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Electra, de Michael Cacoyannis.

Sirangeis in fhe City (Rick Carrier, U.S.A.) caux de l'amour, de la vie et du travail. Un
est l'un des rares films new-yorkais dont la mariage se décide en Sicile, on drague
façon soit hollywoodienne. C'est pour cela en Campanie, en lutte pour une place dans
l'un des meilleurs, meilleur que Shadows p ar une usine toscane, etc. Au contraire du cinéma-
exemple. Une histoire banale, un peu trop vérité, où enquête et tournage sont simul-
entachée de noirceur, nous est contée avec tanés, il s'agit d'une reconstitution après en-
simpliché et efficacité, vertus courantes certes, quête. Le point de vue est celui du journa-
mais p as à New York, liste objectif, qui ne recherche le pittoresque,
les aventures cocasses, que pour mieux saisir
Mais les deux grandes réussîtes du festival
ce que leur nouveauté recèle de profondeur.
sans majuscule auront été deux comédies
Tout en allant jusqu'au bout de ses sujets,
réalistes promises à un large succès public,
le film fait preuve d'une exhaustivité, d'une
/ nuovi angeü (Ugo Gregorettï, Italie) et Adieu
concision et d'une souplesse de construction
Philippine (lacques Rozier, France).
qui font qu'on ne peut s'y ennuyer, au con-
traire de l'immense majorité des films du
Festival, dont les qualités ne sont pas de
GREGORETTÏ celles qui peuvent empêcher l'ennui. Dans
cette esquisse de l'Italie, il y a nombre d'épi-
C'est une suite de sketches se situant cha- sodes scabreux ou tragiques. Mais Gregorettï.
cun dans une région différente de l'Italie dont c'est le premier film, s'abstient de souli-
d'aujourd'hui, et révélant certains aspects lo- gner quoi que ce soit, et cette présence limpide

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des problèmes, derrière la légèreté du ton, chalant, à l'image des sentiments éprouvés
les révèle bien mieux que le pathos zavat- par les personnages au contact de la Corse
tiniea : un film comme celui-ci détruit J'en- et au contact d'eux-mêmes. Il se pa sse énor-
quête a thèse des Italiennes et l'amour, et mément de choses dans un montage très
possède en outre l'agrément d'une excellente concis de petits détails, qui donne l'impression
technique. que tout coule de source, san s intervention
de l'auteur. Ce que dément du tout au tout
C'est le film de ces dernières années qui un examen tant soit peu attentif du montage
m 'a appris le plus de choses sur l'Italie. Si le image en relation avec le montage son, tra-
public italien est très pour, les critiques locaux vail d'orfèvre d'une admirable virtuosité dis-
font la moue. Non qu'ils contestent la vérité crète, qui laisse loin derrière elle la virtuosité
du film, ou même qu'ils trouvent moins d'in- voyante trop applaudie à Cannes. Ce naturel
térêt à la représentation de cette vie qu'ils retrouvé, cette liberté font d’autant mieux p a s -
connaissent mieux que nous autres étrangers. ser lte < message » du film, qui surgit à l'an té-
C'est une question de principes : ils aiment pénultième séquence, de la façon la plus
que leurs problèmes les plus graves soient inattendue. Il est présenté verbalement et sans
traités sur un registre grave ; ils préfèrent fioritures p ar le héros. La fin est égalem ent
le principe de l'enquête néo-réaliste, même fondée sur ce rythme imposé par la nature
truquée, à la reconstitution, même si celle-ci des sentiments. C'est un simple adieu au p a s -
est avouée et se révèle p ar la justesse du sager d'un bateau qui part. II dure près
trait et du dialogue (que l'an suppose pris d'une bobine. C'est le morceau le plus a u d a -
sur le vif au magnétophone) plus vraie que cieux du film. A ce niveau de culot, l'échec
tout ce qui a été fait avec l'autre méthode. était impossible.
C'est un aboutissement, un film sans lende-
main, dit-on encore, plus justement peut-être.
Mais une telle élégance, une telle habileté à
manier le document brut me semblent au WAJDA
contraire prouver que Gregoretti pourrait les
adapter aux autres genres, s'il doit quitter Sibirski Ledï MacJbet (Andrzej Wajda, Yougo-
celui-ci. slavie), de p ar son titre, s& résume aisément.
A la fin, les deux héros, condamnés à l'exil
en Sibérie, se querellent. Macbeth trouve une
ROZIER autre fille et Lady Macbeth (incarnée p a r u ne
excellente actrice au nom trop slave pour
être retenu) la précipite dans la rivière, sous
Ces dernières qualités, comme toutes celles le regard impuissant de Macbeth, prisonnier
d'J nuovi angeli, se retrouvent, plus affirmées de ses fers... Ce dénouement, qui évoque les
encore, dans Adieu Philippine. La plus grande admirables Bateliers de fa Volga (De Mille,
improvisation nécessite la plus grande élabo- 1926), et p as seulomcnt p ar une similitude ex-
ration après tournage, infiniment plus consi- térieure, donne bien le ton du film, su per-
dérable que la simple élaboration avant tour- mélo qui ne se cache pas de l'être. Aujour-
na ge du cinéma classique, c'est là u ne loi d'hui, W ajda semble avoir définitivement d é-
constante de la nouvelle vague, qui fait sa passé cette médiocre masturbation des m é-
force, et en particulier celle du film exem- ninges si prédominante en Pologne, dans
plaire de Jacques Rozier (1926). son Cendres ef diamants ou dans La Toussaint
Un jeune assistant de la T.V. parisienne de Konwicki. Déjà, dans Les Innocents char-
rencontre deux filles. Puis il va en Corse où meurs, une saine simplicité faisait oublier les
il passe avec elles ses dernières vacances méandres du script. Ici, elle devient même
avant le service militaire. Les deux parties de la rudesse, à l'image de la toute-puissance
contrastent nettement : le début, plus classique de l'amour-fou chanté par Wajda. Ce mélo-
et parfaitement réussi, cumule satire réaliste drame a la même force épique que les grands
de la T.V., description du Français moyen, westerns. Il y avait des situations fortes d ans
vu à travers un repas de famille conven- Kanal. Ici, il n'y a que cela, au point q ue le
tionnel, mais dont le ton reste néanmoins très film en devient une esquisse à la Fuller.
juste, notations sur le comportement et le Wajda, on l'a vu, ' ne s'est pas imposé une
parler des jeunes. Cette première partie met correspondance rigide avec Shakespeare ;
à l'aise le spectateur qui accepte beaucoup aussi son film n e souffre-t-il jamais de ces
mieux les grandes audaces de la seconde, parallèles forcés qui rendirent ridicule le film
où un e structure très précise se laisse volon- de Kurosawa. Le rebondissement final a d 'ail-
tairement noyer sous le flot des faits, cris, leurs un peu de cette force de choc qui fai-
gesticulations, désordres, incidents cocasses sait la saveur d'tJn .Américain bien tranquille.
sans rapport apparent avec l'intrigue. Jus- A noter un excellent usage du Scope.
qu'ici, le rythme, bâti très rigoureusement
sur l'intérêt dramatique, se crée, plus non- Luc MOULLET.

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