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Patrouille de France
L’âge d’or
des “Mystère” IV
Témoignages inédits de pilotes
L 19853 - 642 S - F: 8,20 € - RD
4 Actualités
Patrick Casasnovas La première campagne du GC III
PRÉSIDENTE DU DIRECTOIRE
Stéphanie Casasnovas 58 Normandie (mars-novembre 1943)
DIRECTEUR GÉNÉRAL
Frédéric de Watrigant Une épreuve du feu
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
10 Courrier
ET RESPONSABLE DE LA RÉDACTION :
Patrick Casasnovas glorieuse, mais
ÉDITEUR : Karim Khaldi
RÉDACTION
12 Livres chèrement payée
Tél. : 01 41 40 34 22
Rédacteur en chef : Alexis Rocher Deuxième partie. Juillet 1943 voit
Rédacteur en chef adjoint : Xavier Méal
Rédacteur graphiste : François Herbet, 13 Abonnements les premières victoires du Normandie.
Secrétaire de rédaction : Antoine Finck
Secrétariat : Nadine Gayraud Les premières pertes de pilotes aussi.
Les 70 ans de la Patrouille de France
SERVICE DES VENTES 18 Une campagne impitoyable s’engage.
(réservé aux diffuseurs et dépositaires)
Jennifer John-Newton L’âge d’or Le Salmson 2A2
Tél. : 01 41 40 56 95
des “Mystère” IV 68
IMPRESSION : Imprimerie Compiègne. Bonne surprise
Avenue Berthelot 60200 Compiègne.
Papier issu de forêts
gérées durablement.
supersoniques sous l’uniforme
Origine du papier : En 1957, le lieutenant Capillon reçoit
Allemagne. Taux Deuxième partie. À la fin de la guerre,
de fibres recyclées : l’ordre de créer à Dijon la Patrouille
63 %. Certification : les Salmson 2A2 défrichent les routes
PEFC/EU ECO LABEL. de France. Comment faire ?
Eutrophisation : commerciales. Commence l’épopée de
0,003 kg/tonne.
Le Potez 53 et la Coupe Deutsch l’Aéropostale.
32 de la Meurthe en 1933
Ce jour-là… 25 mai 1953
Le coup de poker 76 Premier vol du “Super Sabre” Rejoignez
Le Fana
DIFFUSION : MLP
gagnant de Potez Un coup d’éclat sur Facebook
MARTIN NEEDHAM
Le L-12A
Le 27 mars dernier, le Lockheed Cotton avait vu un autre avion peint de dévier des plans de vols pour photographier G-AFTL a
L-12A “Electra Junior” immatriculé cette couleur pratiquement disparaître des aérodromes et des installations militaires. retrouvé la
G-AFTL a fait son premier vol après le décollage, concluant que la couleur Le 28 août 1939 – l’Allemagne allait envahir livrée qu’il
après restauration à Sywell au Royaume-Uni, se fondait bien avec celle du ciel. Cette la Pologne le 1er septembre – , le G-AFTL fut portait en
aux mains de Pete Kinsey. Le bimoteur a été couleur fut utilisée sur un certain nombre le dernier avion civil à quitter l’Allemagne. Au 1939, quand il
remis en état de vol par la société Air Leasing d’avions de reconnaissance photographique Royaume-Uni, il fut utilisé pour des missions était utilisé par
de Richard Grace, pour son propriétaire de la RAF avant l’introduction du célèbre de reconnaissance pendant la Drôle de l’espion Sydney
Graham Peacock. Il était arrivé démonté PR Blue. La deuxième innovation était une Guerre, jusqu’en juin 1940. Le 19 septembre Cotton pour
des États-Unis le 25 mars 2022. fenêtre latérale en forme de goutte d’eau, 1940, alors qu’il était à Heston, il fut des missions de
Sorti de l’usine Lockheed de Burbank, montée sur le cockpit, qui permettait à Cotton endommagé par un bombardement. Expédié reconnaissance
en Californie, en 1936, le L-12A numéro de regarder droit vers le bas, ce qui était aux États-Unis, il y fut réparé et vendu. En photographique
de série 1203 fut d’abord immatriculé crucial pour faire de la photographie précise. 1974, il fut acheté par le cameraman aérien sur l’Allemagne.
NC16077 pour le compte de la Continental Utilisé à partir de mai 1939 pour effectuer Art Scholl et utilisé pour le tournage du film
Oil Co. En avril 1939, il fut acquis par des vols de reconnaissance au-dessus de Doc Sauvage Arrive ou pour une mini-série
l’homme d’affaires australien Sydney l’Europe, l’un des faits les plus marquants de sur Amelia Earhart produite par NBC. Il fut
Cotton, également connu comme aviateur, l’histoire de cet avion réside dans les survols revendu en 2003 à l’Américain Ben Runyan
qui officiait secrètement pour le MI6 entrepris en juillet-août 1939 au-dessus de qui perdit la vie en Yak-52 en 2008. Un groupe
(les services secrets du Royaume-Uni). l’Allemagne : sous couvert de transporter des de copropriétaires français en fit l’acquisition
Immatriculé G-AFTL, il fut équipé de personnalités, Sydney Cotton n’hésitait pas à en 2015, mais ne l’importa jamais en France.
réservoirs de carburant supplémentaires
de 70 gallons (265 l) qui firent passer la Le Lockheed
distance franchissable de 700 à 1 600 milles L-12A G-AFTL
(1 126 à 2 575 km). L’avion comportait à Heston en
1939 ou 1940.
par ailleurs un certain nombre d’autres
innovations, y compris des supports dans
les ailes et le fuselage pour les caméras F.24
cachées derrière des portes coulissantes
électriques et deux autres inventions de
Cotton. Une autre innovation était la couleur
de l’avion, un vert œuf de canard (duck
egg green) très pâle appelé “camotint”.
DR
4
En bref
Un nouveau “Spitfire” Une épave de Fw 190
exhumée en Hongrie
a retrouvé le ciel en Angleterre Au début du mois de mars, le ministère de la Défense
Le Supermarine “Spitfire”Mk IX matricule TE517, immatriculé hongrois a annoncé que des fouilles commencées en
G-RYIX, a effectué son premier vol post-restauration le 5 avril décembre dernier avaient permis d’exhumer les restes
aux mains de Dan Griffith depuis l’aérodrome de Biggin Hill, près de d’un Fw 190 ayant servi dans la force aérienne hongroise
Londres. Il est le 15e “Spitfire” restauré par Biggin Hill Heritage Hangar/ pendant la Deuxième guerre mondiale. Le chasseur s’est
The Spitfire Company et porte les couleurs qui étaient les siennes écrasé près de la ville d’Ajka en 1945. C’est la première
lorsqu’il était piloté par le Tchèque Otmar Kucera, commandant du fois qu’une épave de Focke-Wulf 190 portant l’insigne
Squadron 313 de la Royal Air Force. Après la guerre, le TE517 servit
avec la force aérienne israélienne. Son épave fut récupérée par le
collectionneur Robs Lamplough en Israël en 1976 et la restauration
du chasseur fut entamée au début des années 1980, puis poursuivie Dan Griffith
à partir d’avril 1985 par feu Charles Church qui décéda en 1989. En ramène le
“Spitfire“ Mk IX
1992, il fut immatriculé G-CCIX et sa restauration fut reprise jusqu’à ce
TE517 à Biggin
que la cellule fût vendue à l’Américain Kermit Weeks en 1992 – sans
Hill à l’issue de
quitter la Grande-Bretagne. Il fut vendu une nouvelle fois en 2005
son premier vol
avant d’être acquis en 2009 par The Spitfire Company (BH) Ltd qui a
d’essai, le
commencé sa restauration en état vol en 2020. 5 avril dernier.
DR
5
ACTUALITES
CYRILLE DAVESNE
6
En bref
Adieu Mister Guillem L’historique usine Wright de Dayton
ravagée par un incendie
Jacques Guillem n’est plus. Nous savions notre grand ami
condamné depuis plusieurs mois ; il s’est éteint le 1er avril. Le 26 mars dernier, l’historique usine de la Wright Company
Nous avons déjà dit combien, depuis le début des années 1980, sa à Dayton, dans l’Ohio, a été considérablement endommagée
présence nous était précieuse. Son décès, bien qu’attendu, nous par un incendie qui s’est déclaré tôt le matin. L’usine, qui est
bouleverse. Notre Grand Jacques (plus d’1,80 m) avait quelque actuellement gérée par la National Aviation Heritage Area,
chose d’extraordinaire, joyeusement partagé entre d’égales a été construite en 1910-1911 et présentait “d’importantes
passions : l’Afrique, la photo, l’aviation. caractéristiques de construction originales de l’époque
Nonchalant, avouant n’avoir jamais connu d’inquiétude dans un des frères Wright, notamment le toit en bois et la structure de
cockpit, même lorsque des circonstances difficiles exigeaient support”. Supposée être la plus ancienne usine de fabrication
la plus vive attention, il entrait dans nos bureaux avec le plaisir
du gourmand qui découvre une belle table (et gourmand, à
table, il était !). Contrôleur aérien, pilote privé titulaire de plus de
3 500 heures de vol, il avait une parfaite connaissance de l’aviation
commerciale. Doué d’une prodigieuse mémoire, il connaissait Jacques Guillem
par cœur les spécifications et les performances de la plupart des arpente
avions commerciaux au point de pouvoir discuter quasiment d’égal l’aérodrome
à égal avec leurs pilotes. Nous nous amusions à des devinettes : des Mureaux
devine ce que je vois… Un matin, depuis Athènes nous l’avons lors d’un
appelé parce que nous avions devant nous une grande rareté en meeting
Europe, un Convair 640 de couleur brune avec une immatriculation en 2017.
très récente. Il réfléchit quelques minutes et soudain s’écria : Il puisait dans
“(…) mais il l’a vendu ! Il était jaune, c’est un Convair 640 qui…, son immense
etc.”, et de nous débiter le pedigree de cette machine dont le collection de
DR
précédent opérateur était espagnol. Cette anecdote n’est qu’un photographies
petit exemple de ce dont il était capable. Un magicien qui sortait pour, d’avions au monde, l’usine de la Wright Company a produit
tous les avions du monde de son chapeau. Il nous réjouissait. notamment, environ 120 avions avant d’être vendue par Orville Wright
Très attentif à ce qui se publiait sur l’aviation, il nous a beaucoup proposer en 1915. Achetée par la ville de Dayton en 2018, elle a été
aidés lorsque, traversant une période pénible, nous décidâmes les fameux officiellement inscrite au registre national américain des lieux
de réformer Le Fana de l’Aviation. Plus que jamais, son amitié “Albums” historiques en septembre 2019. Des travaux de préservation et
fut alors notre force. Notre revue porte ainsi sa marque. du Fana de de restauration étaient en cours depuis. La cause de l’incendie
Il fut aussi de bon conseil pour des pilotes de quelques avions l’Aviation, ou et l’étendue des dégâts ne sont pas encore connues.
la non moins
anciens dont il connaissait mieux qu’eux les caractéristiques
pour avoir beaucoup lu, souvent entre les lignes, et pour avoir
fameuse “Malle Le dernier pilote tchèque ayant
mystérieuse
longuement discuté auparavant avec leurs précédents exploitants.
de Mister combattu durant la Deuxième
Photographe impénitent d’avions, autant dire même boulimique, Guerre mondiale est décédé
Guillem”.
il possédait une vertigineuse J -P TEAN IERRE OUZEAU
collection d’images dont il Le dernier pilote tchèque vivant qui a combattu le IIIe Reich
nous faisait aussi profiter, alors qu’il servait dans la Royal Air Force pendant la Deuxième
nous, vous et bien d’autres. Guerre mondiale, Emil Bocek, est décédé à l’âge de 100 ans,
Nonchalant, malgré quelques le 25 mars dernier. Né le 25 février 1923, Emil Bocek avait
rares et violentes colères qui fui la Tchécoslovaquie en 1939 à l’âge de 16 ans lorsque son
duraient peu, il transpirait un pays avait été occupé par les troupes allemandes. Il avait
bonheur de vivre d’autant plus ensuite combattu les nazis en France, puis s’était rendu en
contagieux que, de contact
facile, ce grand solitaire
(jusqu’à ce qu’il se trouve
une épouse) était d’excellente
compagnie. Une vieille chanson
pourrait bien le résumer : “Dans
la vie faut pas s’en faire, moi je
n’m’en fais pas…” Cela nous
changeait. Sa venue était un
moment de détente, même si
le respect des horaires ou de
nos demandes n’était pas son
fort. Car, malheureusement, DR
sa nonchalance était aussi le
masque derrière lequel il se Grande-Bretagne, où il avait d’abord servi comme mécanicien
cachait face aux rigueurs de au sein du Squadron 312 de la RAF avant de rejoindre
la vie. Jacques est désormais le Squadron 310 en tant que pilote, en 1944, sur “Spitfire”.
pour l’éternité dans les nuages Ces deux escadrons étaient composés de pilotes
où il a toujours voulu vivre. tchécoslovaques. Il effectua 26 vols opérationnels et reçut
À Nadine, à ses enfants plusieurs décorations. En 2016, lors d’un vol en “Spitfire”
vont toutes nos pensées. biplace, il avait déclaré à la télévision britannique :
Michel Bénichou “Le “Spitfire” est un avion incroyable, un avion parfait.”
et Alexis Rocher
7
ACTUALITES
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LE COURRIER
“Falcon” avec canards merci pour ces
précisions sur le programme
du “Falcon” 2000. Ce best-seller
L’article sur le “Falcon” 2000 “Avanti” à réaction équipé d’un plan est toujours au catalogue de
dans Le Fana n° 640 suscite canard à commandes actives. Serge Dassault en version modernisée.
la réaction d’un connaisseur, Dassault est sceptique et préfère
Pierre Parvaud : “Dès novembre 1983, attendre des réacteurs plus puissants
le bureau d’études de Dassault sur un projet plus conventionnel utilisant
se penche sur le remplaçant du un maximum de composants
“Falcon” 20 avec le réacteur disponible du “Falcon” 900.
à l’époque, le Garrett TFE 731-5 C’est ainsi que naît le “Falcon” X dont
de 4 500 livres de poussée [2 040 kg]. la maquette est dévoilée le 8 juin
Pour proposer une cabine à plancher 1989 au Salon du Bourget, permis
plat de 1,83 m sous plafond, soit 2,30 m par l’apparition du réacteur CFE 738
de diamètre extérieur, une masse au et par le nouveau dessin du tronçon
décollage de 9,8 t, un rayon d’action de fuselage arrière supportant les
de 2 600 NM [milles nautiques, réacteurs. Le même jour est dévoilé
4 815 km] avec huit passagers à le nouveau logo Dassault, un trèfle à
Mach 0,84, il faut maîtriser trois grands quatre feuilles évoquant le talisman
pas technologiques : laminarité de Marcel Dassault dans un encadré
augmentée sur toutes les surfaces, en forme de delta, symbolisant le
masse à vide allégée par utilisation de dynamisme et l’esprit d’ouverture
matériaux composites, et commandes de l’entreprise. Il est rebaptisé
de vol électriques actives. “Falcon” 2000 au salon NBAA d’Atlanta
La réponse du bureau d’études est d’octobre 1989.”
le projet FX2C, une sorte de Piaggio Pierre Parvaud DR/COLL. P. PARVAUD
JACQUES GUILLEM
10
Hercules (EAA 601), j’ai eu l’occasion de voler
sur “Noratlas” lors d’un vol de réception
En complément du courrier de après modification radio qui permettait
Didier Gaitte paru dans Le Fana le décollage et l’atterrissage aux
n° 640, je vous envoie deux photos du instruments (une chaîne de modification
moteur “Hercules” en coupe qui était installée dans le hangar à côté
montrent le mécanisme qu’il décrit dans du nôtre). J’ai fait connaissance à cette
son article, photos prises lors de ma occasion du brûleur Avialex, ou tout du
visite en 2008 au musée écossais de moins de l’absence de fonctionnement,
East fortune. Pour la petite histoire, nous car en faisant le plein, l’essence a refoulé
possédions, dans la section propulseurs dans l’aile et donc hors de question
du lycée technique aéronautique de Ville d’allumer le chauffage. Comme dit Didier
d’Avray avant qu’il devienne IUT en Gaitte : “Il fait froid à 3 000 m.”
septembre 1968, un cylindre dudit Le voyage consistait à aller à Poitiers,
moteur avec un mécanisme faire trois touch and go, puis même
LE FANA DE L’AVIATION
qui permettait de faire fonctionner chose à Bricy et retour à Châteaudun. Une très rare
la chemise intermédiaire
et bien voir l’ouverture et la fermeture
Le temps a paru long… Quant au
brûleur Avialex, j’ai eu la surprise d’en
apparition du
Klagenfurt.
Gros poisson
des lumières servant de soupapes. faire plus ample connaissance dans mon L’apparition du Klagenfurt dans
J’ai toujours été sidéré de voir cette travail, lorsque j’étais responsable de Le Fana n° 641 a provoqué de
Le moteur
ingéniosité et de me dire qu’il avait la plateforme d’essais de l’usine A.M.A nombreuses réactions. Jean-Paul
Hercules avec
équipé moult avions pendant et après (Jaeger) de Vendôme. J’ai vu revenir des Chaumette : “Un grand merci à la
ses cylindres
la Deuxième Guerre mondiale. Pendant brûleurs dont la chemise était fondue. rédaction du Fana pour la merveilleuse
à chemises
mon service militaire sur la Ba 279 Michel Glabier nouvelle : Le Klagenfurt Klf 255 (et non
louvoyantes.
pas Kif…) est ressorti de l’eau où
l’avait noyé l’oberst Fritz Nichtbaul.
Bravo au professeur Aprilscherz qui a
exhumé et fait imprimer sur peau de
poisson toute la documentation, le cuir
d’avril étant le meilleur. De quoi
compléter avantageusement l’article
paru, il y a… 50 ans dans
Le Fanatique de l’Aviation n° 43…
Ein Prosit ! Continuez comme ça,
la revue est un bonheur !”
François Gourdol : “Je kiff ce poisson
volant d’avril ! Vous avez fait fort
– peut-être à cause du schnaps !”
Bref, nous ne pouvions pas ne pas
rendre hommage à nos prédécesseurs
qui sortirent il y a 50 ans le fameux
Klagenfurt, devenu avec le temps notre
Nessie, notre monstre du Loch Ness
qui apparaît régulièrement, notamment
quand la consommation de whisky
entraîne le passage d’éléphants
roses ou de souris blanches selon
l’expression idiomatique. Un jour le
Klangenfurt reviendra…
MICHEL GLABIER
Faites-nous
vivre vos Ferté !
Rendez-vous cette année
les 27 et 28 mai pour célébrer
la 50e édition du meeting aérien
Le Temps des Hélices à Cerny-La Ferté
Alais. Dans cette perspective,
Le Fana de l’Aviation vous propose
chers lecteurs de publier dans
le numéro de juin vos plus belles photos
des avions marquants,
de vos souvenirs impérissables lors
des précédentes éditions. À vos albums, Le Messerschmitt Bf 109 G-2 “6 noir”
à vos cartons d’archives. Faites-nous de l’Imperial War Museum vu en 1993.
vivre vos Ferté !
LAURENT RAFFIANT
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À LIRE, À VOIR
Itinéraire entre 1939 et 1945, Airnautic. Un sujet original elles sont racontées de Buck Danny dans le
d’un pilote notamment la défaite de
juin 1940, les combats
tant cette compagnie
ne peut se targuer
avec son lot d’anecdotes
et de jargon de pilote.
Pacifique en 1943. Tout
commence dans l’enfer
contre les Britanniques à d’une longue existence ; Tout est expliqué, de Guadalcanal, avec son
travers le bombardement elle exploita une flotte décortiqué ; une lot de “Zero” et autres
de Gibraltar ou la terrible d’avions plutôt rares dans introspection intéressante avions japonais – à noter
campagne de Syrie, sans le ciel de l’hexagone entre au-delà du récit factuel un “Gekko” de chasse
oublier le débarquement 1957 et 1965, comme sur les raids en Bosnie ou de nuit. Buck Danny se
des Alliés en Afrique du Vickers “Viking”, les exercices de combats retrouve ensuite en P-38
du Nord en novembre du Douglas DC-2 et du aériens. Un témoignage et participe à l’interception
1942. Autant d’épisodes Boeing “Stratoliner”. Un puissant sur l’état d’esprit et la destruction de l’avion
douloureux avant que dossier très complet fait des pilotes de combat. qui transportait l’amiral
la guerre ne reprenne, le tour du sujet, le tout Yamamoto. Le tout sur
cette fois-ci aux côtés accompagné de belles arrière-fond de la Première
des Alliés en 1944. photos. À noter aussi Guerre mondiale et
un grand article sur des spectacles aériens
Félix Ortolan la compagnie Aéro- des Barnstormers dans les
L’Ardhan (l’association Mémoires de guerre Service au Congo entre années 1920. On ne vous
pour la recherche de (1939-1945) 1967 et 2015. en dit pas plus. Plongez
documentation sur Les Cahiers de l’Ardhan avec délices dans les
l’Histoire de l’Aéronautique n° 42, 64 pages, 16 € Icare n° 264 aventures de la période
navale) consacre son 42e ISBN 978-2-913344-52-5 139 pages, 22 € classique de Buck Danny !
cahier à la carrière de Sur abonnement
Félix Ortolan. Un itinéraire ou dans certains kiosques.
intéressant dans la La compagnie
mesure où ce pilote fit la
campagne de France sur
Airnautic Pilote
le bombardier en piqué
Loire-Nieuport 411, passa
de combat Dans le cockpit
sur Martin 167F lors de Quand les historiens se L’excellence
la campagne de Syrie pencheront sur le métier dans l’inconnu
en 1941, puis sur Lioré de pilote de combat dans Par Siegfried Usal
et Olivier 451 en Afrique les années 1980 et 1990, Éditions du Panthéon
du Nord. La dernière ils ouvriront sans doute 341 pages, 23,9 €
campagne de Félix Ortolan les pages de ce livre. ISBN 978-2-7547-6334-9
se déroula sur SBD Siegfried Usal partage ici
“Dauntless” au-dessus
de la poche de Royan en
son expérience de pilote
de “Mirage” 2000 puis Buck Danny Buck Danny,
1945. Ces mémoires de
guerre livrent tout un état
de F-18 canadien, depuis
son passage par l’École
dans le fils du Viking noir
Par Yann et
d’esprit et permettent de Notre vénérable confrère de l’air jusqu’à la fin le Pacifique Giuseppe de Luca
mieux comprendre ce qui Icare se penche dans son de sa carrière. Plusieurs Chez Dupuis
se passa dans les unités n° 264 sur la compagnie opérations de combat Séquence nostalgie 48 pages, 15,5 €
de l’Aéronautique navale aérienne française scandent ces années ; avec cette aventure ISBN 97-1-0347-6746-5
JACQUES GUILLEM
E
n 1957, Bernard Capillon est chasse la responsabilité de la mise
lieutenant à la 2 e escadre sur pied d’une patrouille acrobatique
basée à Dijon : “J’étais parti qui se présentera au Salon interna-
en Algérie mettre en place tional du Bourget cette année. Cette
l’EALA (Escadrille d’avia- patrouille portera le nom de
tion légère d’appui) 1/72 sur T-6. Je Patrouille de France”. Nous sommes
reviens à Dijon un début février.
peu avant Noël Chaque comman-
1956. Après les dant d’escadron
fêtes, le comman- constituera une
dant de la 2e es- patrouille de Le capitaine
cadre, le com- quatre avions et Bernard Capillon
mandant Souviat, nous déciderons en 1959.
fait son rapport après 15 jours d’en- Il était à la tête
avec les trois com- traînement qui de de la Patrouille
de France
mandants d’esca- ces jeunes gens
depuis 1957.
dron qui “redes- nous retiendrons.
cendent” le lundi Il y avait un seul
midi et qui an- impératif : le leader
noncent : “Nous de cette patrouille
SIRPA
avons pour direc- devait sortir de
tive de constituer une patrouille acro- l’École de l’air et être lieutenant com-
batique qui s’appellera la Patrouille mandant d’escadrille. Ô Merveille ! Il
de France”. Effectivement, une note y en avait un qui remplissait cette exi-
de l’état-major à la 2e escadre dit gence dans chaque escadron. Au 1/2
schématiquement : “Nous avons (les Cigognes) le lt Castagnos, au 2/2
décidé de confier à la 2e escadre de (Côte-d’Or) le lt Parisot, au 3/2 Alsace
▲
18
SIRPA
À partir de 1957 la Patrouille de France
évolua sur le Dassault “Mystère” IV.
19
LES 70 ANS DE LA PATROUILLE DE FRANCE
ECPA
était utilisé lors de la séance pour 30 000 pieds [9 144 m], remontait en Le Salon du Bourget
faire le “bang”. et s’arrangeait pour passer une deu- de 1957
Nous décollions à cinq avions. xième fois le Mach au moment de
L’un disparaissait en montant en alti- l’éclatement. Un succès assuré ! Le 1er juin nous étions au Meeting
tude. Nous arrivions dans le dos du Sinon nous étions du international au Bourget. Nous
public au moment plus pur classicisme.” sommes arrivés sans complexe par-
même où le cin- Les “Mystère” IV ticulier. À cette époque il y avait plu-
quième appareil sont décorés. Ber- sieurs patrouilles acrobatiques, et
piloté par Casta- nard Capillon ra- disons-le cette année-là, une solide
gnos passait le conte : “Le chef des compétition. Nous n’avons pas été les
Mach en visant le moyens techniques Aviation meilleurs, loin de là. Les “Skyblazers”
terrain, de telle sorte de la base de Dijon Magazine américains étaient présents (lire en-
que ça fasse un était le lieutenant- de juillet 1957 cadré page 20). Deux patrouilles se
“bang” le plus fort colonel Bossu, plus fait sa une sont singulièrement distinguées. Les
possible. Plus ça ta- connu sous le nom avec la Patrouille “Black Arrows”, la patrouille an-
pait fort, plus les d e “B o b o s s e ”, de France. glaise sur “Hunter”, ont fait du beau
gens étaient contents. “mécanicien de travail, en changeant plusieurs fois
La foule en délire ! chasse” disait-il. de formation. Le “Hunter” était un
Les gens pensaient Grand dessina- avion qui avait des facilités extraor-
que c’était nous les teur, il a dessiné dinaires pour faire de la voltige. Il
quatre avions qui arri- les peintures avait plus de puissance [par rapport
M AGAZINE
VIATION
vions en supersonique. A telles que nous les avons au “Mystère” IV, NDLR] et des vo-
C’était l’ouverture de la séance, que encore. L’idée était de souligner le lets qu’il pouvait garder déployés
nous terminions avec l’éclatement. caractère national d’une part, et de jusqu’à 10° à toutes les vitesses.
E ntre-temps Castagnos, qui mieux suivre les avions en vol Ça faisait quelque chose de plus
avait passé Mach 1 du côté de d’autre part.” enlevé, ça cadençait beaucoup ; ça
▲
21
LES 70 ANS DE LA PATROUILLE DE FRANCE
VINCENT
DHORNE
“respirait” dans la patrouille ! Un effet extraordinaire. Mais ce parlé de rien jusqu’au café. Il m’a dit
Surtout il y avait la patrouille ita- n’était rien à côté des fumigènes. La alors : “On dit que la patrouille n’a
lienne [les “Cavallino Rampante”, patrouille italienne a été la seule à pas fait ceci ou cela. Quel est votre
NDLR], un peu des “furiosi” [tra- avoir des fumigènes blancs cette point de vue ? De quoi avez-vous
duire : des furieux]. Elle a fait un année. C’était extraordinaire pour besoin ?” J’avoue que quand on est
véritable tabac. Elle était sur F-86E suivre les avions, faire un beau bal- lieutenant, ça fait plaisir. On nous a
“Sabre”, bien conduite par le capi- let dans le ciel. alors véritablement dynamisés,
taine Melotti. Grâce aux perfor- N ous avons fait pendant ce donné confiance. Le temps passant,
mances de l’avion et à la vigueur du Salon, selon le commentaire que j’ai volant beaucoup, nous nous sommes
leader, ils ont fait une très belle pré- eu, “un beau travail d’escadre”. beaucoup améliorés.
sentation. Comme le samedi ils Nous voilà de retour à Dijon, sans
avaient bien marché, le dimanche complexe de pilote, mais avec un 1958, la Patrouille
ils ont fait leur éclatement entraînement insuffi sant par rap-
1 500 pieds [457 m] plus bas que le port aux autres patrouilles. Le
de France en sommeil
minimum qu’ils s’étaient fixés. gén. Stehlin, à la tête du 1er comman- En 1958, comme il n’y avait pas
C’est-à-dire qu’il a failli planter la dement aérien tactique (CATac), est de Salon du Bourget, l’état-major a
patrouille ! Le charognard est passé venu à Dijon. Simple lieutenant, décidé de mettre en sommeil la
entre les arbres après l’éclatement. j’étais invité à sa table. Nous n’avons Patrouille de France. On n’avait pas
22
JEAN NOËL
Atterrissage
bien compris la leçon ! En 1957 étions plus raisonnables. Nous y en box lors dosser toutes les responsabilités. Il
nous n’avions pas le bon niveau au sommes “allés” une seule fois, pour du Salon faut le faire !
Salon. On repartait pour faire la montrer que nous savions aussi le du Bourget Nous avons beaucoup travaillé
même chose en 1959 ! Le comman- faire ! Nous avons quasiment res- en 1957. les changements de formations.
dant de la 2e escadre avait lui com- pecté les règles. Les Américains ont Voler serré c’est bien, mais il fallait
pris. Le cdt Saint Martin s’est litté- eux fait la série “mauvais temps”… montrer que nous pouvions changer.
ralement “assis” sur cette directive les règles, les règles ! En 1958, nous avions le bon niveau
et nous a fait confi ance. J’avais ex- je crois, même si nous n’étions pas
pliqué au gén. Stehlin l’année “Fiers de voler Les pilotes
aussi spectaculaires que le bruit des
d’avant qu’il était difficile d’être en quatre F-100 américains. Nous
même temps pilote opérationnel et
sur un avion français” de la Patrouille étions sans complexe. Nous étions
de France en
être pilote à la Patrouille de France. Deuxième souvenir de 1958 à surtout fiers de voler sur un avion
1958.
Message reçu. J’étais second d’esca- Salon-de-Provence. La patrouille français, pas sur les F-84 et F-86
De gauche à
dron, mais mon capitaine ne m’a était officiellement en sommeil. Mais américains. Nous savions faire aussi
droite debout :
pratiquement jamais vu. Nous il fallait s’entraîner un peu. Nous Abadon,
bien que les Anglais avec leur
étions séparés. On nous a donné un nous sommes présentés à sept devant Ponsol, “Hunter”. Le “Mystère” IV avait des
hangar pour s’installer. Une autre le chef d’état-major. Je ne serais pas Castagnos, commandes vol remarquables, il
orientation a fait que nous sommes grossier en rapportant les propos du Legros, était très agréable à piloter. Mais il
devenus une patrouille à quatre + gén. Gelée, chef d’état-major de Capillon. manquait de poussée, ça nous a très
trois remplaçants. Enfi n dernière l’armée de l’Air, qui a dit en voyant À genoux souvent gênés. Les “Mystère” IV ont
décision : avoir des fumigènes (lire la belle séance, pour être poli : “Je l’ai Joulia et été remarquablement disponibles.
encadré page 22). dans le dos.” Le cdt Saint Martin Marras Nous n’avons jamais fait en trois ans
N ous avons fait beaucoup était avec nous, à la radio, prêt à en- une présentation avec un avion en
▲
(devant).
moins de meetings puisque nous
étions offi ciellement en sommeil.
De temps en temps cependant on
sortait. Nous avons été au meeting
de l’Otan à Bitburg, en Allemagne,
où se retrouvaient sept ou huit pa-
trouilles. Ça s’est bien passé. Je
pourrais parler des “pousse-au-
crime” dans cette affaire… Le pla-
fond était de 3 20 0/3 50 0 pieds
[975/1 068 m]. Le problème était :
série “beau temps” ou série “mau-
vais temps” ? Nous avions tous
décidé entre leaders que ça serait la
série “mauvais temps” puisque per-
sonne n’avait la place pour faire
une boucle. Les Anglais ont atta-
qué. Au deuxième passage ils sont
partis en boucle dans une forma-
tion et sont sortis des nuages dans
une autre formation. Ils ont fait la
série “beau temps”, dont la moitié
était invisible. Là-dessus les
Italiens ont suivi, et ils ont fait aussi
la même chose. “J’étais bien forcé”,
m’a dit le leader italien ! Nous
SIRPA
23
LES 70 ANS DE LA PATROUILLE DE FRANCE
▲
SIRPA
Daniel Bechennec
illustre la période
où la Patrouille
de France
était confiée
à l’escadron
de chasse 3/4
Flandre
sur “Ouragan”.
Maurice
Larrayadieu
rejoint
la Patrouille
de France
en 1959.
25
LES 70 ANS DE LA PATROUILLE DE FRANCE
SIRPA
La Patrouille
À l’usage, nous verrons que le de France Ils feront en sorte que nous soyons toujours présenter en vol le maxi-
système marche. Les commandants évolua à neuf délivrés de tâches administratives, mum (en réalité la totalité) des
d’escadre successifs seront nos meil- “Mystère” IV à normales en unité, et nous donneront avions, bientôt rendus non inter-
leurs supporters, et accepteront une partir de 1959. priorité pour l’entretien lourd et la changeables parce que peints aux
grande souplesse, en particulier dans réparation des avions. Il s’avérera couleurs de la Patrouille de France,
la saison, bien chargée, des meetings. que cette organisation permettra de et équipés de fumigènes !
La “Patrouille de France”
à Oran en 1959.
SIRPA
26
Passage jeunes équipiers pour savoir com-
sur le dos ment ils dominaient leur appréhen-
des “Mystère” IV. sion, voire leur peur, et pour les
conseiller (je les assurais que j’étais
aussi passé par là…). La réponse
était toujours semblable : une forte
appréhension momentanée était sur-
montée par une crispation énorme
de tout le corps, tendu comme un arc
(il faut surtout garder une position
stable : s’agiter est vu comme un dan-
ger par les autres !). La répétition de
cette épreuve surmontée au long des
vols amène paradoxalement une
confi ance salutaire : on peut donc
dominer cette tension…
Je suis cependant attentif à ne
pas conserver un équipier qui ne
guérirait pas de ce problème : il n’est
pas déshonorant d’abandonner !
J’avais la réputation d’avoir, en lea-
der de voltige, un pilotage doux, et
j’étais crédible, étant également moi-
même équipier. Il faut avancer avec
prudence, en amenant progressive-
ment les pilotes à la montée verticale
sous accélération. Dès qu’un équi-
pier est stable, à droite, ou à gauche,
ou en charognard, on le “coince”
avec un autre avion, piloté par un
SIRPA
ancien, apte à dégager rapidement si
Capillon me confie la mission de dans le passage par la verticale (loo- le jeune s’agite dangereusement. Au
dégrossir les nouveaux pilotes en pings) et le passage sur le dos (ton- bout d’une dizaine de missions on
voltige. En principe, tous les pilotes neaux), qui donnent… des émotions, arrive à présenter deux équipiers de
de chasse ont un entraînement suffi- et parfois des illusions sensorielles chaque côté, puis on descend pro-
sant pour évoluer en patrouille sous désagréables. Je sondais souvent, gressivement à basse altitude, tou-
accélérations. La diffi culté réside hors des vols et des débriefings, mes jours avec prudence !
Les pilotes
de la Patrouille
Le décollage
de France en formation en V
en 1959.
Les missions d’entraînement au
De gauche
programme du meeting vont se suc-
à droite :
céder presque chaque jour : en lea-
Arrault, Abadon,
Ponsot, Capillon,
der, j’entraîne mon VIC (formation
Mouzimann,
en V avec un équipier de chaque côté)
Fille-Lambie, dans des loopings attaqués de plus
Legeun. en plus bas et gagne leur confiance.
Sur l’échelle, En équipier, je vole en 2e charognard
de haut derrière Castagnos, lui-même
en bas : 1er charognard de Capillon. Nous
Castagnos, progressons sans heurts, et enchaî-
Larrayadieu, nons beaucoup de figures avec des
Canepa, Paumier accélérations de 4 à 6 g, et des vitesses
et Mascle. de 250 à 800 km/h.
Décrivons un décollage en VIC :
les deux équipiers se placent de
chaque côté de mon avion et il y a
environ un mètre entre nos bouts
d’ailes : la piste ne fait que 45 m de
large… À mon signal visuel, nous
mettons, sur freins, la puissance
moteur, et chacun observe la bonne
montée en régime de celui-ci, et l’ab-
sence d’alarme. Nous lâchons les
freins et les équipiers ne regardent
plus que leur leader pendant la
course de décollage, lequel se produit
à près de 300 km/h.
▲
SIRPA/COLL. LARRAYADIEU
27
LES 70 ANS DE LA PATROUILLE DE FRANCE
SIRPA/COLL. LARRAYADIEU
Maurice
Capillon a introduit une nou- Larrayadieu appareils devant moi avait une dans la position de charognard,
veauté : le décollage en box. Pour et son panne de moteur pendant le décol- c’est-à-dire à 2 m sous la tuyère de
cette manip’, j’insère, sur la piste, le “Mystère” IV. lage : je ne pourrais certainement pas Capillon – après quelques essais,
nez de mon avion entre lui et son Chaque pilote éviter la collision ! C’est ce que l’on réussis, le leader a convenu que nous
équipier droit et la manœuvre décrite avait un avion appelle “une impasse”, en aviation. n’utiliserons cette configuration que
précédemment s’effectue à quatre attribué. Dès que les trois avions devant moi rarement : pour les grands meetings
avions. J’évite de songer à ce qui ont gagné 2 ou 3 m d’altitude, je dé- internationaux… Par contre,
pourrait se passer si l’un des deux colle à mon tour et viens me placer lorsque nous aurons finalisé le projet
OURTH/COLL. B. BOMBEAU
28
“ àNotre première sortie
neuf avions (…).
Les équipiers sont
revenus un peu émus ”
de grande patrouille à 12 avions, soit
trois box de quatre, nous décollerons
systématiquement en formation dite
en fingers : les quatre avions occu-
pant la position des quatre grands
doigts d’une main, jusqu’à l’envol :
pas d’impasse, cette fois.
Le cne Castagnos,
L’inquiétude dès que l’un pilote pendant
d’eux bouge un peu… la guerre
d’Indochine, fut
En ce mois d’avril 1959, le 2, pré- abattu et fait
cisément, nous avons effectué notre prisonnier.
première sortie à neuf avions : pour Il rejoignit
les trois leaders à la queue leu leu cela la Patrouille
ne changeait rien, mais les équipiers de France
sont revenus un peu émus : leur en 1957.
SIRPA/COLL. LARRAYADIEU
champ visuel est “plein de ferrailles”,
disaient-ils, et dès que l’un d’eux éventuelle de mes freins après l’atter- Le 21 nous nous sommes pro-
bouge un peu… ils s’inquiètent ! rissage ! Nous avons donné notre duits à Lahr devant notre grand chef,
Puis Capillon a introduit l’atter- première présentation le 11 avril, au le gén. Stehlin [major général des
rissage en box : c’est toujours moi qui meeting Nato [Otan] de Bitburg, en armées, chef d’état-major de l’armée
suis dans la “boîte”. Un peu plus Allemagne, et avons fait très bonne de l’Air entre 1960 et 1963, NDLR].
difficile du point de vue du pilotage impression. Puis le 19 devant le L e mois de mai 1959 a été
que le décollage, mais plus rassurant. gén. de Gaulle, président de la chargé : meetings de Chaumont
Ne pas songer cependant à la panne République : réussite acquise. (base américaine) le 7, meeting de
La Patrouille de France
et ses neuf “Mystère” IV lors
du Salon du Bourget de 1959.
29
LES 70 ANS DE LA PATROUILLE DE FRANCE
Le “Mystère” IV laissa
des bons souvenirs aux pilotes
de la Patrouille de France.
SIRPA
Beaune le 10, et celui de Montpellier permanent du pilote de chasse rend gures plus ébouriffantes que com-
le 31. Deux à trois vols chaque jour ; automatique cette notion de relati- plexes, il nous voyait aux retours de
c’était la base de notre entraînement. vité. Le commandant d’escadre, missions calmes et confi ants dans
Afin d’offrir plus de spectacle, nous responsable au premier chef de la notre progression. Le Salon du
avons mis au point la voltige syn- sécurité des vols, a pris la décision Bourget 1959 approche. C’est le
chronisée de trois patrouilles de d’assister aux débriefings de ce grand rendez-vous de l’année pour
trois avions : chaque leader imbri- genre de mission. Et s’il a nourri la Patrouille de France. ■
quait ses figures dans celles des deux quelque inquiétude devant nos fi - À suivre
autres : lorsque Capillon effectuait
une boucle, par exemple, les deux Bernard
autres leaders inséraient leur bar- Capillon Capillon, de la tête
rique, face à face et imbriquées. en 1959,
Tout était réglé en fonction de ce que alors capitaine. de la Patrouille
faisait Capillon, chef de ballet. Cela de France à celle
paraissait “osé”, mais j’ai découvert
les capacités incroyables du corps de la Snecma
humain : je ressentais continuelle- Bernard Capillon passa par
ment l’exacte mesure du temps l’École de l’air en 1950. Après
écoulé, et ce, relativement aux un passage aux États-Unis, il
autres patrouilles, ce qui me permet- intègre la 2e escadre de chasse sur
tait de les situer dans l’espace, sans “Ouragan”. Après avoir commandé
les voir en permanence ! la Patrouille de France de 1957 à
1959, il reste à Dijon et passe sur
“Les avions arrivaient “Mirage” IIIC à la tête de l’escadron
de chasse 3/2 Alsace. Il rejoint
face à moi à 800 km/h” ensuite les unités sur “Super
Lorsque je rencontrais les avions Sabre”. Devenu général en 1975,
de Castagnos, qui venaient face à il intègre l’état-major de Valéry
moi à plus de 800 km/h dans la Giscard d’Estaing. Il devient chef
brume ou le soleil, afi n de monter d’état-major de l’armée de l’Air
nos deux loopings parallèles, sépa- entre 1982 et 1986. Le général
rés de 100 m, exactement face au Capillon passe ensuite dans le
public, la moindre des choses était civil et devient PDg de la Snecma
de savoir si l’un de nous deux arri- entre 1987 et 1989. Il décède le
vait bien en temps voulu ou en re- SIRPA
2 septembre 1993
tard. Heureusement, l’entraînement
30
COMPÉTITION
Le Potez 53 et la Coupe Deutsch
de la Meurthe en 1933
Le coup de poker
gagnant de Potez
En 1933, Henri Potez tente un pari
en alignant son premier avion de course,
le Potez 53, dans la Coupe Deutsch
de la Meurthe… Par Nicolas de Lemos
E
n arrivant dans le hall de “causerie” à l’Aéro-Club de France,
l’entre-deux-guerres du mu- 6-8 rue Galilée, dans le 16e arrondis-
sée de l’Air et de l’Espace, le sement de Paris, des journalistes
Breguet XIX “Grand Raid”, aéronautiques interpellent Henri
le célèbre Point d’Interroga- Potez : “Monsieur Potez, pourquoi,
tion, saute immédiatement aux votre société ne participe pas à
yeux, et si l’on tourne légè- la Coupe Deutsch de la
rement la tête vers la Meurthe ? Vous en êtes
droite, on aperçoit un largement capable.”
avion aux lignes Henri Potez trouve
pures, de couleur cette idée géniale
bleue avec le et s’en la isse Emblème
chiffre 10 peint en convaincre. Les de la société
blanc sur le fuse- c ond it ion s de Potez.
lage. Nous sommes cette course
sans aucun doute étaient particulière-
devant un avion de ment difficiles car
course, un sprinteur qui elles demandaient, en
ne demande qu’à s’élancer. même temps que la plus
Il s’agit du Potez 53 de Georges DR grande vitesse possible avec un
Détré, vainqueur de la Coupe moteur de cylindrée limitée, une
Deutsch de la Meurthe en 1933. distance franchissable importante
Georges Détré
L’histoire de cet avion com- (lire encadré page 37). D’autre part,
pose devant
mence par une anecdote. En effet, l’obligation d’atterrir avec sensible-
son Potez 53,
le 8 décembre 1932, lors d’une soirée ment la pleine charge à bord condui-
▲
le n° 10.
32
On peut admirer cette ligne épurée du Potez 53 n° 10.
Rien ne la parasite.
33
LE POTEZ 53 ET LA COUPE DEUTSCH DE LA MEURTHE
Des caractéristiques
bien précises
E n janvier 1933, le bureau
d’études dirigé par le directeur tech-
nique Louis Coroller entreprend
l’aménagement du futur Potez 53.
L’avion doit avoir une ligne épurée ;
il ne faut aucun parasite et le train
d’atterrissage doit être escamotable
afin d’avoir un gain de vitesse – avec
un train rentrant, la vitesse aug-
mente de 10 et 15 %, soit environ
40 km/h. Les amortisseurs sont
MONDE ET CAMÉRA/MAE
oléopneumatiques. De nombreux Le Potez 53
tests ont été effectués en soufflerie, n° 10, moteur Le poste de pilotage est étroit, plu- quasiment pas du décollage à l’atter-
avec des modèles à grande échelle ; tournant, sieurs verrières sont testées. Elle rissage. Le volume d’essence n’est
l’avion étant lisse, il ne rencontre ne demande doit être en mesure d’être larguée en que de 320 l ; le réservoir d’huile est
quasiment plus de frein aérodyna- qu’à partir. vol afin de faciliter l’évacuation du placé devant, dans un compartiment
mique. Le raccord de la voilure au pilote. On ajoute un système de ven- spécial séparé du moteur par un
fuselage par carénage permet une tilation, la température dans la ca- pare-feu à forte ventilation.
augmentation de la portance de bine étant élevée. Le centrage est
12 %. La voilure basse se compose étudié avec des réservoirs vides et Moteur et hélices
de deux ailes qui se rejoignent sur pleins, afin de calculer où placer les
un plan central faisant corps avec le réservoirs dans l’habitacle. Le car-
à l’étude
fuselage. Ce dernier est de forme burant est installé dans les deux L’étude du moteur est confiée à
circulaire à l’avant, ovoïde à l’ar- couches de la structure en sandwich une équipe Potez sous la direction
rière. Les membrures sont en épi- du fuselage ; ainsi les deux positions de Claude Menetrier. Elle en sort un
céa, le revêtement en contreplaqué. du centre de gravité ne changent moteur 9 cylindres en simple étoile,
MONDE ET CAMÉRA/MAE
34
DR/COLL. MAE
Le Potez 53
suralimenté par un compresseur. Il grand pas maximal qui privilégie les de Georges ment, à deux minutes d’intervalle et
porte la désignation de Potez 9B et performances en croisière. Détré est dans l’ordre des numéros de course
développe 310 ch. Deux types d’hé- La société Potez met quatre mois en vol, avec portés sur les avions, fixés par tirage
lices en bois bipales sont retenus et pour fabriquer l’avion. Le 26 avril l’objectif au sort. Le temps comptera à partir
passent une série de tests. Elles sont 1933, le pilote d’essai Gustave de gagner. du moment où le concurrent aura
retouchées et, finalement, celle qui a Lemoine décolle à bord du Potez 53 passé la ligne de départ en vol.”
le plus grand diamètre est choisie. à Meaulte, dans la Somme. Lors de Le 8 mai 1933, les qualifications
Elle est plus adaptée au décollage et la phase d’essais, plusieurs décollages qui consistent à parcourir 100 km à
présente un gain de vitesse de avec des poids de plus en plus élevés une vitesse supérieure de 200 km/h
15 km/h pour un régime moteur in- sont effectués afin de déterminer le débutent. Les deux Potez 53 sont qua-
férieur à 100 tr/min. Chez le concur- régime à adapter pendant la course. lifiés. Seulement sept appareils sur les
rent Caudron, c’est une hélice Ratier Pour la première fois dans une 13 inscrits sont qualifiés en France. Le
à pas variable qui est retenue. Potez course d’avions en France, le règle- huitième concurrent, le Comper
utilise une hélice à pas fixe réglée au ment stipulait que les aéronefs cou- “Swift” à moteur “Gipsy”, a passé son
rant pour la France devaient être de épreuve de qualification en Angleterre
couleur uniforme bleu France, piloté par Nicholas Comper – concep-
conformément à une pratique de teur de l’avion – avec une vitesse
longue date en course automobile. moyenne de 236,5 km/h (voir tableau
Le Comper “Swift” anglais est éga- des concurrents ci-dessous).
lement peint en bleu, car Georges Le 24 mai, c’est le drame, lors
Averseng, qui a engagé cet appareil, d’un vol d’essai, le capitaine Ludovic
est Français. Arrachart sur son Caudron se tue en
passant au-dessus de Maisons, près
Des règles pour que d’Étampes ; à la suite d’un arrêt du
moteur – boulon de commande de
le public puisse suivre carburateur non goupillé –, l’appa-
Afin que le public puisse suivre reil s’écrase sur un passage à niveau.
facilement la course, et alors qu’il Le 25 mai, le Caudron à moteur
n’est pas possible de faire partir tous Régnier de Vallot est endommagé.
les concurrents en même temps, les Il se retourne au sol, une de ses roues
règles suivantes ont été adoptées : bloquée. Le pilote s’en sort indemne,
“Les départs pour le premier vol de mais l’appareil est gravement en-
1 000 km sont donnés individuelle- dommagé ; il est déclaré hors course.
▲
35
LE POTEZ 53 ET LA COUPE DEUTSCH DE LA MEURTHE
JACQUES DE LA BRETONNIÈRE
36
Dorénavant, vous pouvez admirer le Potez 53
suspendu dans le hall de l’entre-deux-guerres.
ALEXIS ROCHER
Comper en 4 h 08 m 43 s. Après l’ar- Delmotte atterrit à 18 h 27 min 46 s, De g. à d. : Henri Potez pense recommencer
rêt obligatoire d’1 h 30 min, Détré est avec une vitesse moyenne de Henri Potez, l’exploit en 1934, Ses équipes pro-
le premier à reprendre l’air à 317,040 km/h. Comper quant à lui Mme Suzanne duisent les Potez 532 et 533, qui ne
14 h 40 min 48 s, puis Delmotte à atterrit à 20 h 22 min 3 s ; son temps Deutsch de sont rien d’autre qu’un Potez 53 amé-
15h28s. La deuxième manche de total, déduction faite des temps d’ar- la Meurthe lioré, avec un fuselage rallongé. Mais
1 000 km se déroule sans problème. rêt, est de 8 h 20 min 54 s et sa vitesse et Labouchère, les résultats ne sont pas ceux es-
Détré franchit le premier la ligne moyenne de 239,550 km/h. Georges Détré comptés ; les Caudron triomphent
d’arrivée à 17 h 47 min 26 s couvrant Le pari est gagné. Il aura fallu à le vainqueur (lire Le Fana de l’Aviation n° 534).
de la Coupe
ainsi les 2 000 km en 6 h 11 min 45 s, peine quatre mois au bureau d’études Ainsi, le Potez 53 reste dans l’his-
Deutsch
à la v ite s se moyen ne de pour produire un avion de course. toire de l’aviation de course comme
de la Meurthe
322,800 km/h. Arrivé deuxième, Profitant de cette gloire soudaine, le seul Potez vainqueur. ■
et Mme Détré.
DR/L’AÉROPHILE
37
RESTAURATION
XAVIER MÉAL
Jean-Yves
Cercy et
François
Hébrard aux
commandes
du J3C-65
devenu Piper
NE-1 du French
Wing
de la CAF.
Piper NE-1
Le petit nuage bleu
de l’US Navy
Le Piper J3C-65 du French Wing
de la Commemorative Air Force s’est
réincarné en NE-1, une variante peu
connue du célébrissime “Cub”.
Par Xavier Méal
39
PIPER NE-1
E
n 2003, le French Wing de la
Commemorative Air Force
(CAF) fit l’acquisition du
Piper J3C-65 n° 15243 de
1946, immatriculé F-GHLQ,
qui avait été restauré en 1993. L’avion
avait alors été baptisé Spirit of Lewis
en hommage à Lewis Bateman,
membre britannique du French
Wing décédé en 2000, qui avait été
un soutien indéfectible au démar-
rage de l’association. Ancien méca-
nicien sur Fairey “Firefly” pendant
la guerre de Corée, il était devenu un
brillant ingénieur aéronautique à
l’origine de la famille des Airbus.
Bernard Delfi no, fondateur et
premier président du French Wing,
décédé en 2013, expliqua alors ainsi
le choix de ce nom : “Au début du
French Wing (alors nommé French
Supporter Squadron), un de nos
membres, Lewis Bateman, citoyen
britannique amoureux de la CAF
résidant près de Toulouse, devint l’un
de nos membres les plus actifs et les
plus passionnés. Il aida l’association
autant qu’il put pendant plusieurs
années et de façon très efficace. Sa
gentillesse et son intérêt pour le Wing Le Piper NE-1
devinrent vite légendaires, et nous lui BuAer n° 26381 l’US Army Air Corps (USAAC) une utilisation dans les phases initiales
devons plusieurs projets couronnés photographié version militaire de son Piper J3C-65 de l’entraînement au pilotage.” Il fut
de succès jusqu’au jour où il fut vic- vers 1942-1943, “Cub”. Initialement désigné O-59 (O en conséquence utilisé pour la sélec-
time de la maladie et emporté bien possiblement pour observation), le biplace mono- tion des élèves pilotes et l’entraîne-
trop tôt il y a une dizaine d’années. sur la NAS plan reçut la nouvelle désignation ment de base.
C’est donc en son honneur que nous Hampton L-4 (L pour liaison) à partir d’avril
avons baptisé le Piper “Cub”, acquis Roads, 1942 ; il différait du J3C-65 par son … ainsi que
après son décès, par un jeu de mots en Virginie. fuselage légèrement modifié avec un
aéronautique, Spirit of Lewis, en Il porte toit vitré et un prolongement vers
le Marine Corps
référence au Spirit of St Louis de toujours son l’arrière des surfaces latérales vitrées, Les NE-1 n’étaient donc rien
Charles Lindbergh ; j’ai alors ima- appellation mais également par quelques équipe- d’autre que des J3C-65 semblables
giné créer un modeste logo représen- commerciale ments spécifiques. au modèle de 1941 avec des feux de
tant une luciole (firefly en anglais) civile “Piper L’US Navy s’intéressa également navigation alimentés par batterie
qui était le nom de son avion préféré, Cub” sur au petit biplace à moteur Continental (une option d’usine). Ils furent livrés
du temps où il débuta dans l’aviation, la queue. O-170-3 refroidi par air de 65 ch, à l’US Navy recouverts de la livrée
plus exactement dans l’aéronavale mais ne s’embarrassa pas de le faire traditionnelle “jaune Lock Haven”
britannique, la Fleet Air Arm, où il modifier et se contenta de donner la du “Cub”. Comme beaucoup prove-
s’occupait de la maintenance de ce désignation NE-1 aux 230 exem- naient de l’inventaire existant chez
très bel avion.” plaires commandés (BuAer no 26196 Piper, certains portaient le fameux
Peu après l’acquisition du “Cub”, à 26425), auxquels elle ajouta plus éclair noir sur les côtés du fuselage
un concours du plus beau projet de tard une commande de 30 NE-2 et d’autres le logo Bear Cub sur la
décoration fut lancé, que Roy – des L-4H tels que ceux commandés queue. Ils étaient devenus militaires
Grinnell, peintre officiel de l’AFAA par l’USAAC mais avec des modifi- simplement par adjonction de la
(American Fighter Aces Association) cations d’équipement – dont dix cocarde à boule rouge centrale sur
qui regroupe les pilotes américains furent annulés avant livraison. l’extrados et l’intrados des deux ailes
ayant obtenu la distinction d’as en Le N de la désignation est une – mais pas sur le fuselage.
combats aériens, et membre du lettre code pour training (entraîne- P endant le service, certains
French Wing, avait remporté avec une ment), et le E pour Piper, selon le furent repeints localement en gris-
illustration d’un NE-1, le Piper “Cub” système de l’US Navy. Le dernier des bleu et gris clair. À la fi n de 1944,
employé par… l’US Navy durant la 250 NE fut livré le 9 août 1945. La l’US Marine Corps (USMC) exploi-
Deuxième Guerre mondiale. première base à recevoir le NE-1 fut tait environ un tiers des NE-1 en
la Naval Reserve Air Base (NRAB) inventaire, essentiellement pour
Le “Cub” intéresse Anacostia, dans le District de l’entraînement de base de ses futurs
Columbia. Le BuAer n° 26196 y fut pilotes. Quelques exemplaires de
l’US Navy… testé du 18 mai au 18 juin 1942 ; le Piper furent employés par la
Durant la Deuxième Guerre mon- rapport d’essais stipule dans son 1st Marine Division durant l’inva-
diale, la Piper Aircraft Corporation paragraphe 17 : “Le NE-1 est consi- sion du cap Gloucester sur l’île de
de Lock Haven, en Pennsylvanie, pro- déré être un remplacement tempo- Nouvelle-Bretagne dans l’archipel
duisit en réponse à une commande de raire du N3N satisfaisant pour une Bismarck le 15 décembre 1943, et
40
Le NE-1 essayé puis termina sa course par un cheval
de bois et fut totalement détruit. Le
en “parasite” pilote en fut quitte pour quelques
En 1944, l’US Navy et la Piper semaines d’hôpital.
Aircraft développèrent un concept Le second Piper OE conserva
de Piper NE-1 “parasite”, c’est-à- son train d’atterrissage et, au hui-
dire suspendu sous le ventre d’un tième vol d’essai, son pilote réussit à
dirigeable de la classe M pour être revenir s’amarrer sous le Blimp. Les
largué en vol afi n d’effectuer des sept fois précédentes il avait été
missions de liaison. Des plans obligé de rejoindre le plancher des
furent également élaborés pour vaches. Les ingénieurs et pilotes
armer une version télécommandée d’essais avaient surnommé l’avion
du NE-1 équipé d’une charge de Glimpy, qui peut se traduire par
profondeur, afin de le larguer Le Petit Boiteux… En mai 1944, l’US
lorsque des sous-marins ennemis Navy mit fin à ce projet jugé peu pra-
seraient repérés – un drone avant tique. Glimpy demeura jusqu’en
l’heure ! Des essais furent menés 1952 sur la base aéronavale où il vola
au mois de mars 1944 depuis la comme avion de servitude et de sou-
Naval Air Station Lakehurst, dans tien aux essais en vol. Lors de son
le New Jersey. Deux NE-1 furent retrait du service, il portait toujours
spécialement modifiés : un système son patronyme de Petit Boiteux.
d’attache fut ajouté sur le dessus
des avions et le système de double Avec le ZP-32
commande fut déposé. Le train
d’atterrissage du premier exem-
et ses dirigeables
plaire fut supprimé, l’avion devant La peinture de Roy Grinnell re-
rejoindre le dirigeable Blimp de présente le NE-1 BuAer n° 26359,
lutte anti-sous-marine (ZNP-M) à dans les couleurs qu’il portait entre
l’issue de sa mission. décembre 1942 et juin 1943 lorsqu’il
US NAVY
Ces deux avions modifiés re- était affecté au ZP-32 Squadron à
par le 1st Marine Provisional çurent la nouvelle désignation OE. Moffett Field dans la baie de San
Observation Group lors du débar- Les essais furent laborieux : lors du Francisco. L’A i rsh ip Patrol
quement sur les îles Russell en août premier, le Piper ne se décrocha pas ; Squadron 32 – plus tard re-désigné
1944. Il semblerait cependant qu’ils au second il se décrocha mais après Blimp Squadron (ZP) 32 –, ou ZP-32
étaient du type L-4 et avaient été six tentatives d’accrochages infruc- en abrégé, mettait en œuvre depuis
procurés par la 5th Air Force des tueuses, il dut se résoudre à tenter de cette base des ballons dirigeables
USAAF. L’US Navy et l’US Marine rejoindre le plancher des vaches. Ne pour des missions de patrouilles
Corps se sont débarrassés de leurs disposant plus de son train d’atterris- maritimes, d’escorte de navires et de
NE en décembre 1947. sage, le Piper glissa sur son ventre lutte anti-sous-marine. Herb Par- ▲
Le Piper NE-1
BuAer n° 26197
fut le premier
employé
pour effectuer
des essais
de largage
et de
récupération
sous un
dirigeable
Blimp. Son
pilote ne réussit
pas à venir le
raccrocher sous
le Blimp et dut
se poser en
catastrophe…
mais sans train
d’atterrissage…
Le Piper termina
sa course par un
cheval de bois et
le pilote en fut
quitte pour un
séjour à l’hôpital.
US NAVY
41
PIPER NE-1
Le Piper NE-1
baptisé Glimpy
(Le Petit
Boiteux), ici le
27 mars 1944,
fut le second
employé
pour les essais
sous Blimp,
en l’occurrence
le ZNP-M-1…
et conserva
son train
d’atterrissage.
US NAVY
e
sons, le président de la Moffett Field 164 Piper “Cub” livré à l’US Navy avait pour nom NAS Sunnyvale ; elle
Historical Society Museum, avait sur le terrain de Lock Haven, en avait été rebaptisée en l’honneur de
reçu en don de la famille d’un marin Pennsylvanie, conformément aux l’amiral William Moffett après sa
ayant servi au sein du ZP-32 un al- termes du contrat 2873-A. Deux mort le 4 avril 1933, à bord du diri-
bum photos dans lequel se trouvent semaines plus tard, le 13 juin, après geable géant USS Akron.
quelques photos du NE-1 légendées un voyage de 4 000 km – l’histoire ne
“The Little Blue Cloud” (Le Petit dit pas comment ce dernier a été Petit nuage,
Nuage bleu). Son historique a été effectué – il fut pris en compte sur la
reconstitué à partir de son history RAB (Reserve Air Base) d’Oakland,
mais grand voyageur ! Le Piper NE-1
card (fiche de suivi de mouvement de en Californie (à l’est de San Le 15 décembre 1942, le NE-1 BuAer n° 26359
l’US Navy) pour le French Wing par Francisco, de l’autre côté de la baie). BuAer n° 26359 fut enregistré sur les photographié
à Moffett
un historien amateur, John Scott. Le 11 novembre, il traversa la baie et registres de l’Airship Squadron 32,
Field en 1943,
Le 29 mai 1942, le NE-1 BuAer fut affecté à la Naval Air Station ou ZP-32, une unité de dirigeables
lorsqu’il servait
n° 26359 entra en service en tant que Moffett Field. En 1931, cette base établie sur cette base quelques mois
avec la ZP-32.
42
AÉRO SERVICES RESTAURATION
AÉRO SERVICES RESTAURATION
Chez Aéro
plus tôt, le 31 janvier. L’antenne sup- Services
plémentaire allant d’un bout de mât Restauration,
au-dessus du cockpit avant jusqu’à à Libourne,
l’aileron trahit l’installation d’un avant entoilage
équipement radio non standard, ce (ci-contre à
qui suggère qu’il fut utilisé comme gauche) et
avion de liaison affecté au comman- après entoilage
dant d’unité. C’est là qu’un marin du (ci-dessus).
ZP-32 lui donna le surnom Le Petit Les lisses
Nuage bleu. en bois (plus
En août 1943, il fut transféré au fines que les
BlimpHedron 3, ou Blimp Mainte- longerons
nance Squadron 3, unité en charge de du fuselage)
la maintenance des dirigeables des supportent
ZP-31, ZP-32 et ZP-33, au sein du le revêtement
Fleet Airship Wing 3 (FAW 3), égale- en toile.
ment stationné sur la NAS Moffett
Field. Le FAW 3 était l’escadre de
dirigeables Blimp en charge de la côte
ouest des États-Unis menacée par les
sous-marins japonais ; les FAW 1 et 2,
respectivement stationnés sur les
AÉRO SERVICES RESTAURATION
NAS Lakehurst, dans le New Jersey,
et NAS Richmond, en Floride, super- l’île d’Okinawa, affecté à l’une des Service Squadron, unités qui ont rem-
visaient la zone Atlantique et faisaient nombreuses stations navales, d’oc- placé les CASU) de la NAB Orote.
la chasse aux U-Boote allemands. tobre 1945 au 25 novembre 1945, Sa radiation intervint le 31 octobre
En novembre 1944, le BuAer avant d’être pris en compte par le 1946, après six ans, six mois et deux
n° 26359 quitta Moffett Field pour CASU (F) 11 (Combat Aircraft jours de bons et loyaux services dans
être entreposés sur la NAS Alameda, Service Unit-Forward 11) d’Okinawa, l’US Navy.
au nord de la baie de San Francisco, puis transféré au groupe général
où il demeura sans affectation jusqu’à d’avions d’Okinawa, puis à un autre Confié à des
la fin de l’hiver. Puis en février 1945, service indéfini. Il reprit du service
il fut affecté au groupe d’avions de la actif sur la NAB Yanomaru, dans le
professionnels
NAS Pearl Harbor avant de transiter sud de l’île, sur la côte pacifique, de À la fin de 2021, année du 25e
en mars par l’île de Guam. D’avril à février 1946 au 15 mars 1946, puis anniversaire du French Wing, son
juin 1945, il fut affecté à la NAB déménagea pour la NAB Awase voi- J3C-65 a été convoyé par des membres
Orote Airfield, dans la partie ouest sine, avant de repartir pour Guam le de l’association vers Libourne pour y
de Guam. Signalé en transit en sep- 21 juin 1946. Il fut alors pris en être restauré dans les ateliers d’Aéro
tembre 1945, il rejoignit finalement compte par le FASRON 13 (Fleet Air Services Restauration, la société de
▲
43
PIPER NE-1
44
Raphaël Renard. Le F-GHLQ a été
démonté, désentoilé, inspecté – les
pièces qui devaient être changées ont
été remplacées – le fuselage sablé,
peint, puis rentoilé et recouvert de la
livrée deux tons du NE-1 BuAer
n° 26359. Pendant ce temps, Fabien
Gressier et VF Aero Maintenance, au
Plessis-Belleville, ont donné une cure
de jouvence au moteur. Le tout pour
un peu plus de 30 000 €, somme que
le French Wing a économisé au fil des
années, fruit de plusieurs opérations
de promotions et de récoltes de dons.
La transformation
continue
Le J3C-65 Après un convoyage retour riche
French Wing en péripéties – surtout météorolo-
de la CAF giques – Stéphane Duchemin, pré-
évoque
sident du French Wing depuis
désormais
neuf ans (membre de la CAF depuis
le peu connu
26 ans) a “réceptionné” le Petit
Piper NE-1
de l’US Navy,
Nuage bleu au Plessis-Belleville le
ici non loin 27 décembre dernier. Pour autant, il
du Plessis- ne compte pas limiter le projet NE-1
Belleville. au seul aspect cosmétique du Little
Blue Cloud : “C’est un projet très
cher à mon cœur. Il concentre toutes
nos valeurs et concrétise des années
de préparation et de travail par les
membres du French Wing.
Mais il n’est pas achevé, et conti-
nue avec le remplacement de la
planche de bord par une originale.
Pour ce faire, nous recherchons un
compte-tours Waltham P/N 496163,
une US Gauge P/N 496159 (indica-
teur de pression d’huile), une US
Gauge P/N 496160 (indicateur de
température d’huile), un 40 to
140 mph P/N 496139 (indicateur de
vitesse), un Airpath Type 60 P/N
450625 (compas magnétique à bulle),
une manette de réchauffage cabine.
Leur achat mais surtout leur révision
à Lock Haven sont coûteux. Nous
avons estimé le coût de ces travaux
complémentaires à 20 000 €.” Toute
aide sera donc la bienvenue ! ■
Le French Wing
Née en 1996, l’association loi 1901
French Wing est l’unité française de
la Commemorative Air Force (CAF)
américaine. Le French Wing réalise
des recherches historiques et produit
un documentaire intitulé “Histoire
et Devoir de Mémoire” qui publie
des interviews de vétérans qui sont
d’abord destinées au jeune public,
visibles sur sa chaîne YouTube et
depuis son site Internet. Il fait aussi
voler depuis 2003, donc, un Piper
J3C-65 en livrée de NE-1.
XAVIER MÉAL
45
RWANDA
Opération Turquoise,
22 juin-22 août 1994
Une saison en enfer
Deuxième partie.
En juillet 1994, partout au Rwanda, les FAR reculent.
Face à elles, le FPR avance très vite et fait fuir
des millions de réfugiés hutus vers le Zaïre. Le pays
connaît alors une nouvelle tragédie. Par Hugues de Guillebon
L
e 14 juillet 1994, la fête natio- Nos mécanos étaient curieux de voir
nale est fêtée sur toutes les ce modèle et se sont penchés dessus.
bases françaises de l’opéra- Ils se sont alors rendu compte qu’elle
tion Turquoise. À Goma, n’avait pas eu d’entretien depuis au
une “Gazelle” des FAR se moins 60 ou 70 heures de vol, mais
pose sur l’aéroport. Elle transporte qu’elle fonctionnait parfaitement ;
le Premier ministre Kambanda et le quelle fiabilité !”
ministre de la Défense Bizimana
venus prendre contact avec les auto- Une “Gazelle”
rités zaïroises pour négocier le repli
du GIR, le gouvernement intéri-
très bien équipée Le 14 juillet,
maire rwandais, au Zaïre (lire Jean-Luc Brissaud complète : la “Gazelle”
Le Fana de l’Aviation n° 621). “Nous avons pu discuter avec les SA342L1
La “Gazelle” est pilotée par le deux pilotes rwandais. Certains n° 2163 des
lt Bernardin Nsengamungu et le d’entre nous les avaient connus lors FAR codée
col. André Kanyamanza, comman- de leur formation en France. Ils nous 10K12 se pose
dant l’escadrille d’aviation rwan- ont raconté que leurs têtes étaient à Goma avec
daise [les deux pilotes seront assas- mises à prix par le FPR. Quant à la des ministres
sinés par le FPR fin 1996 lors de “Gazelle”, c’était un modèle intéres- rwandais.
l’attaque des camps de réfugiés hutus sant : elle pouvait être armée de ro- En arrière-plan,
le Boeing 707
du Kivu, NdA]. Jean-Yves Claris- quettes et était particulièrement bien
3D-ASB
Sauvage se souvient de cet épisode : équipée – même mieux que les
d’Express
“Nous n’avions pas dans l’Alat de nôtres – pour faire du vol sans visi-
Cargo est
“Gazelle” de ce type, une SA 342L1. bilité avec des systèmes VOR DME
▲
déchargé.
46
Ravitaillement en vol
de “Mirage” F1CT au-dessus
du Zaïre. Kisangani étant
éloigné de 500 km
de la région de Goma,
les missions nécessitaient
au moins un ravitaillement
à l’aller. Chargés de l’appui
des troupes françaises au
sol, ces appareils étaient
toujours équipés de lance-
roquettes et de lance-
leurres thermiques.
47
OPÉRATION TURQUOISE
À partir
du 14 juillet,
un flot
ininterrompu
de réfugiés
hutus fuyant
l’avancée du
FPR s’agglutine
autour
de l’aéroport
de Goma.
33E ER/COLL. PHILIPPE DUMON
La “Gazelle” BWL
du 3e RHC
sur le terrain
de Goma.
Le 17 juillet,
les hélicoptères
doivent se replier
sur Bukavu pour
éviter d’être
touchés par
les tirs du FPR.
48
Le 16 juillet,
le pont aérien
du programme
alimentaire
mondial se met
en place à Goma.
Sur cette photo,
l’Il-76 UR-76393
affrété par
le CICR, le Comité
international
de la Croix-
Rouge.
sonnent sur la piste située à moins de poste de commandement interar- La mission de reconnaissance
200 m de nos tentes. La veille, le mées de théâtre. À 8 heures, l’équi- au-dessus de la ville commence.
CCOA (centre de conduite des opé- page est à l’avion, nous commen- Mais quelques minutes avant de
rations aériennes) nous avait or- çons à égrener la check-list. Durant mettre le cap sur Kisangani, le
donné une mission pour le début de la mise en route, nous voyons le CCOA nous ordonne de nous repo-
la matinée. Les premiers bonjours long de la route bordant le parking ser à Goma. Cette matinée aura été
s’échangent, mais aussi les dernières un flot continu de réfugiés déambu- décidément bien singulière ! Dès
informations : “Les premiers réfu- lant sac sur la tête ou enfant sous le 14 heures, l’ordre de décollage immé-
giés rwandais sont aux portes de bras. Simultanément, le CCOA diat nous parvient avec de nouveau
Goma, des coups de feu ont retenti à nous prévient par la tour qu’à l’issue une mise en place à Kisangani.
proximité de l’aéroport.” du vol, il faudra partir sur Kisan- L’“Atlantic” est en vol 45 minutes
gani. Au roulage, il nous faut éviter plus tard pour une nouvelle recon-
Un homme évité de de justesse un homme visiblement naissance de la ville et un départ vers
perdu qui, marchant sur le taxiway, le centre du Zaïre. Goma est envahie
justesse sur le taxiway ne semble pas évaluer les dangers par les réfugiés rwandais, toutes les
Finalement, les ordres tombent : qu’il encourt. Grâce à un passage routes sont saturées et, après un sur-
l’“Atlantic” décollera dès que paré en reverse, nous stoppons ; l’homme vol de 20 minutes environ, nous met-
pour survoler la ville et donner des est à moins d’un mètre de l’hélice. tons le cap vers notre nouvelle base.”
informations sur la situation et le Nous en sommes quittes pour une Bernard Lunetto, mécanicien
nombre de réfugiés au PCIAT, le belle frayeur ! navigant à bord de l’“Atlantic”, se
▲
Très vite,
les abords
de la piste
de Goma
sont envahis
de réfugiés,
rendant les
mouvements
très périlleux.
On peut voir sur
la piste à droite
des réparations
effectuées
par le génie
de l’Air.
49
OPÉRATION TURQUOISE
VINCENT
DHORNE
JEAN-LUC BRISSAUD
Le 17 juillet, le
souvient également : “Les réfugiés “Puma” n° 1663 Les réfugiés allaient partout et massif à Goma, en particulier sur le
sont arrivés en masse. Nous savions participe à un n’avaient aucune conscience du dan- terrain d’aviation, contraint la force
qu’ils s’approchaient de la région exercice SAR ger. En redécollant de Goma pour Turquoise à transférer tous ses
mais les renseignements dont nous à l’ouest de Kisangani, nous avons dû faire un avions à Bukavu. L’“Atlantic” part
disposions ne nous permettaient pas Goma pour écart brusque en pleine accélération lui sur Kisangani. Ne restent à Goma
d’en connaître le nombre, ni quand déposer un pour éviter des réfugiés qui traver- que les voilures tournantes. Dans la
ils arriveraient précisément. Le pilote “éjecté” saient la piste. Cela a généré un pro- ZHS, les Hutus continuent égale-
14 juillet, ce fut d’un coup noir de dans la forêt blème sur les roues avant qui ont été ment à affluer. Ils y seront bientôt
monde ! Nous ne les attendions pas zaïroise ; il doit déformées.” 2 millions. Quant aux FAR, elles ne
si vite et si nombreux ; rien n’avait été être récupéré parviennent plus à organiser une
prévu pour les recevoir en si grand par les “Puma” Un point de la situation position retardatrice cohérente et
nombre. Ils avaient tout perdu et de l’armée permettent juste à l’immense co-
n’avaient rien à manger ou boire de l’Air. sur le terrain horte de réfugiés de parvenir au
depuis des jours, et beaucoup d’entre Comment se présente la situation Zaïre. Fatigués et démoralisés par la
eux étaient blessés ou avaient la dy- sur le terrain ? Après la prise de défaite, les militaires rwandais se
senterie. On voyait toute leur dé- Ruhengeri par le FPR le 14 juillet où fondent maintenant dans la foule.
tresse sur leurs visages. s’étaient réfugiés beaucoup d’habi- Les FAR préfèrent passer au Zaïre
Dès qu’ils sont arrivés, nous tants de Kigali, la population hutue par Goma car elles savent qu’elles
avons décollé avec l’“Atlantic” pour fuit vers Goma. En une journée, seront désarmées par les Français si
essayer de les positionner autour de 200 000 Rwandais y trouvent refuge. elles traversent la ZHS.
Goma et estimer leur volume, puis Ils seront rejoints par 400 000 autres Le lendemain, le “Puma” “Pi-
nous nous sommes reposés pour le 15 juillet et autant le lendemain. rate” est mis en alerte. Il décolle pour
déposer les photos. Comme la piste La situation humanitaire devient Cyangugu. De là, il effectue une re-
n’était plus sécurisée et commençait dramatique. Le GIR est toujours à connaissance armée près de
à être envahie de réfugiés, on nous a Gisenyi mais la ville va tomber sous Gikongoro où un groupe du COS se
demandé de partir sur Kisangani. peu aux mains du FPR. Cet afflux fait accrocher à Kamweru par le FPR
BERNARD LUNETTO
50
Le SA 330 “Puma” n° 1197 COA est le “Pirate” de l’opération
Turquoise. Il est armé d’un canon Giat M621 de 20 mm
approvisionné par 240 obus.
qui tente de s’infiltrer dans la ZHS. par intérim Théodore Sindikubwabo taire, débute le 16 juillet le pont aé-
Une mitrailleuse du FPR tire dès que et aux ministres rwandais accompa- rien du programme alimentaire
les forces spéciales bougent. Elles gnés d’éléments de la Garde prési- mondial instauré par le haut-com-
demandent un appui-feu pendant dentielle de passer au Zaïre où ils missariat aux réfugiés des Nations
qu’elles décrocheront. Finalement, le sont désarmés, suivis par de très unies pour apporter l’aide humani-
groupe des forces spéciales réus- nombreux réfugiés. De leur côté, taire sur Goma. On craint déjà
sit à décrocher pendant la les CRAP [commandos de qu’éclate une épidémie de choléra
nuit et est récupéré par recherche et d’actions qui deviendrait très rapidement in-
deux “Puma” sous dans la profondeur, contrôlable. La présence de la force
JVN (jumelles de vi- NDLR] du 2 e REP Insigne Turquoise sur l’aéroport va per-
sion nocturne). Au organisent l’extraction commémoratif mettre de faciliter l’acheminement
même moment, des pa r “ P u m a” de de la base de l’aide alimentaire et le travail des
autorités gouver- Dismas Nsengiya- aérienne ONG. Des gros-porteurs et des
nementales remye, un ex- de Kisangani avions-cargos de tout type com-
rwandaises Premier ministre au Zaïre. mencent à arriver sur Goma.
trouvent refuge DR
hutu et de sa famille,
dans la ZHS à Cyangugu, ancien opposant au pré- La tension monte
dans le secteur Légion. Le 16 juillet, sident Habyarimana, menacés par
le lt-col. Hogard, qui n’a pas reçu des miliciens hutus.
d’un cran
l’ordre de les appréhender, leur L’action que mène la France Mais dès le lendemain, le 17 juil-
donne 24 heures pour quitter la zone pour mobiliser la communauté in- let, la tension monte d’un cran. Les
et partir au Zaïre. Mais la frontière ternationale et les ONG sur le sort FAR reculent encore devant l’avan-
zaïroise est fermée pour empêcher des réfugiés commence à porter ses cée du FPR. Le front s’établit main-
les réfugiés d’entrer dans le pays. Les fruits. Alors que le dispositif aérien tenant à proximité de Goma et en
Français négocient alors avec les qu’elle a mis en place a déjà permis limite de la ZHS que le FPR tente
Zaïrois, ce qui permet au président d’acheminer 400 t d’aide alimen- de forcer. Les hélicoptères “Gazelle”
JEAN-LUC BRISSAUD
reçoivent l’ordre de mettre en place
Le 17 juillet au au poste de commandement du
soir, le “Puma” RICM (régiment d’infanterie et
“Pirate” évacue chars de marine) à Kibuye une pa-
Goma sous le
trouille de deux appareils en mesure
feu et attendra
d’intervenir rapidement suite à un
l’ordre de tir qui
accrochage entre les marsouins et le
ne viendra pas.
Il s’était entraîné
FPR. Les coordonnées des lieux de
le 1er juillet combat et d’interventions possibles
1994 (photo). sont rapidement communiquées aux
À gauche, pilotes qui ont la surprise de croiser
l’adj. Lebeuze ; sur place Jean d’Ormesson, envoyé
à droite, le spécial du Figaro, venu couvrir les
cdt Claris- évènements. Le “Puma” qui trans-
Sauvage. porte le journaliste doit être dé-
tourné pour évacuer sur Goma un
marsouin blessé au col de Ndaba où
le 1er escadron du RICM subit pen-
dant deux heures le feu intense des
▲
51
OPÉRATION TURQUOISE
52
Simulacre de ravitaillement
à très basse altitude
au-dessus du “persil” zaïrois
d’un “Mirage” F1CT armé
de lance-roquettes F4.
sus. Le gén. Lafourcade a alors pris pour cible par des mortiers. J’ai Nous avons alors commencé à
donné l’ordre de faire partir sans plus d’abord vu un obus exploser à orbiter sur le lac, hors de portée des
attendre les “Puma” et les “Gazelle” l’avant droit, puis deux autres explo- tirs, en attendant qu’on nous com-
pour éviter qu’ils ne soient touchés. ser dans l’eau quand nous sommes munique la position des mortiers et
arrivés au-dessus du lac Kivu. Les qu’on nous donne l’ordre de riposter.
Moins vulnérables de pilotes de “Gazelle” m’ont raconté Les tirs du FPR venaient de la col-
qu’ils avaient également vu des tra- line de Gisenyi, de l’autre côté de
nuit, tous feux éteints çantes nous suivre. En vol, nous l’aéroport. Les “Gazelle” “Canon”
J’ai décollé à bord du “Pirate” avons aperçu des explosions juste nous suivaient. Les deux autres
avec le cdt Claris- Sauvage , derrière les “Gazelle” et les autres “Puma” étaient déjà partis directe-
l’adj. Gaïa, mécanicien navigant, et “Puma” qui nous suivaient . ment sur Bukavu où il y avait le déta-
l’adj. Lebeuze, tireur canon. Dès la Personne n’a été touché, mais je me chement du COS. La nuit tombant,
phase de décollage, nous avons été demande encore comment ! les équipages des “Gazelle” ont reçu
DR/COLL. DIDIER DUVAL
Fresque peinte
l’ordre de desserrement sur Bukavu
sur un mur car ils n’étaient pas qualifiés JVN.
de l’aérogare Le FPR a continué à arroser le ter-
de Kisangani. rain d’aviation pendant environ
Les mécaniciens deux heures. De nuit, tous feux
des “Mirage” éteints, avec le viseur laser installé
F1CT étaient du sur le canon, nous pouvions dési-
3/13 Alsace alors gner l’objectif très précisément et
que les pilotes étions moins vulnérables ; nous
étaient du 1/13 étions forcément entendus, mais il
Normandie- était difficile de nous localiser. De
Niémen. plus, avec leurs balles traçantes,
nous voyions très précisément les
départs des tirs. Pour les mortiers,
c’était plus compliqué, car nous dis-
tinguions moins bien les départs de
coup, plus brefs. Nous sommes res-
tés un long moment au-dessus du
lac, en attente de l’autorisation d’in-
tervenir, mais l’ordre n’est jamais
venu. Puis les tirs de mortiers se sont
calmés, mais nous sommes restés à
proximité un moment, au cas où.
Vers 18 h 30, en limite d’autono-
mie, nous avons quitté la zone pour
Bukavu sous JVN. À peine arrivé, le
▲
53
OPÉRATION TURQUOISE
54
ver sur le circuit d’attente et nous giés à Goma, j’avais vu une Jeep avec
avons alors laissé notre place pour à son bord un officier français griè-
ravitailler à notre tour. Pendant ce vement blessé au ventre. C’était un
temps, et après un moment d’attente, officier de liaison de l’état-major que
nos camarades sur F1CR ont reçu j’avais rencontré le matin même et
l’ordre d’effectuer un passage bas au- qui venait d’être touché à Goma.”
dessus des rebelles, ce qui aura pour Alors que l’arrivée du FPR à la fron-
le moins contribué à les calmer. tière le 17 juillet a donné lieu à des
Après le ravitaillement, nous étions tirs désordonnés et incontrôlés de-
à nouveau prêts à revenir pour tirer puis le Rwanda et dans Goma même,
si besoin, mais ce ne fut pas néces- le lt-col. Maurin, chef d’une équipe
saire, les tirs de mortier sur Goma de liaison, en déplacement dans la
ayant cessé. Le retour s’est effectué banlieue de Goma avec des repré-
au plus vite et nous nous sommes sentants de l’ONU, est touché par
malgré tout posés de nuit, juste à la une balle perdue en plein cœur. Il est
tombée, mais par une nuit sans évacué immédiatement à l’antenne
nuage, avec une belle visibilité. chirurgicale installée sur l’aéroport
Mission accomplie.” de Goma. Il est pris en charge par les
médecins Ponce et Rigal pour une
… effectuent un passage opération à cœur ouvert particuliè-
rement urgente et délicate qui va lui
bas au-dessus des rebelles sauver la vie. Un avion du Glam
Ravitaillement
notre tour, sachant que la nuit appro- en vol Jean-Claude Lafourcade com- [Groupe de liaisons aériennes minis-
chait à grands pas et qu’il ne fallait au-dessus plète : “L’inter vention de s térielles, NDLR] est commandé en
pas tarder. Nous sommes arrivés très du Zaïre “Mirage” F1 a été déterminante pour urgence par le gén. Lafourcade pour
rapidement sur zone, guidés par du “Mirage” arrêter l’agression du FPR sur Goma. une évacuation sur Paris.
l’“Atlantic”, prêts à intervenir. Nous F1CR 33-CB J’ai prévenu Kagamé qu’après un Le lt-col. Jean-Pierre L’Hote,
avons pris par radio les coordonnées du 1/33 Belfort passage à basse altitude, nous ouvri- alors n° 3 du Glam, raconte la suite
de l’objectif auprès d’un contrôleur par le C-135FR rions le feu ; les tirs ont alors cessé…” (1) : “L’équipage est constitué très vite
avancé au sol et préparé l’attaque. En n° 738 de la Jean-Marc Denuel se souvient avec la seule ressource possible, le
fait, nous ne savions pas si nous al- 93e ERV. également de cette journée : “Ce cne Lastère, copilote, au côté du
lions devoir tirer nos roquettes ou jour-là, j’étais sur Goma. Au mo- cap. Maury. L’équipe médicale est très
faire un simple passage de dissuasion ment du bombardement, je suis expérimentée compte tenu de la gra-
en très basse altitude et très grande monté dans l’“Atlantic” qui décollait vité de cette évacuation : un médecin-
vitesse. Puis nous avons attendu pour Kisangani. En vol, nous avons colonel cardiologue aidé d’un réani-
▲
l’ordre… qui ne venait toujours pas ; contacté les “Mirage” pour qu’ils
le pétrole diminuait. fassent un passage basse altitude sur
(1) À retrouver dans Histoire du Glam,
Les F1CR ont annoncé qu’ils l’endroit d’où partaient les tirs. Je me Des ailes au service de l’État, d’Alain
étaient maintenant prêts à nous rele- souviens aussi qu’au milieu des réfu- Bévillard, Éditions Privat, 2015.
55
OPÉRATION TURQUOISE
ALAIN TOUL
56
Le “Falcon” 50 n° 5 F-RAFI
du Glam réalise le 17 juillet
à Goma une évacuation
sanitaire à haut risque d’un
officier français grièvement
blessé
marée humaine de “zombies” qui se de 120 mm de la section de mortiers ment rwandais s’est replié au Zaïre.
déplace. L’équipage fait le plein maxi- lourds du 11e RAMa du cne Philippe Le nouveau gouvernement mis en
mal et met en route dès que le blessé Loïacono ripostent à l’obus explosif place par le FPR au Rwanda, déjà
est à bord et conditionné. La piste est depuis le stade de Kibuye. reconnu par la communauté interna-
ouverte par une voiture de comman- tionale, demande à la France de quit-
dos, avion tout éteint, aucun feu exté- La France doit quitter ter immédiatement le pays. Bilan de
rieur, dans la peur de tirs possibles. Le l’attaque du FPR sur Goma : une
décollage se fait à 3 h 45 en mettant les
le pays immédiatement centaine de réfugiés tués, victimes
moteurs à pleine puissance conservée Le tir d’obus éclairants permet des obus de mortiers ou des balles
jusqu’à 8 000 ou 9 000 pieds [2 438 ou aussi aux AML-90 d’ouvrir le feu sur tirées depuis Gisenyi, ou bien piéti-
2 743 m] pour permettre une montée des éléments infiltrés fortement ar- nés par la foule paniquée. L’antenne
en grande pente.” més qui subissent de lourdes pertes. chirurgicale parachutiste effectue les
Au même moment au nord de la Dans l’obscurité, les Français Les réfugiés opérations les plus urgentes toute la
ZHS, la situation est aussi très tendue. peuvent suivre les tentatives d’infil- campent nuit. Le génie creuse des trous à la
Les AML-90 du RICM du trations du FPR grâce aux caméras autour de pelleteuse où sont empilés les ca-
lt Dominique Arrambourg se font infrarouges “Mira” des missiles anti- Goma dans davres. Dans cette ville de 120 000
des conditions
accrocher à Nyakabuye. Le FPR tente char “Milan”. L’accrochage va durer habitants, maintenant submergée par
déplorables.
d’ouvrir une brèche dans le dispositif toute la nuit. À l’aube du 18 juillet, la plus d’un million de réfugiés apeurés,
Ils seront
de Turquoise par un tir de mortier sur ville de Gisenyi est entièrement aux c’est le chaos total… ■
un million à
les positions françaises. Les mortiers mains du FPR. L’ancien gouverne- À suivre
entrer au Zaïre.
57
HISTOIRE
La première campagne du GC III
Normandie (mars-novembre 1943)
Une épreuve
du feu glorieuse,
mais chèrement
payée
Deuxième partie.
L’engagement des pilotes français contre
les Allemands est total dans le ciel soviétique.
Mais les pertes s’accumulent et deviennent
préoccupantes…
Par Yves Donjon.
Auteur de Ceux de Normandie-Niémen,
administrateur du Mémorial Normandie-Niémen.
L
e 2 juin, le groupe quitte en charge des détails. Évadé d’Indo-
Mozalsk pour rejoindre le chine en octobre 1942, le cne Pierre
terrain de Khationki, situé Pouyade avait réussi à gagner l’An-
5 km plus au nord, où est déjà gleterre début février 1943 et s’était
installé le 18e régiment de la immédiatement engagé dans les
Garde. Les pilotes – toujours mieux FAFL. Promu commandant le
choyés que les mécaniciens – se re- 1er avril suivant, il avait été chargé
trouvent logés dans un village à 4 km par le gén. Martial Valin, comman-
du terrain. Quant aux mécaniciens, dant en chef des FAFL, de recruter
ils doivent se construire des abris et des renforts pour le GC III
des cabanes en branchages. Toute- Normandie nouvellement arrivé sur
fois, un pilote, le cdt Jean Tulasne, le front de l’Est, et au sein duquel les
fait exception. Pour être le premier pertes risquaient d’être lourdes.
à décoller en cas d’alerte, il installe S’étant exécuté, le cdt Pouyade était
sa paillasse sur l’aérodrome, à moins parvenu à recruter les huit pilotes
de 20 m de son avion, dans un trou avec lesquels il rejoint le Normandie
de 2 m2, qu’il recouvre de rondins de ce 9 juin 1943.
bois et de terre, où l’air et la lumière De droite
ne pénètrent que par une petite lu- L’amitié des commandants à gauche :
carne au ras du sol… Les renforts
tant attendus arrivent le 9 juin, en la
Tulasne et Pouyade Albert Durand,
Jean Tulasne
personne du cdt Pierre Pouyade, Paul de Forges était célèbre au et Albert Littolff
accompagné de huit pilotes : le sein des ailes françaises et auprès du avec des officiers
cne Paul de Forges, les lt Henri grand public ; en 1935-1936, il avait soviétiques,
Boube, Gérald Léon, Jean de réalisé des raids aériens, notamment en juillet 1943,
Tedesco, le s/lt Léo Barbier, les Paris-Madagascar et Paris-Chan- pendant la
asp. André Balcou, Jacques Mathis dernagor (Inde française). Henri bataille d’Orel.
et Firmin Vermeil. Notons aussi la Boube, “vieux” pilote de 37 ans, Littolff disparut
venue de l’asp. Anatole Corot qui avait rallié les FAFL en Angleterre au combat le
assurera les fonctions d’interprète en février 1943. Gérald Léon, évadé 16 juillet, Tulasne
– étant d’origine russe – et d’officier de France en juin 1940, avait com- le lendemain.
▲
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
58
59
PREMIÈRE CAMPAGNE DU GC III NORMANDIE
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
60
“ Nos pensées sont le front de l’Est, le Yak-9 est plus ra-
pide que ses adversaires. Doté d’une
nord et Belgorod au sud, mettant
aux prises quelque 6 000 chars – la
▲
le 16 juillet.
Didier Béguin, le cdt Tulasne engage
un Fw 190 qu’il abat au-dessus de
Bouda ; il vient de remporter sa pre-
mière victoire confirmée. Celle-ci lui
vaudra une citation et une palme de
bronze à sa croix de guerre.
Une réorganisation
avec l’arrivée du Yak-9D
Le 5 juillet, conformément au
télégramme du cne Albert Mirlesse
(adjoint au gén. Ernest Petit, chef de
la Mission militaire française à
Moscou), le Normandie réceptionne
un premier lot de 12 Yak-9D flambant
neufs. Le Yak-9D, dérivé du Yak-7DI
(“Dalny Istrebitel”, chasseur à long
rayon d’action), possède une aile plus
légère de 100 kg – le lourd longeron
en bois ayant été remplacé par deux
longerons en aluminium – et une
envergure réduite par rapport à celle
du Yak-1. Équipé du moteur Klimov
M-105PF développant 1 210 ch, il at-
teint 600 km/h à 4 300 m.
Dans la tranche d’altitude où se
déroulent la majorité des combats sur
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
61
PREMIÈRE CAMPAGNE DU GC III NORMANDIE
62
Alexandre
Laurent qui fut
le seul pilote
du Normandie
à épouser
une Soviétique.
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
nationale se conclut par un banquet Le 16 juillet est caractérisé par de l’aube à la tombée de la nuit. Lors
auquel sont invités une vingtaine une activité très intense : nom- d’une mission de la matinée, Littolff
d’of f ic ier s sov iét ique s . L e breuses missions, nombreux com- et Castelain descendent deux
gén. Zakharov félicite chaleureuse- bats tournoyants contre des chas- Me 110. Parallèlement, Pouyade,
ment les pilotes du Normandie et lit seurs allemands et nouvelles Preziosi, Béguin, Durand, Risso et
un télégramme de félicitations du victoires confirmées. Malheureu- Vermeil attaquent un Fw 189 qui
gén. Gromoff, nouveau comman- sement, ce 16 juillet va également bombardait les troupes amies.
dant de la 1re armée aérienne. être une journée particulièrement L’appareil allemand ne résiste pas à
Le lendemain, lors d’une mis- noire pour le Normandie… Dès l’attaque des six Yak et s’abat dans le
sion de protection de six Il-2, effec- 3 h 00 du matin, les pilotes se lèvent secteur de Krasnikovo. Tous les
tuée dans de mauvaises conditions après une trop courte nuit n’ayant chasseurs français rentrent au ter-
météo, le cdt Tulasne et le cne de pas permis de récupérer ; les hommes rain sans avoir été touchés.
Forges abattent chacun un Me 110 sont harassés. Depuis le début de À 14 h 00, huit Yak décollent
au-dessus d’Orel. l’offensive les missions s’enchaînent sous les ordres de Tulasne pour une ▲
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
Jean Tulasne et
le commandant
Dymchenko
au cours du
printemps 1943.
63
PREMIÈRE CAMPAGNE DU GC III NORMANDIE
VINCEN
T DHORN
E
mission de couverture des troupes d’être dénoncé, de la nécessité d’entre- La nouvelle des disparitions si-
au sol dans la région de Krasnikovo. prendre une action de résistance. multanées de Littolff, Castelain et
Les pilotes français aperçoivent C’est ce que nous fîmes, avant de Bernavon provoque stupeur et
une quinzaine de Ju 87 “Stuka” prendre la décision de nous enfuir consternation parmi le personnel du
(abréviation de “Sturtzkampf- ensemble vers la Chine. Au dernier Normandie. Le cdt Tulasne jure de
flugzeug”, qui signifie “bombardier moment il ne put me rejoindre dans venger Albert Littolff, son adjoint,
en piqué” en allemand) se dirigeant l’avion que j’avais préparé à cet effet son fidèle compagnon d’armes de-
sur Krasnikovo. Littolff, Castelain et je m’envolai seul. Il devait réussir à puis l’époque du GC I Alsace au
et Léon s’en prennent au dernier s’échapper quelques semaines plus Moyen-Orient.
peloton. Pouyade et Bernavon se tard et me retrouver en Chine après
lancent à leur suite, tandis que des aventures extraordinaires. Il était Tulasne et Vermeil ne
Tulasne et Albert restés en protec- venu en URSS tout simplement pour
tion haute se retrouvent aux prises me suivre, parce que j’étais son ancien
regagnent pas le terrain
avec deux Fw 190 venus d’une alti- chef et son ami… Le jour de sa der- Le lendemain, 17 juillet 1943,
tude supérieure. Tulasne abat un nière mission, nous étions ensemble une première sortie s’effectue à
Fw 190, Pouyade descend un Ju 87, à la poursuite d’un groupe de Ju 87 5 h 10. Le cdt Tulasne mène dix Yak
Léon est victorieux au détriment de “Stuka”, lorsqu’il fut abattu par un en protection de Pe-2 devant bom-
deux Fw 190, et enfin Paul de Fw 190 quelque part au nord d’Orel.” barder la gare de Biela-Berega, sur
Forges s’of f re u n Me 10 9. Sur le terrain Les recherches entreprises dès le la voie ferrée de Briansk à Orel.
Malheureusement, trois pilotes ne de Khationki, lendemain n’apporteront aucune Pressé d’en découdre avec l’ennemi,
rentrent pas : le cne Littolff, les en juillet 1943. information sur ce qu’il est advenu Tulasne attaque un Me 110 sans
s/ lt Castelain et Bernavon. De gauche des trois aviateurs portés disparus. résultat. Plus tard dans la matinée,
à droite : Dix-sept ans après sa disparition, le un engagement a lieu avec des
La même soif de vaincre Littolff, corps d’Albert Littolff sera retrouvé Fw 190 ; le s/lt Albert abat l’un des
Sibirine,
dans l’épave de son Yak et restitué à chasseurs allemands.
un ennemi odieux Durand,
la France en octobre 1960. Il fut in- Malgré la fatigue, le cdt Tulasne
Pintchouk,
A insi disparaissent Albert humé au carré militaire du cimetière sort une nouvelle fois à 17 h 10 à la
Castelain,
Littolff et Noël Castelain, deux amis Albert et Risso.
Saint-Pierre de Marseille. tête de neuf Yak pour escorter des
unis jusque dans la mort par la même
soif de vaincre un ennemi odieux,
pour lesquels l’honneur et la liberté
étaient les deux raisons d’exister.
Concernant Adrien Bernavon, le
cdt Pouyade – devenu général – décla-
rera après la guerre : “J’avais fait sa
connaissance fin 1940, sur le navire
qui nous amenait en Indochine pour
faire campagne contre la Thaïlande.
Nous avions vite sympathisé. En
même temps qu’un camarade char-
mant, c’était déjà un chasseur de
classe qui avait obtenu plusieurs cita-
tions au cours de la campagne de
France. Il était à mon escadrille, et
pendant un an et demi nous avions
patrouillé ensemble sur nos
Morane 406 au Cambodge, au Sud
Annam et au Tonkin. Comme moi, il
avait assisté, la rage au cœur, à l’occu-
pation japonaise, et il était des rares
avec qui je pouvais parler, sans crainte
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
64
“Chtourmovik” dans le secteur de
Znamenskaïa. Les Yak sont pris à
“ Il faut excuser l’ardeur Dès le lendemain de la dispari-
tion de Jean Tulasne, le commande-
partie par une nuée de Fw 190 ; pas
moins d’une trentaine de chasseurs excessive de ces jeunes ment du Normandie est confié à
l’officier de l’unité le plus ancien dans
allemands sont présents. L’asp. Ver- le grade le plus élevé, en l’occurrence
meil, équipier de Béguin, est perdu
de vue dès le début du combat. Les
gens… et comprendre le cdt Pouyade : “Tulasne disparu, il
me fallait prendre sa place. Quelle
commandants Tulasne et Pouyade,
accompagnés de l’asp. Bon, montent
leur impatience ” lourde tâche et quelle responsabilité !
Aussi pénibles que soient nos deuils
en chandelle en direction d’un cu- et leur souvenir, il faut pourtant bien
mulus salvateur. Pouyade passe à culièrement lourd avec la perte de revenir à la réalité, c’est la bataille en
gauche du nuage, Tulasne à droite. six de ses pilotes et non des cours. Au sol, l’immense contre-of-
200 m plus loin, Pouyade se retrouve moindres. À l’échelle de l’effectif, fensive a réussi… Les unités d’avia-
seul et a perdu c’est une catas- tion russes sont décimées comme la
tout contact avec trophe en plus nôtre, mais elles ont l’avantage de
les autres pilotes d’un drame ; le posséder un réservoir inépuisable de
en l’air. Isolé, il Normandie est pilotes qui comblent rapidement
reprend le cap du décapité. Aussitôt leurs vides. Pour nous, ce n’est pas la
terrain de l’annonce de la même chose, et chaque perte est ir-
Khationki, espé- disparition du Jean Tulasne, remplaçable.”
rant y retrouver cdt Tulasne, le premier Le lt Gérald Léon reçoit le com-
Tulasne. gén. Zakharov commandant mandement de la 1re escadrille
L ’av ion du vient rendre visite tactique du Rouen ; le lt Didier Béguin celui de la
lt Béguin reçoit un au personnel du Normandie, 2e escadrille Le Havre.
obus dans l’aile Normandie sous disparut le L e 19 juillet, après presque
17 juillet 1943.
près du fuselage, le choc. Fraternel quatre mois de présence au front, le
un autre dans le et direct, Normandie obtient sa 30 e victoire
plan fixe horizon- G u e o r g u y confirmée. Cependant, le groupe est
tal et un troisième Zakharov s’ex- au bord de l’épuisement. Il ne reste
dans le moteur. prime en ami, plus que 11 pilotes aptes au combat
Bien que blessé à M N
ÉMORIAL -N
ORMANDIE
mais aussi en tant
IÉMEN
– valides et entraînés – et dix Yak-9,
la cuisse, et mal- que chef. Il ex- auxquels s’ajoute un dernier Yak-1.
gré le moteur de son Yak endom- plique aux Français que “la tactique
magé, Béguin rentre en rase-mottes, du combat individuel n’est plus va- Les “recommandations
survolant des combats de chars, et lable lorsque d’importantes forma- Sur le terrain
parvient à se poser sur le ventre en tions s’affrontent dans le ciel. de Khationki, amicales” de Zakharov
zone amie. Tulasne et Vermeil ne L’essentiel, dans le combat moderne, en juillet 1943. Le 21 juillet, le gén. Zakharov
regagnent pas le terrain et leurs ca- c’est l’esprit de collectivité et d’en- De gauche convoque à la division le cdt Pouyade
marades ne reçoivent aucune nou- traide”, dit-il avec insistance. Le à droite : pour lui faire des “recommandations
velle les concernant. Les deux pilotes gén. Zakharov a reçu des instruc- de Forges, amicales”. Pierre Pouyade raconte :
sont portés disparus ; on ne les re- tions venues de très haut : le Durand, “Il me fait part de sa crainte que notre
Preziosi,
verra jamais. Normandie doit survivre à tout prix unité soit bientôt réduite à zéro et des
Bon, Léon,
Entre le 13 et le 17 juillet, le car cette unité, si petite soit-elle en conséquences que ma disparition
Mathis, Michel
Normandie a effectué 112 missions effectif, représente un symbole très éventuelle entraînerait… Il me de-
(chef des
de guerre et obtenu 17 victoires offi- fort, dont la portée politique n’est mécaniciens)
mande d’abord de ne pas voler, pour
cielles, mais il paye un tribut parti- pas négligeable. et Albert.
l’instant, ou qu’avec son autorisa-
tion. Il ajoute que, l’offensive tirant
à sa fi n, il va nous laisser souffler
quelques jours en attendant l’arrivée
des renforts qui sont vaguement an-
noncés. Nous en profi terons pour
entraîner les jeunes et régler quelques
problèmes. Car il y en a.
Le premier concerne la discipline
de vol, ou plutôt certaines différences
de conception du vol en opérations
existant entre aviateurs soviétiques et
français. Le général estime que l’ex-
cès d’individualisme, dû à notre tem-
pérament, nous amène à trop nous
disperser et à prendre inutilement des
risques ou des initiatives frisant l’in-
discipline de vol. Il y a un peu de vrai
là-dedans, je l’admets… Il faut excu-
ser l’ardeur excessive de ces jeunes
gens… et comprendre leur impa-
tience d’obtenir une première victoire
ou d’en ajouter une à celles qu’ils ont
déjà… Notre recrutement et notre
▲
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
65
PREMIÈRE CAMPAGNE DU GC III NORMANDIE
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
Un groupe de
entraînement ne sont pas non plus mécaniciens pas qu’ils sont sur la brèche depuis commandés par le capitaine ingé-
étrangers à notre comportement. français le mois de mars, dans des conditions nieur en chef Sergueï Agavelian,
Nous venons en effet d’un peu par- et soviétiques de travail et de vie extrêmement pose un double problème de com-
tout, la plupart de la chasse, mais au travail sur difficiles – et le cdt Pouyade sait préhension et de commandement.
aussi du bombardement ou de la re- un Yak-1 qu’il est illusoire de compter sur Le renvoi dans leurs foyers des
connaissance. Les nouveaux ont peu du Normandie, d’éventuels renforts. Non seulement mécaniciens français et leur rempla-
volé ou n’ont pas volé depuis 1940. durant la France libre n’est pas en mesure cement par du personnel exclusive-
Quelques-uns sont de très jeunes pi- le printemps d’y faire face, mais en plus elle re- ment soviétique réglerait d’un seul
lotes, avec quelques heures à peine de 1943. cherche du personnel mécanicien coup toutes les questions. Nous re-
transformation sur avion de chasse. en vue de la mise sur pied de nou- viendrons plus loin en détail sur la
L’entraînement sur le front n’est pas velles unités, suite à la libération de situation des mécaniciens français
non plus l’idéal… De plus, en raison l’Afrique du Nord. En outre, la pré- du Normandie. ■
de notre méconnaissance de la langue sence de mécaniciens soviétiques, À suivre
russe, nous disposons en vol d’une
longueur d’onde spéciale. D’avion à Le capitaine
avion, nous parlons donc français ingénieur en
entre nous, mais rien qu’entre nous… chef Sergueï
Agavelian
Nous sommes en quelque sorte isolés
commandait
du monde dès le décollage. Dans ces
l’ensemble
conditions, il arrive que, en vol, nous
des mécaniciens
soyons amenés à prendre des dispo- soviétiques
sitions ou des initiatives pouvant être du Normandie.
prises, à tort ou à raison, pour un
manque de cohésion ou de l’indisci-
pline. Il acquiesce volontiers et l’inci-
dent est clos définitivement…”
Les mécaniciens
français débordés
Au cours de cet entretien, le
gén. Zakharov aborde un autre
point également préoccupant ; ce-
lui-ci concerne les mécaniciens
français du Normandie. Déjà trop
peu nombreux (42 hommes, dont
deux officiers) pour une seule esca-
drille, ils sont débordés – n’oublions
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
66
MONOGRAPHIE
Salmson 2A2
Le guerrier
de retour au civil
DR
Salmson 2A2
U
ne mission militaire aé- n° 4533 14 autres exemplaires acquis ulté- Fourrey, est capturé et passé par les
rienne française compre- immatriculé rieurement, soit au total 53 machines armes. Raoul Fourrey, ancien insti-
nant instructeurs et F-ALZI, envoyées en Pologne. Ces escadrilles tuteur de 23 ans, sera d’ailleurs le
avions est envoyée en appartenant serviront surtout à former des avia- seul aviateur français tué au combat
Tchécoslovaquie pour aux lignes teurs polonais mais vont aussi réali- contre les communistes.
l’aider à combattre la Hongrie bol- Latécoère, vu ser des missions de surveillance de Après l’hiver 1919-1920 les avia-
chevique dans un court confl it en à Casablanca l’Armée rouge qui approche de la teurs français quittent la Pologne en
mai et juin 1919. 50 Salmson 2A2 lui en mars 1921. Pologne en reprenant les zones éva- laissant leurs appareils aux pilotes
sont livrés mais ne sont mis en ligne Il s’agit d’un cuées par l’armée allemande. polonais qu’ils ont formés. Seule la
qu’après les combats, restant servir autre appareil SAL 580 est maintenue en ligne en
dans l’aviation tchécoslovaque transformé en Des missions de devenant la 18e Eskadra de l’aviation
jusqu’en 1924. “Berline”, mais polonaise (Lotnictwo Wojskowe)
Au même moment arrive en de manière reconnaissance lointaines tandis que les SAL 581 et 582 sont
Pologne “l’armée bleue” du différente que L’escadrille SAL 582, installée dissoutes et fusionnées avec d’autres
gén. Haller, composée de soldats pour le F-ALAO, sur le terrain de Vilnius à la fi n du unités – les 6 e, 14e et 16 e Eskadra
polonais instruits et équipés en car comportant mois de mai 1919, va ainsi réaliser mettront en service quelques
France pendant la Grande Guerre. trois fenêtres plusieurs reconnaissances loin- Salmson en complément d’autres
Sept escadrilles françaises les ac- latérales au lieu taines et, le 12 juin 1919, un de ses appareils. Toutes ces unités vont
compagnent, dont trois de corps de deux. Salmson est abattu par la DCA bol- prendre part aux combats contre
d’armée équipées de Salmson 2A2, chevique sur la ville de Smolensk. l’Armée rouge lors de la première
les SAL 580, 581 et 582, fortes cha- Son équipage franco-polonais, phase de la guerre russo-polonaise
cune de dix appareils, plus neuf en composé du lt pilote Wiktor Wolski qui voit la Pologne mener une offen-
réserve, auxquelles s’additionneront et du s/lt observateur Raoul Marcel sive en Lituanie et Biélorussie
▲
68
Deuxième partie.
À la fin des combats sur le front occidental en 1918,
le Salmson 2A2 est engagé contre la Russie soviétique
lors de plusieurs offensives. Puis il retrouve la vie
civile, faisant le bonheur des compagnies aériennes
qui naissent un peu partout en France. Par David Méchin
Le Salmson 2A2
n°164x sur
la base de Tours
en août 1920.
Moins moderne
que le Breguet 14
qui possède
un moteur plus
puissant et
une structure
en duralumin,
le Salmson 2A2
disparaît
rapidement
des inventaires
de l’aéronautique
militaire
au début des
années 1920.
LOUIS MAUFRA
69
LE SALMSON 2A2
DR
70
brevets avec Salmson, puis répartit la
production entre sa société et l’atelier
de l’armée de Tokorozawa (au nord-
ouest de Tokyo) qui sort son premier
exemplaire à la fin de l’année 1920.
Kawasaki fait prendre l’air à son pre-
mier appareil le 9 octobre 1922 et en
construit un total de 300 exemplaires
(qui portent le numéro de série japo-
nais au-delà de 1 000) jusqu’en 1927
dans son usine de Kakamigahara
près de Gifu, sur des lieux où a été
ouverte en 1919 l’école de pilotage
militaire de la mission Faure (lire
Le Fana de l’Aviation n° 600).
La production japonaise n’est pas
connue avec précision car on ignore
le nombre d’appareils réalisés par
l’armée à Tokorazawa, certains his-
toriens japonais parlant de 600 exem-
plaires s’ajoutant à ceux de Kawasaki,
DR
Salmson 2A2 soit une production totale de 900
surtout 29 Salmson 2A2 qui vont ins- mencer à organiser la filiale de pro- Otsu-1 de exemplaires, ce qui en fait le premier
truire nombre d’équipages japonais duction aéronautique du groupe l’Aviation appareil réellement produit en masse
jusqu’au départ de la mission fran- Kawasaki. D’autres voyages d’études impériale au Japon. Le Salmson 2A2, baptisé
çaise en avril 1920, et même après. 51 entre la France et le Japon sont orga- japonaise sur Otsu-1, devient l’appareil de corps
exemplaires supplémentaires sont nisés et les cadres de la société le terrain d’armée standard de l’armée japo-
achetés en France alors que s’organise Salmson découvrent avec stupeur de Gifu dans naise dans les années 1920 et n’est
une production locale. que les ingénieurs des ateliers de les années retiré du service en première ligne
Au mois d’août 1919, Matsukata l’armée japonaise, qui ont acheté une 1920. qu’en 1933, ayant participé aux divers
Kojiro , le président de la grande licence de production du moteur épisodes d’agression de l’armée japo-
entreprise Kawasaki Dockyard Co. Salmson 9 Za, ont organisé clandes- naise en Chine tels que l’incident de
Ltd, qui souhaite se diversifier dans tinement une chaîne de production Mundken en septembre 1931 et l’inci-
la construction aéronautique, revient de l’avion, présentant celle-ci comme dent Shangaï de février 1932. Ils
de France après avoir visité les usines un simple “atelier de réparation” ! Le restent ensuite dans les écoles de
d’aviation locales, dont celle de nouveau directeur de la branche aé- pilotage ou sont revendus au secteur
Salmson, avec deux Salmson 2A2 ronautique de Kawasaki, Takezaki civil – on en trouve encore à l’école
dans ses bagages et une licence de Tomokichi, intervient avec diploma- des mécaniciens de l’armée au début
production, ce qui lui permet de com- tie pour résoudre la question des de la Deuxième Guerre mondiale.
Salmson 2A2
de l’aviation
Mis en vente
tchécoslovaque dès l’armistice
en 1920, produit
Le Salmson 2A2 connaît encore
par la société
quelques années de service dans
Latécoère.
l’aéronautique militaire de l’après-
Ces appareils ne
participèrent pas
guerre, étant rapidement relégué à
à la courte guerre l’instruction dès l’arrivée des appa-
contre la Hongrie reils plus modernes comme les
communiste en Breguet 19 ou Potez 15. Les derniers
mai-juin 1919. exemplaires sont retirés du service
vers le mois de septembre 1923.
Beaucoup appareils, issus des sur-
DR/COLL. BOHUMÍR KUDLIČKA
DR plus militaires, sont mis en vente dès
Salmson 2A2 fabriqué par Latécoère, acheté l’armistice au profit du marché civil
par l’amiral Kolchak, chef des armées blanches et vont faire le bonheur des pre-
de Russie, et saisi par l’Ataman Semenov en Sibérie mières petites compagnies aériennes
orientale fin 1919. L’appareil est équipé de skis. qui se montent un peu partout en
France, puisqu’on compte 72 exem-
plaires ayant reçu une immatricula-
tion civile.
Le premier utilisateur en nombre
est également un des constructeurs
de l’appareil, à savoir l’industriel
tou lou s a i n P ier re - G e o rge s
Latécoère. Le 22 novembre 1918, il
se voit résilier son marché de
construction de 1 000 Salmson 2A2
qu’il n’a pas eu le temps d’honorer
▲
71
LE SALMSON 2A2
HIN
MÉC
DAVID
en totalité (512 appareils réalisés au René Cornemont, vétéran du front tiques, ou CGEA, en 1921), en com-
11 novembre 1918, selon le quoti- d’Orient, avec Pierre-Georges pagnie de 15 premiers Breguet 14
dien La Dépêche) et se retrouve Latécoère lui-même en passager, qui cédés par l’État. Les 41 passagers
probablement avec un stock de à bord d’un Salmson 2A2 relient transportés par les Salmson en 1919
pièces détachées ou d’appareils ina- Toulouse à Barcelone. (dont seulement trois payants…) ont
chevés sur les bras. Anticipant la fin Un réseau d’aérodromes-escales bien du mérite car ils voyagent à l’air
du conflit, l’industriel a imaginé en se met en place le long de la côte libre, à la place anciennement occu-
1918 un service de liaison postale espagnole et, le 8 mars 1919, en tant pée par l’observateur. Aussi, en
vers les colonies françaises que passager à bord du Salmson 1920, nombre de Salmson de la
d’Afrique, voire au-delà. 2A2 n° 4578 produit par sa société Cema sont transformés en “Berline”
et piloté par l’ancien as du bombar- avec la construction d’une cabine
Les règles du service dement Henri Lemaître, Pierre- fermée pour y loger deux passagers
Georges Latécoère décolle de derrière le pilote, dans des condi-
de liaison postale fixées Toulouse ; après trois étapes sur ses tions de transport à peine amélio-
Latécoère dépose le 11 novembre terrains de Barcelone, Alicante et rées, la cabine restant traversée par
1918, le jour même de l’armistice, les Malaga, il se pose le lendemain à les courants d’air, voire par l’huile
statuts de sa nouvelle société, la Cema Rabat où il remet au maréchal qui suinte du poste de pilotage ! Les
(Compagnie de navigation aérienne Lyautey, gouverneur du Maroc, un Salmson 2A2 des lignes Latécoère,
Espagne-Maroc-Algérie), et le 2 dé- exemplaire du journal Le Temps dont trois sont perdus lors d’acci-
cembre 1918 ratifie une convention daté du 7 mars et un bouquet de vio- dents mortels, vont graduellement
avec l’État fixant les règles du service lettes à son épouse… Lyautey, im- se faire supplanter par les Breguet 14
de liaison postale. L’État lui promet pressionné, favorise la signature qui s’avèrent bien plus fiables, leur
la mise à disposition de 50 Caudron d’un contrat de transport postal avec structure métallique y étant sans nul
C.23 et 10 Salmson 2A2 : il n’obtien- la jeune société qui permet à celle-ci, doute pour quelque chose. En dé-
dra jamais les premiers et c’est sur les encore très fragile, de se développer. cembre 1921, on ne compte plus que
Salmson 2A2, pour l’essentiel des Durant l’année 1919 ce sont les 17 Salmson 2A 2 contre 49
exemplaires issus de ses usines tou- Salmson 2A2, dont un total de 32 va Breguet 14. La petite flotte de
lousaines, que va commencer la cé- recevoir une immatriculation civile, Salmson des lignes Latécoère se
lèbre aventure des lignes aériennes qui vont assurer le principal des vols maintient encore plusieurs années
Latécoère. Le vol inaugural est réa- de la Cema (devenue Compagnie grâce à l’achat de pièces détachées
lisé le 25 décembre 1918 par le pilote générale d’entreprises aéronau- dans l’abondant stock des surplus de
DR
Salmson 2A2
baptisé Otsu-1
par l’Aviation
impériale
japonaise.
72
DR
Un
guerre de l’État. Vieillissants et ren- mier tronçon entre Paris et du Salmson 2A2 de 1919 à 1921 : Salmson 2A2
dus obsolètes par les premiers appa- Strasbourg, prolongé jusqu’à l’Aéro-Transport Ernoul, société Otsu-1 en 1931.
reils conçus et fabriqués par les Prague à la fi n de l’année 1920. quelque peu effacée de la mémoire
usines Latécoère, ils sont réservés Ils représentent alors la moitié du collective par Latécoère qui est son
au transport exclusif du courrier parc aérien de la Franco-Roumaine voisin ; son terrain de Quint-
puis retirés du service en 1923. comptant à ce moment 31 appareils. Fontsegrives n’est qu’à 2 km de la
Seuls quelques-uns des Salmson sont piste de Montaudran.
Vers l’Europe de l’Est transformés en “Berline” et leurs C ’est en juillet 1919 que
courageux passagers ne peuvent M. Anatole Ernoul, un ancien direc-
avec la Franco-Roumaine généralement voler qu’en plein air, teur d’une droguerie, fonde la so-
L ’autre “grande” compagnie et sous des latitudes beaucoup moins ciété l’Aéro-Publicité se donnant
aérienne de l’époque, la compagnie clémentes que celles survolées par pour but de jeter des prospectus sur
Franco-Roumaine de navigation les lignes Latécoère… De ce fait ces les rues de Toulouse et d’offrir des
aérienne, fondée en 1919 par l’an- appareils sont rapidement réservés vols d’agrément au-dessus de la ville.
cien pilote mutilé de guerre Pierre au transport exclusif du courrier dès Dès le mois d’octobre suivant il crée
de Fleurieu, avec l’appui du ban- l’arrivée des Potez VII disposant une seconde société, l’Aéro-Trans-
quier d’affaires Roumain Aristide d’un moteur Lorraine de 360 ch plus port du Midi et du Sud-Ouest
Blanck, achète un lot de Salm- puissant et d’une cabine arrière fer- (ATMSO), qui ambitionne de trans-
son 2A2 parmi les surplus de mée. En juin 1922, il en reste 14 en porter des passagers entre Toulouse
guerre, dont 15 d’entre eux re- service sur une flotte totale de 71 et Bordeaux en une heure et demie.
çoivent une immatriculation civile. appareils. Il y en a encore six en état Il installe son “aérogare” dans la
Utilisés au tout début de l’aventure de vol au mois de janvier 1925, tou- ferme de la Ribaute, sur la commune
aérienne de la Franco-Roumaine, jours gardés en réserve. Le dernier de Quint-Fonsegrives, en bordure de
dont le chef pilote est l’as de la d’entre eux n’est officiellement ré- l’actuel aérodrome de Lasbordes. Il
chasse Albert Deullin, les Salmson formé qu’en 1929. y fait monter deux hangars
ne sont présents qu’au tout début de Une troisième compagnie aé- Bessonneaux sur le terrain pour y
l’ouverture des lignes, sur le pre- rienne va faire un usage important loger ses six premiers Salmson 2A2
▲
DAVID MÉCHIN
Réplique d’un
Salmson 2A2
Otsu-1 au musée
de Gifu.
73
LE SALMSON 2A2
HIN
MÉC
DAVID
LOUIS MAUFRA
74
HIN
MÉC
DAVID
La dépêche ! Le clou du spectacle qui réalise des vols à la demande. On autres qui ont été rachetés par la
reste néanmoins le saut de la jeune note que c’est l’un d’eux (F-AIHC) société des Moteurs Salmson
parachutiste Renée Jacquart (27 ans) qui, le 8 mai 1927, aux mains du pi- comme appareils de démonstration.
qui émerveille le public. Si le mee- lote Jean Denis, escorte en vol Celle-ci poursuit son aventure aéro-
ting est un grand succès, l’avenir de jusqu’à Étretrat le Levasseur PL-8 nautique après la guerre en produi-
la compagnie est très incertain, mal- de Nungesser et Coli qui décolle du sant surtout des avions de tourisme
gré d’aménagement d’un second Bourget pour sa tentative de traver- comme le Salmson D1 “Phygane” ou
aérodrome à Francazal et le projet sée de l’Atlantique… le D6 “Cri-cri” sortis dans les années
d’extension des lignes vers Marseille À Strasbourg, la petite compa- 1930, tout en continuant à construire
puis l’Italie. Elle annonce facturer gnie Transaérienne de l’Est exploite des moteurs et en se diversifiant dans
ses vols à 60 centimes le kilomètres également un Salmson 2A2 pour ses la production automobile, et ce
et, au mois de mai 1921, indique baptêmes de l’air et leçons de pilo- jusqu’à sa mise en faillite en 1962. Carte postale
avoir transporté durant les trois der- tage ; Antoine de Saint-Exupéry y Une de ses filiales toujours active de publicitaire
niers mois un total de 411 passagers, prend ses premiers cours à ses frais. nos jours perpétue le nom de montrant des
dont 72 dames, et sans le moindre On en compte encore un volant Salmson dans l’activité qui vit le passagers des
accident. Mais c’est insuffisant pour jusqu’au mois d’août 1922 aux mains début de la société : la production de lignes Ernoul
attendant leur
assurer la rentabilité de la société qui d’un propriétaire privé, et deux pompes hydrauliques. ■
vol, lors de
ne vivote que grâce aux aides pu-
la cérémonie
bliques. Quand celles-ci ne sont pas
d’inauguration
renouvelées, M. Ernoul n’a d’autre de la ligne le
choix que de mettre la clé sous la 15 juin 1920.
porte ; le 25 juillet 1921, le tribunal Un journaliste
de Toulouse prononce la liquidation du quotidien
judiciaire de la société Aéro- La Dépêche se vit
Transport Midi Sud-Ouest, procé- offrir un voyage
dure qui sera finalisée en 1925. ce même jour
et dut essuyer
Des journaux livrés de la grêle et
par “service express” de la pluie dans
son habitacle
On compte encore 11 Salmson à l’air libre…
2A2 avec une immatriculation ci- Enthousiaste, il
vile mis en œuvre par d’autres com- raconta avoir été
pagnies aériennes, comme la séché par le vent
Compagnie générale transaérienne, relatif !
ARCHIVES MUNICIPALES DE TOULOUSE
fondée en 1909, qui en dispose de
deux exemplaires immatriculés
F-OCGT et F-UCGT. Cette société Salmson
est absorbée en 1921 par la 2A2 n° 4365
Compagnie des messageries aé- immatriculé
riennes (CMA) qui en possède deux F-FRBO
autres exemplaires et les emploie de la compagnie
sur son service de fret et de courrier Franco-Roumaine,
entre Paris et l’Angleterre – où l’un en 1919. Ces
s’écrase à Lymne le 26 avril 1921 –, avions étaient
transportant quelques passagers plus réservés
mais surtout des journaux livrés par au transport
“service express”. Sur un autre coin du courrier,
de l’aérodrome du Bourget volent les passagers
trois autres Salmson 2A2 transfor- voyageant plutôt
més en “Berline”, appartenant à la sur des SEA 4
compagnie Air Transport (CAT) à cabine fermée.
DR
75
CE JOUR-LÀ… 25 mai 1953
Premier vol du “Super Sabre”
Un coup d’éclat
Le “Super Sabre” entre dans l’histoire
en passant Mach 1 dès son premier vol
le 25 mai 1953. En pleine guerre de Corée,
les Américains frappent fort avec
le premier chasseur supersonique en palier.
Par Henry Stone
À
l’origine du “Super brations affectent en effet les pales
Sabre” se trouve son ré- du compresseur ; l’air s’écoule mal
acteur. Rien ou presque dans le réacteur, ce qui provoque
n’aurait été possible des phénomènes de pompage et
sans le J57 signé Pratt & des baisses importantes de la pous-
Whitney. À la fin des années 1940, les sée en sortie de tuyère, voire son Coup d’éclat pour
ingénieurs du motoriste travaillent extinction. Pour résoudre les pro- l’USAF le 25 mai 1953 :
sur des réacteurs de grande puis- blèmes, les ingénieurs divisent en le “Super Sabre”
sance. L’idée consiste à dépasser les deux le compresseur, avec deux est supersonique
10 000 livres de poussée (4 535 kg), arbres séparés reliés à la turbine en palier dès son
sans pour autant agrandir la taille qui animent chacun une partie du premier vol.
du réacteur ; il faut rester dans une compresseur. C’est une réussite ;
cellule la plus étroite possible d’un la puissance augmente, la fiabilité
chasseur supersonique pour élimi- aussi. Dans le même temps s’ajoute
ner un maximum de traînée. la postcombustion. Le principe L’entrée
Les recherches donnent le J57, consiste ici à brûler du carburant à d’air frontale BOEING
plus complexe que les premiers la sortie de la tuyère. La consomma- soulignait L’avancé technologique est telle
l’origine
réacteurs. Pour faire schématique, tion est importante, mais l’effet est que le prestigieux Trophée Collier
du YF-100,
le secret se trouve dans le compres- prodigieux en termes d’augmenta- de 1952 est décerné à Leonard S.
descendant
seur à l’avant, qui peine à passer du tion de la poussée. De quoi donner Hobbs, ingénieur en chef de United
supersonique
régime de démarrage au fonction- une accélération ponctuelle mais du F-86
Aircraft Corporation – à laquelle
nement à plein rendement. Des vi- importante en combat aérien. “Sabre”.
appartient Pratt & Whitney – pour
“la conception et la production du
turboréacteur J57”.
Un chasseur
supersonique
La puissance offerte par le J57
intéresse immédiatement le bureau
d’études de North American qui
cherche à améliorer son chasseur
à aile en flèche, le F-86 “Sabre”.
L’heure est à l’urgence, la guerre de
Corée vient d’éclater. L’apparition
du MiG-15 soviétique est une très
mauvaise surprise (lire Le Fana de
l’Aviation n° 628). Le F-86 n’est pas
dépassé mais il est évident qu’il faut
faire mieux et vite. Le MiG-15 prouve
que les Soviétiques sont dans la course
et peuvent sortir à tout moment un
chasseur encore plus performant.
Il faut être supersonique, passer le
mur du son en palier. L’avion-fusée
expérimental Bell X-1 peut le faire,
mais il est loin de pouvoir devenir
BOEING
76
un chasseur opérationnel. Pour ce 45° de flèche) vise au-delà de Mach 1 American et passent commande de
supersonique, les ingénieurs de North avec son J57 et ses 6 t de poussée. Le deux prototypes en soulignant que
American conservent la configuration chasseur abandonne les six mitrail- cette première étape ouvre une série
globale du “Sabre” sur leurs premiers leuses du F-86 pour quatre canons de à court terme.
projets, avec l’entrée d’air frontale et 20 mm. Les responsables de l’US Air Le 7 décembre 1951, l’USAF
l’aile en flèche. Le “Sabre” 45 (pour Force ne tergiversent pas avec North annonce que le nouveau chasseur
Le “Super Sabre”
bénéficia du réacteur J57,
particulièrement puissant
avec la postcombustion
enclenchée.
BOEING
77
PREMIER VOL DU “SUPER SABRE”
BOEING
Le YF-100
prend la désignation de F-100 “Super “Super Sabre” que la chose est possible. Mais mais supersonique, qui ajoute :
Sabre”. Ainsi commence la géné- se montra comment va se comporter l’avion ? “OK, deux bières.” Pari réussi ! Ce
ration des chasseurs des Century performant Welch décolle, suivi par Everest. premier vol de 57 minutes est un
Series (chasseurs de la série 100) lors de ses Les deux appareils font deux pa- grand succès. Le lendemain rebe-
Fin avril 1953, le premier pro- essais. L’avion liers à 20 000 pieds (6 096 m) puis lote, le YF-100A est de nouveau
totype arrive sur la base d’essais était toutefois 35 000 pieds (10 668 m). Welch dé- supersonique. Début juillet le pro-
d’Edwards. Sa conception et sa touché par clenche alors son “arme secrète”, la totype est déjà en piqué à Mach 1,4.
fabrication se sont faites au son des des problèmes postcombustion. Le YF-100 laisse Fin 1953, c’était le plus rapide des
canons de la guerre de Corée. Le d’instabilité sur place le “Sabre” à Mach 0,9. chasseurs au monde. Bien des pro-
25 mai s’annonce sans nuages, un qui pouvait L’avion s’éloigne, puis retentit dans blèmes restaient à régler, mais le
temps parfait pour un premier vol. le rendre la radio le “bingo” de Welch désor- “Super Sabre” se présentait bien. ■
George “Wheaties” Welch s’ins- dangereux.
talle à bord, un vétéran de l’attaque
de Pearl Harbor le matin du 7 dé-
cembre. Il avait décollé de toute
La famille des “Super Sabre”
– le F-100A, un chasseur pur :
urgence, revendiquant quatre avions cette première version du F-100A souffrit de nombreux problèmes lors de sa mise
japonais. Pilote d’essais pour North en service ;
American, la rumeur veut qu’il ait – RF-100A, l’avion espion :
passé Mach 1 sur le “Sabre” avant six exemplaires furent modifiés pour emporter des caméras afin de mener
Chuck Yeager sur le X-1. des missions de reconnaissance de l’autre côté du rideau de fer (programme
Slick Chick, lire Le Fana de l’Aviation n° 501) ;
Le pari : deux bières – le F-100C pour l’attaque nucléaire :
au bar de l’escadrille avec cette version North American s’éloignait de la chasse pour passer
au bombardement avec des points d’emports supplémentaires ;
Ce 25 mai, il fait un pari avec le – le F-100D, sur tous les fronts :
lieutenant-colonel “Pete” Everest, principale version du “Super Sabre”, le F-100D voyait ses capacités d’attaque
le commandant de l’Air Force au sol améliorées. Cette version fut livrée au Danemark, à la Turquie et à la France
Flight Test Center, qui l’accom- (100 exemplaires) ;
pagne à bord d’un “Sabre”. Enjeu : – F-100F, un biplace polyvalent :
deux bières au bar de l’escadrille. avec le F-100F, le “Super Sabre” pouvait entraîner les pilotes en devenant biplace.
Le YF-100 doit passer Mach 1 en 339 exemplaires furent livrés à l’USAF et aux autres utilisateurs du “Super Sabre” ;
palier lors de son premier vol. Si – QF-100, le chasseur devenu cible :
aujourd’hui c’est quasiment un avec le QF-100, les “Super Sabre” retirés du service furent modifiés en drone
passage obligé pour un chasseur, à pour servir de cible au profit de chasseurs plus modernes ou de système
l’époque la performance est unique. de défense sol-air.
Les essais en soufflerie montrent
78
Un F-100F du 48TFW de l’USAF
à Benwaters en 1966.
DR/COLL. J. GUILLEM
L’armée de
l’Air reçut 100
“Super Sabre”,
comme ce F-100D
matricule 54-2125
ici à Djibouti
en 1978.
DR/COLL. J. GUILLEM
Un F-100C du
7272nd Fighter
Training Wing
sur la base
de Wheelus,
en Libye.
79
MAQUETTES Par Hangar 47
Bell AH-1G “Cobra” Les postes de pilotage monoplace ou biplace équipés des verrières
adéquates, ainsi qu’une option de nez “reco” pour un RF-5E, sont
Revell, 1/32 fournis. Des missiles pourront venir se positionner en bout d’aile, et des
réservoirs sont également prévus. On pourra faire l’impasse sur les deux
Revell reprend ici le pilotes hydrocéphales et détailler un peu plus la bonne base fournie pour
récent “Cobra” d’origine les postes de pilotage. Côté décorations, on nous propose ici un duo
ICM, un gage de qualité. d’appareils de l’US Navy arborant des camouflages gris et bleus de type
Le premier examen révèle une “Adversaries”. La VFC-111 reprend la tradition des Sundowners,
gravure “mixte” des surfaces, en ornant ses dérives
c’est-à-dire une combinaison de soleils couchants
d’éléments en creux et en relief stylisés ; deux types
correspond aux surfaces du différents sont fournis
véritable “Cobra”. Le poste de pilotage est bien détaillé, des sur la planche
décalcomanies complètent la reproduction des tableaux de bord, et la de décalques, ainsi
verrière moulée en cinq pièces peut rester ouverte. Le compartiment que les deux gueules
situé devant la turbine est également aménagé. Deux types de tourelle de requins
avant sont proposés, et les points d’attache situés sous la voilure indispensables !
auxiliaire peuvent emporter quatre types de charges externes. Le
moyeu du rotor et ses nombreuses biellettes sont reproduits avec soin. Notre appréciation : au moment où les modèles Kitty Hawk
Pour déplacer l’hélicoptère au sol, des paires de roues se fixent sur les au 1/32 de ces appareils refont surface, offrez-vous ce petit duo
patins ; ces éléments sont prévus dans la boîte. À cette échelle la taille bien moins encombrant… mais bien plus rigolo !
du “Cobra” est assez impressionnante, mais le montage ne devrait pas
poser trop de difficultés au vu de la bonne conception des pièces et de
la précision du moulage. Les décalcomanies donnent le choix entre
deux avions vert olive uni, un pour l’US Army et l’autre pour les
US Air Force 75th Anniversary
Marines. Le second affiche une tête de cobra peinte sur le nez. Revell, 1/72
Notre appréciation : maquette moderne pour ce célèbre Ce coffret
hélicoptère de combat. Les pièces non utilisées concernent une version regroupe
ultérieure. Les hélicoptères au 1/32 ne sont pas très nombreux ; celui-ci les maquettes
devrait faire le bonheur des amateurs de voilures tournantes. de trois machines
emblématiques de l’US
Air Force, de la colle,
F-5E/F-5F un pinceau et cinq
petits pots de peinture
Compact Series Freedom Model kits (dilution et nettoyage
à l’alcool). Les postes
La marque chinoise continue à enrichir sa gamme d’avions de pilotage sont assez
caricaturés. Cette boîte contient deux modèles comprenant simples avec des décalcomanies pour reproduire les tableaux de bord.
une large base commune et un choix de fuselages. Les surfaces sont gravées avec finesse, en particulier sur le F-89.
80
Le F-16 est bien connu, convenablement détaillé sans être canons sous les ailes. C’est d’ailleurs la version illustrée en couverture
au standard des productions modernes. Neuf points d’attache du hors-série n° 70 du Fana de l’Aviation, et qui était surnommée
sur la voilure permettent d’installer au choix bombes, réservoirs “l’ouvre-boîte volant” ! Cette maquette comprend 73 pièces très
et missiles divers. Deux décorations sont proposées à base de deux finement gravées dont une verrière à éléments multiples, un filtre
tons de gris. Si le poste de pilotage du F-117 est basique, la soute tropical Vokes, ainsi que plusieurs pièces en résine pour l’armement. La
à bombes est reproduite avec son chargement. Le F-89 est plus mise en place des canons nécessitera un peu d’expérience pour
intéressant avec un poste de pilotage biplace convenable, une très la chirurgie légère à effectuer sur les ailes. Une fois encore, le niveau
belle gravure, un chargement impressionnant à installer sous les ailes de détail du poste de pilotage est extrêmement soigné. Des masques
et des livrées très colorées à base d’aluminium et de rouge adhésifs prédécoupés, pour faciliter la peinture de la verrière, sont
et d’intéressants motifs sur le nez. inclus. Cinq options de décorations, finement imprimées par Techmod,
vous permettront de représenter cinq machines anglaises opérant
Notre appréciation : un ensemble intéressant pour aborder le en Birmanie, en Angleterre ou en Afrique du Nord. D’autres déclinaisons
maquettisme sur un thème porteur et pour un prix très raisonnable sont certainement prévues.
puisque tout est fourni pour assembler et peindre ces trois modèles.
Notre appréciation : le “Hurricane” semble revenir en force
cette année, à toutes les échelles. Un nouveau sans-faute au 1/72
B-24D “Liberator” pour Arma Hobby !
Revell, 1/48
Le
P-51D-10 “Mustang”
vénérable Eduard Weekend, 1/48
B-24
Revell nous revient, Encore
toujours seul sur et
le marché à cette toujourss
échelle. Pour un une magnifique
moule âgé de illustration pour
40 ans, ses la boîte de cette
qualités ne sont édition “tout
pas ridicules. plastique”
Bien sûr les du récent
panneaux de revêtement sont figurés en relief mais un outil adapté et “Mustang”
quelques heures de soin permettront aux plus motivés de rectifier les Eduard dont les
surfaces. Une bonne base d’aménagement est fournie pour l’ensemble étonnantes qualités ont déjà été analysées dans cette rubrique :
du fuselage, soute à bombes incluse. Les moteurs sont simplifiés à gravure parfaite pour une maquette entièrement et finement détaillée.
l’extrême mais font illusion. Le train d’atterrissage est solide, ses Les décalcomanies offrent quatre options : trois avions aluminium avec
logements disposent d’un aménagement basique. Il ne sera pas inutile des marques individuelles vertes, rouges ou bleues, et un quatrième
de renforcer l’assemblage du fuselage à la jonction des ailes et il faut camouflé en vert foncé (dark green britannique ou olive drab
prévoir une tonne de lest à l’avant si on ne souhaite pas se contenter américain, la notice laisse le choix…)
de l’artifice de l’échelle d’accès pour soutenir l’empennage du gros
bombardier. Malgré la taille de certains éléments la maquette est assez Notre appréciation : sans aucun doute la meilleure maquette
simple et le montage ne pose pas de problème particulier. La boîte à cette échelle pour le P-51 ; impressionnant.
contient un tracteur chenillé de remorquage et cinq figurines, quatre
mécanos et un pilote, une tradition à l’époque. La grande feuille
de décalcomanies reprend les deux livrées déjà connues, le Flak Alley
vert olive et The Squaw de couleur sable.
L’agenda du maquettiste
Ces annonces gratuites sont réservées aux manifestations propres
au maquettisme. Vous pouvez adresser votre texte par courriel à
Notre appréciation : une grosse maquette dont le sujet ne fanaaviation@editions-lariviere.fr en mentionnant “agenda maquettes”
manque pas d’attrait. Dans l’attente d’un hypothétique successeur dans l’objet. Prenez garde de n’oublier ni la date ni le lieu.
ce modèle impressionnant par sa taille satisfera le plus grand
nombre et fournira une bonne base de travail pour les plus exigeants. Bissegem-Courtrai (Belgique), 23 avril 2023, 26e exposition
de maquettisme-concours-bourse à OC Troubadour, Vlaswaagplein 3, 8501
de 9 h 30 à 17 h 30. Rens. : Website, Facebook, Instagram : IPMS Moorsele
“Hurricane” Mk IID ou courriel : ipmsmoorsele@telenet.be
Bollwiller (68), 30 avril 2023, 21e Expo-Bourse de maquettes et modèles
Arma Hobby, 1/72 réduits, salle polyvalente. Rens. Tél. : 06 07 62 97 65 (Lieber Denis).
Soumoulou (64), 6 et 7 mai 2023, Exposition de maquettes-miniatures-
Dans diorama, hall d’Ossau, de 9 h 00 à 18 h 00.
cette Rens. : 06 84 22 53 10/06 17 31 54 60, louis.roger2@wanadoo.fr,
boîte, modelistecvo@orange.fr
le fabricant Dieppe (76), 6 et 7 mai 2023, 5e Salon Maquett’ n’ Caux organisé
polonais nous par maquettes Fan Club, salle des congrès, le samedi de 14 h 00 à 19 h 00,
offre un nouveau le dimanche de 10 h 00 à 18 h 00. Rens. : mfc76dieppe@gmail.com
modèle de son ou Tél. 06 47 88 77 80 (P. H. Legras).
très beau Saint-Martin-de-Crau (13), 10 et 11 juin 2023, Salon de la maquette
“Hurricane”, et du modélisme, salle Mistral, organisé par RMCC, de 10 h 00 à 17 h 30.
Rens. Tél. : 0 618 661 256, decompte@cegetel.net ou sur www.rmcc13310.net
cette fois armé
de nacelles-
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