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Les faucons
attaquent
Les F-16 israéliens, 1980-1982
L 19853 - 643 H - F: 8,20 € - RD
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ACTUALITES
MUSAF / TY GREENLEES
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En bref
L’USAF met à la retraite Une épave d’avion inconnue
découverte au large de la Sicile
le premier de 13 “Awacs” À 7,5 milles nautiques au large de Sciacca, en Sicile,
Le 6 avril dernier, le Boeing E-3B “Sentry” matricule 75-0560 le 17 mars dernier, lors de l’acquisition de données
a décollé pour la dernière fois de Tinker Air Force Base, dans acoustiques avec un sonar à balayage latéral, qui renvoie
l’Oklahoma, pour rejoindre le fameux cimetière d’avions de Davis- des images du fond marin, dans le cadre d’une mission de
Monthan Air Force Base, dans l’Arizona. Il est le premier des 13 cartographie, le groupe de géologie marine de l’université
“Awacs” qui seront retirés du service de la 552nd Air Control Wing de Palerme a observé l’image acoustique d’une épave
cette année, dont la flotte sera réduite à 18 exemplaires une fois les d’avion, d’environ 20 m de long et d’une envergure
retraits effectués. “Alors que certains peuvent voir ce retrait du service approchant 30 m. Si l’image montre un appareil très bien
comme la fin d’une époque, le retrait de cet avion marque en fait conservé, il n’a pas été possible d’identifier le modèle, la
le début de la modernisation du 552nd, a déclaré le colonel Keven L’E-3B “Sentry” nationalité, ou d’avérer s’il est intact ou contient des restes
Coyle, commandant du 552nd ACW. Malgré une réduction de la flotte, matricule humains. Tous les organismes compétents ont été alertés
notre mission restera la même, celle d’assurer une gestion mondiale 75-0560 afin de préserver l’épave et sécuriser la zone. On sait qu’un
ainsi que des opérations de commandement et de contrôle selon s’arrête devant Savoia Marchetti fut abattu dans ce secteur par la chasse
les besoins.” Âgée en moyenne de plus de 40 ans, la flotte d’“Awacs” le bureau des britannique le 14 août 1942, mais ses caractéristiques
est l’une des plus anciennes de l’USAF. Cette dernière a officiellement opérations ne semblent pas correspondre à l’épave retrouvée.
attribué un contrat à Boeing pour le remplaçant E-7 “Wedgetail” de la base de
fin février, ouvrant la voie au départ à la retraite des “Awacs” ; Tinker le 6 avril
le premier E-7 devrait être opérationnel en 2027. dernier, avant
Le premier exemplaire Boeing E-3 “Sentry” (sentinelle), de s’envoler
pour le 309th
communément dénommé “Awacs” (Airborne Warning & Control
Aerospace
System, système aéroporté de détection et de contrôle) et dérivé
Maintenance
du Boeing 707, fut livré à l’USAF en mars 1977 ; la production s’arrêta
and
en 1992 après la construction de 68 appareils, dont 34 pour l’USAF,
Regeneration
18 pour l’Otan, sept pour le Royaume-Uni, quatre pour la France Group à Davis-
et cinq pour l’Arabie Saoudite. Monthan.
DR
USAF/PAUL SHIRK
“Wellington” restauré
DR
DR
7
ACTUALITES
ALIZÉ MARINE
AERO VODOCHODY
9
LE COURRIER
Avions et pilotes de 1914-1918 la Première Guerre mondiale.
Ce nom n’apparaît pas dans
la base de données “Mémoire
des hommes” des membres de
l’aéronautique militaire, mais
celle-ci est loin d’être exhaustive.
Quant à Cathelin aux commandes
du Voisin LAR de la photo en bas
à gauche, on compte trois pilotes
portant ce nom en 1914-1918 :
Pierre Félix, breveté le 14 mars
1916, affecté à l’escadrille F 24 sur
Farman puis dans la chasse sur
Spad en 1918 dans l’escadrille 154
Parmi les photos où il meurt au combat le 2 juin
débusquées par 1918 – peu de chances qu’il s’agisse
notre lecteur, ce de lui ; André Aimé Guy, breveté
cliché qui n’est pilote le 19 mars 1917, sert dans la
pas renseigné chasse à l’escadrille N 96 le 16 juin
(date, noms…). 1917. En décembre 1917, il est
DR/COLL. MARC GUILLET
envoyé en hôpital puis est réformé.
Fidèle lecteur du Fana depuis d’où il est affecté non pas dans Peu de chances qu’il s’agisse de
le n° 8, j’ai encore apprécié le une unité combattante mais notre homme ; il reste un Charles
n° 641 du mois d’avril. À propos à la 9e compagnie des ouvriers Marie Robert Noël Cathelin,
du Salmson 2A2, je vous joins quelques d’aviation où il sert comme pilote né à Orléans le 27 octobre 1892,
photos trouvées chez un bouquiniste, il y a convoyeur d’avions Salmson 2A2, breveté pilote le 29 octobre 1917,
de nombreuses années. Je n’ai pas été en puis le 1er juin suivant sur le et qui sert à l’escadrille SAL 56
mesure d’identifier l’unité à laquelle ces terrain de la société Salmson à (sur Salmson 2A2) entre avril et
avions appartenaient ni la période exacte. Châteaufort (près de Toussus-le- septembre 1918. Il est affecté à
Trois noms figurent sur les photos : Noble) en tant que réceptionneur Buc le 23 novembre 1918. Je n’ai
Gambaud, Cathelain, Duhazé. Peut-être des mêmes Salmson 2A2. Il finit pas de photo mais, par déduction,
un lecteur pourra-t-il nous en dire plus ? la guerre avec le grade de sergent il pourrait s’agir de lui – il serait
Marc Guillet sans jamais avoir été affecté en en place avant. Reste à expliquer
unité combattante dans l’aviation. En bas ce qu’il ferait aux commandes
à gauche,
David Méchin a Les Salmson que l’on voit sur vos d’un Voisin LAR alors que son
le Voisin LAR.
enquêté et trouvé les réponses photos sont, par déduction, escadrille n’en n’était pas équipée,
Ci-dessous
suivantes : “Je vous remercie probablement des appareils situés peut-être une visite de courtoisie à
et en bas des
de partager ces photos qui dans un parc et pas encore affectés Salmson 2A2.
des camarades d’une autre unité.”
montrent des Salmson 2A2 et dans une unité. On ne voit
un Voisin LAR (moteur Renault) d’ailleurs aucun insigne
utilisés en 1918 dans les escadrilles d’escadrille sur l’appareil figurant
de bombardement de nuit. au second plan à gauche sur la
Concernant les noms indiqués : photo ci-contre.
la photo en bas à droite mentionne Gambaud, mentionné sur
un certain Duhazé. Il s’agit la photo en bas à droite et que l’on
probablement du caporal René retrouve sur le cliché ci-dessous
Duhazé, breveté pilote le 20 août dans le Voisin LAR, est très
1917 et resté assez longtemps au probablement un mitrailleur ou un
centre d’entraînement du Plessis- mécanicien ; aucun pilote portant
Belleville, jusqu’au 15 avril 1918, ce patronyme n’a été breveté durant
MARC GUILLET
MARC GUILLET
MARC GUILLET
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Le Do 24 ATT est au musée
À peine son Fana de l’Aviation n° 641 reposé que l’ami
Frédéric Marsaly prend sa plus belle plume :
“L’histoire du Do 24 ATT aurait mérité un meilleur épilogue. Le Do 24 ATT au musée
Hélas, l’avion a sans doute vécu ses plus belles heures. Dornier à Friedrichshafen.
Le 18 juillet 2015, lors d’un meeting aérien Air Challenge sur
le lac de Wolfgang en Autriche, l’avion a touché à l’amerrissage
des débris flottants. Il a fait un brutal 270° qui a causé
d’importants dégâts. L’équipe a rapidement mis l’avion au sec
et les travaux de réparation ont débuté. Pour des raisons que
j’ignore, ils ne sont pas allés au bout. En 2021, je suis passé
à Friedrichshafen. Le Do 24 ATT était revenu au musée Dornier.
Son cockpit était bâché comme s’il allait pouvoir reprendre l’air,
mais selon les informations qui m’ont été données, l’appareil
avait réintégré les collections du musée sans doute de façon
définitive. Dans les années 1990 ou 2000, le Do 24 ATT avait
été proposé à la Sécurité civile française comme bombardier
d’eau potentiel mais n’avait éveillé qu’un intérêt de politesse.”
Frédéric Marsaly
FRÉDÉRIC MARSALY
Faites-nous
vivre vos Ferté !
Rendez-vous cette année
les 27 et 28 mai pour célébrer
la 50e édition du meeting aérien
Le Temps des Hélices à Cerny-La Ferté
Alais. Dans cette perspective,
Le Fana de l’Aviation vous propose
chers lecteurs de publier dans
le numéro de juillet vos plus belles
photos des avions marquants,
de vos souvenirs impérissables
lors des précédentes éditions. Passage à très basse altitude
À vos albums, à vos cartons d’archives. pour un B-17 en 1986…
Faites-nous vivre vos Ferté !
J.-C. FOULON
11
À LIRE
Nos auteurs publient
La grande histoire
de l’aviation
Vous croyez tout savoir sur l’histoire
de l’aviation ou vous voulez l’aborder pour
comprendre d’où viennent les avions ?
Voici dans cet ouvrage à paraître de
Michel Bénichou une excellente occasion
de mieux comprendre les techniques,
la façon dont elles apparurent et leur rôle
dans cette grande aventure.
Par Alexis Rocher
MICHEL BÉNICHOU
Le tableau de
bord du Ryan
M
ichel Bénichou pré- faire l’objet d’explications simples
sente son ambition : et limpides. Ils furent des vulgarisa- de Lindbergh en
1927 souligne
“À la fin du siècle der- teurs passionnants. Tous m’ont
l’importance de
nier, j’écrivais pour les convaincu de donner cette suite à ma
l’instrumentation
Éditions Larivière Un première fresque historique : racon-
dans l’aviation.
siècle d’aviation ter – succincte-
française dont ment, certes –
une seconde édi- l’histoire des
Sir George
tion fut titrée Un techniques de
Cayley avait
premier siècle l’aéronautique
26 ans en 1799
d’aviation fran- avec le même lorsqu’il imagina
çaise. Cependant, souci de montrer sa première
il me semblait une fois de plus machine volante.
qu’il y manquait que la généra- Celle-ci, de 1849,
une suite qui fût tion spontanée est toujours
une autre façon de n’existe pas, que pertinente.
considérer l’his- DR toute invention
toire de l’aviation. J’ai en effet l’im- naît peu ou prou d’inventions pré-
GETTYIMAGES
pression que des générations d’histo- cédentes, et qu’en conséquence l’his-
riens se sont appliquées à raconter toire de l’aéronautique n’appartient
une épopée, à renforcer le récit flam- ni à un seul héros ni à un seul pays,
boyant d’une légende. Mais n’était-ce mais à l’humanité.
pas oublier que les aéronefs sont des Les manuels d’initiation au pilo-
machines dont le progrès résulte du tage que je découvris et lu avec pas-
travail d’ingénieurs et d’ouvriers, sion étant adolescent, sans aucune
peut-être même un peu plus que celui formation technique préalable, of-
d’équipages glorieux ? Et n’est-il pas fraient un modèle que je me suis
absurde de considérer que le récit empressé de suivre, en partant de
d’évolutions techniques doive être quelques données toutes simples : un
réservé à un public d’initiés ? aéronef doit commencer par soule-
ver son poids et celui de ce qui lui
Des explications simples permet de fonctionner ; il lui faut
donc être le plus léger possible. C’est
pour des sujets complexes la portance qui le soulève ; cette force
Beaucoup d’ingénieurs que ma s’oppose donc à son poids, donc à la
carrière de journaliste et conteur gravité. Mais l’air offre à qui veut y
d’histoires m’a fait rencontrer m’ont pénétrer une forte résistance (les
démontré, sans user de jargon, avec cyclistes le savent très bien) : c’est la
nos mots de tous les jours, que ces traînée aérodynamique que l’on ne
sujets complexes peuvent toujours peut vaincre que par une force mo-
DR/COLL. JACQUES GUILLEM
12
trice. Il fallait donc, en cinq pre-
L’avion n° 3 de Clément Ader mières parties, raconter l’histoire
au Conservatoire national des Arts des surfaces portantes, les moyens
et Métiers à Paris. Il quitta le sol à des ingénieurs pour alléger les ma-
plusieurs reprises sans vraiment voler chines, les moyens multiples de ré-
et reste une pièce d’orfèvrerie avec duire la résistance de l’air, et ceux
une structure en bambou reconstitué, qui furent nécessaires pour tirer un
un revêtement de soie et deux maximum d’énergie de toute sorte
moteurs à vapeur. de moteurs. Bien sûr, il fallut ensuite
mettre au point des moyens de navi-
guer dans l’air ; ils occupent les deux
dernières parties.
Lever un voile
sur un monde ignoré
Tout ceci est une aventure hu-
maine parfois dramatique, souvent
cocasse, toujours enthousiasmante.
Ce livre veut la raconter ; plus exac-
tement, parce qu’il n’a pas la préten-
tion d’être exhaustif, il veut d’abord
lever un voile sur un monde ignoré,
et montrer à des adolescents, filles
ou garçons qui rêvent massivement
encore aujourd’hui de devenir pi-
lotes, toutes les autres voies qui per-
mettent d’accéder directement, par-
fois bien plus simplement, aux
machines volantes. L’aéronautique
emploie en France 350 000 per-
sonnes à une multitude d’activités ;
le choix est vaste.
Aux autres curieux, il sera, je
l’espère, plaisant de découvrir que
de précieux équipements modernes
naquirent parfois il y a longtemps,
grâce à l’inventivité de lointains
aïeux ; par exemple que le verre
blindé des pare-brise fut découvert
fortuitement par un décorateur de
Le Lippisch DM-1 théâtre, que le radioguidage fut
en 1945. Achevé inventé avec la radio au début du
sous la direction XX e siècle par les marins, que
des Américains, Mermoz avait raison en préférant
il explorait un petit “bolide postal” biplace à
la voilure delta. un gros hydravion pour faire le
DR
même travail, ou que les ailes en
fl èche des avions supersoniques
En 1969, furent découvertes dans une indif-
le Boeing 747 férence générale, etc. À découvrir
avec ses 450
cette histoire cachée j’ai pris un
passagers ouvrait
plaisir immense que j’espère vous
un nouveau
faire partager.” ■
chapitre du
transport aérien.
Celui-ci porte
un cinquième
moteur,
moteur de
remplacement
qu’il vient livrer Hist
Histoire cachée
à Londres pour de l’aviation
dépanner Pa Michel Bénichou
Par
un avion. Chez
Ch Casa Éditions
À l’époque, 1 pages, 54,95 €
177
les nouveaux Parution
P fin octobre
doubles-flux
étaient sujets à
des défaillances.
13
À LIRE, À VOIR
Guerres de la Red Team. Suite la lecture des textes. Le travail de 1917 Décollage ! La mise
en vol des planeurs,
futures, à un “Tchernobyl vert”,
l’arme biologique surgit
La perspective est plutôt
juste, le lecteur aura une
s’enrichit d’un long
chapitre introductif des débuts de
guerres dans les opérations.
Un an après la publication
bonne base sur les avions
et engins très connus
de Philippe Wodka-
Gallien, contributeur
l’aviation à nos jours
Par Jean Reymond
sans fin de la Saison 1, ce nouvel ou restés au stade du Fana, qui a choisi Chez AéroVFR
opus se distingue par du prototype. de revenir sur le rôle 170 pages, 24 €
des illustrations de cet organe essentiel ISBN 978-2-95555782-6-1
luxuriantes inspirées Encyclopédie aéro- à l’essor de l’aviation
cartoon. Les aéronefs
des studios d’Hollywood
(on pense à Avatar). Il faut militaires américains
de la Belle Époque aux
combats aériens de La légende
saluer cette démarche
prospective qui nous
de 1945 à nos jours
Par Laurent Chassard
1914-1918. De ce récit
mythique, richement
du “Stuka”
invite aussi à nous saisir Chez Cépaduès illustré, notre camarade L’idée de cette collection
des enjeux du moment 208 pages, 26 € a particulièrement consiste à aborder
et à regarder plus ISBN 9782383950080 insisté sur les femmes un warbird à travers une
attentivement et hommes des premiers histoire. Ici il est question
les menaces non
classiques, en particulier Les anciens temps de l’aviation,
ingénieurs, pilotes
du “Stuka” et de son
fameux pilote Hans-
celles venues
des biotechnologies.
moteurs et artistes. Du bel
ouvrage, un bel objet.
Ulrich Rudel. Ce dernier
passe pour un expert
Avertissement utile : de l’avion si l’on en croit
Red Team est une vision ce livre n’est en rien Les moteurs son palmarès qui compte
des guerres futures le message officiel du d’aviation officiellement un nombre
à l’horizon de la fin ministère des Armées. C. Martinot-Lagarde totalement ahurissant
du siècle. Ce petit livre Effrayant et stimulant. Préface de Philippe de cibles détruites au sol,
est le résultat d’un travail Philippe Wodka-Gallien Wodka-Gallien dans les airs et sur mer.
prospectif lancé par Éditions Decoopman Le IIIe Reich avait besoin
le ministère des Armées Red Team 252 pages, 9 € de héros faisant face
avec une approche originale Ces guerres ISBN 978-2- 36965-152-9 aux “hordes bolcheviques”
qui a réuni équipes qui nous attendent selon la propagande
2030-2060
de réflexion stratégique,
militaires, experts de Saison 2 Lancez nazie. Staline mit à prix
la tête de Rudel tant
la défense, futurologues
et auteurs de science-
Éditions PSL-Equateurs
206 pages, 22 €
les planeurs ! le pilote était devenu
célèbre à la fin de la
fiction. Le scénario futur ISBN 978-2-38284-476-2 guerre. Voici illustrées
part de méga feux qui plusieurs de ses
accélèrent plus encore
le changement climatique. Petite En 1917, le capitaine
Camille Martinot-Lagarde
missions, ce qui permet
de présenter le “Stuka”
La situation devient
si dégradée qu’elle
encyclopédie publie un manuel
technique sur les moteurs
en général, dans sa
version armée de deux
impose une transition d’avions, à l’époque les canons antichar de
technologique radicale productions Anzani, Dion- 37 mm en particulier.
au niveau planétaire. Bouton, Renault, Gnome Comment attaquer
C’est alors que s’annonce & Rhône, Salmson, un blindé, affronter
à l’horizon 2040 une ou encore Wright. Un la chasse : tout cela
nouvelle révolution dans siècle se passe, et voici n’aura plus de secret
les affaires militaires. que ce panorama, dans pour le lecteur qui
Elle se traduit par une l’oubli jusque-là, vient plongera dans les pages
décarbonation complète d’être ressuscité par Une belle initiative que de cette BD.
des systèmes d’armes les Éditions Decoopman. ce livre : il se penche
dont l’emploi fait un large Au cœur de l’ouvrage, sur toutes les manières
appel à l’intelligence les principes théoriques de mettre en l’air les
artificielle et au spatial. et les architectures planeurs. Tout y passe,
Les affrontements des premiers moteurs depuis la méthode
prennent la forme de à piston, en étoile, musculaire avec des
guérillas biologiques où Une encyclopédie en V, en ligne, le tout gros bras jusqu’aux
robots, insectes tueurs, sur l’aviation militaire illustré de photos remorqueurs, en passant
ULM et drones électriques américaine depuis 1945 ? d’époque et de dessins par toutes sortes de
– pour le renseignement, Le pari est tenté ici. industriels restaurés pour catapultes et de treuils.
les frappes de précision L’ouvrage se présente l’occasion. L’approche Beaucoup des techniques
ou l’appui logistique – comme une succession technique, jusque dans sont très anciennes
auront remplacé de fiches à propos des le détail le plus intime, et pratiquée dès
les avions sophistiqués avions, des constructeurs aura de quoi séduire les premiers vols
d’aujourd’hui. et ingénieurs célèbres. toute la communauté d’un plus lourd que l’air.
L’écologie et la sobriété À chaque fois une aéronautique attachée Chaque méthode
s’imposent à la conduite caricature dans l’esprit aux premiers temps de fait l’objet d’un Warbirds
des entraînements. de Jean Barbaud permet l’aviation : associations historique. L’ensemble Stuka
Exit donc un imaginaire de retrouver les lignes du en charge de faire voler est agréablement illustré. Le tueur de tanks
de chasseurs X et d’avions sujet abordé. L’ensemble les avions anciens, les De quoi ravir Par Nolane, Sotirovski
de 7e génération. est plaisant à parcourir bibliothèques techniques, les nombreux pilotes et Davidenko
L’usage de la 3D malgré la petite taille les musées d’aviation, de planeurs et constituer Chez Soleil
se généralise selon du livre (format A5) ou encore le passionné une source d’inspiration 56 pages, 15,50 €
les rédacteurs qui ne facilite pas de mécaniques anciennes. pour les constructeurs. ISBN 9782302097537
14
HISTOIRE
Les F-16A “Netz”, 1980-1982
Le faucon israélien
attaque
Première partie.
Dès que la livraison des F-16 à Israël
– compliquée d’un point de vue
géopolitique – fut actée, les “Netz”
entrèrent rapidement en opération.
Première cible : Osirak, un réacteur
de recherche de type Osiris vendu
par la France à l’Irak en 1975.
Par Shlomo Aloni. Traduit de l’anglais par Xavier Méal.
L
e 13 janvier 1975, l’USAF De son côté, la force aérienne
sélectionna le General israélienne avait déjà préféré le F-15
Dynamics Model 401 YF-16 de l’USAF au F-14 de l’US Navy et
“Light Weight Fighter” prévoyait l’achat de 50 F-15 au mo-
(chasseur léger) transformé ment où l’USAF fit le choix du F-16
en “Air Combat Fighter” comme pour complémenter le F-15.
élément à faible coût dans le pro- L’association F-15/F-16 de l’USAF
gramme de modernisation de sa semblait donc parfaitement adaptée
force de chasseurs mixte, le F-15 à la modernisation de la flotte de
étant sélectionné comme élément chasseurs israélienne.
à coût élevé. Cette association vi-
sait à assurer l’avantage de la qua- Le “Kfir” désavantagé
lité de la flotte de chasseurs de
l’USAF sur les adversaires poten-
face au F-16
tiels, tout en garantissant que les Mais seulement quatre mois
considérations de quantité ne se- après que l’USAF eut sélectionné le
raient pas compromises. F-16, la force aérienne israélienne
▲
“Pour la force
aérienne
israélienne,
de la part d’IAI”
dit le panneau
sur la porte du
hangar, derrière
le “Kfir” 724 lors
de la cérémonie
de remise du
premier “Kfir”
(essentiellement
un “Mirage” 5
propulsé par
réacteur
américain J79)
le 14 avril 1975.
Israël pensait
alors déjà
acheter des F-16.
ILGOV/PO AC
20
Le premier F-16 israélien
à voler fut le F-16B codé 001.
Le contrat Peace Marble
concernait huit F-16B qui
seraient codés en Israël 0xx,
plus 18 F-16A Block 5
codés 1xx, et 49 F-16A Block 10
codés 2xx.
21
F-16, LE FAUCON ISRAÉLIEN
mais on craignait de dépendre d’un mais pour le F-16, un piqué abrupt Toutes ces technologies étaient
turboréacteur dans un avion mono- était nécessaire ; nouvelles à l’époque, et nous avons
moteur. Nous connaissions déjà le – la position de l’entrée d’air as- donc pensé qu’il valait mieux at-
F-15 et étions conscients de la sen- surait d’excellentes performances en tendre l’entrée en service du F-16
sibilité du F100 au pompage et à la termes d’angle d’attaque dans les dans l’USAF, mais le commandant
stagnation. Le F-15 avait deux airs, mais elle soulevait des inquié- de la force aérienne Beni Peled pen-
F100, donc le moteur qui fonction- tudes concernant les ingestions sait le contraire.”
nait permettait de redémarrer un d’objets au sol ;
moteur après un pompage ou une – la verrière en goutte d’eau sans Contrer les ambitions
stagnation, mais le F-16 avait un cadre permettait un champ de vision
seul F100 et le redémarrage d’un de 360° pour le pilote, ce qui était
d’IAI et de son “Aryeh”
unique turboréacteur dans les airs excellent, mais des questions se po- Beni Peled préféra probablement
était considérablement plus difficile saient quant à sa capacité à supporter l’achat précoce du F-16 et sa mise en
en raison des soufflantes plus les hautes températures engendrées service dès que possible pour contrer
grosses. Le redémarrage du turbo- par le vol à grande vitesse et à sa résis- les aspirations d’IAI avec son
réacteur obligeait l’avion à voler tance en cas de collision aviaire ; si “Aryeh”. Peled emmena une déléga-
plus vite, ce qui était plus facile dans un oiseau la perforait, il tuerait tion israélienne étudier le pro-
le F-15 en raison de la puissance de presque certainement le pilote qui gramme F-16 aux États-Unis en
l’autre moteur en fonctionnement, était positionné haut dans le cockpit. août 1976. Amnon Gourion raconte :
▲
AC
Le pilote
d’essai de la
force aérienne
israélienne
Jeff Peer fut le
premier Israélien
à piloter le F-16.
L’évaluation
menée durant
l’été 1979
consista en six
sorties sur F-16B
depuis Edwards
et quatre vols
depuis Fort
Worth Texas sur
le YF-16 matricule
72-01568. Soit
un total de
six heures, dont
quatre minutes
supersoniques,
jusqu’à Mach 1,4.
23
AC
Le premier F-16
“N ous avons d’abord visité réceptionné une étude d’état-major pour soutenir l’“Aryeh” avec IAI – l’“Aryeh” de-
l’usine de production du F-16 de par Israël l’achat de 300 F-16 ! Les 75 premiers vint “Lavi” au cours de l’année 1978.
General Dynamics à Fort Worth au fut le F-16B seraient tels que disponibles. Puis 75 Le gouvernement israélien, en
Texas. Il y avait des dizaines de cel- codé 003 ; seraient équipés de l’avionique israé- plus de sa persistance à poursuivre
lules le long de l’immense ligne la cérémonie lienne. Enfin 150 seraient produits en le développement et la production
longue d’1 mile [1,6 km], mais au- de réception Israël avec une avionique et des sys- d’avions de combat indigènes, s’op-
cune n’était encore terminée – le pre- eut lieu tèmes israéliens. posa à la vente de F-15 à l’Arabie
mier F-16 de production sortit à Fort Worth, Saoudite. Les États-Unis firent donc
d’usine le 20 octobre 1976 et vola au Texas, le Diplomatie et politique traîner l’approbation de la vente de
pour la première fois le 8 décembre 31 janvier 1980. F-16 à Israël jusqu’à ce que, finale-
1976. Nous avons principalement
au centre des négociations ment, en février 1978, soit présenté
posé des questions sur les préoccu- J’ai préparé l’étude d’état-major au Congrès un accord global qui
pations et les risques [concernant les et lorsqu’elle a été terminée – proba- couvrait la vente de 15 F-15 et 75 F-16
nouvelles technologies] parce que blement vers septembre-octobre à Israël, 60 F-5 à l’Égypte et 60 F-15
nous étions déjà pleinement 1976 –, Beni Peled l’a présentée aux à l’Arabie Saoudite.
conscients que la maniabilité et les échelons supérieurs. Quand Beni est Adoucissant quelque peu la pi-
capacités de charge du F-16 étaient revenu de la présentation, il m’a dit : lule amère que le gouvernement dut
exceptionnelles. “J’ai échoué !” Il en a été secoué, je ne avaler – moins de F-15 et de F-16
Ensuite, nous avons visité les l’avais jamais vu comme ça avant ou qu’Israël ne l’avait espéré, non à la
fabricants des moteurs, General après. Apparemment, il n’avait ob- production de F-16 israéliens et des
Electric et Pratt & Whitney. Nous tenu l’approbation que pour 75, pas F-15 pour l’Arabie Saoudite –, le
avons visité le fabricant de radars pour la production locale.” Sénat américain approuva en mai
Westinghouse où j’ai volé sur un F-4 Le gouvernement israélien aurait 1978 une version légèrement modi-
banc d’essai équipé du prototype décidé en septembre 1976 de mettre fiée de la proposition : 30 F-15 et 75
radar du F-16. en service le F-16 entre 1980 et 1986 F-16 pour Israël, 60 F-5 pour l’Égypte
Nous avons visité le centre d’es- tout en poursuivant le programme de et 60 F-15 pour l’Arabie Saoudite.
sais en vol de l’USAF à Edwards, où
nous devions assister à un vol de dé-
monstration mais, ce jour-là, le seul
YF-16 en état de vol a subi une fuite
de carburant et le vol a été annulé.
24
AC
Le commandant
La diplomatie et la politique re- Le calendrier des livraisons de Le programme de rééquipement de
tardèrent et complexifièrent l’achat F-16A/B à Israël fut modifié en 1979. avec le F-16 “Netz” fut donc établi l’escadron 117,
de F-16 par Israël. Le programme Les problèmes internes de l’Iran en février 1979. L’escadron 117 serait Zeev Raz,
d’assistance militaire Peace Marble eurent eu un impact sur le programme le premier des trois escadrons prévus se pose à
fut conclu à la suite des approbations d’achat de F-16A/B iranien. Israël se pour le recevoir, puis suivrait le 110 Ramat David
du Congrès et du Sénat des États- vit offrir les lots de production ira- également basé à Ramat David dans le 8 juillet 1980
Unis en 1978, couvrant la vente de 75 niens, qui précédaient les siens, mais le nord d’Israël. Un troisième esca- à l’issue du
F-16A/B à Israël. Les livraisons de- les avions étaient à prendre “tels dron serait ensuite activé dans le sud premier vol
vaient commencer en octobre 1981. quels”, c’est-à-dire sans les modifica- d’Israël. Le 117 hébergerait l’équipe d’un “Netz”
tions israéliennes. Le commandant de configuration de l’escadron 110 en Israël.
Le premier escadron de la force aérienne israélienne, jusqu’à ce que suffisamment d’avions
David Ivry, recommanda d’accepter soient réceptionnés et que suffisam-
sur jet en première place une livraison anticipée et de procéder ment de pilotes soient transformés
En 1979, l’escadron 117 Le pre- aux modifications une fois les avions pour permettre la constitution du
mier escadron sur jet (1) volait sur livrés ; Israël accepta l’offre améri- deuxième escadron. Le troisième
“Shahak” (“Mirage” IIICJ) depuis caine, avec le début des livraisons escadron de “Netz” serait ensuite
1962. L’escadron 117 avait été un es- avancé de l’automne 1981 à l’été 1980. constitué de la même façon.
cadron air-air de première ligne de Le processus de mise en service
juillet 1962 à décembre 1976. Toutes proprement dit du “Netz” fut lancé
ces années, il n’avait eu d’autre avion (1) Les escadrons israéliens sont le 21 octobre 1979 quand l’esca-
désignés par des numéros mais aussi
que le “Shahak”, que l’entrée en ser- par des noms. L’escadron 117 de dron 117 retira du service ses
vice du F-15 à partir de décembre l’escadre 1 – basée à Ramat David – “Shahak”. Zeev Raz fut nommé
1976 rendit immédiatement obsolète fut activé en 1953 sur Gloster commandant de l’escadron 117 à
en tant qu’intercepteur. De fait, le 117 “Meteor”, et fut de fait le premier partir du 30 novembre 1979 et trois
escadron de la force aérienne
fut en première place dans la liste des israélienne à voler sur jet, d’où son groupes de quatre pilotes chacun
escadrons espérant un rééquipement. furent assemblés pour suivre trois
▲
La première
livraison de
Peace Marble
arriva à Ramat
David le 2 juillet
1980.
Elle comprenait
les F-16B 008
et 015 ainsi
que les F-16A 105
et 107.
25
F-16, LE FAUCON ISRAÉLIEN
26
l’Organisation de libération de la
Palestine (OLP) au Liban.
Israël avait acheté le F-16A/B
pour complémenter sa flotte de F-15.
Si le F-15 “Baz” était essentiellement
employé pour les missions air-air, sa
capacité air-sol avait néanmoins déjà
été validée au moment où les livrai-
sons de “Netz” débutèrent. Le F-16
“Netz” devait prioritairement être
utilisé pour les missions air-sol afin
d’augmenter l’utilisation du “Baz”
pour le air-air. Les trois escadrons de
“Netz” prévus devaient donc être
qualifiés pour le air-air comme le air-
sol. Cependant, les passés respectifs
pesèrent, et la politique de la force
aérienne israélienne fut que l’esca-
dron 117 – du fait de son expérience
air-air – serait le premier escadron de
ILGOV/PO
Le “Netz” 138 “Netz” à engager l’ennemi dans les
L’escadron 117 volait sur F-16A “dissimilaires” contre le F- 4 fut le 18e airs tandis que le 110 – avec son passé
Block 5 portant un code de fuselage “Kurnass” de l’escadron 69. et dernier avion air-sol – serait le premier escadron de
avec le préfixe 1. L’escadron 110 L’adjoint A de l’escadron 110, Ehud du contrat “Netz” à engager l’ennemi au sol.
devait mettre en service le F-16A BenAmity, fut tué. Peace Marble ; C’est ainsi que le deuxième esca-
Block 10 utilisant des codes de fuse- il arriva à dron à être doté de “Netz” fut le
lage avec le préfixe 2, mais les livrai- Premières missions Ramat David premier à attaquer un ennemi
sons du F-16A Block 10 n’avaient le 11 décembre lorsque le 110 bombarda une cible de
alors pas encore commencé.
air-sol… 1980. l’OLP dans le secteur de Tyr, au
Les avions affectés à l’équipe de Huit avions F-16A Block 10 sup- Liban, le 26 avril 1981. L’escadron 117
configuration de l’escadron 110 plémentaires arrivèrent à Ramat suivit le lendemain : Zeev Raz était
furent donc initia- David avant que à la tête d’une patrouille de quatre
lement des F-16A l’e s c ad ron 110 avions chargée d’attaquer un pont au
Block 5 prêtés par prenne l’alerte de Rafi Berkovic, Liban et chaque “Netz” largua six
l’escadron 117 ; réaction rapide le de l’escadron 117, bombes Mark 82.
c’est su r deu x 27 février 1981, le dans le cockpit
d’entre eux – les deuxième escadron du “Netz” 112 … et premières victoires
“Netz” 109 et 111 – de “Netz” de la après que l’avion
que l’équipe de force aérienne is- a vu apposé air-air sur des hélicoptères
configuration du raélienne attei- sur son flanc Le chaos régnait au Liban. La
110 effectua ses gnant alors prati- le marquage guerre civile libanaise entre les
premiers vols le quement la d’une victoire milices chrétiennes et les factions
10 octobre 1980. capacité opération- aérienne le de l’OLP avait débuté en 1975. La
28 avril 1981.
Les trois pre- nelle initiale. Le Syrie était intervenue à partir de
miers avions F-16A AC 110 effectua sa pre- 1976 et le Liban s’était retrouvé di-
Block 10 – “Netz” mière mission opé- visé en secteurs, l’un contrôlé par
219, “Netz” 220 et “Netz” 222 – arri- rationnelle le 2 mars 1981, une pa- les chrétiens, un autre par l’OLP et
vèrent le 11 décembre 1980. Par un trouille aérienne de combat un troisième par la Syrie. Israël
étrange coup du sort, le “Netz” 222 au-dessus du Liban avec Amir avait forgé une alliance avec des
fut perdu le 20 janvier 1981 suite à Nachumi à la tête d’un dispositif milices chrétiennes au Liban et sa
une collision en vol pendant un exer- chargé de couvrir des “Ahit” et des force aérienne attaquait principale-
cice de combat aérien avec avions “Kurnass” attaquant des cibles de ment des cibles de l’OLP au Liban,
même si, occasionnellement, il se
Préparatifs de l’opération Opera : entraînement produisait des affrontements contre
de ravitaillement en carburant “moteur la force aérienne syrienne au-dessus
tournant” à Ramat David le 6 novembre 1980 ; du Liban. L’opération Locomotive 1,
il était prévu de compléter les réservoirs lancée le 28 avril 1981, visait à chas-
des “Netz” juste avant le décollage. ser les hélicoptères de transport
syriens Mi-8 qui avaient soutenu
une offensive syrienne contre la
milice chrétienne dans la vallée du
Liban. Conformément à sa poli-
tique, la force aérienne dépêcha
l’escadron 117 dont deux avions
réussirent la mission :
– le commandant du 117, Zeev
Raz, avec son ailier Rafi Berkovic,
interceptèrent un Mi-8 à midi.
L’ailier, aux commandes du “Netz”
▲
27
F-16, LE FAUCON ISRAÉLIEN
112, tira sur l’hélicoptère et fut cré- CFT. L’étude menée conclut que vaient être largués qu’après le largage
dité de la victoire, la première en quatre bombardiers, chacun atta- des bombes afin de minimiser les
conditions air-air attribué à un quant avec deux bombes Mark 84, risques de collision entre les bombes
“Netz” ; suffiraient à détruire Osirak, mais il et les réservoirs, mais nous n’avions
– l’adjoint A du 117, Doobi Yoffe, fallait s’assurer que les quatre bom- pas d’autre choix pour augmenter
avec son ailier Sasha Levin, inter- bardiers seraient bien en mesure de notre distance franchissable.”
cepta un Mi-8 dans l’après-midi. Le larguer leurs bombes, et pour ce faire
leader tira un missile AIM-9 et fut une force de huit bombardiers de- La capacité du “Netz” à
crédité de la victoire. vrait être lancée. L’option de bom-
bardement par des “Baz” fut donc
franchir 1 000 km validée
Préparatifs écartée et la force d’attaque consti- Un vol test de faisabilité fut ef-
tuée de huit bombardiers “Kurnass” fectué le 23 août 1980 et démontra
de l’opération Opera et six chasseurs d’escorte “Baz”, avec succès la capacité du “Netz” à
L’Irak avait commandé à la accompagnés d’“Ahit” ravitailleurs franchir 1 000 km à basse altitude en
France un réacteur nucléaire de re- auxquels viendraient “s’abreuver” partant de la base et en revenant à
cherche de type Osiris en 1975. La les “Kurnass” quelque part sur le haute altitude. La mission d’attaque
France l’avait appelé Osirak – Osiris chemin entre Israël et l’Irak. d’Osirak – opération Opera – fut en
pour l’Irak – et l’Irak l’avait baptisé Les livraisons de F-16A/B à c onséquenc e t ra nsférée du
Tamuz ; Israël se sentait menacée par Israël ayant été avancées, la capacité “Kurnass” au “Netz”. La force de
cette acquisition d’un réacteur de opérationnelle initiale du “Netz” fut l’opération Opera comprenait des
40 mégawatts considéré comme suf- atteinte avant la date d’activation éléments d’escorte et de soutien,
fisant pour une exploitation militaire. prévue d’Osirak. Zeev Raz se sou- mais le noyau était constitué de deux
Israël évalua les options d’at- vient : “Nous sommes revenus des patrouilles de “Netz”.
taque pour empêcher la mise en ser- États-Unis ; l’avion est arrivé et le Celle de tête était constituée du
vice de ce dernier. Le défi majeur commandant de la force aérienne commandant de l’escadron 117,
était la distance car Osirak était à David Ivry m’a d’abord dit que nous Zeev Raz, de son officier spécia-
près de 1 000 km d’Israël. Le F-4 devions nous préparer pour une mis- liste de navigation Ilan Ramon, de
“Kurnass” n’était pas capable d’ef- sion à basse altitude et à longue dis- son adjoint A Doobi Yoffe et de son
fectuer la mission sans ravitaille- tance. Puis il m’a révélé que la cible adjoint B Amos Yadlin, avec Rani
ment. Les seuls avions ravitailleurs était Bagdad et m’a demandé de véri- Falk en réserve. La seconde était
en vol dont disposait Israël étaient fier la faisabilité car nous n’avions constituée du commandant de l’es-
les A-4 “Ahit” “Nounou” et des pas l’option ravitaillement en vol, à cadron 110 Amir Nachumi, de son
Lockheed KC-130H “Karnaf”, mais l’époque, sur nos F-15 et F-16. J’ai officier spécialiste des systèmes
il était risqué de lancer ce type d’ap- confié la tâche à l’officier spécialiste d’armes Khagy Katz, de son ad-
pareil aussi loin au-dessus du terri- de la navigation Ilan Ramon ; il a cal- joint A Ehud BenAmity et de son
toire ennemi. culé que c’était un peu trop loin. Alors adjoint B Israel Shafi r avec Shlomo
IAI travaillait bien au développe- nous avons joué de quelques astuces Shesh en réserve.
ment du ravitailleur en vol “Reem”, afin de peaufiner un peu plus la dis- Les huit pilotes affectés à la mis-
mais il ne devait pas entrer en service tance franchissable de l’avion : sion Opera avaient tous suivi le cours
avant 1982. Les “Baz” pouvaient Etszion comme point de départ de transformation F-16 de l’USAF.
attaquer Osirak s’ils étaient équipés – c’était un peu plus proche de Sept des pilotes étaient des vétérans
de réservoirs conformes [en anglais : Bagdad que Ramat David –, en fai- de la guerre du Yom Kippour d’oc-
conformal fuel tanks, ou CFT dont sant un complément de plein de car- tobre 1973 ; seul Ilan Ramon avait
la traduction correcte devrait être burant juste avant de décoller et lar- obtenu ses ailes après ce conflit. Cinq
“réservoirs intégrés”, NDLR], mais gage des réservoirs de carburant étaient des pilotes de “Kurnass”
n’avaient pas la possibilité de refaire vides. Le largage de réservoirs de car- pendant la guerre d’octobre 1973 et
le plein sur un “Ahit” “Nounou” ou burant vides, à basse altitude, avec l’un – Ehud BenAmity – avait piloté
un “Karnaf” en cas d’urgence ; qui des bombes, n’était pas autorisé ; le des “Nesher” pendant cette même
plus est, la force aérienne israélienne manuel indiquait spécifiquement que guerre. Amos Yadlin avait pour sa
ne disposait que de sept ensembles les réservoirs de carburant ne de- part volé sur “Ahit” pendant ce
À Ramat David le
6 novembre 1980,
en préparation
de l’opération
Opera, l’adjoint A
de l’escadron 117
Doobi Yoffe
transporta
en place arrière le
chef d’état-major
des forces armées
israéliennes
Raphael Ethan
dans le F-16B 003.
AC AC
28
“Netz” 240 ; il eut suffisamment de
temps pour sauter dans le “Netz” 228,
l’un des deux avions de réserve pré-
parés pour la mission. Avant le dé-
collage, Yoffe fut informé que le ra-
vitaillement en carburant “moteur
tournant” [en bout de piste] n’avait
pu être réalisé sur son “Netz” 118 ;
cette fois, le pilote n’avait pas le
temps de changer d’avion. Plutôt
que de faire appel au second avion
de réserve avec un pilote de réserve,
Yoffe décida d’y aller et les huit
“Netz” quittèrent Etszion. Zeev
Raz se souvient : “Pendant l’entraî-
nement, il y avait du vent du sud,
alors nous avons décollé vers le sud.
Cette fois, il y avait du vent du nord,
ILGOV/PO
Le “Netz” 112 alors nous avons décollé vers le
même conflit, lors duquel quatre de gnit l’équipe Opera, donc la consti- de nord, puis nous avons tourné à
ces pilotes avaient été crédités de tution fut : l’escadron 117 droite, vers l’est. Il est possible que
victoires en combat aérien. – formation de tête, code radio lors d’une j’aurais dû continuer à tourner mais
Le jour J d’Opera fut repro- Chisel : Zeev Raz (commandant du séance de j’ai décidé, pour des considérations
grammé maintes et maintes fois. 117), Amos Yadlin, Doobi Yoffe et photographie liées au carburant, de redresser et
Pendant ce temps, l’adjoint A de Khagy Katz, avec Rani Falk en air-air le nous sommes passés trop près
l’escadron 110, Ehud BenAmity, réserve ; 24 novembre d’Aqaba. Apparemment, à ce mo-
perdit la vie le 20 janvier 1981. Israel – f ormation 2, code radio 1980, trois ment-là, le roi Hussein était sur son
Shafir le remplaça et Shlomo Shesh Cluster : Amir Nachumi (comman- jours après yacht près d’Aqaba et il nous a vus
fut promu au poste d’adjoint B de dant du 110), Iftach Spector, Israel que l’escadron filer vers l’est. Et il nous aurait
l’escadron 110. Ilan Ramon aban- Shafir et Ilan Ramon, avec Shlomo eut atteint confondus avec des “Phantom” et
donna sa fonction d’officier de navi- Shesh en réserve. la capacité des “Skyhawk” et n’avait aucun
gation de l’escadron 117 pour deve- opérationnelle moyen de prédire quelle était notre
nir l’officier de formation de Les huit chasseurs initiale. cible ; il a signalé à Amman [capitale
l’escadron 110. Le commandant de de la Jordanie, NDLR] que des
l’Escadre 1, Iftach Spector, qui avait
fondent sur Bagdad avions de combat israéliens avaient
volé pour la première fois sur Israël avait estimé que l’activa- Opération traversé la côte au sud d’Aqaba et
“Netz” le 25 août 1980, demanda au tion d’Osirak était prévue pour juil- Opera : le Amman ne savait évidemment pas
commandant de la force aérienne let 1981. Une autre date importante commandant de quoi faire de cette information.”
israélienne David Ivry la permis- était les élections israéliennes du l’escadron 117 L es huit “Netz” volèrent à
sion de rejoindre le poste vacant de 30 juin 1981 ; le gouvernement de Zeev Raz 360 nœuds [667 km/h] à 300 pieds
l’équipe Opera ; sa demande fut droite avait perdu de sa popularité est dans le AGL [above ground level, niveau du
rejetée. Spector alla plaider sa cause et les sondages publics prédisaient “Netz” 113, sol, 914 m], pendant 90 minutes. À
directement auprès du chef des une victoire de la gauche. Amos Yadlin 17 h 30, les huit pilotes accélérèrent à
forces armées israéliennes, Raphael Opera eut lieu le 7 juin 1981. Les dans le 107, 420 nœuds [778 km/h], et six minutes
Ethan, qui résidait dans la vallée de pilotes de “Netz” se déployèrent sur Doobi Yoffe plus tard ils passaient au-dessus du
Jezreel et faisait souvent le trajet la base d’Etszion le matin, et le brie- dans le 118 point de cheminement final, une île
Ramat David-Tel Aviv et retour en fing débuta à 10 h 00. Le départ fut et Khagy Katz au milieu du lac Razzaza. Le lac était
dans le 129,
avion, et intercéda auprès du com- prévu pour 16 h 00. là où il était censé être mais il n’y avait
avant le départ
mandant des forces aériennes. Et Avant le roulage, Nachumi nota aucune île en vue. Il fut spéculé plus
d’Etszion
c’est ainsi qu’Iftach Spector rejoi- un dysfonctionnement de son tard qu’une copieuse saison des pluies
▲
le 7 juin 1981.
29
F-16, LE FAUCON ISRAÉLIEN
E
T DHORN
VINCEN
avait entraîné l’inondation de l’île. saient qu’il arriverait. Rien de tout – celle du pilote allemand de
Les pilotes de “Netz” poursuivirent, cela n’est arrivé. Quand on me de- Cessna qui a atterri sur la place
traversèrent l’Euphrate, le Tigre, puis mande d’expliquer pourquoi/com- Rouge à Moscou en mai 1987 ;
virèrent à gauche, vers le nord, pour ment, je mentionne deux anecdotes : – celle du pilote syrien d’un
commencer le plan d’attaque.
Zeev Raz se souvient : “La plus Les pilotes
grande surprise a été lorsque nous de “Netz” de
nous sommes rapprochés et avons l’opération
Opera de retour
allumé nos radars. Nous nous atten-
à Etszion dans
dions à ce qu’il y ait beaucoup
la soirée
d’avions au-dessus de Bagdad mais
du 7 juin 1981,
nos radars n’ont rien détecté, pas un sous l’œil du
seul avion au-dessus de la ville, donc commandant
chacun de nous a pensé que son ra- de l’escadron
dar fonctionnait mal parce qu’il sem- résident,
blait irréaliste qu’il n’y ait pas le 140 sur “Ahit”,
d’avion, commercial ou militaire, Naphtali Maimon
au-dessus d’une capitale arabe, au (à droite).
milieu d’une guerre entre l’Iran et
l’Irak, peu de temps après que la
force aérienne iranienne eut attaqué
Osirak ! Nous avons donc porté
notre attention sur le système radar
warning receiver (RWR) qui ne dé-
tecta aucune émission radar, pas un
verrouillage ; c’était étrange.
30
MiG-23 qui a atterri à Megiddo
[Israël] en octobre 1989.
“ Huit avions avaient débriefing général de la mission à Tel
Aviv plus tard dans la soirée.
Sur le moment, c’était étrange, À l’exception des deux dysfonc-
surtout parce qu’on était en temps de
guerre [entre l’Iran et l’Irak], mais
surgi, bombardé, disparu, tionnements survenus avant le décol-
lage, le “Netz” avait donné toute sa-
cela peut arriver.”
A pparemment non détecté,
et un réacteur nucléaire tisfaction dans le cadre d’Opera.
Zeev Raz reconte : “Un autre phéno-
Chisel 1 cabra pour lancer la ma-
nœuvre de bombardement balis- avait été détruit ” mène notable, outre le fait que les
Irakiens n’avaient pas tenté de nous
tique. L’acquisition visuelle de la intercepter, c’est qu’il n’y a pas eu de
cible était primordiale pour le suc- teries SAM, mais je craignais que les dysfonctionnement. Trois heures de
cès. Le premier à repérer la cible fut intercepteurs, même s’ils n’atta- vol, un nouvel avion, des systèmes
Chisel 2. Contrairement à une mis- quaient pas réellement, ne causent révolutionnaires, un seul réacteur et
sion normale lors de laquelle les des problèmes en raison de leur pas un seul dysfonctionnement !
ailiers sont, dans la plupart des cas, simple présence, car nous aurions dû Les agents de maintenance rap-
des pilotes “verts”, les ailiers de enclencher la postcombustion, nous portèrent qu’il y avait eu des dys-
l’opération Opera étaient des pilotes désengager et consommer [plus] de fonctionnements, mais nous étions
très aguerris. Si cela avait été une carburant, ce qui ne nous aurait pas tellement excités et ravis que nous
mission normale, un ailier aurait permis de rentrer à la base. n’avions rien remarqué. Je ne sais
probablement attendu l’ordre du Finalement, il n’y eut ni intercep- pas, je crois vraiment qu’il n’y a eu
chef, mais ici, les teurs ni SAM, aucun dysfonctionnement, je suis
ailiers n’étaient pas seulement des sûr que mon avion n’a eu aucun
des subalternes et tirs de batte- dysfonctionnement ; je sais juste
la mission était tout ries de défense Image extraite que des dysfonctionnements sont
sauf une mission de antiaérienne de la apparus pendant le vol entre
routine. Chisel 2 qui n’avaient cinémitrailleuse Etszion et Ramat David.”
bombarda en pre- a u c u n e d’un “Netz”
mier et Chisel 1 en chance de qui montre, La déclaration
second. nous frapper en bas à gauche,
Z eev Raz se du seul fait de des bombes du Premier ministre
souvient : “Les in- n o t re pl a n explosant L e gouvernement israélien,
tercepteurs enne- d’attaque, de sur Osirak. avant l’opération, avait décidé qu’il
mis m’inquiétaient notre ma- ne serait pas le premier à divulguer
beaucoup plus que nœuvre et de Le Premier publiquement l’attaque. Le jour sui-
AC
les SAM. L’expé- notre vitesse.” ministre vant se trouvait être la fête de
rience de la guerre du Yom Kippour Les huit pilotes de “Netz” lar- israélien se Chavouot et, dans l’après-midi, le
nous avait appris qu’il était beau- guèrent leurs bombes. Sept obtinrent rendit à Ramat Premier ministre israélien publia
coup plus difficile pour les défenses des coups au but directs ; Spector David le 16 juin une déclaration : “Le dimanche
ennemies de lancer des SAM depuis rata la cible. Le dôme d’Osirak s’ef- 1981 ; selon 7 juin [1981], la force aérienne israé-
leur arrière que depuis la ligne de fondra. En moins de deux minutes, les cyniques, lienne a attaqué Osirak près de
front, car sur cette dernière, il est tout était fi ni ; huit avions avaient cette visite très Bagdad. Mission accomplie. Le ré-
possible d’indiquer aux batteries surgi, bombardé, disparu, et un réac- médiatisée fut acteur a été détruit. Tous nos avions
SAM quand et où les avions amis teur nucléaire avait été détruit. orchestrée pour sont revenus sains et saufs.
opèrent de sorte que tout avion est à Se désengageant à basse altitude maximiser les Le devoir du gouvernement is-
gains politiques
coup sûr ennemi ; c’était beaucoup puis montant à haute altitude, les pi- raélien est d’expliquer à une opinion
de l’opération
plus difficile à accomplir sur les posi- lotes des “Netz” rejoignirent Etszion, publique éclairée la décision de cette
Opera avant
tions arrières. Pour cette raison, je refirent les pleins, puis rentrèrent à opération spéciale. Nous avons
les élections du
n’étais pas si inquiet au sujet des bat- Ramat David avant de participer à un 30 juin 1981.
suivi, avec une profonde inquiétude,
ILGOV/PO la construction du réacteur Osirak.
De sources fiables, nous avons ap-
pris que le but du réacteur était de
produire des bombes atomiques. La
cible de ces bombes atomiques de-
vait être Israël. C’est ce qu’a dit expli-
citement le souverain sauvage de
l’Irak après que les Iraniens ont légè-
rement endommagé le réacteur.
Saddam Hussein a déclaré que l’at-
taque iranienne avait été vaine car le
réacteur n’avait été construit que
contre Israël. Les bombes atomiques
que ce réacteur aurait pu produire,
à partir d’uranium enrichi ou de plu-
tonium, auraient été de la classe des
bombes larguées sur Hiroshima.
C’est ainsi qu’un danger pour l’exis-
tence d’Israël s’est développé.
Là encore, des sources fiables ont
indiqué que le réacteur serait achevé
▲
31
LE FAUCON ISRAÉLIEN
Photographie
du “Netz” 112
de l’escadron 117
après l’opération
Opera. Elle a en
réalité été prise
lors de la séance
de photos en vol
du 24 novembre
1980.
ILGOV/PO
et activé au début de juillet 1981 ou atomiques en échange de pétrole. avait dit de ne rien dire. Le lende-
au début de septembre 1981 ; en Nous les appelons à arrêter cet acte main, je suis retourné à Ramat David
d’autres termes, en peu de temps, le terrible et anti-humain. Nous ne per- après les célébrations de Chavouot
réacteur irakien aurait été actif et mettrons en aucun cas à un ennemi au kibboutz Geva et j’ai vu un soldat
“chaud”. Dans un tel cas, le gouver- de développer une arme de destruc- faisant de l’auto-stop ; je me suis ar-
nement israélien n’aurait pas été en tion massive contre notre peuple. rêté, il a pris place dans la voiture et
mesure de décider d’attaquer le réac- Nous défendrons les citoyens israé- j’ai remarqué qu’il était excité alors
teur car une telle attaque aurait risqué liens, à temps, avec tous les moyens je lui ai demandé [pourquoi il était si
de libérer une radioactivité mortelle à notre disposition.” excité] et il m’a dit :
en direction de Bagdad et plusieurs Cette annonce préparée à la hâte “Vous n’avez pas écouté la ra-
milliers de citoyens innocents au- contenait deux erreurs : l’annonce dio ? Nous avons fait exploser le ré-
raient été atteints. Nous aurions été citée de Saddam Hussein n’a pas pu acteur irakien près de Bagdad !
obligés de surveiller passivement la être référencée et un citoyen français Je lui ai demandé :
production de aurait été tué dans – Qui a dit ça ?
Le Premier bombe s ato - l’attaque avec dix Je pensais qu’il répondrait les
ministre israélien miques en Irak Irakiens. L’affir- Irakiens, les Jordaniens, les
à Ramat David, dont le dirigeant m at ion s elon Américains mais il a dit :
le 16 juin 1981, n’aurait pas hé- laquelle le bom- – Notre gouvernement !”
décore sité à les larguer bardement du ré-
le commandant
de l’escadron 117
sur les villes et acteur après son Un élément de la
les centres de activation aurait
Zeev Raz
population is- entraîné plusieurs
campagne électorale
(à droite) pour
avoir dirigé
raéliens. Par milliers de morts à Il est impossible d’expliquer
l’opération
conséquent, le Bagdad a été cette déclaration autrement que
Opera. gouvernement contestée à la suite comme un élément de la campagne
israélien a dé- de cette annonce. des élections à venir. J’insiste sur ce
AC
Apprenant cidé d’agir afin L e Premier point parce que [le Premier ministre
l’opération d’assurer le bien-être de notre peuple. ministre israélien s’attendait à ce israélien Menachem, NDLR] Begin
Opera, que sa déclaration soit mentionnée a été accusé d’avoir autorisé l’opé-
les États-Unis Une annonce préparée dans le journal de 15 h 00 de la radio ration à cause des élections ; je pense
suspendirent israélienne, et eut la surprise que ce que ce n’était pas le cas, mais cela
leurs livraisons à la hâte et deux erreurs ne se soit pas le cas. Une enquête l’était pour la déclaration.”
de F-15 et La planification a été précise. ultérieure révéla que les rédacteurs Les sondages après l’opération
F-16 jusqu’au L’opération a été fixée à dimanche en en chef de la radio avaient mis en Opera indiquèrent un changement :
18 août 1981 ; raison de l’hypothèse que les 100 à doute la crédibilité de la déclaration le soutien aux partis de droite aug-
les derniers 150 experts étrangers employés sur et demandé une confirmation offi- mentait tandis que le soutien aux
“Netz” livrés le réacteur ne travailleraient pas pen- cielle. Ce n’est qu’après que le partis de gauche diminuait et – indé-
avant cette dant le jour de repos chrétien. Cette Premier ministre israélien se fut pendamment du fait qu’un tel scéna-
suspension hypothèse s’est avérée correcte ; au- entretenu en personne avec un ré- rio semblait impossible quelques
(252, 254, 255,
cun expert étranger n’a été blessé. dacteur en chef de la radio que la semaines auparavant – les partis de
257, 258 et 260)
Deux gouvernements européens déclaration fut diffusée, à 15 h 30. droite remportèrent les élections le
arrivèrent
[la France et l’Italie] ont aidé le diri- Zeev Raz se souvient : “Le chef 30 juin 1981. ■
à Ramat David
en mai 1981.
geant irakien à produire des armes des forces armées israéliennes nous À suivre
AC
32
PRÉSERVATION
Armée de l’Air et de l’Espace
Le patrimoine
est un système d’arme !
Le Republic F-84F
“Thunderstreak” matricule
52-8879 “monte la garde”
devant l’espace patrimonial
Rozanoff de la base aérienne 118
à Mont-de-Marsan.
XAVIER MÉAL
34
L
e 3 avril dernier, le général de
Cette phrase, prononcée avec force division aérienne Stéphane
lors d’un récent colloque à l’École Dupont, directeur du centre
d’études stratégiques aéros-
militaire, remet le patrimoine là où il patiales (Cesa) et délégué au
patrimoine de l’armée de l’Air et de
aurait toujours dû être au sein de l’armée l’Espace (DPAAE), a réuni à l’École
de l’Air et de l’Espace. Et sonne comme militaire les correspondants patri-
moine des bases aériennes (CPBA)
le coup d’envoi d’une nouvelle ère. et les responsables des espaces mu-
Par Xavier Méal séaux des bases aériennes. Il a lancé
à cette occasion une grande mission
mémorielle composée de deux grands
projets à l’horizon 2023-2024 : célé-
brer les 90 ans de l’armée de l’Air et
de l’Espace, notamment par le biais
de nombreuses initiatives locales – au
niveau des bases –, et basculer dans
la phase “d’industrialisation” du
musée virtuel de l’armée de l’Air et
de l’Espace (AAE).
“Le patrimoine est un système
d’arme qui nous permet de diffuser
notre esprit, nos valeurs, notre his-
toire, a martelé le colonel Julien
Resplandy, sous-directeur puissance
aérospatiale et patrimoine. Le valo-
riser est une démarche engageante. Il
y va de la notoriété de l’armée de l’Air
et de l’Espace. L’enjeu est donc de
développer à terme une politique
muséale et patrimoniale qui harmo-
nise nos pratiques.” Dans une dé-
marche innovante, l’armée de l’Air et
de l’Espace se saisit donc à bras-le-
corps de son patrimoine, pour tenter
de l’exploiter à la hauteur de sa valeur.
Politique de préservation
en cours de rédaction
La préservation du patrimoine de
l’AAE repose essentiellement sur des
actions individuelles, à l’intérieur des
bases mais également à l’extérieur,
menées par d’anciens militaires ou des
civils passionnés. En 2012, le général
d’armée aérienne Jean-Paul
Paloméros, alors chef d’état-major de
l’armée de l’Air (CEMAA), avait
entamé une action de valorisation du
patrimoine mémoriel de l’AAE, qui
demandait cependant à devenir une
véritable politique – cette dernière est
désormais en cours de rédaction.
Néanmoins, depuis 2012, chaque base
aérienne compte dans les rangs du
personnel un CBPA.
À l’occasion de cette réunion,
habituellement annuelle mais qui
n’avait plus eu lieu depuis longtemps
du fait de la pandémie de Covid, le
rôle essentiel du CPBA a été rappelé :
– il conseille le commandant de
base pour toute question en lien avec
le patrimoine ;
– il recense et met à jour l’inven-
taire du patrimoine de la base et de
ses éléments rattachés – et sera pour
▲
35
PATRIMOINE
Il a fallu
trois mois, sur
leur temps libre,
à une équipe
d’aviateurs de
la base aérienne
188 Colonel
Massart de
Djibouti pour
restaurer en
2019 l’AD-4N
“Skyraider”
BuAer n° 125741,
qui y est exposé
depuis 1972.
L’avion avait
beaucoup
souffert
de l’exposition
aux éléments
depuis
sa dernière
restauration
en 2013.
Véritable relique,
datant de 1941 Le QR code ci-dessous permet
d’accéder au musée virtuel de l’armée
et de la création de l’Air et de l’Espace depuis
du premier un smartphone :
“Free French
Squadron”
en tant que
Squadron 340
de la RAF,
avec ses deux
escadrilles Paris
et Versailles,
ce fanion ne
quitte que très
rarement la salle
des traditions de
l’escadron 2/5
Ile-de-France.
DR
37
RESTAURATION
Waco PCF
Plus rare que le plus prisé
Depuis peu vole à La Ferté-Alais
une rareté parmi les raretés. Ses lignes
qui synthétisent tous ce qu’on peut
désirer dans un biplan américain en font
un obscur objet de désir…
Par Xavier Méal
38
Ce Waco PCF est un
des trois exemplaires
qui ont été produits. Il vole
depuis peu en France,
depuis La Ferté-Alais. Il est ici
piloté par Baptiste Salis.
39
FRÉDÉRICK VANDENTORREN
WACO PCF
N
ée Weaver Aircraft marge d’au moins 10 % dans tous les britannique et à être équipé d’aile-
Company en 1919 – soit domaines. Le succès ne tarda pas et rons métalliques. Par ailleurs, la rou-
WACo en abrégé –, les chiffres des ventes des premiers F lette de queue avait été améliorée et
l’avionneur de Troy, dans incitèrent Waco à étendre sa nouvelle reculée de 12 pouces (25 cm).
l’Ohio, produisit ceux qui gamme ; apparurent le MNF dès le
demeurent parmi les plus beaux et 29 janvier 1931 et, le 9 avril 1931, le Le biplan à succès
recherchés biplans américains. La QCF/QCF-2 à moteur Continental
société changea de nom en 1923 pour A-70-2 de 165 ch.
de 1931-1932
devenir Advance Aircraft Company, Dites simplement “F-2” à un afi- Le nouveau type QCF gagna très
mais continua de peindre le sigle cionado du Waco, et instantanément rapidement la réputation d’être
WACO sur ses avions, puis en juin s’allumera dans ses yeux une étrange l’avion utilitaire le plus performant de
1929, son patron Clayton Brukner fit lueur, tandis qu’un léger mouvement sa catégorie. Il emportait deux passa-
officiellement changer le nom de la de sa glotte trahira une salivation gers de 77 kg (170 livres) dans le poste
société en Waco Aircraft Company. intense… Nombreux sont ceux qui avant, avec 40 kg de bagages et le
Suite au krach boursier d’octobre affirment que le QCF/QCF-2, F-2 en plein de carburant (147 l), à la vitesse
1929, de nombreuses entreprises abrégé, est tout simplement la quin- de croisière de 175 km/h. Il se dit que
avaient tout simplement mis la clef tessence du Waco. Ni plus, ni moins. les ingénieurs de l’usine Waco, impa-
sous la porte. La Waco Aircraft Le F-2 est un avion plutôt simple, tients de faire la démonstration des
Company, pour sa part, avait couché néanmoins élégant, avec cet aspect impressionnantes capacités de décol-
sur la planche à dessin un nouvel compact qui lui donne un petit côté lage et atterrissage courts du QCF,
avion, le Waco Model F. La série F avion de course. vidèrent de leurs propres voitures le
prenait la suite de la série 10/O à Poussé par le succès des premiers parking circulaire de 30 m de dia-
moteur V8 OX-5, apparue en 1927, modèles F de l’année 1930, Waco mètre de l’usine pour y faire décoller
et qui avait valu à la société de Troy proposa donc très rapidement des et atterrir leur dernière production.
sa réputation et son succès. déclinaisons encore améliorées, et, Ses capacités Adac (avion à décollage
Capitalisant sur le succès des O, sur la base d’un fuselage de RNF, le et atterrissage courts) étaient telles
les F étaient caractérisés par une cel- prototype du QCF/QCF-2 à moteur qu’elles surpassaient celles du plus
lule plus petite et surtout plus légère en étoile Continental A-70-2 de excitant des derniers nés de l’indus-
de 200 kg, et un train d’atterrissage 165 ch fut certifié le 4 avril 1931. Pour trie américaine, l’autogire Pitcairn
renforcé, tout en permettant toujours la première fois, Waco utilisa pour “Whirly Bird”.
d’emporter deux passagers en plus du l’aile le fameux profil aérodynamique Le Waco QCF/QCF-2 s’imposa
pilote dans des cockpits en tandem. Clark Y conçu au Naca en 1922 par rapidement comme LE biplan de
Les biplans de la série F n’allaient Virginius E. Clark et utilisé sur le l’époque. Un certain “Tex” La Grone
guère plus vite, mais le faisaient avec Le prototype Ryan NYP Spirit of St. Louis de eut le privilège d’acheter en 1932 le
des moteurs de moindre puissance et du Waco QFC Lindbergh ; le nouvel avion reçut par dernier des 31 QCF/QCF-2 produits
plus économiques. Les premiers mo- en assemblage ailleurs un train d’atterrissage revu (selon le compte des historiens spé-
dèles furent les RNF (Warner dans l’usine et amélioré, plus robuste, qui aug- cialisés). Ce faible nombre tint essen-
“Scarab” de 110 ch) et KNF (Kinner de la Waco mentait la charge utile, mais aussi la tiellement au fait que la série F des
Aircraft
K-5 de 100 ch) – premiers à être certi- vitesse du nouveau F. Ce Waco fut Waco connut un superbe succès et fut
Company
fié, respectivement le 7 et le 12 avril encore le premier à utiliser le système déclinée en de multiples modèles, qui
à Troy,
1930 –, suivis de l’INF (Kinner B-5 de de freinage mécanique appelé frein se concurrencèrent les uns les autres :
dans l’Ohio.
125 ch), certifié le 2 août 1930.
Les exemplaires de ce trio inau-
gural de la série F furent tous
construits durant l’année 1930 et
inaugurèrent le nouveau système de
désignation à trois lettres de Waco,
la première identifiant le type de
moteur, la deuxième le type de cel-
lule et la troisième le type de fuse-
lage. Système qui fit longtemps
s’arracher les cheveux aux historiens,
car dans sa quête de perfection – et
de clients – la Waco Aircraft
Company ne cessa de raffi ner ses
produits et proposa à ses clients en
succession très rapide une multitude
de combinaisons de moteurs, d’ailes
et de fuselage. Dans les années 1930,
on dénombrait 34 versions.
40
DR
Le Waco QFC-2
INF, KNF, RNF, QCF, PCF, PBF, totype fut d’ailleurs livré au moto- de série 501 [210 ch], et j’ai fait le vol immatriculé
UBF, UMF, YMF, YPF, ZPF, UPF, riste Continental Aircraft Engine inaugural le 12 décembre 1941. Après NC11490 en
YMF (à partir de 1936, Waco ajouta Co. à la toute fin de novembre 1931, de nombreuses heures d’essais en vol pleine séance
un suffixe à la désignation, sous et son Continental A-70-2 remplacé dans les conditions les plus difficiles, de voltige
forme d’un nombre qui indiquait par le dernier né plein de promesses j’ai livré l’avion avec ce nouveau en 1931,
l’année de construction : 6 pour 1936 de Continental ; le pilote d’essais moteur à la Navy à Pensacola, en piloté par
par exemple). Il y avait à peine un an d’alors du motoriste, Paul E. Wilcox, Floride, où ils ont testé son aptitude Al Blackburn,
que le prototype était sorti de l’usine raconta dans les années 1980 : “Puis à l’emploi en combinaison avec le devant les
Waco de Troy, dans l’Ohio. Le pro- nous avons installé le R-670 numéro [dirigeable USS] Macon pour le lan- contreforts
▲
des monts
San Gabriel,
en Californie.
Comme le QFC-2
dont il est issu,
le Waco PCF
synthétise
le “biplan
américain
parfait”.
FRÉDÉRICK VANDENTORREN
41
WACO PCF
P pour…
Jacobs LA-1
Même si le biplan triplace en tor-
pédo bon à tout faire était déjà une
espèce en voie d’extinction en 1931,
le QCF-2 était considéré comme l’un
des tout meilleurs dans sa catégorie.
Waco en produisit donc 31 exem-
plaires, mais sortit également en 1931
le PCF, une version légèrement amé-
liorée dans la cellule et avec un mo-
teur différent : un 7 cylindres Jacobs
LA-1 de 170 ch (P indiquant le mo-
teur Jacobs LA-1 dans la nouvelle
nomenclature Waco). Seulement
trois exemplaires furent construits
– considérés par les puristes comme
le Graal des Waco.
Le Jacobs LA-1 de 170 ch était
alors le dernier venu sur le marché
des moteurs en étoile. La société
Fischer & Jacobs avait été créée à
Philadelphie, en Pennsylvanie, le
1er janvier 1926, et avait commencé
par construire un moteur en étoile
expérimental à 4 cylindres et 2 temps
refroidi par air destiné à remplacer
les V8 Curtiss OX-5. Bien que ce
moteur pesât moins de 250 livres
(113 kg) et produisît une puissance
équivalente, il ne fut jamais produit.
Le premier moteur Jacobs fabriqué
en série fut donc le LA-1, un moteur
en étoile refroidi par air à 7 cylindres
pesant 390 livres (177 kg) et produi-
sant 140 ch à 1 800 tr/min. Le LA-1
reçut le certificat d’agrément de type
n° 31 le 7 février 1929.
Rebaptisée Aircraft Engine Cor-
poration, la société déménagea briè-
vement pour Camden, dans le New
Jersey, puis s’installa finalement à
Pottstown, en Pennsylvanie, où elle
avait acquis l’usine de la Light
Manufacturing and Foundry Com-
pany suite à sa liquidation en 1931.
Au milieu de l’année 1931, la puis-
sance du LA-1 fut portée à 170 ch à
2 125 tr/min – ce qui attira sans doute
l’attention de Waco –, et environ 60
exemplaires furent fabriqués avant
l’expiration du certificat de type le
1er décembre 1935. Puis en 1933,
Jacobs conçut le L-4 de 225 ch, qui fut
produit en grande série pour l’US
Army Air Corps sous la désignation
R-755 et motorisa ses Cessna AT-17,
UC-78 “Bobcat”, Boeing-Stearman
PT-18 “Kaydet” et plus tard en France
le Morane-Saulnier 505 “Criquet”.
▲
FRÉDÉRICK VANDENTORREN
42
Le Waco PCF
symbolise
à lui seul
l’“âge d’or”
des biplans
aux États-
Unis. Moins
connu que
le Stearman
PT-17, il est
pourtant bien
plus désirable.
43
WACO PCF
Le tableau
de bord
du PCF réunit
le strict
minimum,
l’essentiel pour
voler : sélecteur
de magnétos,
compte-tours,
indicateurs
de pression
et de
température
d’huile,
altimètre,
tachymètre,
compas.
FRÉDÉRICK VANDENTORREN
44
Au premier coup d’œil, rien ne Un “poil” meilleur “Tourist” à moteur Continental
distingue le PCF du QCF. La dispo- R-670 de 210 ch qui vint le remplacer
sition générale est en tout point la que le QCF-2 sur le catalogue Waco dès avril 1932,
même, un biplan en torpédo, avec un Le PCF ne connut cependant pas et fut construit à une quinzaine
cockpit avant accueillant deux per- le même succès que le QCF, par rap- d’exemplaires. Puis vint finalement
sonnes et celui de l’arrière le pilote. port auquel il est pourtant – selon le PBF à moteur Jacobs LA-1 qui ne
Le premier PCF sortit de l’usine de certains spécialistes – “un poil” différait de l’UBF que par quelques
Troy le 29 septembre 1931 et il reçut meilleur et demeure de ce fait une détails mineurs. L’UBF fut, de l’avis
son certificat de type le 2 octobre bête rare. Seulement trois exem- de certains spécialistes, le dernier et
1931. L’un des clients du PCF fut plaires ont été répertoriés à ce jour. le plus abouti de la série F, ne devan-
l’Aeronautics Department de l’État Pourtant, le PCF ne déméritait en çant le QCF/QCF-2 au palmarès que
de Pennsylvanie. Doté d’équipements aucun aspect par rapport aux avions d’un cheveu. Mais là encore, ce clas-
de luxe tels que pantalons de roues, disposant de la même puissance. sement fait l’objet de discussions
raccords Karman sur les ailes infé- Waco Aircraft fit peu pour promou- échevelées au fond des hangars.
rieures, phares d’atterrissage et hélice voir cet appareil, ceci expliquant La série F fut très populaire
métallique, cet avion fut utilisé pour sans doute cela. Ses ingénieurs auprès des pilotes privés et fut
faire la tournée d’inspection des aéro- étaient probablement déjà affairés à construite jusqu’à la fin des années
dromes de Pennsylvanie. la conception du nouveau UBF 1930. L’UPF-7 connut le plus grand
succès avec 600 exemplaires pro-
Les lignes duits. Désigné PT-14 par l’USAAF,
compactes il fut sélectionné par le Civilian Pilot
et ramassées Training Program (dont le but est de
du Waco PCF
former une grande quantité de pi-
lui donnent
lotes destinés à garnir les effectifs
des allures
de l’USAAC) pour être produit
d’avion
de course.
jusqu’en 1942. Pourtant, à cette
époque, les biplans à cockpits ou-
verts étaient passés de mode, même
dans le milieu civil. Mais l’immi-
nence de la guerre fit que les forces
armées avaient à tout prix besoin
d’un grand nombre d’appareils de
formation. 15 exemplaires furent
acquis par l’USAAC en 1939, dont
un réquisitionné, et deux par l’US
Navy. Cependant, le PT-14 souffrit
de la concurrence du Boeing-
Stearman PT-17/18 “Kaydet”, qui
disposait d’un meilleur comporte-
ment en vol. Et resta dans l’ombre
de celui qui est appelé de façon gé-
nérique “Le Stearman”.
La première société Waco Air-
craft mit la clef sous la porte en
1947, cinq ans après que la série F
eut été arrêtée au terme d’environ
600 exemplaires produits. Lorsque
la “nouvelle” société Waco s’établit
en 1983 à Lansing dans le Michigan,
quel modèle choisit-elle pour se
lancer… ? Un F bien sûr. Plus exac-
tement le YMF-5, soit un équivalent
de l’UMF, lui-même un UBF à fuse-
lage et dérive agrandis, propulsé par
un moteur Jacobs L-4 de 225 ch. Les
aficionados se réjouirent… et pous-
sèrent un soupir de soulagement : la
célèbre marque allait revivre mais
leurs précieux QCF allaient rester
rares, et le PCF encore plus ! Et
donc toujours aussi désirable…
Il se trouve qu’un de ces objets du
désir se trouve actuellement basé à
La Ferté-Alais, dans l’Essonne, et…
est à vendre. Il a été importé des
États-Unis par la société de Baptiste
Salis, qui en a terminé la restaura-
tion, l’a mis au point et en a assuré les
essais en vol. À bon entendeur… ■
FRÉDÉRICK VANDENTORREN
45
HISTOIRE
La première campagne du GC III
Normandie (mars-novembre 1943)
Une épreuve
du feu glorieuse,
mais chèrement
payée
Troisième partie et fin.
Les actes de bravoure des pilotes du GC III
Normandie aux commandes des Yak inspirent
le respect de tous. Aux journées fastes
succèdent les drames.
Par Yves Donjon. Auteur de Ceux de Normandie-Niémen,
administrateur du Mémorial Normandie-Niémen.
D
urant quelques jours puis du Moyen-Orient. Tous les mé-
l’activité du Normandie caniciens français dont le départ a été
est fortement ralentie ; décidé ont remis leurs avions aux
cette pause est mise à mains d’une centaine de mécaniciens
profit pour l’entraîne- soviétiques. Désormais, la mainte-
ment des jeunes pilotes. Cependant, nance de chaque Yak sera assurée
la guerre continue et les missions de par un mécanicien responsable, as-
guerre reprennent. sisté de quatre adjoints.
Le 28 juillet, à 15 h 46, six Yak
commandés par le s/lt Albert dé- Six pilotes en renfort
collent en mission de couverture de
troupes au sol se trouvant à une ving-
le 3 août
taine de kilomètres au nord-est de Le 3 août, le gén. Levandovitch
Karachev. Un groupe d’une tren- arrive à Khationki pour remettre la
taine de Ju 87 protégé par six Fw 190 médaille de l’ordre de la guerre pour
est rencontré ; un combat tournoyant le salut de la Patrie aux cinq premiers
s’engage. Albert Preziosi, qui a été ré c ipiend a i re s f ra nç a i s du
promu capitaine, est perdu de vue Normandie. Pour Jean Tulasne et
lors du combat et ne rentre pas au Albert Littolff, la remise est faite à
terrain ; il est porté disparu. titre posthume. Dans son avion en
Le 30 juillet, le s/lt Lefèvre re- provenance de Moscou, le général a
vient de Moscou, accompagné d’un amené avec lui un groupe de six pi-
pilote de renfort, l’asp. André lotes de renfort : le lt Roger Denis,
Largeau. Âgé de 26 ans, titulaire le s/lt Louis Astier, les aspirants Yves
d’une victoire aérienne obtenue en Fauroux, Henry Foucaud, Jean Rey
mai 1940, pilote expérimenté, et Jean de Sibour. En grande majo-
l’asp. Largeau devrait être opération- rité, ces pilotes se sont échappés de Marcel Lefèvre
nel assez rapidement. Ce même jour, France – souvent par l’Espagne – au et son Le Père
le lt Alex Michel, responsable du cours des mois écoulés, puis se sont Magloire
personnel technique français, quitte engagés dans les FAFL. Le lende- en septembre
le groupe à destination de Moscou, main, le gén. Levandovitch rentre à 1943.
▲
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
46
47
PREMIÈRE CAMPAGNE DU GC III NORMANDIE
DR/DELA
48
HORNE
VINCENT D
l’activité aérienne est très intense. hôpital du front, Yves Fauroux sera Le 2 septembre, le groupe fait
En deux jours, le Normandie effec- évacué à Moscou où il séjournera mouvement sur Michkovo, petit ter-
tue 66 sorties et ajoute 13 victoires à trois mois, avant de rejoindre ses rain mal aménagé, à 15 km au nord-
son palmarès. Malheureusement, camarades à Toula. est de Spass-Demiansk, sur lequel
deux nouveaux noms s’ajoutent à la l’ennemi était encore présent dix
liste des disparus : Paul de Forges, le L’un des meilleurs pilotes jours auparavant. Le surlendemain,
pilote de raids aériens des années 4 septembre, le Normandie perçoit
1930, et le jeune Jean de Sibour, âgé
ne rentre pas sept nouveaux avions, dont certains
de 21 ans seulement ; tous deux sont Le lendemain, 1er septembre, un sont des Yak-9T. Cette version dif-
portés manquants le 31 août. nouveau drame attend le Nor- fère du Yak-9D par l’équipement
L’asp. Fauroux, victime des tirs d’un mandie. L’un de ses meilleurs pi- d’un canon de 37 minutes, dont le
Fw 190, est blessé à la jambe gauche lotes, le s/ lt Albert Durand – titu- fût, très long, a nécessité le recul de
et aux deux bras ; il parvient cepen- laire de 10 victoires homologuées – la cabine d’environ 40 cm et la réduc-
dant à se poser dans un champ, en ne rentre pas ; il a disparu dans le tion du volume de la soute radio
bout de piste d’un aérodrome au secteur d’Ielnia lors d’un combat d’autant. Vers 17 h 15, une patrouille
voisinage de Viazma. Opéré dans un contre huit Fw 190. de six Yak intercepte une formation
▲
Jacques de Saint-
Phalle (à droite)
et un mécanicien
soviétique
devant un Yak
dont le moteur
est bien visible.
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
49
PREMIÈRE CAMPAGNE DU GC III NORMANDIE
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
Effectif du personnel
technique français
du Normandie
Abad Joachim – Abichou Daniel
– Audibert Marcel – Calorbe Jean
– Carme Albert (dit Robert) – Carrel
Armand – Chamballu François Un groupe
– Darenlot Jean – Deguilhem- de mécaniciens
Pémillat Hubert – Duprat Louis français
– Eidel Roger – Galley Pierre sur le terrain
– Gelibert Jean – Gélin Édouard de Khationki,
– Giovancarli Laurent – Goulin Daniel en juillet 1943.
– Gouverneur Pierre – Hannaux
Marcel – Henry Albert – Jacquier
Yves – Larrivet Denis – Lefebvre
André – Leloup Guy – Longchamp
Antoine – Lumbroso Armand
– Marcelin Georges – Masurel
Georges – Michel Alex – Morisson
Roger – Mounier Georges – Noël
Aimé – Peyronie André – Saliba
André – Saliba Benoît – Tourtelier
Roger – Touvrey Roger – Trolliet
Raymond – Truco André – Turcaud
Jean – Vidal Maurice – Weill Gérard
– Zukanovitch Guy.
(Lire encadré page 54)
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
50
Le Yak-9
Le Père Magloire
de Marcel
Lefèvre.
Le 6 novembre
La progression Ivanovo 1943,
le Normandie
du Normandie Mo quitte
le terrain
1re campagne sk
ov de Sloboda
22 mars au 6 novembre 1943 a pour un
hivernage
Début de Moscou
ou à Toula.
la 2e campagne C’est la fin
Da Vitebsk Dubrovka
Polotniani-Zavod
de l’opération
ug 26 mai 1944
22 mars
de Smolensk
av Smolensk Oka
dans la
a Filatki
2e bataille
18 septembre Michkovo du Dniepr.
2 septembre Gorodietchnia
18 août Hivernage du groupe
Mozalsk Fin de la 1re campagne
Orcha Barsouki
15 septembre
ass-Diemiansk
miansk
Spass-Diemiansk
16 avril Toula
6 novembre
Sloboda 24 août
Bé
Khationki
Babrouïsk 5 octobre 2 juin
réz
K o
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20 mai
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Koursk
Voronej
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FRANÇOIS HERBET
51
PREMIÈRE CAMPAGNE DU GC III NORMANDIE
Sloboda
en octobre 1943.
De gauche
à droite : Astier,
Schick, Laurent,
Risso, Mourier,
Béguin, Joire,
Pouyade, Corot,
Albert, Pistrack,
Lefèvre,
de Saint-Phalle,
de La Poype,
Foucaud.
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
arrivé la veille. Breveté pilote mili- Russes, au milieu du village. Le corps il a réussi à se dégager et s’est posé
taire en juillet 1934, le lt Mourier a d’André Balcou sera restitué à la sur le terrain d’Ozieritchié, occupé
obtenu cinq victoires durant la ba- France en mars 1953 ; il repose au ci- par des Po-2. En touchant le sol, le
taille de France de mai-juin 1940 ; metière de Béziers, dans l’Hérault. Yak a capoté et Foucaud s’est re-
c’est un chasseur expérimenté. trouvé coincé sous son avion.
Le 18 septembre, encore un “dé- Journée faste Secouru et soigné par les Sovié-
ménagement” pour le Normandie ; tiques, Henry Foucaud, recouvert
tout le monde se déplace en avion
le 22 septembre de pansements, rentre en début de
jusqu’au nouveau terrain de Filatki. La journée du 22 septembre soirée, raccompagné en Po-2 par un
Astier, de Saint-Phalle et Mourier 1943 est faste pour le Normandie : aviateur russe.
restent à Barsouki pour s’entraîner. en 19 sorties, les aviateurs français Smolensk et Roslavl sont repris
Le lendemain, trois Ju 87 viennent obtiennent neuf victoires confir- le 23 ; l’offensive d’été touche à sa fin.
s’ajouter au tableau de chasse du Nor- mées, et ce sans la moindre perte Les trois journées suivantes, le
mandie. Le 20 septembre, l’asp. Bal- dans leurs rangs. L’asp. Foucaud a temps étant des plus mauvais, les
cou est abattu en combat aérien par abattu un Fw 190 avant que ses Français sont contraints à des
un Fw 190 à Kniaje-Selo (près armes ne s’enrayent. Tiré et pour- chasses autres que les avions de la
d’Ielnia) où il est inhumé par des suivi par deux chasseurs allemands, Luftwaffe : la chasse aux punaises
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
52
Michel Schick, Début octobre, la ligne de front
officier de liaison s’est déplacée de plus de 150 km à
et interprète l’ouest. Le 5 du mois, le Normandie
à la radio, quitte Filatki pour Sloboda, près de
en avril 1943, Monastirchina. Les Français s’ins-
à Mozalsk. tallent dans l’ancienne école du vil-
lage. Le groupe est chargé de couvrir
l’offensive sur Orcha.
Le titre de compagnon
de la Libération
Le 11 octobre, à Alger, le gén. de
Gaulle décerne au Normandie le
titre de compagnon de la Libération.
À cette date, le groupe a remporté
70 victoires homologuées.
Le lendemain, le Normandie
reçoit la visite du gén. Petit, chef de
la mission militaire française à
Moscou. Le général est porteur de
bonnes nouvelles. Tout d’abord des
promotions : le lt Béguin est nommé
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
capitaine, les s/lt Albert et Lefèvre,
qui ont lancé une offensive sur les lits
et celles aux champignons…
“ (…) unité d’élite entre lieutenants, les asp. Risso (enfin !),
Mathis et Schick, sous-lieutenants.
Le 26 septembre, au cours d’un Ensuite, une lettre du gén. Valin qui
combat avec des Fw 190 dans la ré-
gion de Smolensk, le Yak du
les élites des escadrilles qualifie le groupe Normandie
“d’unité d’élite entre les élites des
lt Jeannel est incendié. Pierre Jeannel
parvient à sauter mais son parachute
qu’ait jamais comprises escadrilles qu’ait jamais comprises
l’aviation française”.
est déchiré. Il touche brutalement le
sol et se fracture la colonne verté- l’aviation française ” La veille de sa venue, le général
avait reçu la deuxième citation col-
brale, ce qui le fait beaucoup souffrir. lective pour le Normandie, ce qui
Il est tombé en plein champ de ba- forte et se couche sur lui toute la soi- donne au personnel du groupe le
taille, au milieu d’une offensive de rée et durant toute la nuit pour le droit de porter la fourragère aux
chars soviétiques. Derrière eux ou réchauffer. Il est recueilli le lende- couleurs de la croix de guerre. Le
accrochés à eux se trouvent des fan- main et envoyé à l’hôpital à Moscou. gén. Petit est accompagné, entre
tassins et quelques infirmières. L’une Malgré la gravité de sa blessure, le autres, de deux nouveaux inter-
d’elles aperçoit Pierre Jeannel et lt Jeannel sera remis sur pied en six prètes, les asp. Igor Eichenbaum et
court vers lui. Il a froid ; elle le récon- mois et pourra rejoindre son groupe. Paul Pistrack, ainsi que d’un pilote
de renfort, l’asp. Jules Joire.
Abri sur Titulaire de six victoires confirmées
un terrain obtenues durant la campagne de
de campagne. France, Jules Joire a été blessé au
Pilotes et
combat le 25 mai 1940 et a quitté la
mécaniciens
France le 19 juin suivant, à bord d’un
vivaient dans
langoustier en partance pour l’An-
des conditions
difficiles.
gleterre. Engagé dans les FAFL, il
a été fait prisonnier au cours de la
malheureuse expédition de Dakar
du 23 septembre 1940. Interné à
Dakar, puis à Alger, avant d’être
jugé par un tribunal militaire à
Clermont-Ferrand, Jules Joire re-
couvre la liberté le 2 janvier 1941,
mais il est sans emploi. En janvier
1943, il s’évade par l’Espagne mais
est arrêté par les franquistes qui
l’incarcèrent à la prison de Pampe-
lune où il passe plusieurs mois. Il est
ensuite placé en résidence surveillée
à Madrid puis à Gibraltar. Il par-
vient enfin à rejoindre l’Afrique du
Nord le 14 mai 1943, et gagne Alger
où il se porte volontaire pour les
renforts destinés au Normandie.
Le 13 octobre, au cours d’un
combat de 12 Yak-9 contre de nom-
▲
MÉMORIAL NORMANDIE-NIÉMEN
53
PREMIÈRE CAMPAGNE DU GC III NORMANDIE
55
TÉMOIGNAGES
Les 70 ans de la Patrouille de France
L’âge d’or des
“Mystère” IV
supersoniques
Deuxième partie et fin.
Maurice Larrayadieu et Bernard Capillon
racontent la grande année 1959
de la patrouille qui la conduit du Bourget
à Dakar. Jusqu’en 1961, la formation
s’illustre meeting après meeting
en “Mystère” IV. Un certain âge d’or.
Témoignages inédits de Bernard Capillon
et Maurice Larrayadieu réunis par Alexis Rocher.
A
u printemps 1959 s’an- blanc, rouge comme indicatifs).
nonce un événement – Bah on y va ! il me dit.
pour la Patrouille de On a un peu “gratté” les nuages
France : “Le Salon du et entamé les 17 minutes de présen-
Bourget 1959 fut une date tation. Comme j’avais bien cadencé
importante : elle marquait le cin- à cause des nuages pour ne pas ren-
quantenaire de l’Aéronau- trer dedans, le rassemble-
tique, raconte Maurice ment était plus diffi -
Larrayadieu. Nous y cile mais comme
fîmes le samedi 20 et tout le monde
le dimanche 21 juin “ m ord a i t l e
une excellente coussin”, ça
prestation, saluée passait. À la
par la presse. fin de la des- L’insigne de
Bernard cente j’en- la Patrouille
Capillon témoi- tends le mot de France créé
gne : “Samedi la que j’atten- par Maurice
météo n’est pas d a i s : “E n Larrayadieu.
bonne : y allons- place”. C’était
nous ou pas ? Il me gagné ! Les lea-
fallait 5 500 pieds ders étaient particu-
[1 676 m] pour faire lièrement adroits, sin-
une belle séance verti- gulièrement Castagnos
cale. Là il y avait 4000- et Larraya dieu (rouge
4200 pieds [1220-1280 m] DR/H. G
UYOT leader ). Castagnos était mon
avec des trous dans les nuages. 1er charognard. Il mettait son arceau
Nous avons décollé sans savoir quelle de verrière sur le blanc en dessous
séance nous allions faire. Pendant de mon avion. Pendant toute la
l’attente on se tâtait. Personne ne par- séance, son arceau ne sortait pas du
lait. J’ai dit à Castagnos : blanc. Larrayadieu avait un sens de
– Blanc leader qu’est-ce que tu la manœuvre extraordinaire. C’était
en penses ? (Nous avions bleu, le dernier à rassembler avec son box.
▲
ECPA
56
Les “Mystère” IV de la Patrouille
de France vus à Dijon en 1960.
57
LES 70 ANS DE LA PATROUILLE DE FRANCE
La traversée de la
Manche à grande vitesse
Maurice Larrayadieu poursuit :
“Du coup, Paris Match vint à Dijon
monter un scénario. Le 10 juillet :
meeting presque nocturne à Salon-
de-Provence pour le baptême des
promotions de l’École de l’air.
Un événement pour le cinquan-
tenaire de la traversée de la Manche
par Louis Blériot : la Patrouille de
ARMÉE DE L’AIR
France à son tour traversa celle-ci
à… grande vitesse ! Et le 26 juillet,
pour faire bon poids, nous fîmes une Le général de Gaulle
“quitta
formation bruyante, enchaînant bar-
rel-roll [tonneau barriqué, NDLR]
exhibition à Calais. et loopings, la montée à la verticale
Le mois d’août commença pai-
siblement, et le 10, à partir de la base
(…) ses invités de près de 100 t de ferraille et une fin
en apothéose par un éclatement vers
de Cognac, nous nous produisîmes
au meeting de Royan. Au cours
pour venir nous féliciter le bas de 12 avions dans toutes les
directions. Il y eut dans la région
d’une séance d’entraînement, le 27,
et dans la montée d’une boucle mar- dans un salon privé ” dijonnaise des embouteillages sur les
routes, car la circulation s’était par-
quée par un changement de forma- tout spontanément arrêtée.
tion, un équipier droit accrocha mon billon de figures exécutées de plus en Nous partîmes pour Oran puis
aile droite et en enleva un petit mor- plus bas : 100 m, en visant la régula- poursuivîmes sur Alger à basse alti-
ceau. Heureusement, ne ressentant rité la plus grande, à cause du syn- tude. Après deux jours de répétition,
rien d’anormal dans le pilotage de chro. Et justement, en fin de mission, nous produisîmes notre série à 12
mon avion, je m’abstins de le signa- les trois patrouilles se rejoignaient avions le 4 octobre, avec un grand
ler sur le moment et ne prévins pour voltiger à neuf, formant un gros succès. Nous revînmes à Dijon par
Capillon qu’en fin de figure, au losange, qui de l’avis des mécanos, le chemin inverse, à 12 000 m. Dix
calme. Nous nous inspectâmes les – des connaisseurs – était magnifique. jours après nous fûmes à nouveau à
uns les autres pour évaluer les dégâts Oran pour le meeting du 16.
et je me fis poser en patrouille par un Rendez-vous avec Ces meetings effectués à 12 étaient
de mes équipiers : ma perche Pitot en fait des répétitions ultimes pour un
avait été arrachée au cours de la col-
de Gaulle à Dakar projet bien plus ambitieux : la
lision, et je n’avais donc plus d’indi- Le 21 septembre, tout ce que la Patrouille de France reçut mission
cation de vitesse ! C’est une ma- base de Dijon comptait d’humain d’accompagner la visite que le général
nœuvre courante et sûre, pratiquée sortit des ateliers et des bureaux pour de Gaulle, président de la République,
par tous les chasseurs. mettre le nez en l’air : la Patrouille de rendait à l’Afrique. En l’occurrence,
Le mois de septembre était beau, France faisait sa première démons- nous le retrouverions à Dakar.
et donc favorable à un entraînement tration à 12 avions ! Une partie en C’est ainsi que le 7 décembre,
intensif : chaque leader vola avec synchro des trois box de quatre, en- nous décollâmes vers Bizerte, en
deux ou trois équipiers dans un tour- suite le rassemblement en une grosse Tunisie, puis après ravitaillement,
58
poursuivîmes vers Colomb-Bechar
dans l’Ouest algérien. Selon notre
habitude, les box de quatre avions se
suivaient à 15 minutes d’intervalle,
et je fermais la marche. Béchar,
c’était déjà le désert.
Le 8 décembre, décollage tôt le
matin : après le survol, à 12 000 m, de
Reggan (où ont lieu les expériences
nucléaires…) nous atterrîmes à
Tessalit, en plein milieu du Sahara,
après avoir eu du mal à repérer la
piste, dans l’infini sableux, et de si
haute altitude. Puis, le temps d’un
plein de carburant, nous poursui-
vîmes sur Bamako, au Mali. Durant
le trajet, à 13 000 m, le réacteur de l’un
de mes équipiers s’arrêta soudain, et
tandis que l’avion fatalement descen-
dait, je lisais les check-lists de secours
au pilote, tout en le poursuivant, pour
le garder en vue rapprochée.
Heureusement, à la deuxième tenta-
tive, vers 6 000 m, le réacteur voulut
bien se rallumer. Nous étions alors
dans les environs de Tombouctou, et La Patrouille de France passa
il n’y avait pas de terrain dans le coin. à 12 “Mystère” IV en septembre 1959.
En cas d’échec c’était l’éjection assu-
▲
ECPA
Maurice Larrayadieu
Maurice Larrayadieu, et son “Ouragan” quand
du “Spifire” à Concorde il était affecté aux Cigognes.
En juin 2011, lors de la remise de la cravate de commandeur de la Légion
d’honneur à Maurice Larrayadieu, le général Rougevin-Baville raconta sa
carrière : “Maurice Larrayadieu s’engage en 1949 dans l’armée de l’Air pour
servir comme mécanicien, à Rochefort ; il a 18 ans. Il a aussi d’autres ambitions :
il réussit le concours d’élève pilote ; breveté pilote de chasse sur “Spitfire”,
major de sa promotion, il choisit la 4e escadre de chasse à Friedrichshafen, sur
“Vampire”. Sous-lieutenant en 1953, il est affecté l’année suivante à Dijon à la
prestigieuse escadrille des Cigognes ; tout jeune, il est équipier d’une patrouille
acrobatique qui participe à de nombreux meetings, sur “Vampire” et “Ouragan”.
Chef de patrouille en 1955, major de sa promotion (c’est une habitude chez lui !),
il est nommé commandant d’escadrille à l’escadron de chasse 2/2 Côte-d’Or.
Bref détachement dans un escadron canadien sur F-86 “Sabre” [lire Le Fana
de l’Aviation n° 638], et c’est l’opération à Suez : il commande une escadrille
de “Mystère” IV basée à Ramât David en Israël ; il en revient avec la croix de
guerre des TOE [théâtres des opérations extérieures, NDLR] et une citation.
Algérie ensuite : commandant de l’escadrille d’aviation légère 8/72 à Tébessa,
il effectue 266 missions de maintien de l’ordre en 610 heures de vol, deux
atterrissages forcés du fait du feu ennemi ; il rapporte la croix de la Valeur
militaire et trois citations dont deux à l’ordre de l’Armée. Retour en métropole,
de nouveau commandant d’escadrille, au 3/2 Alsace, cette fois. Il va passer
trois années passionnantes comme leader d’un des éléments de la Patrouille
de France, équipée alors de 12 “Mystère” IV, et participe à de très nombreux
meetings à l’étranger, Stockholm et Téhéran, pour ne citer qu’eux. Il y gagne,
le terme est juste, la médaille de l’Aéronautique. En 1964, il rejoint un escadron
des forces aériennes stratégiques sur avion “Mirage” IV, à Istres, puis le Centre
d’instruction des forces aériennes stratégiques, à Bordeaux. Commandant
l’escadron de “Mirage” IIIB du Cifas [Centre d’instruction des forces aériennes
stratégiques, NDLR], il participe également à la mise au point des équipements
photo et contre-mesures électroniques du “Mirage” IV [Lire Le Fana de l’Aviation
n° 627]. Lieutenant-colonel, il quitte l’armée de l’Air en 1976 avec plus de
7 000 heures de vol, dont 3 000 heures sur tous les types de “Mirage”. Ses qualités
et son expérience vont être mises à profit dans une seconde carrière, civile, à
Aeroformation, division de l’Aérospatiale, où il sera responsable de la formation
des équipages de Concorde puis des programmes de simulateurs de vol des Airbus
A320, 330 et 340.” DR/COLL. MAURICE LARRAYADIEU
59
LES 70 ANS DE LA PATROUILLE DE FRANCE
ECPA
Alignement
rée. En arrivant à la verticale de Il y eut, le soir, une réception offi- ce qui se produisit. L’étape finale eut des
Bamako, je fignolai un piqué super- cielle au palais du gouverneur, dont lieu le 10 décembre, entre Bamako et “Mystère” IV
sonique avec mes quatre avions. l’épouse me confia qu’elle… prenait Dakar : un “bang” sonique à l’arrivée lors du meeting
Capillon, posé depuis presque une sa douche, au moment où je plantais marqua l’inauguration de la nouvelle d’Oran en 1959.
heure, et qui avait aperçu nos traînées mon “bang” supersonique : quelques piste de Yoff, de 3 000 m, par nous-
de condensation, me demanda de ne petits dégâts ! Et les populations de mêmes ! Au cours de l’après-midi il
surtout pas faire de passage à grande Bamako ont, paraît-il connu l’épou- nous fut demandé d’effectuer un
vitesse, ce qui était mon intention : vante. Le lendemain, 9 décembre, défilé aérien à Saint-Louis du
“Tu comprendras pourquoi… à l’ar- j’effectuai le vol de contrôle de Sénégal : absolument facile.
rivée”. L’atterrissage fut pour chacun l’avion 278, qui avait eu l’extinction
un peu mouvementé, car l’approche la veille. Les mécanos ne mirent pas Une grosse tuile
s’effectuait au-dessus de grands en évidence de panne mécanique ;
arbres, et la piste était courte et bos- rien que des soupçons, des supposi-
après l’atterrissage
selée ! Arrivant au parking, j’aperçus, tions. Je convins avec eux que si le Au retour à Dakar, une grosse
posés sur le faîte les hangars, fonctionnement de l’avion ne révé- tuile m’attendait après l’atterrissage.
d’énormes charognards, dangers lait rien de suspect, je planterai un Alors que je remontais lentement le
mortels pour nos avions ! bang sonique sur le terrain. Et c’est long taxiway, je constatai, sur un
Passage avec
fumigènes des
12 “Mystère” IV.
ECPA
60
E
T DHORN
VINVEN
coup de freins, une panne hydrau- tion invraisemblable, à partir de Six jours après l’accident, j’effec-
lique totale : circuit normal de frei- Dijon : elle consistait à prélever une tuai moi-même le vol de contrôle et
nage, plus circuit secours ! J’étais fi- voilure complète (avec les trains je gratifiai toute l’équipe du “bang”
celé dans un avion incontrôlable, à d’atterrissages), sur un avion entré sonique le plus canon, piquant à la
50 km/h. Devant moi, à 100 m, se en révision, la peindre aux couleurs verticale de 14 000 à 3 000 m !
présentait un profond fossé de drai- de la Patrouille de France, la trans- Le 12 décembre, nous produi-
nage en béton ! Trop tard pour tenter porter à Dakar, et la remonter sur sîmes une démonstration à 11 avions
quoi que ce soit, me libérer de mes mon avion blessé, le tout le plus rapi- à Saint-Louis du Sénégal, puis le len-
sangles par exemple, et sauter par- dement possible, bien sûr ! demain à Dakar. Le soir, une grande
dessus bord, ce qui aurait été très réception eut lieu au palais du gou-
hasardeux… Stoïque, je serrai mes Le rôle prépondérant verneur, au cours de laquelle le géné-
harnais au maximum (et mes fesses ral de Gaulle quitta un moment ses
aussi…) et attendis l’accident. La
des équipes techniques invités pour venir nous féliciter dans
roulette de nez franchit l’obstacle, C’est pourtant ce qui fut fait ! un salon privé : à chacun de nous,
mais le train principal cassa comme L’avion de transport était un Breguet présenté par Capillon, il adressa un
du verre dans le béton du fossé, en- “Deux-Ponts”, gros avion ventru compliment que l’on peut, en généra-
dommageant les ailes. Toute l’équipe seul capable techniquement d’assu- lisant, résumer ainsi : “Vous avez en
était consternée. Pour assurer les rer cette performance. Les équipes quelques minutes fait beaucoup plus
démonstrations des jours suivants, techniques intervenant à chaque pour la France que tant d’autres en
“j’empruntai” l’avion de mon cha- stade de la manip furent exception- quelques années.”
rognard, tandis que le staff tech- nellement compétentes [lire encadré Le 15 décembre, nous présen-
nique mettait au point une expédi- ci-dessous]. tâmes un meeting à Bamako puis
▲
Les mécaniciens jouèrent un rôle
capital en assurant toutes les
Le dévouement présentations avec le “Mystère” IV.
des mécanos
Maurice Larrayadieu souligne le rôle
des mécaniciens dans la Patrouille
de France : “Je citerai notre chef mécano
qui disait que la Patrouille de France
sur “Mystère” IV a toujours présenté
la totalité des avions affectés
(et spécialement peints). Elle n’avait
aucun appareil de remplacement, aucune
marge de manœuvre. En particulier,
tout au long du voyage en Afrique,
avec ses nombreuses étapes, ses
incidents techniques, et ses exhibitions
ici et là, la Patrouille a fait toutes
les grandes présentations à 12 avions :
un rendement de 100 % inégalable
de nos jours. Ceci, nous le devons
non seulement à la compétence
technique de nos mécaniciens, mais
aussi à leur inlassable dévouement,
à une véritable passion pour la PAF.”
ECPA
61
LES 70 ANS DE LA PATROUILLE DE FRANCE
Pilotes
et mécaniciens
de la Patrouille
de France
de 1960
entourent
Maurice
Larrayadieu,
au centre
(casque blanc).
ECPA
nous retournâmes à Dakar. Je récu- En 1960, Castagnos (devenu blèmes ! La saison 1960 nous procure
pérai mon avion n° 317 réparé le 18 et capitaine) succède à Capillon, puis les meetings de Wiesbaden, Landau
nous reprîmes le chemin de la métro- en 1961 le capitaine Jean Brieu de- et Husum en Allemagne, puis nous
pole, via Tessalit, Béchar, Oran et vient à son tour le commandant de la revenons à Oran.
Bizerte. Nous atterrîmes enfin à Dijon Patrouille de France. Les nouveaux
le 23 décembre. Le capitaine Bernard leaders ont la sagesse de ne rien mo- Un mauvais souvenir
Capillon, futur chef de l’armée de difier dans le programme de présen-
l’Air, mission accomplie, prit alors tation parfaitement au point.
de l’arrivée à Stockholm
congé de la Patrouille de France, qu’il Heureusement, car dans les entre- La saison 1961 est particulière-
avait menée au sommet de son pa- saisons, il y a de nombreux change- ment intéressante, car nous allons
nache. Elle ne sera jamais surpassée. ments d’équipiers… Évitons les pro- voltiger à Bitburg, Coventry, Turin,
Le lieutenant
Canépa, pilote
2e charognard
de la Patrouille
de France
en 1960.
ECPA
62
Stocholm, Munich et enfin à Téhéran.
L’arrivée par très mauvais temps à
“ La sous-motorisation L e t e r ra i n d e Té h é ra n -
Mehrabad est à 5 0 0 0 pieds
Stockholm-Taby me laissera un mau-
vais souvenir : venant 30 minutes du “Mystère” IV était une [1 524 m] d’altitude. Il faisait très
chaud. La sous-motorisation du
après les huit premiers “Mystère” IV, “Mystère” IV était une calamité. La
en pleine aggravation de la météo, et
un peu juste en carburant, je me vois
calamité. La répétition séance de répétition fut un cal-
vaire : nous passions le haut des
contraint de faire exceptionnellement
une approche avec mes équipiers en
fut un calvaire ” loopings à une vitesse de 100 nœuds
[185 km/h] environ, au lieu de
fingers (quatre avions serrés comme 150 nœuds [278 km/h]. Pour la deu-
les quatre plus longs doigts de la bien guidés par le contrôleur radar, xième fois nous entendîmes l’un
main) : nous sortons des nuages à et touchons des roues quelques se- des équipiers commenter la situa-
300 pieds [90 m] de hauteur, mais condes après, tous les quatre ! tion, à la radio ! “C’est Jésus-Christ
qui pilote… !”
Le capitaine L e lendemain, Brieu se dé-
Castagnos brouilla pour gérer plus fi nement
devient leader les vitesses, en attaquant les boucles
de la Patrouille
avec 50 nœuds [93 km/h] de plus.
de France
Mais les lois de l’aérodynamique
en 1960.
étant ce qu’elles sont, cette présen-
tation fut la pire de la saison !
L’admiration du leader
de la patrouille iranienne
Au soir de celle-ci, le leader de
la patrouille acrobatique iranienne,
volant sur F-86 “Sabre”, et neveu du
Shah d’Iran, vint nous exprimer, en
connaisseur, son étonnement, et son
admiration. Je lui expliquai le rêve,
puis le projet né en 1957, de Bernard
Capillon, qui fut mené avec pru-
dence mais détermination, mis en
œuvre et réalisé en une année par
une équipe de mécanos et de pilotes
soudée et enthousiaste, et suivi avec
attention par le commandement.
Poursuivi en 1960, puis 1961. Une
réussite incontestable.” ■
ECPA
Maurice
Larrayadieu
quitte Le trésor
la Patrouille
de France des archives orales
au terme Le récit du général Bernard Capillon
de la saison 1961. que vous lisez ici et celui de Marcel
Puyperoux sur le Salmson 2A2
dans le dernier numéro font partie
des quelque 4 000 témoignages
conservés au Service historique de
la Défense à Vincennes. Ils proposent
un vaste panorama de l’histoire
de l’aéronautique française depuis
ses origines jusqu’à nos jours.
Pilotes, commandants, racontent
leurs expériences, leurs combats,
leurs carrières. Certains noms
sont très connus, d’autres des
acteurs discrets dont l’expérience
est toutefois primordiale sur
certains aspects opérationnels et
techniques. L’ensemble est d’une
grande richesse que vous retrouvez
souvent dans Le Fana de l’Aviation.
Le catalogue des témoignages est
consultable sur Internet.
ECPA
63
RWANDA
BERNARD LUNETTO
L
e 18 juillet 1994, une nouvelle place d’une nasse à partir d’automi- la menace omnidirectionnelle et
fois, le FPR essaye de s’infil- trailleuses AML-90 et de groupes tout le monde ouvre l’œil derrière
trer la nuit au nord de la d’infanterie, les mortiers du son viseur. Nous découvrons durant
ZHS, dans la région de 11e RAMa entrent en action à base ces reconnaissances des villages
Rugabano. Après la mise en d’obus éclairants et de fumigènes. entiers en ruine et beaucoup de vic-
64
L’Aéronautique navale fut présente lors de Turquoise
avec le Breguet “Atlantic” n° 49 de la 22F, assurant des missions
de topographie, reconnaissance photo, écoute des communications, etc.
Il localisera le 1er août le pilote du “Jaguar” éjecté. Il est vu ici à Goma
avec son équipage. Sous l’aile droite, le bidon photo.
times”. Les nuits suivantes, de nou- Comint est installée pour cela à cher la fréquence automatiquement.
velles tentatives d’infiltration du bord de l’appareil. Elle comprend Les informations sont ensuite trans-
FPR sont déjouées par la précision un récepteur très rapide de re- mises et analysées par les services
des tirs français. cherche automatique couplé à un de renseignement à Goma.
Le 20 juillet, un nouvel accro- enregistreur magnétique qui suit
chage a lieu à Gitwa avec des tous les messages échangés.
é Les structures d’accueil
éléments du u COS. Les Ce récepteur très sen-
mortiers poursuivent
oursuivent sible peut inintercepter
submergées à Goma
leurs tirs la nuit 1 000 canau
canaux par se- Pendant ce temps à Goma, la
pour éclairerrer les conde. A Associé au L’insigne situation est cauchemardesque. Les
axes possibles
bles de radiogon
radiogoniomètre de la base structures d’accueil des ONG sont
pénétrations ns du de bord, il permet aérienne totalement submergées, la famine
F PR. Jusqu’au
qu’au la goniométrie
gonio en de Goma règne et une épidémie de choléra et
3 août, dess obus bande U UHF. Un au Zaïre. de dysenterie ravage les camps de
explosifs seront
ront ti- électron
électronicien de réfugiés hutus. Le million de réfu-
rés sur des bord
b opé- giés n’ayant ni abri, ni eau, ni nour-
positions rateu r riture, il est maintenant impératif de
du FPR. Comin et un
Comint lui fournir une aide d’urgence dans
DR/C . Y. S
OLL DE OLMINIHAC
P endantt la pé- interprète ffont alors les meilleurs délais.
riode du 19 au 25 juillet,
j ill t l’“Atl
l’“Atlantic”
ti ” partie
ti d
de l’é
l’équipage.
i Eff
Effectuant des Le pont aérien du PAM, le pro-
n° 49 se transforme en avion de ren- missions de trois à cinq heures, gramme alimentaire mondial, est
seignement électronique Comint. l’“Atlantic” va enregistrer tout ce rétabli, et l’un des premiers vols hu-
La mission Comint (communication qui s’échange sur les radios du FPR. manitaires à se rendre sur place est
intelligence) consiste à intercepter, Même en cas d’utilisation de radios un Antonov 124 affrété par ACS
écouter et enregistrer les communi- à évasion de fréquence par les re- (Air Charter Service). Il atterrit à
cations radio du FPR. Une baie belles, la baie est capable de recher- Goma le 19 juillet.
▲
65
OPÉRATION TURQUOISE
JEAN-YVES CLARIS-SAUVAGE
66
Autre appareil,
l’Iliouchine 76
de Moscow
Airways.
NATIONAL ARCHIVES
petite fille que notre médecin, Pour éviter un nouvel exode massif vie professionnelle. En 1994, j’étais
Jacqueline, toubib de la base de et suicidaire de ces populations vers journaliste à FR3 Aquitaine.
Colmar, avait tenté de sauver et qui le Zaïre, les Français larguent des Passionné d’aéronautique, je lisais
gisait sans force dans un dispensaire vivres par “Transall”, mais aussi des Le Fana depuis les années 1970 et
de Goma au milieu des corps qu’il tracts : “Avis à la population rwan- travaillais aussi pour le magazine
fallait enjamber ; souvenir de ces daise, vous êtes maintenant dans la Pégase du regretté Bernard Chabbert.
monceaux de cadavres que les Hutus zone humanitaire sûre, protégée par Avec mon collègue caméraman
venaient déposer aux portes de la l’armée française. Ne vous déplacez Robert Roussel, nous avons été en-
base de Goma pour qu’on s’en oc- plus. Restez sur place, l’aide huma- voyés au Zaïre par ce magazine pour
cupe ; souvenir de ces linceuls blancs nitaire va vous parvenir. Soyez sans y effectuer un reportage sur le dé-
sur les bas-côtés de la route ; souvenir crainte, l’armée française veille sur ploiement aérien qui acheminait L’activité ne
de ces quelques balles de 9 mm don- votre sécurité.” Certains miliciens l’aide internationale et les besoins s’arrête jamais
nées à Jacqueline qui avait bien une hutus tenteront pourtant de pousser logistiques de l’opération Turquoise. sur l’aéroport
arme, mais pas de munition…” les réfugiés au départ vers le Zaïre. Nous sommes arrivés le 18 juillet à de Goma.
Parmi les nombreux journalistes Goma. Le coin était une véritable La nuit, même
Des vivres et des tracts qui arrivent à Goma pour couvrir les fourmilière et l’aéroport était bruta- s’ils ne volent
pas, les avions
évènements se trouve Yannick de lement sorti de sa torpeur pour rece-
largués par “Transall” Solminihac. Il se souvient : “Les ar- voir les avions-cargos d’un gigan- continuent à
être déchargés.
Dans la ZHS, les 2 millions de ticles publiés par Le Fana de l’Avia- tesque pont aérien. L’unique piste de
Au premier
réfugiés hutus se stabilisent grâce à tion en 2021 sur la guerre au Rwanda l’aéroport était devenue le cœur d’un
plan,
l’arrivée de l’aide humanitaire qui [n° 619 à 621] ont réveillé des souve- dispositif humanitaire sans précé-
un Antonov 32
demeure néanmoins insuffisante. nirs parmi les plus marquants de ma dent destiné à venir en aide aux po-
▲
d’Aeroflot.
NATIONAL ARCHIVES
67
OPÉRATION TURQUOISE
JEAN-LUC BRISSAUD
68
avons également raccompagné des guer les vivres le plus bas possible. l’enfer” où les malades, les blessés
Tutsis qui étaient réfugiés dans la ZHS Le COS devait sécuriser la zone au s’agglutinaient dans l’espoir d’un
et qui voulaient revenir chez eux, dans sol pour éviter que tout ne soit im- soin, d’une denrée, d’un peu d’eau.
les zones contrôlées par le FPR. médiatement pillé.” “Ne touchez pas les réfugiés, ne leur
Au-dessus du lac Kivu, pour re- donnez rien à manger, vous risquez
joindre la ZHS depuis Goma, les Chaque matin, de provoquer l’émeute !” recom-
“Transall” devaient voler très vite et manda le lt-col. Didier Bolelli au
à basse altitude car ils craignaient les
le macabre décompte cours de son briefing. Les cadavres
missiles sol-air portables du FPR qui R obert Roussel raconte : enroulés dans des nattes encom-
tenait la rive Est. Embarqués à bord “Chaque matin, l’officier chargé de braient les abords des chemins et des
d’un des appareils, nous avons pu faire le point presse annonçait le routes. Les militaires français som-
suivre des largages de vivres dans la nombre de morts de la nuit : “Ce jour, mairement protégés de masques en
zone. Le cne Jacques Mangelle de 20 juillet 1994 : 1 836 morts.” Le len- papier et de gants creusaient d’im-
l’escadron de transport 3/61 Poitou demain, ce sera 2 314 morts. Le jour menses fosses et les entassaient en les
me raconta : “Lorsque nous avons d’après ne différera pas du précédent recouvrant de chaux. Filmant l’ac-
largué depuis le “Transall”, face à La foule et ce, durant trois mois. Le choléra, tion au plus près, je frôlais parfois les
nous, à quelques kilomètres de là, se de réfugiés le typhus et toute une variante d’épi- blessés. Les titubants cherchaient à
trouvait la frontière avec le FPR. hutus se presse démies provoquèrent dans cette s’accrocher à mes frasques. Mon
Nous avions ordre de ne pas la dé- autour contrée du Zaïre la mort de 40 000 obsession : éviter tout contact !
passer et nous ne l’avons jamais fait ; de camions réfugiés, 80 000 selon certaines Depuis les véhicules des brigades
il peut se passer n’importe quoi dans de la Croix- sources. Chiffres s’ajoutant au 1 mil- soignantes, j’effectuai un travelling
un conflit comme celui-ci.” Rouge lion de morts consécutifs aux mas- sur la route longeant la zone d’aéro-
internationale sacres interethniques. port, filmant les centaines de ca-
Larguer les vivres chargés
de la
La tente collective où nous lo- davres déposés sur les bas-côtés. Clin
gions était située à quelques mètres d’œil satanique, le slogan publicitaire
le plus bas possible distribution des barbelés bordant la route où, jour “Faites un beau voyage !” sur fond
de vivres
Le relief était partout très acci- et nuit, défilaient les milliers de déra- d’image de décollage de Boeing 747,
au camp
denté, ce qui compliquait le largage cinés. Au lever, face à nous, les ca- surplombait l’autoroute de la mort…
de Kibumba,
et les pilotes avaient mis au point davres de la nuit ; une centaine de Le plus terrible se dissimulait
au nord
une nouvelle procédure pour lar- mètres à notre droite, le “portail de sous trois tentes : le mouroir des
▲
de Goma.
OPÉRATION TURQUOISE
e nfa nt s . À l ’i ntér ie ur, u ne ration humanitaire Support Hope, La troisième reste sur place, canon
convoyeuse de l’Air assistait les in- principalement à Kigali. Quelques démonté ; elle servira d’appareil de
firmiers. Elle appartenait au corps éléments de l’armée américaine liaison, le plus souvent au profit des
de l’armée de l’Air qui intervient lors arrivent à Goma et ouvrent une sta- ONG et quittera Goma le 6 août.
d’évacuations humanitaires. C’est tion d’épuration d’eau au bord du lac “Dans le contexte de l’opération
une tâche ingrate, douloureuse et Kivu, ce qui va contribuer avec la Turquoise, les hélicoptères de ma-
noble. Dans ses mains, elle tenait un Bioforce, l’unité de l’armée fran- nœuvre et les pièces d’artillerie sont
biberon de lait qui faisait bien 3 l, çaise spécialisée dans les vaccina- apparus comme déterminants pour
qu’elle présentait à une douzaine de tions d’urgence et de masse, à faire la réussite de la manœuvre, écrit le
bébés occupant chacun un lit de reculer le choléra. Le lendemain, un gén. Lafourcade. En revanche, la
camp. Quelques-uns suçotaient hôpital est aussi monté par les capacité feux des hélicoptères
sans conviction la tétine qui frôlait Israéliens à Goma ; il vient complé- “Gazelle” “Canon” s’est avérée in-
leurs lèvres. ter celui des Français. suffisante : 120 coups au lieu de 250,
Un infirmier soulevait les pau- compte tenu de l’altitude. Des héli-
pières des indolents. Le plus proche Le désengagement coptères légers équipés de paniers de
avait les yeux révulsés. Je l’entendais roquettes auraient mieux répondu
se vider ; il n’y avait plus d’espoir
français commence… aux conditions de l’engagement.”
pour lui. On nous expliqua qu’en Le désengagement des Français Le 31 juillet, le Premier ministre
quelques heures, le choléra assèche débute fi n juillet. Boutros Ghali, Édouard Balladur atterrit à Goma
un organisme. Pour un enfant affai- secrétaire général de l’ONU, de- à bord d’un “Falcon” 900 du Glam.
bli par les privations, à moins de re- mande maintenant à la France de Il est accompagné du ministre de la
courir à la perfusion, c’est la mort prolonger Turquoise au-delà du Défense François Léotard. Ils
assurée. Le bébé agonisant fut trans- 22 août 1994, mais Paris ne le sou- viennent faire un point de situation
porté dehors, déposé à même l’herbe. haite pas : la Minuar II doit prendre avec le gén. Lafourcade, visiter les
La convoyeuse apparemment indif- le relais sous peine de voir la France forces françaises et africaines de
férente continuait sa mission impos- rester pour longtemps sur place. l’opération Turquoise et voir les
sible. Je me souviens de son visage Dans la région de Gikongoro, les camps de réfugiés. Ils s’envolent en
d’une effrayante pâleur que j’attri- éléments du COS cèdent la place “Puma” pour Kamembe près de
buais à la fatigue, mais plus proba- aux marsouins et quittent le pays le Cyangugu où le lt-col. Hogard pré-
blement au désarroi qui nous sub- 28 juillet. Le lendemain, les “Puma” sente son état-major. Ils visitent
mergeait tous à cet instant.” du COS et deux “Gazelle” du l’Emmir, rencontrent les médecins
L e 24 juillet, les États-Unis 3e RHC sont embarqués dans un mauritaniens ainsi que les comman-
viennent de lancer leur propre opé- Antonov à destination de la France. dos tchadiens. Ils font étape à
Le
gén. Lafourcade
et Lucette
Michaux-
Chevry, ministre
de l’Action
humanitaire.
Derrière,
le col. André
Schill, chef
de la cellule
Affaires civiles,
responsable de
la coordination
avec les
organismes
humanitaires.
JEAN-YVES CLARIS-SAUVAGE
L’épave
du “Jaguar” A119
7-IP qui s’est
écrasé
le 1er août 1994
sur une colline
au Zaïre près
du lac Édouard.
70
Arrivée
du Premier
ministre Édouard
Balladur
(sur l’escalier)
et du ministre
de la Défense
François Léotard
à Goma,
le 31 juillet 1994,
à bord
d’un “Falcon” 900
du Glam.
JEAN-YVES CLARIS-SAUVAGE
Kibuye où ils sont accueillis par le Dakar en 4 h 20 min, puis Dakar- décolle pour une reconnaissance des
col. Sartre, visitent un hôpital de Colmar le 2 août en 5 h 40 min. camps de réfugiés au profit de Sadako
campagne et passent en revue les Ogata, haut-commissaire de
troupes sénégalaises. Ils survolent … mais les “Puma” l’UNHCR. Il survole le camp de
ensuite le camp de réfugiés tutsis de Kibumba et se dirige ensuite sur celui
Nyarushishi.
sont toujours sollicités de Katale installé près d’une an-
Les “Mirage” F1CT sont les pre- Les missions des autres pilotes cienne coulée de lave. Ne trouvant
miers chasseurs à quitter le Zaïre. Les français, notamment ceux des pas d’endroit où se poser à bonne
quatre appareils décollent de “Puma” de l’Alat, ne sont pas termi- distance des tentes qui se seraient
Kisangani le 31 juillet et rejoignent la nées pour autant et restent éprou- envolées, l’appareil finit par atterrir
France en trois étapes : Kisangani- vantes. Le 1er août par exemple, un sur la seule partie à peu près plate
Libreville en 2 h 40 min, Libreville- “Puma” piloté par Jean-Luc Brissaud d’une colline. Une foule de réfugiés
▲
Photo prise au
camp de réfugiés
hutus de Katale,
lors du transport
de la présidente
de l’UNHCR
le 1er août 1994.
Le “Puma” est
posé sur le seul
endroit plat :
la fosse
commune…
71
OPÉRATION TURQUOISE
Le “Jaguar” heurte
la cime des arbres L’escadrille d’aviation
Le même jour, un “Jaguar” rwandaise,
s’écrase au Zaïre lors d’une mission dont on voit ici l’un
au profit de Turquoise. Quatre des “Écureuil” avec le
“Jaguar” avaient décollé le matin du col. Ntahobari (premier
1er août de Bangui en deux pa- plan) et l’adj. Bizimana,
trouilles de deux avions. Les appa- passe au Zaïre
reils sont surpris par une dégrada- et disparaît dans la
tourmente.
tion très rapide des conditions
météorologiques près du lac
DANIEL MARLIAC
Édouard et de la commune de
Lubero, au nord de Goma, après un vacarme ! C’est trop violent. Deux possible : chaque dixième de seconde
ravitaillement. La visibilité devient flashs se succèdent alors : l’arceau de est déterminant. Mais si je loupe cette
alors nulle. Soudain, le “Jaguar” la verrière se déforme sous l’impact poignée dont ma vie dépend, je n’au-
A119 codé 7-IP piloté par le lt Michel d’une branche et reprend ensuite sa rai probablement pas le temps de
Breysse qui vole trop bas heurte la forme initiale ; et tous ces bâtons faire un deuxième
cime des arbres. L’avion percute un Une pièce noirs qui défilentnt à essai. Je remonte
relief non mentionné à cette altitude d’histoire : grande vitesse sous
ous d ou c e m e n t m a
alors que les pilotes pensent se trou- drapeau des mes yeux. Une ne main
main. Au contact
ver à 1 000 m au-dessus du sol. Le FAR saisi sur une chose est sûre re de la poignée, mes
pilote raconte la suite à Air unité désarmée dans cet enfer dee doig
doigts se crispent
Actualités : “Le choc est d’une vio- et conservé par bruit : c’est lee de
dessus. Je la
lence inouïe, d’autant plus violent un vétéran de crash complet serre de toutes
se
qu’il est inattendu. Les deux glaces Turquoise. et tout va s’ar- m
mes forces et
latérales explosent, suivies par la rêter… si ce DR/C . OLL PARTICULIÈRE ti
tire d’un coup
glace frontale. Le bruit est assourdis- n’est déjà fait. ttrès
è sec. Ri
Rien n’est gagné : il
sant. J’ai l’impression d’avoir fait un Mais je veux sortir de cet enfer ! faut 3/10 de seconde pour que le siège
trou dans le sol, avec la sensation que Dans un temps qui me paraît très se déclenche. C’est un laps de temps
tout s’arrête net. Je réalise que je vais long, je guide ma main le plus bas infi niment court… mais ça paraît
mourir. Un leitmotiv me harcèle : possible, doigts tendus, je ne veux interminable. Et soudain, je sens
“Trop con, t’es mort !” Le choc a eu pas rater la poignée basse. Je com- cette ascension salvatrice, cette pous-
lieu alors que l’avion était lancé à prends bien le paradoxe de la situa- sée qui me délivre du choc, du va-
410 nœuds, soit plus de 700 km/h. Ce tion. Il faut que j’aille le plus vite c ar me i nde scr ipt ible . Q uel
JEAN-LUC BRISSAUD
▲
JEAN-YVES CLARIS-SAUVAGE
moment.
73
OPÉRATION TURQUOISE
De nouveaux tracts sont largués munitions des FAR dans le lac Kivu déposer juste à temps au pied de
pour rassurer la population : est ensuite montée : le “Puma” em- l’avion repartant pour la France et
“Rwandaises, Rwandais, la France barque un gendarme et un sapeur- qui a déjà mis en route.
protège la zone humanitaire sûre. pompier de Paris pour jeter par-des-
La nourriture et les médicaments sus bord 700 kg de grenades, Un survol des “camps
sont distribués. La sécurité revient. explosifs et munitions diverses dans
Les forces des Nations unies vont le lac. À peine reposé, nouvelle
de la mort” à Goma
poursuivre le travail des Français. alerte pour une Evasan à la frontière “Le 10 août, la mission consista
L’administration communale et pré- du Burundi. Au moment de décol- à transporter la présidente de la
fectorale va être réorganisée. ler, l’opération est finalement annu- Banque mondiale de l’alimentation
Ensemble, nous allons travailler lée. Quelques instants après, l’héli- pour un survol des “camps de la
pour un retour à la vie normale. coptère est rappelé en urgence à mort” au nord de Goma, se souvient
Faites-nous confiance, les Nations Gikongoro pour évacuer sur Jean-Luc Brissaud. Nous sommes
unies sont avec vous.” Quant à l’Es- Kamembe un enfant tutsi qui a été d’abord passés au camp de Katale
cavi, l’escadrille d’aviation rwan- À Goma, pour “machetté” il y a deux semaines et puis à celui de Kibumba où nous
daise des FAR, ou du moins ce qu’il ces religieuses qui vient d’être retrouvé errant sur nous sommes posés. Comme tou-
en reste, elle réussit à mettre à l’abri menacées une route. Il a été scalpé, la blessure jours en Afrique, des gens se sont
au Zaïre six appareils – quatre et évacuées a suppuré et il a également des plaies approchés. Mais là, la foule de réfu-
“Gazelle”, un “Écureuil” et un du Rwanda, au thorax. Il est emmené à l’Emmir giés autour de nous grossissait à vue
“Rallye” – mais ceux-ci sont rapide- c’est pour des soins immédiats. Sur place, d’œil, et ils ont été très vite plus de
maintenant
ment saisis par les Zaïrois. le “Puma” ravitaille rotor tournant. 3 000 à nous entourer. Comme la
le temps
Pendant ce temps, les “Puma” De retour à Gikongoro, l’hélicop- foule se rapprochait de plus en plus
de l’exil vers
continuent à être très sollicités. Le tère rembarque ses passagers qui du “Puma”, je suis sorti et j’ai désigné
la France ou
3 août, un appareil transporte des rentrent sur Goma, où il peut les cinq ou six types avec des bâtons pour
JEAN-YVES CLARIS-SAUVAGE
la Belgique.
74
Reims étant alors en réfection, les
quatre F1CR se posent à Saint-
Dizier le 17 août après deux étapes à
Libreville et Dakar. Ce sont les der-
niers appareils à quitter Kisangani.
La base fermera définitivement ses
portes le 22 août après le départ des
derniers Français. Les éléments aé-
riens auront été essentiels dans cette
opération hors norme. Comme le
note le gén. Lafourcade dans son
rapport : “La mise en place d’une
forte composante aérienne a été un
facteur de succès déterminant par les
capacités de sécurité qu’elle apportait
aux unités et par la menace dissua-
sive qu’elle représentait à l’encontre
des adversaires potentiels.”
Goma, fin
assurer le service d’ordre et éviter avais données, cela aurait été une août 1994. La Minuar II prend
qu’ils ne commencent à toucher à tuerie : nous aurions été mis en char-
l’appareil, notamment aux antennes. pie et ils se seraient tous entre-tués.
PC transmission
du 28e RT
la relève de Turquoise
La foule énorme pouvait rapidement Impuissant, je suis rentré dans l’ap- devant À partir du 17 août, la Minuar II
nous submerger. Au lieu d’y rester un pareil et j’ai pleuré…” l’antique DC-3 prend son premier commandement
quart d’heure comme prévu, nous Le Detalat (détachement de de Virunga en ZHS. Quant aux réfugiés hutus,
avons dû patienter une heure dans l’aviation légère de l’armée de Terre) Air Charters ils hésitent toujours à revenir au
cette situation très inconfortable. Les Turquoise quitte le Zaïre le 12 août. 9Q-CAM (tout Rwanda : “Exécutions sommaires,
réfugiés autour de nous toussaient Il aura transporté en deux mois des dernier C-47 enlèvements, massacres, repré-
tous, c’était horrible à entendre. centaines de blessés, six membres du construit pour sailles… De nombreux témoignages
À un moment, un homme est gouvernement français, 20 généraux l’USAAF en incriminent les vainqueurs de la
sorti de la foule et s’est rapproché ; il et dix délégations et personnalités 1945 et offert guerre”, écrit le reporter Jean
a donné un papier à l’un des gardiens étrangères. “De toutes les opérations à Mobutu Hélène dans Le Monde. Le 22 août,
qui nous l’a transmis. Il avait mis auxquelles j’ai participé durant mes en 1963). comme prévu, la Minuar II prend
dessus sa photo et son nom et avait 33 années dans l’Alat et mes définitivement la relève de Turquoise
écrit dans un français impeccable : 8 000 heures de vol, se rappelle Jean- L’opération au Rwanda. Il n’y a plus de Français
“Bonjour, je suis Rwandais et réfu- Luc Brissaud, la mission au Rwanda Turquoise dans le pays. Jusqu’à fin septembre
gié. J’aimerais me lier d’amitié avec fut la plus difficile psychologique- prend fin. 1994, 500 militaires français reste-
vous. Cela fait deux jours que je n’ai ment. J’y ai vu des choses horribles Des véhicules ront présents au Zaïre pour conti-
pas mangé. Est-ce que vous pouvez et j’en ai encore l’estomac noué…” du 28e RT nuer d’assurer l’appui logistique des
m’aider ? S’il vous plaît, ne m’oubliez De leur côté, les “Mirage” F1CR rembarquent contingents africains, le contrôle
dans un C-5
pas !” J’avais bien deux ou trois ra- vont poursuivre leurs missions aérien et le soutien médical. Mission
“Galaxy”
tions de combat dans le “Puma” jusqu’au 14 août. Le lendemain, ils accomplie : la France peut être fière
américain
mais je n’ai pas répondu. Si je les lui repartent pour la France. La piste de de ce qu’elle a réalisé. ■
BRUNO LEQUEUX
fin août 1994.
75
Le 14 avril 1994 à 8 h 50,
TÉMOIGNAGE
des obus fumigènes tirés par
les FAR tombent sur le parking
de l’aérogare devant des C-130
belges pour les empêcher
de partir.
L
ecteur assidu de votre l’Aviation n° 619 à 621]. Mon but est à gauche. la piste étant dégagée, un aérotrans-
PIERRE M.
la Minuar. PIERRE M.
PIERRE M.
Le Rallye 235
diens et deux C-130 espagnols sont
“Guerrier”
mis sous contrôle tactique du chef
n° 3369 codé
du Détachement Air, le chef de 20L08 s’envola
corps du 15th Wing. le 12 avril avec
Le 14 avril 1994, le jour se lève un officier
sur l’aérodrome de Kigali sous un et sa femme
épais brouillard qui bloque toute pour Butare,
activité aérienne. Un C-130 belge est (dans le sud
en transit en provenance de Nairobi du Rwanda).
avec des parachutes pour les ESR
(équipes spéciales de renseigne-
PIERRE M.
ment) et une équipe du Special Air
Ops Ctl Team [équipe de contrôle Le BN-2A
aérien, NDLR] place une série de “Islander” qui
embarqua jusqu’à
Jeep belges Itlis phares allumés sur
15 passagers pour
le côté nord de la piste 28. Après
Butare. Pierre M.
trois tentatives, l’équipage doit re-
le retrouva
noncer et rentre provisoirement à abandonné
Nairobi. Cette situation météo a en Tanzanie
également retardé le départ d’élé- alors que son
ments français, en particulier un pilote avait fait
C-130 avec diverses autorités. La défection pour
situation militaire autour de l’aéro- rallier le FPR.
drome est calme ; aucun tir.
PIERRE M.
78
Le “Transall” F42
en attente.
Cet appareil
rentrait
du Cambodge
(mission
Apronuc).
PIERRE M.
79
MAQUETTES Par Hangar 47
Dernières flammes pour un dragon bientôt jeune retraité de l’US Air Force.
L’annonce de ce
“Beaufort” en a
surpris plus
Bugatti 100 “Racer”
d’un, l’avion n’étant ni Special Hobby, 1/72
très élégant ni très
connu chez nous. Cette maquette
Pourtant son histoire permet une très fifine
ne
opérationnelle est reproduction
riche, un gage de d’un bien étrange prototype
camouflages variés, et, conçu dans les années 1930
côté maquettes, le marché britannique reste l’un des plus actifs. pour la Coupe Deutsche
En ouvrant la boîte on remarque immédiatement une gravure et motorisé par un groupe
précise et des surfaces simples mais réalistes. La notice décrit conçu par E. Bugatti. Une
d’abord l’aménagement très complet du fuselage, soute à torpille réplique de cette machine
incluse, avec plus de 50 pièces. Les éléments transparents s’est hélas écrasée en 2016. La boîte contient une majorité de pièces
de bonne qualité optique permettent d’en profiter. Deux longerons plastique et quelques éléments en résine (entrées d’air, échappements et
y sont intégrés qui viendront renforcer la fixation des ailes. logements de train). Les surfaces très lisses sont bien restituées, les bords
Les gouvernes et volets sont séparés et peuvent prendre la position de fuite sont très fins. Le poste de pilotage et le réducteur visible sous
choisie. Le train d’atterrissage très complexe est reproduit l’avant de la verrière sont bien reproduits. La résine apporte à l’extérieur
fidèlement. Ses logements sont correctement restitués. tous les détails nécessaires. L’avion était peint en bleu “courses” uni ;
Les moteurs sont convaincants avec des pipes d’échappement la notice propose une livrée bleu, blanc, rouge fictive.
individuelles à poser avec soin. Moulés en deux parties, les capots
peuvent rester ouverts. Leur ouverture avant semble trop large. Notre appréciation : maquette de grande qualité pour rendre
L’armement comprend quatre mitrailleuses et une torpille fournie hommage aux lignes exceptionnelles d’une fort surprenante machine
avec le chariot utilisé pour la déplacer et la charger dans la soute. préservée à Oshkosh, aux États-Unis.
La notice inclut un schéma précis utile pour fabriquer les masques
utiles pour peindre les montants de verrières. Des plans couleurs
décrivent les cinq camouflages proposés sur la planche de
décalcomanies, vert et brun ou vert et gris pour les surfaces
L’agenda du maquettiste
Ces annonces gratuites sont réservées aux manifestations propres
supérieures, aluminium, noir ou sky pour les intrados. au maquettisme. Vous pouvez adresser votre texte par courriel à
fanaaviation@editions-lariviere.fr en mentionnant “agenda maquettes”
Notre appréciation : maquette de très belle qualité et bien dans l’objet. Prenez garde de n’oublier ni la date ni le lieu.
détaillée pour ce bombardier torpilleur dont la voilure et
Saint-Martin-de-Crau (13), 10 et 11 juin 2023, Salon de la maquettes
l’empennage ont été repris pour concevoir le “Beaufighter”. et du modélisme, salle Mistral, organisé par RMCC, de 10 h 00 à 17 h 30.
Original et “fort en gueule”, l’avion ne manque pas d’intérêt ; Rens. Tél. : 0 618 661 256, decompte@cegetel.net ou sur www.rmcc13310.net
tentant ! Disponible chez Euro-Maquette
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