Vous êtes sur la page 1sur 84

N° 639 Février 2023

1954-1986
BEL/LUX : 9 € - CH : 13.30 FS – CAN : 14.10 $cad –

Au combat
ESP/ITA/GR/PORT CONT/ANDORRE : 9.40 € -
8,20 € mensuel DOM/S : 9.20 € -
N CAL/S : 1230 xpf – POL/S : 1350 xpf –
MAR : 62 DH – Ile Maurice : 9.30 €

avec le Noratlas
Les paras racontent
L 19853 - 639 - F: 8,20 € - RD

P-39Q Old Crow C160 “Transall” “Corsair” en enfer Boeing 727

Les retrouvailles Les dessous Un premier 1963, un


entre un as d’une réussite combat triréacteur entre
et son chasseur franco-allemande qui tourne mal dans l’histoire
SOMMAIRE N° 639/FÉVRIER 2023
Il sentait bon le sable chaud…
C
e sont vos témoignages sur les réseaux sociaux qui nous entraînent à
mettre à la une les paras et le “Noratlas”. Pour beaucoup d’entre vous
la “Grise” (un des nombreux surnoms
du “Noratlas”, sans doute en connaissez-vous
d’autres) est liée à des souvenirs de sauts dans
toutes les conditions, de brevet de parachutiste,
d’opérations avec la Légion. Demandons à Piaf
d’interpréter Mon Légionnaire et vous serez dans
l’ambiance, pour ne pas dire dans la nostalgie
d’une époque : “Il sentait bon le sable chaud…”
Nous avons donc sollicité des paras pour qu’ils
DR/C . P V
OLL AUL ILLATOUX
Les paras sautent depuis racontent leurs expériences avec le “Noratlas”.
un “Noratlas” en Algérie. À n’en pas douter vous accompagneront ici la préparation de l’équipement
Illustration de Daniel Bechennec. de saut au sol, puis le bruit assourdissant des moteurs “Hercules” lancés à
pleine puissance pour le décollage, les vibrations de l’avion sur la piste et
finalement les sensations en franchissant la porte pour s’élancer dans le vide.
Nous allons mettre en marche les “Hercules”, préparez-vous ! Le Fana

Espace Clichy, immeuble SIRIUS


9, allée Jean-Prouvé. 92587 CLICHY CEDEX
E-mail : redac_fana@editions-lariviere.com
PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SURVEILLANCE
Patrick Casasnovas 4 Actualités 52
Boeing 727
PRÉSIDENTE DU DIRECTOIRE
Stéphanie Casasnovas
La naissance
DIRECTEUR GÉNÉRAL
Frédéric de Watrigant
10 Bernard
Hommage
Chabbert, 21 avril 1944 d’un chef-d’œuvre
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION - 15 décembre 2022
ET RESPONSABLE DE LA RÉDACTION : Voici comment et pourquoi Boeing
Patrick Casasnovas
ÉDITEUR : Karim Khaldi
12 Courrier rencontre immédiatement le succès
avec son triréacteur 727 en 1963.
RÉDACTION
Tél. : 01 41 40 34 22
Rédacteur en chef : Alexis Rocher
Rédacteur en chef adjoint : Xavier Méal
14 Livres Ce jour-là… 14 février 1943
Rédacteur graphiste : François Herbet,
Secrétaire de rédaction : Antoine Finck
66 Difficile début du “Corsair” au combat
Secrétariat : Nadine Gayraud 15 Abonnements Le massacre
SERVICE DES VENTES
(réservé aux diffuseurs et dépositaires)
Jennifer John-Newton Nord 2501 “Noratlas” de la Saint-Valentin
Tél. : 01 41 40 56 95 20
IMPRESSION : Imprimerie Compiègne. Le “taxi” des paras Les “Corsair” arrivent dans le Pacifique
Avenue Berthelot 60200 Compiègne. en 1943. La première rencontre
Papier issu de forêts
gérées durablement.
français avec le “Zero” est sanglante.
Origine du papier :
Allemagne. Taux À partir de 1954, les “Noratlas” ouvrent
de fibres recyclées :
de nouvelles pages d’histoire avec les Golfe Persique, 1980-1991
63 %. Certification : 70
PEFC/EU ECO LABEL.
Eutrophisation :
paras. Indochine, Algérie, Suez… Les “Roland”
0,003 kg/tonne.
25 février 1963, premier vol du “Transall” du désert
32
L’alliance franco- Deuxième partie et fin. Les Irakiens
utilisent toujours le système
allemande décolle de défense aérienne “Roland”
Rejoignez
Le Fana
sur Facebook
DIFFUSION : MLP en 1990, engagé ensuite lors
Printed in France/Imprimé en France Les difficultés à surmonter entre
SERVICE PUBLICITÉ Allemands et Français pour concevoir de la guerre du Golfe. Bilan sur sur Twitter
Directeur de publicité : Christophe Martin
Assistante de publicité : Nadine Gayraud le “Transall” à la fin des années 1950. un programme de défense méconnu.
Tél. : 01 41 40 34 22
E-mail : PubFana@editions-lariviere.com
PETITES ANNONCES CLASSÉES
Tél. : 01 41 40 34 22
40
Bell P-39Q “Airacobra” Old Crow 80 Maquettes
ABONNEMENTS
ET VENTE PAR CORRESPONDANCE
Éduquer, inspirer, Seulement 28 jours pour monter
vos boîtes en février.
(ANCIENS NOS/DOCAVIA/MINIDOCAVIA)
Tél. : 03 44 62 43 79
honorer
E-mail : abo.lariviere@ediis.fr et sur
CHEF DE PRODUIT ABONNEMENT : “Bud” Anderson, 101 printemps
Carole Ridereau Tél. : 01 41 40 33 48 au compteur, retrouve le chasseur
TARIFS ABONNEMENT :
France : 1 an soit 12 nos + 2 HS version papier P-39Q Old Crow de ses débuts.
et numérique : 153,92 €
Montant du prélèvement mensuel : 7 €
Autres pays et par avion : nous consulter
Correspondance : Fana de l’Aviation, Un dessin, une histoire
Service abonnement
45, avenue du Général Leclerc
50 1963, le X-15 à la conquête
60643 Chantilly Cedex de l’espace Pour vous abonner :
Le Fana de l’Aviation est une publication
des ÉDITIONS LARIVIERE ; S.A.S. au capital Vers l’infini boutiquelariviere.fr
de 3 200 000 € ; dépôt légal, 1er trimestre 2023.
Commission paritaire : n° 0722 K 82003. Au sommaire
ISSN : 0757-4169
N° de TVA intracommunautaire :
et au-delà ! du prochain numéro
FR 96 572 071 884 ■ 1945, napalm sur Royan
CCP 11 5915A Paris L’étoffe des héros pour les pilotes
RCS Nanterre B572 071 884. ■ Aviation sans Frontières
12, rue Mozart, 92587 CLICHY CEDEX
du X-15 qui deviennent
■ Airbus Zero-G
Tél. : 01 41 40 32 32 – Fax : 01 41 40 32 50. des astronautes en 1963. ■ Premier vol du “Falcon” 2000
Toute reproduction, même partielle,
des textes et illustrations publiés dans Le Fana ■ Le “Noratlas” et les paras (2/2)
de l’Aviation, est interdite sans accord préalable
de l’éditeur. La rédaction n’est pas responsable
des textes et illustrations qui lui sont envoyés
sous la seule initiative de leurs expéditeurs. USAF
ACTUALITES

CLASSIC FIGHTERS OMAKA AIRSHOW 2023

Un rare Waco Cabin de 1935


a retrouvé le ciel en Nouvelle-Zélande
À Omaka, en Nouvelle-Zélande, de ce musée fut par la suite exportée à jusqu’à Omaka, où il arriva complètement Ci-dessus,
Ryan Southam a procédé Coolangatta, dans l’État du Queensland, démonté en 2008. Ryan Southam
le 8 janvier dernier au premier en Australie, en septembre 1959. L’épave Il a été restauré par la société JEM Aviation fait décoller
vol après restauration du sesquiplan Waco du Waco fut ensuite relocalisée plusieurs pour le compte de Jay McIntyre et Rex le Waco UOC
UOC “Cabin” immatriculé ZK-AEL, n° de fois sur la côte est de l’Australie pendant Newman. Le quadriplace a été repeint ZK-AEL pour
série 4336. Il est un des seulement trois 25 ans, avant d’atterrir à Sydney où une dans les mêmes couleurs que celles son premier
UOC produits par Waco, et le dernier encore restauration fut entamée. Des travaux qu’il portait à sa sortie de l’usine en 1935 vol après
en existence. Construit en 1935, il avait importants furent effectués sur les ailes et a été restauré dans ses spécifications restauration,
été initialement immatriculé en Nouvelle- gravement endommagées et le fuselage d’aménagement de luxe d’origine. à Omaka
Zélande par le Marlborough Aero Club fut inspecté et réparé si nécessaire. Il pourra être vu pour la première fois en Nouvelle-
en mai 1936, et en fut le vaisseau amiral Mais le Waco ne vola finalement jamais en public lors du Classic Fighters Omaka Zélande,
jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale en Australie et demeura entreposé jusqu’à Airshow, qui se tiendra à Omaka le 8 janvier
lorsqu’il fut réquisitionné par la Royal New ce qu’il fasse le voyage en sens inverse, du 7 au 9 avril. dernier.
Zealand Air Force qui lui donna le matricule
militaire NZ575. Après la guerre, il fut
immatriculé ZK-ALA en 1946 sur le registre
civil mais fut accidenté en 1948 lors
d’un accident à l’atterrissage à Omaka
et donc radié. Son épave fut achetée
par Blackmore Air Services, qui le répara
et le basa à Rotorua pour y effectuer des
vols touristiques. James Aviation racheta
plus tard l’entreprise et employa le Waco
comme avion de servitudes. En 1958,
lors d’une séance de formation d’un pilote,
il termina un atterrissage sur le dos et fut
de nouveau radié. Réparé à la va-vite,
il fut ensuite exposé dans un musée des
transports installé dans l’un des hangars Le Waco UOC
de l’aéroport de Rotorua. La collection ZK-AEL en 1939.
DR

4
En bref
Nouvelle livrée pour le Piper Le collectionneur belge
Eric Vormezeele nous a quittés
du French Wing de la CAF Le collectionneur belge Eric Vormezeele, un des pionniers
Le 27 décembre dernier, le Piper Spirit of Lewis immatriculé de la préservation de warbirds en Europe, est décédé le
F-GHLQ du French Wing [branche française] 18 décembre dernier. Ayant fait carrière dans l’armée belge,
de la Commemorative Air Force s’est posé sur l’aérodrome le colonel aviateur Eric Vormezeele avait commandé à
du Plessis-Bellevile, au nord de Paris, de retour d’une restauration Brasschaat l’École d’aviation légère de l’armée belge. Il se fit
réalisée par l’atelier Aéro Services Restauration à Libourne. aussi connaître comme leader des Blue Bees, une patrouille
Le moteur a été révisé par VF Aero Maintenance au Plessis- de présentation sur hélicoptère “Alouette” II. Eric Vormezeele
Belleville. Les travaux ont permis de transformer ce Piper J-3C-65 vola également quelque temps pour Aviation sans Frontières.
“Cub” de 1946 en Piper NE-1 de l’US Navy. Peu après son Il avait commencé à collectionner les avions anciens il y a
acquisition en 2003, un concours du plus beau projet de décoration environ 50 ans. On se souvient de lui pour avoir présenté dans
avait été lancé par le French Wing, et avait été gagné par le peintre les années 1980 un Douglas “Skyraider”, un T-6, ou encore
américain Roy Grinnell, peintre des as, et membre du French Wing. un Fiat G.46 lors des Salons des avions de légende dans
Son œuvre picturale dépeint en vol le Piper NE-1 BuAer 26359 les années 1990. On lui doit aussi la préservation du Hispano
(NE-1 étant la désignation du Piper J-3 “Cub” dans l’US Navy) HA-1112-M1L “Buchón” immatriculé OO-MAF, entre autres.
dans les couleurs qu’il portait entre décembre 1942 et juin 1943, Le Piper J-3 Très vite, il avait transmis le virus de la collection à son fils
baptisé The little Blue Cloud, lorsqu’il était affecté à l’Airship Patrol du French Wing Frédéric qui, dès l’âge de 6 ans, avait fait ses premiers pas de
Squadron ZP-32 de l’US Navy à Moffett Field dans la baie de la mécanicien aéronautique sur un “Sea Fury” ; depuis, Frédéric
de San Francisco. Le ZP-32 mettait en œuvre depuis cette base Commemorative Vormezeele a fondé en 2005 la société Flying Aces Services
des ballons dirigeables pour des missions de patrouilles maritimes, Air Force rend and Training (Fast Aero), spécialisée dans la restauration
d’escorte de navires et de lutte anti-sous-marine. désormais et l’entretien d’avions de collection.
hommage
Le Piper F-GHLQ était auparavant baptisé Spirit of Lewis
aux peu connus
en hommage à Lewis Bateman, membre anglais du French Wing
Piper NE-1
décédé en 2000.
de l’US Navy.

FAST AERO - FLYING ACES SERVICES & TRAINING BVBA

Un “Super Étendard” pour EALC


Peu avant Noël, l’Espace Aéro Lyon Corbas-musée
de l’aviation Clément-Ader a reçu par la route le Dassault
“Super Étendard” n° 71. Trois “Étendard” IVM furent modifiés
COMMEMORATIVE AIR FORCE FRENCH WING pour devenir les prototypes du “Super Étendard”, dont
une commande de 100 exemplaires fut passée en 1973,
ramenée à 71 exemplaires en 1974. Le “Super Étendard”
Une médiathèque-ludothèque
au musée de l’Air et de l’Espace
La médiathèque-ludothèque du musée de l’Air et de l’Espace
accueille ses premiers visiteurs depuis le 31 janvier, au cœur La
de l’aérogare historique du Bourget. Divisée en trois zones en libre médiathèque-
accès pour les visiteurs du musée sur une superficie de 415 m², ludothèque du
musée de l’Air
elle a pour vocation d’être un lieu de découverte et de partage,
et de l’Espace
comme une invitation au voyage et à la curiosité. Dans ce lieu, on
est désormais
pourra vivre une expérience “in flight” en consultant les ressources
ouverte.
audiovisuelles du musée et de ses partenaires
depuis un siège d’Airbus A380, accéder aux
dernières publications de la presse spécialisée
sur l’aéronautique et l’espace, retrouver toutes
les ressources et les bases de données pour JEAN-PIERRE BAILLY

découvrir le riche patrimoine du musée ou n° 71 fut le dernier livré à la Marine nationale, en 1982.
s’orienter dans les métiers aéronautiques L’avion fut retiré du service en France en 2016.
et spatiaux, déchiffrer un mot secret composé Le n° 71 était jusqu’à récemment entreposé sur la base
de lettres glanées en actionnant sept dispositifs de l’Aéronautique navale (BAN) de Hyères-Le Palyvestre.
ludiques, et exprimer sa perception de l’univers
aéronautique sur un mur participatif et évolutif.
DR

5
ACTUALITES

Un F7U-3 “Cutlass” exposé sur le pont


de l’USS Midway à San Diego

DR
Le F7U-3
Depuis la fin de l’année dernière, Au sein de l’US Navy, le “Cutlass” accumula le Navy Memorial Park du Johnston County “Cutlass”
un chasseur à réaction naval les “premières” : premier avion sans Industrial Airport en 1978. BuAer
des plus rares est exposé à empennage horizontal construit aux L’USS Hornet Sea, Air & Space Museum, n° 129565 est
bord de l’ancien porte-avions de la marine États-Unis, premier jet à ailes en flèche à Alameda, dans la baie de San Francisco, désormais
américaine USS Midway transformé en de l’US Navy, premier avion à être doté d’une en fit l’acquisition pour l’exposer, mais exposé sur
musée, à quai dans le port de San Diego, postcombustion. Il fut aussi le premier jet à estima rapidement que sa restauration l’USS Midway,
en Californie : le Chance Vought F7U-3 équiper la fameuse patrouille des Blue Angels. dépassait ses capacités, et le transféra à San Diego.
“Cutlass” BuAer n° 129565 a été hissé le Sujet à de nombreux accidents et incidents à la base de l’US Navy de North Island.
14 décembre 2022 à bord du porte-avions à ses débuts – qui lui valurent faussement Puis il fut confié pour restauration en 2011
décommissionné, qui lui offre un écrin une réputation de tueur d’enseignes – à un groupe de retraités de la Vought Un F7U-3
parfait au sein de l’une des plus grandes le “Cutlass” demeura néanmoins très Aircraft Heritage Foundation à Dallas, au “Cutlass” sur
attractions culturelles et touristiques populaire parmi ses pilotes. Il réalisa Texas, en 2011. Il revint en 2019 sur la le pont de
de San Diego. Le “Cutlass” souffre ses premiers appontages et catapultages base de North Island où sa restauration fut l’USS Midway
en août 1952
d’une réputation sulfureuse injustifiée sur le Midway en juillet 1951. achevée, notamment grâce à la fabrication
lors des
si on se penche en détail sur sa carrière. Le F7U a servi avec des escadrons de flotte de nombreuses pièces manquantes.
épreuves
Conçu en 1946, il était un avion dans la Marine de 1953 à 1957. Seulement sept Vought F7U “Cutlass” sur
de qualification
extraordinairement en avance sur son Construit par Chance Vought Aircraft et les 307 construits existent encore.
à l’appontage.
temps avec son aile en flèche à 38°, réceptionné par l’US Navy le 29 octobre
des élevons assistés et une double dérive. 1953, le Chance Vought F7U-3 “Cutlass”
Le prototype vola le 29 septembre 1948, BuAer n° 129565 fut initialement affecté au
propulsé par deux réacteurs Westinghouse Fleet Air Service Squadron 12 (Fasron-12)
J34 de 1905 kgp avec postcombustion, le 24 novembre 1954 puis transféré le
qui furent remplacés sur les 16 premiers 2 avril 1955 au Fleet Composite Squadron 3
exemplaires du F7U-3 par des Allison (VC-3) au sein duquel il fut piloté, entre
J35-29. Les 288 appareils suivants furent autres, par le futur astronaute, alors
propulsés par des Westinghouse J46-8B lieutenant, Walter Schirra. Il vola également
de 2 722 kgp avec postcombustion. au sein de l’Attack Squadron 212 (VA-212)
À partir de juin 1954, le “Cutlass” équipa depuis le Bon Homme Richard (CVA 31)
13 flottilles de l’US Navy et du Marine et la base d’Atsugi au Japon. Il termina
Corps, basées à terre ou embarquées. sa carrière au sein de la Naval Air Reserve
Les 98 derniers exemplaires (F7U-3M) Training Unit sur la base d’Olathe, à partir
furent les premiers chasseurs à réactions de mai 1957, avant d’être exposé sur
de l’US Navy à être équipés de missiles, des pylônes dans le parc de la Harrison
notamment les fameux AIM-7C “Sparrow”. Street à Olathe, puis d’être déplacé dans
DR/US NAVY

6
En bref
Le légendaire Joe Kittinger
n’est plus
Le colonel (ER) Joseph William “Joe” Kittinger est décédé
le 9 décembre dernier ; il était âgé de 94 ans. Ce natif du
centre de la Floride était entré dans la légende en sautant
en parachute, depuis un ballon, le 16 août 1960 (photo
ci-dessous) d’une altitude 102 800 pieds (31 333 m). Ce
saut historique était l’aboutissement de plus de 10 ans
d’expériences aérospatiales pour tester ce que le corps
humain pouvait supporter. Kittinger dut endurer des
températures inférieures à - 70 °C ; il fut en chute libre
pendant plus de 4 minutes, atteignant près de 960 km/h
avant de déployer son parachute principal à 14 000 pieds
(4 267 m) et d’atterrir sous les acclamations de son équipe à
White Sands, au Nouveau-Mexique. L’ensemble du saut dura

DR

Un très fameux DC-3 va


reprendre vie aux États-Unis
Le 13 novembre dernier, le Douglas DC-3 immatriculé Mister Douglas
N129H a été convoyé en vol depuis Tullahoma, au lors de son
Tennessee, jusqu’à DeLand en Floride, où il sera restauré par les convoyage
membres de la société SAV-A-DC-3, The Mr. Douglas Society, vers DeLand,
formée par d’anciens pilotes et parachutistes qui l’ont utilisé pour en Floride,
de sauts en parachute mémorables dans les années 1970 et 1980, le 13 novembre
notamment Michael Rouse, James Bennett et Mark Borghorst, dernier.
les initiateurs du projet. L’avion n’avait plus volé depuis 23 ans.
La Mr. Douglas Society voit là se concrétiser la première étape de
son projet, après avoir acheté le 13 décembre 2017 Mister Douglas,
le Douglas DC-3A n° de série 4126, construit en 1941. Le bimoteur
est une véritable icône dans le milieu du parachutisme civil. Il a
des dizaines de records du monde à son actif entre 1975 et 1997.
Il est aussi une star de cinéma, apparaissant dans le film Drop
Zone de John Badham, avec Wesley Snipe, sorti en 1995. Mais
DR
surtout, au début des années 1970, les premiers sauts en tandem
expérimentaux furent effectués depuis Mr. Douglas, qui était alors 13 minutes 45 secondes. Dans le cadre du projet Excelsior,
basé à DeLand en Floride. Le système de libération à trois anneaux il prouva que les pilotes et les astronautes pouvaient
fut expérimenté et mis au point par Bill Booth depuis Mr. Douglas. s’éjecter, tomber et ouvrir un parachute à des altitudes
La chute libre accélérée naquit également à DeLand, depuis extrêmes et survivre. Il fallut attendre 53 ans pour que ce
Mr. Douglas, tout comme les “Skydive Boogies”, ces journées record soit battu par Felix Baumgartner, le 14 octobre 2012.
ou week-ends de sauts organisés sous forme de fêtes. Joe Kittinger officia 29 ans dans l’USAF. Il consacra la moitié
de sa carrière à la recherche et au développement et en tant
que pilote d’essai. Il fut aussi pilote de chasse, déployé
CAL Fire achète au Viêtnam où il effectua 483 missions lors de trois tours
de combat, pilotant des A-26 et des F-4 “Phantom”. Il abattit

des “Bronco” à la Nasa un MiG-21 mais fut lui-même abattu et capturé à peine
quatre jours avant son départ prévu. Il passa près d’un an
En novembre dernier, le CAL Fire (California Wildfire & Forest comme prisonnier de guerre.
Resilience Task Force, force de lutte contre les incendies
de forêt de l’État de Californie) a acquis un OV-10A et trois OV-10D Duxford rend hommage au
“Bronco” auprès de la Nasa. Ils ont été convoyés en vol depuis Deux “Hurricane”, le “héros méconnu”
le Langley Research Center, près de Hampton en Virginie, jusqu’à des quatre
McClellan Park, près de Sacramento, en Californie, où CAL Fire “Bronco” acquis Jusqu’au 19 février, l’Imperial War Museum de Duxford, près
par CAL Fire de Cambride en Grande-Bretagne, consacre une exposition
a sa base de maintenance. Les biturbines seront utilisés pour
au départ temporaire au “Unsung Hero”, le héros méconnu, en
les missions de contrôle aérien avancé dans la lutte contre
de Langley, l’occurrence le Hawker “Hurricane”. Sur les 17 exemplaires
les feux de forêts. CAL Fire utilisait déjà 15 OV-10 “Bronco”.
en novembre en état de vol dans le monde, il est possible d’en voir pas
Ceux récemment acquis seront a priori des avions de réserve.
CAL FIRE
dernier. moins de six dans la partie avant de l’immense hangar
AirSpace, avec à leurs côtés deux biplans, un Hawker
“Nimrod” et un Hawker “Hind”, ainsi que le “Spitfire” Mk I
N3200 – pour comparaison – qui est mis en œuvre par
l’Imperial War Museum.

7
ACTUALITES
Face aux réalités du terrain, le nouvel
arrêté meeting a besoin d’être revu…
Lors de la convention annuelle contraignant les directeurs des vols à une activité aérienne s’étalant de 6 h 00 à
de France Spectacle Aérien (FSA) produire des études d’analyse des risques 20 h 00, des créneaux de départs-arrivées,
2021, le nouveau patron de la pour lesquelles ils n’ont jamais été formés, des créneaux de vols de constructeurs pour
Direction général de l’aviation civile (DGAC), ce qui a considérablement alourdi non des clients potentiels et des créneaux de
Damien Cazé, était venu en personne seulement leur charge de travail, mais aussi présentations en vol mais sans évolutions
devant le milieu du spectacle aérien français le poids des responsabilités qu’on leur fait de voltige, un seul DV et son adjoint ne
assurer qu’il serait possible de corriger porter. FSA avait par ailleurs suggéré que peuvent gérer l’ensemble de l’activité,
certains points du nouvel arrêté les “règles alternatives” soient référencées, répartie sur deux pistes. Surtout avec six
du 10 novembre 2021 régissant les cataloguées, archivées de façon centrale classes d’ULM aux spécificités particulières.
meetings à l’issue de la saison 2022 si – choisissez le mot qui vous convient – afin Il a donc fallu “faire en dehors des règles”
des problèmes étaient rencontrés. Et les de faciliter le travail et des directeurs en matière de direction des vols, avec la
problèmes furent pour le moins nombreux… des vols et des DSAC interrégionales. sécurité comme élément clef. Mais cela
Une réunion a donc eu lieu le 7 novembre FSA a également porté à l’attention de la n’a pas été sans mal pour l’organisateur,
dernier entre la direction de la Sécurité DSAC que depuis la parution du nouvel confronté à une DSAC locale pour le moins
de l’aviation civile (DSAC) et neuf arrêté, il n’existe plus de définition de “vol peu réceptive. Et peut-être aussi figée par
représentants de FSA. Ces derniers avaient en formation”, encore moins en patrouille, la complexité de la rédaction de l’arrêté,
compilé les doléances des organisateurs mais seulement une définition de “vols qui multiplie les renvois entre articles,
de meetings, des pilotes de présentation et coordonnés”, qui ne fait mention que du paragraphes et pages dans le texte, ce qui
des directeurs des vols (DV), qui, quelle que “commandant de bord”. Tout pilote ayant ne permet pas une lecture simple et une
soit leur région, avaient rencontré les mêmes peu ou prou pratiqué cet art sait que compréhension des éléments définis.
problèmes. Au sortir de cette réunion, l’évolution coordonnée de plusieurs avions Dans une autre région, la DSAC locale
la délégation de FSA avait le sentiment maintenant une position relative se fait sous a “souhaité” obtenir toutes les fiches
d’avoir été entendue. Et la DSAC a rédigé le commandement d’un “leader”, mot que de présentation d’un spectacle aérien,
dans la foulée un projet d’amendement de FSA souhaite voir apparaître dans l’arrêté, formulaire rédigé à l’intention du directeur
l’arrêté… qui laisse pour le moins perplexe, pas pour le plaisir d’utiliser du jargon des vols par le pilote présentateur ou
et pose nettement la question de savoir aéronautique, mais bien parce que le leader le leader d’une patrouille, alors que l’arrêté
si ceux de ses membres qui ont participé a une fonction et des responsabilités bien ne prévoit pas cela ainsi.
à cette réunion ont bien compris les précises, et très différentes de celle du seul L’arrêté prévoit qu’un compte rendu soit
problèmes posés par le nouvel arrêté, et si commandant de bord. Par ailleurs, on peut rédigé à l’issue des manifestations par le
– surtout – ils ont réellement la volonté de voir dans nombre de meetings des tableaux directeur des vols et adressé à la DSAC
faire avancer les choses de façon positive. lors desquels plusieurs “formations locale. Il s’est avéré que dans au moins un
La réalité du terrain a montré que le ou groupes d’aéronefs” sont menés par des cas, la DSAC locale a rédigé également de
nouvel arrêté n’est pas appliqué de la leaders différents qui volent simultanément son côté un compte rendu, transmis à la
même façon partout en France, et que les – il serait bon dans la définition préfecture sans même que le directeur des
interprétations qui peuvent en être faites de mentionner qu’il peut y avoir un ou vols et l’organisateur aient été informés,
ne sont pas toujours partagées d’une DSAC plusieurs leaders de groupes d’aéronefs. ni de la rédaction de ce compte rendu
interrégionale à l’autre. Ainsi, on a pu noter Dans sa lettre à la DSAC, FSA exprime ni de son envoi et encore moins de son
que les contraintes imposées dans une son désaccord sur le fait que tous les contenu… En d’autres mots, “dans le dos”
même région ne sont pas toujours identiques “rassemblements d’aéronefs” sans du directeur des vols et de l’organisateur. Ce
dans deux départements différents pour présentations en vol (comprendre cas pose le problème de la transparence car
deux événements distants seulement de “Fly’in”, c’est-à-dire simple assemblée il est difficilement concevable de nos jours
50 km… Le préfet dont dépendait le premier de pilotes venus avec leurs machines), que des entités et personnes concernées,
a imposé des gendarmes et des équipes mais faisant l’objet d’une communication impliquées directement par un tel document
de secours en nombre, et même jusqu’à extérieure, deviennent des manifestations ne soient destinataires d’une copie d’un tel
un hôpital de campagne ; le préfet dont aériennes régies par le nouvel arrêté. compte rendu qui vise à ce que leurs actions
dépendait le second n’imposa rien Cette nouvelle disposition est en l’état soient jugées et commentées.
de tout cela. Les plateaux étaient du même pour le moins décourageante, car elle Nombre d’organisateurs ont eu à se plaindre
type (avions militaires, warbirds, avions implique de fait de fortes contraintes des délais imposés pour l’envoi de certains
de voltige) et le directeur des vols était administratives et budgétaires. Ou comment documents tandis qu’en sens inverse, les
le même… kafkaïen, non ? transformer un simple barbecue entre délais définis par l’arrêté de 2021 ne sont pas
Par ailleurs, le recours aux “règles copains en usine à gaz… Et que signifie toujours respectés par les préfectures.
alternatives” (expression administrative “communication extérieure” ? Est-ce que Cela ne contribue pas à l’organisation sereine
“moderne” remplaçant le mot pourtant créer un “événement Facebook” est une d’un meeting, qui nécessite d’engager
français “dérogation”) est devenu la règle communication extérieure ? Dans l’arrêté plusieurs semaines, et même des mois
pour quasiment tous les spectacles aériens, précédent, c’est la notion d’appel au public à l’avance, d’importantes sommes d’argent.
faute de quoi, de spectacle ils n’auraient qui différenciait le spectacle aérien du simple D’évidence, le nouvel arrêté n’a pas bien
eu que le nom. Et pourtant, pas un mot rassemblement. résisté à sa mise à l’épreuve sur le terrain.
sur ces règles alternatives dans le projet Le cas du MULM (Mondial de l’ULM) à Blois Reste à espérer que la DSAC a la réelle
d’amendement proposé par la DSAC. Le a été le parfait exemple du fait que volonté de l’améliorer et de lever toute
sujet est néanmoins loin d’être négligeable, le nouvel arrêté n’est pas adapté à tous les ambiguïté sur son champ d’application…
puisqu’il a concerné quasiment tous les types de spectacle aérien public. Etalé sur ce dont on peut douter au vu des
spectacles aériens de cette année passée, quatre jours, avec 500 aéronefs participant, “améliorations” proposées.
8
En bref
Le RAF Museum cède un P-51D Flying Legends de retour
à une collection australienne cette année ?
Les équipes de présentation de l’USAF ont publié leur
Le North American P-51D “Mustang” matricule 44-73415 calendrier au début de cette année. Pour ce qui concerne
a quitté l’établissement de Cosford du RAF Museum, en le F-35, il est prévu pour apparaître le week-end
Grande-Bretagne, le 11 novembre dernier, à destination de l’Australie, du 15-16 juillet dans le cadre d’un Heritage Flight lors
où il intégrera la Hunter Fighter Collection basée sur l’aérodrome de Le North d’un meeting nommé… Flying Legends ! Mais le lieu n’est
Scone. L’ancien chasseur des US Army Air Forces et Royal Canadian American pas précisé. Nous avons par ailleurs appris que plusieurs
Air Force avait été obtenu par le RAF Museum à la fin des années P-51D collectionneurs européens ont été approchés pour que leurs
1980 dans le cadre d’un échange contre le Supermarine “Spitfire” XVI “Mustang” avions participent à un Flying Legends 2023. Du côté
matricule SL574, depuis exposé au Air and Space Museum de San matricule de The Fighter Collection, organisateur du mythique
Diego. Plusieurs musées et collections au Royaume-Uni ont exprimé 44-73415
spectacle aérien, la discrétion est de mise pour le moment.
leur surprise face à la décision du RAF Museum de faire don en cours de
Le dernier Flying Legends avait eu lieu en 2019, les éditions
démontage
de ce P-51D à une organisation à l’autre bout du monde… 2020, 2021 et 2022 ayant été annulées.
à Cosford
La Hunter Fighter Collection a également reçu du RAF Museum
en novembre
le De Havilland “Vampire” FB5 matricule WA346.
dernier. Yong-Man Kwon expose au
restaurant de l’Aéro-Club de France
Jusqu’au 20 mars, le peintre de l’Air et de l’Espace (et de la
marine, et de l’armée de Terre, et de la gendarmerie) Yong-
Man Kwon expose quelques-unes de ses toiles aéronautiques
au restaurant de l’Aéro-Club de France, 6 rue Galilée, à Paris.

RAF MUSEUM

Un Ju 52 pour le Kent Battle


of Britain Museum
YONG-MAN KWON
Le 19 novembre dernier, le Kent Battle of Britain Museum
a reçu, par la route, un Casa 352L (Junkers Ju 52/3M de Salon des formations et métiers
construction espagnole) acquis auprès de l’établissement de Consford
du RAF Museum. Construit en 1954, le trimoteur a servi dans la force aéronautiques au musée de l’Air
aérienne espagnole jusqu’en 1972 avec le matricule T.2B-272. Le Du 3 au 5 février, le Salon des formations et métiers
RAF Museum l’avait acquis en 1977. Initialement exposé à l’extérieur aéronautiques se tiendra au musée de l’Air et de l’Espace.
dans des couleurs assez génériques de la Luftwaffe, il avait changé Coorganisé par le musée et le magazine Aviation et Pilote,
de livrée en 1985, sous l’effet d’un parrainage par British Airways il est une merveilleuse opportunité pour les aspirants à
et, dans le cadre d’une “British Airways Collection”, avait revêtu le une carrière aéronautique de s’informer et de s’orienter
schéma inhabituel d’un Ju 52 exploité par British Airways en 1938, auprès des professionnels de l’aérien. Pendant trois jours,
immatriculé G-AFAP. Le Kent Battle of Britain Museum a d’ores et exposants, conférences et espace recrutement sont
déjà commencé son décapage pour le repeindre selon un schéma programmés, donnant la possibilité de découvrir
de la Luftwaffe en temps de guerre représentant un Ju 52 fictif du les opportunités d’emploi de la filière aéronautique
6./KGrzbV 1 qui aurait probablement été utilisé lors de l’opération et de postuler auprès des entreprises du secteur.
Seelöwe, le plan avorté d’invasion allemande de la Grande-Bretagne Le Casa 352L
De nombreuses animations permettent également
au début de la Deuxième Guerre mondiale. lors de son
de se plonger dans l’univers aérospatial de façon ludique.
arrivée au
Le Kent Battle of Britain Museum est situé sur le site de l’ancienne L’accès au salon nécessite une inscription préalable sur le
Kent Battle
base de la RAF d’Hawkinge et abrite la plus grande collection site https://www.salondesformationsaero.fr/evenements/
of Britain
au monde d’artefacts d’avions de la bataille d’Angleterre, ainsi inscription-sfma-paris-le-bourget/
Museum le
que la collection la plus complète du Royaume-Uni d’uniformes,
19 novembre
d’équipements et d’insignes originaux des années 1940. dernier. Le musée de l’Air et de l’Espace
attire de plus en plus les foules
En 2022, le musée de l’Air et de l’Espace, au Bourget,
a accueilli 222 368 visiteurs ! Un très beau résultat,
qui le ramène à une fréquentation similaire à celle
de 2019, avant la crise sanitaire, et qui a quasiment
doublé par rapport à 2021 (sur 226 jours d’exploitation
au lieu de 363).

9
THE KENT BATTLE OF BRITAIN MUSEUM
HOMMAGE
Bernard Chabbert, 21 avril 1944 - 15 décembre 2022
Voler, c’est se payer
un acompte de paradis !
L’auteur de cette phrase passée à la nautique jamais prise en défaut, des
anecdotes toujours pertinentes… La
postérité – parmi tant d’autres – nous Rolls des journalistes, écrivains,
commentateurs.”
a quittés sans prévenir le 15 décembre “(…) immense conteur du monde
dernier, à l’âge de 78 ans, alors que aéronautique, Monsieur Loyal émé-
rite des meetings aériens tricolores,
nous venions de boucler le numéro auteur d’un St-Ex fantastique.
Bernard, c’était les tontons flingueurs
de janvier. La soudaine disparition du à qui on aurait ajouté des ailes…”
trésor national qu’il était a soulevé une “(…) la tirade de la blanquette de
veau… elle commençait par “Le xxx,
vague d’émotion considérable. Plutôt c’est onctueux, onctueux comme une
blanquette…”
que de retracer sa riche vie, nous avons “(…) ce Bernard était capable de
préféré emprunter à quelques-uns qui, faire vivre pleinement un meeting
aérien à un non-voyant. Combien de
à l’instar de leur muse, ont assemblé les fois me suis-je dit qu’en fermant les
yeux et en écoutant le timbre de sa
mots de façon harmonieuse, comme on voix décrire l’avion, ses manœuvres,
assemble les ingrédients de la fameuse ses anecdotes, je pouvais vivre le mee-
ting intensément.”
blanquette de veau à l’ancienne à “Il n’avait pas la langue dans sa
poche quand il avait quelque chose à
laquelle le griot de l’aviation française dire, surtout quand il s’agissait de
aimait à comparer le pilotage d’un défendre l’aviation. Au meeting Des
étoiles et des Ailes, en septembre der-
Bücker “Jungman” ou d’un Stampe. nier à Francazal : quelques jours
avant le meeting, pour protéger leurs
avions parqués au sol d’éventuels

L
e griot est une personne haute de pilote et contribué à faire brûler la accidents, certains exploitants de la
ment révérée en Afrique, spé- flamme de ma passion pour cet uni- plateforme ont par exemple exigé des
cialiste de la louange et de la vers magique. primes d’assurance de 50 millions
déclamation des récits histo- Quel immense honneur et quelle d’euros. Pas de souci pour les appa-
riques qui font la part belle aux chance d’avoir pu échanger réguliè- reils de l’armée de l’Air et de l’Espace,
héros fondateurs et au merveilleux. Et rement avec toi pendant ces 12 der- garantis par l’État. En revanche,
Bernard Chabbert en était une incar- nières années. impossible pour la plupart des pro-
nation paroxystique – sans doute l’un Ce soir, je cherche ton étoile dans priétaires privés d’avions de légende
de ces sorciers des mots s’était-il pen- le ciel mais je ne vois pas, j’entends… de trouver rapidement une compa-
ché sur son berceau quand il était né, J’entends si distinctement ta voix, gnie capable d’assurer un tel montant,
à Casablanca… Au-delà des commen- une voix douce et apaisante, la voix et bien sûr de payer la prime corres-
taires de meetings et des reportages, de l’histoire de l’aéronautique. pondante. Au dernier moment, une
au-delà de la regrettée émission Elle restera irremplaçable…” bonne douzaine d’appareils my-
Pégase et de son mythique numéro sur thiques, “Bronco”, “Skyraider” ou
le “Spitfire”, les mots bienveillants de Un tonton flingueur Yak ont été cloués au sol ou n’ont pu
Bernard Chabbert ont touché… des venir. Commentateur du meeting, le
âmes… parfois de façon très profonde.
avec des ailes journaliste Bernard Chabbert, spé-
Voici donc un florilège d’hommages “Une voix s’est éteinte. Elle a mar- cialiste de l’aéronautique depuis plus
glanés ici et là, que nous avons volon- qué la carrière de pas mal de pilotes de 50 ans, a fustigé entre autres “un
tairement rendus anonymes. Mais que de ligne, voltigeurs, baroudeurs, ap- comportement jamais vu et imbécile.”
leurs auteurs en soient remerciés. prentis pilotes, tous passionnés. Elle “Avec lui les meetings étaient
“Si la passion de l’aviation avait a marqué la mienne. Nous sommes Historiques, Passionnants, Vivants et
un père, il se nommerait Bernard nombreux à avoir volé en ayant cette Poétiques”.
Chabbert. petite musique dans un coin de la tête. “Bernard Chabbert, c’était
De l’épopée Pégase aux meetings Une langue fleurie, un enthou- l’homme qui vous donnait envie
aériens, tu auras accompagné ma vie siasme non feint, une culture aéro- d’aimer l’aviation.” ■

10
ERWAN GAREL
LE COURRIER
Un petit
musée
en Chine
Je suis un très vieux lecteur
ayant commencé avec le
n° 1 ! Et je continue mois
après mois à me régaler ! Mon fils,
qui travaille en Chine, est passé par
Chengdu et a pris deux photos d’avions
dans une galerie commerciale qu’il m’a
envoyées et que je vous transmets
car je les trouve intéressantes. Je crois
reconnaître un MiG-15 UTI et un An-2,
sauce chinoise, qui font de la pub pour
un petit musée aéronautique, que mon
fils n’a pas eu le temps de visiter,
hélas ! Peut-être le connaissez-vous.
Paul Biarez
BIAREZ
L’entrée
En fait il s’agit du LCA
du LCA Aviation Museum, Aviation
un musée privé qui est ouvert Museum
depuis 2016 dans un centre à Chengdu,
d’affaires de Chengdu. Y sont en Chine, avec
exposés plusieurs avions chinois un splendide
et occidentaux. À l’entrée un JJ-2 Nanchang Y-5
(MiG-15 biplace fabriqué en tigré…
Chine) monte la garde avec un
Nanchang Y-5 (Antonov 2
chinois). Un lecteur globe-trotteur … et un JJ-2
a peut-être visité ce musée – MiG-15 biplace
et pourra nous en dire plus. chinois.
BIAREZ

La malle mystérieuse de Mister Guillem


La réponse du mois dernier sans doute aux mains du pilote d’essai D. Thomas. Plusieurs
L’avion mystère de janvier a été trouvé ! Marcel Lafargue motorisations semblent avoir été essayées sur cet appareil.
a répondu le premier : “L’appareil monomoteur présenté ce mois-ci Une version amphibie était également prévue.”
est un avion allemand ; il s’agit du Poeschel P-300 “Equator”. Le défi du mois
Il semble avoir fait ses premiers vols à la fin de l’année 1970, Comme vous êtes en forme en ce début 2023, l’ami Jacques Guillem
depuis l’aérodrome d’Oberpfaffenhofen, pas très loin de Munich, vous met au défi de trouver le pedigree de ce sympathique monomoteur.

Avec mes pattes d’eph


je ne passe pas inaperçu.
Je suis…

DR/COLL. JACQUES GUILLEM

12
Le retour du “Baroudeur”
Je reviens sur le “Baroudeur”
(Le Fana n° 636), qui voulait
intéresser les jeunes lecteurs
britanniques du journal “Eagle” au
milieu des années 1950. Un dessin
(ci-joint) fait état de quatre “moteurs-
fusées” installés sur le chariot. Un rêve ?
Eddie Slack

Ce n’est pas un rêve.


Le chariot du “Baroudeur”
pouvait recevoir deux ou quatre
moteurs-fusées pour augmenter
son accélération.
EAGLE

“Tempest” ou “Sea Fury” ? That is the question


Je lisais Le Fana de l’Aviation
de décembre (n° 637) et je me
demandais si nous étions un 1er avril ?
Je vois page 5 une photo d’un Hawker
“Sea Fury” et dans votre article il
est mentionné Hawker “Tempest”
à plusieurs reprises. Pouvez-vous
confirmer ou corriger cette grossière
erreur ? Mille mercis.
Laurent Scholzen

Pas de poisson
à l’horizon ! Vous voyez bien un
“Tempest” ! En effet le moteur
Bristol “Centaurus” lui donne
un air de “Sea Fury”… mais
c’est un “Tempest” Mk II, version
du chasseur que nous connaissons
principalement avec son Napier
“Sabre” de 24 cylindres en ligne.
Le “Tempest” FB Mk II fut
vendu avec le Bristol “Centaurus”
et ses 18 cylindres en double
étoile à l’Inde et au Pakistan
XAVIER MÉAL
après une courte série de 136 Le “Sea Fury”
exemplaires pour la RAF. furent conçus par Hawker d’erreur ici. Rendez-vous de Christophe
Pour faire court, le “Fury” et sa comme une version allégée en avril pour chercher du poisson Jacquard.
version embarquée “Sea Fury” du “Tempest” II. Donc point dans Le Fana…

Faites-nous
vivre vos Ferté !
Rendez-vous cette année
les 27 et 28 mai pour célébrer
la 50e édition du meeting aérien
Le Temps des Hélices à Cerny-La Ferté
Alais. Dans cette perspective, Le Fana
vous propose chers lecteurs de publier
dans le numéro de juin vos plus belles
photos des avions marquants,
de vos souvenirs impérissables
Le EFW C-3605 vu
lors des précédentes éditions.
à La Ferté en 1992.
À vos albums, à vos cartons d’archives.
Faites-nous vivre vos Ferté !
HENRY CHERO

13
À LIRE, À VOIR
L’Évangile connue sous le nom de En ce moment, le dossier du mouvement, des de chasseurs à hautes
L’Évangile selon Saint-Yan, n’est pas simple, mais cadrages soignés, bref, performances, jusqu’au
qui reste une référence. le défi a été relevé. un gros travail d’esthétique. Su-35. Au sommaire aussi,
Ceux qui passèrent par Une idée se dégage de la Côté textes, l’écriture s’est la version export Su-30 MK.
Saint-Yan en gardent un démarche : l’alliance intime appuyée sur des rencontres On l’attendait tous, le voici,
souvenir éternel tant l’état et paradoxale entre l’art avec les ingénieurs, les il s’agit bien du Su-57,
d’esprit qui y flottait était et la technologie. Ce tout pilotes et une abondante ex-T-50, avion d’arme
particulier. Il fallait raconter nouveau livre a donc une documentation fournie multirôle de nouvelle
tout ceci pour la postérité. saveur toute particulière par le constructeur. génération. Les ingénieurs
Ce fort bel ouvrage au regard de l’actualité. Nous avons aimé aussi au russes travaillent déjà
nous plonge dans Des dizaines de photos fil des pages, en encadrés, pour l’avenir : ce sera le
l’ambiance de l’époque, des avions russes et les rencontres avec les Su-75. Un livre généreux et
de la discipline du vol, ukrainiens proposés dans pilotes ou les focus sur les luxueux à la hauteur d’une
Mes biens chers frères le tout avec de belles Sukhoï ont été saisies points forts technologiques légende de l’aéronautique.
aviateurs, au tout début photos sur Stampe. Une par l’auteur avant que des appareils. Pour Philippe Wodka-Gallien
des années 1950, des excellente publication toute la guerre ne soit lancée la séquence historique,
apôtres de l’art du à la gloire du pilotage. à l’initiative de Vladimir l’auteur revient sur
pilotage se retrouvèrent à Poutine aux marges de la réussite de Sukhoï
Saint-Yan, en Saône-et- L’Évangile l’Europe, il y a un an déjà. pour s’imposer dans
Loire, et y enseignèrent selon Saint-Yan Sillonnant meetings et un secteur soviétique
leur discipline, diffusant Par Jean-Loup, bases aériennes, Nikon en très exigeant. Forcément,
inlassablement leur Patrice Notteghem, bandoulière, notre confrère en ouverture, nous avons
message au fil des Philippe Dubois s’est taillé une solide le T-4, prodigieux
passages des promotions 416 pages, 44 € réputation dans le circuit intercepteur trisonique
d’élèves. Ce n’était pas ISBN 978-2-9569076-1-9 international avec Les développé dans les années
seulement des règles Patrouilles acrobatiques du 1960 avec l’idée de stopper
de pilotage, mais surtout
un état d’esprit autour La légende monde paru chez le même
éditeur. Ses articles très
les B-70 “Valkyrie” en
projet dans l’USAF.
de la préparation des vols,
de la sécurité. Chaque
Sukhoï documentés dans la presse
aéronautique et défense
Le T-4 a forgé la légende
du bureau d’études Sukhoï.
Sukhoï,
du Su-27 au Su-57
élève breveté partait avec François Brévot s’attaque s’avèrent fort utiles pour On découvrira, c’est inédit, Par François Brévot
une culture aéronautique. à l’un des sujets mieux saisir l’actualité le T-10, le prototype qui a Éditions ETAI
Tout cela fut regroupé les plus emblématiques du conflit en Ukraine. servi de base au Su-27, 160 pages, 39 €
dans une bible très de l’aviation de combat. Côté photos, de l’énergie, puis à toute une lignée ISBN 979-10-283-0545-1

L’élégant Spalinger S-18 illustré


par Philippe Charbonneaux.

Peintre de l’Air
Nous avons présenté dans Le Fana de Dewoitine et autres “Spitfire” sont élégamment
l’Aviation n° 555 le travail du designer Philippe représentés. Cet ouvrage format italien regroupe
Charbonneaux. Il fut connu dans le monde de plus de 300 illustrations. Ébauches au crayon
l’automobile pour ses nombreux dessins qui de papier, aquarelles et peintures permettent
inspirèrent les lignes des Delahay, des Renault 8, d’avoir une excellente idée du talent de Philippe
Du dessin aux nuages 16, sans oublier les camions Berliet. C’était aussi Charbonneaux, dont le style est assurément dans
Par Philippe Charbonneaux un passionné d’aviation. Cet autodidacte prolifique la même veine que celui de Paul Lengellé. À n’en
Chez Bleu Ciel Diffusion avait une main en or et laissa une importante pas douter, voici un artiste qui à tout à fait sa place
208 pages, 55 € production sur le thème des avions dès les années parmi les peintres de l’Air. Fin gourmet amateur
ISBN : 978-2-918015-27-7 1930. Ce fut ainsi que toutes les grandes gloires de joli style, n’hésitez pas à vous plonger dans
Pour commander : du ciel de l’époque furent illustrées. Caudron, les œuvres de Philippe Charbonneaux.
http://www.aviation-legere.fr/

PHILIPPE CHARBONNEAUX

14
MONOGRAPHIE
Nord 2501 “Noratlas”
Le “taxi”
des paras français
Première partie.
Le “Noratlas” a parcouru le globe, du Groenland
à la Polynésie française, en larguant ses troupes
aéroportées sous toutes les latitudes pendant près
de 30 ans. Retour sur une aventure à nulle autre pareille
grâce aux archives et aux témoignages qu’ont bien
voulu nous accorder certains acteurs de l’époque.
Par Paul Villatoux

N
om de code : “Nord tées et sur les déficiences françaises
2501”, nom d’usage : en la matière. La question des capa-
“Noratlas”, surnoms : cités de l’aviation de transport pour
“le Nord”, “la Grise”, “le faire face aux besoins de ces troupes
Nord à glace”… L’avion se pose en effet dès l’immédiat après-
de transport français emblématique guerre, alors que ces dernières
des années 1953-1980 a laissé un sou- viennent de passer sous la coupe de
venir impérissable aux générations l’armée de Terre.
de parachutistes qu’il a transportées
et larguées. Le bruit caractéristique Des moyens jugés
de ses moteurs, l’odeur particulière
des vapeurs du carburant émanant
sous-dimensionnés
de ses moteurs, les vibrations de sa Créé le 21 mai 1945, le Groupe-
carlingue, sa manière de voler, ont ment des moyens militaires de trans-
ainsi durablement marqué les esprits port aérien (GMMTA) est alors
de ceux qui ont eu la chance de fran- constitué majoritairement de trimo-
chir sa porte ou tout simplement d’y teurs Jun kers 52, dont certains
prendre place dans le cadre d’une sortent des chaînes de montage fran-
mission de liaison. çaises sous le nom d’AAC.1 “Tou-
Comprendre la place qu’occupe can”, et de bimoteurs Douglas
le “Noratlas” au sein des unités para- C-47/“Dakota” (indifféremment
chutistes, c’est d’abord s’interroger appelés “Dakota”, lire Le Fana de
sur les liens indissociables qui l’Aviation n° 638 pour les différen-
unissent avions et troupes aéropor- cier, NDLR). Il s’agit d’appareils,

Juin 1954,
Indochine :
transformation
d’un équipage
de l’Anjou
sur Nord 2501
sous l’œil vigilant
d’un responsable
technique de
l’Operational
Training Unit
(OTU).

DR/COLL. PAUL VILLATOUX

20
DR/COLL. PAUL VILLATOUX
À la suite de Diên Biên Phu,
les bataillons parachutistes sont
décimés et de nouvelles unités
doivent être formées et entraînées.
Ici l’un des premiers sauts en
“automatique” depuis un “Noratlas”
dans le ciel d’Indochine.

21
NORD 2501 “NORATLAS”

certes, fiables, mais conçus à l’ori-


gine pour l’aviation civile, et dont le
nombre, toujours jugé trop restreint,
et l’usure consécutive à leur emploi
intensif sur le théâtre indochinois,
s’avèrent des handicaps particulière-
ment lourds. Un exercice aéroporté
organisé en octobre 1947 donne ainsi
lieu au déploiement de moyens jugés
sous-dimensionnés par rapport aux
besoins, comme le souligne le géné-
ral Piollet, alors chef d’état-major
général de l’armée de l’Air : “La
manœuvre aéroportée a gardé, en
raison des faibles moyens mis en
œuvre, un caractère de participation
à la guérilla ou à un meeting. Il était Défilé aérien
impossible de fournir un plus grand de l’Anjou, le
nombre d’avions en raison des 13 octobre 1954,
lourdes servitudes des transports permettant
militaires dans l’Union française.” d’admirer la
partie arrière
Le “Noratlas” de l’avion, très
en Indochine inspirée de
celle du C-119
Les moyens du GMMTA sont si “Flying Boxcar”
faibles qu’ils ne parviennent même américain.
DR/COLL. PAUL VILLATOUX
pas à satisfaire les besoins des para-
chutistes au quotidien, dans le cadre bataillons parachutistes pour inter- d’équipages est inférieur au nombre
des sauts d’entretien ou même de la venir dans tous les secteurs de l’Indo- d’appareils et, sollicitée sur l’en-
formation à l’École des troupes aéro- chine – ce qui leur vaudra le surnom semble de l’Indochine, l’aviation de
portées (Etap) installée à Pau. Le de “pompiers du corps expédition- transport arrive aux limites de ses
rendement du Ju 52, notamment, qui naire” –, ses capacités sont encore possibilités. Un détachement de
équipe alors l’escadrille d’instruction modestes en 1950. Il n’existe en C-119 “Flying Boxcar”, loué auprès
des troupes aéroportées 341, est très Cochinchine que 15 appareils (dix de l’armée américaine, est ainsi en-
faible – 16 sauts par passage – et ne C-47 et cinq Ju 52), soit une capacité voyé sur place en mai 1953 et servira
peut être compensé par les seuls de transport de 300 hommes. Le lar- quasi exclusivement au-dessus de la
“Dakota” (environ 22 sauts). Aussi gage d’un bataillon nécessite donc cuvette de Diên Biên Phu pour des
l’armée de Terre doit-elle faire appel deux rotations. Or, il apparaît rapi- missions de ravitaillement.
à l’aide américaine pour l’entraîne- dement qu’une opération aéropor- C’est dans ce contexte que le
ment de ses troupes aéroportées en tée, pour être pleinement efficace, projet du Nord 2501, lancé par la
métropole : en 1952, plus de 16 000 doit pouvoir mettre en jeu trois ba- Société nationale des constructions
sauts réalisés par les parachutistes se taillons parachutés simultanément. aéronautiques du Nord (SNCAN)
font à partir d’avion de l’US Air À partir de 1951, avec la livraison en 1947 à la suite d’un appel d’offres
Force, soit 20 % du total annuel… d’avions américains, la situation de l’État en vue de noter l’aviation
En Indochine, les mêmes ca- commence à s’améliorer et, fin 1953, de transport d’un bimoteur de
rences sont constatées. Si l’aviation le total d’une centaine de “Dakota” moyen tonnage de conception fran-
de transport est indispensable aux est atteint. Toutefois, le nombre çaise, arrive enfi n à maturité. La

DR/COLL. PAUL VILLATOUX

22
“ Peu à peu, les de Saigon vers Haiphong ou Hanoi à
pleine charge et sans ravitaillement,
équipages découvrent ce qui est particulièrement appré-
ciable dans un contexte de désenga-
gement français de la péninsule qui
les capacités de ce gros se prolonge jusqu’en mai 1955.

bipoutre ” Un avion performant


et adapté
de transport (GT) 2/64 Anjou, que le En juillet 1954, le journal de
“Noratlas” passe pour la première marche de l’Anjou constate avec satis-
fois en configuration opérationnelle. faction : “Un gros travail de mise au
Le 29 mai 1954, 22 jours seule- point est fait en ce qui concerne les
ment après la chute de Diên Biên Phu, parachutages de matériel lourd et fi-
quatre Nord 2501 sont pris en compte nalement l’utilisation des “Noratlas”
par l’unité, suivis d’un nouveau lot de paraît comme devoir être comparée à
quatre machines le 20 juin, alors celle des C-82 “Packet”… Deux Nord
qu’en métropole les chaînes de mon- 2501 font une tournée de présentation
tage sortent un appareil par semaine. en Indochine. Un parachutage delta
Les derniers convoyages entre Bricy [dans le delta du fleuve Mékong,
et Saigon ont lieu en juillet et août NDLR] montre ce que l’on peut faire
1954 portant la dotation de l’Anjou à avec cet avion dans ce domaine. Une
20 “Noratlas”. Un OTU (Operational démonstration d’atterrissage court
Training Unit) est mis sur pied pour (400 m), mais un peu dur à Gia Lam
la transformation des équipages sur fait ressortir les qualités et les fai-
le nouvel appareil. blesses du Nord 2501. Au retour sur
Saigon, l’équipage d’un Nord, qui
perspective de pouvoir prochaine- Premiers envols, avait formulé l’autorisation de se
ment disposer d’une flotte de trans- poser à Ankhé, évacué depuis la
port moderne et homogène s’ouvre
premiers sauts veille, montre à Tuy Hoa ce que peut
ainsi tant pour les équipages que Ces arrivées tardives – le cessez- faire cet avion au décollage en charge
pour les paras qui doivent en être les le-feu est instauré le 21 juillet 1954 – sur un terrain court.”
premiers bénéficiaires. ne permettent pas à l’Anjou de De fait, peu à peu, les équipages
Dès décembre 1953, un premier mettre en œuvre ses “Noratlas” dans découvrent les capacités de ce gros
exemplaire est livré à l’escadron de le cadre d’une opération aéroportée bipoutre, confirmant les espoirs pla-
transport (ET) 3/61 Poitou, basé à de grande, voire de moyenne am- cés en lui avant son arrivée : une auto-
Orléans-Bricy, dont le départ pour pleur. Il n’en reste pas moins que le nomie supérieure de près de 50 % à
l’Indochine a été programmé par Nord 2501 participe, dès son arrivée, celle du C-47 en charge, une capacité
l’état-major avant d’être finalement à ses premiers largages tant de para- d’emport de sa soute d’environ 45 m2
annulé quelques semaines plus tard. chutistes que – et surtout – de maté- – 7 900 kg de charge, 36 parachutistes
Aussi les mécanos du Poitou re- riels lourds au profit des maquis au- prenant place sur des banquettes
Prise d’armes
çoivent-ils pour tâche de réceptionner tochtones du Tonkin et du Laos qui, repliables –, un chargement par l’ar-
de l’ET 2/64
les appareils et d’assurer leur mainte- au printemps 1954, regroupent en- rière à l’aide de rampes d’accès, ses
Anjou à Tan
nance avant leur départ pour la base core des milliers de combattants. Il deux portes de parachutage situées
Son Nhut,
aérienne de Tan Son Nhut, près de près de Saigon,
s’agit, pour l’essentiel, de transports en pointe arrière, dans une zone dé-
Saigon. C’est donc sur place, en le 18 décembre
“à la demande” et de “missions spé- gagée des empennages et protégée
Extrême-Orient, au sein du groupe 1954. ciales”, effectués en juin et juillet contre le souffle de l’hélice, ses
1954, souvent dans la clandestinité rampes de lancement à rouleaux
au profit des postes du delta et du pour le parachutage des containers…
Groupement mixte d’intervention L’avion apparaît remarquablement
(GMI), successeur du Groupement bien pensé pour travailler au profit
de commandos mixtes aéroportés des troupes aéroportées.
(GCMA), qui n’est autre que la À cet égard, les procédures et
branche Action des services spé- caractéristiques des parachutages de
ciaux français. Ces opérations ponc- personnels comme de matériels sont
tuelles, mais fréquentes, conduites parfaitement balisées. Peu avant l’ar-
le plus souvent de nuit, valent aux rivée sur la zone de saut (DZ ou drop-
équipages de nombreuses frayeurs ping zone), un premier passage peut
et un certain nombre d’impacts sur être réalisé afin de larguer le “Siki”
le fuselage de leurs machines. qui doit permettre de calculer la dé-
Après les accords de Genève et le rive et la force du vent avant le largage
cessez-le-feu, les Nord 2501 prennent des troupes. À l’origine, ce dernier est
en outre une part importante à l’éva- un parachutiste volontaire qui saute
cuation des réfugiés nord-vietna- seul et, une fois son parachute ouvert,
miens vers Saigon (4 589 passagers doit se laisser porter en ne touchant à
pour le seul mois d’août 1954). Ils sont aucune commande. Par la suite, un
notamment les seuls appareils à pou- mannequin ou une caisse du poids
voir accomplir le trajet aller et retour d’un homme seront plus fréquemment

23
NORD 2501 “NORATLAS”

utilisés pour corriger l’axe de largage.


C’est l’équipage qui commande celui-
ci à l’aide d’un interrupteur à trois
positions (éteint, rouge, vert) permet-
tant d’actionner la lampe de saut si-
tuée dans le cargo, près des portes
latérales. Lorsque celle-ci passe au
rouge, les parachutistes se lèvent et
suivent les ordres du largueur :
“Debout, accrochez !”, signifie aux
hommes qu’ils doivent accrocher le
mousqueton de leur SOA (système
d’ouverture automatique) au câble
métallique tendu dans la carlingue.
Lorsque la lumière passe au vert, le
“Go !” retentit et le saut commence,
le plus souvent “en charrette” c’est-à- Premiers sauts
dire que l’ensemble des parachutistes des futurs
présents dans l’avion sautent les uns brevetés depuis
après les autres en un seul passage, la fameuse tour
après une bonne tape sur le dos du de départ
chef largueur. Une fois la DZ passée, de l’Etap à Pau
la lumière repasse au rouge, signifiant (18 m), véritable
que plus aucun largage n’est autorisé. cauchemar
des stagiaires.
Le largage d’une Jeep DR/COLL. HARALAMBON

appelés enlevaient les tendeurs, n’en d’un ventral afin de sauter par la
et d’un canon de 120 laissant que deux par sécurité. Quand tranche arrière, sous les ordres du
Les largages de conteneurs et tout était OK, le sous-officier infor- sous-officier. Face au vide, juste un
autres charges lourdes depuis la mait les pilotes qui prenaient l’axe de pas et c’était l’ouverture…”
tranche arrière sont, quant à eux, largage ; un signal sonore nous indi-
réalisés alors que la porte cargo à quait qu’il fallait retirer les deux der- Une lente
battants en coquille a été ôtée avant niers tendeurs. Pour ma part, je me
le décollage et remplacée par une tenais près d’une poignée pour inter-
mutation
“casquette” formant une sorte d’au- venir manuellement au cas où le para- Paradoxalement, la carrière opé-
vent. Michel Sonjon, appelé en chute extracteur ne s’ouvrirait pas. rationnelle du “Noratlas” au cours de
Algérie au sein du 3e groupement de Mais c’était magnifique ; le parachute la guerre d’Algérie est à la fois spec-
livraison par air de Blida, se souvient faisait son travail, les charges rou- taculaire – l’avion prenant part aux
ainsi avoir participé à “des largages laient dans l’avion puis chutaient dans deux grandes opérations aéroportées
parfois impressionnants, comme une le vide. Parfois, après le largage du de l’époque (Suez et Bizerte) – et très
Jeep et un canon de 120 depuis le matériel, l’avion reprenait de la hau- méconnue pour ce qui concerne son
“Noratlas” : nous fi xions des che- teur et, pendant ce temps, nous nous rôle au quotidien dans le conflit. Il
mins de roulement, nous chargions équipions d’un parachute dorsal et convient à cet égard de préciser que
à l’intérieur la Jeep et le canon que DR/COLL. HARALAMBON

nous avions conditionné chacun sur Le futur breveté


une plate-forme. Les charges étaient Jean Haralambon
fixées dans la soute avec des ten- se fait “tirer
le portrait” avant
deurs, à distance précise, calculée de
son premier
manière à avoir le centre de gravité
saut depuis
le meilleur possible. En partie basse,
un “Noratlas”
nous installions un parachute extrac- à Pau, en
teur. Pour l’opération de largage, décembre 1958.
nous étions quatre hommes (un
sous-officier et trois appelés).
L’avion décollait, prenait de la
hauteur ; quand il était arrivé près de
la zone de largage, au signal donné par
les pilotes, les trois appelés avaient des
tâches bien précises à effectuer. Pour
ma part, j’allais à l’arrière de l’avion
relier la sangle du parachute extrac-
teur à la sangle de la charge, à l’aide
d’une manille qu’il fallait visser. Pour
cette opération, il restait environ 80 cm
entre la charge et le vide ; on faisait ce
travail à quatre pattes. La peur nous
tiraillait les tripes, mais nous étions
équipés d’un parachute à commande
en cas de problème. Les deux autres
24
Parachutiste déployant
ses parachutes dorsal
et ventral après avoir
sauté d’un “Noratlas”.

DR/COLL. HARALAMBON DR/COLL. PAUL VILLATOUX


Largage
les premiers mois qui suivent la sont dotés de matériels anciens. C’est d’un stick dont le commandement réduit l’usage
“Toussaint rouge” de novembre 1954 ainsi, par exemple, que le centre d’ins- du 8e RPIMa à des cas très particuliers. Ce choix est
(1) ne donnent pas lieu au déploie- truction au saut de Philippeville est (régiment également motivé par le fait que l’hé-
ment de grandes unités terrestres encore équipé de vieux Ju 52. En parachutiste licoptère connaît à la même époque
comme aériennes. Les forces dispo- outre, le retour des parachutistes d’infanterie un développement spectaculaire,
nibles sur place sont pourtant limitées comme des pilotes de transport d’Ex- de marine) en aussi bien pour le transport de troupes
et les rares troupes parachutistes qui trême-Orient ne s’effectue que de Algérie depuis que pour l’appui feu.
y sont implantées (41e demi-brigade manière très progressive, les derniers un “Noratlas”. C’est la raison pour laquelle les
parachutiste), de même que les éléments rejoignant l’Afrique du parachutistes opèrent le plus souvent
moyens aériens qui les supportent, Nord au printemps 1957. comme infanterie d’élite, utilisant
Enfin, le relief de l’Algérie, la pré- l’hélicoptère à la demande. Il n’en
sence de vents importants, mais aussi reste pas moins que, au moins six fois
(1) Le 1er novembre 1954, le Front de la nature du conflit, avec un adversaire par an, ont lieu des sauts d’entretien
libération nationale (FLN) manifesta très mobile refusant le combat quand qui s’avèrent obligatoires pour per-
pour la première fois son existence en il se sait en infériorité, s’avèrent des cevoir la “solde à l’air”. Ces sauts, qui
commettant des d’attentats en plusieurs
endroits du territoire algérien, à facteurs défavorables à l’organisation ont principalement lieu depuis des
fréquente d’opérations aéroportées “Noratlas” à compter de 1956-1957,


l’époque sous administration française.
DR/COLL. HARALAMBON

Une fois à terre, ce parachutiste,


qui vient de réaliser un saut d’entretien,
doit récupérer son parachute qui sera
par la suite reconditionné par
des équipes ad hoc.

25
NORD 2501 “NORATLAS”

sont évidemment l’occasion pour les


paras et les équipages de se réappro-
prier les habitudes et les procédures
spécifiques au largage sur l’appareil.
À l’automne 1955, le départ des
parachutistes d’Extrême-Orient
s’accélère et les effectifs en Algérie
ne cessent de croître, d’autant que
désormais les hommes du contingent
sont intégrés dans les unités envoyées
en Afrique du Nord, certaines com-
prenant plus de 70 % d’appelés. Si, à
leur apogée en Indochine, les para-
chutistes formaient dix bataillons, ce Saut d’exercice
sont, à l’été 1956, dix régiments ré- pour ces paras
partis dans deux divisions parachu- du 1er RCP
tistes (les 10e et 25e DP, 10 000 hommes au lendemain
chacune) qui sont déployées en de Suez.
DR/COLL. PAUL VILLATOUX
Algérie avec des moyens qui leur sont
propres (appuis d’artillerie et avia- malades couchés sur leur brancard sure des lignes régulières au Sahara,
tion, bases aéroportées, service de vers les hôpitaux métropolitains ; de l’ET 3/61 Poitou qui mène des
santé, génie, transmissions…). Toutes ravitaillait en légumes frais et liquides missions à caractère particulier, du
les unités opérationnelles se trouvent divers les bases les plus lointaines du GT 2/63 Sénégal qui assure des mis-
ainsi en Afrique du Nord et ne restent sud ; tournait pendant 7 heures, de sions en Afrique de l’Ouest et au
en métropole que les centres d’ins- nuit, au-dessus des “barrages” fron- Maroc, de l’ET 1/61 Touraine, engagé
truction chargés d’assurer la relève, taliers pour les éclairer à l’aide de sur Suez, et enfin de l’escadrille de
dont l’Etap de Pau où le “Noratlas” bombes lucioles, larguait des para- liaison aérienne 56 Vaucluse ratta-
fait son apparition en 1957. chutistes à Bizerte, puis s’y posait chée aux services spéciaux français,
Les unités aériennes chargées de sous les obus et transportait même ces et qui emprunte des Nord aux autres
convoyer ces parachutistes sont, elles demoiselles des “BMC” [bordel mili- unités pour un temps déterminé.
aussi, en pleine période de transfor- taire de campagne] en route vers
mation sur “Noratlas”. Outre l’An- d’autres soulagements…” L’Algérie entre
jou, dont les Nord gagnent Blida en Ponctuellement, d’autres unités
juin 1955, le GT 1/62 Algérie reçoit équipées interviennent dans les opé-
ombre et lumière
ses “Grises” entre novembre 1955 et rations en Algérie, ou à proximité de Rares en Algérie, les sauts de
mars 1956 sur son terrain de Maison- manière officielle ou clandestine guerre, bien que généralement de
Blanche, près d’Alger, où stationne (Maroc, Tunisie, Égypte, Mali, faible amplitude – à deux exceptions
également le GT 3/62 Sahara créé le Mauritanie, Sénégal) : il s’agit, pour près –, sont vécus avec intensité, aussi
15 mars 1956, qui ne perçoit ses pre- l’essentiel, de l’ET 1/64 Béarn à bien pour les équipages de “Noratlas”
miers “Noratlas” qu’en octobre 1958. compter d’avril 1960, de l’ET 1/63 que pour les troupes larguées depuis
Ces trois unités homogènes, regrou- Bretagne qui opère en Afrique noire, leurs portes latérales. Tassés dans la
pées à compter de juillet 1955 au sein de l’ET 2/61 Franche Comté qui as- soute avant la “libération” que consti-
d’un sous-groupement des moyens
militaires de transport aérien Parachutistes
(S/ GMMTA), constituent alors le du 1er RCP
cœur du dispositif de transport tra- embarquant dans
un Nord 2501
vaillant au profit des troupes aéro-
pour un saut
portées en Algérie.
d’entretien en
Algérie, en 1956.
Des chameaux ou
des officiers supérieurs
Jean-Claude Noguellou, radio
sur les Nord du groupe Sahara, té-
moigne dans ses mémoires de la va-
riété des missions confiées alors aux
équipages : “C’était un avion jeune et
fringant qui transportait tout ce que
l’on peut imaginer, depuis des cha-
meaux jusqu’à des officiers supé-
rieurs ; parachutait sur les zones es-
carpées et réduites des postes isolés le
casse-croûte, le “biberon” et le cour-
rier tant attendu ; tirait au décollage,
par des températures de 50 °C, des
charges fort respectables ; traversait
orages et vents de sable sans varier
d’un degré au cap ; emmenait par-
delà la Méditerranée 30 blessés ou
DR/COLL. PAUL VILLATOUX

26
tue le saut, les parachutistes sont lour-
dement chargés : deux parachutes,
ventral et dorsal, armes et munitions
prenant parfois place dans un leg-bag
(sac attaché au harnais), un peu de
change dans la musette, une trousse
Ces parachutistes
de toilette, des rations pour deux de la
jours, le casque lourd… Il n’est pas 4e compagnie
rare qu’un parachutiste dépasse les du 3e RPC, assis
120 kg avant l’embarquement. épaule contre
Celui-ci se fait soit par la porte de épaule, vont être
droite, soit par celle de gauche, et peut largués dans
d’ailleurs prendre un certain temps quelques instants
dans la mesure où il répond à des pro- à la verticale
cédures strictes. Après le “pipi de la des combats
peur” pour arroser le talus et la distri- de Timimoun,
bution des parachutes, des faisceaux participant
sont formés, en colonne, composant ainsi à l’un des
un alignement d’armes, de musettes, rares sauts OPS
de sacs, de gaines TAP [troupes aéro- (opérationnels)
portées], de caisses de munitions… de la guerre
Au signal du chef largueur, les d’Algérie.
DR/COLL. BRUSCHI
hommes s’équipent en dorsal comme
en ventral et les dernières consignes ment retirées afin de faciliter le saut. 1 200 m. Arrivés au sol, les hommes
sont promulguées, en même temps Une fois en l’air, le parachutiste n’a défont leur harnachement et brassent
que la fixation du casque et des guère le temps d’apprécier le pay- la voilure que d’autres viendront
sangles (“croisées entre les jambes et sage, les largages en SOA se faisant récupérer. Dans le cas où l’ordre de
fixées à la barrette derrière le ventral” à une altitude comprise entre 300 et partir immédiatement à l’assaut est
témoigne Michel Sonjon) est contrô- 180 m tandis que les sauts “comman- donné, les paras sont tenus d’aban-
lée. Le nombre d’hommes embar- dés” – le parachutiste commande donner aussi sacs et musettes.
qués varie en fonction de la place lui-même l’ouverture – ont lieu à des À différentes reprises au cours du
prise par les équipements, mais on altitudes comprises entre 4 000 et conflit, les parachutistes sont placés
compte généralement deux sticks en alerte, généralement dans le cadre
(groupes de combat chez les para- d’une “réserve aéroportée” suscep-
chutistes) par avion (une trentaine
de paras), certains hommes pouvant “ De nombreuses tible d’intervenir aussi bien sur le ter-
ritoire algérien que sur ceux du Maroc
prendre place directement sur le
plancher de la soute, le dos appuyé
opérations ponctuelles ou de Tunisie. L’attente est souvent
interminable pour les hommes qui
contre la cabine de pilotage, faute de
banquette libre. (…), menées notamment attendent de passer à l’action et dont
l’espoir est souvent déçu à la levée de
Le vol s’effectue, le plus souvent,
sans les portes latérales préalable- au profit du 11e Choc ” l’alerte, parfois plusieurs jours après
le déclenchement de celle-ci.

27
NORD 2501 “NORATLAS”

Les premières opérations aéro-


portées attestées en Algérie ont lieu
au printemps 1956 et consistent au
largage de deux compagnies du
1er régiment étranger de parachu-
tistes (REP) sur Djeurf dans les
Aurès, les 6 et 7 avril, ainsi qu’à
celui de 245 légionnaires de la
même unité à Chellala dans le Sud
algérois (opération 125) depuis sept
Nord 2501, le 18 mai – le saut est
fi nalement annulé au dernier mo-
ment à cause du vent sur la zone
prévue. Le 9 juin 1956, sept autres
“Noratlas” procèdent au parachu-
tage de trois compagnies du 1er REP
à Guentis, dans les Aurès, tandis
que deux jours plus tard, deux com-
pagnies du 2e REP sautent depuis
quatre Nord 2501 dans le secteur de
Tamentout (opération Rivoli). Le
22 juin 1956, trois compagnies de la
même unité sautent dans la région
DR/COLL. PAUL VILLATOUX
de douar Tamza, dans les Aurès. Embarquement
e
D’une manière générale, ces actions dans le ticipé à de nombreuses opérations effet la 10 DP du gén. Massu, ras-
s’avèrent délicates en raison du ca- “Noratlas” aéroportées ponctuelles, mais ina- semblée sur l’île de Chypre, à
ractère desséché et caillouteux du pour ces paras vouées, menées notamment au pro- Tymbou, dans la plaine de Nicosie,
sol algérien – loin du moelleux des du 2e RPIMa fit du 11e Choc, dans le cadre de qui doit constituer le fer de lance de
rizières d’Indochine –, facteur d’ac- lors d’un saut parachutages de commandos ne la phase aéroportée de cette vaste
cidents, pour des résultats jugés d’entretien dépassant généralement pas une opération anglo-française avec trois
insatisfaisants. à Blida. vingtaine d’hommes, et ayant par- régiments d’élite : les 2e et 3e régi-
Il faut attendre le 22 mars 1957 fois pour cadre des territoires fron- ments de parachutistes coloniaux et
pour qu’un nouveau saut opération- taliers de l’Algérie (Tunisie, Libye, le 1er régiment de chasseurs parachu-
nel soit organisé en Algérie avec le peut-être Mali…). tistes, aérotransportés depuis Alger.
parachutage de deux batteries du Le choix du saut initial se porte sur
20e groupe d’artillerie parachutiste Un stick de L’assaut aéroporté le 2e RPC, constitué à 75 % d’appelés
(GAP) appartenant à la 10e DP au parachutistes du contingent, les deux autres régi-
sud de Boghari, dans l’Ouarsenis. Le embarque dans sur Port-Saïd ments étant prévus pour renforcer
18 juin suivant, dans le cadre de un Nord 2051. En marge du conflit algérien, les premiers éléments, en fonction de
l’opération D3 visant à nettoyer le Ils sont dotés l’affaire de Suez, à l’automne 1956, l’évolution de la situation.
massif de Beni Melloul, sept “Nor- du parachute constitue un épisode particulier au L’opération, prévue pour le 5 no-
atlas” parachutent deux compagnies TAP 660 qui cours duquel les troupes aéroportées vembre au matin et baptisée
du 9e régiment de chasseurs parachu- équipe alors françaises et les équipages de “Nor- Télescope, prévoit d’effectuer le lar-
les unités
tistes (RCP), le reste du régiment atlas” ont une occasion unique de gage de la moitié du régiment (soit
aéroportées
étant héliporté. démontrer leur savoir-faire. C’est en 487 hommes) et une “centaine” du
françaises.
Toutefois, l’opération la plus
spectaculaire – mais aussi la der-
nière du genre – a pour cadre les
confins sahariens de l’oasis de
Timimoun, un secteur d’importants
gisements pétroliers. Le 21 no-
vembre, trois “Noratlas” larguent
une compagnie du 3e régiment de
parachutistes coloniaux (RPC) du
lieutenant-colonel Bigeard à 180 m
d’altitude, sans parachute ventral.
Les 3 et 7 décembre, deux autres
compagnies sont à leur tour para-
chutées, pour un bilan d’ensemble
jugé extrêmement positif. À dire
vrai, les dunes de sable du Sahara se
révèlent particulièrement bien adap-
tées à ce type d’entreprise.
Pour autant, dans le reste de
l’Algérie, les parachutages sont, à
compter de début 1958, délaissés au
profit des héliportages, plus flexibles.
Il n’en reste pas moins que le
Nord 2501 a très certainement par-
DR/COLL. PAUL VILLATOUX

28
DR
Largage
11e Choc (l’équivalent d’une compa- de paras depuis qui présente le double intérêt de limi- Blanche ou de Blida, avec armes,
gnie) au sud de Port-Saïd (groupe- un “Noratlas” ter le temps de descente sous voile, munitions et équipements complets,
ment Est), l’autre moitié du 2e RPC dans le ciel donc l’exposition aux tirs égyptiens, les formations de paras désignées
(524 hommes) devant sauter en dé- d’Algérie, et de réduire les risques de dérive. pour y participer.”
but d’après-midi sur Port-Fouad, au début des Cet assaut aéroporté est alors
situé sur l’autre rive du canal (grou- années 1960. loin de constituer une affaire consi- Le ventral conservé, mais
pement Ouest). Quelque 40 dérée comme allant de soi, notam-
Nord 2501 de transport, issus non ment en raison du manque d’entraî-
inutile à cette altitude…
seulement du S/GMMTA, mais nement et de pratique depuis Le plan se déroule comme prévu.
aussi des escadrons 1/61, 3/61 et 2/63, l’Indochine. Le gén. Barthélémy Le 2e RPC est rassemblé au camp X
ont été rassemblés à Tymbou, au rapporte ainsi : “Le transport a dû à 00 h 30, le 5 novembre, avec armes
plus près des parachutistes. Pourvus se réentraîner au travail avec les et munitions, et prend dans l’obscu-
de plaques de blindage, ils portent Déchargement paras. En effet, en 1956, aucun exer- rité le chemin de l’aérodrome de
tous le marquage de reconnaissance de véhicules cice aéroporté à l’échelon du batail- Tymbou à bord des camions GMC.
comprenant trois bandes jaunes et à Chypre lon parachutiste n’a eu lieu depuis La perception des parachutes s’effec-
deux bandes noires alternées peint depuis un 2 ans. C’est pourquoi, dans les tue vers 1 h 30 puis, à 3 h 30, c’est
sur les ailes et le fuselage. Nord 2501 en 2 mois qui ont précédé le déclenche- l’embarquement dans les appareils.
octobre 1956,
Décision est prise de larguer les ment de l’opération, des Nord 2501 16 Nord 2501 appartenant aux esca-
dans
hommes à 150 m, faible altitude du S/ GMMTA ont été mis à la dis- drons Touraine et Poitou trans-
le cadre
– 30 m en dessous de la limite – qui ne position de la 10e DP pour faire sau- portent le personnel et quatre autres
de l’opération
pardonne aucune défaillance, mais sur Suez.
ter “à tour de bras”, de Maison- embarquent le matériel lourd (Jeep,
artillerie, mortiers, etc.), ces derniers
chargés chacun à 3,8 t. Les visages
sont graves sous le casque et la ten-
sion est à son comble lorsque les
hommes reçoivent l’ordre de s’équi-
per. Écrasés par le poids des para-
chutes – le ventral a été conservé
pour des raisons psychologiques bien
qu’inutile à cette altitude – et encom-
brés par leurs gaines, certains para-
chutistes ont même du mal à se mou-
voir. À 4 h 40, les Nord 2501
transportant chacun 30 parachu-
tistes et deux largueurs s’arrachent
l’un après l’autre du sol et se mettent
en formation avec intervalle à 8 se-
condes, cap au Sud.
Les différentes opérations de lar-
gage se déroulent globalement sans
histoire, les coupoles se déployant
sous les tirs nourris des armes auto-
matiques adverses. Seule perte à
déplorer, le sergent Bellon tué avant
même de toucher le sol. On relève

DR/COLL. SALBERT

29
NORD 2501 “NORATLAS”

également deux refus de saut – ces


deux parachutistes sauteront finale-
“ Salves d’accueil et lui mets la main sur l’épaule. Il est
mort, tué en l’air. Ce para était le
ment avec leurs camarades du grou- sergent Bellon ; il nous avait rejoints
pement Ouest l’après-midi même.
Surpris par la rapidité de la descente
nourries, armes de tous quelques jours avant le départ pour
Chypre. Je continue ma progression
et manquant d’expérience, beaucoup
de paras n’ont pas le temps de lar-
calibres ; déjà des blessés et, au fur et à mesure, je retrouve les
gens de ma section. On se rapproche
guer correctement leurs leg-bags.
Une partie du matériel et de l’arme- et un mort en l’air ” de notre objectif, le fameux pont ; les
obus de mortiers éclatent un peu trop
ment est ainsi perdue ou détériorée, près à mon goût. Les avions de chasse
mais quelques secondes plus tard, pont, l’objectif est vital, car c’est le tirent au canon et lâchent quelques
c’est le rude contact avec le sol. seul accès routier à Port-Saïd. roquettes ; cela nous permet de pro-
P lusieurs parachutistes se Déjà, la proche banlieue de cette gresser plus vite vers l’objectif. Quand
“cassent” à l’atterrissage et le regrou- cité de 150 000 habitants est en vue. nous ne sommes plus qu’à une cen-
pement des sections se déroule dans La DCA égyptienne nous tire des- taine de mètres du pont, les Égyptiens
un certain désordre, tandis que les sus ; les petits nuages noirs des explo- partent en courant, abandonnant
balles claquent et qu’éclatent les pre- sions font tanguer l’avion et nous mortiers, mitrailleuses et fusils-mi-
miers obus de mortiers sur la DZ avec. Chapeau le pilote ! Comme à trailleurs. Le pont est pris dans la
parsemée de tas de sable dragué l’exercice, il garde l’axe du largage foulée, “intact”. Il n’est pas encore
dans le canal, qui sont autant d’abris impeccable. Il est 7 h 30 : la lumière 9 heures du matin.”
naturels providentiels. verte s’allume, le klaxon retentit à la
Marc Domarchi, parachutiste à vitesse d’un TGV, mais quand même, Le saut
la 1re compagnie du 2e RPC, se sou- en bon ordre, les deux sticks bon-
vient de ces moments particulière- dissent par les deux portes dans le
sur Port-Fouad
ment intenses comme s’ils s’étaient vide. Salves d’accueil très nourries, Le groupement Ouest, en ce qui
passés hier : “7 h 15 : Dans quelques armes de tous calibres ; déjà quelques le concerne, quitte à son tour le
minutes, c’est le saut. Assis sur la blessés et un mort en l’air. camp X afin de rejoindre l’aéro-
banquette du Nord 2501, comme une Largués à 150 m d’altitude, 17 se- drome de Tymbou à 8 h 30. À l’en-
trentaine de paras, on se regarde, on condes de descente qui me paraissent trée, les largueurs identifiés par de
échange des clins d’œil, mais ça co- une éternité. Atterrissage sur le rem- larges numéros sur la poitrine et
gite dur sous le casque lourd. Nous blai de la voie de chemin de fer, dégra- dans le dos sautent sur les marche-
sommes presque tous des appelés de fage du parachute abandonné sur pieds des GMC. Ils guident les
la classe 55/2B, en Algérie depuis un place, repérage des copains et gradés conducteurs jusqu’à l’alignement
an. Le djebel, le crapahut [marche Embarquement de ma section et on fonce vers l’objec- parfait des Nord 2501 qui attendent
en terrain de combat, NDLR], les des tif malgré les tirs violents des mitrail- leur cargaison humaine et sous les
accrochages, les morts, les blessés, parachutistes leuses quadruples installées autour ailes desquels les parachutes sont
tout cela on connaît. Mais, à cet ins- du 2e RPC du pont. En cours de progression, je soigneusement rangés en faisceaux.
tant précis, c’est le passage de la por- en milieu vois un para de ma compagnie Les hommes et leur matériel em-
tière, le saut vers l’inconnu ; bien sûr de journée étendu, face contre terre, parachute barquent en fin de matinée à 36 par
du 5 novembre
nous connaissons notre objectif : la non dégrafé. Je l’appelle ; pas de ré- appareil dans les 19 “Noratlas”
1956 à
1re compagnie a pour mission de ponse ! Tout en restant courbé, car ça – dont cinq de matériel lourd – qui
destination
prendre et de conserver intact un tire toujours très fort, je m’approche atteignent ainsi leur capacité maxi-
DR/COLL. BÉHAR
de Port-Fouad.
Parachutage du matériel lourd
du Groupement Ouest sur la DZ
de Port-Saïd le 5 novembre 1956
au matin.

DR/COLL. PAUL VILLATOUX

male. À 12 h 30, conformément au ramener à bord sans succès. À l’issue 7 novembre pour des raisons poli-
plan établi, les avions décollent en de longues minutes d’angoisse, il tiques et diplomatiques, cette opéra-
direction de Port-Fouad. À 15 h 15, parvient enfin à se libérer et à utiliser tion aéroportée fait l’objet d’un dé-
ils survolent leur objectif et les paras son parachute ventral de secours. briefi ng complet qui met en avant
s’élancent au-dessus de la zone de Porté disparu après avoir été aperçu Antenne l’excellence de sa préparation et de
saut depuis une hauteur de 150 m. en vie par les aviateurs non loin du mobile son exécution, au-delà des prévisions
Après le bruit assourdissant des rivage, son corps sera retrouvé le chirurgicale les plus optimistes. Moins de dix ans
de la 10e DP
moteurs, c’est le silence du ciel. 11 novembre 1956 sur la lagune, dé- après le constat morose de 1947, dans
embarquée sur
Incident rarissime, le parachutiste lesté de ses équipements, sans bles- lequel le commandement déplorait
un “Noratlas”
Gabrielli reste accroché à l’avion sure apparente. une instruction parachutiste insuffi-
lors
sans doute à cause d’une mauvaise Si l’action des parachutistes est
de l’opération
sante en raison de moyens aériens
sortie. Les largueurs tentent de le stoppée nette dans son élan dès le sur Suez.
surannés et trop peu nombreux,
DR l’armée française fait ainsi la preuve
de sa capacité à mettre en œuvre des
moyens aéroportés à une grande
échelle, principalement grâce au
développement d’un appareil, le
“Noratlas”, dont la disponibilité s’est
révélée remarquable.
Tirant les leçons fi nales de cet
épisode, le gén. Barthélémy constate
ainsi : “Jusqu’à Suez, les étrangers,
et particulièrement les Anglais,
avaient tendance à nous juger
comme des minus, contraints d’avoir
recours pour notre équipement à des
matériels étrangers et vétustes, dont
le trop célèbre Junkers 52, universel
objet de risée, qui a sillonné pendant
des années les routes d’Afrique et
d’Extrême-Orient, sans rechanges,
sans support technique, ne vivant
que d’expédients et de mendicité…
Suez a été un choc : la révélation de
la qualité de notre industrie aéro-
nautique et de la valeur de nos équi-
pages, en un mot, de la renaissance
de l’aviation française.” ■
À suivre
31
ANNIVERSAIRE
25 février 1963,
premier vol du “Transall”
L’alliance franco-
allemande décolle

AIRBUS HERITAGE

L
a succession du “Noratlas”
Allemands et Français s’entendent à la fin s’ouvre en France à partir de
des années 1950 pour concevoir en commun 1956. Sa fabrication bat son
plein ; c’est un succès com-
un avion de transport. Les pressions politiques mercial pour Nord-Aviation.
Que faire après ? L’armée de l’Air
et industrielles rendent le projet difficile à mener. s’intéresse plutôt à un avion-cargo
Son premier vol marque une étape décisive. stratégique, afin de relier la métro-
pole aux colonies. Au même mo-
Par Alexis Rocher ment, les Allemands se penchent sur
32
Le premier
prototype du
C160 “Transall”
avec le Nord 262
en arrière-plan
– 160 pour
la surface
de son aile.

un appareil assez similaire, mais maritime (futur “Atlantic”). Au Chez Nord-Aviation, l’étude d’un
plutôt à vocation tactique. Ils printemps 1958, Allemagne, Italie successeur au “Noratlas” commence.
construisent sous licence le et France s’entendent sur un cahier Un ingénieur du bureau d’études
“Noratlas” ; le futur avion est l’occa- des charges concernant un avion- raconte dans l’excellente publication
sion de relancer leur industrie aéro- cargo capable de transporter 8 t sur Mémoire d’usine : “L’étude de cet
nautique qui renaît tout juste. 4 500 km en atterrissant sur une avion-cargo s’est avérée difficile. J’en
L’heure est à la coopération. piste de 600 m, et d’effectuer un al- conserverai un assez mauvais souve-
L’Otan promeut en effet des pro- ler-retour sur 1 200 km en utilisant nir. Pendant deux ans on a cafouillé
grammes en commun, notamment une piste sommairement aménagée à chercher comment faire cet avion.
pour lancer un avion de patrouille d’également 600 m. Pourtant il y avait le “Hercules”

33
PREMIER VOL DU “TRANSALL”

AIRBUS HERITAGE
Les deux
comme modèle. Mais je n’arrivais pas le coup pour notre nouveau cargo, premiers nouveau l’impasse. Alors j’ai dit à
à avoir un avion qui se tienne. c’est vital pour notre plan de charge “Transall” Bonte qu’il avait mal misé avec son
Heureusement on a eu une petite et les possibilités de notre armée de sont présentés garçon et je l’ai convaincu qu’il fallait
éclaircie. On a dû faire le projet d’un l’Air sont limitées.” au Salon non pas passer par leur ministère,
avion de surveillance maritime – le Un ingénieur militaire détailla du Bourget mais par les industriels allemands,
projet dérive du [Nord] 2500 – avec plus tard dans Un demi-siècle d’aéro- de 1963. pour les convaincre que leur renou-
tous les équipements dans une grande nautique en France, publié en 2007, Le premier veau dans le domaine des fabrica-
salle de travail. Mais au lieu d’un la difficulté des négociations : « Notre avait été tions de série devait avoir une suite.
avion bipoutre, j’ai cherché une autre plan de charge était dans une im- assemblé C’était ça l’idée de base ! Leur propo-
solution bilobée : lobe cabine et lobe passe dont il fallait absolument sor- en France, le ser la suite, mais en les impliquant
soute indépendants, section moins tir. C’est pour cela que je suis allé voir second réellement en tant que véritables par-
importante et une aile au milieu. Louis Bonte, directeur de la DTI en Allemagne. tenaires. J’ai dit à Bonte : “Laisse-
Tout de suite on a fait une ma- (Direction technique et industrielle), moi faire. Qu’est-ce que je risque ! ?”
quette, et notre projet a été retenu. pour lui proposer de convaincre à Il m’a donné carte blanche.
Finalement il a été donné à Breguet, nouveau les Allemands de s’y inté- J’ai alors pris le train pour aller
qui présentait des solutions origi- resser. Pour nous il fallait sauver dire aux industriels allemands que le
nales en structure “nida” (nid l’avion en doublant les commandes. projet Calvy était à leur portée, non
d’abeille). Mais ça nous a redonné Pourquoi est-ce que l’on ne leur de- pas comme licence mais comme pro-
de la confiance pour ce “Transall”. manderait pas s’ils ont vraiment sou- jet en coopération. J’ai vu Blohm,
C’était la même voilure, le même pesé le problème du successeur du Pohlmann, et le professeur Blüme.
tonnage, les mêmes moteurs.” “Noratlas”, premier avion fabriqué
en série par les Allemands grâce à
L’importance une licence française ?
Il a alors envoyé un de ses ingé-
d’une coopération nieurs, charmant garçon au demeu- Les projets
Nord-Aviation travaille sur le rant, mais qui n’était pas du tout fait
projet C40 (lire encadré ci-contre). pour une négociation de ce genre. Il de “Transall”
Jean Calvy, directeur du bureau est revenu bredouille. Il était allé ta- En juin 1958 la fiche programme pour
d’études du constructeur, souligne per à la porte de ses homologues, au un avion de transport destiné à équiper
en 1966 dans Air & Cosmos l’impor- ministère de l’Air allemand, qui lui l’Allemagne, la France et l’Italie suscita
tance de la coopération : “Le déve- avaient dit qu’ils n’étaient toujours l’intérêt des bureaux d’études.
loppement de nouveaux types pas intéressés du fait de leurs Les Allemands de Hamburger Flugzeugbau
d’avions devient de plus en plus coû- contraintes budgétaires. C’était à et Weser Flugzeugbau alignèrent des
teux et, lorsqu’on observe l’évolution projets, de même que Nord-Aviation en
de l’aéronautique, on constate qu’au- France avec le C40. Sud-Aviation proposa
cun pays de la taille des pays euro-
péens ne pourra dans un proche “ Il faut être ferme, entre autres le SA 84M, quadrimoteur
assez proche de ses concurrents.
avenir se permettre d’être indépen-
dant dans ce domaine. La coopéra-
il faut être clair (…). Sud-Aviation s’associa finalement
avec Hurel-Dubois sur le SA HD 120.
tion s’impose donc… Et pour nous,
le partenaire désigné par la nature, Mais ne dépassez jamais Ce fut le C40 de Nord qui l’emporta.

c’est la République fédérale d’Alle-


magne. Nous devons les mettre dans la limite élastique ”
34
DR/COLL. JACQUES GUILLEM
Le premier
Les Allemands sont tout d’abord d’Airbus. L’ingénieur militaire Felix Kracht se rend à Brême et “Transall”
surpris car ils n’avaient pas le droit poursuit : “Comme j’étais tombé à Hambourg, avec les directives de en septembre
de développer des avions et on leur sur un consortium allemand et que Noël Daum, directeur technique de 1966,
faisait faire un pas en avant. Mais les discussions étaient devenues Nord-Aviation : “C’est inévitable, il désormais
effectivement ils cherchaient bien à difficiles pour moi, à force de parler faut y aller. La coopération sera immatriculé
remettre le pied à l’étrier pour faire avec plusieurs interlocuteurs j’ai de nécessaire. Mais à une condition, F-WWV à la
repartir leurs industries. J’ai dit alors nouveau fait appel à Felix Kracht, Kracht : il est de notre intérêt de coo- place de son
à Blohm que la balle était dans leur ancien de l’Arsenal de l’aéronau- pérer avec des industries technique- immatriculation
camp et qu’ils devaient aller voir tique ayant rejoint Nord-Aviation, ment et économiquement saines et allemande
leurs militaires pour essayer de les qui avait déjà pris contact avec les solvables… Et si elles ne le sont pas (D-9507) qu’il
convaincre. “À vous d’aller persua- industriels allemands, pour me ser- aujourd’hui, il est de notre intérêt de portait lors
der votre ministère !” » vir d’intermédiaire et d’interprète. les amener à être compétentes et de ses premiers
Il ne porte pas, comme tous les solvables. Votre siège Kracht, est, et vols.
L’intervention autres industriels de l’aéronautique, restera à Châtillon. Nous sommes
l ’e s t a m p i l l e i n f a m a n t e d u les partenaires contractuels des in-
d’un personnage clef IIIe Reich. C’est un homme neuf, dustries du Nord de l’Allemagne.
Entre alors en scène un person- ambitieux, dont le regard est tourné Vous serez mon représentant auprès
nage important dans l’histoire aé- vers les nouvelles perspectives euro- d’elles. Il faut être ferme, il faut être
ronautique européenne : Felix péennes, telles qu’elles ont été défi - clair, mais je vous mets en garde, ne
Kracht, un des futurs dirigeants nies dès 1950 par Robert Schuman.” dépassez jamais la limite élastique.”

Le SA 84M, un peu plus petit que le “Transall”,


mesurait sur le papier 28,5 m de long
pour une envergure de 36,8 m.

AIRITAGE

35
PREMIER VOL DU “TRANSALL”

Les négociations sont difficiles, pour le chasseur Lockheed F-104G


mais les industriels allemands fi- “Starfighter”, et son constructeur
nissent par convaincre les respon- entend placer également son avion Le triomphe tardif du “Hercules”
sables militaires et politiques de leur de transport. Les pressions sont Avant même son premier vol, le “Transall” fit face au Lockheed
pays de l’intérêt d’une coopération d’ordre politiques, mais aussi indus- C-130 “Hercules”. Ce dernier fit son premier vol le 23 août 1954
avec la France. trielles. Nord-Aviation souligne (lire Le Fana de l’Aviation n° 537). À la fin de l’année 1956,
Le 15 décembre 1958, les gouver- ainsi la participation à hauteur de il commença à doter les unités de l’US Air Force. L’Australie,
nements allemands et français offi- 43 % de l’américain United Aircraft le Canada et le Royaume-Uni passèrent commande, avant
cialisent leur accord. L’Italie se retire dans Weser Flugzeugbau… Henri que l’avion ne devienne un grand classique parmi les forces
du programme. Fin janvier 1959 les Desbruères, PDg de la Snecma et aériennes occidentales. La France s’y intéressa une première
industriels se réunissent à Bonn et administrateur de Nord-Aviation, fois à la fin des années 1950, avant finalement d’opter
portent sur les fronts baptismaux déclare lors du conseil du 22 avril pour une coopération avec l’Allemagne autour du “Transall”.
“Transall” – contraction de Trans- 1959 : “La présence de United Le “Hercules” fut finalement commandé par la France en 1987
porter Allianz. Le projet prend la Aircraft orientera le choix des inté- avec 14 C-130H, puis de nouveau en 2016 avec quatre C-130J
désignation de C160, C pour cargo, ressés vers des moteurs Pratt & de nouvelle génération, cette fois-ci pour former une unité
160 (m2) pour sa surface alaire. Whitney qui pourraient, le cas commune avec l’Allemagne, qui finit par acheter six C-130J
S ont ainsi regroupés Nord- échéant, être fabriqués par la “Hercules” en 2018.
Aviation, Hamburger Flugzeugbau Snecma.” Le “Tyne” est produit
à Hambourg-Finken- OCKHEED
L sous licence par
werder, le bu- Hispano-Suiza ;
reau d’études Desbruères négo- Publicité pour ment lors des négociations : “Explo-
du professeur cie alors avec le Lockheed sion de joie ! Quelle n’a pas été ma
Blume et Weser Pratt & Whitney C-130 “Hercules” surprise lorsque Calvy et son équipe
Flugzeugbau à pour fabriquer publiée m’ont répondu qu’ils voulaient
Brême. En tant sous licence des dans la presse m’embrasser !
que primus in- réacteurs mili- française – Nous sommes soulagés me
ter pares (pre- taires et mettre en 1963 ; le disent-ils ! Tant mieux ! Ils veulent le
mier parmi les ainsi en avant la constructeur fuselage ? Mais qu’ils le gardent ! Les
pairs), cette der- Snecma. américain menait Allemands vont se payer les états-
nière prend la Lockheed alors une grande majors, les discussions sans fi n, et
tête des études poursuit sa cam- campagne nous, nous ferons la partie décisive
qui fusionnent les pagne de pro- pour en doter de l’avion, ce qui lui permet d’être ce
projets français motion jusqu’au l’Allemagne qu’il sera : la voilure ! Car c’est elle
et allemands. 10 octobre et la France qui conditionne ses performances.
L’adhésion de 1963, quand le à la place Tout se joue dans la voilure, pour les
l’unanimité des Bundestag du “Transall”. charges d’emport, l’atterrissage court
participants est (parlement al- ou long, la vitesse de croisière, son
requise ; en cas de lemand) de- rayon d’action, etc.
différends, il est mande que le “Transall” et le Calvy voulait les parties nobles
prévu de faire appel à un arbitre “Hercules” soient évalués concur- du “Transall” !
néerlandais. Les ingénieurs se re- remment ; une façon de remettre en – OK, je lui ai dit, mais je vais
trouvent à Brême. cause l’achat du “Transall”. À la quand même négocier avec les
C’est à ce moment que le choix de même époque Lockheed fait circu- AIRBUS HERITAGE

la motorisation se porte sur la turbine ler le bruit selon lequel il est possible
“Tyne” du britannique Rolls-Royce. de monter la turbine “Tyne” à la
Elle a le mérite d’être déjà adoptée place de l’Allison T56 sur le C-130,
sur l’“Atlantic” et contribue égale- ce qui offre une tonalité européenne
ment à la dimension européenne du à son champion. Finalement, le gou-
projet. Le 1er décembre 1959, un vernement allemand opte pour le
contrat entre les gouvernements sur “Transall”, fermant la porte à
la phase d’étude offre au programme Lockheed. Dès mars 1960, malgré
de bonnes perspectives d’avenir. la concurrence du “Hercules”, la
fabrication de trois prototypes V1 à
“Transall” V3 (versuchsmuster, modèle d’essai)
est lancée. L e groupement
face à “Hercules” “Transall” dispose d’un comité di-
P ourtant à cette époque le recteur en charge des grandes orien-
“Transall” affronte la vive concur- tations et d’un bureau central qui
rence du Lockheed C-130 “Hercu- coordonne les travaux. Des groupes
les” américain (lire encadré ci-des- de travail réunissent ingénieurs alle-
sus). Ainsi en juillet 1959, en pleine mands et français, de même que des Le C160D 9525 (plus tard YA+052) a volé
négociation autour du “Transall”, militaires de deux pays. pour la première fois en août 1965.
l’un des administrateurs de Nord- La conception n’est pas simple à Ce fut l’un des premiers “Transall”
Aviation souligne au conseil d’admi- mener comme le souligne un respon- de série fabriqués en Allemagne.
nistration : “La menace est très sé- sable de Nord-Aviation alors qu’il
rieuse et le récent échec du explique à son bureau d’études la
“Mirage” III en Allemagne constitue façon dont se répartissent les tra-
un précédent fort inquiétant.” En vaux, notamment la conception du
1958, l’Allemagne a en effet opté fuselage que les Allemands récla-
36
Le Lockheed C-130A “Hercules”
DR/COLL. JACQUES GUILLEM est entré en service en 1956.

Allemands la perte du fuselage. Du senté une étude de train “Jockey” “On a pensé à un autre projet de
genre : “Nous sommes bien gentils, [adapté aux bosses et inégalités des train qui semble plus intéressant.
mais si vous insistez fort, on va voir !” pistes en herbe, NDLR] qui sem- – Ça ne nous intéresse pas. Nous
C’était passionnant ! Et puis la blait intéressant par certains côtés, tenons à avoir le marché. Les Alle-
partie était gagnée ! À partir de ce mais qui ne s’adaptait pas au projet mands sont maîtres d’œuvre. Votre
moment, la coopération ne pouvait que nous avions. truc est peut-être très bien, mais nous
être qu’une réussite.” En travaillant avec deux ingé- ne voulons rien savoir. Allez vous
nieurs de Nord-Aviation, spécia- rhabiller ! Nous conservons le projet
Le train d’atterrissage listes des problèmes de train, et établi par les Allemands.”
l’ingénieur de chez Messier, nous
Messier refusé… sommes arrivés à définir le train … puis finalement
Un ingénieur relate un autre d’atterrissage du “Transall” actuel,
épisode : “Le projet pour le train avec tous ses avantages pour un
accepté par les Allemands
d’atterrissage, dans le fuselage, avion tout terrain, à roues tirées [la Ensuite il y a eu à Châtillon la
était du côté allemand, réalisé par fourche qui maintient la roue est réunion de définition de l’avion, avec
Hambourg. En regardant ce projet, libre par rapport au pivot, la roue est les responsables des études et les ser-
j’avais trouvé que le train d’atter- libre en direction, NDLR], et aussi vices de contrôle officiels, et les ser-
rissage se présentait mal ; les points avec ses possibilités de raccorde- vices de l’armée. On a fait le tour de
d’accrochage ne correspondaient ment à la structure, pour l’introduc- tous les problèmes, et la question des
pas avec les points forts de la fabri- tion des efforts. Nous sommes allés gains est arrivée. Après la présenta-
cation du fuselage. Bref, c’était très chez Hispano, voir le directeur tech- tion du projet Hispano, le patron de
gênant. Messier nous avait pré- nique, en lui expliquant : Messier a dit :

37
PREMIER VOL DU “TRANSALL”

“Ce projet, je le trouve très bien, Février 1966 : les premiers


rien à reprocher. Je suis d’accord “Transall” sont en phase
pour l’accepter, à condition qu’on d’expérimentation
à Mont-de-Marsan avec
nous réserve quand même une part
des équipes franco-
de sous-traitance importante.”
allemandes.
L’ingénieur de chez Messier et
moi-même étions effondrés. Mais à
ce moment-là, le responsable des
études de Hambourg, le doktor
Toenis demande la parole :
“Je suis responsable du projet de
train correspondant à la définition
qu’on vient de nous présenter. Je ne
peux pas en dire du mal, mais je
trouve que techniquement le projet
Messier est supérieur, et je serai par-
tisan qu’il soit adopté”.
Ça a fait des remous ! Des per-
sonnes ont demandé à voir le projet
Messier ; il a été présenté et, finale-
AIRBUS HERITAGE
ment, adopté. À mon avis, peu de
gens auraient eu l’honnêteté de re-
connaître comme ça la supériorité de
“ Est venu le montage. exceptionnelle, a nécessité l’étude
d’un itinéraire et d’un horaire très
notre projet.” précis : dépose des lignes EDF et télé-
U n menuisier maquettiste,
M. Dauchez, décrit la suite des tra-
Entre les parties avant phoniques, élagage d’arbres et pré-
sence d’un important service d’ordre
vaux dans Mémoires d’usine :
“Quand on a commencé le “Tran-
et la partie centrale, ça pour traverser les villes. L’opération,
habituellement réservée à M. Ma-
sall”, nous, on était à peine au cou-
rant. Il s’appelait le C160 au départ. ne raboutait pas ! ” thieu, patron des services généraux
de l’usine, était confiée à un transpor-
On a fait une maquette au 1/50, en teur lyonnais.
“plein” : des tranches de bois assem- Le début du parcours confirme
blées, qu’on pouvait modifier. Les du premier des trois prototypes du les difficultés, et c’est en dehors de
gars du bureau d’études venaient à “Transall”, le V1, un moment qui illus- l’horaire prévu que le convoi s’est
l’atelier, sur l’établi, en nous amenant trait encore les difficultés de la coopé- préparé à traverser le pont de la ville
des croquis pour les modifications. ration technique entre ingénieurs fran- de Corbeil. À 18 heures, le service
Tac ! On recommençait. J’ai dû faire çais et allemands. Le premier “proto” d’ordre a quitté les emplacements
trois maquettes pleines comme ça ; la a été fait entièrement à Châtillon, les stratégiques ; l’itinéraire n’était plus
cellule, là pointe avant, ou l’ensemble. deux autres en Allemagne. Pour as- protégé. Les arguments du transpor-
sembler l’avion, on recevait des mor- teur ne pouvaient ébranler la déci-
Six ou huit bouquins ceaux de Hambourg et de Brême. sion du commissaire : opération à
Hambourg faisait la partie avant et la remettre au lendemain. Par ha-
avec des détails sur tout partie arrière, et Brême faisait la partie
La chose la plus importante pour centrale du fuselage. Quand on a tout
nous sur le “Transall”, c’était le stan- reçu ici, on a eu pas mal de surprises.
dard, un standard de conception On s’est aperçu qu’entre les parties
technologique. Six ou huit bouquins, avant et la partie centrale ça ne se ra-
avec des détails sur tout : le rivetage, boutait pas. Il y avait des différences
les tôles, les matériaux, les collages. d’arrivée de lisse contre lisse de plu-
Dès qu’on avait un problème, on sieurs centimètres ! Mais les
ouvrait le standard. Il n’existe plus Allemands ont récupéré ça rapide-
de standards comme ça. Ça avait ment. Pour ça ils sont forts. Ensuite
demandé un boulot formidable de la on a sorti le fuselage assemblé dans la
part des bureaux d’études. Un jour rue derrière.” Pour y parvenir, il faut
– on était sur la maquette en gran- casser quelques murs de l’usine…
deur réelle de l’aménagement de la
pointe avant – il y avait la réunion des Le transport épique
bureaux d’études et de la commission
franco-allemande ; ces réunions
du fuselage par la route
avaient toujours lieu le vendredi. Le fuselage prend ensuite la
Alors la commission passe et nous route des ateliers de Melun-Villa-
signale que le cadre 13 – la cloison roche pour l’assemblage définitif des
séparant le poste de pilotage de la voilures et du plan central.
soute – devait être reculé de 60 cm. M. Quinty, alors responsable de
Ça modifiait tout ! Et on nous a filé l’atelier mécanique de la piste de
ça le vendredi à midi ! C’était du tra- Villaroche, se souvient des débuts de
vail pour le samedi.” ce voyage épique : « Le transport de
Un ingénieur de Nord-Aviation la cellule s’est effectué sur une re-
raconte la suite : “Est venu le montage morque tractée. Ce convoi, de taille
DR/COLL. JACQUES GUILLEM

38
DR/COLL. JACQUES GUILLEM
Le premier
sard (!), Mathieu passe sur les lieux, premiers essais de roulement sont “Transall” donc pas rentrés. Au terme de 55 mi-
s’informe du stand-by et dit : “Je m’en effectués les 16 et 17 février 1963. au Bourget nutes de vol à une altitude maximale
occupe”. Le transporteur, incrédule, “Ils sont l’occasion d’effectuer en juin 1963. de 2 500 m, l’avion se pose sans pro-
prépare le bivouac nocturne du quelques sauts de puce”, rapporte Il avait volé blème. Pour la petite histoire, l’appa-
convoi, laissant entendre que son la presse de l’époque. pour la reil vole avec une immatriculation
expérience et ses relations… Trois première fois allemande (D-9507) puisqu’il ap-
quarts d’heure après, retour de Premier vol le 25 février. partient au gouvernement allemand.
Mathieu et à la cantonade : Le deuxième prototype est as-
“Allez les enfants, en route, on
sous la neige semblé en Allemagne à Lewerder,
passe. J’ai téléphoné au préfet ; les Dernier contrôle au sol le 24 fé- et vole pour la première fois le
voitures de police récupèrent les ef- vrier. Le lendemain la matinée se 24 mai 1963. Il est présenté avec le
fectifs à leur domicile personnel : top passe à procéder aux derniers ré- premier avion au Salon du Bourget
départ, 20 heures ! glages. L’après-midi Jean Lanvario de 1963. Le dernier prototype est
– Eh bien, celui-là, a commenté (pilote), Jean Caillard (ingénieur assemblé à Hambourg-Finken-
le transporteur lyonnais, il a le bras navigant), Lucion Goypieron et werder par HFB et vole pour la pre-
En 1963, le
long.” » Louis Bonfand, mécaniciens, em- mière fois le 19 février 1964. Dès lors
“Transall”
Le prototype est assemblé dans barquent à bord de l’avion qui dé- le “Transall” est lancé ; plus de
incarnait la
les ateliers de Melun-Villaroche, colle. La piste étant enneigée, marche arrière possible. Suivent les
coopération
puis il est pris en compte par l’équipe craint des dégâts provoqués avions de présérie, puis l’entrée en
aéronautique
l’équipe des essais en vol sous la par des projections de neige dans les entre la France
service à partir de 1967 (lire à ce
direction d’Henri Mangeot. Les logements des trains, qui ne sont et l’Allemagne. propos Planète Aéro n° 3). ■

39
REPORTAGE

Bell P-39Q “Airacobra” Old Crow


Éduquer, inspirer, honorer
Le leitmotiv de la Commemorative Air Force
depuis sa création en 1957 n’a jamais été aussi
bien concrétisé qu’avec le Bell P-39Q “Airacobra”
du Centex Wing de la CAF. Il a endossé une
nouvelle livrée pour honorer l’un des plus grands
as de l’USAAF durant la Deuxième Guerre mondiale,
qui vient de fêter ses 101 ans.
Par Xavier Méal

XAVIER MÉAL
Craig Hutain
aux commandes
du Bell P-39Q
du Centex Wing
de la CAF, non
loin d’Oshkosh,
en août
dernier.

41
BELL P-39Q OLD CROW

V
ous blaguez ? Tout le plai-
sir est pour moi, je suis
très honoré que vous vou-
liez faire ça, c’est très ex-
citant !” répond douce-
ment, en riant malicieusement
devant sa webcam, Clarence Emil
Anderson. C’était en mars 2022, lors
d’une vidéoconférence organisée
par le Centex [Central Texas] Wing
de la Commemorative Air Force ;
John P. Cyrier venait de faire sa de-
mande en direct, aussi ému qu’un
jeune homme demandant la main de
sa belle… tout député du Texas et
PDg d’une très grosse entreprise de
construction qu’il était.
Son projet pouvait officiellement
être lancé, et il lui fallait le gérer de
la façon la plus serrée possible pour
espérer le voir aboutir quelques se-
maines plus tard à Oshkosh, dans le
Wisconsin, lors de l’EAA AirVenture
2022, la grande messe annuelle de
l’Experimental Aircraft Association.

Du nom d’un bourbon


bon marché
Clarence Emil “Bud” Anderson
travaillait au Sacramento Air Depot,
sur la base qui allait prendre le nom
de McClellan Field, en Californie,
quand l’aviation japonaise attaqua
Pearl Harbor. Il avait alors 19 ans. Le
mois suivant, il s’engagea dans les US “Bud” Anderson devant
Army Air Forces. Il apprit à voler au son P-39 Old Crow et sa
sein du Primary Flight Training à Ford 1939 décapotable.
Lindbergh Field, à San Diego, puis
BUD ANDERSON
poursuivit avec l’Advanced Training
à Luke Field près de Phoenix, dans Squadron du 328th FG, d’abord à Hubbard, Bill O’Brien, Paul
l’Arizona. En septembre 1942, ayant Hamilton Field donc, puis à Oakland Devries et Ed Hiro, il fut transféré
reçu ses ailes de pilote et le grade de Municipal Airport, dans la baie de à Tonopah, dans le Nevada, pour
2nd lieutenant, “Bud” Anderson fut San Francisco. “Bud” intégrer le nouvellement créé
affecté au 328th Fighter Group à A lors qu’il n’était que depuis Anderson 363rd FS, qui n’allait pas tarder à
Hamilton Field, près de Novato en trois mois avec 328th FG, “Bud” fut (à droite) sur partir pour la Grande-Bretagne
l’aile de son
Californie – à trois heures de chez lui sélectionné pour constituer le cadre combattre la Luftwaffe avec le tout
P-39, avec à sa
par la route, aime-t-il préciser en sou- des officiers qui allaient diriger un nouveau chasseur P-51 “Mustang”
droite son chef
riant. Il apprit alors les rudiments du nouveau groupe de chasse, le de North American.
d’avion Otto
métier de pilote de chasse sur les Bell 357th FG. En mars 1943, avec ses Heino et son
À Tonopah, il pratiqua avec ses
P-39 “Airacobra” du 329th Fighter copains les lieutenants Lloyd assistant.
collègues le vol en formation, le tir,
BUD ANDERSON le bombardement en piqué et le
combat aérien, volant jusqu’à
100 heures par mois. Dans son auto-
biographie To Fly and Fight, “Bud”
Anderson décrit ainsi son pro-
gramme d’entraînement : “Tono-
pah, avec son champ de tir tentacu-
laire, était l’endroit où nous avons
perfectionné nos compétences en
matière de tir et de bombardement.
Parce que l’endroit était très isolé,
nous volions où nous voulions, sou-
vent au ras du pont, entre les cactus,
étreignant les collines de sable gris.
C’était bien de savoir comment faire
ça. Un jour, au combat, savoir épou-
ser les collines au plus près pourrait
être déterminant.”
d’un compresseur à un seul étage qui
n’en pouvait plus dès qu’on atteignait
15 000 pieds [4 572 m], alors que nos
“Mustang” disposaient d’un com-
presseur à deux étages. Et ce deu-
xième étage se déclenchait là où celui
du P-39 atteignait sa limite.
Son centre de gravité très en ar-
rière est ce qui a valu sa réputation au
P-39, poursuit Bud Anderson.
Comme me l’ont dit les pilotes d’essai
de Bell bien des années plus tard, cela
faisait qu’il déclenchait des “girations
post-décrochages très particulières.”
Le jeune lieutenant Anderson fut
plusieurs fois témoin de la façon dont
le P-39 pouvait être très venimeux,
surtout pour un pilote inexpéri-
menté. Ayant décollé d’Oakland,
“Bud” Anderson et un ailier avec
lequel il n’avait jamais volé aupara-
vant débutèrent la patrouille de sur-
veillance des côtes dont ils avaient été
chargés, au-dessus de la baie de San
Francisco. “Ce gars dans mon aile
venait juste d’être lâché sur P-39. J’ai
remarqué deux chasseurs de la Navy
juste au-dessus de nous. Il y avait pas
mal de Squadrons de la Navy dans la
région de la baie, donc je n’en ai pas
été surpris. Et il n’était pas inhabituel
qu’on se saute sur le paletot et qu’on
se fasse un petit combat aérien.
L es deux gars de la Navy ont
commencé à descendre vers nous. J’ai
agité mes ailes alternativement, pour
leur dire “Hé, c’est pas le moment de
venir nous ennuyer”. Mais peut-être
ont-ils compris : “Hé, on se fait un


Tout au long de son séjour, il ac- quelque chose à voir avec l’action
cueillit de nouveaux pilotes envoyés de boire… parce que c’est ce que
grossir les rangs de la nouvelle unité, nous faisions alors !, aime raconter
parmi lesquels un certain “Chuck” le vénérable as avec un petit sourire
Yeager. “Bud” Anderson obtint sa gourmand en coin. Tous mes com-
qualification de chef de pagnons de boisson
patrouille, pilotant des savent que j’ai baptisé
“Airacobra” des sous- mes avions d’après un
types D et plus tard Q, whisky Bourbon du
tandis que le nouvel Kentucky.” Le Ken-
escadron fut envoyé à tucky Straight
Santa Rosa puis à Bourbon Whiskey Old
Oroville, en Califor- Crow avait l’immense
nie, et finalement à avantage… d’être très
Casper, dans le Wyo- bon marché.
ming, avant d’être ex-
pédié en Angleterre Le P-39 selon
en novembre 1943.
Avant que “Bud”
“Bud” Anderson
n’embarque pour le “Comme c’était mon
théâtre européen des premier chasseur, je John Cyrier
opérations, il eut n’avais aucun point de met la touche
l’opportunité de comparaison, raconte finale à la
personnaliser “Bud” Anderson. Je le livrée du Old
l’avion qui lui avait DR trouvais plutôt bien et Crow avant de
été assigné en tant j’aimais le piloter. Mais il s’envoler pour
que chef de patrouille. “Je voulais lui n’aurait pas valu grand- Oshkosh.
donner un nom en lien avec l’action chose au combat en Europe parce
de voler, mais je voulais aussi qu’il ait que son moteur n’était équipé que
TENNYSON MORENO

43
BELL P-39Q OLD CROW

petit combat ?” Alors j’ai viré serré


vers eux et mon nouvel ailier – qui ne
faisait sans doute que son deuxième
vol dans un chasseur – a viré à l’inté-
rieur de mon virage et a fait décrocher
son avion. Je l’ai regardé plonger
dans la baie.”
“Bud” Anderson fut par ailleurs
témoin – deux fois dans la même se-
maine – que l’“Airacobra” pouvait
mordre même des pilotes talentueux,
et même aussi talentueux que
“Chuck” Yeager : “Quand nous som-
mes arrivés à Casper, on se préparait
à partir outre-mer. Un gars nommé
“Chuck” Yeager a fait un vol sur mon
avion et a eu un problème de verrouil-
lage du train d’atterrissage. Il a dû le
rentrer et se poser sur le ventre, et a
quasiment ruiné l’avion ! Quelques
jours plus tard, il a dû sauter en vol
d’un autre P-39. Il s’en ai fait deux
dans la même semaine…” Et c’est
ainsi que le Bell P-39Q matricule
42-20746, le premier Old Crow de
“Bud” Anderson, termina sa carrière.
Deux ans plus tard, “Bud”
Anderson terminerait son second
tour de combat avec le titre de triple
as grâce à ses 16,25 victoires en com-
bat aérien (le ¼ résulte d’une victoire
partagée avec ses équipiers sur un
Heinkel 111). Et c’est ainsi que le nom
de “Bud” Anderson est associé au
P-51 pour l’éternité. Hubbard, l’un des
pilotes les plus talentueux de l’esca-
dron, était mort dans une explosion “Bud” Anderson
de Flak avant même que l’escadron sur l’aile de son
fût déclaré opérationnel ; O’Brien et P-39Q Old Crow,
Hiro étaient devenus des as mais Hiro en 1943…
BUD ANDERSON
mourut au combat durant la bataille BUD ANDERSON

d’Arnhem en septembre 1944.

Une idée née d’une photo


d’une maquette
“Au début de la Deuxième Guerre
mondiale, explique John Cyrier, de
nombreux pilotes de chasse des
USAAF se sont fait les dents avec le
P-39, y compris l’un des as les plus
connus du “Mustang”, le colonel
“Bud” Anderson. Chacun sait qu’il
avait fait peindre le nom Old Crow
sur le capot moteur de ses P-51, mais
ce que beaucoup ne savent pas, c’est
que son premier Old Crow fut un
P-39 ! Je n’en avais moi-même au-
cune idée jusqu’à ce que je tombe sur
un message sur le forum interne du
Centex Wing, posté par Vernon
Rooze avec une photo d’une ma-
quette plastique du P-39 Old Crow Le P-39
de “Bud” Anderson. Vernon Rooze Old Crow
demandait si quelqu’un savait des de “Bud”
choses à propos de ce P-39. Sa ques- Anderson
tion n’a pas généré beaucoup de réac- à Casper, dans
tions, mais je me suis alors dit que ce le Wyoming,
serait cool si on faisait de notre P-39 en 1943.

44
ce Old Crow… et que ce serait carré-
ment phénoménal de réussir à faire
voler ensemble notre P-39 en Old
Crow, le P-51B Old Crow de Jack
Roush et le P-51D Old !”

Préservé dans une cour


d’école après une panne
Il s’en fallut de peu que le Bell
P-39Q matricule 42-19597 ne finisse
comme le premier Old Crow de
“Bud” Anderson. Livré aux Army
Air Forces en mai 1943, le chasseur
se retrouva affecté à Harlingen Army
Airfield, au Texas, en juin 1944, af-
fecté à l’entraînement au tir au profit
de l’Aerial Gunnery School de la
base. Un an plus tard, avec seulement
392 heures de vol au compteur, il fut
déclaré surplus et transféré à la
Reconstruction Finance Corporation
dont le centre de stockage, vente et
ferraillage se trouvait à Albuquerque,
au Nouveau-Mexique. Mais durant
le vol de convoyage, son moteur V-12
Allison fit des siennes près de Hobbs,
en plein milieu du Texas – de nulle
part en fait –, contraignant son pilote
à un atterrissage d’urgence sur une
piste sommaire servant aux avions
d’épandage agricole. Il fut ensuite
remorqué jusque dans la cour de
l’école toute proche… où il demeura
jusqu’en 1962 !
Cette année-là, l’“Airacobra” fut
acheté par un habitant de Hobbs du
nom de Joe Brown, qui en fit don à la
… et 79 ans plus Confederate Air Force (future
ALAIN BATTISTI
tard, à Oshkosh ! Commemorative Air Force) que
Lloyd Nolen avait créée en 1957 avec
quatre amis en achetant un
“Mustang”. Le chasseur fut alors
démonté et transporté par la route
jusqu’à Harlingen, au Texas, où, en
1968, un certain Don Hull com-
mença à le restaurer pour le remettre
en état de vol. John Stokes, fondateur
et premier patron du Centex Wing,
sponsorisa la restauration du P-39 et
en fit à son tour don à la Confederate
Air Force. Le chasseur retrouva le
ciel le 21 octobre 1974. Il fut exposé
en statique de nombreuses années
par la suite, mais finit par retrouver
le ciel le 9 juin 2001.
Pendant quelques années, il vola
recouvert d’une livrée soviétique
avant de prendre les couleurs de Miss
Connie, un P-39 utilisé par le
350th FG qui opéra en Afrique du
Nord et en Italie. Le 18 avril 2005, il
fut victime d’un accident mineur en
se posant à Gillespie County Airport,
près de Fredericksburg, au Texas,
après que son pilote se fut dérouté
pour cause de météorologie peu clé-
mente. L’avion quitta la piste et vint
heurter une clôture, ce qui endomma-

45
BELL P-39Q OLD CROW

XAVIER MÉAL
“Bud”
gea légèrement l’hélice et le bord Anderson Stear man “Kaydet” de 1941, plus
d’attaque d’une aile. Une fois réparé, devant le 800 heures aux commandes d’autres
il reçut une nouvelle livrée, cette fois P-39Q du types d’avions ainsi que les qualifi-
celle du P-39N du 2nd lt Bill Fiedler Centex Wing cations multimoteurs, commer-
du 347th FG basé à Guadalcanal, le de la CAF, ciales et vol aux instruments
seul pilote qui parvint au statut d’as à Oshkosh lorsqu’il eut l’idée de rendre hom-
sur P-39, en abattant cinq avions japo- l’été dernier, mage au premier des Old Crow.
nais – trois chasseurs A6M “Zero” et qu’il vient 1 500 heures constituent déjà une
deux bombardiers en piqué D3A de dédicacer. expérience considérable, mais pas
“Val” – entre janvier et juin 1943. suffisante pour piloter un warbird,
De gauche à en particulier un aussi rare que
Approuvé par “Bud” droite : Mark l’“Airacobra”. Pour concrétiser son
Cyrier, “Bud” rêve, John Cyrier débuta donc un
Anderson lui-même Anderson,
entraînement spécifique.
John Cyrier,
John Cyrier avait plus de Ses centaines d’heures de
Tennyson
700 heures de vol sur son Boeing Stearman constituaient une fonda-
Moreno.

XAVIER MÉAL

tion des plus solides, qui lui permit


de profiter au mieux d’un pro-
gramme de vol intensif sur T-6, no-
tamment avec le renommé instruc-
teur Thom Richard qui pilota
notamment le P-51 “Mustang” ultra-
modifié Precious Metal lors des
courses de Reno. “La CAF m’a im-
posé de franchir nombre d’étapes
pour arriver au P-39, explique John
Cyrier. Ce que je comprends et ac-
cepte totalement. Car c’est l’un des
seulement trois exemplaires encore
en état de vol, et son pilotage est dif-
férent de celui de tous les autres
chasseurs – et il n’y a pas de P-39 à
double commande.”
Du Stearman au T-6 au P-39…
soit la même progression que celle
XAVIER MÉAL

46
Craig
suivie par “Bud” Anderson au début Hutain, aux lement assuré que le P-39 du Central Virginia Beach, dont le P-39F venait
des années 1940. Et que personne commandes Texas Wing était dans le meilleur de reprendre les airs après restaura-
n’avait plus suivie depuis la Deuxième du P-39Q, état mécanique possible avant de tion. Ce dernier avait été équipé de
Guerre mondiale. Qui, en effet, de mène Paul s’envoler à ses commandes. Les freins modernes de la marque
nos jours, peut dire que le premier Draper dans le avions de la CAF ont ceci de parti- Redline et de moyeux de roue en alu-
chasseur qu’il a piloté est un P-39 ? P-51B Old Crow culier qu’ils sont soutenus financiè- minium. John Cyrier put ainsi
John Cyrier a également bénéfi- de Jack Roush rement par des bénévoles et des converser directement avec Dan
cié de la disponibilité du T-28C de et Ray Fowler donateurs, et des sponsors comme Kumler, qui avait à l’origine fondé la
son frère Mark, seul warbird à train dans le P-51D John Cyrier. Ce dernier a lancé une société Redline ; “Dan a pu repro-
tricycle de grosse puissance qui res- Old Crow de campagne de dons qui a rassemblé duire le même type de freins à disque
semble à certains égards à un P-39. Jim Hagedorn, une somme permettant de rempla- qu’ils mettent habituellement sur les
“C’était une excellente préparation. non loin cer au début de 2022 les compo- P-40, les Stearman et les T-6 et a fa-
Si quelqu’un veut piloter un P-39, je d’Oshkosh, en santes freins et roues d’origine, dif- briqué de belles roues en aluminium
lui recommande fortement de passer juillet dernier. ficiles à utiliser et entretenir, par des toutes neuves pour nous”.
par le T-28, comme cela m’a été re- “Bud” ensembles plus modernes. Si la préparation du P-39 et celle
commandé. Avec ses 1 400 ch, il a Anderson est Pour ce faire, le Central Texas de John Cyrier avançaient bien, il
largement contribué à ce que je me en place arrière Wing et John Cyrier prirent conseil manquait encore au projet un ingré-
sente bien préparé.” Ce faisant, le du “Mustang” auprès du Military Aviation Museum dient clef. En octobre 2021, John
député de l’État du Texas s’est éga- biplace gris. du collectionneur Jerry Yagen, à Cyrier contacta donc le fils de “Bud”,

47
BELL P-39Q OLD CROW

XAVIER MÉAL

Jim Anderson, et lui exposa son idée de la bouche ou de la main même du Commença alors pour John
de donner au P-39 du Central Texas triple as. Et c’est ainsi qu’il fit sa de- Cyrier une véritable course contre la
Wing la livrée du tout premier Old mande en direct en mars dernier, montre. Grâce aux photos d’époque
Crow. “Jim m’a répondu dès le len- lors d’une vidéoconférence organi- prise par “Bud” Anderson, il fit réali-
demain, très enthousiaste, et m’a sée par le Centex Wing. Après avoir ser par la société Aero Graphics les
envoyé des tonnes de photos de gracieusement accepté, Bud “décals” nécessaires. Puis, avec son
l’avion, se souvient John Cyrier. Je Anderson ajouta “Oh là là ! Cela frère Mark et son jeune chef d’avion
n’en ai pas cru mes yeux. À l’époque, donnera l’occasion de faire de Tennyson Moreno – un bénévole du
Bud avait un appareil photo chouettes photos au sol. Mais si on Centex Wing – et un peintre local,
“Brownie” fabriqué par Eastman arrivait à mettre les trois avions [le appliqua la nouvelle livrée un mois à
Kodak et avait pris toutes ces pho- P-39, le P-51B et le P-51D, NDLR] peine avant le grand rendez-vous
tos !” Mais avant toute chose, John ensemble en l’air, ce serait carrément d’AirVenture. Il ne fit son lâcher sur
Cyrier voulait obtenir la permission quelque chose !” l’“Airacobra” que le 12 juillet, sous la
48
Craig
supervision de Craig Hutain, le chef Hutain aux en place arrière. Les étoiles s’ali- éduquer – ce que nous avons fait à pro-
pilote du Centex Wing qui l’accompa- commandes gnèrent parfaitement, et tous les Old pos du P-39 et des hommes et femmes
gna aux commandes d’un T-28. du P-39Q du Crow se retrouvèrent sur le parking qui ont servi durant la Deuxième
Centex Wing d’Oshkosh, puis en l’air, sous les yeux Guerre mondiale –, inspirer – je sais
Grands moments lors de la de “Bud” Anderson en place arrière que nous avons inspiré un grand
mission photo d’un “Mustang” biplace. Et ceux de nombre de personnes à Oshkosh –,
d’émotions “Special Old John Cyrier qui avaient pris place dans honorer. Mais tout cela n’est pas tant
Puis il s’entraîna à piloter le chas- Crow” un des avions caméra. une histoire d’avion que celle d’un
seur presque tous les jours jusqu’à ce organisée lors “Amener notre P-39Q jusqu’à grand homme… d’un héros !” ■
que soit venu le moment de le convoyer d’AirVenture Oshkosh après en avoir fait le Old
jusqu’à Oshkosh. Un voyage sans pro- 2022. Crow concrétise la mission de la CAF, À la mémoire de Craid Hutain
blème, accompagné de son frère Mark expliqua John Cyrier après être rentré décédé dans un accident d’avion
dans son T-28 avec Tennyson Moreno avec le P-39 sur sa base de San Marcos : le 12 novembre 2022.
49
UN DESSIN, UNE HISTOIRE

Le X-15,
un hybride entre avion
et navette spatiale.

50
1963, le X-15 à la conquête en 83 secondes. L’ajout de deux
réservoirs supplémentaires porte à

de l’espace 180 secondes le temps pour brûler


tout l’oxygène liquide et l’ammo-
niac. De quoi propulser vite et haut

Vers l’infini
l’appareil, qui part depuis un B-52
pour réserver toute son énergie dans
la recherche de performance. Trois
X-15 sont assemblés.

et au-delà ! Illustration Romain Hugault, texte Alexis Rocher.


Le X-15 devient
un engin spatial
Le 8 juin 1959, pour son premier
vol libre, le X-15 est mesuré à 11 445 m
d’altitude. Il franchit l’étape symbo-
lique des 100 000 pieds (30 480 m) en

A
vec le X-15 Romain neux. En résumé : allez le plus vite mai 1960. En octobre 1961, ce sont
Hugault nous ouvre tout et le plus haut possible. La puissance les 200 000 pieds (60 960 m) qui sont
grand les portes de la se trouve dans un moteur emprunté atteints. Le 17 juillet 1962, Robert
conquête de l’espace. Un au monde des fusées. Il faut désor- White traverse la frontière avec
av ion ? mais se passer de l’espace avec 96 km (314 750 pieds).
Plus tout à fait. l’oxygène comme “Joe” Walker est à 82,7 km le
Une navette spa- comburant et trou- 17 janvier 1963, Robert Rushworth
tiale ? Pas encore. Il ver un substitut pour le dépasse avec 86,7 km le 27 juin.
“Joe” Walker
trouve néanmoins le mélanger à un car- Moins d’un mois plus tard, le X-15
devint astronaute
toute sa place dans burant. Les chimistes est à 100 km d’altitude. “Joe” Walker
le 19 juillet 1963
une époque où la se livrent à des expé- atteint 106,1 km le 19 juillet pour le
en dépassant
recherche aéronau- riences dangereuses les 100 km
vol n° 90 et pour le suivant emmène
tique américaine est en mélangeant avec d’altitude.
le X-15 à 108 km, le 22 août. Record
littéralement galva- des pincettes des absolu pour un avion !
nisée par la compé- liquides corrosifs ou À chaque fois l’appareil dépasse
tition technologique à très basse tempéra- les Mach 5,5. À huit reprises le X-15
avec l’adversaire N ASA ture. Les Allemands excède les 80 km d’altitude. Le
communiste. ouvrent la voie avec l’oxygène liquide 15 novembre 1967, Michael James
Avec le recul, le cahier des à - 183 °C comme comburant pour Adams perd le contrôle du X-15 n° 3
charges du X-15 paraît insensé, propulser le V2 en le combinant et trouve la mort quand l’appareil se
voire téméraire. Le mur du son est avec l’éthanol. Avec le X-15, l’oxy- désintègre après avoir affiché 81 km
tombé en 1947. En plein milieu des gène liquide rencontre comme car- sur l’altimètre. C’est le seul pilote tué
années 1950, quand le plus rapide burant l’ammoniac. Sa fusée XLR99 sur X-15. Le chiffre de 80 km a son
des avions peine à atteindre Mach 3, poussera fort, mais pas longtemps. importance dans la mesure où l’US
Le X-15 fut
les ingénieurs de North American Elle consomme 4,5 t d’ergols par Air Force place précisément ici la
mesuré
qui dessinent le X-15 visent Mach 6 minute et fournit une poussée de limite de l’espace et considère donc
à Mach 6,7
et partent vers les étoiles avec en 25,8 t au sol. Dans un premier temps Robert White, Robert Rushworth,
et 108 km
perspective des plafonds vertigi- la XLR99 épuise les ergols du X-15 d’altitude.
“Joe” Engle (85,5 km), “Pete”
Knight (85,5 km) et Michael James
Adams comme des astronautes.
Problème : la Nasa retient comme
limite de l’espace la convention in-
ternationale des 100 km de la ligne
de Kármán. “Joe” Walker, “Jack”
McKay (90 km d’altitude le 28 sep-
tembre 1965) et Bill Dana (93,5 km
le 1er novembre 1966), qui appar-
tiennent à l’agence, ne sont donc pas
classés parmi ses astronautes.
Une sorte d’injustice par rap-
port aux pilotes militaires qui est
seulement réparée le 23 août 2005,
quand la Nasa leur décerne fi na-
lement le titre d’astronaute. C’est
malheureusement à titre posthume
pour “Joe” Walker, tué quand son
F-104 percuta l’XB-70 “Valkyrie”
le 8 juin 1966, et “Jack” McKay,
mort de maladie le 27 avril 1975.
Pilotes, astronautes, qu’importe,
ils avaient tous l’étoffe des héros
en volant sur X-15. ■
USAF

51
MONOGRAPHIE

Boeing 727
La naissance
d’un chef-d’œuvre

En 1963, Boeing lance

D
ans les années 1950, aux turbopropulseurs pour opérer ces
États-Unis, la croissance liaisons courtes. C’était le cas chez
ce qui va devenir l’un du trafic aérien était ra- Lockheed qui fondait de grands
pide. Les lignes inté- espoirs sur son L.188 “Electra”. En
de ses chefs-d’œuvre, le 727. rieures se développaient dépit de pertes importantes sur le
Pourquoi ce triréacteur et se multipliaient. Alors que les
premiers jets permettaient d’accélé-
programme 707, alors que la produc-
tion des B-52 pour l’USAF battait
a marqué l’histoire ? rer les vols internationaux, les avion- son plein, Boeing réfléchissait néan-
Par Frédéric Marsaly neurs développaient des appareils à moins à un court-courrier à réac-
52
Le premier
Boeing 727
lors de son vol
inaugural
en février 1963
ne dérogea pas
à la tradition de
la photo avec
le mont Rainier,
volcan qui
domine Seattle
et sa région
du haut
de ses 4 392 m,
en arrière-plan.
BOEING

tion. Personne ne l’imaginait encore, que beaucoup d’autres cherchaient à sous licence avant d’en abandonner
mais les ingénieurs de Seattle étaient suivre. Chez le californien Douglas, l’idée et de concevoir le DC-9 qui s’en
sur le point de concevoir un chef- on travailla un temps sur un éphé- inspirait, quoi qu’on en dise.
d’œuvre ! mère projet Model 2067, une version Du côté de Boeing, la situation
Faire franchir le cap de la réaction juste raccourcie du DC-8 qui ne dé- était contrastée. La production des
aux court-courriers n’était pas l’apa- clencha qu’une indifférence polie des B-52 pour l’USAF permettait à l’en-
nage des seuls constructeurs améri- compagnies aériennes. Le construc- treprise d’ouvrir plusieurs chaînes
cains. Sud-Aviation et la Caravelle teur se tourna alors vers la France et d’assemblage entre Seattle et
avaient quelque peu tracé une voie envisagea de produire des Caravelle Wichita, mais si les qualités du 707

53
BOEING 727

lui permettaient d’affronter le DC-8


sur le marché des jets à long rayon
d’action, les pertes du programme se
montaient à quelque 200 millions de
dollars. Pour développer un nouvel
avion apte à conquérir les lignes inté-
rieures, il fallait investir quelque
100 millions de dollars.

Des analyses
optimistes
Les projections commerciales
semblaient propices. Selon les ana-
lystes de Boeing, l’investissement
consenti pour ce court-courrier
pourrait être rentabilisé en un peu
moins d’une décennie en atteignant
entre 200 et 240 exemplaires vendus
sur un marché estimé à 500 avions
pour 1965. Surtout, la taille de ce
marché pourrait doubler d’ici la fin Jack Steiner
de la décennie et les analyses les plus (à droite) est
optimistes indiquaient qu’un Boeing considéré comme
court-courrier pourrait alors viser le père du 727.
les 400 exemplaires. Il œuvra aussi
Néanmoins, pour concevoir un sur le 737 dont
tel appareil, il fallait, au préalable, il fut ingénieur
prendre un compte un certain en chef en fin de
nombre de paramètres et surtout les carrière, autre
contraintes des grandes compagnies. chef-d’œuvre.
BOEING
En ce milieu des années 1950, les
infrastructures aéroportuaires fut finalement la formule triréacteur taires signées l’année suivante lui
étaient encore sommaires. L’appa- qui fut retenue. Le motoriste Rolls- donnèrent raison !
rition des jets sur certains aéro- Royce fut initialement choisi pour Au cours de son développement,
dromes mettait généralement en équiper le nouveau jet, mais Pratt & le 727 avait connu plusieurs configu-
tension les approvisionnements de Whitney présenta son projet de réac- rations. Certaines étaient très clas-
carburant. Sur les aéroports de New teur à double flux JT8D qui emporta siques avec un réacteur sous chaque
York, par exemple, les pistes s’avé- le marché, alors même qu’il ne s’agis- aile et un troisième sous la dérive,
raient un peu courtes. À La Guardia, sait que d’un projet s’appuyant sur les mais certaines études avaient même
elles ne faisaient que 1 500 m de long ; modèles produits jusqu’alors. envisagé de mettre ce réacteur cen-
à l’aéroport international d’Idlewild tral sur le côté du fuselage, en confi-
(qui ne fut rebaptisé John F. Kennedy 80 commandes pour guration asymétrique. Finalement,
qu’en décembre 1963), la piste la plus les ingénieurs optèrent pour rassem-
longue ne mesurait que 2 900 m, ce
un objectif fixé à 100 bler les trois réacteurs tout à l’arrière :
qui ne permettait pas aux jets de Le 5 décembre 1960, Boeing or- “L’installation des réacteurs à l’ar-
décoller à pleine charge. Le prolon- ganisa une conférence de presse rière était plus restrictive, surtout si
gement des pistes était parfois pos- pour annoncer que, forte d’une com- on envisageait des versions allongées,
sible, mais à 3 000 dollars le mètre mande de 80 avions – 40 pour mais les gains aérodynamiques
(environ 33 797 dollars de 2022), les Eastern Airlines et autant pour étaient sensibles”, explique un ingé-
opérateurs ne s’y précipitaient donc United – le futur 727 allait être lancé. nieur, et d’ajouter : “Nous avions des
pas – d’autant plus que le trafic des Ce contrat, pour un montant total de indicateurs qui nous laissaient penser
jets était encore minoritaire. 350 millions de dollars, soit 4,3 mil- que rassembler les réacteurs à l’ar-
Il s’agissait des défis à relever par lions par avion, était alors l’opération rière serait moins onéreux, notam-
une équipe à laquelle on mit à la tête commerciale la plus importante de ment parce qu’un grand nombre de
Jack Steiner (1917-2003), ingénieur toute l’histoire de l’aviation civile. systèmes seraient plus concentrés.”
entré chez Boeing pour travailler sur Cependant, en coulisse, les choses Cette configuration laissait donc
les B-29 et qui poursuivait là une n’étaient pas aussi roses que l’avion- les ailes “propres” et cette voilure
brillante carrière. En mai 1957, il se neur l’annonçait. Lors des diffé- allait être l’atout maître du 727 dans
vit donc chargé d’analyser les rentes étapes préliminaires, le but à sa conquête des marchés intérieurs.
concepts utilisables pour ce futur atteindre pour pouvoir lancer le 727 L’objectif était d’avoir un avion
court-courrier. Quelque 150 projets était de 100 appareils. Avec les com- capable d’utiliser des pistes courtes,
furent avancés dont 68 firent l’objet mandes des deux compagnies, il en notamment celle de La Gardia à
d’essais en soufflerie pendant que manquait 20. Lors d’une réunion New York, qu’il devait pouvoir utili-
l’équipe grandissait au point de quelques semaines plus tôt, Bill ser au décollage à pleine charge pour
compter environ un millier d’ingé- Allen, le patron de Boeing, assurer certaines missions longues
nieurs au tournant des années 1960. convaincu par les arguments de sans ravitailler sur place, et monter
Pour convenir aux besoins expri- Steiner, prit seul la décision : “On y assez vite pour se conformer aux
més par les compagnies aériennes, ce va !”, et 37 commandes supplémen- procédures antibruit de la plate-
54
Le premier 727
est sorti de
l’usine de Renton
le 27 novembre
1962.
BOEING

forme déjà imbriquée dans une zone puis des becs à fente sur le reste de des systèmes de freinage et celle des
fortement urbanisée. l’envergure. En arrière de l’aile se inverseurs de poussée qui équipent
On lui demandait aussi de pou- trouvent des volets “Fowler” à triple les deux réacteurs extérieurs.
voir décoller de l’aéroport de Denver fente qui augmentent la surface por- Le fuselage du 727 reprit la sec-
pour rejoindre Chicago avec 75 pas- tante de l’aile de 36 m2. Ainsi le 727 tion, à quelques adaptations près, du
sagers à bord, et ceci en tenant compte dispose d’une vitesse de croisière fuselage du 707 ce qui permit d’ac-
d’une densité-altitude élevée au dé- élevée mais parvient à des vitesses commoder avec un confort conve-
part, l’aéroport étant situé à 1 640 m d’approches basses qui le rendent nable six sièges de front autour d’une
d’altitude, ce qui dégrade les perfor- compatible avec les pistes courtes. allée centrale. Il conservait égale-
mances des avions au décollage, situa- Des déflecteurs rétractables courant ment de son prédécesseur long-cour-
tion encore aggravée par la chaleur. le long de l’envergure sur l’extrados rier le même principe de commandes
servent d’aérofreins en vol et de des- pour le roulis et le lacet mais innovait
Des ailes tructeurs de portance lorsque l’avion pour le tangage avec une dérive en T
est au sol, ce qui renforce l’efficacité dont la surface horizontale est entiè-

incroyables
Les ailes du 727 sont une mer- L’incroyable
veille d’ingénierie et d’une com- aile du 727 et
plexité folle. Elles permirent au 727 ses dispositifs
hypersustenta-
de répondre à la demande des com-
teurs, en bord
pagnies pour que l’avion se conforme
d’attaque comme
aux aérodromes exigeants mais sur-
en bord de fuite,
tout, elles permettaient à l’avion de permirent
conserver l’atout maître des jets, la à l’avion
vitesse de croisière élevée. Au dé- d’atteindre
part, United souhaitait un appareil les performances
disposant d’une aile en flèche à seu- attendues.
lement 30° pour assurer des perfor-
mances à basse vitesse acceptables,
mais Boeing opta pour une flèche
prononcée de 32°, et surtout un sys-
tème de dispositifs hypersustenta-
teurs complexes.
Sur les bords d’attaque, près de
l’emplanture de l’aile, on trouve une
série de becs dits volets “Krüger” qui
s’abaissent à 55° au moment de la
sortie des volets de bords de fuite,
BOEING

55
BOEING 727

rement mobile en incidence et sert


de compensateur avec une très
“ L’avion s’est furent donc utilisés dans le cadre
des essais en vol.
bonne autorité. La commande de
profondeur utilise deux ailerons dis-
posant de “tab”.
comporté bien mieux En janvier 1963, Boeing récep-
tionna les trois premiers réacteurs
JT8D-1 de série. Ils furent prompte-
Les commandes de vol du 727
ont également une réputation en-
qu’attendu sur de ment installés sur le “Ship One”,
immatriculé N7001U, pour procéder
viable, les pilotes ne tarissant pas
d’éloges sur l’agrément de son pilo- nombreux aspects ” aux essais indispensables, y compris
de roulage. Le samedi 9 février, en
tage. Disposant d’un système redon- fin de matinée, tout était prêt pour le
dant à deux circuits interconnectés, teurs et qui facilitait l’embarquement lancement de la grande aventure.
ces commandes furent conçues par et le débarquement des passagers.
les ingénieurs Ed Pfafman et Bob Pour préparer la mise au point Un premier vol presque
Richald. La trajectoire de ce dernier du futur court-courrier, Boeing mit
mérite qu’on s’y attarde un peu. Il à contribution le “Dash 80”, le pro-
sans accroc
avait précédemment œuvré pour totype des 707 et 720. Début 1960, il L’équipage du vol inaugural était
Boeing, notamment pour le B-47. Il fut doté d’un système de contrôle de composé de S. L. “Lew” Wallick,
avait ensuite été engagé par la couche limite puis de volets à triple pilote d’essais attitré du projet 727, de
Lockheed où il s’était trouvé impli- fente. En avril 1960, il reçut un réac- R. L. “Dix” Loesch, chef des essais
qué dans la conception des com- teur JT3C-6 positionné en nacelle, à en vol de Boeing qui s’installa à la
mandes de vol du Lockheed L.188 bâbord, comme le seront deux des place du copilote, et de M. K. Shulen-
“Electra”. Il prit ensuite sa retraite réacteurs du 727. Cette installation berger, chef ingénieur de bord.
et s’installa sur son bateau ancré sur fut modifiée en mai 1961 avec un Loin d’être à sa masse maximale,
le lac Union, au cœur de la ville… déviateur de jet et l’ajout d’un bou- le 727 décolla de la piste de Renton
de Seattle. On dépêcha quelqu’un clier thermique sur l’empennage en moins de 1 000 m. Au cours de la
pour le convaincre d’effectuer une horizontal. Quelques semaines plus première heure de vol, l’équipage pro-
dernière mission sur ce projet, ce tard, les becs de bord d’attaque pré- céda à plusieurs essais, notamment
qu’il accepta, et Boeing n’eut pas à vus pour le 727 furent installés à leur en s’approchant de la vitesse de dé-
s’en plaindre ! tour sur l’aile du quadriréacteur et, crochage, puis en altitude, en effec-
en avril 1962, lorsque Pratt & tuant des simulacres de trajectoires
La rampe-escalier Whitney livra les premiers exem- d’approches. Ce vol dura environ
plaires de son nouveau moteur, un deux heures ; à son issue, Lew Wallick
pour simplifier l’accès JT8D-1 vint alors remplacer le fit la déclaration espérée : “L’avion
En outre, ces choix techniques JT3C-6. Les essais en vol avec le s’est comporté bien mieux qu’attendu
permirent à la première version du “Dash 80” se terminèrent en juillet sur de nombreux aspects.”
727 de n’être pas beaucoup plus en- 1962 après 293 heures de vol. Néanmoins, tout ne fut pas opti-
combrant qu’un “Electra”, et donc Dès le début du programme, le mal lors de ce vol inaugural. Au
de pouvoir accéder aux mêmes choix fut fait de ne pas passer par la moment de la rotation au décollage,
portes d’embarquement sur les aéro- Le quatrième case “prototype”. Ainsi, le premier le réacteur central fut victime d’un
ports. Il était, certes, un peu plus 727 construit, 727 construit devrait être aussi court phénomène de “pompage” :
long, mais leurs envergures étaient au Bourget proche que possible de la version de son alimentation en air s’est trouvée
très proches : 30,18 m pour le en 1963 en série afin d’accélérer la mise en ser- perturbée dans la veine d’entrée
compagnie
Lockheed et 32,92 m pour le Boeing. vice. Pour obtenir la certification de d’air, sans doute en raison de l’in-
d’un Lockheed
Il pouvait aussi s’affranchir des in- la FAA [Federal Aviation Admi- fluence de la forme du fuselage et de
“Electra”
frastructures aéroportuaires grâce à nistration, l’administration de l’incidence.
dont il fut
la rampe-escalier installée tout à le successeur
l’aviation civile américaine , Tout au long de la carrière du tri-
l’arrière du fuselage, entre les réac- désigné. NDLR], les quatre premiers avions réacteur, les équipages furent
DR/COLL. J. GUILLEM

56
Le succès des premières versions
du 727 entraîna le lancement
d’une version plus longue de 6 m,
le 727-200, qui fut également
un éclatant succès technique
et commercial.

BOEING

confrontés à ce phénomène lors du Le premier 727 fut utilisé pour les


décollage. Il survenait aléatoirement essais aérodynamiques et effectua
à ce moment crucial et causa réguliè- La famille des Boeing 727 456 heures de vol au cours de l’année.
rement de sueurs froides aux pilotes 727-100 : 572 exemplaires construits entre 1963 et 1971 Le second, immatriculé N72700, vola
et au mécanicien navigant. Sur le Trois réacteurs JT8D-1/7/9 ; longueur : 40,59 m ; un peu plus d’un mois plus tard, le
727-200, Boeing fit même évoluer la masse maximale au décollage : 76 700 kg ; 12 mars. Cet appareil fut utilisé pour
forme de l’entrée d’air pour parvenir aménagement typique pour 131 passagers. la mise au point de réacteurs et des
à supprimer ce phénomène mais, là systèmes. Il fut également équipé
aussi, ce fut en vain. Néanmoins ce 727-200 : 1 260 exemplaires construits entre 1967 et 1984 pour les essais aérodynamiques au
problème ne causa aucun accident Trois réacteurs JT8D-7/9/11 ; longueur 46,68 m ; cas où il en aurait été besoin. Il effec-
car le flux d’air reprenait sa trajec- masse maximale au décollage : 95 100 kg ; tua ainsi 307 heures de vol au titre de
toire idéale assez rapidement, sans aménagement typique pour 185 passagers. ces essais en 1963. Cet avion fut en-
aucune action de l’équipage. suite conservé par Boeing pour de

DR/COLL. J. GUILLEM

Un 727-100 d’Eastern Airlines


à Tampa en 1964. La compagnie débuta
ses opérations sur le type au mois de février,
cinq jours après United.

57
BOEING 727

La pureté des
lignes du 727-200
apparaît comme
une évidence
sur cet appareil
d’Olympic
au décollage
d’Athènes.
DR/COLL. J. GUILLEM

La plupart des
727 furent
vendus à des
compagnies
nord-américaines,
comme ici
National Airlines.
DR/COLL. J. GUILLEM

Air France utilisa


une trentaine de
727-200 sur ses
lignes intérieures
entre 1968 et
1993. Ils furent
remplacés par
des Airbus A320.
DR/COLL. J. GUILLEM

nombreux essais au profit du pro- Le quatrième, immatriculé N68650, comme il le précisa quelques années
gramme 727 pendant une dizaine vola le 22 mai et fut initialement dé- plus tard : “Le programme d’essais en
d’années avant d’être stocké en 1973 dié aux essais de fiabilité et au fonc- vol du 727 fut le plus intensif pro-
et ferraillé deux ans plus tard. tionnement des systèmes lors de gramme de certification civile jamais
L’existence de ce second appareil est 264 heures de vol. C’est sur cet appa- mené par Boeing jusqu’alors !”
souvent à l’origine d’un mauvais dé- reil que la certification fut obtenue le
compte du nombre de 727. Certaines 20 décembre 1963. Au total, les vols Des essais en vol
listes se basant sur les avions effective- d’essais pour la certification totali-
ment livrés par Boeing donnent une sèrent 1 143 heures dont 725 pour
plus que réussis…
production de seulement 1 831 triréac- Boeing et 418 au titre de la FAA. L’avion se montra finalement
teurs. Or, il a bien été construit 1 832 Boeing était allé au-delà de ce que très nettement supérieur aux estima-
appareils de ce type. Le second n’a les autorités réclamaient en termes tions : il était plus rapide de 30 km/h,
juste jamais été livré à une compagnie ! d’analyse de la fatigue structurelle consommait 10 % de carburant en
Le troisième 727 construit, le des appareils. Selon Steiner, “Boeing moins tout en pouvant accepter une
N7002U, fut utilisé pour les essais de considérait que c’était un point essen- charge utile 10 % supérieure à celle
charges et de systèmes au cours de tiel, que ces données étaient impor- que les calculs avaient estimé.
116 heures de vol à partir du 10 avril. tantes à présenter aux clients”. De fait, L’avion était bien né !
58
BOEING
Sur le parking
Si les réacteurs JT8D étaient dégager la piste par la première bre- de Renton livrés aux compagnies. Pour les
gourmands, le gain de consomma- telle située à quelques centaines de dans les quatre premiers avions, seul le se-
tion était surtout important pour la mètres du seuil de piste. Habitué aux années 1960, cond resta dans le giron de son
distance franchissable. Dans les performances des jets militaires de une lignée constructeur ; les deux autres furent
années 1960, le prix du litre de kéro- l’époque, le contrôleur lui précisa de 727-100 bien livrés à United et le quatrième
sène était très stable et surtout très qu’il était autorisé à prendre la bre- juste sortis à All Nippon.
bas, autour de 11 cents le gallon (soit telle centrale située à mi-piste. Qu’à d’assemblage
2,9 cents le litre)… cela ne tienne, l’équipage du 727 ef- et qui … suivis d’un rapide
Pour des raisons météorolo- fectua son atterrissage en moins de attendent de
giques, une partie des essais en vol 500 m et sortit donc par la première rejoindre leurs succès commercial
se déroulèrent en Californie, depuis bretelle à la très grande surprise du compagnies. Le premier vol commercial inter-
la base d’Edward qui disposait alors contrôleur qui n’imaginait pas qu’un vint le 1er février 1964, moins d’un an
d’une piste de 5,1 km. Lorsque le 727 avion de ce volume puisse atteindre après le vol inaugural, lorsqu’un 727
fut convoyé sur place pour la pre- une telle performance à l’époque ! de United effectua la liaison Miami-
mière fois, son pilote, alors bien éta- À l’obtention de la certification, Philadelphie via Washington avec 94
bli en longue finale et avec un appa- près de 20 Boeing 727 avaient alors passagers à bord. Eastern débuta ses
reil très léger, demanda à pouvoir été construits et attendaient d’être opérations avec son nouvel avion

59
BOEING 727

cinq jours plus tard au cours d’une


liaison San Francisco-Denver.
“ Né au temps Disponible auprès de compa-
gnies situées sur tous les continents,
Le 727 fut rapidement un succès
et la production s’intensifia. De 1965 du kérosène abordable, le 727 connut l’essentiel de ses ventes
au sein des compagnies intérieures
à 1969, Boeing livra plus de 100 américaines pour lesquelles il tint
avions par an, avec un record de 160
livraisons en 1968 et un creux de seu-
le 727 affronte le choc son rôle : drainer les lignes inté-
rieures pour alimenter les lignes in-
lement 33 en 1971. pétrolier de 1973 ” ternationales. Étant donné les dis-
tances entre les grandes villes du
La nouvelle version pays, sa vitesse de croisière lui offrit
mit de relancer les ventes et le l’avantage décisif sur tous ses concur-
s’allonge de 6 m constructeur livra plus de 100 rents. Seul bémol, le 727 est extrê-
En 1967, Boeing fit voler la nou- Boeing 727 par an de 1978 à 1980 mement bruyant, et même les atté-
velle version de son best-seller, le Si des versions 727-300 et -400 nuateurs de bruit installés en
Boeing 727-200, dont le fuselage furent envisagées, elles ne virent rattrapage ne l’ont jamais rendu
était allongé de 6,1 m par l’ajout de Le N463US était jamais le jour et la succession du tri- vraiment discret.
deux sections de 3 m en aval et en un 727-51 livré réacteur démarra en 1982 avec le
amont de l’aile, permettant d’aug- à Northwest en premier vol du Boeing 757 qui Un inévitable
menter le nombre de passagers et décembre 1964. connut une carrière industrielle
donc la rentabilité du type. L’appa- Il termina sa honorable avec quelque 1 050 exem-
déclin
rition de cette nouvelle version en- carrière au sein plaires construits jusqu’en 2004. Né au temps du kérosène abor-
traîna le changement d’appellation de cette Tout au long de leurs carrières dable, le 727 devint moins rentable
de la version originale en 727-100, compagnie industrielles et commerciales, les 727 dès le premier choc pétrolier de 1973.
alors que les types étaient alors 20 ans plus subirent des chantiers d’amélioration S’il resta néanmoins encore une dé-
désignés avec seulement deux tard après avoir avec des changements de réacteurs, cennie en production, certains appa-
chiffres (les 727-22 pour United et porté l’apparition de winglets [ailettes aux reils se voyaient convertis dès les
temporairement
les 727-25 pour Eastern par extrémités de la voilure, NDLR], la chaînes de Renton en cargo, équipés
les couleurs
exemple). Les deux versions restè- modernisation des postes de pilotage d’une vaste porte latérale permettant
de PSA (Pacific
rent en production sur les mêmes et, bien sûr, les conversions cargo… de charger facilement les conteneurs
Southwest
lignes jusqu’en 1972, lorsque sortit Airlines) et
mais fondamentalement, les appa- normalisés. Dans ces fonctions, le
le 572e et dernier 727-100. Ceci per- Continental.
reils évoluèrent peu. 727 s’avéra un outil aussi souple que

DR/COLL. J. GUILLEM

Construit pour la Transcarribean en 1969,


ce 727-200 fut revendu deux ans plus tard
à American Airlines. En 1993, il fut converti en
cargo pour Emery chez qui il vola jusqu’en 2003.

DR/COLL. J. GUILLEM

60
DR/COLL. J. GUILLEM
Transair
rentable et Fedex, la plus importante produits le furent directement en l’invasion du Koweit par l’Irak, Sweden utilisa
compagnie cargo, en fit son cheval de version cargo et la chaîne s’arrêta au quelques compagnies firent faillite et quatre Boeing
bataille sur de nombreuses lignes 1832e exemplaire en 1984, seulement les avions les plus anciens des majors 727-100 à la
jusque dans les années 2000. 21 ans après le vol inaugural. commencèrent à être stockés dans le fin des années
Las, après 20 ans de production, Après la livraison du dernier désert. Certains 727 avec un bon 1960 avant
la demande commença à décroître. exemplaire, au milieu des années potentiel furent convertis en cargos d’être absorbée
Outre le 757, Boeing proposait aussi 1980, les 727 transportaient encore et continuèrent de voler. Au début des par la SAS.
de nouvelles évolutions du 737 per- plusieurs millions de passagers années 2000, il restait un bon millier
mettant d’assurer les mêmes mis- chaque mois aux États-Unis. d’appareils en service dans le monde.
sions avec un coût opérationnel sen- Une première phase de déclin Les attentats du 11 septembre puis la
siblement inférieur. Les derniers 727 survint en 1990 : en conséquence de guerre en Irak entraînèrent de nou-


Peut-on imaginer
décoration plus
chatoyante que
celle de ce 727-76
de la compagnie
Lanica
du Nicaragua
à la fin des
années 1970 ?

DR/COLL. J. GUILLEM

La très californienne PSA utilisa un total


de 49 Boeing 727 du milieu des années 1960
à 1995. En 1984, cet exemplaire célébra
les 50 ans de Donald Duck.

DR/COLL. J. GUILLEM

61
BOEING 727

DR/COLL. J. GUILLEM
En 1979,
velles crises qui éclaircirent encore dernier était produit à environ 1 100 la flotte plus que claire : “Le Trident a été
plus les rangs des triréacteurs. Cette exemplaires. Ce total n’a été dépassé de Transbrasil conçu pour se conformer aux be-
fois, les A320 ou les 737NG, bien plus que par très peu d’avions : l’ensemble était constituée soins d’une seule compagnie et avait
économiques à exploiter, avaient de la famille DC-9/MD-80/Boeing uniquement de un fuselage bien trop étroit.”
définitivement remporté la partie. 717 par exemple, et bien entendu par Boeing 727-100. Néanmoins, si on célèbre le 727
Le dernier vol d’une ligne régu- les Airbus A320. comme une brillante réussite, il vo-
lière à bord d’un 727 fut réalisé par lait à une époque où la sécurité des
Iran Aseman Airlines le 13 janvier Un bilan sécuritaire vols n’était pas aussi avancée qu’au-
2019 lorsque le EP-ASB, un 727 qui jourd’hui. Ainsi quelque 120 avions
avait volé précédemment avec Air
d’un autre temps de ce type furent détruits sur acci-
France, effectua son ultime liaison Avec plus de 1 700 exemplaires dent ou faits de guerre. Le premier
Zahedan-Téhéran. construits fin 2022, le Boeing 777 accident se produisit le 16 août 1965
En décembre 2022, il restait devrait forcément dépasser le total du lorsqu’un avion d’United plongea
quelque 48 Boeing 727 encore imma- 727 dans les années à venir, tout inexplicablement dans le lac
triculés, la plus grande partie en comme l’Airbus A330 – environ 1 600
configuration cargo mais aussi en exemplaires aujourd’hui. En 50 ans de
avions d’affaires. Trois appareils carrière, par contre, et avec “seule- Le détournement aérien
sortent du lot avec des utilisations ment” 1574 exemplaires, le Boeing 747
assez notables : deux 727 parmi les n’est pas parvenu à faire aussi bien. le plus célèbre
derniers construits sont utilisés par Le 727 fut finalement le deu- Comment ne pas évoquer le célèbre détournement du 727
Oil Spills Response comme avions xième round d’une domination des N467US assurant le vol 305 de la Northwest Orient entre Portland
d’épandage de dispersant en cas de airs par Boeing après le coup de et Seattle le 24 novembre 1971, par un homme prétendant
marée noire ; ils sont immatriculés et tonnerre du 707, juste avant le coup se nommer Dan B. Cooper et prétextant disposer d’une bombe
basés en Grande-Bretagne. Un der- de maître du 747 et le coup de génie dans sa mallette ? À Seattle il se fit livrer 200 000 dollars
nier est utilisé par une société privée que fut le 737. et quatre parachutes. Les passagers furent débarqués et le plein
pour des vols zéro G, à vocation Pour Steiner, le succès du 727 de l’avion refait, pour, semble-t-il, se rendre au Mexique.
scientifique parfois, mais surtout n’était que pure logique. “Le 727 a Alors que l’appareil évoluait à faible vitesse et basse altitude –
pour des missions à sensations. Il été un succès en raison de ses qualités environ 10 000 pieds (3 048 m) –, il évacua le Boeing par
opère ainsi depuis la Floride et peut propres, mais aussi parce qu’il n’a la rampe arrière avec son butin grâce à un des parachutes.
se déployer en Californie. pas eu de concurrence à sa hauteur. Il ne donna ensuite plus jamais signe de vie et personne
Nous avions estimé le marché de ne sait si ce saut lui fut fatal ou s’il parvint à profiter du reste
Une place cette classe d’appareil avec une de sa vie avec sa nouvelle fortune. On retrouva quelques billets
bonne précision et avons obtenu une très abîmés sur une berge de la rivière Columbia en 1980,
dans l’histoire part de ce marché supérieure à celle mais D. B. Cooper ne fut jamais identifié ni retrouvé, et aucun
Avec 1 832 exemplaires produits, prévue. Une des raisons de ce succès autre billet de la rançon ne réapparut.
le 727 se hisse parmi les succès de fut le choix d’une configuration Pour éviter toute récidive, les 727 furent équipés de la “Cooper
Boeing. Il fut même le premier jet à pourtant peu populaire, le triréac- Vane”, un loquet qui bloque l’ouverture de la rampe arrière
dépasser 1 000 exemplaires et le plus teur.” Et si on compare le 727 à son en pivotant pour se mettre dans le lit du vent relatif lorsque
vendu au monde jusqu’en 1990 concurrent le plus direct, le britan- l’avion est en vol.
lorsque le 737 le dépassa – en 1984 ce nique “Trident”, l’explication est
62
expérience menée en 2012 avec le
XB-MNP (ex-N293AS) lors d’un
essai d’écrasement volontaire au
Mexique. L’avion décolla avec un
équipage qui évacua ensuite l’appa-
reil par parachute depuis la rampe
d’accès arrière. Il fut pris en compte
par un pilote embarqué dans un
Cessna 337 et disposant d’un sys-
tème de pilotage à distance, qui
guida le vieux triréacteur jusqu’à
l’impact à 120 nœuds (222 km/h) et
un taux de descente de 460 m/min.
L’avion se brisa en trois parties et la
Un Boeing 727 démonstration fut faite que les pas-
fut sagers situés à l’avant étaient ceux
temporairement qui risquaient le plus leur vie en cas
affecté au d’atterrissage en catastrophe. Le site
Dryden Research de l’accident fut ensuite nettoyé et
Center de l’épave de l’appareil étonnamment
la Nasa pour reconnaissable est toujours visible à
des études sur la sortie sud de Mexicali !
les tourbillons
marginaux Une solidité approuvée
en bouts d’ailes par le roi Hassan II
et les turbulences
de sillage De cette solidité légendaire,
en 1974. c’est le roi Hassan II du Maroc qui
NASA
pouvait en témoigner le plus sincè-
Michigan alors qu’il était en ap- si l’équipage avait sélectionné les rement du monde. En août 1972, son
proche de Chicago O’Hare, faisant volets à 30° plutôt que 25, la ma- 727-200 fut intercepté par six F-5A
30 morts. Le dernier eut lieu en 2016 nœuvre se fût bien mieux passée ! de son aviation alors en rébellion.
lorsqu’un 727-200 cargo de la com- L’histoire du 727 est effectivement Les putschistes tentèrent d’abattre
pagnie Aerosucre s’envola de Puerto riche d’anecdotes comme ces avions le jet commercial près de Rabat.
Carreno en Colombie avec 10 t de équipés de fusée d’assistance “Jato” Heureu sement, leurs avions
fret. Il s’écrasa trois minutes après pour pouvoir décoller de Mexico. n’étaient armés que d’obus d’exer-
son décollage au cours duquel il avait Que dire aussi de ces missions effec- cice et, s’ils fi rent mouche à de mul-
arraché la barrière d’enceinte de tuées par les avions d’Eastern tiples reprises et provoquèrent
l’aérodrome, un petit bâtiment désaf- Airways qui conduisaient les équi- d’importants dégâts, l’avion résista
fecté, puis un arbre. L’avion était en pages à se poser sur la piste en glace et parvint à se poser. Le roi eut la
surcharge sur une piste trop courte de Thulée au Groenland ! vie sauve ; les conjurés les plus ac-
avec un mauvais calcul pour la vitesse Comme témoignage sur la soli- tifs, dont les trois pilotes qui avaient
de rotation. L’enquête démontra que dité du 727, on peut parler de cette ouvert le feu sur le 727 puis sur

La rampe-escalier à l’arrière du 727 lui permettait


de débarquer ses passagers sur n’importe
quel aérodrome. Elle fut aussi au cœur du
détournement mené par D. B. Cooper en 1971
qui lui trouva une autre utilisation imprévue !

DR/COLL. J. GUILLEM

63
BOEING 727

En dépit des atténuateurs de bruit installés


en sortie de réacteurs, les 727 sont restés
des avions très bruyants. Ici un 727-200
de la compagnie équatorienne Aerolíneas
Galapagos au décollage.
DR/COLL. J. GUILLEM

“ 60 ans après son


premier vol, le 727
fascine encore par
la pureté de ses lignes ”
l’aérogare où ils tuèrent huit per- Après
sonnes furent condamnés à mort et 64 000 heures Les 727-100 et -200 furent très
exécutés l’année suivante. Le de vol avec prisés comme avions d’affaires.
Boeing fut réparé ; le CN-CCG United
désormais baptisé “Oiseau de la (1964-1991) F. MARSALY

Providence” est aujourd’hui exposé puis 25 ans ses lignes, son élégance mais aussi fruit du hasard, c’est juste que l’appa-
de restauration,
au musée de la Royal Air Maroc à son histoire dense et, paradoxale- reil avait été bien conçu, bien
le premier 727
Casablanca, là où se trouvait l’an- ment, son importance dans l’histoire construit et bien exploité. Avoir la
a gagné, en vol,
cien aéroport d’Anfa. de la démocratisation des lignes aé- chance d’en voir voler en 2022 a le
le Museum
60 ans après son premier vol, le riennes. Si certains volent encore goût délicieux d’un temps qui semble
of Flight en
727 fascine encore par la pureté de mars 2016.
aujourd’hui, ce n’est pas seulement le désormais révolu et bien lointain ! ■

Fedex a livré un de ses


727-100F au musée de l’Air
du Bourget en juin 2007.

MOF F. MARSALY

64
CE JOUR-LÀ… 14 février 1943
Difficile début du “Corsair” au combat
Le massacre de
la Saint-Valentin
Début février 1943, les Marines engagent
pour la première fois le “Corsair”
au combat dans l’enfer de Guadalcanal.
Une mauvaise expérience riche
en enseignements. Par Henry Stone

P
longeons ici dans l’enfer de successeurs du “Wildcat”. Grumman
la campagne de Guadal- peaufine son “Hellcat”, alors que
canal qui voit Japonais et Vought à du mal avec son “Corsair”.
Américains lutter pour Ce dernier vole depuis mai 1940.
la supré- Ses performances
matie dans les Salo- sont très bonnes, mais
mon. Depuis août ses essais sur porte-
1942, chacun des avions sont mauvais ;
adversaires tente de le chasseur rencontre
prendre l’avantage des difficultés, en
(lire à ce sujet les Fana particulier à l’appon- Harold Stewart,
de l’Aviation nos 519 tage. Qu’importe, les l’un de deux
et 520). L’aviation chaînes d’assemblage pilotes disparus
américaine a fort à tournent déjà à plein lors du combat
faire avec le “Zero” ; régime. Dans un pre- du 14 février.
les “Wild cat”, les mier temps, l’avion
“Airacobra”, et même sera déployé à terre.
les “Lightning”, sont à L es prem ières
la peine face à l’agile unités entament leur
chasseur japonais. passage sur “Corsair”
Pourtant en ce dé- US NAVY
pendant l’hiver 1942. US NAVY

but 1943, les Américains savent qu’ils C’est le cas de la VMF-124 des part de ses pilotes dépassent à peine
vont bientôt pouvoir compter sur une Marines qui touche ses chasseurs les 20 heures de vol quand tombe
nouvelle génération de chasseurs. à Camp Kearny en Californie – la l’ordre de partir pour le Pacifique ; la
L’US Navy attend beaucoup des future Miramar de Top Gun. La plu- situation est critique à Guadalcanal.

Les premiers Dans l’enfer


“Corsair”
sur le front
de Guadalcanal
dans un court Les imposantes dimensions du
article à propos théâtre des opérations avantagent
de l’arrivée considérablement le “Zero” qui
de la VFM-124 bénéficie d’un important rayon d’ac-
et ses pilotes tion. Le”Wildcat” a les jambes un
dans la peu courtes, en plus d’être moins ma-
campagne niable. Le “Corsair” promet d’aller
de Guadalcanal. bien plus loin, à plus grande vitesse,
le tout avec une puissance moteur
bien meilleure. C’est un atout qui
arrive du côté américain dans la
bataille. Les “Corsair” traversent
l’océan sur le transport d’avions
Kitty Hawk, familier de la route pour
avoir déjà convoyé des renforts vers
Guadalcanal. Ils retrouvent leurs
pilotes à Espiritu Santos, dans les
Nouvelles-Hébrides.

US NAVY

66
L’un des F4U “Corsair” de la VFM-124
au tout début de 1943.

US NAVY
Les pilotes
et le personnel
de la VMF-124
arrivèrent avec
peu d’expérience.

67
LE MASSACRE DE LA SAINT-VALENTIN

Dans l’après-midi du 12 février dus dans la mêlée. Deux “Corsair”,


1943, les premiers F4U-1 arrivent sur pilotés par les 1st lt Gordon Lyon Jr et
l’aérodrome situé à Kukum (aussi Harold Stewart, ne rentrent pas. Le
appelé Fighter 2). Les 17 premiers lt Lloyd B. Pearson, de la VMF-124,
“Corsair” sont suivis par sept autres témoigne : “L’avion de Stewart a
plus tard dans la journée. Quelques été criblé de tirs de mitrailleuses
heures seulement après leur atter- en diagonale sur le réservoir d’es-
rissage, deux “Corsair” entrent dans sence principal. Lorsque Stewart
le vif du sujet et accompagnent un m’a rejoint après la mêlée, j’ai pu
hydravion PBY “Catalina” envoyé voir l’essence jaillir des nombreux
au secours de deux pilotes de impacts de balles. Il semblait aller
“Wildcat” des Marines abattus. bien. Après environ 10 minutes avec
Pas de chasseur japonais en vue. nous, son carburant s’est épuisé ;
Le lendemain, 11 “Corsair” de la il a fait un signe d’au revoir de la VINCENT
DHORN
VMF-124 escortent neuf PB4Y-1 main et a piqué du nez vers l’eau à E

“Liberator” de l’US Navy chargés de environ 20 000 pieds [6 096 m]. Les
bombarder des navires japonais au “Zero” l’ont suivi, lui tirant dessus
sud de Bougainville, dans la région en permanence. Il a fait un amer-
de Buin-Shortland. Une poignée de rissage réussi et j’ai cru voir une
“Zero” partis de leur base de Buin tache jaune (son radeau de sauve-
ne s’approchent pas. tage) à côté du cockpit. Cependant,
les “Zero” ont continué à le punir ;
Un combat bref nous n’avons plus jamais entendu
parler de Stewart.”
mais intense C omme souvent dans les
La mission du 14 février est essen- conflits, les premiers rapports
tiellement une répétition de l’opéra- rendent des résultats pour le moins
tion de la veille. Il faut escorter neuf contrastés. Les deux Kokutai reven- de “massacre de la Saint-Valentin”.
PB4Y-1 “Liberator” de la VB-101 diquent des “Corsair”. Les pilotes Il tempère dans le secteur les grands
lors d’une frappe maritime au sud de la VMF-124 sont crédités de trois raids américains mêlant bombar-
de Bougainville. 12 “Corsair” de la “Zero” et d’un “Pete”, tandis que diers et chasseurs. Dans le même
VMF-124 sont de nou- les mitrailleurs des temps, l’activité aérienne japonaise
veau mobilisés avec dix PB4Y affirment se fait moins virulente, de sorte que
P-38G “Lightning” du avoir abattu neuf les “Corsair” sont moins sollicités
339th Fighter Squadron Japona i s , sa n s en première ligne. Les pilotes de la
des USAAF. Cette fois- oublier le cap- Le “Corsair” VFM-124 en profitent pour pour-
ci, les Japonais ripostent. tain Bill Griffith de Gordon Lyon suivre leur entraînement et mettre
Une patrouille du sur “Lightning” fut percuté au point les tactiques de combat
252e Kokutai dirigée par qu i revend ique par un “Zero” les plus appropriées pour affronter
Tamotsu Okabayashi un “ Z e r o ”. lors du combat les “Zero”. Kenneth Walsh, pilote
au-dessus du sud de Cependant, alors du 14 février. au sein de l’unité, raconte ainsi :
Bougainville est la pre- que les Américains “Comme nous étions la première
mière à repérer la for- comptent 14 vic- unité équipée de “Corsair”, nous
mation américaine, et toires, la seule ne savions pas exactement comment
bientôt d’autres A6M US N AVY
perte japonaise l’employer, et nous devions établir
se précipitent depuis l’aérodrome ce jour-là est Yoshio Yoshida, du une doctrine. Beaucoup d’autres
de Ballale. Les pilotes américains 252e Kokutai, qui est en fait entré unités de “Corsair” allaient nous
regardent la poussière s’élever de l’aé- en collision avec le “Corsair” de suivre, et elles allaient certainement
rodrome de Buin alors que 13 “Zero” Lyon pendant la mêlée. Ce combat se baser sur notre expérience pour
du 204e Kokutai décollent avec à leur entre dans les annales sous le nom développer leur propre tactique. J’ai
tête le lt Zenjiro Miyano, un as qui US NAVY

applique la formation en combat de


quatre avions et non pas trois comme
L’arrivée des “Corsair” changea
le veut l’orthodoxie japonaise. Enfin,
la donne pour les Américains.
11 hydravions A6M2-N “Rufe” du
Après les déboires du premier
802e Kokutai sont également dépê- combat avec la VFM-124, le chasseur
chés de leur base des îles Shortland, s’avéra vite supérieur au “Zero”.
portant au total l’effectif japonais à
41 chasseurs.
Un combat aérien furieux se dé-
roule vers midi après que les “Libe-
rator” ont largué leurs bombes et se
retirent vers le sud-est. Les Japonais
surprennent les Américains qui
peinent à faire face. Dépassé par
le nombre des “Zero”, le lt Howard
J. Finn explique s’être réfugié sous
la protection des bombardiers ! Un
PB4Y et quatre “Lightning” sont per-
68
Le F4U-1 (BuNo 02187) du 1st lt Gordon Lyon Jr de la VMF-124 fut perdu après
une collision avec un “Zero” de Yoshio Yoshida, du 252e Kokutai, le 14 février 1943.

“ (…) l’altitude était “Zero” n’était guère plus qu’une


victime. J’ai connu le “Zero”, et j’ai
ils brûlaient avec leur structure en
aluminium et les composants en
appris à l’attaquer. Après mes sept magnésium qui attisait le feu. Vous
primordiale. Celui qui années en première ligne, je savais
quand ouvrir le feu et comment me
pouvez imaginer ce qu’il se passait
quand nous les touchions avec 30
l’avait dictait les termes servir du viseur Mk8 (…). ou 40 coups.”
Quand les combats se font plus
Le souvenir du massacre
du combat ” oublié au printemps 1943
âpres au printemps 1943, le souvenir
du massacre de la Saint-Valentin est
oublié. Le 18 avril, les “Lightning”
appris rapidement que l’altitude Nous disposions de huit mitrail- du 339th FS tendent une embuscade
était primordiale ; celui qui l’avait leuses de 12,7 mm avec 400 car- au “Betty” transportant l’amiral
dictait les termes du combat, et il touches par arme, et une cadence Yamamoto, tête pensante de la
n’y avait rien qu’un pilote de “Zero” de tir de 800 coups par minute. Les flotte japonaise, qui trouve la mort
puisse faire pour changer cela ; nous munitions étaient réparties comme à cette occasion. Le “Corsair” se
l’avions. Le F4U pouvait surpasser suit dans les bandes : une balle montre bien meilleur que le “Zero”.
le “Zero” dans tous les aspects sauf incendiaire, une traçante et une Kenneth Walsh devient le premier
la maniabilité et le taux de montée perforante. Une rafale de deux se- as sur “Corsair” le 13 mai. Oubliant
à basse vitesse. Il fallait éviter les condes expédiait 150 cartouches ses déboires du 14 février, Howard
basses vitesses contre un “Zero”. et le “Zero”, comme la plupart J. Finn remporte six victoires.
Lorsque nous nous sommes habi- des avions japonais, n’avait pas de Début septembre 1943, quand la
tués à la zone en connaissant nos blindage ni de réservoir auto-obtu- VFM-124 est relevée, ses pilotes
capacités, il y avait des cas où le rant. Donc si nous les touchions, alignent 68 victoires. ■

69
HISTOIRE
Golfe Persique, 1980-1991
Les “Roland”
du désert
Deuxième partie et fin.
Après une utilisation intensive pendant
la guerre, les postes de tir “Roland”
irakiens ont besoin d’une sérieuse révision
générale. La perspective d’un gros contrat
de maintenance pour Euromissile…
Par Hugues de Guillebon

F
in 1989, les Irakiens veulent le client à entreprendre une cam-
effectuer une nouvelle cam- pagne de révision générale des postes
pagne de tirs “Roland” pour de tir qui avaient accumulé des mil-
vérifier le niveau du matériel liers d’heures de fonctionnement
et des équipages. Pierre sous des conditions extrêmes. L’idée
Longuet raconte : “Les Irakiens était de remettre intégralement en
nous ont demandé de les aider à état trois postes de tir ; mais on voyait
contrôler trois postes de tir plus loin en mettant en place
avant d’effectuer en Irak des ateliers
leur campagne. de réparation
Puis les tirs des sous-en-
ont eu lieu, sembles
mais ils se dans des
sont mal usines
passés : un existantes.
but et deux Nous vou-
échecs. À lions vrai-
partir de là, ment que le
cela a beaucoup client se prenne
discuté… Les Irakiens DR/C .
OLL PARTICULIÈRE
en main pour effec-
se plaignaient du matériel. tuer les réparations suivant un
Nous avons alors procédé à un exa- véritable processus industriel.
men minutieux des postes en ques-
tion et nous avons mis en évidence Un contrat pour
un mauvais entretien de leur part :
dépannages mal faits sur des cartes
une révision complète
électroniques et matériels sensibles, C ’est ainsi que le contrat
réparations de fortune qui pou- “Overhaul” a été signé début 1990
vaient créer des pannes erratiques, pour la révision complète par l’assis-
radars de tir défectueux, etc. Le tance technique de trois postes de tir,
matériel qui était là depuis 8 ans les MAN nos 813, 835 et 900. Ce
avait été mal entretenu dans l’en- contrat prévoyait à la fin la recette
semble ; il fallait tout contrôler de A des trois postes révisés avec une
à Z. Nous avons également remis en campagne de tirs effectuée conjoin-
cause le principe de leurs cibles lar- tement par les Irakiens et une équipe
guées par avion qui tombaient des essais en vol d’Euromissile.
comme des pierres et que le radar de Nous avons alors monté cette opé-
tir ne pouvait pas accrocher. ration avec tous les secteurs de l’en-
À mon retour en France, j’ai fait treprise concernés : bureaux
mon rapport à Euromissile et Jean- d’études, fabrication, après-vente,
François Dufossé, patron du “sup- essais, expéditions, etc. Tout le
port produit”, a décidé de lancer monde a participé activement, sou-
l’opération “Overhaul” pour inciter tenu en cela par les patrons des dif-

CLAUDE FOUCHER

70
Une photo interdite : les postes
de tir “Roland” 2 en Irak
au lac Razazah début avril 1990.
Trois MAN révisés effectuent leurs
tests avant les tirs. Les équipes
d’Euromissile sont présentes.
Marchant en blouson,
Georges Giglio, chef de mission
des essais en vol.

71
LES “ROLAND” DU DÉSERT

“Overhaul” embarqua pour l’Irak à


bord d’un vol Air France. Cette
équipe franco-allemande était com-
posée de cinq personnes : Pierre
Angot, Georges Giglio, Gerd
Hilghers, Gunther et moi-même ; soit
un officier de tir, un tireur, un chef de
pièce et deux personnes chargées des
enregistrements. Après une escale à
Amman en Jordanie, nous arri-
vâmes dans la soirée à Bagdad. Le
lendemain, nous nous rendîmes à
l’antenne Euromissile pour certaines
formalités. Nous allâmes ensuite au
Repair Center, la base “Roland” si-
tuée au camp Army Canal, dans la
banlieue est de Bagdad, en bordure
de la grande base aérienne al-Rashid.
Toute la zone était défendue par
d’innombrables batteries de canons
antiaériens de tout calibre. Nous visi-
tâmes les installations de soutien du
“Roland”. Il y avait là quantité de
CLAUDE FOUCHER
Prise de la matériels, parfois en piteux état : lu-
férents services. Il fallait lister le en usine les défectueux pour répara- Peugeot 504 nettes de visée entièrement démontées
matériel nécessaire, les documents tion. Les réunions avec l’état-major au centre de sur une grande table alors que l’opé-
d’usine des gammes et spécifica- irakien et les utilisateurs étaient réparation ration devait se faire en salle blanche,
tions, et programmer leur expédi- nombreuses et prenantes. Cette opé- Army Canal accus hydrauliques serrés dans des
tion. L’équipe d’inter- ration a été très impor- à Bagdad, la étaux, etc. Dans une cour, on pouvait
vention a été constituée tante tant du point de photo d’un voir un véritable cimetière de groupes
par mes soins avec du vue promotionnel poste de tir électrogènes de marque Socea qui
personnel de la fabri- qu’organisationnel. MAN en piteux n’avaient pas résisté à un régime mo-
cation et de l’après- L’équipe des essais en état. teur trop élevé, ainsi qu’une cabine de
vente. Le travail en vol a pris ensuite en tir “Emmenthal” 2 qui avait manifes-
lui- mê me a duré charge les trois postes tement fait un tonneau.
deux mois et le client de tir que nous avions Plaquette Au Repair Center, nous avons
nous a soutenus sans complètement remis Euromissile contrôlé les postes de tir révisés avec
relâche. Pour lui don- en état et contrôlés.” du contrat le Scader (Système de contrôle auto-
ner un aperçu d’une “Emmenthal” 2. m a t i qu e d e u xi è m e é c h e lon
organisation indus- Embarquement “Roland”), et préparé les installa-
trielle, j’avais établi tions vidéo et radio. Bien que nous
une noria des matériels
pour l’Irak étions en bordure de l’aérodrome, il
que nous démontions. DR/C . C FOLL LAUDE OUCHER
Claude Foucher se n’était pas question d’avoir accès à
Tous étaient contrôlés souvient de la cam- celui-ci et nous nous contentâmes de
avec les bancs 3e échelon puis, selon pagne de tir qui s’ensuit : “C’est le faire des acquisitions avec les postes
le résultat, remontés. Nous sortions 19 mars 1990 que notre équipe des de tir “Roland” sur les innombrables
le cas échéant des rechanges du essais en vol d’Euromissile chargée avions qui y passaient : “Mirage” F1,
magasin central de Taji et renvoyions des tirs de validation du contrat MiG-19, MiG-23, MiG-29, Su-25 ou

Une position
de tir “Roland”
Des missiles “Roland” 3 irakiens ? sur une butte
En mai 2003, des soldats polonais de la coalition alliée mettent la main sur prise en roulant
des missiles “Roland” à Hilla en Irak. Des missiles “Roland”, comme il en existe du pont
des milliers abandonnés dans toute l’Irak. Ils les identifient comme “des modèles Al-Jadiriah sur
“Roland” 3 fabriqués en 2003” (qui est en fait la date limite d’utilisation pour le Tigre à Bagdad
des missiles fabriqués en 1984). Il n’en faut pas plus à la Pologne, allié en 1990.
des États-Unis, pour accuser la France d’avoir exporté des missiles de dernière C’est
génération à l’Irak l’année même de l’invasion du pays ! Une accusation facile, probablement
faite sans vérification, qui permet d’attaquer la France dans l’affaire irakienne, ce “Roland” qui
un pays qui non seulement s’est opposé à la guerre, mais de surcroît enfreint a abattu l’“Alpha
l’embargo sur les armes… Stupéfaction en France et réaction immédiate et très Jet” égyptien
ferme du président Jacques Chirac lors d’une conférence de presse à l’occasion en 1989.
d’un sommet de l’Union européenne à Rome, rappelant que la France n’a plus La butte est
livré d’armes à l’Irak depuis 1990, que le “Roland” 3 n’est plus fabriqué depuis toujours visible
1993 et que les quelques missiles produits – uniquement pour l’Allemagne – de nos jours
n’ont jamais été exportés. Une mini-crise diplomatique s’ensuit. La Pologne (33°16’52.98”N,
reconnaîtra son erreur et présentera des excuses à la France. 44°22’27.42”E).

CLAUDE FOUCHER

72
Les cibles devaient être
“larguées
en me tapant sur l’épaule et je pus
prendre ainsi toute une série de pho-
par un An-12 tos qui doivent constituer au-
jourd’hui une rareté, le monument
ayant été détruit en 2003.
volant à une altitude de À proximité de notre hôtel, il y
avait un terrain vague et je remarquai
sécurité de 4 000 m ” qu’il ne restait plus que les souches
des arbres qui entouraient ce terrain ;
ces souches étaient pliées à l’équerre,
photos, mais les résidents français au ras du trottoir. J’appris par la suite
Monument
sur place me déconseillèrent de le qu’un missile iranien était tombé sur
à un pilote
faire, m’expliquant qu’il était formel- l’immeuble qui s’élevait à cet endroit,
irakien tué en
1980, construit
lement interdit de faire des photos en faisant 120 victimes. Mes collègues
avec les restes
Irak. Le lendemain, je me rendis de l’assistance technique présents sur
d’un F-14 iranien malgré tout sur place avec mon appa- les lieux pendant la guerre Iran-Irak
sur la place reil photo. Il y avait deux policiers en me racontèrent que chaque soir, les
al-Fateh, uniforme à côté du monument ; je me Iraniens envoyaient un “Scud” sur
à Bagdad, présentai à eux en leur montrant mon Bagdad. Tout le monde attendait la
devant le appareil photo. “No problem !”, me détonation, puis la vie nocturne re-
répondit l’un d’eux, sûrement le chef, prenait son cours.”


ministère de l’Air.
“Conformément
CLAUDE FOUCHER
à l’ordre
de M. le président
Il-76. Par sa taille imposante, l’Il-76 commandant
remplissait toute la lunette de visée ! en chef Saddam
Il y avait aussi d’antiques Percival Hussein,
“Provost” qui faisaient des tours de Dieu le garde,
piste à longueur de journée. Mais ce le monument
qui excitait le plus ma curiosité était du pilote martyr
la rumeur de la présence sur ce ter- Abdullah Al Aibi
rain d’un hangar plein d’Hawker a été construit
“Fury” irakiens. Malheureusement, le 06/01/1990
à cet endroit, je ne pus établir aucun après J.-C.”,
contact avec les aviateurs. indique
la plaque.
Les diverses vérifications
des postes de tir
Après avoir récupéré une Peu-
geot 504 break auprès de l’antenne
Euromissile, nous visitâmes Bagdad. Carte
Près du ministère de l’Air, il y avait de la région
un monument élevé à la gloire d’un de Bagdad et du
pilote irakien. Sa statue en bronze lac de Razazah
foulait aux pieds les débris d’un F-14 avec les lieux
“Tomcat” iranien. Bien entendu, cités dans les
l’envie me démangea d’aller faire des deux articles.
FRANÇOIS HERBET

73
LES “ROLAND” DU DÉSERT

Les tirs de recette des trois postes batterie de missiles SAM-6. À la vais en comprendre plus tard la rai-
de tir doivent avoir lieu en bordure sortie sud-est de Bagdad, nous aper- son. En effet, quand nous leur de-
Une “fine
du lac de Razazah, près de la ville équipe”
cevions aussi au loin une installation mandions de déplacer un véhicule,
sainte de Kerbala, au sud-ouest de de tireurs.
impressionnante qui comportait ils oubliaient systématiquement de
Bagdad. L’équipe d’Euromissile est Claude Foucher d’immenses piliers de 100 m de haut relever les vérins, ce qui leur occa-
composée de 18 personnes : 13 de en pointeur- soutenant des filets en acier. Comme sionnait de sérieuses remontées de
l’assistance technique (hydrauli- tireur dans le nous passions tous bretelles de leurs
ciens, mécaniciens, électroniciens, panier les matins devant, chefs… Il faut savoir
etc.) et les cinq des essais en vol. de tourelle : cette construction que les véhicules de
Après avoir installé les véhicules sur “Tu pointes ou tu “cyclopéenne” nous tir “Roland” “Em-
le champ de tir et raccordé les postes tires ?”, et Gerd intriguait. J’en fis men thal” 2 étaient
de tir avec le camion mesures, les Hilghers dans quelques photos. À vendus autour de
équipes d’Euromissile procèdent le rôle de chef de l’hôtel , nous ap- 30 millions de francs
aux diverses vérifications du bon pièce-radariste. prîmes que c’était la pièce aux Irakiens,
fonctionnement de ceux-ci. Sur la protection de la cen- ce qui en faisait pro-
route qui descend vers le sud du pays, Claude Foucher trale atomique qui bablement le camion
les équipes dépassent le matin et dans la cabine abritait le réacteur le plus cher du
croisent le soir des convois militaires d’un MAN Osirak fourni par la G H /C . C
ERD ILGERS OLL LAUDE FOUCHER
monde à l’époque !”
de toute nature, des porte-chars irakien, au France et qui avait L es tirs seront
chargés de tous les types d’engins poste de chef été en partie détruite réalisés sur des cibles
soviétiques ou de leur copie chinoise, de pièce- par un raid israélien constituées de bidons
des blindés antiaériens quadritubes radariste lors en 1981. de 200 l remplis d’un
ZSU-23/4, dont un exemplaire vien- d’essais au CEL. N otre installa- tiers de ciment. La
dra leur faire une impressionnante 1- Écran du tion sur le champ de société Aérazur a
démonstration sur le champ de tir de radar de tir ; tir de Razazah com- spécialement mis au
Razazah, et beaucoup d’artillerie de 2- Indicateur portait trois véhi- point un système de
campagne et antiaérienne. “La suite panoramique cules de tir, un véhi- trois parachutes en
des événements au mois d’août 1990 du radar cule pour les mesures série. Le premier ex-
conforta l’opinion que les équipes de veille ; et un autre servant
C F
LAUDE OUCHER
trait le parachute
3- Emplacement
avaient sur la destination finale des d’atelier mobile, tous montés sur principal qui assure une descente
vide pour IFF
convois militaires rencontrés au châssis MAN 8x8. Au moment de la lente pour être visible du radar de
russe “Eastern” ;
mois d’avril : le Koweït…”, se rap- mise en place des véhicules, les vé- veille, puis une cartouche pyrotech-
4- Commutateur
pelle Claude Foucher. rins de stabilisation n’avaient pas été nique déclenche son largage et un
accrochage du
radar de tir ;
descendus, et la rotation de l’antenne petit parachute s’ouvre, accélérant la
Le mal de mer 5- Manche du radar de veille, agissant sur les descente de la cible pour permettre
suspensions relativement souples son accrochage par le radar de tir.
à bord des MAN de rotation
des MAN, engendrait un mouve- “Ces cibles devaient être larguées
de la tourelle ;
Il poursuit : “Au cours de nos 6- Pédale pour ment de roulis dans la cabine qui par un turbopropulseur Antonov 12
allers et retours quotidiens, nous autoriser finissait par nous donner le mal de volant à une altitude de sécurité de
passions à côté de positions de mis- le tir en mode mer… J’avais donc demandé aux 4 000 m, la descente sous parachute
siles sol-air de toute nature, en par- “temps clair” pilotes des véhicules de descendre permettant à l’appareil de sortir du
ticulier de SAM russes. J’en profitai ou “tous les vérins, ce qu’ils avaient exécuté domaine de tir du “Roland”, se remé-
pour faire quelques photos d’une temps”. avec beaucoup de réticence. Je de- more Claude Foucher. Nous nous

1 2
3

4
5

6
DR/COLL. CLAUDE FOUCHER CLAUDE FOUCHER

74
C’est un Antonov 12 de ce type qui largua
les cibles au profit des “Roland” au lac
Razazah. Ici, le n° 805 de l’IAF sur la base
de Lynham en Grande-Bretagne.

DR/COLL. JACQUES GUILLEM

cord avec les responsables irakiens.


Dès les premiers passages, je consta-
Les cibles tai que le pilote ne respectait pas ces
acquises par axes ; en particulier, il passait à la
le radar de veille verticale d’une cimenterie située à
sont visualisées une dizaine de kilomètres du poste de
sur le PPI tir. Je déclarai alors qu’il n’y aurait
(plan position pas de tir dans ces conditions, ce qui
indicator). surprit les Irakiens pour qui la sécu-
La représentation rité n’était pas la préoccupation ma-
synthétique jeure. Mais ils acceptèrent finalement
des cibles permet nos remarques et les passes suivantes
au chef de pièce furent réalisées impeccablement sur
de sélectionner les axes définis. Après avoir testé tous
la plus les composants, en particulier les liai-
menaçante. sons radio et les circuits de mise à feu,
DOCUMENT EUROMISSIL/COLL. HUGUES DE GUILLEBON
nous procédâmes aux essais de lar-
rendîmes sur la base aérienne de thique et décontracté nous fit visiter gage des cibles. Au premier passage,
Suwayrah située au nord de Kerbala, l’appareil. La soute était équipée d’un suite à un problème de séquenceur,
pour mettre au point avec l’équipage tapis dérouleur commandé par un les 12 cibles furent larguées en même
de l’An-12 la séquence de tir. La base séquenceur, ce qui devait permettre temps, l’une d’entre elles s’accrochant
aérienne était parsemée d’énormes de larguer les cibles à la demande. dans les fils de la ligne électrique à
hangars pyramidaux en béton ; je Nous commençâmes les vols de haute tension qui bordait la route…
n’avais jamais vu de constructions contrôle suivant les axes de présenta- Les techniciens d’Aérazur en furent
semblables. L’équipage très sympa- tion que nous avions définis en ac- quittes pour reconditionner leurs

La position de tir au bord du lac Razazah


en avril 1990. Sont visibles les trois véhicules
de tir et le camion mesures. Au premier
plan, la Peugeot 504 d’Euromissile.

75
LES “ROLAND” DU DÉSERT

cibles. Heureusement, les largages


suivants se déroulèrent correctement.
“ Obligé de secouer ment accroché quand le parachute
principal est largué, le système est
Le matin du tir le 4 avril 1990, le
colonel Walid, responsable du sys-
tème “Roland”, vint nous demander
l’officier de tir pour passé en mode “tous temps” ;
– dès que l’avion est passé à dis-
tance de sécurité, l’autorisation de
si nous étions prêts. Je répondis par
l’affirmative. Il était accompagné par
avoir l’autorisation tir est donnée ;
– le tir est alors déclenché. Il est
un colonel irakien qui me “faisait la
gueule” depuis le début. Ce colonel de tirer. Coup au but ! ” prévu que dès que le pointeur dis-
tingue la cible, il pilote en lunette
me dit en anglais, en me regardant libre après le départ du missile pour
dans les yeux : “You, two hits !” – dès que l’An-12 est détecté, la pouvoir parer à toute éventualité,
[“Vous, deux impacts !”], en se pas- poursuite se fait par le pointeur en notamment celle du décrochage du
sant l’index sur la gorge dans un geste mode “temps clair” ; radar de tir.
explicite… Malgré – le radar de tir
l’absence de sourire, doit accrocher la Attention, Le missile de 80 kg
j’ai pensé qu’il plai- cible à sa sortie de
santait… J’appris l’avion ;
danger ! attrapé au vol
Explosion
plus tard les raisons – le mini-para- de la charge Claude Foucher poursuit : “Les
de cette antipathie : chute s’ouvre. À alvéolée missiles que nous devions tirer
c’était lui qui devait l’ouverture du para- du “Roland” étaient arrivés en même temps que
initialement exécu- chute principal, le sur une cible au nous. Les soldats irakiens les
ter les tirs, mais il missile est sélec- centre d’essais avaient empilés les uns au-dessus
avait fait de grosses tionné (l’expérience des Landes. des autres pour s’abriter du vent et
erreurs lors de tirs des largages a mon- ils faisaient un grand feu juste der-
précédents et il avait tré que les cibles rière pour se réchauffer, les nuits
été décidé de faire CEL/C . C F
OLL LAUDE OUCHER
peuvent être lar- étant très froides… Pour charger les
appel à notre équipe.” guées sans qu’il y ait ouverture du Inédit ! missiles sur le poste de tir, du fait de
La séquence de tir est définie de parachute principal ou avec ouver- Une photo la hauteur de l’ensemble, il était
la façon suivante par les équipes ture différée) ; qui vient d’être prévu une petite grue électrique ;
retrouvée des
d’Euromissile : – si le radar de tir est correcte- celle-ci faisait partie du lot de bord
premiers AMX-30
“Roland” 1
irakiens prise
à Abou Graïb
début 1981
avec les équipes
françaises
d’assistance
technique avant
leur affectation
sur un site. Ces
photos montrent
que, même si
des clichés d’un
“Roland” peint
couleur sable
et portant la
légende “premier
“Roland” irakien”
DR/COLL. J.-L. JODET
existent (lire
première partie),
Le système “Hawk” en Irak les appareils
Épisode méconnu de la guerre du Golfe : en 1991, aux côtés de toute la gamme effectivement
des SAM russes et des “Roland”, les Irakiens mettent en œuvre des missiles livrés étaient
“Hawk” pour leur défense antiaérienne. Voici le témoignage d’Abbas, un militaire couleur vert
armée française.
irakien : “En arrivant au Koweït, les troupes irakiennes ont mis la main sur tous
les stocks d’armes koweïtiennes, et notamment sur les missiles sol-air “Hawk”
avec tous leurs équipements. Une prise de guerre bienvenue en prévision
de la confrontation très dure qui s’annonçait. Ce missile performant équipait Le “Tornado”
l’armée iranienne et s’était montré redoutable contre nos avions pendant GR.1 ZA396 GE
la guerre contre l’Iran. Des équipages issus des batteries de SAM-6 allèrent de la RAF fut
discrètement se former pendant un mois sur ces systèmes en Jordanie abattu par un
et au Maroc, et le bataillon 1048 fut spécialement créé pour mettre en œuvre missile “Roland”
ces nouveaux systèmes sol-air. Pendant les combats de 1991, nos armées le 19 janvier 1991
utiliseront ces “Hawk” et des appareils ennemis seront abattus [à confirmer, près de Talil.
NdA]. À l’issue de la guerre, le Koweït demandera à l’Irak la restitution des stocks Les pilotes Dave
de “Hawk”, ce qui sera fait. En revanche, cela ne sera pas le cas des missiles Waddington et
sol-air portatifs FIM-43 “Redeye” saisis à la même époque dans les entrepôts Robbie Stewart
koweïtiens, déjà oubliés par l’armée koweïtienne et jamais réclamés…” furent faits
prisonniers.
IAN BLACK

76
gage, mon collègue qui faisait fonc-
tion d’officier de tir, peut-être sous
le coup de l’émotion, nous gratifia
d’un trop rapide “Feu !”... Heu-
reusement la visibilité était excel-
lente et j’avais la cible en visuel à la
lunette ; j’attendis donc. Après avoir
annoncé l’acquisition de celle-ci,
Gerd Hilgers accrocha le radar de
tir dessus et nous attendîmes tran-
quillement le décompte final que
l’avion s’éloigne à distance de sécu-
rité. J’avais décidé de tirer en com-
mutant “tous temps”/“temps clair”.
Au moment du départ du premier
missile, un jet de flammes rentra
dans le poste de tir, me chauffant la
DR
En mars 1991, peau du dos ! J’avais heureusement
et était placée dans la cabine. Pour chargea sans incident les missiles profitant de revêtu ma combinaison ignifugée et
l’utiliser, il fallait la sortir par un avec la petite grue et nous atten- l’insurrection je compris aussitôt ce qui s’était
tourelleau percé dans le toit de la dîmes l’arrivée de l’Antonov. des chiites passé : le tourelleau sur le toit du
cabine et débouchant derrière la irakiens à poste de tir n’avait pas été verrouillé
tourelle. Pour d’obscures raisons, Un méchoui pour fêter Bassora, des et s’était ouvert sous le jet du propul-
les Irakiens ne l’utilisaient pas. À la soldats iraniens seur de l’engin, cette ouverture étant
place, deux servants lançaient le
les tirs réussis profitent du la seule qui n’était pas sécurisée par
missile de 80 kg à deux autres qui se Celui-ci se présenta correcte- chaos qui règne une interdiction de pointage. Le
trouvaient sur le toit de la cabine de ment, annonça “Ready for drop- pour pénétrer comble est que j’avais déjà signalé
tir et l’attrapaient au vol, 3 m plus ping ! [prêt pour le largage]” et lar- en Irak et cette anomalie en 1983 au cours
haut, toujours avec le sourire ! gua la première cible. À la place du : s’emparer de d’essais effectués à Brétigny… Du
L’assistance technique Euromissile “Go !” qui devait annoncer le lar- MAN intacts. fait de sa brièveté, cet incident ne me

77
LES “ROLAND” DU DÉSERT

perturba pas trop ; reprenant l’initia- elle fut larguée sans parachute… Je
tive en mode “temps clair”, je réali- fus alors obligé d’accélérer la procé-
sai un impact direct sur la cible. dure de tir en secouant l’officier de
Les tirs suivants se déroulèrent tir pour avoir l’autorisation de tirer.
correctement, mis à part une disjonc- Coup au but ! Après nos quatre tirs
tion du radar de veille qui nous obli- réussis, les équipages irakiens réali-
gea au deuxième tir à couper le poste sèrent également quatre tirs qui se
de tir et attendre les 3 minutes de passèrent sans problème. Tout le
préchauffage nécessaire pour que monde était satisfait et le soir, nous
Gerd puisse m’annoncer en alle- fûmes invités à un grand méchoui au
mand : “Waffen System bereit !” mess des officiers à Bagdad.
[“système d’armes prêt”]. L’An-12 Puis ce fut le retour le 6 avril
étant en éloignement à ce moment, 1990. À l’aéroport de Bagdad, nous
personne ne s’aperçut de l’incident. faisions la queue pour embarquer et
Les deuxième et troisième missiles il y avait un contrôle policier. Le
détruisirent leur cible par fusée de préposé à ce contrôle n’avait pas
proximité. Quant à la dernière cible, d’uniforme mais paraissait particu-

Lors d’un tir de la Luftwaffe


le 14 mai 1992 au CEL, une fuite
d’huile s’enflamme au départ
du missile : chaud derrière !

Ce soldat
américain lièrement surexcité. Il fit déshabiller
est juché le type qui était devant moi, fouillant
sur l’épave toutes ses affaires. Je commençais à
d’un AMX-30 ne plus être très fier. Mon tour étant
“Roland” 1 venu, il tomba en arrêt devant mon
irakien détruit appareil photo ! Je sentis mon sang
en 1991 dont se glacer, mais il se contenta de reti-
CEL/COLL. CLAUDE FOUCHER
il ne reste plus rer les piles et les jeta avec un air de
que la carcasse. défi dans un grand carton plein de
piles… et je pus rentrer en France
Le “Roland”, un succès d’Euromissile avec les précieuses pellicules ! À cette
Avec le contrat irakien, le “Roland” prend la première place des systèmes sol-air époque, même si j’avais déjà tiré plus
courte portée occidentaux des années 1980, avec 25 500 missiles vendus et 644 de 500 missiles “Roland”, soit plus
postes de tir en service dans dix pays, soit 31,1 % du marché mondial. Il devance que toutes les armées utilisatrices
le “Rapier” de British Aerospace (30,5 %), le “Chaparral” de Ford Aerospace réunies, écoles à feu comprises, la
(24,2 %), le “Crotale/Shahine” de Thomson-CSF/Matra (7,9 %), l’“Aspide” campagne de tirs irakienne restera
de Selenia (3,6 %) et l’“Adats” de Martin Marietta/Oerlikon (2,2 %). sans conteste comme la plus mar-
Le “Roland” est conçu de façon modulaire pour pouvoir être monté sur différents quante de toutes !”
types de châssis : engin chenillé, camion ou remorque. Une version marine,
le “Roland” M, sera testée sur le bâtiment Île d’Oléron. Il a même été envisagé
d’adapter le système sur voie ferrée !
Les dix pays clients : Photographié en 2003,
– Allemagne : “Roland” 2 et 3 sur char SPz “Marder” et camion MAN ; un “Roland” 2 pulvérisé
– Argentine : “Roland” 2 sur remorque (contrats “Éminence” et “Émissaire”) ; par l’aviation alliée sur
– Brésil : “Roland” 1 et 2 sur char SPz “Marder” (contrat “Emma”, premier la route de Bagdad.
contrat export) ;
– Espagne : “Roland” 2 sur AMX-30 (contrat “Émersion”) ;
– États-Unis : “Roland” 2 sur char M-109 et camion International ;
– France : “Roland” 1 et 2 sur AMX-30 et semi-remorque “Carol” (cabine
aérotransportable “Roland”) ;
– Irak : “Roland” 1 sur AMX-30 et “Roland” 2 sur camion MAN (contrats
“Emmenthal”) ;
– Nigeria : “Roland” 2 sur AMX-30 (contrat “Émouchet”) ;
– Qatar : “Roland” 2 sur AMX-30 et camion MAN (contrat “Emclin”) ;
– Venezuela : “Roland” 2 sur remorque (contrat “Embuscade”).
Parmi les espoirs déçus : la Norvège, la Belgique, la Suisse, le Canada, la Corée
du Sud, la Grèce, l’Indonésie, la Turquie et l’Arabie Saoudite.
Parmi les autres projets de châssis, on trouve : AMX-10, “Puma”, “Luchs”,
“Léopard” 1, M1A1 “Abrams” et MLRS (multiple launch rocket system, lance-
roquettes multiple).

78
DR DR
Un MAN après
Pierre Longuet complète : “Les tions sont sur le point d’aboutir la guerre du Profitant du chaos qui règne dans le
quatre tirs de nos équipes furent un quand l’Irak envahit le Koweït le Golfe. À noter sud du pays et de l’insurrection des
succès total et la réussite des tirs sui- 2 août 1990… Tout s’arrête. le panneau Chiites, les Iraniens pénètrent en
vants par les équipages irakiens Durant la guerre du Golfe, en solaire installé Irak et mettent la main sur des MAN
ajouta un très grand bonus à ce résul- dépit de la disproportion considé- par les Irakiens. près de Bassora. Quant aux “Ro-
tat : ce succès redevenait le leur !” rable des forces en présence, les land” 1 sur AMX-30, ils disparais-
“Roland” participent activement à En mars 2003 sent quasiment tous au Koweït.
L’Irak envahit le Koweït ; la défense du territoire et reven- au Kurdistan

les négociations stoppées diquent plusieurs victoires, comme irakien, des 2003 : les rares “Roland”
celle du 19 janvier 1991 obtenue sur Peshmergas
Suite au plein succès de l’opéra- le “Tornado” GR.1 ZA396 près de découvrent ne peuvent plus rien
tion “Overhaul”, l’objectif d’Euro- la base de Talil. Leurs pertes seront des morceaux “Au sujet de l’état des “Roland”
missile est comme on l’a vu de pou- lourdes aussi. Le 17 janvier 1991 par de missiles après la guerre du Golfe, raconte
voir réviser toute la flotte des exemple, dans la nuit, un poste de tir “Roland” Roland Narboux, une anecdote me
“Roland” irakiens. La remise en état “Roland” 2 engage et touche un cachés, fut rapportée par des techniciens
probablement
des 113 postes de tir représenterait avion américain dans le désert près d’Aérospatiale. Ils avaient demandé
en vue
60 % des prévisions de plan de de Nassiriya ; repéré, il est détruit par aux Irakiens s’ils avaient toujours
de commettre
charge de la division. Les négocia- l’aviation et son équipage tué. des “Roland”. La réponse fut posi-
des attentats.
tive, mais la plupart des postes de tir
ne fonctionnaient plus, faute d’assis-
tance technique. La seule chose
qu’ils avaient conservée de ces
“Roland” inutilisés était leurs ca-
bines et les gros climatiseurs qui eux,
tournaient toujours. Quand la cha-
leur devenait insupportable, les
Irakiens se réfugiaient à l’intérieur et
mettaient la clim à fond !” Certains
camions MAN seront aussi réem-
ployés par les Irakiens sans leur ca-
bine “Roland” ; au moins l’un d’entre
eux a été vu équipé d’une batterie de
missiles SA-3 sur son plateau.
En 2003, les rares “Roland” en-
core opérationnels ne peuvent plus
rien opposer à l’armada coalisée qui
déferle sur le pays et ils disparaissent
dans la tourmente de l’occupation.
Mais pour les Irakiens, comme dans
la chanson de “Roland”, “le noble
preux est mort en héros”.” ■
YVES DEBAY DR

79
MAQUETTES Par Hangar 47

Un Bf 110 déguisé en guêpe ? Jean Barbaud vous livre dare-dare un chasseur piquant : ce 110G-2 fut capturé par le 86th FG
qui lui colla généreusement ses marques. Il fut stocké à Constantine, en Algérie.

Bf 110G-4 de pièces en option sont présentes dans la boîte (cinq hélices et cinq
verrières par exemple, de quoi compléter ou améliorer quelques
Eduard Weekend édition, 1/72 maquettes restées dans les placards…). La spécificité de cette boîte,
hormis les éléments photodécoupés prépeints, réside dans les livrées
Sortie il y a proposées sur une grande feuille de décalcomanies : trois avions
neuf ans, cette camouflés dans les vert et gris classiques, l’un portant des bandes
maquette reste d’invasion en bouts
sans conteste la meilleure d’ailes, un américain
reproduction du Bf 110 sable et brun, un
à cette échelle. original français sable
Ses surfaces sont et brun orné de jaune
parfaitement gravées sur les ailes et
avec un très discret la dérive, et enfin
rivetage. Les petites pièces moulées avec finesse et précision incluent un défenseur
de nombreuses options (roues, capotage avant du fuselage, réservoirs de Malte repeint
supplémentaires, échappements, etc.). Le poste de pilotage et en vert et bleu.
son armement sont bien détaillés, des décalcomanies reproduisent
les instruments de bord et harnais. La verrière est proposée ouverte Notre appréciation : intéressantes décorations pour une superbe
ou fermée. Le train d’atterrissage et les radiateurs sont bien maquette au service d’une très belle machine.
reproduits. Deux types de nacelles d’armement peuvent s’installer
sous le fuselage. Trois sortes d’antennes radar sont fournies, les plus
petites en métal photodécoupé. Dans cette version Weekend, les
nombreuses décalcomanies incluent tous les marquages techniques
P-39Q “Airacobra”
nécessaires et offrent quatre options de camouflage : deux avions Arma Hobby, 1/72
bleu clair moucheté de gris sur les surfaces supérieures et
deux autres peints sur le dessus des gris 74 et 75 traditionnels. Le fabricant
Pour chaque type de livrée l’un des avions a l’intrados d’une aile noir. polonais
frappe fort
Notre appréciation : nouvelle édition d’une maquette de grande à nouveau avec
qualité dans une boîte superbement illustrée ; décorations cette magnifique
intéressantes : très tentant. reproduction
qui va expédier
aux oubliettes
“Spitfire” Mk Vc les précédentes
maquettes de P-39.
Eduard Profipack, 1/48 L’illustration
représente un “Airacobra” piloté par l’as Bud Anderson (dont Arma
Le “Spitfire” Eduard et ses nombreuses déclinaisons sont Hobby sort simultanément le P-51B au 1/72). Cette première boîte
maintenant bien connus. La maquette est extrêmement comprend plus de 80 pièces très finement gravées et une verrière
détaillée, ses surfaces sont parfaitement gravées et un tas avec portières séparées. Le niveau de détail du poste de pilotage
80
et des logements de train est extrêmement satisfaisant pour l’échelle logements de train bien aménagés, ailes à géométrie variable mobiles
et vous devrez utiliser vos doigts de fée les plus fins pour en tirer parti. permettant de choisir la configuration, becs, volets et déflecteurs
Un logement pour trois billes d’acier dans le nez permettra à l’avion de séparés, tuyères et coquilles de reverses bien reproduites et charges
reposer sur ses trois roues. La présence de pièces alternatives (6 ou 12 extérieures imposantes. Les éléments ajoutés par Eduard complètent
pipes d’échappement, hélices, armement de capot) laisse présager ou améliorent toutes les zones intéressant les amateurs de détails
d’autres versions à venir. Deux types de bombes ou un réservoir et d’exactitude. Les options de peinture sont étonnamment variées,
viendront se placer sous l’appareil. Des masques adhésifs prédécoupés, à base de différents tons de vert, de bleu, de gris et souvent de noir.
pour faciliter la peinture de la verrière, sont inclus. Côté décorations, Les décalcomanies reprennent tous les motifs de grande dimension
cinq options aux motifs brillants, soigneusement imprimées par portés sur des démonstrateurs ou à l’occasion d’événements
Techmod, vous permettront de représenter trois machines américaines particuliers, entre autres deux tigres et un rapace de dérive, diverses
dans divers camouflages, ou une italienne et une polonaise. Les autres flammes et drapeaux courant sur les flancs, ou encore une arête
possibilités sont innombrables, et d’autres déclinaisons américaines, dorsale zébrée de noir et blanc.
anglaises, françaises ou russes, sont certainement prévues.
Notre appréciation : l’ensemble constitue une maquette
Notre appréciation : cette maquette comporte un niveau de détail très complète et très détaillée pour reproduire une machine peu
habituellement trouvé au 1/48, ce qui semble habituel avec ce gracieuse mais certainement forte en gueule. Les livrées allemandes
fabricant. Une nouvelle réussite pour cette jeune marque polonaise ! sont très variées, une bonne surprise pour ceux qui n’en sont pas
spécialistes.

Fw 190A-3
Eduard Profipack, 1/48
F4F-4 “Wildcat Early”
Eduard Profipack, 1/48
Bien
connu Encore
depuis une
sa sortie il y a magnifi-
cinq ans et que illustration
décliné dans pour la boîte
de nombreuses de cette version
versions, le Profipack
190 Eduard du nouveau
nous revient “Wildcat”
dans une édition Eduard qui
Profipack (avec métal photodécoupé prépeint et masques bénéficie de
autocollants). Il est très détaillé et ses surfaces bénéficient toutes les remarquables qualités des dernières productions de
du rivetage complet et réaliste qui fait la réputation de la marque. la marque : gravure parfaite des surfaces incluant un rivetage
Les décalcomanies offrent le choix entre trois avions camouflés complet très réaliste, finesse et précision du moulage des petites
des deux tons de gris classiques, un quatrième en deux tons de vert pièces, niveau de détail très élevé ici renforcé par des éléments
avec de grandes marques jaunes, et un dernier dont les deux tons photodécoupés prépeints, conception intelligente des divers éléments
de gris sont appliqués d’une manière peu commune. pour faciliter le montage et la peinture (masques autocollants
fournis). Le logement du train dans le fuselage est si détaillé qu’il faut
Notre appréciation : nouvelles décorations pour une maquette beaucoup de soin pour l’assembler correctement. Le poste de
de grande qualité. pilotage est complet et finement reproduit. Les gouvernes sont
moulées séparées. La verrière est prévue en deux versions, ouverte
ou fermée. La planche de décalcomanies offre le choix entre six
“Tornado” IDS options : cinq avions gris moyen uni sur les surfaces supérieures avec
tous les types de marques de nationalité américaines, et un dernier
Eduard Limited, 1/48 camouflé des deux tons de bleu gris utilisés au milieu du conflit.

Eduard Notre appréciation : magnifique maquette pour ce très célèbre


reprend chasseur, ici dans sa version utilisée au début de la Deuxième
e-
régulière- Guerre mondiale dans le Pacifique.
ment une maquette tte
de bonne qualité
d’une autre
marque et
la complète de
divers éléments
pour la détailler
L’agenda du maquettiste
à l’extrême. Ces annonces gratuites sont réservées aux manifestations propres
C’est ici le au maquettisme. Vous pouvez adresser votre texte par courriel à
“Tornado” Revell qui fanaaviation@editions-lariviere.fr en mentionnant “agenda maquettes”
dans l’objet. Prenez garde de n’oublier ni la date ni le lieu.
sert de base. Y sont ajoutés des éléments en résine (roues et sièges
éjectables), en métal photodécoupé prépeint (tableaux de bord, Bissegem - Courtrai (Belgique), 23 avril 2023, 25e exposition
consoles et harnais, etc.), des masques autocollants et deux énormes de maquettisme-concours-bourse à OC Troubadour, Vlaswaagplein 3, 8501
feuilles de décalcomanies offrant sept options de livrées allemandes de 9 h 30 à 17 h 30. Rens. : Website, Facebook, Instagram : IPMS Moorsele
originales. Rappelons simplement les belles qualités de la maquette ou courriel : ipmsmoorsele@telenet.be
de base : gravure fine et précise des surfaces, entrées d’air et
81
PETITES ANNONCES

VENTE RECHERCHE
Vends collection complète Fana + Vous êtes passionné par
17 Hors-Série 350 € l’aviation et l’histoire, avec une
Tél. : 06 26 42 36 54 M. ARNAUD expérience en aérostructure,
une opportunité unique s’offre
Vds FANA N° 10 à 637 manque 5 à vous : Le musée de l’Air et de
n° + 34 Hors-Série 420 € l’Espace recrute un technicien
Vds Air Fan 207 à 234 manques spécialisé en chaudronnerie
217 n° 30 € aéronautique
Tél. : 06 45 85 28 18 pour rejoindre ses ateliers
M. COULOMBEL au Bourget. Ses missions
principales consisteront à
exécuter des travaux de
restauration/reconstruction et
d’entretien des avions issus
des collections ainsi que
des fabrications d’éléments
mécanosoudés permettant leur
PROCHAIN NUMÉRO
présentation au public. Pour en Retrouvez nos
21 février 2023
savoir plus sur la fiche de poste : offres abonnements
Vos annonces doivent https://www.museeairespace.
nous parvenir fr/le-musee/lequipage-et-
en pages 15 et 83
au plus tard recrutement/ ou sur boutiquelariviere.fr
le 9 février 2023 Statut : agent fonctionnaire LeFanaDelAviationMagazine
ou contractuel de catégorie B.

82

Vous aimerez peut-être aussi