : équipe de piste, est petit et fait de passionnés qui se connaissent
Australie, l’HAP en Afghanistan et l’UHT techniciens d’installation de mesures, analystes bien : Adam Teleki, chef de file de la com-
en Allemagne), auront tous prouvé leur re- de données et, bien entendu, équipages posante allemande du FIT, a été recruté par
marquable résistance structurale : aucun MBB au début des années soixante. Il connaît
mort, ni aucun blessé grave n’ont été à dé- bien la France et les équipes d’Aerospatiale
plorer dans ces trois accidents. pour avoir collaboré, 20 ans plus tôt, aux
AVEC LES COMPOSITES, essais en vol de l’hélicoptère Gazelle et du
rotor rigide qui aurait pu l’équiper. Un
BONNE AMBIANCE. Le premier
prototype est assemblé à Ottobrunn LE TIGRE EST MOINS quart de siècle plus tard, le voilà de retour
à Marignane, dans une région qu’il apprécie
(Allemagne), où il effectue une très discrète
sortie d’usine, le 4 février 1991. Guerre du
LOURD QUE L’APACHE particulièrement, pour le programme Tigre.
« Personne n’aurait parié un kopek sur la
Golfe oblige, tous les regards sont alors réussite du travail de notre équipe franco-
tournés vers l’Irak, où l’opération « Tempête allemande, se souvient Pierre Rougier. On
du désert » bat son plein. Un mois plus tard, d’essai. Une vingtaine de personnes au total pensait que nous finirions par nous disputer
l’appareil est transféré en France pour son placées sous l’autorité du Français Pierre et que tout cela s’achèverait par des cris et
équipement final, en préparation de son Rougier, avec comme adjoint Adam Teleki, une séparation… Mais c’est tout le contraire
premier vol. Tous les essais du véhicule de citoyen britannique mais hongrois d’origine, qui s’est produit. Nous étions tous très ouverts
base sont partagés à 50/50 entre les deux travaillant de longue date pour MBB. « L’ex- à la coopération et les Allemands ont parfai-
pays, jusqu’au transfert de l’appareil à cellente ambiance qui régnait dans cette tement accepté que nous prenions la conduite

des essais. Adam Teleki était très loyal vis-à-

vis du programme : s’il y avait un problème,
il le réglait avec nous, au sein du groupe, sans
faire jouer sa hiérarchie allemande. »
Après plusieurs semaines d’essais au sol
et de points fixes, le premier vol du
PT1 a lieu le 27 avril 1991, en accord
avec le calendrier défini 4 ans plus
tôt par l’accord franco-allemand. Un
premier vol éminemment politique
puisqu’en lieu et place de l’équipage classique
attendu, pilote d’essai en place avant et in-
génieur navigant d’essai en place arrière,
deux pilotes de deux nationalités différentes
prennent place dans le prototype. Comme
tous les appareils qui suivront, le PT1 est
en effet équipé d’une double commande.
L’appareil n’a en revanche pas encore reçu
les écrans multifonctions, et toute son ins-
LES FRANÇAIS PREN-

NENT LA CONDUITE
DES ESSAIS EN VOL
trumentation est faite de « pendules » ana-
logiques. La logique aurait voulu que l’on
trouvât un Français et un Allemand dans
l’appareil, mais le jeu de la coopération eu-
ropéenne en a décidé autrement : Etienne
Herrenschmidt, pilote français comme son
nom ne l’indique pas forcément, est en
place avant, tandis que la place arrière est
occupée par Andy Warner, sujet britannique
au service de MBB. Bonjour l’Europe !
CHASSE AUX KILOS. L’appareil

pèse 4,3 tonnes et ce premier vol dure
un peu plus de 40 minutes. Un bref vol
d’avancement, quelques translations pour
contrôler la stabilité et mesurer les réactions
de l’engin aux commandes, puis un long
vol stationnaire, à quelques mètres au-
dessus du sol pour faire monter la tempé-
rature et vérifier la bonne tenue des moteurs.
Le deuxième vol intervient le 2 mai, une
semaine seulement après le premier : tout
fonctionne correctement sur le prototype.
Etienne Herrenschmidt est toujours en
place avant, mais il est accompagné cette
fois de Pierre Rougier, en place arrière.
Le 21 mai, le PT1 atteint 150 kt sous facteur
Contre toute attente, le programme d’essais en vol, à Marignane, de charge, signe que le programme avance
EUROCOPTER
se déroule sans dissensions entre Français et Allemands. vite et bien. Avec seulement une vingtaine
de vols à son actif, l’appareil est ensuite

Le Français Etienne Herrenschmidt et son homologue britannique
EUROCOPTER
Andy Warner seront les hommes du premier vol, le 27 avril 1991.
présenté en vol au Salon du Bourget. « Nous gagner en réduisant sa taille. En attendant cevoir la configuration dynamique qui est
allions vite dans les essais et nous avons qu’un nouvel empennage soit fabriqué, il la sienne aujourd’hui : à grande vitesse, l’air
ouvert rapidement le domaine de vol parce est déplacé et avancé à mi-poutre, pour ré- entre dans le moteur avec une pression dy-
que nous voulions trouver le plus vite pos- duire, à dimension égale, son bras de levier. namique qui lui est propre et qui permet,
sible les problèmes graves qui auraient pu La nouvelle version reprendra la place initiale, en altitude, de compenser dans une certaine
retarder le programme, se souvient Pierre à l’extrémité de l’appareil. Les entrées d’air mesure la perte de pression atmosphérique.
Rougier. Nous voulions acquérir très ra- font également l’objet de quelques retouches. Parmi les essais les plus spectaculaires,
pidement la certitude que l’appareil ré- Un grand classique sur les hélicoptères, là figurent les mesures d’atterrissage dur.
pondrait bien aux spécifications et, de ce aussi amplifié par les spécifications très exi- L’appareil est amené au sol avec un taux
point de vue-là, nous avons été très vite de descente de 700 à 800 ft/min. L’impact
rassurés : nous avons tout de suite vu que est violent, le train arrive en butée sur ses
l’appareil remplirait le cahier des charges amortisseurs, les sièges anticrashs commen-
en matière de vitesse et d’autonomie… cent à se déformer, mais l’appareil tient le
Mais nous avons aussi trouvé des curiosités, UN ÉQUIPAGE coup et passe le test haut la main. Une
FRANCO-BRITANNIQUE
comme par exemple, en vol de translation capacité qui sera démontrée, quelques années
latérale, la différence d’assiette était consi- plus tard, sur le terrain…
POUR LE PREMIER VOL

dérable selon que l’on partait vers la gauche
ou vers la droite. Une différence qui s’ex-
pliquait par le dimensionnement du rotor MAQUETTES DE VISEUR. Jusqu’à
anticouple nécessaire pour tenir la spéci- la mise en ligne du PT2, les essais en-
fication : 50 kt en translation latérale sur geantes du Tigre, auquel il est par exemple gageant le PT1 portent sur le comportement
tous les caps ! » demandé une vitesse de 50 kt en marche du véhicule, les qualités de vol, les vibrations.
Au jeu des sept erreurs, les documents arrière (l’appareil atteint, en fait, facilement Pour la première fois sur un hélicoptère,
d’époque montrent quelques itérations sur les 70 kt…). Dans leur première version, les l’installation d’essai embarquée est complè-
l’empennage horizontal, qui commence les entrées d’air aspirent l’air latéralement. Mais tement numérique. Après une dizaine de
vols à l’extrémité de la poutre de queue. le vol en marche arrière à grande vitesse vols, les petites misères des débuts sont ou-
Mais, très rapidement, les équipes d’essai fait apparaître le risque d’une ingestion des bliées, l’installation fonctionne parfaitement
constatent qu’il est surdimensionné et qu’il gaz de combustion. L’appareil hérite alors et les capacités de traitement du signal se
y a sans doute quelques kilogrammes à d’une écope sur l’entrée d’air, avant de re- sont mises au diapason. Le PT1 a été di-

P. PENNA-EUROCOPTER
mensionné pour voler dans les deux confi- aux commandes Pendant que l’un est en qui compte parmi les spécifications de l’ap-
gurations principales du Tigre : HAP pour vol, l’autre est en salle d’écoute et suit les pareil. Parallèlement, la flotte, nombreuse,
la France ou PAH 2 pour l’Allemagne (car télémesures. Autre première, une caméra a d’appareils de servitude poursuit la mise au
la version UHT, avec mitrailleuses en pod, été installée en place avant du prototype point des systèmes embarqués (viseur, casque
n’existe pas encore outre-Rhin…). Une pour filmer le viseur tête haute, et les images Topowl, canon, etc.)
maquette de viseur de mât reproduit la
masse et le volume du futur Osiris. Idem
pour le Strix, dont le carénage extérieur va VOLTIGE ET CINÉMA.
connaître plusieurs évolutions aérodyna-
miques. L’appareil est également équipé UN FAUX CANON « Le PT1 nous aura servi à tout, résume
Pierre Rougier. Ouverture du domaine
d’un faux canon dans le nez et de faux em-
ports sous voilure. ET UNE MAQUETTE de vol, voltige, mais aussi tournage d’un
“James Bond” en pleine campagne d’essais,
DE VISEUR ce qui ne nous a pas vraiment arrangés…
Nous avons également fait voler de nom-
ROBE NOIRE. Au sein de l’équipe breuses personnalités à bord. Les ministres
des essais en vol, l’ambiance est au beau sont transmises au sol en direct. En un peu de la Défense français, australien, néerlandais
fixe. L’équipe est soudée et la répartition plus de 2 ans, le PT1 accumule plus de et de nombreux officiers supérieurs des
des rôles, bien cadrée. Les deux équipages 500 heures de vol. Dans sa robe noire, il états-majors français et allemand. A la fin,
constitués, Pierre Rougier et Etienne ouvre la totalité du domaine de vol, no- nous avons arrêté l’appareil parce qu’il
Herrenschmidt pour la France,Andy Warner tamment toute la partie voltige (avec des n’avait plus rien de conforme et qu’il de-
et Adam Teleki pour l’Allemagne, se relaient facteurs de charge s’étalant de -1,5 g à +4 g) venait très difficilement gérable sur le plan

Pas encore en service et déjà une star de cinéma : le prototype PT1 a fait une apparition dans un « James Bond »,
plus précisément dans le film « GoldenEye », sorti en 1995. Le scénario ne lui fait néanmoins pas vraiment honneur :
dérobé par des terroristes russes à Monaco, l’engin est finalement détruit par l’un de ses propres missiles…
de la maintenance. » Il terminera sa carrière campagnes de tir à Cazaux, pour les Français, la chute du rideau de fer, un appareil uni-
comme maquette d’exposition dans les sa- et une douzaine à Meppen, pour les Alle- quement antichar aurait du mal à justifier
lons aéronautiques. mands. de son utilité… Pour lui donner une certaine
Entre-temps, l’arrivée des PT2 et PT3 flexibilité, l’ajout de mitrailleuses en nacelle
permet de dédoubler les efforts. Le PT2 vole et de paniers roquettes fait évoluer ses ca-
pour la première fois à Marignane, le 22 avril PRIME D’ASSURANCE. Le PT4 vole pacités et la nomenclature : exit le PAH 2,
1993, avec Etienne Herrenschmidt et Bernard pour la première fois le 16 décembre bonjour le Tigre UHT.
Jansonnie aux commandes. Le PT3 prend 1994. Si les trois premiers appareils ont été Au cours de la phase de développement,
l’air également à Marignane, 7 mois plus assemblés en Allemagne, le PT4 est le premier les cinq prototypes du Tigre accumulent plus
tard, le 19 novembre 1993, avec cette fois à l’être à Marignane. Egalement utilisé pour de 5 000 heures de vol. Paradoxalement, la
un équipage « allemand » (en fait, Andy la mise au point du Mission Equipment perte du PT4, en Australie, n’aura pas que
Warner et Adam Teleki, tous deux citoyens… Package HAP, il sera détruit en 1998, sur des effets négatifs : les Australiens, fair-play,
britanniques). Chacun des appareils est servi accident, pendant la campagne de vente reconnaîtront les responsabilités du pilote
par une équipe d’essai : le PT2 (premier australienne. Le PT2, rénové 2 ans plus tôt, et s’appuieront sur l’accident pour valider
équipé de l’avionique de base), en configu- pourra prendre le relais pour le dévelop- la résistance aux crashs de l’appareil. Euro-
ration HAP, est aux Français et le PT3, en pement et la qualification du MEP HAP. copter utilisera la prime d’assurance pour
configuration PAH 2, est aux Allemands. Le PT5, dernier prototype qui arrive en financer la construction d’un engin de pré-
Les deux appareils servent à la mise au point février 1996, est quant à lui représentatif série, indispensable pour préparer le lancement
des équipements de navigation, du pilote de l’UHT allemand et est employé pour de l’industrialisation et déterminer la pro-
automatique et des deux systèmes d’armes, la mise au point du système d’arme antichar : duction en série… Ce PS01 volera pour la
participant notamment à une vingtaine de on s’est rendu compte, outre-Rhin, qu’après première fois, le 21 décembre 2001. ■

HORS-SÉRIE
LES VERSIONS DU TIGRE
EFA
TROIS VERSIONS
La fin de la guerre froide

oblige à revoir en partie le
concept d’emploi du tigre.
Français et Allemands
abandonnent leurs versions
spécifiquement antichars
au profit de variantes plus
polyvalentes et adaptées
aux conflits modernes.
A l’affût, prêt à bondir… L’un des premiers atouts du Tigre sera
eurocopter
de s’accommoder de la nouvelle donne géopolitique mondiale.
La France a eu le nez creux en préconisant d’emblée deux versions de l’hélicoptère.

L’adaptation aux contraintes opérationnelles de l’après-guerre froide n’en sera que plus simple.
eurocopter

A u début des années 1990, le programme
Tigre se trouve pris dans les bouleversements
géopolitiques nés de la dislocation de l’Union
soviétique. Jusque-là, l’ennemi numéro 1 se
situait au-delà du rideau de fer, et le Tigre
devait répondre à la menace posée par les
dizaines de milliers de blindés du pacte de
Varsovie. Personne, pas même Madame Irma,
ne pouvait alors imaginer que le premier
emploi opérationnel de l’appareil se ferait
sous les couleurs françaises en Afghanistan !
La fin de l’antagonisme Est-Ouest porte
un rude coup au programme Tigre mais ne
le tue pas.Très vite, étalement et réduction
des commandes vont être évoqués pour en
réduire le coût global. Une redistribution
LE TIGRE DEVAIT
RÉPONDRE À LA
MENACE BLINDÉE
des rôles entre les versions semble également
inévitable, particulièrement pour Berlin.
Outre-Rhin, la mise en œuvre d’une seule
version spécialisée dans la lutte antichar
semble de plus en plus en décalage complet
avec la nouvelle donne géopolitique. L’idée
d’une flotte mixte mêlant PAH 2 et appareil
d’appui, à l’instar de ce que prépare la France,
est évoquée. Mais, en 1992, il est finalement
décidé (pour des raisons budgétaires) de faire
évoluer le PAH 2 en lui concédant une once
de polyvalence, ce qui donne finalement
naissance au Tigre UHU (Unterstützungs
Hubschrauber), rapidement rebaptisé UHT
(Unterstützungs Hubschrauber Tiger). Le
contrat initial de développement de cette
nouvelle version est signé en 1995. Pour ga-
gner en versatilité, le UHT reçoit des paniers
roquettes de 70 mm et des mitrailleuses de
12,7 mm en pod sous la voilure. L’idée d’ajou-
ter un canon dans le nez, donc de créer une En 1992, le Tigre allemand devient plus polyvalent :
sorte de Tigre HAD avant l’heure, est régu- la version PAH 2 se transforme en UHT, avec paniers
C. COSMAO
lièrement évoquée, mais le pas ne sera jamais lance-roquettes et mitrailleuses en pod sous voilure.
franchi. Pour des raisons de financement,

TROIS VERSIONS
Le Tigre HAP d’appui-protection, avec son canon de 30 mm et ses paniers lance-roquettes,

C. COSMAO
va finalement bien tirer son épingle du jeu dans les engagements de faible intensité.
sans doute, mais aussi parce que cela aurait

été trop se déjuger, pour l’armée allemande,
par rapport aux choix antérieurs.
CHOIX DÉLICAT. En France, l’adap-

tation aux contraintes financières et
opérationnelles de l’après-guerre froide est
plus simple et se résume à un tour de passe-
C. COSMAO
passe entre les deux versions prévues : HAC

antichar et HAP d’appui-protection. En
tout début de programme, la cible initiale
prévoyait 140 Tigre HAC pour 75 HAP.
Les chiffres sont rapidement revus en faveur
du HAP (100 HAC pour 115 HAP). Mais
cet arbitrage est un rideau de fumée, car la
fin de l’Union soviétique a scellé le sort du
HAC, qui va passer à la trappe, laissant le
champ libre au HAP. « La disparition d’une
menace blindée majeure ne justifie plus la
mise en service (pour la France) de deux
appareils spécifiques, dont un exclusivement
dédié au combat antichar », explique d’ailleurs
officiellement l’Alat, en 2001. Le HAP se
révèle, certes, très bien adapté au nouveau

contexte géopolitique qui émerge, avec une
multitude d’engagements de faible intensité.
L’abandon de la version HAC, spécialisée dans la lutte antichar, Mais l’abandon du HAC oblige l’Alat à tou-
oblige l’armée de Terre à garder en ligne ses Gazelle HOT. jours compter sur ses Gazelle pour les en-
gagements exigeant l’emploi de missiles.

Une position difficile à tenir sur le long
terme et qui débouchera à son tour sur le Pierre angulaire du système d’arme du Tigre : le canon de 30 mm, de Nexter Systems
développement de la version HAD (pour (à l’époque GIAT Industries), capable d’engager des cibles au sol ou dans les airs.
hélicoptère d’appui destruction).
HAP, UHT et HAD : au tournant des
années 2000, un quart de siècle après les
premières études communes avec l’Allemagne,
la photo de famille du Tigre se fige avec ces
trois versions principales, que nous vous
présentons ci-après. La version ARH, spé-
cifiquement développée pour l’Australie et
limitée à 22 exemplaires, est évoquée dans
le chapitre sur les exportations.
La version HAP
A la fin des années 1970 et au début des
années 1980, les Français tirent de leur
histoire récente une appréciation très nuancée
de leurs besoins en équipements. Le futur
remplacement des Gazelle HOT figure, bien
entendu, parmi leurs besoins et le Tigre
HAC devra à terme leur permettre de tenir
leur rang dans le cadre d’un conflit en Centre
Europe. Mais les interventions en Afrique,
pour ne citer qu’elles, font également sentir
le besoin pour un appareil plus polyvalent
et plus souple en opération. Ce sera le HAP.
Celui-ci pourrait non seulement assurer la
protection des hélicoptères purement an-
tichars en Centre Europe, mais il pourrait
également être engagé seul sur des théâtres
plus éloignés pour faire face à des menaces
plus diffuses que l’on ne qualifie pas encore,
à l’époque, d’asymétriques.
UN APPAREIL
PLUS POLYVALENT
POUR L’AFRIQUE
Pour vendre l’idée de deux appareils dif-
férents et faire en sorte que cette différence
soit claire dans l’esprit des décideurs politiques qu’aériennes. Cette arme conçue par GIAT rant. Le pilote dispose, en outre, d’un viseur
et militaires, le HAP est baptisé dans un Industries (aujourd’hui Nexter) et plus tête haute pour le tir dans l’axe et le chef de
premier temps « Gerfaut » – un oiseau de encore son système de pointage et d’asser- bord a la main sur le viseur Strix, placé im-
proie capable d’intercepter d’autres oiseaux vissement aux différents viseurs constituent médiatement derrière lui sur le toit du cockpit.
en plein vol. Car, pour l’Alat, cela ne fait des réussites techniques exceptionnelles. Le viseur Strix, développé par Sagem, a
aucun doute : l’hélicoptère reste la meilleure également été l’objet d’un long bras de fer
réponse pour combattre d’autres hélicoptères. avec les Allemands dès le lancement du pro-
Le Tigre HAP est plus léger que la version NOUVEAU BRAS DE FER. L’équipage gramme. On se souvient que l’Allemagne
HAC, ce qui doit lui offrir une manœu- du Tigre, pilote en place avant et chef fut longtemps favorable à l’achat sur étagère
vrabilité accrue bienvenue pour les missions de bord en place arrière, bénéficie de quatre d’une solution purement américaine, en
air-air. La clef de voûte de ses capacités of- viseurs différents : chaque navigant dispose l’occurrence l’ensemble TADS/PNVS dé-
fensives tient dans son canon de 30 mm de son viseur de casque, alias HMSDM (Hel- veloppé pour l’Apache américain. Pour
monté en tourelle dans le nez et capable met Mounted Sight Display Module) ou convaincre les Allemands, les Français or-
d’engager des cibles aussi bien terrestres plus simplement « DM » dans le langage cou- ganiseront plusieurs démonstrations de tirs

TROIS VERSIONS
BUNDESWEHR
de nuit, dès 1981, avec le Dauphin Vénus,

qui sert alors de banc d’essai volant à l’avio-
nique française. La réussite des tirs de nuit,
malgré des conditions météorologiques
parfois très défavorables, convaincra finalement
les Allemands qu’une solution européenne
est possible. Le HAP est également équipé
de roquettes TDA de 68 mm : un armement
que le Tigre est le dernier à utiliser dans les
armées françaises, mais essentiel pour les
Outre un concept opérationnel entièrement revu, le Tigre allemand doit également faire face missions d’appui-feu. Le développement en
BUNDESWEHR
aux coupes budgétaires : la cible d’acquisition de 212 machines a été réduite à 80… cours d’une version de la roquette à précision
métrique promet encore plus d’efficacité.

Berlin doit revoir sa copie : le Tigre PAH 2 laisse sa place au Tigre UHT, plus polyvalent. L’idée d’intégrer
une tourelle canon, comme sur la version française, est évoquée, mais le pas ne sera jamais franchi.
Et, pour assurer son autodéfense, le Tigre du pays, face au pacte deVarsovie. L’Allemagne doit céder de la place aux missions de re-
peut emporter jusqu’à quatre missiles air- ne s’intéresse donc qu’à la version antichar connaissance et d’escorte. La version PAH 2
air Mistral de MBDA. du Tigre, qui doit emporter jusqu’à huit uniquement antichar n’est plus d’actualité
missiles antichars à longue portée et quatre et les Allemands entament une dure mutation
missiles air-air d’autoprotection. Pour ces qui ne sera que partielle, et aboutit en 1993
La version UHT derniers, l’Allemagne fait un choix différent au Tigre UHT.Aux missiles antichars et an-
de la France et opte pour le Stinger américain. tiaériens prévus pour le PAH 2, s’ajoutent
Au lancement du programme Tigre, les Mais, la fin de la guerre froide porte un rude désormais des roquettes (possibilité de monter
interventions de la Bundeswehr ne sont coup à cette logique. D’autant que l’Allemagne deux paniers de 19 roquettes sur les points
concevables que sur le territoire national doit dans le même temps financer sa réu- d’accrochage internes et deux paniers de
allemand, dans un cadre Otan. Le seul scénario nification, et compte prendre une place plus 7 coups sur les points externes) et une mi-
d’engagement envisagé concerne une bataille active dans les questions de sécurité en trailleuse de 12,7 mm en nacelle (alimentée
de haute intensité sur la frontière orientale Europe de l’est et du sud. La mission antichar à 400 coups) tirant dans l’axe. Cet aména-

TROIS VERSIONS
• LONGUEUR HORS TOUT • HAUTEURS

CARACTÉRISTIQUES 15,83 M 5,09 M (UHT),4,31 M (HAP ET HAD)
TECHNIQUES • DIAMÈTRE DU ROTOR

13 M
• DISTANCE FRANCHISSABLE (ARMÉ)
740 KM
gement ne suffit pas à éviter les coupes claires

dans le programme : la cible initiale de 212
appareils est rapidement réduite à 80. Une
révision supplémentaire des possibilités
budgétaires pourrait même faire passer ce
chiffre à 50…
La version HAD
Après l’abandon du Tigre HAC, l’Alat va
se tourner vers la version HAD (hélicoptère
d’appui-destruction). Le HAD est en fait
étroitement lié aux deux ventes du Tigre à
l’Espagne et à l’Australie, les deux pays sou-
haitant des appareils polyvalents gardant le
meilleur du HAP, son agilité, son canon et
ses viseurs, avec en plus une capacité antichar.
En bonne logique, le HAD fait donc la syn-
thèse des capacités du HAP et du HAC :
c’est le Tigre parfait, qui aurait dû exister
dès le début du programme…
Le cahier des charges espagnol, mâtiné du
retour d’expérience des opérations sur l’ex-
Yougoslavie, pousse Eurocopter à développer
l’appareil auquel la France va se rallier à partir
de 1996. A cette date, si le HAP reste au
centre du plan d’équipement de l’Alat, la vo-
lonté est clairement exprimée de faire évoluer
l’appareil vers plus de polyvalence avec l’ins-
tallation d’un poste de tir de missiles et la
modification du viseur Strix pour le rendre
capable de tirer des missiles à longue portée.
L’option d’un viseur de mât sur le modèle
de l’Osiris est écartée très rapidement : trop
chère, trop complexe, pour des gains opéra-
tionnels que l’on juge alors insuffisants. Sur
le HAD, le Strix perd la voie optique directe,
rendue caduque par une amélioration de la
voie TV, avec quatre niveaux de grossissement
et une qualité d’image en hausse. Le gros-
sissement offert par le Strix serait égal à celui
du viseur Viviane, mais avec une qualité
d’image très supérieure. En revanche, la voie
TV ne sera toujours pas en couleurs sur le
HAD et la perte de la voie optique directe
AIRBUS HELICOPTERS
placera l’équipage du Tigre dans un embarras

Plus puissant et mieux équipé, le Tigre HAD est en quelque sorte certain dès lors qu’il s’agira d’identifier un
le Tigre parfait, tel qu’il aurait dû exister au début du programme. objectif par sa couleur ! Dans sa version HAD,
le Strix gagne également un illuminateur

• MASSE MAXIMALE AU DÉCOLLAGE (MTOW) • NOMBRE DE PALES DU ROTOR PRINCIPAL : 4
6 600 KG (HAD) • MOTEURS :
• VITESSE DE CROISIÈRE RAPIDE 2 MOTEURS MTR390
271 KM/H (MTU-TURBOMECA-ROLLS-ROYCE), DE 958 KW
laser permettant de désigner une cible à l’au-

Une motorisation multinationale todirecteur semi-actif laser du missile Hellfire.
Le Tigre est motorisé par deux
Le Tigre HAD est plus lourd de 500 kg que
turbines MTR390-2C issues de la
le HAP (6,6 tonnes, contre 6,1) et plus puissant
coopération entre les motoristes
de 14 % grâce aux turbines MTR390-E
MTU (Allemagne), Turbomeca
(pour Enhanced). Mais la BTP qui transmet
(France) et Rolls-Royce (Grande-
la puissance des moteurs vers le rotor est
Bretagne), associés au sein d’une
restée la même : la gestion du surcroît de
TURBOMECA
filiale commune, MTR. Le dévelop-
puissance se fait donc via une modification
pement de ce moteur modulaire de
du logiciel de régulation de puissance.
169 kg a nécessité l’utilisation de dix « Enhanced », alias MTR390-E, offre Fin 2012, le premier appareil de série (qui
moteurs au banc d’essai et douze 14 % de puissance supplémentaire vient après un unique prototype) est remis
autres « bons de vol » qui ont accu- au régime décollage par rapport à au Gamstat, qui en mène à bien l’expéri-
mulé 3 000 heures de fonctionne- la MTR390-2C. Avec cette nouvelle mentation tactico-opérationnelle. L’école du
ment, dont 430 sur le PT1 et un motorisation, la masse maximale Luc-en-Provence (Var), chargée d’assurer la
Dauphin MTR390 de test. Sur les pre- du Tigre au décollage passe de
formation des équipages sur le nouvel appareil,
mières versions du Tigre, la turbine 6,1 tonnes à 6,6 tonnes, ce qui reçoit les trois exemplaires suivants. Les cin-
développe 958 kW. Installée sur le permet d’améliorer significativement quième et sixième appareils de série sont en-
Tigre HAD, la turbine MTR390 sa capacité d’emport. suite remis au 1er RHC de Phalsbourg dans
les derniers jours de 2013. ■
Comment distinguer un félin d’un autre…

Bien que le HAD soit extérieurement très semblable au HAP, plu-
sieurs indices existent pour le reconnaître au premier coup d’œil.
Voici les plus probants :
• Présence d’une antenne supplémentaire à l’arrière de l’émission

pour « faire le blanc » sur les émissions de l’IFF et ne garder
qu’un cône d’émission de 2 × 15° vers l’avant.
• Ajout des deux antennes IFF devant le pare-brise.
• Ajout d’une antenne pour la balise de détresse sur le flanc gauche.
• Absence de HUD en place avant. Toute la symbologie nécessaire au
tir est désormais affichée sur la visière du casque Topowl du pilote.
• Ajout de protections thermiques sur le fuselage et les détecteurs
de départs missiles pour faire face à l’augmentation de puissance
des moteurs.
• Ajout d’ouïes d’aération sur le fuselage.
• Points d’accrochage permanents pour les blindages extérieurs au
niveau des cockpits.
La bascule du HAC vers le HAD intervient pour la France, officielle-

AIRBUS HELICOPTERS
L’œil qui voit tout : excellent grossissement ment, lors du choix de l’Espagne en faveur de cette nouvelle ver-
et qualité d’image, il ne manque au viseur sion de l’appareil, en septembre 2003 : la France confirme alors la
Strix que la couleur… transformation d’une commande de 43 HAC en autant de HAD.
HoRS-SéRIE n° 26 - jUIn 2014 AIR&COSMOS air-cosmos.com 35

TROIS VERSIONS
Un hélicoptère de combat mo-

derne, c’est une cellule, un en-
semble dynamique et propulsif,
et des armements. Mais c’est
aussi un lot de capteurs et
autres systèmes avioniques et
optroniques qui permettent à la
machine de « voir » l’environne-
ment dans lequel elle évolue.
AIRBUS HELICOPTERS
Summum de l’optronique made in France, le viseur Strix, de Sagem.

C’est lui qui permet au chef de bord de détecter et suivre les cibles à longue distance.
LA VISIONIQUE
STRIX. L’équipage du Tigre HAP dispose extrêmement performante qui permet de et dessine l’environnement en mesurant les
de trois viseurs différents : le plus utilisé est le voir l’environnement dans ses couleurs na- contrastes de températures.
viseur de toit gyrostabilisé Strix, développé turelles, contrairement aux deux autres
par Sagem. A la disposition du chef de bord moyens de visée. Cette voie est abandonnée
en place arrière, il permet une détection et sur le Tigre HAD et remplacée par une voie HUD.
un suivi des cibles à longue distance, en lien télévision améliorée, supportant mieux les Le viseur clair tête haute (alias HUD,
avec l’emploi de tous les armements, de jour grossissements importants. Avec l’abandon pour Head Up Display) est le deuxième
comme de nuit. Le Strix dispose d’un débat- de la voie optique directe, le chef de bord viseur installé sur le Tigre HAP (il est
tement de +/- 120° dans le plan horizontal perd toutefois la seule vision en couleurs débarqué du Tigre HAD au profit d’une
par rapport à l’axe longitudinal de l’hélicoptère qu’il a du monde extérieur à travers ses version plus perfectionnée du viseur de
et de +30°/-25° dans le plan vertical, et il viseurs, ce qui peut poser des problèmes dans casque Topowl). Ce HUD affiche une
abrite les moyens d’observation suivants : certains cas de figure opérationnels. symbologie de tir et de pilotage pour le
• La voie optique directe – dont l’utilisation • La voie TV travaille en lumière visible et pilote en place avant. C’est un concept
est rendue possible par l’installation du chef dans le proche infrarouge. Les images obtenues directement hérité de l’aviation de combat,
de bord à l’aplomb du viseur – est utilisable sont présentées sur les écrans multifonctions. et d’ailleurs, installé face à son HUD, les
via un bras repliable. C’est une longue-vue • La voie thermique travaille dans l’infrarouge missiles Mistral en bouts d’ailes, le pilote
BUNDESWEHL
L’Allemagne a opté pour un viseur de casque (à gauche) développé par GEC Marconi (aujourd’hui BAE Systems), tandis que la France a porté
C. COSMAO
son choix sur le Topowl, un bijou de haute technologie (à droite) développé et fabriqué par Thales.

VISEUR DE CASQUE. A cela s’ajoutent une visière solaire et une
Troisième et dernier viseur, à la dis- visière antilaser optionnelle pouvant se monter
position cette fois de chacun des deux entre les visières claire et solaire. Derrière
membres d’équipage, le HMSDM (Helmet chaque pilote, se trouve un « radiateur », en
Mounted Sight Display Module), alias fait un émetteur d’ondes électromagnétiques
Topowl, de Thales, sur le Tigre français. dont l’utilisation se conjugue avec les ré-
L’Allemagne a opté, quant à elle, pour le cepteurs placés sur le casque. La mesure très
viseur de casque GEC Marconi. Le Topowl fine du signal reçu et de sa direction permet
se compose de plu- d e m e s u re r l e s
sieurs éléments : à déplacements du
l’intérieur, une LA TOURELLE CANON casque et d’y asservir
S’ORIENTE LÀ OÙ
coque en mousse, le canon et le viseur.
propre à chaque pi- Le porteur du casque,
REGARDE LE TIREUR
lote, est moulée sui- en place avant ou ar-
vant un relevé tridi- rière, tourne la tête,
mensionnel de la vise la cible du regard
tête de l’utilisateur, en plaçant son réti-
permettant ainsi un alignement parfait cule de tir dessus. La conduite de tir intègre
face aux yeux. Sur la coque du casque le déplacement angulaire du casque, en déduit
vient ensuite se greffer le module d’affichage, la position de la cible, intègre les mouvements
ou « Display Module », qui est en revanche de l’hélicoptère, mouline le tout et déplace
affecté à l’hélicoptère. Ce module comprend la tourelle en quelques dixièmes de seconde.
trois visières : la visière claire, sur laquelle
sont projetés le réticule de visée, la sym-
du Tigre qui roule sur un parking en bologie et les images obtenues de nuit par PÉRISCOPE ALLEMAND.
béton pour aller chercher la piste ou son les tubes à intensification de lumière placés Le Tigre UHT se distingue au premier
plot de décollage peut légitimement se de part et d’autre du casque. Une position coup d’œil, et de très loin, par son viseur
croire aux commandes d’un chasseur ! infiniment plus confortable que le place- Osiris (développé par Sagem), placé au-
L’emploi du HUD est compatible avec ment classique devant les yeux. La projection dessus du rotor et qui abrite une caméra
celui des JVN (jumelles de vision noc- des images sur la visière claire du casque, thermique, une caméra de télévision à am-
turne) et la symbologie peut être présentée collimatée à l’infini, permet également de plification de lumière et un télémètre dé-
de deux manières : complète en temps garder en transparence une vision de l’in- signateur laser. Le placement de ce viseur
normal, elle est allégée lorsqu’il s’agit de térieur du cockpit. gyrostabilisé de 138 kg en haut du mât
libérer de la place sur la glace d’affichage, rotor représente un bel exploit technique :
en cas d’utilisation de l’armement, par il faut non seulement faire passer les câblages
exemple. Dans ce cas précis, un « directeur nécessaires à son fonctionnement, mais
d’ordres » vient s’afficher sur le HUD, également le liquide de refroidissement
indiquant au pilote la position de la cible destiné au viseur infrarouge. Le viseur agit
et la direction que doit prendre son ap- comme un périscope, permettant à l’hé-
pareil pour entrer dans une fenêtre de tir. licoptère de rester masqué derrière le relief
Un tir de roquettes impose d’entrer dans ou la végétation pendant l’acquisition des
la fenêtre de tir et de s’y maintenir tout cibles et la visée. Il ne se découvre que
au long du tir. Pour un tir de Mistral an- pour le tir de missiles.Terriblement com-
tiaérien, le maintien dans la fenêtre est plexe à mettre au point, le viseur Osiris
indispensable simplement pour le lance- est un choix logique pour un appareil op-
ment du missile, qui est ensuite autonome timisé dans la lutte antichar. Mais c’est aussi
au cours du vol. Grâce à son large dé- un choix coûteux et une survivance de la
battement, le canon ne nécessite pas l’em- guerre froide. Osiris ne sera d’ailleurs retenu
ploi d’un directeur d’ordres. Lors d’un ni par la France ni par les clients à l’export
engagement, le travail du pilote est de – Espagne et Australie –, qui retiennent
faire coïncider sur son HUD le symbole pourtant une capacité antichar sur leurs
de positionnement de sa machine et celui, appareils. Le viseur Osiris est aussi source
clignotant, de la cible. La fin du cligno- de complexité mécanique et agit comme
tement indique que la position optimale un bel aérofrein en vol d’avancement : le
de tir est atteinte : le pilote peut alors Tigre UHT est logiquement un peu moins
tirer ou annoncer « stable » pour indiquer rapide que le HAP.
au chef de bord que ce dernier peut tirer. Pour le vol de nuit, le Tigre UHT est
AIRBUS HELICOPTERS
Un travail qui peut sembler simple, mais équipé d’un Flir de pilotage placé dans le
qui devient singulièrement complexe et Le viseur Osiris permet au Tigre UHT nez de l’appareil et, comme pour les autres
dangereux de nuit. Le travail en équipage d’observer tout en restant caché. versions duTigre, les deux membres d’équipage
prend alors toute son importance. sont équipés d’un viseur de casque.

TROIS VERSIONS
Lorsqu’il s’agit de faire parler la poudre, les Tigre HAP et HAD peuvent compter sur un
C.COSMAO
canon tirant des obus de 30 mm. Munitions et canons sont fournis par Nexter Systems.
également les contraintes mécaniques sur

450 obus de 30 mm, ici en version OXL (sans
LE CANON DE 30 MM l’arme, les munitions arrivent sans à-coups et
charge explosive), peuvent être embarqués.
la fiabilité de l’arme en est renforcée. Le calibre
Le canon 30M781 réalisé par GIAT (au- retenu, 30 mm, est celui offrant le meilleur
jourd’hui Nexter), monté en tourelle, est la compromis entre pouvoir de destruction, pré-
pièce maîtresse desTigre HAP, HAD et ARH. cision de longue portée, masse et encombre-
A la différence des armes fonctionnant par ment. La précision de l’arme tient en premier
emprunt de gaz, le canon fonctionne avec lieu à l’emploi, dans la tourelle, de codeurs
un moteur électrique, ce qui garantit des arrêts optiques d’angle extrêmement précis, déve-
de tir dans des conditions optimales de sécurité loppés originellement par GIAT pour le char
de tir, culasse ouverte et sans avoir de munitions Leclerc. Ces codeurs assurent à la tourelle une
à poste. La motorisation électrique réduit précision de pointage de l’ordre du millième
La tourelle THL-30
• Masse de la tourelle : 212 kg.
• Capacité d’emport en munitions : 450 obus (4 × 90 dans les caissons et
90 dans la goulotte d’approvisionnement du canon).
• Durée de complètement en munitions : moins de dix minutes.
• Cadence de tir : environ 750 coups par minute.
• Domaine de débattement : - 25° à + 28° en site et - 90° à + 90°
en gisement.
C.COSMAO
• Vitesse de ralliement : supérieure à 80° par seconde.

Le choix d’une motorisation électrique pour faire fonctionner
C.COSMAO
le canon permet de réduire les contraintes mécaniques sur la machine.
de radian. En d’autres termes, le plus petit tiation électrique, protégée contre les in- Quelques mois plus tard, ce sont les premiers
mouvement gérable par la tourelle correspond terférences électromagnétiques. Deux obus tirs en vol. Un total de 10 000 obus, environ,
à un déplacement du point d’impact de 1 m sont utilisés par l’Alat : l’OXL (obus d’exercice seront tirés au cours des vols d’essai et de
à 1 000 m de distance. lest) et l’Ospei (obus semi-perforant explosif mise au point. Mais, très vite, les équipages
La munition, 30 × 113 mm, est identique incendiaire) pour le combat. d’essai ont le loisir de mesurer les extraordinaires
à celle équipant les Mirage 2000C de l’armée Les premiers tirs au canon ont lieu au sol performances de l’arme grâce à une conduite
de l’Air. Elle est dotée d’une amorce à ini- avec le prototype PT4, au printemps 1995. de tir exceptionnelle, conjuguant les dépla-
Une conduite de tir exceptionnelle et une grande précision de pointage

permettent au Tigre de faire mouche jusqu’à 2 000 m de distance.
C.COSMAO

TROIS VERSIONS
cements simultanés dans l’espace du canon,

de l’hélicoptère lui-même et du viseur de Le missile Mistral, de MBDA, offre également au Tigre la possibilité de donner des coups
toit, tout en les combinant avec les carac- de griffe à des cibles aériennes comme des hélicoptères ennemis.
téristiques balistiques de la munition. La
conduite de tir pointe alors automatiquement
le canon vers la position qu’occupera la
cible lorsque les obus l’atteindront. Une
mise en équation de haut niveau qui donne,
in fine, à l’appareil une précision hors pair.
DÉBATTEMENT. A 1 000 m de dis-

tance, l’hélicoptère en vol place neuf obus
sur dix dans une cible de 5 m de diamètre.
A 1 500 m, ce sont encore 6 obus sur 10
qui viennent pulvériser la cible.A 2 000 m,
il est possible de détruire une cible tota-
lement invisible à l’œil nu. La précision
obtenue est telle que la longueur des rafales
est divisée par deux en cours de mise au
point : elle passe de 10, 20 ou 50 coups à
seulement 5, 10 ou 25 coups. Le tir au
coup par coup est également possible.
MBDA
Puisqu’il faut moins d’obus pour détruire

une cible, l’équipage peut se permettre
d’en emporter moins (au profit, par exemple,
de roquettes ou de carburant), pour respecter
un devis de masse donné. Inversement, s’il sonne seule. Pour garantir la longévité du
emporte la totalité des munitions (450 obus), système, le nettoyage complet de l’armement
il traitera un plus grand nombre de cibles canon est préconisé tous les 1000 coups tirés
au cours de sa mission. ou tous les 4 jours. C’est là une demi-journée
La précision de l’arme est en plus enrichie de travail pour deux personnes.
par son positionnement en tourelle tout à
l’avant de l’appareil, ce qui lui offre un dé-
battement remarquable : +/- 90° en gisement
Le Mistral
Le missile Mistral 2, de MBDA, est le

missile air-air choisi par la France pour équiper
DÉTRUIRE UNE
ses Tigre HAP et HAD. Il leur permet de se
défendre face à d’autres hélicoptères, voire
CIBLE INVISIBLE
de les intercepter. Les avions de combat sont
aussi les cibles potentielles d’un Tigre en em-
À L’ŒIL À 2000 M buscade. L’Allemagne, elle, a fait le choix du
missile américain Stinger, que la société LFK
fabrique sous licence pour répondre aux
besoins de plusieurs pays de l’Otan. Lorsqu’il
et +/- 30° en site. Une capacité très supé- embarque sur leTigre, le Mistral (de génération
rieure, par exemple, à celle l’Apache, dont précédente) est déjà en service sur les Gazelle
le canon, placé en arrière sous le fuselage, de l’Alat et il a été exporté dans plus d’une
offre un débattement limité à 11° vers le vingtaine de pays. Il s’agit d’un missile à
haut, donc moins de possibilités, particu- guidage infrarouge, de type « tire et oublie »,
lièrement en combat air-air. Sans même capable de se diriger seul vers sa cible grâce
évoquer l’armement du Kamov 52, équipé à son autodirecteur infrarouge. Sa portée est
de canons fixes, qui oblige à se servir de d’environ 6 km et sa masse de 23 kg, dont
l’hélicoptère comme d’un avion, en tirant une charge militaire de 2,5 kg : assez pour
simplement dans l’axe. détruire un hélicoptère et sérieusement en-
La maintenance de l’arme reste relativement dommager un avion de combat. Sa puissance
AIRBUS HELICOPTERS
simple et classique, avec un nettoyage ou hui- réside aussi dans son caractère très dissuasif :
lage du tube tous les 450 coups ou après il faut y réfléchir à deux fois avant d’attaquer
chaque séance de tirs. Une opération simple unTigre, l’armement de bord, canon et missile,
qui ne demande que 15 minutes à une per- garantit une létalité dans un rayon de 6 km !

Les premiers essais sur Tigre visent avant trouvera précisément dans le domaine de tir montré que le pilote en place avant, qui regarde
tout à valider la séparation du missile de l’hé- quand il ordonnera ce dernier. Le travail avec à l’extérieur de l’appareil 99 % du temps, joue
licoptère malgré le souffle très supérieur du le Mistral est sensiblement identique à celui un rôle essentiel dans la détection des cibles
rotor par rapport à celui de la Gazelle. Cette effectué avec le canon : le pilote à l’avant peut aériennes. L’accrochage d’une cible se fait
étape franchie, cinq tirs de validation sont tirer en réaction immédiate, s’il détecte une systématiquement avec deux missiles, un de
ensuite effectués avec le prototype PT5 en menace proche. Mais si la cible est plus lointaine, chaque côté de l’hélicoptère. Suivant le po-
combinant les différents modes de visée de sitionnement de la cible, le Mistral le mieux
MORTEL POUR UNE

l’hélicoptère (viseur Strix ou viseur de casque) placé se met automatiquement en condition
et dans des scénarios différents, avec des cibles prioritaire. Le tir lui-même est décidé par
CIBLE AÉRIENNE DANS

évoluant de 120 à 400 kt, à différentes vitesses l’homme d’équipage ayant la main au dernier
de l’hélicoptère tireur, le tout de jour comme moment.
UN RAYON DE 6 KM
de nuit. Le tir d’un Mistral était à la fois très
simple et relativement empirique : un signal
sonore dans le casque indiquait au pilote que
Les roquettes
l’autodirecteur avait accroché la cible, mais
l’estimation du domaine de tir était laissée à il transmet la piste au chef de bord grâce à la Le Tigre HAP peut être armé d’un total
la seule appréciation du pilote. Sur le Tigre, fonction Asvip, qui procède à une identification de 68 roquettes : 2 × 22 dans les paniers
l’utilisation du « directeur d’ordres » dans le précise en ralliant le viseur Strix sur la piste emportés en points intérieurs et 2 × 12 sur
HUD donne l’assurance au pilote qu’il se transmise par la place avant. L’expérience a les points extérieurs (un point d’emport
Les roquettes, un armement bon marché qui permet au Tigre

de saturer des zones de plusieurs centaines de mètres carrés.

TROIS VERSIONS
qui peut également recevoir les missiles

Mistral). Le calibre retenu est de 68 mm :
un choix arrêté officiellement pour limiter
les contraintes mécaniques sur les paniers
extérieurs. Mais force est de constater qu’avec
ce calibre, la France se place en marge du
reste de l’Otan, dont les pays partenaires
utilisent de préférence des munitions de
70 mm. Les paniers ont été voulus, par l’Alat,
de section rectangulaire, de manière à être
plus facilement stockés. Deux types de ro-
quettes sont en service au sein de l’Alat :
• Les roquettes d’entraînement Xfum, avec
charge fumigène.
• Les roquettes porteuses de sous-munitions,
dont le dépotage est commandé par le sys-
tème d’arme. Chaque roquette emporte 36
fléchettes AMV (antimatériel et véhicule)
en acier de 35 g chacune. Ces fléchettes,
qui arrivent sur leur cible à une vitesse su-
personique sont capables de percer des vé-
hicules faiblement blindés avec une portée
effective d’environ 2000 m. Un tir en rafale
de 68 munitions peut saturer en quelques
secondes un ovale de 40 × 1 200 m.
L’Alat attend encore les munitions HE
(High Explosive) antipersonnel à effet
de souffle.
ET LE VENT. Le tir de roquettes, au

coup par coup ou en rafale, se fait avec la
même exigence de précision que pour le
canon et ce n’est pas un hasard si le déve-
loppement de la conduite de tir de roquettes
a beaucoup pris sur celle du canon. Le di-
recteur d’ordres prend en compte la distance
DES PANIERS LANCE-

ROQUETTES STABILI-
SÉS PAR DES VÉRINS
à la cible, donnée par le télémètre laser, la

AUSTRALIAN DOD
force et la direction du vent. Sur les paniers Tir d’un missile Hellfire depuis un Tigre australien. C’est ce missile qui aura la préférence des
intérieurs, un système de vérins stabilise au- Français pour équiper le Tigre HAD, et non le Pars-3 (aussi connu sous le nom de Trigat-LR).
tomatiquement la hausse pour compenser
d’éventuelles turbulences. Le débattement
des paniers est compris entre - 10 et + 6°.
Avec le Tigre HAD, les roquettes non guidées
de 68 mm gagneront en précision, la dis- roquettes à guidage laser. De quoi offrir la données en préalable au tir par induction,
persion des munitions étant limitée en as- précision d’un missile pour un coût très un système plus souple et plus fiable que
servissant la conduite de tir à des coordonnées inférieur. La roquette à précision métrique les connecteurs classiques. Les premiers
GPS entrées à la main par le chef de bord (RPM) mise en avant par TDA, filiale de essais en vol à partir du Tigre HAP, pour
ou bien extraites par le viseur Strix. Thales, affiche un poids de 8,8 kg pour une mesurer les caractéristiques de séparation
Une étape décisive sera toutefois franchie portée d’environ 5 à 6 km.TDA promeut et de vol de la munition, ont été conduits
en matière de précision avec l’emploi de un système de mise à feu et de transfert des en janvier 2013.

militaire de 4,1 kg et offre une portée d’environ deuxième en 1999 : il s’agit alors de qua-
L’armement antichar 4000 m. C’est un missile fiable et bien connu, lifier le système d’arme Euromep, com-
Le missile HOT (dans ses versions 2 puis 3) facile d’emploi, qui fait déjà les beaux jours mun aux Tigre HAC et PAH 2. Le PT3
est le premier missile antichar duTigre pressenti des armées française et allemande avec les tire une douzaine de missiles et l’inté-
pour équiper le HAC et le HAP 2 allemand. Gazelle et autres BO105. gration du missile se fait sans problème
Le HOT (pour haut subsonique optiquement Une première campagne d’essais a lieu particulier, les performances annoncées
téléguidé, tiré d’un tube) contient une charge avec le prototype PT3 en 1997, puis une sont tenues.

TROIS VERSIONS
Mais, pour profiter pleinement des capacités mais aussi le futur HAD français. Quand Ma- (de type « tire et oublie », avec homme dans
duTigre, il est prévu que le HOT soit remplacé drid opte pour le Tigre HAD, en 2003, l’Al- la boucle) pour équiper leurs hélicoptères,
à terme par un missile antichar de nouvelle lemagne l’invite à remplacer la France dans et Berlin se retrouve finalement seul pour
génération : l’AC3G-LP (antichar de 3e gé- terminer la mise au point et lancer la pro-
nération, longue portée), alias Trigat. Et c’est duction de l’AC3G-LP, qui prend alors le
là que les choses vont se compliquer. Les nom de Pars-3.
EN FRANCE, LE
Britanniques, qui participent au développement
de ce nouveau missile, annoncent rapidement
qu’ils se retirent du programme : ils optent,
en effet, pour l’Apache américain équipé du HELLFIRE L’EMPORTE EN ATTENDANT LE MMP ? Avec
le Tigre ARH, les Australiens ont donc
missile AGM-114 Hellfire, de Lockheed
Martin. Les Français vont également se retirer SUR LE PARS-3 été les premiers à intégrer le missile Hell-
fire II sur l’hélicoptère européen. C’est
du programme en refusant de s’engager dans un missile lourd (45 kg) et puissant, avec
la phase de production, mais ils feront durer une portée double de celle du HOT.
le suspense plus longtemps… Là aussi, la pré- le programme. Mais c’est peine perdue : les Début 2012, la France commande à son
férence sera donnée au missile américain Espagnols optent finalement pour le missile tour 210 missiles pour équiper ses futurs
Hellfire, qui va équiper leTigre ARH australien, Spike-ER israélien à guidage par fibre optique HAD : 110 AGM-114KA1 (charge an-
Après que les Espagnols aient choisi le missile israélien Spike-ER, les Allemands se Le lance-leurres Saphir-M, de MBDA, en action.
retrouvent finalement seuls pour achever le développement du missile Pars-3. Le leurrage est enclenché automatiquement
par l’ordinateur de bord.
MBDA
tichar Heat) et 100 AGM-114N1 (charge

thermobarique à fort effet de souffle, op-
timisée pour détruire des infrastructures).
Pour les mettre en œuvre, le viseur de
toit Strix est doté d’un laser de désignation
qui permet l’illumination des cibles sur
le domaine d’emploi des missiles, soit en-
viron 8 km de distance. Soit un double-
ment de la distance d’engagement par
rapport au HOT actuel. Une fois la cible
désignée, le missile peut être autonome
sur sa trajectoire ou profiter d’illuminateurs
déportés, ouvrant ainsi la voie à des modes
d’engagement « coopératifs ». Bien qu’il
soit considéré par la France comme un
sous-système intérimaire, le Hellfire est
aujourd’hui bien parti pour servir d’ar-
mement de base aux Tigre HAD sur le
EUROCOPTER
long terme. Certes, la dernière Loi de

programmation militaire (LPM) prévoit
toujours le lancement par l’industrie eu-

ropéenne d’un successeur au Hellfire. On
évoque notamment le programme MLP
(missile à longue portée), mis en avant
par MBDA, mais ce remplacement ne
pourra se faire qu’« à l’horizon 2021 »,
explique la LPM, c’est-à-dire bien au-
delà d’un horizon suffisamment lointain
pour que les promesses d’aujourd’hui
aient toutes les chances de rester vaines.
Une autoprotection sur 360°

Le Tigre base sa survie sur sa maniabilité,
sa silhouette ramassée, sa discrétion visuelle
et infrarouge, une faible signature radar en
évitant les « points brillants », mais aussi sur
La silhouette ramassée du Tigre joue beaucoup dans sa discrétion visuelle.
thèque électronique embarquée de l’héli- rayon de plusieurs kilomètres. DDM et

coptère (si tant est que cette bibliothèque RWR se retrouvent, pour le RWR, de part
soit à jour). En fonction de la menace détectée, et d’autre de l’empennage avec un angle de
une séquence de leurrage peut se déclencher 45° de couverture et, pour le DDM, de part
sa capacité à détecter et éviter les menaces automatiquement : une centaine de com- et d’autre sous la poutre de queue, également
avant qu’elles ne se fassent trop dangereuses. binaisons de leurrage sont possibles en tenant dirigé à 45° vers l’extérieur depuis les flancs.
Cette capacité repose sur un ensemble compte du côté d’éjection, de la durée de Le DDM est associé au lance-leurres Saphir
d’équipements d’autoprotection et de dé- la séquence, du choix de leurre, etc. L’équipage M, de MBDA, qui peut recevoir deux paniers
tecteurs passifs très largement empruntés peut même choisir de tirer un leurre sépa- de 16 cartouches de leurres EM (électro-
au programme NH90. rément, en dehors de toute menace, sim- magnétiques) ou IR (infrarouges). A l’ex-
plement pour marquer un point au sol. Si trémité de chaque moignon d’aile, le Tigre
les informations recueillies ne débouchent emporte également des détecteurs d’alertes
UN MÊME BUS DE DONNÉES. De pas sur un tir de leurres, toutes sont néanmoins laser (LWR), fournis par EADS. Le LWR
part et d’autre du nez de l’appareil, sont enregistrées sur un support numérique qui sait faire la différence entre un laser de té-
regroupés un détecteur d’alertes radar (RWR), pourra être exploité de retour au sol. Les lémétrie et un laser de poursuite, ou encore
de Thales Systèmes Aéroportés, et un dé- différents systèmes embarqués du Tigre dia- un radar d’accrochage et de détection utilisant
tecteur de départs missiles (DDM AN/AAR- loguant tous sur un même bus de données, une télémétrie laser. Le leurrage déclenché
60), d’EADS-LFK. Les RWR avertissent les informations enregistrées sont par ailleurs automatiquement sera à chaque fois différent.
l’équipage lorsque l’appareil est « éclairé » corrélées avec les indications données par Toutes les informations – alertes, nature
par un radar. Les RWR couvrent 360° autour le système de navigation de l’hélicoptère, et positionnement des menaces détectées,
de l’appareil et sont capables de fournir à permettant de connaître précisément les ainsi que l’état de fonctionnement du sys-
l’équipage, moins d’une seconde après avoir secteurs de menaces. tème d’autoprotection – sont présentées
capté la première impulsion, l’origine de la Le DDM fonctionne quant à lui par dé- sur les écrans multifonctions. L’équipage
menace et son type exact en allant puiser tection de la plume ultraviolette du missile est également prévenu par des avertisse-
les éléments de comparaison dans la biblio- au moment de sa mise à feu, et ce dans un ments sonores. ■

HORS-SÉRIE
À BORD DU TIGRE
C. COSMAO
MANDE S D’UN FÉLIN
AUX COM
AN DE À ÊTRE APPRIVOISÉ...
QUI DEM
À BORD DU TIGRE
Poste de pilotage en tandem, viseur de casque,

armement sous voilure et missiles air-air :
ne manquerait-il qu’un radar pour faire du Tigre
un excellent chasseur?
T out vol sur le Tigre débute par
un peu d’escalade. Et ce n’est pas forcément
la place la plus haute qui est la plus difficile
à atteindre. Pour accéder à la place avant,
celle du pilote, il faut prendre appui sur une
roue, attraper au vol un marchepied, enjamber
le fuselage, se hisser dans le poste à la forces
des poignées en prenant garde de ne pas
marcher sur la console latérale gauche, pour
ensuite se laisser glisser gracieusement dans
le siège blindé. Déjà difficile en temps normal,
l’exercice se rapproche un peu plus encore
du numéro de cirque lorsqu’il doit être ef-
fectué avec un gilet de sauvetage pour les
opérations en mer, et sur le dos un gilet de

C. COSMAO
Se hisser dans le cockpit demande un certain entraînement, bien que les ouvertures
soient généreuses. Une fois à bord, tout tombe sous la main et la visibilité est exceptionnelle.
combat alourdi par sa plaque de blindage Tigre est, certes, conçu pour résister aux ce dernier, sous les parties vitrées. L’expé-
et plusieurs kilos d’équipements de survie impacts d’oiseaux, mais il aurait bien du rience a montré que ces choix étaient justes,
(et aux dires des équipages, la montée à bord mal à empêcher le passage d’un projectile et un appareil comme l’Apache, mètre
est une partie de plaisir comparée à la descente, métallique se déplaçant à la vitesse du son… étalon du combat en hélicoptère, n’offre
après plusieurs heures de vol…) Aucun Les vitrages latéraux, en polycarbonate, pas mieux. La sécurité passive de l’hélicoptère
doute n’est permis, il faut être jeune pour n’arrêtent que le vent et la pluie. « Blindage vient également d’une duplication de tous
pratiquer ce sport. en peau de bouteille d’eau minérale », disent les systèmes de bord essentiels : circuits
Le poste de pilotage du Tigre est remar- les équipages, qui n’émettent pourtant électriques, hydrauliques, génératrices, bus
quablement clair et fonctionnel. La visibilité aucun reproche. Car, la protection du Tigre numériques, centrales de navigation, etc.
vers l’extérieur est exceptionnelle, ce qui se joue ailleurs, et d’abord dans la manœu- Tous les éléments indispensables au vol
est dû en partie au choix de ne pas blinder vrabilité offerte par une masse réduite et sont doublés et répartis dans l’appareil de
les parties vitrées. Si cela avait été le cas, une silhouette compacte. Son équipage est telle sorte qu’un même projectile ne pourrait
leur surface aurait dû être réduite drasti- également bien à l’abri derrière de nom- pas les détruire simultanément. Là encore,
quement, sur le modèle des hélicoptères breux blindages invisibles, comme le siège, l’expérience a montré la justesse des choix
russes Mi-24 ou Mi-28… Le pare-brise du le plancher du cockpit et tous les flancs de techniques.

À BORD DU TIGRE
Le panneau d’instruments du chef de bord en place arrière,

dominé par les deux MFD placés l’un sur l’autre.
F. LERT
Gros plan sur la poignée d’armement de gauche en place arrière, placée contre la vitre.
Le Control Display Unit (CDU) et son écran sont également bien visibles.
F. LERT

Face au pilote, la planche de bord est do-
minée par deux écrans multifonctions (MFD)
à cristaux liquides de 15 × 15 cm. Ces écrans
sont bien protégés du soleil direct et restent
parfaitement lisibles en toutes circonstances.
La casquette du tableau de bord n’est en-
combrée par aucun instrument parasite et
seul reste dans le champ de vision du pilote
son viseur tête haute (HUD), accroché au
montant supérieur du pare-brise. « Quand
je quitte le parking en roulant, avec devant
moi le HUD, j’ai l’impression d’être un
pilote de chasse ! » résume ainsi un pilote
du 5e RHC.
À BORD, LE CDU. Les commandes

de vol sont à leur place habituelle sur un
hélicoptère : manche cyclique devant le
siège et commande de pas collectif à gauche.
A l’instar des avions de combat les plus mo-
dernes, ces deux commandes sont couvertes
de boutons et interrupteurs multiplexés
permettant de commander le système d’arme
sans les lâcher : c’est le concept Hocas (Hands
On Collective And Stick), le pendant pour
hélicoptères du Hotas (Hands On Throttle
And Stick) des avions de combat.
Sur la console de gauche ont été regroupés
les commandes moteur et de mise en route
et l’écran du CDU (Control Display Unit),
protégé par un capot amovible pour éviter
« J’AI L’IMPRESSION
D’ÊTRE UN PILOTE
DE CHASSE »
que le pilote ne marche dessus lors de son La planche de bord à l’avant. A droite, des écrans multifonctions et l’instrumentation
C. COSMAO
installation à bord. Le CDU est le boîtier électromécanique de secours, dont le pilote est le seul à disposer.
d’interface avec le système de navigation et
d’armement du Tigre. Il est comparable à un
Flight Management System, que l’on trouve
à bord des avions, avec la capacité de gérer en permanence la masse de l’hélicoptère, ac- inertielles gyrolasers recalées par GPS et
les aspects tactiques d’une mission et les in- tualisée en temps réel en fonction de la d’un radar Doppler pour le positionnement
formations qui lui sont injectées en début consommation de carburant et des munitions. de l’appareil sur le plan horizontal, notamment
de mission par le DID : branches de navigation, La console de gauche comprend la gestion pour le maintien en stationnaire.
points tournants, durée d’engagement, etc. du pilote automatique 4 axes, doté de modes On trouve sur la console de droite les
Le CDU permet aussi de recalculer en vol supérieurs optimisés pour les missions de boîtiers de gestion des feux de navigation,
des navigations pour faire face à du retasking, combat et qui emporte tous les suffrages de la climatisation, et de la place laissée libre
et il peut prendre en compte des positions des pilotes : maintien ou interception d’un pour les postes de cryptage KY100 et KY52.
géographiques fournies par la télémétrie du cap, d’une altitude, d’une vitesse, suivi d’une Le Tigre est par ailleurs équipé de deux
viseur Strix. Inversement, le Strix peut être navigation, mais aussi maintien du stationnaire radios PR4G – par lesquelles passe la trans-
asservi à des coordonnées fournies par le en hauteur sol ou sur des axes x/y, ou encore mission de données SIR (système d’infor-
CDU. Pour les calculs de navigation et de ralliement automatique de la ligne de visée mation régimentaire) propre à l’Alat et à
performances, le CDU sait prendre en compte du Strix. Le Tigre est équipé de deux centrales l’armée de l’Air, d’une V/UHF pouvant

À BORD DU TIGRE
être couplée au module de cryptage et d’éva-

sion de fréquence, et d’uneVHF. Sur le Tigre
La simulation au service du Tigre HAD, laVHF est remplacée par uneV/UHF
L’Alat fait aujourd’hui feu de tout Et il est vrai que, même s’il est fixe, et l’appareil reçoit en plus la capacité de
bois en matière de simulation : le CPT est bluffant de réalisme. Le mettre en œuvre une radio HF-BLU (bande
depuis les actions de formation visuel sur 240° en horizontal et 100° latérale unique) permettant les communi-
jusqu’à la préparation opération- en vertical est semblable à celui que cations à grande distance (mais les postes
nelle, depuis les écoles jusqu’aux l’on trouve sur les FMS ; le siège n’ont pas encore été achetés par la France).
régiments, simulateurs et entraî- vibrant restitue parfaitement les Le Tigre Mk2, qui sera un Tigre HAD to-
neurs sont présents à tous les vibrations de l’appareil ; les claque- talement numérisé, disposera également du
étages de l’Aviation légère de l’ar- ments du rotor se font entendre système Sitalat.
mée de Terre. Sécurité des vols, dans les écouteurs, et la reproduc-
maîtrise des appareils et des sys- tion fidèle des cabines et des sys-
tèmes d’arme, et ressources budgé- tèmes fait que l’on se laisse très JAMAIS SEUL À BORD. Installé dans
taires en diminution sont autant de rapidement prendre à la mission. son siège blindé, le pilote dispose autour
raisons qui poussent au développe- Emportant tous les suffrages, le de lui d’une instrumentation cohérente, of-
ment de la simulation, l’entrée en CPT permet l’entraînement en équi- frant une ergonomie remarquable. Le cas
service du Tigre ayant également été page au cours de vols aussi bien échéant, il pourrait voler seul à bord, l’appareil
un catalyseur puissant. préparés que des vols de guerre étant qualifié monopilote. Des missions de
Il était prévu, au début des années réels. Son utilisation est complétée liaison sont possibles avec un pilote seul à
2000, que les 1er et 5e RHC dispose- par l’emploi de l’entraîneur tactique bord. La complexité des vols de combat fait
raient chacun d’un FMS (Full Motion Edith (entraîneur didactique interac- qu’il serait en revanche impensable de voir
Simulator). Monté sur vérins pour tif tactique hélicoptère), sur lequel un Tigre avec un seul navigant à son bord.
La présence du pilote en place avant et
du chef de bord en place arrière va à l’op-
posé de la répartition choisie sur la plupart
des autres hélicoptères de combat. Mais
elle trouve sa logique dans deux contraintes
concordantes : la première est l’installation
LE PILOTE À L’AVANT
ET LE CHEF DE BORD
À L’ARRIÈRE
Pas de vérins pour le simulateur du Tigre, mais un environnement visuel et sonore
suffisamment réaliste pour former parfaitement les équipages. du viseur Strix sur le toit de l’appareil,
juste sous le rotor. La présence d’une voie
F. LERT optique directe impose d’installer le chef
reproduire les mouvements de l’héli- peut être reproduit le travail d’un de bord, qui en est l’utilisateur, immédia-
coptère, le FMS est le nec plus ultra module complet. Après sa dernière tement dessous. Il en résulte que le pilote
en matière de simulation. Mais ce mise à jour, Edith, dans sa version occupe la place avant, celle offrant la meil-
plan grandiose n’aura pas survécu à 3.4, permet de reproduire la « bou- leure visibilité vers l’avant, ce qui est un
la compression des budgets, et les tonique » du Tigre, améliore l’utili- atout majeur dans le cas du vol tactique
RHC devront se contenter d’un sation simulée des JVN et prend en à très basse hauteur, de jour comme de
cockpit trainer (CPT) fixe. Pas sûr compte celle du MPME (module de nuit. Les deux postes de pilotage partagent
pour autant que les régiments y préparation de mission des équi- toutefois les mêmes commandes de vol et
aient perdu au change. On explique, pages) dans sa dernière version. l’appareil peut être piloté indifféremment
au 5e RHC (le 1er RHC n’a pas Dans les mois à venir, l’objectif de depuis les places avant ou arrière L’instal-
encore reçu son CPT), que « le l’Alat sera de faire travailler en lation d’un deuxième jeu de commandes
simulateur sur vérins ne (nous) inté- réseau les CPT du 1er et du 5e RHC, de vol en place arrière, synonyme de
resse pas vraiment en régiment. Les mais aussi les CPT avec Edith. Rien surcoût et de surpoids, fut d’ailleurs l’objet
vitesses de réaction des vérins sur ne s’y oppose techniquement, pour d’un âpre débat entre Eurocopter et les
FMS ne permettent pas de repro- peu que ces simulateurs soient opérationnels, ces derniers finissant par
duire parfaitement le vol tactique, et tous hissés au même niveau de obtenir satisfaction. On retrouve également
le CPT est suffisamment réaliste ». logiciel. en place arrière les deux MFD de la place
avant, avec la même versatilité des affichages :
52 air-cosmos.com AIR&COSMOS HORS-SéRIE N° 26 - JuIN 2014

Si le Tigre ne possède pas de commandes de vol électriques, comme son grand frère le NH-90,
il n’en reste pas moins doté d’une avionique de bord particulièrement sophistiquée.
C. COSMAO
navigation, cartographie (avec le système mande de zoom du Strix, la télémétrie, le pédale d’engagement du système d’arme, il
Eurogrid), état des systèmes, procédures à réglage de l’image et quelques autres fonctions. est en effet bien vu, pour un chef de bord,
suivre en cas de panne, menaces et aussi Avec le GAG de droite, le chef de bord sé- de posséder quatre jambes et autant de bras…
bien entendu imagerie TV ou IR fournie lectionne le viseur et pilote la caméra.A cela Avoir un cerveau en parfait état de marche
par le viseur Strix… Pour limiter la largeur s’ajoute, sous le pied droit, la pédale d’en- est donc essentiel, car il lui faut travailler
de la planche de bord et ménager la visibilité vite et bien, en trouvant son chemin rapi-
vers l’avant, les MFD du poste arrière sont dement à travers tous les canaux d’infor-
LA FORCE DU TIGRE :
installés l’un au-dessus de l’autre. mation placés à sa disposition. La grande
force du Tigre réside dans l’intégration de
DEXTÉRITÉ. Seule l’instrumentation L’INTÉGRATION DE TOUS ses systèmes. Navigation, armement, capteurs,
viseurs… tous dialoguent sur le même bus
analogique de secours est présente uni-
quement en place avant. Mais, à l’inverse, SES SYSTÈMES de données, offrant une vision claire et syn-
thétique du fonctionnement de l’appareil,
quelques interrupteurs pour la mise en œuvre de l’état de ses systèmes et de la situation
du système d’arme restent l’apanage de la tactique.Au combat, un des deux MFD est
place arrière, qui reçoit un petit MFD sup- gagement du système d’armes et, sous le en général dévolu à une recopie du viseur,
plémentaire à cet effet. Et puis, il y a les deux pied gauche, la pédale de la radio. Un pilote et l’autre, à la carte tactique ou à la navigation.
GAG, qui n’ont rien de comique. Les « Gun- passe chef de bord après sept ou huit ans Mais, une fois encore, rien n’est figé et la
ner Armament Grip », ou poignées d’arme- d’expérience en place avant. Si le chef de flexibilité des affichages est la règle. Le viseur
ment, permettent d’utiliser le viseur Strix bord est sélectionné en fonction de son ex- Strix est le capteur essentiel, grâce à un
et les armements. Le GAG de gauche, installé périence, il se dit aussi que la morphologie travail qui se fait principalement sur écran
contre la vitre de gauche, ressemble à s’y joue un grand rôle : pour jongler au mieux avec une recopie des voies TV et IR. La
méprendre à un manche à balai. Il s’agit en avec les deux GAG, les deux commandes visée optique directe, qui se fait via le BPO
fait d’une poignée fixe qui emporte la com- de vol, le palonnier, la pédale radio et la (bras porte-oculaire), est favorisée quand

À BORD DU TIGRE
un très haut niveau de précision ou une La visée stabilisée fait rapidement oublier (les pilotes de l’Alat sont toutefois limités
vision en couleurs est nécessaire. Elle est que l’hélicoptère évolue, mais l’oreille interne dans les textes à des évolutions ne dépassant
aussi utile dans un environnement très chaud, n’est en général pas dupe très longtemps… pas 90° sur tous les axes). Si la voltige
lorsque les contrastes insuffisants n’offrent Pendant ces évolutions, tout le travail du n’est pas directement utile au combat,
plus de bonnes performances à l’infrarouge. pilote est de maintenir l’appareil dans le do- cette aptitude montre toutefois que l’équi-
maine de tir au profit du chef de bord. page peut bouger son appareil sans se sou-
Les qualités de vol du Tigre tiennent cier des limitations du domaine de vol.
SOUPLESSE. Au combat, le chef de pour beaucoup à la souplesse de ses com- Avec + 4 g positifs et - 1 g négatif, les li-
bord passe donc le plus clair de son mandes et à son rotor semi-rigide. Semi- mitations en accélération se rapprochent
temps à surveiller ses écrans, ou les yeux rigide parce que, si l’ensemble quadripale de celles d’un avion.
dans son viseur. C’est un des aspects les plus n’est pas articulé en battements (la souplesse « C’est un appareil qui répond au quart
troublants de l’emploi du Tigre depuis la du col de la pale fait le travail), il le reste de tour. Les commandes sont toujours pré-
place arrière, particulièrement dans l’utilisation tout de même en traînée. Les pales sont cises, il reste en permanence contrôlable
du canon : le chef de bord tire sur un objectif en composite avec un longeron en fibre et aucune manœuvre ne lui fait peur », ex-
bien centré sur son écran, qui semble donc de verre et revêtement en carbone. L’en- pliquent les pilotes de Pau. « Il peut engager
être face à lui alors même que l’hélicoptère semble donne un appareil très réactif aux des manœuvres très agressives sans dégrader
évolue perpendiculairement à la ligne de commandes, capable de passer sans effort son énergie, ce qui lui permet de se repo-
visée stabilisée, avec un canon braqué à 90°. toutes les figures de la voltige classique sitionner très vite pour une passe de tir
contre un objectif qui se découvre. » Cer-
tains navigants évoquent même des sen-
sations proches de celles d’un avion de vol-
tige : « Quand on part dans des évolutions
serrées, il faut prendre garde à terminer la
manœuvre commencée pour ne pas se
laisser embarquer dans une boucle ou un
tonneau… qu’il réaliserait sans peine. »
Une fois de plus, la masse de 6 tonnes est
un excellent compromis, garantissant au-
tonomie et capacité d’emport face à des
DES SENSATIONS
PROCHES DE CELLES
D’UN AVION DE VOLTIGE
machines plus légères, tout en préservant

une maniabilité loin d’être égalée par des
machines plus lourdes.
Il avait été décidé, au début du programme,
que l’appareil disposerait de commandes de
vol classiques (mécaniques avec servocom-
mandes) et d’un réseau de commandes de
vol électriques de secours. Pour des raisons
budgétaires, ces dernières ne furent finalement
pas retenues. « L’appareil est relativement
compact et le gain en masse n’aurait pas été
très important, note Pierre Rougier. Et le
travail effectué sur les commandes de vol
classiques a été si remarquable que l’élec-
trification n’aurait sans doute pas apporté
une grande plus-value. »
L’un des secrets de l’agilité du Tigre : un rotor semi-rigide couplé à des pales STABILITÉ. Le rotor anticouple de
C. COSMAO
en matériaux composites qui rendent l’appareil très réactif aux commandes. type Spheriflex à trois pales, installé sur le
côté droit de l’appareil, participe également

à l’extraordinaire manœuvrabilité en lacet :
très largement dimensionné, il permet le
vol en translation latérale très rapide à plus La préparation de mission
de 50 kt, voire 70 kt du côté gauche où
l’entraîne le couple du rotor. Le surdimen-
sionnement du RAC répond également
aux exigences de stabilité de l’appareil, très
sévères pour garantir la stabilité de la visée.
Une stabilité qui est d’ailleurs augmentée
par la mise au point de la suspension Sarib
(suspension antivibratoire à résonateur
intégré et à barres) : quatre lames souples,
associées aux supports de la BTP, qui créent
des vibrations en opposition de phase aux
forces excitatrices du rotor principal. Mis
au point sur les prototypes du Tigre, l’équi-
UN ENSEMBLE
DE GUERRE ÉLECTRO- Sur l’écran de gauche, en rouge, la vue en plan des zones de vulnérabilité pendant
NIQUE PERFORMANT
l’attaque d’un objectif. A droite, la même vision en trois dimensions.
F. LERT
Chaque mission commence par une sera ensuite injecté dans la mémoire
préparation qui se fait à l’aide d’un du système de navigation de l’hélicop-
outil informatique commun à tous les tère. Quatre modules de transfert de
pement a depuis fait florès sur d’autres ap- appareils de l’Alat : le module de pré- données sont en fait utilisés sur le
pareils de la gamme Airbus Helicopters. Le paration de mission des équipages Tigre : le Mission Data Transfer com-
domaine de vol évoque une vitesse de 50 kt (MPME). Le MPME permet non seule- prend les cartes de navigation, les
en marche arrière, avec des vols d’essai qui ment de préparer précisément une situations tactiques. Deux autres sont
ont démontré qu’il pouvait en fait atteindre navigation, mais aussi d’élaborer une des DID : le premier, propre à chaque
70 kt ! En vol d’avancement, le Tigre croise tactique d’attaque contre un objectif vol, enregistre les routes, les points
en vitesse économique à 120 kt, mais il grâce à la numérisation en 3D du ter- tournants, les fréquences radio. Le
atteint facilement les 140 ou 150 kt, et peut rain : sur l’écran apparaissent alors les deuxième, dont l’utilisation est propre
même dépasser 200 kt en piqué. De telles masques du terrain, suivant la hauteur aux mécaniciens, enregistre toutes les
performances sont aussi rendues possibles d’évolution des hélicoptères, et les données relatives à l’état de marche
par une conduite moteur facilitée par le équipages embrassent d’un seul coup de l’appareil. Le troisième et dernier
Fadec (régulation numérique) des turbines. d’œil les cheminements les plus dis- module, l’EWDM, contient quant à lui
Le pilote se contente de demander la puis- crets pour l’attaque proprement dite les informations relatives à la guerre
sance ; au calculateur du Fadec de gérer et pour les esquives. électronique et à la bibliothèque de
ensuite les moteurs. Un « indicateur de pre- Les éléments clés de ce travail de pré- menaces. Son actualisation n’est
mière limite » indique au pilote de façon paration sont ensuite transférés sur un nécessaire qu’en cas d’évolution de la
synthétique la puissance disponible en module de préparation de mission, situation électronique sur le théâtre
fonction de la masse de l’appareil et des alias DID (Data Insertion Device), qui d’opérations.
conditions de vol.
TÉLÉPHONE À BORD. Si le Tigre échangés par les équipages de Gazelle n’ont ne peut rater les alarmes : gongs et modu-
peut se piloter de la seule place avant, la plus de sens sur le Tigre. L’essentiel se fait lations dans les casques, en incrustations
mise en œuvre de l’appareil au combat n’a par le téléphone de bord, des dialogues dans les viseurs, messages et symboles sur
de sens qu’avec son équipage complet, pilote courts et précis, et par le partage de pages les écrans. Face à un tir de missile, un cône
et chef de bord. On a vu dans le récit de la d’écran sur les MFD. Le travail en équipages rouge indique instantanément à l’équipage
genèse de l’appareil qu’une crainte de l’Alat constitués fait le reste pour souder les hommes la provenance de la menace, et il revient à
portait sur le travail de l’équipage en tandem. et garantir leur efficacité. celui-ci de faire jouer ses réflexes et d’ap-
Le pilote en place avant dispose de petits Face aux menaces, l’équipage est serein. pliquer les manœuvres évasives cent fois ré-
rétroviseurs lui permettant de voir la place L’hélicoptère dispose d’un ensemble de pétées. Si l’hélicoptère est surpris en altitude,
arrière et, de sa place, le chef de bord aperçoit guerre électronique performant, avec une il devra s’en remettre principalement à la
le sommet du casque du pilote avant.Tout fois de plus une intégration poussée, garante qualité de son leurrage automatique… En
cela ne suffit pas pour une bonne coordi- de son efficacité. Les menaces sont présentées basse altitude, il pourra également tenter de
nation en vol et les petits gestes rapides sous de multiples formes à l’équipage, qui jouer avec les masques du terrain.

À BORD DU TIGRE
ANTICRASH. L’atterrissage du Tigre

en fin de mission est l’occasion d’évoquer
un composant essentiel de sa sécurité passive :
son train d’atterrissage, conçu et fabriqué par
Messier. Son positionnement très avancé,
avec une prise d’appui sur la structure entre
les deux cockpits, permet d’arriver au sol
avec une vitesse horizontale élevée. L’appareil
est très stable et ne risque pas le cheval de
bois. Au contraire par exemple de l’A129
italien, dont le positionnement du train d’at-
terrissage, accroché à l’arrière du second
cockpit (en raison de sa petite taille), rend
dangereux les atterrissages avec une vitesse
horizontale trop élevée. Au-delà de 4 ou
5 tonnes, l’emploi d’un train d’atterrissage,
pour un hélicoptère, est tout à fait préférable
à celui de patins. Un train à roues et amor-
UN TRAIN À ROUES
POUR LES NORMES
ANTICRASHS
tisseurs est le seul à pouvoir répondre aux

normes anticrashs très sévères : le train du
Tigre est conçu pour s’effacer presque com-
plètement en cas de contact très violent avec
le sol, et ainsi, dissiper une bonne partie de
l’énergie d’un crash. A 6 m/s de vitesse
verticale, le train s’affaisse, la barque touche
le sol et la machine rebondit. A 10 m/s, la
cellule absorbe à son tour une partie de l’éner-
gie en se déformant, mais l’équipage qui est
installé sur des sièges anticrashs à absorption
d’énergie est épargné. Depuis la mise en
service du Tigre, trois appareils ont été perdus
à la suite d’un vol contrôlé sur le terrain et,
à chaque fois, les équipages ont pu quitter
l’appareil accidenté par leurs propres moyens.
TOUT ROULE. Cette solidité du train

se traduit donc par la possibilité de conduire
des atterrissages assez rapides, avec 25 kt de
vitesse d’avancement environ, en posant la
roulette de queue en premier et en faisant
l’économie d’un stationnaire. L’appareil, qui
reste remarquablement stable, roule et s’arrête
en moins de quinze mètres. En zone pous-
siéreuse, cette procédure permet d’éviter le
phénomène de « brown out » en restant en
avant du nuage de poussière soulevé par le
souffle du rotor. Un avantage qui fut lon- Le Tigre est conçu pour tenir des crashs d’une vitesse de 10 m/s. A cette vitesse, le train
C. COSMAO
guement démontré tout au long des enga- d’atterrissage et la déformation de la cellule absorbent le choc, protégeant l’équipage.
gements opérationnels du Tigre… ■

HORS-SÉRIE
DANS LES FORCES
LE
UN NOUVEAU SOUFF ÇAISE
OMBAT À LA FRAN
POUR L’AÉROC T. GOISQUE
DANS LES FORCES
Avec le Tigre, l’Alat

change d’époque et de
dimension. Elle entre
aussi dans le club très
fermé des utilisateurs
d’hélicoptères
de combat.
T. GOISQUE

T. GOISQUE
Altitude, conditions climatiques extrêmes, règles d’engagement très strictes : le Tigre fait ses pre-
mières armes sur un théâtre d’opérations, l’Afghanistan, particulièrement difficile.

DANS LES FORCES
L e 1er avril 2005, le chef d’état-major de

l’armée de Terre déclare l’adoption du Tigre
en version HAP. C’est la conclusion d’un
long processus, entamé 8 ans plus tôt par le
Gamstat (Groupement aéromobilité de la
section technique de l’armée de Terre) avec
l’évaluation technico-opérationnelle (Evto)
des prototypes du Tigre. Mais il reste deux
dernières étapes à couvrir avant de prononcer
la mise en service opérationnelle (MSO),
attendue pour 2008, c’est-à-dire l’autorisation
formelle donnée pour l’emploi opérationnel
de l’appareil : il s’agit de l’expérimentation
an plus tard, le régiment ne dispose alors
que d’une demi-douzaine d’appareils, tous
au standard « step 2 » (voir encadré sur les
états de configuration, page suivante). « Nos
appareils nous sont arrivés dans ce standard
intermédiaire afin de ne pas avoir à reporter
la mise en service opérationnelle », explique-
t-on alors au régiment. « Si nous avions
voulu recevoir directement les appareils au
technico-opérationnelle (Exto) et de l’ex- standard 1, qui est celui de référence pour
périmentation tactique (Exta). La première, la MSO, il nous aurait fallu attendre plusieurs
confiée au Gamstat de Valence, a pour but mois supplémentaires pendant lesquels il
de vérifier la conformité de l’appareil au n’aurait pas été possible de finaliser la for-
cahier des charges. L’objectif de la seconde mation opérationnelle des équipages et des
est de fixer les règles d’utilisation de l’appareil mécaniciens. »
et d’élaborer sa doctrine d’emploi au sein Les appareils « step 2 », initialement reçus
des forces. Exto et Exta se déroulent de par le 5e RHC, sont donc dépourvus de
façon concomitante avec certaines activités deux capacités non négligeables : le tir Mistral
conduites en commun. pour le combat air-air et la navalisation.
Leur conduite de tir présente également
des lacunes (cf. encadré p. 68). Ils seront
EN SERVICE AU « 5 ». Le premier toutefois portés au standard 1 avant leur
Tigre est arrivé à Pau en juin 2007. Un envoi en Afghanistan.
Les Tigre envoyés en Afghanistan en 2009 sont au standard 1,

J. M. TANGUY
T. GOISQUE
le seul permettant un emploi opérationnel.

Une longue préparation précède le premier déploiement en Afghanistan. Les premiers
équipages sont expérimentés et justifient d’une expérience préalable sur Puma ou Gazelle.

DANS LES FORCES
• Step 1 : premier état de configuration des • Step IS : un état qui corrige les
DIFFÉRENTS ÉTATS DE premiers appareils livrés à l’EFA. Ces ap- principales restrictions d’utilisa-
CONFIGURATION pareils ne disposent pas de toutes les
fonctionnalités et subissent des restrictions
tion des armements et des vi-
seurs présents sur le step 1.
DU HAP d’emploi. Ils ne sont pas autorisés au tir Ces appareils sont aptes au tir
T. GOISQUE

• Step 2 (ou standard 0) : un état qui intègre l’autoprotection, le poste • Standard 1 : sur la base du step 2, il intègre
radio Saturn, les dernières modifications du système cartogra- les derrières modifications pour permettre
phique Eurogrid. Malgré cela, les appareils ne sont pas encore l’emploi opérationnel. Les premiers appareils
bons pour les opex. Il ne reste, en 2014, que quelques appareils arrivent au 5e RHC en 2007. C’est sur cet
au step 2, en attendant leur modernisation au standard 1 état qu’a été prononcée la MSO du Tigre
En préalable à l’arrivée des premiers Tigre,

le régiment a sélectionné ses premiers équi-
pages. Les onze premiers pilotes ont tous la
qualification de chefs de bord et justifient
d’une solide expérience (environ 2 500 heures
de vol) avec une moyenne d’âge de 35 ans.
Pendant les trois années ayant suivi leur sé-
lection, les pilotes continuent à travailler
dans leurs unités respectives tout en passant
DES QUESTIONS
SUR LA RUSTICITÉ
DU TIGRE
les qualifications requises pour le passage
sur le Tigre. Pour les pilotes de Gazelle, cela
comprend, par exemple, l’apprentissage de
l’hélicoptère biturbine, ou encore le passage
de la qualification IFR (vol aux instruments).
Inversement, les pilotes de Puma maîtrisant
ces techniques doivent se former au tir
canon (sur Gazelle canon) ou à l’utilisation
du viseur thermique (sur Gazelle Viviane).
AU COIN DU BOIS. Les stages

« Tigre » proprement dits débutent en
janvier 2006, avec l’apprentissage de la mise
en œuvre de l’appareil et du système d’arme
depuis la place avant. Les futurs chefs de
bord suivent en outre un stage supplémentaire
de 12 semaines pour les familiariser avec la
mise en œuvre des systèmes depuis la place
arrière.
L’Exta et les premières sorties sur le terrain
sont également l’occasion de lever les derniers
doutes émis par les observateurs : le Tigre
sera-t-il assez rustique pour endurer la vie
quotidienne de l’Alat en opération, loin des
infrastructures régimentaires ? Après quelques
nuits passées à la belle étoile, le verdict in-
formel tombe : le Tigre est parfaitement
Le Tigre, une présence rassurante pour ces fantassins français qui peuvent ainsi apte aux opérations « au coin du bois »,
compter sur un allié de choix lors des accrochages dans les vallées afghanes. comme l’était avant lui la Gazelle. L’expé-
rimentation montre que le Tigre peut être

DANS LES FORCES
utilisé de la même façon que les hélicoptères

de la génération précédente, dans des condi-
tions spartiates et avec un environnement
technique réduit. Le constat arrive à point
nommé, car déjà se prépare la première opex
en Afghanistan pour le nouvel hélicoptère
de combat.
OPÉRATION « PAMIR ». Pour les

armées françaises, l’Afghanistan constitue
un baptême du feu exceptionnel pour ses
équipements les plus modernes. Outre le
Tigre, on peut citer leVBCI, le drone Drac,
le canon Caesar, le Rafale, ou encore la
JUILLET 2009,
LE TIGRE ARRIVE SUR
LE TARMAC BRÛLANT
DE KABOUL…
bombe propulsée AASM.Autant de matériels
conçus dans une logique d’affrontement
Est-Ouest, et dont la justesse des choix tech-
niques va se révéler sur le terrain.
Pour le « 5 », l’envoi à Kaboul des trois pre-
miers Tigre, en 2009, vient récompenser les
efforts déployés depuis plusieurs années pour
accueillir et dompter le nouvel hélicoptère.
Mais les premiers mandats dans la capitale af-
T. GOISQUE
ghane exigent un effort humain et technique
Octobre 2009 : la lettre de l’Alat au Père Noël

Deux mois après l’arrivée de ses dées. L’Alat les attend toujours. Un
trois Tigre à Kaboul, l’Alat tire déjà les désignateur laser et un meilleur gros-
premiers enseignements de l’engage- sissement de la voie TV feront partie
ment de l’hélicoptère de combat et des équipements du Strix +, en
dresse la liste de 18 points à amélio- cours de développement pour une
rer. Il s’agit aussi bien d’urgences future rénovation à mi-vie du Tigre.
opérationnelles concernant le maté- Un enregistreur de vol numérique,
riel, que d’adaptations réactives liées, capable d’enregistrer notamment
cette fois, aux procédures d’emploi. les images du Strix et les échanges
Les surblindages installés « à la radio, ainsi que le téléphone de bord
main », collés et vissés par des tech- sont installés en urgence opération- colossal : pendant plusieurs années, le régiment
niciens d’Eurocopter sur les flancs nelle sur les Tigre HAP déployés doit « s’autorelever » avec pourtant un faible
des Tigre HAP (au niveau des cock- à Kaboul. Le domaine de vol de nombre d’équipages et de mécaniciens qualifiés.
pits), devront faire partie de l’équipe- l’appareil est également élargi Les tours d’opération reviennent vite pour les
ment de base du futur Tigre HAD. Le avec l’ouverture de configurations « happy few »… De juillet 2009 à la fin 2011,
blindage du plancher fait son appari- d’armement dissymétriques (panier le régiment ne compte, par exemple, que cinq
tion sur les HAP et sera présent pour roquettes d’un côté, réservoir de chefs de patrouille Tigre qualifiés. Dont deux
les appareils engagés au Mali. Des carburant supplémentaire de l’autre), doivent être présents en permanence en
roquettes explosives sont deman- et jusqu’à ISA+35. Afghanistan… Les trois Tigre au standard 1
se posent donc à Kaboul, dans la soute d’un

LES FORCES TIGRE
En Afghanistan, le vol à basse altitude est de rigueur. Les équipages doivent néanmoins veiller à ne
pas descendre à moins de 300 m. Le calibre de 7,62 mm de la kalachnikov reste un danger potentiel.
AN 124, le 26 juillet 2009. Intégrés au Bathélico première seconde de cet engagement. très bien installé, on se sent protégé, la cli-
français présent sur place, ils sont rapidement Comme le résume un chef de bord, « le matisation fonctionne bien, l’appareil regorge
remontés, pris en main et qualifiés pour le Tigre répond parfaitement aux exigences de puissance… Tout ce que nous aurions
théâtre d’opérations en faisant la démonstration que l’on place en lui. Son système d’arme voulu avoir sur la GazelleViviane, nous l’avons
de leurs capacités sur un champ de tir de l’Isaf. est fiable et précis ; le travail de l’équipage sur le Tigre. Cela nous permet d’appréhender
Leur première mission opérationnelle intervient en tandem – avec l’asservissement croisé des les opérations de façon nouvelle »…
le 20 août, en appui d’un accrochage des viseurs – est encore plus rapide que sur la
troupes françaises au sol. Et les critiques émises Gazelle, quand nous étions en côte à côte.
a priori sur le Tigre – système d’arme hérité L’ergonomie est parfaite, tout tombe sous JAMAIS SANS MON TIGRE !
de la guerre froide – volent en éclats dès la la main, le cockpit est confortable, on est En Afghanistan, les Tigre sont employés

DANS LES FORCES
Tigre, Caracal, Cougar et Gazelle constituent le Bathélico (bataillon d’hélicoptères) stationné sur l’aéroport
T. GOISQUE
de Kaboul. Il contribue à l’appui des troupes au sol, mais aussi aux évacuations médicales (Medevac).
pour escorter les hélicoptères de manœuvre des points d’intérêt en utilisant l’asservis- Tout au long de ses engagements, le Tigre
ou bien en binômes avec les GazelleViviane, sement avec le viseur Strix. Une fonction fait face aux conditions d’emploi extrêmement
dans les missions de renseignement et d’ap- particulièrement utile pendant les missions difficiles, avec un cocktail explosif : chaleur
pui-feu. Une patrouille mixte Tigre et de nuit, lorsqu’une activité suspecte est dé- en été, froid extrême en hiver, altitude et
Gazelle présente en effet un très large éventail tectée avec les JVN et investiguée plus pré- poussière. Opex oblige, l’appareil bénéficie
d’armement, depuis le canon jusqu’aux cisément avec le viseur Strix. Les équipages d’une dérogation pour décoller à la masse
missiles, en passant par les roquettes… Les disposent également d’un pointeur laser maximale de 6,4 tonnes (contre 6,1 tonnes
Tigre évoluent en général en avant et à tenu à la main leur permettant de désigner en métropole), ce qui lui permet, dans la
basse altitude (mais au-dessus de 1 000 des points particuliers au profit des troupes plupart des cas, à ne pas avoir à choisir entre
ft/sol, pour rester hors de portée des armes carburant et munitions… Au sein de l’Alat,
légères), offrant une capacité de riposte im- on pense faire face aux pires conditions
TIGRE ET GAZELLE,
médiate avec leur canon. Ils tirent en mou- d’emploi possible. Les opérations « Harmat-
vement, en se plaçant sur un cercle autour tan » et « Serval » prouveront, quelques mois
de leur cible qu’ils ne quittent pas des yeux
et gardent en permanence sous leur feu UN COUPLE QUI SAIT plus tard, que le pire n’est jamais certain…
« J’ai été bluffé par l’impact du Tigre sur
grâce au débattement du canon. « Malgré
FAIRE PARLER les opérations », souligne un ancien patron
LA POUDRE
l’imbrication fréquente des combats, nous du Bathélico à Kaboul. « On a vu à plusieurs
étions très sereins quand il s’agissait de tirer reprises les insurgés quitter leurs positions
avec précision. La stabilisation de la visée sans combattre à l’arrivée de l’hélicoptère de
et de l’arme a fait des miracles », expliquent combat. Je note également que le Tigre est
les pilotes. La visée avec le casque Topowl au sol, de leur ailier ou même au sein de un facteur de puissance très important qui a
qui correspond plus à un tir d’urgence, avec l’équipage. Le tir de roquettes est également fait entrer la France dans le club très fermé
une hausse de combat préréglée à 800 m, utilisé avec un large emploi des roquettes des nations qui comptent. » Après plusieurs
n’est guère pratiquée sur le théâtre afghan. fumigènes pour marquer les objectifs. La missions d’escorte et d’appui conduites au
Les équipages soulignent en revanche tout puissance de ces armements et le fort effet profit des troupes américaines, succédant aux
l’intérêt du casque pour se passer les pistes psychologique créé contribuent à déstabiliser Français sur la base avancée de Tagab, le
d’un cockpit à l’autre et pour zoomer sur l’adversaire. Bathélico a même enregistré trois visites de

Gilet de combat Ciras, Famas, pistolet automatique, rations, radio portative et équipement de survie. Le pilote de Tigre ne part jamais au combat
T. GOISQUE
T. GOISQUE
sans un équipement conséquent. A droite, un chargement d’obus. Le cerclage orange-rouge indique des projectiles « bons de guerre ».
A l’école du Tigre !
« Rarement un programme d’armement aura été suivi Gazelle et BO105 viennent compléter les flottes : il s’agit
d’aussi près et à un tel niveau politique », racontent les d’appareils de « substitution », permettant d’offrir des
acteurs du programme Tigre. Une conséquence directe heures de vol à moindre coût dans l’apprentissage de
de ces enjeux politiques est la recherche très motivée certaines tâches.
de la plus grande intégration possible entre Français et
Allemands dans la mise en œuvre de leurs hélicoptères, Pour l’Alat, la formation se fait pour tous dans un premier
malgré toutes les divergences apparues dans les temps sur HAP, pendant 15 semaines pour les pilotes,
concepts d’emploi. En 1991, il est décidé que la forma- les chefs de bord ayant droit à 10 semaines supplémen-
tion des équipages et des équipes de maintenance sera taires. La formation sur HAD correspond à une extension
harmonisée au sein d’écoles binationales pour éviter la de qualification, avec un stage complémentaire de
duplication des efforts : les équipages seront formés au 2 semaines pour les pilotes et de 3 semaines pour les
Luc-en-Provence, au sein de l’Ecole franco-allemande chefs de bord. Les stagiaires de l’école étaient, dans
(EFA), et les mécaniciens, à Fassberg, en Allemagne. un premier temps, des navigants expérimentés quittant
Il s’agit là de l’application la plus voyante du principe la Gazelle ou le Puma pour le Tigre. La montée en puis-
d’interopérabilité, cheville ouvrière du programme Tigre : sance de la flotte des hélicoptères de combat fait que
même maintenance, mêmes stocks de pièces détachées, l’EFA accueille maintenant de jeunes pilotes à peine sor-
même formation des mécaniciens et des équipages. tis de l’école de pilotage de Dax. Le plan de charge de
l’EFA prévoit la formation, en 2014, de 56 stagiaires fran-
L’EFA est ouverte officiellement le 1er juillet 2003 et reçoit çais et 25 allemands. Ces chiffres regroupent non seule-
ses deux premiers appareils un peu moins de 2 ans plus ment des pilotes et chefs de bord, mais aussi des moni-
tard, en avril 2005. Ces premiers Tigre HAP sont au stan- teurs et divers personnels techniques de la DGA, ainsi
dard step 1. Ils seront par la suite portés au standard 1S, que quelques stagiaires espagnols destinés à devenir
puis step 2. Le parc de l’école est actuellement composé moniteurs dans leur propre pays. Notons enfin qu’une
d’une quinzaine d’appareils : huit UHT allemands large place est consacrée à la simulation dans la forma-
(aujourd’hui appelés KHT, pour KampfHubSchrauber tion dispensée à l’EFA. L’école dispose en particulier
Tiger), huit HAP (cinq, step 2, et trois, standard 1) et trois de six cabines de simulation FMS montées sur vérins,
HAD français. Ces chiffres sont fluctuants, le parc de permettant donc l’entraînement simultané de trois équi-
HAP étant en décroissance. A terme, un équilibre pourrait pages. Plusieurs CPT statiques, mais reproduisant avec
être trouvé avec quatre HAP et autant de HAD. Quelques autant de fidélité les cockpits, complètent l’offre.

DANS LES FORCES
Les Tigre allemands et espagnols en Afghanistan

En décembre 2012, quelques jours seulement avant le veau système de filtration pour les moteurs, des blindages
retrait définitif des Tigre HAP français, les quatre premiers additionnels, des équipements de communication adaptés
Tigre UHT allemands ont pris contact avec le sol afghan. au travail en coalition et un enregistreur de vol. Le douzième
Ces appareils appartiennent au Kampf Hubschrauber et dernier Tigre UHT modifié a été remis au Kampf
Regiment 36 de Fritzlar. En Afghanistan, ils sont basés à Hubschrauber Regiment 36, le 6 mars 2014. Dans un téles-
Mazâr-e Charîf, dans le nord du pays et dans une zone copage de l’histoire qui donne le vertige, 21 ans et 8 mois
réputée plus calme que l’Est ou le Sud. après le premier vol du premier prototype, après avoir évo-
qué la commande de 212 appareils, l’Allemagne est finale-
Ce déploiement est le fruit d’un « crash program » lancé fin ment parvenue à se constituer un parc de 12 appareils
2011 ayant permis de porter douze appareils au standard « pour faire la guerre ». Dans une volte-face sémantique très
Asgard (Afghanistan Stabilization German Army Rapid révélatrice – on ne parle plus d’ailleurs aujourd’hui en
Deployment). Ce standard comprend notamment un nou- Allemagne de Tigre UHT, mais bien de Tigre KHT, pour
Kampf Hubschrauber Tiger –, le Tigre est redevenu un
hélicoptère de combat, et non plus seulement un héli-
coptère de soutien, comme le signifiait UHT. Les mots
ont un sens ! « Les Tigre remplissent parfaitement leur
contrat à Mazâr-e Charîf, se consolent les militaires
allemands. La disponibilité est excellente, ils volent
de jour et de nuit, et la flotte accumule une vingtaine
d’heures de vol par semaine. » Les appareils sont
armés de mitrailleuses de 12,7 mm en nacelles,
de roquettes de 70 mm et de missiles HOT 3.
L’Espagne a été la troisième nation à envoyer des

Tigre en Afghanistan. Trois appareils du premier
bataillon d’hélicoptères d’attaque (1er Bhela) sont
arrivés dans le pays à la fin du mois de mars 2013.
Leur premier vol opérationnel a eu lieu le 9 avril de
la même année. Pendant deux mandats consécutifs
Tigre français et allemands ne se seront jamais côtoyés en Afghanistan. de 4 mois, ils ont participé à la sécurisation de
Le Tigre UHT y fera très bonne figure malgré son passé houleux. convois logistiques, dans le cadre du départ
d’Afghanistan des forces espagnoles.
BUNDESWEHR
délégations de l’US Army, très intéressées par

les performances de l’appareil, notamment
par la précision de son canon de 30 mm.
La popularité de l’appareil, qui conduit
les opérationnels à dire que l’absence de
Tigre est un « no go » pour certaines opé-
rations, est toutefois une arme à double tran-
chant : l’Alat ne cesse de rappeler le nombre
insuffisant d’hélicoptères reçus. Les trois en-
voyés à Kaboul en 2009 font partie d’un
parc, au sein du 5e RHC, limité à six unités
au standard 1, c’est-à-dire pleinement dé-
ployables. Les militaires français sont sur la
corde raide, et ce malgré une gestion prudente
des potentiels : l’allocation est de 30 heures
de vol par mois et par appareil à Kaboul,
deux fois moins que pour les Apache amé-
ricains à la même époque. Mais 30 heures L’une des griffes du Tigre : les roquettes de 68 mm fabriquées par TDA (filiale de Thales).
T. GOISQUE
mensuelles, c’est déjà deux fois plus que le La France a choisi un calibre de roquette particulier, différent du standard Otan (70 mm).
rythme prévu en métropole (Suite page 74)
70 air-cosmos.com AIR&COSMOS HORS-SéRiE n° 26 - jUin 2014

Un tigre, une Gazelle et un VBL (au premier plan) montent la garde. A partir de novembre 2009, la
brigade La Fayette prend le contrôle des vallées de la Kapissa et de Surobi.
T. GOISQUE
Retour de mission : ce pilote inspecte l’un des deux paniers lance-roquettes

T. GOISQUE
T. GOISQUE
Départ en mission pour cet équipage français. en point interne. Il y a eu contact : 5 des 22 roquettes sont manquantes…

DANS LES FORCES
T. GOISQUE

L’Alat en action : un Tigre du 5e RHC escorte un Caracal du 4e RHFS (régiment d’hélicoptères des forces
spéciales). Deux unités basées à Pau, qui se retrouvent au combat à l’autre bout du monde.

DANS LES FORCES
(environ 200 heures an-

(Suite de la page 70) dans les premières heures de février 2013. Le 5e RHC vient tout juste d’être engagé
nuelles). A ce rythme-là, la durée de vie du Les statistiques officielles montrent que, en Afghanistan lorsque le 4e RHFS (régiment
Tigre, qui naît avec un potentiel de depuis leur arrivée, 3,5 ans plus tôt, les d’hélicoptères des forces spéciales) reçoit ses
6 000 heures, pourrait être réduite de 30 ans Tigre ont effectué 4 215 heures de vol et premiers Tigre, en 2010. À la fin de cette
à seulement 15 ans ! Face à ce constat, l’emploi 2 600 missions d’appui et d’escorte, de jour année-là, le parc de quatre appareils est au
des Gazelle a aussi pour objectif de préserver comme de nuit. Ils ont tiré plus de 19 000 complet, rassemblé au sein de l’EOS 6 (es-
le potentiel des Tigre en prenant en charge obus de 30 mm et 420 roquettes de 68 mm, cadrille des opérations spéciales n° 6). En
une partie du fardeau opérationnel. parallèle, des équipages du « 4 » ont participé
A l’heure du désengagement français au mandat du Bathélico en Afghanistan, pour
d’Afghanistan, à l’automne 2012, quatre
Tigre sont présents en permanence sur le LE TIGRE QUITTE acquérir une expérience du Tigre au feu et
du travail en module mixte avec les Gazelle.
territoire. Pendant le mois de septem-
bre 2012, les convois les plus importants L’AFGHANISTAN De la même manière, le 4e RHFS ne tarde
pas à être impliqué dans l’opération
quittant la Kapisa bénéficient de la cou-
verture simultanée de deux Tigre et deux
EN FÉVRIER 2013 « Harmattan », déclenchée contre la Libye.
Gazelle, deux autres Tigre et un module

Medevac restant en alerte à Kaboul. Pendant OPÉRATION « HARMATTAN ».
le désengagement de la FOB Tagab, un 5e Les Tigre sont présents en Afghanistan
Tigre au standard 1 est déployé ponctuel- pour la perte accidentelle d’un appareil, depuis un peu moins de 2 ans quand débute
lement à Kaboul. Les hélicoptères seront début 2011 (pris dans de mauvaises condi- la participation de l’Alat à l’opération
progressivement rapatriés en France, les tions météorologiques, l’équipage sortira « Harmattan », en Libye, en mai 2011.Alors
deux derniers quittant la capitale afghane indemne d’un vol contrôlé dans le terrain). que quatre Tigre HAP au standard 1 sont

F. LERT
Le Tigre quitte les terres afghanes après y avoir tiré 19 000 obus de 30 mm
et 420 roquettes. Pas mal pour un premier déploiement au combat…
présents à Kaboul, le 5e RHC racle les fonds se sont adaptées aux bombardements : uti- de mêlée conduit à quelques mètres du
de tiroir pour trouver les outillages et les lisation de véhicules légers « civils », dis- sol… Les premiers raids prévus pour le
pièces de rechange lui permettant de placer persion dans des zones périurbaines ou, de 27 mai sont finalement reculés d’une se-
deux autres appareils sur le BPC (bâtiment facto, placées hors de portée par les règles maine : les Britanniques ne sont pas encore
de projection et de commandement) portant d’engagement de l’aviation. Face à ce qui
la cavalerie de l’Alat. Ça coince, bien entendu, apparaît à certains comme une impasse,
aussi au niveau des équipages qualifiés, en l’intervention des hélicoptères, proposée
DEUX APPAREILS
nombre tout juste suffisant, malgré l’apport conjointement par la France et la Grande-
du 4e RHFS. Bretagne, est vue comme un moyen de
DÉPLOYÉS SUR LE
Pour engager simultanément et dans la faire sauter un verrou et faire basculer la
durée six appareils en opex, il faut au mi- campagne du bon côté. Le scénario présenté
BPC POUR LA LIBYE
nimum compter sur 18 membres d’équipage par l’Alat ne manque pas d’audace : inter-
entraînés, de manière à pouvoir assurer les ventions par des nuits sans lune, évolutions
relèves. Et pour entraîner ces équipages, il tactiques très près du sol pour garantir au
faut disposer d’appareils et d’heures de vol maximum la protection des équipages, im-
à Pau, alors même que les opex engloutissent brication très grande dans le dispositif en- prêts et, pour l’affichage politique, il est im-
les moyens, notamment les heures de vol nemi, tirs au canon, à la roquette et au portant que les deux HSG interviennent
budgétées… Un cercle vicieux. missile, en allant chercher les cibles une simultanément, même s’ils agissent en totale
En ce début mai 2011, la campagne aé- par une, où qu’elles se trouvent. Pour le indépendance l’un de l’autre. Le premier
rienne de l’opération « Unified Protector » Helicopter Strike Group (HSG, alias GAM, raid intervient finalement dans la nuit du
semble piétiner. L’aviation a traité les objectifs ou groupe aéromobile) français qui vient 3 au 4 juin. Le navire sur lequel est basé le
stratégiques majeurs et les forces kadhafistes d’être mis en place, il s’agit d’un combat GAM évolue à quelques dizaines de kilo-

DANS LES FORCES

BOITE DE NUIT
L’opération « Harmattan »,
c’est l’interarmisation dans
toute sa splendeur. Deux
Tigre de l’armée de Terre
sont ainsi déployés sur le
BPC « Tonnerre » de la Ma-
rine nationale. Les deux héli-
coptères de combat sont
intégrés à un GAM (groupe
aéromobile), dans le cadre
d’une offensive franco-bri-
tannique. Au programme, vie
en mer, missions par nuits
sans lune et évolutions au
plus près du sol. Alors qu’elle

mène toujours le combat dans les
vallées afghanes, l’armée de Terre
fait une nouvelle fois preuve d’une
audace remarquable !
Au même moment, les Britan-
niques engagent également leurs
Apache à partir de la mer, mais
avec des modes opératoires très
différents. Alors que les équipages
de l’Alat évoluent au ras du sol, di-
rectement au contact de l’ennemi,
l’Army Air Corps utilise ses appa-
reils en décochant des missiles à
CRÉDIT PHOTOS : ECPAD

distance de sécurité, comme le fe-
raient des avions.

DANS LES FORCES
Deux Tigre sont intégrés au GAM (Groupe Aéromobile) opérant en Libye. Au contraire
des Gazelle, ils évolueront souvent en profondeur dans les lignes adverses.
ECPAD
Un Tigre au pied marin

En mai 2002, le deuxième prototype PT2 a participé
à une campagne de navalisation à partir du transport de
chalands de débarquement « Siroco ». Dix ans avant les
opérations en Libye ou en Somalie, l’Alat a eu le nez creux
et bien anticipé les scénarios de projection de forces utili-
sant les navires de la Marine nationale. Pour être honnête,
précisons tout de même que cette prescience était fraîche-
ment acquise, l’emploi des Tigre depuis la mer n’ayant pas
été envisagé depuis les phases initiales de développement
de l’hélicoptère de combat. Les essais d’embarquement
ont comporté des essais en vol (décollages et appon-
tages), mais aussi des procédures plus triviales portant sur Tigre et NH-90 TTH sont désormais parfaitement intégrés aux
C. COSMAO
le tractage de l’hélicoptère, son saisinnage, le repliage ou opérations amphibies depuis les BPC de la Marine nationale.
le démontage des pales du rotor principal, etc. Tout cela
sur un bateau qui roule et tangue, et sous différentes
conditions de vent… Ces essais ont été complétés, en équipages de l’Alat aux opérations maritimes a parfois été
2007, avec l’appareil de présérie PS1, opérant de nouveau mis en doute. Malgré les coûts induits, l’Alat s’est pourtant
sur le « Siroco » mais aussi sur la frégate « Guépratte », toujours accrochée à cette idée, considérant qu’il lui fallait
avec un roulis atteignant 12°. L’hélicoptère opérait alors à préserver cette capacité pour être prête à faire face à
la masse de 6 600 kg pour préfigurer l’emploi du HAD à la toutes les éventualités. Un raisonnement pleinement validé
mer. Le bien-fondé de l’entraînement de l’ensemble des par l’opération « Harmattan ».
78 air-cosmos.com AIR&COSMOS HorS-SériE n° 26 - jUin 2014

mètres des côtes libyennes. Juste assez loin L’autonomie offerte (environ 2 heures sur Les Tigre limitèrent également les salves
en fait pour être au-delà de la ligne d’horizon zone) et la quantité de cibles sur le terrain de roquettes qui avaient le tort de les tirer
et ne pas être visible depuis le rivage. font que les munitions filent en général de l’obscurité, qui leur servait de cape d’in-
Les deux Tigre du GAM sont de toutes plus vite que le carburant. Encore plus qu’en visibilité. Un épisode intéressant tient éga-
les missions. En raison de leur autonomie, Afghanistan, l’Alat peut en revanche amè- lement à l’emport et à l’utilisation du missile
ils sont même les premiers à décoller, 20 rement regretter l’absence de missiles an- antiaérien Mistral par le Tigre. Il semble
minutes avant les Gazelle. Ce temps est mis que les missiles n’aient pas été montés au
à profit pour marauder en territoire libyen, début des opérations. Mais l’annonce, par
trouver les premières cibles et les détruire LE TIGRE HAD AURAIT les services de renseignements, que plusieurs
ÉTÉ LE BIENVENU
au canon. Les épaves en feu servent de balises Mi-35 restaient peut-être en état de vol a
pour les GazelleViviane armées de missiles poussé l’Alat à équiper les deux appareils
PENDANT
HOT qui arrivent en meute (l’autonomie de missiles air-air.A cette occasion, au moins
du Tigre lui permettra également d’intervenir, trois missiles Mistral ont été tirés avec succès
« HARMATTAN »
sans les Gazelle cette fois, dans la profondeur contre des objectifs terrestres. Un tel emploi
du dispositif adverse, comme par exemple n’est pas vraiment une nouveauté : des ex-
sur Bani Walid, à une centaine de kilomètres périmentations menées à Captieux, à la fin
à l’intérieur des terres). des années 1990, avaient permis de tirer le
tichars sur ses Tigre HAP. Le Tigre HAD Mistral sur des chars de combat dont la si-
se fait désirer… En attendant, le canon gnature thermique du moteur était simulée.
COUPS AU BUT. Lorsque les Gazelle Nexter de 30 mm reste l’arme maîtresse Le missile ne détruisait pas le char, mais il
rejoignent les Tigre, les modules se for- du Tigre : beaucoup de pick-up détruits, endommageait suffisamment le moteur
ment et partent en chasse, chaque Tigre as- mais également, comme le montre une pour l’immobiliser.
surant la protection de deux ou trois Gazelle. vidéo rapportée par un équipage de Tigre,
Pendant « Harmattan », les Tigre partent des T-72 dissimulés dans une palmeraie. Les
systématiquement avec des pleins de car- coups au but du canon font voler les antennes ZÉRO PERTE. En quarante raids
burant et un maximum de munitions : en- des chars, détruisent leurs optiques de visée massifs et plusieurs centaines d’heures
viron 450 obus et une quarantaine de ro- et surtout les signalent aux Gazelle, qui ar- de vol accumulées en territoire ennemi,
quettes réparties en deux paniers. rivent pour les achever à coups de HOT. systématiquement de nuit, après avoir détruit
Chaleur torride, sable et poussière abrasive : pour ses premières années de service opérationnel, le Tigre
aura eu à affronter ce qui se fait de pire en matière de conditions climatiques et d’environnement.
EMA

DANS LES FORCES
ECPAD
près de 600 cibles et vu monter dans le ciel encore plus difficile à gérer : lorsque l’opé- rude épreuve les hommes, comme les ma-
quantité de traçantes de tous calibres, de ration « Serval » est lancée, une bonne part chines. « On croyait que l’Afghanistan était
RPG et de missiles hostiles, le groupe aé- des lots de projection des Tigre sont toujours le théâtre d’opérations le plus difficile qui
romobile termina finalement l’opération en Afghanistan. Se privant de certains ou- soit, mais on se trompait ! » glisse un pilote
« Harmattan » sans une seule perte et même après deux tours d’opération au Mali.
– fait extraordinaire –, sans un seul impact Les Tigre de l’Alat – il y en aura simulta-
À PEINE LE TEMPS DE
sur ses hélicoptères ! nément jusqu’à huit engagés dans le nord
du Mali – participent en réalité à deux opé-
SOUFFLER, IL FAUT
rations distinctes au cœur du Sahel : « Serval »,
OPÉRATION « SERVAL ». pour les forces conventionnelles, et « Sabre »,
2013 : les équipages du 5e RHC et du
4e RHFS sont rentrés d’Afghanistan depuis DÉJÀ REPARTIR… pour les forces spéciales. L’aire de jeu est im-
mense : en Afghanistan, les Tigre évoluaient
quelques semaines seulement, lorsqu’est dans la zone de responsabilité française, grande
déclenchée l’opération « Serval », au Mali. comme deux départements. Au Mali, c’est
Les équipages ont tout juste le temps de tillages, la base de Pau donne tout ce qu’elle un territoire grand cette fois comme la France
souffler et de faire quelques lessives avant peut à l’échelon technique qui se met en qu’il leur faut sillonner. L’autonomie de l’ap-
de mettre le cap au Sud… Pour la main- route pour le Mali. L’effort n’aura pas été pareil joue à plein et les Tigre sont vus quasi
tenance, le télescopage des opérations est vain, car le théâtre sahélien va mettre à très systématiquement avec un réservoir de combat
Le Mali est un pays grand comme la France, si bien que les Tigre y voleront presque systéma-
tiquement avec des réservoirs externes, comme sur cette machine, au premier plan.
DANS LES FORCES
Le Tigre va finalement bien supporter les conditions extrêmes

au Mali et l’atmosphère chargée de poussière abrasive…
EMA
(367 litres) sous une aile, soit un apport d’en- et par mois, certains Tigre ayant accumulé très loin de leurs mécaniciens, qui sont eux-
viron une heure de vol supplémentaire.Avec 10 heures de vol par jour. Un appareil rentré mêmes des denrées rares sur le théâtre. Ils
deux réservoirs, mais alors sans paniers roquettes récemment en métropole sera resté un an et doivent alors effectuer eux-mêmes les visites
sous voilure, le Tigre dépasse les 4 heures demi sans interruption dans le désert malien, avant et après vol, la remise en œuvre de
d’autonomie. Une configuration utilisée pour loin de toute infrastructure. « Quand le Tigre leurs appareils, apprendre à recharger le canon
les vols de mise en place, comme par exemple est arrivé au régiment, on nous demandait et assurer les tâches de maintenance les plus
Bamako-Gao. Des calculs très fins de consom- souvent s’il serait possible de l’utiliser comme courantes. Le Tigre dispose d’un coffre en
mation et une pleine confiance dans les sys- la Gazelle, se souvient un officier mécanicien. arrière des caissons de munitions. De la taille
tèmes de gestion du carburant permettent Beaucoup de monde pensait que cela n’allait d’un petit frigo (mais, hélas, sans en avoir les
aux équipages de s’aventurer sans douter dans pas être possible, qu’il faudrait un échelon qualités isothermes…), cette petite soute se
des zones hostiles et désertiques. logistique très important pour le mettre en remplit bien vite de sacs de couchage, bou-
teilles d’eau, rations de combat, ordinateur
de la « station logistique Tigre » et de tous
UN ENVIRONNEMENT
TOUJOURS PLUS RUSTIQUE. les impedimenta permettant à l’appareil et
L’opération « Serval » se caractérise à son équipage d’évoluer pendant quelques
BAIGNÉ DE CHALEUR
également par la pauvreté des installations jours en totale autonomie. « Cette formation
techniques au sol. En Afghanistan, les Tigre délivrée sur le tas aux équipages sera formalisée
HAP opéraient depuis un aéroport disposant
d’une piste en dur et de bonnes infrastructures ET DE POUSSIÈRE et pourrait faire l’objet d’un module spécifique
à l’EFA », explique-t-on à Pau. Inutile ici
(bien que les appareils demeurent jour et de revenir sur la puissance et la précision du
nuit en extérieur pour décoller au plus vite canon de 30 mm, qui aura le même effet
en cas d’alerte), avec des relais dans de nom- dévastateur que sur les autres théâtres d’opé-
breuses bases avancées.Au Mali, ils sont placés œuvre.Avec seulement 20 mécaniciens pour rations. Les opérations nocturnes, avec des
en première ligne, loin de toute base arrière, quatre appareils, l’Afghanistan a montré que nuits de niveau 5 on ne peut plus sombres,
de tout réseau « infocentré » et dans un en- ce n’était pas le cas. Au Mali, nous avons apportent leurs lots de difficultés, mais aucune
vironnement baigné de poussière et de chaleur. encore été plus loin dans la rusticité… » mission ne doit être annulée par manque
L’échelon technique est réduit au strict mi- Les équipages doivent être les premiers à de bonne visibilité. La difficulté provient des
nimum, mais l’emploi des appareils reste très s’adapter : opérant au plus près des troupes atterrissages dans le sable par les nuits sans
EMA
intensif : jusqu’à 50 heures de vol par appareil au sol, qu’ils appuient, ils se retrouvent souvent lune, comparables, selon les pilotes, « à des

appontages dans le noir total sur les BPC » ! « Nous avons décollé de Gao, en réaction de carburant. Nous l’avons appris plus tard,
Même si les procédures et la coordination à un TIC (Troop in Contact) dans la région une balle avait percé la platine au fond du
de l’équipage peuvent se travailler au simu- de Tessalit », raconte le chef de bord pendant réservoir et détruit tout le système de mesure.
lateur, il est difficile de reproduire parfaitement cette mission. « Lorsque nous arrivons sur Mais le réservoir tenait bon et ne fuyait
de telles conditions extrêmes. La caméra zone, les tirs se sont calmés, mais le GTIA pas… Nous savions que nous étions touchés
thermique du Strix confirme tout son intérêt 4 subit encore des tirs (…) En passant à et nous avons fait immédiatement demi-
pour percer les atmosphères très chargées travers une ligne de crête, mon pilote a en- tour vers Tessalit, à une heure de vol de là !
en poussière. Une poussière très fine qui Le Puma Imex (Immediate Extraction, qui
s’infiltre partout et aux qualités abrasives re- suit de loin les hélicoptères d’attaque pour
UN TIGRE REÇOIT
doutables, encore plus destructrice que celle en récupérer l’équipage en cas de pro-
rencontrée en Afghanistan. « Mais le Tigre blème…) nous escortait. Un autre Tigre en
26 IMPACTS D’ARME
a bien encaissé les tortures de l’environnement, provenance de Gao a pris le relais sur place.
nous étions très satisfaits de sa résistance mé- (…) Je pense que nous avons été pris à partie
LÉGÈRE !
canique », assurent les mécaniciens de Pau. simultanément par plusieurs armes auto-
matiques, avec des tireurs très bien entraî-
nés… »
INTOXICATION AU PLOMB. En plus Le Tigre, qui a reçu un total de 26 impacts,
de conditions de vol parfois dantesques, ramène son équipage sain et sauf à Gao. Une
les équipages de Pau doivent également faire tendu comme une poignée de graviers qui inspection approfondie de l’appareil révèle
face à un ennemi redoutablement accrocheur. aurait été violemment lancée contre l’appareil. au moins trois impacts dans la barque de fu-
Pratiquement tous les Tigre présents sur le Quant à moi, j’ai entendu un bruit sourd selage, plusieurs autres dans les capots sous
théâtre recevront des impacts de balles à des derrière ma tête. Nous avons immédiatement le rotor, dans le fuselage et dans les pieds de
degrés divers, la palme revenant au n° 2028, esquivé. Nous avons eu une remontée de pale… Cet appareil est démonté, transporté
victime d’une intoxication au plomb aussi pannes dans le taxi, avec notamment plus dans un Transall de Gao à Bamako, avant
soudaine que sévère, le 23 février 2013 : aucune information sur le réservoir principal d’être rapatrié en France pour y être ausculté
Au Mali, comme en Afghanistan, il faut voler bas… Pour sa première expérience

africaine, le Tigre va ainsi goûter au calibre de 7,62 mm à plus d’une reprise…

dans ses moindres recoins par Eurocopter. réparer le composite in situ, un large usage des appareils en France. Pour d’autres, plus
Mais pour tous les autres appareils touchés a été fait de la valise « Anita », également très lourdes, un passage chez l’industriel est né-
moins gravement, ce sont les mécaniciens utilisée dans le monde civil pour la réparation cessaire pour consolider l’intervention.
« structure » de l’Alat qui gèrent les réparations des éléments en matériaux composites. Le Avec l’Afghanistan, le 5e RHC avait pu ap-
en direct, depuis la base avancée de Gao. La travail est simple dans son énoncé : il s’agit préhender les capacités opérationnelles du
réparation des dommages de combat sur du Tigre HAP. Le déploiement en Libye puis
UNE HOTLINE POUR

composite avait pu soulever quelques inter- au Mali, théâtre d’opérations encore plus exi-
rogations à la mise en service de l’appareil. geant pour les hommes comme pour les ap-
LES RÉPARATIONS
Comme tant d’autres, celles-ci ont été levées pareils, aura permis de confirmer sa redoutable
au cours de l’opération « Serval » : efficacité, en attendant l’arrivée sur zone des
« Nous appliquons les processus définis
par l’industriel », expliquent les mécaniciens AU COMBAT premiersTigre HAD appartenant au 1er RHC.
du 5e RHC. « Dans tous les cas, nous avons

depuis Gao un contact direct avec le bureau LE HAD ARRIVE.
d’études d’Eurocopter à Marignane : nous de coller et sécher des rustines en évitant les Pendant que se déroulent les combats
pouvons envoyer des photos des zones en- bulles d’air et les poussières, principales au Mali, un autre chapitre s’écrit en métropole
dommagées et nous recevons très vite en contraintes des opérations à Gao. Les réparations avec l’entrée en service du Tigre HAD. La
retour des instructions ou des conseils. » Pour les plus bénignes restent en l’état au retour certification de type a été officiellement pro-
ECPAD
noncée, le 14 janvier 2013, par la DGA. Le Mais le régiment devrait disposer de quatre pour le HAD n’arriveront qu’en 2015 à
premier appareil de série a ensuite été remis exemplaires d’ici à la fin de l’année 2014 Phalsbourg), la formation se fait directement
au Gamstat, en juillet suivant, pour en apprécier avec à cette date huit équipages qualifiés en vol avec des missiles d’exercice ou bien
la conformité technique. Le 12 décembre pour les servir. Pour mémoire, Airbus sur l’entraîneur tactique Edith, spécialement
2013, c’est au tour du 1er RHC de Phalsbourg Helicopters a livré à ce jour 40 Tigre HAP configuré pour prendre en compte le missile
de prendre officiellement possession de ses (un a été détruit en Afghanistan) et une Hellfire. Les équipages peuvent y réviser les
deux premiers appareils. Pour accompagner petite dizaine de Tigre HAD à l’Alat (parmi procédures d’emploi du missile et s’entraîner
et faciliter l’entrée en service du nouvel hé- ces derniers, trois sont à l’EFA, un au Gamstat à l’utilisation de la conduite de tir. Avec un
licoptère, le régiment recueille deux équipages et deux au 1er RHC). La cible finale pour rendez-vous majeur en ligne de mire : l’ob-
complets en provenance du 5e RHC de Pau. le 1er RHC est de disposer de 25 Tigre tention d’une première capacité opération-
Du côté de la mécanique, en plus des en- HAD à l’horizon 2019, aux côtés d’ailleurs nelle (PCO) qui sera suivie, à l’automne
seignements dispensés à l’école allemande de 24 NH-90. 2014, de l’envoi sur le théâtre d’opérations
de Fassberg, les projections pendant « Serval » D’ici là, le 1er régiment va poursuivre son sahélien, avant la fin de l’année 2014, d’un
ont également permis de se faire la main sur apprentissage du système d’arme de l’appareil, premier Tigre HAD qui opérera aux côtés
les Tigre HAP. la maîtrise de la mission antichar avec le des HAP déjà présents sur place.
Au printemps 2014, le 1er RHC ne peut missile Hellfire fournissant l’essentiel du Récente et pourtant déjà très riche,
toujours compter que sur deux Tigre HAD travail. En l’absence de simulateur au 1er l’histoire du Tigre va s’enrichir d’un
block 1, opérant aux côtés de ses 25 Gazelle. RHC (les « Cockpit Trainer » configurés nouveau chapitre. ■
Alors que le Tigre HAP continue le combat au Mali, un premier HAD mis en
œuvre par le 1er RHC de Phalsbourg devrait le rejoindre à l’automne. .
HORS-SÉRIE
LE TIGRE À L’EXPORT
Bras de fer technologique sur fond d’enjeux industriels
et géopolitiques, la vente d’un hélicoptère de combat
n’est jamais un long fleuve tranquille…
M. danos
À L’EXPORT
Dès sa première sortie sur le marché international,

le Tigre s’est opposé au tenant du titre de la catégorie
poids lourds : l’Apache américain.
E n 1991, les armées néerlandaise et

britannique expérimentent un besoin pour
un hélicoptère de combat de nouvelle gé-
nération. Le Tigre est envoyé au charbon
face à l’AH-64A Apache de McDonnell
Douglas-Boeing, mais le combat est inégal :
le premier vient tout juste d’effectuer son
premier vol, tandis que le second, porté par
le rouleau compresseur de la propagande
américaine, vient de sortir victorieux de la
première guerre du Golfe. En France et en
Allemagne, on espère toutefois qu’une cer-
et l’étalement du programme pour raisons
budgétaires ne plaide guère en sa faveur. En
1993, Jean-François Bigay, président
d’Eurocopter, demande au gouvernement
français l’avancement de la date d’indus-
trialisation du Tigre pour augmenter ses
chances à l’exportation. La Grande-Bretagne
exige un début des livraisons en 1998, pour
US ARMY
taine forme de préférence européenne et

la technologie plus récente du Tigre per-
mettront de l’emporter. Face aux deux pays
cités, le premier argument tient de la naïveté
et le second, de l’illusion : les Etats-Unis
viennent de pulvériser l’Irak, et leurs ar-
mements sont auréolés d’une réputation
d’invincibilité savamment entretenue. Face
à l’interopérabilité européenne prônée par
Paris et Berlin, Washington préconise au
contraire une « interopérabilité au sein de
l’Otan ». Le message est clair ! Une situation
d’autant plus favorable pour l’Apache que
le modèle Longbow est déjà en fabrication
et qu’il volera en 1992. C’est un appareil
beaucoup plus lourd que le Tigre : avec ses
8 tonnes sur la balance, l’Apache Longbow
est pratiquement de la catégorie du Puma.
Mais quand on aime, on ne compte pas…
les tonnes. D’autant que le Longbow apporte
pour la première fois sur un hélicoptère de
combat l’utilisation d’un radar pour la dé- Encore plus lourd, encore plus sophistiqué que l’AH-64A, l’AH-64D Longbow, facilement
tection et le ciblage. Malgré ses qualités
CROWN
reconnaissable à son radar de mât. Une aide précieuse pour la détection et le ciblage…
techniques, le Tigre a du mal à convaincre

l’appareil qu’elle sélectionnera.Avancer d’un
an l’industrialisation du Tigre coûterait plus
de 6 milliards de francs. La France est favorable
(sur le papier…) à cette option, mais les
Allemands, qui ont leur réunification à fi-
nancer, s’y opposent. Un refus d’autant plus
prévisible que le ministre allemand de la
Défense avait annoncé, dès 1992, une baisse
sévère des crédits de son ministère.
PRESSIONS POLITIQUES. La si-

gnature, le 30 juin 1995, d’un accord
franco-allemand ouvrant la voie à la pro-
duction en série arrive trop tard pour
convaincre les Britanniques, qui font le
choix de l’Apache Longbow au détriment
du UK Tiger. Un appareil dont la définition
était basée sur la version UHT, avec missiles
Trigat pour le combat antichar et Starstreak
pour le combat air-air. C’est un contrat
pour 67 appareils qui échappe à l’Europe
(le besoin initialement exprimé pour 91
unités a été revu à la baisse pour faire face
au coût du radar Longbow). Quelques jours
auparavant, le 24 mai 1995, les Pays-Bas se
sont prononcés en faveur de l’hélicoptère
UN UK TIGER BASÉ SUR

L’AH-64 Apache, la star des hélicoptères de combat ! Epaulé par l’écrasante machine
industrielle américaine, il va l’emporter, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, face au Tigre.
LE TIGRE UHT POUR

L’ARMY AIR CORPS
américain (s’ils ont opté pour l’AH-64D
Longbow, ils choisissent de ne pas acheter
le radar qui va avec, jugé trop cher). La com-
mande porte cette fois sur 30 appareils. Une
décision très mal acceptée à Paris, où l’on
estime qu’elle a été prise sur la foi d’une
évaluation technique et financière biaisée,
sur fond bien entendu de pressions politiques
en faveur du choix américain. L’AH-1Z
« Super Cobra », de Bell Helicopter, et
l’A129 « Mangusta », d’Agusta, sont les autres
perdants de la compétition.
En 2000, arrive le troisième round de la
compétition entre le Tigre et l’Apache. L’hé-
licoptère européen a mûri et l’affrontement
s’est déplacé dans l’hémisphère Sud, en
Australie. Depuis plus de 10 ans, l’armée
australienne tergiverse et repousse aux ca-
lendes grecques le remplacement de ses Bell
206B-1 Kiowa de reconnaissance et UH-
Les Pays-Bas optent finalement pour 30 AH-64D. Le fameux radar de mât, 1H Gunship par un appareil unique. Il faut
C. COSMAO
en option, ne fera pas partie de la commande. Trop cher pour les finances de La Haye… attendre les événements du Timor-Oriental,
en 2000, pour que l’obsolescence des appareils

À L’EXPORT
Canberra ne fait pas de jaloux et équipe son armée d’un hélicoptère de

combat européen et d’un char de bataille américain, le M1 Abrams.
EUROCOPTER

L’évaluation du Tigre en Australie se conclut tragiquement : l’hélicoptère
de démonstration est détruit dans un crash, heureusement sans faire de victimes.
M. DANOS
en service éclate au grand jour et que l’achat 2001, annoncent leur choix en faveur de Eurocopter et ses partenaires proposent autour
d’un « Armed Reconnaissance Helicopter » l’hélicoptère franco-allemand. de la vente un véritable partenariat industriel.
moderne revienne au premier plan. Et c’est finalement cette logique qui l’emporte
Début 1998, le PT4 est envoyé dans le avec le choix en faveur du Tigre, annoncé en
pays pour y faire la preuve de ses capacités. DARWIN. Les deux premiers appareils septembre 2003. L’Espagne prend pied dans
La tournée est un succès mais se termine sont livrés à l’armée australienne fin 2004.
tragiquement. Au cours du dernier vol de Il s’agit de la version ARH du Tigre, disposant
démonstration, qui se déroule de nuit, le du canon de 30 mm en tourelle, de missiles
L’AUSTRALIE A SA
pilote aux commandes est victime d’une Hellfire et de roquettes de 70 mm. Elle n’est
désorientation spatiale et vient percuter le pas équipée, en revanche, de missiles air-air.
PROPRE VERSION,
sol en descente alors qu’il croit prendre de Les quatre premiers appareils sont assemblés
l’altitude. Le choc est extrêmement violent, à Marignane et les 18 autres à Brisbane, au
LE TIGRE ARH
le PT4 glisse une trentaine de mètres avant sein d’Australian Aerospace, filiale locale
de se retourner et de s’immobiliser. L’appareil d’Eurocopter. Tous les appareils sont au-
est détruit et pourtant l’équipage est indemne, jourd’hui livrés et en service au sein du
mis à part quelques contusions sans gravité. 1st Aviation Regiment de Darwin et du
Terrible nouvelle pour Eurocopter, qui fait centre d’entraînement de l’Army à Oakey.
face à une concurrence redoutable (AH- En 2001, l’Espagne annonce à son tour son le programmeTigre (elle va fabriquer en simple
64D Longbow,AH-1Z King Cobra et Agusta intention d’acquérir 24 exemplaires d’un hé- source toutes les poutres de queue de l’appareil)
129). Les Australiens sont pourtant fair-play : licoptère de combat moderne pour remplacer et dans celui du turbomoteur MTR390 En-
ils poursuivent l’évaluation, reconnaissent ses BO105.Très vite, l’affaire déborde le seul hanced, auquel est associé le motoriste espagnol
au passage l’excellente protection passive cadre militaire pour prendre une tournure po- ITP. Le choix espagnol débouche aussi sur le
apportée par le Tigre et, le 22 décembre litico-industrielle. Comme pour l’Australie, développement de la version HAD du Tigre,

À L’EXPORT
AUSTRALIAN DOD
L’armée australienne a reçu ses

premiers exemplaires en 2004.

L’Espagne devient, en 2003, le troisième partenaire industriel du programme Tigre.
En plus de fabriquer certains éléments de structure et du moteur, elle initie la version HAD.
EUROCOPTER
qui ne prend toutefois vie qu’après le ralliement les six premiers exemplaires vendus à l’Espagne L’Espagne est à ce jour le dernier succès
de l’Alat française. Pour accélérer la mise en soient des HAP qui seront ensuite remis au international du Tigre. La Turquie, qui sou-
service du nouvel hélicoptère, il est prévu que standard HAD. haitait produire un appareil sous licence, s’est
tournée vers AgustaWestland, et Singapour
a opté pour l’Apache. Mais de nombreux
pays restent encore intéressés par la mise en
œuvre d’un hélicoptère de combat moderne,
à la fois outil militaire et facteur de prestige.
Malaisie, Qatar et, plus près de nous, Pologne
sont dans la ligne de mire des équipes d’Airbus
Helicopters. La liste est non exhaustive : plus
que pour tout autre appareil militaire, les
campagnes de vente d’un hélicoptère de
combat peuvent être extrêmement discrètes
et fortement soumises à l’influence des si-
tuations géopolitiques.
RIVAL. Fort de son engagement puis-

sant en Afghanistan, en Libye puis au
Mali, riche de ses différentes versions et de
caractéristiques techniques reconnues par
tous, le Tigre fait à présent jeu égal avec son
concurrent américain sur les marchés in-
ternationaux. Peut-être même a-t-il aban-
EUROCOPTER
L’Espagne reste à ce jour le dernier succès à l’export du Tigre.

donné le rôle d’outsider pour endosser celui,
Mais d’autres pays pourraient se montrer intéressés…
plus flatteur, de favori… ■

HORS-SÉRIE
QUEL TIGRE POUR DEMAIN ?
Pour rester en pleine forme et vivre longtemps,
AIRBUS HELICOPTERS
un Tigre doit manger des innovations à tous les repas…

ET DEMAIN ?
ces dernières, une solution traditionnelle

consiste à recouvrir le bord d’attaque d’un
le tigre est en service depuis près de 10 ans, mais son adhésif protecteur. L’utilisation d’une pul-
vérisation d’un agent protecteur, beaucoup
plus simple à l’emploi, est actuellement étu-
avenir est déjà tout tracé au-delà de 2020. Pour peu diée. Autre problème soulevé par les opé-
rations dans le nord du Mali : le manque
que les finances suivent… de protection de l’équipage contre les ardeurs
D
du soleil pendant les vols longs. Nul doute
que le système D aura permis de trouver
des solutions locales pour offrir un peu
un environnement chaud et désertique, mais d’ombre aux deux membres d’équipage
epuis son entrée en service, le Tigre rien, finalement, n’égalera plusieurs mois pendant les vols de transit. Mais à un moment
n’a cessé d’évoluer sous la double pression consécutifs d’opérations dans la bande sa- donné, il devient toujours indispensable de
des appels d’offres internationaux et des re- hélienne… Et c’est ainsi que la Stat (Section formaliser les choses.
tours d’expérience accumulés en opérations. technique de l’armée de Terre) travaille ac-
Les expérimentations tactiques conduites tuellement, par exemple, sur de nouvelles
à Djibouti ont donné aux utilisateurs une solutions de protection contre l’abrasion UN « STANDARD 2 »… Dans le do-
bonne idée de ce que pouvait être la mise due au sable. Premières touchées, les surfaces maine de l’avionique et de l’interface
en œuvre de l’hélicoptère de combat dans vitrées et les pales du rotor principal. Pour homme-machine, une expérimentation glo-
australian dod

bale est en cours au sein de l’Alat sur l’uti- ont été notifiées par la DGA fin 2013. Le viseur Strix et, par ricochet, des écrans de
lisation des tablettes tactiles, et le Tigre y est Tigre recevrait à cette occasion le Sitalat visualisation pour tirer le meilleur des images
bien évidemment associé. Les équipages dé- (système d’information terminal de l’Alat) obtenues. Le Strix du HAD affiche déjà de
ployés en opex ont ainsi la possibilité d’em- lui permettant de dialoguer par liaison de meilleures performances en grossissement
porter des iPad offrant des fonctions car- que celui du HAP, mais l’abandon de la voie
tographiques simples et des check-lists. Il optique directe a fait perdre au chef de bord
MODERNISER L’ŒIL
s’agit toutefois de matériels civils non durcis, en place arrière la vision en couleurs de son
par exemple, contre les brouillages du GPS environnement. L’objectif serait alors d’offrir
DU TIGRE, LE VISEUR
et utilisés en tant que tels en appoint des au Strix une voie TV en couleurs.
équipements déjà existants.
STRIX, ET SA VOIE TV
A moyen terme, l’Alat, la DGA et Airbus
Helicopters travaillent ensemble sur un futur ... PUIS « 3 ». Au-delà du standard
Tigre HAD Mark 2 ou « standard 2 » qui 2, la réflexion est en cours pour un Tigre
pourrait être disponible en 2019, avant donc au standard 3, alias Tigre « Mark III » à l’in-
la fin de l’actuelle Loi de programmation ternational. Il s’agit là d’une opération plus
militaire (LPM). Il s’agit avant tout d’une données avec les autres appareils de l’Alat ambitieuse de rénovation à mi-vie pour
opération visant à intégrer l’appareil dans qui en seraient équipés (notamment les « maintenir l’avantage opérationnel du Tigre
l’espace de bataille numérisé en parallèle Gazelle). Ce standard 2, qui répond à un au-delà de 2020 dans un contexte d’ac-
avec la transformation de la flotte de HAP besoin uniquement franco-français, porte croissement de la menace ». La problématique
en HAD. Les études sur ce nouveau standard en deuxième priorité la modernisation du touche également l’Allemagne, qui sera elle
Le futur du Tigre passe par une modernisation de son avionique et de son viseur, mais
aussi par l’intégration d’une roquette guidée, alternative à bas coût au missile antichar.

ET DEMAIN ?
aussi confrontée à ce besoin au-delà du stan-

dard « Asgard », développé pour l’Afghanistan.
Pour l’Espagne, qui commence tout juste
à recevoir ses appareils, une rénovation à
mi-vie n’est pas encore anticipée mais le
pays sera associé aux travaux sur le standard
3. L’Australie, qui ne fait pas partie de l’Occar
(Organisation conjointe de coopération en
matière d’armement), est dans une situation
assez semblable et restera elle aussi en position
d’observateur. Malgré des doctrines d’en-
gagement assez divergentes, France et Al-
lemagne sont donc les moteurs de cette
évolution qui devra parvenir à mutualiser
les besoins et les calendriers.
UN NOUVEAU MISSILE ? « Il est à

ce jour prévu de présenter le périmètre
de l’opération et les études préliminaires En France, un projet de modernisation « à mi-vie » sera
C. COSMAO
portant sur le Tigre au standard 3 au ministre présenté au ministre de la Défense d’ici à la fin de l’année.
de la Défense d’ici à la fin de l’année 2014,
explique-t-on à la DGA. Les différentes
options du programme seront alors pré-
sentées. L’objectif est de lancer la réalisation
de l’opération avant la fin de l’actuelle
LPM (Loi de programmation militaire)
afin de disposer d’un premier Tigre au
ACCROÎTRE LES CAPA-

CITÉS DE DÉTECTION
ET D’ENGAGEMENT
standard 3, de série, au début de la prochaine

décennie. » Le standard 3 devra permettre
d’accroître les capacités de détection et
d’engagement à longue distance de l’hé- Pour le Tigre HAD, il s’agira de trouver un missile destiné à remplacer le Hellfire. MBDA
C. COSMAO
licoptère. Parmi les équipements à venir,

est sur les rangs, avec une variante de son futur missile de combat terrestre, le MMP.
on peut citer l’intégration d’une voie TV
en couleurs sur le Strix, si cela ne devait
pas être fait sur le standard 2. La question
des armements guidés, et particulièrement Question tout aussi épineuse, celle du Hellfire Romeo, qui succède au Hellfire II
de la roquette à précision métrique, est futur missile antichar. Le Tigre HAD français dans le catalogue de Lockheed Martin. Mais
également posée. Des études sont en cours est aujourd’hui équipé du missile AGM-114 sans doute faudra-t-il procéder à une nouvelle
pour doter le Tigre de cette capacité qui Hellfire II dont 210 exemplaires ont été intégration ; il serait alors temps de faire
permettrait de satisfaire une grande partie commandés, la cible étant de 500 missiles pencher la balance en faveur d’une solution
des besoins actuellement dévolus au missile au total. Mais il ne s’agit là que d’un missile européenne. Le Hellfire II, choisi en 2005,
avec un bien meilleur rapport coût-efficacité. intérimaire, qui l’est d’autant plus que Lock- n’avait-il pas vocation à rester un missile
Plusieurs pistes sont envisageables : utilisation heed Martin en a cessé la production. A tel d’intérim entre deux solutions made in Europe ?
des munitions et des paniers actuels (au point que le stock français de 500 missiles Dans ce domaine aussi, l’Europe de la Défense
calibre de 68 mm), ou bien emploi de mu- devra être constitué à partir de munitions se retrouve à un carrefour et le Tigre ne fait
nitions d’un calibre plus important (70 mm), rachetées à l’US Army. A l’horizon 2020- que cristalliser des questionnements et des
utilisant le lanceur et la conduite de tir du 2023, la France pourrait opter (à l’instar de enjeux très classiques dans le monde d’au-
Hellfire. l’Australie pour ses Tigre ARH) pour le jourd’hui. ■

EUROCOPTER

26 Le Tigre Au Combat (E)

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HORS-SÉRIE N° 26 - JUIN 2014 AIR&COSMOS air-cosmos.com 7

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PARTENAIRES. S’il fallait dater avec

lement à un « hélicoptère armé futur », alias

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et on évoque alors le début d’une fabrication phase de définition de 18 mois. Il est

LES DEUX PAYS

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avec un positionnement classique des pilotes

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peut-être fini de l’ambition européenne en

Des développements préparatoires importants

• Dauphin 361 « Vénus » : visionique de tir HOT et tirs de nuit.

• Dauphin MTR390 : développement moteur.

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CHAR ET UNE VERSION

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• 27 AVRIL 1991 • 19 NOVEMBRE 1993 • 21 FÉVRIER 1996

VOLS • 22 AVRIL 1993

Les pales sont en fibre de verre. Il en résulte

... ET ANTICHOC. Mais face aux exi-

La cellule est détruite, la poutre de queue

PARE-BALLES… Cellule, rotor, dé-

Pour les parties principales du fuselage, il de­différencier­au­premier­coup­d’œil­le­Tigre­allemand.

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des essais. Adam Teleki était très loyal vis-à-

LES FRANÇAIS PREN-

CHASSE AUX KILOS. L’appareil

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Andy Warner seront les hommes du premier vol, le 27 avril 1991.

POUR LE PREMIER VOL

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La fin de la guerre froide

de s’accommoder de la nouvelle donne géopolitique mondiale.

La France a eu le nez creux en préconisant d’emblée deux versions de l’hélicoptère.

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Le Tigre HAP d’appui-protection, avec son canon de 30 mm et ses paniers lance-roquettes,

sans doute, mais aussi parce que cela aurait

CHOIX DÉLICAT. En France, l’adap-

passe entre les deux versions prévues : HAC

révèle, certes, très bien adapté au nouveau

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de nuit, dès 1981, avec le Dauphin Vénus,

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• LONGUEUR HORS TOUT • HAUTEURS

Pour les parties principales du fuselage, il dedifférencieraupremiercoupd’œilleTigreallemand.