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LE MAGAZINE

DES ARTS
MAD
ET DU DIVERTISSEMENT
DU SOIR

CINÉMA

« Tár »
de Todd
Field
P. 2-3

MARCHÉ DE L’ART
UNE VIRÉE
EN WALLONIE À
LA DÉCOUVERTE
DE DEUX BELLES
MAISONS
D’ENCHÈRES
P. 38-39

Mercredi 25 janvier 2023

www.lesoir.be/mad

© FOCUS FEATURES
2 L’ÉVÉNEMENT CINÉMA
On aime...
☆☆☆☆☆
★☆☆☆☆
Pas du tout
Un peu
Cate
★★☆☆☆
★★★☆☆
★★★★☆
Bien
Beaucoup
Passionnément
Blanchett,
actrice
★★★★★ A la folie

JEAN-MARIE
WYNANTS
RESPONSABLE
DU MAD
virtuose
Dans « Tár » de Todd Field, l’actrice
Des parcours qui australo-américaine incarne une
sortent du cadre cheffe d’orchestre qui perd pied alors
Dans une époque où tout semble de
qu’elle atteint les sommets. Une
plus en plus formaté par les algo- performance magistrale, qui lui a
rithmes et la peur de l’inconnu, il est
réconfortant de voir que de nom- déjà valu plusieurs prix.
breux individus parviennent encore à
s’exprimer en faisant bouger les lignes
et en échappant au cadre habituel PORTRAIT
dans lequel ils s’expriment. C’est ce GAËLLE MOURY mais aussi qui elle aspirait à être. Diriger
qu’on peut se dire cette semaine en À VENISE est un langage, un acte colossal de com-
balayant du regard l’actualité cultu- munication créative (…). Mais ce n’est
relle mise en avant dans les pages qui
suivent. Dans Tar, la formidable Cate
Blanchett est une cheffe d’orchestre
D ans la peau de Lydia Tár, Cate Blan-
chett est phénoménale. Actrice vir-
tuose, elle se mue en ce personnage com-
pas un film sur la direction. C’est juste
quelque chose d’essentiel que le person-
nage fait. Comme respirer. Le véritable
arrivant au sommet de sa profession. plexe, avec ses luttes internes, sa manière défi pour moi, en tant qu’interprète, était
Dans Neneh Superstar, une gamine à de faire face au monde. Un rôle taillé sur de me mettre dans la tête d’une personne
la peau noire se bat pour s’imposer mesure pour elle par Todd Field, qui re- éloignée d’elle-même »
dans l’univers ultra-blanc du ballet de vient à la réalisation 15 ans après Little
l’Opéra de Paris. Du côté de la mu- Children. « Si elle avait dit non, ce film Un film aussi critiqué
sique, on rencontre Laurent Pelly dont n’aurait jamais vu la lumière du jour », Depuis ses débuts dans les années 1990
les mises en scène d’opéra renou- dit le réalisateur dans les notes de pro- sur les scènes des théâtres australiens
vellent le genre depuis plusieurs duction. « Elle a soulevé des montagnes. puis à la télévision, Cate Blanchett – au-
années mais on croise aussi le jeune
(…) Le privilège de collaborer avec une jourd’hui 53 ans – a bâti une carrière
Pierre de Maere qui impose une per-
artiste de ce calibre est impossible à dé- multiple qui l’a menée de l’univers de
sonnalité unique dans la chanson
française. Sans oublier l’équipe d’Aka
crire. Ce film est celui de Cate. Dans tous Martin Scorsese à celui de Woody Allen,
Moon, le chorégraphe Zora Snake, le les sens du terme. » en passant par ceux d’Iñárritu ou de Ter-
plasticien Bernard Villers… Autant de Tár repose en effet pleinement sur la rence Malick. Sans oublier les plus popu-
personnalités fortes et inspirantes par performance de son actrice principale. laires Seigneur des anneaux de Peter
ces temps de frilosité. Extrêmement dévouée, Cate Blanchett Jackson ou Thor.
s’est jetée corps et âme dans la construc- C’est en 1997 qu’elle fait ses débuts au
tion de ce personnage. « Nous avons cinéma, avec un rôle secondaire dans Pa-
commencé à travailler ensemble en sep- radise Road de Bruce Beresford. L’année
tembre 2020 », précise Field. « Pendant suivante est celle de la reconnaissance
la préparation, Cate tournait deux autres internationale : elle obtient le Golden
films. Elle était sur les plateaux le jour et Globe de la meilleure actrice dans un
m’appelait la nuit. Elle a appris à parler film dramatique, un Bafta et une nomi-
allemand, à jouer du piano – c’est elle qui nation aux Oscars pour son rôle d’Élisa-
joue chaque note. (…) Pendant le tour- beth Ire dans Elizabeth de Shekhar Ka-
nage, elle continuait à travailler et ne pur. Les premières distinctions d’une
dormait pas. Elle a fixé le niveau et tout longue série. Elle obtiendra ainsi un Os-
ce que nous pouvions faire, c’est d’es- car pour Aviator de Martin Scorsese
sayer de la suivre. » (2005), un autre pour Blue Jasmine de
Un événement « En tant qu’actrice, la musique est Woody Allen (2014). Parmi ses autres
souvent une clé pour débloquer un per- nombreuses récompenses, deux Coupe
culturel sonnage ou une atmosphère, pour trou- Volpi pour la meilleure interprétation fé-
à annoncer? ver une connexion à l’histoire (elle dirige
elle-même l’orchestre du film, NDLR) »,
minine à la Mostra de Venise, pour I’m
Not There de Todd Haynes… et pour Tár
Rendez-vous dit quant à elle Blanchett. « Le point de qui lui a déjà vallu aussi un Golden Globe
sur my.out.be départ de mon travail a été les master- et qui la positionne dans les favorites
classes d’Ilya Musin et un documentaire pour les Oscars.
Facile bouleversant sur Antonia Brico. J’ai re- Capable de tout jouer ou presque, Cate
et gratuit gardé pour découvrir qui Tár n’était pas, Blanchett n’a pas peur de se mettre en

MAD Mercredi 25 janvier 2023


« Cate dirige l’orchestre en temps réel », explique Sophie Kauer, qui incarne Olga. 3
« Ce sont des enregistrements en direct, sans doublage, sans hors-champ. Elle a
fait un travail incroyable. C’est elle qui fait en sorte que l’orchestre sonne de cette
Cate Blanchett impériale
manière… ce dont certains chefs peuvent seulement rêver. » © COURTESY OF FOCUS FEATURES ★★★☆☆ assurance, de son côté
De Todd Field, avec Cate Blan- obsessionnel et torturé,
chett, Noémie Merlant, Nina Hoss,
Sophie Kauer, 158 mn. tout disparaît ou presque.
Lydia Tár (Cate Blanchett) Que ce soit sa compagne
est une cheffe d’orchestre Sharon (la très juste Nina
au sommet de son art. De Hoss), musicienne douée
celle qui inspire. Nous la mais suspendue à la volon-
rencontrons alors qu’elle té de sa partenaire. Ou son
prépare la sortie d’un livre, assistante Francesca, dont la
mais surtout l’enregistre- soumission n’a d’égal que
ment live de la 5e symphonie son admiration pour Tár
de Malher, qui complétera (une sensibilité remarqua-
l’intégrale qu’elle a enregis- blement incarnée par Noé-
trée chez Deutsche Gram- mie Merlant). Seule Olga (la
mophon, prestigieux label violoncelliste Sophie Kauer),
allemand. Peu à peu, ce sa fraîcheur, son enthou-
brillant parcours va se siasme semblent émerger
retrouver égratigné… dans cet univers tout en
Au centre de Tár, une Cate tension. La manière dont
Blanchett éblouissante, qui Todd Field observe ces
se jette corps et âme dans interactions, dresse le por-
l’interprétation de son trait de cette femme que
personnage. Car c’est bien rien ne semble arrêter, est
elle qui est le cœur du film. assez captivante. Mais elle
Qui brille avant de questionne aussi sur sa
s’éteindre. Qui incarne la façon de représenter une
flamboyance des artistes femme cheffe qui aurait
danger et de prendre des risques. Mais film. « C’était pourtant une bonne op- dans ce qu’ils ont parfois de tous les traits d’une figure
assume ses choix, même dans la tem- portunité de représenter une femme plus fort mais aussi de plus autoritaire caricaturale.
pête. Car dans le milieu de la musique dans ce rôle mais d’en faire une agres- noir. Rien ne résiste à celle – Porté par ses actrices, et par
classique, Tár crée du remous. Ainsi, seuse (par ailleurs manipulatrice voire purement imaginée mais la B.O. de l’Oscarisée Hildur
dans une interview au Sunday Times, la tyrannique, NDLR), c’est inadmissible, inspirée par des figures Gudnadóttir (lire en p. 24),
cheffe américaine Marin Alsop salue la insupportable ! » Des accusations que marquantes de l’histoire Tár reste un récit interpel-
performance de Blanchett mais est cri- Cate Blanchett a contestées dans une in- récente – qui fut l’élève de lant et assez fascinant. On
tique par rapport au fait qu’elle aurait terview sur la chaîne de radio ClassicFM. Leonard Bernstein. Elle excusera donc aussi le côté
inspiré le personnage principal du film. « Je n’ai basé le personnage de Lydia Tár n’hésite pas à s’imposer, un peu poseur et bavard du
« J’ai été offensée en tant que femme, en sur personne en particulier. J’ai autant mais aussi à imposer ses film, qui aime étaler un tas
tant que cheffe, en tant que lesbienne », pensé à Susan Sontag qu’à Alma Mahler idées et ses opinions, quitte de références avec peu de
dit Alsop, qui avait par ailleurs démenti ou n’importe quel chef d’orchestre à en devenir autoritaire. Si contexte, comme pour se
cet été avoir collaboré avec l’équipe du contemporain » bien qu’à côté d’elle, de son donner une légitimité. G.My

Nina Hoss est Sharon, Sophie Kauer est Olga, Noémie Merlant est
la compagne la virtuose Francesca, l’assistante
Parmi les person- Jeune violoncel- Multipliant désor-
nages évoluant liste, actuellement mais les expériences
dans la galaxie étudiante à la à l’international, la
féminine autour de Norwegian Acade- Française Noémie
Lydia Tár, Sharon my of Music d’Oslo, Merlant (Portrait de
Goodnow, sa parte- la britannico-alle- la jeune fille en feu),
naire de longue mande Sophie se mue ici en l’ambi-
date, Premier vio- Kauer a été sélec- valente Francesca.
lon de l’orchestre qu’elle dirige. Un tionnée parmi une centaine de musi- « Elle est son assistante, lui apporte le
personnage incarné par l’Allemande ciennes pour incarner Olga, la jeune café, contrôle son planning… mais aussi
Nina Hoss, actrice fétiche de Christian virtuose que Tár prend sous son aile. un peu sa vie. La question est en quelque
Petzold. « Pour moi, le film parle de « J’étais bien sûr un peu nerveuse par sorte de savoir qui contrôle qui. Elle aime
bien plus que du pouvoir », dit Hoss. rapport à l’aspect jeu », confie la jeune Lydia autant qu’elle la hait, qu’elle l’envie.
« Lydia est une femme au sommet de femme de 21 ans dont c’est la première Dans le processus de préparation, nous
sa carrière, de son processus créatif. expérience au cinéma. « J’ai appris avons beaucoup parlé des choses que l’on
Elle est sur le point de diriger la pièce beaucoup des actrices qui m’entou- ne voit pas à l’écran : l’expérience de vie
qu’elle a toujours voulu diriger. Elle est raient et de Todd. Il m’a donné beau- de Francesca, de leur liaison, du fait
à la tête d’une institution phénoména- coup de conseils pendant les répéti- qu’elle aspire à devenir cheffe. Nous de-
lement célébrée et célèbre. Il y a donc tions. Nous avons beaucoup parlé de vions donner vie à cela dans les gestes,
toujours quelqu’un qui veut prendre sa mon personnage et de sa relation aux dans les regards… Au départ, je pensais
place. Comment rester sain d’esprit autres. Ils ont tous été très patients et que le film parlait de musique. Mais en
dans ce contexte-là ? Le film pose plus je me suis sentie de plus en plus à fait, il aurait pu se passer dans un autre
de questions que ce que ça apporte de l’aise. Puis je les ai aussi beaucoup milieu. Ce film met sur la table les ques-
réponses. Et c’est aussi ça qui m’attirait regardées tourner leurs scènes, lorsque tions de la dynamique du pouvoir, du
énormément dans ce projet. » G.MY je n’y prenais pas part. Et ça a été très processus créatif, d’une femme dans un
formateur. » G.MY monde très masculin… » G.MY

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4
LES TOPS DE LA SEMAINE LES TOPS DE LA SEMAINE LES TOPS DE L
DVD MUSIQUES

ROCK ET VARIÉTÉS

Bowie. Moonage Hors des sentiers


Daydream battus avec le
Génie psychédélique See Festival
★★★☆☆
Les reprises en Bozar,  du  25  au  28  janvier.  Infos :  www.bozar.be

De Brett Morgen, 135 mn. Blu­ray Disc Universal français d’Adamo Quatre  jours  de  films  et  concerts  au­
tour  des  cultures  contemporaines  d’Eu­
Ce film n’est pas un biopic. Ce film est un
rope  du  Sud­Est :  voilà  la  proposition,
voyage effréné et psychédélique, une
★★★★☆ hors  des  sentiers  battus,  du  See  Festi­
expérience sensorielle à travers l’œuvre Polydor­Universal. val  qui  se  tient  à  Bozar  jusqu’au  28
créatrice et musicale de David Bowie.
Traduire en français des standards de la janvier.  En  plus  de  deux  films  de  la
Orgie d’images, de musiques, de cita­
pop anglaise et américaine est un exer­ réalisatrice  bosniaque  Aida  Begić,  le
tions. On en prend plein les yeux, les
cice casse­gueule, tellement on a en festival  propose  un  panel  musical  diver­
oreilles. C’est le résultat de cinq ans de
mémoire tels quels ces titres immortels. sifié.  D’un  côté,  un  concert  du  Belgian
travail, un accès royal aux archives du
Salvatore Adamo a relevé le défi, se National  Orchestra  (dirigé  par  Frédéric
chanteur, à sa collection personnelle de
faisant plaisir à reprendre dans la langue Chaslin)  avec  la  soprano  roumaine
tableaux et poèmes, à des documents
de Voltaire ses chansons préférées si­ Angela  Gheorgiu  (photo)  et  le  ténor
rares, à des interviews. C’est passionnant,
gnées Bob Dylan, Elton John, Neil Young, Jonathan  Tetelman  dans  un  programme
fascinant, foutraque. L’approche kaléido­
Eddie Vedder, Simply Red, Robert Palmer, mêlant  Puccini  et  Verdi  à  des  airs  rou­
scopique, le montage halluciné et l’im­
10cc, America, Alphaville, Gilbert O’Sulli­ mains  (en  ouverture  ce  mercredi).  De
mersion dans sa musique sans balise
van, James Taylor, Kansas… l’autre,  des  artistes  aux  influences  mul­
raviront les fans mais laisseront sans
In French please ! Le pari est réussi grâce tiples  comme  le  groupe  de  musique
doute les profanes sur le bord du chemin
notamment aux arrangements somp­ traditionnelle  Perija,  Georges  Xylouris  et
emprunté par cette star incontestable du
tueux réalisés par Stephan Eicher qui, son  laouto  –  luth  crétois  au  long
XXe siècle.  FABIENNE BRADFER
avec ses musiciens, a offert un écrin manche,  l’Arcus  Quartet  ou  encore  le
luxuriant, bourré de cordes ensorce­ DJ  Kurt  Overbergh.  G.My
lantes, à ces chansons qui, étonnam­
ment, vont parfaitement à la voix de
Salvatore qui, jamais, en soixante ans de
carrière, n’a réalisé un tel disque. Comme
quoi l’audace paie ! THIERRY COLJON

LE PETIT MOMENT QUI FAIT DU BIEN


Se rassurer sur son pouvoir de séduction avec Paul Mirabel
Coup de blues ? Déprime ? Chaque a commencé très tôt, dès l’adolescence et
mercredi, nous vous proposons dans la foulée de celle­ci. Invité chez
quelques minutes de pur plaisir à sa- McFly et Carlito, notre gaillard se souvient
vourer sur YouTube, Dailymotion et de sa pire anecdote de rendez­vous. Tout
autres plateformes. Pour retrouver la y passe : la fille qu’il repère au cours de
pêche quand le moral est en berne. théâtre où le prof lui demande de faire le
Qui ne s’est pas planté lamentablement, dauphin, le message auquel il n’espère
au moins une fois (et c’est peu dire) à aucune réponse vu le nombre de vents
l’occasion d’un premier rendez­vous ? qu’il se prend habituellement, la réponse
Rassurez­vous, vous n’êtes pas seul(e) étonnamment positive, l’arrivée au resto
dans le cas et, contrairement à ce qu’on où il découvre la présence d’une per­
peut penser, cela arrive à tout âge. Chez sonne qui va considérablement le dis­
Paul Mirabel, comme chez beaucoup, cela traire de son objectif premier (dix contre

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5
LA SEMAINE LES TOPS DE LA SEMAINE LES TOPS DE LA SEMAINE

EXPOSITION

SCÈNES

Jean-Marie Dans le cadre du programme Photo/Brut


Bxl, l’Art et Marges Musée met à l’hon-
Massou neur deux univers singuliers. Au rez-de-

Partenaires chaussée, on découvre le monde de


Jean-Marie Massou, ses cavernes, ses
Particuliers dessins, ses collages, ses objets sculptés,
ses enregistrements… A l’étage, une
★★★☆☆ collaboration entre le photographe
Jusqu’au 19 mars, Arts et Marges Vincen Beeckman et la S Grand Atelier
Musée, www.artsetmarges.be vient compléter ce parcours aux mul-
Stand By tiples découvertes. Lire page 30.
JEAN-MARIE WYNANTS
★★★☆☆
Les 28 et 29 janvier au Théâtre Marni dans le cadre du D Festival,
www.theatremarni.be
MARCHÉ DE L’ART
Sur et autour d’un lit, un couple se cherche, s’éloigne,
bascule… Stand By de Thi-Mai Nguyen commence
comme une joute amoureuse virtuose avant de bascu-
ler dans le fantastique. Le quotidien et le merveilleux se
côtoient, l’intime devient un voyage fascinant et plein
de surprises. En un peu moins d’une heure, le duo nous
offre ainsi, avec la complicité de trois jeunes parte-
naires, formidables de naturel et de justesse, un voyage
au cœur de nos vies où, pour une fois, les drames, les
douleurs, les violences cèdent le pas à la tendresse, la
complicité, la beauté simple d’une intimité dévoilée.
J.-M.W.

Ces œuvres que l’on peut


PODCAST indéfiniment contempler
La tapisserie de la Manufacture Royale d’Aubusson a
gardé de jolis coloris et conservé sa bordure d’origine,
un que vous ne devinerez pas l’identité semée de boutons de roses et de petits nœuds. La
du mystérieux perturbateur) et les suites Verdure aux échassiers et à l’oiseau date de la fin du XVIIe
d’une soirée qui, ça au moins on pouvait ou du début XVIIIe siècle, elle présente quelques usures
s’y attendre, ne se passera pas vraiment dans les soies et d’anciennes restaurations. Elle a aussi
comme prévu. Comme toujours avec été diminuée en hauteur et probablement en largeur,
Paul Mirabel, c’est aussi désolant qu’hila- pour une taille actuelle de 3 mètres sur 4. C’est le genre
rant. Et ça consolera les fans qui n’ont d’œuvres qu’on pourrait contempler le soir, jusqu’à
pas pu trouver de ticket pour son pas- Jean-Marie Wynants tomber de sommeil, et où on se replongerait dès le
sage au Cirque Royal ce samedi puisque nous propose une sélec- matin au réveil. Elle est l’un des lots les plus ravissants
c’est archi-complet. Encore un rendez- tion d’expos à voir dans qui seront mis aux enchères dans quelques jours chez
vous manqué ! JEAN-MARIE WYNANTS les semaines qui Legia Auction à Hannut, dans la province de Liège, en
https ://www.youtube.com/watch?v=CwfCl-yFETQ viennent. Hesbaye. Lire en pages 38-39 pour découvrir les autres
lots et les ventes de Phoenix Auction à Wavre. Julie Huon

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6 CINÉMA SORTIES DE LA SEMAINE
Ramzi Ben Sliman

« Il y eut la génération Billy Elliot. J’ai


que le film provoque la génération
« Neneh superstar » met en
scène une petite prodige
de la danse classique qui a
la peau noire et questionne
la tradition du ballet blanc.
ENTRETIEN
FABIENNE BRADFER
ENVOYÉE SPÉCIALE À PARIS

Q uand on lui parle de son film Ne-


neh superstar, Ramzi Ben Sliman
évoque une préparation au milli-
mètre, un tournage exigeant, quatre
heures maximum par jour avec les en-
fants et pour commencer, un casting de
très longue haleine pour trouver celle
qui serait Neneh sans aucun compro-
mis. Il avoue : « La danse, c’est l’excel-
lence. C’est une grâce tellement folle
qu’elle semble hors de portée. Je trans-
pose sans doute un rêve à travers ce
film. »

Vous avez trouvé une perle rare avec venaient toutes du même centre de for- ment et offrir un divertissement fami-
la jeune Oumy Bruni Garrel… mation et toutes me parlaient d’une lial. Il n’y a pas de mouvement de ca-
Après beaucoup de temps et voyages fille qu’elles connaissaient et qui corres- méra. Priorité aux mouvements les plus
car on avait beaucoup d’exigences pour pondait au scénario. C’était Oumy. gracieux, les plus beaux, les plus émou-
honorer la promesse vants. Cela nécessite une humilité.
du scénario avec ce Quelle réflexion suite à cette longue
personnage. Elle de- recherche ? Comment les choses évoluent-elles ?
vait être noire, avoir la Qu’il y a un plafond de verre. Je voyais Blanche-Neige peut-elle être noire ?
maîtrise de la danse, des filles de 8-9 ans qui auraient pu Ce n’est pas mon problème mais celui
avoir le poids et la avoir le rôle mais nous, on était dans la de l’Opéra de Paris. Par contre, je suis
taille qui la rendent classe d’âge de 12-13 ans. Ce qui veut optimiste quand je mets en perspective
crédible dans cette dire qu’au-delà de 8-9 ans, il n’y a plus le personnage de la directrice de l’école
promotion, être ca- de petites filles noires inscrites dans de danse jouée par Maïwenn et Neneh.
pable de porter un des parcours d’excellence dans le do- La directrice a été enfant dans les an-
gros travail de cinéma. maine de la danse. D’où des candida- nées 80-90 et pour réussir, elle a dû
On a d’abord cherché tures très fragiles et peu nombreuses. gommer sa singularité, jusqu’à son pa-
en France. On a élargi Oumy était la seule plausible dans le tronyme. En 2022, comme on le voit
Jadis, on à la Belgique, la rôle. avec Neneh, c’est tout le contraire. Il
gommait sa Suisse, au Luxem- faut qu’elle impose sa singularité. C’est
bourg. Puis à l’Afrique Ce que vous décrivez des écoles de un grand progrès. Mon film est un par-
singularité. francophone, au Dom- ballet est-il le reflet de la société fran- cours initiatique mais plus celui de la
Aujourd’hui, il faut Tom, au Québec. Plus
on avançait, plus on se
çaise ?
C’est exactement ça. Je me suis appuyé
directrice que de Neneh. C’est Neneh
qui la fait grandir.
l’imposer et c’est disait que le film sur l’Opéra de Paris comme une allégo-
un grand progrès n’était peut-être pas
possible car il n’était
rie de la France. L’Opéra de Paris, c’est
350 ans de tradition française, des
Avez-vous réalisé ce film dans l’espoir
de faire bouger les lignes ?
pas question de règles très précises, des normes ultra- Quand j’ai travaillé sur l’Opéra de Paris
prendre un casting de établies. La danse, et en l’occurrence à pour Grand Hôtel Barbès, je me suis
compromis. J’ai sus- l’Opéra de Paris, c’est un endroit où on rendu compte que beaucoup de garçons
pendu la recherche a droit de dire : elle est trop grosse, trop de 35-45 ans se revendiquent de la gé-
pour me concentrer petite, trop noire. La danse me permet- nération Billy Elliot. Moi, j’aimerais
sur les filles de la promo. On a vu jus- tait de mettre les pieds dans le plat et que le film provoque une génération
qu’à 400 petites filles et je me suis ren- de parler frontalement. Choisir la Neneh. Que des petites filles noires
du compte que celles que je choisissais danse, c’est aussi être dans le mouve- disent : Neneh nous a explosé le pla-
MAD Mercredi 25 janvier 2023
BRÈVES CINÉMA 7
Festival de cinéma
du réel En ville !
merais Du 30 janvier au 5 février, la quatrième
édition du Festival En ville ! invite à
découvrir un cinéma du réel où réalisa-

Neneh. »
trices et réalisateurs se racontent pour
mieux raconter le monde. Cette manifes-
tation bruxelloise est portée par l’asso-
ciation Le p’tit ciné (LPC), structure de

Neneh superstar
la danse dans la peau
★★★☆☆
De Ramzi Ben Sliman, avec Oumy Bruni Garrel, Maïwenn,
Aïssa Maïga, Cédric Kahn, 95 mn.
Neneh, 12 ans, est née pour danser. Son
rêve : intégrer l’école de ballet de l’Opéra de
Paris. « Ta tête ne va pas à l’Opéra » dit une
de ses copines. De fait, peut-on avoir une
jeune danseuse noire au milieu de quarante
cygnes ?! « Je ne crois pas qu’elle soit faite
« Au-delà de 8-9 ans, il pour cette école, il s’agit de créer une uni-
n’y a plus de petites formité esthétique pour le corps de ballet »
filles noires inscrites affirme la directrice de l’école de ballet.
dans des parcours d’ex- Heureusement pour Neneh, d’autres profes-
cellence dans le do- seurs et le directeur de l’Opéra sont bien-
maine de la danse. D’où veillants et Neneh est admise comme petit
des candidatures très rat. Mais malgré son enthousiasme, elle va
fragiles et peu nom- devoir redoubler d’efforts pour s’arracher à « Un monde », de Laura Wandel. © D.R.

breuses. Oumy était la sa condition et se faire accepter par la


seule plausible dans le directrice de l’établissement, Marianne programmation de films qui œuvre au
rôle.» © D.R. Belage. Cette dernière est en effet la ga- développement des publics du cinéma
rante des traditions et porteuse d’un secret du réel via différentes activités mises en
fond de verre ! qui la relie à la petite ballerine. place tout au long de l’année. Au pro-
On entre à pas feutrés dans l’école de ballet gramme de cette exploration des terri-
Les propos tenus par certains profes- de l’Opéra de Paris et on se prend frontale- toires de l’intime 2023, 24 films récents,
seurs à l’égard de Neneh sont d’une ment le choc entre tradition et discrimina- 16 premières belges, dont les derniers
grande violence… tion. Ramzi Ben Sliman, Français d’origine films d’Alessandro Comodin (Gigi La
Oui, on pourrait croire que les tunisienne, filme avec fascination les petites Legge fera l’ouverture), Miléna Trivier,
échanges, notamment pendant les déli- danseuses, laissant le mouvement envahir Laura Poitras (son documentaire All the
bérations, sont trop appuyés, que c’est son cadre, tout en mettant en lumière la Beauty and the Bloodshed fera la clôture),
exagéré et pourtant, chacune des question de la diversité dans la sphère de la Faustine Cros ou Jonás Trueba, des sec-
phrases prononcées a déjà été dite dans danse à travers la détermination d’une tions compétitives et séances spéciales,
ce cadre-là. Je me suis reposé sur un fillette de banlieue génialement douée mais une visite guidée de Bruxelles avec L’ar-
formidable documentaire, Graines qui n’a pas les codes, ni la bonne couleur de chitecture qui dégenre, une conférence
d’étoiles, qui suit une promo de petits peau. C’est violent et Ramzi Ben Sliman le gesticulée de la géographe Sarah De
rats dès 10 ans jusqu’à leur entrée à montre. Dans ce monde de l’excellence où Laet sur le logement. On épingle égale-
l’Opéra. On voit les coulisses et c’est rigueur et souffrance sont des piliers, l’inté- ment la master classe sur le processus de
saisissant. Je me suis servi des vidéos gration ne va pas de soi. Le réalisateur travail avec des enfants-acteurs sur le
réalisées au temps où Claude Bessy confronte les garants du ballet blanc à tournage de Un monde, sur le harcèle-
était directrice. On voit la dureté. l’esprit d’ouverture et pointe avec authenti- ment, avec Laura Wandel (entrée libre).
cité les petits gestes humiliants et mots En complément, projection du film,
Vous pourriez dire : « Neneh, c’est assassins (de la part des élèves bien nanties, précédé de Récréations, de Claire Simon,
moi » ? de la part des profs) qui figent encore trop le 3 février à 17 heures à CinéFlagey. Les
J’ai adapté ce que j’ai vécu à la danse. l’institution même si le changement est en lieux du Festival : Cinéma Galeries, Fla-
Oui, j’ai vécu des expressions violentes cours. Mais le récit d’apprentissage n’est pas gey, Cinéma palace, PianoFabriek, ME-
du racisme. Quand on a des parents qui totalement là où on le croit, ce qui donne DAA (maison européenne des autrices et
viennent d’ailleurs et qu’on porte cet une lecture plus passionnante du person- des auteurs). Tarif : 8 euros la séance, 30
ailleurs dans les traits, il y a des accès nage joué de manière stricte par Maïwenn. euros pour un pass non nominatif de 5
(au logement, au travail, au crédit…) Face à elle, la jeune Oumy Bruni Garrel, fille séances. FABIENNE BRADFER
qui sont plus difficiles. C’est l’héritage adoptive de Valeria Bruni-Tedeschi et Louis
d’un colonialisme lié à la peur. Mais Garrel, crève l’écran. Grande révélation du
comme mon père était projectionniste film, formidable Neneh dans ses moments
itinérant, le cinéma n’était pas pour de révolte ou de douleur comme dans ses
moi une citadelle imprenable. C’était enthousiasmes et émerveillements, elle
un artisanat. C’est sans doute pour cela emporte tout par son incroyable énergie
que je me suis dit que c’était possible. jusqu’au happy end attendu. F.B.

MAD Mercredi 25 janvier 2023


8 CINÉMA SORTIES DE LA SEMAINE
Mario Martone

« Notre passé n’est pas


une ligne droite »
« On devait
aller dans
ce quartier Nostalgia
de Naples
avec la Labyrinthe du passé
caméra et
y rencon- ★★★☆☆
trer les De Mario Martone, avec Pierfrancesco Favino,
Tommaso Ragno, Francesco Di Leva, 117 mn.
gens.
Après 40 ans d’absence, Felice retourne
Comme
dans sa ville natale : Naples. Il redécouvre
dans le
les lieux, les codes de la ville et un passé
néoréalis-
qui le ronge. Mario Martone nous entraîne
me.» © D.R.
sur les pas de son héros, dans les petites
rues de la Sanità, un quartier très particu-
lier de Naples, où la criminalité s’invite
régulièrement. Il y a un côté documentaire
dans sa façon de nous présenter les lieux
et les habitants. Il y a les couleurs, les
atmosphères, les odeurs, la jeunesse dés-
œuvrée, le prêtre militant et la camorra
jamais très loin. On déambule avec le
Avec « Nostalgia », Mario Martone labyrinthe et y rester ou aller de l’avant. personnage qui plonge dans sa mémoire,
Mais pour bien se connaître, il faut re- s’angoisse, repart sur les traces de sa
invite dans sa ville natale, Naples, garder son passé. » jeunesse et est rattrapé par les fantômes
pour un voyage rédempteur dans Il ajoute : « Ce qui m’a attiré tout de du passé. Labyrinthe de souvenirs, d’his-
suite dans ce roman, ce sont des arché- toires vécues et de remords. Mélange de
le labyrinthe du passé. types cinématographiques. L’histoire violence et de mélancolie, de culpabilité et
aurait pu être une sorte de thriller ou un d’errance urbaine. On regarde le person-
western. Or, il y avait quelque chose de nage se perdre dans les rues de Naples
FABIENNE BRADFER, À CANNES mythique. L’ensemble de cette mytholo- comme dans ses paysages intérieurs. C’est
gie amène à jouer comme des enfants envoûtant ou au bord de l’ennui. Mais c’est
oins en vue que ses compatriotes mais il y a aussi une réalité sociale très
M Nanni Moretti ou Marco Bello-
chio, le cinéaste italien Mario Martone,
concrète. C’est ça qui est curieux. Tous
les éléments qu’on trouve dans le film
l’émotion qui surgit lorsque Felice prend
sa mère dans ses bras pour la baigner, la
laver. Puis on bascule dans une atmo-
qui est aussi un homme de théâtre et sont des éléments de la réalité de ce sphère moins douce quand Felice veut
d’opéra, s’est fait remarquer dès son quartier. Mon réalisme est très concret. retrouver son ami d’enfance devenu un
premier long-métrage, Mort d’un ma- Quand je préparais le film, je devais caïd cruel redouté par tous. Ce film est
thématicien napolitain (1992), Grand faire des choix de mise en scène et je me noir, austère, parfois répétitif, parfois
Prix du jury au Festival de Venise. S’il suis dit que je me trompais et qu’on de- romanesque. On se dit que le très charis-
continua de tourner (L’amour meurtri, vait aller dans ce quartier de Naples matique Pierfranceso Favino (Le traître, Nos
Théâtre de guerre, L’odeur du sang, avec la caméra et y rencontrer les gens. plus belles années), est un immense acteur
Frères d’Italie…), ses films ont eu du Nous avons réussi à les faire participer et que Mario Martone livre un tableau
mal à passer la frontière transalpine. au film comme dans le néoréalisme. impressionniste. F.B.
Mais sa présence à Cannes en compéti- Nous savions précisément où nous vou-
tion en mai dernier avec Nostalgia lions aller avec ce film mais en même
l’amène aujourd’hui sur nos écrans. temps, nous nous sommes laissé aller.
Pour ce film noir, il s’est inspiré du ro- On a beaucoup parlé de la criminalité Mais si Mario Martone a eu envie de
man de Ermanno Rea. Un livre qui l’a de Naples mais je voulais aller plus loin faire le film, c’est peut-être pour une
fortement marqué comme il l’expliqua à que ça, plus loin que la mafia et la Ca- scène, celle, bouleversante, où le héros
Cannes : « Quand j’ai lu le roman de Er- morra, je voulais parler du Sud, de dé- prend sa mère en fin de vie dans ses bras
manno Rea, j’y ai trouvé un sentiment lits et de Dieu. Il s’agit d’une grande his- pour la baigner. « Je ne voulais pas que
de mystère qui n’a cessé de me suivre. toire d’amitié, après quarante ans de cette scène de salle de bain soit dans la
Ce n’est pas un film sur Naples mais sur non-dits, d’actes manqués et cela donne pénombre. Je voulais qu’on voie tout. Il
un quartier particulier, La Sanita, qui quelque chose d’énorme. Si on puise y a beaucoup de nuances, beaucoup de
est un véritable labyrinthe dont on ne dans nos souvenirs d’enfance, on sait choix mais c’est difficile à expliquer.
sort pas, donc idéal pour symboliser le très bien que la limite entre amour et Nous nous sommes abandonnés. Le fait
labyrinthe intérieur du personnage. amitié n’existe pas. Il y a beaucoup de que j’ai 62 ans, que ma mère est décédée
Nous avons tous un passé qui n’est pas passion et notre âme est ouverte. Nous en 2004, que je me suis souvenu de sa
une ligne droite. Il est fait de destins, de sommes exposés sans défense. Chaque maladie, de mon souci d’alléger ses
choix, d’erreurs, d’occasions manquées. spectateur du monde entier peut se re- souffrances fait que je n’aurais pas pu
Nous pouvons toujours rentrer dans ce connaître dans cette histoire. » tourner ce genre de scène à 30 ans. »
MAD Mercredi 25 janvier 2023
9

Bad beat, ce
Poker face
Grosse colère ☆☆☆☆☆
Divertimento et fantaisies De Russell Crowe, avec Russell
Crowe, Liam Hemsworth, RZA,

Histoire d’un rêve Le pouvoir Aden Young, Steve Bastoni, 95


mn.

★★☆☆☆
de l’imagination Jake Foley (Russell Crowe),
57 ans, a fait fortune grâce
De Marie-Castille Mention-Schaar, avec Oulaya ★★★☆☆ au poker. Avec son pote
Amamra, Lina El Arabi, Niels Arestrup, 110 mn. De Arnaud Demuynck et Célia Tisserant, 45 mn.
Drew (RZA, le rappeur et
Pantin, en banlieue parisienne, en 1985. On ferme les yeux et nous voici en bord producteur du Wu-Tang
Le Boléro de Ravel résonne à la télévision de mer face à un bernard-l’ermite en Clan), il a mis au point le
et émerveille une petite fille. Dix ans plus balade. C’est marrant à imiter et ça premier jeu online, avant
tard, on retrouve deux sœurs jumelles en donne envie de danser. On ferme les que celui-ci ne soit
quête de leurs rêves. Zahia et Fettouma yeux et nous voici sous la pluie, de quoi converti en programme
Ziouani ont 17 ans et ambitionnent être de mauvaise humeur et faire une de surveillance de masse
respectivement de devenir cheffe d’or- grosse colère mais ça fait des dégâts. adopté par les autorités.
chestre et violoncelliste professionnelle. Pourquoi ne pas enfermer cette colère Jackpot ! Ce soir, il attend
Naturellement douées, diablement pas- rouge dans une boîte ?! On ferme les ses amis d’enfance qu’il
sionnées et travailleuses, elles vont tout yeux et voici mamie qui vient de mourir, n’a plus revus depuis un
faire pour accéder à leurs rêves et pour cachée sous le lit. Une chance pour bail, pour une partie
rendre la musique classique accessible à refaire ses cookies préférés et partager richement dotée. À condi-
tous. Jusqu’à créer leur propre orchestre : de bons souvenirs. On ferme les yeux et tion de dévoiler des se-
Divertimento. voilà qu’il fait tout noir. Il y a fatalement crets longtemps gardés, il
La narration de Divertimento, inspirée par des monstres sous le lit mais avec nou- y a des millions à empor-
l’histoire vraie des sœurs Ziouani qui ont nours dans les bras, la peur disparaît, les ter. Sauf que les œuvres
pris part au projet, est assez classique monstres aussi. On ferme les yeux et d’art dont la villa de Jake
mais l’histoire est touchante. On suit avec nous voici devant la cabane de papy est truffée ont aussi attiré
intérêt le parcours – forcément semé bien trop petite. Ah oui ? Et si on appe- une bande de cambrio-
d’embûches – de ces jeunes femmes. On lait le poussin, la poule, le chien, les leurs…
est touché par cette volonté de fer d’y moutons, la vache… Tout le monde Mais qu’est-ce que Russell
arriver et par ce pouvoir fédérateur qu’a entre dedans. Pas si petite que ça la Crowe a bien pu trouver
la musique. cabane ! Animation 2D sous un simple d’intéressant dans ce film
Un reproche peut-être : le film s’appuie trait ou dans un festival de couleurs. Les qui mélange drame,
énormément sur l’aspect conte de fées petits films poétiques, rigolos, pédago- « home invasion », action,
de ces destins sans parvenir à se déta- giques déclinent avec fantaisie le pou- thriller et mélo sans se
cher tout à fait des clichés. Et manque de voir de l’imagination pour dire les émo- soucier un minimum de
ce fait parfois de subtilité et d’un vrai tions, la mort, les frustrations. Certains fluidité ? Film, entre pa-
point de vue artistique. Toujours est-il sont inspirés des ouvrages de Mireille renthèses, qu’il a égale-
que Divertimento est un feel good movie d’Allancé tel Grosse colère et Quand ment scénarisé en plus de
intelligent, qui aborde des questions de j’avais trop peur du noir. Après ou avant le mettre (plutôt pas mal)
fond comme l’ouverture de la musique le ciné, on plonge dans les livres, c’est en scène. Eh bien, à part
classique à tous et la possibilité pour les super sympa. Idéal dès 4 ans. FABIENNE un éventuel moyen de
femmes de devenir cheffes d’orchestre. BRADFER jouer un peu plus dans le
Tout en donnant de l’espoir. « J’aime les
registre de l’émotion, on
histoires positives, elles donnent de
ne voit toujours pas,
l’espoir, elles sont inspirantes », explique
tellement les personnages
d’ailleurs la réalisatrice Marie-Castille
sont caricaturaux, les
Mention-Schaar (A Good Man, Le ciel
idées peu développées et
attendra). G.My
les péripéties télépho-
nées ! DIDIER STIERS

MAD Mercredi 25 janvier 2023


10 CINÉMA SORTIES DE LA SEMAINE DANS LES SALLES
Alcarràs monde enfin inclusif. C’est
★★★★☆ l’histoire des Clade, une tribu
De Carla Simón, avec Jordi Puyol haute en couleur investie
Docet, Xènia Roset, Anna Otin,
Albert Bosch, Ainet Jounou, Josep
d’une mission qui les mènera
Abad, Berat Pipó, 119 mn. dans les profondeurs d’un
Dans ce film sensible, on pays fantastique et
rencontre la famille Solé, dangereux. Une mission
cultivateurs de père en fils tantôt périlleuse, tantôt
depuis plusieurs générations. effrayante mais aussi éclai-
Depuis toujours ou presque, rante, pour sauver leur milieu
ses membres, petits et de vie… G.My
grands, passent l’été à récol-
ter des pêches dans leur Avatar 2, La voie de
verger d’Alcarràs. Mais cette l’eau
année pourrait être la der- ★★★★☆
nière : le propriétaire de leur De James Cameron, avec Zoe
terrain envisage de le vendre Saldana, Sam Worthington,
Sigourney Weaver, Stephan Lang,
et des panneaux solaires, plus 190 mn.
rentables, pourraient prendre Jake Sully, l’ancien Marine
la place des pêchers. Une paralysé des jambes qui avait
décision qui pousse cette intégré le programme Avatar,
famille très unie à la rup- a décidé de rejoindre définiti-
ture… G.My vement le corps et l’esprit de
son clone na’vi. Il a fondé une
Annie Colère
Printemps éternel ★★★☆☆
famille avec Neytiri, est
devenu père de trois enfants
De Blandine Lenoir, avec Laure
au nom de la liberté Calamy, Zita Hanrot, India Hair,
Damien Chapelle, Pascale Arbillot,
et en a adopté deux autres
avec elle. Le retour des hu-
120 mn. mains sur Pandora, ainsi
★★★★☆ canadien candidat à
qu’un plan jadis imaginé par
Mai 68 avait fait découvrir la
De Jason Loftus, 86 mn. l’Oscar du meilleur film
plage sous les pavés, mais le colonel Quaritch forcent ce
Mélange de méditation étranger 2023, Printemps
début des années 70, les petit monde à s’exiler au bord
liée à des exercices lents éternel mêle intimement
femmes mouraient toujours de l’océan, dans le clan des
et souples et reposant sur et tout en finesse images
en nombre lors d’avorte- Metkayina. D.S.
trois principes – l’authen- actuelles réelles, archives
ments clandestins. C’est en
ticité, la bonté et la tolé- et animation 3D sur base
réaction que fut fondé le Babylon
rance –, le Falun Gong né des oeuvres d’art de
Mlac (Mouvement pour la ★★★☆☆
au début des années 90 Daxiong pour raconter de De Damien Chazelle, avec Brad
liberté de l’avortement et de
réunit près de 60 millions l’intérieur ce combat pour Pitt, Margot Robbie, Diego Calva,
la contraception) grâce à des 189 mn.
de pratiquants au milieu les libertés politiques et
médecins militant·es et des
des années 90, ce qui fait religieuses. C’est inatten- L’action se situe dans le
féministes. C’est à eux qu’un
très peur aux dirigeants du et superbement fait. Hollywood des années 1920.
jour, Annie, ouvrière et
communistes qui dési- Jason Loftus suit Daxiong Une époque particulière où,
femme au foyer, s’adresse car
gnent cette pratique sur les traces de survi- peu à peu, le cinéma sonore
elle ne veut pas d’un enfant
comme une secte et vants de la répression va prendre le pas sur le
de plus. Elle découvre un
lancent une répression violente du gouverne- cinéma muet. Entraînant des
autre monde, trouve un sens
malheureusement tou- ment chinois, à New York bouleversements de fond
à sa vie en participant à ce
jours en cours. Le docu- comme à Séoul. Il inclut dans une industrie naissante
collectif et au partage du
mentaire Printemps éternel ces témoignages poi- et créant des destins contra-
savoir, et s’émancipe. F.B.
nous replonge en mars gnants qui racontent les riés. Un film où le réalisateur
2002, quand un signal de emprisonnements, les témoigne de son amour
tortures, ce qui amène un
Avalonia, l’étrange profond pour son art sans
télévision d’État en Chine voyage (Strange
est piraté par des éclairage terrifiant sur les pour autant perdre de vue
faits et faire comprendre
World) ses excès. Suivant l’ascension
membres du groupe ★★★☆☆
spirituel Falun Gong inter- ce geste illégal de la part et la chute de plusieurs
dit depuis 1999. Leur d’une communauté paci- De Don Hall et Qui Nguyen, et les personnages iconiques
voix originales de Jake Gyllenhaal,
objectif est de contrer le fiste. Le film passionnant, Dennis Quaid, Jaboukie Young- (souvent inspirés du réel),
discours du gouverne- tourné en mandarin et en White, Gabrielle Union et Lucy Babylon film la démesure et
anglais, se vit comme un Liu, 102 mn. ses conséquences. G.My
ment sur leur pratique.
thriller mais ce n’est pas 61e « classique d’animation »
Dans la foulée, des des-
une fiction. On voit l’illus- des studios Disney, Avalonia, Black Panther :
centes de police balayent
trateur à l’ouvrage, se l’étrange voyage (Strange Wakanda forever
la ville de Changchun et
penchant sur son passé, World dans la version origi-
l’illustrateur de bandes ★★★☆☆
reconstituant les événe- nale) est un film qui s’inscrit De Ryan Coogler, avec Angela
dessinées Daxiong (Justice
ments, rencontrant des pleinement dans l’évolution Bassett, Letitia Wright, Tenoch
League, Star Wars), lui- Huerta Mejia, Dominique Thorne,
témoins. Le trait s’affirme enclenchée par Disney il y a
même pratiquant de 161 mn.
poétique, authentique, plusieurs années maintenant.
Falun Gong, est contraint Alors qu’on y pleure toujours
puissant. Et le documen- Sous le couvert d’un univers
de fuir en Amérique du la disparition du roi T’Challa,
taire, original objet de fantastique, le film se révèle
Nord… le Wakanda dénonce à la
cinéma, s’impose néces- ainsi en prise avec le réel et
Premier documentaire tribune de l’ONU les actions
saire. FABIENNE BRADFER avec l’actualité, dans un

MAD Mercredi 25 janvier 2023


TOUTES LES SÉANCES, VILLE PAR VILLE, RÉGION PAR RÉGION, SUR CINENEWS.BE 11
menées par certaines nations Portrait nuancé et sans lotte Le Bon livre un film à la en v.o. de) Salma Hayek, Antonio Les Harkis
– la France par exemple – concession d’une femme qui fois poétique, émouvant et Banderas, Olivia Colman, Florence ★★★☆☆
Pugh, 102 mn.
pour s’approprier le se sent piégée par son rôle et d’une vraie maîtrise. G.My De Philippe Faucon, avec Théo
Potté a épuisé huit de ses Cholbi, Mohamed El Amine
vibranium dont il est le seul à par son image, Corsage lève Mouffok, Pierre Lottin, 82 mn.
neuf vies, pour se retrouver
avoir des ressources. Inquiet le voile sur le personnage Joyland
pensionnaire de l’établisse- Entre fiction et documentaire,
lui aussi mais pour d’autres complexe de l’impératrice ★★★☆☆
De Saim Sadiq, avec Rasti Farooq,
ment géré par Mama Luna, Philippe Faucon s’intéresse
raisons, Namor, le roi de Élisabeth d’Autriche, alias
Alina Khan, Sarwat Gilani, Sohail une maison de retraite pour aux supplétifs de l’armée
Talocan, propose une alliance Sissi. Porté par Vicky Krieps Sameer, Ali Junejo, 110 mn. chats. Sauf que s’il met la française abandonnés après
aux autorités du pays – prix de la meilleure inter-
Joyland, c’est le nom du plus main sur l’Étoile de l’Ultime l’indépendance d’Algérie, les
désormais gouverné par prétation à Un certain regard
ancien parc d’attractions de Souhait cachée dans la Forêt Harkis. Dans un décor aride,
Ramonda (Angela Bassett). (Cannes) et meilleure actrice
Lahore au Pakistan. C’est sombre, il pourra récupérer baigné de soleil et de pous-
Désapprouvant ses aux prix du Cinéma euro-
aussi un endroit où Haider et ses vies perdues. Mais il n’est sière, il filme des hommes
méthodes, elles refusent. Le péen –, le film conte cette
sa femme enceinte Mumtaz malheureusement pas le seul pris au piège dans une guerre
conflit éclate… D.S. période où, à la veille de son
aiment oublier pendant un à chercher. À sa grande qui s’éternise. Salah, Kaddour
quarantième anniversaire,
moment tous leurs soucis et honte, le voilà obligé de faire et d’autres jeunes (des ac-
Bones and all Sissi se rend compte que
échapper à leur foyer, où ils équipe avec Kitty Pattes De teurs méconnus mais très
★★★★☆ l’opinion publique la consi-
De Luca Guadagnino, avec
cohabitent avec leur famille Velours notamment, sa présents à l’écran) ont rejoint
dère comme démodée. Une
Timothée Chalamet, Taylor conservatrice. Une réalité qui « meilleure » ennemie… D.S. les rangs de l’armée française,
Russell, Mark Rylance, 130 mn.
réalité que celle qui fut l’une
entre en confrontation avec pas par conviction mais parce
des personnalités les plus
Lion d’Argent de la meilleure
influentes de l’histoire d’Au-
les aspirations d’Haider, qui Le nouveau jouet qu’ils étaient sans ressources
mise en scène lors de la vient de dénicher un petit ★★★☆☆ pour faire vivre leur famille. Et
triche refuse d’accepter,
dernière Mostra, Bones and boulot dans un cabaret où il De James Huth, avec Jamel la France a dit qu’elle les
quitte à se perdre… G.My Debbouze, Daniel Auteuil, Simon
All mêle récit d’apprentissage, est tombé sous le charme de Faliu, 112 mn.
aiderait une fois la guerre
film d’amour et cannibalisme. Biba, une danseuse trans- finie. Mais les promesses ne
Ernest et Célestine en C’est l’histoire d’un enfant-roi
L’histoire de Maren (Taylor genre. G.My sont pas tenues… F.B.
Charabie qui a tout sauf l’essentiel :
Russell), une jeune femme
★★★☆☆ l’amour. Motif : il a perdu sa
apprenant à survivre en La conspiration du Les huit montagnes
De Jean-Christophe Roger & mère et son père, l’homme le
marge de la société, essayant Caire (Boy from (Le otto montagne)
Julien Chheng, 80 mn. plus riche de France, est trop
tant bien que mal de faire
Qu’est-ce qu’un régime
heaven) ★★★☆☆
pris par ses affaires. Pour De Charlotte Vandermeersch et
face à ses pulsions. Dans ce ★★★★☆
autoritaire ? Ernest et Céles- compenser son absence, ce Felix Van Groeningen, avec Luca
cheminement, elle sera aidée De Tarik Saleh, avec Tawfeek
tine en font l’expérience en Barhom, Fares Fares, Mohammad dernier fait des cadeaux. Il Marinelli, Alessandro Borghi,
lorsqu’elle découvrira l’amour Bakri, 125 mn. Filippo Timi, 147 mn.
retournant au pays d’Ernest, fait ouvrir le grand magasin
avec Lee (Timothée Chala- Et si on prenait le temps de
la Charabie, pour faire réparer C’est en relisant Le nom de la qui lui appartient et le gamin
met), un intense et marginal connaître Pietro le gamin de
son Stradivarours cassé. Ils rose d’Umberto Eco que Tarik choisit le gardien de nuit du
vagabond. Ensemble, ils Turin et Bruno le petit vacher
découvrent alors que la Saleh (remarqué en 2017 rayon jouets. Voici Sami en
voyageront à travers l’Amé- des alpages, de voir naître
musique est bannie dans tout pour Le Caire confidentiel) a paquet cadeau… Choc de
rique profonde, traversant leur amitié, de les suivre dans
le pays des ours depuis eu l’idée qui l’a mené à La deux mondes. Regard un peu
des routes délaissées, décou- la parenthèse enchantée d’un
plusieurs années. Et nous, Conspiration du Caire (Boy binaire sur la France d’en
vrant des villes isolées. Un été, faite de courses dans les
comme Célestine, on dé- from Heaven), Prix du Scéna- haut et la France d’en bas : la
amour suffisant pour dépas- alpages, barrages dans les
couvre pour quelles raisons rio au dernier Festival de banlieue est en galère mais
ser leurs démons ? G.My ruisseaux, cabrioles dans les
Ernest a quitté son pays, sa Cannes. Un film que le réali- chaleureuse, le monde des
famille. Dans un pays où on sateur suédois d’origine affaires a tout mais est froid herbes hautes et rires en
Close arrose les oiseaux pour les liberté ? Vient le retour à la
égyptienne a construit et coupé du réel. F.B.
★★★★☆ ville. Grisaille, mélancolie,
faire taire et où on joue des comme un thriller d’espion-
De Lukas Dhont, avec Eden
Dambrine, Gustav De Waele, concertos à une note, vive la nage, transposant la réalité Le quatuor à la neige éloignement. Vingt ans plus
Emilie Dequenne, Léa Drucker, résistance musicale. Ernest (la d’Eco dans un contexte ★★★☆☆ tard, suite au décès de son
105 mn. père avec qui il s’était fâché,
voix de Lambert Wilson), musulman. On y suit le De Arnaud Demuynck, Pascale
Amis depuis toujours, Léo et soutenu par Célestine (la voix Hecquet, Benjamin Botella, 40 Pietro hérite d’un rêve perdu,
parcours d’Adam, simple fils mn.
Rémi partagent tout. Encore de Pauline Brunner) et un de pêcheur, qui intègre la d’une promesse qui n’est pas
dans les jeux d’enfance, avec mystérieux justicier, s’en mêle Deux courts-métrages et un la sienne. Il trouve refuge à
prestigieuse université Al-
un imaginaire prêt à l’aven- pour ramener la joie au pays moyen composent ce pro- Grana et tente de se réconci-
Azhar du Caire, épicentre du
ture, ils entrent ensemble au des ours, n’en déplaise à son gramme sympa à proposer à lier avec son passé. Bruno est
pouvoir de l’islam sunnite.
collège mais le regard des père juge et dictateur. F.B. tous dès 4 ans. À tous les toujours là… F.B.
Une étape symbolique pour
autres révèle quelque chose mômes qui se demandent
lui et la source d’une im-
de leur relation que Léo ne Falcon Lake pourquoi la neige est L’Immensità
mense fierté pour sa famille.
soupçonnait pas. Pour Léo, blanche, pourquoi les arbres ★★★☆☆
★★★★☆ Mais le jour de la rentrée, le
Rémi est comme un frère. Les De Charlotte Le Bon, avec Joseph perdent leurs feuilles en De Emanuele Crialese, avec Luana
grand imam à la tête de Giuliani, Penélope Cruz, Vincenzo
autres leur demandent s’ils Engel, Sara Montpetit, Monia automne. À tous les mioches
Chokri, 100 mn. l’institution meurt soudaine- Amato, 97 mn.
sont ensemble… Léo répond à qui on a envie de raconter
ment. Et malgré lui, Adam se Rome, dans les années 1970.
avec force que non et, peu à Bastien et Chloé passent les de belles histoires pas nu-
retrouve alors au cœur d’une Dans une société où tout le
peu, prend de la distance par vacances avec leur famille nuches qui prônent les
lutte de pouvoir entre les monde doit rentrer dans des
rapport à Rémi. Hypersen- dans un chalet au bord d’un valeurs d’amitié, de solidarité.
élites religieuse et politique cases. Clara (Penélope Cruz)
sible, Rémi est profondément lac au Québec. Malgré l’écart À tous les petiots prêts à
du pays. G.My et Felice (Vincenzo Amato) ne
blessé par ce changement d’âge qui les sépare, les deux embarquer dans des aven-
ados créent un lien unique. tures rocambolesques avec s’aiment plus mais sont
d’attitude… F.B. Le Chat Potté 2 : La
Sur fond de légende de une bande de vaches rigo- incapables de se quitter.
fantômes et d’univers fantas-
dernière quête (Puss Alors, pour garder la tête hors
Corsage lotes. De plus, c’est de saison !
tique… En s’emparant de
in Boots : The Last de l’eau, Clara s’investit plus
★★★☆☆ F.B.
l’essence d’Une Sœur, roman
Wish) que tout dans la relation
De Marie Kreutzer, avec Vicky
★★★☆☆ qu’elle a avec ses trois en-
Krieps, Florian Teichtmeister, graphique de Bastien Vivès
Katharina Lorenz, 113 mn. De Joel Crawford, avec (les voix fants. En particulier avec Adri,
dont le film est inspiré, Char-

MAD Mercredi 25 janvier 2023


12 CINÉMA DANS LES SALLES
dans la satire. Il n’a pas fini de carrière… jusqu’au jour où,
dézinguer ses contemporains inspiré par les siens, il décide
et revient avec un cinéma d’écrire une autobiographie
mordant, drôle et intelligent. cinglante. Un roman qui va
Face à l’indécence dans notre très vite attirer l’attention du
monde d’aujourd’hui, où les public et des médias. L’auteur
plus riches sont toujours plus va alors tout faire pour que
riches et les pauvres, de plus son livre ne tombe entre les
en plus pauvres, il poursuit mains de sa famille, dont le
son exploration du compor- portrait est loin d’être flatteur.
tement humain avec un no G.My
limit inattendu, féroce et
jouissif qui s’articule en trois Yuku et la fleur de
chapitres. F.B. l’Himalaya
★★★★☆
Unicorn wars De Rémi Durin et Arnaud De-
muynck, avec (les voix en v.o. de)
★★★★☆
Lily Demuynck-Deydier, Agnès
D’Alberto Vázquez, avec (les voix Jaoui, Arno, Tom Novembre, Alice
en VF de) Philippe Allard, Thierry On The Roof, 65 mn.
Janssen, Pierre Bodson, Philippe
Résimont, 91 mn. « En haut des plus hautes
Célestin rêve de devenir le montagnes de la Terre vit une
« Mi país originario » : comment les rêves chiliens d’il y a cinquante ans ont meilleur soldat qui soit mais plante qui se nourrit de la
refait surface. © PYRAMIDE DISTRIBUTION surtout l’Elu, qui tuera la plus parfaite lumière du
dernière licorne et s’abreuve- soleil… la fleur de l’Himalaya.
son aînée. Car si la mère de Bates) de ses poursuivants. frère Nassim (Amir El Arbi, si ra de son sang. Son frère Yuku, une jeune souris, quitte
famille est enfermée dans Hagarde, la belle s’enfonce juste), qui l’idolâtre, souhaite Dodu, lui, a surtout honte de sa famille pour partir à la
une relation qui ne lui dans la nature et se réfugie le rejoindre, ce qui en fait une ses bourrelets et d’encore recherche de cette fleur à la
convient plus, la jeune fille dans une demeure inoccu- proie facile pour les recru- faire pipi au lit. Emmenée par lumière éternelle et l’offrir à
est enfermée dans un corps pée. Le lendemain, Betty Elms teurs djihadistes, au grand le sergent Grocâlin, leur sa grand-mère. » Une grand-
qui ne lui correspond pas. (Naomi Watts) débarque à désarroi de sa mère Leïla petite troupe d’oursons mère conteuse, qui devra
G.My l’aéroport de Los Angeles. (Lubna Azabal, d’une sobriété inexpérimentés s’enfonce bientôt s’en aller, emmenée
Actrice, elle compte bien bouleversante)… F.B. dans la forêt magique à la par la petite taupe aveugle.
Mi país imaginario devenir une star, et sa tante, recherche d’une compagnie Road-movie parsemé d’obs-
★★★☆☆ partie sur un tournage, lui The Banshees of disparue. D.S. tacles, parcours initiatique
Documentaire de Patricio prête son appartement. Dans Inisherin jalonné de rencontres (avec
Guzmán, 83 mn.
la salle de bains, Betty dé- ★★★★☆ Vivre (Living) un écureuil, une renarde
Mi país imaginario docu- couvre avec surprise l’acci- « incarnée » par Agnès Jaoui,
De Martin McDonagh, avec Colin ★★★★☆
mente avec soin la révolte dentée, terrée et terrifiée. Farrell, Brendan Gleeson, Kerry D’Oliver Hermanus, avec Bill un loup…) tantôt gaies,
inattendue de 2019 qui Prise de compassion pour Condon, 114 mn. Nighy, Aimee Lou Wood, Tom tantôt plus inquiétantes,
mènera à la tenue d’un A Inisherin, une île de la côte Burke, 102 mn.
l’infortunée, qui se révèle rythmées par une partition
référendum. On revoit amnésique, elle décide de ouest de l’Irlande, chacun Londres, les années 50… originale, Yuku et la fleur de
d’abord les archives en noir l’héberger tout en l’aidant à passe son temps comme il Veuf et solitaire, Mr. Williams l’Himalaya est porté par un
et blanc des premiers films retrouver peu à peu des peut… souvent au pub local. (Bill Nighy) a passé son graphisme tout en délica-
du réalisateur chilien, on se bribes de son passé, tout en C’est là que nous rencontrons existence à se conformer aux tesse. D.S.
souvient de l’espoir qu’avait passant des castings. Leurs Padraic (Colin Farrell) – un règles sociales. Et même s’il a
représenté l’arrivée au pou- seuls indices résident dans un berger un peu simplet qui vit eu de moins en moins de Zillion
voir de Salvador Allende, on sac rempli d’argent et une avec Siobhan (Kerry Condon), considération pour son travail ★★★☆☆
se plonge un peu plus au mystérieuse clé bleue… F.B. une sœur ambitieuse et dans cette administration en De Robin Pront, avec Matteo
cœur de ce pays et de ses pleine de caractère – et Colm forme d’usine à gaz, il a Simoni, Jonas Vermeulen, Char-
lotte Timmers, Barbara Sarafian,
luttes. Puis on se remémore la Rebel (Brendan Gleeson) – un toujours presté de manière 138 mn.
chronologie des événements ★★★☆☆ musicien intello –, deux amis exemplaire. Lui qui n’a jamais
Voilà un film, poussé par
de 2019. Passé et présent se De Adil El Arbi et Bilall Fallah, de longue date… qui se eu de contacts vraiment
avec Aboubakr Bensaihi, Lubna
toute l’industrie côté Flandre,
conjuguant pour offrir un retrouvent dans une impasse humains avec ses proches et
Azabal, Amir El Arbi, 135 mn. qui va probablement tirer
parallèle saisissant et une lorsque, du jour au lende- ses collègues, lui qui ne s’est
Adil El Arbi et Bilall Fallah une larme à quiconque avait
manière de démontrer com- main, Colm décide qu’il n’a jamais « amusé » ou simple-
prouvent une nouvelle fois l’âge ou la permission de
ment les rêves d’il y a cin- plus envie d’adresser la ment distrait, se retrouve
qu’ils n’ont peur de rien et sortir en boîte à la fin des
quante ans ont refait surface. parole à Padraic. Une décision bouleversé et égaré quand
mêlent les genres pour nineties. Les accros au club-
G.My que ce dernier ne comprend une mauvaise nouvelle vient
raconter une page d’histoire bing qui fréquentaient les
pas… Il va donc tout faire jeter un voile sombre sur une
belge récente et dénoncer la méga-discothèques du pays,
Mulholland Drive pour que son ami change existence déjà morne… D.S.
comme le Boccaccio à Destel-
★★★★☆ violence radicale du djihad. d’avis, jusqu’à ce que les
Kamal (Aboubakr Bensaihi, bergen ou le Dockside à
De David Lynch, avec Naomi choses s’enveniment. G.My Youssef Salem a du Hasselt. Et qui se sentaient
Watts, Jeanne Bates, Laura crédible de bout en bout),
Harring, 146 mn.
succès des fourmis dans les jambes à
petite frappe de Molenbeek, Triangle of Sadness ★★★☆☆
Vingt ans après sa sortie, le se rend en Syrie avec l’objec- l’idée de rejoindre une nou-
★★★★☆ De Baya Kasmi, avec Ramzy Bedia,
film culte de David Lynch, qui tif d’aider les victimes de la Noémie Lvovsky, Melha Bedia, 97 velle adresse, encore plus
De Ruben Östlund, avec Harris
ressort en version restaurée Dickinson, Charlbi Dean Kriek, mn. dingue. D.S.
guerre. Arrivé à Raqqa, il se
4K, reste aussi envoûtant, Zlatko Buric, Woody Harrelson, L’histoire de Youssef Salem
retrouve enrôlé de force dans 149 mn.
aussi énigmatique. Un violent un groupe armé. Une vidéo (Ramzy Bedia à l’écran), un
accident de voiture sur la Avec The Square, Palme d’or écrivain de 45 ans dont le
circule bientôt où on le voit
route de Mulholland Drive en 2017, on savait que Ruben seul fait d’armes est d’avoir
exécuter un soldat de l’armée
sauve une femme (Jeanne Östlund pouvait aller loin toujours réussi à rater sa
de Bachar el-Assad. Son jeune

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PLATEFORMES 13
RETROUVEZ LES SORTIES Beastie Boys Story Des soldats et des Glass Onion : une camps en France, puis exilé
EN VOD SUR SOONER, ★★★☆☆ ombres histoire à couteaux au Mexique où il rencontre
VOO, ITUNES, PROXIMUS De Spike Jonze, avec Mike ★★★☆☆ tirés Frida Kahlo. F.B.
PICKX, LUMIÈRE CINÉ Diamond, Adam Horovitz, De Jim Taihuttu, avec Martijn ★★★★☆
120 mn. Lakemeier, Marwan Kenzari, Jonas
CHEZ VOUS La fille au bracelet
« J’ai une petite histoire à Smulders, Abel Van Gijlswijk, 140 De Rian Johnson, avec Daniel
mn. Craig, Edward Norton, Janelle ★★★☆☆
vous raconter sur trois mau- Monáe, 139 mn. De Stéphane Demoustier, avec
vais garçons que vous Au lendemain de la Melissa Guers, Roschdy Zem,
Direction une île privée
connaissez. Voici donc la Deuxième Guerre mondiale, Chiara Mastroianni, 96 mn.
grecque baignée de soleil
chronologie d’AD Rock, de les Pays-Bas entendent Lise, 18 ans, issue d’un milieu
pour le célèbre détective
MCA et moi, Mike D. » L’intro récupérer l’Insulinde, leur sans histoire, vient d’avoir son
Benoît Blanc. A peine a-t-il
de « Sabotage » claque dans colonie indonésienne occu- bac. Mais depuis deux ans,
rangé son smoking de 007
les enceintes, et c’est parti pée pendant le conflit par les elle porte un bracelet car elle
que Daniel Craig trouve un
pour deux heures d’un « seuls Japonais. Soekarno a procla- est accusée d’avoir assassiné
nouvel emploi récurrent. C’est
en scène » consacré au par- mé l’indépendance le 17 août sa meilleure amie. Vérité ou
ce qu’augure de la meilleure
cours de ces New-Yorkais 1945, alors l’armée néerlan- erreur judiciaire ? En emprun-
façon cette deuxième histoire
« pas très doués musicale- daise traque les « rebelles ». tant la voie du film de procès,
de A couteaux tirés. Un petit
ment » et qui se sont dès lors Engagé volontaire, Johan De Stéphane Demoustier n’a pas
parfum d’Agatha Christie
appliqués à « toucher un peu Vries débarque de son Lim- comme objectif de démêler
complètement dynamitée
à tout ». D.S. bourg natal, galvanisé par le vrai du faux même s’il
dans sa logique plane au-
l’idée qu’il va ainsi racheter le s’installe dans le prétoire et
dessus du groupe d’amis que
Before the Frost crime commis par son père, suit le déroulé des réquisi-
Miles Bron, un milliardaire de
(Før frosten) ponte du mouvement natio- toires. Son but est de dresser
la technologie, a convié à le
★★★☆☆ nal-socialiste, le NSB, et en creux le portrait d’une
rejoindre. Lors de la traversée,
De Michael Noer, avec Jesper emprisonné pour collabora- jeunesse actuelle. F.B.
Blanc fait la connaissance des
Christensen, Clara Rosager, Ghita tion... D.S.
Nørby, 104 mn. invités. Il remarque qu’une
femme demeure à l’écart, ne Le bal des 41 (El baile
La campagne rurale du Divino amor parlant à personne et empoi- de los 41)
Danemark des années 1850. ★★★☆☆
gnant fermement la balus- ★★★☆☆
Pas vraiment d’images de De Gabriel Mascaro, avec Dira De David Pablos, avec Alfonso
cartes postales mais de vastes Paes, Júlio Machado, Teca Pereira, trade… F.B.
Herrera, Emiliano Zurita, Mitzi
101 mn. Mabel Cadena,
paysages sombres balayés
par la pluie, le vent, la glace. Des fêtes Supreme Love à J’accuse 93 mn.

À l’arrivée de l’hiver, Jens, un faire pâlir David Guetta, un ★★★☆☆ David Pablos met en scène
confessionnal comme un De Roman Polanski avec Jean un énorme scandale, un
paysan âgé et pauvre, et sa Dujardin, Louis Garrel, Emma-
famille risquent de mourir de Drive MacDo, et le corps nuelle Seigner, 132 mn. traumatisme national pour le
faim. Dans la perspective comme instrument de foi et Mexique, l’histoire vraie de
Roman Polanski réussit un
d’un nouvel hiver rude et preuve d’amour envers Dieu. Ignacio de la Torre qui épou-
grand film classique (Grand
impitoyable, Jens décide de Nous sommes au Brésil en sa la fille du président, Porfi-
Prix à Venise). Tout en maî-
marier sa fille au fils des 2027. Plutôt que d’enregistrer rio Diaz. En réalité, Ignacio
trise, conçu comme un thril-
voisins. F.B. les divorces comme son cache son homosexualité.
ler, offrant du suspense et
métier l’exige, Joana (Dira Après avoir épousé Amada, il
une approche pédagogique
Déjà s’envole la fleur Paes), fidèle servante de Dieu, tombe amoureux d’Evaristo
de l’histoire. C’est limpide,
maigre fait tout pour convaincre les Rivas, qu’il présente à sa
cadré, réfléchi, avec le souci
★★★★☆ couples qu’elle reçoit de confrérie clandestine qui
du détail, de la belle et
De Paul Meyer, 1960, 80 mn. préserver leur union sacrée. organise fêtes et orgies. Un
grande reconstitution, en
F.B. soir de 1901, la police dé-
Une famille italienne en écho à notre époque dans la
barque au bal annuel secret.
quête d’une vie meilleure haine que peut provoquer le
vient rejoindre le père, mi-
Ema nationalisme exacerbé, les
Les 42 participants, dont
★★★☆☆ plusieurs sont travestis, sont
neur dans le Borinage. Film préjugés, le déni de justice.
De Pablo Larraín, avec Gael García arrêtés, emprisonnés, humi-
emblématique du cinéma Bernal, Mariana Di Girolamo, Mais on a du mal avec le fait
liés. Scandale car la plupart
social belge par son contenu Santiago Cabrera, que Polanski lie cette affaire à
102 mn. appartiennent à la haute
et sa destinée, Déjà s’envole la sa propre histoire, en victime
Figure de proue de la nou- bourgeoisie. Parmi eux,
fleur maigre, qui prend son de mécanismes de persécu-
velle vague du cinéma latino- Ignacio… F.B.
titre d’un poème de Salvatore tion à l’œuvre dans le film. F.B.
Quasimodo, est sans conteste américain, le Chilien Pablo
le chef-d’œuvre de Paul Larraín (Jackie, No, Neruda…) Josep Le peuple loup
Meyer. Demeuré invisible à s’est imposé sur la scène ★★★☆☆
(Wolfwalkers)
internationale à travers des ★★★★☆
tort pendant plusieurs décen- De Aurel, 71 mn.
De Tomm Moore et Ross Stewart,
nies, ce film a retrouvé toute films politiques, au ton aussi Le réel transcendé par le trait, avec les voix (en v.o.) de Sean
sa splendeur grâce à la réaliste qu’ironique, aussi c’est l’essence même de Bean, Honor Kneafsey, Eva
restauration de la Cinéma- sombre que clairvoyant. Sous Whitaker, Simon McBurney, 103
Josep, magnifique film d’ani- mn.
thèque royale de Belgique. des apparences chimériques, mation primé au Festival
Ema, son dernier film présen- Après The secret of Kells
D.S. d’Annecy, Sélection Cannes
té en septembre à la Mostra, (Brendan et le secret de Kells,
2020, Prix Louis-Delluc et
est un fin portrait de la 2009) et Song of the sea (Le
César du meilleur film d’ani-
génération Instagram. G.My chant de la mer, 2014), on se
mation. Le dessinateur de
retrouve encore une fois en
presse Aurel s’est inspiré de la
Irlande. Ici, à Kilkenny, en
vie et des dessins de Josep
1650, alors qu’au-delà des
Bartoli, réfugié espagnol,
remparts, les champs
fuyant le régime franquiste
s’étendent aux dépens de la
en 1939, enfermé dans les
forêt. Les travaux d’abattage

MAD Mercredi 25 janvier 2023


14 CINÉMA PLATEFORMES
sont commandés par Oliver monte. La « Mère du blues » ans enlevée il y a six ans par rieur. De rester, mais aussi et téléphonique de rupture, qui
Cromwell, lequel a chargé un est un caractère fort. Elle sait les Indiens qui ont massacré surtout de s’engager corps et canalise l’esprit qui anime le
chasseur anglais accompagné ce qu’elle veut. Peu importe si sa famille et qui viennent âme pour défendre cette cinéma d’Almodóvar depuis
par sa fille de tuer une meute elle doit se battre pour d’être massacrés à leur tour. liberté qu’elle chérit tant. toujours. G.My
de loups qui y vivait… D.S. défendre ses positions. Le capitaine se donne une G.My
Arrivée en retard, elle se mission : conduire cette The miseducation of
Le traître (Il traditore) lance dans un bras de fer enfant de colons qui parle Shining (version Cameron Post
★★★★☆ avec deux hommes blancs, kiowa chez sa tante, qu’elle restaurée) ★★★☆☆
De Marco Bellocchio, avec Pier- son manager et son produc- ne connaît pas, à des cen- ★★★★☆ De Desiree Akhavan, avec Chloë
francesco Favino, Maria Fernanda De Stanley Kubrick, avec Jack Grace Moretz, Sasha Lane, Forrest
Cândido, Fabrizio Ferracane, 151
teur, sur le contrôle de sa taines de kilomètres de là. F.B. Goodluck, 91 mn.
Nicholson, Shelley Duvall, Danny
mn. musique. Le groupe qui Lloyd, 144 mn. Aimer qui on veut. Etre
Si la première scène fait l’accompagne patiente alors Parasite
Quarante ans après sa sortie, accepté tel qu’on est. Phrases
penser au cinéma de Visconti calmement dans une salle de ★★★★☆
De Bong Joon-ho, avec Song
le chef-d’œuvre horrifique de simples mais actes compli-
ou de Coppola en nous répétition. Parmi les musi-
Kang-Ho, Lee Sun-kyun, Cho Kubrick réapparaît et il glace qués, surtout dans l’Amérique
montrant avec emphase les ciens, Levee (Chadwick Yeo-jeong, 132 mn. toujours les sangs. Plus conservatrice du début des
grands mafiosi réunis lors de Boseman), un ambitieux
L’histoire se concentre sur la sensorielle que visuelle, la années 90. Parce qu’elle a été
la fête de Santa Rosalia à trompettiste qui a des vues
famille de Ki-taek, vivant peur qu’il engendre est du surprise embrassant sa co-
Palerme à l’aube des années sur la petite amie de Ma et
misérablement dans un côté des démons intérieurs. pine Coley, Cameron (très
80, on bascule très vite dans qui est bien décidé à se faire
sous-sol infesté de cafards. L’enfermement du person- convaincante et touchante
une approche intimiste et une place dans le monde de
Tout le monde est au chô- nage principal, le père, est Chloë Grace Moretz) est
politique centrée sur Tomma- la musique… G.My
mage jusqu’au jour où un progressif et ne nous lâchera envoyée dans un centre de
so Buscetta. Ce repenti brisa ami du jeune Ki-taek lui pas jusqu’à la fin. Shining est rééducation qui a pour
l’omertà en livrant des infor- Mosul
propose de le remplacer visible dans sa version courte mission de remettre « les
mations majeures au juge ★★★☆☆
De Matthew Michael Carnahan,
comme professeur d’anglais (119 mn) sur les plateformes âmes perdues » dans le droit
Falcone, ce qui fera de lui un avec Suhail Dabbach, Adam particulier auprès de la fille Netflix, Google Play et You- chemin…F.B.
traître aux yeux de Cosa Bessa, Ishaq Elias, Ahmad Elgha- d’une riche famille. C’est le tube. Le film restauré 4K
Nostra et l’un des principaux nem, 102 mn.
début d’un engrenage incon- existe en Blu-ray (Warner Un vrai bonhomme
informateurs de la lutte Alors que la guerre entre trôlable, dont personne ne Bros). Evitez la version fran- ★★★☆☆
anti-mafia. F.B. Daesh et l’Irak touche à sa fin, sortira véritablement in- çaise car Jack Nicholson a la De Benjamin Parent, avec Thomas
à Mossoul, une petite troupe Guy, Benjamin Voisin, Isabelle
demne… F.B. voix de Jean-Louis Trinti- Carré, Laurent Lucas, 88 mn.
Mank d’élite constituée d’anciens gnant… F.B.
★★★★☆ policiers tente d’achever la Comment parler du mal-être
Petit Vampire
De David Fincher, avec Gary mission qui lui avait été adolescent, des codes d’ap-
Oldman, Amanda Seyfried, Lily
★★★☆☆ Sound of metal
confiée avant de lui être De Joann Sfar, avec (les voix de)
partenance, de la virilité, de
Collins, 132 mn. ★★★☆☆
retirée. Basé sur des faits Camille Cottin, Alex Lutz, Jean- De Darius Marder, avec Riz
l’identité, de l’accès au
« On ne résume pas une vie en Paul Rouve, 81 mn. Ahmed, Olivia Cooke, Mathieu groupe et de la difficulté de
réels, inspiré par un article
2 heures. Au mieux, peut-on en Amalric, Paul Raci, 130 mn. devenir un homme sans
publié en son temps dans le Voilà 300 ans que Petit Vam-
donner un aperçu », affirme Ruben et Lou forment un tomber dans le déjà-vu ?
New Yorker et dédié aux pire a 10 ans et là, il com-
Herman J. Mankiewicz, dit couple à la ville comme à la Benjamin Parent, qui signe
membres de cette équipe mence à en avoir assez de ne
Mank, scénariste de Citizen scène, la scène qu’ils oc- son premier long-métrage,
ayant perdu la vie entre 2016 pas pouvoir sortir de sa
Kane. Conscient de cette cupent avec Blackgammon, le réussit à étonner et à séduire
et 2018, Mosul est le premier maison (hantée) sous pré-
vérité, David Fincher plonge projet métal un peu extrême en associant deuil et émanci-
film réalisé par Matthew texte que dehors, c’est dan-
avec volupté dans le vécu de dans lequel lui est batteur pation, posant un regard
Michael Carnahan, qui en est gereux. Surtout que lui rêve
cet homme de l’ombre pen- pour elle, qui chante et joue juste sur l’adolescence en
également le scénariste. Entre d’aller à l’école ! Où il finit par
dant qu’il écrit le premier film de la guitare. Alors que le mettant en scène deux frères
l’enfant qui part seul enterrer se glisser et même se faire un
d’Orson Welles. Il met en duo est en tournée, sillon- à l’opposé l’un de l’autre. F.B.
sa mère, les ingérences copain, Michel. Jusqu’au jour
lumière la personnalité de cet nant les routes dans son bus,
étrangères, les drones char- où le terrifiant Gibbous
auteur prolifique, génial et un médecin diagnostique des Wendy
gés de C4 lâchés sur les civils retrouve sa trace et celle de
autodestructeur, raconte les problèmes d’ouïe chez Ru- ★★★☆☆
et les corps que les proches sa famille dont il est un vieil
60 jours d’écriture d’un ben. Pour bien faire, il devrait De Benh Zeitlin, avec Devin
doivent aller reconnaître, le ennemi… On se délecte ! D.S.
chef-d’œuvre sous la pression France, Yashua Mack, Gage
spectateur est immergé dans éliminer toute exposition aux Naquin, Gavin Naquin, 111 mn.
des commanditaires, donne
l’horreur. Et sort quelque peu Pour Sama bruits forts avant de passer
Huit ans après Les Bêtes du
une vision acérée de Holly- de nouveaux tests et déter-
hébété d’un périple mortel. ★★★★☆
Sud Sauvage, Benh Zeitlin se
wood à l’aube de son âge Documentaire de Waad al-Kateab miner ainsi ce qu’ont ses
D.S.
d’or, voué au profit et sans et Edward Watts, 100 mn. replonge dans l’enfance en
oreilles… D.S.
états d’âme, et rend hom- revisitant à sa manière le
News of the world Lorsque Waad al-Kateab a 18
conte de Peter Pan… à
mage au « plus grand film de ans, ses parents disent d’elle The Human Voice
★★★☆☆
tous les temps » à travers une travers le regard de Wendy.
De Paul Greengrass, avec Tom qu’elle est du genre « impru- ★★★★☆
esthétique sublime. F.B. Hanks, Helena Zengel, Elizabeth De Pedro Almodóvar, avec Tilda
Avec ce réalisme magique si
dente et têtue ». Comme la
Marvel, 119 mn. Swinton, 30 mn. caractéristique, le réalisateur
plupart des jeunes adultes, la
Ma Rainey’s Black Sur les terres hostiles des USA Syrienne a soif de liberté et Un seul en scène version américain part à la rencontre
Bottom peu après la Guerre de Séces- elle croit en cette force du cinéma où Tilda Swinton de cette petite fille (la formi-
★★★☆☆ sion. Un homme, vétéran de incarne une femme désespé- dable Devin France) perdue
peuple de changer les
De George C. Wolfe, avec Viola trois guerres, voyage de ville rée, abandonnée par son sur une île mystérieuse où
Davis, Chadwick Boseman,
choses. Lorsque la révolution
en ville pour lire les dernières amant et attendant pénible- l’âge et le temps ne font plus
Colman Domingo, 94 mn. a commencé, elle était en 4e
nouvelles à ses concitoyens ment son appel. L’actrice effet. G.My
Nous sommes à Chicago. Ma année d’études d’économie
illettrés. Dans cette immensi- et en 2011, quand la guerre britannique livre une perfor-
Rainey (Viola Davis) est au
té aride et dangereuse, éclate, la jeune femme vit à mance tragicomique dont
sommet de sa gloire. Lors
renvoyant l’homme à la Alep. « Têtue comme j’étais, j’ai elle a le secret, à la fois déses-
d’une session d’enregistre-
possibilité d’une grande évidemment décidé de rester », pérée froide, drôle et triste.
ment, les tensions s’exa-
liberté et à son infinie fragili- dit-elle sur un ton presque Un monologue ou presque,
cerbent et la température
té, il croise une fillette de dix basé sur une conversation

MAD Mercredi 25 janvier 2023


CINÉMA SÉRIES 15

Politiquement pas correct


Tremblement
de terre à
l’Elysée, avec
l’élection d’un
président noir à
la présidence
de la
République.
Avec « En
Place »,
Jean-Pascal
Zadi s’essaye à
la satire
politique.

Jean-Pascal Zadi, animateur de rue, plongé malgré lui dans la course à la présidentielle française.
© NETFLIX/GAEL TURPO

CEDRIC PETIT baisser son froc ? » ? lui objecte-t-il de- serviteur du peuple de Volodymyr Ze-
vant les caméras. lensky, En place s’y attaque sur le mode
a France aura-t-elle un jour une Les réseaux sociaux s’en emparent satirique, où le meilleur voisine avec le
L présidente de la République ? Ou,
qui sait, un président noir ? C’est la
pour faire de lui un visage de la contes-
tation. Tout aurait pu s’arrêter là, si un
(très) moyen, le franchement drôle avec
le (très) mauvais goût, comme pour le
douce utopie que projette la mini-série directeur de campagne (Eric Judor) ne débat télévisé de l’entre-deux tours, de
En place, réalisée et interprétée par passait pas dans le coin pour mettre le l’ordre de la lourde et vilaine caricature.
Jean-Pascal Zadi. Soit Stéphane Blé, grappin sur Blé et lui faire miroiter Politiquement incorrecte, la série l’est
animateur de rue sans envergure dans l’idée de se lancer dans la course à la effectivement, moins par ce qu’elle dé-
une cité de la banlieue parisienne, an- présidence – au prix d’un marchandage nonce que par le tableau qu’elle dresse,
cien rappeur raté, propulsé du jour au avec le candidat de la droite. S’il est, au effectivement peu fidèle à la réalité.
lendemain – et un peu malgré lui – dans début, celui qui y croit le moins, unique- Une demi-réussite donc pour une sé-
la course à l’Elysée. Au second tour de la ment guidé par son idéalisme, le « can- rie qui donne à la fois l’impression d’en
présidentielle, c’est au bras de fer avec didat de la rue » se prend vite au jeu, vouloir trop dans l’espace (restreint, de
Corinne Douanier, activiste écolo et fé- quitte à négliger son autre grand rêve 6 x 30 minutes) qui lui est imparti, et de
ministe (Marina Foïs) que le destin de (contrarié) de devenir papa et son ne pas tenir sur la longueur, le format
la France se joue, annoncent les chaînes épouse Marion. « film » lui ayant peut-être mieux
de télévision, en ouverture de la série. Déjà réalisateur de deux mini-séries convenu.
pour France TV, Jean-Pascal Zadi ne On en retiendra les très bons rôles se-
Dans la course fait pas dans la dentelle avec cette série, condaires offerts à Benoît Poelvoorde,
Stéphane Blé président ? Tout semble dans la veine comique de son film Tout délicieusement odieux en maire de Bo-
désormais ouvert pour celui qui, trois simplement noir, faux documentaire bigny, incarnation retorse de la poli-
mois plus tôt, était encore un parfait in- sur les traces d’un acteur raté, qui orga- tique « à l’ancienne », à une Marina Foïs
connu, et qui a fait une entrée toni- nise une marche de contestation pour allumée, à Pierre-Emmanuel Barré, au
truante sur la scène médiatique et poli- dénoncer l’invisibilité de la communau- discret Panayotis Pascot, ainsi que, dans
tique en apostrophant en direct, au té noire en France. En place (co-réalisée son propre rôle, à la journaliste Anne-
cours d’une visite de campagne dans sa avec François Uzan) aborde les mêmes Sophie Lapix. Laquelle ne se prive pas, à
cité, le maire socialiste de sa ville Eric thématiques de l’inclusion, du vivre-en- chaud, de qualifier d’ « affligeant » le
Andrei (Benoît Poelvoorde). « Ça sert à semble, de la diversité, cette fois appli- vote des Français au second tour de
quoi de se relever les manches, s’il faut qués au monde politique. Comme Le l’élection.

En place
★★☆☆☆
Série en 6 épisodes (30’) sur Netflix

MAD Mercredi 25 janvier 2023


16 MUSIQUES ROCK & VARIÉTÉS

Les débuts en solitaire


derrière les chansons d’amour. Il y a
chez Satchel une lutte permanente
entre chaos et douceur naturelle, son
goût pour les sonorités psychédéliques

de Satchel Hart passant par un amour pour les synthés


vintages : « C’est ce que je voulais pour
la pochette réalisée par Fiona Rostagni
découverte via Instagram. De l’apoca-
lypse qui soit doux, comme le disque.
Le chanteur bruxellois publie son premier album Je voulais un trip psyché aérien, heu-
reux, que tu écoutes comme si tu pre-
de synthé-pop, « Things Will Never Be The Same ». nais de la drogue mais je travaille déjà
sur d’autres morceaux qui sont plus
rock, même si je suis toujours attaché
THIERRY COLJON pour résultat, aujourd’hui seulement, à à une forme de pop psyché. J’ai encore
25 ans, ce premier album de « synthé- envie de m’amuser. Mes textes sont pas
méricain par son père (le musi- pop cosmico-psychédélique » très so- mal sombres mais c’est normal si tu
A cien de Supertramp puis de Cro-
wed House, Mark Hart) et Belge par
laire et dynamique comme peut en li-
vrer son groupe fétiche : Tame Impala.
fais un peu attention au monde qui
t’entoure. J’écris ce que je ressens
sa mère (une ex-attachée de presse Mais cela fait longtemps que celui même dans la douleur. J’ai envoyé le
d’EMI), Satchel Hart a grandi dans la qui, quand tout petit à l’école on lui disque à mon père avec qui je reste en
musique, notamment dans cette ca- demandait ce qu’il voulait faire plus contact par mail, il me dit que j’ai un
bane au fond du jardin à Genval où il tard, répondait « rock star », baigne don pour les mélodies… »
réalise en solitaire depuis plus de cinq dans la musique : « Ma mère m’a ins- Satchel Hart sera avec son groupe ce vendredi 27
ans ses premières maquettes. Avec crit à l’âge de 6 ans à des cours de pia- au Lac à Bruxelles, le 28 au Belvédère de Namur,
le 9/02 au Kultura de Liège, le 23/02 au Bar du
no », nous a-t-il confié. « J’ai eu un Matin à Bruxelles et le 8/04 à la Maison Folie de
prof jusqu’à mes 18 ans. La guitare, je Mons.
l’ai apprise à 15 ans, en autodidacte.
J’ai toujours aimé chanter. C’est au Satchel Hart est tombé tout petit dans
collège cardinal Mercier de Braine- la marmite musicale. © NOÉ ZNIDARSIC.
l’Alleud (NDLR : là où sont passés les
Girls in Hawaii) que j’ai formé mon
premier groupe… »
Les chiens ne font pas des chats
mais Mark Hart, que Satchel n’a pas
connu avant ses 13 ans, n’a pas vrai-
ment joué de rôle dans la carrière
naissante de son fils : « Sans doute
qu’il y a un manque mais qui a été
bien comblé par mon beau-père. » Sat-
chel devra attendre ses 18 ans pour
Things Will avoir une vraie relation avec son père,
Never Be aller dans son studio à L.A. enregistrer
ses premières maquettes et passer huit
The Same mois en Nouvelle-Zélande chez Neil
Finn (de Crowded House) et en Inde
★★★★☆ dans le cadre d’une année sabbatique,
Jaune-Orange/PIAS. avant de s’inscrire à l’IAD en section
Ça commence sur le son : « Comme j’ai toujours su que je
mode Buggles et vocoder serais musicien, je voulais rester au
avec la plage titulaire centre de ma passion, pouvoir avoir
pour ensuite se concen- mon propre studio et enregistrer mes
trer sur une musique tout chansons. »
aussi cosmique et aé-
rienne mais au psychédé- Un don pour les mélodies
lisme joyeux qui donne la Durant ses études, il forme un autre
pêche. Pas de prog-rock groupe, Long Time No Sea, se produit
seventies ronflant ici mais sur scène et écrit ses chansons avant
bien un trip solaire, d’une de se lancer il y a trois ans dans la réa-
douceur qui fait du bien, lisation en solitaire de ce premier al-
qui rend heureux. On bum. « J’ai jeté beaucoup car au début,
adore cette ligne de basse ma musique était très influencée par
permanente que sou- ce que j’écoutais : c’était très typé Arc-
tiennent les synthés et la tic Monkeys. Mes goûts ont aussi évo-
guitare. Satchel a tout lué au fil des ans. Tame Impala a été
écrit, composé, arrangé, une vraie révélation. Mon rêve serait
interprété et produit seul, de faire une carrière à la Kevin Par-
livrant un premier disque ker. »
bourré de belles mélodies Résultat : un disque très personnel,
scintillantes décom- original, presque joyeux même si les
plexées. T.C. textes peuvent se montrer sombres
MAD Mercredi 25 janvier 2023
17

Regardez et surtout
écoutez Pierre de Maere
Le chanteur belge dorénavant basé à Paris publie Regarde-moi
son premier album, « Regarde-moi ».
★★★★☆
Cinq7.
THIERRY COLJON Pierre de Maere, c’est d’abord une voix
qui n’a pas peur de rouler les r et de

IMaere
l y a tout juste un an, on faisait la
connaissance du jeune Pierre de
à l’occasion de la sortie de son
rappeler un jeune Polnareff avec ces
envolées de yo-yo sur de jolies mélodies
déclinées sur un mode électro. Produit
premier EP, Un jour, je, dans lequel se avec son frère Xavier, ce premier album
trouvait la chanson qui le fera est d’une belle cohérence sonore, tout
connaître, Un jour, je marierai un ange. en variant les sonorités et rythmes, au
À l’époque, l’interview s’était faite par service d’une chanson française entre
visioconférence depuis sa chambre tradition et modernité. On adore les
d’enfance, à Walhain. Aujourd’hui, histoires folles d’un artiste qui s’invente
Pierre vit à Paris et est nommé dans un monde fait d’anges, de fées et de
deux catégories (révélation masculine et fantômes, sans parler du Bel-Ami em-
chanson originale) aux prochaines Vic- prunté à Maupassant. Pierre est un Ro-
toires de la musique dont la cérémonie méo en quête d’absolu, imposant ici de
se déroulera le 10 février (Stromae, An- fort belle façon son univers personnel…
gèle et Mentissa sont les autres Belges T.C.
nommés). Il s’en est donc passé des
choses pour lui en 2022 : « Des choses
très positives, oui ! », nous confirme-t-
il, même si certains de ses textes pour-
raient laisser croire le contraire. « Les d’Aznavour : « Je voue un culte à Lady
tarés m’ont cogné là où ça fait mal (…). Gaga. Je me suis souvenu d’une inter-
Les tirs m’ont rendu fou (…). Ma tête est view où elle évoquait ses débuts dans les
mise à mort », chante-t-il en ouverture cafés de New York, personne ne l’écou-
de son disque dans Les oiseaux. Dans tait ni ne la voyait jusqu’au jour où elle
Roméo, il parle de « La foule qui pue la est montée nue sur scène. Ma vie d’ar-
haine » alors que « L’heure est aux im- tiste sur scène, c’est de l’exhibition-
béciles innocents » dans Ta mère est nisme. Ça m’est aussi arrivé de me pro-
folle : « Oui, bien sûr, ça m’est arrivé de duire dans des soirées privées devant
prendre des clashs. Dès que tu t’ex- des gens qui mangent, parlent et ne
poses, c’est inévitable, tu prends cher. t’écoutent pas. C’est hyper dur et pour
Les gens font vite des raccourcis, cer- tenir, tu cherches un seul regard auquel
tains voient en moi un petit-bourgeois te raccrocher. C’est comme ça qu’il faut
de Saint-Germain-des-Prés. Ils se comprendre le titre Regarde-moi et pas
basent sur un physique, ils te mettent Un garçon bien sous tous rapports- comme un trip narcissique. Les artistes
dans des cases, ils te mettent une éti- ... © MARCIN KEMPSKI. sont des séducteurs et des charmeurs
quette. C’est réducteur. Heureusement mais tu veux qu’on voie la beauté qui est
que tout ça est contrebalancé par le fait petit à petit. J’aime mettre mes person- en toi. »
d’aimer ce qu’on fait et tout cet amour nages dans un milieu hostile. » Pierre parle aussi beaucoup d’amour
reçu en retour. Sur cent mécontents, il y Ainsi, dans J’aime ta violence, fait-on dans son disque. Un sujet qui le pas-
en a trois mille très positifs. » la connaissance de ce jeune homme qui sionne : « Je suis un grand romantique.
Ceci dit, il est bon de préciser que les fait de la cocaïne sa meilleure amie lui J’ai heureusement un radar exception-
textes écrits par Pierre sont rarement donnant l’impression d’être tout-puis- nel qui me permet de repérer les oppor-
autobiographiques. Lui, son truc, c’est sant : « Moi je m’en tiens éloigné car ça tunistes. L’amour me donne des frissons
le drame mis en scène de fort belle fa- me fait peur, je me connais, je sais que agréables. Je me suis même déjà mis au
çon, avec un sens poétique indéniable : ça pourrait me plaire. Je suis un grand tricot pour plaire. Je cherche le grand
« J’aime endosser des rôles. Je n’ai pas sensible sous mon air confiant. Je sais amour. Dans Enfant de, je rends hom-
vécu suffisamment de choses pour par- que la coke pourrait être une issue de mage à mes parents en parlant de cette
ler de moi. J’aime raconter une histoire. secours… » loi des sentiments qui dit que les oppo-
C’est vrai qu’ici, c’est assez dramatique, sés s’attirent. Mon père est un juriste
avec des ambiances cinématogra- Plus Gaga qu’Aznavour fan de foot, pas du tout romantique,
phiques. J’aime le drame hyper théâtral, La chanson Regarde-moi, qui donne alors que ma mère est une grande rê-
baroque, extrême. Quand je commence son titre à l’album, avec ce strip-teaseur veuse, croyant au prince charmant… »
une chanson, je ne sais pas de quoi elle qui dit « Je fais honte à ces messieurs », Pierre de Maere sera au Reflektor le 22/03, au festival
va parler. C’est un puzzle qui se monte nous rappelle un peu Comme ils disent Namur is a Joke le 23/03 et à l’AB le 18/05.

MAD Mercredi 25 janvier 2023


18 MUSIQUES JAZZ

Le 24e album d’Aka Moon :


« Trouver la vibration juste »
L’année passée, Aka Moon
fêtait ses trente ans
d’existence. Et voilà que
sort son 24e album,
« Quality of Joy »,
éblouissant. Fabrizio Cassol,
Stéphane Galland et Michel
Hatzigeorgiou
renouvellent, une nouvelle
fois, leur univers.
ENTRETIEN
JEAN-CLAUDE VANTROYEN

ais comment font-ils ? Je ne sais


M pas vous, lecteurs, mais moi je
suis sidéré par le travail extraordinaire
fourni par ce trio belge depuis plus de 30
ans maintenant. Quand on a produit des
albums aussi indispensables que Elo-
him, Unison, Scarlatti Book, Opus 111,
encore parvenir à accoucher d’un album
comme Quality of Joy tient de l’impossi-
bilité, c’est-à-dire du miracle. Parce qu’il
est éblouissant. Inspiré, profond, com-
plexe musicalement et pourtant fluide
comme l’eau d’un grand fleuve.
Pour le réaliser Aka Moon a fait appel
à 14 musiciens internationaux. Et pas
des moindres : Amir ElSaffar, trom-
pette, Irak ; João Barradas, accordéon
acoustique et électrique, Portugal ; Cla-
ron McFadden, soprano, Etats-Unis ;
Bert Cools, guitare, synthétiseur, bow &
sound design, Belgique ; Miles Okasaki,
guitare électrique, Etats-Unis ; Rodri-
guez Vangama, guitare électrique,
Congo ; Adèle Viret, violoncelle,
France ; Simon Groppe, claviers,
France ; Laurent Blondiau, trompette et
bugle, Belgique ; Pierre-Antoine Sa-
voyat, trompette, France ; Jean-Paul Es-
tiévenart, trompette, Belgique ; Nils Van Cet album est né pendant le confine- certaines régions d’Afrique. Mais mon
Hertum, euphonium, Belgique ; Michel ment. Et c’est pourtant une musique instrument ne pouvait plus suivre, mon
Massot, euphonium et trombone, Bel- souriante. saxophone devenait trop limité, je ne
gique ; Nathan Surquin, trombone, Bel- C’est souvent comme ça. On écoutait la pouvais émettre certaines fréquences,
gique. Des stars de Belgique et d’ailleurs musique de Duke Ellington pendant les certains sons. J’ai donc dû recommencer
et des jeunes jazzmen pleins d’avenir en grandes crises. Mais, oui, c’est une mu- ma technique à zéro. J’ai travaillé 5.000
plus de Fabrizio Cassol au saxophone, sique née pendant le confinement. Per- heures là-dessus, je les ai calculées : 5
Stéphane Galland à la batterie et Michel sonnellement, j’ai saisi l’opportunité du heures par jour et 5 heures par nuit. Et
Hatzigeorgiou à la basse électrique. lockdown pour pouvoir enfin travailler ce travail systématique m’a donné une
Fabrizio Cassol est l’âme du trio, le sur mon instrument. Je voulais parvenir nouvelle technique de base qui me per-
compositeur, l’arrangeur, le chercheur. à créer certaines fréquences que je ne met enfin d’accéder n’importe quand à
Rencontre par téléphone avec le musi- pouvais pas émettre auparavant. Pen- n’importe quelle fréquence qui n’est pas
cien qui était à la Fondation Camargo, à dant les 30 années précédentes, j’ai été celle que le piano peut faire. Dès lors, je
Cassis, au sud de la France, « où c’est le partout. Pour entendre tous ces sons du peux dans une phrase passer d’une fré-
paradis » pour composer et réfléchir. monde arabe, des Balkans, d’Inde et de quence qui vient d’un endroit du monde

MAD Mercredi 25 janvier 2023


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bration et je ne pouvais l’atteindre. Je Chacun de vos morceaux, dites-vous,


devais forcer, et c’était tellement tendu est inspiré par des écrivains et des
ou tellement relâché que ça ne vibrait penseurs, Edgar Morin, Delphine Horvil-
pas. C’est comme le professeur de mu- leur, Toni Morrison…
sique dit à Siddharta, qui médite, as- Cette période de confinement permet-
cète : si tu tends trop la corde, elle casse tait de travailler, de discuter mais aussi
et si tu ne la tends pas assez, elle ne vibre de lire. Et ces lectures m’ont porté à
pas. Cela a donné à Siddharta l’illumina- trouver une vibration émotionnelle et
tion pour devenir Bouddha. Xavier, un lumineuse, parce qu’on ne fait tout ça
luthier, a trouvé la solution et on a pu que pour atteindre une lumière.
ajouter une clé sur le saxophone, qui me Aka Moon joue Opus 111 aux Rencontres d’Art de
permet d’obtenir ce son-là. Un son très Huy, le vendredi 3 février à 20 h 30. Infos : festivalar-
thuy.be
important, parce que cette résonance de
fin du dernier morceau est aussi la clé du
premier morceau.

Vous avez ensuite été chercher qua-


torze musiciens pour donner la sonorité
particulière de l’album.
Mes recherches ont eu des applications
dans les compositions et dans le son col-
lectif. Je voulais un son d’ensemble qui
puisse résonner avec tout ça. Il fallait
donc que chacun travaille cette nouvelle
technique. Avec Stéphane et Michel, on
a eu une phase d’essai, comme dans un
laboratoire. Puis avec les autres musi-
ciens aussi. C’est un album qui s’est
construit sur neuf mois. J’ai fait à cha-
cun une description quasi musicolo-
gique. Mais tout cela, ce n’était que pour
arriver à des émotions, c’est la seule
chose qui compte.
Je sais cependant le travail de certains
musiciens. Parce que ce n’était pas une Aka Moon
question de jouer les notes, la seule
question était de trouver la vibration
Quality Of Joy
juste. Même Stéphane et Michel se de-
mandaient parfois : mais qu’est-ce qu’il
★★★★★
Instinct/Outhere
cherche là ? Comment veut-il faire ? Ils
jouaient impeccable, ce n’était pas la vi- On ne sait plus exactement quoi applau-
bration qu’il fallait et je voulais recom- dir. La créativité de Fabrizio Cassol qui
mencer. Mais parfois, ce qu’ils jouaient offre résonances, sonorités, mélodies
était exactement parfait mais ce n’était extraordinaires ? L’inventivité rythmique
pas du tout ce que j’avais prévu, alors je de Stéphane Galland ? La fécondité des
reconstruisais autour. C’est mystérieux. lignes de basses de Michel Hatzigeor-
Je dois d’ailleurs souligner le travail des giou, qui structurent l’édifice ? Les cou-
musiciens. Parce que c’est un travail leurs données par Bert Cools à l’en-
Michel Hatzigeorgiou, Stéphane Gal- d’orchestre, un travail collectif, avec peu semble de l’album ? Les solos magni-
land, Fabrizio Cassol. © ALEXANDER POPELIER. de solistes. Et ils s’y sont prêtés avec fiques de Fabrizio, d’Amir ElSaffar, de
beaucoup de talent. Je voudrais cepen- João Barradas ? La capacité de chacun
dant épingler Bert Cools qui a travaillé des musiciens, des stars Okazaki ou
sur le son de l’album, qui lui a donné ses McFadden aux jeunes Groppe ou Sa-
à une autre fréquence qui vient d’un couleurs et une certaine profondeur voyat, à travailler pour tout le monde ?
autre endroit du monde. dans la perception musicale. C’est un Cet album est une réussite totale, une
grand sourcier délicat et hypersensible. merveille. On l’aura lu ci-contre : il est le
Quel genre de son ? Et João Barradas. Je dois lui tirer mon résultat d’une profonde réflexion et d’un
Le dernier son du dernier morceau de chapeau. Il a imaginé un système pour travail intense. Mais c’est d’abord une
l’album, Doors of Kingdom, était par accéder avec son accordéon aux fré- musique d’une beauté, d’une fluidité et
exemple au départ impossible au saxo- quences que je voulais. On a pu les ajus- d’une limpidité remarquables. Il restera,
phone. C’est une fréquence soufie. Ça ter. Si bien qu’il y a des mélodies ou on j’en suis persuadé, comme un jalon dans
fait des années que j’essayais de tra- joue à l’unisson, lui et moi. Il fait un tra- l’histoire du jazz, comme des Miles, des
vailler ce son, cette fréquence, cette vi- vail de dingue. Monk ou des Ornette. J.-C. V.

MAD Mercredi 25 janvier 2023


20 MUSIQUES CLASSIQUE

Laurent Pelly, éternel curieux


En ce début d’année, le metteur
en scène français est de retour à
La Monnaie pour « Eugène
Onéguine ». Une œuvre qu’il
aborde avec la même passion
que celle qui l’anime depuis
toujours.

ENTRETIEN
GAËLLE MOURY

D Pelly est un homme de scène. Celle


epuis toujours ou presque, Laurent

des théâtres d’abord – qu’il foulera aussi


en tant qu’acteur – puis celle des opéras.
Dès la fin des années 1990, il est ainsi
devenu un metteur en scène salué et de-
mandé (il a notamment reçu le prix du
« Best Director » aux International
Opera Awards 2016). Spécialiste du ré-
pertoire français, mais aussi du réper-
toire italien, il se distingue grâce à des
mises en scène à la fois réjouissantes,
universelles, divertissantes et poussant
à réfléchir. Que ce soit dans le Don Pas-
quale de Donizetti ou les œuvres d’Of-
fenbach qui jalonnent son parcours.
Artiste curieux, Laurent Pelly n’hésite
pas non plus à élargir ses horizons.
Après un ironique et délicieux Coq d’or
de Rimski-Korsakov en 2016, on le re-
trouve ainsi à l’œuvre à La Monnaie en
ce mois de janvier pour Eugène Oné-
guine de Tchaïkovski (une nouvelle fois spectacle et a envie de partager son art opéra
dirigé par son complice Alain Altino- avec ses copains… Nous sommes toujours en 1997, année
glu). Un parcours et un art qui semblent qui marquera le début d’un parcours
l’épanouir, peut-être plus que jamais. Et Les années 1980 : la naissance de sa soutenu dans le monde de l’opéra.
dont voici cinq périodes clé. compagnie « Très tôt, j’ai mis de la musique vivante
… c’est ainsi qu’il fondera sa compagnie, dans mes spectacles. Je trouvais ça plus
Les années 1970 : la découverte de la Le Pélican, en 1980 (qu’il codirigera à intéressant que d’avoir une bande enre-
scène partir de 89 avec Agathe Mélinand, avec gistrée. Mais l’opéra en lui-même est ve-
Dans les souvenirs de Laurent Pelly, qui il collabore toujours). « J’étais un nu bien plus tard et un peu par hasard.
l’art est présent depuis aussi longtemps cancre au lycée. Je ne pensais qu’à ça. Je dois dire que c’est beaucoup de
qu’il s’en souvienne. Enfant, ses parents J’étais assistant metteur en scène à Bé- chance. D’abord de rencontrer Marc,
l’emmenaient ainsi régulièrement au thune pour gagner ma vie et très vite. qui a été très important dans ma car-
théâtre et au cinéma. « C’est quelque Parallèlement j’avais ma compagnie. rière, et qui m’a appris énormément de
chose dont on parlait beaucoup à la J’ai eu ma première subvention et après choses. Puis de rencontrer des artistes
maison », dit le metteur en scène fran- c’est allé relativement vite : j’ai dû mon- très importants. » Au casting de cet Or-
çais, né en 1962. « Avec mon frère (aîné) ter six spectacles. J’ai un grand appétit phée aux Enfers : Natalie Dessay et
et ma sœur (cadette, aujourd’hui actrice pour le travail. Toujours maintenant. Laurent Naouri notamment, des ar-
et chanteuse avec qui il collabore tou- Plus j’ai de travail, plus je suis content. » tistes qui deviendront essentiels dans
jours), on a fait beaucoup de musique (il Il sera ensuite, en 1997, nommé direc- son parcours. « À partir de là, j’ai tou-
jouait du hautbois, NDLR), nous étions teur du Centre dramatique national des jours monté parallèlement des spec-
dans un chœur… Le théâtre est venu Alpes à Grenoble. C’est là que Jean- tacles de théâtre (il continuera à être
très naturellement et très tôt. À 8 ans, je Pierre Brossman, alors directeur de jusqu’à récemment directeur de centres
montais des spectacles avec ma sœur et l’Opéra de Lyon, lui demande ainsi qu’à nationaux dramatiques, NDLR). »
des marionnettes. C’est finalement as- Marc Minkowski, directeur de l’or-
sez banal mais je suis tombé dans la chestre de Grenoble, de faire Orphée Les années 2000 : les premières
marmite très tôt. Et qui m’a très vite ob- aux Enfers à l’Opéra de Lyon. expériences d’opéra à l’étranger
sédé. » À 11 ans, il écrit des saynètes Un travail collectif qui marquera toute
puis à 16, met en scène son premier Les années 1990 : le tout premier sa carrière. « Plus que du collectif, je

MAD Mercredi 25 janvier 2023


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debourne ou celui de Santa Fe ou ici à


Eugène La Monnaie. Ce sont des maisons où on
Onéguine travaille finalement de manière artisa-
nale, amicale. Puis ce sont des ren-
Du 29 janvier au 14 février contres avec des artistes. »
à La Monnaie
Infos : www.lamonnaie.be Un environnement qui lui permet de
prendre des risques et de s’essayer à de
nouveaux répertoires, comme avec cet
Eugène Onéguine de Tchaïkovski. « Je
pense qu’on ne peut pas tout faire et en
même temps je suis toujours curieux
d’aborder de nouveaux
répertoires. Onéguine est
« Ce qui m’intéresse, particulier. C’est d’abord
c’est de donner vie au un roman extraordinaire
spectacle ensemble. Si je de Pouchkine. Je ne
fais du théâtre, c’est l’avais pas lu et ça a été le
aussi par fascination du choc de ces cinq dernières
temps de la représenta- années. C’est un roman
tion. Et à l’opéra, c’est universel, qui parle de
décuplé puisqu’on est tout, de tout ce qui
200 sur scène », dit Pelly, touche à l’humanité, de
qui n’hésite pas à utili- l’amour, de la mort, de la
ser le jeu pour trans- vie, du temps qui passe,
mettre sa vision à ses avec beaucoup d’humour Rencontrer de
chanteurs. © HUGO SEGERS et de légèreté. Là où
l’opéra est un peu trom- grands artistes,
peur, c’est que Tchaïkovs- c’est comme
ki a mis tout son mal-être
à l’intérieur de cette rencontrer des
pièce. Et avec ce spec- œuvres. Ce qui a
tacle, j’essaie de mêler les
deux. On ne peut pas lut- guidé ma vie, c’est
ter contre la musique de l’amour des
Tchaïkovski, mais j’essaie
de faire entendre ce qu’il œuvres.
y a chez Pouchkine de dé-
risoire, de léger, de mé-
parlerai des collaborations. Lorsqu’on passé. Et c’est José qui a proposé à Peter chant, de comique aussi.
rencontre des grands artistes, c’est de Caluwe, qui me connaissait puis- Même si l’histoire est pa-
comme lorsqu’on rencontre des œuvres. qu’on avait déjà travaillé ensemble, de thétique plutôt que tra-
Je dis toujours que je suis d’abord et m’engager pour mettre en scène Don gique. »
avant tout au service des œuvres. Ce qui Quichotte pour ses adieux. J’étais très Aimant trouver « le théâtre dans la
a guidé ma vie, c’est l’amour des œuvres. flatté et très touché. » musique », Pelly fait ici aussi face au dé-
La passion de ça et de le transmettre. fi de la langue. « C’est toujours difficile.
Quand on rencontre des gens passion- Janvier 2023 : « Eugène Onéguine » à Un peu frustrant. Surtout avec une
nés, des chefs, des chanteurs, des ac- La Monnaie langue, le russe, que je ne parle pas du
teurs, des scénographes, c’est ça qui fait Après un premier spectacle, Parlez-moi tout. Mais comme pour Le Coq d’or, ce
la collaboration. Que ce soit avant ou d’amour avec Felicity Lott en 2007, qui est formidable c’est que je travaille
pendant les répétitions, je suis complè- Laurent Pelly mettra donc en scène Don avec deux personnes merveilleuses, une
tement amoureux des œuvres. Et en Quichotte de Jules Massenet en 2010 traductrice et une cheffe de chant qui
vieillissant, ça ne cesse pas. Mon mo- avec José van Dam à La Monnaie, puis est russe, qui m’aident beaucoup pour le
deste travail de metteur en scène est de Cendrillon l’année suivante avant Le sens. C’est sûr que je préfère travailler
transmettre cette passion et d’essayer Coq d’or (2016) et Don Pasquale (2018). en français. Mais je ne peux pas m’y li-
d’être le plus honnête possible avec Aujourd’hui reconnu à travers le miter. Une chose que j’adore faire, c’est
l’œuvre pour la faire entendre aujour- monde, Pelly a mis en scène au Met de travailler en français à l’étranger, et ap-
d’hui. » New York, à la Scala, au Wiener Staat- porter ma pierre au travail des chan-
C’est une autre collaboration, avec Jo- soper… « C’est très impressionnant teurs et les aider. Pour moi, mon travail
sé van Dam cette fois, qui le mènera jus- mais ce ne sont pas les moments les plus se situe aussi très souvent là : aider les
qu’à La Monnaie. « José était dans ma importants. C’est génial d’être au Met chanteurs à interpréter et essayer d’en-
première mise en scène à l’étranger : mais ce n’est pas forcément ce que je lever la peur et l’appréhension. »
L’Heure espagnole et Gianni Schicchi au préfère. C’est une maison de répertoire. Prochain défi : Les maîtres chanteurs
Japon en 2003 avec Ozawa Seiji. Je de- Et ce qui m’importe le plus, ce sont les de Wagner à Madrid. « Le défi, c’est de
vais avoir fait quatre mises en scène collaborations. Notamment avec les rencontrer de grandes œuvres et de
d’opéra avant ça. Ça a été une expé- maisons, comme avec Madrid où je tra- pouvoir les mettre en scène. C’est une
rience merveilleuse. Ça s’est très bien vaille beaucoup, avec le festival de Glyn- chance inouïe. »

MAD Mercredi 25 janvier 2023


22 MUSIQUES CRITIQUES

Les deux heures


ébouriffantes du swing
à Babylon
★★★☆☆ colocataires à l’Universi- une fois de plus le cas
« Babylon » (Interscope-Univer- té d’Harvard, ils ont tous ici, avec pas moins de 48
sal). les deux joué dans le pièces qui fleurent bon
Oscarisé pour sa mu- même groupe de jazz, le jazz des années 20 tel
sique du film La La Land, restant jusqu’ici insépa- qu’il était présent dans
le compositeur califor- rables. Wiplash, qui les films hollywoodiens
nien Justin Hurwitz contait la vie d’un bat- de cette époque. C’est
forme avec Damien teur de jazz et La La plus de deux heures
Chazelle un duo digne Land où Ryan Gosling d’une musique écheve-
des plus grandes colla- interprétait le rôle d’un lée, swing et tempé-
borations (style Leone- pianiste de jazz, rappe- tueuse que nous offre ici
Morricone ou Lynch- laient à quel point la Justin Hurwitz qui a
Badalamenti…). Amis et note bleue est leur dada travaillé trois ans sur
Gainsbourg à tous les deux. C’est cette bande originale
réinterprété
en spectacle
★★★☆☆
« La Comédie-Française chante
Gainsbourg » (La Belle Télé-
Outhere Music).
Stéphane Varupenne,
Benjamin Lavernhe, Sé-
bastien Pouderoux, Noam
Morgensztern, Rebecca
Marder et Yoann Gasio-
rowski. Ces comédiens et
comédiennes ne sont pas
des stars mais font partie La Grande Sophie
de la Comédie-Française
qui rend ici hommage à
sans fard
Serge Gainsbourg dans un ★★★☆☆
spectacle musical (dont le
disque est la bande origi-
« La vie moderne » (Universal).
La Grande Sophie aime se mettre en
Ensemble Jupiter
nale) qui rencontre un
grand succès et est repris
danger. Après avoir parlé sur le mode
piano et électro du temps qui passe, de
Händel, « Eternal
régulièrement. Six comé- l’âge et de la féminité, dans l’album Cet Heaven »
diens, chanteurs et musi- instant, elle nous revient trois ans plus
ciens issus de la Troupe tard avec un neuvième album très ★★★★☆
interprètent des chansons dépouillé autour de la guitare acous- Erato
et des extraits d’inter- tique. « C’est un voyage intime entre Fort de leur triomphe vivaldien, Thomas
views : « Nous avons privi- nostalgie et espoir. Entre l’analogique Dunford, sa compagne Lea Desandre et
légié le Gainsbourg amou- et le numérique aussi puisqu’il est ici l’ensemble Jupiter investissent désor-
reux et sensuel. D’un côté, évidemment question de musique. mais des terres anglaises où on les atten-
il y a la musique, de Grand écart vital entre l’avant et l’après. dait naturellement. Ils s’adjoignent pour
l’autre, il y a l’homme avec Faire revivre ces vieilles photos ou- la circonstance le ténor Iestyn Davies qui
sa répartie, son esprit bliées, remettre la vie au centre. Cet fait figure de révélation. Au programme,
irrévérencieux et subver- album ne doit rien à la fatalité, il ne un vaste choix d’airs issus d’oratorios de
sif… Nous avons accordé veut rien abandonner, il regarde l’hori- Händel censé nous porter sur la voie
une place importante à zon et n’oublie pas ce qui a été », dit d’une spiritualité personnelle où la
toutes ses chansons em- l’intéressée qui a tout réalisé avec son musique nous apprendrait à aller plus
blématiques que la nou- équipier Jan Ghazi. L’intimité peut à loin que les mots. Fascinant ! S.M.
velle génération ne l’occasion se réchauffer aux rythmes de
connaît pas forcément. » Un roman qui doppe un peu les douces
Ces six-là réinventent, confidences d’une fine observatrice des
réinterprètent de façon à temps présents, vraie et touchante. T.C.
la fois fidèle et originale
un des plus beaux cata-
logues chansonniers. T.C.

MAD Mercredi 25 janvier 2023


NOS CRITIQUES DE CD, LES CLIPS ET LES ÉCOUTES INTÉGRALES SUR DEEZER 23

Richard Les multiples sons


Galliano, roi de Stephan Micus
du tango ★★★★☆
ECM
★★★★☆
The Montreux Jazz Label
Si on a bien compté, Thunder est son 25e
album. Et l’Allemand de 70 ans installé à
L’accordéoniste Richard Majorque a travaillé une nouvelle fois
Galliano en trio avec seul. Dans son studio, avec des instru-
Diego Imbert à la contre- ments qu’il déniche dans le monde
basse et Sébastien Gi- entier, et qui lui offrent une palette
niaux à la guitare et au sonore formidable. Il mêle ainsi, en se
violoncelle au Cully Jazz, réenregistrant à plusieurs reprises, des
au bord du lac Léman, le 6
avril 2022, ce fut un mo- Deux cloches birmanes, une cithare, des sha-
kuhachi (flûte), des kaukas, une nyckel-
La Krewe du Belge
ment incroyable et heu-
reusement la Radio Télévi-
pianos et harpa, des dung chen (cors droits) et des en fanfare
tambourins, des cloches de chevaux
sion suisse l’a enregistré.
Et nous pouvons donc
une batterie himalayens, des sarangis (vièle à archet),
des kyeezee (gongs), du nohkan (flûte), ★★★☆☆
bénéficier de ce NewYork ★★★☆☆ des tambours de tempête, du sapeh krewe.be
Tango Trio. Croyez-moi, ça S/N Alliance
(luth), des ki un ki, plus sa voix. Dépayse- Krewe du Belge, c’est une fanfare qui
en vaut la peine. Galliano Les pianistes Dan Cava- ment garanti. Cette musique explore des anime les fêtes en plein air, les rues, les
approche ce répertoire du nagh et James Miley ont paysages sonores d’ailleurs, avec la pro- salles et y souffle un air d’ambiance
tango avec une approche eu envie de jouer en- fondeur des basses, le cristal des clo- populaire. Merci au band d’avoir gravé
jazzistique : « D’une ma- semble, ils l’ont fait fin chettes, l’élégance des cordes frottées, le ces musiques qui donnent le sourire et
nière totalement libre, 2019. Il leur manquait une mugissement des cors droits, le rythme l’enthousiasme. Ils sont huit et même
dit-il, parfois éloignée de dimension orchestrale et des peaux frappées. Et, croyez-le, ce n’est neuf sur trois morceaux. Vanessa Tanghe
la partition mais jamais de une dimension ryth- pas un document ethnologique : c’est de (piano) et Christophe Mercier (trombone)
l’âme du compositeur. » mique : ils ont donc ajouté la musique, de la vraie, qui fait battre nos sont les capitaines de ce bateau qui
Astor Piazzola l’affirmait de l’électronique, pas trop, cœurs. Stephan Micus avait dit au Soir, il vogue dans les rues de Bruxelles comme
lui-même, d’ailleurs : et une batterie et on fait y a presque deux ans : « Je suis passion- les « crews » le faisaient à La Nouvelle-
« L’approche jazz du New appel à John Hollenbeck. né par ces combinaisons inédites d’ins- Orléans. On y trouve Olivier Deleuze, oui,
Tango comme celle du Qui a ajouté ses percus- truments de divers endroits du monde, le bourgmestre de Watermael-Boitsfort,
New Musette a toujours sions sur certains des dont les sonorités s’accordent. Comment Michel Massot et son sousaphone, Sté-
été pour moi une évi- morceaux, en envoyant je fais ? J’essaie. Je ne compose pas avec phane Mercier sur les trois morceaux en
dence. Jazz, musette, les bandes de chez lui car un crayon et une partition, je joue, j’im- question. L’album s’intitule De Bruxelles à
tango se nourrissent des là on était au moment de provise, je tente. Et je peux le faire parce New Orleans et intègre différentes mu-
mêmes ingrédients, le la pandémie. Et ça sonne que la musique du monde est unique. La siques qui se jouent aujourd’hui à La
rapport à la danse, des pourtant comme si le trio raison pour laquelle les gens font de la Nouvelle-Orléans : jazz, funk, rock, R&B,
mélodies fortes, des har- était ensemble sur scène, musique est la même pour tous les rap et rythmes cubains. Mais la Krewe en
monies précises et recher- miracle de la technologie. peuples. C’est un besoin de s’exprimer a fait un truc typiquement belge : pa-
chées. » Il y a donc du Des morceaux de Cava- avec quelque chose qui est encore plus roles en français, reprises du Grand Jojo,
Galliano sur cet album, nagh, des morceaux de profond que les mots, le son abstrait des de Plastic Bertrand et d’Arno, chansons
dont le fameux New York Miley et deux reprises. instruments. C’est pour cela que je crois typées genre Parc Duden Blues. C’est
Tango, mais aussi du l’une du Royals de Lorde qu’il n’y a aucun problème à mêler un drôle, amusant et parfois revendicatif. Le
Piazzola, du Misraki, du et l’autre, All the things in instrument sud-africain à un autre asia- spectacle ambulant de la Krewe, on
Gainsbourg et même une their right places, faite de tique. C’est la même nécessité d’exprimer pourra le voir au Festival de théâtre de
Gnossienne de Satie. Le Everything in its right place nos désirs, nos besoins, notre tristesse, Liège, le 27 janvier, au centre-ville de
public est ravi, d’ailleurs il de Radiohead et de All the notre joie. » CQFD. J.-C. V. Bruxelles pour le Mardi Gras 2023 le 21
chante sur La Javanaise. Et things you are de Jerome février, et le jeudi 30 mars lors d’une
on a envie de chanter Kern, qui inaugure l’album parade en l’honneur de l’Union saint-
aussi. Pour partager avec et lance véritablement gilloise. N’hésitez pas. JEAN-CLAUDE
Galliano & Co ce moment cette musique profonde VANTROYEN
tendre et beau. J.-C. V. et emballante. J.-C. V.

MAD Mercredi 25 janvier 2023


24 MUSIQUES CRITIQUES SÉLECTION DE LA SEMAINE
Dropkick Murphys Bruckner 7 par l’OPRL
pendant son combat Forest National, mercredi 25. Salle Philharmonique de Liège,
contre le cancer. Une Le gang celtico-punk de
samedi 28 et Kursaal d’Ostende,
dimanche 29.
maladie qui a refait sur- Boston sera non seulement
face six ans après une Gergely Madaras et l’Or-
accompagné de Jesse Ahern
rémission, engendrant chestre Philharmonique Royal
en opening act, mais aussi
des vagues d’émotions, de Liège explorent la puis-
par le groupe australien The
de craintes, d’espoirs. sance de la plus vivace des
Rumjacks et surtout par les
12 est un album que l’on symphonies de Bruckner.
Américains de Pennywise en
vit comme une plongée G.My
special guest ! T.C.
dans l’inconnu, délicate,
sensible, mystérieuse… Eine Alpensymfonie
Loyle Carner par le Brussels
Apportant une forme de AB, les 25 et 26.
paix et d’apaisement Un flow, une voix, des paroles
Philharmonic
Flagey, samedi 28 et dimanche
(comme dans les pre- engagées, une personnalité 29.
mières compositions, qui bouleversante et un charisme Pour ces deux concerts, le
correspondent aux pre- éblouissant… Le rappeur Brussels Philharmonic (dirigé
miers mois de la période
Ryuichi 2021-2022 que parcourt
britannique vient deux soirs
de suite présenter son troi-
pour l’occasion par Nikolaj
Szeps-Znaider) promet un
Sakamoto l’album). Puis nous en-
gouffrant dans un uni-
sième album, Hugo. Les deux
soirs sont complets. T.C.
« tonnerre dans les Alpes
avec 17 cors pendant ». À
12 vers étrange et obscur
(20220202) avant de
travers Eine Alpensymfonie
Robbie Williams de Richard Strauss, l’orchestre
★★★★☆ trouver une dimension Sportpaleis, jeudi 26.
nous plongera dans la beauté
Milan Records plus mélodique mais C’est une nouvelle fois en des Alpes bavaroises. Une
Quinzième album du toujours mélancolique mode « best of » que nous œuvre pour un orchestre
prolifique et incontour- (20220302 – sarabande). revient le chanteur anglais colossal (100 musiciens) qui
nable compositeur japo- Un voyage profond qui qui se fera une joie de re- décrit une journée à la mon-
nais Ryuichi Sakamoto, trouve ensuite une autre prendre tous ses tubes. T.C. tagne, de la rosée chatoyante
12 est un album profon- dynamique, permettant de l’aube à la tombée de la
dément intime, regrou- peut-être de se laisser Hyphen Hyphen nuit. En bonus le samedi : le
pant douze composi- aller à rêver. Comme AB, vendredi 27.
pianiste palestino-israélien
tions écrites et enregis- pour faire face à la vie et Le groupe français peinturlu- Saleem Abboud Ashkar
trées par l’artiste à Tokyo à ses énigmes. G.My ré est de retour avec un ouvrira avec le Concerto pour
nouvel album sorti la se- piano d’Edvard Grieg. G.My
maine dernière. T.C.
Hélène Duret Synestet
The Residents L’An Vert, Liège, vendredi 27, 20
Botanique, dimanche 29. h ; Jazz Station, St-Josse, samedi
28, 18 h
C’est en 1969 qu’est apparu à
San Francisco ce combo Le groupe joue les morceaux
masqué qui depuis a livré de leur album Rôles, et c’est
plus de 80 albums expéri- vachement bien. Avec Hélène
mentaux. T.C. Duret à la clarinette, Sylvain
Debaisieux au sax ténor,
Julien Libeer & Benjamin Sauzereau à la
Cappella Amsterdam guitare et Fil Caporali à la

Hildur Gudnadóttir, Cate PBA de Charleroi, jeudi 26.


Après Amsterdam et avant
contrebasse. J.-C. V.

Blanchett, Sophie Kauer Bozar (le 12 février), le pia-


niste Julien Libeer et la
Thibault Dille
& Marylène Corro
Tár Cappella Amsterdam (dir.
Full Circle, Ixelles, vendredi 27,
20 h
★★★☆☆ Daniel Reuss) font dialoguer
Une (jolie) voix, un (bel)
Deutsche Grammophon l’incontournable Clavier bien
accordéon. Un magnifique
tempéré de Bach et avec des
Un album-concept autour de Tár, film de Todd Field voyage en couleurs et en
compositions de Schütz,
(lire pp 2-3)… mais pas un album classique de charme. J.-C. V.
Hindemith, Mendelssohn ou
bande originale. Voilà l’idée de cet album centré
encore Brahms. Une ap-
autour de la compositrice islandaise Hildur Gud- Manu Hermia
proche au centre du dernier
nadóttir, auteure de la B.O. du film. Derrière sa po- & Simon Leleux
disque du pianiste toujours Caféo, Namur, vendredi 27, 21 h
chette inspirée par celle de Claudio Abbado, le
sorti chez Harmonia Mundi.
disque regroupe des titres écrits pour le film et Le saxophoniste et le percus-
G.My
d’autres inspirés par celui-ci. Une proposition qui sionniste dans des magni-
crée des atmosphères, des ambiances, une noirceur fiques Murmures de l’Orient.
assez captivante (que l’on retrouvait déjà dans Joker, Des explorateurs, des impro-
pour lequel Gudnadóttir a reçu un Oscar) et qui visateurs. J.-C. V.
démontre aussi le talent de la compositrice. En bo-
nus – parfois anecdotique, l’Orchestre philharmo-
nique de Dresde dirigé (assez justement) par l’ac-
trice Cate Blanchett dans Mahler 5, le concerto d’El-
gar par la jeune Sophie Kauer et le LSO ou encore
des extraits de conversations lors des sessions d’en-
registrement à Abbey Road. G.My

MAD Mercredi 25 janvier 2023


SCÈNES À NE PAS MANQUER 25
À cheval sur le dos Edmond contagieuse, cette façon de perdues parmi le public,
des oiseaux ★★★☆☆ briser sans cesse le cadre. plongeant ici dans le regard
★★★★☆ Palace, Ath C.Ma. d’une spectatrice, interpel-
La Vènerie-Espace Delvaux Plus qu’une pièce d’Alexis lant là un spectateur. Ainsi
Après le sublime Enfant Michalik, c’est une formi- Extrême/Malecane la faillite générale de cette
sauvage, la très bourdieu- dable machine à jouer que ★★★☆☆ société devient insidieuse-
sienne Céline Delbecq met en scène Michel Kace- Théâtre de Liège ment la nôtre. C.Ma.
poursuit son incursion nelenbogen pour raconter Pendant trois ans, Paola
auprès des êtres broyés par l’histoire d’Edmond Ros- Pisciottano est allée à la Koulounisation
un système censé les proté- tand, en pleine création de rencontre de jeunes Euro- ★★★★☆
ger. Seule sur scène, Véro- Cyrano de Bergerac. Douze péens pour tenter de com- Théâtre de Liège
nique Dumont incarne une comédiens, une mise en prendre la montée des Algérien d’origine, Salim
femme placée en institu- scène rythmée où les dé- discours extrémistes et des Djaferi a interrogé son
tion, dans sa jeunesse, cors et les costumes vire- revendications identitaires entourage pour savoir
parce qu’issue d’un milieu voltent, des tirades gour- qui traversent aujourd’hui la comment on traduisait
précarisé et montre com- mandes et des ressorts jeunesse. Sur scène, quatre colonisation en arabe et
ment cela l’a, à tout jamais, vaudevillesques : Edmond artistes, issus eux aussi de nous présente les résultats
privée d’autodétermination. est une savoureuse déclara- pays en prise avec cette de son enquête. Glissant
Un solo subtil et déchirant tion d’amour au théâtre. montée de l’extrême droite, constamment de l’intime à
doublé, en creux, d’une C.Ma. restituent ces portraits, sans l’universel, il parle de littéra-
analyse implacable de la aucune démagogie mais ture, de sémantique, d’inter-
machine sociale. C.Ma. En attendant la fin avec un naturalisme épous- férences phonétiques et
★★★☆☆ touflant, le tout mis en d’emprunts linguistiques…
Chiens de faïence Centre culturel, Dinant scène avec décalage mais Avec un humour et une
★★☆☆☆ Renversée par un camion- sans jugement. C.Ma. douceur qui rendent encore
Rideau de Bruxelles ; Studio 12, poubelle, Alice se retrouve plus glaçants les moments
Louvain-la-Neuve
dans un étrange no man’s Géants où soudain la réalité des
Un homme et sa compagne land en compagnie de la ★★☆☆☆ choses nous apparaît. Sans
débarquent dans les cou- mort, petite bonne femme Théâtre Varia avoir l’air d’y toucher,
lisses d’un concert de Death en short bleu électrique qui Habituées à revisiter les l’image, le geste, l’objet se
Metal. L’homme veut voir sa tente de la préparer pour la grands classiques, les Karya- joignent aux mots, l’aidant à
fille, la chanteuse, pour la suite. Parce qu’il y a une tides frottent cette fois leur construire, littéralement,
féliciter. Mo, chargé de la suite… Absurde et souvent théâtre d’objet à Rabelais. son propos. On rit beau-
sécurité, l’empêche de hilarante, cette comédie de Sans esquiver les facettes coup et on apprend beau-
passer. Le ton monte et le Dominique Bréda portée scatologiques de l’œuvre, la coup plus encore… J.-M.W.
père déverse insultes et par cinq comédiens cam- pièce distille aussi des
provocations sur celui qui, pant une multitude de allusions plus politiques à la La méthode du
impassible, lui fait face. Un personnages, aborde de surconsommation ou à docteur Spongiak
affrontement mettant en multiples grandes questions l’abus de pouvoir. Si la mise ★★★☆☆
lumière les logiques de philosophiques avec un en scène n’a pas la minutie Centre culturel, Uccle
conflit et de pouvoir dans humour déjanté plutôt d’œuvres précédentes Sur le plateau, trois rétro-
les rapports sociaux mais réjouissant. J.-M.W. comme Frankenstein ou Les projecteurs donnent à
aussi les mystères de Misérables, les comédiens l’ensemble un petit air de
l’amour. J.-M.W. En une nuit – Notes déploient un univers joyeu- laboratoire de science-
pour un spectacle à sement bigarré et inventif. fiction à l’ancienne. Ils
Dimanche faire Jouant habilement sur les serviront à faire naître, sur
★★★★☆ ★★★☆☆ perspectives pour mieux un fond de scène transfor-
Théâtre Les Tanneurs Théâtre de Liège rendre la cruauté des mé en multi-écrans, les
Julie Tenret, Sicaire Durieux Pasolini, sa pensée, ses géants envers leurs minus- aventures de la petite Loïse,
et Sandrine Heyraud écrits, sa vie : tout cela cules sujets, le spectacle adorable sale gamine, dont
prouvent qu’on peut carbu- devient une grande boîte crée des tableaux joyeuse- la mère apprend avec effa-
rer au dérèglement clima- de jeux, un formidable ment rythmés. C.Ma. rement que le Roi va venir
tique tout en prospérant à instrument à rêver le pré- lui rendre visite. Avec son
l’énergie renouvelable, créer sent et l’avenir. Ferdinand Ivanov théâtre d’ombres cocasse et
un spectacle sur les catas- Despy, Simon Hardouin, ★★★☆☆ constamment surprenant,
trophes naturelles à venir et Justine Lequette et Eva Studio 12, Louvain-la-Neuve Moquette Productions livre
propulser un imaginaire Zingaro-Meyer composent Georges Lini opte pour une un nouvel opus dont même
plus ébouriffant que les un puzzle où chaque pièce version sobre et contempo- les enfants apparemment
pales d’une éolienne. Entre déclenche des images, des raine du chef-d’œuvre les plus dissipés (genre
marionnettes, théâtre gestes, des costumes, des tchékhovien. Pas de décor, Loïse mais dans la salle)
d’objet et prouesses phy- lumières que l’on ne cesse des costumes neutres, une suivent les moindres péripé-
siques, la pièce vous em- de déplacer dans tous les musique électro : cet Iva- ties avec un plaisir non
barque du Pôle Nord aux sens mais qui, malgré tout, nov-là trempe sa neurasthé- feint. Dès 5 ans. J.-M.W.
jungles tropicales, sans finissent par composer une nie non pas dans une Rus-
paroles mais avec mille figure pasolinienne, toute sie fantasmée mais dans
trouvailles visuelles à la en fragments fugitifs. Sans notre propre monde, notre
seconde. C.Ma. éluder son légendaire quotidien mis à nu.
pessimisme, le collectif D’ailleurs, les douze comé-
emprunte à cet éternel diens promènent leur
provocateur sa rhétorique mélancolie, leurs idéaux
jubilatoire, une faconde piétinés et leurs illusions

MAD Mercredi 25 janvier 2023


26 SCÈNES À NE PAS MANQUER
La musica deuxième dable équipe habituelle de toires et des mutations Marche salope
★★★☆☆ comédiens, aussi à l’aise biologiques. Il vaut donc ★★★☆☆
Centre culturel Jacques Franck dans le texte que dans le mieux accrocher sa ceinture Manège caserne Fonck, Liège
Un homme et une femme chant et la musique. Car si, dans ce fabuleux périple où Seule en scène, Céline
se retrouvent à la veille du dans la version originale, la généalogie n’est plus un Chariot ne dit pas un mot
prononcé de leur divorce. Borkman, banquier vivant arbre aux ramifications pendant la petite heure de
S’emparant du texte de reclus depuis un scandale statiques mais un confluent cette performance où elle
Marguerite Duras, financier, s’est mis au piano, de fleuves ou de ruisseaux s’exprime par le biais de
Guillemette Laurent en livre il est ici adepte de la guitare qu’on remonte plus sporti- voix off tandis qu’elle effec-
une version magnifique, électrique tout comme les vement qu’une rivière tue sur le plateau une série
dépouillée, pleine différents comédiens/ sauvage pour découvrir que d’actions symboliques,
d’humour et d’émotion, personnages qui nous nous sommes tous cousins. poétiques, reliant petit à
faisant entendre comme entraînent régulièrement Drôle et terriblement hu- petit tous les fils d’un dis-
jamais toutes les nuances dans de saignantes inter- main. C.Ma. cours autour du viol et de la
de la langue de Duras. Le prétations de titres rock. Et mémoire traumatique qui
tout servi par deux ceci sans jamais oublier le Maman de l’autre en résulte. Puissant, trou-
formidables acteurs, récit de cette famille déchi- côté blant, totalement original
Catherine Salée et Yoann rée par des questions d’ar- ★★☆☆☆ dans sa forme, très docu-
Blanc. J.-M.W. gent et d’amour. Brûlant. Théâtre de la Vie menté et informatif, avec en
J.-M.W. Deux sœurs se retrouvent prime des touches d’hu-
Les Borkman au chevet de leur mère mour et de poésie renfor-
★★★★☆ L.U.C.A. vivant sa dernière nuit. çant encore le propos.
Théâtre Les Tanneurs ★★★☆☆ L’une, née d’un père égyp- J.-M.W.
S’emparant de John Gabriel Théâtre Varia tien, est toujours restée à
Borkman, la pièce d’Ibsen, Comédiens belges d’origine ses côtés, l’autre, fille d’un Mitten Wir Im Leben
Christophe Sermet en italienne, Hervé Guerrisi et architecte belge, vit aux Sind. Bach 6
donne une version très Grégory Carnoli croisent États-Unis. Tandis qu’elles se Cellosuites
actuelle sous le titre Les leurs trajectoires familiales souviennent des bons et ★★★☆☆
Borkman, avec sa formi- avec celle des flux migra- mauvais moments aux Rosas Performance Space
côtés de cette mère dure, Anne Teresa De Keersmae-
maniant volontiers l’ironie, ker s’associe au violoncel-
cette dernière, dans la liste Jean-Guihen Queyras
chambre voisine dévoile, pour une exploration ma-
pour les spectateurs uni- gistrale des 6 suites de Bach
20013940 quement, son autre visage : pour violoncelle. Pour les
une femme passionnée, quatre premières, un dan-
Avec Cindy Besson, Didier Colfs, Enea Davia, Soufi an El Boubsi,
Margaux Frichet, Maxime Laal Riahi, Nicolas Ossowski, Benjamin Van Belleghem, amoureuse, émouvante, seur différent livre chaque
Valentin Vanstechelman, Anouchka Vingtier ayant tout fait pour rendre fois un solo nourri de sa
ses filles indépendantes en propre personnalité et des
préférant la distance à la phrases chorégraphiques
tendresse. J.-M.W. livrées par Anne Teresa De
Keersmaeker. Dans la cin-
Marcel quième, le musicien se
★★★★☆ retrouve seul avant l’envo-
Théâtre royal, Namur lée finale rassemblant tous
Oui, un homme et une les participants dans la
femme peuvent être alliés sixième. J.-M.W.
dans la déconstruction des
privilèges patriarcaux. Ils Norman, c’est
peuvent même le faire avec comme normal à une
beaucoup d’humour. La lettre près
preuve avec Jessica Gazon ★★★★☆
et Thibaut Nève dans cette La Raffinerie ; Écuries Charleroi-
Danse, Charleroi
pièce où Proust sert à
dynamiter les codes de la Trajectoire d’un petit gar-
19.01 > 18.02.2023 masculinité. Attention, il çon qui vit un enfer depuis
faut d’abord passer une qu’il va à l’école en robe, la

LA NUIT première partie désarçon-


nante avant d’assister à une
joute brillante sur les rap-
pièce de Marie Henry se
poursuit par des rencontres
avec les enfants, autour du

DES ROIS
Éditeur responsable : Thierry Debroux, 3 rue de la Loi 1000 Bruxelles | © photo : SciePro | Conception Graphique : inextenso.be

ports de genre. Sans jamais « il », du « elle » et du « iel ».


sombrer dans la démonstra- Formidablement interpré-
de William SHAKESPEARE tion militante, la pièce joue tée, la pièce aborde un
Mise en scène Daphné D’HEUR Assistanat Catherine COUCHARD
Scénographie Vincent BRESMAL et Matthieu DELCOURT Costumes Anne GUILLERAY au contraire avec l’ironie, thème sensible sans jamais
Lumières Philippe CATALANO Maquillages et coiffures Florence JASSELETTE l’autofiction, le théâtre, tomber dans la mièvrerie.
Chorégraphie des combats Jacques CAPPELLE Création musicale Daphné D’HEUR
En coproduction avec Shelter Prod, avec le soutien de ING et du Tax Shelter du Gouvernement fédéral belge. ouvrant de ludiques fe- Au contraire, la mise en
Avec l’aide du programme d’initiation scolaire du SPFB.

nêtres d’espoir et de récon- scène de Clément Thirion


ciliation des sexes. C.Ma. en fait une fable pop, qui
ne gomme pas pour autant
les aspérités cruelles de
l’histoire. C.Ma.

MAD Mercredi 25 janvier 2023


22
Portraits sans ments clos. Onirique, fan-
23
paysage tastique et servi par des
★★★★☆ interprètes à la virtuosité

EXTREME/
Théâtre royal, Namur hallucinante, un spectacle
Le Nimis Groupe frappe fascinant et hallucinant
fort, une fois encore. Après entre cinéma (façon David
le formidable Ceux que j’ai Lynch ou Stephen King),

MALECANE
rencontrés ne m’ont danse et théâtre fantas-
peut-être pas vu, écrit et tique. J.-M.W.
joué avec six demandeurs
d’asile, le collectif continue Violence and son
de scruter les politiques ★★★★☆
migratoires. Travail Eden, Charleroi PAOLA PISCIOTTANO
d’enquête au long cours, En une pièce plus juteuse et
mise en scène rythmée : imprévisible qu’un christ-
leur nouvelle création mas pudding, Gary Owen
fouille ici un angle mort de décrypte l’atavisme, mais
nos démocraties aussi ce qu’un environne-
européennes : les dispositifs ment social transmet insi-
d’enfermement pour dieusement, le tout orches-
étrangers. Implacable ! C.Ma. tré autour du legs encom-
brant d’un père à son fils.
Pouvoir Depuis que sa mère est
★★★☆☆ morte, Liam, 17 ans, habite
La Balsamine avec un père macho, alcoo-
Comme chaque soir, entou- lique, violent. Adolescent
rée des trois manipulateurs sensible, à l’opposé de la
31.01 › 3.02

© Joan Calvet
qui lui donnent vie, la virilité belliqueuse de son
marionnette joue le rôle paternel, Liam en pince
d’un prince prêt à renverser pour Jen mais déborde de LA CITÉ MIROIR
son père, le roi, pour maladresse à l’égard des
prendre le pouvoir aux filles. Hélas, le modèle
côtés du peuple… Mais ce ultradominant de son père
soir, la marionnette en a va faire d’imperceptibles

EN UNE NUIT
marre de jouer son rôle. Elle ravages. Un huis clos bluf-
se rebelle, interpelle le trio, fant sur le conditionnement
demande l’avis du public et social, le consentement, la
parvient à convaincre transmission familiale. C.Ma.
chacun qu’un autre récit est
possible… Une exploration Zaï Zaï
NOTES POUR UN SPECTACLE
des mécanismes de la ★★★☆☆ FERDINAND DESPY, SIMON HARDOUIN,
démocratie par le biais Centre culturel, Verviers ; Centre
culturel, Remicourt JUSTINE LEQUETTE ET EVA ZINGARO-MEYER
d’une marionnette formida-
blement animée par Le Collectif Mensuel adapte
l’équipe d’Une Tribu Collec- à la scène la BD à succès de
tif qui parvient à la rendre Fabcaro. La troupe lui
aussi vivante que chacun donne des accents belges
d’entre nous. À moins et en fait un roman-photo
que… J.-M.W. théâtral. Une comédie
loufoque où affleure une
Stand By
★★★☆☆
satire décapante de la
société : emballement 31.01 › 3.02
© Elsa Seguier Faucher
Théâtre Marni médiatique, complotisme,
SALLE DE L’ŒIL VERT
Voir en page 5. racisme, délire sécuritaire,
aveuglement consumériste.
Triptych : The Alors que défilent des
missing door, the centaines de photos, les
lost room and The comédiens et musiciens
Hidden Floor réalisent les bruitages en
★★★★☆
direct, assument les voix
des personnages aperçus à
Central, La Louvière
l’écran et assurent la mu-
Avec ce Triptych, Peeping
sique live. C.Ma.
Tom rassemble trois courtes
pièces The Missing Door, The
Lost Room et The Hidden
Floor. Soit : La porte man-
quante, La chambre perdue
et L’étage caché. Tout un
programme mettant en
scène des personnages
égarés dans des environne-

MAD Mercredi 25 janvier 2023


28 SCÈNES

Le chorégraphe camerounais ouvre


l’édition 2023 du festival avec
« Shadow Survivors » et « L’opéra du
villageois ».

ENTRETIEN
JEAN-MARIE WYNANTS

etrouvant son rythme habituel


R après les reports dus à la crise du
covid, le Festival de Liège s’ouvre avec
deux spectacles du danseur et choré-
graphe camerounais Zora Snake. Deux
pièces nourries du parcours de ce créa-
teur alliant la culture de son village à sa
pratique du hip hop et son besoin d’évo-
quer les thèmes les plus actuels à travers

Zora Snake au Festival


le mouvement.

Vous présentez deux spectacles au


Festival de Liège. De quoi s’agit-il ?
Shadow Survivors, qui ouvre le festival,
est construit sur cette manière de tra-
vailler l’espace intérieur et extérieur qui
est propre à mon travail. L’autre spec-
de Liège : le corps
tacle, L’opéra du villageois, je le vois
plus dans l’espace du bar. C’est une per-
formance solo dans laquelle je travaille
les notions d’espace et surtout des es-
dans tout son état
paces autres que ceux du théâtre avec sa Votre parcours de danseur reflète cela ? faut le jour, et quel type de danse il faut
scène, ses sièges, etc. Oui, j’ai grandi au village, à l’ouest du la nuit… Tout ça, c’est le corps, l’oralité,
Cameroun. Plus tard, ma mère m’a ame- pour transmettre le corps de nos an-
Vous expliquez que ce qui compte pour né à Douala où j’ai fait de la danse hip cêtres.
vous, ce n’est pas la technique mais ce hop, beaucoup de battle. J’ai continué Du coup, mes créations passent toujours
que chacun apporte dans une équipe. ensuite à Yaounde. C’est à partir de là d’abord par l’expression du corps dans
Au Cameroun, nous avons grandi dans que je me suis mis à chercher plus loin et tout son état et dans tout son être : les
un autre contexte, avec d’autres in- à construire mon langage. Et je me suis cheveux, les yeux, les narines, la bouche,
fluences, plus spontanées, qui viennent rendu compte qu’on pouvait écrire une la langue, les oreilles, le cou, la poitrine,
de la condition de notre existence. Au thématique et la danser, aller au-delà de le torse, toutes les articulations du corps
Cameroun, on vit au quotidien, on vit la technique pour défendre un propos. jusqu’aux orteils. Tout ça danse. C’est un
dans cette espèce de survie où il faut Par ailleurs, ma grand-mère était une mouvement, un langage. Dans mes
trouver la lumière du jour, c’est-à-dire grande musicienne et poète, mon père créations j’utilise d’abord l’être, ce qu’il
l’espoir. Du coup, cette recherche de l’es- était un grand poète, un grand conteur. peut exprimer, ce qu’il reçoit de l’huma-
poir, on la vit quotidiennement dans Chez nous, il n’y a pas de conservatoire, nité et ce qu’il peut partager avec l’hu-
tout notre être. On la pense moins mais de cours de danse. Mais les grands-ma- manité sans toutefois passer par la tech-
on la vit plus. On engage beaucoup mans savaient danser et savent quel type nique. Celle-ci vient après. Le plus im-
notre corps dans cette quête de l’espoir. de danse va avec tel type de cérémonie. portant, c’est le corps : qu’est-ce qui se
Donc, pour moi, il n’y a pas le temps de Elle te décrypte pourquoi on tape trois passe en nous. Comment ce corps
réfléchir à la technique de « comment fois le pied au sol et on fait trembler la bouillonne en nous dans cette société
faire pour manger », par exemple. Mais poitrine. Elles t’expliquent toute cette actuelle aussi dure. Comment faire pour
il y a le temps d’engager son corps pour construction de la danse connectée aux résister, survivre et penser l’espoir ?
aller chercher de quoi manger. esprits. Et aussi quel type de danse il

GRANDE
CONFÉRENCE

GRANDE BARBARA
CASSIN
CONFÉRENCE

ÉRIC FIAT PHILOLOGUE, PHILOSOPHE,


IMAGE © Hannah Assouline – Éditions de l’Observatoire

PHILOSOPHE CONCERT MEMBRE DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE

SONICO
ENTRETIEN AVEC Martin Legros ENTRETIEN AVEC Martin Legros
IMAGE © John Foley / Opale / éditions Fayard

AU PIANO Karol Beff a AU SAXOPHONE Raphaël Imbert

Que faire Piazzolla–Rovira Le bonheur a-t-il


de notre fatigue ? plusieurs langues ?
WOLUBILIS.BE

THE EDGE OF TANGO


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© Griet De Cort

25 / 01 / 2023 10 / 02 / 2023 15 / 02 / 2023


29

Pour cela, il faut des danseurs prêts à roun. Ça part du Cameroun pour parler cela devient comme un opéra. Ma mère
travailler de cette façon, à amener du monde entier et, au fur et à mesure, qui cultive au village et qui chante avec
quelque chose sur le plateau plutôt sur le plateau, les corps explosent mais les tonalités justes, c’est de l’opéra aussi.
qu’à faire ce qu’on leur dit de faire… dans cette explosion, il y a une lueur Le village est un opéra en soi. On a aussi
Bien sûr. Quand j’ai une création, je me d’espoir… cette richesse.
projette dans ce que j’ai envie de propo- Nos aïeux qu’on traitait d’incivilisés ont
ser, de défendre. Et puis, par rapport à Et en ce qui concerne « L’opéra du villa- développé tout un imaginaire et fabri-
mon vocabulaire, à mon degré de folie geois » ? qué des œuvres d’art, créé des manières
dans la création, je lance un appel à can- Là, c’est différent. En fait, tous mes pro- de bouger, de danser dans des cérémo-
didature, je fais un casting ou je sélec- jets sont écrits comme une dramaturgie nies, des mises en scène très précises de
tionne des danseurs qui me semblent longue, comme une histoire qui ne va ces célébrations… Tout ça, c’est de l’opé-
être aussi à cet endroit-là : des gens qui pas se terminer… Tous les thèmes sont ra, en fait. Du coup, pourquoi pas créer
brisent les frontières et qui osent se ré- reliés en fonction de ce qui se passe au- une pièce autour de mon village ? Avec
inventer quotidiennement quand ils tour nous, aussi bien dans l’actualité que le choc entre ces deux mots « opéra » et
créent. C’est pour cela que dans les ate- dans notre vie personnelle. L’opéra du « villageois ». Pour moi un chorégraphe,
liers que j’anime, y compris avec les dan- villageois vient du fait que j’ai joué dans c’est comme un sculpteur qui travaille le
seurs camerounais, je les forme à deve- des opéras, avec Fabrice Murgia. Je me mouvement pour créer sa statuette.
nir de futurs créateurs et pas seulement suis dit que ce silence qui grondait de- Donc ici, j’ai eu l’idée de mettre en relief
des interprètes. La chose la plus impor- puis un moment et toutes les révélations l’or et le sel pour rappeler cette époque
tante c’est d’être créateur et, alors, tu actuelles qui concernent notamment la de commerce triangulaire où on nous a
« Shadow peux apporter quelque chose de plus restitution des œuvres dans les musées, flattés avec du sel et on a pris notre or.
Survivors » comme interprète. Pour moi, le choré- cela vient de nos aïeux aussi. Ils étaient C’est une manière aussi de faire vivre
de Zora graphe est celui qui pense le mouvement de grands artistes, de grands poètes, qui cette richesse de notre village et de
Snake autrement et qui donne la liberté aux pensaient le monde bien avant notre convoquer le sel, comme le blanc de
ouvre danseurs d’explorer son idée. Et c’est naissance. Ils savaient que leur corps l’histoire. Le tout autour d’un drapeau
l’édition dans cette exploration que le choré- était périssable et allait disparaître. de l’Union européenne… L’opéra du vil-
2023 du graphe sculpte le mouvement pour at- Alors, ils ont transféré leur savoir, leur lageois, c’est ça : sortir du silence de nos
Festival de teindre ses objectifs. richesse artistique, dans les œuvres aïeux qui se taisaient, non par peur,
Liège. d’art. Dès lors, pour moi les œuvres d’art mais parce qu’ils savaient qu’on allait
© MAX MBAKOP De quoi parle « Shadow Survivors » ? deviennent très vivantes, très riches et venir…
Le titre est en anglais parce qu’à l’heure
actuelle, au Cameroun, au Nord-Ouest
et au Sud-Ouest, il y a une guerre qui di-
vise anglophones et francophones. C’est 20013411

une guerre politique, depuis 2016, mais


qui remonte aussi aux luttes pour l’indé-
pendance avec les conventions signées Théâtre Royal des Galeries
entre la partie francophone et la partie
anglophone du pays. Cette guerre s’est Directeur : David Michels

amplifiée parce que les anglophones se


sont sentis de plus en plus marginalisés.

Mémoire
Ils ont donc décidé de demander un dia-

La
logue national mais qui n’a pas abouti,
d’où le conflit actuel. Et cette zone est
frontalière avec la région

« Shadow
d’où je viens et où je vois
ces familles déplacées qui
ont perdu des parents,
de l’eau
Survivors » etc. Je discute avec eux ré- de Shelagh Stephenson

« L’opéra du gulièrement et j’ai voulu,


comme créateur, partir de
adaptation de Brigitte Buc et Fabrice Gardin

villageois » cette guerre-là pour par-


ler de ce qui se passe au-
Les 27 et 28 janvier au Manège
Fonck à Liège, jourd’hui dans le monde,
www.festivaldeliege. be y compris par exemple en Avec Christel Pedrinelli,
Ukraine. Shadow survi- Séverine De Witte, Laura Fautré,
vors, c’est un peu les survivants de Bénédicte Chabot, Frédéric Nyssen
l’ombre. Que reste-t-il comme vestiges, et David Leclercq.
comme repères de cette dure lutte d’in-
dépendance pour les générations au- Mise en scène : Fabrice Gardin
jourd’hui ? Et nous, de cette génération, Décor : Lionel Lesire
www.trg.be
Costumes : Sophie Malacord
que pouvons-nous laisser aux généra- Lumières : Félicien Van Kriekinge 02 512 04 07
tions suivantes. Et comment ? C’est cela
qui me fait créer un langage dansé. Nos
corps deviennent les témoins, le souffle
de ces personnes. Des témoins de
Du 1 au 26 février 2023
l’ombre. En cela, Shadow Survivors
vient créer un endroit d’éclatement
entre cette histoire des luttes d’indépen- En coproduction avec La Coop asbl et Shelter Prod
dance, ce que nous vivons aujourd’hui avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge

dans notre société, et pas qu’au Came-

MAD Mercredi 25 janvier 2023


30 ARTS PLASTIQUES EXPOSITIONS

De l’univers d’un solitaire à


des collaborations particulières
L’Art et Marges Musée
présente deux expositions
dans le cadre de Photo/Brut
BXL : un parcours consacré
à Jean-Marie Massou
et un autre aux chantiers
collaboratifs à la « S » Grand
Atelier.

JEAN-MARIE WYNANTS

eux expositions pour le prix d’une,


D à l’Art et Marges Musée à l’occa-
sion du programme Photo/Brut BXL.
Consacré en permanence à l’univers de
l’art brut, le lieu accueille tout d’abord
l’étonnant travail de Jean-Marie Mas-
sou, occupant tout le rez-de-chaussée.
Dans ce parcours monographique, on Anonyme, Jean-Marie Massou en train de graver. De l’exposition « Si tu
découvre l’univers de cet homme vivant A l’arrière-plan, sa mère, Paulette. © ARCHIVES LE SIDÉRAL n’viens pas, j’te scalpe ».
en solitaire dans une forêt du Lot. L’ex- © VINCENT BEECKMAN
position ne donne, on s’en doute, qu’une
faible idée du monde dans lequel il évo-
luait. Mais elle permet de découvrir les
étonnantes créations qu’il réalisait sous
les formes les plus diverses. On plonge
dans les galeries souterraines qu’il creu-
sait, on découvre ses pierres sculptées,
les étonnants collages réalisés à partir
de magazines et mêlant portraits de ve-
dettes et jouets, sa collection d’enregis-
treurs à cassettes et les récits, rêves et
autres discours qu’il y laissait, ses préoc-
cupations quant à l’état du monde ou
l’arrivée prochaine des extraterrestres…
Un monde aussi étrange que fascinant
que l’on retrouve également dans un
livre publié à cette occasion.
Un autre livre permet de retrouver les
portraits et les textes de Vincen Beeck-
man consacrés à sa collaboration avec la
Devinière, lieu de psychothérapie insti- De l’exposition « Parte-
tutionnelle dont il fréquente les rési- naires particuliers ».
dents et soignants depuis de nom- © VINCENT BEECKMAN ET LA « S » Jean-Marie Massou
breuses années. Si l’exposition de ce tra-
vail se terminait le 15 janvier, elle est dé-
GRAND ATELIER.
Partenaires Particuliers
sormais remplacée par une autre ★★★☆☆
proposition de Vincen Beeckman, dans Jusqu’au 19 mars à l’Art et Marges Musées, www.artetmarges.be
le cadre cette fois d’une collaboration
avec La « S » Grand Atelier. Sous le titre La Jean-Marie
Partenaires particuliers, on découvre Devinière Massou
les collaborations entre auteurs-trices ★★★☆☆ ★★★☆☆
d’art brut et artistes contemporains qui VINCEN COLLECTIF
s’y sont développées au fil des ans. Un BEECKMAN Knock Outsi-
Delpire der, La Belle
mélange de photographies et d’œuvres éditeur, Brute, Art et
réalisées à la S mais aussi à l’atelier Blu 192 p., 42 €. Marges
Cammelo de Livourne travaillant sur le Musée, 208
même principe. p., 25 €

MAD Mercredi 25 janvier 2023


ARTS PLASTIQUES À NE PAS MANQUER 31
Arié Mandelbaum
★★★☆☆
Jusqu’au 5 mars au Musée Juif de
Belgique, www.mjb-jmb.org.
A plus de 80 ans, le peintre né
en 1939 n’avait encore jamais
fait l’objet d’une vraie rétros-
pective. Celle-ci était pour-
tant indispensable si l’on en
juge par le parcours proposé
au Musée Juif de Belgique.
On y découvre les toiles d’un
homme bouleversé, révolté,
passant de sujets intimes à
l’histoire du monde et ne
cessant jamais de chercher
comment évoquer à travers
son art les grands thèmes qui
le questionnent.
Le jeune Arié peint ses
proches, ses parents, son
intimité. Il plonge aussi dans
les mouvements d’une
époque de révolte. Sa pein-
ture est alors explosive,
expressionniste, traversée de
slogans politiques. Mais au
milieu de cette débauche Les fabriques du cœur : David Claerbout, «The Close», extrait de la vidéo, en collaboration
d’énergie et de colère, une avec le Concertgebouw Brugge et le Vlaams Radiokoor, 2022. © COURTESY DE L’ARTISTE ET LES GALERIES
grande toile montrant une MICHELINE SZWAJCER, ESTHER SCHIPPER, SEAN KELLY, RÜDIGER SCHÖTTLE, PEDRO CERA, ANNET GELINK
fois encore la famille tend
vers une autre direction. Une
sorte de simplification, de Musée des arts contempo-
quête de l’essentiel. Celle qui rains de la Fédération Wallo-
le mènera au dépouillement nie-Bruxelles, Denis Gielen, 20013520

magistral de ses œuvres les directeur de l’institution, a


plus récentes. Les slogans, les demandé à Laurent Busine,
SA 17 DÉCEMBRE LE BAL DES ROTHSCHILD
20H
bouches hurlantes, les explo- qui présida à la naissance de SOIRÉE COSTUMÉE ANNÉE 20
sions de couleurs cèdent la celle-ci, de créer un parcours
place à d’autres formes, à sa façon : poétique, mali-
2022

comme dans l’évocation cieux, surprenant et émou-


2023

tragique de son fils assassiné, vant. Un parcours tout en L I È G E


la vue d’un amandier (traduc- finesse, reliant les œuvres par
tion française de Mandel- des fils invisibles mais que
baum) planté en son souvenir chacun peut détecter avec un
dans le jardin de la maison en minimum d’attention. On
Gaume, la silhouette d’un voyage ainsi de salle en salle,
gorille dans un zoo… d’univers en univers comme
Plus on avance et plus on est dans un de ces livres de
ébloui et bouleversé à la fois : contes que Laurent Busine
les œuvres les plus récentes affectionne. On y croise bien
évoquant avec un dépouille- sûr les noms de quelques-uns
ment extrême les tortures de ceux qui marquèrent ces
d’Abu Ghraib, l’assassinat de vingt années : Giuseppe
Patrice Lumumba, la Shoah et Penone, José Maria Sicilia,
toujours la famille. Désormais Balthasar Burkhard...
quelques traits de fusain et On y retrouve aussi Louise
quelques touches de couleurs Bourgeois, Angel Vergara et
sur de grandes feuilles de sa main peignant la vie réelle
papier évoquent les choses dans l’espace, David Claer-
plutôt que de nous les impo- bout avec un magnifique film

ROTHSCHILD
ser. Plus de bavardage. Juste intitulé The Close qu’il faut
l’essentiel. Et c’est simple- prendre le temps de regarder COLLECTIONNEUSES
ment magnifique. J.-M.W. de la première à la dernière
seconde. Le temps devient
Les fabriques du cœur d’ailleurs un concept très
et leur usage MÉCÈNES ET DONATRICES D'EXCEPTION
élastique dans ce parcours.
★★★★☆ On va et vient, on regarde, on
Jusqu’au 19 mars au Mac’s, rue musarde, on rebrousse che-
Sainte-Louise 82, Hornu,
www.mac-s.be min pour aller se défaire de
l’impression confuse d’être www.laboverie.com
Pour fêter les 20 ans du
passé à côté de quelque

MAD Mercredi 25 janvier 2023


32 ARTS PLASTIQUES À NE PAS MANQUER
chose, on repart en souriant Michael Dans : Urubu animaux champions du l’affût !) Et c’est bien de cela l’œil perçoit la lumière à
après avoir compris ce qui ★★★☆☆ recyclage que Michael Dans qu’il s’agit dans ce parcours travers des paupières closes
nous avait titillé…On est Jusqu’au 28 janvier, Espace 251 retrouve peu à peu son imaginé par Gregory Lang. et la grande installation de
Nord, 251 rue Vivegnis, Liège,
fasciné par les natures mortes www.e2n.be
équilibre. Au sous-sol, une « J’ai voulu présenter des Morgane Tschiember, un
de Giorgio Morandi, les autre série se déploie : les œuvres qui se montrent sous ensemble de longues bandes
A Liège, Espace 251 Nord
formidables silhouettes oursons, un des thèmes plusieurs états en fonction de de plastique bleuté descen-
présente un vaste ensemble
dessinées sur le vif de James favoris de l’artiste, avec une la présence de la lumière dant du plafond. En face,
de dessins récents de Michael
Ensor, les regards des série réalisée en parallèle des zénithale », explique-t-il. Peter Vermeersch a réalisé un
Dans, inspirés par les suites
amoureux filmés par Nicolas urubus. Un thème « Toutes nécessitent un long wall painting avec 117
des inondations de juillet
Gruppo, les formidables d’apparence sympathique, ajustement, un déplacement nuances de bleu. Dans le
2021 qui ont envahi sa
séries de Max Ernst, Joëlle voire anecdotique, mais du visiteur qui doit prendre fond de l’espace, Irma Blank
maison et détruit une grande
Tuerlinckx ou Marlène auquel Michael Dans confère du temps pour les vivre est présente avec ses Radical
partie de son travail. Au
Dumas… Laurent Busine a une ambiguïté constante à pleinement. » C’est le cas avec Writings et le collectif LAb[au]
rez-de-chaussée, on découvre
intitulé ce parcours Les travers les poses des l’installation d’Adrien Lucca présente un étonnant dip-
une impressionnante galerie
Fabriques du cœur et leur plantigrades de peluche et qui se transforme sous l’ac- tyque nous faisant traverser
de portraits d’urubus, ces
usage. Un titre poétique, les regards qu’il dessine tion de la lumière ou les plusieurs millions d’années.
vautours d’Amérique, dressés,
mystérieux mais dont le sens toujours au dernier moment peintures de Nadia Guerroui Pour autant que l’on reste à
toutes plumes dehors, le
se révèle à chaque pas et qui donnent à chacun une utilisant des pigments fluo- l’affût. J.-M.W.
regard fier comme ces
jusqu’à cette dernière salle personnalité particulière. rescents qui évoluent selon la
condottiere immortalisés par
magistrale accumulant les J.-M.W. course du soleil. Dans un Peter Lindbergh
la peinture ancienne. « Les
œuvres comme dans un autre genre, Luisa Mota fait Untold Stories
vautours ne sont pas l’animal
gigantesque cabinet de On the lookout éclater ses couleurs sur les ★★★☆☆
profiteur que l’on décrit » Jusqu’au 14 mai à l’Espace
curiosités au sortir duquel un ★★★★☆ grandes vitres entourant la
explique l’artiste. « Ils ont un Jusqu’au 28 janvier à la Fondation Vanderborght, www.peterlind-
néon jaune de Marie José petite cour jardin. Dans la bergh-brussels.com
rôle essentiel, nettoient les CAB, rue Borrens 32-34, www.fon-
Burki interroge : « Que dationcab.com.
salle centrale, on retrouve un
sols des carcasses d’animaux Photographe ayant sublimé le
pouvait bien raconter saint panneau de verre aux cou-
morts et permettent à la vie Le titre de la nouvelle exposi- noir et blanc dans la photo de
François aux oiseaux. ». Allez leurs dichroïques d’Ann
de renaître. » Vie, mort, tion du CAB en résume mode, Peter Lindbergh est à
savoir… J.-M.W. Veronica Janssens, une toile
renaissance, reconstruction… parfaitement le propos : On l’honneur à l’espace Vander-
de Dimitri Mallet tentant de
c’est en dessinant ces the Lookout (en français : A borght à l’occasion d’une
reproduire la manière dont

20013946

PROLONGATION
> 05.03 2023
Fondation Folon, La Hulpe

Infiniment vôtre
© J.J. Sempé, 2023.

www.fondationfolon.be

Michael Dans, sans-titre, de la série « urubu », 2022. © MICHAEL DANS

MAD Mercredi 25 janvier 2023


Kidorama

DERNIERS
JOURS
Expo
08.07.22—
05.03.23
Rue de la Violette 12
1000 Bruxelles—Belgique
Une initiative de l’Échevinat de la Culture de la Ville de Bruxelles fashionandlacemuseum.brussels
34 ARTS PLASTIQUES À NE PAS MANQUER
exposition monographique
qu’il avait lui-même imaginée
avant son décès en 2019.
Classé dans les photographes
de mode, il se voulait plutôt
portraitiste de la femme et
c’est cet aspect de son travail
qui est mis en valeur dans un
parcours sur quatre niveaux
composé d’images iconiques
et d’inédits. On retrouve là les
modèles les plus célèbres:
Linda Evangelista, Naomi
Campbell, Christy Turlington,
Helena Christensen, Kate
Moss mais aussi les actrices
telles que Jeanne Moreau,
Julianne Moore, Nicole
Kidman… On retrouve
surtout ces décors industriels
façon film noir, ces femmes
qui ne s’en laissent pas
conter, les visages peu
maquillés, privilégiant la
personnalité de chacune.
Quelques paysages dévoilent
l’envers du décor comme
dans cette image des lettres
On the Lookout : en se déplaçant, le visiteur suscite lui-même de formidables dialogues, comme ici entre le géantes de Hollywood vues
wall painting de Peter Vermeersch et l’installation de Morgane Tschiember. Jusqu’au 28 janvier. © D.R. de dos. Mais c’est au dernier

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20014068

ARTS PLASTIQUES À NE PAS MANQUER 35

étage que se trouve Grand Atelier, centre d’art brut


l’ensemble le plus et contemporain. J.-M.W.
impressionnant avec un
travail autour d’Elmer Caroll, Picasso & abstraction
condamné à mort en 1990 et ★★★★☆
exécuté en mai 2013. Jusqu’au 12 février aux Musées
royaux des Beaux-Arts, www.fine-
Quelques semaines plus tôt, arts-museum.be.
Lindbergh le rencontre, le
A l’occasion du programme
photographie et le filme.
international mis sur pied
Douze portraits composent
autour du cinquantenaire de
un parcours se reflétant dans
la mort de l’artiste, le 8 avril
des vitres noires et menant à
1973, les Musées royaux des
une petite salle de projection
Beaux-Arts proposent, en Okimono signé
où on le retrouve face à la
caméra durant de longues
étroite collaboration avec le Atsuyoshi.
Musée national Picasso-Paris,
minutes silencieuses où l’on D’une importante
une grande exposition sur le
est comme happé par ce
thème Picasso & Abstraction. collection d’art du
visage, cette présence et les
Si, dans son discours, Picasso a Japon.
innombrables questions qu’il
toujours rejeté l’abstraction,
nous pose. Et on sort de là
on voit dans son œuvre qu’il
chaviré, Peter Lindbergh
s’en approche à plusieurs
ayant réussi, mieux que
reprises. « Ce qui est amu-
jamais, à nous faire voir le
sant », explique Michel Dra-
visage d’un homme. Et toutes
guet, directeur des MRBAB,
ses contradictions. J.-M.W.
« c’est de constater que tous
les grands noms de l’abstrac-
Photo Brut
tion, à l’exception notable de
★★★☆☆
Jusqu’au 19 mars au Botanique et
Kandinsky, se sont inspirés de
à la Centrale, www.botanique.be, Picasso. » Mais qu’on ne s’y
www.centrale.brussels trompe pas. Ici, c’est bien Anna Boch.
« Ce qui m’intéresse, confie Picasso qui est à l’honneur,
Bruno Decharme, c’est le choc pas ceux qu’il a influencés.
esthétique de l’œuvre. Le Imprimées sur le mur de la
reste vient après. » La préci- première salle, plusieurs
sion est importante lorsqu’on déclarations soulignent sans
part à la découverte des deux ambiguïté son aversion pour
expositions principales de un style dont il nie même
Photo Brut Bxl, réalisées à l’existence réelle, affirmant
partie de la collection de ce que tout est forcément inspiré
passionné d’art brut rejetant d’une chose existante. On
tout dogmatisme. plonge ensuite dans diffé-
Loin des querelles entre ceux rentes étapes de son par-
qui lient forcément art brut et cours : intérêt pour le primiti-
handicap mental et ceux qui visme, influence de Cézanne, Commode Liégeoise d’époque Gustave Camus.
considèrent que toute œuvre compagnonnage avec
réalisée par un autodidacte Braque, redécouverte de la
Régence. Maternité.
est de l’art brut, Bruno De- sculpture ibérique, séjour
charme a constitué une fameux à Cadaqués, cubisme,
impressionnante collection de passage du plan au volume,
7 à 8.000 pièces dont un collages, puissance de la
millier appartient, de près ou couleur… Un parcours pas-
Dimanche 29 janvier à 13 h
de loin, au champ de la pho- sionnant qui s’appuie sur les
tographie. C’est une sélection très riches collections du VENTE XX
de cette catégorie d’œuvres Musée national Picasso-Paris.
qui est exposée à Bruxelles Si le thème abordé peut Exposition : du jeudi 26 au samedi 28 de 10 à 18 h
avec, à la Centrale, un focus sembler plutôt pointu, la
sur la photographie pure et, manière dont il est présenté
Antiquités-Objets d’art-Arts d’Asie
au Botanique, un parcours où ici est aussi attrayante que 400 lots provenant essentiellement de collections privées
l’image photographique est passionnante pour tous les
utilisée et détournée à travers publics, avec une multitude Samedi 28 : expertises gratuites et sans rendez-vous de
collages, montage et autres de tableaux superbes, des
coloriages. activités de médiation remar- vos antiquités sur place par Valéry et Justin Soudant
Découverte lors des Ren- quablement pensées et des
contres d’Arles 2019, la collec- textes de salle aussi docu-
tion de Bruno Decharme est mentés que vivants, permet-
augmentée, dans le parcours tant à chacun de plonger au 60 rue de Bertransart I 6280 Gerpinnes
bruxellois, d’œuvres d’artistes cœur de l’œuvre d’un artiste à
belges sélectionnées en la fois célébré et contesté. 071/50.59.95 I info@mjvsoudant.be
collaboration avec Anne- J.-M.W.
Françoise Rouche de la « S »
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MAD Mercredi 25 janvier 2023


20014036
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MAD Mercredi 25 janvier 2023


ARTS PLASTIQUES GALERIES 37

Bernard Villers chez Irène Laub :


la vie en couleurs
À la Galerie Irène Laub, l’artiste présente une série
d’œuvres, récentes pour la plupart, explorant encore et
toujours la couleur, la lumière, les reflets, la transparence.

JEAN-MARIE WYNANTS Tout est là ! Mise en relation de diffé-


rentes couleurs, variations dans les

R éputé pour son exploration de la


couleur, Bernard Villers sait aussi
user des mots avec un même mélange de
teintes, utilisation de supports bruts ap-
portant relief et volume. À l’intérieur, on
découvre quatre carrés jaunes accrochés
Bernard Villers, « Carrés noirs », 2021,
peinture acrylique sur papier. © D.R.
parcimonie et d’efficacité. Il le démontre au mur. Quatre monochromes aux
une nouvelle fois avec le titre de son ex- teintes variées peints sur d’épais pan- et sur lequel apparaissent de courtes
position chez Irène Laub : Tout est là. In- neaux de bois biseauté. De face, on ne phrases imprimées avec les cachets arti-
utile de chercher midi à quatorze heures. voit que la couleur. De côté, celle-ci varie sanaux qu’utilisait son poète de père.
Ce que l’artiste nous montre est à la fois en fonction de l’éclairage, du reflet sur Plus loin, on retrouve ce beau lettrage
d’une simplicité désarmante et d’une in- les murs. Ce jeu de reflet, on le retrouve posé sur des feuilles de papier cristal su-
telligence peu commune. dans une série de grands carrés noirs où perposées donnant une impression de
Avant même de pénétrer dans la gale- viennent s’inscrire de parfaits cercles vision troublée. Sans oublier ces in-
rie, on découvre, dans la vitrine, une sé- blancs bordés d’un rose irisé. Il faut un croyables monochromes sur planches à
rie de peintures tricolores. Du noir, du moment pour se rendre compte que les roulettes que l’on peut tirer derrière soi à
jaune, du rouge. Les couleurs nationales cercles sont découpés dans la feuille lais- l’aide de cordes d’autres couleurs. Cha-
qui se modifient, s’allègent, se densi- sant voir le mur blanc auquel elles sont cun devient ainsi créateur, en déplaçant
fient… « Adolescent, je trouvais notre accrochées. Quant au liseré rose, il s’agit l’œuvre dans l’espace puis en laissant la
drapeau tellement laid… » sourit-il. « Le du reflet du verso de la feuille, « grossiè- corde retomber, formant à chaque fois
drapeau français est séduisant, l’italien rement badigeonné » de couleur selon un dessin différent. Simplicité, efficacité,
est très joli. Le drapeau belge me sem- les termes de l’artiste. L’effet est saisis- intelligence, goût du jeu et pointe d’hu-
blait totalement disgracieux. Mais en sant, à la fois troublant et attirant. mour : tout est là !
même temps, il est sans concession, as- Ainsi va Bernard Villers, créant de
sez radical. Je me suis amusé à jouer avec merveilleuses compositions avec trois
différentes teintes de rouge et de jaune, à fois rien. Ici, des feuilles de carbone dé-
changer l’ordre des couleurs et à les chirées puis réassemblées avec un papier
peindre horizontalement. Quant au sup- collant industriel argenté. Le résultat est
port, il est fait de découpes dans des bois magnifique tout comme ces autres
de récupération assemblés un peu gros- feuilles de papier orange déchirées, re-
sièrement. » collées avec un scotch industriel bleuté

Bernard Villers, « Tout ange


est terrible », 2022, encre sur papier
calque. © D.R.

Bernard Villers
Bernard Villers, vue de l’exposition, Tout est là
« Tout est là » à la Galerie Irène Laub, Jusqu’au 25 février à la Galerie Irène Laub, 28 rue
Bruxelles 2023. © D.R. Van Eyck, 1050 Bruxelles, www.irenelaubgallery.com

MAD Mercredi 25 janvier 2023


38 MARCHÉ DE L’ART SALLES DE VENTE

Des oiseaux, un Bouddha et


une nymphe aux castagnettes
Une petite virée en à gauche, perché sur une branche et ca- matin au réveil. Evaluée entre 3.500 et
ché dans le feuillage, une petite per- 5.000 euros, elle est l’un des lots les
Wallonie à la découverte ruche blanche, une tourterelle ou une plus ravissants qui seront mis aux en-
des trois ventes de deux colombe, allez savoir, est le témoin im- chères dans quelques jours chez Legia
mobile de cette scène paisible tissée de Auction à Hannut, dans la province de
belles maisons d’enchères laine et de soie. Liège, en Hesbaye.
en ce tout début de février. La tapisserie de la Manufacture De belles successions de mobilier, ar-
Royale d’Aubusson a gardé de jolis co- genterie, pendules et art d’Asie qui
loris et conservé sa bordure d’origine, s’envoleront le mercredi 1er février à
semée de boutons de roses et de petits 18 heures et de tableaux, sculptures et
JULIE HUON nœuds. La Verdure aux échassiers et à céramiques, le jeudi 2 à 18 heures. Ce
l’oiseau date de la fin du XVIIe ou du second jour, on notera par exemple un
e sont deux échassiers qui se re- début XVIIIe siècle, elle présente joyeux bronze de Jef Lambeaux (1852-
C gardent. Ou plutôt, dos à dos à
chaque extrémité de la tapisserie, ils se
quelques usures dans les soies et d’an-
ciennes restaurations. Elle a aussi été
1908), La Folle Chanson. Où une
nymphe nue jouant des castagnettes
retournent l’un vers l’autre. Celui de diminuée en hauteur et probablement fredonne un air à l’oreille d’un faune,
droite, d’ailleurs, n’est peut-être pas un en largeur, pour une taille actuelle de 3 pattes de bouc élégamment croisées et,
échassier, c’est juste un grand oiseau. mètres sur 4. d’une main, repoussant un enfant trop
Entre eux, une forêt, fougères, buissons C’est le genre d’œuvres qu’on pourrait curieux. Le groupe en bronze à patine
à perte de vue, s’éclaircissant en une contempler le soir, jusqu’à tomber de verte signé sur la terrasse et portant la
brume pâle dans le lointain. Et en haut sommeil, et où on se replongerait dès le marque du fondeur « Usines Vojave –

29 JAN — 5 FEB 2023

BRUSSELS EXPO I HEYSEL

ONE OF THE MOST INSPIRING FAIRS IN THE WORLD

www.brafa.art
39

« Bouddha assis prenant la Terre à
témoin (Bhûmisparsha­mudrā) »,
dynastie Qing (Chine), estimé 2.000 et
3.000 €. Chez Phoenix. © D.R.

Ste An – Bruxelles » est estimé 2.500- « La Verdure aux échassiers et à


3.000 euros pour une dimension de 84 l’oiseau » (Aubusson), tapisserie
x 44 cm. estimée 3.500 ­ 5.000 €. Chez
Legia. © D.R.
La sagesse de Bouddha
Chez Phoenix Auction, à Wavre, on
surveille l’évolution de la vente en ligne
d’antiquités et d’art oriental dont les
enchères se clôtureront le 3 février à 10
heures. Parmi les lots phares, ce beau
Bouddha assis prenant la Terre à té-
moin (Bhûmisparsha-mudra), dynastie
Qing (Chine), possiblement XVIIIe. Un Legia Auction
très beau sujet en bronze ciselé à Vente les 1er et 2 février à 18h. Exposition des lots le
double patine (robe ornée de motifs 28 janvier de 10 à 18h , le 29 de 14 à 18h, les 30 et
floraux or) mis à prix à 1.500 euros 31 janvier de 10 à 18h. 12 rue de Cras-Avernas, 4280
Bertrée (Hannut). www.legia-auction.com/
pour une estimation entre 2.000 et
3.000 euros.
Plus de 250 autres pièces, à des prix
Phoenix Auction
bien plus raisonnables, attendent pa- Vente en ligne jusqu’au 3 février à 10 h. Exposition le « La Folle Chanson », bronze de Jef
31 janvier de 14 à 18h et le 1er février de 10 à 18h ou
tiemment sur le site de la maison Phoe- sur rendez-vous. 5 av. Edison, 1300 Wavre. Lambeaux (1852­1908) estimé 2.500­
nix qu’on en tombe amoureux. www.phoenix-auction.com/ 3.000 €. Chez Legia. © D.R.

20013542

CALENDRIER DES SALLES DE VENTES


JANVIER Vente d’Antiquités, Objets d’Art &
Art d’Asie
Vente Arts of Africa, the Pacific 07/02
MONT DE PIÉTÉ
& the Americas
25/01 1000 Bruxelles
Hôtel de Ventes VANDERKINDERE 30/01 01 - 02/02
HAYNAULT Ventes Publiques Vente de Bijoux & Numismatique
1180 Uccle LEGIA Auction
1180 Uccle 4280 Bertrée 07 - 09/02
Vente d’Arts & d’Antiquités
Vente de Successions et Fonds de Vente d’Art & d’Antiquités - Grand CARLO BONTE Auctions
27/01 Propriété 8000 Bruges
Classique
PHOENIX Auctions Salle de Vente AMBERES Vente d’Art & d’Antiquités
1300 Wavre 03/02
2000 Anvers 09/02
Vente d’Art & d’Antiquités Vente Bourgeoise PHOENIX Auction
Hôtel de Ventes LEGROS
1300 Wavre
28/01 31/01 4800 Verviers
Vente d’Art & d’Antiquités
CAMPO & CAMPO MONT DE PIÉTÉ Vente d’Arts & d’Antiquités
2600 Anvers 1000 Bruxelles 05/02 10 - 11/02
Vente Bourgeoise Vente de Maroquinerie, Accessoires ANTENOR Auction Les Ventes DAMIEN VOGLAIRE
29/01 de Luxe & Bijoux 1000 Bruxelles 1060 Saint-Gilles
MILLON Belgique Vente de Bijoux Vente de Livres & Peintures
1040 Etterbeek FÉVRIER 06/02 11/02
Vente de Bandes Dessinées 01/02 MILLON Belgique MONT DE PIÉTÉ
MJV SOUDANT Maison de Ventes LEMPERTZ 1040 Etterbeek 1000 Bruxelles
6280 Gerpinnes 1000 Bruxelles Vente de Bijoux & Montres Vente Spéciale
Informations – Tél. 02/225.53.07

MAD Mercredi 25 janvier 2023


BELGIQUE
Maison de ventes aux enchères

VENTE EN PRÉPARATION
CONDITIONS DE VENTE EXCEPTIONNELLES
Votre œuvre avec une estimation à partir de 5 000 € : frais de 10%
Votre œuvre avec une estimation à partir de 50 000 € : frais de 0%

TABLEAUX & OBJETS D’ART - MARS 2023

Nos collectionneurs recherchent des œuvres de

Pierre ALECHINSKY Jean DELVILLE George MINNE Jean VANDEN EECKHOUDT


Gaston BERTRAND Auguste DONNAY François-Joseph NAVEZ Guy VANDENBRANDEN
Edgard TYTGAT Christian DOTREMONT Constant PERMEKE Rik WOUTERS
Jean BRUSSELMANS James ENSOR Armand RASSENFOSSE Maurice WYCKAERT
Pol BURY Pierre-Louis FLOUQUET REINHOUD Albert SERVAES
Anto CARTE Léon FREDERIC Jean RETS Frits VAN DEN BERGHE
Émile CLAUS Floris JESPERS Félicien ROPS Anna BOCH
Valerius DE SAEDELEER Fernand KHNOPFF Walter SAUER Albert SAVERYS
Gustave DE SMET Félix LABISSE Edgar SCAUFLAIRE École FLAMANDE
Léon DE SMET Walter LEBLANC Léon SPILLIAERT École HOLLANDAISE
William DEGOUVE DE NUNCQUES Georges LEMMEN Raoul UBAC École DU NORD
Jo DELAHAUT René MAGRITTE Gustave VAN DE WOESTYNE École ITALIENNE
Paul DELVAUX Constantin MEUNIER Théo VAN RYSSELBERGHE École FRANÇAISE

JOURNÉES D’ESTIMATIONS GRACIEUSES UNE FOIS PAR MOIS À


WATERLOO - SPA - LUXEMBOURG - BRUXELLES (chaque lundi)

CONTACT MILLON BELGIQUE


------------- -------------

Mélissa LAFONT Avenue des Casernes, 39 b


melissa@millon-belgique.com 1040 ETTERBEEK
+32 (0) 2/218.00.18 www.millon-belgique.com (parking)

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