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Note sur les attaques de Quelea quelea

Des images terribles m’ont été envoyées par un ancien Collaborateur de la Région de l’Extrême-Nord.
Elles illustrent une attaque sévère d’oiseaux granivores, les Mange-mil (Quelea quelea) dans un champ
de Sorgho de saison sèche (SSS) Mouskwari.

Les Mange-mil sont l’un des grands fléaux des cultures dans cette partie du pays à écologie fragile et à
d’insécurité alimentaire chronique dont ils sont l’un des facteurs de risques, à côté des locustes (Criquet
Migrateur Africain Locusta migratoria migratorioïdes, le Criquet Pèlerin Schistocerca gregaria et les
Sautériaux divers.

Comment en est-on arrivé là ?


Il faut déjà comprendre la dynamique de ce nuisible dont le premier paramètre à maitriser est son
caractère migratoire et saisonnier.

Sous réserve des changements écologiques intervenus entre-temps occasionnés par la pression
démographique, l’accroissement des superficies agricoles et la déforestation qui s’en suit, le schéma
est le suivant depuis sa dernière description dans les années 90.

La population de Quelea quelea se reproduit durant les mois d’août à novembre dans un périmètre
compris légèrement au Sud du Parc national de Waza et la limite Nord, avec la majorité de colonies de
nidification en septembre/octobre.
A partir de Novembre, ces oiseaux se dispersent pour former de façon grégaire des dortoirs où ils
dorment la nuit.

La taille des dortoirs s’agrandit pour atteindre un pic au mois d’avril.


Au fur et à mesure que la Zone de Convergence Inter-Tropicale (ZCIT) se déplace vers le nord à partir
de la fin avril, des tempêtes de pluie se produisent progressivement plus au nord. Théoriquement, ces
tempêtes de pluie provoquent le déplacement des oiseaux vers le nord, jusqu'à ce que les pluies
atteignent la limite nord de l’intervalle, lorsque les oiseaux effectuent une migration par dessus du front
des pluies de retour vers le sud.
Le mouvement vers le Nord se produit en avril/mai, et celui vers le sud en fin mai/juin.
Enfin, il y a un autre mouvement en août vers le Nord pour la reproduction.

On penche aussi vers une sédentarisation d’une bonne partie à la faveur de la disponibilité de nourriture,
graminées sauvages et riz.

La plus grande pression des oiseaux se situe en fin mai et juin, lorsque le riz irrigué est au stade grain
laiteux que raffole les oiseaux.
Le Mouskwari également au stade grain-laiteux en janvier en souffre aussi énormément en cas de forte
pression comme les images l’indiquent.

Cette forte pression est due à la croissance continue de la population de Quelea quelea ces dernières
années où ils ont été sans contrôle, du fait notamment du démantèlement du Dispositif de veille et de
traitement préventif mais aussi de l’insécurité engendrée par la secte Boko Haram qui rend les
prospections et traitements impossibles, pour autant que les moyens le permettent.
Les dortoirs des oiseaux se trouvent en effet dans des zones reculées et difficilement accessibles, et leur
traitement s’effectue à partir de la tombée de la nuit, lorsque les oiseaux sont rentrés de leur zone de
gagnage pour se coucher.

Le contrôle peut se faire mécaniquement par la capture des oiseaux ou conventionnellement par
traitement chimique.

La capture des oiseaux se fait par des spécialistes à l’aide de filets, surtout les filets dits Hadjaraï, du
nom de l’ethnie Tchadienne dont les sujets sont passés maîtres et qui interviennent au Cameroun parfois
à la réquisition des producteurs locaux.

En champ, d’autres méthodes mécaniques très laborieuses consistant à l’effarouchement des oiseaux
par les cris (comme dans la vidéo) ou le bruit à l’aide de tout ustensile sont pratiquées.
Le producteur s’épuise à longueur de journée pour sillonner son champ, à l’aide au besoin de ses enfants
qui manquent ainsi l’école et dont la plupart deviennent traumatisés et crient la nuit dans leur sommeil.
Le traitement chimique en champ n’est pas recommandé pour des raisons environnementales et serait
même improductif et inefficace.

Il se fait en dortoir soit par voie terrestre à l’aide d’un appareil porté sur véhicule type MICRONAIR
AU 8000, où par voie aérienne assistée au sol.

Dans le cas présent, le baroud d’honneur consisterait à faire appel à l’Armée en appui pour la
sécurisation des équipes de prospection terrestre voire de l’avion en back-tracking à partir des champs
de sorgho attaqués. Tout comme les opérations de traitement.

Quant au riz irrigué, le calendrier devrait être manipulé afin d’avancer les dates de semis en pépinière
et repiquage afin qu’il soit récoltable en début mai.

Faustin Ekotto Eboa, MSc


Crop Protection Technologist
B-Agrometeorologist
Integrated Pest Management Expert.

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