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TEST D'ATTENTES FONDAMENTALES (TAF)

DE FRANÇAIS 11e du 20 mars 2018


Annexe

Ces parents qui « fliquent » les


smartphones de leurs enfants
Les spécialistes recommandent de préserver l’intimité des
adolescents et de ne pas s’immiscer 1 dans leur smartphone.
Si certains parents misent sur la confiance, d’autres effectuent
des contrôles réguliers.

De temps en temps, faut-il ou non jeter un coup d’œil au smartphone offert à sa


progéniture1? Les premiers mois d’utilisation de l’appareil, les parents possèdent
généralement le code qu’ils ont eux-mêmes défini avec leurs enfants et qui permet de
déverrouiller l’écran. S’autorisent-ils, par la suite, d’introduire ces quelques chiffres qui
5 permettent d’ouvrir les portes d’un monde intime ? La question divise. Certains parents
misent sur la confiance. « Jamais je ne me permettrais de vérifier les messages de ma
fille de 13 ans. J’aurais l’impression de lire son journal intime », explique Isabelle, qui
approche de la cinquantaine et qui, par contre, n’hésite pas à prêter son propre
smartphone – d’une génération plus récente. « Je n’ai rien à cacher et je ne pense pas
10 que cela intéresse ma fille de lire mes e-mails professionnels ou les messages que
j’envoie à mes copines. » D’autres ferment les yeux, souvent dépassés par la
technologie. Ils n’ont d’ailleurs plus le code – qui a changé depuis – et ne se sont
jamais intéressés à Instagram ou Musical.ly. « Tant que les résultats scolaires de mon
fils sont bons, je ne contrôle jamais son smartphone. J’aurais d’ailleurs trop peur d’être
15 choqué par ce que je pourrais y découvrir », avoue un père. Ou encore une mère de
jumeaux de 16 ans qui aimerait avoir accès aux téléphones de ses enfants mais qui
ne peut tout simplement pas le faire car « ils dorment avec puisqu’il fait office de
réveil ».
1 Intervenir dans les affaires des autres sans leur accord

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« Je ne peux pas m’empêcher de lire ses messages »

A l’inverse, il existe toute une population de parents plus stricts. « J’ai imposé à mon
20 fils de 12 ans de laisser son téléphone au salon dès 20h. Mais celui-ci s’allume
continuellement dans la soirée, laissant apparaître des notifications de multiples
messages sur WhatsApp. Je ne peux pas m’empêcher d’en lire quelques-uns, avoue
sa mère à demi-mot. Je suis toutefois bien embêtée quand la conversation dérape. Je
ne sais pas comment aborder la question avec mon fils étant donné que je ne suis pas
25 censée les avoir lus…» Ces parents curieux, contrôlants ou juste inquiets, ne sont
apparemment pas des cas isolés. « J’ai imposé à ma fille de 13 ans de me donner ses
codes d’accès. Je ne tiens pas à vérifier ce qu’elle écrit, mais je veux juste qu’elle
sache qu’il y a un garde-fou 2. J’espère ainsi qu’elle fait plus attention à ce qu’elle
publie », explique Sophie. En revanche, Stéphane, père de deux adolescents, veut
30 tout savoir : codes d’accès, noms d’utilisateur, mots de passe. « J’ai mis des filtres et
je contrôle tout ce qu’ils font. Je les suis sur Facebook et Twitter. Et je ne veux surtout
pas apprendre qu’ils ont créé un compte dont je n’aurais pas l'accès. Sinon, cela
risque de mal se passer. » Idem pour une mère d’une adolescente de 14 ans qui
vérifie tout ce qui est publié et qui sélectionne les amis sur Musical.ly. « Je fais un
35 contrôle régulier une fois par semaine. En revanche, je n’ai pas mis de filtre car je suis
moi-même bien plus efficace qu’un filtre. Le jour où elle aura son premier copain, je
sais que je devrai lever le pied. »

Espionnage malsain

Olivier Halfon, chef du Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de


l’adolescent (SUPEA) du CHUV de Lausanne, est pourtant catégorique. « A partir de
40 12, voire 13 ans, le jeune a besoin d’intimité. Dès que l’on offre un smartphone à son

2 Ce qui empêche de faire des folies, des imprudences

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enfant, il faut lui faire confiance et respecter son intimité. Contrôler ce qu’il écrit ou ce
qu’il publie constitue un jeu malsain. Je pense qu’il faut intervenir uniquement lorsque
l’adolescent semble se mettre en danger ou qu’il a subitement un comportement
suspect », dit-il, tout en reconnaissant que le smartphone est un journal intime vis-à-
45 vis de ses parents mais totalement ouvert par rapport à ses pairs. « C’est en effet tout
le paradoxe d’un objet à la fois intime et exhibant. » Quant à Tiziana Bellucci, directrice
d’Action Innocence, une organisation genevoise qui contribue à préserver la dignité et
l’intégrité des enfants sur Internet, elle mise également sur la confiance. « Nous ne
préconisons3 pas le contrôle au-delà de 12 ans et si les parents souhaitent l’adopter ils
50 doivent en informer l’enfant. Par contre, lorsque l’on donne un portable à son enfant, il
faut non seulement installer un contrôle parental, mais aussi apprendre à lui faire
confiance tout en continuant à lui parler des risques. Il faut sans cesse rappeler quels
sont les comportements à adopter et aussi inciter les enfants à raconter ce qu’ils font,
à quoi ils jouent et avec qui ils discutent », dit-elle, tout en admettant que, grâce au
55 contrôle de certains parents, des cas de harcèlement scolaire ont pu être dénoncés.
« Tout contrôler peut se révéler contre-productif. D’une part, l’enfant comprend vite
qu’il peut tout effacer. Il risque, d’autre part, de créer un autre profil sur le portable d’un
copain. Et là, on ne maîtrise plus rien du tout », avertit Tiziana Bellucci. Selon la
spécialiste, cette hypersurveillance aurait aussi pour effet de déresponsabiliser l’enfant
60 qui ne saura pas comment gérer seul ses interactions sociales. « Autrefois, lorsque
moi-même j’étais petite, les parents ignoraient tout de ce que nous faisions dans la
cour d’école ou en bas de l’immeuble. Les réseaux sociaux ne sont rien d’autre que
des espaces publics mais en réseau. »

Ghislaine Bloch, Le Temps, mardi 3 janvier 2017

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