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EXAMEN NORMALISÉ 1er SEMESTRE

3ème année collégiale

Denis Diderot, figure capitale de Lumières, maître d’œuvre de l’Encyclopédie, romancier, philosophe, était aussi
un bon vivant, attaché, certes, aux idées, mais surtout à ses amis, ses proches, sa famille. Vivace et déconcertant, drôle et
affectueux, l’homme Diderot apparaît dans sa correspondance sous mille facettes qui tranchent avec l’image de l’austère
philosophe, ferraillant contre la religion et la noblesse pour ses idées progressistes. Dans cette lettre à sa fille Marie-
Angélique, écrite juste après son mariage le 9 septembre 1772 avec Abel-François Caroillon de Vandeul, il lui donne de
précieux conseils sur la vita nova qui l’attend : une lettre tendre d’un père meurtri par le départ de sa fille. A-A+

13 septembre 1772
Ma fille,

Vous allez quitter la maison de votre père et de votre mère pour entrer dans celle de votre époux et la vôtre.
En vous accordant à Abel-François je lui ai résigné toute mon autorité, il ne m’en reste plus. Il n’y a qu’un
moment que je vous commandais, et votre devoir était de m’obéir ; à présent, je n’ai plus que le droit de
conseil. Je vais en user. Votre bonheur est inséparable de celui de votre époux ; il faut absolument que vous
soyez heureux ou malheureux l’un par l’autre : ne perdez jamais de vue cette idée, et tremblez au premier
désagrément réciproque que vous vous donnerez, car il peut être suivi de beaucoup d’autres. Ayez pour votre
époux toute la condescendance imaginable ( ... ) On a le droit de juger les femmes sur les apparences, et, s’il y a
quelques personnes d’une justice assez rigoureuse pour n’en pas user et pour mieux aimer accorder le titre de
vertueuse à une libertine que de l’ôter à une femme sage, c’est une grâce qu’ils vous font. Je vous aime de
toute mon âme; si vous vous occupez à accroître ce sentiment, si vous vous demandez à vous-même : « Que
mon père penserait-il de moi s’il me voyait, s’il m’entendait, s’il savait ? » vous ferez toujours bien. Vous allez
entrer dans le monde ; prenez garde à vos premiers pas. Etablissez bien votre caractère. Recevez tous ceux
qu’il plaira à votre mari de vous présenter : il a du sens, de la raison, et j’espère qu’il n’ouvrira sa porte à aucun
homme suspect. Restreignez, restreignez encore votre société. Où il y a beaucoup de monde, il y a beaucoup
de vices. La société nombreuse n’est nécessaire qu’à ceux qui s’ennuient et qui sont mal avec eux-mêmes.
Jugez de ma satisfaction par la fréquence de mes visites. Plus je serai content de vous, plus vous me verrez.
Malheur à vous et malheur à moi, si je craignais de passer devant votre porte ! Mon enfant, j’ai tant pleuré et
tant souffert depuis que je suis au monde ! Console-moi, dédommage-moi. Je te laisse aller avec une peine qui
ne saurait se concevoir. Je te pardonne bien aisément de ne pas éprouver la pareille. Je reste seul, et tu suis un
homme que tu dois adorer. Quand je causerai seul avec moi, que je me puisse dire en essuyant mes larmes : «
Je ne l’ai plus, il est vrai ; mais elle est heureuse ». Fortifiez votre âme avec votre esprit par la lecture dont vous
avez été assez heureuse pour recevoir le goût. Ne négligez pas votre talent : c’est le seul côté par lequel vous
puissiez peut-être vous distinguer, sans qu’il vous en coûte aucun sacrifice essentiel. Quoique vous n’ayez plus
besoin de maître, gardez-le , ne fût-ce que pour vous assujettir à travailler. Craignez la dissipation : c’est le
symptôme de l’ennui et du dégoût de toute occupation solide. Je vous ordonne de serrer cette lettre et de la
relire au moins une fois par mois. C’est la dernière fois que je vous dis : Je le veux. Adieu, ma fille, adieu, mon
cher enfant. Viens, que je te presse encore une fois contre mon cœur. Si tu m’as trouvé quelquefois plus sévère
que je ne devais, je t’en demande pardon. Sois sûre que les pères sont bien cruellement punis des larmes,
justes ou injustes, qu’ils font verser à leurs enfants. Tu sauras cela un jour, et c’est alors que tu m’excuseras. Si
tu profites de ces conseils, ils seront le plus précieux de tous les biens que tu puisses obtenir de moi. Je te bénis
dix fois, cent fois, mille fois : va, mon enfant, je n’entends rien aux autres pères. Je vois que leur inquiétude
cesse au moment où ils se séparent de leurs enfants ; il me semble que la mienne commence. Je te trouvais si
bien sous mon aile ! Dieu veuille que le nouvel ami que tu t’es choisi soit aussi bon, aussi tendre, aussi fidèle
que moi.

Ton père, DIDEROT.


I. Compréhension : (6 pts)
1. De quel genre de texte s’agit-il? justifiez votre réponse 1pt
2. A quelle occasion Diderot envoie-t-il sa lettre et qu’essaie-t-il de transmettre à sa fille ? 1pt
3. Trouvez-vous que le sentiment éprouvé par le père après le mariage de sa fille normal? Pourquoi ?1pt
4. En quoi Diderot le père est différent des autres parents qui marient leurs filles ? 1pt
5. Répondez par vrai ou faux : 1pt
a- Le père demande pardon à sa fille des périodes où il était dur avec elle.
b- Diderot a toujours vécu dans le bonheur.
c- Selon le père, la femme doit savoir dissimuler des choses de son mari.
d- Le bonheur d’un couple est indissociable.
6. Peut-on fortifier l’âme et l’esprit avec la lecture comme a dit Diderot ? justifiez votre réponse 1pt
II. Langue et communication : (6 pts)
1. Complétez les phrases par le complément circonstanciel indiqué : 1pt
a- Diderot a rédigé une lettre chagrinée. (cc but).
b- Je vous aime de toute mon âme. (cc comparaison).
2. Mettez les verbes entre parenthèses aux temps et modes qui conviennent : 1pt
a- Si le père n’avait pas écrit la lettre, il (souffrir) toute sa vie.
b- La fille (être) heureuse si elle lisait la lettre une fois par mois.
3. Identifiez la valeur du verbe souligné dans chacune des phrases suivantes : 1pt
a. Je suis prêt à vous entendre.
b. Je te trouvais si bien sous mon aile.
4. Ecrivez correctement les participes passés mis entre parenthèses. 1pt
a. C’est la lettre la plus sincère que le père avait ( écrit ).
b. L’inquiétude qu’il a ( fait ) montrer à sa fille exprimait son amour pour elle.
5. Formulez l’énoncé qui correspond à la situation suivante : 2pts
La fille porte un jugement mélioratif pour décrire la lettre de son père.
III. Production écrite : (8 pts)
Enfant que vous étiez et adolescent (e) que vous êtes, vous avez reçu des conseils de vos parents
que par la suite vous avez goûté sans doute leur intérêt.
Rédigez une lettre ouverte à toute personne de votre âge l’incitant à prendre en considération les
propositions et les mises en garde des parents, qui seront toujours précieuses.
Critères d’évaluation :
- Respect de la consigne : 1 pt
- Cohérence et organisation de la lettre : 3 pts
- Qualité de la langue (vocabulaire, syntaxe, ponctuation, orthographe, conjugaison) : 4 pts

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