Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Sauvaire-Jourdan ;
préface de l'amiral
Fournier
Sauvaire Jourdan, A.. La marine de guerre / A. Sauvaire-Jourdan ; préface de l'amiral Fournier. 1910.
1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la
BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :
*La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.
*La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits
élaborés ou de fourniture de service.
2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
*des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans
l'autorisation préalable du titulaire des droits.
*des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque
municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation.
4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.
5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur
de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays.
6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non
respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978.
La Marine
de Guerre
PREFACE
DE
L'AMIRAL FOURN1ER
ILLUSTRATIONS
D'ALBERT SEB1LLE
PARIS
L 1B R A I R i E V (/ 1 B E il T
63, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 63
OUVRAGES PUBLIES A LA MEME LIBRAIRIE
(5e édition.)
La Marine
de Guerre
PRÉFACE
DE
L'AMIRAL FOURN1ER
ILLUSTRATIONS
D'ALBERT SEB1LLE
PARIS
A. SAUVAIRE JOURDAN.
POUR LA CARRIÈRE MARITIME
Il est heureux qu'il en soit ainsi, car le succès de cette injuste cam-
pagne contre nos submersibles aurait pu avoir pour funeste résultat
de priver la France d'une arme redoutable. C'est en effet la plus
efficace : soit pour prêter à nos cuirassés dans les mers de l'Europe
un précieux concours, de nature à compenser leur infériorité numé-
rique inévitable en face des coalitions écrasantes dont ils pourraient
être menacés; soit pour assurer, au besoin, en leur absence, la protec-
tion de nos points d'appui et de nos côtes contre toute tentative de
blocus, de bombardement ou de débarquement.
Ne devrait-on pas, devant ces considérations, répudier dans les
milieux officiels l'usage des subterfuges habituels aux détracteurs
systématiques de nos flottilles ?
M. le vice-amiral Roué
de Lapeyrère n'est heureusement pas de
caractère à dissimuler la vérité dans ses explications à l'appui de son
programme naval, inspiré, du reste, par un égal souci de compléter,
en unités nouvelles de premier ordre, dans la mesure et les pro-
portions essentielles, à la fois nos escadres cuirassées et nos flottilles
offensives.
L'intérêt
national, surtout en France, après les périodes de dépres-
sion traversées récemment par notre marine, est évidemment de tenir
le public au courant de tous les progrès de notre état naval, afin de
l'intéresser à leur développement et de former son jugement par d'utiles
enseignements, tout en le stimulant
par un sentiment légitime de
fierté patriotique. N'apprendra-t-il pas notamment, avec satisfaction,
en lisant ces lignes, qu'à la suite des dernières grandes manoeuvres,
les amiraux et les commandants de notre flotte ont été, enfin, unanimes
à constater l'impuissance actuelle clés cuirassés à se garer des attaques
de nos
submersibles, alors même que ceux-ci agissent isolément,
comme le « Papin », resté seul contre tous à la fin de ces grandes
manoeuvres, et cependant torpillant encore des vaisseaux antagonistes,
malgré la meute des contre-torpilleurs attachés à sa poursuite.
N'est-ce pas en effet la preuve que, de notre côté, ces petits assail-
lants sont habilement dirigés et exercés à dissimuler leur approche à
l'ennemi?
Les conditions des manoeuvres en question étaient d'ailleurs moins
favorables à nos submersibles que celles du temps de guerre, où ils
trouveraient l'avantage d'être répartis judicieusement, en grand
nombre, dans le cadre resserré" de nos mers intérieures, de manière
PREFACE IX
*
* *
multiples raisons que je me suis efforcé de faire valoir sous leur vrai
. L'unité de vues,
sur le point de s'établir enfin dans notre flotte, et
l'harmonie générale devant en résulter dans l'ensemble de ses services,
étaient bien désirables, non seulement pour rendre à la carrière mari-
time son prestige très affaibli dans ces dernières années, mais aussi
parce que l'avenir ouvre, devant nous, des horizons chargés d'orages.
Le monde semble sur le point de se diviser en deux vastes grou-
pements .antagonistes par des rivalités, momentanées ou irréductibles,
mais revêtant chaque jour un caractère plus alarmant.
Il est à craindre, par exemple, que l'alliance naissante du panger-
manisme et du panislamisme, convoitée par le parti militaire prédomi-
nant à Constantinople, n'ait pour de provoquer
conséquence une con-
flagration générale, si l'Empire britannique, qu'elle menacerait jusque
dans ses fondements, ne se décidait pas à prendre à son tour, pour
son salut, la seule mesure efficace et, peut-être encore, préventive :
La création d'une puissante armée nationale.
Cette armée tutélaire réclamée, récemment encore, avec une insis-
tance et une solennité impressionnantes, par les généraux et amiraux
anglais les plus illustres, serait destinée à être jetée au besoin' en
Egypte et sur certains points stratégiques, pour y couvrir le canal de
Suez et fermer l'accès de l'Asie centrale, en assurant aux Russes
l'appui nécessaire d'une diversion irrésistible sur le flanc opposé de
l'armée turque.
Est-ce en effet seulement en accumulant « Dreadnought » sur
« Dreadnought » dans ses ports, au prix même de tout son or, que la
PREFACE XI
En tout
cas, une lutte de cette nature, en mettant aux prises
les flottes de combat de toutes les nations, ainsi que le ferait celle dont
nous menace l'antagonisme latent mais obstiné des Etats-Unis d'Amé-
rique et du Japon, donnerait à la guerre navale, par l'ampleur de son
cadre, la variété de ses objectifs, la multiplicité de ses mo}rens d'action
et leurs effets foudroyants, un caractère épique incomparable.
Enfin, aucune guerre ne serait aussi féconde en occasions,
pour les officiers de valeur, d'exercer au plus haut point leurs qualités
natives d'initiative individuelle, si répandues en France et les plus
précieuses contre l'ennemi.
Attachons-nous donc à évoquer
aux yeux de la jeunesse française,
non seulement le spectacle suggestif de la vie maritime, ainsi que vous
l'avez si bien fait dans ce livre, mais aussi la vision plus sombre des
luttes grandioses, peut-être inévitables, auxquelles notre flotte doit
se préparer sans répit.
C'est le moyen le plus sûr de stimuler, en cette vibrante jeunesse,
avec le goût du métier de la mer, l'attrait des responsabilités et des
Vice-Amiral FOURNIER
LA MARINE DE GUERRE
CHAPITRE r.
I
LE PORT DE GUERRE
leillé de Toulon, il éprouvera en foule des sensations fortes et neuves. Au bout d'une
ruelle, par laquelle lui arrive l'acre senteur de la mer, trop souvent hélas ! mélangée
à d'autres qui ne la valent pas, entre les murs des antiques maisons sur lesquels Puget
a posé sa griffe, il apercevra les mâts et les voiles rouges des pointus ('), l'eau
glauque de la darse et dans l'azur limpide du ciel le profil serein des montagnes qui
ferment la rade.
Le vieux port, édifié par Vauban et où se pressaient autrefois les galères du roi
et les vaisseaux aux allures majestueuses, est maintenant à peu près vide de tout
l'usage à la population civile. Le quai qui le borde est un des coins les plus joyeux
et les plus animés du
monde. Il
est à peu près
de plain-pied avec la mer.
Aucun véhicule n'y passe,
et tout le jour, à l'abri des
tentes bariolées qui la pro-
tègent du soleil, circule
ou flâne une foule bigar-
rée, faite de touristes en
se passer du spectacle de cette mer qui a bercé leur vie, déambulent lentement, au
bleus aux ancres rouges s'alignent au bord du quai, forment des groupes où s'échan-
nommées en effet,
spéciales à la côte française de la Méditerranée,
Embarcations ainsi parce qu'elles sont,
(')
pointues à leurs deux extrémités.
( 2) Restaurant fameux situé au fond de la rade de Toulon.
» (on m'a fait tort).
( 3) Du provençal : « m'en fa tort
LE PORT DE GUERRE
« Poussez » a commandé l'officier le plus ancien. Et sous l'effort des seize avirons,
dont les pelles font voler une
poussière humide, les canots se hâtent vers la rade,
sous le regard calme des mouettes et des goélands alignés en rangs sur les
pressés
pannes (') de la darse.
Le quai retombe alors dans la paix et le silence toujours relatif, qui conviennent
en un lieu où vivent des natures ardentes et promptes à la parole. La moindre dis-
cussion, la plus petite aventure donnent naissance, dans la pittoresque population
qui ne quitte guère le bord de l'eau, patrons de pointus, cireurs de bottines, com-
missionnaires dépenaillés, matelots de tartanes qui déchargent du sable, à un débor-
dement de paroles, de cris, de gestes tels qu'un promeneur non averti pourrait
croire à une émeute, ou tout au moins à d'effroyables Il n'en est rien.
querelles.
(') Poutres reliées par des chaînes servent à fermer coins des darses réserve à certainï
qui quelques qu'on
usages.
h LE PORT DE GUERRE
Sur un lazzi, une galéjade, les rires éclatent aussi bruyants, et chacun va s'étendre
au bon soleil, en attendant la première occasion, jamais lointaine, de recommencer
le tumulte.
Mais l'heure triomphale du quai, c'est vers le soir, à l'instant où le soleil bais-
sant enveloppe de tons lilas infiniment doux la nappe moirée des eaux de la darse,
les montagnes lointaines
du cap Sicié, les coques des
monstrueux cuirassés qui
s'endorment en rade.
Des chaloupes remor-
pressent à l'entrée de la
darse. Là, veille un officier
marinier, sabre au côté,
chargé de faire
respecter le
mouchoirs aussi grands qu'un hunier de l'ancien temps et sur lesquels est dessiné ou
peint le cuirassé ou le torpilleur à bord duquel on vit ; gourmettes à tripoli ; usten-
siles perfectionnés d'astiquage, que les zélés achèteront pour mieux faire reluire la
I 1. I- L J- /1\
jjuucie uu la ruiiiuurue i i
(') Rampe.
LE PORT DE GUERRE
Napoléon Ier, a transformé une côte inhospitalière, semée d'écueils, balayée par des
courants violents et n'offrant que l'embryon d'une rade ouverte à tous les vents, en
un magnifique arsenal dont les travaux continuels augmentent constamment la valeur.
La position de Cherbourg, placée comme une sentinelle à l'ouverture de la Manche,
pour surveiller dé plus près ce qui se passe dans ce détroit célèbre, est d'une ex-;
trente importance au point de vue stratégique.
L'arsenal de Cherbourg a été, ces années dernières, spécialisé dans la construction
des sous-marins, délicate que ses équipes d'ouvriers très, entraînés exé-
opération
cutent avec une remarquable rapidité. Ces sous-marins sont d'ailleurs particulière-
ment bien placés en ce point
d'où ils opéreraient dans la Manche. Ils en interdiraient
aisément le passage à une force naArale.
Pour faciliter encore ces opérations, un certain nombre de ces bâtiments station-
nent à Dunkerque
et à Calais, avec quelques torpilleurs? Cherbourg et Dunkerque
ne comptent pas moins de 22 sous-marins, et ce chiffre s'accroîtra encore sensiblement
à mesure que les unités en construction prendront la mer.
Les côtes du icr arrondissement maritime s'étendent de la frontière belge jusqu'à la
rivière Ay, sur la côte ouest du Gotentin, en face l'île de Jersey.
Brest est le chef-lieu du 2e arrondissement, qui comprend le littoral depuis Gran-
Allle. jusqu'à Quimper. Là encore, nous .retrouvons une côte sauvage, éminemment
inhospitalière, battue de toutes les tempêtes, criblée de récifs, d'îlots rocailleux que
la mer couvre et découvre inlassablement, et entre lesquels des passes étroites et
LE PORT DE GUERRE
7
Le seul reproche que l'on puisse adresser à la rade de Brest est fondé sur ses trop
vastes dimensions. Le vent qui y souffle souvent avec une grande violence, du S.-O.
et du N.-O., trouve devant lui un champ suffisant et y soulève de vraies lames, dan-
gereuses pour les embarcations et très gênantes pour les communications et les ravi-
taillements.
Aussi a-t-on été conduit à créer, au moyen de digues, une véritable seconde rade,
dite rade-abri, où les bâtiments jouissent du calme nécessaire aux opérations utiles.
goulet comme pour y projeter les flottes qui se seront préparées au départ dans son
arsenal, ou pour recevoir et protéger, dans l'admirable abri de sa rade, celles qui y
chercheraient un refuge.
La nature a amoncelé devant l'entrée de Brest et bien loin au large, tous les ob-
stacles redoutés des marins. Des écueils innombrables y sont semés ; les courants de
marées très violents, et les vents du S.-O. y soulèvent une mer dange-
fréquemment
reuse, enfin la brume vient souvent à l'embarras du navigateur
trop ajouter qui doit
entrer dans le port.
Devant le goulet, deux chaussées ou chaînes de rocs s'étendent treize milles
jusqu'à
au large. Sur celle du Nord, que la couleur d'un des récifs a fait nommer la chaussée
des Pierres noires, s'élèvent plusieurs îles dont la plus grande, Ouessant, forme la
pointe avancée des écueils et porte le phare puissant qui annonce aux marins l'appro-
che des dangers.
La chaussée du Sud est la terrible chaussée de Sein émerge aussi l'île de ce d'où
nom, célèbre dans les fastes druidiques et dont les habitants, tous pêcheurs naturel-
lement, ont conservé les caractères de la rude race celte qui cadrent si bien avec le
site sauvage et dur où s'écoule leur existence.
A l'extrémité ouest de la chaussée de Sein, sur une roche que recouvre complètement
la mer haute, on a dressé,
par un de ces miracles que peut tenter la science moderne,
un autre phare, celui d'Ar-Men, aussi puissant que celui d'Ouessant ; il permet aux
navires venant du Sud de savoir
qu'ils ont doublé la pointe de la redoutable chaussée,
LE PORT DE GUERRE
et qu'ils peuvent en sécurité, incliner leur route, soit pour aller chercher l'ouverture
de la Manche, soit pour entrer à Brest.
Trois passes donnent, à travers ce semis d'écueils, accès jusqu'à la rade de Brest.
C'est d'abord le raz de Sein, que, à peu près seuls, les navires à vapeur peuvent affron-
ter à certaines heures de la marée, en raison de la vitesse extraordinaire le
qu'y prend
courant.
Cette vitesse atteint de 5 à 6 noeuds ou g à 1 ikm à l'heure.
Vu de la côte le raz présente alors d'un fleuve dont les eaux se
l'aspect grand
précipitent avec une ra-
l'usage des navires français, les tentatives que pourrait faire l'ennemi pour forcer de
nuit l'eritrée de la rade de Brest seraient vouées à un échec certain. D'ailleurs, le
blocus effectif de ce port sera rendu très difficile par le fait que trois portes s'ouvrent
(') Par une anomalie assez singulière, la Marine n'est pas en France chargée du balisage et de l'éclairage des
c'jtes qui paraissent cependant rentrer si bien dans ses attributions. Ce service est confié aux ingénieurs des Ponts
et Chaussées.
IO LE PORT DE GUERRE
portent en côte et atteignent un degré de violence inouï, peut être mis au rang des
impossibilités.
Brest, en raison de la valeur
stratégique de sa rade, a toujours eu une importance
En réalité, il constitue notre principal port de guerre sur l'Océan.
particulière.
L'arsenal, oeuvre de Vauban, dont la touche se reconnaît si bien à l'ordon-
nance sévère et large des constructions, est formé par le lit approfondi et par les
bords de la rivière Penfeld, sorte de fiord malheureusement trop sinueux pour les
besoins de la marine moderne.
Le spectacle
que présentent la rivière et son appareil militaire est des plus curieux.
On peut prendre ce plaisir, sans fatigue, du magnifique pont tournant, d'une hauteur
de 2 5™, qui établit la communication entre les deux rives de la Penfeld et s'ouvre
sous l'effortde quatre hommes pour laisser passer les navires munis de hautes mâtures.
On a alors sous les yeux le parc de l'artillerie et les piles de vieux canons de tous
modèles, les immenses casernes des équipages, les magasins dont l'architecture
sobre n'exclut pas la grâce. Cette grâce se retrouve dans les motifs ornementaux
placés aux portes des monuments et aussi sur la place du major général,
des bureaux
sous la forme d'une charmante statue de Pomone, dont l'élégante silhouette a fait
rêver bien des promotions d'élèves de l'Ecole navale rangés à ses pieds, deux fois
qui, sans autre valeur actuellement qu'une grande valeur historique, sert à loger une
partie de la garnison.
Les ateliers, magasins, bassins de radoub s'échelonnent sur une longueur de plu-
sieurs kilomètres sur les rives de la Penfeld. Quant aux cales de construction, on s'est
modernisées, sur un vaste terre-plein assis sur la côte nord de la rade, à Laninon.
C'est là que les bâtiments en service trouveront, dès que les travaux seront terminés,
des appontements bien disposés où ils pourront se ravitailler de toutes manières,
de la mer et du clapotis la rade-abri et des bassins de
protégés par les digues de
radoub (2).
équinoxes dans l'estuaire de la Seine et qui est connu sous le nom de mascaret.
dit-il, au temps des équinoxes que le mascaret offre le spectacle le plus imposant et
C'est,
le plus solennel. Peu d'instants avant l'heure de la marée, on dirait que le fleuve, tourmenté
d'un malaise général, pressent l'approche de la grande convulsion qu'il va subir ou qu'il s'ap-
prête au combat que va lui livrer l'Océan.
Un bruissement considérable se fait entendre. Une ligne blanche s'aperçoit dans le loin-
tain à la surface des eaux ; c'est la barre. Elle arrive superbe et rugissante ; sa rapidité s'ac-
croît bientôt dans sa marche. Elle se brise en mugissant contre l'avant des navires, déborde
les talus, inonde les prairies des deux rives, se divise ou se rapproche selon qu'elle rencontre
ou franchit les obstacles, devient furieuse et terrible quand elle heurte les bancs de Quille-
boeuf, s'apaise ensuite par degrés et vient expirer enfin à 70 tieues de l'embouchure
du fleuve.
vagues domptent le courant du fleuve, s'élancent dans son lit et le remontent jusqu'à
une grande distance (28ok™ pour la Seine).
Le mascaret s'observe encore à l'embouchure de certains
grands fleuves, tels le
Gange et l'Amazone, mais en France il ne se produit que sur la Seine.
Les différences de niveau aux grandes marées d'équinoxes atteignent en certains
resques. Alors qu'à mer haute elle ressemble à un grand lac paisible et uni, on en
voit surgir, à mesure que la mer se retire, des multitudes de rocs noirs et déclnquetés,
dont une partie est mise complètement à sec tandis que les autres se hérissent de
toutes parts au milieu d'une cuvette dont les bords se sont singulièrement rétrécis.
Il semble alors que l'accès d'unpareil nid à récifs doive être impraticable. Mais un
port avec leur hauteur et aussi avec l'étroitesse des chenaux qui les canalisent. La
violence de celui du raz de Sein est encore dépassée par le torrent qui parcourt dans
les deux sens le détroit s'étendânt entre
la presqu'île du Cotentin et les îles nor-
mandes, et qui porte le nom de passage de la Déroute ou encore raz-Blanchard. Là
aussi, ce courant constitue un obstacle très sérieux à la navigation, soit qu'il la
ralentisse, soit même qu'il y apporte un empêchement absolu, comme c'est le cas
pour les navires à voile. Il faut noter d'ailleurs que si on peut mettre ce courant
dans son jeu, il vous favorise au contraire singulièrement.
L'idée ingénieuse de profiter des courants de marée dans la mesure possible a
conduit un très distingué pilote de la flotte, M. Hëdouin, qui les connaissait à fond,
à dresser des cartes donnant, pour toutes les marées de l'année et pour chaque
heure de ces marées, la direction et la force du courant dans la Manche et sur les
côtes avoisinantes.
Ces cartes, officiellement adoptées par la Marine, sont extrêmement précieuses
pour les bâtiments ayant à naviguer dans ces parages difficiles, et qui, en se diri-
geant suivant leurs indications, peuvent éviter les courants contraires, profiter de
ceux qui sont favorables et, somme toute, abréger la durée de leurs traversées.
La rade sur les bords de laquelle l'arsenal est établi est formée par l'estuaire de la
rivière Blavet, qui malheureusement l'envase un peu trop. L'entrée de la rade assez
étroite était défendue par la vieille et pittoresque citadelle de Port-Louis sous les
murs de laquelle les vaisseaux étaient tenus de défiler pour éviter l'écueil de la
Jument. Nos bâtiments
modernes, très longs, éprouvent quelques difficultés à suivre
ce chenal sinueux, dans lequel d'assez nombreux, accidents se sont produits. Aussi,
en fait, il est difficile de considérer Lorient comme un port où les grandes unités
venir se ravitailler ; l'arsenal a été spécialisé pour la construction des
puissent
croiseurs cuirassés.
de Groix, distante de neuf milles de l'embouchure
L'île du Blavet, joue pour le port
de Lorient le rôle de sentinelle aA7ancée, tout comme Ouessant pour Brest. Le canal
qui la sépare du continent, le Courreau de Groix, a été longtemps le théâtre de mi-
raculeuses pêches à la sardine, comme d'ailleurs les eaux de Concarneau et de Douar-
nenez. Quoique cette industrie soit bien déchue, on voit encore
chaque année, à
l'époque où la sardine paraît, une longue théorie de barques ornées de feuillages,
de pavillons, suivre en procession une embarcation plus somptueuse, d'où un prêtre
donne au Courreau une bénédiction solennelle.
Rochefort est le chef-lieu du 4? arrondissement maritime, qui s'étend des Sables
d'Olomie à la frontière
d'Espagne. L'arsenal et la ville sont placés à 3o kilomètres de
l'embouchure de la rivière Charente, à laquelle,, en raison de son cours si peu étendu,
on n'ose ATaiment pas appliquer le nom de fleuve, quoiqu'elle y ait évidemment
droit, au sens géographique du mot.
Entre Rochefort et la mer, la profondeur de la Charente est-suffisante pour per-
mettre la circulation des navires de guerre de dimensions moyennes, mais on trouve
à son embouchure une barre sur laquelle ils ne peuvent passer qu'à-marée haute
ou à peu près, ou même seulement aux grandes marées d'équinoxe.
Mais la faible profondeur et les sinuosités de la rivière prohibent absolument F ac^
ces de l'arsenal aux bâtiments modernes, cuirassés ou croiseurs cuirassés. Rochefort
a donc perdu, en tant que port de guerre, la plus grande partie de sa valeur, et depuis
pagne, aucun autre point de refuge que les deux rades en question. Une escadre,
un bâtiment isolé, désemparé après un combat, n'ayant pu gagner Brest et cher-
chant à échapper
à l'ennemi, ne pourront nulle part ailleurs, trouver un refuge en
même temps que des possibilités de ravitaillement et de réparation. ;
Il serait donc très peu sage de priver notre flotte de cet abri dont l'importance a
d'ailleurs toujours été unh'orsellement reconnue. Les rades des Trousses et de l'île
LE PORT DE GUERRE '...! 5
rapide(2).
Il s'offrait à livrer combat à la croisière anglaise et à sacrifier les deux corvettes pen-
dant que le Pike passerait à toutes voiles. Ce fut encore le lieutenant de vaisseau
Besson, qui proposait de noliser une goélette danoise, Magdelaine, à bord de laquelle
l'Empereur aurait été caché dans un baril vide.
On sait comment toutes ces propositions furent écartées et les raisons qui poussè-
rent l'Empereur à se confier à la magnanimité du « plus puissant et du plus généreux
de ses ennemis »;(J). On sait aussi hélas ! comment fut récompensée cette confiance,
dont la grandeur était digne de celui qui l'exprimait!
vements des grands bâtiments, forcés en conséquence de présenter leur flanc aux
puissantes batteries de 3ocm de la côte, qui tireraient sur eux à bout portant.
On ne trouve à Toulon aucune des difficultés de navigation que présente l'accès
des autres ports de guerre.
Point point de récifs sur lesquels une mer grise vient se briser en hur-
d'écueils,
lant. Point de marée et par conséquent point de courant, peu de brumes, un ciel
presque toujours serein, une température égale et douce grâce à laquelle les travaux
Les scènes les plus atroces se déroulèrent dans ces jours de deuil. Les bandits du club et
leurs partisans se livrèrent à des actes de sauvagerie sans nom (').
Le comte de Flotte, commandant de la marine, ainsi que trois capitaines de vaisseau, avaient
déjà, par leurs soins, été pendus ou assommés. Ce sont ces massacres que Dubois Crancé,
alors à Toulon comme chef d'état-major d'Anselme, dans l'armée du Var, commentait en
disant : « Nous avons écrasé quelques punaises ».
mutilé à coups de piques. Les autres victimes avaient été pendues les unes
SAUVA IRE JOURDAIN-. a
LE PORT DE GUERRE
par le cou, les autres par les deux pieds ou par un seul et hachées à coups de
sabre.
Un citoyen ('), le sieur Reboul, fut décapité; on lui ouvrit la bouche pour y verser du vin,
on lui mit une pipe entre les dents, puis on alla déposer cette tête outragée et souillée sous
le cadavre du malheureux, pendu parles poignets.
Dans le sang qui coulait des blessures du capitaine de vaisseau de Rochemore, un ouvrier,
le chaudronnier Bary, se lava les mains aux applaudissements de la foule.
appels des onvriers, menacés d'être pendus à la moindre observation, n'osaient pas
noter les absents qui, bien entendu, se faisaient payer tout de même. En octobre
I7920> les journées d'ouvriers et les ouvrages à prix fait, avaient coûté 215777
livres alors que les travaux réellement exécutés n'étaient pas évalués à plus de
20 000 livres.
Voici comment un honnête homme du peuple, fourvoyé dans cette cohue de ma-
landrins, apprécie, dans une lettre datée du i5 mai 1793, ce qui se passe sous ses
yeux:
Je vous dirai ( 3) que nous sommes ici 5o 000 hommes et en outre 6000 ouvriers ; avec
tout ça l'ouvrage ne se presse pas, car ça fait frémir de voir dans un port tant de monde à
rien faire. Il se font donner leur solde et ils s'en vont dans les auberges du matin jusqu'au soir,
ainsi que les ouvriers de l'arsenal, qui ne travaillent pas trois heures par jour, ainsi que les
marins. Je frémis tous les jours de voir voler les journées à la Nation.
Le même désordre, la même anarchie régnent dans la flotte mouillée en rade et que
commandent les amiraux Truguet et Trogoff. Ceux-ci s'adressent au tout-puissant
club pour avoir des ordres et lui rendent compte des opérations entreprises. C'était
le club qui donnait les instructions pour aller réprimer les corsaires sur la côte, faisait
prit des mesures militaires qui furent couronnées de succès, et Toulon notamment,
après la défaite des fédéralistes marseillais à Orange, à Salon et à Lambesc, se vit
des secours militaires. Celui-ci, d'ailleurs, les refusa sous prétexte que la rade n'était
pas assez sûre ni suffisamment armée pour soutenir le choc des troupes delà Con-
vention.-En réalité, ce qu'il convoitait, et il ne se gênait nullement pour le laisser
entendre, c'était la magnifique rade de Toulon qui seule, disait-il, «pouvait rendre
son appui efficace ».
Marseille n'hésita pas à engager la municipalité de Toulon à accepter ces offres
perfides faites au nom des puissances coalisées qui ne voyaient la fin des maux de la
France que dans le rétablissement de la monarchie.
Dans la déclaration formelle signée par lord.Hood et datée du 23 août 1793, à
bord du Victory, l'article 4 stipulait d'ailleurs que le port de Toulon et les vaisseaux
qu'il renfermait seraient rendus à la France aussitôt la paix faite.
Faut-il trop s'étonner que de pareilles propositions aient pu être entendues ?
Certes le crime des Toulonnais restera inexcusable à tout jamais. Mais il serait
parte, avait installés sur les hauteurs qui dominent la rade, l'étranger dut l'évacuer
le 19 décembre 1793, non sans avoir détruit ou endommagé par le fer et par le feu
le plus possible des armes et des navires que renfermait l'arsenal.
Jetons un voile sur ces cruels souvenirs !
A proximité de Toulon, à quelques milles vers l'Ouest, on trouve l'admirable rade
des îles d'Hyères, où les flottes du monde pourraient se donner rendez-vous et qui offre
à nos escadres, à nos torpilleurs et sous-marins le plus merveilleux champ d'exercice.
Des ouvrages fortifiés très sérieux, permettraient en temps de guerre, à nos forces
navales, de s'y concentrer à l'abri.
L'arsenal de Toulon occupe les bords delà rade du côté nord et est. Les anciens
20 LE PORT DE GUERRE
petit arsenal séparé du grand par la vieille darse, concédée à la navigation et aux ser-
vices publics.
En dehors des cinq établissements que nous venons de passer en revue, la Marine
en possède un autre qui
peut être classé comme le
sixième arrondissement ma-
ritime. C'est celui de Bi-
zerte, ou plus exactement
celui de Sidi-Abdallah,
construit de toutes pièces
sur la côte sud du magni-
fique lac de Bizerte.
Il était d'une extrême im-
que de nous donner Bizerte, il faudrait encore les considérer comme une des meil-
leures, des plus utiles opérations coloniales que nous avions entreprises^
Taillant en plein drap, ayant à faire une oeuvre nouvelle, appropriée aux besoins
de
delà marine moderne, les fondateurs de l'arsenal de Sidi-Abdallah y ont créé le port
Commencés en juillet les travaux, causes et
guerre-type. 1898, retardés par diverses
notamment par l'extraordinaire inertie, allant formelle, de
jusqu'à l'opposition
M. Pelletan, ministre de la Marine, sont achevés aujourd'hui.
L'arsenal de Sidi-Abdallah a été creusé sur le rivage du lac dans sa partie la
plus éloignée de la mer. Situés ainsi à plus de i5km de la côte, les ateliers et maga-
sins n'ont rien à redouter des projectiles d'une flotte ennemie. La profondeur du
LE PORT DE GUERRE 21
digues qui forceraient les navires suspects à se présenter en travers, comme à Tou-
attaques de l'ennemi ('). L'entrée du fleuve est d'ailleurs défendue par les forts et
batteries placés sur les hauteurs du cap Saint-Jacques.
Il y a à Saigon un arsenal réduit mais complet, avec bassin de radoub, ateliers
et magasins. On y emploie, en grand nombre, les ouvriers indigènes.
A Madagascar, c'est dans l'immense rade de Diego-Suarez située à la pointe nord
de l'île que le point d'appui
a été installé ; enfin, celui
de la côte occidentale d'Afri-
préoccupent le monde maritime. Les conditions de la guerre navale, les soins exigés
par les navires modernes les rendent absolument indispensables à une nation qui
veut être à même
d'opérer sur mer en un point quelconque du globe. Il est facile
d'ailleurs de se rendre compte que les efforts de toutes les grandes puissances mari-
times tendent depuis quelques années à se ménager le plus grand nombre possible
de ces refuges et bases de ravitaillement.
L'Angleterre, grâce à ses nombreuses colonies, n'a eu qu'à choisir les points les
mieux situés. Elle a créé trois véritables arsenaux : à Gibraltar et Malte dans la Médi-
terranée, à Hong-Kong dans la mer de Chine. De plus, elle dispose de plusieurs points
de ravitaillement fortifiés, disséminés sur tout le globe. Elle peut donc lancer sans
crainte ses flottes à un bout quelconque du monde. Celles-ci sont assurées d'y trou-
ver partout aide et assistance.
n'ayant pas ou peu de colonies, se trouvent à cet égai'den état d'infériorité manifeste.
Après avoir essayé d'un établissement sur la côte chinoise, à Kiao-Tchéou, un de
ces points qu'il a été de mode pendant quelques années, « d'emprunter » à l'Empire
Chinois sous la formule fallacieuse du bail, la première de ces puissances semble
avoir renoncé à lui donner un grand développement. En dehors de cet embryon de
point d'appui, elle ne possède rien.
Les États-Unis, à la Suite de leur guerre avec l'Espagne, ont hérité de l'arsenal
de Cavité, dans la baie de Manille, auquel ils travaillent à donner l'importance cor-
respondant à celle de leur magnifique flotte.
On sait Gomment la Bussie, après avoir diplomatiquement conquis Port-Arthur
qui répondait si bien à la nécessité où elle est de posséder en Extrême-Orient un
port en tout temps libre de glaces, a dû céder cette base navale de ses rêves à son
vainqueur et se contenter de Vladivostok qui né remplit qu'à moitié les conditions
requises pour un bon point d'appui.
On voit somme toute que nous sommes, à ce point de vue, en bonne situa-
tion. Nos trois,points de refuge nous assurent la faculté de ravitailler nos forces
navales dans l'océan Indien et les mers de Chine. C'est seule-
l'Atlantique,
ment dans l'océan Pacifique que nous sommes démunis. Les lieux favorables à
l'installation d'un bon point d'appui ne nous y font cependant pas défaut et iLfaut
espérer que les raisons d'économie qui ont causé l'abandon d'un projet de base
navale en Nouvelle-Calédonie fléchiront un jour devant l'importance de cette situa-
tion (').
(J) Voici, à titre de renseignement, laliste des lieux où les principales puissances maritimes ont établi des
arsenaux ou des points d'appui :
Allemagne. —• Arsenaux : Wilhelmshaven, Kiel, Danzig. .
Bases secondaires : Helgoland, Cuxliaven, Flensburg, Murwick.
— Arsenaux
Angleterre. métropolitains: Plymoulh, Devonporl, Portland, Porlsmouth, Douvres, Chatam,
Sheernessj Rosyth (en création), Pembroke, Haulbowline, Berehaven.
Arsenaux hors de la métropole : Malle, Gibraltar, Hong-Kong.
Bases navales : Bombay, Bermudes, Sydney (Australie).
— Arsenal : Pola.
Autriche-Hongrie.
Bases navales : Sebenico, Cattaro.
Espagne. — Arsenaux : Le Ferrol, Cadix, Cartbagène.
Etals-Unis. — Arsenaux : New-York, Portsmoulb. —
(côte Atlantique) Norfolk, Boston, Leaguo-Island, (côte
Pacifique) : Mare-Island, Bremerton.
Bases secondaires : Washington, Pensacola, Newport, Charleslon, Key-West, New-Orléans, San Juan de
Porto Rico, Guanlanamo (Cuba), PearlHarbour(Hawaï), Cavité, Olougapod (Philippines), ïuluila(Samoa).
Italie. — Arsenaux : La Spezzia, Gênes, Naples, Tarenle, Brindisi, Ancône, Venise, La Maddalona (Sardaigne).
Japon. — Arsenaux : Yokosuka, Kuré, Sasebo, Maizuru, Port^Artbur.
Bases secondaires : Ominalo, Takeshiki, Makung (Pescadorcs).
Russie. — Arsenaux : Revel, Riga, Port Alexandre III, Libau, Sveaborg, Kronstadt, Helsingfors, Abo, dans la
— dans la mer Noire ; — dans le Pacifique.
Baltique ; Sevastopol, Nicolaïeff, Vladivoslock,
24 LE PORT DE GUERRE
portant le titre de
major-général, est
poing. On a enfin supprimé ce matériel démodé, simple souvenir des temps héroïques
où la valeur et le courage personnels se manifestaient par des actes directs, plus
faciles d'ailleurs peut-être dans l'enivrement et la chaleur de la lutte corps à corps,
que ceux exigés aujourd'hui par l'accomplissement d'un devoir moins affairé entre
bs parois hermétiquement closes de compartiments étanches.
SAUVAIRE JOURDAN PL. I.
armes, ou du moins
spécimens de des
toutes les armes, qui ont été mises entre
les mains de nos matelots depuis qu il
FIG. 18. — Reliques des temps passés. Vieux vaisseau en bois
servant de caserne flottante. existe une marine française ; on a con-
slitué ainsi une sorte de musée extrême-
ment curieux, non seulement par la variété des instruments de combat qu'on y
trouve, mais aussi par leur arrangement auquel s'est livrée l'ingéniosité des armu-
riers. C'est ainsi qu'on y voit des palmiers, des lustres, des panoplies aux formes
les plus variées et les plus inattendues, confectionnés avec des baguettes, des chiens
de fusil, des pièces d'armes de toutes sortes ; les grappins qui servaient à maintenir
le vaisseau abordé, les grenades à mains que les gabiers perchés sur les vergues
faisaient pleuvoir sur le pont de l'ennemi pour y désorganise? la résistance, au mo-
ment où les pelotons d'abordage, massés sur le gaillard d'avant et les bastingages, se
—
en réserve, les vieilles coques en bois dont on trouve
FIG. 19. Un grappin d'abordage.
encore quelques exemplaires comme pontons, les ma-
gasins, pleins de matières dont beaucoup sont très inflammables, constituent égale-
ment des éléments d'incendie bien dangereux, en raison surtout de l'armée d'ou-
vriers, souvent fumeurs peu prudents, qui parcourt sans cesse les constructions,
navires et magasins.
Et, en fait, les incendies sont fréquents dans nos arsenaux, ou tout au moins les
commencements d'incendie. Un corps spécial de pompiers est affecté à chaque arsenal ;
aidés de fortes pompes à vapeur ils arrivent en général à temps pour les combattre.
les grands sinistres n'y sont malheureusement
Cependant pas assez rares. C'est ainsi
que ces dernières années ont vu deux importants incendies éclater dans l'arsenal de
Toulon. Le premier a détruit les vieilles et pittoresques constructions où se confec-
tionnaient autrefois les cordages, le second les cales de construction édifiées par
Vauban les vaisseaux en bois et qui avaient d'ailleurs
pour perdu toute valeur à ce
point de vue.
Le service des vivres
occupe une place importante dans l'arsenal. C'est la consé-
généralement à bord six mois de vivres qui comprennent les denrées les plus variées.
Les navires présents sur rade ou dans le port font prendre tous les matins dans
l'arsenal les vivres frais de la journée. Chacun d'eux détache à cet effet une embar-
cation, le canot des vivres, dans lequel on entasse les quartiers de viande et les sacs
LE PORT DE GUERRE
de pains délivrés par l'administration au maître commis aux vivres. Il ne faut d'ailleurs
pas confondre ce canot chargé des vivres officiels avec la pittoresque poste aux choux.
Cette appellation bizarre autant que traditionnelle à l'embarcation, petite
s'applique
ou grande, mise à la disposition des cuisiniers, maîtres d'hôtel, agents de service des
différentes tables d'un navire pour aller prendre à terre les denrées diverses qui figu-
reront aux
repas du jour sous des formes
ou moins habilement
plus variées.
Pittoresque tous les jours, le retour à bord de la poste aux choux l'est plus
l'arome étranges; de fleurs brillamment colorées, car, pour être marin, on n'en est
Partie arrière de l'embarcation où se trouvent les bancs sur s'asseoient les passagers.
( 1) lesquels
28 LE PORT DE GUERRE
légumes les plus divers voisinent avec la volaille de toutes plumes dont les cris d'effroi
se mêlent aux bêlements des moutons, des cabris liés par les pattes ou aux grogne-
ments suraigus de petits porcs ahuris. Sur le tout s'entassent régimes de bananes,
pensée largement par les avantages qui accompagnent les salaires et dont les princi-
(') Nos arsenaux d'outre-mer emploient, en outre, environ 6 ooo ouvriers dont une bonne partie sont des
indigènes.
I.E PORT DE GUERRE 2g
paux sont : retraite assurée, pas de chômage, soins médicaux et exemption du rappel
sous les drapeaux en cas de guerre. Cette dernière disposition est un peu étonnante
à première vue, puisqu'elle constitue une dérogation à ce principe sacré que tout
Français en état de porter les armes doit les prendre quand le drapeau est engagé.
Elle s'explique cependant par le fait que le temps de guerre sera une période d'ex-
trême activité pour les arsenaux maritimes où devront s'exécuter le plus rapidement
porte.
montage. Lorsque les plans du bâtiment, établis par les ingénieurs des Construc-
tions navales, étudiés et approuvés par les bureaux techniques, sont définitivement
achevés dans leur ensemble et dans leurs détails, on commande aux grandes usines
métallurgiques les fers, tôles, plaques de cuirasses, etc., nécessaires. A l'appui de
ces commandes, on fournit à ces usines les dessins et épures qui leur permettront de
donner à toutes ces pièces non seulement leurs dimensions exactes, mais aussi leur
forme, leur cintrage parfois si compliqué.
Pour arriver à leur fournir des données précision d'une
minutieuse, on dessine
le bâtiment à ses dimensions réelles, sur le plancher d'une immense salle que possède
chaque arsenal et qui se nomme salle des gabarits. Chaque pièce, chaque tôle,
chaque membrure devant entrer dans la confection du navire y est tracée en plan et
en élévation, à la place exacte qu'elle doit occuper et c'est sur celte épure grandeur
nature qu'on relève les dessins et plans cotés de détail qui sont envoyés aux fournis-
seurs. -,
Lorsque toutes ces pièces ont été confectionnées ou même au fur et à mesure de
leur achèvement, elles sont
expédiées vers l'arsenal où il a été décidé que le navire
serait construit, et les ouvriers en entreprennent le montage.
La construction du navire consiste donc surtout à river ensemble les innombrables
pièces que les voies ferrées déversent chaque jour à pied d'oenvre. Aussi un vacarme
infernal s'élève-t-il de l'énorme hangar sous lequel on abrite la construction, ou JDIU-
tôt les ouvriers qui s'y livrent. Ce tapage provient des centaines de machines à
river (') actionnées par l'électricité et dont le martellement extra-rapide produit
l'effet d'un roulement sur un tambour gigantesque. Dans ces conditions, toutes les
(') L'opération de river consiste à lier ensemble deux plaques de tôle, j)ar dos rivets, sortes de chevilles
en métal qu'on introduit à chaud dans les trous pratiqués sur les bords des deux tôles à unir, et dont on mate les
deux extrémités à coups répétés do marteau, de façon à produire de chaque côté un bourrelet en forme de
champignon.
3o LE PORT DE GUERRE
pièces étant prêtes d'avance, le montage du navire s'opère rapidement. C'est ainsi que
les constructeurs anglais, supérieurement outillés il est vrai, arrivent à monter des
bâtiments de 18 à 20000 tonnes en huit ou neuf mois. Nos chantiers se sont d'ail-
leurs, à ce sujet, piqués d'honneur et la construction de nos derniers cuirassés, du type
Danton, a constitué, au point de vue de la durée du travail, un progrès considérable.
Ces navires ne sont pas restés plus d'un an sur cale.
Il faut dire, en outre,
pour être très véridique, qu'au moment où on le met à l'eau,
le navire, chez nous comme ailleurs, est loin d'être terminé, même en ce qui con-
cerne la coque. Il ne comprend souvent, à ce moment, que la partie inférieure jus-
qu'au pont cuirassé supérieur ; le reste se monte ensuite, pendant la période dite
d'achèvement à flot.
On agit ainsi pour plusieurs raisons, dont les principales sont d'abord qu'il y a
intérêt a dégager le plus tôt
Quoi qu'il en soit, lorsque la coque, toute vide, le chaudron, pour employer le
terme adopté par les constructeurs, est arrivée au point d'achèvement qu'on a déter-
miné, on prend les dispositions pour le lancement.
Cette opération est un des spectacles les plus impressionnants voir.
qui se puisse
Aucune, peut-être, ne donne une plus frappante et plus complète idée du génie de
l'homme.
En quelques secondes, une masse énorme, haute comme nos plus hautes maisons,
coque, celle-ci refusera peut-être de quitter son chantier, ce qui sera très fâcheux.
Si au contraire l'inclinaison est trop forte, on peut craindre que, dans le cours de
la construction et le jour où le poids du bâtiment atteindra une valeur suffisante,
celui-ci, brisant toutes les entraves, ne procède de lui-même à un lancement aussi
largeur, qui couvre le joint et qu'on rive sur chacune des plaques.
D'autres fois, on les dispose de telle sorte que le bord de la plaque supérieure
vienne recouvrir celui de la plaque inférieure. Elles sont alors rivées directement
l'une à l'autre. C'est le système d'assemblage à clins.
Les parties extrêmes de l'avant et de l'arrière doivent présenter
(étrave) (étambot)
des garanties particulières de solidité. Elles constituent les deux bouts de l'énorme
poutre métallique creuse que forme en réalité le navire et doivent pouvoir résister aux
efforts que le bâtiment aura à supporter, dans ces deux directions.
principalement
L'étrave, particulièrement, est exposée à recevoir des chocs provenant d'abordages,
et il est nécessaire sans faiblir. Quant à l'étambot, il ser-
qu'elle puisse les supporter
vira de point d'attache au gouvernail, sur lequel d'énormes s'exerceront à
pressions
tout instant. Les hélices lui infligeront en outre des vibrations multipliées, auxquelles
il doit être en état de résister.
Pour ces motifs, l'étrave est faite d'une seule pièce d'acier forgé sur laquelle vien-
nent se raccorder les membrures de la quille, les virures du bordé et la cuirasse de
la flottaison et de l'avant.
32 LE PORT DE GUERRE
trouve le plus loin de l'axe du navire, on fixe encore de chaque côté une quille de
On comprend aisément, sans qu'il soit utile d'insister, le rôle que jouent ces
organes.
Au total, on voit les grands navires modernes portent cinq quilles. Toutes
que
ces pièces, en saillie
au dehors de la co-
augmentent la résis-
tance à la marche,
créent des difficultés
d'hui, ce revêlement intérieur ne se place plus que dans les fonds du navire et sur
une partie seulement de sa longueur.
lage spécial et très ingénieux où on mesure la résistance de l'eau sur des modèles
de coques en paraffine. On arrive ainsi à déter-
miner les formes de coque qui se prêtent le
mieux au mouvement.
quelque chose.
Pour ce jour-là, l'accès de l'arsenal, rigoureusement interdit d'habitude-, est ouvert
à tout venant. Des troupes échelonnées empêchent cependant les curieux de vaga-
berceau.
Dans le premier le bâtiment repose, par sa quille, garnie d'une pièce de
système,
SAU VAIKE JOURDAN. 3
34 LÉ PORT DE GUERRE
bois nommée savate, sur une coulisse qui constitue une sorte de rail sur lequel la
savate et le navire glisseront au moment du lancement. Une forte couche de suif
mélangé à du savon est interposée entre
la savate et la glissière (').
Le navire est, en somme, en équilibre sur cette coulisse, ce qui, à première vue,
paraît assez dangereux. Mais toutes les précautions sont prises pour éviter le chavire-
ment. Outre
que la coulisse par sa largeur de ira,8o environ offre une assiette suffi-
sante, et que les poids à bord sont mathématiquement distribués de part et d'autre
de l'axe, on place encore sous les quilles latérales dont j'ai parlé
plus haut, deux
système.
Dans le second procédé, le navire s'en va vers la mer, non plus sur un seul rail,
mais sur deux, espacés de quelques mètres l'un de l'autre. Il repose sur les chemins
de glissement par l'intermédiaire d'une sorte de berceau en madriers qui épouse
nombre de moyens communs aux deux procédés. Ce sont d'abord les accores, puis
des verrous de retenue, des clés, et des tins secs ou de sable.
Les verrous sont
des doigts dans des mortaises
sur
métalliques engagés pratiquées
quelqu'une des pièces de bois, berceau, savate, qui font corps avec le navire et qui
s'opposent à son mouvement. Ces verrous se manoeuvrent et sont
hydrauliquement
retirés, le moment venu, en faisant tourner des manettes placées près de l'ingénieur
chargé des opérations.
Les clés agissent de la même manière. Ce sont de simples arcs-boutants portant
par une de leurs extrémités sur le sol, butant par l'autre contre la savate ou le ber-
ceau. On les fait tomber à coups de masse lorsque l'ordre en est donné.
Les tins secs sont des pièces de bois cubiques que l'on encastre de distance en dis-
tance dans des coulisses sectionnées à cet effet. Ces tins, l'on ne suiffe
que pas, font
36 LE PORT DE GUERRE
au dernier
frein par adhérence. On les enlève à coups de masse également moment
et on supprime ainsi la résistance qu'ils présentaient au mouvement.
Les tins de sable, invention toute moderne, agissent de la même façon, seulement
le frottement du bois est remplacé par celui du sable que contient une sorte de caisse
cubiaue en tôle à narois
mobiles. Ce sable, forte-
ment comprimé dans cette
boîte, en déborde légère-
ment et subit le portage
de la quille. Pour faire
disparaître ce frottement,
on écarte, au moyen de
leviers ad hoc, les parois
de la boîte dans laquelle
le sable s'affaisse et dispa-
raît.
Le moment fixé pour le
lancement approchant, on
FIG. 27.
— Les clés qui retiennent le navire sur sa cale.
procède à l'enlèvement
C, clé. P, butée (i\éc au flanc du navire.
L, sens du lancement. A, sens d'abatage de la oM. méthodique des accores,
en les faisant tomber sv-
importance considérable,
ment.
Enfin, lorsque l'heure précise fixée pour la mise à l'eau est arrivée, on supprime
rapidement les clés, les tins secs ou de sable, on rentre les tenons des verrous de
retenue, et dans le cas de lancement sur quille, on scie la savate, dont l'extrémité est
nières entraves. Souvent même, impatient de s'élancer, il n'attend pas que la savate,
sciée. Il en arrache les dernières fibres avec
quand il y en a une, soit entièrement
une violente détonation.
Mais il arrive aussi qu'on
est obligé de produire ar-
tificiellement le premier
pas du navire ; cet inci-
dent est prévu et on tient
tout prêt pour y parer, un
Mais hélas ! tout ne se passe pas toujours aussi correctement et aussi joyeusement.
Une opération où entrent en jeu des forces colossales que l'homme doit tour à tour
déchaîner et maîtriser, ne va naturellement pas sans quelques aléas. Des incidents
malheureux viennent quelquefois déjouer les calculs des ingénieurs.
Il en est un dont on a vu plusieurs exemples. Il consiste dans l'arrêt du navire
pendant le lancement.
La marine française compte trois ou quatre de ces arrêts. Le dernier en date et
le plus fameux, en raison de la qualité du bâtiment, se rapporte au cuirassé Danton,
dont la mise à l'eau, à Brest, échoua une première fois le 22 mai 1909, par suite, a-t-on
dit, de la fonte prématurée du suif qui laissa en contact immédiat la savate et la
coulisse de glisse-
ment ; mais aussi
pas d'exemple, je
crois, qu'on n'ait pas
finalement réussi à
mettre à l'eau les
navires récalcitrants.
Mais c'est au prix
d'un effort considé-
FIG. 3I. — Lancement avec bouclier de retenue.
rable, puisqu'il faut
pour laisser aller le navire aussi loin que l'entraîne son élan, mais quand cette con-
dition se présente, le spectacle prend toute sa beauté. de course,
Le bâtiment, à bout
mouille alors une ancre, sur laquelle il attend les remorqueurs qui le mèneront au
quai. Mais, le plus souvent, il faut l'arrêter dans un espace assez court, au moyen de
procédés mécaniques.
arsenal, chantier de construction agit, à ce sujet, suivant ses
Chaque chaque
habitudes prises en raison des dispositions des lieux.
Un frein très énergique est constitué par un masque en bois, sorte de bouclier de
LE PORT DE GUERRE
39
jours des paquets de chaînes dont le frottement sur le sol est considérable.
Enfin, il reste encore, pour arrêter l'erré d'un navire la ressource
trop fougueux,
de radeaux ou de drômes que l'on place sur le parcours du bâtiment et qui, entraînés
(') Une aussi'ere est une corde de fort diamètre, très employée pour l'amarrage des navires et les manoeuvres
de force, Elle est faite de brins de chanvre ou d'acier.
Ao LE PORT DE GUERRE
spécialités travaillent dans tous les coins de la coque aux mille installations que
comporte un navire de guerre.
Tous ces emménagements se font sous la direction générale d'un capitaine de vais-
qui veillent
à ce que chaque chose soit mise à sa place.
le moment où on songe à commencer les essais, le fournisseur
Lorsque approche
une vitesse déterminée, veut
des machines, qui s'est engagé à faire donner au bâtiment
le placer à cet effet dans les meilleures conditions possibles. Il demande donc qu'on
débarrasse la carène du navire des herbes et végétations marines qui l'ont envahie
les longs mois passés au repos dans les eaux stagnantes de l'arsenal.
pendant
En conséquence, on conduit le cuirassé au bassin de radoub où il sera mis à sec,
LE PORT DE GUERRE kl
—
de nos cuirassés de 18 ooo tonnes se pré-
FIG. 35. Cuirassé en cale sèche.
pris.
En creusant ces bassins immenses, on a prévu le cas où on aurait à y radouber
des navires de dimensions moindres. On a alors installé, dans la longueur du bassin,
un ou deux logements supplémentaires pour les bateaux-portes, ce qui permet, soit
d'éviter des frais de pompage en utilisant un bassin de longueur réduite, soit de
caréner à la fois deux ou trois unités de petites dimensions.
flottants.
Ce genre de monument
se compose d'un caisson métallique horizontal, flanqué de
deux caissons verticaux construits sur les bords longitudinaux du premier. L'en-
semble de l'appareil peut être immergé en introduisant de l'eau dans les compar-
timents des caissons. On fait ainsi descendre l'ensemble du système à la profon-
deur voulue,
puis on amène le navire que l'on veut soulever sur le caisson
horizontal. On chasse alors, au moyen de pompes, l'eau de tous les compartiments
où elle a été introduite. La flottabilité du dock, calculée en conséquence, est
telle qu'en remontant il soulève le navire maintenu en équilibre au moyen d'arcs-
boutants.
Ce genre d'appareil a sur le bassin de radoub l'avantage d'un prix de revient très
intérieur, et aussi celui de
la mobilité. On en con-
struit actuellement qui
peuvent porter les navires
de guerre les plus lourds,
et on sait que certains
cuirassés actuels pèsent
25 ooo tonnes. Quelques-
uns de ces docks ont été
vite, dans la baie de Manille, un dock flottant de 200m de long, capable de soulever
20 000 tonnes. La traversée de ce navire étrange, autour de la moitié du monde,
s'est effectuéeà la remorque et sans aucun incident. On a même osé le faire passer
par le canal de Suez, où, en dépit de formes peu faites pour lui assurer une grande
rectitude de marche, il s'est fort bien comporté.
En France, nous n'avons
pas de grands docks, qui nous seraient cependant aussi
utiles qu'ils le sont à d'autres. En revanche, nous en possédons un certain nombre
de petits pour le carénage des torpilleurs.
Les grands docks flottants ont eux-mêmes besoin d'être carénés et repeints, sans
quoi les tôles immergées arriveraient vite à l'usure. On a adopté pour les nettoyer
une très ingénieuse disposition : ils sont sectionnés en plusieurs tronçons, dont cha-
cun est successivement mis au sec sur les autres.
LE PORT DE GUERRE 43
DÉFENSE DE L'ARSENAL
L'arsenal et sa rade doivent offrir un asile inviolable aux navires qui viendront s'y
reposer, s'y ravitailler en temps de guerre.
On se préoccupe donc de les entourer de défenses telles que l'ennemi ne puisse
songer à s'en emparer, ni même à y jeter le trouble par des bombardements à longue
distance. Tout un système de forts et de batteries détachés est installé à cet effet. De
torpilles sont en quinconce, de façon à ne laisser subsister aucun chemin par lequel
l'ennemi pourrait, par l'effet du hasard, se glisser.
On estime que chacune de ces torpilles défend un cercle de trente-deux mètres. C'est
sur cette donnée qu'est basée la distance à laquelle on les place les unes des autres.
Le
système imaginé faire exploser à volonté ces engins terribles est fort
pour
ingénieux et mérite que nous nous y arrêtions un instant.
Le problème à résoudre est en effet assez délicat. Il s'agit de faire sauter la seule
dans le rayon d'action de laquelle Je navire ennemi se trouve et non une
torpille
44 LE PORT DE GUERRE
Quelques-unes des lignes de torpilles qui défendent l'entrée de nos ports de guerre
sont toujours prêtes. De temps en temps, le service des défenses sous-marines
les relève pour juger de l'étal dans lequel elles se trouvent ou renouveler la charge
de fulmi-coton.
La présence de ces formidables engins à l'ouverture de nos rades n'est pas d'ail-
leurs sans présenter quelque danger. C'est ainsi qu'il est arrivé à plusieurs reprises,
à Cherbourg notamment, que des torpilles ont éclaté sous l'influence de décharges
électriques orageuses. Heureusement, aucun accident grave n'en est résulté (*).
Il existe un autre système de torpilles destinées également à interdire l'approche
d'une côte à l'ennemi. Ce sont les fameuses torpilles de blocus, qui, sous le nom
(')Iln'ena pas été de même à Toulon, où, en août 1910, trois marins ont été tués par l'explosion d'une torpille
de fond relevait la visiter.
qu'on pour
LE PORT DE GUERRE 45
choquer.
Sous ce choc un système mécanique se déclanche ; il provoque l'inflammation
d'une charge d'explosifs puissants qui, éclatant au con-
tact même de la coque, produit des effets désastreux.
Ce d'inflammation varie avec les systèmes
moyen
divers de torpilles employées par les différentes marines.
Avec les uns, c'est une boule que le choc fait sortir
d'une coupelle qui la soutenait, et qui tombant dans un
vide entraîne un cordon qui fait détoner une
espace
amorce.
Avec d'autres, la torpille, sphérique, porte sur sa ca-
de pointes dont chacune
rapace un certain nombre agit
sur un détonateur. D'autres, enfin, renferment dans un
tube en verre fragile, qui se rompt lorsqu'un corps étran-
la torpille, un acide qui en s'écoulant
ger vient heurter
sur une substance chimique produit la mise en feu de
l'engin.
Ces torpilles ne sont, en somme, que des modèles
FIG. 3g. — Schéma d'une agrandis des bombes à renversement ou à choc que les
torpille
de blocus. anarchistes de tous les pays affectionnent et dont ils font
F, charge de fulmi-coton.— G, G', vides
assurant la ftottabilité. — K, logement le plus détestable usage.
du mécanisme immobilisant la boule au
moment de la mise à l'eau. — O, chaîne
Les torpilles de blocus ont joué un rôle très important
reliait t la torpille au poids R qui repose
sur le fond. — P, boule en plomb qui, dans les opérations navales qui se sont déroulées devant
en tombant de la coupelle C, tire le fil
de mise de feu ; l'amorce A provoque
la Les
Port-Arthur au cours de guerre russo-japonaise.
l'explosion.
rassés russes. Toutes les nuits, les torpilleurs nippons venaient semer leurs engins
destructeurs devant l'entrée de la rade et tous les jours des équipes de petits bâti-
capitaine de frégate de Balincourt, qui a traduit et publié ces carnets de notes prises
dramatiques événements
« Fixe!
» commande-t-on sur le croiseur. L'amiral nous fit face à bâbord de la passerelle
supérieure ; il portait un pardessus à col d'astrakan ; sa barbe blonde flottait au vent.
—
Bonjour, mes enfants ! cria-t-il d'une voix puissante, en articulant chaque syllabe.
— la Diana avec un ensemble énergique
Bonjour, Excellence, répondit réglementairement
et joyeux.
— Que Dieu vous donne l'heure
propice !
— Merci. Votre... Mais la réponse rythmée du règlement s'arrêta soudain pour éclater en
un hourra formidable.
L'amiral, déjà éloigné du bout de la passerelle, avait disparu à nos yeux; il revint à la
rambarde pour agiter sa casquette en souriant.
Les aventures et les malheurs de la iro Hotte russe du sont racontés on trois volumes ayant pour
(') Pacifique
titres : Sur le chemin du d'un cuirassé. Carnet de notes du de frégate
sacrifice. L'expiation, L'agonie capitaine
Séménov, le commandant DE BALINCOURT. Challamel, éditeur.
par
L'amiral commandant de la a» flotte russe du admirable dont les carnets
(*) Hodjestvenski, Pacifique, figure
de notes de Séménov montrent les immenses de marin et de chef, a aux deux écrivains sa
qualités témoigné
en laissant testament à son à Balincourt, les épaulettes à
reconnaissance, par Séménov, sabre, qu'il portait
Tsushima.
LE PORT DE GUERRE h
« Hourra ! » tonnait l'équipage, dont les hommes grimpaient les uns sur les autres pour
apercevoir « bon papa ».
« Hourra ! » criaient les officiers, oubliant toute étiquette et mêlés aux hommes, en
agitant
aussi leurs casquettes.
C'était la dernière fois que nous devions revoir notre cher amiral !
Petropavlovsk, dans son mouvement de retour, se dirige sur un point où, pendant la
nuit, ues siinoueties suspectes ont ete aper-
çues, et où l'amiral avait ordonné qu'on dra-
Cet horrible désastre, qui décapita la flotte russe en lui enlevant le chef sur la
(') Il paraît certain que la torpille touchée par le Petropavlovsk n'aurait pu, a elle seule, produire les terrifiants
effets oeue décrit Séménov. Il est admis que les vibrations de son explosion ont déterminé la conllagration des
soutes à poudres du cuirassé russe, ce qui explique la formation du nuage de fumée jaune, caractéristique de la
déflagration de la pyroxiline.
48 LE PORT DE GUERRE
bravoure et le patriotisme duquel elle comptait, faillit être, dans la-même journée,
doublé d'un second malheur du même genre.
Les gros cuirassés, laissant les petites unités s'occuper du sauvetage, s'étaient
pavlovsk, ébranla si fort les cerveaux à bord des autres navires de l'escadre qu'il pro-
duisit dans cette force navale une sorte de panique dont les résultats eussent pu être
effroyables et que nous laisserons encore à Séménov le soin de raconter, parce que
son récit montre d'une façon frappante à quels excès d'aberration peut à certains
moments se laisser aller la machine humaine.
La torpille qui frappa le Pobieda AÙent d'éclater.
Les hamacs dans la marine russe sont disposés pour pouvoir flotter et servir de soutien à un homme. ;
(*)
LE PORT DE GUERRE 4Q
.;' « Messieurs les officiers, empêchez-les de tirer! Arrachez-les de leurs pièces! » Mais les
paroles n'agissaient plus sur les chefs de pièce, cramponnés à leurs canons, envoyant obus
sur obus sans viser, contre un ennemi invisible. Il fallut employer la force.
Quelque étrange
que cela puisse paraître, c'est la force physique brutale qui réussit à calmer des gens à qui
la peur de la mort avait fait perdre la tête.
L'ordre enfin fut rétabli, la canonnade cessa. L'équipage, ayant recouvré son sang-froid,
l'air honteux et troublé, commença à remettre en place les hamacs, les ceintures de sauve-
tage et tout en ordre dans la batterie. .;_;.
Quelques-uns, timidement, avec bésitation, essayaient de parler aux officiers, s'excu-
! sàierit, avaient eu Urte lacune, que quelqu'un avait crié et qu'ils avaient
pour expliquer qu'ils
suivi.
prend une importance plus grande à mesure décroît celui des premiers ; ils
que
constituent sur eux en effet un progrès important de
puisqu'ils peuvent s'employer
jour, et mêmejusqu'à un certain point la nuit, alors que les torpilleurs sont à peu
près exclusivement une arme utilisable dans les ténèbres. Nous reviendrons sûr
la description des torpilleurs et des sous-marins dans un autre ; et nous nous
chapitre
bornerons pour le moment à constater que l'invention du torpilleur, il y a quelque
yingt-çinq ans, a porté un grand trouble dans les règles traditionnelles de la guerre
navale en supprimant la possibilité du blocus des côtes ou des ports dont la garde
était confiée à un nombre suffisant de ces petits bâtiments.
Tous nos arsenaux possèdent des flottilles de torpilleurs, dont une partie, constam-
SADVAIRK .TOUEDAK, /l
5o LE PORT DE GUERRE
ment tenus armés, circulent incessamment sur le secteur de la côte qu'ils auraient à
défendre, de façon à en connaître les moindres recoins et à pouvoir agir dans les passes
les plus étroites, les plus sinueuses, au milieu des récifs et des bas-fonds.
Le commandement de ces unités est confié
à de jeunes officiers pour lesquels il
constitue une excellente école de navigation, très pénible souvent, mais où s'acquièrent
et se développent toutes les qualités de sang-froid, de prudence, de décision et d'en-
durance qui leur rendront facile plus tard le commandement d'unités plus impor-
tantes.
CHAPITRE II
Antiquité du navire de guerre. — Birèmés et trirèmes. — Controverses sur les rames. — Drakkars normands.
— Les nefs des croisés. —Prix d'un passage pour la Terre sainte. "— La Monl-Joye de saint Louis. —- Trans-
formations produites dans le bâtiment de combat par l'introduction des pièces à feu. — Galères et galériens.
"
—r Galéasses. —Les caravelles de Colomb. —Les vaisseaux du xvïiesièçle.—Lebàtiment de guerre au siècle
de Louis XIV; -r- Le Soleil royal.. — d'un vaisseau et de son armement. — Rôle des
Puget. Description
— Révolution — L'hélice. — Le — La cuirasse. — Les
frégates. par la vapeur. Napoléon de Dupuy de Lôme.
croiseurs rapides en 1876. — Le navire moderne. — Croiseurs — Croiseurs cuirassés. •— Le ton-
protégés.
— — État.
nage du cuirassé.— Les Dreadnought. L'antagonisme naval entre l'Angleterre et l'Allemagne.
actuel de la marine française. — Nos futurs cuirassés. — Déclin du" — Rôle de plus en plus impor-
torpilleur.
tant du croiseur sous-marin.
Il est vraisemblable que dès que les hommes eurent à se battre entre eux, et ceci
doit nous ramener, n'est-ce pas? à peu près à l'époque où nos premiers parents
furent chassés de l'Eden, ils pensèrent à le faire sur l'eau comme sur terre. Il serait
donc malaisé de chercher la date
précise à laquelle furent construits les premiers
navires de combat. Il n'y a pas de doute en tout cas que leur conception, comme
celle de la navigation en général, remonte à la plus haute antiquité.
Dès les temps d'Homère, le navire de combat étaitdéjà arrivé à un degré de perfec-
tion notable, puisque, au dire du vieil aède, les vaisseaux que les Béotiens construi-
sirent pour aller reprendre de l'autre côté de l'eau la volage Hélène portaient 120
hommes et étaient manoenvrés par 5o rameurs. il n'y a rien
Évidemment, là de
comparable à nos cuirassés de a5ooo tonnés ou à nos paquebots sur lesquels 2 5oo
à 3 000 personnes vivent à l'aise, mais il est clair que ces bâtiments n'étaient point
non plus de simples barques.
Les progrès dans l'art de la construction navale furent rapides. Les Grecs et les
rèmes, en possédaient
qui trois, etc.
De longues et savantes controverses se sont produites de nos jours sur la signifi-
cation de ces mots à deux rangs, à trois rangs de rames. La possibilité d'installer
52 LE NAVIRE DE GUERRE A TRAVERS LES AGES
trois étages de rameurs superposés, séparés les uns des autres par un plancher ou un
pont, a été justement contestée par les marins : la rame supérieure, d'une longueur
démesurée, eût été très difficilement maniable, et comme la rapidité du mouvement
est indispensable pour que le coup d'aviron produise son effet, ces longues rames,
dont on ne saurait obtenir qu'un mouvement compassé, auraient plutôt retardé le
navire que contribué à sa vitesse.
L'amiral Jurien de la Gravière, qui a pris une part importante aux discussions sur
ce sujet, avait donné une explication ingénieuse. Napoléon III, fort intéressé par ces
d'archéologie navale, fit construire en 1861 une trirème de 3gm de long
questions
qui portait i3o rameurs et qui fit à Cherbourg des essais sensationnels.
Le si intéressant ouvrage de Pacini, édité en i844. nous fournit, sur la façon pro-
Dame dont étaient dispo-
sés les rameurs, une ex-
banquette qui courait de l'avant à l'arrière en dehors des aposlis, et ils combattaient à
l'abri de cette sorte de rempart.
Il semble bien que la rame était réservée aux seuls bâtiments destinés à transporter
les guerriers. Les navires de commerce portaient uniquement des voiles, dont d'ailleurs
les trirèmes étaient éga-
lement munies. Ces voi-
les carrées étaient soute-
nues par une vergue qui
s'orientait de façon à re-
cevoir la brise en pointe
et à permettre de navi-
monstres, de dragons.
éperons Leurs
en figuraient l'effroyable tête, leurs flancs
barbares desquels répondaient trop bien les moeurs des équipages qui les montaient.
saint Louis décida d'aller enlever la Terre sainte aux mécréants, il s'adressa
Lorsque
sa petite armée aux Génois et aux Vénitiens, très versés dans l'art
pour transporter
de la navigation et qui, à peu près seuls, possédaient, en nombre suffisant, le type de
( 2) Ibid.
54 LE NAVIRE DE GUERRE A TRAVERS LES AGES
Deux modes de contrats étaient en usage en pareil cas ( 2) ; la location avait lieu, soit par
bateau entier, soit par place, comme de nos jours. En 1268, Marseille loua ainsi plusieurs
bâtiments au roi, moyennant une rétribution de 800 marcs par bateau, et au moment de la
septième croisade, le comte de Forez paya pour sa nef g85 marcs, Jean de Dreux 1 o5o
marcs et l'évêque de Tours 2 600 livres (3).
Dans le second cas, le prix était fondé sur le nombre de places occupées et variait suivant
que les passagers étaient installés dans l'un des deux châteaux disposés à l'avant et à l'arrière
du navire, ou dans le premier
et le second entrepont. Une
place coûtait 60 sols dans la
première catégorie, 35 dans
la seconde et 2 5 dans la troi-
sième. Le prix de passage
d'un cheval et d'un écuyer
était de 55 sols, celui d'un
simple pèlerin 19 sols seule-
ment.
La Mont-Joye, 1
qui portait saint Louis, avait 27" de quille, /lom de longueur totale, i4m de
largeur, om de creux au milieu. Les châteaux avant et arrière s'élevaient à i3m au-dessus de
la quille. Il y avait deux ponts et au-dessus le pont supérieur se composait de deux demi-plan-
chers courant le long du bord et laissant au milieu voir le premier pont. Les chevaux étaient
logés dans la cale.
Le navire était gréé de deux mâts portant deux voiles latines dont les vergues étaient de
longueur égale à celle du bâtiment.
A l'extrémité des mâts étaient des postes pour des veilleurs ou des combattants nommés
gabies, d'où nous est venu le mot de gabier.
Ces nefs avaient une bonne marche. On cite une nef vénitienne qui alla d'Angleterre à
Barcelone en quatorze jours, ce qui serait une traversée très acceptable pour un navire à voiles
de nos jours, et les marins de cette époque ne naviguaient pas mal puisque saint Louis ne perdit
que trois nefs dans son expédition (').
paradis et leur
présence
provoqua parfois des scè-
nes scandaleuses et même
sanglantes (2).
Aussi les marchands
dont les bâtiments por-
taient des pèlerins en
Terre sainte insistaient-
ils pour ne pas prendre
FIG. 45. — La lièale. de femmes à bord.
Lette règle tut même
consacrée dans les statuts de la Commune de Marseille.
Il faut croire que le souvenir de ces désordres a inspiré la mesure générale en
vertu de laquelle le sexe faible se voit rigoureusement consigner de nos jours encore,
sauf en quelques circonstances particulières, l'accès des navires de guerre.
de la poudre à canon,
L'invention au xiv" siècle, amena de grands changements
dans l'armement et l'aménagement des navires de combat. On commença par pla-
cer à bord des nefs des couleuvrines, des bombardes, des sacres, qui armaient
bruyantes inventions de l'artillerie, permit d'en armer les flancs des navires en y
(') Navires d'autrefois et d'aujourd'hui. Conférence faite par M. Clerc-Rampal au Yacbt-Club de France, le 21
mars igo5.
( 2) PACINI, La Marine,
56 LE NAVIRE DE GUERRE A TRAVERS LES AGES
Quelques-uns de ces bâtiments sont restés célèbres, tant par la beauté de leurs
formes que par la richesse de leur ornementation. Telles étaient la Béale et la Dau-
(') Je ne puis manquer de signaler en passant la triste situation de ce musée, unique au monde, qui ren-
ferme, avec les spécimens des oeuvres de nos grands sculpteurs et architectes navals, des trésors d'archéologie
maritime de toutes sortes. En dépit de quoi, personne ne s'y intéresse en dehors d'un groupe de personnalités
dévouées. Le Louvre, où il a trouvé un asile qu'on lui rogne tous les jours, a décidé de s'en défaire, et pour obéir
à cet ukase, on reléguera le Musée de la Marine n'importe où, dans quelque local où faute de place, faute de
crédits aussi pour l'entretenir, il finira par disparaître.
SAUVA1RE JOURDAN PL. Il
Rampai, ne nageait pas tout entière ; on désarmait un tiers ou la moitié des avi-
rons et les galériens se relayaient. Quand on voguait tous ensemble, la vitesse attei-
pensables.
La galère Béale, dont on peut voir un beau dessin (fig. 45), était réservée au roi,
au général commandant
les galères, aux grands
personnages du règne de
Louis XIV. L'illustre sculp-
teur et architecte naval
les commander et ils devaient sur leur tête de ne pas refuser le combat à 25
jurer
galères ennemies.
Les xve et xvie siècles furent, entrede la navigation.
tous, Ils virent
les siècles les
but qu'il se proposait. Les caravelles que lui fournit le roi d'Espagne étaient des bâti-
TEMPS MODERNES
employés jusqu'alors. On
les eut désormais en trois
FIG. 48. — Le Souverain nés mers. tronçons, ce qui d'abord
facilitait leur fabrication,
et présentait des avantages évidents lorsqu il s agissait de les
remplacer en cas
d'avarie. En outre, la disparition progressive des formes surélevées, comme celle
des châteaux d'avant et d'arrière,
permit de rechercher une meilleure marche en aug-
mentant la surface de la voilure ; il fallait pour cela pouvoir allonger les mâts, et ce
n'eût pas été possible en les faisant d'un seul tronc d'arbre.
Le siècle de Louis XIV, si grand sous d'autres rapports, le fut aussi pour ce qui
concerne l'art de la construction navale militaire. Les ordonnances de 1689 vinrent
apporter l'ordre et la méthode là où, jusqu'à présent, la fantaisie ou, pour mieux
dire, la science particulière de chaque constructeur avaient seules régné.
Les Conseils des Travaux s'organisent('), l'Ecole du génie maritime se fonde, les
ingénieurs qui en sortent procèdent à la confection des plans des navires et se trans-
mettent les traditions.
Le plus bel échantillon de la marine des premières années du règne de Louis XIV
est le Soleil royal, qui présentait sur la Couronne de nombreuses améliorations,
notamment en ce qui concerne l'avant. Celui-ci s'est en effet relevé de manière à se
mieux défendre delà mer et à servir de point au beaupré dont la bonne tenue
d'appui
intéresse celle de la mâture tout entière.
L'arrière s'est encore abaissé. Il reste cependant majestueux et bien propre à figu-
en ces
rer le faste et la grandeur d'un règne et d'un monarque qui ont détenu le record
matières, le langage assez irrespectueux d'un siècle où ces grands dehors
pour parler
sont abandonnés.
Trois lanternes dorées couronnaient les angles et le milieu de la
magnifiques
des balcons en faisaient le tour à chaque étage, et de gracieuses tou-
poupe; sculptés
relles, des néréides et couvertes d'ornements et d'attributs marins, mas-
portées par
le raccordement des flancs du navire avec cette poupe somptueuse(1).
quaient
L'armement du Soleil se composait de 112 canons de bronze lançant d'une
royal
seule bordée 1 35o livres
de fer. Il portait 1 200
hommes d'équipage.
Le commencement du
partie extrême de l'avant du navire, taillée en éperon pour diviser l'eau, se relève
jusqu'à hauteur du pont supérieur ; le beaupré, qui s'y appuie et s'y lie solidement,
est dépouillé de ses voiles carrées et ne porte plus que les voiles triangulaires
appelées
focs, qui facilitent grandement les évolutions du navire, en faisant tourner son avant ;
la voile latine portée par le mât d'artimon et qu'on appelait l'ourse disparaît pour
faire place à la brigantine.
En 1760, les Etats de Bourgogne offrirent au roi Louis XV un vaisseau à trois
batteries ou ponts et qui reçut leur nom" (2). C'était un bâtiment magnifique dont
la solidité et la perfection de construction furent prouvées par sa longue et glorieuse
carrière. Radoubé et remanié lors de la guerre il portait sous la Répu-
d'Amérique,
blique le pavillon aux trois couleurs et s'appelait la Montagne. L'amiral Villaret de
(') On peut voir au musée de la Marine un très beau modèle du Soleil royal, exécuté sous Louis-Philippe et
où se retrouvent reproduits avec une fidélité scrupuleuse, tous les ornements, toutes les sculptures que Coysevox
avait dessinés pour le vaisseau lui-même. (Clerc-Rampal.)
( 2) PACINI, Op. cit.
6o LE NAVIRE DE GUERRE A TRAVERS LES AGES
péries les matelots dont les hamacs se suspendaient dans les batteries, et à la mer
lorsque celle-ci était assez forte pour menacer de s'engouffrer par les sabords.
LE NAVIRE DE GUERRE A TRAVERS LES AGES (il
Faute d'avoir pris cette précaution, tout au moins pour leur batterie basse, nombre
de bâtiments ont sombré sous une rafale, qui les inclinait de façon à plonger dans
l'eau la ligne inférieure de leurs sabords.
Le plus célèbre de ces naufrages est celui du vaisseau anglais Boyal Georges que
l'amiral Kempenfeld avait ramené à Plymouth, en 1789, chargé de prises de la plus
On mit les voiles au sec, en les hissant, sans avoir la précaution d'attacher les bras ( 2) des
vergues. Tous les sabords étaient ouverts, le vaisseau à moitié déchargé était fort mal lesté :
une brise s'éleva subitement du travers, orienta les voiles abandonnées à elles-mêmes et fit
coucher le vaisseau qui se remplit par ses sabords et coula à fond; neuf cents hommes et
l'amiral lui-même y périrent. La fin tragique de ce beau vaisseau est relatée sur le monu-
ment qui lui a été élevé dans la basilique de Saint-Paul de Londres.
Cet exemple, qu'il serait facile de tant d'autres, montre bien que pour le
d'appuyer
marin il n'est jamais de repos absolu. Le soldat qui, après une manoeuvre, une cam-
complète ; il lui reste tout au plus le souci de nettoyer ses armes et de les préparer à
servir de nouveau. Le marin doit être en défiance ; la lutte est constante
perpétuelle
( 2) Cordages qui aboutissent aux extrémités dos vergues et servent à les orienter sur un bord ou sur l'autre,
suivant la direction du vent.
62 LE NAVIRE DE GUERRE A TRAVERS LES AGES
avec l'élément le
et d'où, à chaque moment, peut surgir le danger, la
qui
porte,
catastrophe qui emportera le bâtiment avec ceux qui le montent. On conçoit que cette
vie où les sens sont ainsi constamment tenus en éveil doit, mieux que toute autre,
aiguiser au plus haut point
les qualités de sang-froid,
d'observation, de décision,
en un mot tremper les
coeurs.
L'artillerie d'un vaisseau
ponts était
à trois disposée
comme il suit :
La batterie basse ou pre-
mière batterie contenait
les canons longs du calibre
de 3o, la deuxième ceux de
3o courts. La batterie
hauteportaitlescaronades.
FIG. 5a. — Les Etals de Bourgogne à trois
(vaisseau ponts, 1760). Sur le pont supérieur
du vaisseau, que l'on appe-
lait les gaillards, à l'air libre, on plaçait encore une batterie de caronades ; si bien qu'en
somme les vaisseaux à trois et au total 120 canons.
ponts portaient quatre batteries,
Dans chaque batterie, autour des sabords, étaient disposées les armes de main,
par les règlements, de ne garder de barbe que ce qui ne pouvait pas gêner l'émission
des sons, c'est-à-dire de supprimer tout ce qui entourait la bouche, et avant tout la
moustache.
Sur le pont des bâtiments de guerre, au milieu du fouillis en inextri-
apparence
cable des cordages, dans
jours d'inspections et de
fêles un ordre si artisti-
rangée, d'où leur nom de vaisseaux de ligne. Les bâtiments légers étaient employés
à porter les ordres, à répéter les signaux sur le flanc des flottes, à courir à la décou-
verte, à tenir le contact de l'ennemi et à le harceler.
Les frégates, si gracieuses avec leur coque légère et leur immense voilure, étaient
particulièrement propres à toutes ces missions. Elles avaient en outre la charge, fort
Le bâtiment à voiles semblait avoir atteint la perfection, tant pour les dispositions
de la coque, la répartition et la puissance de l'artillerie, que pour les dimensions des
64 LE NAVIRE DE GUERRE A TRAVERS LES AGES
qu'après la voile. On ne
saurait d'ailleurs leur re-
procher ce sentiment, en
vertu duquel les bâtiments
de guerre ont gardé de
hautes mâtures et des voi-
lures plus ou moins com-
Dupuy de Lôme, fut prête en 1860. Sa cuirasse de fer forgé de 12™ d'épaisseur
était impénétrable pour l'artillerie de cette époque. Sa vitesse de i3 noeuds lui assu-
rait une marche très supérieure à celle de tous les navires de guerre parmi ses con-
temporains, enfin ses formes lui donnaient toutes les qualités d'un vrai bâtiment de
mer avec une grande facilité d'évolution.
SAUVAIRE JOURDAN. 5
66 LE NAVIRE DE GUERRE A TRAVERS LES AGES
pouvait se breveter, la France serait devenue à cette époque et restée pour longtemps,
avec la flotte nouvelle dont la Gloire et le Napoléon furent les prototypes, la maî-
tresse incontestée des mers.
Les fort divisés de Sécession, et sous des
Etats-Unis, par la guerre l'aiguillon
événements, marchèrent, en fait de navires cuirassés, dans une tout autre voie que
la France. La nécessité de pénétrer dans les baies peu profondes et les estuaires des
fleuves leur fit créerle garde-côtes ou monitor, sorte de bâtiment à faible tirant d'eau,
de dimensions moyennes, couvert d'une cuirasse en dos de tortue qui enveloppait
complètement toute la
vigation au large.
appareils vitaux.
C'était le cas de nos croiseurs plus ou moins rapides. On imagina alors de leur
donner une sécurité relative en plaçant sur une certaine hauteur à la flottaison une
double coque. De très nombreuses cellules remplissaient l'intervalle entre les deux
d'intercepter d'une façon suffisante, sinon complète, les rentrées d'eau que peut ame-
ner le passage d'un projectile. Mais cette mesure était insuffisante, parce qu'elle
n'écartait pas le danger
de l'éclatement de l'obus
dans l'intérieur. On la
compléta en inventant le
coque.
On eut ainsi le croiseur protégé.
Par une pente fatale, on fut entraîné rapidement à penser qu'il serait avantageux
de mettre le croiseur en état de lutter victorieusement contre les bâtiments du même
type que posséderait l'ennemi. Le moyen le plus sûr ne consistait-il pas à donner à
son artillerie la protection déjà assurée à ses organes vitaux et à sa flottaison? C'était
l'évidence même. L'idée du croiseur cuirassé était née.
Le premier de ces navires fut encore construit en France. C'est le Dupuy-de-Lôme
lancé en 1890 et qui vient à peine d'achever sa carrière. Toute son artillerie était ren-
fermée dans des tourelles blindées à 1 oomm et une cuirasse de 11 omm couvrait sa ligne de
flottaison et une partie de ses flancs. Ce type nouveau eut un grand succès. Toutes
les marines construisirent à l'envi des croiseurs cuirassés qui, par l'évolution ordi-
68 LE NAVIRE DE GUERRE A TRAVERS LES AGES
naire, devinrent, avec les années, de plus en plus grands, déplus en plus cuirassés,
de plus en plus puissants.
Si bien, qu'à l'heure actuelle, on trouve dans les marines allemande, anglaise, des
croiseurs cuirassés dont le déplacement atteint et dépasse 22 000 tonnes et équivaut à
celui des plus puissants cuirassés. La différence qui subsiste encore entre les deux
genres de navires réside en une vitesse supérieure et une artillerie moins puissante
chez le croiseur cuirassé.
Quoi qu'il en soit, les deux types tendent de plus en plus à se confondre en un
seul. Déjà, d'ailleurs, on voit poindre pour le croiseur cuirassé la dénomination de
cuirassé rapide qui lui convient très bien, et il est vraisemblable, qu'après un
règne d'une vingtaine d'années, le croiseur cuirassé va disparaître en tant que type
particulier.
Jusque vers l'année 1904, le tonnage maximum des cuirassés se maintint, dans
les principales marines,
aux environs de 13 000
tonnes. C'étaient, de l'avis
que l'Angleterre préparait, dans le secret le plus absolu, la construction d'un cuirassé
d'abord, qui dépasse 18000 tonnes, et par son armement uniquement composé de
10 pièces de 3ocra (*) enfermées par paires en cinq tourelles. De plus, par une
autre innovation, tout au moins pour une unité de cette importance, les machines
alternatives étaient remplacées par quatre turbines développant au total une puissance
de 25 000 chevaux. La vitesse obtenue était de 21 noeuds.
Le Dreadnought, avec toutes ces nouveautés, était une de ces expériences comme
seules peuvent se permettre d'en faire les marines riches. Celle-ci réussit d'ailleurs
à souhait et, comme on y comptait, donna à l'Angleterre une avance considérable sur
tous ses rivaux maritimes, alliés entre eux ou non. Son formidable cuirassé, en état
d'ailleurs, par sa vitesse, d'accepter ou de refuser le combat, présentait sur tous ses
rivaux une supériorité si
écrasante qu'il eût pu à
lui seul en affronter plu-
sieurs à la fois.
Le coup de maître réa-
lisé par l'Amirauté an-
parler de ceux qu'elle prépare, que l'ère des inquiétudes s'est promptement
rouverte en Angleterre et y a même, à certains moments, tourné à l'angoisse. L'Ami-
rauté s'est alors à son tour mise à l'oeuvre, sous la pression d'une opinion publique
surexcitée ; elle a accumulé les mises en chantier, pressé les constructions com-
mencées, et non sans effort, a réussi, somme toute, à maintenir au pays une supé-
riorité incontestée.
l'Europe? C'est le secret d'un avenir qui, au train dont vont les choses, ne saurait être
lointain !
Le principe du cuirassé monstre une fois admis, on en est arrivé fort Arite à ne plus
se contenter du tonnage de 18000 tonnes. Chacun voulant enchérir sur son A7oisin
et entasser sur une seule unité le plus grand nombre possible de gros canons, on
est arrivé à 20000, puis à 23 000 tonnes ; c'est le chiffre de nos cuirassés actuelle-
ment en construction. Les derniers cuirassés américains du type Arkansas jaugent
26 000 tonnes et ceux qui suivront atteindront 3o 000 tonnes.
Cette course au clocher doit d'ailleurs trouver son terme ; peut-être est-il atteint
pour quelques nations dont les ports, rades, canaux neprésentent pas la profon-
deur nécessaire à l'accès de mastodontes calant plus de 10 mètres.
Comme toutes les autres, la marine française traverse une période de transforma-
tion. Les cuirassés
de tonnage moyen (12 000 tonnes) qu'elle avait construits jus-
qu'en 1900 ont passé de mode, comme je viens de le dire, et pour les remplacer,
elle a mis en chantier une flotte au goût du jour.
Actuellement, cette flotte moderne ne comprend encore que 12 unités.
En commençant par les derniers venus, on y trouve les 6 bâtiments de 18000
tonnes qui portent les noms de Danton, Diderot, Condorcet, Mirabeau, Voltaire,
Vergniaud. Ce sont
de très beaux et très puissants navires armés de l\ pièces de
3ocm et de 8 de nàcm, disposées deux par deux en tourelles fermées. 26 pièces légères
de 75 et hrJmm destinées à repousser les attaques des torpilleurs et deux tubes lance-
combustible, et
qui ap-
proche de 11 noeuds.
On a fait, en cette
matière d'approvisionne-
ment de charbon, des
progrès considérables. On
se contentait, ily a quinze
ans, de 6 à 800 tonneaux
ligne moderne, viennent encore quelques unités qui ne pourraient évidemment pas
figurer avec avantage dans une rencontre où ne paraîtraient que des cuirassés du type
Dreadnought. Mais il faut bien noter que, pour un certain nombre d'années encore,
les grandes marines auront à utiliser des navires de modèles semblables aux nôtres,
ni plus ni moins démodés,
Super-Dreadnought et qu'à
ces escadres il nous sera
tout à fait loisible d'oppo-
ser des forces navales com-
péri l'Iéna, son similaire. Le Suffren, lancé en 1899, jauge 12 700 tonnes, et porte
4 pièces de 3ocm, 10 de i6cm et 8 de iocm.
Derrière lui apparaît une division homogène des Charlemagne, Gaulois,
composée
Saint-Louis, mis à l'eau en 1897, jaugeant 11 3oo tonnes, armés de 4 pièces de 30™,
iode i4cm et 8 de iocm. Enfin le Masséna, le Bouvet, le Carnot, le Jauréguiberry,
de 12000 lancés en 1898, 1896, 1895,
tonnes, 189/4, doivent encore être comptés
comme susceptibles de rendre de bons services contre des ennemis de même
valeur.
Avec ces navires, nous
atteignons la limite d'âge généralement inmosée aux cui-
rassés et qui est de vingt années. Ce n'est pas dire qu'après vingt ans de service, un
bâtiment de ce type soit hors d'état de naviguer. Point du tout. La solidité de la con-
struction en acier recule au contraire cette date à un âge indéterminé. Mais les
valeur militaire telle qu'elle vaille les sommes toujours considérables exigées par l'en-
tretien d'une unité, surtout vieillie.
D'une de garde-côtes
douzaine cuirassés, le ministère de la Marine a décidé de ne
plus garder qu'une unité, le Henri IV, lancé en 1899. jaugeant 9000 tonnes et
par-dessus (').
Les deux dernières tou-
relles seront placées sur les
flancs.
FIG. 65. — Le Jean-Bart. (Programme de 1910.) Ces bâtiments pourront
donc utiliser 10
pièces de
3ocm par le travers, 8 en chasse et autant en retraite. Ils seront mus par des turbines
et doivent donner (2). 21 noeuds
La marine française compte actuellement une flotte imposante de croiseurs cuiras-
sés. Nous avons vu d'où procédait ce type de navires et comment on tendait à y
renoncer, ou du moins à le confondre avec le cuirassé dans un type unique, plus ou
moins rapide.
Nos premiers croiseurs cuirassés, construits de 1891 à i8g3, étaient de petits bâti-
ments dont le déplacement ne dépassait pas 6 000 tonnes (c'est celui du Dupuy-de-
Lôme, dont nous avons parlé plus haut), et qui, excellents pour leur époque, ne
(') Revenant enfin à la saine et logique tradition, l'amiral Boue de Lapeyrère,ministre de la Marine, a décidé de
donner aux bâtiments mis en construction sous son Ministère des noms de marins célèbres ou d'officiers morts
au feu. C'est ainsi que les deux cuirassés en construction à Brest et à Lorient porteront les noms glorieux de
Courbet et Jean-Bart.
( 2) Le programme de l'amiral Boue de Lapeyrère comporte une escadre de 7 unités de a3 4oo tonnes, dont les
deux premières sont, comme il a déjà été dit, en chantier. Les cinq autres y seront mises prochainement ; il faut
l'espérer tout au moins.
LE NAVIRE DE GUERRE A. TRAVERS LES AGES
74
qui est restée seule de son type et n'a jamais donné que des résultats médiocres.
Tous ces bâtiments sont protégés contre les obus par un double cuirassé,
pont
une forte ceinture de flottaison montant plus ou moins haut, mais assez pour défen-
dre la majeure partie des flancs. Ils portent tous une nombreuse artillerie légère
contre les torpilleurs, et un nombre de tubes lancé-torpilles sous-marins variant de
deux à quatre.
Pour ce prix on avait autrefois 25 Araisseaux à trois ponts, le prix moyen de ces
navires étant d'environ trois millions.
Dans ces conditions la flotte d'un pays pèse d'un poids considérable sur ses res-
sources budgétaires, et on conçoit la nécessité où l'on se trouve de consacrer soi-
apparition causa quelque émoi de l'autre côté de la Manche. Il y fut répondu d'ail-
leurs par la construction immédiate de naAires analogues, mieux armés et encore
plus rapides, qui auraient fini par aA~oir raison des nôtres. D'ailleurs, les idées sur
la guerre de course se sont tout à fait modifiées, au point qu'elle ne paraît plus deAroir
être jamais possible, et c'est encore une des causes pour lesquelles le type du croi-
seur est appelé à perdre de plus en plus son importance ancienne.
Nous trompons encore dans la liste de la flotte française : 8 croiseurs protégés, de
tonnage et de Aitesse inférieurs à ceux que je Ariens de citer. La plupart d'entre eux
ayant fait un service très actif et très pénible sur la côte du Maroc, arrivent, avant
même le terme
des Aingt années fatidiques, au bout de leur carrière, et on enA'isage leur
utilisation dernière comme pontons ou naAires poseurs de mines. Il en est de
même ou à peu près pour 16 petits croiseurs construits aATant 1900 et qui remplis-
saient dans nos escadres les fonctions de répétiteurs de signaux, ou de contre-
torpilleurs.
Ce dernier rôle est maintenant réservé dont notre marine
à un
type de bâtiments
possède 74 exemplaires, de déplacements Arariant entre 3oo et 716 tonnes. Les i3
derniers et tous ceux qui les suivront sont mus par des turbines. Les contre-torpil-
leurs étant chargés, comme leur nom l'indique clairement, de donner la chasse aux
(*) Les renseignements donnés dans ce chapitre sur les caractéristiques de nos navires de guerre ont été tirés
du Carnet des Flottes de combat en igio du capitaine de frégate DE BALINCOURT. Berger-Levrault, éditeur.
76 LE KAVÏRË DE GUERRE A TRAVERS LES AGES
torpilleurs. doiArent avoir une Aitesse supérieure à celle de leurs adArersaires éArentuels;
aussi Aroyons-nous tous ces petits bâtiments donner de 27 à 3i noeuds, ce dernier
chiffre, ainsi que le déplacement de 715 tonnes, étant d'ailleurs réservé aux contre-
à l'ingénieur des Constructions naArales français Laubeuf qui, dès les premiers jours
où la navigation sous-marine se fit l'apôtre du type à grande
prit tournure pratique,
flottabilité, ne parvint à faire admettre de longs et patients
qu'il cependant qu'après
efforts.
vue
Là encore s'est
produite l'évolution ordinaire. Notre pays occupe au point de
maritime une situation favorable. A cheval sur les deux mers du
exceptionnellement
monde les plus fréquentées, il Aroit passer à proximité de ses côtes, sinon toutes, du
moins les plus importantes des routes de mer par où se fait le commerce du monde
entier, routes que suivraient forcément les flottes de guerre au jour d'un conflit (2).
Tous les navires des nations du Nord de l'Europe passent par la Manche, dont nous
chemin des Indes
tenons puis devant Cherbourg
l'issue, et Brest. La Méditerranée,
et de cet Extrême-Orient où se débattent et se débattront de plus en plus les grands
de l'activité mondiale, est sous les vues de Toulon et de Bizerte.
problèmes
Ces heureuses dispositions, qui nous mettent aux portes des mers resserrées, nous
(*) Des explications plus complètes sur les caractéristiques des deux types se trouvent au chapitre vin, qui
traite de la navigation sous-mârine.
( 2) Lire à ce sujet l'ouvrage très intéressant et très documenté de l'amiral FOTJRKIEK : La Politique navale et la
flotte française. Berger-Levrault, éditeur.
LE NAVIRE DE GUERRE A TRAVERS LES AGES
78
Nos derniers bâtiments, jaugeant 700 tonneaux (*), ont les qualités de tenue à la
mer, de vitesse, d'habitabilité qui les rendent aptes à de longues randonnées et justi-
fient le nom de croiseurs sous-marins qu'on a proposé de leur donner.
Opérant par groupes sur lès grandes voies maritimes, on peut penser qu'ils en seront '
les maîtres. Associés aux escadres, tout au moins pour des expéditions pas trop loin-
taines, ils serontpour elles un renfort redoutable. Enfin, on peut envisager sans outre-
cuidance la possibilité pour eux d'atteindre un certain nombre de points du littoral
européen, où, en cas de conflits, leur présence et leurs opérations apporteraient
eAidemment un grand trouble. ..-"_.',
0) Type Archimede.
CHAPITRE III
sommaire d'un cuirassé. ^— Le caisson blindé renferme les organes vitaux du navire. -— Machines.
Description
— à gouverner.
Appareils
Le blockhaus. — Son — Le blockhaus du Césarevitch à la bataille du 10 août i go4. — La torpille
importance.
— Tube de lancement. — Sous le — L'efficacité —
automobile. pont cuirassé. delà torpille .automobile.
— Les derniers —
Quelques exemples démontrent qu?on peut s'en garer. progrès réalisés. L'éperon est aban-
donné.
Les moyens défensifs. — La cuirasse.,— La lutte de la cuirasse et du canon. — Cuirasses de fer. — Cuirasses
d'acier> — Procédé Harvey. — L'aciër-nickel. — La cémentation.— Les épreuves.des plaques.
Chaudières "cle divers modèles.,— Tubes de feu et tubes d'eau. — Le charbon.— Ce qu'en consomme un navire.
— Le rayon d'action. ^^Ravitaillement, en rade, à la mer. — L'exemple de la .flotte russe de Rodjest-
. venski. — La chauffé au pétrole. — des lions tuyautages de vapeur..— Machines. —
L'importance Usage
delà vapeur eil détente. —-Machines 1à multi]}les — Machines verticales, horizontales. —
expansions. Descrip-
tion d'une machine de 17 5oo chevaux. — Les turbines à action, à réaction. — Installation des turbines du
Danton. —Examen des machines' à turbines et alternatives. — Les moteurs à — Le
comparatif explosion.
moteur Diesel. •— Les moteurs à gaz.
AMENAGEMENT DU NAVIRE
réceptacle d'une foule d'appareils tous plus, compliqués, tous plus délicats les uns
que les autres, accumulés, entassés, boulonnés dans tous les coins disponibles, avec
une telle profusion, dans les flancs d'un bâtiment de guerre de
qu'une promenade
nos jours ressemble assez bien à une visite dans les galeries d'une exposition de
machines-outils.
U a bien fallu
en effet appliquer les procédés mécaniques à la manoeuvre d'un
matériel dont le poids et les dimensions vont sans cesse en grandissant.
Nous sommes loin du temps où quelques bras robustes suffisaient à pointer, charger
les canons, à monter des soutes les projectiles et les sacs de poudre. En effet, nos
pour virer le cabestan, hisser les embarcations, pointer les canons et même les écou-
villonner et les charger, monter jusqu'à eux les projectiles énormes et leurs charges
de poudre. Le tout sans tenir compte encore des services multiples que des bras ne
sauraient rendre : éclairage, ventilation, épuisement des voies d'eau, extinction des
incendies, etc.
Pour ne plus employer le bois, que l'acier a remplacé complètement, les construc-
FIG. 66. — des couples d'un navire de guerre et des cloisons étanches.
Montage
qui auraient paru fabuleux il y a trente ou quarante ans, n'en suivent pas moins,
dans les grandes lignes, les procédés de leurs devanciers.
On ne cherche plus dans les forêts, et on ne réserve plus comme arbres du roi, les
chênes aux puissantes ramures dont les fourches étaient reconnues aptes à former
l'ossature des vaisseaux ; on ne prépare plus dans les ateliers, à grands coups de
hache ou d'herminette, les savantes entailles, nommées écarts, où se complai-
saient les habiles charpentiers, et qui servaient à assembler, suivant des lignes com-
Comme autrefois pour les couples en bois, les tôles qui forment la carcasse du
bâtiment et qui s'appellent toujours des couples, prennent leur point d'appui sur la
pliquées sur les couples, et à leur tour les mécanismes divers renfermés dans la coque
du navire et destinés à le faire mouAroir
se peuArent assimiler aux organes vitaux,
coeur, poumons, estomac, qui remplissent la cavité thoracique.
Les couples du bâtiment reçoivent doncnh revêtement de tôles qui, en empêchant
l'eau de pénétrer à l'intérieur, donne au navire sa floLtabilité.
Des plans de, tôle horizontaux ou légèrement incurvés, placés à une certaine dislance
les uns des autres et solidement rivés sur les couples, donnent à l'ensemble de la
construction rigidité et solidité.
Ce sont les ponts qui, par ailleurs, sont nécessaires pour porter les logements et
l'artillerie. =
- de fortes cloisons,
Enfin, placées à intervalles assez rapprochés et perpendiculaire-
ment à la quille, diA'isent la coque en compartiments dits étanches, dont la con-
tenance est calculéepour que la flotlabilité du naAire, c'est-à-dire son existence,
ne soit pas compromise si un ou même plusieurs de ces compartiments sont envahis
d'épaisses plaques d'acier qui protégeront la flottaison, partie Aitale où toute déchi-
rure provoque l'enA'abissement de la coque par l'eau. Cette protection de la flottaison
ne se borne pas à la ligne où l'eau lèche les flancs du navire ; pour qu'elle soit assurée
en toutes circonstances, les plaques de cuirasse descendent à plus d'un mètre au-des-
sous et s'éhYvent à deux mètres environ au-dessus.
La position de la ligne d'eau
dépend en effet de plusieurs causes. Si le bâtiment
est lège, par exemple après une assez longue naAigation qui aura réduit sa provision
de charbon, celte ligne sera située très bas ; elle remontera beaucoup plus haut en
revanche au départ du port, au moment où le bâtiment portera ses approvi-
sionnements au grand complet. Les roulis et de même la bande ou la. gîte Ç) que peut
(J) Termes indiquant l'inclinaison plus ou moins durable que prend un bâtiment pour une cause quelconque,
par exemple le déplacement, accidentel ou non, d'une partie de la cargaison, et, pour un navire à voiles, la pres-
sion du vent sur la voilure.
SA.TIVA.IKE JOURDAN. G
FIG. — Vue "
C7. d'ensemble d'un cuirassé du DANTON
type
1 Cuirasse.
15 Mât de pavillon.
2 Hublots. 27 Colonne AU aire
(Fanaux de nuit).
16 de drisses. pour signaux 41 Blockhaus,
3 Coupée. Vergues 28 Feu de commandement
17 Marocain les drisses (contre-amiral). 42 Observatoire de tir,
4 Sabords. (pour des pavillons de 29 Feu de commandement
(vice-amiral). 43 Patacrelle. •
5 Sabords signaux). 30
à charbon. Tangon, 44 de l'amiral).
18 Drisses de pavillon. Majorité (passerelle
6 Ëcubier. 31 Porte-manteau des embarcations.
19 Pavillon de proue au grandes 45 Tourelle cuirassée pour a canons de 3orm (avant).
7 Échelle de mouillage. 32 Porte-manteau d'embarcation
pilote. 20 Flamme de la marine de guerre.
46 Tourelle cuirassée pour 3 canons de 3oCD 1 (ar-
8 Echelle de 33 Vedette à
coupée. 21 Corne de combat vapeur. rière),
9 Cabestan. (poste du pavillon national). 34 Canot à vapeur. 47 Tourelle cuirassée 2 canons
22 Feu de mouillage. pour de' 24"".
10 Cheminées des chaufferies 35 Baleinière de
avant. 23 Feu de remorque. sauvetage. 48 4 canons de 75n"n en batterie,
11 Cheminées des chaufferies 36 Bouée de
arrière. 24 Feu de hune. sauvetage. 49 a canons de
75°"".
12 Cheminée d'évacuation des 37 Mât militaire.
machines. 25 Feu à éclat. 50 Capot de pointeur.
13 Cheminée des cuisines. 38 Projecteur.
nn T? » , 51 Antenne de T. S. F,
14 26 r eu de route \ rouée à bâbord. 39 et son habitacle.
Ventilateurs. t • . -r Compas
I . vert ? a tribord. 1
40 Capots des télémètres.
Litjue maritime française.
Caraclërîstiaues : Longueur i34m; 2Ûm ; Tirant d'eau 8m,38 ; Déplacement Ï4 8651 ; Force Vitesse d'action 8 4oo milles à 10 noeuds
Largeur 17600 ch.-vap. 19 noeuds; Rayon ;
Équipage 793 nommes dont 3o officiers. Prix de revient 36,5 millions.
Armement: !\ canons de 3ocm ; 18 canons de iCl'm ; 26 canons de k'1mM\ 5 tubes lance-torpilles.
Protection : Voir la figure 109.
1 Double coque. 13 Servo-moteur. 25 Coursive latérale faisant leB coffer- 36 Tourelles do 2 canons de [G'™.
communiquer accouplés
2 Kperon. 14 Puits aux chaînes. dams. 37 Casemate de 1 canon de i6qB>.
3 Gouvernail. 15 Projecteur. 26 Infirmerie. 38 Casemate.
4, 4, Hélices. 16 Appartement du commandant. 27 Chaufferies. 39 Artillerie secondaire (pièces de 't]"™).
5 Limite supérieure de la cuirasse. 17 Cabines des officiers. 28 Chaudières. 40 Tube L. T. mobile.
6 Limite inférieure de la cuirasse. 18 Carré des officiers. 29 Machinerie. 41 Tube L. T. fixe sous-marin.
7 Mât militaire. 19 des maîtres. 30 Ventilateurs. 42 Soute des 3o°".
Logement
8 Passerelle. 20 de
Logement l'équipage. 31 Cheminées. 43 Soute des IÔ*1*.
9 Blockhaus. 21 Cuisines. 32 44 Soutes.
Dynamos.
10 Chambre des cartes. 22 Cambuse. 33, 35, Tourelles cuirassées, armécB de deux canons 45 Soutes à charbon,
11 Chambre des montres. 23 de Citerne à
Magasin. accouplés So1"1*. 46 pétrole.
12 Timonerie. 24 Coursive centrale. du Citernes à eau.
34 Capot pointeur. 47, 48,
8/4 LE NAVIRE DE GUERRE MODERNE
chaque instant la position de la ligne d'eau. La cuirasse devra couvrir la coque sur
la hauteur où la ligne de flottaison se déplace ; elle devra la couvrir encore bien
contre les obus qui viendraient la frapper au-dessous de
plus bas, pour la protéger
1 eau sans avoir, au préa-
lable, traversé une couche
de liquide assez épaisse
pour que leur choc soit
suffisamment amorti.
Au-dessus de cette cui-
rasse de ceinture, dont le
bord supérieur s'élève pra-
qui théoriquement doit être à l'abri de toute avarie causée par les projectiles.
Aussi y renferme-ton les appareils vitaux du navire, ceux qu'il importe de sous-
traire aux atteintes des ODUS
peuventégalementla crever.
r,n denors du combat meine, un acculent de navigation peut toujours la déchirer
contre un rocher. Les torrenls d'eau
qui pénétreront par ces ouvertures béantes
seront sans doute arrêtés par les cloisons étanches dont j'ai parlé plus haut et dont
notre cuirassé sera muni.
Mais on a pensé que cette disposition ne donnerait pas encore une sécurité absolue
LE NAVIRE DE GUERRE MODERNE 85
et qu'il était bon de réserver aux cloisons étanches le rôle de la dernière ressource.
En conséquence, on tend de plus en plus à doubler et même à tripler la coque dans sa
par la quantité d'eau relativement faible qui se sera ainsi logée dans ses côtes.
Le plus important des appareils enfermés dans le caisson blindé est la machine
avec ses nombreux acces-
soires, chaudières, arbres
de couche, etc.
Les navires modernes
Une foule d'organes vitaux trouvent encore place sous les ponts cuirassés et par
multiples et impérieuses besognes aussi nécessaires pour la vie du navire que les
battements du coeur pour celle du corps humain. Les chauffeurs ne pourraient plus
charger les lourneaux des
chaudières, d'où arrêt des
machines par suile du
manque de vapeur ; il
deviendrait impossible
aux hommes chargés du
maniement des muni-
tions des canons, de les
que l'on trouve généralement dans la cale, la soute aux vivres, également dénom-
mée cambuse, la soute aux prélarts qui a remplacé la soute aux voiles et où sont
renfermées les tentes, et quelques autres.
Le gouvernail, ou pour mieux dire l'ensemble des appareils qui servent à diriger le
bâtiment, est un organe si nécessaire que l'on prend toutes les précautions pour le
mettre à l'abri des accidents.
Ce gouvernail, dont la partie supérieure apparaissait au-dessus de l'eau sur les
anciens vaisseaux en bois et qui était de ce faitassez exposé aux boulets, estmaintenant
descendu au-dessous de la flottaison
et complètement caché.
La forme de cet auxiliaire de la navigation a également beaucoup
indispensable
varié. Une faible largeur lui suffisait autrefois pour faire évoluer les navires à voiles
dont la longueur ne dépassait pas 8om et dont le rapport de la longueur à la largeur
était d'environ 3, 5,
LE NAVIRE DE GUERRE MODERNE
Les cuirassés modernes ont couramment i55m de long avec 2 6m'de largeur (*), la
'
surface de leur gouvernail a dû être augmentée considérablement pour arriver à les
faire tourner dans un espace raisonnable.
Il faut dire d'ailleurs que les facultés de giration de nos navires modernes sont
loin d'égaler, en dépit des expédients, celles de leurs devanciers, et que dans les cas'
pour obtenir une évolution rapide que le gouvernail seul ne saurait leur assurer.
Dans le but d'augmenter le plus possible la surface du gouvernail, on emploie
souvent une disposition qui consiste à le composer de deux lames de tôle parallèles,
solidement reliées l'une à l'autre de façon à ne former qu'un bloc.
Legouvernail, dont la mèche ( 2) pénètre dans la coque par un trou placé sous
l'encorbellement de la partie arrière, prend son appui inférieur sur une forte pièce
de bronze qui prolonge la quille.
La barre s'emmanche sur la mèche. C'est sur elle
que l'on agit pour pousser le
gouvernail en agissant à la main sur cette barre, il en est tout autrement pour le
gouvernail d'un gros bâtiment dont la manoeuvre exige alors une force considérable.
On a même dû renoncer dans ce cas aux appareils multiplicateurs en forme de
treuils, qui suffisaient avec les bâtiments à voiles doués d'une Aitesse généralement
assez faible.
Nos navires modernes
atteignent facilement 20 noeuds ou 37km à l'heure. On con-
çoit que l'opération qui consiste à mettre le gouvernail en travers des filets d'eau
animés d'une pareille vitesse (plus de iom à la seconde) exige un déploiement de
force énorme.
On fait donc appel aux sources d'énergie que la volonté humaine sait utiliser, la
vajDeur ou l'électricité.
Des appareils appelés servo-moteurs, merveilles d'ingéniosité, permettent à un
seul homme, qui tourne sans aucun effort une petite roue, sur la passerelle du
navire, de faire mouvoir le gouvernail à droite ou à gauche.
En raison de l'importance extrême du rôle
cet organe dans la vie du
que joue
naA'ire, on a dû prévoir qu'une avarie quelconque pourrait à un moment donné se
produire dans une des parties, d'ailleurs assez délicates, des appareils qui actionnent
la barre, que ce soit dans le servo-moteur lui-même ou dans les longues rênes qui
lui transmettent les mouvements de la roue de manoeuvre. On a en
conséquence
installé à bord
plusieurs de ces appareils et multiplié les postes d'où on peut manoeuvrer
le gouvernail, en les plaçant tous, sauf celui qui sert dans la navigation courante,,
à l'abri des plus fortes cuirasses.
Les ponts cuirassés et le blindage des flancs protègent encore les postes à torpilles,
( 2) On appelle ainsi la tige verticale cjui surmonte le gouvernail et au moyen de laquelle on le manoeuvre.
88 LE NAVIRE DE GUERRE MODERNE
dont nous reparlerons plus loin, ainsi que le tuyautage très important au moyen
duquel on épuiserait l'eau qui pourrait envahir un ou plusieurs compartiments de la
coque.
Dans ce but, un fort
tuyau nommé drain court le long de la quille à l'intérieur
du bâtiment en se ramifiant en autant de branches qu'il existe de compartiments
intéressés. Ce drain aboutit à de puissantes pompes centrifuges qui aspirent l'eau et la
rejettent à l'extérieur. Le débit de ces pompes atteint gooo tonnes à l'heure. On voit
qu'elles peuvent faire face à de grandes invasions d'eau correspondant à des déchi-
rures considérables de la coque.
Un sentiment d'humanitéque l'on comprendra aisément a encore fait placer sous
la flottaison le local où seraient transportés les blessés pendant le combat et où ils
recevraient, à l'abri tout au moins des obus et de leurs éclats, les soins du personnel
médical.
qui constitue
L'artillerie, au contraire sa force offensive, ne saurait prendre place
dans ce caisson blindé, qui s'élève de un ou deux mètres à peine au-dessus de l'eau.
On s'efforce, au contraire, de l'installer à une hauteur suffisante pour qu'elle soit
à l'abri de l'assaut des vagues : à lui donner, suivant le terme adopté, un commande-
ment satisfaisant.
Les pièces, que l'on tend de plus en plus à renfermer toutes dans des tourelles
cuirassées, sont donc placées sur le pont supérieur où on les distribue suivant un
figure dans quel état les mettrait un obus qui, traversant les flancs du bâtiment peu
ou pas protégés comme nous leA7errons tout à l'heure, éclaterait au-dessous d'elles
et les ferait sauter en l'air aA'ec les canons et tout ce qu'elles renferment.
Pour parer à ce danger, on rend les tourelles tout à fait indépendantes du pont sur
lequel elles paraissent reposer ; elles sont en réalité par un pivot portées qui descend:
jusqu'à la quille, où il prend son point d'appui. Ce piArot tarverse donc le navire du
haut en bas, et, pour s'assurer qu'il ne sera pas atteint par les projectiles dans la partie
où il n'est pas protégé par la cuirasse ou la mer, on l'entoure d'un tube fortement
blindé.
L'armement, raison d'être du bâtiment de guerre, est, comme on le voit, mis au-
tant que possible à l'abri des accidents ; et en résumé, le cuirassé nous apparaît
LE NAAIRE DE GUERRE MODERNE «0
protège les services et le matériel installés au-dessus delà flottaison. Ceux-ci, pour
n'avoir pas l'importance des organes renfermés dans le caisson blindé, n'en méritent
pas moins d'être mis à l'abri des projectiles de calibres moyens tout au moins.
Ce matériel est celui qui se rapporte à la vie de tous les jours, logement des offi-
ciers et de l'équipage,
cuisine, boulangerie, em-
barcations, eau douce,
etc.
On tend de plus en
plus à suppri mer les mâts,
ou tout au moins à les
réduire au minimum
nécessaire pour faire
les signaux et porter les
antennes de télégraphie
sans fil. Nous plaçons
cependant encore sur
nos cuirassés, à l'excep-
FIG. 73.
— Vue extérieure d'un blockhaus. tion des derniers, un
mât dit militaire. C'est
ronde que l'on
une sorte de tour qui porte à son sommet
en acier, une plate-forme
arme de quelques canons de petit calibre destinés à combattre les torpilleurs enne-
mis. La grande hauteur à laquelle ces canons sont placés leur donne, à ce point de
vue, une grande utilité. Un projecteur est également installé sur le mât militaire ;
il éclairera
les torpilleurs que les petits canons mitrailleront.
Avant de terminer cette description sommaire du navire, il faut encore dire un
mot des passerelles sur lesquelles se tiennent les officiers chargés de la direction du
bâtiment. Ces plate-formes doivent d'embrasser la totalité de l'horizon, ce
permettre
qui implique une certaine élévation, au-dessus tout au moins des mille obstacles qui
encombrent le pont du bâtiment. On y réunit dans une sorte d'abri vitré, où les
hommes de barre et les officiers trouvent un asile contre l'inclémence du temps, tous
les appareils servent à transmettre les ordres de manoeuvres aux machines et
qui
dans les diverses parties du navire.
Ces passerelles, on le conçoit, sont des constructions légères que les premiers pro-
temps de paix.
9° LE NAVIRE DE GUERRE MODERNE
perdra du temps avant que le commandant en second, prévenu que son chef est
mort ou hors de combat, ait pu se hisser jusqu'au blockhaus, juger sainement la
situation et faire acte de commandement en pleine connaissance de cause. Il s'en
perdra bien davantage encore si le tour échoit à des officiers qu'il faudra aller cher-
cher dans les tourelles ou les profondeurs du navire.
On pourra voir se reproduire alors l'aventure qui se déroula à bord du cuirassé russe
Césarevitch le 10 août ioo4.
L'amiral Witgheft, qui commandait l'escadre russe sortie de Port-Arthur pour
essayer de gagner Vladivostok, se tenait sur la passerelle avec son aide de camp,
(') Par une mesure toute récente, l'appellation d'aspirant a été réservée aux jeunes gens qui sont embarqués
sur le croiseur Ecole d'application, à leur sortie de l'École navale. Les anciens aspirants de ile classe se nom-
ment désormais : enseignes de vaisseau de a" classe. On nous excusera d'avoir conservé dans ce volume l'ancienne,
consacrée par des siècles de tradition.
appellation,
LE NAArIRE DE GUERRE MODERNE
91
au moment où le feu était intense. Un obus qui vint éclater sur le mât de misaine
les tua tous les deux.
plus puissants obus. Cette tourne dépasse pas la hauteur des yeux d'un homme.
Elle est surmontée d'un incurA'é, également formé d'une plaque de blindage,
toit qui
ne s'appuyant que de place en place sur la muraille Arerticàle laisse subsister une
fente circulaire par où les personnes placées dans le blockhaus ont vue sur le large.
Onpénètre dans le blockhaus par une porte ménagée à l'arrière. Une plaque
de cuirasse placée Arerticalement à une distance suffisante de cette porte la défend
contre les projectiles.
On installe dans le blockhaus tous les appareils qui permettent de faire parvenir
aux différents services les ordres du commandant. Aussi ces réduits offrent-ils un
Il a fallu songer à mettre tous ces appareils de communication à l'abri des obus, non
seulement sur le pont, mais encore sur leur parcours leurs d'aboutis-
jusqu'à points
sement. A cet effet on leur fait suivre un trajet qui passe sous le pont cuirassé. Ils
sont amenés à cet abri par un tube blindé qui descend verticalement au-dessous
du blockhaus et aboutit à un poste central où les mêmes appareils de commande
sont installés en double ; ces derniers seraient utilisés si ceux du blockhaus étaient
détruits ou mis hors de service.
LES ARMES
TORPILLES ET ÉPERON
incapables de supporter son choc. Il sembla que de petits bâtiments rapides et invisibles
dans la nuit, qui slanceraient à la rencontre des escadres, et leur décocheraient
de loin leurs torpilles, suffiraient désormais
pour assurer la maîtrise des mers.
Ce fut la belle époque et le règne sans conteste du torpilleur. Mais on dut assez
vite revenir de l'espèce d'emballement qui séAit tout spécialement en France, et
reconnaître que les torpilles manquaient souA7ent leur but,que celles qui y allaient
n'explosaient pas toujours, et qu'enfin
on pouvait obvier aux grands dégâts causés
par leur éclatement en augmentant le nombre des cellules dans les fonds des
cuirassés, ou bien encore en interposant une légère cuirasse entre les deux coques
qui forment les fonds.
liorations ont remédié en partie, la torpille reste encore une arme fort redoutable, et
en dépit des critiques dont elle a été l'objet, on continue à en munir nos grosses
unités de combat (*).
On pense en effet que ces engins leur pourront être utiles en les aidant à se
défendre contre un ennemi qui les approcherait de trop près, ou en leur permettant
qu'entraînerait l'explosion, sous le choc d'un projectile ennemi, soit des charges de
adopter pour ces tubes un système assez compliqué de valves et d'obturateurs qui
en rendent, somme toute, la manoeuvre délicate.
La torpille Whitehead est une sorte de cigare d'acier, long de 5 à 6'", d'undiamè-
le compose doit offrir une résistance parfaite, sous peine d'accidents des plus graves.
L'air sous pression est amené, par des tuyaux que commandent les robinets né-
cessaires, jusqu'aux cylindres d'une machine minuscule, du modèle des machines à
vapeur, qui occupe le compartiment -suivant et dont les trois pistons actionnent un
arbre de couche unique.
Cet arbre traverse tout d'abord un cinquième compartiment, le flotteur arrière, qui
sert à assurer la flottabilité de la torpille dont le poids est considérable (53okff pour
la torpille de 45cm), puis un sixième dans lequel il communique son mouvement, au
moyen d'engrenages, à deux arbres secondaires.
Sur ceux-ci sont montées deux hélices, placées de part et d'autre de l'axe de la tor-
pille, et qui lui donnent son mouArement. Par suite de progrès successifs et d'inven-
tions nouvelles, les torpilles automobiles atteignent et même dépassent la Aitesse de
4o noeuds. De même, la rectitude de leur trajectoire, qui a bien longtemps laissé à
désirer, est deArenue presque absolue depuis que les usines Whitehead à Fiume leur
appliquent Un appareil, dénommé Obry, du nom de son hrventeur, et qui, basé sur
le principe du gyroscope, maintient inArariablement la route de la torpille dans la
direction qu'elle aArait au moment de son lancement.
Enfin, grâce à un autre perfectionnement qui consiste à réchauffer l'air au moment
où il est introduit dans la machine, le parcours de la torpille, longtemps borné à 5oo
ou 6oom, est porté maintenant à 4 ooo et 5 ooom.
Il semblerait qu'avec tous ces éléments de succès, une torpille deArrait toujours aller
droit à son but et y produire lés effets foudroyants que l'on attend d'elle.
Il n'en est pas ainsi et il faut compter aArec les circonstances qui .modifient
considérablement ses chances de réussite. C'est ainsi que l'officier chargé du lance-
ment doit tenir compte, tout comme un chasseur pour son gibier, de la direction
que suit son objectif et surtout delà vitesse qui l'anime. Ce sont là deux éléments
souvent et même la plupart du temps fort difficiles à déterminer, et dont l'appré-
ciation erronée envoie la torpille se perdre dans le Aide.
Les lancements de torpilles se feront, en temps de guerre, le plus souArent de nuit,
à bord de torpilleurs ballottés par la mer, dont les commandants auront à Areiller en
même temps à la manoeuvre de leur bâtiment lancé à a5 noeuds, au milieu des
fulgurantset aveuglants éclairs des projecteurs électriques, au milieu sans doute aussi,
delà grêle des projectiles petits, moyens et gros.
On juge du sang-froid que devTa posséder cet officier pour choisir, dans ce boule-
versement général, le moment précis où il faudra prononcer l'ordre décisif. C'est
-bien à lui assurément que s'appliquele Bobur et ses triplexdont le sagelîorace conseil-
lait aux simples marins des Aieux âges de munir leur coeur.
On ne sera pas étonné d'ailleurs, en considérant les circonstances au milieu des-
quelles se produit le lancement d'une torpille à bord d'un torpilleurau combat, cir-
constances que je Aiens d'esquisser, d'apprendre parles récits des opérations naAra-
les où cette arme a été employée qu'un bien petit nombre de torpilles atteignent le
but sur lequel elles ont été lancées. La premre en a été faite, d'une façon tout particu-
lièrement frappante, au cours de la guerre russo-japonaise, qui restera longtemps en-
NAVIRE DE GUERRE MODERNE
96 LE
core une source de renseignements précieux sur l'emploi des armes diverses de la
marine moderne.
Du côté russe aucun enseignement ne peut être tiré, car « il ne semble pas que
pendant onze mois un seul torpilleur russe ait lancé, ni même essayé de lancer, une
seule lorpille sur un bâtiment ennemi » (').
Quant aux torpilleurs japonais, on aura une idée de la justesse de leur tir et de
l'efficacité de leurs torpilles lorsqu'on saura, pour prendre un exemple, que pendant
les cinq nuits du 12 au 16 décembre IQO4 (2), ils lancèrent sur le cuirassé russe
Sevastopol, mouillé en rade de Port-Arthur, 180 torpilles dont une seule explosa à
l'arrière du bâtiment.
Au combat de Tsushima, après le coucher du soleil, lorsque la flotte russe était
(>) Parla Société des forges et chantiers de la Méditerranée, aux chantiers de La Seyne-sur-Mer.
LE NAVIRE DE GUERRE MODERNE g*]
1 la distance
., Sooo" qu'elle peut franchir, l'appareil qui assure la rectitude de sa tra-
qui distingue notre race. Il a cependant fallu se rendre à l'évidence. L'abordage n'a
plus rien à voir avec les combats naArals modernes, lesquels se règlent à coups de
canon et à des distances toujours considérables. Un. commandant ne peut plus
songer à aller se placer côte à côte de son adA'ersaire pour l'enlever, le sabre ou
le revolver au poing; Le moindi-e contact entre niasses de i5 à 25ooo tonnes serait
funeste à l'un aussi bien qu'à l'autre des navires qui s'y risqueraient et personne
n'osera s'y aventurer. ,
Si au cours d'un engagement des abordages se produisent, il est bien probable
qu'ils seront involontaires. Il ne faudrait pas jurer cependant qu'on ne verra pas le
commandant d'un naAire désemparé, notoirement perdu, se jeter, dans un coup d'hé-
roïque désespoir, sur son adversaire victorieux, et chercher à entraîner celui-ci dans
sa ruine en crevant ses flancs.
Mais pour une si noble folie un éperon n'est pas nécessaire, une étrave quelconque
suffira.
On a donc supprimé, dans les bâtiments de combat construits depuis quelques
années, cet appendice pointu en forme de nez, fait d'une seule et massive pièce de
bronze, solidement appuyé sur la carène du navire et qui setrouA'ait placé sous l'eau
de façon à atteindre l'ennemi dans ses oeuvres AiA'esQ.
AArant de quitter l'éperon dont il ne sera peut-être plus jamais question que comme
d'une arme archaïque, il fautrappeler qu'il a eu à son actif le beau fait d'armes de
Lissa, en juillet 1866, où le cuirassé autrichien Ferdinand-Max courut sus à la fré-
gate cuirassée italienne Be d'Italia etia coula d'une éperpnnade bien réussie.
CUIRASSES
, ,-(?) Les grandes marines, tout au moins, ont renoncé à l'éperon. Le Brésil et la République Argentine ont
'
cependant: voulu que: leurs grands Cuirassés en fussent encore munis.
"
SAIIVAIREJOTIRPÀN. 7
LE NAVIRE DE GUERRE MODERNE
g8
mença qui n'est pas encore terminée et ne se terminera peut-être jamais. Ce fut la
lutte de la cuirasse et du canon !
qu'on prétendait leur opposer et d'accomplir, en .-dépit de toutes les fuses, leur mis-
sion meurtrière. ""':'.' ; |
Mais à peine avaient-ils imaginé une pièce plus puissante., augmenté les calibres, que
les ingénieurs des Constructions naA^ales ou les métallurgistes se précipitaient à leurs
creusets, fondaient des plaquespluséptussesi opposaient àleurs adArersaires des rnurs, des
remparts de fer que de plus monstrueux obus arrivaient à détruirequelque temps après.
Les principales étapes de cette lutte épique furent, dû côté des artilleurs, la sub-
stitution de l'acier à la fonte, l'accroissement constant des calibres, le remplacement
de la vieille et bonne poudre par des composés chimiques
noire doués d'une force
énorme, l'augmentation des vitesses des projectiles, le durcissement de
d'expansion
ces projectiles et enfin les dispositions inventées pour rendre lés obus plus mor-
dants et leur permettre d'entailler les plaques de cuirasse offertes à leurs coups.
A chacune
de ces étapes répondit un progrès dans l'art du cuirassement.
Gomme pour les canons, le fer fit rapidement place à l'acier ; puis l'épaisseur des
des chiffres im-
plaques de métal qu'on clouait sur les flancs des naAires atteignit
"-.' :
portants.
Si bien qu'à un certain moment, les naAires, surchargés par les énormes pièces qui
composaient leur armement et parle lourd matelas qui ceinturait leur flottaison',. îne-^
nacèrent de ne plus se mouvoir sous ce fardeau et qu'on parut avoir atteint la limite^
tant du calibre des canons
que de l'épaisseur des cuirasses. On ne songeait pas encore
à cette époque qu'il fût possible de dépasser pour le tonnage des navires de guerre
le chiffre de 8 à g ooo tonneaux.
Les premières cuirasses pour naAires datent de loin. Les Normands faisaient
oeuATe de blindage quand ils alignaient leurs boucliers autour des coques de leurs
drakkars pour se préserver des flèches ennemies, et une galère bordée de plomb figu-
rait en i53o dans l'escadre eiiAroyée contre Tunis par Charles-Quint(1).
Dixprames, recouArerles d'un cuirassement imaginé par le chevalier d'Arçon, figu-
raient en 1782 au siège de Gibraltar où elles jouèrent d'ailleurs de malheur, toutes
d'épaisseur.
Il n'est peut-être pas
inutile de faire remar-
FIG. 78.
— Batterie flottante française Dévastation (une de celles <pii furent à Kimburn) constructeurs navals mo-
dernes ont une tendance
marquée à revenir aux idées de Dupuy de Lôme et que, par la répartition de l'ar-
mure sur la plus grande partie de leurs flancs, les croiseurs cuirassés de nos jours
se rapprochent singulièrement de la Gloire de 1857.
Les essais de ce beau bâtiment furent un triomphe.
Filant i3 noeuds, ce qui était énorme pour cette
époque, capable d'aflronter
seule le feu des flottes ennemies sans risque de voir un seul projectile traverser sa
On setimrva alors
en présence d'une augmentation exçessiA^e des poids et on dut
réserver le cuirassement aux endroits pour lesquels il était strictement nécessaire,
c'est-à-dire à la flottaison et aux logements de l'artillerie, réduits, casemates et tou-
relles. L'introduction, de l'acier, perfectionné comme on le Arerra plus loin, dans la
construction des plaqués, a permis de diminuer fortement leur épaisseur tout en leur
consei-A-ant une résistance aussi grande.
Gagnant ainsi sur le poids, on a pu revenir en partie à la conception de Dupuy
de Lôme en augmentant notablement la surface cuirassée et par conséquent
mettre à l'abri des projectiles, de calibre moyen tout au moins,
la plus grande partie
des flancs. Dans l'état actuel de la métallurgie et de l'artillerie, on admet qu'une
cuirasse résiste aux coups tirés à très courte distance et normalement d'un canon
dont le calibre est egaf a
placer un second pont cuirassé à une certaine distance du premier. Dans ce cas, le
pont inférieur est appelé pont pare-éclats. Il a pour mission d'arrêter les éclats pro-
duits par l'explosion d'un obus à la mélinile qui aurait creAré le pont cuirassé supé-
rieur, et d'empêcher qu'ils n'aillent atteindre quelqu'une des parties Aitales du
Après nous être rendu compte de l'invulnérabilité relative que le blindage assure,
aux bâtiments la composition de ce blindage.
qui en sont pourvus, nous examinerons
On a vu bien vite insuffi-
plus haut que le fer, si bien forgé qu'il fût, était devenu
sant devant les progrès de l'artillerie.
On en arrivait à des épaisseurs de 5oo et 55omm. Ces monceaux de métal acca-
blaient le bâtiment et n'offraient
qui les portait sous un poids formidable, qu'une
résistance médiocre aux plus puissants que les artilleurs leur
projectiles toujours
décochaient.
(d) Les principaux établissements où se fabriquent les blindages sont en France ceux du Creusot et de
Saint-Ghamond. Les usines de l'État, à Indret et Guerigny, s'outillent en "vue dé cette fabrication. En Allemagne,
on trouve Krupp à Essen ; en Angleterre, Vickers, Arnistrong; en Italie, Terni ; en Russie, les usines Poutildv; au
Japon, les fonderies de Kuré.
Ï.E NAVIRE DE GUERRE MODERNE Iô3
doivent et avant d'.être liées à lui par d'énormes écrous qui traversent la
protéger
elle repose, les plaques sor-
plaque et l'épais: matelas en bois de teck (*) sur lequel
tant des usines où elles ont été confectionnées subissent une épreuve dont dépend
leur acceptation ou leur mise au rebut.
La marine française possède sur la plage de Gâvres, à la sortie de la rade de Lorient,
un immense champ de tir où se font les essais des nouArelles pièces d'artillerie et
aussi ceux des cuirasses.
On prend, au hasard, dans le lot-des plaques confectionnées pour un bâtiment,
obus du cali-
quelques spécimens sur lesquels on tire à très courte distance quelques
bre auquel la plaque en question doit résister.
*.*,'
' '
*
*
.•'."
Voilà donc notre cuirassé défendu contre les projectiles. Reste à leprotéger contre
son autre ennemi, la torpille.
:
Celle-ci se jirésente, déjà Aru, sous deux formes bien distinctes
nous IWons
i° La torpille dé fond ou celle de blocus, qu'un mécanisme spécial fait éclater sous
les flancs du navire lorsqu'il passe à proximité ou qu'il la frôle ;
2° La torpille automobile Whitehead ou dérivée du genre Whitehead.
Contre les effets destructifs de ces deux genres d'engins, on s'ingénie actuelle-
ment à préserver autant que faire se peut les navires, soit en multipliant les cellules
comprises entre les coques, ou mieux encore en établissant à une distance suffisante
de la coque extérieure, qui serait fatalement très éprouA'ée par une violente explo-
sion se produisant à son contact, une sorte de double cloison légèrement cuirassée.
On estime que sila première de ces cloisons était déchirée, la seconde assurerait en
tout cas l'étanchéité nécessaire et mettrait ainsi le naAire à l'abri des conséquences
fatales d'une voie d'eau si mal
placée.
Contre les torpilles automobiles, généralement réglées pour frapper les coques à
3'" ou 3m,5o au-dessous du niveau de l'eau, le système de protection dont il vient
d'être parlé conserve encore sa valeur ; mais il en est un autre dont pendant assez
qu'au mouillage, où le cuirassé, comme enfermé dans cette sorte de cotte de mailles,
pouA7ait défier, en toute sécurité, les assauts des torpilleurs et laisser son équipage
reposer en paix.
A la mer, en route, le poids énorme des filets déployés et leur frottement dans
l'eau diminuaient la vitesse dans des proportions inadmissibles. De plus, la marche
du bâtiment rejetait vers l'arrière la partie inférieure du filet, qui remontait ainsi
sort et coupaient une des mailles du filet, soit une cartouche qui explosait au contact
de la maille et la détruisait.
C'est en i8g4 la marine le des
que l'on a abandonné, dans française, système
filets Outre les inconvénients ci-dessus signalés, on leur reprochait
protecteurs.
encore de présenter un réel
danger en cas de combat.
En effet, les filets, de crinoline autour du
lorsqu'ils n'étaient pas tendus en guise
navire, sur ses flancs où leurs supports ou tangons étaient rabatlus et eux-
reposaient
mêmes un mais très compliqué de filins d'acier et de
repliés par système ingénieux
palans.
Il était fort à craindreque toute cette ferraille, libérée de ses liens et plus ou moins
hachée s'enrouler autour des
par les projectiles, ne vînt au cours d'un engagement
hélices et paralyser le navire au fort de l'action.
Les marines n'ont suivi notre
étrangères pas sur ce point exemple. L'Angleterre
notamment est toujours restée fidèle au filet Bullivant. Elle l'a même perfectionné
I LE NAArIRE DE GUERRE MODERNE IOÔ
topol étant entouré de ses filets, toujours employés par l'Amirauté russe, il fallut
L'APPAREIL DE PROPULSION
Il a été parlé dans le précédent chapitre des transformations subies par les appa-
reils qui permettent au navire de se déplacer.
Il nous reste à examiner ceux de ces appareils auxquels s'est arrêté le progrès et
qui, dans leurs grandes lignes tout au moins, sont semblables sur tous les navires du
monde.
En dehors de l'électricité et des dérivés du pétrole dont les applications sont encore
très réduites et dont il sera d'ailleurs question plus loin, la ATapeur reste encore la
seule source d'énergie utilisée pour la propulsion des navires.
CHAUDIÈRES
Cette vapeur se produit, on le sait, dans des chaudières de systèmes très divers.
Les premières chaudières
sérieuses employées à tubes de feu.
dans la marine furent
Ceci Areut dire que la flamme du foyer, aArant de s'échapper par la cheminée, parcou-
rait des faisceaux de tubes noyés dans la masse d'eau contenue dans les flancs de la
Io6 LE NAVIRE DE GUERBE MODERNE
chaudière. Cette
disposition spéciale proAroquait un échauffement de la masse liquide
plus rapide qu'aArec les chaudières primitives munies d'un simple foyer. Ces chau-
dières à tubes de feu et toutes celles qui furent basées sur ce principe ne fournissaient
que de la Arapeur à des pressions basses, qui s'éleA'èrent cependant lorsque l'alimen-
tation à l'eau douce remplaça l'alimentation à l'eau de mer.
Le type de chaudières à haute pression et à tubes de feu est la chaudière des loco-
motives, très favorable à une intense production de vapeur.
La marine française en a fait un long usage, tout au moins sur les grands bâti-
ments où ses dimensions ne constituaient
pas un obstacle absolu.
Pour
les torpilleurs et naAires analogues, aucun type de chaudières à tubes de feu
ne pouA7ait convenir, et on se tourna du côté des générateurs de vapeur à tubes
d'eau, dont quelques types commençaient à se montrer.
Dans ce système, ce n'est plus la flamme qui circule dans les tubes dont le corps
de la chaudière est traversé, mais bien l'eau elle-même. La flamme s'éleArant du
foyer lèche alors ces faisceaux de tubes, dont les dimensions sont assez faibles et
produit une vaporisation très rapide du liquide qui y est contenu en quantité relati-
Arement minime. Les tubes communiquant les uns avec les autres, il se produit dans
la chaudière une circulation d'eau intense, favorable à la production rapide d'une
stituant des groupes de serpentins distincts dont les extrémités inférieures commu-
vapeur.
L'ensemble de ces tubes, placé au-dessus d'un foyer, est renfermé dans une enve-
grande gravité.
Les chaudières à tubes d'eau ont encore sur celles à tubes de feu l'avantage très
important qu'à poids égal elles sont six fois plus puissantes. C'est ainsi que la chau-
dière cylindrique encore employée dans quelques-uns de nos navires pèse 64ks par
io8 LE NAVIRE DE GUERRE MODERNE
cheval de puissance développée, alors que la chaudière Normand, par exemple, n'en
FIG. 82. — Une rue de chauffe en action. d'immenses chaudrons dont le som-
met se perd dans les ténèbres.
A chaque instant, une porte de fourneau s'ouvre avec un bruit de ferraille
; la
lueur plus que rouge de l'ardent brasier qui gronde dans l'infernale marmite, se
projette un moment, aveuglante, sur des torses nus, sur des bras musclés.
Ces bras manient des instruments aux formes bizarres ; tantôt ils lancent dans la
gueule béante une pelletée de charbon, tantôt, armés d'un crochet longuement
emmanché, ils fouillent dans la masse embrasée qu'ils remuent en tous sens pour
l'empêcher de s'agglutiner.
par les foyers et il semble que les chauffeurs n'ont pas le temps d'en respirer quel-
à
ques bouffées. Tout au plus peut-il arriver à ceux d'entre eux qui travaillent
proximité d'une de ces manches à vent, d'être glacés par derrière pendant qu'ils sont
rôtis par devant.
Ce labeur dure quatre heures.
On a inauguré, depuis quelques années, un système de chauffe méthodique afin
d'obvier aux inconvénients que présentait la chauffe individuelle, avec laquelle il y
avait dans la production de la vapeur et dans la
pression de cette vapeur, des
appareils avertisseurs qui font résonner un timbre lorsque le moment est A7enu de
pratiques.
dépense de combustible pour un mille parcouru ; puis, comme non moins on.connaît
exactement la quantité de charbon contenue dans les soutes, on détermine aisément
le nombre de milles être parcourus, soit à là vitesse économique, soit à
qui peuvent
toute vitesse, soit aux vitesses intermédiaires.
1 IÔ LE NAVIRE Î>E GUERRE MODERNE
L'allure économique pour les bâtiments modernes est généralement aux emirons
de II noeuds. Le nombre de milles qu'ils à cette A'itesse constitue
pemrent parcourir
le rayon d'action. Pour nos cuirassés du type Danton, ce rayon d'action est d'emdron
8 100 milles ou i5 oookm aArec un approAasionnement de charbon de 2000 tonnes.
A l'allure économique, ces bâtiments dépensent 6oooks à l'heure.
A toute A'itesse, soit à 20 noeuds, la consommation monte au chiffre considérable
de igoookfF à l'heure. A ce taux, on Aroit qu'au bout de cent heures environ,
quinze
les soutes seraient bien près d'être vides, i
Le prix moyen de la tonne de charbon |en France étant de 3o francs, le mille à l'al-
lure économique reA"ient, pour ces mêmes naAares, à i6ft',3o, et à grande vitesse à
a8fr,5o. .•,.-.' '", j -.
On cherche tout naturellement à augmenter le plus possible la -provision de char-
bon des bâtiments. Le nombre de tonnes; de combustible constitue un
qu'il emporte
élément important de la valeur militaire ; d'un .navire de guerre. Cela se conçoit
aisément. Tel navire en effet, qui sera! à -court'de charbon au bout de trois ou
gant et rebutant qui consiste à transvaser lie charbon des unes dans les autres.
prendre place dans les longues chaînes par lesquelles les briquettes de charbon pas-
sent de mains en mains, pour arriver aux soutes où on les empile en bon ordre.
Dans la marine anglaise, où l'importance de cette opération a été reconnue depuis
très longtemps, et où des^efforts- constants sont faits pour la rendre toujours plus
rapide, il est db règle que le gravé chapelain lui-même, mêlé aux matelots, aux
officiers et aux gais midshipmen et confondu avec eux sous une égale couche de pous-
sière noire, mette la main à la besogne.
11 s'établit à ce sujet de grandes rivalités entre navires d'une même escadre ou
entre escadres différentes. Un commandant n'est pas peu fier, et son équipage avec lui,
quand il voit monter au grand mât du bâtiment amiral le signal qui le félicite d'avoir
embarqué le plus de charbon dans le temps minimum et conquis un enviable record,
En fait, grâce à une très noble émulation excitée par tous les moyens, à l'améliora-
tion des conditions matérielles de F-operàtion et. à l'emploi des appareils mécaniques,
comme lé système Tëmperley, au moyen duquel le charbon est versé sur le pont du
naArire par de grandes bennes nianoeuvrées des mâts de charge, on obtient en
par
cette matière des résultats tout à fait remarquables. '••''.,
C'est ainsi que les Anglais et' les Allemands
arrivés sont
à embarquer plus de
4oo tonnes à l'heure. En France, ce chiffre n'a jamais été atteint, mais on tend à
s'en rapprocher. -
ravitailler celui qui doit lui passer son charbon. Dans ce cas, un câble d'acier est
tendu entre les deux navires que possible, les paquets
aussi haut de sacs pleins de
combustible sont amenés de l'un à l'autre au moyen d'un chariot métallique roulant
sur ce câble et manoeuvré par un va-et-vient.
Ce procédé, employé dans diverses marines, a donné des résultats acceptables.
Mais il est assez lent comme on peut l'imaginer et on ne peut guère, en l'employant,
— du charbon à la mer.
cessaire alors d'accomplir
FIG. 83. Ravitaillement
avec les embarcations du
employé utilement.
L'extraordinaire voyage de la flotte de l'amiral Rodjestvenski, de Cronstadt aux
de ravi-
mers du Japon, est cependant un impressionnant exemple que les difficultés
taillement en temps de guerre être surmontées. Jamais la flotte russe ne
peuvent
en effet de combustible, ne pût compter en aucune façon sur
manqua quoiqu'elle
les ressources des points où elle relâcha, ressources dont les règles de la neutralité,
— Le à celle du
La chauffe au pétrole. pétrole a une capacité calorifique supérieure
Il est beaucoup dans des soutes de dimen-
charbon. plus facile à manier, se renferme
sions réduites, et son emploi comme combustible économise beaucoup de main-
LE NAVIRE DE GUERRE MODERNE 1 13
d'oeuA're, puisqu'il suffit, pour l'amener jusqu'aux fourneaux des chaudières, d'un
simple tuyau.
Il était donc tout naturel d'essayerce liquide à la production de la
d'appliquer
De nombreux essais ont été
tentés en France
vapeur. pour utiliser le pétrole, soit
seul, soit en même temps ! que le charbon, ce qui constitue le chauffage mixte.
Dans les deux, cas, le pétrole était projeté à l'état -pulvérulent sur les grilles des
fourneaux.
Ces essais n'ont
pas donné les résultats en attendait ; les inconvénients
qu'on
qu'entraîné la chauffe au pétrole, et parmi il faut placer au
lesquels premier' rang
le prix élevé de ce combustible, que notre sol ne produit la" tonne, contre
pas (jzf*
3ofr pour le charbon), dépassent de beaucoup les avantages, et il semble que l'idée
en ait été, sinon abandonnée, du moins reléguée au second plan.
Il faut bien dire cependant que la marine anglaise, qui ne se trouve pas en meil-
leure posture que nous pour la production du pétrole, en fait -un usage tous les
jours plus étendu pour la chauffé de ses chaudières et qu'elle s'en déclare très satis-
faite. Elle utilise évidemment dans ce- but des dispositifs que nous ne connaissons
pas encore et qui donnent des résultats meilleurs que les nôtres. Il faut penser que
nous arriverons-un jour à les posséder et que la chauffe au pétrole chez nous
prendra
aussi la place" importante qui parait lui être réserArée.
presque uniquement aujourd'hui dans les machines marines, exige des tuyaux qu'elle
parcourt pour se rendre des chaudières aux différents organes où elle doit travailler,
une résistance considérable.
Cette résistance leur est donnée facilement en employant pour leur confection des
métaux solides, comme le cuivre ou l'acier. Néanmoins, une partie délicate de leur
structure réside dans les soudures est bien obligé de pratiquer
qu'on pour les assem-
bler. Malgré tous les soins apportés à rendre ces soudures aussi parfaites que possible,
c'est presque toujours sur ces points que se produisent des déchirures par où la va-
peur se répand dans les machines.
Les difficultés auxquelles on se heurte pour établir des tuyautages offrant toute
sécurité se compliquent du fait de la longueur qu'il faut donner aux tuyaux, dont les
bouts sont jointes les uns aux autres aussi soigneusement que possible, mais dont la
solidité peut être compromise si le bâtiment éprouve des fatigues qui le déforment, si
quel héroïque esprit de solidarité ont fait maintes fois la preuve nos marins du ser-
vice des machines et des chaudières, en courant, s'était pro-
après qu'une explosion
duite, fermer les robinets de communication de la Arapeur dans des compartiments
envahis fluide, et sauver ainsi, en supprimant la cause de l'accident, au
déjà parle
leurs camarades.
grand péril de leur propre vie, Gelle d'un grand nombre de
Voici, d'après un témoin oculaire, ce qui se passa à bord du Sarrazin. Un tube dé
chaudière creva au moment où la porte du fourneau venait d'être ouverte pour la
charge, et la flamme, refoulée par la vapeur, envahit la chambre de chauffe.
Il y avait là sept hommes et, pour leur permettre de fuir, il nei se présentait qu'un
étroit panneau auquel conduisait une.seule échelle A7erticale. Les uns après les autres>
on vit surgir six spectres, les cheA^eux, la barbe, les cils brûlés, la chair en lambeaux,
tordus de douleur. Ils tombent sur lé pont; on s'empresse autour d'eux, ne sachant
constata que les feux de la chaudière, qui était en activité au moment de l'explosion,
avaient été soigneusement éteints, que les soupapes -des prises de A'apeur avaient été
fermées, qu'enfin toutes lés prescriptions réglementaires aAraient été prises méticu-
leùsement.
Ainsi, malgré de la lumière,
l'extinction en dépit de l'effroyable secousse qui avait
culbuté, broyé hommes et choses, dans le fracas des explosions successives, les trois
hommes qui étaient enfermés dans la chaufferie n'avaient songé à quitter leur poste
qu'après avoir pris toutes les mesures qu'ils estimaient nécessaires à la préserAration
de la chaudière qui leur était confiée.
,;Tout cela, qui constitue l'héroïsme au premier chef, .fut fait si simplement, ces
braves gens étaient si bien convaincus qu'ils n'avaient fait autre chose que leur devoir,
que .jamais peut-être on n'aurait connu leur admirable conduite si l'officier de qui je
tiens ce récit n'avait lui-même constaté le fait et ne l'avait mis en lumière (').
.Signalons .encore avant de quitter le domaine des chaudières et de leurs accessoires,,
si important à bord: d'un-navire, une singularité qui ne laisse pas d'intriguer les
visiteurs arrivés, au prix d'une ardue, par des panneaux étroits et le
gymnastique
long, de fort roides échelles en fer, jusque dans les fonds d'un bâtiment de guerre.
C'est le spectacle pittoresque que leur offre le fouillis: en apparence inextricable
des.tuyaux de toutes dimensions et de toutes couleurs, et dispa-
qui s'allongent
raissent dans les profondeurs ténébreuses des cales.-
; Voici Tex.phcation de cette débauche de peinture qu'on pourrait croire destinée à
récréer des yeux impressionnés par l'aspect sévère du milieu.
C'est affaire de commodité, Chaque tuyau reçoit une couleur différente, suivant le
fluide, qu 'il contient.
Le.rouge est réservé à ceux dans lesquels circule la vapeur, le hoir aux tuyaux
d':eau de.mei^; le bleuà ceux où coule l'eau douce, le Aiolet. au conduit où l'eau
circule sous pression, le vert indique le passage de l'air frais de ventilation, tandis que-
le ;rose,est,réservé à l'air vicié qui s'évacue.
Enfin, si vous voyez sur un tuyau des anneaux de peinture rouge et noire alternés,
vous saurez que c'est du pétrole qui y passe.
MACHINES
Il ne peut rentrer dans le cadre de cet ouvrage, dont l'objet principalest de s'occu-
per des engins employés à bord des bâtiments de guerre modernes, de refaire, après
tant d'autres qui se sont si bien acquittés de cette tâche, l'histoire des origines de la
navigation à vapeur.
Contentons-nous donc de saluer
au passage le père de la machine à Arapeur, le
célèbre Papin, qui réalisa son invention en 1690, l'Anglais Thomas Sàvery qui en 1698
construisit la première machine à vapeur ayant fonctionné utilement, et enfin James.
(*) Le second maître chauffeur Le Stum et le quartier-maître, chauffeur Le Baillet, qui se trouvaient dans
cette chaufferie: de Vléna, reçurent la médaille militaire.
I 10 LE NAArIRE DE GUERRE MODERNE
Ces grandes découA'ertes de Walt étaient acheA'ées en 1782 ; depuis cette époque rien n'a
changé dans la machine à vapeur, quant aux principes fondamentaux de son fonctionne-
ment Q.
Jusqu'en 18/io, le seul mode de propulsion pour les naA'ires fut l'aube. A cette
jours.
C'est vers 1845 que les premières
seulement, machines réellement importantes
parurent dans notre marine de guerre. Leur force ne dépassait pas cependant
/15o chevaux, chiffre bien mesquin si on le compare aux 37 000 chevaux attelés
aux machines de nos derniers croiseurs cuirassés, mais qui paraissait considérable
à l'époque en question.
Il faut bien se rendre compte d'ailleurs, que pendant longtemps les marins admi-
rent la machine à A'apeur seulement à titre d'auxiliaire de la voile que des siècles
d'habitude faisaient considérer comme le propulseur fondamental d'un naA'ire. On
consentait à user de ces engins salissants et malodorants, dont le fonctionnement
laissait, il faut d'ailleurs à désirer,
bien le reconnaître,
beaucoup pour se tirer des
calmes ou se faire remorquer à un poste que l'on ne pouvait atteindre autrement ;
mais que A'întle vent, le bon Arent, et nos marins se seraient crus déshonorés, s'ils
n'aA'aient aussitôt éteint les feux de la marmite dédaignée, renfoncé la cheminée
dans les flancs du navire, et déployé à la brise fraîche les grandes ailes blanches de
leurs A'aisseaux, frégates ou bricks.
AArec elle, point d'avaries à redouter, ou tout au moins rienque celles qu'un long
apprentissage aArait appris à éviter ou à réparer, point d'explosion de chaudières, de
bris de roues dentées, d'aubes démolies par la mer, point de fumée nauséabonde qui
ternît les fraîches peintures et les cmvres polis et astiqués, point de charbon à
embarquer.
Ce n'est qu'aux emirons de 1875 que la tradition de la voile commença à décliner
fortement dans notre marine de guerre.
Les habitants de Toulon peuvent se rappeler le beau spectacle que leur offrit
encore à cette époque le A7ice-amiral Touchard, amenant jusque dans leur rade,
à la A'oile, l'escadre de la Méditerranée qu'il commandait, et qui était composée de
corvettes cuirassées.
plus que faiblement sur les.parois du cylindre et, d'une manière égale, sur tout leur
- !
pourtour.
Avec les machines où l'axedes cylindres était placé horizontalement, le frottement
du piston, et par conséquent son usure, se produisait toujours sur sa -génératrice infé-
rieure, d'où résultaient un manque d'étanchéité, des pertes dé A'apeur
et de puissance qu'on ne pouvait éviter.
que difficilement
Je prendrai comme modèle dans la courte description suiA'ante
d'une machine moderne,; l'appareil moteur dont sont munis nos
cuirassés du type République. ..,
Cet appareil moteur (') d'une puissance de 17 5oo cheA'aux com-
trois machines A'erticales à triple
prend expansion. Chaque machine
comporte quatre cylindres. Celte particularité est due à ce fait que
la A'apeur en quittant le deuxième cylindre se distribue également
entre deux autres cylindres où elle traA'aille à pression égale. ,
On obtient par cette disposition spéciale une nouvelle et appré-
ciable utilisation de la Arapeur. Il y a bien quatre cylindres, mais
trois degrés seulement d'expansion.
— Le nombre total
des cylindres
FIG. 85. Schéma est donc de douze.
d'une machine. à
pilon. Les trois machines dé la République sont placées, une au centre
du naA^re, les deux autres de chacrue bord.
Le sens delà rotation des trois hélices n'est
pas le même. Pour un observateur placé
hors du navire et regardant son arrière, deux d'entre elles, celle du centre et celle de
tribord tournent
de-gauche à droite, dans le sens des aiguilles
d'une montre, celle de bâbord de droite à gauche.
On a essayé par! cette disposition d'obvier à l'effet évolutif.
On a résolu la question sur les naA'ires à deux hélices en donnant à l'une le pas à
droite, à la seconde le pas à gauche, et en les faisant tourner en sens différent. AA'ec
trois hélices on est retombé dans un inconvénient qu'il a fallu subir.
Les cylindres des machines sont en fonte de fer ; chacun d'eux est entouré d'une
règne un espace dans lequel circule une certaine quantité de vapeur destinée
à réchauffer le cylindre et à empêcher ainsi la Condensation par refroidissement
de la vapeur qui Aient pousser le piston. Celte condensation, introduisant de l'eau
dans le cylindre, gêne naturellement le mouvement du piston.
Les pistons, tous semblables, sont en acier moulé ; leur pourtour est muni d'une
couronne mobile en fonte ou en bronze que des ressorts appliquent contre la paroi
du cylindre pour s'opposer aux fuites de A'apeur.
La distribution de la vapeur dans les différents cylindres s'opère au moyen des
organes appelés tiroirs, sortes de boîtes métalliques qui, dans leur mouvement de
A'a-et-A'ient, découvrent et referment périodiquement les ouvertures par lesquelles la
A'apeur arriA'e au cylindre, et celles par lesquelles elle en sort après avoir proA'oqué
le mouA'ement du piston.
que la pression de vapeur qui les fait mouA'oir reste constante pendant son passage à
travers les aubes, ou que cette A'apeur se détend pendant ce traA'ail.
Les plus importants systèmes de turbines à action ont été établis par MM. Laval,
120 LE NAVIRE DE GUERRE MODERNE
première. C est en somme la même disposition que pour les cylindres à détente des
machines alternatives.
Il est absolument nécessaire, on le comprend aisément, que le propulseur d'un
navire puisse tourner en arrière aussi bien qu'en avant.
Ce problème se résout très facilement avec les machines alternatives, où il suffit de
poids mort, qui absorbe une partie, faible il est vrai, du travail de la vapeur.
Cette considération amène les constructeurs à limiter l'importance des turbines de
marche arrière en donnant à leurs aubes juste le développement nécessaire pour que
l'erré du navire soit étalée suffisamment vite.
LE NAVIRE DE GUERRE MODERNE 121
C'est Une donnée dont la connaissance est naturellement très importante pour le
commandant d'un navire. Aussi a-t-on fait de nombreuses expériences permettant
de la-déterminer!
C'est ainsi que pour nos navires tonnes, assez semblables
français de 18000 en
somme au Dreadnought anglais sur lequel les essais ont été faits, on pense que la
distance parcourue jusqu'à immobilité complète sous l'action des turbines de marche
arrière et à partir.du moment où l'ordre en a été donné, sera de'663m en parlant
d'une vitesse de 12 noeuds, de-Q^o" 1à-la'vitesse de 20 noeuds.
L'expérience-assez courte mais néanmoins très sérieuse que l'on possède déjà
sur les turbines, a permis de constater que là meilleure utilisation de ce,système-de
machines se produit lorsqu'on marche à la vitesse maximum. Celle éventualité,, qui
est la règle pour les paquebots, constitue, au contraire, l'exception pour les naA'ires de
guerre qui n'ont à user de leur grande vitesse que dans des cas rares, en dehors des-
quels la saine raison d'économie leur prescrit d'employer des A'itesses modérées, où
. la consommation du combustible est moindre.
Devant
l'impossibilité de faire travailler une turbine dans de bonnes conditions à
on a été
une A'itesse de rotation moindre que celle pour laquelle elle a été construite,
amené a placer sur les arbres de couche des navires de guerre, d'autres turbines
encore qu'on nomme turbines de croisière. Celles-ci sont mises en action unique-
ment et sont dès qu'il
pour marcher aux A'itesses dites économiques stoppées s'agit
de donner l'allure maximum.
Dans les premiers temps de l'emploi des turbines, le nombre de tours qu'on était
obligé de faire donner aux roues munies d'aubes était très considérable.
Les turbines de Laval tournaient
en effet, à l'origine, à3o 000 tours par minute ('),
et les turbines Parsons en 1884 donnaient encore 18 000 tours.
Il était naturellement de toute impossibilité de faire tourner à d'aussi folles allures
les arbres de couche et les hélices, et on dut employer des trains d'engrenage démul-
tiplicateurs.
On est arrivé actuellement à des nombres de tours infiniment moindres. C'est
ainsi que les turbines du Danton tournent à 3oo tours. On est même tombé à 180
tours pour lés turbines dés grands paquebots anglais Mauritania et Lusitania.
Dans ces conditions, la nécessité des organes réducteurs de vitesse a disparu et on
attelle directement les turbines sur les arbres porte-hélices.
Il a fallu néanmoins remplacer les grandes hélices usitées aA'ec les machines
alternatives et qui ne pouvaient supporter sans se briser de telles A'itesses de rota-
tion.-
On essaya tout d'abord d'employer de petites hélices en nombre éleA'é. C'est ainsi
que le premier navire à turbines, le Turbiniaanglais, portait neuf hélices réparties sur
trois arbres. On a depuis renoncé à placer plusieurs propulseurs sur le même arbre,
mais on a conservé lès arbres multiples au nombre de trois ou quatre.
çais auxquels on ait appliqué ce nouveau genre de machines, on trouve quatre arbres
:de couche portant quatre hélices.
L'espace occupé par l'appareil moteur est divisé en trois compartiments par deux
cloisons étanches longitudinales. Les compartiments latéraux contiennent chacun un
seul arbre portant une turbine à haute pression de marche avant et une de marche
arrière. Le compartiment central renferme les deux arbres intérieurs ; ces deux arbres
trois turbines chacun, une de marche arrière, une de croisière et une à
portent
basse pression de marche avant. Toutes les manoeuvres s'exécutent du compartiment
central.
Actuellement, on peut établir comme suit les termes de comparaison entre les ma-
chines alternatives et les turbines.
. La
suppression de certaines causes d'aA'aries assez fréquentes dans les premières,
comme les tiges de piston faussées, les échauffements aux articulations des bielles; la
rupture des bâtis qui portent les cylindres, etc., donne aux turbines une sûreté
de fonctionnement supérieure. -;-'-"-. ''--
Les turbines constituent évidemment un ensemble plus simple que les machines à
piston, de plus les manoeuvres à exécuter pour le départ et les changements d'allures
sont moins compliquées, n'exigent quele maniement d'un seul organe, et peuA'ent se
faire à distance, même d'un compartiment A'oisin delà machine, ce qui constitue
un avantage militaire très sérieux.(^:; ! .: , ..,....,.
. Mais, somme toute, ces avantages ne forment pas en faveur des turbines un total
écrasant.
C'est sur la comparaison des dépenses de charbon aA'ec l'un et l'autre système de
machines que l'on peut baser une opinion ferme en faA'-eur des turbines ou des
machines à piston. ,-. . ••;
L'expérience, assise sur des données certaines, démontre à ce sujet que l'allure
Au point de A'ue économique, les turbines conviennent donc mieux aux paquebots qu'aux
naA'ires de guerre, et, pour ces derniers, comme je l'ai déjà dit, on est obligé d'employer pour
les allures moyennes et faibles, des turbines de croisière ajoutées aux turbines principales,
de telle sorte qu'aux allures de routé qui sont les plus fréquentes ils auront en action plus
d'appareils qu'à l'allure maximum.'(*).
Mais,
malgré les résultats de ces expériences, il est difficile encore de tirer des
conclusions fermes sur la valeur relative des deux genres de propulsion, parce que
les navires de guerre ou de commerce à turbines ont, en général, donné des A'itesses
par ailleurs.
Ils déA'eloppaient doncune puissance plus forte avec la même dépense de charbon,
et c'est là au fond le meilleur point de comparaison, bien qu'il fasse rentrer en ligne
de compte, dans un chiffre global, non seulement la A'aleur du moteur, mais encore
le rendement des hélices.
En résumé, on doit croire que les turbines sont à l'allure maximum plus économiques
que les machines alternatives, l'économie pouA'ant atteindre 3o "/„ (*), et on peut affirmer en
outre que le rendement mécanique des turbines est supérieur à celui des machines à piston en
-raison de la simplicité de la transmission des mouvements.
Ces bénéfices
peuvent permettre de diminuer le poids des chaudières sur le navire
muni de turbines, tout en conserA'ant une même puissance, et de reporter l'écono-
mie de poids ainsi réalisée sur l'apjDroA'isionnement de charbon.
On compensera de cette façon le désaA'antage économique que les turbines offrent
aux faibles A'itesses et, tout compte fait, on obtiendra dans ces deux cas la même
distance franchissable.
Pour
ce qui est du poids et de l'encombrement, l'avantage reste encore aux tur-
bines. Le poids de l'appareil moteur du Danton (turbines) est de 828 tonnes pour
une puissance totale de 23 000 cheA'aux, le poids par cheA'al est donc de 36k(î ; pour
la République, ce-même poids est égal à h2kB. Il y aurait donc, pour les turbines, un
gain de i5%.
Les A'ibrations des coques, si importantes et si gênantes parfois sur les naA'ires mu-
nis de machines à piston, disparaissent complètement avec les turbines.
Le prix de ce dernier système est encore actuellement supérieur à celui du système
rival. Les turbines du Danton coûtent en effet 207* par cheA'al, soit pour 28000
cheA'aux L\ 761000*. alors que les machines alternatives de la République reviennent
à 145fl'seulement par cheA'al.
C'est la marine anglaise qui s'est, la première et très résolument, lancée dans la
voie nouvelle, en adoptant des turbines pour la propulsion des naA'ires de guerre.
Après l'essai fait sur le contre-torpilleur Turbinia de /|5 tonnes, qui, en 1897, donna
la A'itesse jusqu'alors inconnue de 3ï noeuds, elle adopta la turbine pour des bâti-
ments de plus en plus grands, et arriva enfin à en munir en 1907 son cuirassé
monstre, le Dreadnought, et ses similaires dont le tonnage atteint et dépasse 20 000
tonnes.
Voici, exprimées dans un mémorandum de l'Amirauté, en date de 1906, les rai-
sons qui ont dicté sa conduite à ce sujet:
La question du meilleur type de machine marine à employer a été l'objet d'un examen
approfondi. Bien que les turbines présentent des incoilvénients connus, on s'est cependant
décidé pouf ce genre de moteur à cause de sa légèreté, de la simplification des organes, dé la
diminution des causes d'avarie, de la douceur de la marche, de la facilité de conduite, et de
l'économie de combustible à grande vitesse.
Enfin, avec les turbines la protection est meilleure, puisqu'elles prennent moins de place en
hauteur.
Tous ces avantages contre-balancent et au delà les incom'énients.
Les moteurs à explosion.- — Les moteurs à combustion intérieure ont trop attiré
l'attention générale depuis quelques années, pour qu'il soit possible de n'en pas
moteurs, dont l'invention, due au Français Forest, causa une véritable révolution en
donnant l'essor, pour ne parler que de celle-là, à l'industrie de l'automobile et perv
mit aux aA'iateurs de s'élancer à la .conquête de l'air.
Au lieu d'utiliser la chaleur
piwenant d'une source quelconque par l'intermé-
diaire d'un fluide, comme c'est le cas pour les machines à A'apeur, les moteurs à
combustion interne transforment directement l'énergie calorifique de la source (gaz,
pétrole, carbures divers) en faisant détoner ces combustibles dans lé cylindre du mo-
teur lui-même, comme c'est le cas dans les moteurs à explosion ordinaire, ou en le
brûlant lentemen t comme dans le moteur Diesel.
Voici comment les choses
se passent pour le moteur à explosion.
On introduit dans un cylindre de machine un mélange formé d'une certaine quan-
tité d'air et d'un corps combustible. Les proportions de ce mélange sont telles qu'il
est détonant.
On détermine son explosion par un moyen quelconque, étincelle électrique,
flamme ou échauffement intense. Les gaz que produit l'explosion et
qui sont à une
sens, entraîné par le mouvement des pièces lourdes qui tournent, volant, arbre, etc.,
il expulse les gaz désormais inutiles et se remet en position pour repartir à nouveau
sous l'explosion d'un nouveau
mélange détonant.
Le fonctionnement d'un moteur tel que je Aiens de le décrire succinctement est dit
à deux temps, parce qu'il faut deux courses du piston, une dans chaque sens, pour
que le cycle soit complet, et dans ce cas* sur les deux courses du piston, il y en a une
seule quipousse A'éritablement la bielle et donne une impulsion rotative à l'arbre dé
couche.
Mais on emploie
aussi beaucoup le moteur dit à quatre temps, dans lequel le cycle
complet comporte quatre courses du piston sur lesquelles une seule est motrice.
Dans le premier temps, le piston descend et aspire le mélange détonant qui s'in-
troduit dans le cylindre ; au deuxième^ temps le piston remonte et comprime ce
mélange dans un espace réservé à cet effet à la partie supérieure du cylindre ; au troi-
sième temps l'explosion se produit et les gaz en se détendant font redescendre le piston
LE NAVIRE DE GUERRE MODERNE 125
(c'est la course motrice), enfin au quatrième temps le piston qui remonte expulse
les gaz brûlés.
Dans le cas du moteur à deux temps comme dans celui du moteur à quatre
temps, on A'oit que la machine est ce qu'on appelle à simple effet, c'est-à-dire que la
projection du piston se fait toujours dans le même sens, à l'inverse des machines à
A'apeur où le fluide est introduit successiA'ement sur les deux faces du piston et lui
donne l'impulsion dans les deux sens.
Les combustibles employés dans les moteurs à explosion sont les gaz d'éclairage,
calorifique, et enfin les gaz des hauts fourneaux, les liquidés proA'enant de la distil-
lationdes pétroles bruts, connus sous le nom de gazoline, et le pétrole lampant.
On se sert encore de l'alcool et du benzol.
L'appareil dans lequel s'opère le mélange de l'air et d'un des produits ci-dessus
énumérés s'appelle le carburateur, il doit être cité en raison du rôle primordial qu'il
joue dans les machines à explosion.
Le type du moteur à combustion est le moteur Diesel dont l'usage s'étend de plus
en plus dans la marine française pour les sous-marins (').
Voici le principe sur lequel repose son fonctionnement.
Ce moteur de telle sorte que le mélange
est disposé de l'air et du liquide combustible
ne deA'ienl pas susceptible de détoner. Au lieu de comprimer le mélange, ce qui
amènerait une forte éteValion de température elpar suite proA'oquerait l'explosion, on
(J) De très récentes expériences, faites en France et en Allemagne, permettent de croire qu'un 1res grand
avenir est réservé aux moteurs hases sur le principe du Diésol, pour ce qui concerne la propulsion des navires
en général. C'est ainsi qu'on étudie en. Allemagne l'installation, à bord d'un navire de guerre, d'une machine de
6 000 chevaux, composée de quatre machines Diesel de 1 5oo chevaux chacune.
( 2) Cours de machines de l'Ecole navale, par M. FJ';LIX.
126 LE NAVIRE DE GUERRE MODERNE
beaucoup plus élevé que celui du charbon, et cette considération s'est jusqu'ici oppo-
sée à leur emploi pour les grandes puissances.
Mais ils conviennent parfaitement pour les puissances faibles et moyennes et en
cette qualité ils sont appliqués avec grand avantage aux embarcations et aux sous-
marins, comme il sera dit
au chapitre qui traite de ces bâtiments.
Il est très possible qu'un avenir assez prochain voie employer pour la propulsion
des navires des moteurs à gaz, auxquels le gaz nécessaire serait fourni par des gazo-
gènes installés à bord (fig. 89).
I. — du cuirassement.
Epaisseurs
II. — Calibre et disposition des canons. de cercles les aires battues
(Les portions marquent par chaque tourelle.)
On sait que ces gaz, appelés pauvres, sont obtenus en faisant agir la vapeur
d'eau et l'air, en quantité déterminée, sur du charbon incandescent. L'utilisation
des machines à gaz pauvre dans l'industrie est importante. Le matériel qui convient
à la production de ces gaz est d'une installation relativement facile et moins encom-
brant assurément que les chaudières nécessaires pour fournir la puissance équivalente
dans une machine à vapeur.
Au point de vue militaire, la solution de ce problème aurait une certaine impor-
tance.
On se range en effet, actuellement et de plus en plus, à l'avis qu'il faut faire du
cuirassé moderne une citadelle munie de la plus forte artillerie possible. Or,
jusqu'à
présent, avec les machines énormes dont on est obligé de le munir, qu'elles soient
d'ailleurs alternatives ou à turbines, une partie trop considérable du poids dont on
dispose est absorbée par ces machines, leurs chaudières et leurs accessoires. C'est
autant de moins qu'on peut consacrer aux canons et surtout à l'approvisionnement
LE NAA'IRE DE GUERRE MODERNE I27
L'emploi de machines à gaz Q) modifierait tout cela. AA'ec elles plus de cheminées,
un minimum de constructions sur le pont autorisant une répartition des tourelles
telle que le feu de tous les canons puisse être dirigé sur un bord ou sur l'autre, dis-
L'ARTILLERIE NAVALE
La vis et sa puissance. — L'obturateur. — Son rôlejprimordial. — L'artillerie à tir rapide. — Nelson en fut
— Artillerie — Le
l'inventeur et lui doit nombre de victoires. légère, moyenne, grosse. petit canon de YAmi-
-— Installation d'une tourelle de 3oom. —
ral-Souvarov, au combat- de Tsushima, qui tirait toujours!
— Eléments dont il faut tenir -^ Ce
Comment on pointe une de ces tourelles. — Le pointage: compte. qui se
— La conduite du tir. —- Les projectiles, — La mélinite. — Ses
passe quand on tire une pièce de 3ocm.
effets au combat de Tsushima. •— La "— Sa — Ses avantages et ses inconvé-
poudre sans fuhiée. composition.
nients. — Elle craint trop la chaleur. — — h'Iéna. —- Installation des soutes.
Quelques exemples d'accidents.
— Comment — Surveillance — Gom-
on cherche à y maintenir une température normale. qu'on y exerce.
ment sont confectionnées les charges des canons. — (îargousses, douilles, cartouches. — Noyage des soutes.
LES CANONS
dans la
Depuis que le canon se chargeant par la culasse a remplacé son ancêtre,
bouche duquel on introduisait la charge qu'il recrachait ensuite, des modifications
aussi nombreuses qu'importantes ont successivement été introduites, relatives à l'ap-
Nous n'entreprendrons
parence comme à la structure intérieure de cette arme. point
de retracer ici l'histoire de ces transformations; mieux vaut nous étendre avec
des cercles ou bagues en acier que l'on appelle des frettes, on les enfile à chaud sur
le tube cylindrique qui forme le canon proprement dit. En se refroidissant, ces frettes
produisent un serrage sur le cylindre et font pour ainsi dire corps avec lui.
Les pièces de la marine portent généralement plusieurs rangs de frettes ainsi
paroi intérieure trois bandes filetées séparées par trois bandes lisses de même largeur.
La masse d'acier qui forme la vis-culasse porte également, de son côté, trois bandes
filetées et trois bandes lisses exactement des mêmes dimensions que celles de l'écrou.
SAUVAIBE JOVJRDAN. U
i3o L ARTILLERIE NAVALE
Pour fermer la culasse, on place le bloc de fermeture dans une position telle que
ses bandes filetées se présentent en face des bandes lisses de l'âme du canon, puis
on le pousse en avant, de façon à le faire pénétrer dans l'âme. Lorsque sa tranche
gauche à droite, d'un sixième de tour, ce qui engage les filets de vis du bouchon
dans ceux de l'écrou ; la culasse est ainsi fermée. Lorsque le coup sera tiré, le bou-
chon maintenu à sa place par les filets devis, tout comme le serait une vis ordinaire,
inspection de l'âme de la
après lelogement de la
vis-culasse, la chambre à
quel fait suite la partie cylindrique de l'âme qui s'étend jusqu'à la bouche de la
pièce. C'est dans cette partie cylindrique que se placent les rayures, dont l'impor-
tance est capitale.
LES RAYURES
Ce fut vers i83o qu'un officier d'infanterie nommé Delvigne, inventeur d'une
carabine rayée, proposa aux ministères de la Guerre et de la Marine d'appliquer son
invention aux canons. La Marine seule accepta, mais les essais entrepris furent aban-
donnés, malgré les résultats très nets qu'ils fournirent au point de vue de la justesse
du tir et de l'augmentation de la portée, parce que les moulages employés pour faire
tourner le projectile exerçaient une pression telle sur la paroi de l'âme des canons
Cavalli, furent
le point de départ de l'adoption définitive des rayures pour toutes
espèces de canons, et, par voie de conséquence, déterminèrent l'emploi des projec-
tiles oblongs terminés par une partie conique.
Le rôle de la rayure est facile à comprendre.
Le projectile qui, grâce à elle, a reçu dans l'âme de la pièce, comme il sera
expli-
qué plus loin, un mouvement de rotation plus ou moins rapide autour de son grand
axe, se visse en quelque sorte dans l'air pendant tout le temps de son parcours. Il
en résulte d'abord qu'il peut vaincre plus aisément la résistance de l'air, d'où
aug-
mentation de la portée ; on obtient aussi un grand accroissement de la stabilité du
projectile tout au long de sa trajectoire, d'où découle ce fait important qu'il se présente
(J) Cela signifie que l'inclinaison de leur courbe, c'est-à-dire l'angle qu'elles faisaient avec une génératrice de
l'âme du canon, était constante. Il en résultait que le projectile était obligé de tourner sur lui-même dès son pre-
mier mouvement en avant.
( 2) L'inclinaison dos rayures est de /J°. Lorsque le projectile sort de l'Ame, il a donc tourné approximativement
de la longueur de l'arc de 4° sur une circonférence ayant comme rayon la longueur de l'Ame.
i32 L'ARTILLERIE -NAVALE
gauche le projectile sera déATté à gauche d'une quantité qui.s'élève jusqu'à 4o mètres
aux portées extrêmes et qu'on appelle la dérivation.La valeur de cette dériA'ation est
constante pour chaque calibre et mesurée pour les diverses distances. On en tient
compte soigneusement dans le pointage, nous le verrons plus loin, quand je dirai
comment il faut s'y prendre pour donner à une pièce la position nécessaire pour que
son projectile aille toucher un but déterminé.
DIFFÉRENTS MODÈLES
a passé le
Nous n'entrerons pas ici dans le détail des transformations par lesquelles
matériel de notre artillerie naA'ale depuis des canons se chargeant par la
l'adoption
culasse.
Il y aurait.là un exposé fastidieux et long, sans grand intérêt d'ailleurs. Il sera suffi-
sant d'indiquer les années qui ont été signalées par la création de types de canons
années sont : 1870, 1875, 1879, 1881, i884, 1887,.1888-91, 1891, 1892, i8g3,
Un tube en acier dans lequel est forée l'âme forme la partie centrale de la pièce. Ce
tube est noyé dans une masse de métal qui se nomme corps et recouvre le tube sur
toute sa longueur.
C'est
par-dessus le corps que se placent à chaud les frettes dont j'ai déjà parlé et
qui apportent un surcroît de résistance sur les points de la pièce où se produisent les
efforts violents de la déflagration de la charge.
Le tube porte à sa partie arrière le logement fileté de la vis-culasse. On n'emploie
plus, pour la confection de ces canons, que des lingots d'acier fondu obtenus par
le procédé Martin-Sie-
mens.
Les différents éléments
dont se compose une
précision mathématique
et en produisant le ser-
—
FIG. g6. Canon au-dessus du puits à frettage. rage requis.
Cette mise au point
des éléments déjà dégrossis des opérations de tournage, d'alésage et de
comporte
rodage.
Par le tournage on enlève le métal est en trop à l'extérieur, de façon à donner
qui
à la pièce sa forme
cylindrique.
Ualésage est l'opération identique
pratiquée à l'intérieur de l'élément.
Dans ces deux opérations, l'outil laisse sur les surfaces qu'il a travaillées des stries,
qu'on fait disparaître au moyen du rodage pour lequel on emploie des briques d'é-
meri.
Pour être assuré que l'âme du canon aura bien exactement le diamètre voulu, on
(') L'établissement du Creusot, s'est fait une mondiale dans la fabrication des fournit
qui réputation canons,
une des éléments des de la marine Les établissements industriels en
grande partie pièces française. français qui,
du Creusot, fournissent les éléments dos canons sont : ChAtillon-Commentry, Claudinon
plus (Lo Chambon),
la société de Pamiers (Ariège).
i3& L'ARTILLERIE NAVALE
ne lui donne son alésage définitif qu'après l'assemblage de tous les éléments. On évite
ainsi les erreurs qui pourraient se produire du fait de la compression opérée pendant
le tube.
le montage par les pièces placées à chaud par-dessus
se font en donnant à la fixée hori-
Les opérations que je viens d'énumérer pièce,
zontalement sur un outil un mouvement uniforme de rotation ; un
appelé tour,
autre outil tourne, alèse ou rode, reçoit, lui, un mouvement de translation
qui
horizontal.
Les éléments étant ainsi amenés à leurs dimensions exactes, on procède à l'assem-
blage.
Toutes ces opérations se font dans un immense atelier, à toiture très élevée, bien
A l'une des extrémités se trouve la
éclairé par le haut, et que l'on appelle forerie.
point voulu les énormes pièces qu'il s'agit de réunir, et de leur donner toutes les po-
sitions nécessaires.
Pour introduire le tube dans le corps, ce dernier est suspendu verticalement dans
un gigantesque four, où il prend la température reconnue nécessaire ; puis on amène
au moyen de chariots à treuils le tube au-dessus du corps et dans son axe ; on le fait
descendre doucement, après s'être assuré qu'aucun corps étranger n'est resté ni sur
le tube, ni dans le corps.
Enfin, on place la virole en la vissant fortement au moyen d'un collier à leviers.
On procède ensuite à l'alésage définitif de l'âme, qui comporte également la confec-
tion de la chambre à poudre, du logement de l'obturateur ainsi que le filetage et le
Quand l'usinage d'un canon est terminé, on lui fait subir un tir d'épreuve.
Ce tir sert non seulement
à éprouver la pièce, mais encore à provoquer un portage
des différents éléments qui le composent et à assurer une cohésion parfaite.
complet
Il comporte sept coups, à chacun desquels on augmente le poids de la charge de
L ARTILLERIE NAVALE i-35
poudre et celui du projectile de façon à rendre l'épreuve plus dure de coup en coup.
On arrive ainsi à dépasser sensiblement les conditions du tir de combat. Si aucune
principal des canons modernes, il convient donc d'insister un peu sur son fonction-
nement.
Cette pièce, nous l'avons déjà vu, se présente sous la forme d'un cylindre d'acier
quoi se rassasier deA'ant les nombreuses et magnifiques découA'ertes qui ont réA'olu-
tionné le monde depuis un siècle, mais, en y pensant bien, ne devrions-nous pas en
réserver une part et une bonne part pour ces inventions qui nous semblent mineures,
et sans lesquelles cependant aucune des autres n'aurait pu être réalisée ?
Qu'on A'euille bien réfléchir à ce que serait, par exemple, le monde sans la vis !
La beauté de cette invention se manifeste dans mille détails de l'industrie humaine.
Il est peu de ses applications qui puissent mieux que celle qui nous occupe donner
une idée de la puissance réalisée par la A'is.
Voilà douze filets de vis qui ne sont même pas continus et qui supportent sans flé-
chir, sans laisser sortir de l'écroùla culasse qu'ils maintiennent, la pression formidable
des iooooo litres de gaz auxquels donne naissance la déflagration de iook(îde pou-
dre, charge d'un canon de 3ocm, et la poussée des 2 6oooooks que ces gaz opèrent
sur la tranche antérieure de la vis. •
Ces gaz, ainsi comprimés, cherchent, on le pense bien, à s'échapper de l'âme par
toutes les A'oies, petites ou grandes, directes ou détournées, qui s'offrent à eux.
Si on n'y mettait ordre, ils passeraient notamment par les interstices qui existent
forcément entre les filets de vis de la culasse et ceux de son écrou. Il se produi-
rait ainsi des retours de flamme très dangereux pour le personnel placé derrière la
obvie à ces fuites en appliquant sur la tranche avant de la vis-culasse une rondelle
en cuivre munie d'un rebord, qui se loge exactement à l'endroit par lequel les gaz
quand elle est à son poste, un léger évidement circulaire dans lequel se loge l'obtu-
rateur. Lorsqu'on ferme la culasse, la vis-culasse est, au moment où on lui donne
sa rotation d'un sixième de tour, poussée en avant de quelques millimètres, par le fait
du vissage qui se produit. Elle vient donc appuyer fortement l'obturateur dans son
frapper l'étoupille aA'ant que la culasse ne soit absolument fermée ; autrement, les
filets de vis n'étant pas complètement engagés les uns dans les autres, la résistance
L ARTILLERIE NAVALE I37
offerte à la pression des gaz n'est plus suffisante, la culasse peut être rejetée en
arrière et des accidents terribles sont à craindre. Aussi s'est-on ingénié à placer sur la
culasse du canon un certain nombre
d'appareils mécaniques, pourde sûretés
ment de translation quand elle pénètre dans la pièce, un second mouvement, de rota-
tion celui-là, pour fermer l'ouverture de l'âme. Elle doit de plus, lorsque la culasse
est ouverte, pivoter autour d'un axe vertical pour dégager l'entrée de l'âme par
laquelle on va introduire la charge. Ces trois mouvement, faciles à exécuter à la
main avec les culasses de pièces de petits et moyens calibres, ne le sont plus avec
celles de
gros canons pour lesquelles le poids de la vis-culasse atteint 1 o^4kB»
comme c'est le cas pour le canon de 3o''m. On emploie dans ce cas des organes
de manoeuvre, crémaillères, pignons dentés, vis sans fin, mus par des manivelles,
C'est de l'année 1878 que date le premier canon à tir rapide. Ce fut un canon-
revolver de 37 °"n créé par la maison Hotchkiss pour lutter contre les bateaux tor-
pilleurs qui apparaissaient à cette époque comme un péril très menaçant. Le prin-
pour celui des partis en cause qui a su s'acquérir cet avantage, une supériorité dont
on ne peut nier l'évidence.
C'est pour avoir démêlé cette vérité, pourtant bien claire,que Nelson put acqué-
rir sur nos escadres un
avantage si marqué, au point de vue du feu, et en dehors de
toutes autres considérations.
Ses canonniers, entraînés à la mer et par de constants exer-
par un long séjour
L ARTILLERIE NAVALE
i3g
cices, étaient arrivés en effet à tirer de chaque pièce un coup par minute, si bien
plètement de celles du
tir en mer.
C'est ainsi que la
FIG. — 1 Pièce de marine montée sur affût à châssis, à pivot central. lygone, n'en pourra
99.
2 — — avant. tirer que trois ou
a, canon. e, commando de pointage
tourillons des canons. châssis. à bord, où il
b,
de visée.
f, quatre
c, appareils g, sellette.
d, corps d'affût et freins hydrauliques. h, chemin de roulement et pivot avant.
s'agit d'atteindre un
but mobile, et où la
Avec l'affût à berceau, le canon, ne portant pas de tourillons, repose par sa partie
centrale dans une masse d'acier qui l'enserre étroitement ; c'est son berceau, qui,
au moment du départ du coup, recule avec lui.
C'est alors le berceau qui coulisse dans les longrines d'une fixe
partie appelée
support d'affût, qui, elle, reste immobile.
L'affût fixe est boulonné à la plate-forme de la tourelle où le canon est placé, et
dans ce cas le pointage en direction en faisant tourner la tourelle elle-même,
s'opère
ou bien il repose par un train
de galets ou roulettes sur une circulaire boulonnée
au pont ; c'est alors en agissant sur la couronne de galets que l'on produit le mou-
vement de rotation de l'affût et de la pièce qu'il porte.
La violence du recul du canon est généralement amortie des freins
par hydrau-
liques, dont le principe, très est le suivant :
ingénieux,
L'ARTILLERIE NAVALE I 41
Quelle que soit d'ailleurs la disposition adoptée, il existe toujours à côté du frein
un mécanisme récupérateur, fonctionnant au moyen de ressorts ou d'air comprimé,
le recul une du travail fourni la pièce et qui,
qui emmagasine pendant partie par
aussitôt le mouvement en arrière terminé, ramène automatiquement le canon en
batterie, c'est-à-dire à la
position où, la nouvelle charge introduite dans l'âme, il
sera prêt à tirer de nouveau.
Toute cette organisation d'affûts à berceau, de freins modérant le recul, de récupé-
rateurs ramenant le canon à son poste, constitue à proprement parler, les moyens
Le temps économisé sur le chargement,
qui ont permis la réalisation du tir rapide.
le pointage et autres opérations nécessaires, a certes son importance, mais cette
économie n'eût pas permis de réaliser la rapidité de feu à laquelle on est arrivé
s'il ne s'y était ajouté le temps gagné dans les mouvements de recul et de mise en
batterie.
Le pointage en hauteur, c'est-à-dire la mise au point de la pièce dans le sens ver-
1^2 L'ARTILLERIE NAVALE
tical, s'opère au moyen d'arcs dentés fixés sur le canon dans lesquels viennent s'en-
gager des pignons mus par des vis sans fin et un volant.
Le pointage en direction d'amener le canon va faire feu dans la
permet qui
direction du but. Cette opération se pratique au moyen d'engrenages par l'inter-
médiaire d'un
pignon vertical agissant sur une couronne dentée fixée à la plate-
forme où reposent la pièce et ses accessoires. Une couronne de galets roulant sur
une circulaire plane boulonnée sur le pont du navire facilite, comme je l'ai dit plus
haut, le roulement du châssis.
Les engrenages sont mis en mouvement, comme pour le pointage en hauteur,
par un volant que tient un des servants de la pièce et, en certaines circonstances,
notamment pour les canons à tir rapide, le pointeur lui-même.
L'artillerie dont sont armés nos navires est, suivant le calibre des canons, répartie
en artillerie légère, moyenne ou grosse.
L ARTILLERIE NAVALE I43
Les canons
légers sont du calibre de 37""", 47""", 65'""', 75mm. Ils sont destinés
ger la hausse après chaque coup. On se contente donc de tirer au jugé en rectifiant
le tir par l'observation des points de chute des projectiles. On arrive ainsi assez aisé-
ment à tenir l'ennemi sous
le jet des obus, et on opère
un peu à la façon de l'arro-
seur public muni de l'appa-
reil et de la lance bien con-
nus. On a longtemps pensé
qu'il était nécessaire de don-
ner à l'artillerie légère un
commandement considéra-
expériences, le torpilleur,
que oiseau de nuit, se découvre plus facilement de points
se détache sur le ciel, que de points élevés d'où on le voit se
placés bas, parce qu'il
projetant sur la mer toujours plus sombre.
De plus, on est arrivé rapidement à penser qu'il y avait grand intérêt à donner à
dans quelque direction qu'il se présente, par le feu le plus intense possible.
m L ARTILLERIE NAVALE
Sur cequi peut et doit advenir d'un bâtiment à bord on n'a pas
duquel
su ménager à l'artillerie légère une protection suffisante contre le premier feu,
nous sommes fort instruits nombre
par d'exemples que nous fournit encore
la bataille de Tsushima. Un certain nombre de bâtiments russes, démunis de toute
leur artillerie succombèrent dans la nuit
légère, qui suivit le combat, sous les attaques
répétées des torpilleurs japonais qu'ils durent subir sans pouvoir leur opposer une
arme quelconque.
A bord du cuirassé Amiral-Souvarov, les petites avaient été mises à l'abri
pièces
La division de torpilleurs qui accompagnait nos croiseurs reçut l'ordre d'attaquer le Sou-
varov. Bien que presque calciné et cependant brûlant toujours, eût subi tant d'at-
quoiqu'il
taques et eût, dans le sens le plus exact du mot, servi de cible à une flotte entière, et bien
SAUVAIRE J0URDAN PL. III.
qu'il ne pût plus armer qu'un tout petit canon, le fier nuire tirait toujours pour montrer sa
détermination irrévocable de résister jusqu'au dernier moment ; il continua en effet à tirer
tant qu'il put se tenir sur l'eau.
 la fin, vers 711du soir, après que nos torpilleurs l'eurent attaqué encore deux fois, il s'en
alla majestueusement par le fond^).
Existe-t-il, dans l'histoire maritime, un plus bel et plus simple hommage rendu
à l'héroïsme du vaincu?
par le Arainqueur
L'artillerie moyenne comprend les calibres de 10e" 1 à [6™ inclus. Son rôle géné-
ral est de détruire les parties non cuirassées du navire ennemi, d'abattre les super-
structures, les cheminées, mâts et passerelles, d'allumer des incendies partout où
faire se peut et enfin d'agir contre le personnel qui n'est pas à l'abri derrière les cui-
rasses et de le démoraliser.
On l'installe dans des tourelles, des casemates ou des réduits.
La disposition en tourelles est pour les pièces de ces calibres exactement la même
que pour les gros canons dont nous nous occuperons plus loin.
Les casemates sont des logements pratiqués sur le flanc des navires et disposés de
telle sorte que la pièce qu'ils contiennent ait le champ de tir le plus étendu possible.
Ce logement est cuirassé, non seulement sur sa face extérieure, côté d'ailleurs pro-
tégé par le blindage général du navire, mais encore sur les cloisons intérieures qui
l'isolent du reste du bâtiment, de façon à mettre le canon et ses servants à l'abri des
coups qui pourraient les atteindre de dos, après avoir traversé une partie non cuiras-
sée ou insuffisamment protégée de la coque.
Gomme la nécessité de pouvoir tirer dans un champ assez vaste comporte un
sabord de grandes dimensions horizontales par lequel les obus ennemis pour-
raient entrer facilement, on munit la pièce d'un masque demi-circulaire en acier,
véritable cuirasse mobile qui, montée sur l'affût, tourne avec lui et vient, lorsque la
pièce est prête à faire feu, boucher la partie du sabord que la volée de la pièce n'ob-
strue pas.
Les casemates cuirassées ont été fort longtemps en honneur. Actuellement, on sem-
ble avoir reconnu qu'elles présentaient quelques inconvénients, et la tendance mo-
derne est vers le logement de toute l'artillerie en tourelles. C'est en tout cas la
disposition qui a été adoptée pour nos derniers cuirassés du type Danton, et pour la
Suffren pèse 700 tonnes) l'ingéniosité et la science des ingénieurs se sont donné car-
rière. Ils ont cherché tout d'abord et naturellement à réduire au minimum les
surfaces qui devaient frotter pendant la rotation.
Sur un certain nombre de nos cuirassés, ils étaient arrivés à supprimer ces frotte-
ments en employant de puissantes qui, où on vou- au moment
presses hydrauliques
lait se servir de la tourelle, soulevaient tourelle et fût-pivot ; le mouvement de rota-
L ARTILLERIE NAVALE
1^7
tion s'accomplissait alors, non plus sur du métal, mais sur de l'eau comprimée dans
une sorte de caisse placée au pied du pivot. La tourelle flottait ainsi dire et
pour
tournait, on le comprend, avec la plus grande facilité.
Quand le tir était terminé, on évacuait l'eau introduite sous dans les pots
pression
de presse, c'est le nom que portait la caisse où s'opérait le soulèvement, et la tourelle,
redescendant de quelques millimètres, sur des assises ménagées à sa base et
reposait
au passage du dans le pont supérieur.
fût-pivot
Pour nos derniers navires on a renoncé à cette et la rotation à bord
disposition,
des cuirassés des types Danton, et même de quelques unités
République plus anciennes,
s etlectue sur des couronnes de
galets. Il n'en existe pas moins dans ce cas un tube cuirassé placé au-dessous de la
tourellepour protéger le passage des munitions et éviter à la tourelle d'être mise hors
de combat par un projectile qui viendrait éclater sous son plancher.
Dans le but de diminuer un peu le poids considérable de la masse tournante, on
emploie aussi quelquefois des tourelles dites barbettes, dans lesquelles tout le cuiras-
sement inférieur, celui qui entoure l'affût, est fixe et boulonné sur le pont même
du navire.
La partie supérieure est au contraire mobile et tourne avec la plate-forme qui
supporte pièce et affût.
Tous les mouvements des appareils utilisés pour la manoeuvre des pièces de gros
calibre s'opèrent mécaniquement.
La force hydraulique ou électrique est employée pour mouvoir la pièce elle-même,
des engrenages servent pour l'ouverture, la fermeture de la culasse. Le projectile et
la gargousse pesant ensemble /(6ok(F pour le canon de 3ocm sont amenés jusque
devantla culasse par un appareil appelé basculeur et glissent à leur poste dans l'âme,
moyen des manettes de pointage en direction qu'il a sous la main, il dirige cons-
tamment la volée de son canon vers le but, pendant que s'accomplissent les opéra-
tions de nettoyage de la pièce après le coup tiré et son rechargement.
A côté des deux chefs de pièces assis sur leur sellette, puisqu'il est bien entendu
que toutes les tourelles modernes contiennent deux canons et que chacune a son
chef, se tient un officier, qui commande la tourelle et dont la tête est abritée par
une guérite ménagée dans la coupole. Il surveille les mouvements du but et a
devant lui, accrochés aux parois de la tourelle, une série d'instruments sur lesquels
'
viennent s'inscrireautomatiquement tous les renseignements nécessaires pour placer
la hausse du canon à la position convenable.
Le plus important de ces renseignements est la distance à laquelle se trouve l'en-
nemi. Un officier chargé de la direction du tir, sous les ordres, bien entendu, du
commandant, se tient dans une partie élevée du navire, le blockhaus par exemple, et,
au moyen d'instruments appelés télémètres ('), mesure à chaque instant cette distance.
Il l'envoie aussitôt aux différentes tourelles qui peuvent prendre part à l'action, et la
fait accompagner de renseignements complémentaires pour la correction de la
hausse (2).
. (') Le télémètre adopté par la marine française est celui des ingénieurs anglais Barr et Strpud.
î ( 2) L'envoi des ordres et des indications de pointage se fait au moyen de porle-yoix et d'appareils transmetteurs
l'air, à l'influence du vent qui, suivant la direction d'où il souffle, les pousse à
lequel on tire.
En somme, le
problème fort com-
permet de discerner plus efficacement le point du navire ennemi sur lequel il doit
envoyer le projectile, la main sur le levier de mise de feu, suit les oscillations de la
façon fort
désagréable sur le tympan.
Néanmoins, le déplacement et les vibra-
tions de l'air sont assez forts pour qu'il ait
fallu songer à proléger l'appareil auditif des
servants des pièces. On leur donne à cet effet
une sorte de béguin en toile portant de chaque
côté un bourrelet qui vient s'appliquer sur les
oreilles.
Le commandant Loir(') décrit comme il
suit les phénomènes qui se passent dans l'âme
d'un canon de 3ocm au départ du projectile :
La mise hors de service dont il vient d'être question n'implique pas d'ailleurs,
d'une façon absolue, que l'usage de la pièce devient dangereux après cette limite
de 200 à 3oo coups tirés à charge de combat. Mais les diverses parties de l'âme ne
présentent plus le même relief; les rayures sont usées, le logement du projectile
dilaté, bref le tir avec une pièce ayant servi dans ces conditions ne donne plus la
gences contraires en créant, en vue des exercices de tir, une charge spéciale, assez
réduite sans usure, et cependant suffisante
pour que le canon puisse la supporter
donner comme portée et justesse des résultats satisfaisants. Ces tirs d'exercice
pour
sont complétés chaque année par quelques coups à charge de combat.
La question de l'approvisionnement des munitions de l'artillerie est une. des plus
importantes qui se pose lors de rétablissement des plans d'un navire. Le ravitaille-
ment en munitions d'un navire de guerre au large est en effet une opération des
aussi rarement Elle ne
plus délicates et il importe d'avoir à y recourir que possible.
et presque toujours le retour
peut être accomplie que dans un mouillage tranquille,
au port d'attache s'imposera.
On a bien, il est vrai, prévu que des navires chargés de munitions suivront à la
merles escadres qui iront combattre, mais ce sera là une ressource peut-être pré-
caire, parce qu'un ennemi prévoyant mettra ses croiseurs aux trousses de ces pour-
Or, avec la rapidité du tir actuelle que l'on cherche encore à développer (2), la con-
sommation des munitions sera énorme en dépit du soin qu'on apportera à les écono-
De deux bâtiments également armés et également puissants sous tous les autres
dans un combat à celui des
rapports, il est bien évident que l'avantage appartiendra
deux dont l'artillerie sera la mieux disposée, étant répartie de façon à pouvoir lancer
à tout moment, dans une direction quelconque, une masse d'acier supérieure à celle
de son adversaire.
Les idées sur la composition la plus avantageuse à donner à l'artillerie d'un navire
de premier rang ont beaucoup varié, chez nous comme à l'étranger. Tantôt on a
tout sacrifié à la grosse artillerie, tantôt on a voulu donner à côté d'elle une place
FIG. 109.
—
Disposition de la cuirasse et de l'artillerie des cuirassés République et Patrie, de i4 900 tonnes.
I. Épaisseurs du cuirassement. II. Calibres des pièces. III. Disposition des pièces.
le dire, mais il a été suivi. A peine chez nous a-t-on esquissé une légère résistance
dont le résultat a été que nos cuirassés du type Danton n'ont plus comme les Dread-
et 24e"1)-
nought un calibre unique (3ocra), mais deux calibres (3o
L ARTILLERIE NAVALE l53
FIG. IIO. — de la cuirasse et de l'artillerie des cuirassés Démocratie, Justice. Liberté. Vérité, de i4 900 tonnes.
Disposition
On a ainsi deux
étages de feu permettant de tirer en pointe 10 coups de i6cm et
2 de 3ocm et par le travers 9 coups de 16™ et L\ de 3ocm.
Les cuirassés Démocratie, Vérité, Liberté, Justice, quoique de même type, ont subi
en cours de construction modifications de remplacer à leur
quelques qui ont permis
bord les 18 canons de 16™ par 10 de 19e" 1. La puissance de feu y a gagné quelque
chose, paraît-il, mais cet avantage a peut-être été compensé par la perte partielle de
du groupe de ces six bâtiments conçus pour aller ensemble à
l'homogénéité complète
la bataille et qui auraient dû par conséquent rester identiques.
Les pièces de igc,n de ces quatre cuirassés sont réparties, 4 en casemates et 6 en
tourelles simples, toujours sur deux étages.
Les six navires du type Danton(f\g. 111) ont heureusement échappé, eux, aux trans-
i54 L ARTILLERIE NAVALE
FIG. III. — de la cuirasse et de l'artillerie des cuirassés Danton, Diderot, Condorcet, Mirabeau, Voltaire,
Disposition
de 18 3oo tonnes.
Vergniaud,
FIG. 113. — de la cuirasse et de l'artillerie des cuirassés de a3 aoo tonnes, Jean-Barl et Courbet,
Disposition
actuellement en construction.
I. de la cuirasse. H. Calibre des pièces. III. Vue en plan de la batterie des pièces de i4°*.
Disposition
tion, on ne peut faire usage pendant longtemps que d'un nombre réduit de
très
canons. Pour approvisionner et monter
l'artillerie du fond de la cale jusqu'aux
tourelles et casemates les obus et sacs de poudre on emploie des monte-charges mus
ou Ces appareils sont de divers modèles. Les uns appelés
à bras.
par l'électricité
norias amènent les projectiles un à un, les autres les hissent par paquets dans des
bennes. Ces derniers sont électriques, des systèmes Sauttcr et Harlé, ou Bréguet.
t 56 L'ARTILLERIE NAVALE
CONDUITE DU TIR
Ce n'est pas tout d'avoir de bons canons, bien approvisionnés, bien répartis, bien
servis. Il faut encore savoir tirer de tous ces excellents éléments le .meilleur parti et
faire à cette artillerie son effet maximum au moment opportun, tout en
produire
veillant toujours à ne pas gaspiller des munitions que leur rareté rend particulière-
ment précieuses.
C'est à cette tâche importante qu'est préposé pendant le combat l'officier de tir,
sous la direction du commandant du navire, auprès duquel il se tient
générale
d'ailleurs dans le blockhaus.
Entouré de quelques aides chargés de manier les télémètres, les touches des appa-
reils qui envoient les indications du pointage à toutes les pièces, ayant sous la main
les tableaux nécessaires pour calculer les corrections des hausses, cet officier est en
communication aussi directe avec une pièce de calibre moyen, dite
que possible
du but avec plus d'exactitude
pièce de réglage. Celle-ci lui sert à chercher
la distance
encore que ne peuvent la lui donner les télémètres.
Lorsqu'arrive le moment de commencer le feu, il fait tirer par cette pièce deux ou
trois coups en faisant varier la hausse jusqu'à ce que les projectiles arrivent bien au
but.
Ce moment est assez facile à discerner. En effet, tous les obus qui tombent à la mer
soulèvent d'énormes gerbes d'eau qu'on aperçoit de très loin.
Au moment tombe sur l'ennemi, on tient le réglage.
précis où le premier boulet
Instantanément, distance, corrections sont envoyées à tous les canons auxquels leur
de tirer, et le formidable ouragan de toute une bordée gronde sur le
position permet
flanc du navire.
Le moment est fugitif d'ailleurs, car les vitesses considérables dont sont animés,
souvent en sens inverse, le but et le tireur, modifient très rapidementles conditions
du tir; au bout de il faut de nouveau avoir recours à la pièce de
quelque temps,
réglage. •'..'
la nuit, ou tout
On a aussi prévu que l'on pourrait être appelé à livrer bataille au
moins à soutenir des engagements contre des croiseurs cherchant à tenir le contact
à cause de la très faible
d'une, force navale. Dans ce cas, le déjà bien indécis
tir,
vision aura du navire ennemi, le sera encore bien davantage, étant donné que
qu'on
le réglage du tir et l'observation des distances par le télémètre deviendront impos-
sibles.
On a cherché en partie à l'un du moins
à remédier de ces inconvénients, en fabri-
quant des obus qui portent au culot une assez forte charge de poudre éclairante, ana-
d'artifice.
logue à celle qu'on place dans les fusées des feux
Une disposition enflamme cette poudre au moment où le projectile quitte
spéciale
l'âme de la pièce, et celui-ci autour de lui, lorsqu'il arrive à bout de course,
projette
une lumière assez vive pour qu'on puisse voir s'il a touché le but ou apprécier.la
Bien entendu, c'est la pièce de réglage seule qui emploie ce genre de projectile.
La hausse dont on s'est servi pour le coup le plus heureux est celle qu'on adopte pour
le reste deTartillerie.
Afin de permettre aux canonniers de diriger leur ligne de mire sur le but, dans
les combats de nuit, on emploie un système de jietites lampes électriques qui éclaire
le sommet du guidon et le cran de la hausse avec une netteté suffisante pour que
le pointage soit possible.
LES PROJECTILES
La coiffe supporte donc le premier choc. Elle se fend ou se brise en traversant la croûte
durcie de la plaque de cuirasse, et l'obus dont la pointe est demeurée intacte traverse le reste
du blindage (').
grande quantité d'explosifs. Ses parois et son ogive sont cependant assez fortes pour
percer les cuirasses d'épaisseur modérée avec lesquelles on protège
actuellement les flancs des navires. A l'encontre des obus de rup-
ture, l'obus de semi-rupture porte un mécanisme destiné à enflam-
mer la
charge d'explosif qu'il renferme. Ce mécanisme
est placé
Chargés en poudre, ils sont efficaces par leurs éclats contre le personnel,
L'ARTILLERIE NAVALE l5g
qu'ils touchent.
De plus, le déplacement d'air, le souffle produit par l'explosion d'un obus de gros
calibre chargé en mélinite éclatant à moins d'un mètre au-dessus d'un pont cuirassé le
défonce, projette les plaques de blindage qui peuvent elles-mêmes atteindre alors
et mettre hors de service les chaudières et les machines.
qui ne peut supporter longtemps les commotions effrayantes dont elle est accompa-
gnée ; enfin, les gaz produits par sa déflagration, étant en grande partie composés
d'oxyde de carbone, causent des intoxications aussi redoutables que la commotion.
Comme exenxple de tout ceci, je ne puis mieux faire que de donner encore
quelques extraits du récit poignant du commandant Séménov, sur ce qui s'est passé
à bord du bâtiment russe Àmiral-Souvarov, dans la journée du 27 mai igo5 (2).
Le combat était engagé depuis une heure environ. Déjà la ligne russe faiblissait
sous le feu d'enfer des Japonais.
.Les projectiles, dit le commandant Séménov, pi euvalent sans relâche; ils arrivaient et se
succédaient régulièrement à bord de notre malheureux navire.
Il me semblait que ce n'étaient plus des projectiles ordinaires qui frappaient nos flancs ou
s'abattaient sur notre pont, mais bien des mines entières et ces mines explosaient dès qu'elles
rencontraient la moindre chose.
Les plaques du bordé extérieur et de la superstructure étaient déchirées, tordues en masses
informes, dont les éclats mitraillaient le personnel : les échelles de fer, en se repliant, pre-
naient des formes de roues, et les canons étaient arrachés de leurs affûts.
Et tout cela n'eût été que peu de chose, si, en plus, ne s'était manifestée une élévation de
température affreuse et un dégagement de feu liquide qui inondait tout.
De mes yeux grands ouverts je voyais, sous le choc d'un obus, jaillir d'une plaque d'acier
une gerbe d'étincelles, et je n'hésite pas à déclarer que si la plaqué n'entrait pas en fusion,
toute la peinture n'en était pas moins volatilisée, laissant le métal complètement décapé.
Des objets difficilement inflammables, tels que des hamacs ou des bailles pleines d'eau,
brûlaient instantanément d'une flamme brillante comme des torches allumées. Même avec
des verres fumés on ne pouvait rien fixer, tant était troublée et déformée la silhouette de toute
chose par les vibrations de cette atmosphère infernale.
(*) Cours d'architecture navale de l'Ecole navale, par M. MARGUILT, lieutenant de vaisseau;
Le faux-pont ('), plongé dans l'obscurité par l'arrêt des dynamos, avait été envahi par
une fumée suffocante. Un silence de mort régnait dans cette obscurité enfumée et il est hélas !
bien probable que tous ceux qui étaient restés soUs le pont cuirassé, dans les compartiments
où l'air frais provenant des ventilateurs avait été remplacé par des gaz délétères, étaient alors
étendus morts ou du moins évanouis.
Les machines étaient stoppées, le manque de vapeur avait éteint la lumière et personne
ne pouvait plus s'aventurer en bas.
On peut affirmer, sans crainte d'exagération, que des 900 hommes qui avaient formé
l'équipage du Souvarov, il n'y avait plus de vivants que les quelques échappés que nous
voyions aux sabords de la batterie basse.
à balle,
II faut encore citer, parmi les projectiles que lancent nos canons, l'obus
départ du projectile. Cette particularité lui fait donner le nom de fusée à double
effet. On peut employer le système à temps, pour faire éclater le projectile en l'air
en un point de sa trajectoire qu'if est facile de fixer, et au-dessus pari .exemple du
jiont d'un naA'ire ou de groupes à terre. Cet obus ne peut produire d'effet utile que
sur des êtres animés.
Les fusées agissant par percussion fonctionnent d'après le principe suivant.
Un cylindre en métal creux, renfermant une amorce et une petite charge de poudre,
est contenu lui-même dans le corps de la fusée en bronze où il peut glisser. Il se
qu'il porte vient heurter une pointe métallique, sorte de clou barbelé, appelé rugueux.
L'amorce s'enflamme ainsi que la petite charge de poudre, et le feu se communique
à la charge de l'obus par des trous pratiqués dans le fond de la fusée.
Pour les projectiles chargés en mélinite, la petite charge de poudre est remplacée
jectile qu'après un parcours, ou, ce qui revient aumême, après un temps déterminé,
le feu est mis dès le départ du coup à une composition contenue dans un tube fusant
enroulé dans le corps de la fusée. On fait varier la longueur de ce tube fusant en
débouchant l'orifice ou l'évent convenable parmi ceux que la fusée porté sur son,
extérieur, et on conçoit ainsi arriver à faire éclater Tôbùs à
pourtour qu'on puisse
un moment précis de sa course.
Voici un tableau donnant, pour chacun des calibres employés dans la marine
française, le poids du projectile et celui de la charge de poudre.
Poids de la cbarge
Poids du projectile. de poudre. Vitesse initiale.
disjDosés à des distances soigneusement repérées sur le trajet de l'obus, les fils de
ces filets sont électriquement reliés à un appareil
chronométrique.
Lorsque, le coup étant tiré, le projectile passe dans les divers filets, il en coupe
les fils, le circuit électrique interrompu enregistre sur le chronomètre l'heure exacte
du passage de l'obus dans le cadre, et par différence on obtient le temps mis par lui
(J) Des expériences sensationnelles exécutées en 1909 sur le cuirassé léna ont fait adopter un nouvel obus dit
alourdi qui, pour les pièces de 3ocm, pèsera 44ok8 avec une charge intérieure de 12 à i3k8 de mélinite. Pour
le 2/|cm, l'obus pèsera 2aoks. Ces projectiles prendront la place des deux genres d'obus actuels de rupture et
de semi-rupture.
FIG. — Ancien
combustion lente permit de donner la même
117. cuirassé italien du type Lepanto
et Italia armé de pièces de u3cm pesant nooook*. de perforation, et même des puis-
puissance
sances supérieures à des pièces de calibres beau-
coup moindres, en augmentant les vitesses initiales dans les proportions que j'ai
indiquées ci-dessus.
LES POUDRES
La recherche de ces vitesses initiales plus considérables a abouti, dans toutes les
marines, à l'adoption de poudres spéciales, dites à combustion lente, parce que l'in-
flammation de la masse qui constitue la charge s'opère progressivement et non plus
instantanément, comme c'était le cas pour la poudre noire. Le temps que dure
cette combustion est suffisamment long pour que le projectile reçoive sous son culot,
pendant toute la durée de son trajet dans l'âme de la pièce, la poussée progressive
des gaz produits par la déflagration.
En somme, au lieu de l'espèce de choc que subissait le boulet dans les pièces
courtes où on employait la poudre noire, la force qui pousse le projectile dans l'âme
des pièces modernes peut être comparée à celle de la vapeur, dont la détente continue
appuie sur le piston d'une machine et le force à se déplacer dans son cylindre.
L'ARTILLERIE NAVALE I63
Les poudres dont se sert exclusivement la marine française sont cataloguées sous
le nom de poudres B. Elles ne produisent pas de fumée.
Ce n'est pas sans raison que j'emploie le pluriel en parlant de notre poudre. Bien
qu'en effet elle soit une quant aux matières qui entrent dans sa fabrication, la pro-
portion de ces matières varie suivant le calibre des pièces auxquelles elle est destinée,
et il existe en réalité sept espèces de poudre B Q, qui diffèrent entre elles par la
lenteur avec laquelle elles se consument.
Ces poudres, comme d'ailleurs celles qu'ont adoptées les autres puissances, sont
le produit de la dissolution dans l'éther d'une quantité plus ou moins grande de
nitro-cellulose soluble, ou fulmi-coton. Le fulmi-coton lui-même est obtenu en trai-
tant le coton par l'acide azotique et l'acide sulfurique.
L'inventeur des poudres chimiques est le savant ingénieur français Vieille, qui fut
aidé dans ses recherches parle célèbre chimiste Berlhelot.
L'antique mot de poudre, qui évoque l'idée d'une poussière et s'appliquait si bien
au mélange .de soufre, de salpêtre et de charbon inventé par Roger BaconQ, ne con-
vient nullement aux produits de ces manipulations chimiques, lesquels se présentent
généralement sous la forme de lamelles brunâtres ayant l'aspect et la couleur de
tique du plus important de ces aArantages. L'absence de toute fumée après le départ
du coup permet en effet de ne pas perdre de vue le but sur lequel on tire, alors
qu'avec la poudre noire il restait caché derrière un épais nuage, qui se dissipait plus
ou moins lentement selon la direction et la force du vent.
On-peut affirmer que le progrès énorme réalisé dans l'artillerie navale par l'intro-
duction dans l'armement des bâtiments des pièces à tir rapide n'a été rendu possible
d'emmagasiner une force vive supérieure à celle que pouvait donner la poudre noire.
(*) Elles sont cataloguées sous les rubriques : B. Mn, B. M^, B. M2 ,- B. M7. Celles réservées auxfusils sont
étiquetées B. F., et celles des canons-revolvers, B. R.
( 2) Celte invention, dont on fait généralement honneur au moine Roger Bacon, peut aussi bien être attri-
buée au moine allemand Schwartz Ou à Albert le Grand.
16 4 L'ARTILLERIE NAVALE
lesquels je reviendrai dans quelques instants, ont démontré que la j poudre B est un
composé chimique fort délicat, et que les corps associés dont elle est formée ont
sous l'influence de quelques agents, dont les principaux et les plus redoutables sont
l'humidité; l'élévation de la température et l'âge de la poudre, une tendance extrê-
mement fâcheuse à se séparer et à produire alors des mélanges susceptibles de s'en-
flammer spontanément.
Contre l'âge on a pu prendre des mesures radicales et efficaces en prescrivant que
toute poudre fabriquée depuis un certain nombre d'années devait être détruite OU
tout au moins radoubée, c'est-à-dire refaite.
Il en va tout autrement pour les excès de température. Après maintes études, on
a fixé à 35° le chiffre maximum auquel il était prudent d'exposer la poudre B.
Or, s'il était facile de trouver sur les anciens naA'ires à voiles et | même encore sur
les premiers navires à A'apeur, des coins où la température, même; dans les pays tro-
picaux, ne dépassât pas cette limite, il n'en est plus du tout ainsi sur les navires mo-
dernes où l'acier et le fer, excellents conducteurs de la chaleur, régnent en maîtres;
où la coque, jusque dans ses moindres-recoins, est parcourue par d'innombrables
tuyaux, qui conduisent aux cent machines disséminées dans ses flancs des torrents de
A'apeur surchauffée.
En réaEté, jusqu'aux naA'ires construits en ces toutes dernières années (cuirassés
du type Danton et un peu ceux du type République), on n'était pas arrivé à obtenir que
la température se maintînt dans les soutes à poudres au-dessous dès 35° permis. Sur
nombre de bâtiments, après quelques jours de navigation, ou même simplement aus-
sitôt après l'allumage des feux, le thermomètre s'éleA'ait à 4o, voireimême à 5o et 6o°.
poudre montrent une tendance à se dissocier. Des taches couleur yert-de-gris appa-
raissent sur les lamelles et indiquent un commencement d'oxydation.
Si le régime de chaleur augmente encore ou même simplement se prolonge, une
inflammation spontanée peut se produire d'un moment à l'autre et tous les désastres
sont à craindre. ; '
j .
Presque toutes les marines du monde ont eu, à un degré plus ou moins étendu,
à souffrir du manque de stabilité des poudres chimiques. I
Pour ne citer que les principaux parmi les accidents qu'on peut attribuer à cette
cause, je rappellerai l'explosion, en 1898, en rade de la Havane, du cuirassé
améri-
cain Maine, dont la perte fut, bien à tort, mise sur le compte d'une torpille que les
Cubains auraient placée sous la coque du bâtiment, ce qui jjroA'oqua d'ailleurs aux
Etats-Unis une terrible leA'ée de boucliers cônlre le gouvernement espagnol et finale-
ment amena la guerre. i
L'ARTILLERIE NAVALE l65
Les Japonais ont vu couler dans des conditions presque identiques, en rade de Sa-
sebo en igo5, leur cuirassé Mikasa, à bord duquel aA'ait flotté pendant toute la durée
de la guerre russo-japonaise le glorieux pavillon de l'amiral Togo.
En igo6,
une explosion spontanée causait également la perte du cuirassé brésilien
que les douilles enflammées eurent été jetées par-dessus bord, on vit que les obus
qu'elles portaient avaient été projetés par les gaz delà combustion et étaient allés
frapper le plafond de la.soute aA'ec heureusement trop peu de force pour éclater.
L'explosion de ces obus n'eût pas manqué de faire exploser tout le stock de mu-
nitions et sauter, le bâtiment.
Le désastre qu'on avait pu éviter à bord de ces deux naA'ires se produisit fou-
poussière.
Le contre-amiral Manceron, le pavillon flottait à bord de Yléna et dont l'ap-
dont
partement était situé presque directement au-dessus des soutes où l'explosion se pro-
duisit, échappa miraculeusement à la mort en sautant du balcon de sa galerie sur la
passerelle de la porte qui fermait le bassin de radoub. Il a raconté que, dès qu'il fut
revenu de l'étourdissement causé par le choc de la déflagration, il s'aperçut que les
tôles formant les parois de la pièce où il se trouvait avaient été instantanément por-
tées au rouge.
i66 L ARTILLERIE NAVALE
Après de longues études qui firent reconnaître le peu de profit que l'on retirerait
d'une réfection de Yléna, le cuirassé tragique fut sommairement remis en état de
flotter et utilisé comme cible en i gog dans des séries de tirs où ont été expérimentés
les effets des obus à la mélinite et étudiées maintes questions intéressant l'artillerie
et les cuirassés.
Les obsèques des 118 victimes de cette catastrophe se firent à Toulon, avec une
En attendant que ces études aient fourni des résultats probants et définitifs, on
s'est ingénié à faire A'ivre ces poudres capricieuses dans un milieu qui leur convînt,
et à les soustraire notamment aux élévations de température auxquelles il est bien
certain que leur composition ne résiste pas et qui pourraient provoquer d'autres
catastrophes.
C'est par une meilleure installation des soutes où elles sont renfermées à bord des
bâtiments de guerre que l'on a cherché à mettre les poudres B à l'abri des causes de
détérioration.
Les soutes à munitions sont des chambres dans lesquelles on conserve les poudres
et les projectiles.
D'après les principes actuellement enA'igueur, on les répartit en trois groupes, dont
deux principaux, à l'avant et à l'arrière, et un troisième, moins important, situé au
centre du navire.
Des chambres de distribution, en communication aA'ec ces dépôts, reçoivent les
monte-charges qui amènent jusqu'aux pièces les munitions dont elles ont besoin.
Enfin, tout au moins à bord des cuirassés, les trois dépôts'et leurs chambres de
distribution sont mis en communication par un corridor longitudinal ou coursive,
qui permet de faire passer des munitions d'un dépôt à un autre.
On conçoit l'intérêt de cette disjiosition. Si les pièces de 3ocm de la tourelle
avant ont eu, par exemple, au cours d'un engagement, à tirer souvent, et que le
stock des munitions du dépôt avant qui les approvisionne touche à sa fin, on pourra,
par la coursiA'e, faire arriver aisément les munitions du dépôt de l'arrière et doubler
ainsi, en cas de nécessité, la durée du feu de la tourelle aA'ant.
Cette manoeuvre, étant donné le poids de la charge d'une pièce de 3ocm, devenait
tout à fait impossible aA'ec l'ancienne installation des soutes dont chacune desservait
Le pis est que ni les uns ni les autres ne donnent de résultats vraiment satisfai-
sants, et
les ingénieurs auxquels revient de droit la solution de ce genre de pro-
blème sont réduits à avouer qu'il n'existe pas actuellement de système vraiment
efficace pour maintenir la température d'une soute à poudres dans les limites dont il
est cependant si urgent de ne pas
sortir.
On se borne donc à en écarter
le plus possible les sources de cha-
leur et notamment le tuyautage de
vapeur.
constater si la qualité de la poudre change et si, sur ses lamelles, apparaissent les
indices bien connus de la désagrégation, signe avant-coureur de la combustion spon-
' "
tanée. • !
De plus, les poudres d'un navire doivent être visitées par les services de l'Artille-
rie, c'est-à-dire débarquées et réembarquées une fois par an dans les conditions nor-
males, et plus souvent si des faits particuliers ayant pu modifier leur état se sont
produits. j
On a dû se préoccuper également du danger que courraient les soutes à poudres et
à projectiles, et par suite le naA'ire lui-même, si un incendie même partiel se déclarait
dans le voisinage de ces locaux, et pouvait les atteindre. !
Aussi chaque soute possède-t-elle un tuyautage qui permet de la remplir d'eau de
mer à A'olonté, de la noyer.
On a encore prévu le cas où le feu aurait pris dans le voisinage immédiat de la
soute, le robinet d'accès est, à cet effet, muni d'une longue tige qui permet de le
manoeuA'rer à distance. Le diamètre de ces tuyaux est calculé de telle sorte que
La valeur du personnel tout, en fait de marine. — Les officiers de vaisseau. — Leur recrutement. —
prime
L'Ecole navale. Ce qu'on y fait. — Fistots et anciens. — L'Ecole d'application.
— Les
postes d'aspirants.
— L'échelle des grades'des officiers dans la marine — Nombre d'officiers de chaque grade. —
française.
Comment ils vivent à bord. — Les tribulations de l'officier en second. — La gamelle et le cap Fayot. —
Officiers des corps auxiliaires. -— L'équipage. — L'inscription maritime. — Les Écoles de — Les
spécialités.
exercices. -— Lancements de torpilles. — Le cône de choc. — Tirs du canon. -— Comment on apprécie
leur justesse. — La journée du marin. — Le débrouillard. — Le et ses fonctions. — Le branlebas
maître-coq
et les permissionnaires. — Le hamac, roi des lits. — L'échelle des — La maislrance.
grades pour le marin.
— L'école des élèves-officiers.
Une nation qui veut pouvoir dire son mot sur mer doit assurément posséder des
naA'ires bien étudiés et bien construits, doués d'une artillerie puissante et convenable-
ment approvisionnée, en résumé, tout ce qui constitue un bon matériel.
Mais, quelle
que soit la perfection de ce matériel, s'il n'est pas servi par un personnel de premier
ordre, si les officiers et les équipages ne sentent pas la grandeur patriotique de leur tâche
et ne comprennentpasleurdeA'oir, s'ils se laissent détourner d'un but unique qui doit
être la préparation au combat, les dépenses, si énormes soient-elles, que cette na-
tion aura consenties
pour sa marine de guerre, se réduisent à un simple gaspillage,
et la confiance qu'elle aura placée en celte arme amènera un jour ou l'autre la plus
terrible et la plus cruelle désillusion.
En aucune matière ne se vérifie plus exactement la vérité de cet adage : « Tant
vaut l'homme, tant vaut la chose ».
La préparation, l'éducation, l'entraînement du personnel doivent donc être la
constante d'un Gouvernement qui veut avoir une marine forte.
préoccupation
Le capitaine de frégate Daveluy, dans son très remarquable ouvrage, La luttepour
de la merÇ), dit excellemment à ce sujet:
l'empire
Développer chez les. officiers et dans les équipages l'esprit de devoir et de sacrifice; leur
montrer la grandeur et aussi les difficultés de la tâche qu'ils auront à remplir; inculquer à
'
chacun le sentiment de la responsabilité qui lui incombe devant le pays ; telle doit être la
base de l'éducation militaire. Pour former le caractère des hommes, il faut avant tout de
bonnes institutions ; il faut aussi des traditions d'honneur et de discipline.
Mais aujourd'hui la trempe morale ne suffit plus ; la guerre moderne met en oeuvre des
moyens si compliqués et si variés, que pour s'en servir il faut un entraînement constant.
C'est à cette condition seulement qu'on évitera les fautes qui ont coûté si cher aux Russes ;
c'est à ce prix seulement que les obus et les torpilles iront au but.
LES OFFICIERS
Les qualités et les connaissances que doit posséder un bon officier de marine sont
nombreuses. Le courage personnel est, bien
entendu, la première de ces qualités, celle
Quant à ses connaissances techniques, elles devront être des plus étendues, à peu
parfaite et approfondie des mille organes renferme, leur mise en oeuvre, en temps
qu'il
de paix comme en temps de guerre, exigent de l'officier qu'il soit une sorte de savant
ou mieux d'ingénieur universel.
Aussi ne faut-il du soin que réclame le recrutement du personnel
point s'étonner
officier, de ses difficultés, du temps qu'exigent l'éducation et l'instruction de ce
portes, passent, ou pour mieux dire passaient jusqu'à présent, deux années sur un
vieux vaisseau, mouillé en rade de Brest.
Mais les vaisseaux en bois ont disparu, les travaux considérables at coûteux que
LE LA VIE A BORD
PERSONNEL, i73
d'opinion en vertu duquel il ne paraît plus nécessaire que l'École soit flottante.
Cette théorie a prévalu et la nouvelle École navale, celle qui remplacera le vieux
et dernier Borda sur les bords de la rivière en
('), s'édifie en ce moment Penfeld,
centre de l'arsenal maritime de Brest.
plein
Il faut reconnaître d'ailleurs que toutes les autres nations maritimes, l'Angle-
terre, l'Allemagne, les États-Unis, le Japon, l'Italie, l'Autriche ont adopté la solution
de l'Ecole navale à terre.
Quoi qu'il en soit, et si, comme il est très vraisemblable, nos futurs officiers de
marine doivent trouver
dans leur nouvelle de-
meure des facilités de
tous genres, inconnues à
bord du vieux vaisseau,
ils perdront assurément
au point de vue du pitto-
resque de l'existence ce
pressés à recueillir les reliefs des festins et les innombrables détritus que tout navire
sème à la mer.
Finies pour eux, ces premières
aussi émotions du métier maritime, alors que les
coups de vent du S.-O. faisant rage, on appelait, la nuit, l'équipage pour aller, dans
le hurlement des rafales, dépasser les mâts de perroquet (2), orienter les vergues en
et qu'on surveillait attentivement les feux de la côte pour voir si on ne chas-
pointe,
sait pas(3).
(') Le nom de Borda, savant astronome et marin distingué qui vécut de 1733 à 1799, a été donné tradi-
par
tion aux trois vaisseaux qui ont successivement servi d'Ecole navale. La création de l'École navale flottante re-
monte à 1837.
Abaisser et amener sur le la des mâts, de façon à diminuer la offerte aux
(-) pont partie supérieure prise
rafales.
Cette ne doit éveiller ici aucune idée Chasser des marins, lo
( 3) expression cynégétique. signifie, pour que
LE PERSONNEL, LA VIE A BORD
i74
Finie
également la vue passionnante des gracieuses évolutions des bricks et des
corvettes où s'exercent les mousses et les apprentis-marins. On ne discutera
plus
entre loups de mer de dix-huit à vingt ans leurs élégantes manoeuvres non plus que celles
de l'escadre, que l'on suivait si commodément du bastingage de la dunette du Borda,
ou mieux encore, des enfléchures des grands haubans.
Mais
s'ils perdent quelques précieux
avantages de cet ordre et d'autres, en revanche
nos jeunes marins ne verront peut-être plus, comme c'était de règle à bord du vieux
ponton, quelques parties de leurs vêtements, leurs chaussettes par exemple, dispa-
raître, entraînées par les rats, qui, en légions redoutables, avaient élu domicile dans
les recoins discrets de la membrure du vieux et faisaient
vaisseau, chaque nuit la
rafle régulière de tout ce qui était
imprudemment laissé à portée de leurs atteintes.
Les futurs officiers mènent à l'École navale une existence partagée entre la pratique
du métier de la mer et l'étude des sciences très diverses dont la connaissance leur
est nécessaire.
Pour être à même de donner des ordres et de surveiller leur correcte exécution, il
faut tout d'abord connaître à fond les éléments du métier où l'on aura plus tard à
commander. La mise en oeuvre de ce principe, plus exact peut-être encore en ma-
rine qu'en toute autre chose, conduit à faire tout d'abord apprendre aux élèves de
l'École navale les moindres détails de la vie du marin. Nager (') en embarcations,
savoir serrer une voile, hisser un signal, tenir correctement la barre d'un canot à la
voile, enfourner le charbon à longues pelletées sur la grille du fourneau d'une chau-
navire mouillé est entraîné la force des rafales ou la violence de la mer et que ses ancres, raclant sur le
par
fond, ne le maintiennent en La d'un navire chasse, le vent le sur une
plus place. position qui lorsque porte
côte peu éloignée, est des plus dangereuses.
(') Nager signifie ramer.
LE PERSONNEL, LA A'IE A BORD ^5
dière, gréer un hamac et le rouler, tels sont quelques-uns des détails pratiques par
OÙ commence leur éducation. Elle se complète ensuite peu à peu, à mesure que
l'assimilation se produit, pour arriver à là possession des connaissances qui con-
cernent plus particulièrement le métier d'officier, telles que conduite du naA'ire, obser-
vations astronomiques,; calculs, utilisation des armes, du canon, des torpilles, etc.
La première partie de cette éducation pratique est donnée par des instructeurs gra-
dés, sous la surveillance d'officiers à qui incombe plus particulièrement le soin de
donner ensuite la seconde.
Les cours d'ordrescientifique, historique et littéraire sont faits, soit par des offi-
ciers de marine, soit par un corps spécial de professeurs provenant de l'Université
et jouissant de la situation et des prérogatives des officiers.
De fréquents examens, vulgairement désignés sous le nom de colles et dont les
résultats, sous forme de notes, concourent à fixer le rang définitif avec lequel chaque
élève quitte; le Bordât entretiennent parmi les jeunes gens une ardeur qui sommeille-
rait si volontiers quelque peu après les rudes labeurs nécessaires pour forcer la porte
de l'École navale. Ce classement de sortie, combiné aA'ec celui du.croiseur école-d'ap-
plication, détermine en effet le rang du futur officier sur la liste d'ancienneté du
corps et donne aux premiers un avantage important pour la suite de leur carrière.
L'esprit d'émulation est encore soutenu par la distinction conférée aux élèves clas-
sés dans le premier douzième de chaque promotion. Deux ancres en or brodées de
chaque côté du collet du dolman de grande tenue distinguent les brigadiers. Les
suivants, jusqu'au premier quart de la liste de classement, sont dits éhYves d'élites,
leur col porte une seule paire d'ancres.
Ces titres ne sont pas d'ailleurs considérés comme des grades, ce qui est peut-
être un tort.
Le séjour au Borda est de deux années. ..
Les liens de la plus cordiale camaraderie, se muent
le plus souvent en bonnes
qui
et durables amitiés, unissent presque toujours les élèves d'une même promotion et
même ceux des trois promotions qui se trouvent en contact pendant ce séjour.
hommage, voire même certaines redevances féodales! C'est ainsi qu'un règlement
secret, tout à fait en opposition d'ailleurs avec le A'rai règlement, celui qui a pour lui
la force et la distribution de punitions Variées, oblige chaque fistot à rapporter à son
ancien, les jours de sortie, quelques douceurs, une boîte de bonbons ou de chocolat,
On en sortait pourseulement
les conférences et on s'y en-
hublot percé obliquement dans ses flancs épais. FIG. 123, — Au Borda : OIFFKHENTKS.
LE PERSONNEL, LA VIE A BORD
t77
et avec, aux manches, le joli galon d'or coupé de soie bleue du midshipman, le pre-
mier galon tant désiré, on entre dans la vie...
Pour une année cette vie sera
encore, cependant, réglée un peu trop mathéma-
tiquement au gré des jeunes aspirants, qui voudraient voir se réaliser à la fois tous
leurs rêves où la liberté joue toujours un rôle important.
L'École d'application, sous la forme imposante d'un beau grand croiseur, attend
nos jeunes gens après deux
mois de vacances à peine
suffisants pour montrer à la
famille, jusqu'à ses mem-
bres les plus reculés, notam-
ment aux arrière-petites
cousines, le bel uniforme
si élégant dans sa sobriété,
—
Le croiseur-école d'ap-
FIG. 134. Le Bougainville en croisière.
point ou deux du littoral des États-Unis, puis les ports de France et d'Algérie,
le Levant déroulent devant
les yeux étonnés de nos jeunes marins le kaléidoscope
de leurs couleurs locales et de leurs mouvements si pittoresques.
Les
permissions de « descendre à terre », c'est le terme maritime consacré, sont
accordées à chaque mouillage avec une libéralité suffisante que le souvenir des
pour
pays visités reste dans l'esprit de nos futurs amiraux.
Les traversées assez longues qui séparent les différentes relâches sont mises à profit
pour inculquer aux aspirants la pratique détaillée des nombreux et complexes pro-
blèmes que comportent l'art de la navigation et l'utilisation d'un navire comme
arme de guerre.
Mais, à bord du Duguay-TrouinÇ), c'est au point de vue du commandement qu'ils
étudient cette pratique. Chaque aspirant remplit le plus souvent possible, sur la
passerelle, le rôle d'officier de quart, calcule le point tous les jours, dirige le tir
des canons et le lancement des torpilles, en un mot s'initie à toutes les besognes et
à tous les devoirs qu'il aura à accomplir dans les fonctions d'officier.
(J) C'est le nom porté par le croiseur-école actuel. On songe aie remplacer par un de nos plus anciens croiseurs
cuirassés.
LE PERSONNEL, LA VIE A BORD
179
Des cours professés par les officiers du bord complètent l'instruction théorique
sur quelques points laissés dans l'ombre au Borda.
L'installation matérielle des aspirants à bord du Duguay-Trouin est exactement
celle que de temps immémorial leurs prédécesseurs trouvaient sur les navires de la
flotte. C'est un poste commun pour dix ou douze, qui sert à la fois de salle à
(') Ces feuilles étaient écrites, lorsque, par une mesure complémentaire à celle dont il est parlé ci-après,
l'amiral lioué de Lapeyrère a décidé le titre d'aspirant ne serait plus porté les officiers
que que par jeunes
l8o LÉ PERSONNEL, LA VIE A BORD r
les aspirants
Or, de irc classe de notre époque n'ont plus treize ou quatorze ans,
mais bien A'ingt-deux ou A'ingt-trois. Outre qu'ils: souffraient dans leur dignité de
se A'oir traiter en unités encombrantes et inutiles, il! arrivait que beaucoup d'entre
eux perdaient, dès leur entrée dans lacarrière, un zèle et une ardeur dont le service
eût assurément profité. Ne pouvant réagir contre un de choses si malheureu-
ordre
sement établi, ils ne songeaient plus qu'à passer leur temps le plus gaiement qu'ils
pouvaient, en se mêlant le moins possible d'un service dont ils n'avaient à attendre
aucun agrément.
embarqués à bord du croiseur-école. Dès qu'ils sontlversés au service général, les aspirants deviennent enseignes
de vaisseau de 2e classe.
(') SAIKT RÉQUIER, Les aspirants. Le Fac/i!, n° |i649-
LE PERSONNEL, LA VIE A BORD t8i
Fuyant le bord
dès qu'elle le pouvait, cette jeunesse se réunissait à terre pour des
exploits nocturnes dont les paisibles habitants de nos principaux encore
ports gardent
le fâcheux souvenir. Bien des sommeils ont été troublés par les bruyantes facéties
auxquelles la police était quelquefois appelée à mettre un terme. N'a-t-on pas entendu,
il y a quelques la solennelle
années, place d'armes de Toulon retentir de vibrantes
fanfares sonnées à perdre haleine par une théorie de midships, célébrant, minuit
passé, l'hallali d'un nombre incalculable de chats à cor et à cri dans les
poursuivis
ruelles noires de la vieille ville.
Par ailleurs, certain à bord du cuirassé amiral de l'escadre de la
poste d'aspirants,
Méditerranée, produisait, aux
FIG. 126. —
Aspirant on tenue de débarquement. les enseignes de vaisseau. Leur
installation matérielle a été éga-
lement beaucoup modifiée. Des chambres, il en est de disponibles, leur sont
quand
données ; le carré des officiers leur est ouvert ; bref, les aspirants ont cessé d'être des
élèves, des étudiants en science nautique et militaire pour véritablement les
remplir
fonctions d'officier auxquelles les rendent parfaitement aptes et leur âge et les études
auxquelles ils ont été astreints.
trois années
Après passées dans le grade d'aspirant, la loi confère aux jeunes offi-
ciers celui d'enseigne de vaisseau. C'est un avancement mathématique.
L'enseigne de vaisseau porte deux galons et son grade l'assimile
à un lieutenant
de l'armée de terre. Il est embarqué sur toutes sortes de bâtiments. A bord des cui-
rassés d'escadre, il double le lieutenant de vaisseau, auquel seul le règlement confie,
en principe, le droit de commander le quart en chef, estimant que les graves res-
ponsabilités qu'implique la direction de ces lourdes et coûteuses unités, naviguant en
i8a LE PERSONNEL, LA VIE A BORD
sans relâche, sont là pour démontrer le contraire. C est alors que doivent intervenir
un troisième galon d'or vient s'ajouter sur les manches aux deux premiers. On est
lieutenant de vaisseau, et
assimilé aux capitaines
de l'armée de terre.
C'est ici, il me semble,
le lieu d'expliquer le dou-
ble mécanisme au moyen
Les officiers reçoivent le brevet de canonnier après un stage de cinq mois à terre et
de sept mois à bord des bâtiments qui composent la division-école de canonnage.
magnifique rade des îles d'Hyères où elle trouve, sous un climat favorable, toutes les
facilités désirables pour les innombrables tirs et exercices auxquels elle doit se livrer.
l86 LE PERSONNEL, LA A'IE A BORD
engin occupent le plus clair du temps que les officiers passent à l'École. Ils s'y
initient également à la conduite des torpilleurs, qu'ils iront ensuite commander
dans les différentes de la défense du littoral.
flottilles
chargées Ils prennent un
aA'ant-goût de ces passionnantes mais pénibles fonction s au prix d'un nombre consi-
dérable de douches salées que la mer leur octroie généreusement quand l'étrave
de leur torpilleur la laboure à une A'itesse exagérée.
dans ses multiples
L'électricité, applications à la marine, fait encore partie dubagage
scientifique que doit posséder l'officier torpilleur. C'estiluiqui, en plus des torpilles
et de ce qui s'y rattache, est chargé, à bord des navires où il est embarqué, de tous
les engins et appareils électriques, monte-charges de l'artillerie, éclairage, télégraphie
sans fil, etc. Ce n'est d'ailleurs pas là le côté le moins ingrat de sa tâche. Des kilo-
mètres, des myriamètres de conducteurs électriques s'allongent en effet dans la coque
d'un bâtiment moderne. Leur installation n'a pas toujours été très bien étudiée , sur-
tout sur les bâtiments anciens, et il est quelquefois nayrant de A'oir le malheureux
officier torpilleur et ses aides s'arracher les cheveux devant un effrayant écheA'eau de
fils, dans lequel il s'agit de trouver celui ou ceux dont l'isolement défectueux laisse
duite y fut héroïque ('). Il est donc indispensable qu'une partie au moins de l'équipage
soit à même de se bien comporter à terre, et c'est à cette
préoccupation que répond
l'organisation à bord de chaque navire d'une Compagnie de débarquement sur laquelle
gulière et qui devra disparaître un jour ou l'autre, c'est à l'École de Lorient que se
donne aux officiers élèves comme aux matelots l'instruction du maniement des petits
canons à tir rapide. C'est là, semble-t-il, l'affaire de l'École de canonnage (3).
plutôt
que l'organisation d'une marine moderne exige que les officiers destinés à en devenir
les chefs possèdent des connaissances générales étendues ; ces derniersvoyaient en-
core dans la création d'une Ecole supé-
rieure maritime, l'avantage de constituer
un centre d'études où s'élaborerait le corps
de doctrines et s'orienteraient, vers le sens
passe à bord et hors du bord. En plus des mille détails du service qu'il règle à tout
instant, tout au long de sa journée, il rédige encore le cahier dit de service, d'après
lequel se déroule heure par heure la
vie du bord.
Sa mémoire doit le servir fidèle-
ment, car à lui incombe le soin de faire
exécuter, sans en omettre le moindre
alinéa, les innombrables ordres, per-
manents et autres, qui émanent du
commandant du navire, de l'État-major
de l'escadre, du contre-amiral chef de
division ; puis il lui faudra penser en-
core à mille détails, aux vivres à em-
Après ces temps d'épreuve, et après un commandement qui lui remonte le moral, le
Mais il faut à
capitaine de frégate est apte à faire un capitaine de vaisseau (colonel).
ce tournant décisif de sa carrière qu'il ail bon vent en poupe.
Il n'est en effet plus ici question d'anciennelé, et le choix seul, basé sur ses notes,
de ses chefs, et aussi la chance d'avoir dans la Commission de classe-
l'appréciation
ment quelques amiraux qui auront pu apprécier sa manière de servir, lui permettront
de franchir l'étape redoutable.
Aux capitaines de A'aisseau sont réservés les commandements des grosses unités
et aussi de quelques nombre de
divisions navales lointaines, composées d'un certain
bâtiments. Mais ces dernières aubaines sont rares et très recherchées ; la plupart
IQO LE PERSONNEL, LA VIE A BORD
des capitaines de vaisseau ne quittent guère les mers d'Europe où ils commandent
les cuirassés de nos escadres.
Si la chance, les circonstances favorables, ont permis au capitaine de vaisseau
d'exercer trois années le commandement d'une unité ou d'une division na-
pendant
vale, si surtout il a déployé dans cette situation, comme aussi tout au long de sa
redingote et l'annuaire
de la marine le ranger
barqué porte en tête de son mât d'arrière un pavillon tricolore qui constitue ce qu'on
appelle la marque de l'amiral. Deux étoiles blanches sont imprimées dans le bleu de
ce paA'illon.
Ausujet du mot pavillon une explication aura peut-être ici son utilité. L'emblème
national est toujours désigné, chez nos marins, sous le nom de pavillon. On n'en-
tendra jamais à bord de nos navires parler de drapeau ou d'étendards, appellations
qui sont cependant les seules admises pour les emblèmes de nos régiments.
Le pavillon, que l'on désigne aussi sous le nom de couleurs est
quelquefois
LE PERSONNEL, LA VIE A BORD
I91
à bord, comme il convient, l'objet d'un culte religieux. Tout ce qui se rapporte
à ses mouvements devient une sorte de cérémonie. Pendant la journée, il doit flotter
au mât spécial placé tout à fait à l'arrière de nos navires ; le règlement prescrit de
le rentrer au coucher du soleil et de le hisser à huit heures du matin. Ces deux
mouvements s'exécutent avec une solennité
singulièrementimpressionnante. Lorsque
l'officier de quart voit approcher l'heure prescrite, il commande « Attention pour
les couleurs ! » puis « Envoyez ! » A cet ordre, les deux factionnaires des coupées
déchargent en l'air leurs fusils, les tambours et clairons réunis à l'arrière sonnent
et battent « Au Drapeau », le peloton des fusiliers de garde rend les honneurs. Toutes
les personnes qui se trouvent sur le pont
font face à l'arrière et se découvrent. Et
importants.
L'issue du combat, et peut-être le salut du pays, quelquefois des déci-
dépendra
LÉ PERSONNEL, LÀ VIE A BORD
tg'2
manquent dans les soutes, et qu'en un mot tout le matériel est prêt à répondre à
l'entraînement du personnel.
En plus des commandements d'escadres,
généralement au nombre de deux ou
trois, les A'ice-amiraux occupent les importantes fonctions de préfets maritimes dans
les cinq villes où sont installés les arsenaux, celles .d'Inspecteurs généraux des diffé-
rents services de la flotte, et siègent aux grands Comités ou Commissions du Minis-
tère.
Il n'y a pas dans la marine de
grade supérieur à celui de vice-amiral. Celui
d'amiral qui correspondait au grade de maréchal
dans l'armée de terre a été sup-
(*) Nous avons maintenu l'appellation officiers de vaisseau pour désigner le corps des officiers. 1susceptibles de
commander un bâtiment de guerre, parce qu'elle est d'usage courant. la loi organique de la marine
Cependant
les désigne sous le nom d'officiers de marine, les autres sont officiers de la marine. S
SAUVAIRE J0URDAN PL. IV.
Pour hâter la disponibilité de leur navire, les officiers n'hésitent pas à participer à l'embarquement du charbon.
LE PERSONNEL, LA VIE A BORD 103
font, à tour de rôle, le quart dans les machines tout comme les lieutenants ou en-
le transport des munitions d'artillerie. En dehors de ces heures où ils ont à faire
oeuvre belliqueuse, leur temps est occupé à tenir les comptes individuels des officiers
et matelots et ceux des naA'ires, à surveiller les approvisionnements, les vivres, enfin
à toucher et à distribuer la solde, service qui leur A'aut une popularité de bon aloi.
Un certain nombre d'officiers du Commissariat forment un corps spécial qui, sous
le nom d'administrateurs de l'Inscription maritime, résident dans les quartiers répar-
tis sur nos côtes et A'eillent au bon fonctionnement des antiques rouages de. cette
institution qui fournit à notre flotte
une partie considérable de ses équipages.
Un des organismes très importants de notre marine est constitué par le corps très
saA'ant et très estimé à qui est confié le soin d'établir les plans de nos naA'ires, d'en
diriger la construction, puis de les entretenir en bon état pendant toute leur car-
rière. C'est le corps du génie maritime, dont les membres sont souvent appelés aussi
s'y livrent une énergie et un dévouement inlassables ; il n'est que trop juste de rendre
à ces officiers un hommage mérité.
On a créé il y a quelques années un corps spécialement chargé de contrôler les
actes administratifs des officiers et fonctionnaires de la marine. Les contrôleurs de
la marine se recrutent parmi les commissaires et les officiers de vaisseau au moyen
d'un examen Chargés de missions
spécial. ou attachés aux arsenaux, ils s'assurent
que les lois et règlements si nombreux et si A'ariés qui régissent l'administration des
choses navales sont strictement et correctement appliqués, et signalent directement
au ministre les infractions
ou les abus qu'ils ont relevés.
Inutile de dire que ces fonctions, quelque peu inquisitoriales et vexatoires, ont valu
au Contrôle pris en corps une assez médiocre popularité.
On trouve encore dans notre organisation maritime deux groupements formés
d'officiers temporairement détachés au serA'ice de la marine.
C'est d'abord, ou plutôt c'était, le corps important de l'artillerie, mrvale, composé
d'officiers de l'armée coloniale qui, pendant un laps de temps plus ou moins long,
travaillaient pour le compte du ministère de la Marine, dont ils ne dépendaient pas
d'ailleurs au point de vue de l'avancement, et lui confectionnaient les canons et les
projectiles dont il a besoin. On a trouA'é qu'un pareil système avait de graves incon-
LÉ PERSONNEL, LA A'IÈ' A BORD ig5
yénients. Les officiers détachés à ce service dans des conditions peu favorables à leur
carrière y séjournaient le moins possible, et l'artillerie navale ne s'en trouvait pas
pour le mieux.
On a porté remède à cette situation en créant un corps nouA'eau, celui des ingé-
nieurs d'artillerie naA'ale, dont les membres, proA'enant du personnel des officiers de
vaisseau, du génie maritime et de l'artillerie coloniale, auront la charge permanente
et définitiA'e de ce matériel si important.
Les constructions diverses que la Marine
possède un peu partout, principalement
dans les ports, sont conçues et édifiées par les soins d'ingénieurs des Ponts et Chaus-
sées, mis également pour un temps à la disposition du ministère de la marine et qui
forment le serA'ice des travaux hydrauliques.
Enfin, par une disposition assez bizarre, ces mêmes ingénieurs des Ponts et Chaus-
sées sont chargés chez nous des importants tervaux de balisage des côtes et des
technique même de la naA'igation ; les autres nations maritimes en ont du reste jugé
ainsi. Napoléon Ier, à qui nous devons cette disposition, a été d'un aA'is contraire. On
sait d'ailleurs que ce grand homme nourrissait contre les marins des préventions
injustifiées.
Les officiers des corps auxiliaires portent le même uniforme que les officiers de
vaisseau, différencié seulement par un parement de couleur placé sur la manche de
la redingote. Ce parement est A'ioletpour les mécaniciens, rouge pour les médecins,
noir pour les ingénieurs, loutre pour les commissaires (').
Les officiers de marine et tous les marins mènent à bord des naA'ires une existence
qui, par certains côtés, rappelle un peu la vie monastique. On y retrouve en effet,
l'existence en commun, la règle sous forme d'une discipline séA'ère, et jusqu'à la
cellule, car on peut, sans être taxé d'exagération, appliquer ce nom aux étroites
chambrettes qui constituent le home d'un officier embarqué ; elles sont si exiguës sur
certains petits navires que l'on n'y peut passer les jambes de son pantalon sans
laisser la porte ouverte.
Chaque officier possède à bord sa cabine, meublée par l'État, au moins pour ce
qui concerne les objets indispensables. Tout le mobilier, lit, armoire, toilette, etc.,
est d'ailleurs très suffisamment confortable, quoique fait d'une matière qui se prête
assez peu à l'élégance. Pour éAdter, là comme ailleurs, que les projectiles ennemis
n'allument des incendies, on n'y emploie en effet que la tôle d'acier, recouverte
d'une couche de peinture couleur bois destinée à donner satisfaction à l'oeil.
Quant au reste, chacun est libre de compléter son mobilier et d'orner Sa chambre
comme il l'entend. Les goûts les plus diA'ers se donnent en cette matière libre car-
( 1) Par une mesure remontant à quelques années, le port de l'épaulette a été concédé à tous les officiers de la
marine. D. était réservé jusqu'à ce moment aux officiers de vaisseau ; ceux des autres corps portaient des patteB
d'épaulcltes.
IQ6 LE PERSONNEL, LA VIE A BORD
piments des pays chauds, ils recueillent quelquefois des éloges... Quelquefois aussi
ils doivent se contenter de la satisfaction du devoir accompli !...
En dehors de leurs heures de service, ou tours de quart, qui reviennent assez
fréquemment, et des exercices de toute nature qu'ils ont l'obligation de diriger, les
officiers sont libres de leur temps. Ils peuvent l'employer en promenades à terre
pour lesquelles une embarcation dite canot-major est mise à leur disposition à des
heures régulières, ou bien ils se livrent à des travaux, à des études choisies suivant
le goût de chacun. Il n'y a pas très longtemps encore, à l'époque des longues
rapports, demandés à
tous propos par les États-
Majors, le Ministère, et
en réalité les moments
de réels loisirs sont ra-
res.
Il est aisé de conce-
voir combien ce contact
jusqu'à ces derniers temps à l'ensemble du corps une sorte de façon d'être, de sentir,
des habitudes de vie qui ressemblaient assez à celles d'une grande famille, où l'édu-
cation des enfants est semblable, et où de bonne heure les frères s'habituent à leurs
travers réciproques. Depuis quelques années, celte unité d'origine a été quelque peu
rompue par l'introduction dans les Etats-Majors, en plus grand nombre qu'autrefois,
d'officiers sortant des rangs. Mais cette minorité finit par s'amalgamer au reste et le
ton général de la vie au carré n'en a pas été trop sensiblement modifié.
A l'étage supérieur à celui où se réunissent les officiers, séparé d'eux par un sim-
ple pont au travers duquel il peut entendre parfois les vives critiques ou même les
éloges dont sont l'objet, entre la poire et le fromage, sa dernière manoeuvre ou son
ordre le plus récent, le commandant du bâtiment vit seul ou à peu près.
Il dispose d'un appartement ou moins vaste, suivant les dimensions
complet, plus
LE PERSONNEL, LA VIE A BORD
i98
du navire, mais toujours installé avec le confortable relatif convenant à l'engin essen-
tiellement militaire qui le porte. On tient compte aussi, dans cette installation, du
côté représentatif auquel est tenu, par profession, le commandant d'un navire de
guerre français.
Aux heures des repas, le commandant voit arriver son second, si c'est un capi-
taine de frégate ; les règlements maritimes veulent que la vie intime des officiers
supérieurs ne soit pas mêlée à celle des officiers subalternes, et le second, ne pou-
vant avoir une table à lui tout seul, est de droit admis à celle du commandant, qui se
voit ainsi soustrait, deux
fois par jour, à la soli-
tude majestueuse à la-
seau commandant a dans ce cas comme seule ressource, s'il veut échanger avec un
à
être humain quelques paroles qui ne se rapportent pas trop au service, d'inviter
ou à dîner quelques-uns de ses officiers. C'est d'ailleurs, une sortede règle
déjeuner
fidèlement suivie la plupart des commandants et qui répond parfaitement aux
par
traditions de déférenteet courtoise camaraderie qui règlent la plupart du temps les
relations entre chefs et subordonnés dans notre marine de guerre.
A bord des bâtiments qui portent un amiral, c'est cet officier général qui reçoit
officiellement à sa table son commandant, pour lequel d'ailleurs il lui est alloué des
frais de table
supplémentaires, et son chef d'État-Major.
Les autres officiers de l'État-Major particulier sont répartis, suivant leurs grades,
au carré des officiers ou à celui des officiers supérieurs.
nos bâtiments est une vieille et célèbre institution par Colbert et qui s'ap-
imaginée
pelle l'Inscription maritime.
Gréée pour remplacer le vexatoire système de la presse, elle a subi, au cours
des ans, de nombreuses modifications, mais son esprit n'a pas changé, et cette lon-
gévité démontre péremptoirement son excellence. Voici en quelques mots son mé-
canisme actuel.
Tout Français exerçant les professions maritimes : navigation, cabotage, bornage,
affecté pour l'accomplissement de
pêche, etc., est inscrit maritime et obligatoirement
son service militaire à l'armée de mer.
maritimes.
présent en France à vingt ans estenrôlé parle soin des autorités
L'inscrit
Quand il est absent, par suite d'une navigation qui peut l'avoir emmené à l'autre
bout du monde, il n'est tenu de se présenter qu'à son retour en France.
La période de service actif due par l'inscrit est au maximum de cinq années qui,
en pratique, se réduisent à quarante-six mois. Mais les nécessités des armements
C'est ainsi que pendant la dernière de
peuvent faire A'arier cette.durée. campagne
Chine la durée d'activité est montée à cinquante-six mois et a ainsi presque atteint
le niaximum. -
Son serA'ice d'activité terminé,T'inscrit maritime n'est pas quitte envers l'État.
Pendant deux années encore, il peut être rappelé sous le paA'illon par simple décision
ministérielle; il est ensuite versé dans la réserA'e de l'armée de mer jusqu'à cin-
quante ans.
En somme, le régime militaire découlant de l'Inscription maritime se sépare du
régime normal du recrutement auquel sont soumis tous les Français sur quatre points :
i° Il n'y a pas de date d'appel du contingent, Les marins sont levés « individuel-
lement » dès qu'ils ont vingt ans.
2° La durée d'activité n'est pas de deux ans, elle peut être de cinq ans. En fait,
elle est à peu près de quatre ans.
3° Après salibération, l'inscrit est encore, pendant deux ans, rappelable par décision
du ministre. Un décret est nécessaire pour mobiliser les hommes de la réserve.
4° Les inscrits maritimes sont assujettis à la mobilisation jusqu'à cinquante ans, les
autres Français
jusqu'à quarante-cinq.
Les charges réelles que l'Inscription maritime peut faire peser sur nos marins
sont, il faut se hâter de le dire, compensées par des avantages très sérieux.
Le plus apprécié consiste en une pension qui leur est A'ersée à cinquante ans et après
vingt-cinq années de navigation (') et qui leur enlève les soucis de la vie matérielle
pour leur vieillesse.' Contrairement encore à ce qui se produit pour tout Français se
livrant au négoce, les inscrits sont exempts de l'impôt appelé patente pour la vente des
de leur pêche. Des concessions gratuites sur le domaine public leur sont
produits
facilement accordées et leur permettent d'établir leurs industries à peu de frais;
enfin, les lois sévères qui prohibent l'embarquement des étrangers sur les navires
spécialité.
Les besoins de la marine moderne cadrent
très mal avec le service réduit que la loi exige
actuellement des jeunes Français. Si on peut,
à la rigueur, former un jeune soldat et le dresser
au métier militaire en deux années, il n'en est
dant lequel elle les garde au service se passe à leur donner une instruction techni-
et qu'elle est obligée de les renvoyer dans leurs foyers, alors
que nécessaire,
une bonne pratique, ils sont devenus
qu'ayant joint à leurs connaissances techniques
~
d'excellents sénateurs.
Par ailleurs, la difficulté avec laquelle la Marine se trouve ainsi aux prises, pour
assurer le bon recrutement de son personnel, ne fera que croître, en raison de la
place à cet effet toute la partie avant de la torpille, son cône de charge en acier, par un
autre cône, de poids égal et de forme exactement semblable, mais fait en métal malléable
et qui s'écrase contre l'obstacle. Ces exercices de lancement de torpilles avec cônes
de choc se pratiquent naturellement de nuit, tous les feux éteints et en se rapprochant
le plus possible des conditions du temps de guerre. L'exercice se passe en général
entre torpilleurs et cuirassés. Ces derniers sont mouillés ou circulent dans des parages
(J) La charge de fulmi-coton est remplacée, dans ce cas, par de l'eau de mer, dont le poids est sensiblement
équivalent.
202 LE PERSONNEL, LA VIE A BORD
enjeu toutes les qualités de hardiesse, d'habileté des commandants et des équipages
de torpilleurs qui doivent, en grande vitesse et sans feux de route, manoeuvrer pour
se rapprocher cuirassé du sans être vus et venir lancer leur engin terrible à bonne
portée, sous la grêle des coups de canon heureusement non chargés qui les accueille
FIG. lliti. — Exercices de lancement de torpilles, la nuit, sous le feu des navires au mouillage.
pilles. Ils tiennent d'ailleurs dans la vie maritime une place des plus impor-
tantes. Depuis quelques années surtout, on a pris toutes sortes de mesures
règlements très précis, qu'ils soient isolés ou incorporés dans une force navale. Les
résultats de ces tirs, soigneusement vérifiés et notés, donnent lieu à des classements
Comme pour la bataille, les navires s'avancent à grande vitesse vers le large où se
une silhouette de navire en toile montée sur une sorte de radeau. Ce radeau
profile
au bout d'une aussière suffisamment
est remorqué par un bâtiment léger de l'escadre
longue pour éviter tout accident. Successivement, chaque unité s'en approche à la
distance prescrite par les ordres de l'État-Major et commence le feu. Tantôt celui-ci
s'exécute par pièce, quand
il s'agit de vérifier l'habi-
leté des pointeurs, tantôt
légère fumée.
Tout vibre à bord
sous la formidable
poussée des énormes FIG. 1&7. Schéma montrant comment on apprécie la valeur d'un
tir au canon. d'un et à droite.)
(Exemple coup trop long
pièces de 3ocm, sous
le choc des pièces mo-
yennes tirant par groupes. C est le moment des épreuves fatales pour tout ce qui peut
être brisé : les vitres qu'on n'a pas eu la de laisser battantes, la vaisselle
précaution
imprudemment oubliée dans les armoires, les objets légers accrochés aux cloisons
des chambres sortent rarement indemnes de cette aventure.
On ne fait point toute cette
dépense de poudre et de projectiles sans se rendre un
compte aussi exact que possible des effets qu'elle a produits. On a une première
LE PERSONNEL, LA VIE A BORD 2o5
idée de la justesse du tir par l'inspection de la cible. Mais cette inspection ne peut
être effectuée que lorsque le feu a cessé et elle n'apprend rien de ce qu'il faut savoir,
c'est-à-dire des résultats
obtenus par tel ou tel ca-
nonnier, tel ou tel bâtiment.
On y supplée en plaçant
dans le voisinage du but, et
suivant son sillage lorsqu'il
est remorqué, un navire
FIG. 14g.
— Toilette do l'équipage. hamac et absorbé son quart
de café où la chaleur rem-
place peut-être trop souvent l'arôme, le matelot, appelé par une sonnerie de clairon
et les sifflets des maîtres, commence la toilette du navire. Autrefois, des flots d'eau
206 LE PERSONNEL, LA VIE A BORD
de mer ruisselaient sur les ponts en bois que des équipes munies de balais de bruyère
frottaient en cadence. Aujourd'hui, c'est avec des éponges, des fauberts ('), de l'eau
douce, que l'on lave les linoléums, les murailles d'acier, les cloisons de tôle, partout
substituées au bois.
Ceci fait, l'heure vient de la toilette personnelle. Les raffinements appréciés des
terriens sont totalement exclus de cette opération hygiénique. Une vaste baille joue
le rôle de cuvette commune à dix ou douze hommes, et le souci de la pudeur passe
après celui de ne pas plonger le dernier sa tête dans l'eau, parcimonieusement mesurée
d'ailleurs, qu'elle contient.
Voilà notre équipage lavé, habillé dans la tenue qu'a prescrite le matin même le
signal de l'amiral et
yen
desquels on pra-
linge dans la baille commune où il ne reste plus que quelques gouttes d'une eau
irréductiblement savonneuse, le roublard, le débrouillard, s'installe, à l'abri des
regards indiscrets, dans un recoin de tourelle, dans une huneassez haut perchée pour
n'y pas craindre les larrons. Là, il contemple avec une intime joie la l|elle eau claire,
sa propriété à lui tout seul, acquise par les moyens peut-être les moins légitimes et
Sorte de balai mou formé de bouts de filins effilochés, réunis une de leurs extrémités.
(') par
LE PERSONNEL, LA VIE A BORD 207
Certes, à bord, Lucullus ne s'invite pas tous les jours à souper, mais un maître
commis aux vivres débrouillard, stimulé par un commissaire attentif et secondé
par un maître-coq adroit, savent tirer un excellent parti de la ration, tant en nature
Et en vérité, de très grands progrès ont été accomplis depuis quelques années en
ce qui concerne la nourriture des marins. Outre que la bonne qualité des matières
premières, viande, pain, vin fournis par l'administration, est soigneusement vérifiée,
la délivrance de numéraire
déjeune ou dîne pendant que l'autre reste sur le pont, prêle à toutes manoeuvres utiles.
Puis, après un repos
prescrit par le règlement,
les exercices recommen-
cent. Ils occupent l'après-
midi de façon variée, et
sont naturellement cou-
FIG. i55. — Le maitre-coq médite un menu. FIG. i56. — L'officier de quart la soupe.
goûte
Le dimanche, l'officier de quart commande : « L'équipage aux sacs. Les jeux sont
par la vente
Le détail était une caisse alimentée de menues matières, résidus de la vie
(') cxtra-régtementaire
du et dans on corser un peu de
bord, laquelle puisait pour quelque peu les menus de l'équipage, ou lui donner
confortable. Cette caisse était administrée l'officier en second. récemment, le détails été remplacé
par Supprimé
une institution tout à fait mais revêtue du caractère officiel.
par analogue,
LE PERSONNEL, LA VIE A BORD 211
Depuis quelques années, le goût des sports divers, qui a si heureusement rénové
les habitudes et les goûts de la jeunesse française, s'est étendu à la marine. Déjeunes
officiers ont obtenu d'arracher de loin en loin au tableau du service quelques heures
que l'on consacre au football et à d'autres jeux. Nos matelots ont pris grand goût à
ces sports qui les changent de la vie forcément un peu monotone du bord, et quel-
ques-unes des équipes de nos cuirassés se mettent en ligne dans des rencontres qui ne
sont pas pour elles sans gloire.
Pour épuiser la liste des joies offertes à nos marins, il faut citer encore les
séances théâtrales, dont les acteurs se
recrutent à bord bien entendu.
vrant, commandait la prière, que l'aumônier récitait devant les fronts nus.
L'aumônier, l'ami du matelot, le confident de bien des peines, le consola-
teur de tant de chagrins, l'aumônier s'en est allé, chassé du bord, et avec lui
la prière. Avec la grande majorité des marins, envoyons-lui notre salut et nos
regrets !
Puis le capitaine d'armes,
adjudant commis à l'ingrate besogne de la police, et en
cette qualité généralement chargé des analhèmes du peuple, donne lecture à haute
voix des punitions encourues dans la journée et qu'a réglées le commandant en
punitions, le nom de
l'homme fautif, celui du
gradé plaignant et le
motif pour lequel on de-
mande la punition. Ce
quête et comparution
des intéressés, et sui-
vant un tarif fixé par le
FIG. 160. — Branlebas de combat.
règlement.
Le branlebas se termine par la distribution des hamacs, ce roi des lits, si commode,
si pratique, si économique,
si propre (on le lave tous
les quinze jours), si peu en-
combrant (il se roule en
manière de saucisson et se
plus pittoresque animation, qui ne va pas toujours, il faut le reconnaître, sans quel-
toujours être sur le pont. Au temps où la manoeuvre des voiles exigeait une foule de
bras, celle disposition s'imposait.
2l/| LE PERSONNEL, LA VIE A BORD
trop long généralement, il est nommé second maître, ce qui l'assimile au sergent.
Puis après de bons, longs et loyaux services, il échange la tenue du marin contre
LE PERSONNEL, LA VIE A BORD 2IO
la redingote et la casquette du premier maître, avec lesquelles ils devient l'égal des
employée, est une des pierres angulaires de notre édifice naval. Il est composé de ser-
viteurs chez lesquels le sentiment du devoir prime
tout, qui jouissent à ce titre de la confiance de
leurs chefs, et remplissent à bord de nos navires
le rôle le plus important. On trouve, sur tout bâ-
depuis quelques années pour les seconds maîtres, serviteurs très méritants et dé-
2l6 LE PERSONNEL, Ll Tffi A BORD.
\oués, dont on a enfin songé à adoucir un peu l'existence en leur donnant Un poste
où ils prennent leurs repas entre eux. Ils couchent dans desTianiacs.
Il existe à Brest une École où les marins gradés peuvent être -.envoyés,- après exa-
mens sérieux. Ils y suivent pendant deux années des cours analogues à ceux du
Borda, quoique d'un niveau moins élevé au point de vue scientifique. S'ils surmon-
tent les difficultés d'un second examen, ils sont alors promus élèAres-officiêrs et
sur le croiseur-école
prennent place dans la promotion d'aspirants embarqués
; puis, après un stage sur un cuirassé et un dernier examen, ils sont
d'application
promus enseignes de vaisseau. i.
C'est la porte par laquelle on peut dans la mariné passer des! rangé aux États--Ma-
jors. Les idées de démocratisation actuellement à la mode ont fait ouvrir largement
il y a quelques années. Les résultats produits n'ont pas démontré d?une
cette-porte
façon péremptoire qu'on ait eu raison.
CHAPITRE VI
Les essais officiels du navire de guerre. — Avant de partir pour sa destination le navire Tegle ses compas. —.
Pourquoi cette opération est nécessaire. — Le magnétisme terrestre. —-
Usage du compas.
— Comment on
trouve sa route sur mer. — La loxodromie et la projection de Mercator. — Le quart. — dé
Responsabilité
l'officier — Les — Faire le — Mesure de la vitesse d'un navire. —
qui lé commandé. compensations. point.
Sillomètre et loch. •— Ce — La
qu'est un noeud marin, et d'où vient celte expression. point estimé et le
— La semaine-des
point observé.—Le sextant et les hauteurs d'astres.—Deux méridiens origines. deux
Jeudi. —-Lé chronomètre. Son usage en navigation. — Un
peu dé météorologie maritime. :—: Les vents.
— — — Courants. — Les
Typhons et cyclones. Pluies de sablé et de grenouilles. épaves de navires qu'ils
— Derelicls. — —• —
promènent. Dangers qu'ils font courir aux paquebots. Spectacles que présente là mer.
— La brume et ses méfaits. — Aurores boréales. — et poissons volants. — Le
Icebergs. Cétacés, marsouins
la Ligne. — Les — Un homme à la mer I— —- Sondeur Thom-
baptême.de grandes lames. L'atterrissage.
son. — L'odeur de la terré. — Phares, bouées et balises: -— Les signaux par cloches sèus-marines.
ESSAIS
Enfin, tout s'est bien au cours de ces essais divers ! Le bâtiment finit
passé
ses trois, ou six cheminées, ce dernier chiffre n'ayant pas
d'expectorer par cinq
été dépassé le moment, les torrents de fumée qui démontrent que, pour
pour
la décisive les fourneaux ont fait une consommation de
épreuve, effrayante
charbon.
d'essai et
Tout le monde est content à bord ! L'amiral qui préside la Commission
une cor-
les membres de cette Commission parce qu'ils n'auront pas à recommencer
vée toujours le commandant du navire va enfin jouir des joies
ingrate, parce qu'il
intenses du avec, sous les pieds, un beau navire
commandement, qu'il sera fier de
montrer aux camarades et aux rivaux, l'équipage parce qu'il va être quitte pour
des appareillages et
quelque lemps des continuelles corvées de charbon, perpétuels
delà satisfaction sera octroyé,
que le quart de vin, manifestation habituelle générale,
l'on devine, qui vont
le constructeur du navire et des machines pour des raisons que
le libérer de tout souci.
du
Le préfet maritime lui-même est
d'apprendre, par la dépêche
fort satisfait
le plus voisin de la base, que le bâtiment a arboré le signal : Essais très
sémaphore
satisfaisants et qu'il fait route pour le port. Ce succès est une bonne note pour l'arse-
nal dont il a la direction suprême.
LA NAVIGATION. UN .NAVIRE ISOLE 2I9
„ DÉPART
Tout est prêt désormais ! Les derniers permissionnaires ont rallié le bord. Les em-
(*) Le cap s'entend de l'angle que'-fait Taxe du navire avec la direction du Nord.
220 LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLE
barcations ne sont plus suspendues sur leurs porte-manteaux, d'où on peut les amener
directement à la mer. Elles reposent, de toiles
encapuchonnées qui les protègent des
escarbilles, sur des chantiers boulonnés
le pont supérieur, où les fixent sur des sai-
sines grâce auxquelles le roulis et le tangage n'auront pas de prise sur elles (').
Les cheminées vomissent la fumée noire et. par les tuyaux leur
d'échappement qui
sont accoles, quelques
flocons de vapeur blan-
che s'échappent, indi-
corps mort (*) file par l'écubier avec un bruit de tonnerre, et le fier navire, libre de
toute entrave, le cap tourné vers les océans lointains d'où il ne reviendra peut-être
qu'après de longues années, prend la route de la haute mer, laissant derrière lui,
avec le profil aimé des côtes familières, bien des coeurs serrés et des yeux en larmes.
On conserve deux embarcations légères prêtes à être mises à l'eau pour le sauvetage d'un
(') cependant
homme tombé à la mer.
On nomme ainsi un fixe très solide, constitué sur le fond d'une
par deux rade
ou trois ancres assu-
(*) point
par une bouée. C'est cette chaîne
jetties ensemble et d'où remonte à la surface une forte chaîne soutenue que les
par leurs
bâtiments devant sur rade écubiers et qui les maintient en place.
séjourner embarquent
LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLE 221
portant une rose des vents, sous laquelle est fixée une aimantée dont le propre
aiguille
est de se tourner toujours vers celte partie mystérieuse de notre globe, située non
loin du pôle vrai, et qui
porte le nom de pôle magnétique.
La position exacte de ce point et l'étude du magnétisme terrestre ont été l'objet de
nombreuses et patientes recherches. Parmi les travaux les plus mémorables, il faut
rappeler l'expédition antarctique de sir James Ross en I83Q-I8/I5, celles plus récen-
tes de la Discovery (anglais) et de la Gazelle (allemand).
2 22 LA NAVIGATION.-. UN NAVIRE ISOLE i
petit cotre Gjoa, a fait en igo^-igo5 de très intéressantes observations dans le voi-
LA ROUTE
qui tracée sur une sphère terrestre serait évidemment courbe, cette; routé est repré-
sentée par une ligne droite qui coupe les méridiens de la projection suivant le même
angle que sur la sphère. Ces routes marines portent le nom barbare dé lo'xodromies.
Si donc on trace sur une projection de Mercator une ligne droite entre deux
points séparés par un océan, l'angle, d'ailleurs constant; que fait cette droite avec les
méridiens, est précisément celui suivant lequel le naA7irè marchant d'un de ces points
vers l'autre devra se diriger en prenant pour point de départ de cet angle là direction
'
fixe du Nord donnée par son compas. j |_, ,|; i
Un exemple éclairera cette explication un peu concise.
Un navire partant de Dakar pour gagner Néw-Yôrk' deATra suivre là route tracée
sur la carte de Mercator entre ces deux points. Cette route coupé;l'un quelconque
des méridiens qu'elle rencontre suivant un angle de 65° compté à gauche, 'du Nord
A'ers l'Ouest ; en employant les notations de la rose des vents et le langage maritime
cet angle sera désigné comme suit : Nord 55°; Ouest.' ';'\ ; ;''
. Il en résulte que la route à faire par le navire sera le Nord 55° Ouest jet qu'il là sui-
vra en tenant constamment son avant sur la ligne de sa boussole ou se lit l'iridication
55° entre le Nord et l'Ouest. ^
Pour faciliter la tâche de l'homme de barre, à qui incombe le soin de maintenir le
naArirè en bonne direction, et celle de l'officier de quart, qui doit contrôler constam-
ment la bonne tenue de la route, on trace, sur le couvercle en verre jplacé sur le com-
pas dans le but d'éviter à la rose le fâcheux effet des; intempéries, une figne fixe dite
ligne de foi, coïncidant exactement avec l'axe du naA'ire. ; j
( 4) D. faut ajouter encore à ce sujet que la Carnegie Institution de Washington vient de faire construire aa ma-
gnifique bâtiment, le Carnegie, spécialement aménagé en vue des recherches et études magnétiques : ce navire
offre cette particularité que le fer et l'acier sont proscrits de sa construction j de façon à ne -porter en lui-même
aucune cause de troublé jîour les observations magnétiques.- : |
'
( 2) C'est ce qu'o'n appelle des projections., -•!]. j t I. : i ;'"'.. ,
LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLÉ 223
C'est la juxtaposition
par constante de cette ligne de foi et de la division du com-
pas correspondant à la route, que l'on voit si cette dernière est suivie correcte-
ment.
Les compas dont on se sert le plus généralement dans toutes les marines du
monde, et aussi bien à bord des navires de guerre que de ceux du commerce, sont du
genre dit Thomson ('). Au lieu d'une seule aiguille aimantée, qui ne possède pas tou-
jours une force d'orientation suffisante vers le Nord et donne ce qu'on appelle un com-
qu'il devra suivre, et qu'il a inscrit l'angle que cette ligne fait avec le méridien pour
avoir la route, ou plus exactement l'angle de route, il n'est pas au bout de ses
peines. Il lui faudra encore faire subir à cet angle qui est l'angle vrai, pris sur la
direction réelle du Nord du monde, une correction afférente à la valeur de la décli-
naison. Cette correction permettra de rapporter cet angle au Nord magnétique et de
le suivre pendant la traversée, sur le compas qui, lui, indique le Nord magnétique
et non le Nord vrai, comme il a déjà été expliqué.
(') Son inventeur, sir William Thomson, a été élevé à la pairie, en i8ga, sous le nom de lord Kelvin.
( 2) Toute cette installation, très soignée, a pour but de supprimer le plus des frottements absorbe-
possible qui
raient une partie de la force directrice du compas.
224 LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLÉ
Ce n'est pas tout encore, et si on ne tenait compte que de la déclinaison pour cor-
on commettrait
la route vraie, une erreur qui pourrait être grave et avoir parfois
riger
des conséquences désastreuses.
Pour obtenir l'angle définitif de route au compas, il faut faire subir à la route vraie,
outre la correction afférente a la déclinaison, celte
qu'on se trouve
à proximité de terre, la nuit, ou si l'on les deux branches de l'ali-
A,A sont
dade mobiles dans le plan vertical. La
navigue par brume, dans des chenaux étroits. Un naufrage inclinée, représentée sur la
position
leur est donnée lorsqu'il s'agit de
ligure
peut être et a été souvent la conséquence d'une erreur prendre le relèvement d'un objet très
élevé, un astre par exemple.
commise dans cet ordre de faits. M, couvercle de la boite dans laquelle
est installée une rose.
Un accident de ce genre faillit arriver, il y a quelques
années, à un de nos plus puissants croiseurs cuirassés,
tout ses essais. Pris par la brume, si fréquente dans
qui sortait
neuf, de Brest pour
ces parages, il dut marcher au compas dans un des chenaux bordés d'affreux récifs
RELÈVEMENTS
Les
compas d'un navire, car on pense bien qu'on installe à bord plusieurs de
ces instruments de première nécessité, sont munis d'un petit appareil nommé ali-
dade qui tourne sur un pivot fixé au centre de la boîte vitrée renfermant la rose
elle-même. L'alidade se com-
de circuler dans des passes resserrées, même semées d'écueils, avec une sécurité suf-
fisante, et d'abréger souvent les traA7ersées.
Mais la terre a disparu. Le naAdre poursuit sa route paisiblement à l'allure écono-
pitre précédent.
LE QUART
Quelques minutes, le plus souArent quelques secondes, voilà tout le temps dont
disposera l'officier de quart pour parer à des événements qui ont presque toujours
un caractère de soudaineté foudroyant, pour juger la situation, jjreiidrê la détermina-
tion capable de sauver le naArire et donner les ordres nécessaires.; On juge si de pa-
reilles éArentualités sontde nature à déA'elopper chez de jeunes officiers qui ont à les envi-
sager, le calme, le sâng-froid, la promptitude dans la décision et la netteté dans les
ordres, la maturité d'esprit en un mot. Aussi sont-ce là des qualités qu'on trouve à
un haut degré chez les officiers de marine, et dont la pratique, transportée hors des
LE POINT
Une importante préoccupation de ces traversées dèi longue durée est de fixer
chaque jour, au moins une fois, sur la carte: marine, le point où se trouve le bâti-
LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLÉ
227
ment. Nous avons vu plus haut combien cette opération était aisée en vue de terre.
Mais au large, il faut trouver autre chose.
Il existe alors deux
façons de procéder :
La première qui s'im-
pose à l'esprit consiste à
tracer sur la carte la
route que suit le navire
depuis le départ, et à
et aussi parce que sa description nous conduira à connaître le noeud, cette mesure
maritime dont bien peu de personnes, en dehors des gens du métier, savent exacte-
ment la valeur et l'étymologie.
Le principe du loch est la simplicité même.
Le moyen qui se présente tout d'abord à l'esprit quand on veut mesurer la vitesse
d'un véhicule quelconque consiste à laisser filer derrière ce véhicule et pendant un
laps de temps bien contrôlé, une corde dont on mesure ensuite la longueur. On saura
ainsiqu on a parcouru
5o ou ioo, ou 200m en
une minute par exemple,
et on en déduira aisé-
ment la vitesse à l'heure.
C'est tout le loch.
Seulement, comme il
faut que la corde reste
tendue derrière le véhi-
parce qu'il est le produit de deux éléments qui peuvent ne pas être rigoureusement
exacts. D une part, la route n est
ques degrés
près, d'autre part, la
vitesse, qu'on mesure de loin en
Grâce aux
perfectionnements que lui ont apportés les constructeurs modernes,
A'éritables artistes, le sextant, petit-fils de l'antique astrolabe, est un instrument
d'une extrême précision aA'ec lequel la hauteur du soleil s'obtient à quelques secondes
de degré près.
En même temps qu'on obsen'e cet élément, on note soigneusement l'heure mar-
quée au chronomètre, dont tout bâtiment est tenu d'aA'oir à son bord un ou plusieurs
exemplaires!
Ce chronomètre garde, aA'ec une exactitude remarquable résultant des soins appor-
tés à sa construction et à sa conservation, l'heure d'un premier méridien qui pour
nous Français est celui de Paris, pour les Anglais et il faut le dire pour la majorité
des naAigateurs, celui de GreemA'ich(1).
La hauteur du soleil obtenue par le sextant est le point de départ de calculs dans
le détail desquels je n'entrerai pas et qui permettent de connaître l'heure exacte du
heu où a été faite l'observation du soleil. Or, il est loisible
de supposer que la circon-
férence delà terre, au lieu d'être divisée en degrés au nombre de 36o, l'est en vingt-
quatre parties qui seront des heures. Il résultera de cette conA'ention que i5 degrés
de longitude équivaudront à i heure et i degré à quatre minutes de temps.
Il est donc
éA'ident que le marin, qui possède l'heure de Paris par son chronomè-
tre et l'heure du heu où il se trouve par son calcul, connaîtra exactement la longi-
tude de ce heu en prenant la différence entre ces deux heures. Il convertira le nombre
d'heures, de minutes et de secondes de temps ainsi obtenu en degrés et minutes de
degrés et pourra tracer sur la Carte le méridien sur lequel le navire se trouA'e ou se
trouvait au moment précis de l'observation.
C'est
généralement à midi que l'on porte le point sur la carte. A ce. moment, le
second élément nécessaire pour le déterminer, c'est-à-dire la latitude, s'obtient très
aisément en notant l'heure exacte où le soleil, observé au sextant^ atteint sa hauteur
maximum, c'est-à-dire passe au méridien.
11 est à remarquer que pour le naAagateurqui circule à travers les océans, les
(') Les méridiens de Paris et de Greemvicli sont éloignés de 2° 20' l5". D'assez gravés inconvénients résultent
de celle dualité des méridiens origines qu'il importe extrêmement de ne pas oublier quand on se sert de
cartes qui n'ont pas toutes la même jjrovenance. Il serait fort à souhaiter d'ailleurs que celte dualité disparût.
La tendance générale si marquée qui pousse les nations à faire disparaître un certain nombre de" barrières qui .
les séparent et les gênent, fait espérer que l'unité de méridien existera quelque jour. De bonne foi, et en consi-
dérant combien l'usage du méridien de Greenwick est plus répandu que celui du méridien de Paris, nous
pourrions consentirsur ce point un sacrifîced'amour-propre, quitte peut-êlre à reprendre l'avantage sur la question
du système métrique, que nous ferions adopter à nos voisins.
LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLÉ 23l
LE TEMPS
pourrait croire qu'elle a un peu perdu de son importance aujourd'hui où le vent n'est
plus le grand maître et où la direction de laquelle il souffle n'a plus qu'une impor-
tance secondaire.
peine la surface des flots bleus, ou les soulève en lames énormes auxquelles les
navires monstres de nos jours eux-mêmes ne peuvent rester indifférents.
(') C'est une combinaison de cercles et d'axes soustrayant les objets qui en sont munis à tous les mouvements
de rotation du milieu extérieur.
C2) Les admirables progrès de la télégraphie sans fil ont permis d'apporter dans le service des chronomètres
d'importantes simplifications. C'est ainsi qu'un signal envoyé tous les jours, à minuit, par les puissantes antennes
de la tour Eiffel fait connaître, avec la plus grande exactitude, l'heure du lieu où ils se trouvent a tous les
navires munis des appareils nécessaires et circulant dans l'immense espace que couvrent les ondes hertziennes
qu'elles émettent.
23.2 LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLE
Aussi la question du vent debout ou du largue (*) est-elle toujours à l'ordre du jour
pendant une traversée, et les marins continuent-ils à étudier de près les phénomènes
d'entrer ici dans les détails de cette science où bien des découvertes restent encore
à faire, et nous n'en pouvons exposer que les grandes lignes.
on connaît les lois qui régissent le mouvement
Depuis longtemps général des vents
ou des déplacements de l'air à la surface du globe. Ces déplacements sont détermi-
nés d'une part, par la rotation de la terre, tournant au milieu de l'épaisse couche
atmosphérique qui la baigne sans l'entraîner dans son mouvement, et d'autre part,
par réchauffement plus ou moins intense des diverses parties du globe inégalement
caressées par le soleil. Sous cette double action, il se produit autour de lequateur
une circulation d'air dont le mouvement général se fait de l'Est à l'Ouest et qui
porte le nom de vents alizés.
(') Le vent largue est celui navire reçoit l'arrière de son travers.
qu'un par
LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLÉ 233
Par une analogie assez naturelle avec les lois régissant le mouvement des cours
d'eau, un courant de vents en sens inverse du premier s'établit de l'Ouest vers l'Est
sur les deux bords de cette espèce de fleuve venteux qui court le long de l'équàteur.
La disposition des vents alizés et de leurs contre-courants, figurée sur la carte ci-
contre, explique nettement pourquoi un navire à voiles qui partirait de Brest par exem-
ple pour aller au Cap devrait suivre une route à première vue inexplicable. Celle-ci
le ferait descendre jusqu'aux Canaries, où il trouverait les alizés du Nord-Est, puis
ceux du Sud-Est qui le conduiraient jusqu'aux côtes du Brésil, où le contre-courant
d'Ouest l'amènerait vers sa destination.
En dehors succédanés, il existe encore de grands vents régu-
des alizés et de leurs
liers qui balayent les mers de Chine en soufflant alternativement du Nord-Est,
Mais tous ces vents si connus et si constants ont de toute éternité été les amis des
navigateurs. Il n'en est j>as de même de ces phénomènes le plus souvent terribles
qui, suivant la région sur laquelle les déchaîne l'aveugle fureur du hasard, se nom-
ment ouragans, typhons ou cyclones.
En principe, ce sont des tourbillons animés, outre leur mouvement de rotation,
d'un autre mouvement qui les transporte assez lentement sur la surface des mers
dans des directions presque fixes et que des observations répétées ont permis de
déterminer de façon assez précise.
Ces phénomènes météorologiques ne sévissent pas, avec leur plus grande intensité
tout au moins, sur toute la surface du glohe. Les parages qu'ils affectionnent, et
où des causes analogues encore à peu près inconnues doivent leur donner naissance
sont la mer des Antilles, la partie sud de l'océan Indien et la mer de Chine. On
en a certes vu et subi ailleurs, notamment en certains points de l'océan Pacifique,
mais on peut presque dire que c'est à l'état d'exception.
Dans les trois parties du monde où ils sont le plus fréquents, le centre de ces tour-
billons se déplace suivant une ligne parabolique plus ou moins omrerte.
Il est arrivé atout le monde devoir, au coin de quelque rue, alors même que le
temps est calme, se former une sorte de petit tourbillon atmosphérique se manifes-
tant par une ronde affolée des objets légers, branchettes d'arbres, papiers, poussière,,
qui gisaient à terre. Entraînés dans un triple mouvement rotatif, ascensionnel et en
même temps horizontal, ces débris sont promenés de çà et de là au gré des caprices des
remous aériens qui ont créé et promènent le tourbillon où ils sont englués, jusqu'à
ce que tout cet appareil s'évanouisse, aussi mystérieusement qu'il s'est produit.
C'est un cyclone en miniature qui a passé. Aux grands carrefours de notre globe,
des vents se heurtent quelques jours, dans des conditions de température, de pres-
sion atmosphérique telles que de leur choc naît le typhon, l'ouragan, le cyclone qui,
tourbillonnant avec une vitesse folle, prend sa course à travers les mers et les terres (').
(') La vitesse de translation des cyclones atteint de 12 à i5m par seconde, d'après L. Besson. D'autres auteurs
leur assignent de 3o à Go'*" 1 à l'heure dans la mer des Antilles, i5km seulement dans l'océan Indien.
234 LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLE
La mer, aspirée sur son passage et battue des vents d'une violence
par incroyable
qui souillent ae direc-
tions constammentdif-
férentes, s'élève en
vagues monstrueuses
qu'un désastre
unique au monde ne l'efïaçât en
(') Le diamètre moyen des cyclones est de 60 à 90 milles (110 à i65knl) dans la branche avoisine
qui l'équa-
teur ; ils s'épanouissent en les et leur diamètre atteint alors 600 milles
gagnant régions tempérées (1 100 à
1 200km), mais alors la violence du météore est très atténuée.
duite doit tenir, sinon mettre son bâtiment hors des atteintes du redou-
qu'il pour
table météore, au moins l'en éloigner le plus possible, et le placer dans la
pour
FIG. I83. — Situation d'un navire rencontrant un cyclone dans l'hémisphère nord
(Atlantique nord).
nord dans lequel les vents tournent en sens inverse du mouvement des
sphère
d'une montre on n'accède qu'après avoir
à cette zone de calme central
aiguilles (,),
traversé la moitié de l'épaisseur du cylindre à peu près le météore, et
que représente
subi la violence du vent toujours croissante de la périphérie vers le centre. Cette
violence atteint sur le bord de la zone centrale une furie dont rien ne peut donner
idée quand on ne l'a pas subie; puis tout d'un coup, aux hurlements sauvages de
l'ouragan, à son fracas formidable, succède un silence de mort, au ciel du moins, car
la mer, formidablement battue de tous les côtés, reste monstrueuse et abat ses lames
les unes sur les autres, dans une sorte de chaos de l'autre monde.
Le ciel apparaît sinistre et noir, sillonné d'effroyables décharges électriques, et
déverse des torrents d'eau où se mêlent ces corps étrangers dont nous avons parlé.
Puis, au boutde quelques minutes, d'une heure quelquefois, suivant la vitesse avec
signe infaillible de l'approche du centre et, dès qu'il l'a constaté, le capitaine, d'ail-
leurs renseigné sur la marche ordinaire du cyclone dans la région où il se trouve,
devra faire route le plus vite possible pour en sortir.
S'il aborde le cyclone en un point quelconque de sa périphérie, il lui sera aisé, en
observant les changements de direction du vent et les mouvements du baromètre, de
déterminer sur sa carte la direction dans laquelle se trouve le centre et la route qu'il
suit.
Connaissant ainsi la marche du météore, le capitaine pourra, s'il n'est pas gêné
par le voisinage de terres ou par d'autres considérations, s'éloigner en grande hâte
LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLÉ 237
des parages où
risqueson navire
de recevoir quelque mauvais coup. 11 devra encore
cependant dans sa manoeuvre tenir compte du fait suivant : on voit que dans le demi-
cercle du cyclone situé au-dessous de sa trajectoire, le déplacement de l'air se produit,
ou mieux encore le vent souffle, dans la direction où se déplace le météore lui-même.
Il en résulte qu'un bâtiment, dans cette partie du cyclone, aura à subir des
pris
vents dont la vitesse
et par conséquent la violence sera la somme des vitesses du vent
et de celle qui entraîne le cyclone.
propre
Au contraire, dans le demi-cercle supérieur, le vent ressenti sera la différence des
deux.
Cette constatation a fait donner au demi-cercle inférieur le nom de dangereux, et
celui de maniable à l'autre.
Le capitaine qui sera libre de sa manoeuvre par ailleurs, et qui n'aura pas le
temps de se mettre hors de 1 atteinte
d'un cyclone menaçant, devra donc
préférence à l'autre.
Tous les vents tournants ne consti-
tuent heureusement pas des ouragans.
Ce sont bien des cyclones,
cependant
puisque ce mot implique par sa racine
l'idée de rotation, mais l'a ré-
l'usage
servé pour désigner les cataclysmes
dont nous venons de
atmosphériques
parler.
Les ondes soulevées peuvent alors, sans trop d'hyperboles, se comparer à des montagnes;
le navire porté sur leur crête, redescend lentement dans les vallées qui les séparent et qui
occupent parfois plus d'un mille d'étendue ; l'horizon de la mer, dentelé par les cimes de ces
Cordillères mouvantes, n'est plus qu'une ligne hypothétique, inutile aux observations de
l'astronome marin (').
Précédant
les coups de vent ou leur succédant, la houle est encore pour les navires
une cause de ce manque d'équilibre, père d'un mal affreux, par la faute duquel un
voyage en mer reste, pour une notable partie de l'humanité, une entreprise redou-
table.
La houle se propage à des distances énormes, et vient se briser sur les côtes qui
lui barrent la route, en produisant de gigantesques volutes dans lesquelles osent se
seulement les pirogues manoeuvrées par les indigènes avec une sur-
risquer légères,
prenante habileté (').
LES COURANTS
Des causes jusqu'ici plus ou moins connues ont créé dans les diverses mers qui
baignent le globe de véritables fleuves dont les eaux, douées d'un mouvement propre,
suivent avec une vitesse réglée un cours particulier. Ce sont les courants marins.
On a tenté d'expliquer le mouvement des eaux marines par les différences de tem-
des diverses mers. Les théories les plus récentes, appuyées sur des obser-
pératures
vations la thèse en donnant le principal rôle aux
précises et nombreuses, étendent
THOULET).
FIG. 188. — de carte tous les mois le Bureau du service des États-Unis.
Type pilote publiée par météorologique
Nous avons sur les deux cartes de clarté, les indications de toule nature sur chacune de ces cartes.
réparti pilotes, pour plus généralement portées
FIG. — de carte
189. Type pilote.
Sur cette seconde carte, nous avons, pour pluB de clarté, la des indications
supprimé plus grande partie relatives aux vents, qui sont d'ailleurs sur la première.
portées
2/J2 LA NAVIGATION. UN NAVHU3 ISOLÉs I ;
ne seraient, d'après cette théorie, que dès fleuves d'eaux plus; légères et à surface bom-
bée coulant dans un lit d'eaux plus denses, à la recherche d'un ëqiuiUbre qui n'est
jamais atteint.
Dans tous les bassins océaniques, il existe des courants qui coulent au Nord et au
Sud de l'équateur et de l'Est vers l'Ouest. Butant contre les continents,,ils se par-
tagent en branches dont l'une au moins se dirige d'abord vers les pôles pour s'in-
fléchir ensuite vers l'Est à une distance de l'équateur plus ou moins grande.
Le plus célèbre et le plus régulier de ces courants, le G-ulf-Stream, prend naissance
dans le golfe du Mexique d'où il
s'échappe par le cariai de la Floride, avec une
vitesse de 3 milles 1/2 (8 km) à l'heure Ç). Il remonte, ien élargissant sans cesse
son lit et en suivant les côtes des Etats-Unis, jusqu'à Terre-Neuve, d'où il s'in-
fléchit vers l'Est jusqu'auprès des côtes d'Europe, pour venir disparaître autour des
Açores.
Le caractère spécial du Gulf-Stream est d'être un courant d'eaux; chaudes. Cette
particularité est remarquable surtout dans le canal de la Floride où le thermomètre
indique une température plus élevée de 5° que la température moyenne des eaux de
la mer dans ces parages. Gette différence décroît d'ailleurs et tout naturellement à
mesuré que le Gulf-Stream s'éloigne de son origine et se mêle davantage aux eaux
équatorial nord, qui, fait à remarquer, forment un cycle à peu près complet, se
trouve Un grand espace, une sorte de remous où viennent s'accumuler tous les débris
transportés par les courants et qui s'en écartent par une cause quelconque.
On y rencontre notamment en abondance cette végétation marine curieuse- qui a
été baptisée raisins de Sargasses et dont l'aspect offre en effet une [ vague analogie
avec la grappe succulente de la vigne.
La connaissance, si intéressante au point de vue de la science générale et si pré-
cieuse pour les marins, du régime des vents et des courants réguliers, est due aux
travaux du savant hydrographe américain : -
Maury.:'.','~.
MaUry vécut de 1806 à 1873. Il descendait d'unefamillefrançaise qui se réfugia en
Amérique lors de la révocation de l'Édit de INarités,/Ce fut en\i845 qu'il publia ses
premières cartes des vents et des courants, fruit d'un énorme labeur qui consista à
relever un nombre immense d'observations faites à la nier par les navigateurs.
Les traditions de Maury ont été d'ailleurs maintenues" aux États-Unis, où il existe
une organisation officielle qui, sous le nom d'Office météorologique, rend à la navi-
DERELICTS
plus exacts sur la direction et la force des vents probables dans l'Atlantique nord.
Elles donnent aussi ces indications pour les courants, la position des icebergs, et
celle de ces nombreuses de navires, abandonnés après un incendie ou une
épaves
voie d'eau, que leur chargement de bois de couler, et qui s'en vont au
empêche
gre des courants a travers
les mers, constituant pour
les paquebots un péril re-
doutable (').
Certaines de ces épaves
traînent ces carcasses délabrées, couvertes d'algues vertes, et qui, avec leur cortège
à leurs res-
d'oiseaux de mer attirés par la présence des animalcules attachés flancs,
semblent étrangement à des cadavres de baleines.
Il est hors de doute doit à la présence des derelicts une bonne partie des
qu'on
Ces excellentes fournissent encore une quantité de renseignements utiles aux marins, comme,
(') pilot-cliarts
des brumes, et leur fréquence, la quantité des pluies, les meilleures
par exemple, les parages où ont été observées
routes à suivre, les stations de télégraphie sans fil, etc.
a enregistré i63o rencontres de derelicts différents dans une période de sept ans.
( 2) Le bureau de Washington
On estime qu'il s'en produit a3o environ chaque année et qu'il y a toujours une vingtaine d'épaves à flot en
même temps (La Nature, 3i août 1907).
244 LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLE
accidents qui se produisent au cours des navigations, et non moins certain que
beaucoup de navires dont on n'a plus eu de nouvelles ont disparu corps et biens pour
avoir trouve sur leur
route une de ces re-
doutables épaves.
Aussi faut-il encore
féliciter le Bureau
météorologique des
États-Unis d'avoir con-
struit l'année dernière
et mis immédiatement
en service un vapeur
spécialement aménagé
pour la destruction
des derelicts. Cette
(Le Petit Journal maritime.)
—
oeuvren'est point aussi
FIG. 191. Parcours du derclict Fannie- Wolston dans du i5 octobre
l'Atlantique, 1891
au 31 octobre i8q4. commode qu'on pour-
rait le croire, étant
donné que les navires ainsi abandonnés des chargements de
portent généralement
bois qui ne peuvent couler. Il faut alors se résoudre à la fastidieuse besogne de les
remorquer jusqu'à la côte la plus voisine.
ICEBERGS
juste titre l'ardente curiosité des passagers qui les rencontrent pour la première fois.
Un officier de marine, M. Strauss, décrit ainsi le spectacle que ces montagnes de
Il y en a de toutes tailles sur notre route ('), de tout petits et de très grands, dont plu-
sieurs doivent dépasser la hauteur de 3o mètres. Les uns ont des contours amollis et ne pré-
sentent que des courbes gracieuses, d'autres sont abrupts comme de sauvages falaises.
On pourrait s'amuser à les décrire un à un, car leurs formes, non seulement sont des plus
variées et des plus originales, mais changent totalement, à ne plus les reconnaître, à mesure
BRUME
La brume est un autre ennemi du marin, plus redoutable que les derelicts et les
icebergs.
a46 LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLE
Traînant sur les eaux son linceul humide, elle le prive de l'élément essentiel d'une
bonne navigation, la vue, et l'expose au plus grave danger, l'abordage.
Certains soumis sans doute à des évaporations particulièrement inten-
parages,
ses (') sont plus souvent que d'autres régulièrement visités par des bancs de brume
FIG. 193. — Dans la brume, sur les bancs de Terre-Neuve, il arrive sirènes et des cornets à bou-
qu'un transatlantique aborde un doris. dans
quin, etc., qui peuvent,
une certaine mesure, prévenir
les collisions, mais il faut que ces prescriptions sont trop
compter peu suivies,
celles qui ont trait au ralentissement de la marche
particulièrement pour les vapeurs.
On a toujours reculé devant la seule mesure qui eût pu en cette matière avoir
une efficacité certaine, la limitation de la vitesse à un chiffre On s'en remet
indiqué.
aux soins des commandants pour juger de combien il leur suffit de diminuer le
nombre de tours de leurs hélices lorsque la brume s'étend sur eux. d'entre
Beaucoup
(') Par suite, vraisemblablement, de la rencontre des courants chauds venant du Sud avec les eaux glacées
des parages arctiques.
( 2) Il existe en effet un règlement international pour prévenir les abordages. Ce petit et précieux documont,
dont au moins un exemplaire doit se trouver à bord de tout navire de guerre ou de commerce, énonce les règles
établies pour les manoeuvres que doivent exécuter les bâtiments
qui se rencontrent, les feux qu'ils doivent porter
la nuit et contient nombre d'autres renseignements utiles.
LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLÉ 247
eux, la plupart, il faut bien le dire, se contentent à se sujet de fort peu dé chose ; ils
croient être prêts à tout événement lorsqu'ils passent de 20 noeuds à i4 ou i5.
La perte de temps, aArec les autres inconvénients qu'elle entraîne : consommation
de charbon, retard dans le
débarquement des passagers, des marchandises et des
correspondances, est un fait si fâcheux pour.le service strictement réglé des paque-
bots, qUe tout prétexte est par eux facilement saisi qui permet de l'éviter, et l'on
va ainsi, trop vite, dans la ouate épaisse où se perdent même les sons des sirènes, se
fiant à son étoile et aussi à la puissance d'arrêt rapide que donne aux bâtiments
modernes la présence à leur arrière d'hélices multiples.
L'auteur de ce livre a personnellement A'écu quelques journées à bord d'un navire
mouillé sur les bancs de Terre-Neuve, au milieu des bâtiments pêcheurs. 11 a,
reprises le bruit des sifflets de vapeurs qui ont passé, sans qu'on pût même les dis-
tinguer, à quelque cent mètres peut-être du navire qui le portait. On avait à bord la
sensation très nette et fort angoissante que le destin du bâtiment était absolument
remis au hasard. Celui-ci voulut bien ne pas le placer directement sur la route d'un
de ces coureurs des mers qui vraisemblablement n'aurait été averti qu'un obstacle se
dressait sur son chemin
que par le fracas de l'abordage.
Parmi les méfaits de la brume, on peut citer encore la perte trop fréquente, sur
ces mêmes bancs de Terre-Neuve, de ces embarcations légères, nommées doris, mon-
tées par deux hommes et qui essaiment au nombre de dix ou douze autour des
grandes goélettes de pêche, sur le pont desquelles elles s'entassent en pile quand on
navigue.
L'arrivée des bancs de brume est parfois si soudaine, leur intensité si forte, que les
équipages des doris, tout occupés à leur pêche fructueuse, perdent subitement la vue
de la goélette dont ils ne s'écartent cependant jamais beaucoup, et ne sont plus
pêcheurs, apporte et distribue les lettres, les emporle, visite les bâtiments, et leur
fournit tous.les secours matériels et moraux dont leurs équipages ont besoin.
11 semble malheureusement certain qu'aucune des prescriptions établies jusqu'ici
pour éviter les accidents de toute nature en temps de brume n'ait
de réelle efficacité.
Une invention récente permet cependant d'espérer que les plus fâcheux d'entre
eux, les collisions et les échouages, pourront être le plus souvent évités. Je veux
parler des signaux sous-marins faits au moyen de cloches immergées, sur lesquels je
248 LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLE
reviendrai lorsqu'il sera question des divers moyens que possèdent les navigateurs
Quelles que soient les mers où l'envoie l'exercice de sa belle et noble profession,
le marin qui les parcourt trouve presque
à chaque instant, dans le spectacle des
flots qui l'entourent, un sujet de distrac-
tion et d'étude.
S'il navigue dans les mers froides, ce
seront les glaces sous la forme d'ice-
Au moment où le météore
apparaît, aux
approches de la nuit ('), le ciel donne passage
à mille rayons lumineux, convergeant acti-
vement vers un même point, comme dans
une gloire ; de ce centre sont dardées inces-
FIG. —
194. Dépeçage d'une baleine en mer, aux lueurs samment des lames de feu rayonnant dans
d'une aurore boréale.
toutes les directions. Ces lames sont elles-
mêmes sillonnées d'ondes de lumière rouge,
rose, blanche, violette, bleue ; des torrents de feu s'écoulent sans cesse de cette source iné-
puisable, et l'horizon resplendit pendant plusieurs heures de cette magnifique clarté.
D'autres fois, l'aurore boréale se présente sous la forme d'une immense draperie
lumineuse qui couvre dans la direction du Nord une vaste étendue de l'horizon. De
cette sans cesse en mouvement,
draperie, pend comme une sorte de frange dont
chaque brin prend successivement les teintes de l'arc-en-ciel : on dirait qu'un gigan-
tesque faisceau électrique projette les tons du prisme sur les vêtements d'une Loïe
Fuller céleste.
Dans des latitudes plus basses, le marin s'intéressera aux évolutions des grands
PUoto. Bossière.
les néophytes qui coupent pour la pre-
FIG. — Un canon sur l'avant d'un baleinier mière fois cette ligne idéale, de les
196. harpon
moderne.
consacrer vrais marins.
Je ne saurais mieux la décrire qu'en me reportant à l'ouvrage de Pacini, La Marine,
On nomme ainsi une bande de mer un au Sud de l'équateur, où les alizés du Nord et du Sud
(') placée peu
so neutralisant, créent des calmes où on subit tantôt les ardeurs d'un soleil brûlant, et tantôt les torrents d'eau
La veille de cette singulière cérémonie, vers le soir, un orage d'un nouveau genre trouble
la tranquillité du ciel : du haut des mâts des roulements de tambour figurent le bruit du ton-
Plïolo. Bossiire.
nerre, des amorces brûlées sillonnent en guise d'éclairs ce théâtre en plein vent, des torrents
de haricots secs (les célèbres fayots!) poursuivent de leurs durs grêlons les spectateurs naïfs.
Au milieu de cet impo-
sant appareil, le dieu
des mers, Neptune lui-
même, d'une voix che-
vrotante, hèle le bâti-
ment.
D'où vient-il ? où va-
t-il ? le nom du navire ?
celui du commandant?
. Après les
réponses
complaisantes de l'offi-
cier de quart, le père
La Ligne expédie un
émissaire,
qui descend,
FIG. IQ8. — Poissons volants. suspendu le long de
l'étai du grand mât, en
costume de postillon : il remet au commandant une missive composée par le bel esprit du bord
et qui contient l'autorisation de pénétrer dans les régions sacrées où règne le père La Ligne.
Quelques bouteilles de vin sont pour le digne postillon la plus éloquente des réponses.
LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLE 25l
Le lendemain a lieu la grande cérémonie. Le dieu, satisfait, vient avec sa suite recevoir le
tribut des novices qui n'ont pas encore été initiés à ses mystères. Dans cette burlesque pro-
cession figurent pêle-mêle les plus grotesques images des institutions des sociétés modernes
et des traditions mythologiques.
s'avancent suivis de
Neptune et Amphitrite, précédés de sapeurs, d'Indiens peaux-rouges,
leur cour, où ne manque jamais un chapelain.
de vin remplace avanta-
L'astrologue royal, maniant un octant fabuleux où une bouteille
et déclare que la Ligne »
geusement la lunette, fait gravement ses observations
va être coupée par le bâtiment.
Des gendarmes à aiguillettes de corde combattent, le bancal à la main,
les serpents des Euménides et les fourches d'une légion de diables.
Tous maintiennent la police parmi les néophytes transformés en damnt
au corps noirci de goudron et trempé dans les plumes, dépouilles des
d'abor-
cages à poules, qui traînent à leurs bras les chaînes des grappins
dage.
Le courrier de la veille monté sur un fabuleux hippogriffe, un meu-
nier breton prodigue de sa farine, cheminent à côté d'un Bac-
chus rayé de rouge et de bleu.
Après avoir défilé sur le pont du bâtiment, la noble
assemblée va s'asseoir sous une tente tendue de pavil-
lons bariolés, le chapelain prononce un sermon burlesque
où ne manque jamais l'invitation aux autorités d'être à
l'avenir plus prodigues de la double ration.
Enfin chacun des néophytes est appelé à s'as-
seoir sur un trône recouvert de drape-
ries. Aussitôt les sacrificateurs s'empa-
rent de lui. Le barbier équatorial passe
sur sa figure barbouillée de savon un
— du de la Ligne.
immense rasoir en bois, pendant que
FIG. 19g. Divinités marines Passage
manquant, une légion de diables et d'Indiens s'élance dans la mâture, scrute les coins les
plus reculés du navire et ne manque jamais de ramener l'insoumis à qui cette incartade pro-
cure un redoublement d'aspersions.
La fête se termine par un combat général dont les pompes à incendie, les seaux et les
bailles constituent la formidable artillerie et dont la mer fournit les inépuisables munitions.
Quelques heures après, le pont est lavé et séché, l'équipage dégrimé et tout, à bord,
reprend son aspect ordinaire.
Mais à côté de ces moments de joie et de gaieté, la navigation en réserve de plus
sévères, de bien
dramatiques aussi.
Un cri a retenti : « Un homme à la mer ! », cri que nul n'a entendu sans sentir son
coeur se serrer.
Toute une série de dispositions sont constamment prises en vue de cette éventua-
lité à bord de tout bâtiment qui navigue. A l'arrière du navire, accrochée à une po-
tence en fer, se balance une bouée de sauvetage perfectionnée sur laquelle veille
constamment un factionnaire porteur d'une petite hache.
25a LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLE
permet de la distinguer
d'assez loin le jour. Une
laquelle l'embarcation de
temps manoeuvrer la
barre et mettre le bâti-
ment en travers ou à peu
luiest permis d'aventurer l'existence des six hommes et de l'officier qui vont tenter
de retrouver leur camarade.
Enfin la décision
est prise, et si on veut bien songer aux courts instants qui, dans
ces conjonctures, peuvent être accordés à la réflexion, on jugera qu'en cette matière
comme en beaucoup d'autres dont est faite la vie du marin, la promptitude et la
rectitude dujugement doivent être
les premières des nombreuses qua-
lités que requiert l'exercice de ce
noble métier.
L'angoisse étreint tous les coeurs pendant que, sous les efforts surhumains de douze
bras vigoureux, l'embarcation se rapproche lentement du but. L'atleindra-t-elle ?
L'homme quiest cramponné à la bouée aura-t-il la force d'attendre son arrivée? Du
pont, de la passerelle, de la mâture tous les yeux sont braqués, toutes les longues-vues
sont en action. Enfin un cri éclate. Ils y sont ! Ils l'ont ! Sauvé !
Malheureusement, il n'en est point toujours ainsi et trop souvent l'embarcation
de sauvetage ne ramène que la bouée seule.
( 4) Pousser signifie qu'on écarte l'embarcation du flanc du navire en poussant avec une gaffe.
254 LA NAVIGATION. UN NAÀ'IRE ISOLÉ
De nos jours où les mâts ne portent plus de vergues, il est très rare qu'un homme
tombe directement à la mer. Il y a bien des chances pour;qu'il heurte auparavant
quelque rambarde, le flanc du navire lui-même ou le can( 1) de la cuirassé, et qu'il
arrive à l'eau étourdi, sinon déjà tué par un de ces chocs ; il disparaît alors à jamais.
Mais il faut dire aussi que la suppression des A'oilures et dés; manoeuvres continuelles,
que, devant les lames qui engloutiraient à l'instant toute embarcation et peuvent
même causer des aA'aries au bâtiment s'il leur présentait le travers, il faut laisser
tout espoir et reprendre la route.
Les règlements maritimes prescm7ent que lorsqu'un homme tombe à la mer, tous
les bâtiments naviguant ensemble mettent leur paA'illon en berne ; si on parvient aie
sauArer; les pavillons sont rehissés à Hoc. Si au contraire toutes les recherches sont
vaines, on rentre le paA'illon. C'est le dernier salut de la pairie à celui qui lui donne
sa vie. .-.''! I
La manière dont quelques hommes ont été arrachés à une mort certaine pourrait,
à bon droit, passer pour miraculeuse. I ' il
i {' ! J .
Nous aA'ons vu, dit PaciniQ, à bord d'un bâtiment de comm|erce unlmâtelot dont le sau-
vetage présentait des circonstances extraordinaires. Il tomba à la hier dans un grain où son
bâtiment; était forcé de laisser arriver Q). ; | ;
On lui; jeta tous les objets flottants qui tombèrent sous la main,; cages à poules, paniers, etc.,
mais l'équipage, peu nombreux, ne put entreprendre les manoeuvres nécessaires pour le sau-
A'fer; le naAire continua sa route; une demi-heure après le grain cessa ; le capitaine, désespéré,
voulut faire une tentative pour retrouver ce marin ; il révint sur seb pas en suiA'ant autant que
possible une roule opposée et mit en panne à l'endroit où il aperçut les objets que l'on avait
jetés à la mer. \
Le temps était devenu brumeux ; cependant il fit amener une embarcation qui rôda inu-
tilement pendant une heure ; enfin les canotiers croyant entendre un faible cri, se dirigèrent
de ce côté, c'était bien le matelot! !
EL aA'ait passé trois heures et demie à la mer ; au moment où;ilhrit le naA'ire continuer sa
route, il avait om'ert on couteau, décidé à abréger ses souffrancesr; mais ayant pensé à Dieu
et au diable, disait-il, il aA'ait changé d'idée, et pour ne pas en âvqir une seconde fois ia ten-
tation, il aA'ait détaché son arme et l'aA'ait laissée couler. i ;- •.
En racontant ce drame, cet homme simple ne paraissait pas se douter de la sublimité de sa
•".•'.-'! ,. . J . :•..
résignation stoïque.
L'ATTERRISSAGE
profil de la terre qui se présente aux vues qui en sont dessinées et soigneusement
marquées sur les cartes, prises de points situés à grande distance.
La forme du sommet d'une haute montagne, le profil d'une coupure dans une
chaîne de hauteurs, tels sont en général les caractères particuliers grâce auxquels
le marin peut fixer avec une certaine approximation sa position à grande distance
de la terre.
Si la brume
l'enveloppe, et que ce genre de renseignements lui échappe, il y sup-
au
(') Un jeune officier de la marine marchande, M. Warluzel, vient d'apporter
encore bien plus
sondeur Thomson des perfectionnements qui le rendent, paraît-il,
pratique.
SAUVAIRE JOURDAN
pL
distinguer les goélands d'Ouessant de ceux de Belle-Isle, et assurent que ces oiseaux
ne se mêlent point entre eux ('). Ils estiment leur position suivant qu'ils ont affaire
à l'une ou à l'autre des deux espèces.
Un autre indice de l'approche des terres est quelquefois fourni à grande distance
par l'odeur caractéristique qui s'en dégage, lorsqu'elles sont couvertes de bois odo-
rants. C'est ainsi que la côte de Provence répand au large l'odeur de ses pins, et les
îles des Antilles la senteur enivrante de leurs fleurs. C'est surtout la nuit qu'on peut
avoir recours à ce mode exquis de reconnaissance de la terre, parce que c'est la nuit
Lorsque les vues de côtes, les sondages ont permis de fixer avec une certaine
approximation le heu où
l'on se trouve, on fait route
qué au commencement de
ce chapitre, et le comman-
dant peut alors reconnaître
FIG. ao5. — Le phare du Planîer à Marseille.
sur sa carte la situation
exacte du navire.
Les cartes marines sont de plusieurs espèces. Toutes, comme je l'ai dit plus haut,
sont établies
d'après la méthode de Mercator, c'est-à-dire en projection plane. Celles
qui servent pour les grandes navigations et qui représentent des mers tout entières
sont dites routiers. Quand on approche des côtes et que le besoin se fait sentir de
posséder des renseignements plus précis sur les fonds, leur hauteur et leur nature,
sur les bancs déroches souvent situés très au large, etc., on sort les cartes à petits
points, où figure une assez grande étendue du littoral et de la mer qui le baigne.
C'est sur ce genre de cartes que se trouvent les vues de côtes dont j'ai parlé et les
phares avec l'indication de leurs caractéristiques.
Enfin, pour se guider tout près de terre et pour entrer dans les ports, on consulte
les cartes à grands points, qui portent les moindres susceptibles détails
d'intéresser le
marin, bouées des chenaux, récifs, les indications pour mouiller en bonne place, et
enfin les plans qui représentent à grande échelle les ports et les baies avec leurs dispo-
sitions particulières et les moyens d'amarrage qu'ils fournissent.
SAUVAIRE JOURUAN. 7
i58 LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLE
guiberry, deJonquières, Caillard ont, par une pratique continuelle, mis nos comman-
dants sur le pied de ne reculer devant rien dans ce genre d'opérations. C'est grâce à
cet entraînement qu'une entrée de nuit à Toulon, de 20 ou 25 navires de gros ton-
nage, spectacle d'ailleurs merveilleux, est passée au rang des faits maritimes courants.
PHARES
PACINI, La Marine.
(')
LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLE
259
y était située et disparut en 1^27 dans un tremblement de terre. Le feu y était entre-
tenu au moyen de lampes et de réflecteurs
plans.
La multiplication et la
puissance des
(') Notons cependant, comme une, négligence inconcevable pour une époque qui se pique de sentiments altruistes,
l'absence de tout phare sur le cap Guardafui, à l'entrée de la mer un des points les du
Rouge, plus dangereux
et sur l'île Socotora l'entrée de cette même mer.
globe, qui marque
260 LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLE
le littoral ne quitte jamais l'espace où l'un d'eux projette sa lumière avant d'avoir
généralement l'atterrage des bâtiments, des portées qui eussent paru fabu-
produit
leuses il y a quelque cinquante ans. Pratiquement, en dehors des cas de brume mal-
heureusement trop fréquents, la portée de ces gigantesques et puissantes torches n'est
limitée que par la rotondité de la terre,
et on les aperçoit de distances d'autant
adoptée pour les phares à grande portée, parce que les éclats de lumière colorée, surtout
pour certaines couleurs, ne se voient pas aussi bien à la même distance. Le blanc
a sur ce point une grande supériorité.
On ne peut penser sans mélancolie à l'existence que mènent dans ces prisons de
pierre, sans cesse soumises àl'assaut des vagues et des vents, les gardiens chargés de
veiller sur ce feu qui ne doit jamais s'éteindre la nuit tout au moins. Ces postes sont
cependant vivement sollicités. L'un des avantages les plus singuliers qu'y trouvent
les marins qui les demandent est l'abondance d'oiseaux de toutes espèces qui
LA NAVIGATION. UN NAVIRE ISOLÉ 26l
viennent s'y briser les ailes, fascinés par l'étincelant foyer, et pourvoir en partie à leur
/jo1"".
tous les parages dangereux, on installe des cloches sous-marines suspendues sous les
bateaux-feux, les bouées, ou même simplement sous des echatau-
dages reposant directement sur le fond. Le battant de ces cloches
est mû par un moyen mécanique quelconque, électricité, air com-
certitude que le point où est placée la cloche dont lessons proviennent est situé
sur le de l'axe du bâtiment. Le commandant du navire possède
prolongement
donc aussitôt un élément lui permettra de reconnaître sa position, puisqu'il
qui
connaîtra le relèvement du phare, de la bouée, du bateau-feu lu sur le compas et
son identité fourme par le nombre des coups de
cloche.
Grâce à ce système, dont l'installation sur les
côtes du monde entier se répand rapidement, on
la brume les
peut dire qu'on a supprimé pour
navires munis de l'appareil si simple qui permet
d'entendre les sons des cloches.
Son usage permet journellement aux comman-
dants de paquebots d'accomplir des prouesses
inouïes. Le point du monde où atterrissent le plus
quoi n'en tirerait-on pas parti, par exemple, sur ces pauvres doris de Terre-Neuve et
d'ailleurs, dont j'ai raconté plus haut les dramatiques aventures ?
Il est évident que la marine de guerre trouvera, dans 1 adoption de ce système, les
mêmes avantages que les paquebots au point de vue de la navigation. Au point de
(') Sortes de quais en bois placés perpendiculairement à l'axe du fleuve et le long desquels les paquebots
s'amarrent à New-York.
A^ue militaire strict, il est vraisemblable qu'il en sera de même. Grâce aux cloches
sous-marines, on peut très bien envisager,, par exemple, la possibilité d'échanger des
signaux entre sous-marins en plongée, ou entre sous-marins et navires à la surface.
Ce sera une grosse lacune comblée dans l'utilisation de ces ^bâtiments.
Quoi qu'il en soit, le navire que nous venons de promener sur les mers est enfin
rentré au port. Les formalités qui accompagnent l'arrivée, l'arraisonnement;, là véri-
fication de la patente de Santé ont été remplies saris incidents,
L'ancre est au fond, la longue flamme, indice d'une campagne qui se termine1,':
monte au haut du grand mât; à l'agitation de laimer, aux mouvements du roulis
succédé Un calme, un repos qui, si impatiemment désiré,! déconcerte cependant au
premier abord.
Heureux le marin qui touche au port après un long voyage !
CHAPITRE VII
Les escadres et les divisions.- :— Là marque de l'amiral; — Répartition de nos forcés navales. — Nécessité de
l'homogénéité. — Les leurs différents modes. — La télégraphie sans fil. — Comment une escadre
signaux,
se formé pour naviguer, — Services que rendent les sémaphores. -— La des flottes
pour combattre. tactique
— Gomment — — Le combat. —
nombreuses. une escadre se garde, s'éclaire. Dispositions pour la bataille.
Rôle des croiseurs cuirassés. — La guerre de course. —Le droit de visite. — Pirates modernes. •— Le blocus,
les effets qu'il peut produire.
Il est de plus en plus rare qu'un navire de guerre ait à naviguer isolément, ou du
moins à faire dans ces conditions une campagne d'une certaine durée.
Toutes les nations marquée à consacrer la majeure partie de
oht une tendance
leur budget maritime à la construction de navires de combat, c'est-à-dire de cuirassés.
Et Une fois qu'elles, les ont construits, elles tiennent à les conserver à portée de
leurs côtes, d'abord parce que la navigation lointaine de ce genre de bâtiments coûte
fort cher, ensuite et surtout parce qu'il est plus sage de les avoir sous la main en cas
de nécessité.
Ces bâtiments, généralement très puissants, qu'elles gardent ainsi sous leur aile,
on a été naturellement amené à les grouper,-de façon à faire produire pendant le
combat à la masse compacte qu'ils forment, ainsi réunis, un effet supérieur à la
somme des effets que chacun d'eux pourrait fournir isolément.
Le groupement d'un certain nombre de cuirassés forme une escadre.
La marine française a depuis longtemps diA'isé ses escadres en divisions compre-
nant chacune trois unités, placées sous le commandement d'un contre-amiral dont le
faire exécuter aisément et rapidement telle manoeuvre, même imprévue, qu'il jugera
nécessaire. Ces conditions ne se réaliseraient pas avec une force navale qui compren-
drait plus de 9 ou, à la rigueur, plus de 12 navires.
Il faut considérer en effet que le minimum de la distance
à laquelle peuvent se
tenir deux cuirassés en ligne est de 4oora, comptés de passerelle à passerelle, ce qui,
avec les longueurs de i5ora actuellement atteintes par ces navires, réduit la distance
d'arrière à étrave à 25om. Il serait de toute imprudence de tomber au-dessous de ce
chiffre.
Or, avec 12 navires en ligne de fileC), on voit que le bâtiment de tête, qui est
FIG. 2i5. — d'une escadre en ligne de file. Les douze cuirassés sont placés à foo mètres les uns des autres.
Aspect
temps le chef de la division dont fait partie le bâtiment qu'il monte et sur lequel est
arboré son pavillon. Cet insigne, qu'on appelle aussi la marque
(sous-entendu : du
commandement), est hissé chaque matin, au jour, au mât de l'avant; celui des contre-
amiraux est porté par le mât de l'arrière.
C'est, dans les deux cas, un petit pavillon français où figure avec les trois ou les
Quand il
exige une soumission aveugle
à ses décisions, l'amiral assume en échange
une entière
responsabilité pour les consé-
vent en temps de paix dans les marines où on garde une grande quantité de bâtiments
armés, comme en Angleterre, et dans les autres pour les grandes manoeuvres par
exemple, que le nombre des bâtiments réunis pour agir ensemble dépasse les chiffres
auxquels on veut limiter une escadre.
On en forme alors une seconde ou plusieurs autres suivant les nécessités,
en ayant
soin de les composer autant
par 1 urgent besoin où nous serions, en cas de guerre européenne, de maintenir l'ab-
solue sécurité des relations entre le continent et l'Algérie, d'où les idées qui ont cours
actuellement et auxquelles il faut applaudir permettent de penser que nous tirerions
peut affirmer que la marine française présente encore un front très redou-
table.
Ce fait indéniable et consolant est en grande partie dû, si on met à part la valeur
indiscutable du personnel, à ce que nous possédons enfin des escadres homogènes.
Mus par ce sentiment d'ailleurs naturel et louable qui nous pousse à faire toujours
mieux, nous avons
longtemps pratiqué cette erreur de construire nos navires par
unités, sur des plans constamment perfectionnés, et nous sommes arrivés à posséder
une flotte qu'on a trop bien caractérisée en la baptisant du nom de flotte d'échantillons.
Or, que faire, quel parti tirer, en temps de guerre, d'une force navale où chaque
l'artillerie, la contenance des soutes à charbon et cent autres détails moins impor-
'
tants ? .
Pour ne pas voir sa troupe se désorganiser au premier effort, le commandant en
chef devra tout d'abord réduire la vitesse de l'escadre à celle que peut donner le
plus mauvais marcheur, et perdre ainsi le bénéfice de la meilleure marche des autres ;
il ne pourra établir aucun plan judicieux de combat puisque tel de ses bâtiments sera
égaux lui deviennent interdites parce qu'un certain nombre des unités placées sous
ses ordres se verraient arrêtées au cours de la route par le manque de charbon.
Ce sont cependant des escadres composées de semblable façon que nos amiraux
auraient eu à conduire au feu jusqu'à ces dernières années !
Le cri unanime de réprobation sorti des rangs des officiers de marine a été, après
de trop longues années, enfin entendu. Le règne de l'homogénéité que, depuis long-
LA NAVIGATION EN GROUPE,LE COMBAT 27!
temps cependant, nous prêchait l'exemple de notre voisine, l'Angleterre, est enfin
venu pour nous. Nos 12 derniers cuirassés (') ont été construits en deux séries de
6 unités, qu'on peut considérer comme identiques, et le spectacle que présentent ces
magnifiques bâtiments, d'une puissance égale et pareils dans leur aspect extérieur,
mouillés en rade de Toulon, ou évoluant sur les eaux de la Méditerranée, est des plus
réconfortants.
Les unités d'une escadre qui navigue ne peuvent, on le conçoit fort bien, être lais-
sées à elles-mêmes ; il faut au contraire, pour éviter les chances d'accident et surtout
FIG. 221. — Une escadre actuelle des six cuirassés du programme de 1900, Danton
française composée type
(escadre homogène).
pour être prêts à tous événements, qu'un ordre strict préside à leurs mouvements
et les coordonne. Cette nécessité a été reconnue de tous temps, les flottes à voiles s'y
soumettaient et l'adoption de la vapeur l'a rendue plus facile pour les escadres
modernes.
Une escadre à la mer est toujours formée dans un ordre géométrique où chaque
bâtiment occupe un poste déterminé dont il ne doit s'écarter que sur un ordre
de l'amiral et en suivant des règles rigoureuses ayant pour but d'éviter les abor-
dages.
Les formations géométriques que peut prendre une escadre en marche sont assez
nombreuses. La manière de les prendre, la place que doit occuper chaque navire
dans chacune d'elles, constituent, avec quantité d'autres prescriptions et renseigne-
ments, les volumes de la Tactique navale officielle, qui est aussi un recueil de signaux
et dont chaque navire de guerre possède deux exemplaires.
SIGNAUX DE JOUR
Avantde passer en revue les principales formations que peut adopter une esca-
divers qui sont
dre, il est utile, je pense, de décrire succinctement les procédés
à la disposition du commandant en chef pour faire connaître aux unités placées sous
ses ordres, ses volontés en toute
circonstance, et notamment pour
leur faire exécuter, au moment
gation et du combat.
des signaux portés à la connaissance de tous les bâtiments amis et ennemis qui rôde-
ront dans un rayon fort étendu et qui n'auront d'autre peine que de les enregistrer.
Il est fort vraisemblable que les études et recherches auxquelles se livrent un peu
partout les hommes les plus compétents et qui ont pour but d'assurer la discrétion
des signaux par T. S. F. aboutirontprochainement. Ces études, confiées en France à
une Commission où se réunissent de savants officiers de notre marine et de notre ar-
mée, se poursuivent avec ardeur et promettent, à brève échéance, un succès complet
(').
Le jour où un message sans fil pourra, en toute sécurité, être envoyé à tel bâti-
ment et enregistré par lui seul, ce jour-là, tous les autres systèmes de signaux au-
ront vécu, et on pourra réaliser une grande simplification dans le matériel naval.
Mais, en attendant ce progrès qui la fera régner sans conteste, la T. S. F. n'est
pas moins d'un usage courant et fort apprécié à bord de la plupart des bâtiments de
guerre de toutes les marines.
Il faut noter aussi les excellents résultats obtenus dans l'escadre de la Méditerranée au
(') moyen d'appareils
de téléphonie sans fil (expériences par MM. les capitaines de frégate Colin et Jeance).
dirigées
SATJVAIRE JOURDAN. 18
LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT
27^
mais nécessaires, on
En établissant règles, un peu gênantes
certaines assurément,
obtient de la T. S. F. un rendement très précieux, notamment entre navires placés
hors de la vue les uns des autres, soit parce que la distance qui les sépare est trop
considérable, soit que des obstacles terrestres, îles, caps interposés, les empêchent
de se voir (').
Pour une idée de ces règles, je citerai celle en vertu de laquelle,
donner dans nos
à l'amiral. Les autres bâti-
escadres, l'usage des signaux par T. S. F. est réservé
ments ont seulement le droit de répondre aux questions qu'il leur pose individuel-
lement. On évite ainsi les brouillages résultant de signaux émis simultanément. La
transmission des ordres généraux ne com-
Quand ils sont hissés isolément, chacun de ces signes a un sens propre qui est
indiqué dans les légendes de notre planche en couleurs. Groupés, soit entre signaux
de même catégorie, soit entre signaux de catégories différentes, ils donnent des com-
binaisons extrêmement variées, forment des nombres d'une lecture très facile, dont la
signification se trouve dans les volumes de Tactique navale, appelés Code des signaux.
Les substituts, qui, hissés isolément, ont chacun une signification particulière,
encore, — et leur nom vient de là, — même chiffre est répété
s'emploient lorsqu'un
dans un nombre : au lieu de hisser une seconde fois le même pavillon, on le remplace
(') Au cours des grandes manoeuvres navales de mai 1910, les croiseurs cuirassés de la division Pivet, détachés ,
pour surveiller les mouvements de l'escadre de l'amiral Aubert mouillée à Oran, ont pu, par la télégraphie sans
fil, tenir constamment l'amiral de Jonquières, au courant des moindres mouve-
qui faisait le blocus d'Ajaccio,
ments de l'escadre ennemie.
LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT
275
Généralement, c'est l'amiral qui prend l'initiative des signaux pour donner ses
ordres. Chaque bâtiment indique à l'amiral qu'il a vu et compris le signal qui lui est
fait en hissant, seul sur une drisse (') spéciale, le Ier substitut de la série des
composent.
On pourrait, à première vue,
croire qu'un pareil procédé doit
entraîner des lenteurs considé-
rables dans les manoeuvres. Il n'en
signaux, s'en acquittent avec une surprenante habileté ; ils arrivent à connaître
par coeur la plus grande partie des signaux usuels et déploient, dans la manoeuvre
des drisses et des pavillons, une amusante activité.
Il est même un signal (fig. 225) qui, pour n'être pas tous les jours hissé au grand
mât du bâtiment amiral, n'en jouit pas moins de la propriété d'être connu de
tous les marins et accueilli avec une joie sans mélange ; c'est celui par lequel le
grand chef, satisfait d'une inspection, d'une manoeuvre bien exécutée, ou d'un
(') Une drisse est une corde assez mince dans une poulie en tète du mât ou à l'extrémité d'une
qui, passant
sert à hisser les formant un
vergue, pavillons signal.
LA NAVIGATION EN GKOUPE. LE COMBAT
276
SIGNAUX DE NUIT
Avant que l'électricité fût venue révolutionner les modes d'éclairage, les signaux de
nuit se faisaient au moyen de fanaux à bougie avec lesquels les mécomptes étaient
innombrables.
Ces pauvres lanternes se hissaient tout comme les pavillons en tête des mâts, at-
tachées à la queue leu leu à la même drisse et s'éteignaient assez régulièrement au
souffle du vent
pénétrant par les ouvertures, si petites fussent-elles, qu'il fallait bien
ménager dans leur structure pour permettre l'introduction de l'air.
grand chef.
jour O.
On emploie assez souvent aussi une
lampe électrique
unique placée au sommet d'un mât et de laquelle on fait
rant, ont quelquefois aussi été employés pour établir des communications de nuit à
grandes distances. On les pointe alors à 45° en l'air, ce qui permet d'apercevoir leur
d'un on lui fait
pinceau lumineux de très loin, et au moyen interrupteur produire
des éclats longs et brefs du système Morse.
C'est en usant de ce procédé, d'ailleurs fort aléatoire mais qui était le seul à sa
disposition, que l'amiral Courbet, après avoir détruit la flotte chinoise au mouillage
de la Pagode, dans la rivière Min, le 23 août 1884, tenta de faire connaître le résul-
tat du combat et ses intentions pour le lendemain à la Saône et au Châteaure-
nault, mouillés en aval dans un étranglement de la rivière, et au La Galisson-
nière, qui croisait au large de l'embouchure, à environ 60 kilomètres du lieu du
combat.
Les détours de la rivière Min et les hauteurs qui la bordent cachaient tous les
bâtiments les uns aux autres.
Un projecteur du Voila, à bord duquel Courbet dirigea le glorieux engagement, fut,
à la nuit, pointé vers les nuages, dans la direction où se trouvaient les navires que
l'amiral voulait renseigner, et le signal télégraphique fut exécuté.
La tentative réussit pleinement, et l'auteur de ce livre, officier à bord de la
saone, noubhera
SIGNAUX DE BRUME
Il me reste à dire
comment on arrive
à communiquer en-
FIG. 228. — Officier faisant exécuter des signaux de brume par clairon. tre bâtiments pris
dans la brume.
On ne peut plus dans ce cas compter sur la vue. Les sons peuvent seuls être
utiles. Aussi la parole est-elle donnée au clairon et au canon.
Le premier sonne les airs usuels, alors la valeur d'un nombre avec
qui prennent
de brume, trou-
lequel on se reporte au Code des signaux, chapitre des signaux pour
ver l'indication de la manoeuvre à exécuter.
Avec le canon, on donne la même indication, en tirant une certaine quantité de
(') Le La Galissonnibre no le
put pas interpréter signal.
LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT
279
Là encore, du reste, la télégraphie sans fil est venue suppléer à des moyens très
imparfaits. •
SÉMAPHORES
placée sur un sommet bien visible du large et surmontée d'un mât sur sont
lequel
articulés quatre grands bras
en tôle noircie.
Le mât est monté sur pi-
vot, de façon que le plan
dans lequel se meuvent les
bras, articulés eux aussi,
puisse être placé perpendi-
culairement à la ligne qui
joint le sémaphore au na-
vire.
Pavillon o On annule le signal qui est hissé en même temps, ou le dernier de ceux qui ont
été faits.
— i Signât d'exécution prescriA'ant d'exécuter sur-le-champ l'ordre qui vient d'être
donné par signaux. Commencer le feu, si on est en hranlebas de combat.
— On ne distingue
2 pas bien les signaux et on demande qu'pn les place d'une manière
2e Série: TRAPÈZES^).
Trapèze o Une embarcation vient de chavirer ou de remplir; les bâtiments à portée doivent
lui envoyer les plus prompts secours.
rappelle à bord :
i, la chaloupe; 2, le canot à vapeur; 3, le canot du commandant;:
4, le canot-major; 5, le icr canot de service; 6, le 2e canot de service;
!On 7, la baleinière i ; 8, la baleinière 2; g, le youyou.
Ier substitut L'amiral rend sa manoeuvre indépendante.
2e —r- On prévient que l'on va se servir des signaux du dictionnaire télégraphique, ou on
demande à s'en servir.
3° FLAMMES (2).
4° TRIANGLES.
Triangle i Oui.
— 2 Non.
PAVILLON DE RECTIFICATION. Est hissé par le bâtiment qui se juge exactement arrivé à la place
(*) En vue de l'ennemi, les trapèzes hissés isolément ont une signification relative au combat.
( 2) Les indications fournies par les flammes hissées isolément sont particulièrement'utiles dans la navigation
d'escadre, où, en raison de la faible distance qui sépare les bâtiments, il est nécessaire qu'ils soient prévenus des
changements d'allures les uns des autres. Aussi, en fait-on, dans ce cas, un usage constant,
SIGNES DU TÉLÉGRAPHE
i° PAVILLONS.
Chacun des dix pavillons représente un des chiffres de o à g, et exprime, selon la place qu'il
dans le signal, à partir du bas, des unités, des dizaines, des centaines ou des mille. Les
occupe
nombres d'un seul chiffre se signalent par un seul pavillon, ceux de 2 chiffres par a pavillons, etc.
Le pavillon zéro hissé seul signilie : annuler le signal précèdent, ou on ne comprend pas.
20 FLAMMES *.
1 Pavillon national.
2 Pavillon du Président de la République.
3 Pavillon du ministre de la Marine.
4 Pavillon de vice-amiral commandant en chef.
5 Pavillon de vice-amiral commandant en chef, préfet maritime.
6 Pavillon de vice-amiral commandant en sous-ordre (avec son numéro d'ancienneté).
7 Pavillon de contre-amiral commandant en chef.
8 Guidon de capitaine de vaisseau, chef de division, commandant une division indépendante.
9 Flamme distinctive des bâtiments de guerre.
Le pavillon national français doit avoir le battantQ) égal au guindant. plus la moitié.
Le pavillon de commandement a le battant égal au guindant, plus un sixième.
Le guidon et le triangle ont le battant égal au double du guindant.
* Pour
signaler des nombres dans lesquels un même
chiffre est répété plusieurs fois, on se servira des
Navire de guerre français revenant d'une campagne lointaine. flammes 1. 2. 3. comme substituts, la flamme 1
devant répéter le chiffre des mille, la flamme 3
le chiffre des centaines, la flamme 3 celui des dizaines.
282 LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT
d'un
II. Dans le cours signal à bras, le bâtiment interpellé qui
désire que le timonier faisant le signal se place d'une façon plus
L'adoption de la vapeur, puis celle des cuirasses, ont profondément modifié ces
antiques traditions.
position telle que l'on puisse employer les pièces de l'arrière, alors que l'ennemi ne
qui la composent.
Qu'au cours de la lutte une avarie survienne
plusieurs à un
des bâtiments ou
d'une escadre ; que leurs cheminées, par exemple, trouées par les obus, ne permettent
plus un bon tirage (*) ; qu'une voie d'eau vienne les alourdir, et l'aA'antage de la
vitesse passera d'un côté à l'autre.
En dehors de la
supériorité que donnera ce facteur, il est d'autres considérations
importantes qui entrent en jeu dans la conduite d'un combat naval. Une des pre-
mières est l'utilisation qu'il conviendra de faire des dispositions particulières de l'ar-
tillerie des unités. !'
On conçoit aisément en effet que si les naA'ires composant une escadre pem'ent
tirer aArec un plus grand nombre de canons, lancer un poids de projectiles plus gros
dans le sens de l'avant, par exemple, que par le travers, il sera avantageux de se
placer pour se battre dans une situation qui permette de tirer parti de cette supériorité.
La connaissance des dispositions de l'artillerie chez l'ennemi aura également une
influence sur la manière de diriger le combat.
Un commandant d'escadre peut choisir dans un certain nombre d'ordres qu'on
appelle des formations (fig. 233 à 236), celle qui comment le mieux pour naA'iguer
ou pour combattre.
La plussimple de ces formations est la ligne défile, dont le nom est suffisamment
expressif. Les naA'ires y sont rangés dans les eaux les uns des autres à. une distance
de /|OOm, comptés de passerelle à passerelle. Pour aAroir la distance qui sépare l'ar-
rière d'un bâtiment de l'élravede son A'oisin, il faut donc eh déduire une longueur
de bâtiment, soit 120 à i3o™ et même i5om avec les monstres modernes ; on A'oit
(d) J'ai cité à ce sujet, l'exemple du cuirassé russe Césarevitch à la bataille du id août igo5. On s'est préoccupé
de celte éventualité dans les bâtiments de construction récente, et on a cuirassé les bases des cheminées.
LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT 287
donc que cette distance se réduit à 270 ou 2bom. Il est à peu près impossible, et il
serait extrêmement imprudent de la diminuer davantage, le moindre à-coup dans la
marche, le moindre incident .pouvant alors amener des risques d'abordage.
On a, en tout cas, tout à fait renoncé dans la marine française à serrerdavantage
les distances
depuis un abordage qui se produisit en escadre de la Méditerranée
entre le Gaulois et le Bouvet, un jour où l'amiral avait ordonné de serrer les dis-
tances à 3ooni. Grâce à la promptitude et à la netteté de la manoeuvre des deux
commandants, la catastrophe complète put être éA'itée, mais il s'en fallut de peu.
D'ailleurs, l'intérêt de cette diminution des distances est nul.
11 n'y a aucun danger de A'oir couper une escadre dont les naA'ires seront à 4oom les
uns des autres, et l'ennemi qui risquerait pareille folie s'exposerait à un abordage
fatal.
Dans la ligne de file, l'amiral marche généralement en tête et conduit comme il
l'entend sa ligne qui suit consciencieusement ses mouvements. Vues d'une falaise, les
éA'olutions d'une escadre
en ligne lui donnent l'apparence d'un serpent sinueux dont
les cuirassés forment les anneaux reliés par les traces blanches des sillages.
La ligne de file est, par excellence, la formation souple et manoeuA'rante, celle qui
a sur toutes les autres conceptions tactiques la préférence de beaucoup de marins.
C'est à peuprès la seule que pratique la marine anglaise. C'est celle que le glorieux
amiral Togo aA'ait adoptée au combat de Tsushima.
Si on suppose que les bâtiments rangés en ligne de file, comme nous A'enons de
le voir, tournent tous en même temps de 900 sur la droite ou sur la gauche, et conti-
nuent à marcher dans la nouA'elle direction, ils se trouveront en ligne de front. Si,
au contraire, ils n'ont tourné de 45° ils forment ce qu'on appelle en tactique
que
navale une ligne de relèvement.
Enfin^ pour ne pas sortir des ordres simples, les seuls qu'un chef sera tenté
d'utiliser au combat, il faut citer encore la formation en pelotons ou divisions, dans
laquelle les bâtiments sont groupés trois par trois, en triangles dont les sommets
tournés vers l'ennemi'sont occupés par les commandants des pelotons.
Les pelotons peuA'ent d'ailleurs être eux-mêmes disposés en ligne de file ou de
front; les chefs de divisions sont alors rangés sur une même ligne, soit les uns
derrière les autres, soit
sur une ligne de front.
La bonne tenue de chaque bâtiment à son poste dans chacun des ordres que je A'iens
d'énumérer est d'une nécessité absolue pour éviter les collisions et donner à l'escadre
la cohésion qui en fait une force naA'ale au lieu d'une troupe de navires.
Aussi la préoccupation constante de l'officier de quart est-elle de bien tenir ce
poste. Il doit, dans ce but, A'eiller à rectifier, aussitôt qu'elles se manifestent, les
moindres variations dans la distance et dans la route.
Il dispose à cet effet de moyens
très perfectionnés; d'instruments de toutes sortes. Tel celui qui lui permet de con-
stater que la distance à l'amiral mesurée par l'angle de la cheminée à la flottaison par
exemple décroît de quelques minutes ; tel cet autre d'une extrême ingéniosité,
im'enté il y a quelque vingt années par le capitaine de frégate Valessie, au moyen
duquel les officiers mécaniciens de quart, avertis du nombre de mètres qu'il s'agit de
288 LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT
Jusqu'à une époque encore récente, on n'aA'ait guère à .envisager d'autre perspec-
tive que celle de faire naA'iguer et combattre des escadres icomposées au maximum
d'une dizaine de bâtiments.
Mais, depuis quelques années, nous assistons à une compétition de toutes les
nations A'ers l'Empire de la mer. Chacune A'oulant ou essayant de se l'assurer, le
nombre des unités de combat a crû, dans toutes les marines, d'une façon impression-
nante.
Il est fort à présumer qu'au début d'une guerre naA'ale les efforts des adversaires
tendront tout d'abord à s'assurer la liberté de leurs communications, la maîtrise de
la mer en un mot, en réduisant à néant, ou tout au moins à l'impuissance, les
forces de leurs ennemis.
Cette tactique est préconisée partout par les plus hautes sommités maritimes ; elle
est d'ailleurs l'expression même de la logique et il n'y a pas de doute qu'elle sera
pratiquée.
Chaque nation concentrera la totalité de sa flotte, pour l'envoyer à la rencontre
ou à la recherche de l'ennemi dans les conditions les meilleures, en A'ue du choc
terrible et A'raisemblablement définitif qu'elle aura à subir.
Ce seront donc des groupements énormes qui s'élanceront les uns sur les autres
qui pourront avoir un rôle spécial, défini d'avance et qui; évolueront à part, il est
certain que la ligne de bataille comptera encore 18 ou 20 unités.
Or, les procédés qu'on peut employer pour obtenir d'une force aussi considérable
le maximum d'effet utile né sont plus du tout les mêmes que s'il s'agit de 6 ou 9
bâtiments seulement-
La formation en ligne de file ou ses succédanés qui peuA'ent être utilisés en ce
dernier cas et offrent des moyens acceptables puisque la longueur de la ligne ne
dépasse pas 2 /loom pour 6 bâtiments (à 400™ de distance) et que cette ligne reste
par conséquent très manoeuATante. n'est plus applicable à 18 navires qui s'étendront
en un long serpent mesurant 8 à g kilomètres.
Il faut considérer en effet que si l'amiral A'eut faire exécuter à son armée ainsi
rangée une éA'olution quelconque, il y a bien des chances pour que son signal,
masqué par l'effroyable nuage des fumées accumulées, n'arrive pas jusqu'aux derniers
naA'ires ; s'il y arrive, ce sera avec un retard tout à fait incompatible avec l'urgence
vraisemblable du mouvement.
LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT
289
unités d'une ligne comme celle que nous considérons seraient, en raison de leur
distance à l'ennemi, hors d'état de prendre une part utile à l'action.
De même tous ces bâtiments se verraient négligés par l'ennemi, car il les aperce-
vrait à peine, alors que les bâtiments de tête seraient bientôt accablés sous le feu
concentré de toutes les unités de l'adversaire qui aurait su adopter une disposition
*
plus pratique.
Pour toutes ces raisons et d'autres encore, parmi lesquelles il faut compter la
fâcheuse tension d'esprit au chef à un moment où il devrait pouvoir consa-
imposée
crer toute la puissance de son cerveau et toutes ses facultés à des préoccupations
d'ordre plus général, on ne peut concevoir qu'une flotte très nombreuse se pré-
sente au combat en une ligne de file unique ni dans aucun des ordres qui en dé-
coulent, car tous offrent les mêmes inconvénients.
Quelle sera donc la solution adoptée pour ce problème? C'est le secret des futurs
à faire manoeuvrer une force de ig bâtiments ('), il laissa à chaque chef d'escadre
une autonomie tempérée par des ordres généraux, et ne. s'occupa personnellement
que de son escadre principale composée de 4 cuirassés et 2 croiseurs cuirassés.
Le résultat de cette tactique fut si heureux qu'on peut s'attendre à la A'oir imitée,
le cas échéant.
L'amiral Eournier, toujours préoccupé, enA'rai marin, de la préparation au combat,
et pénétré de l'idée que l'emploi de forces massées serait toujours plus fructueux que
celui des escadres moins nombreuses opérant à peu près chacune pour son propre
compte, a préconisé chez nous la disposition suivante (fig. 237).
L'armée naA'ale serait formée en une ligne souple composée dégroupes de trois uni-
tés formant chacun une division. Cette ligne serait orientée de façon que tousles bâti-
ments de l'armée puissent fournir, dans les meilleures conditions possibles, le [maxi-
mum de l'effet utile de leur artillerie.
Dans ce dispositif, chaque diA'ision est formée eii un triangle dont le sommet, oc-
cupé par le contre-amiral, est tourné A'ers l'ennemi ; les deux autres bâtiments de la
diA'ision constituent les autres sommets du triangle et font varier leur position pour
ne pas gêner réciproquement leurs feux. '
Je ne peux entrer ici dans de plus longues explications au sujet de ces procédés
dont l'application, faite au cours des grandes manoeuATes des années 1905, 1906,
chef d'une
Tout que celui d'une armée opérant à terre, le commandant en
autant
force naA'ale a besoin de connaître ce qui se passe à grande distance autour d'elle,
d'être renseigné le plus exactement possible sur les mouvements de l'ennemi, afin
d'aA'oir le temps de se préparer à le bien recevoir s'il s'avanceJaveC l'intention de com-
battre, de pousser ses feux et prendre ses dispositions pour l'enserrer au cas où l'ad-
versaire chercherait au contraire à fuir la lutte.
Cette nécessité a amené l'institution d'un certain nombre i de règles, résultats de
longues expériences et d'études faites par des officiers que la marine compte parmi
les plus distingués. Ces règles, soigneusement codifiées, forment une sorte d'évangile
naA'al (2) auquel se reportent, le cas échéant, les commandants et les amiraux chefs
d'escadre.
La première des nécessités pour une escadre en action de guerre est de pourvoir
à sa sécurité immédiate. , 1 i
Qu'elle soit au mouillage dans un port, dans une rade quelconque où il lui faudra
bien venir se ravitailler en charbon et en munitions ; qu'elle circule sur mer avec un
objectif déterminé, il est de toute importance pour elle de ne poUA'oir être surprise
dans une posture, qui la mettrait, s'il fallait se battre, en état d'infériorité notable.
'
(') 4 cuirassés, 8 croiseurs cuirassés, 7 croiseurs protégés. ;|
( 2) Instructions générales de la -Tactique navale. ,
LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT
29I
Nos marins ne peuvent oublier la leçon d'Aboukir, où Nelson tomba sur notre escadre
au mouillage pendant qu'une partie des équipages était à terre,
occupée à prendre de
l'eau douce, ni le désastre
qui en résulta.
Les dangers qui menacent une escadre au mouillage se sont d'ailleurs
multipliés
de nos jours, au point de rendre bien aléatoire le repos qu'elle trouver.
y pourra
Pour en avoir une idée, il suffit de
penser aux torpilleurs, toujours prêts à tenter
un mauvais coup, aux sous-marins, que leurs dimensions rendent actuellement aptes
à aller chercher fortune
loin de leurs bases d'opé-
rations, aux torpilles de
blocus que des croi-
enfin,
seurs audacieux et rapides
viendront, pendant la nuit,
semer en quantité devant
les passes par où l'escadre
peut regagner la haute mer,
e t qui lui fermeront la sortie.
Elle devra craindre en-
core, si un goulet un peu
étroit la sépare de la mer,
de le voir obstrué par quel-
que vapeur, aux innocentes
allures de cargo-boat, qui
viendra, avec une feinte
maladresse, se couler au
beau milieu du chenal.
C'est l'embouteillage, pra-
tiqué avec plus ou moins
de succès par les Américains
FIG. a38. — au
Escadre mouillage (en temps de guerre). à Santiago de Cuba, par
les Japonais à Port-Arthur.
Contre tous ces dangers, une escadre au mouillage cherchera à se protéger par
plusieurs moyens.
Je ne parlerai que pour mémoire du cas où elle aura s'abriter dans une
pu
rade fortifiée comme celle de Toulon, par exemple ; le soin de sa sécurité est
alors confié aux formidables de défense de tous ordres
ouvrages qui y sont accu-
mulés.
Dans le cas, au contraire, où les circonstances l'ont obligée à jeter l'ancre en un
point de la côte où elle ne peut compter que sur elle-même, elle devra prendre des
pendant la nuit, le service de garde et de sûreté deviendra alors bien plus compliqué
et délicat.
Tout d'abord, la surveillance à bord des cuirassés eux-mêmes devra être très
sévère. Une moitié seulement des officiers et de l'équipage sera admise à se reposer;
l'autre veillera à côté des pièces toutes prêtes à foudroyer les torpilleurs qui auraient
franchi les barrages établis
au large.
Ces barrages peuvent être
de plusieurs sortes. Bien
entendu, concurremment
avec leur emploi, le système
des grand'gardes sera main-
tenu et même développé.
Une double ligne de na-
vires légers croiseront à pe-
tite vitesse autour du corps
de bataille qu'ils devront
chacun d'eux étant
garder,
tout spécialement chargé
FIG. 23Q. —
Grand'gardes au large. de la surveillance d'un sec-
teur peu étendu.
Si on craint les attaques des torpilleurs, et elles seront presque toujours à redouter,
non averti, donnera à cette veillée
on usera d'un procédé qui, pour un spectateur
des armes si profondément inattendu d'une fête véni-
impressionnante, l'aspect
tienne.
En plus des grand'gardes mobiles, des croiseurs seront mouillés
points de aux
croisement des secteurs de surveillance attribués aux premiers. Ils dirigeront vers le
sur une idée aussi séduisante ? Question que seule pourrait résoudre une expérience
in anima, qui n'a pas encore été faite.
Il ne manquera pas de commandants
de torpilleurs pour risquer la chance, et si
une attaque de ce genre est faite en trombe par un nombre suffisant de ces microbes
de la mer, il est bien possible que quelques-uns d'entre eux passent à travers les
mailles du filet tendu pour les arrêter, et que leurs torpilles arrivent, malgré tout, à
destination.
Et ce sera bien autre chose si les sous-marins s'en mêlent ! On peut dire que si
FIG. a4o. — Défense d'une escadre au mouillage contre les torpilleurs (polygone lumineux).
glaise, ont gardé ces filets d'acier auxquels elles ont conservé leur confiance. Peut-
être ferons-nous bien de leur rendre la nôtre et d'y revenir.
Concurremment avec le système de polygone lumineux, ou sans son aide si les
menant à la rade où l'escadre s'est réfugiée sont étroites, on peut encore em-
passes
LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT
294
Quel que soit l'ordre adopté, les éclaireurs s'écarteront les uns des autres de façon
à surveiller le plus grand champ possible, tout en ne permettant pas cependant que
l'ennemi puisse se glisser, inaperçu, entre deux bâtiments.
On conçoit fassent varier la distance
que les circonstances atmosphériques qui
doit ainsi séparer deux éclaireurs. Par temps très clair, cette distance pourra être de
FIG. — Une escadre au mouillage se mettre à l'abri d'une de torpilleurs, en se couvrant d'une estacade.
2&2. peut attaque
maximum, mais la télégraphie sans fil, quand on est sûr de son bon fonctionne-
gros et les éclaireurs et de doubler le service des signaux de grande distance, dont le
fonctionnement peut n'être pas assuré si le vent ne déploie pas les pavillons ou si
LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT
296
les fumées les masquent, on adjoint aux éclaireurs, autant que faire se peut, des
estafettes ou de petits bâtiments très rapides qui font aisément la navette entre les
deux lignes.
Si, au lieu de vouloir simplement s'éclairer, le commandant en chef désire se
renseigner sur la position
et la route de l'ennemi,
trouver une force amie,
rencontrer un convoi, un
CONTACT
verte et qu'ilimporte de ne pas perdre de A'ue, pendant que le gros de l'escadre, qui
peut en être très éloigné, accourt pour la combattre.
De jour, il n'y a rien là de
trop difficile. Il y faut cependant encore du doigté. Si
on se tient
trop près de l'ennemi, il vous prie poliment, à coups de canon, de vous
écarter; si on est trojD loin on le verra
et s'éclipser dans un banc de
disparaître
brume ou un grain. 11 faut
aussi être prêt à prendre chasse (c'est le terme diploma-
tique employé pour indiquer qu'on s'enfuit) devant un têle-à-queué de croiseurs que
l'adversaire déchaînera sur vous pour vous faire lâcher
prise ; on doit encore éA'iter de
se faire couler par eux, et cependant se remettre à leur suite dès qu'ils rebrousseront
chemin, avec l'espoir qu'ils A'OUs ramèneront à l'escadre est de
qu'on chargé
sùrA'eiller.
Mais, de nuit, cette besogne déjà délicate se complique au point de rendre très
souA'ent l'entreprise impossible. Les moindres feux de l'ennemi de
qu'il s'agit
garder en vue seront bien entendu
soigneusement ou éteints est ; si la nuit
masqués
noire, il faudra se rapprocher terriblement de vagues silhouettes
pour distinguer
qu'une subite augmentation de A'itesse ou un brusque crochet feront en
disparaître
un instant. A moins encore qu'une gerbe de lumière n'inonde tout à coup
électrique
le malheureux chasseur qui, surpris à trop courte distance, sera canonné d'impor-
tance, ou. qu'une nuée de contre-torpilleurs ne s'abatte sur lui et ne le mette en fort
mauvaise posture {*). .
Aussi la tactique ne recommande-t-elle guère ce genre d'opérations. Tout au plus
(*) H faut cependant citer la belle manoeuvre exécutée, dans cet ordre d'idées, aux grandes manoeuvres de. 1910,
par là division légère, du contre-amiral Pivet. Cette division réussit à tenir le contact de l'escadre de l'amiral.
Aubert; Oran jusqu'à la côte est de Sardaigne. •
depuis
LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT
298
leur nourriture aux gueules des fourneaux qui vont dévorer le combustible pour
donner et maintenir les grandes A'itesses.
Dansdes compartiments aménagés à cet effet au-dessous des ponts cuirassés, les
médecins, infirmiers et leurs aides disposent le matériel de pansement, les tables poul-
ies opérations, les lits et les cadres pour les blessés qui seront amenés de tous les
rejoint l'abri d'où ils pourront peut-être encore exécuter signaux très
quelques
nécessaires. -
LE COMBAT
qu'une vraie lutte a eu heu et que les âdA'ersaires ont réellement essayé de prendre
l'un sur l'autre la supériorité. Rien de semblable ne s'est passé au combat du
10 août igo4 devant Port-Arthur, où l'escadre russe, sortie pour gagner Vladivos-
tok, y a renoncé et est rentrée au port après avoir constaté, peut-être à tort, que
3oo LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT
1898, lorsque la division de croiseurs cuirassés espagnols défila avec la seule pré-
occupation de se soustrairele plus vite possible aux coups, devant l'escadre américaine
de l'amiral Sampson et succomba presque sans défense.
Tsushima seul peut donc nous éclairer, et il est vraisemblable que les futurs combats
de mer, aussi longtemps du moins qu'ils mettront aux prises des bâtiments comme ceux
Lorsque les premières passes auront amené un affaiblissement notoire de l'un des
deux combattants, ou que sa manoeuvre flottante et indécise accusera un commen-
cement de désorganisation, on verra alors l'adversaire se rapprocher pour donner plus
d'efficacité à un feu dont la supériorité s'est déjà fait sentir et accabler l'ennemi sous
une pluie de projectiles qui finiront de le démoraliser et de le détruire.
LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT 3oi
piller.
S'ils sont aperçus, une contre-attaque des destroyers adverses et la grêle des petits
obus des canons légers les arrêteront vraisemblablement avant qu'ils aient pu lancer
leurs torpilles, on ne sait jamais cependant ce qui peut advenir d'une tentative déses-
pérée, poussée à fond par des hommes qui, avec entrain, ont fait le sacrifice de leur
vie pour risquer unsuprême effort! Il faut jusqu'à la fin d'un combat si peu de
chose pour en changer la face ! Qu'une ou deux seulement de ces torpilles portent,
et le navire amiral, par exemple, peut sombrer tout à coup sous les yeux de tous, au
moment même où la victoire lui semble
acquise.
Le désordre ne se mettra-t-il pas à cette vue dans l'escadre qui se croit déjà victo-
rieuse? Chez l'autre, au contraire, cet événement remontera les courages, produira
peut-être un de ces sursauts d'enthousiasme qui vont jusqu'à l'héroïsme et peuvent
le tableau
Vraisemblablement les dernières phases d'un combat naval! présenteront
: L'une des escadres, celle dans une extrême confusion, les
suivant qui succombe,
rangs rompus, les naA'ires restants combattant encore isolément, pendant que l'es-,
la ligne les unités continuera à cir-
cadre A'ictorieuse, ayant fait serrer dans valides,
culer en aussi bon ordre que possible autour de l'ennemi désemparé en resserrant
son étreinte, moment fatal où, réduits, à. l'état .d'épaves, leur artil-
toujours jusqu'au
lerie détruite et leur décimé, les naA'ires vaincus se décideront à demander
équipage
leur paA'illon, ou bien, comme l'ont fait si héroïquement
grâce en amenant quelques-
uns des naA'ires russes dans la dernière ouA'riront leurs soupapes de prises
guerre,
d'eau et se coulei'ont A'olontairement.
cuirassés ne pas à l'action
On admet généralement que les croiseurs prendront
une part immédiate. Formés en une escadre
spéciale, ils se tiendront: sur les flânes et
secours des unités aA'ariéès qui, forcées de quitter la ligne, se trouveraient isolées et
Ce rôle au contraire, consister à
risqueraient d'être entourées par l'ennemi. pourra,
et à détruire une unité ennemie qui se trouverait dans le même cas.
envelopper
Il est de plus vraisemblable que, lorsque vides se ;seront des
produits dans les
rangs de l'escadre qui porte leur paA'illon, les plus puissants d'entre eux seront
à combler ces vides et à compléter la ligne combattante.
appelés par leur chef
aux coups
Enfin, si l'amiral, A'oyant son escadre faiblir, juge bon delà soustraire
et de battre en retraite, une bonne ligne de croiseurs cuirassés, intacts, sera pré-
cieuse couvrir cette retraite et empêcher un ennemi qui évidemment aura été,
pour
lui aussi, assez maltraité, de courir sus au A'aincu et de l'inquiéter.
hostilités, il pourra sans doute arriver que des voiliers partis depuis longtemps, que
paquebots ignorants de l'onverture des hostilités, tombent entre les
quelques
mains des croiseurs qui iront les guetter sur les grandes routes maritimes ou aux
Officier d'un navire belligérant venant vérifier que les cales d'un paquebot ne contiennent pas de contrebande de guerre.
LA NAA'IGATlON EN GROUPE. LE COMBAT 3o3
simple fait d'envoyer une embarcation à bord d'un navire aperçu au large, si la mer
n'est pas très belle, en est déjà une ; puis il est assez rare qu'on soit bien reçu lors-
gêne les mouvements, en lui déclarant qu'on A'a mettre sens dessus dessous tout ce
que ses cales contiennent, opération pour laquelle on ne peut d'ailleurs compter sur
aucun secours de sa part ou de celle de son équipage.
On se trouA'e quelquefois, dans ce cas, en présence de ruses qu'il faut savoir
éventer.
Un chargement d'obus, par exemple, se dissimule très bien si, ayant empilé les
projectiles au fond des cales, on a versé par-dessus du charbon ou toute autre inno-
cente marchandise.
Le commandant Séménov, dans un de ses carnets
de notes ('), cite à ce sujet la
rencontre que fit l'escadre russe dans la mer de Chine d'un grand vapeur anglais,
dont la ligne de flottaison en charge extrême, indiquée par la marque du Lloyd, se
trouA'ait fort au-dessous de l'eau. Interrogé par un officier d'un des croiseurs de
l'escadre, le capitaine répondit à Nagasaki des bidons de pétrole,
qu'il transportait
et en effet une visite des cales ne fit découvrir
que des bidons dont le poids ne
pouvait expliquer en aucune manière la surcharge dont le naA'ire était évidemment
accablé. G
Une seconde visite, poussée plus à fond, ne fit toujours découA'rir que couches de
bidons sur couches de bidons.
Comme il était évident,
cependant, qu'il y aA'ait quelque part au fond des cales
quelque matériel infiniment
plus lourd, et qu'une perquisition complète ne pouvait
s'exécuter en pleine mer, l'amiral Rodjestvenski décida, malgré les énergiques pro-
testations du capitaine, de se saisir proA'isoirement du navire et de l'envoyer à Vla-
divostok où le pot aux roses serait assurément découvert. Il arriva d'ailleurs que
(f) Gomm 1 SÉMÉNOV, Sur le chemin du sacrifice, traduit par le capitaine de frégate DE BALINCOTJKT.
3o4 LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT
côtes de l'Indo-Chine et les très nombreux estuaires de riA'ières, les canaux connus
sous le nom d'arroyos qu'elles présentent, les dédales formés par les innombrables
îlots répandus sur la côte du Tonkin, n'offraient encore leur asile à de hardis aven-
turiers chinois. Montés sur de petites jonques ou même sur de fragiles sampans, ils
viennent, de loin en loin piller les villages de pêcheurs annamites ou tonkinois,
leur enlever leur
riz, ce qu'ils peuvent d'argent, et le plus souA'ent leurs filles et
leurs femmes qui sont ensuite conduites en Chine et vendues.
Ce genre de commerce est, paraît-il, très lucratif et constitue la ATaie raison d'être
de la piraterie indo-chinoise. Très florissante avant que nous nous soyons installés
au Tonkin, et encore pendant les premières années qui suivirent notre occupation,
cette industrie a été tellement
traquée par nos canonnières qu'elle a fortement périclité.
Mais elle était si fortement entrée dans les moeurs d'une population où grouillent les
plus mauA'ais éléments, qu'on peut s'attendre à voir les pirates reparaître en grand
nombre, dès que la surveillance se relâchera.
qui essayera de pénétrer dans le port bloqué sera capturé, quelle que soit sa nationa-
lité et qu'il soit neutre ou ennemi.
Des règlements internationaux prescrivent que le blocus doit être effectif, ce qui
veut dire qu'il ne suffit pas pour bloquer un port, de faire une déclaration de blocus
et de n'y placer qu'un seul bâtiment pour le faire respecter. -Le nombre des naA'ires
après avoir forcé nos vaisseaux à rentrer au port, a toujours rigoureusement bloqué
nos côtes.
Durant les hostilités avec la Chine, en février i885, l'amiral Courbet avait installé
le blocus de l'entrée du fleuve Yang-Tsé pour empêcher la sortie du riz indispen-
sable aux provinces du Nord de la Chine et qui ne pouvait y arriver que par la voie
de mer(').
Cette mesure très judicieuse amena la cour de Chine à résipiscence.
(') « On évalue à 5ooooo tonnes la quantité de riz qui sort annuellement du port de Shanghaï pour le compte
du gouvernement chinois et gagne le Petchili à bord de i5o ou 200 steamers affrétés spécialement pour cet
usage. » M. Loin, L'escadre de l'amiral Courbet.
SAUVAIRE JOUIIDAK. 20
3o6 LA NAVIGATION EN GROUPE. LE COMBAT j
Si, en 1870-71, la résistance de la France s'est prolongée d'une façon qui a excité
l'admiration universelle, si de nouvelles armées surgies du sol pour remplacer celles
SOUS L'EAU
Depuis les temps les plus reculés, l'homme, curieux de connaître jusque dans ses
parties les plus cachées, le globe où le destin l'a jeté, a cherché les moyens de.se
frayer un chemin au sein d'un élément dans lequel la possibilité de A'ivre lui est re-
fusée.
Il n'est naturellement pas possible de reprendre ici l'histoire complète des tenta-
tives qu'à tous les âges il a faites dans ce but. On en trouvera d'ailleurs le récit très
détaillé dans le bel ouvrage de M. Pesce (') auquel on aura souvent recours dans les
pages qui suivront, et dans celui d'un officier très distingué, enleA'é trop jeune à la
Marine où sa carrière promettait d'être brillante (2). Il faut l'appeler seulement que, de
tout temps, il se trouva, dans les populations maritimes, des individus qui prati-
quaient aA'ec une grande maîtrise le métier de plongeurs, qui allaient chercher au
fond de la mer les perles, le corail, les éponges et, en temps de guerre, coupaient
sous l'eau les câbles des naA'ires ennemis. Un certain Scyllis de Scioné et sa fille
Cyana (3), très habiles plongeurs, causèrent par ce moyen la perte de la flotte de
Xerxès, dont les naA'ires, mouillés près du mont Pélion pendant une violente tem-
pête, furent ainsi privés de leurs ancres, tombèrent les uns sur les autres et se fra-
cassèrent.
Jal, dans son Archéologie navale, raconte qu'au siège de Malte par Mustapha
Pacha en i565, les Turcs et les Maltais disposaient chacun d'une compagnie de
plongeurs qui détruisaient sous l'eau les pieds des fortifications et des palissades de
duquel elle garde la liberté de ses mouvements. Ce casque repose sur les épaules où
il fait joint étanche aA'ec l'habit, au moyen de rondelles en caoutchouc serrées par
des écrous sur une collerette métallique.
L'airest envoyé au scaphandrier par une petite jDompe à deux corps placée sur le
chaland ou dans le canot d'où il est descendu.
Cet air arrive, au moyen d'un tube en caoutchouc, à l'arrière du casque ou bien
dans une caisse métallique où, grâce à une disposition spéciale, aA'ant d'arriver à la
bouche du scaphandrier, il se met automatiquement à la pression du milieu dans
lequel le plongeur se meut. Cette caisse forme donc une sorte de régulateur qui
éA'ite les à-coups très nuisibles que produiraient, en cas d'arrivée directe de l'air de
'
la pompe, les mouvements dés pistons.
L'air frais arrive donc constamment dans le casque du plongeur directement ou après
avoir passé dans cette caisse inventée par MM. Rouquayrol et Denayrouze en i865 (2).
Quant à l'air rejeté par lui ou qui se trouve en excès, il sort du casque à travers une
ouverture contre laquelle est fixée une soupape qui ne peut s'ouvrir que du dedans
en dehors. On emploie également un appareil, celui de la marine anglaise, fabriqué
par MM. Sièbe, Gormon and C, dans lequel l'air arrive aussi directement de la
cipal moyen dont disposent les poissons et spécialement les requins pour se rendre
compte de la nature et de la valeur d'un objet nouveau, est d'en manger un peu. Si
coriace et si peu appétissant que puisse être un scaphandrier, qui n'est, extérieure-
ment du moins, que cuivre et caoutchouc, on a voulu lui éviter des émotions inu-
tiles en lui donnant le moyen d'écarter les animaux trop voraces ou trop curieux.
On pense bien que n'est pas scaphandrier qui veut. Le travail sous l'eau, à une
pression souvent forte, avec un système de respiration qui, malgré tout, ne peut être
parfait, comporte des fatigues auxquelles peuvent seuls résister des hommes très
fortement constitués, entraînés progressivement et méthodiquement.
3io sous L'EAU
grande renommée par leur endurance et la difficulté des opérations qu'elles ont su
accomplir à maintes reprises. On en trouA'e dans presque tous nos arsenaux mari-
times ; celle du port de Toulon est particulièrement célèbre. Marseille possède égale-
ment une équipe de scaphandriers fameux. Ce sont ceux qui, lors du naufrage du
Liban, coupé en deux aux îles du Frioul par le vapeur Insulaire sortant de Marseille,
réussirent à retirer deTépave joù ils étaient enchevêtrés 117 cadavres d'émigrants
engloutis avec le navire. j
que l'art de la navigation existe, il s'est produit des naufrages, et s'il était
Depuis
possible d'établir une statistique du nombre des navires qui peuplent le fond des
mers, on en serait évidemment effrayé, ; !
Or, toutes ces épaves ont contenu ou contiennent encore des objets de A'aleur,
beaucoup même de véritables trésors, et de tout temps on a cherché les moyens de
les repêcher.
L'existence dé quelques-uns! de ces trésors est certaine, i
On est assuré, tout au moins:, que lorsque se produisit le naufrage du ou des navires
qui les portaient, ils disparurent avec eux.
C'est le cas des fameux galions de Vigo dont l'histoire est parfaitement authen-
tique. Ces naA'ires, dit Delpeuch(2), formaient une flotte qui venait de TAmérique
du Sud avec un riche chargement de lingots. L'escadre française de Châteaurenaùlt
avait reçu l'ordre de protéger l'arrivée de ce conA'oi et le joignit en effet au large. La
jonction était faite quand l'amiral français reçut la nonvelle qu'une formidable flotte
anglaise qui bloquait Cadix faisait force de voiles pouf combattre l'escadre alliée.
C'est en vain que Châteaurenaùlt A'ôulut persuader à l'amiral espagnol dé se réfu-
gier dans un port français d'où le chargement précieux des galions pourrait être
transporté par terre en Espagne ; il ne put avoir raison de l'esprit soupçonneux de
nos alliés. L'escadre franco-espagnole cbercha alors asile dans la baie de Vigo où,
quelques heures après quelle !eut jeté l'ancre, elle était attaquée par une escadre
anglo-hollandaise de plus de 100 voiles. Après des prodiges de valeur, Châteâure-
-(*) Report of a Comittee appoinled lo Cohsider and report upon the conditions of deep-sea diving, London, A_ugust
1907, Wyman and sons, FetterLane. B.iG. London.
( 2) DELPEUCH, La navigation sous-marine à travers les siècles, i. i :
sous L'EAU 3II
nault, sentant qu'il allait être écrasé, donna l'ordre d'incendier et de couler ses
vaisseaux et les galions.
Qu'adAint-il du trésor qu'attendait avec impatience le roi d'Espagne ?
Est-il encore enfermé dans les flancs des A'aisseaux qui le portaient ?
A-t-il été au contraire, comme il semble très probable, débarqué en totalité Ou en
partie aA'ant que l'escadre anglaise eût prononcé son attaque ? Dans ce cas, il semble-
rait bien que l'histoire ferait mention de ce sauA'etage qui, en somme, aurait constitué
un succès relatif pour les forces franco-espagnoles, dont l'objectif principal aurait été
atteint.
Faut-il croire que, dans le désordre et le tumultequi accompagnèrent évidemment
l'évacuation des galions, les équipages aient quelque peu pillé ledit trésor, qui aurait
ainsi échappé au roi d'Angleterre comme à son cousin d'Espagne ? C'est une suppo-
sition qu'il est très permis de faire.
Quoi qu'il en soit, une des deux dernières
hypothèses doit être la bonne, à en
juger par les tentatives réitérées qui ont été faites pour retrouA'er le trésor des galions,
et n'ont en somme donné aucun résultat appréciable.
Les dernières recherches datent de quelques années à peine, et ont été effectuées
avec des moyens très perfectionnés (') et dans des conditions excellentes ; la mer est
toujours calme dans ce fond de la baie de Vigo et la profondeur de l'eau n'y est
pas considérable. Les coques des galions ont été parfaitement reconnues et soigneu-
sement explorées, des canons, des armes, de la A'aisselle plate, les objets les plus
divers ont été retrouvés et remontés, mais c'est à peine si l'on a trouvé quelques
Hambourg où séAÙssait alors une grave panique financière par suite du manque de
'
numéraire. .
C'est exactement
ce qui s'est passé à. New-York en 1907, où une pareille indigence
de métal précieux faillit amener des catastrophes, qui ne furent éA'itées que grâce
aux énormes envois d'or faits alors par le Vieux-Monde au NouA'eau.
Au moment du naufrage de la Lutine, l'Angleterre était, on le sait, en guerre avec
la France et la Hollande. Celle-ci était notre alliée plus ou moins sincère. Elle
se déclara propriétaire du trésor qui était ainsi venu s'échouer sur ses côtes.
Mais encore fallait-il le repêcher, et sur ce point, les plongeurs hollandais se heur-
tèrent à une difficulté qu'ils ne purent, vaincre.
Le sable, qui circule en grande abondance dans les passes du Zuyderzée, recou-
vrit si bien et si vite le naA'ire, qu'il leur fut impossible d'arriver jusqu'à la coque.
la paix survint, en 1815, le roi de Hollande céda au roi d'Angleterre ses
Lorsque
droits au trésor de la Lutine, avec d'autant plus de facilité assurément qu'il avait dû
(') En 1870-72 notamment, le célèbre ingénieur français R. Bazin employa sans succès sur le? coques des
renoncer à l'espoir d'en tirer profit. C'était un cadeau in partibus qui fut néanmoins
accepté.
Mais la compagnie du Lloyd anglais, qui avait assuré une partie du chargement
précieux de la Lutine et aA'ait été mise par la perte du bâtiment dans l'obligation de
payer la forte somme, revendiqua la propriété de l'épave qui lui fut en effet aban-
'
donnée, j ; i
Elle se heurta dans ses essais; de sauvetage aux mêmes difficultés que les Hollandais.
Cependant, à plusieurs reprises et en saisissant les moments favorables où des tem-
pêtes balayèrent une partie du jsable accumulé sur la coque, les plongeurs du Lloyd
réussirent à remonter
198 barras d'or et d'argent et une certaine quantité de mon-
naie, le tout formant un total de deux millions emiron :; niais de nouveaux apports
de sable revinrent chaque fois arrêter des travaux qui durent en somme depuis plus
d'un siècle. r
Décidée à en finir et. mettant
à profit les progrès de la science, le
cependant,
Lloyd, ou plutôt la compagnie à laquelle a été confié le ;soin de retirer de la mer ce
qui reste du trésor de la Lutine, a fait construire une machiné avec laquelle elle
espère arriver prochainement à son but.
C'est au bout d'un long tube d'acier, dont l'extrémité supérieure pénètre dans une
sorte de chaland, une chambre métallique d'où des opérateurs pourront explorer à
leur aise le fond de la mer au moyen de puissants projecteurs. Ces explorateurs,
le moment venu, se mueront en scaphandriers et pourront sortir de leur cabine.
Un système très ingénieux, basé sur l'emploi de l'air comprimé et dont l'inventeur
est un ingénieur américain, M. Lake, leur permettra de descendre sur l'épave par une
porte dont est munie la chambre en question.
L'enlèA'ement du sable qui recouvre la coque de la Lutine constitue la partie la
plus difficile de cette opération. On estime en effet à 4oooo tonnes la quantité
qu'il faut en déblayer, aA'ant d'arriver à l'épave dans laquelle le trésor repose depuis
cent dix ans.
Ce déblaiement,
parait-il, s'effectuera aisément au moyen de quatre pompes puis-
santes, qui aspireront, non de l'eau mais le sable lui-même, et qui, à elles quatre,
sont capables de retirer ces /ioooo tonnes en vingt-quatre heures.
Tous les trésors qui ont excité la coiwoitise des chercheurs n'ont pas le même
degré d'authenticité que les deux dont nous venons déparier. Bien des entreprises,
tentées sur la foi d'indications trop A'agues, ou même de simples légendes, n'ont
eu d'autre résultat que d'engloutir les capitaux qui avaient servi à les fonder.
Parmi les récits fantaisistes
qui ont proA'oqué quelques-unes dé ces expéditions au
cours des années dernières, il faut ranger celui d'après lequel de fabuleux trésors
auraient été enfouis autrefois par les pirates et écumeurs de mer qui avaient établi
leur empire dans certaines petites îles des Antilles, et auraient disparu avec euxQ.
Il en est encore un autre, plus moderne, basé sur le naufrage d'un navire à bord
dut le Transvaal,
quitter puis un autre encore tout récent qui donna lieu à une expé-
dition fameuse d'un navire vers une île mystérieuse découverte, disait-on,
anglais
sur la côte ouest de
l'Afrique, par un certain capitaine Jones, et où le diamant se
ramassait, paraît-il, à la pelle.
Les recherches faites au fond de la mer ne tendent pas toutes au sauvetage des
richesses qu'un nombre immense de naufrages y a évidemment et dont la
englouties
majeure partie est définitivement •
perdue.
Il en est d'autres
qui ont pour objet l'exploitation régulière des produits de la mer,
comme les éponges, le corail, les perles, voire même les huîtres comestibles dont la
pêche, pour employer le mot, un peu impropre cependant, qui désigne généralement
cette exploitation, a bénéficié également dans une très large mesure des de la
progrès
science.
C'est ainsi
que pour la cueillette des éponges notamment, qui se pratique en
grand sur les côtes de la Tunisie et de la Tripolitaine et dans bien d'autres
parages,
le scaphandre est universellement Les chantiers de La Seyne-sur-mer, en
employé.
rade de Toulon, ont même combiné et construit, il y a trois ans, pour le compte
d'une société un petit sous-marin
tunisienne, très ingénieux et très curieux, mû par
deux avirons, et de l'intérieur duquel deux hommes, qui forment tout son équipage,
récoltent les éponges au moyen d'une antenne mobile.
La pêche des huîtres perlières se fait principalement autour de certaines îles du Paci-
fique et sur les côtes de Ceylan. Cette industrie, qui est certainement une des plus
vieilles du monde, est pratiquée en ce dernier point depuis près de trois mille
ans ; la perle de Ceylan est d'ailleurs réputée comme la plus belle.
Les indigènes vont chercher le précieux bivalve sur des fonds dont
la profondeur
atteint vingt mètres. L'atavisme de centaines de siècles et l'accoutumance de toute
une vie les ont rendus si aptes à ce genre de travail défient la concurrence du
qu'ils
scaphandre dont ils ne veulent pas d'ailleurs entendre parler pour leur propre compte.
3ii sous L'EAU
par un morceau de corne et un sac passé autour du cou, ils se paumoient jusqu'au
fond au moyen d'une corde lestée. Dès que leur sac est plein, ils donnent un signal .
au moyen d'une autre corde aA'ec laquelle on les remonte rapidement. Le sac dé-
chargé, ils redescendent aussitôt. Ces plongeurs restent; sous l'eau de une minute à
une minute et demie, et rarement ils reviennent à la- surface sans avoir leur sac
plein.
Cette pêche est d'ailleurs sévèrement organisée et réglementée, à Ceylan tout au
pareille source de richesse. Les huîtres pêchées sont placées dans des sacs scellés par
un fonctionnaire et vendues à l'enchère à des acheteurs qui procèdent alors à l'ou-
verture des coquilles et à la recherche des perles qu'elles contiennent... ou ne con-
tiennent pas.
On se rend aisément compte combien doit être attirant... et décevant aussi ce tra-
vail au cours duquel la fortune peut se rencontrer.
Les fonds sur lesquels on trouA'e les bancs d'huîtres perlières sont composés uni-
quement de sable pur où croissent des masses isolées de corail. Ce genre de fonds
est naturellement très sensible aux mouA'ements des eaux causés par des tempêtes,
et les bancs d'huîtres qui s'y forment disparaissent souvent aA'ec les remous que ces
tempêtes y produisent. Par ailleurs, sa nature explique qu'on ne puisse pas utiliser
des dragues ou des chaluts qui, pour quelques huîtres ramassées, causeraient les plus
' '
! i . '
i
L'OCÉA-NOGRÀPHIE
quelques hommes d'étude à diriger leurs recherches vers les profondeurs des océans ;
ils ont ainsi créé l'océanographie, science dont il est possible de présager le magni-
!
fique avenir d'après les résultats importants obtenus jusqu'ici.
En effet, on peut compter qu'une connaissance exacte de la mer, de ses courants,
de ses températures, de ses phénomènes divers est appelée à rendre les plus grands
services à la naA'igation. D'autre part, une étude complète des innombrables espèces
d'êtres vivants dont la mer est peuplée, ne sera pas moins utile à la science d'abord,
qui n'a pu avoir jusqu'à présent sur ces animaux que des lumières assez courtes,
et à l'humanité en général qui fait des poissons une si abondante consommation.
Enfin l'océanographie, en nous révélant la disposition et la constitution des ter-
rains forment les fonds des mers, fera une source nouvelle et
qui peut-être jaillir
SOUS L EAU 3i5
poids, arrêté par le frottement de l'eau sur la corde, n'arrivait pas au fond et ce fut
seulement eii i84i qu'Aimé, alors professeur au lycée d'Alger, obtint des résultats
certains et définitifs en employant des cordons de soie à la place de cordes en chan-
vre. Il imagina aussi de creuser la partie inférieure du plomb de sonde et d'y loger
une certaine quantité de suif qui prenait, au contact du fond, quelques parcelles des
matières qui le composent.
Il réussit ainsi à sonder par des fonds de 1 o66m, ce qui n'avait été
jamais appro-
ché avant lui.
C'est un agréable devoir de citer à propos de ce saA'ant trop modeste quelques-unes
des lignes que lui consacre M. Thoulet.
(4) J. THOULET, L'Océan, ses lois et ses problèmes, Hachette et C'Q, éditeurs.
( 2) Ibidem.
( 3) Ibidem, p, o,.
3-i 6 sous L'EAU
passe sur un certain nombre de poulies qui régularisent son mouvement ; sur la
dernière est fixé un mécanisme compteur de tours ; ce compteur s'engrène lui-même
aA'ec une vis sans fin munie d'une aiguille indiquant en mètres, sur un cadran, la
' <
i i •
.
parce qu'il permet de connaître presque constamment là; hauteur de l'eau, sans arrêter
la marche du naA'ire et qu'il fournit ainsi aux commandants, pour les atterrissages
de nuit ou en cas de brume, des indications extrêmement utiles.,
Mais l'étude des océans ne s'arrête naturellement pas à;la connaissance des profon-
deurs. Il faut encore ce que ces profondeurs
savoir cachent.
De même qu'on est arrivé à envoyer un plomb de sonde jusqu'au fond des abîmes,
de même, à force de recherche^, de soins patients, où à! réussi à y descendre égale-
ment des engins de pêche, des dragues, nasses, chaluts, qui en ont rapporté des
échantillons de la faune sous-marine. C'est ainsi que le Prince Albert de Monaco,
dont les traA'aux ont fait à l'océanographie dés progrès considérables, et
accomplir
Princesse-Alice les installations océano-
qui possède à bord de son magnifique yacht
les plus perfectionnées, a pu ramener au jour des poissons péchés àplus
graphiques
de 6 ooom de profondeur. ! !
!
De ses recherches et des études précédemment faites par une foule de savants et
glais EdAA'ard Forbes, que la A'ieJ existe partout à la surface de la mer et dans toutes
ses profondeurs. Ce saA'ant aA'ait fixé à 3oo brasses ou 55om la Hrhite au-dessous de
la vie animale cessait, '
laquelle j
Quant à la vie végétale, il proclama qu'elle ne devait pas dépasser là profondeur où
Le Plankton offre un intérêt particulier, parce que la connaissance des lois qui régissent
sa distribution et ses mouvements est le problème capital; ide l'industrie rationnelle des
Handbuch der
(') On lira encore avec grand fruit : Dr Otto.KiuJMMEL, Der Qzéan, Leipzig, G; Freytag, 1982.
Ozéanographia, von D 1' Otto KR.UMMEL, Band I, Stuttgart, K. Engelhorn, 1907. Dr J. RICHABD, L'Océanogra-
phie, Paris, y-uibert et Nony, igo8.' !
' ' '
L'Océan, Hachette et C'°, éditeurs. j . Il i !
( 2)
sous L'EAU 319
Les animaux qui habitent les grandes profondeurs offrent un tout particu-
aspect
lier et sont
généralement hideux,
Au-dessous de 3oom, limite extrême où encore vestiges de
pénètrent quelques
lumière et où s'arrête la vie végétale, on ne trouve plus que des carnivores A'ivant
dans des ténèbres éternelles traversées de temps en temps par des éclats de phos-
phorescences bleues, jaunes ou vertes émanant des habitants de ces parages et dont
la nature les a doués pour leur fournir les moyens de chercher leur proie.
Ces animaux effrayants ne sont qu'une gueule énorme, derrière laquelle ondule
un corps filiforme.
J'ai \'u, dit Thoulet, ramener des profondeurs de 2 à 3 000 mètres, à la splendeur du jour
qui les éclairait pour la première fois, des sortes de requins dont le corps, noirâtre, hideux,
s'étalait, flasque, sur le pont du naA'ire, dont la tête, aplatie comme celle d'une vipère géante,
portail une mâchoire armée de formidables rangées de dents et dont l'oeil brillait d'une lueur
horrible, glauque, pâle et puissante à la fois, semblable à celle d'une fournaise
livide, brûlant
au loin, aperçue tout au bout d'un tunnel aux parois de ténèbres.
francs, les frais d'entretien annuels de ces neuf bâtiments montent à peu près à la
même somme. ,
Cette organisation fonctionne définitivement depuis igo3. Conçue dans un ordre
d'idées où la pratique tient une large place, il n'y a pas de doute qu'elle ne fournisse
à l'industrie de la pêche des moyens précieux de se développer : les premiers résul-
tats obtenus sont d'ailleurs probants. En voici Un exemple rapporté par M-. le Con-
sul général de France à Hambourg.
Au de 1901, le A'àpeur de recherches norvégien, Michaël-Surs, dirigé
printemps
une autorité hydrographique, le docteurHjort, explorait la région des îles Lofo-
par
den. En recherchant la présence des oeufs de morue dans ces parages, le docteur
LES SOUS-MARINS
L'apparition des premiers sous-marins (') dans les rangs de notre flotte fut le signal
de vives et intéressantes
type de navire de
guerre,
une sorte de panacée uni-
verselle, le bâtiment à tout
faire, avec
lequel apparais-
sait la solution définitive du
débarquement.
Ce raisonnement, par trop simpliste, obtint cependant un assez grand succès
(') Les noms des deux premiers de ces bâtiments méritent d'être conservés. Ce sont le Gustave-Zédé et le Gymnote.
Le nom du premier consacre la mémoire du célèbre ingénieur des Constructions navales à qui revient l'honneur
d'avoir résolu pratiquement le problème de la navigation sous-marine. Le Gustave-Zédé et le Gymnote ont été
deux chefs-d'oeuvre. C'est à leur bord que nos officiers de marine ont pris la confiance dans ces engins et l'assu-
rance qu'ils montrent aujourd'hui en toutes circonstances. Le Zédé a plongé plus de 2 5oo fois, le Gymnote plus
de 2000 fois, sans qu'aucun accident se soit jamais produit à leur bord.
SOUS L EAU i'JM
aussi, en raison de la trop faible vitesse que tous les efforts n'arrivaient à lui
pas
îaire dépasser, condamne en
Certes, son organisme est encore délicat, et il est évident que des progrès nom-
breux et considérables amélioreront dans l'avenir ses qualités actuelles, mais tel qu'il
est dès à présent, ce serait nier l'évidence que de refuser au sous-marin la possibilité
de naviguer et de rendre, en temps de guerre, les plus appréciables services.
Des faits probants le démontrent d'ailleurs.
SAUVAIRF. JOUKDAN. 21
322 SOUS L'EAU !
gabilité du type nouA'eau, fit exécuter par l'Opale, sous-marin de 38g-423 tonneaux
de déplacement ('), la traA'ersée Cherbourg-île de Croix (devant Lorient)-Cher-
bourg, sans aucun arrêt et sans aucune aide. La distance parcourue fut de 628 milles,
à la vitesse moyenne de 8n,5. Cette première expérience réussit fort bien. Il ne se
Opale, de Cherbourg, furent désignés pour accomplir une A'éritable croisière. Quel-
ques jours après leur départ, l'Opale eut une avarie de machine qui la força à rentrer
au port. i
Mais les trois autres n'y reA'inrent que quarante jours plus tard. Pendant toute cette
longue période ils prirent part à des exercices combinés aA'ec l'escadre du Nord.
Ils défendirent Lorient que cette force naA'ale bloquait, procédèrent sur ses bâtiments
à plus de quarante attaques, dont un grand nombre furent considérées comme
réussies, puis revenant au Nord, tentèrent un essai de barrage de la Manche, éta-
blirent pendant trois jours le blocus de Cherbourg défendu par l'escadre du Nord,
restant en. plongée le jour, en surface la nuit, rechargeant leurs accumulateurs par
leurs propres moyens, faisant en somme exactement ce qu'ils auraient à faire en
temps de guerre.
Puis, sans aA'oir repris contact aA'ec la terre, les trois sous-marins piquèrent une
bourg, non sans aA'oir préalablement lancé toutes leurs torpilles pour s'assurer que
le réglage de celles-ci n'aA'ait
pas été dérangé par cette dure épreuve.
En somme, ces petits bâtiments aA'aient fait pendant quarante jours un service de
temps de guerre et parcouru notamment, sans reprendre haleine, une distance de plus
de 1 000 milles.
Pendant six jours ils ont vécu au large, sur leurs propres ressources: officiers et
équipages ont supporté, avec la coutumière bonne humeur des marins, les petites
(') Le premier nombre indique le déplacement lorsque le bâtiment est à la surface, le second, le déplacement
en immersion. .
sous L'EAU 3i3
par des sous-marins, ayant atteint le but et ayant frappé des cuirassés marchant en
'
route libre non concertée ?
Et A'pici la réponse : — Oui, et A'oici dans quelles conditions. La manoeuATe aA'ait
lieu deA'ant Cherbourg. Il était entendu que nos cuirassés figurant l'ennemi attaque-
raient à une distance de la côte A'ariant de 4 à 10 kilomètres: du port et sur une lon-
gueur d'une centaine de kilomètres, ce qui représente un peu plus que la presqu'île du
Cotentin. Dans cet espace, que l'on peut considérer comme le rayon pratique d'une
(*) Déposition de M. Laubeuf devant la Commission d'enquête sur la marine. Rapport de M. H. Michel,
p. 378.
324 SOUS L'EAU
présenter en traA'ers de l'ennemi aA'ec toute l'aisance utile. On doit remarquer cepen-
dant que cette période sera relativement de peu de durée, et que, sauf dans les rares
occasions où il se trouA'era en face de l'adA'ersaire, le sous-marin aura toute liberté
de naA'iguer et d'évoluer à la surface.
C'est pour cette partie de sa tâche, pour gagùer les lieux où il saura tronver l'en-
nemi, que le sous-marin doit pouvoir marcher vite, et fort heureusement il n'y a.pas
d'empêchement majeur à donner dans ce but une force suffisante au moteur spécial
dont il est muni pour la marche en surface. I
On sait en effet que tous nos sous-marins nouveaux portent deux sortes de mo-
teurs : un moteur électrique qui reçoit son énergie des accumulateurs dont il a déjà
été parlé et sert uniquement pour la marche en plongée, un moteur thermique ou à
combustion intérieure pour la marche en surface.
Nous avons bien encore en service un certain nombre de sous-marins (6 de i5o
tonnes, 20 de 68 tonnes), les premiers A'enus dans notre marine, qui sont mus en
surface comme en plongée par un unique moteur électrique, mais on a tout à fait
renoncé à cette disposition, car elle réduit à trop peu de chose le rayon d'action du
naA'ire, limité par la capacité toujours trop faible des accumulateurs.
Nos sous-marins actuels ont donc tous deux, moteurs. Le moteur électrique n'of-
fre aucune particularité. Il est généralement double.
Quant au moteur de surface, il se présente sous deux formes. C'est tantôt une
machine à A'apeur alternative, alimentée par une chaudière ordinaire brûlant du
portée.
Mais il faut qu'à bord du sous-marin, on prenne, avant depouA'oir disparaître sous
l'eau, un certain nombre de dispositions, parmi lesquelles la plus importante, et la plus
longue aussi, est celle qui consiste à éteindre les feux de la chaudière, si le bâtiment
SOUS L EAU 325
en porte une. à faire évacuer la vapeur inutile et à refroidir le plus possible l'eau que
la chaudière contient encore. Tout cela demande du temps on le conçoit, et le temps
est précieux lorsque le salut du naA'ire en dépend; de plus, quand ces mesures ont
été prises, la chaudière, qui est cependant isolée dans un compartiment spécial, reste
malgré fout une source de chaleur presque intolérable dans cette sorte de bouteille
rapidement. Déplus, il n'y a pas, avec lui, de chaudière à éteindre, d'où un gain
sérieux sur le temps nécessaire pour préparer la plongée.
Quoi qu'if en soit des différents moteurs employés jusqu'ici pour les sous-marins,
il est bien certain que l'on n'est pas encore arrivé à la solution idéale qui comporte-
rait un seul engin propre à la naA'igation aussi bien en émersion qu'en immersion et
assez puissant pour fournir les vitesses nécessaires dans les deux cas.
Il est à penser que ce problème, bien fait pour exciter l'émulation des savants et des
inventeurs, sera résolu un jour ou l'autre.
Ce qui vient d'être dit nous amène tout naturellement à examiner si, comme on
le croit trop généralement, la navigation sous-marine présente des dangers plus con-
sidérables que la navigation à la surface, et si le marin qui confie son existence à ces
engins encore un peu mystérieux court plus de risques que son camarade de l'étage
au-dessus.
A ce sujet une observation s'impose tout d'abord. Nous pouvons admettre, en res-
tant même au-dessous de la réalité, que la navigation sous-marine est pratiquée
d une manière active chez
nous, depuis douze ans.
Pendant ces douze an-
nées une
moyenne de
25 sous-marins ont effec-
tué sur l'ensemble de nos
côtes métropolitaines et
coloniales 200 sorties
chacun et chaque année.
C'est donc un total mi-
nimum de 60000 sorties,
et si l'on veut de 60000
plongées, en admettant
sauvetage possible; il y avait là, on l'avouera, de quoi troubler bien des coeurs et
donner à réfléchir aux plus courageux.
Aussi devons-nous
applaudir à la fermeté d'âme de nos officiers et de nos matelots
qui, par amour du métier et aussi par amour d'une patrie à laquelle ils avaient con-
science de forger une arme terrible, se sont, froidement, enfermés dans les premiers
Farfadet et du Pluviôse qui coûtèrent la vie, le premier à i4, le second à 16, le troi-
sième à 24 personnes.
(') Il est bien entendu que nous ici seulement des sous-marins français.
parlons
sous L'EAU 3-2H
Il est utile
de rappeler ici les détails de ces trois drames parce que le sonvenir des
marins qui y périrent mérite d'être conservé.
Le sous-marin Farfadet évoluait le 6 juillet 1905, dans le lac de Bizerte, lorsque
son commandant, le Heutenant de vaisseau Ratier, donna l'ordre de plonger. Toutes
les dispositions furent immédiatement prises, le bâtiment commençait à s'enfoncer et
l'eau atteignait le bord du capot resté ouA'ert, trop longtemps peut-être.
Lorsque le commandant A'oulut fermer cet orifice en manoeuA'rant le mécanisme à
Ais qui l'obstrue, quelques grains de sable apportés sans doute par le.vent, delà plage
voisine jusque dans les filets de la vis, empêchèrent la manoeuvre de cette porte qui
ne put être close et resta béante, en dépit des efforts les plus énergiques (*).
L'eau envahit alors le sous-marin qui coula par iom de fond.
Par une chance inouïe, l'air qui s'échappait avec force par le capot, tout comme
il sort du goulot d'une bouteille qu'on plonge dans l'eau, projeta hors du bâtiment le
commandant Ratier évanoui, et deux hommes qui se trouvaient près de lui. Ces trois
personnes furent seules samvées. 12 hommes de l'équipage réussirent à se réfugier
dans le compartiment de l'arrière du sous-marin et à fermer sur eux la porte de la
cloison étanche.
L'arsenal de Bizerte, dont le Farfadet n'était qu'à deux cents mètres, ne possé-
dait malheureusement, à cette époque, aucun appareil capable de souleA'er le sous-
marin. On n'avait pas préA'u, non plus, dans la construction de ces bâtiments,
les boucles où accrocher les palans des grues : on dut creuser dans la A'ase où le
bâtiment s'était enfoncé des tunnels par lesquels on passa des chaînes qui le ceintu-
rèrent.
Ce traA'ail dura deux mortelles
journées pendant lesquelles les scaphandriers, au
moyen de coups de marteau frappés sur la coque, correspondaient aA'ec les douze mi-
sérables êtres enfermés dans leur prison.
Enfin, la plus puissante grue flottante dont on disposait put être mise en action.
Hélas ! Au moment où l'arrière du Farfadet arrivait à fleur d'eau et où, par une
ouverture de manche à vent,
quelques paroles de réconfort pouvaient être adressées
aux dix marins suniA'ants (2), le bras de la grue cassa et le malheureux Farfadet
retomba sur le fond, entraînant définitiA'ement à une mort qu'il faut espérer rapide,
ces martyrs d'une effroyable agonie.
Il fallut encore trois
jours pour se rendre maître de l'épave. On parvint enfin à la
soulever en se servant d'un petit dock flottant pour torpilleurs, et à l'amener au
bassin de radoub de Sidi-Abdallah.
Par une fatalité étrange, c'est encore à Bizerte que s'est produite la seconde catas-
trophe.
Le 16 octobre 1906, le sous-marin Lutin, frère du Farfadet, procédait dans la
matinée, au large de Bizerte, à des exercices de plongée, dans les conditions habi-
tuelles. Il était convoyé par un remorqueur du port. Après deux plongées normales,
(*) Lé commandant Ratier avait cependant, a-t-il assuré, fait jouer cet opercule du capot quelques instants
avant de donner l'ordre de plongée, et avait constaté à ce moment qu'il fonctionnait parfaitement.
( 2) On apprit de ceux-ci, dans cette minute tragique, que deux de leurs camarades avaient succombé.
3a8 SOUS L EAU
le lieutenant de vaisseau
Fépoux qui commandait le bâtiment prévint le patron du
Après quelques jours de recherches rendues difficiles par la mer souvent assez
grosse devant Bizerte, on retrouva le Lutin couché sur le sable par 36m de fond.
Le même dock flottant qui avait servi à relever le Farfadet fut encore utilisé. Le
27 octoDre, le sous-ma-
rin était mis à sec dans le
bassin de l'arsenal et on
tastrophe.
On sait que les sous-
gralement aux parois de la caisse. On n'avait point, hélas ! fait celles-ci assez fortes
pour qu'il soit nécessaire de les relater en détail. Ce fut là d'ailleurs l'accident de
mer dans toute sa tragique banalité. La fatalité voulut que le submersible, qui exé-
cutait ses manoeuvres habituelles au large de Calais, remontât des profondeurs juste
SOUS L EAU
329
devant l'étrave du vapeur courrier de Calais à Douvres et eût son arrière défoncé par
le gouvernail avant du steamer. Un instant, l'avant du submersible
apparut pourtant
hors de l'eau, pour s'engouffrer minutes Aucune des vingt-quatre
quelques après.
personnes qui se trouvaient à bord ne put s'échapper. Le renflouement du Pluviôse
fut particulièrement difficile, en raison d'abord du poids du bâtiment qui atteignait
45o tonnes, puis par suite des difficultés que provoquent les courants violents du
Pas-de-Calais et les mauvais temps qui obligèrent souvent à cesser les travaux.
Ce serait bien mal connaître nos marins que de supposer que leur confiance dans
...--- les sous-marins fut un in-
stant ébranlée par ces ca-
tastrophes, à la vérité im-
pressionnantes.
Aucune interruption
dans le service de ces pe-
tits bâtiments ni dans la
série de leurs exercices ne
se produisit. Aucun indice
ne fut nulle part relevé
que cette proportion est bien faible ; elle pourrait même paraître surprenante si on
ne savait quelle prudence, quelle sûreté de coup d'oeil, quel sens marin, quelle pro-
fonde science professionnelle en un mot, ont déployés en plus d'une circonstance
critique, et déploient tous les jours les commandants, officiers et équipages de nos
sous-marins.
Les exemples à ce sujet sont nombreux, nous n'en citerons qu'un. Au mois de
juillet 1909 pendant un exercice d'attaque effectué par les sous-marins de Toulon
sur le cuirassé Masséna, on aperçut tout à coup du pont du cuirassé le sous-marin
Grondin à une distance de 3om environ et dans une situation telle qu'une terrible
collisionparut à tous inévitable. Alors, avec une admirable présence d'esprit, le
commandant du Grondin, le lieutenant de vaisseau Magnier, ordonna une audacieuse
plongée à toute allure. Le Grondin disparut aussitôt sous les flots avec une telle ra-
pidité que, du Masséna, officiers et équipage aperçurent son hélice battant l'air.
Il y eut un moment de suprême émotion ! Le petit sous-marin allait-il se briser
sur le mastodonte?
Quelques instants après, on était rassuré. Le Grondin était descendu à 20m. Il avait
33o sous L'EAU
du cuirassé et reparaissait à la
passé sous la coque surface de l'autre côté, sans la
moindre aA'arie. Ce fut sur le Masséna nn unanime cri d'admiration^
Les bâtiments destinés à la navigation sous-marine sont en France de deux types
qui portent les noms de sous-marins proprement dits et de submersibles. Ces dénomi-
nations, insuffisamment précises, n'indiquent pas clairement en quoi les deux types
diffèrent, et mes lecteurs me sauront peut-être gré de le leur expliquer.
La différence réside principalement dans la flottabilité dont les deux genres de
bâtiments disposent lorsqu'ils se tiennent à la surface de l'eau. Cette flottabilité, très
faible chez le sous-marin, atteint
à peine 10 °/0 du déplacement. Pour le submersi-
ble, au contraire, elle s'élève à 27 °/0 du déplacement.
On s'efforce également de donner à ces derniers des formes se rapprochant au-
tant que possible de celles des bâtiments ordinaires ayant à peu près les mêmes di-
périscope, dont le but est suffisamment défini par ses racines grecques (mpi autour,
a-/.o7rEtvA'oir).
En principe, ce périscope se compose d'un tube métallique de petit diamètre qui
s'élèA'e A'erticalement au-dessus du dôme du sous-marin. La partie inférieure pénètre
dans le bâtiment pendant que l'extrémité supérieure vient dépasser de quelques déci-
mètres la surface de l'eau.
Son fonctionnement repose sur l'application du plus simple principe d'optique,
la double réflexion
par miroirs inclinés.
Le bout supérieur du tube porte un miroir incliné à 45° sur l'horizontale qui. re-
çoit l'image des objets placés au-dessus de l'eau et la renvoie A'erticalement sur Un
second miroir pareillement incliné à 45°, fixé à l'extrémité inférieure du tube, d'où
cette image arrive au commandant placé devant ce second miroir.
Cette conception théorique a inspiré les études et les recherches d'officiers.de ma-
rine Ç) et d'ingénieurs qni en ont poursuivi aA'ec plus ou moins de succès la réalisa-
tion pratique.
jumelle.
Le prisme supérieur se promène à quelques décimètres seulement au-dessus de la
mer. Celle-ci étant rarement très calme, il est bien éA'ident que les embruns doivent
y déposer des gouttelettes gênantes pour la A'ision. Mais ces gouttelettes glissent sur
la surface très inclinée du
prisme, et si elles y restent trop longtemps attachées, on
s'en débarrasse sans peine en plongeant simplement le prisme dans l'eau.
Le périscope, oeil du soùs-marin, est donc l'instrument faute duquel le bâtiment
deAient tout à fait inutilisable.
Mais s'il lui est un organe indispensable, il constitue aussi le seul signe par lequel
la présence du sous-marin puisse être décelée. En effet, ce tube, si mince soit-il,
laisse sur la mér, lorsque le naA'ire est en marche, un-sillage indiscret.
C'est là un mal sans remède et dont il ne faut pas d'ailleurs s'exagérer la gravité.
Que fera le cuirassé à bord duquel on aura aperçu, à une distance forcément assez
faible, le mince objet dominant à peine la crête des lames ? Gherchera-t-il à le
détruire à coups de canon ? Difficile besogne, en raison du peu de temps dont on dis-
posera ! OEuvre encore assez A'aine ! Car le périscope détruit ne compromettra nul-
lement l'existence du sous-marin. Celui-ci se rira des projectiles sous la couche de
4 ou 5™ d'eau qui le protégera mieux que toutes les cuirasses.
33a SOUS L EAU
Et d'ailleurs, tous nos sous-marins récents possèdent un second périscope qui sor-
tira de sa gaine si le premier est détruit.
Du reste, on peut se figurer l'état d'énervement et de surexcitation seront
auquel
fatalement amenés l'équipage et les officiers des navires qui sentiront flotter autour
d'eux la menace des sous-marins (').
Tous les corps flottants, les moindres débris, une bouteille, une bouée de pêcheur,
seront signalés comme des périscopes et il sera bien difficile
d'empêcher la grêle des
torpille.
Le fait s'est déjà produit au cours de maints
exercices ( 2) et il est à présumer que les sous-
marins, en action
de guerre, faciliteront ces
erreurs en semant eux-mêmes des trompe-
l'oeil, au milieu desquels leur périscope aura
bien des chances de passer inaperçu.
(') Le récit que j'ai rapporté au chapitre i, au sujet de l'affolement dont furent frappés les équipages do l'es-
cadre russe de Port Arthur, au moment de la perte du Pctropavlovsk, donne une idéo de ce que produira l'attente
des sous-marins.
( 2) Notamment, lors des manoeuvres entre l'escadre du Nord et les submersibles de Cherbourg dont j'ai parlé
— Puis, aux
plus haut dans le même chapitre. grandes manoeuvres navales de mai 1910, au large d'Ajaccio,
l'escadre qui bloquait Ajaccio canonna violemment un cachalot dont le dos noirâtre avait été pris pour un sous-marin.
( 3) Comme il a été dit au chapitre 11, nous possédons, au moment où ces lignes sont écrites, 4 sous-marins
d'expérience de 800 tonneaux (en plongée). L'un d'eux, YArchimede, monté par 26 hommes et commandé par
le lieutenant de vaisseau Frochot, vient de faire des essais sensationnels et de couvrir, sans relâche, une distance
de 1 4oo milles (2 200 kilomètres).
SOUS L EAU 333
ingénieux.
On voit donc
que le
—
sous-marin peut faire
FIG. 258. Emplacement des tubes sur un submersible.
lance-torpilles
feu dans presque toutes
les directions, ce qui simplifie notablement sa manoeuvre en lui permettant de se
Ceci est exact pour les derniers venus de nos submersibles qui entrent en ce mo-
ment en service ou dont la construction se poursuit. Les plus anciens portent à
l'avant deux tubes dans l'intérieur de la coque. Cette disposition présente des incon-
vénients qui y ont fait renoncer (').
Nous allons, pour terminer ce court aperçu relatif aux sous-marins français, nous
de bout en bout sur le pontet dans l'intérieur d'un de ces engins formidables,
promener
en jetant un coup d'oeil sur leur installation et les divers mécanismes qu'ils contiennent.
La est généralement double, ou complètement, comme on
coque partiellement
est destinée à amortir les
peut le A'oir sur la figure 260. L'enveloppe extérieure
chocs en cas de collision. Les water-ballast et les caisses à pétrole occupent une
navigue à la surface. Deux ou trois panneaux donnent accès dans les différents
que leur service ne retient pas dans l'intérieur de venir respirer l'air pur du large
sans risquer de tomber à la mer.
important que ne se répandent pas les gaz toujours assez méphitiques qu'ils dégagent.
. On trouve encore dans le poste d'équipage un certain nombre d'appareils, parmi
lesquels les pompes qui servent à vider les water-ballasl. Ceux-ci sont répartis dans
la longueur du bâtiment suivant un plan soigneusement étudié, puisque c'est sur cette
qu'on ait découvert le moteur idéal, capable de marcher pratiquement en A'ase clos,
force est de recourir à ces tiroirs à électricité, encombrants, malodorants, coûteux
et d'un maniement si délicat.
On trouve ensuite une chambre divisée en deux parties par une cloison longitudi-
nale ; celle-ci sépare le réduit réservé aux officiers, du poste de commandement que
surmontent le kiosque et les périscopes. Le commandant, même lorsqu'il repose, est
ainsi toujours à portée des organes de manoeuvre et de commande aux différents
ple et se chauffent au pétrole. Lorsque le bâtiment porte un moteur Diesel, les chau-
dières sont naturellement supprimées Ç).
Deux machines à A'apeur occupent le compartiment suivant. Elles sont à mou-
vements alternatifs, du modèle ordinaire et conduisent chacune une hélice. Puis
viennent les deux moteurs électriques.
Lès maîtres ont un petit poste dans le dernier compartiment. Ils y goûtent sur
des Couchettes étroites un repus généralement bien gagné. '''.
Sous la coque du soUs-marin, sont placés les plombs de sécurité dans des encas-
trements où ils se logent de façon à épouser les formes de la coque.
( 4) Les 18 submersibles de ioo tonneaux, dont la construction a commencé en igo5, sont munis de machines
à vapeur. Les ifj suivants, commencés en 1906, portent des moteurs Diesel auxquels il semble qu'on soit revenu
définitivement.
336 SOUS L EAU
Ce sont des masses pesant de 5oo à i 5ook|î, suivant le type du bâtiment. Elles
sont disposées de telle façon qu'on peut les détacher de l'intérieur, et les séparer du
navire. On provoque ainsi un allégement très considérable, et une remontée rapide
et assurée du sous-marin en cas de voie d'eau qui annihilerait en tout ou en partie
l'effet de la chasse d'eau des water-ballast.
La question de l'air respirable est une de celles qui paraît devoir préoccuper
le plus quand il s'agit de navigation sous-marine. De fait, on a cherché des
expérimentés. Quelques-
uns ont donné d'ailleurs
des résultats très apprécia-
bles. Fulton a montré la
meilleure voie à suivre en
renouvelant l'air respira-
ble de son navire à l'aide
FIG. 262. —
Disposition d'un plomb de sécurité sur un submersible un récipient métallique(').
du type Laubeuf.
Dans ces derniers temps,
la découverte de la liqué-
faction de l'air est venue fournir un nouvel à la bonne habitabilité des sous-
appoint
marins.
Ces procédés divers sont employés dans la plupart des marines étrangères. En
France, on pense que le volume des sous-marins et spécialement des derniers con-
struits est très suffisant pour qu'il ne soit pas nécessaire d'y renouveler l'air autre-
ment que par l'ouverture des panneaux et le jeu des ventilateurs quand on remonte
à la surface. La provision d'air suffit très bien à un séjour sous l'eau de douze et même
de vingt-quatre heures. En conséquence, on ne fait usage à bord de nos sous-marins
d'aucun procédé artificiel pour renouveler l'air.
A bord des sous-marins
anglais, on embarque, pour le cas d'accident qui immo-
biliserait le navire sous l'eau, des appareils ressemblant assez à des casques de sca-
phandriers. Ces casques auxquels sont attachés des vestes étanches contiennent des
tablettes sous l'action de lhumidité de la respiration et
d'oxylithe qui se dissolvent
fournissent à l'homme muni de l'appareil une provision d'air grâce à laquelle, le cas
échéant, il pourrait attendre l'arrivée des secours, ou même sortir seul du squs-ma-
rin, en ouvrant le capot du kiosque. C'est, en somme, une sorte de demi-scaphan-
dre automatique, où l'air se régénère pendant près d'une heure et demie.
Bévéziers. — on cherchait dans les combats, à prendre l'avantage du vent. —Barlleur. —Une scène
Pourquoi
impressionnante à. bord du Soleil royal. — « Messieurs, par ordre du roi ! » •— Désastre de La Hougue.—
Les grands corsaires. — Jean Bart et Duguay-Trouin. — Guerre de course. — Piraterie. — Flibustiers et bou-
caniers. — Le pavillon des Frcres de la Côte. —: Grandeur de la marine française sous le règne de Louis XVI.
— La
tactique du bailli de Suffren. — Le combat d'Ouessant et la légende du Vengeur. — La flotte d'Egypte.
— Aboutir. — La flottille de Boulogne. — Trafalgar. — Comment mourut Nelson. — Navarin. — Ecrase-
ment de la flotte turco-égyptienne. — La Crimée. — Nos marins au —
siège de Sébaslopol. Apparition des
navires cuirassés au bombardement de Kimburn. — fiole de la marine en 1870. — Elle a maintenu
important
nos communications avec l'étranger et permis à la nation de vivre et de combatlré. — La défense des forts de
Paris par les marins. — Campagne de l'amiral Courbet en Cbine. — Lès combats de la rivière Min. —
—
Prouesses de deux petits torpilleurs français. — Destruction de la flotte chinoise. — Le terrible Coupa !
Comment on descend une rivière encombrée de forts et d'obstacles divers. — Les marins du Galilée à Casa-
blanca. — Les femmes de France au danger.
LA MARINE ROYALE
Sans remonter trop haut dans les temps où cependant les faits glorieux pour la
marine de la France ne manquent pas, nous nous arrêterons un instant à la grande
rencontre qui signala la guerre soutenue par Louis XIV contre l'Angleterre, l'Alle-
SATJVAIRE JOUKDAN. 22
338 NOTRE MARINE ET NOS MARINS
présentèrent l'une à l'autre déployées en une seule ligne, dans un ordre magnifique,
et avec ce luxe d'étendards, qui faisait un peu ressembler les rencontres de ces épo-
ques à de brillants tournois. .
Chacune des flottes comprenait trois corps : l'avant-garde, le gros et, l'arrière-
-
garde. . .
Du côté des Français, Châteaurenaùlt commandait rayant-garde' désignée par la
flamme bleue qui flottait au mât de misaine de ses 20 vaisseaux. Le Dauphin royal,
de 110 canons, portait son pavillon.
Le corps de bataille; composé de 28 vaisseaux, était directement sous les ordres de
ïourville, vice-amiral le Soleil royal, de
du Ponant et amiral de lai flotte. Il montait
-
0) 7^ vaisseaux d'après Guérin.
"
( 2) Les. galères, faites pour marcher à l'aviron, convenaient fort bien à la Méditerranée où les calmes sont fré-
quents et la mer peu gênante. En revanche, dans l'Atlantique, la Manche ou la mer du Nord, elles se trouvaient
souvent gênées ou même arrêtées.
( 3) D'après Chabaud-Arnault, Herbert commandait le gros et d'Estrées était, avec son arrière-garde, oppose à
l'amiral anglais Russel.
NOTRE MA1U.NE ET NOS MARINS
339
On sait ce que représentait cet avantage. Possibilité pour la flotte qui restait au
vent de livrer le combat à son heure, à la distance qu'elle fixait, de tomber,en
laissantporter, sur l'ennemi faiblissant et de l'achever à l'abordage ou de très près.
De plus, avec le vent, la fumée, la lourde et épaisse fumée que la poudre de cette
époque produisait en nuages par les gueules de centaines de canons tirant à la fois,
cette fumée était immédiatement entraînée loin des navires, tandis que chez l'adver-
saire, placé sous le vent, elle était repoussée par les sabords dans l'intérieur des
batteries où elle gênait considérablement le service des pièces.
Tous ces avantages furent pour la flotte anglo-hollandaise qui sut les conserver.
Tourville resta-donc sous le vent. Cette position n'est pas, non plus, sans offrir
quelques facilités qui compensent jusqu'à un certain point ses inconvénients. Avec
la bande (') que donnent toujours les navires sous voiles, le côté du feu, pour les
bâtiments sous le vent est plus élevé, on peut à coup sûr ouvrir les sabords des
batteries basses et utiliser la grosse artillerie qu'elles contiennent alors que l'adver-
saire, se trouvant en situation exactement inverse, peut être contraint de ne pas se
servir de l'artillerie de sa batterie basse, sous peine de voir la mer l'envahir. La
position sous le vent permet encore aux navires endommagés de sortir de la ligne
(') Inclinaison que prennent les navires à voiles sous la poussée du vent.
3l\Ô NOTRE MARINE ET NOS MARINS
prison à Londres sur la plainte formelle dés amiraux hollandais et traduit devant, une
Cour martiale mais en le privant de tous ses honneurs et charges. La
qui l'acquitta,
bataille prit fin de façon assez singulière. Le courant de marée ayant changé, Herbert
fit mouiller ce qui restait de sa flotte. Tourville ne s'en aperçut point à temps et vit
la sienne entraînée hors de portée, puis tout à fait séparée de la flotte anglo-hollan-
daise dans laquelle il lui eût été facile d'exercer d'autres ravages. Quoi qu'il en soit,'
l'action se terminait à notre grand avantage.
Lesconséquences matérielles de la Aicloire de Bévéziers furent considérables : i4
vaisseaux anglo-hollandais pris, coulés ou brûlés par leurs équipages. Pendant les
six jours qui suivirent, Tourville donna encore la chasse à l'ennemi et lui détruisit
complet régnaà Londres.La victoire navale française de Bévéziers, coïncidan t avec celle
de Fleurus, ébranla l'empire britannique, au dire des historiensanglais, dans
jusque
ses fondements. En tout cas, fait à peu dans l'histoire. Bévéziers nous
près unique
donna, sans conteste possible, la suprématie absolue des mers.
ville mit alors sous leurs yeux l'ordre écrit du roi : « Combattre l'ennemi fort ou
pendantetl'action s'en-
garde se trouva n'avoir pas d'adversaires à combattre et ne fit rien ou presque pour
en trouver.
Quatre de nos bâtiments de guerre commandés par l'amiral de Pannetier, qui étaient
restés en retard, furent de leur côté hors d'état de prendre part à l'action générale,
si bien que Tourville, placé au centre en face des Anglais, et d'Amfreville, qui comman-
dait l'avant-garde et avait affaire aux Hollandais, eurent à combattre avec 4o vais-
seaux contre 6o.
Ils s'en tirèrent à leur grand honneur. La précision et l'habileté de leurs manoeu-
vres compensèrent leur faiblesse numérique, comme cela arrive et arrivera encore
souvent dans les combats sur mer, et lorsqu'après deux heures de lutte le calme sur-
vint, nous étions loin d'avoir le désavantage.;
Comme à Bévéziers, les deux flottes, très en désordre, mouillèrent leurs ancres ; une
séparée de sa flotte et coupa ses câbles pour rejoindre le pavillon de l'amiral Russel.
Mais il lui arriva une cruelle mésaventure; le vent n'était point suffisant pour
permettre aux navires de gouverner, le courant les entraîna bien vers la flotte an-
glaise, mais en leur faisant traverser la ligne, plus ou moins bien formée de la flotte
pages dont puisse s'enorgueillir notre marine. Après une lutte acharnée, denos aucun
vaisseaux ne manquait à l'appel, alors que les ennemis en avaient vu couler deux des
leurs. La science, l'habileté de nos.commandants, l'entraînement de nos marins leur
avaient permis de sortir à leur gloire d'une lutte où ils combattaient un contre deux.
Malheureusement, cette affaire si honorable eut un lendemain calamiteux. La flotte
française ayant appareillé dans la nuitse dispersa dans la bruine et l'obscurité. Avec
35 vaisseaux seulement, dont quelques-uns, avariés, retardaient trop la marche des
autres, Tourville s'engagea dans le raz Blanchard, entre
la presqu'île du Cotentin et
les îles normandes, comptant que le courant très rapide dans ce couloir, le mène-
rait promptement sur les côtes de Bretagne, à l'abri des recherchés de Russel. Mais
il prit trop tard sa décision. Le courant changea avec la marée ; 12 de ses vaisseaux,
parmi lesquels le sien, furent séparés du reste, rejelés vers le Nord et obligés de
chercher refuge dans la rade de la Hougue où, le 2 juin, l'ennemi vint les incendier
sous les yeux de troupes nombreuses réunies sur le rivage pour tenter une descente
en Angleterre sous les ordres de Jacques II, et sans qu'on put s'entendre pour oppo-
ser une résistance utile.
Ce fut le désas'tre de La Hougue dont le souvenir assombrit celui du glorieux
combat de Barfîeur !
hollandais, instruits
par l'expérience, n'envoyèrent plus au large que des navires plus
ou moins armés, et montés, eux aussi, par des équipages déterminés, qui ne se lais-
saient point capturer sans se défendre et souvent sortaient vainqueurs de combats
partie de ces coureurs des mers. On compte que les Dunkerquois à eux seuls prirent
45o navires, de
1672 à i678(*).
A bord des bâtiments armés pour la course régnaient une discipline et des moeurs
capitaine prenait l'avis, non seulement de ses officiers mais encore des simples
matelots. Il discutait son plan de campagne avec tous et le mûrissait par un échange
d'observations souvent contradictoires; puis, une fois ses résolutions bien arrêtées,
sanctionnées en quelque sorte par cette libre discussion, il exigeait une obéissance
dunkerquois Jean Bart, dont les exploits remplirent de terreur le coeur des marins,
ennemis.
De son côté Saint-Malo se glorifie d'avoir,donné le jour à Duguay-Trouin dont
la valeur ne fut pas moindre.
A côté de ces corsaires qui combattaient loyalement les ennemis de leur patrie, il
s'était créé Une autre industrie beaucoup moins avouable qu'exerçaient des hommes
sans foi ni loi, rebut de tous les pays et de toutes les sociétés. On les appelait les
gouverneur de Saint-Domingue en 1691, s'aboucha avec eux, s'en fit aider dans la
plupart de ses expéditions et utilisa notamment leur concours pour ravager de fond
en comble l'île anglaise de la Jamaïque.
Les boucaniers étaient d'autres aventuriers
qui s'étaient étabbs vers 1620 dans
qui les aidèrent à combattre leurs ennemis et à s'mstaller dans les Indes occiden-
tales.
C'est ainsi qu'en 1637 Louis XIII nomma gom'erneur de la Martinique, Dupar-
quet, chef des flibustiers,
et qu'à plusieurs reprises, notamment dans les circons-
tances rappelées plus haut, on conclut aA'ec eux des traités en bonne et due forme.
Leurs plus célèbres et plus audacieuses entreprises datent des eirvirons de 1660,
Ils s'organisèrent alors sous le nom de Frères de la Côte, et se donnèrent un
paA'illon spécial dans lequel on Aroyait une tête de mort et un sablier ressortant sur
un fond noir.
Sous différents chefs, dont les plus célèbres s'appelaient Montbars, Nau TOllon-
nais. Michel le Basque, ils saccagèrent, pillèrent, ruinèrent plus de dix îles des
Antilles et portèrent leurs raA'ages jusqu'à Gibraltar.
Une bande comptant cinquante flibustiers se promena du détroit de Magellan
grandeur. La mer des Antilles et les côtes américaines virent à maintes reprises
NOTRE MARINE ET NOS MARINS 345
triompher le pavillon fleurdelysé que portaient les magnifiques escadres que Louis XVI
envoya sans relâche au secours des insurgents américains et dont il confiait le com-
mandement à Guichen, La Motte-Picquet, de Grasse, secondés
d'Estaing, Ternay,
par de Vaudreuil, Bougainville.
C'est l'époque des belles manoeuvres, des batailles des
classiques, tactiques
savantes, où l'on cherche
à couper les lignes ennemies, entre à prendre deux feux
quelques vaisseaux séparés du gros, une avant-garde ou une arrière-garde.
La fleur de la marine française, mêlée à des auxiliaires dont l'expérience
pratiques
piquait l'émulation des officiers, fai-
sait manoeuvrer avec un ensemble
et une précision magnifiques, des
flottes de 4o et 5o vaisseaux.
En même temps, le grand Suf-
fren, bailli de l'ordre de Malte, sur
les galères duquel il avait fait un
excellent apprentissage maritime,
LA MARINE RÉPUBLICAINE
En dépit de l'extraordinaire
amalgame qui formait les Etats-Majors et les équi-
pages des vaisseaux que la Convention faisait armer, les preuves de grand courage
346 NOTRE MARINE ET NOS MARINS
quelques insuccès partiels, ou empêchèrent de tirer les fruits qu'on aurait pu espérer
de quelques rencontres heureuses (').
large pour essayer d'intercepter cette riche proie. De son côté, la ConA'ention ordonna
parce qu'il deA'ail sauA'er la France de la famine, passa librement deux jours après la
bataille sur les lieux où elle s'était livrée et, ne rencontrant aucun ennemi pour lui
barrer la route, entra tranquillement à Brest.
(d) Cette profonde inexpérience de nos Etats-Majors et de nos équipages et ses tristes résultats éclatèrent dans
un engagement particulier où se rencontrèrent la frégate française la Réunion et la frégate anglaise Crescent.. Au
bout do deux heures de combat, le navire français fut obligé d'amener son pavillon. Son équipage comptait 38
tués et lt& blessés, tandis que son adversaire n'avait ni un seul Messe à son bord, ni.un seul boulet dans sa coque.
(CHABATID-ARNATJLT)
( 2) C'est à ce combat qu'apparut pour la première fois le pavillon tricolore. Seul le vaisseau La Montagne le
1
portait. Les autres bâtiments français arboraient encore le pavillon blanc marqué au coin supérieur d'un petit
pavillon tricolore.. !. . - .
NOTRE MARINE ET NOS MARINS 347
Vengeur du Peuple. Le sentiment populaire, appuyé sur des récits exagérés, engloba
dans une même faveur enthousiaste la première qui fut fort belle et la seconde
qui ne présenta pas le caractère complet d'héroïsme qu'on lui a prêté. De l'ensemble
on fit une sorte de légende sacrée, à laquelle il est un peu agaçant de voir qu'on
revient toujours lorsqu'on veut donner la mesure de la bravoure et de l'héroïsme
de nos marins.
On a été jusqu'à décider qu'un monument placé dans le Panthéon, temple de nos
perpétuer le souvenir au
Panthéon soit d'une au-
thenticité indiscutable.
Ce n'est point le cas de
la reddition du Vengeur,
et on me pardonnera de
FIG. 26G. — Combat d'Ouessant (icr juin 1796).
remettre ici les choses
au point, par pur amour
de la vérité et sans vouloir diminuer en rien le mérite de l'équipage de ce
vaisseau.
Sous le souffle d'exaltation
patriotique qui régnait alors, les récits des survivants
qui cherchaient à l'arracher à la mort, et s'abîmant enfin dans les Ilots, aux
accents de la Marseillaise, avec les débris du vaisseau qu'il avait si noblement
défendu.
Voici d'ailleurs en quels termes, aussi pompeux que fantaisistes, Barrère présenta
à la Convention l'honorable affaire du Vengeur :
348 NOTRE MARINE ET NOS MARINS
La légende du
Vengeur est née de cette fantaisie oratoire.
Le rapport adressé à Villaret-Joyeuse par le capitaine de A'aisseau Renaudin, qui
commandait le Vengeur, rapport conserA'é aux Archives nationales, permet de
constater que la A'érilé est assez éloignée de cette romantique version.
Renaudin échappa au naufrage aA'ec 267 matelots et officiers et fut recueilli par
l'escadre anglaise.
Son rapport montre séparé du reste de la flotte, luttant
le Vengeur seul pendant plus
de six heures et de façon héroïque contre trois vaisseaux anglais dont les A'olées répétées
finissent par le percer comme une écumoire, si bien qu'il commença à s'enfoncer.
Pour la suite des événements, voici les propres termes du rapport de Rénàudin ;
L'eau aA'ait gagné l'entrepont ; nous avions jeté plusieurs canons à la mer, nous étions
tous épuisés de fatigue. Les pavillons étaient amarrés en berne (f). Plusieurs vaisseaux anglais
ayant mis leurs canots à la mer, les pompes furent bientôt abandonnées... Ces embarcations,
arrivées le lortg du bord, reçurent tous ceux qui, les premiers, purent s'y jeter.
A peine avaient-elles poussé que le plus affreux spectacle s'offrit à nos yeux. -
Ceux de nos camarades qui étaient restés sur le Vengeur, les mains levées au ciel, implo-
raient en poussant des cris lamentables des secours qu'ils ne pouvaient plus espérer.
Bientôt disparurent et le vaisseau et les malheureuses victimes qu'il portait.
Vengeur, après aA'oir lutté héroïquement et aussi longtemps qu'ils le purent, cher-
chèrent à sauA'er leurs existences, comme c'était leur droit absolu, au moment où le
naA'ire allait sombrer.
La A'érilé est d'ailleurs encore assez belle pour mériter aux marins du Vengeur,
si l'on y tient, les honneurs du Panthéon, mais il faudrait dans ce cas faire connaître
exactement le fait que l'on A'eut glorifier et ne pas donner une consécration définitive
à une légende.
1
(J) Comm CHEVALIER, Histoire de la marine française, livre IV, p. 161.
( 2) C'est-à-dire pour réclamer du secours.
NOTRE MARINE ET NOS MARINS 349
FIG. 367.
— L'Orient saute au- combat d'Aboukir. De plus, une partie des équipages de nos
vaisseaux avaient été envoyés à terre pour
diverses corvées, et ce fut dans une hâte extrême qu'il fallut les rembarquer au
moment où on vit l'escadre anglaise s'avancer rapidement, poussée par une jolie
brise de N.-O. Quelques canots, même, n'eurent pas le temps de rallier le bord.
Les vaisseaux anglais vinrent mouiller leurs ancres du côté de la haute
mer, par le travers des navires de tête de la ligne française, que Nelson comptait
écraser sans se préoccuper des navires formant l'arrière-garde. Mais quelques-uns
de ses bâtiments conduits par des commandants audacieux et décidés, doublèrent la
ligne française et vinrent se poster entre les bâtiments de Brueys et la terre. Nos
malheureux navires étaient ainsi placés entre deux feux. Ils ne pouvaient, dans ces
conditions désastreuses, offrir de résistance sérieuse à un ennemi que de longues et
35o NOTRE MARINE ET NOS MARINS
dures naA'igations, des luttes répétées, sous l'énergique main d'un des plus grands
hommes de mer qui aient existé, avaient amené tout près de la perfection comme
préparation au combat.
A dix heures
du soir (le premier coup de canon ayant été tiré à six heures) notre
a\ant-garde était détruite. Le vaisseau amiral l'Orient, sautait, entraînant son équi-
gagnèrent Corfou.
C'était tout
ce qui restait de la belle
flotte partie de Toulon trois mois plus
tôt. Tout le reste, soit 11 vaisseaux de
cinq ans plus tard à 1 amiral de Villeneuve, le commandement de la flotte sur les
LA MARINE IMPÉRIALE
'..'• Il avait résolu de jeter d'un seul coup uiïe: formidable armée de iko ooo hommes
sur le territoire de l'ennemi ; dans ce but. il fit préparer une énorme
quantité de petits
bâtiments de diverses esiDèces, tous marchant à la voile et à l'aviron, tous à fond plat
de manière à permettre un débarquement rapide et facile sur la côte même. Ces pe-
tits bâtiments étaient armés de canons et devaient porter un nombre déterminé de
soldats avec leur matériel. Toute cette flottille
partagée était
en nombreuses divi-
sions, réparties dans divers ports, au Sud et au Nord de Boulogne. Les troupes* qui
devaient les monter campaient sur le rivage, chacune en face de sa division. Tous
les détails de l'entreprise étaient réglés minutieusement et avec cette précision que le
grand homme savait apporter à la préparation de ses moindres expéditions.
Pour accoutumer les soldats à des luttes maritimes auxquelles ils n'étaient point
entraînés, les divisions de la flottille exécutaient, avec leur chargement de troupes;
d'incessantes sorties et des mouvements au cours desquels de rudes escarmouches
s'engageaient avec la croisière anglaise. Celle-ci surveillait avec une attention pleine
d'inquiétude la préparation de cette nouvelle et terrible
machine de guerre ; dans ces
engagements, ce n'étaient pas toujours les imposants vaisseaux qui avaient l'avantage;
et la nuée dés prames, chaloupes canonnières, péniches et caïques", les forçaient
caprices Napoléon ne voulait tenir aucun compte. Tout devait lui céder et se sou-
mettre! La mer n'admet pas tant de présomption.
35a NOTRE MARINE ET NOS MARINS
La première partie du plan conçu par. l'Empereur- s'exécuta cependant sans trop
de difficultés. j
Villeneuve arriva aux Antilles le ik mai, ayant eu la chance d'échapper à la vigi-
lance de Nelson et de rallier à son pavillon les vaisseaux de Cadix. II ne retrouva
point, il est vrai, Missiessy qui, après avoir exécuté ses ordres, étaitreparti pour la
rade de l'île d'Aix, niais reçut deux vaisseaux que lui amenait de France le contrer
amiral Magon.
Le 10 juin il reprenait la route de l'Europe. Mais sa marche fut si lente que Nelson,
parti sur ses traces aux Antilles où il ne l'avait
point retrouvé et qu'il avait quittées
deux jours après lui, eut le temps d'arriver à Gibraltar et d'en repartir pour Ports-
mouth, avant que l'escadre française eût eu seulement connaissance des côtes d'Es-
pagne.
De même l'Amirauté anglaise prévenue par un aviso de la route que suivait Ville-
neuve eut tout loisir de prendre ses dispositions par lui barrer la route.
i5 vaisseaux, sous les ordres de l'amiral Calder, rencontrèrent en effet notre flotte
de 20 vaisseaux au large
du cap Finisterre (Espagne). Un combat, indécis et mou,
lon); Villeneuve continua sa route sur le Ferrol, après une courte relâche à Vigo.
Il fit sa jonction avec l'escadre franco-espagnole qui y était mouillée.
Le temps pressait cependant. La traversée de la Manche par une flottille exigeait
le beau temps et l'été par conséquent.
Comptant sur une marche plus rapide de Villeneuve, Napoléon donnait partout
ses dernières instructions, prescrivait les dernières mesures. Ganteaume recevait
Tordre de se porter avec ses 20 Araisseaux à l'extrême ouverture du goulet de Brest
ragé par des vents contraires, par l'étal peu satisfaisant de ses navires et de leur per-
sonnel, par la nouvelle
effrayé (d'ailleurs fausse) de l'approche d'une flotte anglaise
de 25 vaisseaux, manquant au fond de l'énergie trempe de et de la caractère sans
lesquelles on n'est point un chef, il tourna le dos à la route que lui traçaient ses
ordres, et, vent arrière, courut se mettre, dans la rade de Cadix, à l'abri du péril qui
était encore à ce moment imaginaire, et qui devint quelques jours après très réel.
Ce fut la fin des espoirs de l'Empereur. La flotte manquant, la flottille et son
armée devenaient inutiles
: après un accès de colère terrible, Napoléon détourna de
la mer ses regards sollicités d'ailleurs par les événements qui se passaient sur les
rives du Danube, et les Autrichiens eurent à payer pour les Anglais.
Cependant, sur les ordres réitérés de Decrès, ministre de la Marine, sur la menace
même d'une destitution, Villeneuve se résigna enfin, mais le 20 octobre seulement,
à quitter Cadix pour rentrer en Méditerranée.
Le lendemain 21 octobre, il tombait dans les griffes de Nelson qui allait faire
payer cher à nos vaisseaux les inquiétudes et les fatigues épromrées dans la longue
chasse qu'il venait de leur donner. I
NOTRE MARINE ET NOS MARINS 353
Villeneuve avait sous ses ordres 33 vaisseaux, dont i5 espagnols (1). Quelques-uns
de ces derniers étaient d'énormes monuments, portant jusqu'à i3o canons comme la
Santissima de l'escadre ibé-
Trinidad( 2) que montait l'amiral Gravina, commandant
Mais si la valeur de nos propres bâtiments était médiocre, ceux de nos alliés
rique.
valaient moins encore.
Lourds et peu manoeuvrants, d'une lenteur incroyable, ils étaient en outre com-
mandés et montés, à brillantes près, par un personnel sans
quelques exceptions
énergie, ni science, ni entraînement.
A la tête de cette Armada se trouvait un chef, doué sans nul doute du plus grand
courage personnel, mais sans confiance dans son
étoile.
De l'autre côté, au contraire, un des plus grands
marins furent, commandait à 27 vaisseaux
qui
admirablement (3), manoeuvres par des ca-
équipés
pitaines et des équipages qui couraient les mers les
7 vaisseaux
(:i) Dans la flotte se trouvaient à trois ponts portant 100 canons.
anglaise
L'amiral JURIEN DE LA GRAVIÈRE, Guerres maritimes 1 CHEVALIER, de la marine
(*) ; Comm Histoire française;
Comm' DESBRIÈRES, et surtout La vie de Nelson, le bol ouvrage du A.-ï. MAHAN, de la
Trafalgar; capitaine
marine des Etats-Unis.
SAUVAIKE JOURDA.N. a3
35A NOTRE «MARINE ET NOS MARINS
Le lendemain les deux flottes se trouvaient en présence. La ligne alliée, mal for-
pour rendre hommage à la vérité, je dois dire que cette belle exclamation, très digne
du grand homme de mer qui l'a poussée, ne paraît pas avoir provoqué, au moment
où elle se traduisit par un signal, l'accueil enthousiaste a connu et
qu'elle depuis,
qu'en vérité elle méritait. Il semble au contraire qu'elle ait un peu agacé, à en
croire du moins cette phrase à haute voix, au moment
prononcée par Collingwood
où le fameux signal se déploya aux mâts du Victory et que le commandant
rapporte
Chevalier : « Je voudrais bien que Nelson s'arrêtât de faire des signaux, nous
savons tous ce que nous avons à faire. »
La tactique par Nelson eut un premier presque décisif. En résultat
employée
arrivant sur la ligne alliée, ses vaisseaux se trouvèrent en position de prendre en
enfilade les bâtiments français et espagnols et les foudroyèrent à bout portant du feu
de toutes leurs bordées, pendant que les nôtres ne pouvaient riposter qu'au moyen
du très petit nombre de pièces qui armaient les dunettes ou les gaillards d'avant.
Il advint donc que,dès les premiers moments du combat, un certain nombre de
nos unités furent désemparées, encombrées de morts et de blessés et pratiquement
mises hors de combat.
Dès lors, la bataille ne fut plus quunemêlée confuse entre navires accrochés les
uns aux autres, dans le calme plat qui s'était définitivement établi. Ce calme empêcha
en outre 10 Araisseaux de notre avant-garde qui n'avaient aucun.ennemi à combattre
de se porter au secours du centre écrasé. Il en fut de même de l'arrière-garde où
commandait l'amiral espagnol Gravina. Arrière-garde et avant-garde ne purent se
porter au feu avant deux heures et demie, et à ce moment il était trop tard pour que
leur intervention eût chance de produire aucun effet sérieux.
Le Victory s'était attaqué directement au Bucentaure, vaisseau que. montait Ville-
neuve. En passant à l'arrière dans les conditions que j'ai relatées plus haut,, il
l'avait criblé de boulets qui, prenant les batteries en enfilade, avaient causé à bord
du vaisseau amiral français d'effroyables ravages : 20 canons démontés, /joo hommes
mis hors de combat, les murailles du vaisseau criblées, la membrure ébranlée,
tels furent les résultats de cette foudroyante attaque qui, en réalité, mit le Bu-
centaure hors d'affaire (*).
Laissant cet ennemi presque réduit, le Victory, toujours pprté.par la houle, tomba
sur le deux-ponts le Redoutable, commandé par le capitaine de vaisseau Lucas. Une
lutte acharnée s'engagea. Tout d'abord, le Victory vit son équipage décimé par un feu
de mousqueterie terrible qui partait des hunes et des bastingages du vaisseau français (2).
Le commandant Lucas, saisissant l'instant favorable, forme ses divisions d'abordage et
les lance à bord
du Victory. Le vaisseau amiral anglais va être à nous ! A ce moment,
deux bâtiments ennemis poussés par un souffle de brise se portent au secours de
leur chef et foudroient le Redoutable.
C'est dans cette mêlée que Nelson fut tué.
, Ayant à ses côtés son capitaine de pavillon, le commandant Hardy, il circulait
sur le gaillard arrière; à leurs côtés, quelques, hommes ripostaient de leur mieux à
la terrible fusillade du Redoutable. Tout à coup l'amiral chancelle et tombe la face
sur le pont. Une balle, partie de la hune d'artimon du Araisseàu français, l'avait
de lui sur
(') Cette terrible bordée fut tirée de si près, que Nelson et les personnes qui se trouvaient autour
la dunette du Victory furent couverts de la poussière et des éclats de bois arrachés au vaisseau français.
( 2) Les vaisseaux anglais n'avaient pas de mousqueterie dans leurs hunes.
356 NOTRE MARINE ET NOS MARINS
crépitement de la fusillade,
emporte on
dans le faux-pont le héros qui ne tarde pas
à y rendre le dernier soupir ('), mais non avant d'avoir reçu de la bouche de Hardy
le pavillon
l'assurance que la plus magnifique victoire couronne britannique.
A la vérité, quel marin pourrait rêver une fin plus triomphante !
Le et deux autres vaisseaux accrochés aux flancs du Redoutable
Victory anglais
formaient ungroupe
d'où un
s'échappait
feu effroyable. Fina-
lement, le glorieux
vaisseau français,
couvert de morts et
de mourants, percé à
jour, privé de tout
moyen de se mou-
capable de se défen-
dre après la terrible
bordée du Victory,
la moitié de ses ca-
FIG. — Le Redoutable et le à Trafalgar. nons les
271. Victory démontés,
autres couverts par
les débris de mâture et les voiles qui pendaient de tous côtés, ayant 45o tués ou
(') Pendant qu'on transportait Nelson, il se couvrit lui-même la figure et ses décorations de son mouchoir pour
que la vue de leur chef mourant n'affectât pas les marins qui combattaient.
( 2) Des 37 vaisseaux anglais, la moitié environ furent mis hors d'état de naviguer davantage. Le Bucentaure et
NOTRE MARINE ET NOS MARINS 357
poser leur médiation aux belligérants. Les Turcs mirent, et cela se conçoit assez, une
extrême mauvaise volonté à accepter des propositions qui tendaient évidemment à
leur ravir leur D'autre ils ne pouvaient à lutter contre une aussi
proie. part, songer
puissante coalition. Leur hésitation précipita le dénouement du drame.
Le.20 octobre
1827, la flotte turco-égyptienne était mouillée dans la magnifique
rade de NaA^arin- Elle 3 vaisseaux, et 6g bâtiments
comptait 17 frégates plus petits.
Les escadres des trois puissances alliées réunissant en tout 10 vaisseaux et 10 fré-
gates, pénétrèrent dans la rade déjà très encombrée et jetèrent l'ancre au milieu de
l'entassement des naArires ottomans.
A ce momentj aucune hostilité n'aA^ait encore éclaté entre les Turcs et les alliés.
. Le fanatisme musulman, que comprimait insuffisamment une un peu relâ-
discipliné
chée, mit le feu aux poudres. Quelques coups de fusil partirent inopinément d'un
brûlot turc. Aussitôt un feu intense, mais heureusement fort mal dirigé, éclata sur
tous les navires de la flotte et des nombreuses batteries
lurco-égyptienne placées à
terre.
La flotté chrétienne,
peu surprise, un fut pendant instants dans une
quelques
position assez critique ; mais la riposte ne se fit pas attendre et, là supériorité mani-
feste des canonniers chrétiens aidant, là lutte proprement dite fut de courte durée ; la
plupart des grands bâtiments d'Ibrahim furent détruits successivement par le feu,
mais les navires alliés eurent à se défendre assez longtemps contre les attaques répé-
tées et acharnées des brûlots turcs.
4 000 ou 5 000 hommes périrent &\QC les bâtiments musulman s, pendant que la flotte
chrétienne en était quitte avec 180 tués et 470 blessés.
Tel fut l'incident d'une longue et dure terrestre et maritime,
principal campagne,
qui aboutit en septembre 1829 à la signature du traité consacrant l'in-
d'Andrinople
dépendance du nouveau royaume de Grèce.
le Redoutable coulèrent avec six autres prises françaises pendant la tempête qui fit rage dans la nuit. Les autres
vaisseaux français capturés, à l'exception de trois, furent brûlés par les Anglais ourepris par 5 vaisseaux qui sor-
tirent de Cadix.le lendemain. Les pertes des alliés à Trafalgar furent de i oo4 tués, i320 blessés. Les Anglais
perdirent 449 tués, i 200 blessés.
358 NOTRE MARINE ET NOS MARINS
pays, la flotte qui, dans les premiers jours de septembre i854, se dirigea sur les côtes
de la Crimée, comptait 35o navires portant une armée de plus de 60000 hommes.
Dès que le siège de Sébastopol fut commencé, la marine coopéra vivement avec
les troupes de terre. On demanda même
anglaise et française aux
de mettre à flottes
terre un nombre de gros canons suffisant pour répondre aux énormes pièces qui gar-
nissaient une partie des murs de la ville. L'escadre française eut ainsi dans les batte-
ries a terre 1 000 matelots
avec 3o bouches à feu. On
peut dire
que la conduite
qu'ils y tinrent et le rôle
Un navire se à couple d'un autre en s'amarrant le long de son bord, d'un côté ou de l'autre,
("') place
NOTRE MARINE ET NOS MARINS
35g
qui défendait la principale des îles d'Oland. Une autre petite escadre, également
formée de navires des deux nations alliées, alla jusque dans la mer Blanche détruire
Baltique et de la mer du Nord, empêchée d'ailleurs par le tirant d'eau de ses unités
d'ajjprocher à portée utile d'une côte trop basse, ne put rien entreprendre contre la
La maîtrise de la mer, que nous gardâmes d'une façon indiscutable, nous permit de con-
server toutes nos relations aArec l'étranger et de recevoir des pays neutres, aussi facilement
qu'en pleine paix, des Aivres, des armes, des objets d'équipement dont nous avions le plus
Urgent besoin.! Services que l'on eût encore beaucoup mieux appréciés si la lutte se fût pro-
longée dâA'antage. En dépit de nos désastres, on peut affirmer que la possession de l'Océan
nous procura pendant cette guerre dé précieux avantages et ressources. Nous
d'indispensables
assurer cette possession, c'était tout ce que
' ' pommait faire notre flotte, et elle ne faillit pas à
sa tâche Q. -
ganes vitaux des navires à l'abri des projectiles. En réalité, les marins de cette époque
comptaient encore plus sur leur voilure que sur leurs machines pour se tirer d'affaire
dans tous les cas.
Quoi qu'il en soit, le Bouvet se trouva, avec sa chaudière crevée, hors d'état de
continuer la lutte, que d'ailleurs son adversaire, fort malmené, ne tenait pas à pro-
longer. Le Bouvet, hissant ses voiles, reprit la route de la Havane pendant que le
Météor s'écartait de son côté.
croiseurs prussiens, qui avaient quitté les côtes de la Baltique avant que
Quelques
notre escadre les bloquât, jetèrent, pendant les premiers jours, un certain trouble
dans notre marine de commerce. Mais nos bâtiments, envoyés à leur poursuite, ne
tardèrent pas à mettre bon ordre à la situation. h'Augusta, qui avait paru à l'embou-
chure de la Gironde, dut se réfugier à Vigo pour n'en sortir qu'à la fin de la guerre.
Il en fut de même pour les grandes corvettes prussiennes Herta et Médusa, en Chine,
Arcona aux Açores. Le rôle de la marine allemande se réduisit, on le voit, presque
à rien.
Lorsqu'eut sonné l'heure fatale des grands désastres, la majeure partie de nos
navires de guerre, exception faite pour ceux qui surveillaient le littoral allemand,
à terre
n'avaient plus rien à faire. Aussi se décida-t-on à les désarmer et à utiliser
SAUVAIRE JOURDAN PL. VIII.
des hommes sur le moral et sur la discipline desquels on savait pouvoir compter.
Cette espérance ne fut point déçue.
Cinq jours après le désastre de Reichshoften, les premiers marins arrivaient à
Paris dégarni de troupes régulières. Leur présence y produisit une grande sensa-
tion de réconfort. Il en vint ainsi 9000, provenant de tous les ports, des écoles de
canonniers et de fusiliers de la flotte, de 4o transports que l'amiral Roze, préfet
maritime de Cherbourg, avait su armer au milieu de difficultés en apparence
inextricables, et qui étaient
primitivement destinés à
siège de Paris.
Les marins reçurent des
FIG. — Combat du Bouvet et du Météor devant la Havane.
274.
postes d'honneur. On leur
confia la défense des forts
de Saint-Denis et de six forts de l'Est et du Sud. Ils durent, tout d'abord, mettre en
état de supporter les attaques qui ne devaient point tarder à se produire, ces ouvrages
dont la plupart étaient seulement à moitié prêts et démunis de toutes installations
pratiques.
Il faut avoir assisté à la transformation rapide et complète des forts pour avoir l'idée du
travail qu'eurent à accomplir nos matelots. Pour remplacer des misérables canons qui armaient
seulement quelques embrasures, on fit venir des ports des pièces de i6cm, de 19e'" et 2 pièces
de 24cm dont la justesse et la portée surprirent les Parisiens et gênèrent beaucoup l'ennemi (').
(') Louis REYBAUD, La marine au siège de Paris. Iteoue des Deux-Mondes, janvier 1871.
( 2) Ibidem.
362 NOTRE MARINE ET NOS MARINS
La défense des forts de Paris, confiée à nos marins, fut admirable. Les Parisiens
ne l'ont pas oublié. Soumis au feu lé plus intense, ils tinrent jusqu'au bout sans ^fai-
blir, rendant coup pour coup, réparant la nuit les dégâts, souvent énormes, que
produisaient les obus allemands pendant le jour.
Le fort de Montrouge, où commandait le capitaine de Araisseau Amet, peut être
donné commeexemple de l'héroïque et belle contenance que firent les six forts de
Paris confiés à nos matelots. L'importance de Montrouge, reconnue tout d'abord par
l'Etat-Major allemand, lui Aralut d'être de bonne heure soumis à un bombardement
intensif.
Du 5 jamùer au 26, date de l'armistice, une grêle d'obus ne cessa dé tomber sur
le fort, détruisant les bâtiments et les casemates, rem'ersant les pièces sur les para-
pets, creusant de profonds et sanglants sillons dans les rangs de l'équipage, dont
cette aAralanche de fer ne réduisit pas un instant le courage et l'entrain. Certains jours
le nombre des coups de canon tirés par le fort dépassa 65o.
Dès le 20 janA'ier, Montrouge n'est
plus qu'une ruine, presque tous les abris ont
été détruits, la caserne n'existe plus ; les terres des parapets labourées par les boulets
n'offrent plus aucune consistance, le mur d'enceinte présente une large brèche par
où l'escalade serait facile ; mais les pièces constamment bouleversées par ies coups
d'embrasure de plus en plus nombreux, sont, après chaque accident, ramenées au
gouA'ernement décida d'avoir recours aux mesures de rigueur pour forcer la Chine à
exécuter enfin ses engagements et à payer le prix du sang que nous coûtait sa félonie.
La Pagode.
(') Les cuirassés Bayard et La Galissonnière, faisaient de l'escadre des mers He Chine,
qui également partie
n'avaient entrer dans la rivière à cause de leur tirant d'eau
pu Min, trop élevé.
364 NOTRE MARINE ET NOS MARINS
Tout ceci constituait pour l'escadre française une situation qui pouvait paraître
critique. De plus, en cas d'insuccès devant Fou-Tchéou, un désastre devenait pro-
bable, si on avait à battre en retraite vers la haute mer. La rivière Min coule en effet
de Fou-Tchéou à la mer, entre deux étran-
portant.
Enfin, les Chinois avaient préparé, près
de la passe Kimpaï, une ligne de torpilles et
risquer quelque chose pour atteindre de grands buts. De plus, il avait ce don d'ins-
Donc le a3 août i884 à 11 heures du matin, on apprit à bord des navires fran-
çais, et avec quel enthousiasme ! que l'on allait enfin se battre.
Mais trois heures devaient encore s'écouler avant les premiers coups de canon.
L'amiral avait en effet décidé d'engager l'action au moment précis où le courant de
marée descendante s'établirait et où tous les navires auraient par conséquent leur
avant tourné vers la source de la rivière (l).
Par cette décision, l'amiral prenait sur l'ennemi un avantage tout à fait décisif, dit M. Loir,
dans son récit si vit et si image du combat de
la Rivière Min (*). Dans cette position, le
Voila, les trois canonnières et les deux tor-
pilleurs étaient sous le courant par rapport à
l'escadre chinoise et la menaçaient de leurs
étraves. Les Chinois, au contraire, leur pré-
sentaient l'arrière, point faible de tout navire,
et ne pouvaient venir sur eux qu'après avoir
fait une demi évolution complète, c'est-à-dire
après avoir présenté leur travers à nos coups.
Les trois avisos chinois mouillés en aval près
de la douane (fig. 279) avaient, il est vrai,
sur les navires français mouillés en amont, les
avantages qui viennent d'être dits, mais les
trois grands croiseurs Duguay-Trouin, Villars,
d'Estaing, les tenaient sous leur puissante
artillerie; ils étaient de taille à les maintenir
FIG. 278.
— La Saône et le Chùteaurenault, au mouillage de en respect et à leur barrer la route.
Quanloa, apprennent par les projections la défaite de la
flotte chinoise. Il y avait cependant, dans la décision
ger, qui, on peut le dire, tint tout le monde haletant le 23 août jusqu'au moment où
les premiers signes du changement de courant se produisirent.
Notre attaque ne devait pas en effet s'effectuer sans que nos adversaires en fussent
informés. Les procédés appliqués par le Japon quelques années plus tard, et qui
seront, paraît-il, de règle pour les futurs conflits, n'étaient pas encore de mode en
i884. et ni Courbet ni aucun des officiers sous ses ordres n'eussent admis un instant
la possibilité d'ouvrir si peu sympathique
le feu sur fût-il, un
sans l'avoir adversaire,
(') La marée se fait sentir dans la rivière Min bien haut le où étaient mouillées les escadres
plus que point
françaiso et chinoise. Mais en raison du courant de la rivière, le courant de flot se
propre (mer montante)
moins que celui de jusant (mer descendante).
produit longtemps
( 2) M. LOIR, L'escadre de l'amiral Courbet. Notes et souvenirs, éditeurs.
Berger-Levrault,
Dans la soirée du 22. Par les soins du vice-consul, les consuls furent informés à huit heures
( 3) étrangers
du matin, le 23, de ce qui allait se passer; le vice-roi le fut à dix heures.
366 NOTRE MARINE ET NOS MARINS
Les Chinois surent donc, plusieurs heures avant le moment décisif, qu'ils allaient
être attaqués. S'ils avaient été doués du moindre
esprit militaire, ils eussent sans
doute compris l'intérêt majeur qu'il y avait pour eux à ne pas attendre le renverse-
ment du courant et engagé l'action alors que les circonstances leur étaient favorables.
Ils n'en firent rien.
FIG. — Carte de la rivière Min. Position des navires français et chinois au moment de l'attaque
279. générale
(combat de Fou-Tchéou).
L'émotion était grande cependant à bord des navires français, où toutes les pré-
cautions étaient naturellement prises pour parer à une attaque inopinée.
Du pont du Voila qu'il ne quitte pas, l'amiral surveille les mouvements des navires
chinois à bord desquels tout se prépare pour l'action :
Il est calme, comme à son ordinaire, toujours recherché dans sa mise, vêtu d'un veston
en flanelle de Chine, guêtres blanches à ses chaussures, la tête coiffée d'un chapeau de paille
NOTRE MARINE ET NOS MARINS SQ']
blanc dont le ruban noir porte en lettres dorées le nom de « Bayard » le cuirassé qu'il
monte habituellement (').
Sing, touché par la torpille du 45 dans une partie moins Aritale, cherche à échapper
en mettant en marche à toute vitesse. Mais une seconde torpille, placée par un petit
canot à vapeur du Volta que monte le capitaine de frégate Boue de Lapeyrère, aujour-
d'hui ministre de la Marine, démolit son hélice, et le naA'ire, désemparé, parti en
(6) C'est le Vocable sous lequel l'amiral Courbet était connu des Chinois.
368 NOTRE MARINE ET NOS MARINS : .
A quatre heures cinquante-cinq nos bâtiments, qui depuis une heure trente étaient
Les résultats de; là mémorable journée du 23 août 1884 furent annoncés par
Courbet au gouvernement par cette simple dépêche en quatre mots : « Bonne journée
de début ». Elle nous coûtait 6 tués, 27 blessés; aucun de nos bâtiments n'avait
eu d'avarie graA'e. Les Chinois avaient perdu 22 naArires ou jonques, 5 comman-
dants, 3g officiers et plus de 2 000 marins ou soldats!
Mais après cette tâche si brillamment, si héroïquement remplie, il en restait une
autre non moins délicate. Il fallait sortir de cette rivière : aux bords hérissés de dé-
fenses dont quelques-unes Arraiment formidables, aux fonds semés d'épaA'es, de tor-
d'occuper les premiers postes, descendit lentement le fleuve, détruisant en les pre-
nant à revers et à mesure qu'elles; se présentaient sous leur feu, les batteries et:
défenses diverses installées sur les riAres, et qui généralement étaient disposées pour
canonner un ennemi remontant et non descendant.
Lorsque le feu de l'artillerie aArait bouleversé pièces et casemates, forcé les garni-
sons à s'enfuir, quelques détachements de marins "allaient acheter l'oeuvre de des-
truction au moyen de pétards de fulmi-coton. ; ... .'
Dès le second jour de cette naAÏgation, un spectaclelùgubre, accompagné d'ef-
fluves abominables, A>int affecter sans relâche les yeux et les narines de nos matelots.
C'était celui de centaines de cadaATes de marins et soldats, chinois, remontés à la
surface, boursouflés dans leurs ceinturons de cuir, qui passaient et repassaient sans
cesse entraînés par lé flot et le jusant. Ces lamentables débris s'accrochaient aux
chaînes des ancres, tourbillonnaient dans les remous des hélices ;; c'était à soulever
les coeurs les plus solides. ::::.-
Le 29 août à midi, lès casemates, batteries blindées, de la passe Kimpaï qui forme
le dernier étranglement de la rivière Min étaient dans un état de bouleversement,
d'effondrement complets. La porte sur la mer était enfin ôuATerte à notre escadre
qui sortait glorieusement de la souricière où, depuis quarante jours, elle s'était
SAUVAIRE JOURDAN PL. IX.
volontairement enfermée. Six jours d'une lutte acharnée aA^aient été nécessaires pour
briser tous les obstacles.
Le moment où les bâtiments de l'amiral Courbet franchirent la [passe fut des plus
impressionnants. L'auteur de ces lignes et tous ceux à qui échut la chance d'être de
cette fête en garderont un impérissable souvenir.
Un soleil éclatant brillait sur les collines Arerdoyantes, encheA^êtrées, entre les-
quelles le fleuve roule ses eaux profondes. De toutes parts, sur les crêtes de ces
hauteurs, flottaient au vent des milliers de paA'illons et d'étendards plantés autour
des innombrables camps de l'infanterie chinoise qui assistait impuissante au dernier
acte du drame.
Sur les bords du Min, la désolation la plus complète. Ce ne sont que forts éAren-
trés, canons brisés,.plaques de cuirasses défoncées, casemates écroulées; une ma-
çonnerie éboulée laisse apercevoir un blindage formépar de Arieux canons placés
côte à côte verticalement et noyés dans le béton que nos obus ont fait sauter.
Au milieu de toutes ces ruines,- pas .une âme. Un silence absolu. Quelques ca-
davres se voient le long des mûrs qui relient les camps retranchés des hauteurs aux
fortifications du bord de la rivière. Ce sont les malheureux qui, fuyant la déArasla-
tion des batteries, ont été tués par la mousqueterie ou les Hotchkiss pendant qu'ils
cherchaient.à regagner les camps à l'abri de ces murs. On distingue nettement,
la dislance est si courte, le grand soleil rouge brodé dans le dos de leurs casaques
jaunes.
Dans cette scène de désolation, nos navires, en ligne de file, glissent lentement
vers la haute mer dans la passe étroite. En tête de leurs mâts, à leur poupe, flotte
fièrement le pavillon tricolore vainqueur.
Nos morts de Bac-Lé étaient bien vengés (*)!
— Le 3o juillet
Casablanca. 1907, la population fanatisée de la ville marocaine
de Casablanca, située sur la côte atlantique, massacrait neuf ouArriers européens
employés aux travaux
du port, sans que la débile autorité représentée par les fonc-
tionnaires du Maghzen, intervînt pour mettre un terme aux troubles.
Dès la nouvelle connue à Tanger, le croiseur protégé fiançais Galilée était envoyé
en hâte et arrivait devant Casablanca le 1cr août.
La ville est ceinturée de murs, même sur le port, ou du moins sur la plage rela-
tivement abritée
qui en tient lieu. Une seule porte, nommée porte de la Douane,
percée sous un bastion, donne accès dans la Aolle en passant sous une Aroùte fermée
^dirigé avaient en majeure partie quitté la A'ille et s'étaient réfugiés sur les navires
mouillés au large. Il restait cependant au consulat, avec le consul, sept Français et
( 4) Les pertes totales de l'escadre française, y compris celles du 23 août, furent de 10 tués dont i officier, 48
blessés dont 6 officiers. On estime, d'après des renseignements officiels chinois, que les perles matérielles infli-
gées au gouvernement chinois avoisinèrent 5o millions.
deux dames, et il importait au plus haut point de protéger leurs existences, tout en
éAitant les mesures qui eussent une apparence de provocation, de façon à empêcher
l'explosion finale.
Le capitaine de frégate Olhvier, commandant du Galilée, au milieu de ces cir-
constances des plus critiques, sut faire ce qui était nécessaire. Pour parer au plus
pressé, un premier groupe de 10 marins commandés par un officier gagne par groupes
de deux personnes le consulat et s'y installe. Puis on obtient du caïd de la Aille,
Bàllande, arrivé sur le terre-plein du haut de la rampe, à cinq ou six mètres de la porte
grillagée de la Marine, aperçoit qu'on ferme ses battants ouverts depuis de matin, et derrière,
des Askris armés se rassemblent. Il crie: « Ouvrez ». Les vantaux continuent à se rapprocher
et par le grillage une salve répond qui ne blesse: personne à cause du terrain en contre-bas.
Bàllande, sans s'arrêter, court à la porte et d'un A'iolent coup de poing écarte l'un des pan-
neaux au moment où on s'efforçait de pousser leA^errou. La garde d'Askris se replie et tire préci-
pitamment, mais Bàllande resté sur le seuil se retourne et commande : « Chargez les armes,
en aArant à la baïonnette ». Le second maître Labaste répète ses ordres et les premiers rangs
arrivent en face de la porte. NouA'elle décharge du poste et cette fois une balle traverse la
main de Bàllande qui brandissait son sabre. Le sabre tombe. Bàllande le ramasse de la main
gauche et crie en se releArant: « En avant, feu à volonté! >n Labaste s'élance derrière lui et
enlèA'e sa section en répétant: « Allons, mes garçons, hardi, en avant à la baïonnette! ». Il
les entraîne sous la voûte de la porte qu'il franchit au pas de course. Mais en débouchant sur la
rampe de la douane, il s'arrête brusquement. Une balle vient de lui traverser la poitrine, brisant
la claATicule gauche, et remontant près de fa colonne vertébrale ; il ne peut plus crier, il a la
bouche pleine de sang, mais il garde sa place et réprend le pas'de charge à côté de ses hommes.
La première section a abattu presque tout le poste de la douane dont les survivants se
sauvent ou se cachent derrière les sacs d'orge empilés dans la rue. En haut de la rampe, unt
feu de salve dégage la voie et la colonne pénètre dans Casablanca, se ruant à la baïonnette,
et ne s'arrêtant après chaque bond de cinquante mètres que pour de nouveaux feux. Les Arabes
accourus en armes et les soldats venus des bastions lâchent précipitamment leur coup de
fusil et se dissimulent dans les encoignures. La charge balaie tout sur son passage. Les sol-
dats restés sur les remparts tirent sur nos flancs. Des rues avoisinantes, les balles sifflent,
parties des fenêtres des maisons ou des ouvertures des magasins. Le poste de la prison essaie
de narrer la route.
Les feux de salve le
dispersent. Ceux qui
ne tombent pas se sau-
vent pour revenir par
un détour sur les der-
rières du détache-
ment. Les marins sont
entourés et les der-
nières lilcs serrées de
près. Le quartier-
maître de mousque-
terie Thierry, qui mar-
chait à l'arrièreprès du
médecin, reçoit une
balle dans la cuisse.
Le marin Charpentier
a le bras fracassé. Les
blessés comprennent
qu'on ne peut inter-
rompre la marche
pour eux, ils suivent
péniblement en s'ap-
puyant sur les cama-
rades et en laissant
une traînée de sang.
Les Marocains enhar-
dis approchent davan-
tage.
Le gabier Maillard
qui se trouve avec les
torpilleurs-mineurs à
l'avant-dernier rang,
s'en aperçoit en se
retournant ; il s'écrie :
FIG. 280. —• La
Compagnie de débarquement du Galilée pénètre dans Casablanca. « Mais, docteur, ils
sont tout près ! ».
La colonne s'arrête
pour dégager un carrefour par des feux de salve. On en profite pour
faire face aux assaillants.
Le torpilleur Le Gars met en joue les Arabes les plus rapprochés qui se défilent sur le seuil
des portes. Maillard qui ne peut tirer, car il porte un fusil destiné aux hommes du consulat,
et par suite, n'a pas reçu de cartouches, assomme à coups de crosse, autour de lui. Les
autres torpilleurs font place nette à coups de revolver. L'arrière se dégage ainsi et réussit à
éloigner suffisamment l'adversaire pour continuer à suivre le gros à l'allure réduite des blessés.
Bàllande en tête avance toujours. Les hommes excités chassent par leur tir plus précis et
plus nourri comme par leur élan furieux tout ce qui se trouve devant eux. Le long du
chemin, les baïonnettes fouillent les gourbis et les paillottes en roseaux.
NOTRE MARINE ET NOS MARINS
372
par un piano.
Enfin, des Aroix françaises répondent. On écarte l'ameublement consulaire et les marins
pénètrent dans le jardin.
Bàllande entre le dernier ; les hommes s'effacent sur son passage de chaque côté de l'allée
et A'oyant son Areston blanc rougi par sa main sanglante crient: « Vive le lieutenant ! ». Ils;
ont compris que sans lui, ils ne seraient pas entrés dans Casablanca, ni arrivés au terme.
Labaste n'en peut supporter daA'antage. Il se couche épuisé, suffoqué par le sang, tournant
vers le docteur Brunet des yeux d'angoisse et ce regard de muette interrogation qui Areut dire
tant de choses chez ceux qui sentent la mort.
Pendant ce temps, une contre-attaque furieuse se produisait à la plage, où la situation des
canots qui avaient amené le détachement à terre et qui y restaient échoués devenait très critique.
Les balles pleuA'aient sur eux et les blessés se faisaient nombreux;
Pendant que ses quelques hommes travaillent à remettre les embarcations à flots, l'enseigné
de Araisseau de :Saizieu pointé lui-même et tire sans arrêt la petite pièce de 37mm placée à
l'avant d'un dès canots. Enfin, le convoi peut s'éloigner poursuivi par la fusillade et les
canons des remparts.
A bord du Galilée, l'émotion était intense. On croyait à une promenade militaire et on entend
la terrible fusillade. Que devient le détachement des 66 hommes noyés dans cette ville fanatisée
de 3oooo âmes?
Enfin du consulat on signale : « Détachement arrivé. Bombardez la ville ! » Après quelques
minutes d'une hésitation bien compréhensible, les canons du Galilée ouvrent le feu sur le
bastion du rempart d'où est partie l'attaque, puis sur la A'ille arabe.
Dans le consulat, où sont entassés les Européens, réfugiés tout d'abord sur un vapeur et
qui sont reA'enus. à terre, un certain affolement règne. On regrette l'asile "flottant malgré les
rassurantes affirmations de nos marins que démentent d'ailleurs le bruit crépitant de la fusil-
lade et l'éclatement des obus du Galilée. 5
Dans cette confusion, une femme à cheveux blancs, calme, résolue et souriante, offre son
dévouement et ses services à tous.
Les premiers entrés au consulat l'avaient trouvée dans leVestibule, le revolver à la main;
puis, la maison:occupée par les marins, elle avait dit au docteur Brunet: « De quoi avez-vous
besoin pour vos blessés, de l'eau chaude, du thé, du café? ». C'était Mme Maigret, mère du
vice-consul. Son plus jeune fils, âgé de quinze ans, montrait le même courage. .
Pages.
PRÉFACE . vu
CHAPITRE 1
Le Port de guerre.
CHAPITRE II
Antiquité du navire de guerre. — Birèmes et trirèmes. — Controverses sur les rames. — Drakkars nor-
mands. — Les nefs des croisés. — Prix d'un passage pour la Terre sainte. — Là Moni-Joye de
saint Louis. — Transformations produites dans le bâtiment de combat par l'introduction des
— Galères et — Galéasses. — Les caravelles de Colomb. —• Les vaisseaux
pièces à feu. galériens.
du xvnc siècle. — Le bâtiment de guerre au siècle de Louis XIV. — Le Soleil royal. — Puget.
— d'un vaisseau et de son armement. — Bôle des — Révolution
Description frégates. par la
— L'hélice. — Le
vapeur. Napoléon de Dupuy de Lôme. •— La cuirasse. — Les croiseurs rapides
en 1876. — Le navire moderne. :— Croiseurs protégés. — Croiseurs cuirassés- — Le tonnage du
cuirassés —Les Dreadnoughl, naval entre l'Angleterre et l'Allemagne. — Etat
—L'antagonisme
TABLE nES MATIÈRES
37^
CHAPITRE III
Description sommaire d'un cuirassé. — Le caisson blindé renferme les organes vitaux du navire. —
Machines. — à gouverner.
Appareils
Le blockhaus. — Son — Le blockhaus du Césarevitch à la bataille du 10 août igo/5. — La
importance.
— Tube de lancement. — Sous le
torpille automobile. pont cuirassé. — L'efficacité de la torpille
automobile. —; — Les derniers
Quelques exemples démontrent qu'on peut s'en garer. progrès
réalisés. —
L'éperon est abandonné.
Les moyens défensifs. — La cuirasse. — La lutte de la cuirasse et du canon. — Cuirasses de fer. —
Cuirasses d'acier. — Procédé Harvey. — L'acier-nickel. — La cémentation. — Les
épreuves des
plaques.
Chaudières de divers modèles. — Tubes de feu et tubes d'eau. — Le charbon. — Ce qu'en consomme un
navire. — Le rayon d'action. — Ravitaillement, en rade, à la mer. — L'exemple de la flotte
russe de Rodjestvenski. — La chauffe au pétrole. — des bons tuyaulages de vapeur.
L'importance
— Machines. —
Usage de la vapeur en détente. — Machines à multiples — Machines
expansions.
horizontales. — d'une machine de 17500 chevaux. — Les turbines à
verticales, Description
— Installation du Danton. — Examen comparatif
action, à réaction. des turbines des machines
à turbines et alternatives. — Les moteurs à — Le moteur Diesel. — Les moteurs à
explosion.
gaz • < 79
CHAPITRE IV
L'Artillerie navale.
CHAPITRE V
La valeur du personnel prime tout, en fait de marine. — Les officiers de vaisseau. — Leur recrutement.
— L'Ecole navale. Ce — Fislots et anciens. — L'Ecole d'application. — Les
qu'on y fait. postes
TABLE DES MATIÈRES 375
L'échelle dés grades des officiers dans la marine française. — Nombre d'officiers
d'aspirants,.—
de chaque grade. — Comment ils vivent à bord. — Les tribulations de l'officier en second. —
La gamelle et le cap Fayot. — Officiers des corps auxiliaires. — —
L'équipage. L'inscription
maritime. — Les Écoles de spécialités. — Les exercices. — Lancements de torpilles. •— Le cône
de choc. — Tirs du canon. Comment on apprécie leur justesse. — La journée du marin. —-
Le débrouillard. — Le et ses fonctions. — Le branlebas et les —
maître-coq permissionnaires.
Le hamac, roi des lits. — L'échelle des grades pour le marin. — La m'aislrance. — L'école des
élèves-officiers. . 171
CHAPITRE VI
Les essais Officiels du navire de guerre. -— Avant de partir pour sa destination le navire règle ses compas.
— cette opération est nécessaire. — Le magnétisme terrestre. — —
Pourquoi Usage du compas.
Comment on trouve sa route sur mer. — La loxodromie et la projection de Mercator. — Le
— de l'officier — Les — Faire 3e
quart. Responsabilité qui le commande. compensations. point.
— Mesure de la vitesse d'un navire. — Sillomètre et loch. — Ce qu'est un noeud marin, et d'où
vient cette expression. — Le — Le sextant et lés hauteurs
point estimé et le point observé. d'astres.
— Deux méridiens — La semaine des deux Jeudi. — Le chronomètre.
origines. Son usage en
-— Un •— Les vents. — — Pluies
navigation. peu de météorologie maritime. Typhons et cyclones.
de sable et de grenouilles. — Courants. — Les
épaves de navires qu'ils promènent..—• Derelicts.
-— — —
Dangers qu'ils font courir aux paquebots. Spectacles que présenté la mer.— Icebergs.
La brume et ses méfaits. — Aurores boréales. — Cétacés, marsouins et poissons volants. — Le
— Un homme à la mer 1 — — Son-
baptême de la Ligne. —Les grandes lames. L'atterrissage.
deur Thomson. — L'odeur de la terre. — bouées et balises. — Les cloches
Phares, signaux par
sous-marines. 217
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
Sous l'eau.
CHAPITRE IX
Bévéziers. —
Pourquoi on cherchait dans les combats, a prendre l'avantage du vent. — Barfleur. —- Une
scène impressionnante à bord au Soleil royal. — « Messieurs, par ordre du roi! » — Désastre
de La Hougue. —- Les grands corsaires. — Jean Bai-t et Duguay-Trouin. — Guerre de course. —
FERNAND DECOURT
couverture . . . . 6 fr. »
Broché, aquarelle.
Avec reliure toile en couleurs. . . . ... . . 10 fr. »
(fers spéciaux)
mille incidents,
A travers dont certains sont particulièrement la mission Kerdalec accomplit au
dramatiques,
1
Soudan là tâche difficile qu'elle a assumée.
Elle s'est proposé d'opérer une véritable commerciale à l'intérieur de l'Afrique occidentale, et,
pénétration
vastes de notre
par là même; d'étendre l'influence française dans cette région, l'une des plus belles et des plus
et la connaît à merveille, a voulu
domaine colonial, mais aussi l'une des moins connues. L'auteur, qui l'aime
nous là faire .connaître et aimer.
A la faveur d'un récit il nous donne les renseignements
extrêmement géographiques et économiques
attachant,
les 'plus complets. Très intéressant, très instructif, le livre est également très moral puisqu'il offre aux jeunes
et d'énergie. Il leur montre en effet
geïis pour lesquels il a été spécialement écrit, une belle leçon d'initiative
obtient toujours sa récompense...
que, dans les conditions les plus difficiles, l'effort intelligent et persévérant
. L'ouvragé est abondamment illustré de dessins, de photographiés et de caries qui lui apportent l'attrait d'une
La Chine offre aux yeux d'un Occidental de contradictions, toutes plus grotesques les unes que les
quantité
autres. Aussi est-il nécessaire dé les observer si l'on veut apprécier avec fidélité un pays dont le
soigneusement,
charmé et l'intérêt
captivent tout voyageur intelligent.
Grâce à celte méthode suivie durant un long séjour en Chine,,l'auteur a recueilli toute une série d'impressions
et dé faits qui ont le mérite dé la sincérité et de l'exactitude psychologique. Ce sont là des documents précieux,
car ils nous donnent une idée de celle àme chinoise si fuyante, si difficilement sâisissable, et surtout profondé-
ment dissemblable de la nôtre.
des scènes les plus curieuses, des monuments, les plus
, D'admirables,photographies éyoquent quelques-unes
étranges d'un pays d'autant plus séduisant qu'il garde encore pour nous une saveur d'énigme.
',i,.' Précédemment paru,,.dans la même collection que <r En Chine: Choses vues » :
PAUL DOUMER
'
La Navigation aérienne"
(Ouvrage couronné par l'Académie française.)
Par J. LECORNU, Ingénieur, Membre de la Société française de Navigation aérienne. — Un volume
31x21e" 1, titre rouge et noir, illustré de — Broché: 10 fr. -^- Relié toile, fers
3g3 gravures.
spéciaux, tranches dorées: 14 fr. — Relié amateur, dos et coins maroquin, tête dorée: 18 fr.
La Navigation sous-marine
Par G.-L. PESCE, Ingénieur. —Un volume 31X2icm, titre rouge et noir, illustré de 356 gravures.
Broché : 10 fr. — Relié toile, fers spéciaux, tranches dorées : 14 fr- — Relié dos et
amateur,
coins maroquin, tête dorée : 18 fr.
LES MICROBES
(Ouvrage couronné par VAcadémie française.)
Par "le Dr P.-G. Chef de laboratoire à l'Institut Pasteur. — Un volume illustré
CHARPENTIER, 3i/2icm,
de 275 gravures et d'une planche hors texte en couleurs. Broché : 10 fr. — Relié toile, fers spéciaux, tranches
dorées : 14 fr. — Relié dos et coins dorée : 18 fr.
amateur, maroquin, tête
«... Les premiers chapitres de cet ouvrage traitent des microbes en général, de leur naissance, de leurs conditions de vie,
de la manière dont on arrive à les connaître. Ils contiennent, surtout en ce qui concerne la génération bien des
spontanée,
délaîls intéressants et peu connus : car l'auteur l'histoire de cette grande controverse en remontant aussi haut
ajécrit que
et la il s'est donnée à vieilles et vieilles a été
possible, peine qu compulser paperasses estampes récompensée par plus d'une
rurieusc trouvaille. Puis M. Gharpenlier nous fait connaître les microbes bienfaisants nous devons le pain; les
auxquels
boissons fermentées et beaucoup d'autres bonnes choses; l'activité de ces modestes travailleurs, dont on ne'parle le plus
souvent que pour en dire du mal, se chiffre tous les ans à des centaines de millions...
La famille des microbes malfaisants est innombrable aussi : diphtérie, tuberculose, fièvre jaune,
typhoïde, peste, choléra,
paludisme, maladie du sommeil sont les noms des mais M. en étudie bien d'autres encore. Des
plus mauvais, Charpentier
maladies causent, venues des pays lointains, sont surtout et l'histoire de leurs invasions'
qu'ils beaucoup, épidémiques,
montre par quelle voie elles nous arrivent et de retracer, semaine par semaine, leur marche en avant...
permet
13 est heureusement certain ne la même extension le
qu'ils prendraient pas aujourd'hui que par passé : toutes les nations
occidentales se sont armées pour les combattre, et les règlements élaborés en prévision d épidémies en assureront l'extinction
et sur ces soient C'est là le et M.
rapide place, pourvu que règlements appliqués. point délicat, Charpentier qui insiste
beaucoup, et avec raison, sur le çôlê hygiénique et social de la question, sait mieux que personne soulèvent
quelle opposition
des mesures prophylactiques ne sont sans
qui pas gêner quelque peu ceux qui en sont l'objet. La lecture de son livre pourra
convaincre que l'on n'a le choléra, ou la peste que si on le veut bien. » Bévue du
(La Mois).
Librairie VUIBERT, 63, boulevard Saint-Germain, Paris, Ve.
L'Océanographie
couronné l'Académie des Sciences.)
(Ouvragé par
du Musée de Monaco. — Un volume
Par le Dr RICHARD, Directeur océanographique 3i/aicm,
titre et noir, illustré de 33g gravures. Broché: 10 fr. — Relié toile, fers spéciaux,
rouge
tranches dorées : 14 fr. — Relié amateur, dos et coins maroquin, tète dorée : 18 fr.
10 fr.
rouge et noir, illustré
Un volume SiXai0™, titre de magnifiques gravures. Broché:
(2e édition)
— Relié fers spéciaux, tranches dorées : 14 fr Relié amateur, dos et coins tête
,.,. toilej maroquin,
dorée : 18 fr.
L'Or! Il n'est plus rebattu et cependant plus nouveau; il n'en est pas de plus
pas de sujet plus attrayant,
ne saurait raconter l'histoire d'une pièce d'or sans toucher à la chimie et à là physique, à la
Universel, puisqu'on
de l'art et des sciences, à la géographie, à l'économie
géologie et à la minéralogie, à la métallurgie, à l'histoire
politique, à la sociologie. Ce vaste sujet a purement été traité dans son ensemble, M. Hauser a tenté de n'en
sacrifier aucune partie.
Et c'est vraiment, en raccourci, un résumé de l'histoire de l'humanité, de ses longs et courageux efforts vers
lé bien-être, vers la science, vers la civilisation. Tout est dans tout, a-t-on dit bien souvent. Nous dirions
tant de notions, tant
que tout est dans ce livre où, autour d'un mince fil d'or, l'auteur
volontiers a su enrouler
de souvenirs, tant de faits et tant d'idées.
A Travers .T.Électricité
Par G. DARY. — Un volume illustré de belles, gravures, titre et noir,
3i/3icmj 877 rouge
4e édition. — Broché : 10 fr. — Relié
toile, fers spéciaux : 14 fr. — Relié amateur, dos et coins
tête dorée: 18 fr. .
maroquin,
Ce livre est enrichi de belles illustrations ; les unes proviennent dé dessins finement gravés ; les autres de
photographies prises dans.le monde entier.
'
De nos jours l'électricité envahit tout ; elle s'associe de plus en plus à notre existence. On est arrivé à assouplir,
à domestiquer celte force inouïe, et chaque jour marqué de nouveaux progrès ; de sorte que celui qui vit sur les sou-
venirs d'un passé cependant très rapproché et qui cherche à comprendre ce qu'il a sous les yeux, est souvent dérouté.
Le livre de M. Dary sera pour tous un guide précieux. Mais il n'a pas l'aridité d'un traité technique. C'est avant
tout un livre d'élrennes, où la science se fait aimable, où le côté historique a sa large place et où les anecdotes abondent.
-
H est d une lecture attachante, passionnante même en raison des merveilles qu'il étale sous les yeux du lecteur.
PREFACE
CHAPITRE I Le Port de guerre.
Aspect spécial de nos villes maritimes. - Le quai de Toulon. - Les "m'enfatort". - L'heure des permissionnaires et celle du canot-major. - Le pointu. - L'arsenal. - Le préfet
maritime et ses attributions. - Nos cinq arrondissements maritimes. - Cherbourg et sa digue. - La rade de Brest. - Le raz de Sein. - Dangers semés aux abords de Brest. -
Les grandes marées des côtes de Bretagne. - Lorient. - Bénédiction des Courreaux de Groix. - Rochefort et ses rades. Elles forment un point de refuge qu'on ne saurait
abandonner. - Toulon. - Histoire tragique de ce port en 1793. - Bizerte et l'arsenal de Sidi-Abdallah. - L'organisation des arsenaux. - Directions. - La salle d'armes et ses
magnificences. - Le navire sur sa cale. - Comment on procède au lancement. - L'achèvement à flot. - Bassins de radoub et docks flottants. - Défense de l'arsenal. -
Torpilles de fond et de blocus. - Les mines sous-marines à Port-Arthur. - Le désastre du Petropavlovsk. - Les effets d'une panique. - La défense des ports par les torpilleurs
et les sous-marins
CHAPITRE II Le Navire de guerre à travers les âges.
Antiquité du navire de guerre. - Birèmes et trirèmes. - Controverses sur les rames. - Drakkars normands. - Les nefs des croisés. - Prix d'un passage pour la Terre sainte. -
La Mont-Joye de saint Louis. - Transformations produites dans le bâtiment de combat par l'introduction des pièces à feu. - Galères et galériens. - Galéasses. - Les
caravelles de Colomb. - Les vaisseaux du XVIIe siècle. - Le bâtiment de guerre au siècle de Louis XIV. - Le Soleil royal. - Puget. - Description d'un vaisseau et de son
armement. - Rôle des frégates. - Révolution par la vapeur. - L'hélice. - Le Napoléon de Dupuy de Lôme. - La cuirasse. - Les croiseurs rapides en 1876. - Le navire
moderne. - Croiseurs protégés. - Croiseurs cuirassés. - Le tonnage du cuirassé. - Les Dreadnought. - L'antagonisme naval entre l'Angleterre et l'Allemagne. - Etat actuel de
la marine française. - Nos futurs cuirassés. - Déclin du torpilleur. - Rôle de plus en plus important du croiseur sous-marin
CHAPITRE III Le Navire de guerre moderne.
Description sommaire d'un cuirassé. - Le caisson blindé renferme les organes vitaux du navire. - Machines. - Appareils à gouverner.
Le blockhaus. - Son importance. - Le blockhaus du Césarevitch à la bataille du 10 août 1904. - La torpille automobile. - Tube de lancement. - Sous le pont cuirassé. -
L'efficacité de la torpille automobile. - Quelques exemples démontrent qu'on peut s'en garer. - Les derniers progrès réalisés. - L'éperon est abandonné.
Les moyens défensifs. - La cuirasse. - La lutte de la cuirasses et du canon. - Cuirasses de fer. - Cuirasses d'acier. - Procédé Harvey. - L'acier-nickel. - La cémentation. -
Les épreuves des plaques.
Chaudières de divers modèles. - Tubes de feu et tubes d'eau. - Le charbon. - Ce qu'en consomme un navire. - Le rayon d'action. - Ravitaillement, en rade, à la mer. -
L'exemple de la flotte russe de Rodjestvenski. - La chauffe au pétrole. - L'importance des bons tuyautages de vapeur. - Machines. - Usage de la vapeur en détente. -
Machines à multiples expansions. - Machines verticales, horizontales. - Description d'une machine de 17500 chevaux. - Les turbines à action, à réaction. - Installation des
turbines du Danton. - Examen comparatif des machines à turbines et alternatives. - Les moteurs à explosion. - Le moteur Diésel. - Les moteurs à gaz
CHAPITRE IV L'Artillerie navale.
Le canon de marine moderne. - Quelques définitions. - De quoi et comment est fait un canon. - La théorie de la rayure. - Son utilité. - La dérivation. - Confection et usinage
d'un canon. - Tirs d'épreuves. - La vis et sa puissance. - L'obturateur. - Son rôle primordial. - L'artillerie à tir rapide. - Nelson en fut l'inventeur et lui doit nombre de victoires.
- Artillerie légère, moyenne, grosse. - Le petit canon de l'Amiral-Souvarov, au combat de Tsushima, qui tirait toujours! - Installation d'une tourelle de 30cm. - Comment on
pointe une de ces tourelles. - Le pointage. - Eléments dont il faut tenir compte. - Ce qui se passe quand on tire une pièce de 30 cm. - La conduite du tir. - Les projectiles. -
La mélinite. - Ses effets au combat de Tsushima. - La poudre sans fumée. - Sa composition. - Ses avantages et ses inconvénients. - Elle craint trop la chaleur. - Quelques
exemples d'accidents. - L'Iéna. - Installation des soutes. - Comment on cherche à y maintenir une température normale. - Surveillance qu'on y exerce. - Comment sont
confectionnées les charges des canons. - Gargousses, douilles, cartouches. - Noyage des soutes
CHAPITRE V Le Personnel. Officiers, équipages. - La vie à bord.
La valeur du personnel prime tout, en fait de marine. - Les officiers de vaisseau. - Leur recrutement - L'Ecole navale. Ce qu'on y fait. - Fistots et anciens. - L'Ecole
d'application. - Les postes d'aspirants. - L'échelle des grades des officiers dans la marine française. - Nombre d'officiers de chaque grade. - Comment ils vivent à bord. -
Les tribulations de l'officier en second. - La gamelle et le cap Fayot. - Officiers des corps auxiliaires. - L'équipage. - L'inscription maritime. - Les Ecoles de spécialités. - Les
exercices. - Lancements de torpilles. - Le cône de choc. - Tirs du canon. - Comment on apprécie leur justesse. - La journée du marin. - Le débrouillard. - Le maître-coq et
ses fonctions. - Le branlebas et les permissionnaires. - Le hamac, roi des lits. - L'échelle des grades pour le marin. - La maistrance. - L'école des élèves-officiers
CHAPITRE VI La Navigation. - Un navire isolé.
Les essais officiels du navire de guerre. - Avant de partir pour sa destination le navire règle ses compas. - Pourquoi cette opération est nécessaire. - Le magnétisme
terrestre. - Usage du compas. - Comment on trouve sa route sur mer. - La loxodromie et la projection de Mercator. - Le quart. - Responsabilité de l'officier qui le
commande. - Les compensations. - Faire le point. - Mesure de la vitesse d'un navire. - Sillomètre et loch. - Ce qu'est un noeud marin, et d'où vient cette expression. - Le
point estimé et le point observé. - Le sextant et les hauteurs d'astres. - Deux méridiens origines. - La semaine des deux Jeudi. - Le chronomètre. Son usage en navigation.
- Un peu de météorologie maritime. - Les vents. - Typhons et cyclones. - Pluies de sable et de grenouilles. - Courants. - Les épaves de navires qu'ils promènent. - Derelicts.
- Dangers qu'ils font courir aux paquebots. - Spectacles que présente la mer. - Icebergs. - La brume et ses méfaits. - Aurores boréales. - Cétacés, marsouins et poissons
volants. - Le baptême de la Ligne. - Les grandes lames. - Un homme à la mer! - L'atterrissage. - Sondeur Thomson. - L'odeur de la terre. - Phares, bouées et balises. - Les
signaux par cloches sous-marines
CHAPITRE VII La Navigation en groupe. - Le combat.
Les escadres et les divisions. - La marque de l'amiral. - Répartition de nos forces navales. - Nécessité de l'homogénéité. - Les signaux, leurs différents modes. - La
télégraphie sans fil. - Comment une escadre se forme pour naviguer, pour combattre. - Services que rendent les sémaphores. - La tactique des flottes nombreuses. -
Comment une escadre se garde, s'éclaire. - Dispositions pour la bataille. - Le combat. - Rôle des croiseurs cuirassés. - La guerre de course. - Le droit de visite. - Pirates
modernes. - Le blocus, les effets qu'il peut produire
CHAPITRE VIII Sous l'eau.
Quelques mots sur les origines de la navigation sous-marine. - Les scaphandres. - Profondeurs qu'ils permettent d'atteindre. - Le repêchage des richesses enfouies sous la
mer. - Les galions de Vigo et les 30 millions de la Lutine. - Un sous-marin pour la cueillette des éponges. - La pêche des perles. - Un peu d'océanographie. - Aimé, le
précurseur. - Appareils de sondage. - Les plus grands fonds. - Des poissons pêchés à 6000 mètres de profondeur. - Bentos, Nekton et Plankton. - Les sous-marins
modernes. - Une croisière de quarante jours. - L'efficacité du sous-marin est démontrée. - Le moteur Diésel. - Le danger des moteurs à essence.
La navigation sous-marine n'est pas plus dangereuse qu'une autre. - Trois malheurs sur près de 60000 plongées. - Le périscope. - Singulières méprises. - La torpille, seule
arme du sous-marin. - Ce qu'on trouve sur et dans un sous-marin. - Comment on y respire. - Un appareil de sauvetage pour les équipages de sous-marins
CHAPITRE IX Notre marine et nos marins.
Bévéziers. - Pourquoi on cherchait dans les combats, à prendre l'avantage du vent. - Barfleur. - Une scène impressionnante à bord du Soleil royal. - "Messieurs, par ordre
du roi!" - Désastre de La Hougue. - Les grands corsaires. - Jean Bart et Duguay-Trouin. - Guerre de course. - Piraterie. - Flibustiers et boucaniers. - Le pavillon des Frères
de la Côte. - Grandeur de la marine française sous le règne de Louis XVI. - La tactique du bailli de Suffren. - Le combat d'Ouessant et la légende du Vengeur. - La flotte
d'Egypte. - Aboukir. - La flottille de Boulogne. - Trafalgar. - Comment mourut Nelson. - Navarin. - Ecrasement de la flotte turco-égyptienne. - La Crimée. - Nos marins au
siège de Sébastopol. - Apparition des navires cuirassés au bombardement de Kimburn. - Rôle important de la marine en 1870. - Elle a maintenu nos communications avec
l'étranger et permis à la nation de vivre et de combattre. - La défense des forts de Paris par les marins. - Campagne de l'amiral Courbet en Chine. - Les combats de la
rivière Min. - Prouesses de deux petits torpilleurs français. - Destruction de la flotte chinoise. - Le terrible Coupa! - Comment on descend une rivière encombrée de forts et
d'obstacles divers. - Les marins du Galilée à Casablanca. - Les femmes de France au danger