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Cet ouvrage a été initialement publié sous le titre :

Calling all minds. How to think and create like an inventor,

par Philomel Books en 2018

Text copyright © 2018 by Temple Grandin

Project illustrations copyright © 2018 by Thibaud Herem POUR LA TRADUCTION FRANÇAISE :


© ODILE JACOB, JUILLET 2020
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS

www.odilejacob.fr

ISBN : 978-2-7381-5277-0

Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5


et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à
l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part,
que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, «
toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le
consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art.
L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon
sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété
intellectuelle.
Note aux lecteurs et à leurs parents

Certaines des réalisations proposées dans ce livre exigent l’utilisation d’instruments


coupants ou électriques. Ces réalisations sont les suivantes : • Le papier fait maison • Le
flocon de neige en papier • Le flocon de neige cristallisé • Le kaléidoscope
• La bombe à eau
• Le pantin articulé
• Le puits à souhaits • Le théâtre de marionnettes et son rideau • Le petit enclos avec
sa barrière à fermeture automatique • Le tabouret violon pour plante verte • Les
échasses
• Le voilier
• La marionnette articulée • Le cerf-volant oiseau de mon enfance • Le cerf-volant
• L’hélicoptère simple • Le parachute
• La fenêtre d’Ames en forme de trapèze • Le stéréoscope
• La chambre à illusions d’Ames • Le diorama du système solaire En créant ces
réalisations avec vos enfants, veillez à manipuler ces instruments avec précaution.

Les réalisations concernées sont signalées par le symbole ci-dessous :


En mémoire de mon grand-père,
John C. Purves,
co-inventeur du pilote automatique.
 
Il était toujours prêt à guider les autres dans le monde des inventions
et des brevets.
Introduction

Le chemin qui fait de moi une inventrice et une scientifique a


commencé dès mon enfance. Je m’appliquais en classe, mais ce qui
m’intéressait plus que tout au monde, c’étaient les chevaux. J’ai eu la
chance que ma mère et le directeur de l’école m’aient encouragée à en
apprendre le plus possible sur les animaux et sur les sciences sur le terrain.
Mes professeurs le toléraient tant que j’arrivais à l’heure en cours et au
repas et que je prenais soin des chevaux, ce qui impliquait, outre les monter,
de les brosser, de les nourrir et de nettoyer les écuries. Les étés passés dans
le ranch de ma tante ont également beaucoup compté. Je passais tout mon
temps avec les chevaux et le bétail, à engranger le maximum de
connaissances sur leur comportement et les moyens de communiquer avec
eux. J’ai aussi été très influencée par mon grand-père maternel, John C.
Purves. C’était un inventeur qui a représenté un modèle pour moi. Petite, je
le bombardais de questions sur le monde qui nous entoure, du type : «
Pourquoi est-ce que les marées montent et descendent sur le rivage ? »
Moi au lycée.
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Une autre raison au fait que je sois devenue une scientifique, et qu’il
m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre, est que je pense en termes
visuels. J’organise le monde par le biais d’images, et mon cerveau traduit
toujours les mots en une série d’images. Le mot « chien » fait défiler dans
ma tête les images de tous les chiens que j’ai rencontrés. En grandissant, je
me suis mise à visualiser le fonctionnement des choses de façon très
détaillée et en trois dimensions, comme si je regardais un film. Pour donner
une idée de la précision de ces visions, j’en suis même venue à pouvoir
tester de l’équipement mentalement. Il est généralement considéré comme
normal d’associer capacités visuelles et verbales pour exprimer des pensées
et des idées. Mais, selon mon expérience personnelle, il n’existe rien de tel
que la normalité.
Lorsque mon autisme a été diagnostiqué (dans mon enfance, dans les
années 1950), la plupart des gens connaissaient mal cette maladie et ses
conséquences sur ceux qui en sont atteints. On dit aujourd’hui que
quelqu’un souffre de « troubles du spectre de l’autisme », ce qui peut
recouvrir des cas de figure très différents. Certains autistes parlent
normalement tandis que d’autres n’y parviennent jamais. J’ai parlé
tardivement, je détestais que les gens me prennent dans leurs bras et je me
perdais souvent dans mon monde à moi. J’avais tellement de mal à tenir en
place que ma mère me répétait : « Va courir dehors pour brûler tout ce trop-
plein d’énergie ! » Je supportais mal les bruits soudains et les vêtements qui
grattent, et je m’agitais dès que le moindre élément venait perturber mon
monde. Certains autistes se balancent d’avant en arrière en permanence, ou
ne peuvent s’empêcher de tourner sur eux-mêmes et ont beaucoup de mal à
se concentrer sur quelque chose. Beaucoup se sentent mal à l’aise lors les
rapports humains et sont incapables de croiser le regard de quelqu’un, mais
réussissent dans les professions technologiques, le design industriel, les
carrières artistiques ou les métiers qui exigent une grande attention aux
détails. Certains développent des compétences à un niveau très élevé,
souvent dans les domaines des mathématiques, de l’art, de l’informatique
ou de la musique. Plusieurs scientifiques ou inventeurs de renom souffraient
très probablement d’un trouble du spectre autistique.
L’autisme n’est pas un trouble « à taille unique ». Plus nous en
découvrirons sur son « spectre » (c’est-à-dire l’éventail des capacités et des
déficiences qu’une personne autiste peut présenter), mieux nous
comprendrons les différences de conditionnement de l’esprit et l’importance
des différentes formes de pensée – en particulier en ce qui concerne la
créativité, l’innovation et l’inventivité. J’aime bien nous voir, moi et les
autres personnes différentes, comme un enrichissement du spectre de la
pensée humaine. Si nos cerveaux fonctionnent différemment, cela ne fait
que repousser les limites des contributions que nous pouvons apporter.
Les autres se moquaient beaucoup de moi à l’école parce que mes
aptitudes sociales laissaient à désirer. Je savais que je n’étais pas intégrée,
mais j’ignorais pourquoi. On m’avait surnommée « le magnétophone »
parce que je répétais les choses en boucle sur un ton monocorde. Je
m’intéressais avant tout aux projets scientifiques et à la fabrication de
brides fantaisie pour les chevaux. Aujourd’hui encore, les enfants ont
tendance à se moquer des différences des autres, et on me traiterait sans
doute de geek ou d’intello. Il est vrai qu’on trouve un certain nombre de
geeks et d’intellos parmi les prix Nobel et à la tête des entreprises de la
Silicon Valley.
Les parents et les enseignants s’inquiètent de voir des enfants dessiner
toute la journée ou se passionner exclusivement pour les insectes. Ils
attendent qu’ils s’intéressent à tout de manière équilibrée. Or, pour peu
qu’on les encourage, certains de ces enfants au centre d’intérêt unique se
montrent, en grandissant, capables de créations et de réalisations
incroyables. C’est ce qui m’est arrivé. Mon amour pour les chevaux et le
bétail à l’adolescence constitue clairement le socle de ma carrière en
sciences animales. Et si je suis devenue inventrice, c’est pour une raison
simple : j’ai toujours adoré fabriquer des objets et travailler avec mes
mains. Si un projet n’avançait pas, je passais des heures à travailler dessus,
jusqu’à ce qu’il fonctionne.
Quand j’étais jeune, ma mère me laissait utiliser ce qui traînait chez
nous pour faire mes expériences, depuis ses vieux vêtements jusqu’aux
bouts de carton glissés dans les chemises de mon père lorsqu’elles
revenaient de la blanchisserie. Ce carton était un trésor ! Il me permettait de
créer des milliers de choses : des cubes qui devenaient des forteresses, des
dioramas, des maquettes, des pantins articulés.
J’adore démonter et remonter les objets, ou me servir de leurs
composants pour en créer d’autres. Vous trouverez beaucoup de ces
réalisations dans ce livre, mais je vous encourage aussi à inventer les vôtres.
N’oubliez pas que les instructions fournies ne sont que des indications. Mes
étudiants viennent parfois me voir, désemparés, parce qu’ils ont suivi des
instructions à la lettre et que cela n’a pas abouti au résultat escompté. Je
leur fais toujours la même réponse : il faut expérimenter en faisant des
expériences !
Si je devais résumer ce livre en quelques mots, ce serait : « Créez des
choses ! »
Vos parents vous ont sûrement répété mille fois d’arrêter de jouer aux
jeux vidéo, de lâcher votre iPad ou votre smartphone. Ils vous disent sans
doute que vous vous détruisez des neurones, que vous feriez mieux de vous
faire des amis, de réviser ou d’apprendre à jouer du violon. Ils n’ont pas
tout à fait tort. Ce que je vous propose, c’est de poser votre portable pour
pouvoir un jour inventer un meilleur portable ou un meilleur jeu vidéo, une
voiture plus sûre, une machine qui sauvera des vies. Quelles que soient les
réalisations que la technologie peut accomplir, pour créer, il faut démonter
les objets et les reconstituer de ses propres mains. La mathématicienne
Grace Murray Hopper, conceptrice du COBOL, le premier langage de
programmation non numérique (que la plupart des êtres humains peuvent
comprendre) a démonté toutes les pendules et tous les réveils de chez elle
(au nombre de sept !) lorsqu’elle était petite. Démonter et remonter des
objets est souvent un signe que l’enfant atterrira plus tard dans un
laboratoire scientifique, du moins s’il est encouragé et non puni pour avoir
démoli toutes les horloges familiales.
Grace Murray Hopper devant un ordinateur.
Source : Smithsonian Institute via Wikimedia Commons.

La boîte à outils de mon père m’intéressait bien plus que la boîte à


bijoux de ma mère. Elles étaient toutes les deux divisées en petits
compartiments dans lesquels j’aimais fouiller. Mais la boîte à outils avait
l’avantage de contenir toutes sortes d’objets avec lesquels je pouvais jouer,
comme des clés à molette, des perceuses et un mètre pliant. C’était un mètre
en bois articulé qui ressemblait à une barrière quand il était replié. À demi
ouvert, on aurait dit un éventail et, entièrement ouvert, il devenait une épée
avec laquelle jouer. Un voisin possédait un mètre rétractable de 10 mètres
qui disposait d’un mécanisme permettant de le bloquer à la longueur
voulue. Mon moment préféré était celui où on relâchait le verrouillage. Le
mètre se réenroulait à toute vitesse, comme un câble d’aspirateur ou
certaines laisses pour chien. Comme j’ai toujours adoré les gadgets incluant
un mouvement rapide, je l’ai démonté et j’ai découvert que le mètre était
relié à un ressort en métal plat enroulé autour d’une petite tige. Le système
est le même pour tous les objets rétractables.
Inventer un modèle de voiture amélioré exige d’en comprendre le
fonctionnement, ce qui implique d’apprendre à maîtriser le fonctionnement
des pistons, des moteurs et des systèmes de freinage en les manipulant. Je
ne suis pas en train de vous conseiller de démonter la voiture familiale,
mais, si vous avez une passion pour les voitures, vous en apprendrez
davantage en travaillant comme assistant à mi-temps chez un garagiste
qu’en passant des heures dans votre canapé devant des jeux vidéo. Vous
aurez peut-être beaucoup de balayage et de petites corvées à faire au début,
mais vous finirez par mettre le nez sous une voiture et dans un moteur, là où
ça se passe vraiment. Rien ne remplace l’expérimentation concrète et le
travail manuel. Et rien ne rend plus fier que de voir quelque chose que l’on
a créé donner du plaisir aux autres ou les aider.

Lorsqu’un homme a fait le premier pas sur la Lune, il a planté le


drapeau américain à sa surface pour déclarer symboliquement : « Nous
sommes arrivés ici les premiers. » Lorsque les inventeurs créent quelque
chose, ils vont à l’Institut de la propriété industrielle où ils déclarent tous la
même chose : « C’est une première ! C’est totalement innovant ! » Les
brevets protègent le travail des inventeurs en empêchant le vol de leurs
idées, qui sont souvent l’aboutissement d’années de labeur. Les brevets eux-
mêmes racontent des histoires étonnantes sur l’ingéniosité humaine et
servent l’intérêt public en préservant les connaissances. Si l’on définit les
musées comme des lieux de conservation de l’art, alors on peut voir le
bureau américain des brevets, qui s’appelle le United States Patent and
Trademark Office, comme un lieu de conservation du savoir. Je ne me
lasserai jamais de feuilleter le catalogue des brevets américains. On y tombe
sur quelques-unes des inventions les plus révolutionnaires de l’histoire
américaine, depuis l’époque où l’Amérique était une colonie jusqu’à l’ère
technologique actuelle, en passant par l’ère industrielle. On y découvre le
premier détenteur d’un brevet ou le plus jeune, la première femme ou le
premier Afro-Américain à avoir déposé un brevet. À l’origine, ni les
femmes ni les Afro-Américains ne pouvaient le faire, voilà pourquoi
beaucoup de leurs découvertes sont tombées dans l’oubli. Leurs histoires
n’en sont que plus remarquables.
Quand j’étais à l’école primaire, je possédais un livre sur les inventeurs
que j’adorais. Il a disparu depuis longtemps, mais je me souviens que je l’ai
lu et relu jusqu’à en user les pages, fascinée par ces personnalités et leurs
incroyables créations. Je me rappelle l’article sur Thomas Alva Edison,
détenteur de pas moins de 1 093 brevets. J’ai été marquée par l’une de ses
citations : « Le génie est fait d’un pour cent d’inspiration et de quatre-vingt-
dix-neuf pour cent de transpiration. » J’ai aussi été étonnée de découvrir
que certaines inventions sont purement le fruit d’événements fortuits. Grâce
à ce livre, j’ai pris conscience très tôt de trois vérités essentielles : 1) en
reliant les pointillés, on s’aperçoit souvent que les inventions sont
l’aboutissement d’un cheminement passionnant ; 2) inventer demande
beaucoup de travail et de patience ; 3) les inventions les plus importantes
sont parfois le fruit d’un heureux hasard.
Thomas Edison.
Source : Bibliothèque du Congrès.

L’avenir présente de grands défis, tels que la compréhension de l’impact


des changements climatiques, les remèdes aux maladies et la solution à la
faim dans le monde. Il nous faut des cerveaux aux fonctionnements très
divers pour parvenir à y faire face. Si nous perdons notre capacité à créer
des choses, nous perdrons en réalité bien plus que cela. Notre monde a
autant besoin de gens qui sachent fondre le métal que de chimistes capables
de créer de nouveaux matériaux, plus légers et plus résistants que le métal.
Il a besoin de nouveaux romanciers, cinéastes, peintres et musiciens. Et il a
besoin de nouvelles technologies pour explorer le futur et gagner une
compréhension plus profonde et plus affinée de la Terre, des océans et des
galaxies.
Il n’y a pas de meilleur moyen pour commencer que de créer des choses
par soi-même. Toutes mes réalisations de jeunesse ont constitué des étapes
vers mes inventions ultérieures et ont donné du sens à ma vie. J’espère que
ces réalisations, ainsi que celles que vous créerez par vous-même, joueront
le même rôle pour vous.
CHAPITRE 1

Objets en papier

Enfant, j’adorais observer les superbes motifs dessinés par les flocons
de neige sur la voiture de mon père, juste avant qu’ils fondent et
disparaissent. J’ai réalisé mes premiers flocons en papier à l’école primaire
pour décorer les fenêtres de notre salle de classe à Noël. Flocon après
flocon, je m’émerveillais toujours d’ouvrir doucement le papier et de
découvrir le motif en miroir formé par la découpe. Une paire de ciseaux et
du papier, il n’en fallait pas plus pour les fabriquer.
Le mot « papier » vient de « papyrus », matière utilisée dans l’Égypte
antique. Les feuilles de papyrus étaient constituées de tiges et de fibres de la
plante du papyrus, mises à tremper dans l’eau, puis séchées et agrégées.
Cette méthode de base est restée identique pendant des siècles. On peut
toujours fabriquer du papyrus à la manière des Égyptiens, si l’on n’a rien
contre sa texture rugueuse.
LE PAPIER FAIT MAISON

Ces instructions fournissent environ 5 feuilles de papier.


C’est une activité aussi salissante qu’amusante.
 
Il vous faut :
• 6 à 10 feuilles de cartonnette, ou de n’importe quel papier non « glacé » que vous pouvez
trouver dans des bacs de recyclage
• un blender
• 7,5 l d’eau chaude, pour le blender et le trempage
• un grand récipient peu profond, comme un plat à gratin (assez grand pour contenir les
grilles antiprojection)
• une cuillère en bois
• des roses séchées et/ou des herbes séchées, finement hachées
• un torchon propre
• 2 grilles antiprojection (le genre qu’on utilise sur une poêle. On les trouve facilement sur
Internet.)
 
Instructions :
1. Déchirez le papier en petits morceaux (de 2,5 × 5 cm ou 5 × 7,5 cm) et mettez-les dans
le blender. Couvrez d’eau tiède et laissez tremper 15 minutes, le temps que le papier soit
gorgé d’eau.
2. Actionnez le blender en actionnant 5 ou 6 impulsions, jusqu’à ce que le papier prenne
une texture de soupe épaisse. Vous obtenez de la pâte à papier. Si elle est trop épaisse,
ajoutez un peu d’eau, très progressivement. Si la pâte devenait trop liquide, elle
produirait un papier trop fragile.
3. Versez de l’eau chaude dans le plat à gratin jusqu’à 5 cm de haut. Ajoutez peu à peu la
pâte à papier et mélangez à la cuillère.

4. À ce stade, vous pouvez ajouter des fleurs ou des herbes séchées pour décorer le
papier.
5. Étalez le torchon bien à plat sur une table.
6. Plongez l’une des grilles antiprojection dans la pâte à papier, en veillant à le recouvrir
entièrement. Retirez-le en le tenant bien à l’horizontale, sans le pencher et posez-le sur
le torchon. Placez l’autre grille antiprojection sur la première.
7. À l’aide de l’éponge, retirez le plus d’eau possible de deuxième grille. Plus vous en
enlèverez, plus le temps de séchage du papier sera écourté.

8. Soulevez délicatement la grille supérieure et laissez sécher celle du bas pendant environ
6 heures. Une fois le papier totalement sec, détachez-le de la grille. Normalement, votre
papier devrait être prêt à être utilisé ! S’il forme une masse gluante, recommencez
l’expérience avec d’autres types de papier.
Au commencement
e
La création du papier et de l’impression modernes remonte au début du XV siècle, avec
l’invention des caractères mobiles par l’Allemand Johannes Gutenberg. Certains historiens
pensent que son père était orfèvre, ce qui aurait permis à l’inventeur d’observer le travail
du métal dès son enfance. Nous verrons au fil de ce livre que la majorité des inventeurs ont
développé leurs compétences dès leur plus jeune âge en apprenant un métier ou en aidant
leurs proches dans leur activité. Plus tard, lors de son apprentissage d’orfèvre, Gutenberg
se forma notamment à la fabrication de pièces de monnaie. Ces compétences lui permirent
ensuite d’inventer des caractères en métal. Il créa également une encre à base d’huile
adaptée au processus de l’impression. Jusque-là, les livres étaient copiés à la main ou
imprimés à l’aide de blocs de bois, deux méthodes aussi longues que laborieuses.

Johannes Gutenberg.
Source : www.zeno.org.

D’après une étude sur l’impact de la création par Gutenberg des caractères mobiles qui a
été publiée par l’Université du Texas à Austin, il existait alors dans toute l’Europe trente
mille livres (copiés à la main ou imprimés au bloc de bois). Cinquante ans plus tard, grâce
à l’expansion rapide de l’invention de Gutenberg, dix à douze millions de livres étaient en
circulation. Certaines estimations vont jusqu’à vingt millions !
Je me demande si Gutenberg a pu imaginer que l’invention de sa presse révolutionnerait
l’histoire du livre, et qu’elle contribuerait largement au développement du mouvement des
Lumières et à la révolution scientifique. En son temps, l’apparition des caractères mobiles
fut un peu l’équivalent de celle d’Internet de nos jours.

Presse typographique.
Source : Wikimedia Commons.

Comment sommes-nous passés du papyrus à notre papier moderne ?


L’invention est un processus qui peut s’étaler sur toute une vie ou de
nombreux siècles. Voilà ce qui m’intéresse : relier les pointillés entre eux.
Je me souviens encore d’une visite scolaire dans un journal local, au
cours de laquelle j’ai assisté au processus d’impression. Les imprimeurs se
servaient d’une Linotype pour composer le texte en caractères en plomb.
Imaginez un clavier relié à une machine qui compose une ligne de lettres, à
partir de caractères constitués d’un alliage de plomb, d’étain et d’antimoine
(les matériaux qui composaient déjà les caractères de Gutenberg).
L’opérateur a tapé nos noms sur la machine, qui a produit pour chacun
d’entre nous une petite plaque métallique chaude composée des lettres de
notre nom en relief. Ces plaques ressemblaient à une rangée de touches
d’une vieille machine à écrire. La Linotype a été inventée à la fin du XIXe
siècle par Ottmar Mergenthaler, parfois surnommé le « second Gutenberg ».

Linotype.
Source : Wikimedia Commons.
Je ne suis pas un stéréotype !

Ottmar Mergenthaler.
Source : Wikimedia Commons.

Né en Allemagne en 1854, Ottmar Mergenthaler fut apprenti horloger tout en suivant des
cours du soir. À dix-huit ans, il émigra en Amérique et travailla dans l’atelier d’usinage
d’un cousin, où il eut l’idée de construire une machine capable de créer mécaniquement
des lignes de texte. Après beaucoup de tâtonnements, Mergenthaler trouva le moyen
d’associer deux opérations : la composition et l’impression. Le 10 février 1885, il obtint un
brevet pour « une machine à produire une matrice à stéréotypes ». Le stéréotype est le nom
qui fut donné à la plaque métallique utilisée pour imprimer un texte à des multiples
exemplaires. Ce mot, couramment employé aujourd’hui comme synonyme de cliché,
d’idée toute faite (la majorette enthousiaste, le chercheur intello…), vient du procédé de
reproduction de la Linotype.
o
Brevet n US543497A pour une machine Linotype déposé par Ottmar
Mergenthaler.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

L’invention de Mergenthaler s’inspirait de celle de Christopher Sholes et de ses associés,


Carlos Glidden et Samuel W. Soulé, qui avaient fait breveter la « machine à écrire » dix-
sept ans plus tôt, en 1868. Bien que de nombreux inventeurs aient tenté de mettre au point
e
des machines semblables tout au long du XIX siècle, et même avant, Sholes et ses associés
furent les premiers à concevoir une machine à usage commercial. La machine à écrire
connut vite un immense succès populaire, ce qui n’étonnera personne puisqu’elle
permettait d’écrire trois fois plus vite qu’à la main.

Christopher Sholes.
Source : Wikimedia Commons.

Mergenthaler détecta les possibilités d’adapter la machine à écrire à son invention. Un


opérateur tapait les caractères, qui étaient guidés jusqu’à un moule en plomb pour être
imprimés ligne par ligne, avant d’être remis dans leurs casiers pour être réutilisés, et ainsi
de suite, sans interruption. La Linotype alimenta le marché de la presse alors en expansion.
Plus de 8 000 machines étaient en fonctionnement en 1901, et 70 000 en 1954. Jusque-là,
il était possible de composer 1 500 caractères en une heure. Grâce à ce nouveau système,
la productivité atteignit désormais 5 000 caractères à l’heure. Mergenthaler continua à
apporter des améliorations à ce qu’il baptiserait plus tard la Linotype.
o
Brevet n US558428A pour une machine à écrire déposé par Christopher Latham
Sholes.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
Comment épelle-t-on AZERTY ?
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les touches de votre clavier ne sont pas classées par
ordre alphabétique ? En fait, elles l’étaient sur les premières machines à écrire, organisées
sur deux rangées. Mais les tiges des touches se prenaient sans cesse les unes dans les
autres. Après des années d’essais, et avec l’aide de James Densmore, un pédagogue
spécialiste de combinaisons de lettres, Sholes organisa les touches en fonction de la
fréquence d’utilisation des lettres et des suites les plus courantes, telles que le « i-o-n ».
Cette organisation avait également pour but d’accélérer la frappe. Ce clavier QWERTY est
toujours en usage aujourd’hui sur les claviers des ordinateurs et des smartphones
américains. La disposition des touches et les caractères ont été adaptés plus tard en
fonction des différentes langues, ce qui a donné le clavier AZERTY pour le français. Le
clavier tient son nom des six premières lettres de la ligne du haut, d’où le nom de
QWERTY du clavier anglo-saxon et d’AZERTY dans la version française.

Beulah Louise Henry devant sa machine à écrire.


Source : Getty Images.

Il semble que les femmes détiennent au moins treize des brevets d’améliorations portant
sur la machine à écrire, dont une machine à écrire pour aveugles, une touche de
verrouillage pour les majuscules et une touche de retour en arrière. En 1936, Beulah
Louise Henry obtint un brevet pour une machine dénommée « protographe », un
accessoire permettant de produire un texte en quatre exemplaires sans avoir à utiliser de
papier carbone. Elle apporta également des améliorations à la machine à écrire en matière
de confort frappe et d’alignement des feuilles.

o
Brevet n US2062455A pour une machine à écrire déposé par Beulah Louise
Henry.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
Le « liquide correcteur » ne fut inventé qu’en 1956, lorsqu’une secrétaire, Bette Nesmith
Graham, fit des expérimentations à base de peintures et autres substances trouvées dans sa
cuisine pour produire un liquide qui puisse masquer les erreurs de frappe sur une page
dactylographiée. On raconte que l’inspiration lui vint en regardant un peintre recouvrir ses
erreurs avec une peinture de la même teinte que le fond. Les secrétaires eurent vite fait de
comprendre les avantages d’un tel produit, qu’elles surnommèrent la « peinture effaceuse
». Plus tard, Bette Graham perfectionna son mélange pour corriger les erreurs et le
commercialisa sous le nom de Mistake Out. Enfin vint Liquid Paper, la marque de
correcteur liquide, qu’elle céda à Gillette pour 40 millions de dollars.

Après mon voyage scolaire, j’ai essayé d’imprimer mon nom en


plongeant la plaque de la Linotype sur laquelle il était composé dans un
encrier. Le résultat fut mitigé pour cause d’encre trop liquide. Mes
tentatives pour remplir des cartouches de stylo Bic avec de l’encre à stylo-
plume se révélèrent aussi décevantes, à cause de la mauvaise viscosité
(épaisseur) de l’encre. Mes parents n’appréciaient pas toujours mes
expériences, mais, de mon point de vue, toute la maison, de la trousse à
maquillage de ma mère à l’atelier de mon père, était un vaste laboratoire
destiné à mes essais, y compris mes recherches sur les propriétés des
liquides.
Vous pouvez commencer vos expériences sur les liquides directement
dans votre réfrigérateur en testant la consistance du ketchup, du sirop, du
lait et du jus de fruit. Voici comment procéder : prenez quatre gobelets en
carton. Emplissez-les chacun à mi-hauteur de l’un des quatre liquides.
Inclinez les gobelets, et vous constaterez les différentes d’épaisseur des
différents contenus. Vous pouvez aussi mélanger les liquides ou y ajouter
d’autres produits : farine, sucre ou boue. J’aurais dû essayer d’épaissir mon
encre avec du miel ou du sirop, comme Gutenberg a épaissi son encre avec
de l’huile. À défaut de tout résoudre, cela l’aurait certainement rendue
moins fluide.
Les méthodes de fabrication du papier restaient assez rudimentaires
quand Gutenberg inventa la presse typographique. Mais l’invention des
caractères mobiles accrut les besoins. La capacité de produire en masse
livres, journaux et pamphlets alimenta la demande. On vit se développer les
moulins à papier, des moulins à eau dédié à la fabrication du papier,
capables de broyer rapidement et simultanément de grandes quantités de
bois.
Mue par la force de l’eau, la roue actionnait les maillets qui écrasaient
le bois pour en extraire la fibre. Ces gros moulins permirent d’augmenter
considérablement la production de papier en mécanisant les étapes du
trempage, du broyage, de l’égouttage et du séchage.
La vie n’est pas toujours juste

Louis Nicolas Robert.


Source : Wikimedia Commons.

En 1799, l’ingénieur français Louis Nicolas Robert se vit accorder un brevet pour
l’invention d’une machine qui produisait en rouleau de larges bandes de papier de douze à
quinze mètres de long. Elles étaient ensuite découpées en feuilles. Quand j’étais petite,
j’adorais dérouler le papier toilette et lancer les feuilles en l’air. Ma mère se mettait très en
colère, mais c’est la meilleure image qui me vient à l’esprit pour décrire les feuilles
produites « à la chaîne » par la machine de Louis Nicolas Robert. Il avait conçu un tapis
roulant pour amener la pâte à papier entre deux rouleaux et produire des bandes de papier
en continu. Jusque-là, le papier était fabriqué à la main, feuille à feuille, et mis à sécher sur
une corde, comme du linge.
Henry Fourdrinier.
Source : Wikimedia Commons.

Louis Nicolas Robert travaillait alors à la papeterie Didot-Saint-Léger. Didot finança le


développement de la machine et les deux hommes finirent par se fâcher sur la propriété du
brevet. Robert le lui céda et Didot s’installa en Angleterre où la machine fut ensuite
perfectionnée par les frères Fourdrinier. Ces papetiers passèrent des années à tenter
d’améliorer l’idée de Robert. Ils relièrent entre eux des tambours chauffés (qu’on peut
imaginer comme des bigoudis géants) pour accélérer le séchage de la pâte à papier. Cette
méthode est toujours utilisée de nos jours. La machine des Fourdrinier n’aurait pas pu être
inventée sans l’idée initiale de Robert. Celui-ci, ayant vendu son brevet, mourut dans la
misère. L’histoire des inventions est émaillée de ces scénarios, où les premiers inventeurs
sont éclipsés par ceux qui trouvent ensuite comment commercialiser leurs machines. C’est
injuste, mais c’est ainsi.
La machine à papier des Fourdrinier.
Source : Wikimedia Commons.

Maintenant que nous savons d’où vient le papier, revenons-en à la


fabrication des flocons de neige en papier. Le seul autre outil dont vous
aurez besoin est une paire de ciseaux. Qu’il a fallu inventer, eux aussi.
À la pointe
Les ciseaux existent depuis des millénaires. Les premiers, inventés par les Égyptiens,
ressemblaient plutôt à des cisailles : deux lames reliées à leur base. Cette conception n’a
jamais changé, bien qu’elle ait été déclinée pour s’adapter de multiples domaines :
agriculture, industrie, coupe du tissu, du métal, ou encore pour couper les mèches des
chandelles. Il existe même des ciseaux spécialement conçus pour couper le cordon
ombilical des bébés ! Avec le temps, des anneaux pour les doigts ont été ajoutés au modèle
e
de départ. Au XIX siècle, les ciseaux étaient superbement décorés, présentant des motifs
sophistiqués sur les lames et des enjolivures sur les poignées. La première manufacture de
ciseaux existe encore aujourd’hui et en produit pour tous les usages imaginables :
industriel, chirurgical, pour couper les textiles, le plastique, le caoutchouc, sans oublier les
cheveux !
LE FLOCON DE NEIGE EN PAPIER

 
Il vous faut :
• une paire de ciseaux
• une feuille de papier
 
Instructions :
1. Découpez un rond dans la feuille.

2. Pliez-le trois fois en deux, pour former une demi-lune, puis un quart, puis un huitième de
lune.

3. Sur toutes les bordures de votre triangle, découpez des formes géométriques : des
ronds, des carrés, des triangles. Faites appel à votre imagination pour inventer des
formes originales.
4. Dépliez délicatement le papier et vous verrez apparaître votre flocon comme par magie.
Répétez l’expérience avec différents types de papier, comme du vélin, du papier à motifs
ou du papier journal. On peut créer des flocons très colorés et originaux avec des pages
de bandes dessinées.

On dit souvent qu’il n’existe pas deux flocons identiques. Comme il est
impossible de comparer tous les flocons du monde, personne ne peut
prouver cette affirmation. Vérifier une théorie scientifique nécessite de
fournir une preuve empirique, c’est-à-dire que cette théorie doit être
confirmée par l’observation et par l’expérimentation. Et cette preuve doit
être apportée à de nombreuses reprises pour s’assurer que le résultat est
toujours le même. En droit, on appelle cela la « charge de la preuve ». Les
scientifiques, eux, se servent d’une méthode mathématique, les statistiques,
pour confirmer l’exactitude des résultats et exclure le hasard.
D’après Kenneth G. Libbrecht, professeur de physique au California
Institute of Technology et grand expert en flocons, chaque cristal de neige
suit son propre trajet pour tomber des nuages sur la terre. Il explique aussi
sur son site, SnowCrystals.com, que les cristaux de neige résultent de la
transformation de la vapeur d’eau en glace et non en liquide (pluie). Toutes
sortes de changements de température et d’humidité affectent la façon dont
les molécules d’eau se forment pour constituer les branches d’un cristal de
neige. De sorte que, même s’ils paraissent identiques lorsqu’ils tombent sur
la voiture familiale, ils se distinguent tous par des différences
microscopiques. Chaque cristal est composé de six branches, même si
certaines peuvent être plus longues ou plus « poilues » que les autres. En
réalité, le professeur Libbrecht, qui a été consultant pour le film La Reine
des neiges, est parvenu à développer des cristaux « jumeaux » en
laboratoire. Mais il précise que, comme pour les jumeaux humains, ils ne
sont jamais cent pour cent identiques.
LE FLOCON DE NEIGE
CRISTALLISÉ

 
Il vous faut :
• une paire de ciseaux
• 1 cure-pipe
• 480 ml d’eau bouillante
• un bocal à ouverture large
• 220 ml de borax (attention pas de contact avec la peau)
• de la ficelle ou du fil dentaire (30 cm par flocon)
• un crayon
• une feuille d’essuie-tout
 
Instructions :
1. À l’aide des ciseaux, découpez le cure-pipe en trois parties égales et nouez-les
ensemble au milieu en formant une étoile à six branches.

2. Versez l’eau bouillante dans le bocal, ajoutez le borax, en évitant tout contact avec la
peau, et mélangez doucement pour le dissoudre.
3. Fixez une extrémité de la ficelle ou du fil dentaire à l’étoile et l’autre au centre.

4. En vous servant du crayon comme d’une canne à pêche, plongez l’étoile dans le bocal
en l’immergeant totalement, mais sans qu’elle touche le fond. Posez le crayon à
l’horizontale sur l’ouverture du bocal.

5. Laissez l’étoile tremper dans le bocal toute la nuit. Le lendemain matin, vous aurez
obtenu un magnifique flocon de neige ! Retirez-le doucement du bocal et posez-le sur la
feuille d’essuie-tout pour le faire sécher.

Note. Si cela ne fonctionne pas, recommencez !


Vous pouvez utiliser d’autres matériaux.
En cherchant sur Internet, j’ai trouvé des méthodes différentes pour fabriquer des
cristaux avec du sucre.

Même si ma maîtresse d’école n’a jamais parlé de symétrie, c’est ce qui


me fascinait le plus à propos de nos flocons. On parle de symétrie bilatérale
lorsque les deux moitiés d’un ensemble sont strictement identiques. Nos
visages présentent une symétrie bilatérale, ainsi que les lunettes, les avions
ou les deux arches dorées du logo de McDonald’s. En observant une salle
de classe ou votre salon, vous remarquerez toutes sortes d’objets
bilatéralement symétriques. Rien qu’en regardant chez moi, je tombe sur
une casquette, un abat-jour, un coussin rond, et même la chaise sur laquelle
je suis assise. Si vous commencez à en chercher, je suis sûre que vous en
verrez partout.
Une année à Noël, j’ai reçu un cadeau que j’ai adoré et qui m’a fait
penser aux flocons de neige, si ce n’est que les motifs étaient mouvants et
en Technicolor. C’était un kaléidoscope. Si vous n’en avez jamais vu, c’est
un objet en forme de tube, comme un rouleau d’essuie-tout ou de Pringles.
Les moins chers sont en carton, comme l’était le mien, mais sa capacité à
produire sans cesse de nouveaux motifs me semblait magique. Les motifs
qui apparaissent dans un kaléidoscope sont symétriques. Des miroirs sont
disposés en bais à un bout de l’intérieur du tube, ce qui crée l’effet de
symétrie lorsqu’on regarde dedans en le faisant tourner lentement. L’image
dessine alors comme un flocon de neige à six branches. Chaque mouvement
crée un nouveau flocon, et je pouvais passer des heures à regarder dans le
mien. C’était aussi fascinant que de contempler les arbres en regardant le
motif des feuilles changer quand un nuage masquait le soleil ou que le vent
agitait les branches.
LE KALÉIDOSCOPE

 
Il vous faut :
• une boîte de Pringles vide avec son couvercle (ou équivalent, mais il faut que ce soit un
cylindre en carton un peu long, avec un fond et qui se ferme)
• une aiguille à coudre
• du papier adhésif ou du papier cadeau
• un cutter
• une règle
• un miroir en acrylique de 7,5 x 11,6 cm
• du ruban adhésif de masquage
• de l’acétate (par exemple, une barquette de légumes en plastique transparent)
• du carton rigide
• des perles, des sequins ou des petites pierres fantaisie
 
Instructions :
1. Percez un trou dans le fond de la boîte de Pringles avec l’aiguille à coudre.

2. Décorez l’extérieur de la boîte avec le papier adhésif ou le papier cadeau.


3. À l’aide de la règle et du cutter, découpez le miroir en trois bandes de 7,5 x 3,8 cm.
Alignez-les côte à côte, face brillante en dessous, en laissant 1 mm entre chaque. Fixez-
les entre eux par du ruban de masquage et repliez-les pour former un cylindre à trois
côtés, face miroir à l’intérieur. Votre prisme est prêt.

4. Glissez le prisme délicatement dans le tube. Il doit arriver à un peu plus d’un centimètre
du bord.

5. Pour fabriquer la lentille, utilisez la base du tube pour tracer sur l’acétate un cercle au
format du tube. Découpez-le et disposez-le au-dessus du prisme.
6. Découpez une bandelette de carton de 3 mm de large, assez longue pour être enroulée
en un cercle, de la même circonférence que l’intérieur du cylindre en carton. Maintenez
le cercle fermé avec du ruban de masquage et glissez-le dans le tube. Il maintiendra
l’acétate en place.
7. Emplissez le haut du tube avec les perles, les sequins ou les petites pierres. Ne
remplissez pas tout l’espace disponible. Il faut garder assez de place pour qu’ils puissent
bougent et que la lumière puisse entrer.

8. Refermez avec le couvercle en plastique de la boîte.

9. Regardez dans le petit trou en dirigeant le kaléidoscope vers une source de lumière.
Faites-le tourner lentement et admirez les merveilles qui s’aiment sous vos yeux.

Même si je n’ai jamais été très forte en maths, j’ai remarqué que mes
flocons en papier présentaient des schémas répétitifs qui me faisaient penser
aux roues d’un vélo ou à des fleurs de tournesol. Plus tard, j’ai découvert
l’expression « symétrie radiale », que les mathématiciens emploient pour
décrire ce type de motifs. Ceux-ci présentent deux caractéristiques clés :
leur répétition et le fait de tenir dans un cercle. En observant le cœur d’un
tournesol, on remarque que les graines sont disposées en spirales suivant un
schéma systématique. On cite les flocons de neige comme des exemples de
symétrie radiale à cause de leur beauté. Il en existe beaucoup d’autres dans
la nature, depuis les microalgues appelées diatomées vivant dans les océans
jusqu’aux pieuvres, en passant par les quartiers d’orange et les pétales de
pensée. On retrouve aussi la symétrie radiale dans notre assiette quand on
mange des brocolis, du chou-fleur ou des artichauts.
Il existe même une étoile de mer à cornes qui présente une symétrie
radiale : elle forme un pentagramme (une étoile à cinq branches, qui tient
dans un cercle). En cherchant des images sur Internet, vous trouverez des
centaines de photos d’exemples de symétrie radiale.

Source : Paul Shaffner via Wikimedia Commons.


Exemples de symétrie radiale.
Source : Wikimedia Commons.
Faites le calcul

Leonardo Fibonacci.
Source : Hans-Peter Postel via Wikimedia Commons.

e
Un mathématicien italien du XIII siècle du nom de Leonardo Fibonacci, parfois surnommé
Léonard de Pise, a réussi à expliquer la symétrie radiale par une suite mathématique. Selon
les historiens, il était issu d’une riche famille italienne mais avait grandi en Algérie. Il
étudia l’algèbre et les chiffres arabo-indiens et se fascina pour l’art.
Fibonacci voyagea dans tout le Proche-Orient pour le compte de son père commerçant. Les
connaissances en algèbre et en arithmétique acquises lors de ses déplacements et de ses
rencontres avec des mathématiciens lui inspirèrent les idées qui aboutirent à cette suite
magique. Sa contribution la plus importante fut d’introduire en Europe le système décimal
indo-arabe et les chiffres arabes, qui finirent par remplacer les chiffres romains et sont
encore utilisés de nos jours. Ce changement permit le développement des mathématiques
modernes. La suite de Fibonacci se présente ainsi : on commence par 1 + 1 = 2. Puis on
additionne les deux derniers nombres de l’équation [1 + 2] pour obtenir le nombre suivant
: 3. Vous discernerez vite le schéma. Essayez !
 
1+1=2
1+2=3
2+3=5
3+5=8
5 + 8 = 13
8 + 13 = 21
13 + 21 = 34
… et ainsi de suite.
 
La suite de Fibonacci fut surnommée le « nombre d’or » parce que ces motifs symétriques
s’observent aussi bien dans la nature que dans les constructions humaines. Certains
scientifiques pensent que cette théorie mathématique a été appliquée pour la construction
des pyramides et des temples grecs. Le nombre d’or de Fibonacci fonctionne aussi pour les
spirales des coquilles de nautile (un mollusque) ou pour la structure des écailles des
pommes de pin. Les chercheurs sont parvenus à la conclusion que cette structure permet
aux végétaux et aux animaux de se développer de la façon la plus efficace possible.

L’intérieur d’une coquille de nautile.


Source : Chris 73 via Wikimedia Commons.
Fibonacci exposa ses découvertes et présenta sa suite au monde occidental dans un livre
intitulé Liber abaci ou « Livre du calcul », paru en 1202. Cette suite trouva de nombreuses
applications dans l’art et dans des théories sur la beauté et sur les proportions. Nous
appliquons aujourd’hui le nombre d’or dans de multiples domaines, de la Bourse à
l’informatique, en passant par l’ingénierie et l’architecture.
Pour trouver des exemples de visualisations mathématiques, consultez Google Images
avec des mots clés comme « géométrie », « trigonométrie », « fractale », « perspective
géométrique » et « calcul ». Vous serez étonné par la beauté que peuvent revêtir les
mathématiques.

Une autre réalisation en papier que j’aimais beaucoup enfant, c’était les
bombes à eau. Je vous la recommande vivement si vous avez un compte à
régler avec un grand frère ou une grande sœur, ce qui était mon cas quand
j’avais sept ans. Croyez-le ou non, le papier ordinaire convient très bien. Le
secret est de colorier entièrement une face du papier au crayon à la cire de
type Crayola. La cire joue le rôle d’imperméabilisant en empêchant l’eau de
saturer le papier. (Le papier étant fabriqué à base de fibres de bois, sans
cette protection, il serait réduit en pâte.) Vous pouvez également essayer
avec de la cire à bougie.
LA BOMBE À EAU

 
Il vous faut :
• une feuille de papier de format A4 (21 X 29,7 cm)
• des crayons à la cire
• une paire de ciseaux
• de l’eau
 
Instructions :
1. Pour renforcer le papier, coloriez entièrement l’une des faces de votre feuille au crayon à
la cire. Cela renforcera la résistance du papier à l’eau et prolongera son existence. La
face coloriée devra être disposée à l’intérieur de la bombe. Vous pouvez également
doubler votre feuille de papier paraffiné.

2. Découpez un carré dans la feuille de papier. Pliez-le en deux en rabattant le haut pour
former un rectangle. Pliez ce rectangle en deux de droite à gauche pour former un carré
plus petit. Marquez le pli et redépliez pour revenir au rectangle.
3. Rentrez le bord supérieur droit à l’intérieur et le ramener le long de la pliure du milieu.
Faites de même avec le bord supérieur gauche. Vous obtenez un triangle.

4. En tenant le triangle avec la pointe vers le haut, repliez les deux coins du bas sur cette
pointe. Faites de même à l’arrière du triangle. Vous avez maintenant un losange.

5. Repliez les deux pointes des côtés du losange en les rabattant sur la pliure centrale.
Faites de même à l’arrière du losange.
6. Prenez les deux pointes du haut du losange et rentrez-les dans les pliures des petits
triangles qui se trouvent devant.

7. Il y a un petit trou à la base du losange. Soufflez doucement pour gonfler l’intérieur


comme un ballon et remplissez d’eau. Si le débit de votre robinet est trop fort, servez-
vous d’un petit entonnoir ou d’une paille.
Tout ce qu’on peut imaginer 1
Quand j’étais petite, j’avais une boîte de Crayola qui comprenait des crayons de huit
couleurs : rouge, orange, jaune, bleu, vert, noir, marron et violet. De tout temps et en tout
lieu, les hommes ont mélangé des cires et des pigments. Mais, en 1902, Edwin Binney et
Alice Stead Binney ont créé un mélange non toxique essentiellement constitué de paraffine
et de teintures naturelles sans danger pour les enfants. Edwin était associé avec son cousin
C. Harold Smith dans une entreprise de chimie et son épouse Alice était institutrice. C’est
elle qui eut l’idée de développer des crayons de couleur bon marché et qui trouva le nom «
Crayola » en combinant le mot « craie » avec le suffixe « -ola », dérivé du mot «
oléagineux », qui signifie « huileux ». Alice fut bien inspirée. Les Crayola existent
aujourd’hui en cent vingt couleurs et on en fabrique trois milliards par an.

Armée de ma bombe à eau, je suis allée me cacher derrière le toboggan


de l’aire de jeux pour attendre le moment idéal. J’étais un peu tendue, parce
que le la couche de cire qui protégeait le papier n’allait pas tenir longtemps.
Puis, dès que ma sœur s’est approchée, j’ai balancé ma bombe qui a atterri
sur son dos. Elle s’est retrouvée complètement trempée. Mon embuscade
était une réussite totale, si ce n’est que ma sœur a filé se plaindre à ma
mère. Je ne me rappelle pas comment j’ai été punie, mais je n’oublierai
jamais le plaisir que j’ai ressenti en voyant ma bombe à eau voler vers sa
cible à travers les airs. Officiellement, je vous recommande de lancer vos
bombes à eau sur des arbres ou un mur extérieur de votre maison. Entre
nous, c’est quand même plus drôle quand on vise ses frères et sœurs.
CHAPITRE 2

Leviers et poulies

Enfant, je posais sans cesse à mon grand-père des questions


scientifiques, du type : « Pourquoi le ciel est-il bleu ? », « Pourquoi l’herbe
est-elle verte ? ». Beaucoup de parents ignorent ou ont oublié les réponses à
ces questions, mais mon grand-père, qui était ingénieur et inventeur, m’a
expliqué que l’atmosphère de la Terre a un effet sur le spectre des couleurs
de la lumière du soleil, et que c’est ce qui donne sa couleur bleue au ciel.
Cette explication m’a rappelé une photo du système solaire que j’avais vue
à l’école. On avait appris que l’atmosphère est très mince et que si la Terre
était une pomme l’atmosphère aurait l’épaisseur de sa peau. Puis j’ai
repensé à un pique-nique où j’avais vu une volute de fumée noire s’élever
d’une cheminée et se détacher sur fond de ciel bleu. J’ai demandé si la
fumée n’allait pas noircir et salir l’air. On m’a répondu qu’elle allait
simplement disparaître, mais je ne l’ai pas cru. J’imaginais l’atmosphère
comme la peau d’une pomme et je savais que la fumée noire resterait piégée
dessous.
Ceci est le premier dessin que j’ai réalisé pour mon premier client. Il représente une rampe
de chargement conçue pour une bétaillère.
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Depuis que mon plus jeune âge, j’associe les mots à des images, ce qui
me permet de traduire facilement des idées abstraites en dessins précis,
comme ceux que j’exécute pour des projets techniques. Les premiers livres
que vous ont lus vos parents étaient sans doute des imagiers, qui associent
un mot à une image pour enseigner les noms des choses : pomme, ballon,
chat, etc. À l’école aussi, on s’habitue à apprendre les mots en premier.
Mais, pour moi, ils ont toujours été moins importants. Si je peux visualiser
quelque chose, je peux le comprendre. Et, ensuite, le créer. Il y a beaucoup
de manières d’apprendre et de réfléchir différentes selon les individus.
Certains, tels les mathématiciens, perçoivent plus facilement que les autres
les schémas et les suites ; des lignes de notation musicale complexe auront
plus de sens pour eux que pour quelqu’un qui apprend en priorité par le
biais des mots ou des images. D’après son biographe Walter Isaacson,
Einstein préférait « généralement penser en images ».
o
Brevet n US2383460A pour un dispositif réactif au champ magnétique déposé par John C.
Purves.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

Il cite une conversation avec un psychologue, Max Wertheimer, qui


étudiait la perception : « Je pense très rarement en termes de mots, dit
Einstein. Une pensée me vient et, ensuite seulement, j’essaierai peut-être de
l’exprimer par des mots. »
Mon grand-père a stimulé mon intérêt initial pour la science et les
inventions. Il se peut aussi que cet intérêt commun s’explique par notre lien
génétique. On peut consulter son brevet no US2383460A pour un dispositif
réactif au champ magnétique, invention qui permet de faire fonctionner un
pilotage automatique sur les avions. Je trouve très instructif et divertissant
de consulter des brevets sur Internet. Ils sont très faciles à trouver ; il suffit
de taper « brevet » et les mots clés de l’invention que l’on cherche dans
Google. C’est beaucoup plus pratique que de passer par le site
gouvernemental des brevets, ce qui est une autre possibilité.
Les Pères fondateurs des États-Unis, qui ont signé la Déclaration
d’indépendance, ont voté en 1790 la première loi sur les brevets d’invention
pour protéger « tout art, procédé de fabrication, moteur, machine ou
dispositif, ou toute amélioration des précédents, jusque-là inconnue ou
inexploitée ». La commission d’étude était composée de Thomas Jefferson,
alors secrétaire d’État, en charge des Affaires étrangères, du procureur
général Edmund Randolph et de George Washington, notre premier
président. Le concepteur de l’invention pouvait faire une demande de brevet
pour empêcher d’autres personnes de la copier pour une période de vingt
ans. Il n’est pas neutre que la liberté d’inventer soit ancrée dans les
principes fondateurs de l’Amérique. Si les États-Unis ont vu se développer
tant d’innovations, c’est sans doute en partie à cause des principes de liberté
de ce pays, qui comprennent la liberté d’inventer, de commercialiser et de
protéger le travail des inventeurs. Les Pères fondateurs avaient compris
qu’un esprit libre, créatif et entreprenant favorise le progrès.
Les grandes premières aux États-
Unis

Samuel Hopkins.
Source : Wikimedia Commons.

Le premier brevet américain fut accordé en 1790 à Samuel Hopkins pour un nouveau
procédé de fabrication de la potasse, un mélange de cendres de bois et de sel utilisé comme
engrais. Théoriquement, rien n’interdisait aux femmes de déposer un brevet. Mais comme
elles n’étaient pas autorisées à posséder des biens indépendamment de leurs époux, elles
ne pouvaient pas non plus détenir les droits de leurs inventions. L’État de New York fut le
premier à leur permettre de déposer des brevets et à garder les bénéfices de leurs
inventions. Ces droits de propriété furent étendus peu à peu dans les autres États dans le
cadre du Married Women’s Property Act de 1848, qui protégeait la propriété des femmes
mariées. Mary Kies fut la première américaine à se voir accorder un brevet, pour un
procédé permettant de tisser la paille avec de la soie pour la fabrication des chapeaux.
Dolley Madison, l’épouse du président des États-Unis de l’époque, avait fait l’éloge de ses
chapeaux et largement contribué à leur succès, un peu comme lorsque Michelle Obama
boosta la popularité des vêtements J. Crew en les portant.
Jusqu’en 1940, seuls vingt autres brevets furent accordés à des femmes. Au cours des deux
décennies suivantes, elles ne reçurent qu’une très petite proportion des brevets. De plus, ils
portaient principalement sur des inventions domestiques ou des objets pour la maison, ce
qui est logique puisque les femmes poursuivaient rarement des études universitaires et
étaient majoritairement femmes au foyer. Elles inventèrent, par exemple, de nouveaux
modèles de cheminée et de fourneaux, une sorbetière manuelle, les couches jetables, le
lave-vaisselle et la poubelle à pédale. En 1912, Beulah Louise Henry, âgée de vingt-cinq
ans, reçut son premier brevet pour l’invention du congélateur de glace sous vide, qui isolait
les parois d’une sorbetière pour empêcher la glace de fondre. Surnommée Lady Edison,
elle cumule plus de cent inventions, dont un fer à friser, un système d’attache des
enveloppes pour les envois groupés, un mécanisme de fermeture pour les parapluies et un
ouvre-boîte. Sa citation la plus connue est : « J’invente parce que c’est plus fort que moi. »
Bien que, d’après Adrienne Lafrance, le nombre de brevets détenus par les femmes ait
désormais atteint les vingt pour cent, au rythme actuel, il faudrait attendre l’année 2092
pour qu’hommes et femmes soient à égalité ! Les filles, il y a du boulot !
Le premier brevet accordé à un Afro-Américain date de 1821, pour un procédé connu sous
le nom de « nettoyage à sec ». Thomas Jennings était tailleur quand il se lança dans la
blanchisserie. Il était né libre à New York, ce qui lui permit d’obtenir un brevet. Les
esclaves n’avaient pas le doit de déposer leurs inventions, et leurs maîtres pouvaient se les
approprier. Ce n’est qu’après l’abolition de l’esclavage par le treizième amendement de la
Constitution américaine que les Afro-Américains purent breveter leurs inventions.
Jennings œuvra toute sa vie pour l’abolition de l’esclavage et les droits de Noirs. Il occupa
le siège de secrétaire assistant de la première Convention annuelle des gens de couleur.
Les sources divergent sur l’identité de la première Afro-Américaine à avoir obtenu un
brevet. La plupart citent Sarah E. Goode, une esclave affranchie pendant la guerre de
Sécession qui, en 1885, inventa le lit pliant, permettant de gagner de la place. Fille d’un
menuisier, mariée à un tapissier fabricant d’escaliers, Sarah Goode finit par ouvrir un
magasin de meubles. Son lit avait l’aspect d’un bureau à cylindre proposant plusieurs
espaces de rangement et il devint de plus en plus populaire à mesure que les gens
s’installaient en ville dans des logements exigus. Son invention allait inspirer celle du lit
escamotable, ou lit Murphy, qu’on replie le long d’un mur pour gagner de l’espace. On
attribue parfois au philosophe grec Platon le proverbe selon lequel « la nécessité est mère
de l’invention », une manière très perspicace d’envisager la source des inventions. Là où il
y a un besoin, il y a un inventeur.
o
Brevet n US322177A pour un lit rétractable déposé par Sarah E. Goode (pour
voir comment le meuble se transforme en lit, vous pouvez chercher ce brevet sur
Internet).
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
Un président inventeur

Thomas Jefferson.
Source : The White House Historical Association Digital Library via Wikimedia Commons.

Tous les Américains connaissent Thomas Jefferson comme celui qui a rédigé la
Déclaration d’indépendance et servi comme troisième président de leur pays. Mais
beaucoup ignorent qu’il était aussi inventeur. Parmi ses créations les plus connues, on
trouve un versoir universel, soit une lame courbe qui s’adaptait à toutes les charrues et
convenait particulièrement au travail sur le terrain pentu de son domaine de Monticello («
petite montagne » en italien). Henry Blair, le deuxième Afro-Américain détenteur d’un
brevet, améliora cette invention en 1834 en permettant d’associer les opérations de
labourage et d’ensemencement. Sa machine se présentait comme une brouette munie d’un
compartiment à graines et d’un râteau pour les recouvrir ensuite de terre. Il se vit accorder
un deuxième brevet pour une amélioration supplémentaire qui consistait à attacher deux
lames pour séparer la terre sur le passage de la charrue pour que les graines se placent
directement dans le sillon. Un troisième inventeur, George Washington Carver, naquit
esclave en 1864 ou 1865 et fut affranchi enfant. Il apporta à l’agriculture une contribution
encore plus importante en identifiant l’importance de la rotation des cultures pour éviter
d’épuiser les sols. Étudiant en botanique et en agronomie, il obtint un master en agronomie
à l’Université d’Iowa avant de devenir directeur du Tuskegee Institute, où il développa des
centaines d’utilisations pour l’arachide et la pomme de terre. Il n’obtint cependant que
trois brevets au cours de sa vie, dont il disait : « Dieu me les a donnés, comment pourrais-
je les vendre à quelqu’un d’autre ? »

George Washington Carver.


Source : Tuskegee University Archives/Museum via Wikimedia Commons.

Quant à Jefferson, il conçut toutes sortes d’appareils permettant de gagner du temps, tels
qu’un lutrin tournant à cinq faces permettant de consulter plusieurs livres en même temps.
(Il aurait sûrement adoré les livres numériques.) D’autres de ses inventions exploitent le
principe de la rotation : un portant à vêtements tournant, un siège pivotant, un plateau de
service tournant. Mais il n’en resta pas là. On prête à Jefferson l’invention de l’un des plats
les plus aimés de la cuisine américaine, avec la pizza et les hot-dogs : les macaronis au
fromage. Vous pouvez voir ci-contre ses notes sur la fabrication des pâtes et sa machine à
pâtes.
La machine à pâtes de Thomas Jefferson.
Source : Bibliothèque du Congrès, département des manuscrits.

L’idée de breveter des inventions n’est pas nouvelle. L’un des premiers
brevets fut accordé en 1421 à Florence, en Italie, pour une grue capable de
déplacer des blocs de marbre depuis les montagnes. En 1624, une loi fut
promulguée en Grande-Bretagne pour préciser qu’un projet ne pouvait être
breveté que s’il présentait un caractère innovant. Cette loi excluait les
légères modifications apportées à des concepts existants, comme des
changements de motifs sur des cartes à jouer.
La bonne nouvelle est qu’il n’y a pas d’âge limite pour soumettre un
brevet de nos jours. Vous pouvez obtenir un brevet quel que soit votre petit
nombre d’années (ou votre grand nombre d’années). En 2008, Sam
Houghton, âgé de cinq ans, devint le plus jeune détenteur de brevet de
l’histoire. Ayant vu son père balayer avec deux balais, un pour ramasser les
gros débris et l’autre pour les petits, il s’est dit que ce serait plus simple en
reliant les deux balais par un élastique. Il a obtenu un brevet pour son
Système de balayage à deux têtes.
Rob Lammle a dressé la liste des plus jeunes inventeurs sur le site
Mental Floss. Un patineur de quinze ans, Chester Greenwood, cherchait un
moyen de maintenir ses oreilles au chaud pour passer plus de temps sur la
glace. Il conçut un fil métallique qui encerclait sa tête pour maintenir en
place des « cache-oreilles », qu’il fit breveter en 1877. Louis Braille,
devenu aveugle à l’âge de trois ans, inventa à quinze ans un système
d’écriture en relief qui porte son nom, encore utilisé de nos jours pour
permettre aux aveugles de lire. Becky Schroeder serait la plus jeune fille à
avoir reçu un brevet. À dix ans, elle créa le Glo-sheet, une feuille de papier
qui brille dans le noir. Deux ans plus tard, elle fit breveter une « Planche
électroluminescente permettant de lire et d’écrire dans le noir ».
o
Brevet n US4266164A pour une planche électroluminescente permettant de lire et d’écrire
dans le noir, déposé par Becky Schroeder.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
Dans le sac
Enfant, Margaret Knight, comme moi, préférait jouer avec des outils qu’avec des poupées.
Surnommée l’« Edison au féminin », elle obtint des dizaines de brevets pour des
inventions aussi variées qu’une machine à découper des semelles de chaussures, une
machine à numéroter, un tournebroche pour barbecue ou un châssis de fenêtre à guillotine.
En 1850, alors qu’elle avait douze ans et travaillait dans une filature de coton, Margaret
Knight assista à un terrible accident. Une navette, l’instrument qui sert à passer les fils
dans un métier à tisser, sauta de la machine et blessa un jeune ouvrier. Margaret Knight
inventa alors un dispositif de sécurité qui arrêtait la machine en cas de dysfonctionnement.
Ce dispositif fut utilisé par des filatures de coton dans le monde entier. Elle ne le fit pas
breveter et n’en tira aucun profit, mais n’en évita pas moins des accidents et sauva peut-
être des vies.
Le 18 mai 1879, Margaret Knight, alors âgée de trente ans, se vit accorder son premier
brevet pour l’invention d’une machine à fabriquer des sacs en papier à fond plat, comme
on en trouve encore dans certains supermarchés. Cette invention était si ingénieuse et
présentait un tel potentiel, qu’un certain Charles Annan la copia et déposa le brevet avant
elle. N’étant plus une petite fille sans défenses, Margaret Knight lui intenta un procès.
Annan argumenta qu’étant une femme elle ne pouvait pas disposer des connaissances
nécessaires pour concevoir une machine aussi complexe. Plans en main, Margaret Knight
apporta la preuve qu’elle maîtrisait parfaitement le fonctionnement de sa machine et gagna
son procès.
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Brevet n US220925A pour une machine à sacs en papier déposé par Margaret
Knight.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
Le petit écran
Nous pouvons remercier Philo Farnsworth pour l’invention de la télévision. Son esprit très
porté sur la mécanique le poussa à réfléchir dès l’enfance à des applications possibles de
l’électricité. À treize ans, il électrifia la lessiveuse et la machine à coudre manuelles de sa
mère.

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Brevet n US1773950A pour un système de télévision déposé par Philo
Farnsworth.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
Au lycée, il reçut une récompense scientifique nationale pour la création d’un système
d’allumage automobile sécurisé. Puis, encouragé par son professeur de sciences,
Farnsworth développa son idée de transformer l’électricité en images au moyen de ce qu’il
appela un « dissecteur d’images », qui correspondait schématiquement au premier système
de télévision. On peut encore voir le premier croquis dessiné par Farnsworth pour son
professeur. Il l’intégra dans son dépôt de brevet, qui lui fut accordé en 1927 alors qu’il
avait vingt et un ans. Il présente ainsi sa découverte : « Cette invention porte sur un
appareil et un procédé de télévision […] pour retransmettre en direct une scène ou des
images mouvantes d’un objet situé à distance, transmission assurée par l’électricité. »
Farnsworth conçut la télévision comme un moyen éducatif. Il obtint plus de cent trente
brevets au cours de sa vie, la plupart pour des améliorations de son système de télévision.

Philo T. Farnsworth.
Source : San Francisco History Center, San Francisco Public Library.

On ne peut breveter des objets qui existent depuis des siècles. On ne


peut donc pas breveter une table, une chaise, un couteau ou une fourchette,
des ciseaux, une roue, une porte, un pantalon, une chemise, une assiette ou
une tasse. Mais on peut breveter une amélioration de ces objets « de base ».
Les lois sur les brevets ont été modifiées pour inclure des interventions
telles que des changements de conception, et on trouve ainsi des milliers de
brevets pour des petites modifications apportées à un brevet existant, dont
beaucoup sont intéressantes et beaucoup d’autres, de mon point de vue,
assez futiles. Il existe par exemple plus de 57 000 brevets pour des rouleaux
de papier toilette, dont un emballage de rouleau fantaisie ressemblant à un
manchon. Certains brevets sont même franchement ridicules. Par exemple
une tapette à mouches esthétique, dont la description est elle aussi ridicule :
« On considère aussi que [les tapettes à mouches] seraient mieux acceptées
comme objets de maison “conviviaux” si elles étaient plus jolies. » Je ne
suis pas sûre que les Pères fondateurs avaient en tête ce genre de chose.
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Brevet n US4957246A pour un rouleau de papier toilette déposé par Karen D. Kantor.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
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Brevet n US4510711A pour une tapette à mouches esthétique déposé par David C. Bucek.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

L’une des plus anciennes inventions de l’humanité est le levier. Il existe


depuis la préhistoire et a joué un rôle essentiel dans le développement de
l’architecture et de l’agriculture. Les leviers font tellement partie de nos
vies qu’on est à peine conscients de les utiliser pour ouvrir, couper, écarter,
soulever ou construire quelque chose. J’ai commencé à m’intéresser aux
leviers lorsque j’ai fabriqué un pantin articulé. Comme je pense
visuellement, j’ai toujours été attirée par ce qui était doué de mouvement
rapide. Si j’avais le choix entre un jeu de société et une partie de cerf-
volant, je prenais le cerf-volant. J’aimais en particulier les objets mobiles
constitués de différents éléments.
Rien qu’en regardant chez vous, vous devriez trouver toutes sortes
d’objets qui intègrent un levier pour décupler votre force. Chez moi, je vois
déjà un casse-noix, un décapsuleur, un coupe-ongles et des ciseaux.
Prenons un pot de peinture : pour l’ouvrir, on glisse la pointe d’un
tournevis sous le bord du couvercle et on appuie sur le manche, un peu
comme on actionne un cric pour remplacer un pneu crevé. On remarquera
que le couvercle se soulève lorsqu’on applique le principe force + distance.
Le bras qui pompe apporte la force. Le fait de tenir le manche du tournevis
le plus loin possible du couvercle crée la distance. Voilà comment on crée
l’effet levier : force + distance. Si vous essayiez d’ouvrir le pot avec une
pièce de monnaie, l’effet de levier serait insuffisant.
Les cours de récréation et les parcs offrent un autre excellent exemple :
la balançoire à bascule. Ce n’est rien d’autre qu’une longue planche dont le
milieu est équipé d’un pivot. Lorsqu’on s’assoit à une extrémité et qu’un
ami d’un poids équivalent s’installe à l’autre bout, on peut atteindre
l’équilibre. Si l’autre personne est plus lourde, vous savez ce qui se passe :
elle reste au sol tandis que vous filez vers le ciel. Comment ramener la
planche à l’équilibre ? Il faut pour cela que la personne la plus lourde se
rapproche du pivot. Le levier accomplit cela à notre place en exerçant une
force sur un objet à travers la distance.
Un jour que j’intervenais dans une classe, j’ai vu un élève essayer de
planter un clou dans du bois en tenant son marteau tout près de la tête. Or,
pour exploiter la force et le poids du marteau afin de planter un clou, il faut
le tenir tout au bout du manche. C’est la longueur du manche qui augmente
la puissance de la frappe. Certes, il y a plus de risques de rater le clou avec
un marteau à manche long qu’à manche court, mais un marteau long est
indispensable pour planter de gros clous. Pour planter un petit clou, on
obtiendra davantage de précision en tenant le marteau plus près de la tête.
Le même principe s’applique pour retirer des clous d’une planche. En
retournant la tête du marteau pour saisir le clou dans le pied-de-biche, on
obtient un maximum de force avec un minimum d’effort si l’on tient le
manche à son extrémité. La longueur du manche démultiplie notre force.
C’est la même chose au base-ball : pour renvoyer la balle au loin, on tient la
batte à l’extrémité du manche pour obtenir un maximum de puissance. Si on
veut envoyer la balle plus près, il suffit de tenir la batte plus vers son milieu
pour diminuer l’effet de levier.

Chadouf.
Source : Wikimedia Commons.
Archimède.
Source : Wikimedia Commons.

La première personne à avoir décrit le mécanisme du levier est Archimède,


qui vécut de 287 à 212 avant J.-C. Il est considéré comme le plus grand
scientifique et mathématicien de l’Antiquité. On pense que le principe du
levier était déjà exploité depuis l’âge de pierre. Presque toutes les
réalisations d’ingénierie et d’architecture reposent sur les leviers. Les
chercheurs pensent qu’une forme de levier appelée chadouf fut utilisée en
Égypte pour construire les pyramides. Il s’agit d’un appareil à bascule
constitué d’un balancier auquel sont attachés, d’un côté, un récipient et, de
l’autre, un contrepoids (selon le principe de la balançoire évoquée plus
haut). Archimède montre comment on peut soulever un poids important en
appliquant une pression à l’extrémité d’un levier. L’une de ses citations les
plus célèbres est : « Donnez-moi un point d’appui et un levier et je
soulèverai le monde ! » Pas d’une grande modestie, mais génial. Le levier
est l’une des bases de l’ingéniosité humaine. Sans lui, comment aurions-
nous construit des immeubles, des barrages, des routes, transporté des
marchandises et accompli toutes sortes d’autres réalisations ?
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
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Brevet n US808041A pour un cric de levage déposé par Frank L. Gormley.

Si l’on ne peut pas breveter un levier, on trouve quantité de brevets pour


des améliorations de cette technique. Frank L. Gormley Sr, orphelin né au
Canada en 1881, émigra aux États-Unis où il travailla pour la Buda Engine
Company, qui produisait des pièces détachées pour les chemins de fer,
notamment des rails, des aiguillages et des crics. Vers l’âge de vingt-quatre
ans, il inventa un cric de levage capable de soulever cinquante kilos. Sans la
moindre formation, Gormley fit breveter au cours de sa vie plus de vingt-
cinq nouvelles améliorations apportées à son invention, telles qu’un verrou
de sécurité, un régulateur de vitesse, des vérins à vis, etc. Tous ces brevets
sont consultables sur Internet. C’était clairement un homme brillant, qui
travaillait dans une entreprise encourageant l’innovation. Je ne cesse de le
répéter parce que c’est vrai : l’une des meilleures formations est
l’expérimentation.

Un petit coup de pouce ?


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En 1884, un inventeur du nom de Richard Dudgeon reçut le brevet n US297975A pour un
vérin hydraulique. Né en Écosse en 1819, Dudgeon émigra en Amérique avec ses parents.
Il fut embauché à New York chez Allaire Iron Works, une grosse société spécialisée dans
la construction de bateaux à vapeur. Entre ses aptitudes personnelles et le fait de travailler
sur les machines parmi les plus modernes de son époque, Dudgeon finit par créer sa propre
entreprise, où il développa, outre le vérin hydraulique portable, toutes sortes d’autres crics,
vérins et outils de levage utiles aux constructeurs de navires et aux ingénieurs des chemins
de fer.
Le vérin hydraulique (du mot grec hydra : « eau ») exploite l’eau ou un autre liquide pour
générer la force. Deux cylindres, un petit et un gros, servent de leviers. Lorsque le petit
cylindre descend, il fait remonter l’eau qui se trouve sous le gros cylindre, et cette eau peut
soulever un poids considérablement plus important que ne le ferait un être humain. Le plus
étonnant est que l’entreprise de Dudgeon existe toujours. Si elle continue à produire des
leviers, elle propose également toutes sortes d’outils de levage très sophistiqués et
collabore avec des organismes comme la NASA sur de projets tels que le levage
d’antennes. C’est un exploit non négligeable pour une entreprise d’exister depuis plus de
deux cents ans et d’installer des leviers dans l’espace.
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Brevet n US297975A pour un vérin hydraulique déposé par Richard Dudgeon.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
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Brevet n US2458744A pour un vérin hydraulique simple déposé par Frank H. Schwerin.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

Les pantins articulés existent depuis très longtemps et reposent sur un


système de leviers très simple. Les plus anciens qu’on ait découverts, en
e
Égypte, étaient en ivoire. Au milieu du XIX siècle, aux États-Unis, on les
appelait « quocker-wodgers », surnom également donné aux politiciens
corrompus, faciles à manipuler (l’idée étant que d’autres tiraient les ficelles
ou les contrôlaient comme des pantins). Les pantins articulés connurent une
vague de popularité dans l’aristocratie française du milieu du XVIIIe siècle,
qui les aimait richement décorés. Si le principe était trop ancien pour être
breveté, des brevets furent délivrés pour des améliorations. En 1886, les
frères John et Elmer Hersch brevetèrent une structure métallique dotée
d’une base en bois et traversée d’un fil qui servait de pivot pour faire
bouger le pantin. En 1920, un certain Carl Olson créa une structure
métallique dans laquelle deux pantins se balançaient comme des trapézistes.
Dans sa demande de brevet, il précise : « Mon invention concerne l’univers
des jouets. Le but en est de développer et d’améliorer les pantins articulés
pour les perfectionner sur le plan mécanique et leur permettre d’exécuter
davantage de performances, afin de les rendre plus intéressants pour les
enfants. »
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Brevet n US1354577A pour un pantin articulé déposé par Carl Olson.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

Il est facile de fabriquer des pantins en carton, mais on peut aussi


utiliser du balsa, du polystyrène ou des planchettes de pin très fines. Rien
n’oblige à se limiter à des formes humaines. On peut fabriquer des
animaux, comme des araignées, des chiens, des pieuvres – à peu près
n’importe quel animal muni de pattes et capable de sauter. Mon schéma
montre les principes de base sans les décorations. Il présente ce que les
ingénieurs appellent la « conception mécanique ». Il indique où attacher la
ficelle en fonction des points de pivot. Regardez les lignes en pointillé : les
bras remontent de cinq centimètres même si l’on ne tire la ficelle que sur un
centimètre et demi. C’est le type de système de leviers le plus simple :
quand tous les éléments bougent dans la même direction, un petit
mouvement de la ficelle suffit à démultiplier la distance couverte par des
extrémités des bras et des jambes.

Mon schéma pour la réalisation d’un pantin articulé.


Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.
LE PANTIN ARTICULÉ

 
Il vous faut :
• un crayon
• du carton épais, du polystyrène ou du balsa
• des ciseaux ou un cutter
• un marqueur
• un poinçon ou des ciseaux pointus
• des attaches parisiennes
• de la ficelle
• un anneau à rideau
• du feutre, du papier, du tissu, et des rubans ou des boutons
 
Instructions :
1. À l’aide du crayon, dessinez chacune des parties du corps sur le carton, le polystyrène
ou le balsa : la tête, le torse, les bras et les jambes. Vous pouvez les faire à la taille de
votre choix. Veillez seulement à ce que ces éléments soient proportionnés.

2. Avec les ciseaux (si vous utilisez du carton ou du polystyrène) ou le cutter (pour le
balsa), découpez chacun des éléments.
3. Tracez cinq X au marqueur sur le torse : un sur chaque épaule, un sur chaque hanche,
et un à l’emplacement de l’attache du cou (bien que les pantins n’aient pas de cou).
Tracez également un X à la base de la tête et en haut de chaque membre.
4. Avec le poinçon ou la pointe des ciseaux, percez à l’emplacement de chaque X un trou
assez grand pour y passer les attaches parisiennes. À l’aide des attaches, reliez le haut
des membres et la tête au torse. Ne serrez pas trop les attaches ou vous aurez du mal à
faire bouger les éléments.

5. Fixez les ficelles qui actionneront les bras et les jambes. Pour ce faire, prenez un bout
de ficelle pour relier les bras entre eux et faites de même pour les jambes. Ne les
attachez pas aux points de pivot mais faites des essais avec différents points d’attache
un peu décalés de ces points. Vous mettrez peut-être un certain temps à trouver les
bons endroits, mais cela vous apprendra à devenir un inventeur ou une inventrice.

6. Prenez un bout de ficelle de la même longueur que votre pantin. Nouez-le fermement à
l’anneau de rideau, que vous placerez ensuite en bas du pantin pour tirer la ficelle. Fixez
l’autre extrémité de la ficelle à la ficelle des bras et nouez le milieu de cette ficelle à celle
des jambes. Les deux segments de ficelle doivent être tendus.
7. En tenant fermement le pantin, tirez doucement sur l’anneau et votre pantin vous
donnera un exemple parfait du mécanisme de levier.
8. Amusez-vous à habiller votre pantin avec des vêtements réalisés en feutre, en papier ou
en tissus, et décorez-les avec des rubans ou des boutons.

J’ai découvert un brevet datant de 1927 accordé pour un pantin en sucre


d’orge. On doit pouvoir inventer un pantin en utilisant des bâtons de
réglisse ou des tablettes de chewing-gum pour faire les bras et les jambes. Il
suffit que les bonbons soient assez souples pour pouvoir y passer les
attaches, tout en gardant assez de tenue pour conserver leur forme. On peut
par exemple prendre des sucettes ou des marshmallows pour faire la tête et
le torse. Et on peut le manger ensuite ! Ça doit être assez amusant, mais je
ne suis pas certaine que l’idée justif"iait un brevet.
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Brevet n US1623165A pour un pantin articulé en sucre d’orge déposé par Willis Cassidy.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

Comme pour le levier, on ne connaît pas l’inventeur de la poulie, mais


c’est l’une des découvertes les plus importantes de l’humanité, qui nous a
permis tout au long de l’histoire de soulever des matériaux bien plus lourds
que nous. J’ai découvert le principe de la poulie dans l’écurie de la pension
où j’étais scolarisée. Une trappe au plafond permettait d’accéder au grenier
à foin. Elle n’était pas très grande, environ soixante centimètres sur un
mètre cinquante, avec des gonds sur l’une des largeurs, mais elle était trop
lourde pour tenir ouverte. Alors j’ai conçu une poulie toute simple pour la
bloquer en position ouverte quand je prenais le foin : j’ai fixé un crochet sur
le mur opposé et j’y ai passé une corde reliée à la porte. Mon propre poids
était suffisant pour ouvrir la trappe. Pour soulever les poids très importants,
il faut recourir à un système de poulies multiples, appelé « palan ». Les
poulies supplémentaires apportent un « avantage mécanique », c’est-à-dire
qu’ils démultiplient la force appliquée et permettent de soulever davantage
de poids. Ces systèmes sont employés sur les voiliers et sur les grues.
Les poulies simples trouvent de nombreux usages : puits, ascenseurs,
rideaux, cordes à linge, drapeaux… Les puits à souhaits sont faciles et
amusants à réaliser. Il faut seulement un peu de carton ou de glaise pour
façonner le puits et le seau, et un bout de ficelle pour le hisser. Même du fil
dentaire fait l’affaire ! Tout est possible lorsqu’on se lance sur le chemin
des inventions. On peut aussi improviser une poulie avec des objets de la
maison, comme des cintres. J’ai réalisé beaucoup de mes créations
personnelles les plus complexes en coupant des cintres avec une pince
coupante et en tordant le métal pour lui donner la forme désirée. Je donnais
un mouvement de va-et-vient à la pince pour créer une entaille qui me
permettait ensuite de le casser en deux. En serrant les manches de la pince,
on crée une pression sur ses mâchoires qui permet de couper des choses
qu’on ne peut pas briser à la force des mains. On peut également fabriquer
une poulie avec un trombone, un cure-pipe, des boutons ou l’anneau d’une
vieille boucle d’oreille. Fouillez dans votre tiroir à bric-à-brac et vous y
trouverez sans doute beaucoup d’autres petits objets exploitables.
LE PUITS À SOUHAITS

 
Il vous faut :
• un poinçon ou une paire de ciseaux
• un cylindre en carton de 30 cm de haut et de 15 cm de diamètre environ
• un crayon
• un petit gobelet en carton
• 12 cm de fil métallique flexible
• de la ficelle ou du fil solide

Instructions :
1. À l’aide du poinçon ou des ciseaux, percez deux trous l’un en face de l’autre en haut du
cylindre. Y passer le crayon.
2. Percez deux autres trous l’un en face de l’autre vers le haut du gobelet. Faites passer le
fil métallique dedans et repliez les extrémités pour former l’anse du seau.

3. Attachez le bout du fil ou de la ficelle au milieu du crayon. Nouez l’autre extrémité à


l’anse du seau. En faisant tourner le crayon, vous ferez monter et descendre le seau.

Le rideau de théâtre pour marionnettes est une autre réalisation de poulie très sympa.
Au lycée, j’adorais travailler sur les décors. Pour un spectacle racontant un procès devant
un jury, j’ai réalisé le banc des jurés et le pupitre du juge en clouant du carton sur des
cadres en bois. Puis j’ai donné au carton l’aspect des lambris d’une salle d’audience en
peignant dessus des volutes en peinture marron, avec un pinceau à poils durs pour
reproduire le grain du bois.
Pour fabriquer le rideau de scène, il vous faut un tissu plus épais qu’un drap, mais
moins lourd qu’une couverture. Les théâtres utilisent généralement du velours,
éventuellement avec un galon doré. Vous en trouverez dans les magasins de tissus ou de
fournitures pour loisirs créatifs. Ou peut-être y a-t-il chez vous une boîte aux trésors remplie
chutes de tissus et de vieux vêtements. J’ai fait des razzias dans les vieilles affaires de ma
mère remisées au grenier, en particulier dans ses foulards pour réaliser des parachutes.
Les garages et les greniers sont souvent remplis de merveilles à recycler pour vos projets.
Il faut avoir une mentalité de chineur. On peut aussi trouver des trésors dans les friperies et
les vide-greniers. Plus on improvise, mieux c’est. J’adorais la sensation de tirer sur la corde,
de regarder le rideau s’ouvrir et de découvrir les visages remplis d’attente des spectateurs
dans la salle.
LE THÉÂTRE DE MARIONNETTES

ET SON RIDEAU

 
Il vous faut :
• une paire de ciseaux ou un cutter
• un gros carton
• un tourillon en bois mesurant environ 10 cm de plus que la longueur de la boîte
• du tissu pour le rideau, deux fois plus long que la longueur de la boîte et un peu moins
large que la hauteur de la boîte
• de la ficelle
• de la peinture acrylique, des marqueurs, des sequins, des autocollants ou des photos
découpées dans des magazines
• une petite guirlande lumineuse
 
Instructions :
1. À l’aide des ciseaux ou du cutter, découpez le devant de la boîte comme sur l’illustration.

2. Le tourillon va vous servir de tringle à rideau. Percez des trous à 1,5 cm d’intervalle le
long du tissu, à environ 2,5 cm du bord.
3. Sur la ficelle, coupée à la même longueur que la largeur du rideau, nouez autant de
boucles qu’il y a de trous dans le rideau, à 1,5 cm d’intervalle. Glissez un autre bout de
ficelle plus long que le premier dans les boucles et nouez ce bout de ficelle à la dernière
boucle.

4. Avec la pointe des ciseaux ou le cutter, percez un trou à l’avant des deux « murs »
latéraux du théâtre, à 2,5 cm du « plafond ». Ils doivent être assez gros pour y passer le
tourillon en bois. Glissez le tourillon dedans.

5. Décorez votre théâtre au feutre ou à la peinture acrylique. Si vous le souhaitez, ajoutez


des sequins, des autocollants ou des illustrations. Essayez de créer une marquise avec
le morceau de carton que vous avez découpé et retirer.
6. Vous pouvez éclairer votre théâtre avec une petite guirlande lumineuse.

Ma première véritable invention, quand j’étais adolescente, était à base


de poulies et de leviers. Je n’ai pas réussi tout de suite. Mes essais au début
se sont même soldés par un échec cuisant, et j’ai laissé tomber au bout de
quelques semaines. On était dans les années 1960 et je passais l’été dans le
ranch de ma tante dans l’Arizona. Comme je l’ai déjà signalé, c’est là que je
me suis découvert une passion pour les vaches et pour les chevaux. La vie
au ranch me fascinait et a façonné tous les choix que j’ai faits ensuite, sur le
plan personnel comme professionnel. Mais cette année-là, il y avait un
problème au ranch : les chevaux et les vaches s’échappaient tout le temps.
Il existe dans certains ranchs ce qu’on appelle une barrière canadienne :
une sorte de grille constituée de grosses barres, qui est posée sur le sol au-
dessus d’une fosse. Elle permet le passage des voitures sans avoir à s’arrêter
pour ouvrir une barrière, tout en empêchant celui des gros animaux, qui
sont effrayés par la vue du trou sous la grille. C’est ce qu’on appelle un «
effet de falaise visuel » Les animaux ne peuvent pas se blesser, mais
l’aspect lisse et glissant de la grille est un deuxième élément dissuasif. Avec
le temps, la fosse qui se trouve dessous se remplit de terre et les animaux
n’ont plus peur de s’aventurer. Dans le ranch de ma tante, la tendance
naturelle du bétail à s’éloigner était renforcée par la présence dans le pré
voisin d’un taureau (nommée Eli Whitney, en hommage à l’inventeur de
l’égreneuse à coton), à qui nos animaux aimaient bien rendre visite.

Moi en train de fabriquer une barrière chez ma tante.


Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.
J’ai donc entrepris de construire une barrière avec des planchettes. La
première étape était de les assembler. On faisait beaucoup de menuiserie au
lycée, et j’avais déjà posé du bardage sur le toit de la ferme et monté la
charpente d’une maison. Grâce à ces expériences, je savais donc me servir
d’une scie et d’un marteau et j’ai réussi à concevoir et à fabriquer ma
barrière.
J’ai réalisé les poteaux de la barrière avec des poutres recyclées à partir
de vieux poteaux électriques. J’ai tout fait moi-même, à part le creusement
des trous et leur comblement par du béton pour ancrer les poteaux dans le
sol.
C’était une barrière à ouverture manuelle dont j’étais très fière. Elle
remplissait son rôle d’empêcher les chevaux et les vaches de se sauver.
Mais elle m’obligeait à descendre du pick-up pour l’ouvrir et la refermer à
chacun de nos passages. Alors j’ai cherché un moyen de l’automatiser. À
l’époque, l’électricité ne parvenait pas jusqu’à la route et on n’exploitait pas
l’énergie solaire. Peut-être parce qu’on ne disposait ni de gadgets ni de
magasins de bricolage et de décoration dans lesquels traîner, comme
aujourd’hui, j’ai fait simple. Depuis, à beaucoup de postes et dans beaucoup
de circonstances, j’ai eu la confirmation que l’une des premières règles dans
la conception est la simplicité. Parfois, lorsque mes étudiants travaillent sur
des projets d’observation ou d’expérimentation sur le comportement
animal, ils les compliquent en y ajoutant des étapes inutiles et viennent me
demander conseil, je les pousse alors toujours à simplifier. Albert Einstein a
eu cette phrase célèbre : « Tout devrait être rendu le plus simple possible, ni
plus ni moins. » Je ne peux qu’approuver.
Faisons simple
Dans toute méthode scientifique, qui consiste à tester une hypothèse pour en vérifier la
véracité et l’exactitude, il convient de définir le moyen le plus efficace de collecter les
données. Dans l’étude des animaux, on a recours à l’« observation permanente » pour
noter toutes sortes de comportements : la façon dont ils mangent ou dorment, dont ils se
battent, s’accouplent, se lavent, et même urinent et défèquent. Lorsque j’étais étudiante, on
m’a assigné la tâche d’observer un animal pendant une demi-journée. J’aurais pu rester sur
le campus et regarder batifoler les écureuils, mais j’ai préféré aller au zoo où je me suis
intéressée aux antilopes. Contrairement aux petits animaux, qui étaient gardés en cage, les
antilopes vivaient dans un grand enclos, et je me suis dit que cela leur permettait peut-être
d’avoir un comportement plus naturel. Je me suis assise dans un coin et je les ai regardées
pendant quatre heures. Le seul comportement dont je me souvienne encore très clairement,
c’est que certaines se sont approchées de la clôture en s’affrontant et que leurs cornes
passaient au travers. Ce n’est arrivé que deux ou trois fois, et si je n’étais restée qu’une
heure, j’aurais manqué cette manifestation fondamentale d’affirmation qui montre quel
animal a la position dominante. Ma patience avait été récompensée. Il faut du temps pour
obtenir des résultats.
De nos jours, on utilise beaucoup la vidéo pour observer les animaux vingt-quatre heures
sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Au début, mes étudiants étaient très enthousiastes
devant les données collectées, jusqu’à ce qu’ils se rendent compte qu’ils allaient devoir
passer des semaines à regarder les vidéos rien que pour déterminer la fréquence à laquelle
le bétail déféquait. Je leur ai montré qu’un moyen simple de gagner beaucoup de temps
était de passer la vidéo en avance rapide. Par exemple, pour connaître la fréquence de
défécation d’une vache, il suffit de compter combien de fois elle lève la queue, pour ne pas
la salir. Une queue qui se soulève est facile à repérer sur une vidéo, même en avance
rapide. Les meilleures solutions sont souvent les plus simples.

La première étape pour régler mon problème de fermeture était


d’accrocher ma barrière sur une charnière un peu penchée, pour qu’elle se
rabatte toute seule. J’avais observé cela sur des portes de maisons anciennes
dont le bois avait bougé. J’ai donc fixé les charnières au montant de la
barrière à un angle légèrement incliné, et cela a parfaitement fonctionné : je
l’ai laissée ouverte et elle s’est refermée d’elle-même.
L’étape suivante consistait à mettre au point un système de câbles et de
poulies qui permette au conducteur de tirer sur la barrière pour l’ouvrir
complètement à distance. Il fallait aussi qu’il dispose de suffisamment de
temps pour passer avant que la barrière ne se referme. J’ai fait courir le
câble depuis la manette jusqu’à la barrière, du côté opposé à la charnière.
Mais j’avais beau tirer de toutes mes forces, elle ne s’ouvrait pas assez. J’ai
laissé tomber, totalement découragée. Ma barrière magique était un échec.
L’idée de fixer plus près des charnières le câble servant à ouvrir ma barrière m’est venue en
o
observant le conduit d’aération du ranch de ma tante. Ce brevet (n US160514A) montre un
type semblable de grille de ventilation pour air chaud.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
L’inspiration vient souvent alors qu’on s’y attend le moins. Une quinzaine
de jours plus tard, je m’amusais à observer le rabat métallique d’une grille
de ventilation chez ma tante. Quand je soulevais même légèrement la
manette de la grille, l’extrémité du rabat qui la refermait se déplaçait sur
une distance beaucoup plus longue. J’ai aussitôt fait le lien entre ce rabat et
ma barrière. C’est ce que j’appelle mes « moments de révélation ». J’ai
souvent entendu des scientifiques parler de leur « moment de révélation »
ou « moment eurêka ».
Il peut survenir au bout de plusieurs années de recherches, ou lorsqu’une
autre personne se penchant sur le problème voit l’évidence qui nous
échappait. Il survient parfois sans crier gare, mystérieusement. Encore faut-
il être observateur pour provoquer de tels moments. Le rabat de la grille de
ventilation a été le déclencheur qui a fait fonctionner ma barrière.
J’ai tenu le raisonnement suivant : si je fixais le câble plus près des
charnières, cela permettrait de le tirer à une distance plus courte et à la porte
de s’ouvrir davantage. On constate qu’en rapprochant le pivot de la
charnière, on augmente la puissance du levier.
Mon schéma du système de poulie appliqué à l’ouverture de la barrière.
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.
LE PETIT ENCLOS AVEC SA
BARRIÈRE

À FERMETURE AUTOMATIQUE

 
Il vous faut :
• une scie
• une planche de 80 x 10 cm, de 2,5 cm d’épaisseur
• une planche de contreplaqué de 20 x 20 cm, de 6 mm d’épaisseur
• de la colle à bois
• une charnière simple en laiton de 13 × 16 mm
o
• un tournevis cruciforme n 1
• 6 vis à tête cruciforme

Instructions :
1. Sciez la planche de 80 × 10 cm en quatre sections de 20 cm de long. Découpez l’une de
ces planches en deux de façon à obtenir une plaque de 12 cm et une autre de 8 cm.
2. Placez la planche de contreplaqué sur une surface plane. Collez les trois planches de 20
× 10 cm angle droit sur trois côtés du contreplaqué. Veillez à placer les planches à
l’extérieur du contreplaqué et non dessus. L’un des petits côtés reste ouvert.

3. Alignez bout à bout les deux petites planches de 12 et de 8 cm, en joignant les côtés
que vous avez sciés, et fixez-les en vissant la charnière dessus. Cela constituera la
barrière de votre enclos. Vous pouvez procéder à diverses expérimentations pour les
attacher de manière à ce qu’elle se referme toute seule, en inclinant la charnière.

4. Placez une extrémité de la planche obtenue contre l’avant du contreplaqué, toujours en


veillant à placer la planche à l’extérieur et non dessus. Collez-la de sorte que la planche
de 8 cm qui constitue la partie mobile s’ouvre vers l’extérieur. Si vous souhaitez qu’elle
se referme toute seule, fixez la charnière un peu de travers, comme je l’ai fait pour la
barrière du ranch de ma tante.
Des accidents bienvenus
De nombreuses découvertes scientifiques sont purement accidentelles. Nous devons l’une
d’elles, qui a sauvé des millions de vies, à l’Écossais Alexander Fleming, parce qu’il
oublia un jour de couvrir une boîte de Petri dans son labo. Tout au long de la Première
Guerre mondiale et jusqu’au début de la Seconde, Fleming chercha à aider les soldats
blessés, dont les infections étaient souvent plus graves que leurs blessures elles-mêmes. Il
menait des expériences sur les propriétés cicatrisantes des sécrétions corporelles, telles les
larmes, le mucus et les glaires.

Alexander Fleming.
Source : Wikimedia Commons.

Revenant de vacances en 1928, Fleming remarqua que l’une de ses boîtes de Petri avait été
laissée ouverte et que de la moisissure avait poussé à l’intérieur Par chance, il la conserva
pour l’étudier au microscope. Les bactéries présentes dans la boîte avaient été détruites par
le champignon. Ce qu’il baptisa dans un premier temps « jus de moisissure » devint ce que
nous connaissons aujourd’hui sous le nom de pénicilline. Celle-ci fut mise au point assez
tôt pour permettre de sauver de nombreuses vies pendant la Seconde Guerre mondiale et
Fleming reçut le prix Nobel de physiologie ou médecine. Sa découverte compte parmi les
plus importantes de la médecine moderne. La prochaine fois que vous verrez du pain moisi
ou de la moisissure dans la nature, ne soyez pas dégoûté. Prenez-en un échantillon et
glissez-le sous un microscope. « Partout où je vais, a déclaré Fleming, les gens me
remercient de leur avoir sauvé la vie. Je ne vois vraiment pas pourquoi. C’est la nature qui
a créé la pénicilline. Je n’ai fait que la découvrir. »

Stephanie Kwolek.
Photo aimablement fournie par DuPont.

L’inventrice Stephanie Kwolek semble avoir quelques points communs avec moi. Petite,
elle aimait par-dessus tout se promener dans les bois et rassemblait ses trouvailles dans des
carnets. Elle avait aussi la passion des tissus et de la couture. Mêlant ses expérimentations
et sa tournure d’esprit scientifique, elle fut l’une des premières femmes à travailler chez
DuPont, le groupe de chimie industrielle célèbre pour avoir développé les premières fibres
synthétiques comme le nylon. Stephanie Kwolek entra dans l’entreprise en 1946 et
rejoignit une équipe de chimistes qui travaillait sur le développement d’un matériau plus
léger et plus résistant que l’acier qu’on utilisait alors dans le processus de fabrication des
pneus. Ils étaient en train de tester toutes sortes de moyens pour liquéfier les polymères
lorsque l’attention de Stephanie Kwolek fut retenue par une solution laiteuse destinée à la
poubelle. Elle dut vaincre le scepticisme de ses collègues pour tester ce liquide. Son
instinct lui permit ainsi de découvrir le Kevlar, une fibre synthétique cinq fois plus
résistante que le métal et ignifugée. Le Kevlar a sauvé des milliers de vies. Il entre dans la
composition des tenues de protection des policiers et des militaires, et dans la composition
de très nombreux objets, du pont suspendu à la corde à usage intensif en passant par les
pneus, les casques de protection, la fibre optique, les matelas ignifugés et beaucoup
d’autres encore. Comme nombre d’inventeurs avant elle, Stephanie Kwolek ne profita pas
de sa découverte. Elle avait cédé ses droits de propriété industrielle à DuPont, qui en a tiré
d’énormes bénéfices.

o
Brevet n US3009235 pour un système d’attache séparable déposé par George
de Mestral.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
De retour d’une randonnée dans les Alpes avec son chien en 1941, l’ingénieur suisse
George de Mestral (1907-1990) récupéra les capitules de bardane fixés à ses vêtements et
aux poils de son animal. Les plaçant sous un microscope, il observa que chacune de leurs
petites tiges se terminait par un minuscule crochet. Cela lui inspira ce que nous
connaissons maintenant sous le nom de Velcro. Il lui fallut huit ans (et certainement
beaucoup de tâtonnements) pour présenter au monde l’invention de sa « fermeture à
glissière sans glissière », comme il l’avait baptisée. Le nom de Velcro est la contraction
des mots « velours » et « crochet ». Dans le brevet américain, accordé en 1961, l’invention
est dénommée « système d’attache séparable ». Le Velcro sert aussi bien à fixer des objets
sur les combinaisons des astronautes dans les cabines spatiales qu’à maintenir une place un
cœur artificiel. Le site Google Patents signale des milliers d’autres usages du Velcro, allant
des gants de golf aux porte-gobelets en passant par les couches pour bébés. Alors, la
prochaine fois que vous partez en randonnée, ouvrez bien les yeux !

Il est parfois important d’associer des esprits au fonctionnement


différent pour enrichir les approches sur un projet. Pour approfondir une
réflexion, on peut avoir besoin à la fois d’un ingénieur, d’un chimiste et
d’un psychologue. On fait souvent appel à moi comme consultante dans des
entreprises dont l’activité est en lien avec les animaux, dans des zoos, des
élevages intensifs, toutes sortes d’endroits où les bêtes, pour une raison ou
une autre, ne vont pas très bien. Grâce à mes facilités de communication
avec les animaux, en raison ma formation en sciences animales et de mes
années d’expérience, je parviens souvent à trouver des solutions. Si le
problème provient de l’installation, j’ai besoin d’un ingénieur et d’un
mécanicien pour aboutir au résultat voulu.
De même, la conception d’une structure destinée à accueillir des
animaux requiert l’intervention d’un penseur visuel (moi) pour réaliser
l’aménagement et concevoir l’équipement. Il faut ensuite l’intervention de
mécaniciens et de soudeurs pour fabriquer cet équipement. Il faut également
des ingénieurs pour concevoir les chaudières, les canalisations, les systèmes
électriques, l’épuration de l’eau et la réfrigération. Je ne le dirai jamais
assez : le monde a besoin des types d’intelligences et des modes de pensée
les plus diversifiés possible.
Il me reste à vous présenter un dernier jouet à faire soi-même : le lance-
pomme. Il s’agit sans doute du premier (et du plus redoutable) jouet de ma
fabrication qui fasse réellement appel au principe du levier. De petites
pommes poussaient dans notre jardin. Il suffisait d’en ficher une au bout
d’un bâton d’une trentaine de centimètres et de la lancer de toutes nos
forces. Mes frères et sœurs et moi, on s’amusait parfois à en lancer chez les
voisins. Vous aurez sans doute compris pourquoi ce jeu repose sur le
principe du levier. En tenant le bâton à son extrémité, on lance la pomme
deux fois plus loin qu’en la tenant directement en main. J’essaie de
présenter la chose sous un angle scientifique mais, pour être honnête, c’était
seulement une façon de nous amuser.
CHAPITRE 3

Objets en bois

Au CM2, je fus la deuxième fille de la classe à être admise à l’atelier de


menuiserie. En principe, celui-ci était strictement réservé aux garçons, et les
filles n’avaient droit qu’aux ateliers de couture et de cuisine.
Ma toute première réalisation fut un tabouret violon pour plante verte.
Vous vous demandez peut-être ce que c’est. Excellente question. Je ne
saurais vous dire où le responsable de l’atelier avait pêché cette idée, mais
elle portait assez bien son nom : c’était un tabouret destiné à servir de
support pour une plante et taillé dans un morceau de bois en forme de
violon. Il aurait aussi bien pu nous demander de réaliser un tabouret-
tambour ou un tabouret-chat. Cela dit, après réflexion, peut-être a-t-il choisi
le violon parce que ses formes sinueuses sont difficiles à scier et que cela
nous permettait d’apprendre à manier une scie à chantourner. Cet outil
e
existe depuis le milieu du XVI siècle, et s’il existe de nombreux brevets
pour des améliorations (évolution du manche, motorisation, etc.), la scie
elle-même n’a guère changé depuis.

En dents de scie
La scie à chantourner se présente en forme de U, ce qui permet des découpes complexes
dans le bois. Comme celle de toutes les scies, sa lame possède des dents, dirigées vers
l’extérieur. Ses deux extrémités sont fixées à celles du U et généralement maintenues par
e
de petites vis. La scie à chantourner était un outil particulièrement populaire au XVIII
siècle. À cette époque, on pratiquait beaucoup la marqueterie, une technique d’incrustation
de petites pièces de différents bois sur les meubles à des fins décoratives. Certains des
motifs ainsi créés me font penser aux flocons de neige que nous avons vus dans le premier
chapitre. La marqueterie est encore un exemple de symétrie. Heureusement nous n’avons
pas eu à découper les « ouïes », ces trous en forme de f de chaque côté des cordes du
violon qui servent à amplifier le son.

Scie à chantourner.
Source : Securiger via Wikimedia Commons.

Cela aurait exigé de démonter la scie pour passer la lame à travers un trou percé dans le
bois. C’est ainsi qu’on procède pour découper des trous dans le bois.

Nous avons scié nos tabourets dans du bois de pin tendre, poncé les
bords et verni la surface. Les pieds étaient constitués de deux triangles dont
on avait coupé les extrémités, fixés à l’aide de deux petits clous de finition.
On peut faire des essais avec du contreplaqué léger et toutes sortes d’autres
bois. Avec les colles actuelles, telles que la Super Glue, on peut facilement
coller les pieds au lieu de les clouer. Quand j’étais petite, nous n’avions que
de la colle universelle qui n’était pas assez forte pour les faire tenir et a
fortiori pour soutenir le poids d’une plante.
LE TABOURET VIOLON

POUR PLANTE VERTE

 
Il vous faut :
• une feuille de papier A4 (21 × 29,7 cm)
• un crayon
• une paire de ciseaux
• une planche en pin ou en contreplaqué de 27 x 23,5 cm, de 3,5 cm d’épaisseur (0,6
d’épaisseur suffisent si vous utilisez du contreplaqué.)
• une scie à chantourner
• du papier de verre grain 180
• un chiffon humide
• une tige en bois de 4,5 cm de diamètre et 30 cm de long, comme un manche à balai ou
une barre en bois sciée à cette dimension
• de la colle à bois
• du papier journal
• du vernis à bois incolore (acrylique ou à base d’eau), en pot ou en bombe aérosol
• un pinceau si vous prenez du vernis en pot
 
Instructions :
1. Dessinez sur la feuille de papier un violon de 28 cm de long. Il sera peut-être plus
simple de dessiner un demi-violon le long de la feuille pliée en deux. En la dépliant,
vous obtiendrez ainsi après découpe un violon parfaitement symétrique.

2. Découpez le violon et posez-le sur votre planche en pin ou en contreplaqué. Tracez


le violon sur le bois en suivant les contours du papier.
3. À l’aide de la scie, découpez soigneusement le bois en suivant l’extérieur du trait.

4. Poncez les bords du violon au papier de verre jusqu’à ce qu’ils soient arrondis et
bien lisses. Veillez à poncer en suivant le fil du bois. Nettoyez bien le bois avec un
chiffon humide pour enlever toute trace de sciure et laissez sécher pendant au
moins trente minutes.
5. Découpez la tige de bois en quatre parties égales de 7,5 cm. Celles-ci constitueront
les pieds du tabouret.

6. Marquez le dessous de votre tabouret de quatre croix pour indiquer l’emplacement


des pieds. Situez-les à 2,5 cm des bords. Le fait de les disposer près des bords
aidera à stabiliser du tabouret.
7. Fixez les pieds avec de la colle. Laissez sécher toute une nuit.
8. Posez des feuilles de journal par terre dans une pièce bien aérée. Posez votre
tabouret dessus. Appliquez le vernis au pinceau ou à la bombe, en suivant la fibre
du bois. Laissez sécher vingt-quatre heures.
Une petite histoire de la colle
Vous avez sûrement déjà utilisé de la colle universelle. Aux États-Unis, la plus connue est
la colle Elmer, vendue dans un flacon blanc à bouchon orange, avec un sympathique
taureau en guise de mascotte. Elmer le taureau était au départ le logo de la société Broden.
Un membre du service marketing le conçut un jour pour donner un compagnon à Elsie la
vache, qui était la mascotte de leurs produits laitiers. Comme Minnie pour Mickey ou
Daisy pour Donald Duck.
o
Brevet n US15553A pour une amélioration de la concentration du lait déposé par
Gail Borden.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

La Borden Company était à l’origine une société de livraison de lait. Je me souviens


encore du livreur qui déposait les bouteilles en verre chez nous tous les jours. Gail Borden
inventa en 1856 un nouveau procédé pour fabriquer du lait concentré, qui permettait de se
passer du processus de réfrigération et prolongeait énormément la conservation.
L’entreprise devient par la suite la plus grosse compagnie laitière américaine.

Gail Borden.
Source : Wikimedia Commons.

En 1939, la compagnie Borden racheta une société connue pour avoir développé le
Rotolactor, une machine permettant de traire un plus grand nombre de vaches à la fois.
Mise au point par l’ingénieur et inventeur Henry Jeffers, cette machine, également connue
sous le nom de salle de traite rotative, était à la fois hygiénique et efficace. La vache entre
dans un box, sur une grosse plateforme ronde qui ressemble à un manège. Ses pis sont
lavés et reliés aux tubes d’une trayeuse automatique, puis la vache descend du box une fois
la traite terminée. Cinquante vaches sont traites pendant les douze minutes et demie
nécessaires pour que le Rotolactor fasse un tour complet. Encore mieux, les vaches restent
très calmes pendant toute la procédure.
La compagnie Borden avait commencé à produire de la colle en 1932 à partir de la
caséine, un composant du lait. La colle était vendue dans un flacon en verre, muni d’un
bâtonnet en bois semblable à celui d’un eskimo fixé à l’intérieur du couvercle, comme
dans certains pots de colle que vous avez dû utiliser (et peut-être même goûter) à la
maternelle. Plus tard, les chercheurs élaborèrent une formule incluant des résines
synthétiques et mirent au point la colle encore vendue aujourd’hui, dans son flacon en
plastique blanc au capuchon orange qui se referme d’une torsion. On pourrait passer des
journées entières à lire tous les brevets déposés pour des bouchons de flacons à presser. Il
vous suffit d’ouvrir votre réfrigérateur et de comparer les systèmes de fermeture de vos
bouteilles de ketchup, de moutarde et de mayonnaise. Ils sont sans doute tous brevetés.

o
Brevet n US2305259A pour une machine de traite déposé par Henry Jeffers
(cherchez le brevet sur Internet pour comprendre le fonctionnement de la
plateforme rotative).
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
L’invention de la Super Glue est encore une histoire étonnante de découverte due au
hasard. La substance qui rend la Super Glue aussi efficace est le cyanoacrylate, une sorte
de plastique qui durcit lorsqu’il est exposé à l’air. Au cours de la Seconde Guerre
mondiale, on s’y intéressa en tant qu’alternative au fil de suture : les scientifiques
cherchaient quelque chose qui permettrait de suturer les blessures plus rapidement sur le
champ de bataille. Mais c’était trop difficile à utiliser, car la colle collait tout. Puis, en
1951, deux chercheurs de la Eastman Kodak Company, Harry Coover et Fred Joyner,
s’intéressèrent eux aussi au cyanoacrylate en testant des centaines de substances alors
qu’ils tentaient de concevoir un revêtement résistant pour les cockpits des avions à
réaction. Ils découvrirent alors que les qualités adhésives du cyanoacrylate pouvaient être
exploitées et commercialisées pour coller à peu près toutes les matières : le verre, le métal,
le cuir, le bois, etc. La Super Glue devint ainsi la colle universelle. « Sincèrement, il a fallu
une journée de chance et environ dix ans de travail acharné », déclara Coover dans une
interview télévisée.

Harry Coover.
Source : la Maison Blanche via Wikimedia Commons.

Quand j’étais petite, je regardais à la télévision une émission où les participants devaient
deviner le métier d’un invité ou ce qui les avait rendus célèbres. Cela me plaisait parce que
l’invité était parfois un scientifique ou un inventeur qui présentait son invention. Harry
Coover participa à une émission au cours de laquelle il fut soulevé dans les airs par un
câble maintenu au plafond par une unique goutte de colle. Cela fut l’un des coups de
publicité les plus géniaux de tous les temps : la colle était entrée dans l’histoire.

Au milieu des années 1960, alors que j’étais pensionnaire au Hampshire


Country School à Rindge, dans le New Hampshire, j’ai eu l’idée de
fabriquer un snowboard pour m’amuser. Il y avait des travaux au lycée à
cette période et il nous arrivait souvent d’« emprunter » des matériaux qui
traînaient sur le chantier. Je ne sais trop comment on a réussi à ne jamais se
faire prendre, mais, par un jour d’hiver neigeux, nous avons pris une plaque
de contreplaqué de quarante-cinq centimètres sur quinze dont nous avons
cloué une extrémité au plancher de notre dortoir. Puis nous avons soulevé
l’avant de la planche et glissé un autre bout de bois dessous, en
l’humidifiant constamment pour le faire gondoler. (Je ne vous conseille pas
d’essayer chez vous. Peut-être étions-nous particulièrement espiègles parce
que nous étions pensionnaires. J’aurais passé un sale quart d’heure si j’avais
cloué quoi que ce soit au plancher à la maison.)
Il a fallu trois jours pour que l’extrémité soit courbée de manière
satisfaisante, mais peut-être étions-nous simplement très impatients
d’essayer notre planche. Si vous avez déjà utilisé une planche de surf ou de
skate, vous savez que les deux extrémités sont relevées. Nous posions la
face lisse dessous, pour glisser sur la neige, et nous nous tenions sur la face
rugueuse. La principale différence entre notre planche et les planches
modernes du commerce est que la nôtre n’avait pas de système de fixation !
On ne peut pas dire qu’elle était très sûre.
Le premier brevet enregistré pour une planche de snowboard, le no
US2131391A, fut accordé à Vern Wicklund et aux frères Harvey et Gunnar
Burgeson en 1939, sous l’intitulé de « luge ». Le document spécifie qu’il
s’agit d’une luge améliorée, utilisée en remplacement des skis pour sauter
dans la neige ou se déplacer sur terrain neigeux.
Nous n’étions pas les seuls du lycée à dévaler les pentes des collines
enneigées sur tout ce qu’on pouvait trouver, et il est tout aussi difficile
d’identifier l’inventeur de la planche de snowboard. La plupart des sources
l’attribuent à M. J. Burchett, qui fixa de la corde à linge et des rênes à une
planche en contreplaqué en 1929. En 1965, un certain Sherman Poppen,
ingénieur en gaz chimiques, fabriqua une planche pour sa fille en attachant
deux skis ensemble côte à côte et en fixant une corde à l’avant. Il
commercialisa son invention, qu’il baptisa Snurfer (en contractant les mots
snow, « neige » en anglais, et surf ) et qui bénéficia d’une certaine
popularité. Puis, en 1969, un étudiant du nom de Dimitrije Milovich se fit
connaître en dévalant les pentes sur des plateaux de cafétéria. Il abandonna
ses études pour fonder avec Wayne Stoveken (l’inventeur de l’expression
snowsurfing) la société Winterstick et mit au point une planche en fibre de
verre, avec une pièce de bois en forme d’un aileron de requin fixée dessous
et deux autres en diagonale à l’arrière. Ces pièces rendaient la planche plus
facile à contrôler. Le brevet fut enregistré en 1974.
o
Brevet n US3782744A pour une planche de snowboard munie de stabilisateurs sur les
côtés, déposé par Dimitrije Milovich et Wayne Stoveken.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

Malgré la passion des gens pour le surf et le skateboard, la combinaison


des deux ne prit pas tout de suite. Puis, en 1977, deux hommes proposèrent
une innovation de taille : Tom Sims et Jake Burton. Tom Sims fabriqua sa
première planche dans l’atelier de son lycée, avec de la moquette sur la face
supérieure et de l’aluminium sur la face inférieure. Il se fit connaître en
introduisant dans les pratiques du snowboard le freestyle et les compétitions
de half-pipe. Il créa également une fabrique des planches et apporta des
innovations telles que les rebords métalliques (une idée venue de son
utilisation de l’aluminium sur sa première planche). Quant à Burton, si vous
avez déjà pratiqué le snowboard, vous avez sûrement vu son nom inscrit sur
l’équipement. C’est surtout lui qu’on crédite pour son système de fixation,
bien que les noms des deux hommes figurent sur plusieurs brevets
concernant leur amélioration. De nos jours, le snowboard est presque aussi
pratiqué que le ski et attire de plus en plus de jeunes de moins de trente-cinq
ans. On avait vraiment mis le doigt sur quelque chose, à la pension de
Hampshire Country.
o
Brevet n US6543159B1 pour une chaussure de snowboard avec courroie de fixation
déposé par Jake Burton.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

Les échasses géantes furent une autre de nos créations réalisées en


pension à partir des matériaux « empruntés ». Nous trouvâmes des tasseaux
de 2,5 mètres sur lesquels nous clouâmes des repose-pieds. Il n’est pas
nécessaire de les placer très haut pour avoir la sensation de dominer tout le
monde. Je vous conseille de commencer par vous entraîner sur de l’herbe
pour vous habituer. Si vous savez coudre, vous pouvez réaliser un pantalon
ou un déguisement quelconque pour masquer toute la hauteur des échasses.
Le vêtement peut être fixé sur les échasses avec de la colle ou une agrafeuse
murale.
J’étais plutôt du genre garçon manqué, mais j’ai fait une exception pour
la couture. Quand j’avais dix ans, ma mère m’a acheté une machine à
coudre à manivelle Singer qui me fascinait, comme toutes les machines
constituées de pièces mobiles. Elle présentait aussi l’avantage d’être facile à
utiliser. Aujourd’hui, la plupart des machines à coudre sont électriques, ce
qui peut les rendre dangereuses pour les petites mains.
Je me servais de ma Singer pour aider mon institutrice à préparer des
déguisements pour le spectacle de fin d’année. J’y passais tout mon temps
libre et j’adorais voir mes costumes portés ensuite par les autres élèves.
Quand j’ai découvert que je pouvais aussi coudre du papier crépon avec ma
machine, j’ai fabriqué des déguisements de carottes. Je les ai même
agrémentés de chapeaux, fabriqués avec de grandes feuilles de crépon vert
dont je plissais les bordures. J’ai ajouté des ficelles fixées par du scotch
pour les faire tenir sur la tête de mes camarades. Puis j’ai amélioré mon
modèle de jupes en cousant des feuilles plissées sur des ceintures. Je
repoussais toujours les limites de l’expérimentation, mais je faisais toujours
très attention de ne rien faire qui puisse abîmer ma machine.
À plates coutures

Elias Howe.
Source : Wikimedia Commons.

Elias Howe est le premier inventeur qui m’ait réellement impressionnée, parce que je
pouvais relier son invention à quelque chose que j’utilisais moi-même.
Il obtint le premier brevet américain délivré pour une machine à coudre en 1846, bien
qu’on trouve des modèles plus anciens. Il semble qu’un Anglais du nom de Thomas Saint
ait fait breveter une première machine à coudre en 1790. Celle-ci possédait déjà le levier
présent sur les modèles modernes, une aiguille droite, un bobineur de canette pour fournir
du fil en continu et une manivelle. Le New-Yorkais Walter Hunt y ajouta le point noué,
une amélioration par rapport au point de chaînette, qui se défaisait trop facilement. Mais ce
fut Howe qui perfectionna le tout : avec un point noué qui se formait à la fois au-dessus et
en dessous du tissu, des griffes d’entraînement pour faire avancer le tissu et une manière
ingénieuse de placer le chas de l’aiguille au plus près du point de piquage dans le tissu.
Cette dernière caractéristique semble être un détail, mais elle a contribué à la révolution
industrielle en permettant de produire des vêtements plus vite, et donc à moindre coût.
Une machine à coudre avec un fil passé dans le chas de l’aiguille. Le fait que le
chas se situe tout près de la pointe de l’aiguille est la clé du fonctionnement de la
machine.
Source : Wolfgang Lonien via Wikimedia Commons.

Howe eut du mal à convaincre les investisseurs et dut se rendre à l’étranger pour trouver
un financement. La suite de l’histoire ressemble à celle de Louis Nicolas Robert et de sa
machine à papier.
Malheureusement, il est fréquent que le rôle d’un inventeur soit éclipsé par ceux qui ont
l’argent et les capacités de produire et de commercialiser sa découverte. À son retour aux
États-Unis, Howe vit que d’autres, parmi lesquels Isaac Singer, avaient copié son
invention. Il poursuivit l’entreprise I. M. Singer & Co en justice pour violation de brevet et
gagna son procès. Singer dut lui verser des droits sur chaque machine vendue, et Howe
termina sa vie dans l’opulence. Néanmoins, c’est le nom de Singer que l’on associe aux
machines à coudre.
o
Brevet n US4750A pour une amélioration sur les machines à coudre de fixation,
déposé par Elias Howe.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
LES ÉCHASSES
Mieux vaut demander l’aide d’un adulte pour commencer à marcher avec des
échasses, afin d’éviter tout risque de chute et/ou de blessure.

 
Il vous faut :
• 2 tasseaux de 2,5 m de long
• une règle
• un crayon
• une scie
• une perceuse
• un tournevis
• 4 vis à bois tirefond de 8 cm de long pour les repose-pieds
• des petites poignées en métal et des vis (facultatif)
 
Instructions :
Découpez un tronçon de 25 cm de long au bout de chaque tasseau. Ces morceaux de
bois serviront de repose-pieds.
2. À l’aide d’un crayon, faites une marque sur chaque tasseau à 30 cm de l’extrémité
pour signaler l’emplacement des repose-pieds. (C’est la bonne hauteur pour monter
facilement sur des échasses et réduire les risques de chute.)
3. Percez ensuite trois trous sur chaque échasse : un à 2,5 cm sous la marque, un
autre à 7,5 cm en dessous et un troisième encore 7,5 cm plus bas. Ils serviront à
insérer les vis qui maintiendront les repose-pieds. (Veillez à utiliser un foret de
perceuse un peu plus petit que le diamètre de vos vis). Vissez soigneusement trois
vis dans chaque repose-pieds. Ceux-ci doivent tenir fermement pour garantir un
emploi des échasses en toute sécurité. Faites vérifier par un adulte que c’est bien le
cas.

4. Pour les petites mains, ajoutez des poignées métalliques. (Fixez-les aux échasses
avec des vis.)
5. Portez un casque de vélo pour utiliser les échasses et entraînez-vous dans l’herbe.

 
Les moments que j’ai passés à créer des choses avec d’autres enfants
font partie de mes meilleurs souvenirs d’école, avec le temps passé auprès
des chevaux. C’étaient les seuls moments où ils ne se moquaient pas de
moi. J’essayais de ne pas me laisser atteindre, mais j’avais parfois envie de
balancer un coup de poing à mes persécuteurs. Et cela n’arrivait pas qu’à
l’école. On se moquait souvent de moi dans les lieux publics. Je n’avais pas
la même allure que les autres enfants. Mon apparence, ni mes vêtements, ni
mes cheveux ne m’intéressaient. Les garçons me traitaient de « sac d’os »
parce que j’étais maigre, ou « cheval de trait » parce que je passais mon
temps dans les écuries. Les moqueries et le harcèlement ont fait du parking
et de la cantine des lieux de torture, et de mes années de lycée les PIRES
années de ma vie.
Les seuls moments où cela cessait étaient ceux où je participais à une
activité avec les autres élèves. Des activités comme l’équitation, la
fabrication de maquettes de fusée était un refuge, les moqueries n’y avaient
pas leur place. J’ai eu mon petit succès le jour où j’ai fait une fusée qui
ressemblait à notre proviseur. Les scouts, le laboratoire d’électronique ou
l’atelier théâtre sont d’excellents moyens de s’intégrer, en particulier pour
les enfants décalés ou différents. L’important, dans ces activités, est le but
partagé. Il s’est passé quelque chose d’assez incroyable quand nous avons
fabriqué notre planche de snowboard et dévalé la colline de notre pension
dans le New Hampshire et quand nous avons testé nos échasses à tour de
rôles, en paradant comme des clowns ou des girafes : personne ne s’est
moqué de moi.
Nerd ou geek ?
Si surprenant que cela puisse paraître, la personne qui a inventé le mot nerd est un auteur
de livres pour enfants, Dr. (Theodor) Seuss. Dans If I Ran the Zoo (« Si j’étais le directeur
du zoo »), paru en 1950, le narrateur décrit les animaux imaginaires qu’il aimerait voir
dans son zoo et évoque, parmi d’autres, le Nerd – la créature telle qu’elle est dessinée a
davantage l’air d’un grincheux que d’un fort en maths et elle n’a ni lunettes ni stylo dans la
poche de sa blouse. Le mot geek est un peu plus ancien et viendrait du mot anglais geke,
qui désignait un idiot au Moyen Âge, mot lui-même issu du vieil allemand Gecke. Au
e
début du XX siècle, un homme geek désignait un monstre de foire dans les cirques
américains. Au fur et à mesure, le mot nerd en est venu à qualifier des enfants asociaux
comme moi, ou n’importe qui de différent. Le terme a évolué ces quinze dernières années
pour englober des profils très intelligents dans le domaine des sciences, des technologies,
de l’ingénierie ou des mathématiques, dans le genre des chercheurs de la série Big Bang
Theory.
Clairement, je suis une nerd. Ma série préférée au lycée était Star Trek. Je me sentais très
proche du très rationnel Monsieur Spock. En travaillant plus tard à la conception et à la
construction de systèmes dédiés au bétail, j’ai côtoyé beaucoup d’esprits brillants et
excentriques, capables de fabriquer n’importe quoi. Cela fait peut-être un peu nerd, mais
j’ai passé des moments formidables à discuter sur la manière de fabriquer ceci ou cela dans
des cabanes de chantier.
Le vent a tourné pour les nerds avec l’émergence de la Silicon Valley et de génies tels que
Bill Gates, Steve Jobs, Steve Wozniak et Mark Zuckerberg. Du jour au lendemain, des
jeunes qui avaient passé beaucoup d’heures seuls à démonter leurs ordinateurs pour en
remonter de nouveaux, ou à apprendre à coder tout seuls dans leur coin, ont révolutionné
le monde. La Silicon Valley marque la naissance de la fierté nerd. Si vous voulez mon
avis, l’avenir appartient aux nerds. Alors soyez sympas avec nous !

J’ai eu l’occasion de fabriquer un voilier en bois à l’atelier menuiserie


quand j’étais en sixième ; j’étais enchantée, je ne me doutais pas que cela
donnerait lieu à un cours sur le principe du déplacement. Autrement dit,
pourquoi un bateau flotte-t-il ? La réponse fut trouvée dans une baignoire
par un scientifique grec de l’Antiquité, mais, pour moi, la première
difficulté était de réaliser un voilier digne de ce nom. Le professeur nous a
aidés dans le maniement de la scie sauteuse. Ce n’est pas une mince affaire
de passer des outils manuels aux outils électriques et il faut prendre des
précautions, en mettant des lunettes et des gants de protection et en
travaillant sous la supervision d’un adulte. Nous avons utilisé des planches
en bois de 2,5 centimètres d’épaisseur et une planche plate en forme de
bateau pour réaliser le fond de la coque, qui constitue le corps étanche du
voilier. Le professeur a découpé de fines planches en pin pour former les
bords du bateau. Notre tâche était de les assembler avec de la colle et de
lisser la coque avec du papier de verre. Un autre moyen de lisser les
surfaces de deux sections à coller ensemble est d’utiliser un vastringue, un
outil constitué d’une lame prolongée par deux poignées qui a un peu la
forme d’un avion. On fait passer la lame sur la surface du bois pour le lisser.
Avec la scie à chantourner, j’ai découpé un morceau de contreplaqué pour
former le fond. J’y ai ajouté un mât et ai taillé la voile dans un vieux drap.
J’ai collé la voile au mât, mais vous pouvez aussi exploiter ce que nous
avons vu sur le principe de la poulie pour poser une voile que vous pourrez
hisser et affaler.
LE VOILIER

 
Il vous faut :
• un crayon
• une plaque de bois tendre (balsa, pin ou aulne) de 6 × 18 cm, épaisse de 4 cm
• une scie à chantourner ou une scie sauteuse
• du papier de verre grain 80
• un chiffon légèrement humide
• une perceuse
• un tourillon de 6 mm de diamètre x 20 cm de long
• une paire de ciseaux
• un carré de toile de 15 cm de côté
• de la colle à bois
• une plaque de bois de 7,5 x 10 cm, épaisse de 1 cm
 
Instructions :
1. Tracez les contours du fond du voilier sur votre plaque de bois (comme sur
l’illustration) et découpez cette forme à la scie. Poncez les bordures au papier de
verre, en suivant le fil du bois. Nettoyez soigneusement le bois avec un chiffon
humide et laissez sécher une demi-heure.
2. Percez un trou dans le bois à environ un tiers de la proue (la pointe avant du
voilier). Ne traversez pas toute l’épaisseur du bois.

3. Placez le tourillon dans le trou pour vérifier qu’il s’y insère bien. Retirez le tourillon.
Poncez le voilier et le tourillon pour retirer toutes les aspérités et rendre la surface
lisse au toucher. Nettoyez de nouveau avec le chiffon humide et laissez sécher.
4. Avec les ciseaux, découper un triangle à angle droit dans le carré de toile pour
former la voile.

5. Prenez le tourillon. En commençant par le haut, appliquez de la colle (en ligne


droite) sur 15 cm de long. Laissez 5 cm sans colle. La partie enrobée de colle
constitue le haut du mât. Enroulez le côté le plus long du triangle de toile une fois
autour du tourillon. (Veillez à positionner la toile de sorte que l’angle droit se trouve
en bas du tourillon.) Pressez fermement pour que la colle prenne. Déposez
quelques gouttes de colle dans le trou prévu pour le mât et enfoncez-y le bas du
tourillon.

6. Si votre voilier ne reste pas droit lorsque vous le faites flotter, vous pouvez essayer
de lui ajouter du poids ou munir le fond d’une quille avec un morceau de bois. Il doit
mesurer 7,5 cm de large sur 10 cm de haut, et avoir 2 cm d’épaisseur sur son côté
le plus épais. Si vous y arrivez, taillez la largeur du bas en biais. Affinez l’arête du
bas à mesure que vous descendez pour former une pointe. Placez la quille sous le
fond du voilier en le centrant bien, en y fixant le côté de 7,5 cm avec de la colle à
bois. La partie le plus épaisse doit se trouver vers l’avant (la proue) et la plus fine
vers l’arrière (la poupe). Laissez sécher.

Note. Vous aurez peut-être besoin d’ajouter du poids à la quille. Si rien d’autre ne
marche, fixez une pierre à la quille avec du ruban adhésif.

Le moment était venu de faire voguer mon voilier. Près de chez moi, il y
avait un ruisseau qui passait sous un pont. J’y suis allée à vélo avec une
amie, et j’étais surexcitée en déposant mon voilier sur l’eau. Il s’est
renversé aussitôt. J’ai été très déçue d’avoir fourni tant d’efforts pour rien.

Quille de bateau.
Source : Wikimedia Commons.

De retour au collège, j’ai demandé à mon professeur pourquoi mon


bateau avait chaviré. Il m’a expliqué qu’il fallait une quille pour le
maintenir droit. Il s’agit d’une sorte de lame plate, un peu de la même
forme qu’un aileron de requin, fixée sous le bateau. Lorsqu’elle est
submergée, la quille aide le bateau à garder l’équilibre. Nos voiliers n’en
avaient pas parce que l’atelier du collège ne disposait pas de l’équipement
nécessaire pour travailler l’acier, mais le fait de comprendre pourquoi mon
bateau s’était renversé m’a suffi. Je me rends compte maintenant que
j’aurais pu l’alourdir avec des cailloux pour l’empêcher de pencher. J’aurais
pu aussi y fixer des équerres ou des plombs de pêche. On pourrait croire
que le fait d’alourdir un objet le fait couler. Or il y a une explication au fait
que même des bateaux de cinquante tonnes peuvent flotter. Vous
comprendrez mieux ce principe en réalisant des expériences dans votre
évier avec des gobelets en carton et divers modèles de verres.

Le vent en poupe
Archimède était un vrai génie. Nous avons vu qu’il avait découvert le principe du levier.
Mais celui qui porte son nom, le principe d’Archimède, est lié au déplacement de l’eau. Le
tyran de Syracuse, qui se méfiait de son orfèvre, demanda un jour à Archimède de
déterminer si sa couronne était constituée d’or à cent pour cent. La vraie difficulté était
qu’Archimède ne pouvait abîmer la couronne en aucune manière pour analyser sa matière.
La solution lui apparut alors qu’il entrait son bain : il constata que le niveau de l’eau
montait. Vous avez déjà dû observer ce phénomène vous-même. Il se rendit compte que le
volume d’eau qu’il avait déplacé en entrant dedans correspondait au volume de son propre
corps. (Le volume est la quantité d’espace occupée par une chose ; dans notre cas, le corps
d’Archimède dans la baignoire.)
Archimède immergea la couronne du roi dans l’eau pour définir son volume. Il fit ensuite
de même avec un bloc d’or pur qui pesait exactement le même poids que la couronne. En
comparant la quantité d’eau déplacée par la couronne, il vit qu’elle avait un volume plus
important, ce qui montrait que l’or avait dû être mélangé à un autre métal plus léger.
L’histoire raconte que l’orfèvre fut décapité, mais le monde disposa dès lors d’une loi
scientifique pour expliquer la flottaison et le déplacement.
J’ai récemment tenté une expérience personnelle sur le déplacement et
la flottaison. J’ai enfoncé un gobelet vide dans l’eau d’un lavabo et senti la
« force de poussée » qui fait flotter les bateaux. Lorsque j’ai relâché le
gobelet, il est remonté en surface et s’est aussitôt renversé sur le côté. Le
fait de l’alourdir en le remplissant d’eau n’y a rien changé. Le voilier que
j’avais fabriqué enfant avait réagi comme ce gobelet. J’ai eu plus de succès
avec deux verres avec lesquels j’ai fait l’expérience. Celui qui fonctionnait
le mieux était celui qui avait le fond le plus lourd. Je l’ai déposé au fond du
lavabo vide. Quand j’ai rempli ce dernier d’eau, il est remonté comme par
magie et a flotté en surface sans basculer, comme un bateau. Le fond lourd,
en jouant le rôle de lest, avait stabilisé le verre et l’avait empêché de
chavirer. Vous aussi vous pouvez faire des expériences avec différents types
de verres pour trouver ceux qui flotteront le mieux sans se renverser.
Vous pourrez aussi expérimenter d’autres objets de la maison. Essayez
avec une pomme. Coupez-la en deux, creusez le trognon et voyez si elle
flotte. Mettez quelques billes à l’intérieur. Cela aide-t-il à la stabiliser ?
Ajoutez encore quelques billes et observez ce qui se passe. Notre professeur
de SVT nous a fait passer tout un cours à essayer de prédire quels objets
dans la salle de classe allaient flotter ou couler, mais il ne m’est pas venu à
l’esprit qu’en ajoutant du poids à mon voilier, je pourrais le stabiliser
suffisamment pour le faire flotter. Maintenant, bien sûr, je sais que ce n’est
pas le poids seul, mais la façon dont il est réparti et le déplacement de l’eau
qui font flotter les choses.
En état de naviguer
Maria A. Beasley est une figure d’exception : une inventrice et une femme d’affaires du
e
XIX siècle. En 1892, elle se vit attribuer un brevet pour son canot de sauvetage. D’après le
texte de présentation de sa découverte, « l’objet de cette invention est de proposer un canot
ignifugé, compact, sûr et facile à déployer, disponible très rapidement en cas de besoin ».
Jusque-là, les canots n’étaient guère plus que des planches de bois. Facile à plier, le
modèle de Beasley était muni de garde-corps et de flotteurs métalliques creux. Elle obtint
quinze autres brevets pour des inventions très diverses allant d’un chauffe-pieds à un
système antidéraillement pour les trains, en passant par un générateur à vapeur et une
découverte qui fit sa richesse : une machine à cercler les tonneaux.
o
Brevet n US245050A pour une machine à cercler les tonneaux déposé par Maria
Beasley.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

À ce propos, Maria Beasley affirme : « L’objet de cette invention est de fabriquer une
machine capable de réaliser une action accomplie aujourd’hui manuellement. » On entend
beaucoup parler de robots qui suppriment des emplois, mais ce phénomène n’est pas
nouveau et se produit chaque fois qu’apparaissent de nouvelles technologies. Certains se
réjouissent du progrès tandis que d’autres s’en méfient. La machine de Maria Beasley
fixait fermement des anneaux sur des tonneaux, ce qui les rendait plus résistants. Ces
tonneaux servaient à la conservation de la nourriture et du vin. Son invention fit gagner à
Maria Beasley 20 000 dollars par an, à une époque ou une femme gagnait en moyenne 3
dollars par jour.

Une autre réalisation autour du bois ET du mouvement qui


m’enchantait, c’étaient les marionnettes à fils. C’est un peu la même chose
qu’un pantin, le système de levier en moins. Chaque partie du corps de la
marionnette est manipulée séparément. Vous vous doutez peut-être que ce
qui me fascinait le plus était le mécanisme qui les faisait bouger. Le plus
amusant dans l’assemblage et l’utilisation des marionnettes est de se
perfectionner dans le maniement des bras et des jambes. Les ficelles sont
attachées à une barre transversale, qui peut être une simple croix réalisée en
collant à angle droit deux bâtonnets d’eskimos, ou prendre une forme plus
sophistiquée, dotée de poignées. L’une des deux barres contrôle les bras et
tandis que l’autre fait mouvoir le reste du corps.
Le moyen le plus simple d’assembler une marionnette est de l’acheter
en kit dans un magasin de matériel pour loisirs créatifs. Les éléments sont
généralement fournis avec des trous tout faits pour y glisser les ficelles. À
l’école, nous nous sommes servis de blocs de bois que nous avons reliés
entre eux par des morceaux de tissus, en les agrafant au bois à l’aide d’une
agrafeuse murale.
LA MARIONNETTE ARTICULÉE

 
Il vous faut :
• un crayon
• du papier cartonné blanc
• une paire de ciseaux
• 6 attaches parisiennes
• 2 tourillons épais comme des crayons, l’un de 15 cm et l’autre de 25 cm de long (ou des
crayons)
• du ruban adhésif pour emballage très résistant
• 4 bouts de ficelle résistante, de 20 à 30 cm
• 1 bout de ficelle résistante de 8 à 13 cm
 
Instructions :
1. Dessinez séparément un buste, une tête, deux bras et deux jambes sur le papier
cartonné. Ils doivent respecter les proportions du corps humain, et l’ensemble doit
mesurer environ 25 centimètres.

2. Découpez les différents éléments.


3. Placez-les sur une surface plate. Disposez les jambes et les bras de manière à ce
qu’ils recouvrent légèrement le buste (sur 5 ou 6 millimètres). À la pointe des
ciseaux, faites un trou à chaque endroit où les éléments se chevauchent.
4. Fixez avec une attache parisienne dans chacun de ces trous. Vous devez pouvoir
bouger facilement chacun des éléments.
5. Créez la « poignée » en formant une croix avec les deux tourillons ou les crayons.
Fixez-les ensemble au point d’intersection.

6. Pratiquez quatre trous dans la marionnette : un au-dessus de chaque genou et un


autre au niveau des poignets. Percez-en un cinquième au sommet de la tête.
Attachez un bout de ficelle dans chaque trou et nouez l’autre extrémité à l’une des
branches de la poignée. Fixez au centre de la croix la ficelle attachée à la tête.
Faites basculer la poignée pour voir bouger votre marionnette !

Nous fabriquions parfois les têtes de nos marionnettes en papier mâché.


On peut aussi utiliser du polystyrène ou du carton ondulé, mais les bras et
les jambes retomberont mieux s’ils sont réalisés dans un matériau un peu
lourd. Il est toujours possible d’ajouter du poids grâce à des vêtements. Le
plus difficile est d’empêcher les fils de s’emmêler. Il y aura moins de
risques si vous commencez avec des ficelles courtes, mais cela limitera les
mouvements de votre marionnette. Vous pouvez les rallonger une fois que
vous aurez acquis un peu d’entraînement dans le maniement de la croix et
des ficelles.
LA TÊTE DE MARIONNETTE

EN PAPIER MÂCHÉ
Il vous faut :
• de l’eau tiède
• de la farine
• un saladier
• une cuillère en métal ou un fouet
• un ballon de baudruche ou une balle en polystyrène et un tourillon
• un pack en carton (de lait ou de jus de fruit)
• une paire de ciseaux
• du papier journal
• de la tempéra (peinture à l’œuf) ou de la peinture acrylique
• des pinceaux
• divers éléments de décoration (rubans, perles, boutons…)
• de la colle
 
Instructions :
1. Le moyen le plus simple de fabriquer du papier mâché est de mélanger cinq
sixièmes d’eau avec un sixième de farine. Remuez bien le mélange pour éviter les
grumeaux. Ajoutez de l’eau si la pâte semble trop épaisse.

2. Gonflez votre ballon ou fixez votre boule en polystyrène sur un tourillon. Découpez
le fond d’un pack de lait qui servira de socle au ballon ou à la boule.
3. Découpez ou déchirez dans le papier journal en 30 bandelettes d’environ 8 cm de
long sur 2 de large.
4. Plongez la première bandelette dans la pâte et pressez-la doucement entre le
pouce et l’index pour en retirer l’excédent. Le papier ne doit pas être trop détrempé.
Déposez cette première bandelette sur le ballon en la lissant bien. (La tête sera plus
facile à peindre et à décorer s’il n’y a pas trop d’aspérités.) Faites de même avec les
autres bandelettes jusqu’à ce que le ballon soit recouvert d’au moins trois couches
de papier.

5. Laissez sécher toute une nuit. La tête de la marionnette doit être totalement sèche
pour être peinte.
6. Peignez les traits du visage. Laissez sécher.
7. Collez de la laine sur la tête pour faire les cheveux. Vous pouvez ajouter d’autres
décorations. N’oubliez pas de fixer une boucle de laine au sommet du crâne pour y
attacher la ficelle.

J’aurais cru que les marionnettes étaient une invention trop ancienne
pour être déposée, mais j’ai trouvé quelques brevets datant des années 1930
et 1940 portant sur de petites modifications, dont une marionnette dotée
d’une mâchoire mobile et une autre censée bouger « de manière naturelle ».
J’en ai aussi trouvé une pour une invention intitulée « La Marionnette
invisible », qui a l’aspect de deux pieds qui semblent avoir été sciés, et qui
est totalement sinistre.
o
Brevet n US52202677A pour une marionnette dotée d’une mâchoire mobile déposé par
Stasys Usinskis.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
o
Brevet n US1901707A pour une marionnette bougeant de façon naturelle déposé par
Louise M. Dunn et Winifred H. Mills.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
o
Brevet n US4253270A pour une marionnette invisible déposé par Carl E. Elwing et Mary J. Elwing.
Barre fixe
L’agrafeuse est un bon exemple d’instrument ayant évolué avec le temps en passant par les
mains et le cerveau de générations d’inventeurs. Précisons tout d’abord que les agrafeuses
n’existaient pas avant l’invention du papier. Cela peut paraître évident, mais je trouve très
intéressant de noter l’effet domino des inventions, qui en déclenchent elles-mêmes de
nombreuses autres. Le principe de l’agrafe remonte à l’époque de Louis XV, qui souhaitait
un système pour rassembler les documents de la Cour. Les outilleurs français inventèrent
ainsi la première agrafe, qui était en or et portait les insignes royaux.
En 1866, l’inventeur George McGill conçut la première agrafeuse commercialisée, alors
connue sous le nom d’« attache repliable pour papier ». Elle avait l’aspect d’une machine à
coudre et il fallait y charger les agrafes une à une. En 1877, Henry R. Heyl fit breveter une
amélioration, qui faisait passer l’agrafe dans le papier et la repliait pour la fixer. Mais
l’innovation la plus importante, proposée en 1895 par Eli Hotchkiss, fut celle de la barre
d’agrafes fixées ensemble par un fil métallique, qui s’insérait dans l’agrafeuse et
permettait l’agrafage continu. Cela peut sembler n’être qu’un détail, mais rappelons-nous
que, jusque-là, les agrafes devaient être insérées une par une avant de perforer le papier.
On utilise toujours les barres d’agrafes, mais elles sont aujourd’hui collées ensemble.
Hotchkiss conçut ensuite d’autres améliorations, et son agrafeuse, la No. 1, resta le modèle
le plus vendu pendant quarante ans. Cependant, un problème demeurait : trouver un
système simple de chargement des agrafes.
o
Brevet n US2012572A pour une agrafeuse déposé par Jack Linsky.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

L’immigrant russe Jack Linsky commença tout jeune comme livreur pour une papeterie
dans le Lower East Side, à New York. À dix-neuf ans, il ouvrit son propre magasin de
papeterie en gros. Ne parvenant pas à trouver d’agrafeuse qui lui convenait, il décida d’en
inventer une. En 1939, il mit au point une modification qui transforma le fonctionnement
des agrafeuses : il conçut un modèle qui s’ouvrait par le dessus pour y charger facilement
la barre d’agrafes. Baptisée Swingline par son épouse Bella, cette agrafeuse reste la plus
vendue du marché. Peut-être même en avez-vous une chez vous. Ouvrez-la et vous aurez
sous les yeux toute l’histoire de l’agrafeuse.

Si j’aimais alors autant travailler le bois, c’est en partie pour la quantité


de choses qu’on peut faire avec : fabriquer des objets, le faire flotter, le
gauchir, y agrafer du tissu, le peindre, tout ce qu’on veut. Fouillez votre
garage ou allez dans une scierie pour récupérer des chutes de bois. C’est ce
que je faisais, et cela a contribué à ma future profession de conceptrice
d’équipements pour le bétail, même si, alors, je pensais simplement à
m’amuser.
CHAPITRE 4

Objets volants

L’été qui a suivi mon bac, juste avant de faire mon entrée à l’université,
je revenais seule de chez ma tante à bord d’un avion 707 d’American
Airlines où j’étais assise vers le fond. C’était encore l’époque où on mettait
ses habits du dimanche pour prendre l’avion. Je me souviens que j’avais
mis le casque qu’ils prêtaient, un gros engin qui ressemblait à un
stéthoscope. J’écoutais tranquillement de la musique en regardant l’hôtesse
descendre l’allée centrale avec les plateaux-repas. Tout à coup, l’avion a fait
une embardée et les plateaux ont volé au plafond. Les hôtesses nous ont crié
d’attacher nos ceintures. Quelques secondes plus tard, elles nous
annonçaient : « Atterrissage d’urgence ! Atterrissage d’urgence ! » Ma
première pensée a été : « Je vais mourir. » Puis : « Quel gâchis ! »
L’avion s’est posé à Salina, au Kansas, sur une vieille base militaire. La
queue de l’avion a zigzagué sur la piste, et on nous a donné pour consigne
d’évacuer par le toboggan et de courir sans nous arrêter une fois au sol.
C’était délirant. Une heure plus tôt, je lisais les consignes de sécurité en me
demandant quel effet ça pouvait faire de sortir par le toboggan. On a vu
arriver des véhicules de police et des démineurs. Comme on l’apprit
ensuite, une passagère avait informé son voisin qu’il y avait une bombe
dans sa valise et qu’elle devait sauter dix minutes plus tard. L’homme avait
fait prévenir le pilote, qui avait lancé la procédure d’atterrissage en urgence.
À ma connaissance, aucune bombe n’a été retrouvée et on a fini par prendre
un autre avion. Toutes nos affaires avaient été entassées les unes sur les
autres pour être fouillées. Elles contenaient deux de mes biens les plus
précieux, mon appareil photo Instamatic et mon Polaroid Swinger, que j’ai
heureusement retrouvés au milieu des portefeuilles, des clés, des mouchoirs
et autres accessoires dont les gens bourrent leurs sacs.
Après cette épreuve, j’ai longtemps été angoissée quand je prenais
l’avion. Maintenant, je sillonne le monde en avion sans un soupçon
d’inquiétude. J’ai surmonté ma peur des avions en apprenant comment ils
fonctionnent. Cela me les a rendus moins effrayants. J’ai ainsi compris que
les ailes, conçues pour ployer, ne pouvaient pas se briser. D’effrayants, les
avions sont devenus fascinants. Ma peur a disparu après que j’ai eu
l’occasion de voyager dans le cockpit d’un vieux modèle qui emmenait des
vaches laitières à Porto Rico. Après notre retour à Miami, j’ai découvert
que l’urine des vaches était évacuée par des trous percés dans le fond du
fuselage. Même troués, les avions continuent à voler.
Mon tout premier voyage en avion s’était déroulé sans incident hormis
de terribles douleurs aux oreilles. J’étais à bord d’un Lockheed Electra à
turbopropulseurs. J’étais en sixième et je partais en vacances au Canada
avec ma famille. Mon souvenir le plus vif est le moment où l’avion est sorti
des nuages pour voler au-dessus d’eux. C’était la première fois que je
voyais les nuages par en haut, et ça m’a émerveillée.
J’ai toujours aimé observer ce qui se trouvait dans le ciel. Comme je l’ai
dit, tout ce qui était visuellement stimulant attirait mon attention : les
oiseaux, les cerfs-volants, les avions. Et j’adorais fabriquer des objets
volants. Les maquettes d’avion ne m’ont jamais passionnée parce qu’on ne
peut plus rien en faire une fois qu’elles sont assemblées. Je manquais de
patience pour cela. Si les choses n’étaient pas aérodynamiques, je n’y
voyais pas d’intérêt.
J’ai fabriqué mon premier cerf-volant vers l’âge de sept ans, avec du
papier de garnissage de boîte à biscuits, ce type de papier gondolé et un peu
ciré, plus mince et plus léger que le carton. Puis j’y ai attaché une ficelle
que j’ai nouée à l’arrière de mon tricycle. Ça n’a pas très bien marché, et je
me suis mis en tête de confectionner un cerf-volant oiseau. J’ai replié les
bords des ailes vers le haut, une chose que j’avais vu faire à mon père
lorsqu’il faisait des avions en papier. Ça me semblait logique, même si je
n’aurais pas su expliquer pourquoi. Quand j’étais étudiante, une série à
succès passait à la télé avec pour personnage principal une bonne sœur qui
pouvait voler grâce à sa grande cornette et son petit poids ; ça s’appelait La
Sœur volante. Entre-temps, j’avais acquis assez de connaissances pour
savoir que la coiffe ne respectait pas les principes aérodynamiques parce
que les ailes de sa cornette étaient repliées vers le bas plutôt que vers le
haut.
La Sœur volante et les ailes de sa coiffe repliées vers le bas.
Source : ABC Television via Wikimedia Commons.
LE CERF-VOLANT OISEAU

DE MON ENFANCE

 
Il vous faut :
• une paire de ciseaux
• une chemise cartonnée de 24 x 32 cm
• un feutre
• une règle
• du ruban adhésif
• 5 m de ficelle fine
• des serpentins en papier crépon (de 4,5 cm de large)
Instructions :
1. À l’aide des ciseaux, découpez la chemise en deux. Chacune des deux moitiés peut
devenir un cerf-volant.

2. Sur l’un des côtés longs, marquez le milieu (à 16 cm du bas) par un point sur la
bordure. Ce point représente le bas de votre cerf-volant. Marquez deux points sur le
bord des petits côtés, à 16 cm du bas. Reliez ces trois points pour former un
triangle.
3. Créez la « tête » de l’oiseau : marquez deux points sur le plus grand côté de votre
triangle, à 11,5 cm des bords. En partant de ces points, tracez vers le haut deux
lignes verticales de 6,5 cm. Reliez le haut de ces deux lignes par une ligne
légèrement courbe pour former le haut de la tête de l’oiseau.

4. Découpez la silhouette de l’oiseau à l’aide des ciseaux.


5. Repliez les pointes des ailes à angle droit vers l’arrière, à 2,5 cm des bords.
6. Avec un petit bout de ruban adhésif, fixez 3 m de ficelle en haut de la tête. (Quand
j’étais petite, j’attachais la ficelle à mon vélo pour faire voler mon cerf-volant, mais
on peut aussi le faire voler en courant, et éventuellement prendre une ficelle plus
longue.)
7. Fixez environ 45 cm de ficelle à l’arrière du cerf-volant. Faites des essais avec
différentes longueurs.
8. Fixez un serpentin d’environ 55 cm au bout du fil. Faites des essais avec des
serpentins de longueurs différentes. Essayez aussi d’autres matières.
9. Repliez la tête légèrement vers l’avant. Cela renforcera la portance du cerf-volant.
Testez différentes inclinaisons jusqu’à obtenir la portance souhaitée. Votre cerf-
volant est maintenant prêt à voler !

Remarque. Il vous faudra peut-être procéder à plusieurs essais pour faire marcher
votre cerf-volant. Le papier à dessin épais que j’utilisais n’étant pas facile à trouver, j’ai
dû me rabattre plus tard sur des chemises cartonnées. Celles-ci ont une surface lisse
qui peut modifier les caractéristiques de vol. Vous pouvez également faire des essais
avec du papier Canson.
Le cerf-volant oiseau de ma fabrication.
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.
Les schémas que j’ai dessinés pour recréer le cerf-volant de mon enfance (vues plane et en
perspective).
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Deux forces sont à l’œuvre dans le principe du vol : la portance et la


traînée. Dans un article de Scientific American, Tom Veilleux, chercheur, et
Vince Simonds, directeur de recherche en aérodynamique dans une société
de matériel de golf du nom de Top-Flight, donnent un bon moyen de
comprendre la mécanique du vol : « Tendre le bras par la vitre d’une voiture
qui roule permet de se faire une bonne idée du phénomène. La traînée agit
en s’opposant directement au mouvement, tandis que la portance agit dans
une direction perpendiculaire au mouvement. En tournant la main, on fait
varier la puissance et la direction de ces deux forces. » Ainsi, lorsqu’un
avion décolle, sa poussée dans l’air provoque un certain degré de traînée.
Celle-ci est atténuée par l’action des winglets, les ailettes verticales placées
au bout de ses ailes, qui modifient la trajectoire de l’air.
En repliant les extrémités de mon cerf-volant, je n’ai fait que copier les
avions en papier de mon père et ça a très bien fonctionné, malgré le fait
qu’il avait une silhouette totalement différente. Cela peut sembler tout bête,
mais c’est souvent ainsi que naissent les inventions : par l’observation.
L’inventeur se demande : « Y a-t-il une quelque chose que je pourrais
apporter ? sophistiquer ? transformer, et peut-être même créer ? »
On se traîne !

Richard Whitcomb.
Source : United States Departement of Energy via Wikimedia Commons.

La vie de Richard Whitcomb est le parfait exemple d’une passion d’enfant devenue
vocation. Fasciné par les avions, il avait commencé très jeune à réaliser des maquettes
qu’il faisait voler lors de compétitions. Plus tard, après des études d’ingénierie en
aéronautique, il travailla dans le domaine des souffleries pour Langley, un centre de
recherches dirigé par le National Advisory Committee for Aeronautics, l’ancêtre de la
NASA. Whitcomb travaillait sur la réduction de la traînée, dans le but d’améliorer la
vitesse tout en diminuant la consommation de kérosène. Il se remémore très clairement son
premier moment d’illumination : fuseler la silhouette d’un avion sur le modèle d’une
bouteille de Coca-Cola pour réduire la friction de l’air. Dans une vidéo de la NASA
consacrée à sa vie, voici comment Richard Whitcomb décrit l’aventure : « J’ai eu l’idée.
Puis on a réalisé des maquettes pour la tester. On a fabriqué des avions en forme de
bouteilles de Coca, et miracle ! la traînée sur les ailes a tout simplement disparu. C’était un
grand moment… Ça marchait parfaitement ! Ce n’était pas juste une théorie fumeuse. On
avait découvert un moyen efficace de réduire la traînée. » Whitcomb a eu un autre apport
important sur la réduction de la traînée en observant les pointes repliées des ailes des
oiseaux, qui lui ont donné l’idée des winglets.
Une vieille bouteille de Coca-Cola.
Source : NASA on The Commons @ Flickr Commons.

Tom Crouch, l’un de ses collègues à la NASA, résume : « Pratiquement tous les avions de
ligne en service aujourd’hui portent l’empreinte intellectuelle de Dick Whitcomb. » Je ne
peux pas imaginer plus grande réussite que des inventions qui survivent à leurs inventeurs.
Un autre collègue de Whitcomb a déclaré que ce dernier possédait les deux qualités
essentielles d’un inventeur : la ténacité et la persévérance, qui lui ont permis de passer une
dizaine d’années sur chacune de ses inventions. Whitcomb a reçu de nombreuses
récompenses, dont la National Medal of Science. Et sa photo côtoie celles d’autres géants
de l’aérodynamique tels les frères Wright, Amelia Earhart, Charles Lindbergh et John
Glenn au Wright Brothers National Memorial. Après sa mort, ses cendres ont été
dispersées par avion au-dessus de la baie de Chesapeake, sur la côte Est des États-Unis.
Un avion en vol, doté de winglets semblables à ceux de mon cerf-volant
Source : Wikimedia Commons.

Un oiseau en vol.
Source : Bengt Nyman via Wikimedia Commons.

Si vous rencontrez un jour un inventeur, l’une des meilleures questions à lui poser est : «
D’où vous est venue votre idée ? » Pour Whitcomb, l’histoire comprend une bouteille de
Coca-Cola et un oiseau.

Après avoir ajouté des winglets à mon cerf-volant, j’ai décidé de le


munir d’une queue, une nouvelle observation faite à partir d’autres enfants
jouant avec leurs cerfs-volants. J’ai déniché des serpentins en crépon que
j’ai fixés avec du scotch et de la ficelle. Petite, je fouinais toujours partout à
la recherche de matériaux à exploiter dans mes expérimentations : papier
pour machine à écrire, carton, ficelle, chutes de tissus dénichés dans notre
tiroir à chiffons, glands, brindilles, et ces drôles d’hélices qui tombent des
érables et qu’on s’amusait à se coller sur le nez. (J’ai appris plus tard qu’il
s’agissait des gousses contenant les graines de l’arbre, lui permettant de se
reproduire.) Mon cerf-volant volait derrière mon vélo à six mètres de haut
avec ses serpentins, et je n’étais pas peu fière.
En me relançant dans la réalisation de cerfs-volants à l’âge adulte, je me
suis rendu compte que cela demandait plus de travail que je le pensais. J’ai
commencé par utiliser un sac en plastique léger pour faire la queue. Cela
fonctionnait tellement mal que j’ai traversé toute la ville pour aller acheter
des serpentins en crépon strictement identiques à ceux que j’avais employés
petite. J’étais curieuse de voir si cela marcherait. Et ça a marché, mais pas
pour la raison que j’avais imaginée. Je pensais que c’était à cause de leur
légèreté, or la raison était en fait la rugosité du papier. Ça ne paraît pas
logique ; on pourrait croire qu’un papier lisse et léger vole mieux. Mais, en
réalité, c’est la texture du papier qui a un effet favorable sur ses
caractéristiques de vol.
Prenez par exemple les premières balles de golf. À l’origine, elles
étaient parfaitement lisses. Jusqu’à ce que les golfeurs s’aperçoivent que les
vieilles balles cabossées avaient tendance à voler plus loin que les balles
neuves. Ils ne pouvaient pas l’expliquer, mais il y avait une raison
scientifique. Tom Villeux et Vince Simonds se sont aussi penchés sur
l’angle et la vitesse de rotation des balles de golf. Ils ont analysé la façon
dont les petits creux ménagés à la surface de la balle créent de minuscules
poches d’air qui augmentent sa portance. Les chercheurs ont découvert
qu’une balle de golf alvéolée fend l’air plus silencieusement. Selon le
même principe, la forme déchiquetée du système d’échappement des avions
à réaction les rend plus silencieux en réduisant les turbulences. Regardez ce
brevet de Boeing. Il montre un système d’échappement dentelé. Créer des
poches d’air modifie l’aérodynamique et l’acoustique. Les ingénieurs de
Boeing ont dû tester dans les souffleries toutes sortes de formes pour le
système d’échappement avant de mettre au point le modèle dentelé du
Dreamliner 2011. Quelque chose d’apparemment aussi insignifiant qu’une
alvéole sur une balle de golf peut faire une énorme différence, et une petite
rainure dentelée peut décrocher un brevet.
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Brevet n US8356468A pour une tuyère de turboréacteur déposé par David F. Cerra.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
Comment la balle de golf a gagné
ses alvéoles
Les premières balles de golf, taillées dans du bois de hêtre, n’étaient pas parfaitement
e
rondes. Au XVII siècle apparurent les « plumeuses ». Fabriquées en cuir, elles étaient
rembourrées de plumes d’oie et cousues à la main, un peu comme les balles de base-ball.
e
Au milieu du XIX siècle, le révérend Robert Adams Paterson remarqua qu’on avait intégré
une substance caoutchouteuse à un colis pour protéger son contenu. Il la chauffa et en fit
une coque ronde qu’il laissa durcir, créant ainsi les premières balles de golf moulées. Elles
furent surnommées gutties, car elles étaient faites en gutta-percha, une gomme issue du
latex. Ce furent les premières balles de golf manufacturées industriellement. C’est alors
que les golfeurs remarquèrent que les balles cabossées allaient plus loin que les neuves. Un
modèle très populaire de l’époque fut baptisé Agrippa, parce qu’il avait la réputation de
mieux agripper la tête du club de golf grâce à sa surface irrégulière. La balle Musselburgh,
du nom d’un célèbre club de golf écossais, ajouta une autre variation à la surface avec un
effet grillagé.
Une autre découverte accidentelle fut faite par Coburn Haskell alors qu’il attendait son ami
Bertram Work à l’usine de matériel aéronautique B. F. Goodrich (on raconte qu’ils avaient
rendez-vous pour aller golfer.) Tout en patientant, Haskell se mit à former une boule avec
des élastiques, et s’étonna qu’elle rebondisse aussi haut. En 1899, les deux hommes firent
breveter leur invention en signalant la légèreté et la solidité de leur balle, et sa grande
résistance aux impacts. Les illustrations du brevet montrent que le centre est constitué de
fil élastique enroulé autour d’un noyau.
o
Brevet n US622834A pour une balle de golf déposé par Bertram Work et Coburn
Haskell.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

o
De fait, le dessin n 4 ressemble à une pelote ou à une boule d’élastiques. Ces balles, qui
coûtaient moins cher que les gutties et allaient plus loin, contribuèrent à populariser le
golf.
Dix ans plus tard, ayant remarqué que les golfeurs cabossaient volontairement leurs balles
de golf, William Taylor entreprit de creuser des alvéoles à la surface des balles qu’il
produisait et les commercialisa sous le nom de Spalding Glory. Un siècle plus tard, la
conception n’a pas varié, bien que des améliorations à la physique des balles de golf soient
à l’essai avec des enveloppes en uréthane et des noyaux de résine synthétique.
Voilà comment les balles de golf ont eu leurs alvéoles.

Les premiers cerfs-volants furent fabriqués avec de la soie et du


bambou en Chine, où ils servaient à l’armée à mesurer les vents et à
envoyer des messages. Puis ils atteignirent l’Europe et l’Amérique. La plus
célèbre histoire de cerf-volant, que vous connaissez peut-être, est celle de la
découverte de l’électricité en 1752 par Benjamin Franklin. Il attacha une clé
en métal à une ficelle et la fit voler pendant un orage (n’essayez pas chez
vous !). Il eut la chance de survivre à l’expérience, contrairement à
plusieurs scientifiques européens qui voulurent l’imiter. Franklin fut le
premier à montrer qu’il existe deux types d’électricité, la positive et la
négative, et à illustrer comment les électrons circulent entre des corps de
charge opposée, tandis que les corps de même charge se repoussent. Cette
découverte est la base de nos connaissances sur l’électricité.
Du vent !

Charles Ellet Jr.


Source : Wikimedia Commons.

Voici comment des cerfs-volants intervinrent dans la construction du pont qui relie les
États-Unis au Canada par-dessus la grande gorge connue sous le nom de chutes du
Niagara. Charles Ellet Jr, l’ingénieur en charge du chantier, avait choisi le point le plus
étroit de la gorge pour y construire un pont suspendu. Le premier défi qui se pose dans la
construction des ponts suspendus est de faire passer un premier élément entre les deux
rives pour les relier. Une fois cela accompli, on peut faire passer des câbles, des cordes et
autres matériaux plus résistants pour établir la structure de base du pont. Entre une largeur
record de 251 mètres d’une falaise à l’autre et une chute de 67 mètres, la difficulté était de
taille. Ellet songea à utiliser une fusée ou à lancer un obus avec un canon.
Puis, en janvier 1848, un ouvrier des environs suggéra d’organiser un concours de cerfs-
volants pour traverser le fleuve. La récompense était de 5 ou 10 dollars de l’époque (selon
les sources), l’équivalent de 135 dollars aujourd’hui. Beaucoup de gens se présentèrent.
On estima que la rive canadienne était la mieux adaptée pour le lancement des cerfs-
volants, dans le sens du vent. Un jeune Américain de quinze ans, Homan Walsh, gagna la
rive canadienne avec son cerf-volant, qu’il avait baptisé Union. Il patienta toute la journée
que le vent soit favorable. Sa première tentative échoua lorsque la ficelle de son cerf-
volant se cassa sur la glace et les rochers. Enfin, au troisième essai, la ficelle relia les deux
rives. La construction du pont put ainsi être lancée, grâce à un garçon de quinze ans et à
son cerf-volant.

Ados, mes frères et sœurs et moi jouions souvent avec des cerfs-volants.
On peut en acheter à petit prix, mais il est beaucoup plus amusant de les
concevoir et de les fabriquer soi-même, de faire des essais avec différentes
formes, différentes matières, tissu ou plastique, en variant l’armature, la
queue, la ficelle. Je ne sais pas ce qui m’avait pris ce jour-là, mais j’ai
décidé un jour de fabriquer un cerf-volant d’un mètre quatre-vingts de long,
muni d’une ficelle en corde à linge, que j’ai appelé Out to Lunch (« Je sors
déjeuner ! »). C’est drôle de voir jusqu’où on peut aller en augmentant la
taille (et, dans l’autre sens, d’expérimenter le principe des miniatures).
Comme pour la planche de snowboard et les échasses, j’ai « trouvé » les
matériaux principalement sur les chantiers des alentours. L’armature était en
fines baguettes de bois, le corps du cerf-volant en épais papier d’emballage
kraft et la ficelle en corde pour les bottes de paille. J’ai agrafé le papier à
l’armature et je l’ai replié sur la corde, en l’agrafant également. J’ai utilisé
la même corde et des bouts de chiffon pour faire la queue. Il m’a fallu
plusieurs essais pour déterminer la quantité de chiffons requis. Pour réaliser
la queue d’un cerf-volant, il faut appliquer les principes de la portance et de
la traînée. Sans queue, le cerf-volant est instable et risque de tomber en
piqué aussitôt après le décollage.
LE CERF-VOLANT

 
Il vous faut :
• une paire de ciseaux
• un sac-poubelle épais
• un tourillon en bois de 55 cm de long et de 4 mm de diamètre
• un tourillon en bois de 35 cm de long et de 4 mm de diamètre
• une règle
• une pelote de ficelle 10 brins
• du ruban adhésif à emballage
• du papier crépon (comme celui que j’ai utilisé sur mon cerf-volant oiseau)
 
Instructions :
1. Ouvrez le sac-poubelle en le découpant et posez-le à plat par terre ou sur une table.

2. Sur le tourillon de 55 cm, marquez un point à 30 cm en partant du haut et


positionnez le tourillon de 35 cm à angle droit sur ce point pour former une croix.
Fixez-la fermement avec de la ficelle. Cela va constituer l’armature du cerf-volant.
3. Placez cette croix au précisément au milieu du sac-poubelle. Le haut de la croix doit
être calé sur la bordure du sac. Fixez les tourillons sur le plastique avec du ruban
adhésif.

4. En commençant en haut à droite, repliez les coins du sac-poubelle en repliant


successivement des bandes de 1,5 cm de large. Fixez les bords avec du ruban
adhésif. Faites de même avec tous les angles. Vous devriez voir apparaître un
losange.
5. Avec les ciseaux, percez un trou au centre du plastique juste à côté de l’armature, à
environ 15 cm en partant du haut. Percez-en un deuxième en dessous, à 20 cm du
bas du plastique.
6. Coupez une longueur de ficelle de 30 cm et passez-la dans ces deux trous, en
faisant faire ressortir les extrémités à l’intérieur. Fixez-la fermement à l’armature.
Nouez ensuite le bout de la pelote de ficelle au milieu de cette ficelle, sur la face
extérieure.
7. Retournez votre cerf-volant. Réalisez une queue avec du ruban et/ou du papier
crépon et fixez-la fermement avec du scotch au bas l’armature. Veillez à ce qu’elle
soit bien attachée. Votre cerf-volant est maintenant prêt à voler !
Remarque. Un cerf-volant a tendance à voler mieux si la barre horizontale de son
armature est légèrement courbe et maintenue dans cette position par un bout de
ficelle, comme un arc. Faites attention de ne pas rompre la baguette.
 
Remarque. Un cerf-volant a tendance à mieux fonctionner s’il présente plusieurs points
d’attache. C’est ce qu’on appelle les brides. Lorsqu’elles sont bien conçues, le cerf-
volant vole de manière plus équilibrée. Faites des essais en variant les longueurs et
l’angle de fixation. Vous pouvez aussi tester différents types de queue et différentes
formes de cerf-volant.

Je suis allée faire voler « Je sors déjeuner ! » sur la colline la plus


proche. Je me revois encore tenant la corde à linge à deux mains tandis que
le cerf-volant claquait au vent. Là-dessus, encouragée par ce succès, j’ai
décidé de fabriquer un cerf-volant de trois mètres. Le seul autre changement
a été de remplacer le papier kraft par du papier peint. Il a décollé, et j’ai
senti mon cœur bondir comme chaque fois que je vois quelque chose
s’élever dans les airs. Mais, presque aussitôt, il a piqué sur le côté, s’est
déchiré et s’est abattu au sol.
Les premiers avions que j’ai réalisés étaient en papier. Cela n’exigeait
aucun outillage, et les résultats étaient très satisfaisants. Un simple avion en
papier peut vous en apprendre beaucoup. Vous vous rappelez sûrement la
première fois que vous en avez fait un et que vous l’avez vu piquer du nez.
On apprend plus vite à fuseler l’avant en multipliant les essais. Je me
souviens encore de la joie que j’ai éprouvée en voyant le mien voler.
L’AVION EN PAPIER SIMPLE
Il vous faut :
• une feuille de papier A4 (21 × 29,7 cm)
• une règle (facultative, mais cela permet d’obtenir des plis plus marqués)
 
Instructions :
1. Pliez votre feuille en deux dans le sens de la longueur et dépliez-la.

2. En tenant la feuille à la verticale, repliez les deux coins supérieurs en ramenant les
pointes le long du pli central.

3. Repliez la feuille en deux en suivant le pli central, de sorte que les coins repliés se
trouvent à l’intérieur.
4. Repliez ensuite chaque côté en deux dans la longueur. La bordure doit être
parallèle au pli central.
5. Si votre avion a tendance à plonger, relevez légèrement la pointe. Cela l’aidera à
voler en vitesse lente.
L’AVION EN PAPIER SOPHISTIQUÉ
Il vous faut :
• une feuille de papier A4 (21 x 29,7 cm)
• une règle (facultative, mais cela permet d’obtenir des plis plus marqués)
 
Instructions :
1. Pliez votre feuille en deux dans le sens de la longueur et dépliez-la.

2. En tenant la feuille à la verticale, repliez les deux coins supérieurs en ramenant les
pointes le long du pli central.

3. Rabattez ensuite le pli supérieur gauche vers l’intérieur en alignant la bordure sur le
pli central. Faites de même pour le pli supérieur droit.
4. Repliez de nouveau chaque côté en deux. La bordure supérieure doit être parallèle
au pli central.
Modèle d’avion en papier sophistiqué que j’ai réalisé avec une feuille A4.
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Cet avion est très aérodynamique, grâce à sa silhouette fuselée et à l’étroitesse de ses
ailes qui diminue la traînée. Il vole comme une flèche !

Remarque. Amusez-vous à plier des feuilles de papier A4 de toutes les manières qui
vous passent par la tête pour découvrir les formes qui volent le mieux.

J’ai ensuite réalisé un avion en balsa, acheté en kit. Celui-là m’a coûté
deux semaines d’argent de poche. J’achetais parfois le petit modèle et je
dépensais ce qui me restait en bandes dessinées. Ces avions étaient de la
marque Guillows, une société créée en 1926. Paul Guillow était un ex-pilote
de la Première Guerre mondiale, qui avait commencé par produire ses
avions dans sa grange. L’année suivante, Charles Lindbergh a réalisé son
célèbre vol transatlantique de New York à Paris à bord de son Spirit of Saint
Louis. Le pays était fou pour tout ce qui concernait l’aviation.
J’adorais mon petit avion et je passais mon temps à le soumettre à des
vols d’essai, ajustant le placement des ailes, le sortant les jours de grand
vent, testant toutes sortes de scénarios de vol. Quand je me suis rendue
récemment au magasin de fournitures de loisirs créatifs près de chez moi,
j’ai été ravie de voir qu’on les vendait encore. Mais, de retour chez moi, j’ai
été un peu déçue. L’hélice en plastique rouge m’a paru plus petite et plus
légère qu’autrefois. Les pièces étaient un peu plus fragiles. J’étais quand
même impatiente de construire le planeur. Cela se limite à quatre étapes :
1. Fixez le gouvernail et le stabilisateur dans les encoches prévues à cet
effet.
2. Glissez l’aile dans son encoche et centrez-la.
3. Attachez l’hélice en plastique à l’avant.
4. Mettez l’élastique en place.
Il suffit ensuite de remonter l’hélice dans les sens des aiguilles d’une
montre en le tordant jusqu’à ce qu’il ressemble à une tresse de réglisse.
Votre avion est prêt à être lancé ! Les instructions qui figurent sur
l’emballage conseillent de déplacer les ailes vers l’avant ou vers l’arrière si
l’avion pique du nez ou s’arrête de voler à mi-course. On peut aussi les
décaler un peu d’un côté ou de l’autre pour rectifier l’équilibre si l’avion
penche à gauche ou à droite. Plus jeune, je me régalais à essayer tous les
réglages possibles, rien que pour voir ce qui se passerait.
L’avion Guillows de mon enfance s’élevait à deux mètres, voire deux
mètres cinquante quand je le lançais dans notre jardin. Cette fois, j’ai à
peine réussi à le faire décoller. Quand j’ai fait un essai sur la route pour
avoir une piste de décollage, il s’est écrasé sur le bas-côté. J’ai déplacé les
ailes vers l’avant, vers l’arrière, plus à gauche, plus à droite, mais l’avion
n’a pas parcouru plus d’un mètre.
Essais et tâtonnements

Charles Goodyear.
Source : Bibliothèque du Congrès.

En 1844, l’inventeur américain Charles Goodyear obtint un brevet pour l’« amélioration
du caoutchouc naturel ». Celle-ci était un procédé baptisé vulcanisation, du nom de
Vulcain, le dieu du feu des Romains. Foncièrement, le principe consistait à rendre les
produits en caoutchouc naturel plus malléables, pour éviter qu’ils fondent sous les hautes
températures ou qu’ils se fendent sous l’effet du froid. Sans être un chimiste, Goodyear
parvint à modifier la structure moléculaire du caoutchouc. À l’âge de trente-trois ans, après
une série de faillites (et même un bref un emprisonnement pour dettes), il se lança dans des
expériences chez lui. Les versions divergent, mais Goodyear aurait fait sa découverte en
laissant brûler du caoutchouc brut, du soufre et du plomb sur son poêle à bois. Ainsi
chauffé, le matériau acquit une élasticité qui permettait de le modeler à volonté. Il fallut
encore cinq ans à Goodyear pour stabiliser son procédé. En 1844, son brevet en main, il
contacta des industriels qui reconnurent l’intérêt d’exploiter sa découverte dans la
fabrication de leurs produits, allant des chaussures à semelle de gomme en passant par les
gilets de sauvetage, les ballons, les chapeaux ou les radeaux. Le caoutchouc entra ensuite
dans la composition de toits, de revêtements pour les sols, de chaînes de montage
industriel, d’amortisseurs et de pneus. La découverte de Charles Goodyear transforma les
activités industrielles. Cela ne l’empêcha pas, à sa mort, de laisser sa famille dans la
misère, après avoir été ruiné par de longs procès sur la propriété de ses brevets.

Frank Seiberling.
Source : Wikimedia Commons.

Fondée en 1898, la Goodyear Tire & Rubber Company lui rendit hommage en utilisant son
nom, bien qu’elle n’ait aucun lien avec lui. Un certain Frank Seiberling, lui-même
inventeur, avait emprunté 3 500 dollars à son beau-frère pour lancer l’entreprise avec son
frère Charles. Parmi ses nombreux brevets pour améliorer la sécurité et les performances
de ses pneus, Seiberling inventa une machine pour fabriquer les pneus, qui étaient jusque-
là réalisés à la main. Pendant qu’on en produisait cinq à la main, elle pouvait en fournir
soixante. Mais le plus intéressant est que cette machine comprenait une série de rouleaux
pour confectionner des bandes de caoutchouc en continu, reprenant le principe exploité par
Louis Nicolas Robert pour usiner son papier. La Goodyear Company existe toujours cent
vingt ans après. Et elle vend aujourd’hui des millions de pneus !
o
Brevet n US1747652A pour une méthode et une machine permettant de produire
des bandes de caoutchouc déposé par Frank Seiberling.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
Les tâtonnements par lesquels je suis passée pour positionner les ailes
de mon avion auraient été un bon entraînement si j’avais voulu devenir
pilote. Ces expérimentations n’étaient pas très éloignées de ce que font les
simulateurs de vol, qui permettent aux apprentis pilotes d’acquérir une
expérience pratique de pilotage dans des conditions variées. Vous avez
peut-être déjà joué à des jeux vidéo où il faut piloter tout en lançant des
missiles pour faire exploser des cibles. Ça se gâte lorsque votre avion pique
du nez et que vous ne savez pas comment y remédier. Personnellement, je
suis sûre d’une chose : si tous les ingénieurs et tous les techniciens avec
lesquels je collabore sont capables de régler les problèmes, c’est parce
qu’ils travaillent avec leurs mains. Quant aux jeux vidéo et aux simulateurs,
ils ne sont pas dépourvus de qualités. Certaines études les accusent de tous
les maux, depuis la dépression chez les ados jusqu’à l’incitation à la
violence. D’autres signalent qu’ils développent les réflexes, la coordination
œil-main, les capacités motrices et la mémoire. Quoi qu’il en soit, ils ne
remplaceront jamais l’expérience de terrain. Lorsqu’on fait appel à moi
pour réparer quelque chose, je dois être capable à la fois de comprendre
comment l’appareil a été conçu ET de le faire marcher. Il ne sert à rien de
créer de beaux schémas si l’on ne comprend pas le fonctionnement interne
d’une machine.
Lorsque j’ai commencé à travailler sur les équipements pour le bétail,
j’ai dû visiter au moins vingt-cinq établissements pour observer ce qui y
était bien ou mal fait. C’est ce qu’on appelle une approche « ascendante »,
qui part du terrain. Cette première étape est importante parce qu’il est
inutile de réinventer la roue si l’on peut s’inspirer d’un système ou d’une
méthode préexistants satisfaisants. Ma première mission était de trouver
une solution au refus du bétail de traverser les cages de contention. Très
vite, je me suis rendu compte qu’une des causes de ralentissement des
animaux était le contraste entre l’ombre et la lumière créé par les barrières
métalliques. Les animaux sont également perturbés par les mouvements
rapides, comme les battements d’un drapeau. Même des éléments aussi
insignifiants qu’un plastique coincé dans une grille, un tuyau par terre, un
reflet métallique sur une carrosserie ou une flaque sont susceptibles de les
ralentir.

Un parc d’engraissement que j’ai visité au début de ma carrière. J’y ai observé que les
animaux refusaient d’avancer à cause de l’ombre et des raies de lumière.
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Si je m’en suis aperçue, c’est parce que mon propre système nerveux
fonctionne un peu comme celui de ces animaux. Je suis extrêmement
sensible aux expériences sensorielles, et tout changement dans mon
environnement me perturbait beaucoup quand j’étais petite. C’est pareil
pour le bétail : tout ce qui est nouveau ou inhabituel risque de l’effrayer.
J’encourage vivement tous les jeunes, les parents et les enseignants à
considérer la sensibilité des enfants sous toutes ses formes comme un atout,
parce que c’est ce qu’elle est. Du temps où j’étais étudiante à l’Université
de l’Arizona, j’avais trouvé un poster que j’ai affiché ensuite partout où j’ai
vécu, et qui est aujourd’hui dans mon bureau. Il dit : « On a deux
possibilités dans la vie : se fondre dans la masse ou se distinguer. Pour se
distinguer, il faut être différent. Pour être différent, il faut aspirer à être ce
que vous seul pouvez être… » Je savais que j’étais différente et ce poster
avait un sens particulier pour moi. Il me disait que, grâce à ma différence,
je pouvais aller là où les autres n’iraient pas. Ce n’est que l’an dernier que
j’ai appris que l’auteur de ces phrases, Alan Ashley-Pitt, n’était ni un
philosophe ni un scientifique. Ce n’était même pas une vraie personne, juste
un personnage fictif inventé comme outil de marketing par l’entreprise qui
créait les posters. Sur le coup, j’ai été un peu déçue, avant de prendre
conscience que cela avait été écrit par une personne en chair et en os, restée
anonyme, comme tous ces inventeurs dont la contribution est restée dans
l’ombre ou tombée dans l’oubli.

Ma curiosité pour le vol provient en grande partie de mon intérêt pour


les frères Wright, qui figuraient en bonne place dans mon livre sur les
inventeurs. On leur attribue généralement l’invention du premier avion, ce
qui n’est pas tout à fait exact. Comme la plupart des inventeurs dont nous
avons parlé, ils se sont eux-mêmes appuyés sur de nombreuses découvertes
antérieures. Les premières tentatives pour voler ont eu lieu à bord de
montgolfières. On s’accorde généralement pour admettre que le premier vol
à bord d’une montgolfière fut réalisé en 1783 par des Français, les frères
Joseph et Étienne Montgolfier. Afin de tester le vol habité, ils firent décoller
leur ballon avec à son bord un mouton, un canard et un coq, qui survécurent
à l’aventure. Le premier vol embarquant un homme eut lieu un mois plus
tard. En 1900, le premier dirigeable à hydrogène fut piloté par le comte
allemand Ferdinand von Zeppelin, qui donna son nom à ce type de
dirigeables en métal rigide (repris par le groupe de rock Led Zeppelin dans
les années 1970).
C’est un oiseau, c’est un avion…

Sir George Cayley.


Source : Wikimedia Commons.

e
Au début du XIX siècle, le Britannique sir George Cayley concrétisa sa fascination pour le
vol en mettant en application les quatre forces à l’œuvre dans son principe. Son innovation
la plus radicale fut sans doute de stabiliser les ailes, qui étaient jusque-là battantes comme
celles des oiseaux. Son planeur ressemblait beaucoup à ceux que nous connaissons. Dans
son livre sur la navigation aérienne, il décrit les trois éléments fondamentaux du vol : la
portance, la propulsion et le poids. La portance est assurée par la forme de l’aile. La
propulsion est générée par le moteur à hélice. Le contrôle de la direction est assuré par
l’empennage vertical à l’arrière et par le pilotage.
Orville Wright.
Source : Bibliothèque du Congrès.

Wilbur Wright.
Source : Bibliothèque du Congrès.

Ces idées inspirèrent les frères Wright. Dès leur plus jeune âge, Orville et Wilbur
s’intéressèrent aux machines et à leur fonctionnement. Orville n’acheva pas ses études au
lycée, mais il adorait démonter les objets pour les étudier. Avant de s’intéresser au vol, les
frères Wright avaient tenu une petite imprimerie, puis une fabrique de bicyclettes. Cet
intérêt pour la mécanique contribua beaucoup à leur succès dans l’aviation. Par ailleurs, ils
firent preuve d’une patience et d’une discipline remarquables et appliquèrent la méthode «
ascendante » pour engranger des connaissances. La biographie des deux frères Wright
rapporte une lettre adressée à la Smithsonian Institution de Washington pour réclamer de la
documentation : « Je m’apprête à entamer des recherches exhaustives sur la question… Je
souhaiterais obtenir tous les documents que la Smithsonian a pu faire paraître à ce sujet, et
si possible une liste d’autres ouvrages publiés en langue anglaise. » Ils construisirent
ensuite plusieurs modèles d’avions pour tester leurs théories, commençant par les planeurs
pour passer ensuite à des appareils à hélices pourvus de moteurs à essence.
o
Brevet n US821393A pour une machine volante déposé par Orville et Wilbur
Wright.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

En 1902, d’après Jeffrey L. Ethell, qui a consacré un ouvrage aux pionniers de l’aviation,
ils effectuèrent entre 700 et 1 000 essais couronnés de succès avec leur planeur à Kitty
Hawk, en Caroline du Nord, procédant chaque fois à des ajustements. Toujours d’après
Ethell, « pour la première fois dans l’histoire, une machine volante était contrôlée sur ses
trois axes de rotation : le tangage, le lacet et le roulis. Les frères Wright furent les premiers
à effectuer des vols stables. À la fin de la saison d’essais, ils savaient qu’ils maîtrisaient les
bases du vol contrôlé ». (On parle de tangage lorsque le nez de l’avion pique vers le haut
ou vers le bas ; de roulis quand les ailes penchent vers le haut ou vers le bas ; et de lacet
lorsque l’avion part en biais sur le côté.) Ils reçurent leur premier brevet pour une «
machine volante » en 1903.

Si les frères Wright étaient encore de ce monde, ils seraient peut-être


diagnostiqués quelque part dans le spectre autistique ou Asperger. Ce serait
le cas pour beaucoup d’inventeurs, capables de passer des heures et des
mois sur les plus petits détails et de rester concentrés sans relâche sur la
réalisation d’un unique projet. Le spécialiste de l’autisme Simon Baron-
Cohen, de l’Université de Cambridge, et la mathématicienne Joan James, de
l’Université d’Oxford, étudient ce syndrome en relation avec les domaines
d’aptitudes que nous avons déjà mentionnés : musique, informatique,
mathématiques, ingénierie. Ils ont tenté de déterminer si Albert Einstein et
Isaac Newton pourraient relever du syndrome d’Asperger. Si nos chercheurs
admettent l’impossibilité de diagnostiquer une personne décédée, on sait
que ces deux hommes célèbres montraient des signes des trois
caractéristiques suivantes : centres d’intérêt obsessionnels, difficultés dans
les interactions sociales et problèmes de communication. On pense aussi
que certains génies de la Silicon Valley pourraient se situer dans le spectre.
Un court article paru le 24 janvier 1994 dans le Time a attiré mon attention,
il comparait deux articles du New Yorker : l’un d’Oliver Sacks qui traitait de
moi et l’autre de John Seabrook sur Bill Gates. L’article du Time concluait
qu’ils étaient étonnamment similaires. Je dirais que les points communs
portent sur l’intensité, la motivation et la concentration dans notre travail, et
peut-être une tendance à préférer le travail aux relations sociales.
D’après mon expérience, les personnes touchées par l’autisme qui
peuvent sortir et rester en contact avec le monde extérieur continuent à
apprendre et parviennent, avec le temps, à perdre ou du moins à atténuer en
partie leurs caractéristiques autistes. J’ai revisionné les vidéos de 1998 de
Bill Gates lors du procès antitrust contre Microsoft. Il paraît mal à l’aise
lorsqu’il répond aux questions et se balance d’avant en arrière ou reste muet
lorsqu’il est confronté à des éléments de preuve à charge. Vingt ans plus
tard, il semble beaucoup plus détendu et regarde les gens lors des interviews
et de ses prises de parole en public. Au fil des années, j’ai, moi aussi,
abordé les interactions sociales avec plus de facilité. J’attribue cette
évolution à un mode de pensée ascendant. Dans les domaines scientifiques,
il y a deux façons d’apprendre : ascendante et descendante Cette dernière
consiste à partir d’une hypothèse et à chercher ensuite les données pour la
prouver. Dans la première, on rassemble des données pour aboutir à une
hypothèse. Je pense sur un mode ascendant, et c’est le mode
d’apprentissage que j’ai appliqué toute ma vie.

Même après ma tentative désastreuse de faire voler mon planeur


Guillows, je restais impatiente (et un peu inquiète) de voir si j’arriverais à
reproduire les expériences de mon enfance avec des hélicoptères. Je ne
pourrais plus dire comment m’est venue l’idée de transformer mon planeur
en hélicoptère quand j’étais petite, surtout que cela impliquait de le
démonter. En tout cas, il s’était élevé droit dans les airs du premier coup.
Mon premier essai à l’âge adulte s’est avéré beaucoup moins concluant. À
vrai dire, je me trouvais dans ma cuisine et j’avais un peu peur que l’engin
n’aille abîmer le plafond. C’est vous dire comme j’y croyais. J’ai tordu
l’élastique au maximum puis j’ai lâché. J’avais eu bien tort de m’inquiéter
pour mon plafond, parce qu’il s’est aussitôt écrasé au sol. Quand j’étais
petite, j’avais constaté que le corps de l’hélicoptère tournait presque aussi
vite que les pales, ce qui l’empêchait de voler. J’ai alors fixé une fiche en
bristol au corps de l’hélicoptère pour l’empêcher de tourner. Ma supposition
était que la résistance de l’air créée par la fiche réglerait le problème. J’ai
fait une deuxième tentative, tordu l’élastique avec un coup d’œil inquiet au
plafond et lâché. Là encore, échec complet. L’hélice de ce planeur-ci était
plus petite que celui de mon enfance, ce qui lui donnait moins de portance.
C’est toujours dans ces moments-là que mes gènes d’inventrice se
réveillent ; il n’était pas question d’admettre ma défaite, je devais trouver
un moyen pour faire voler mon hélicoptère. Je me suis dit qu’il fallait
l’alléger, ce qui m’a amenée à me demander si la queue n’était pas trop
lourde. J’ai sorti mon outil chirurgical (un couteau de cuisine) et ai procédé
à une délicate opération de « derrièroctomie », à savoir que je lui ai coupé
la queue.
Sortant avec mon hélicoptère amélioré, j’ai décidé de le lancer depuis le
sol. Cette fois, il a décollé de cinq centimètres avant de se crasher. Je me
suis rendu compte que la fiche cartonnée était trop lourde et je l’ai de
nouveau remplacée par les ailes d’origine, en les raccourcissant à peu près
de moitié. Le défi était lancé. Il faisait un froid de canard, mais j’étais bien
décidée à faire voler mon hélicoptère. J’avais réussi quand j’étais petite, je
n’allais pas m’avouer vaincue maintenant que j’étais une adulte munie d’un
doctorat ! Puis j’ai pensé que je devrais essayer de faire voler mon appareil
dans le sens du vent pour lui donner un avantage naturel, comme Howan
Walsh avait fait voler son cerf-volant par-dessus les chutes du Niagara
depuis la rive canadienne pour bénéficier du vent d’ouest. À la cinquième
ou sixième tentative, il est monté un peu plus haut, mais on ne pouvait pas
parler de réussite.
De retour à la maison, j’ai relu les instructions. Elles recommandaient
de tordre l’élastique dans le sens des aiguilles d’une montre, et de ne pas
forcer. Justement, j’avais remarqué qu’il n’était pas totalement déroulé à la
fin de mes essais infructueux. Il fallait qu’il effectue davantage de tours par
minute. Ç’a été mon eurêka à moi. J’ai compris que je devais compenser la
faiblesse des pales. Pour augmenter leur puissance, j’ai décidé de tordre
l’élastique encore plus, ce que j’ai fait de toutes mes forces, au risque de le
casser, mais il me fallait plus de tours/minute. Impossible d’échouer à mon
brevet de pilote dans l’aviation civile.
Je suis ressortie avec le petit jouet. Le ciel s’était couvert et les
alentours étaient déserts. Seul un chien aboyait quelque part, à l’intérieur
d’une maison. J’étais résolue à faire voler mon hélicoptère malgré ses
faiblesses. Cette fois, j’ai décidé de le lancer depuis ma main… et ça a
marché ! Le petit hélicoptère a volé presque dix secondes en s’élevant à
environ deux mètres cinquante. Même au bout de cinquante ans
d’ingénierie et de développement de systèmes divers, mon cœur a bondi
dans ma poitrine quand j’ai vu voler ce petit jouet. Au fond, ce n’est pas
différent de quand je conçois de l’équipement pour une ferme. Cela
demande de nombreux tâtonnements, cela oblige à se pencher sur les
différentes variables, et chaque essai permet d’en apprendre davantage.
Avec mon hélicoptère, j’ai dû tester divers poids de papier pour les ailes,
enlever la queue, essayer différents sites de lancement, ajouter un système
de patinage pour l’élastique, estimer la direction du vent, et, enfin, forcer la
torsion de l’élastique. C’est incroyable le nombre de variables qui
interviennent pour faire voler un hélicoptère en balsa. Les petits détails de
conception sont importants, et même essentiels.
Voici l’hélicoptère que j’ai réalisé.
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Dans le cadre de mon travail avec le bétail, je suis allée récemment dans
une ferme où les vaches refusaient d’entrer dans les cages de contention. Le
responsable ne trouvait pas d’explication. J’ai compris tout de suite : un
bout de serviette en papier était resté coincé dessus et battait au vent. Il a
suffi que je le retire pour que les vaches se mettent en marche. C’était sous
notre nez. Et comme je pense visuellement, ces détails me sautent aux yeux.
Je pense que c’est vrai aussi pour les designers, les architectes, les artistes,
les mathématiciens et autres penseurs dont la réflexion part d’une image.
L’HÉLICOPTÈRE SIMPLE

 
Il vous faut :
• une hélice en plastique avec cheville de fixation en plastique
• un bâtonnet d’eskimo
• un trombone
• du sparadrap coupé en fines languettes
• une fiche en bristol
• des élastiques
• une paire de ciseaux

Instructions :
1. Fixez fermement l’hélice au bout du bâton d’eskimo.
2. Posez le trombone à plat en face de vous et redressez-en la partie intérieure vers
vous presque jusqu’à ce qu’elle forme un angle droit avec la partie extérieure.
Glissez le bas du bâtonnet d’eskimo le long de cette partie, comme dans
l’illustration, et maintenez-le en place avec les bouts de sparadrap. Fixez-le bien
pour éviter que le trombone ne s’envole !

3. Posez la fiche bristol à plat. (Vous pouvez y dessiner ou y découper les motifs de
votre choix, papillons, oiseaux ou, pourquoi pas, un hélicoptère. La forme finale de
la fiche n’affectera pas la façon de voler de votre hélicoptère. Vous pouvez vous
amuser sans crainte !) Collez la fiche à l’horizontale au milieu du bâtonnet.
4. Étirez un élastique avec vos deux mains et fixez-le, d’un côté, sur le crochet attaché
à l’hélice, et, de l’autre, à la partie dépliée du trombone.
5. Faites tourner l’hélice jusqu’à ce que l’élastique soit entièrement enroulé sur lui-
même, et forcez encore un peu.

6. Pour faire voler votre hélicoptère, maintenez le haut de l’hélice et la base du


bâtonnet. Lâchez le haut, puis le bas une seconde plus tard.
7. Essayez avec des élastiques de longueurs et d’épaisseurs différentes. Vous pouvez
aussi changer l’hélice et n’utiliser que la moitié de la fiche bristol.
Alphonse Pénaud, le méconnu

Alphonse Pénaud.
Source : Wikimedia Commons.

C’est un petit hélicoptère jouet, fabriqué en liège, en bambou et en papier offert par leur
père aux frères Wright qui fit naître leur intérêt pour l’aviation. L’inventeur de
l’hélicoptère est un Français du nom d’Alphonse Pénaud (1850-1880), qui fut le premier à
actionner une maquette d’avion avec des élastiques pour faire tourner l’hélice, en les fixant
entre l’hélice et la queue. Il inventa ensuite le planophore, caractérisé par l’ajout de deux
éléments innovants. D’une part, ses ailes étaient recourbées vers le haut, ce dont nous
avons déjà parlé. D’autre part, il était équipé d’un stabilisateur monté à l’arrière. Le
documentaire que HBO a réalisé sur ma vie montre comment j’ai transformé un planeur en
hélicoptère, mais l’équipe de tournage a dû ruser avec la caméra pour le faire voler.
L’appareil était trop lourd pour monter à la verticale parce qu’ils avaient laissé les roues.
Ah, les détails !
L’hélicoptère d’Alphonse Pénaud.
Source : Wikimedia Commons.

Plus encore que les hélicoptères, j’ai eu envie de voir si j’étais capable
de recréer les parachutes de mon enfance, une autre de mes passions.
J’adorais les voir flotter dans les airs, surtout à partir du moment où ils se
déploient, où l’air s’engouffre dans la toile et où ils descendent tout
doucement. Les jouets parachutes étaient très courants dans les années
1950. Nous avions tous vu les courageux soldats de la Seconde Guerre
mondiale sauter des avions en parachute. J’en avais un en plastique, qui se
repliait à l’intérieur d’une paille. On le lançait en soufflant dans la paille
comme dans une sarbacane. Comme pour la plupart des objets qui
impliquent le vol, j’ai entrepris d’en fabriquer un, ce qui a commencé par
une razzia dans notre sac à chiffons pour y récupérer les foulards de soie
usés de ma mère.
En attaquant mon projet à l’âge adulte, je me suis rappelé deux choses
essentielles. Je devais commencer par fabriquer une armature en forme de
croix pour empêcher les fils de s’emmêler. Puis je devais donner au
parachute assez de poids pour le stabiliser. Je ne sais plus combien de mois
il m’a fallu pour établir ces deux conditions quand j’étais petite, mais ça
m’a fait gagner beaucoup de temps pour recommencer une fois adulte. Ah
ah !
Je devais percer un trou à chaque coin du foulard pour y passer les fils.
J’ai improvisé à l’aide de la pointe d’un vieil ouvre-boîte, craignant de trop
déchirer le tissu si je me servais de ciseaux. Puis j’ai pris une pince pour
couper deux bouts de fer dans un cintre en métal et je les ai repliés à leurs
extrémités pour former quatre boucles. J’ai disposé les deux tiges en croix à
angle droit et je les ai fixées avec du ruban adhésif. Ensuite, j’ai attaché aux
boucles en métal les ficelles qui pendaient chaque coin du foulard. Enfin,
j’ai suspendu un stylo en métal au milieu de la croix pour figurer le
parachutiste. Un petit soldat en plastique aurait été trop léger.
Puis je me suis dirigée vers le champ. Il était temps d’aller tester mes
expérimentations aéronautiques militaires top secrètes dans le ciel du
Nevada. J’ai donc lancé mon parachute bleu dans les airs. Le premier essai
fut un échec. J’ai remarqué tout de suite que le stylo était penché, ce qui
déstabilisait l’ensemble. Il ne semblait aussi trop léger, même si ce n’était
qu’une impression. Alors j’ai redressé le stylo, et collé dessus quelques
pièces de monnaie dans la foulée. Au deuxième lancement, mon parachute
ne s’est pas ouvert, mais au moins les ficelles ne se sont pas emmêlées. Puis
je me suis demandé si je devais le lancer dans le sens du vent ou le
contraire. J’ai essayé les deux, récoltant deux échecs retentissants. Il faisait
de plus en plus froid, le soleil se couchait, et j’ai rapidement décidé de
raccourcir les ficelles. J’ai procédé en les nouant, pour pouvoir récupérer les
longueurs au cas où je me tromperais et où je devrais les rallonger. De
nouveau, j’ai lancé le parachute au-dessus de ma tête. Parvenu à trois
mètres soixante de haut, le foulard s’est ouvert et il est redescendu
tranquillement. J’ai beau avoir presque soixante-dix ans, j’avais la sensation
d’en avoir sept, du simple plaisir de voir quelque chose marcher et
d’observer la beauté d’un parachute descendant gracieusement jusqu’au sol,
en suspension dans l’air.
Mon parachute.
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.
LE PARACHUTE

 
Il vous faut :
• une paire de ciseaux
• un carré de plastique léger d’environ 50 × 50 cm (ou de tissu, ou un foulard léger)
• du ruban adhésif
• 4 bouts de ficelle de 40 cm de long (essayez différentes longueurs)
• 1 bout de ficelle de 15 cm de long
• une pince
• un cintre en fil de fer
• une petite voiture genre Majorette et des pièces de monnaie, pour faire des essais avec
différents poids

Instructions :
1. Si votre morceau de plastique ou de tissu est trop grand, coupez-le au bon format.
Percez un petit trou à chaque coin. Renforcez ces trous avec du ruban adhésif pour
éviter que votre carré ne se déchire.
2. Passez les extrémités des quatre ficelles dans les trous et nouez-les.
3. Pour réaliser un « écarteur » qui empêchera vos ficelles de s’emmêler, taillez deux
tiges d’égale longueur (environ 15 cm) dans le cintre. Vous devrez sans doute vous
y reprendre à plusieurs reprises avec la pince pour couper le métal. Formez une
croix avec les deux tiges et maintenez-la avec de l’adhésif. Repliez les quatre
extrémités des tiges pour former des boucles. La croix achevée doit mesurer
environ 10 cm de large, une fois les boucles repliées.

4. Nouez les autres extrémités des ficelles aux boucles de la croix. (Sur la photo de
mon parachute, on distingue des petits nœuds sur les ficelles. Je les ai réalisés pour
pouvoir tester différentes longueurs de ficelle.)
5. Fixez maintenant la petite voiture et les pièces au bout d’une ficelle de 5 à 10 cm,
suspendue au centre de la croix en métal. Il vous faudra faire des essais pour que la
structure métallique reste équilibrée une fois le poids fixé dessus.
6. Pour lancer le parachute, pliez le tissu ou le plastique en quatre. Rassemblez le
poids et le parachute dans votre main et lancez l’ensemble en l’air, ou par une
fenêtre. Le parachute s’ouvrira en tombant. On peut aussi le lancer en le projetant
en l’air en le tenant par le haut de la toile.

L’expérimentation est une question de variables, de pensée créative et


de patience. Dans mon travail d’ingénierie, j’appelle cela la « loyauté au
projet », ce qui signifie que je suis résolue à faire fonctionner les choses. En
1976, des chercheurs de l’Université du Connecticut avaient entrepris de
développer un dispositif de retenue pour un tapis roulant destiné au
déplacement du bétail. Ils avaient réalisé un prototype pour démontrer que
leur système était peu stressant pour les animaux, mais ne savaient pas du
tout comment le faire fonctionner. La Humane Society qui s’occupe du
bien-être animal m’a contactée après avoir lu un article que j’avais rédigé
sur les façons humaines de traiter le bétail.
La première chose que j’ai remarquée est que le dispositif n’était pas
prévu pour s’adapter à différentes tailles d’animaux. J’ai effectué des essais
avec du contreplaqué pour mettre au point un appareil qui empêcherait
l’animal de basculer de côté sur le tapis roulant, en réduisant la largeur du
haut du dispositif. Si le bas était trop étroit, il aurait du mal à monter sur le
tapis et se ferait pincer au niveau des hanches et du poitrail. Je me suis alors
rendu compte que, pour se resserrer et s’écarter à volonté, les panneaux
latéraux devaient être montés sur des charnières pour éléments relevables.
La forme de parallélogramme de ces charnières couplerait leur mouvement
de rapprochement ou d’écartement avec un mouvement vers le haut ou vers
le bas, permettant de les maintenir à la verticale. Mais la clé du principe
reposait sur un autre changement radical. Le système serait plus adapté à la
morphologie des animaux si on le retournait tête en bas, parce que cela
ferait correspondre l’espace le plus large de la machine à la partie la plus
large de l’animal, au niveau du bassin.
Tout cela, je l’ai perçu grâce à ma proximité avec le bétail et à ma
connaissance du fonctionnement de l’équipement. Pour reprendre
l’expression populaire, il faut savoir se retrousser les manches.
Il n’y a pas très longtemps, j’ai visité les studios d’animation Pixar, qui
ont produit Toy Story, Cars et Le Monde de Nemo, et j’y ai assisté à quelque
chose d’étonnant. J’ai vu de très bons dessins créés sur ordinateur, mais les
artistes les plus doués sont ceux qui ont d’abord appris à dessiner à la main.
On m’a expliqué que les dessinateurs devaient parfois lâcher leurs
ordinateurs et passer au papier pour faire vivre les personnages. J’ai observé
la même chose dans mon domaine : les meilleurs concepteurs sont des gens
qui savent dessiner ou fabriquer eux-mêmes. Les pires dessins sont produits
par des gens qui ne se sont jamais servis de leurs mains. Ils ne « voient »
pas ce qu’ils ont dessiné. J’ai récemment reçu le dessin d’un système de
cage de contention qui obligeait les animaux à traverser un mur en béton. Il
était clair que la personne qui avait réalisé ce dessin sur ordinateur n’avait
pas « vu » ce qu’elle dessinait.
Dans un autre studio d’animation, j’ai vu une énorme imprimante 3D
qui produisait des figurines d’une quinzaine de centimètres. Les
dessinateurs gardaient la figurine à portée de main sur leur tapis de souris,
parce qu’il est important de toucher pour sentir. La souris de l’ordinateur
n’est pas reliée au cerveau de la même manière. Les dessinateurs qui
produisent le meilleur travail sont ceux qui sentent les choses en plus de
comprendre la technologie. Il faut toucher pour sentir, c’est aussi simple
que cela.
CHAPITRE 5

Illusions d’optique

Lorsque nous étions petits, notre mère nous autorisait à regarder la


télévision très précisément une heure par jour, et uniquement des émissions
approuvées par ses soins. En cas de punition, c’était la première chose
qu’elle nous supprimait, et seulement ensuite l’argent de poche. Comme
j’étais très attachée à mes émissions, je me tenais à carreau. L’une de mes
préférées était la série de science-fiction Au-delà du réel, qui commençait
toujours par la même accroche en voix off : « Ce n’est pas une défaillance
de votre téléviseur, n’essayez donc pas de régler l’image. Nous avons le
contrôle total de l’émission… Vous allez participer à une grande aventure et
faire l’expérience du mystère avec Au-delà du réel. » Dans l’épisode le plus
célèbre, la Terre était envahie par des extraterrestres à l’aspect d’insectes.
J’adorais ces trucs-là.
J’étais aussi de ces enfants qui sont capables de passer des heures assis
à leur bureau dans leur chambre. J’aurais été accro aux jeux vidéo s’ils
avaient existé à l’époque. Mon bureau était notre ancienne table de cuisine
et ressemblait plus à un établi qu’à un bureau d’élève studieux avec livres et
papiers. C’est là que je bricolais, démontant et remontant tout ce qui me
tombait sous la main.
Chez mes voisins, il y avait une boîte de Meccano géniale, avec laquelle
on pouvait construire des robots et des immeubles. La boîte contenait ses
propres outils pour fixer toutes les petites vis et tous les petits écrous, c’était
tout ce qu’il me fallait. Mais je n’en suis pas restée là. Je transformais de
vieilles mécaniques de pendules électriques ou des appareils cassés en
robots à l’aide de la boîte à outils bien fournie de mon père. La moindre tige
métallique, le moindre écrou, la moindre prise était un trésor.
Hello boys ! Make a lot of toys 1 !
A. C. Gilbert, l’inventeur des jeux de construction métalliques de la marque Erector,
rachetée par Meccano, avait travaillé comme magicien pour financer ses études
supérieures. À la fin de sa formation, il fonda une entreprise qui vendait des boîtes de
magie. Il semble que l’idée des jeux de construction lui soit venue au cours d’un trajet en
train, lorsqu’il vit des ouvriers en train d’installer des poteaux électriques. Son génie est
d’avoir créé des jouets qui n’avaient pas l’apparence de jouets. La boîte était livrée avec du
tissu en feutre, des poutres, des vis et des écrous, des roues dentées, des poulies et, plus
tard, viendraient de vrais petits moteurs. On pouvait construire des ponts, des gratte-ciel,
des moulins à vent… à peu près tout ce qu’on voulait. Ces boîtes devinrent de plus en plus
élaborées et certaines finirent par proposer des grues-terrassiers, des grandes roues de fête
foraine et même un zeppelin. L’une des plus populaires proposait les plans d’un «
mystérieux géant qui marche ». La boîte Erector fut le premier jouet américain à bénéficier
d’une vaste campagne publicitaire et devint vite l’un des jouets les plus appréciés de tous
les temps.

A. C. Gilbert.
Source : Wikimedia Commons.
En expérimentant pendant de nombreuses heures chacun de mes projets,
j’ai acquis beaucoup des aptitudes essentielles aux scientifiques : le
raisonnement déductif (qui consiste à exploiter la logique pour aboutir à une
réponse après avoir envisagé tout l’éventail des possibilités), la résolution
de problème et la patience. J’ai aussi acquis des compétences manuelles dès
ma prime jeunesse. Mes frères et sœurs et moi avions des tâches à
accomplir à la maison, puis nous avons eu des petits boulots d’étudiants. On
ne peut pas décrocher un emploi en passant tout son temps à jouer aux jeux
vidéo. Même pour travailler dans les jeux vidéo, le minimum serait
d’apprendre le codage, la conception, l’électronique et le sens de la
narration. On souffre aujourd’hui d’une grosse pénurie de travailleurs
qualifiés. L’un des pires changements qui aient affecté le système scolaire
américain est d’avoir supprimé les cours d’activités manuelles telles que la
menuiserie, la soudure et la mécanique auto. Il faut acquérir des
compétences pour construire quelque chose. Les miennes n’ont jamais été
autant mises à l’épreuve que lorsque j’ai voulu reconstituer une chambre
d’Ames.
Lorsque j’étais au lycée, nos professeurs nous ont fait regarder un film
des Laboratoires Bell sur les illusions d’optique. Parmi les inventeurs,
Alexander Graham Bell était l’un de mes plus grands héros. J’ai toujours
été inspirée par sa citation : « Lorsqu’une porte se ferme, il y en a une autre
qui s’ouvre. Malheureusement, nous perdons tellement de temps à fixer
avec regret la porte fermée que nous ne voyons pas celles qui s’ouvrent
pour nous. » Il s’agit d’une métaphore, bien sûr, mais, depuis le lycée, j’ai
activé dans ma tête cette image de porte chaque fois que j’ai été confrontée
à un nouveau défi.
J’allais souvent sur le toit de mon dortoir pour contempler les étoiles.
Un soir, j’ai remarqué la présence d’une petite porte qui débouchait sur une
autre partie du toit, plus vaste. Je visualise encore cette porte, et d’autres
portes face auxquelles je me suis retrouvée dans la vie et que j’ai dû me
forcer à franchir pour affronter la peur. Beaucoup de gens redoutent le
changement, et c’est plus difficile encore pour les autistes, parce que leur
système nerveux met davantage de temps à traiter tout ce qui est nouveau.
Et maintenant, vous m’entendez ?

Alexander Graham Bell.


Source : Wikimedia Commons.

Il n’est pas surprenant qu’Alexander Graham Bell ait appliqué son esprit inventif à la
communication. Son grand-père, son père et son oncle enseignaient la diction, sa mère
devint sourde lorsqu’il était adolescent et il épousa lui-même une sourde. Il enseigna la
physiologie et la mécanique de la parole, et créa sa propre école pour les malentendants. Il
fondra ensuite le Bureau Volta, spécialisé dans les recherches et la diffusion des
connaissances sur la surdité. Il aida Helen Keller à poursuivre ses études et demeura toute
sa vie son bienfaiteur. Elle lui dédia même son autobiographie intitulée Sourde, muette,
aveugle. Histoire de ma vie, par ces mots : « À Alexander Graham Bell, qui a appris aux
personnes sourdes à parler et permis aux personnes entendantes de communiquer entre
l’Atlantique et les Rocheuses. »
Bell est surtout resté célèbre pour l’invention du téléphone. En 1885, il fonda AT&T,
l’American Telephone and Telegraph Company, qui racheta ensuite plusieurs petites
entreprises, dont la Western Electric Company, créée par le rival de Bell, Elisha Grey.
AT&T allait devenir la plus grosse société de télécommunications du pays. Western
fabriquait les combinés et les standards téléphoniques tandis qu’AT&T se chargeait de la
technologie. On peut dire que le premier était responsable du hardware (matériel) et AT&T
du software (des programmes). Alexander Graham Bell fonda également Bell Labs, centré
sur l’expérimentation et la recherche. Au fil du temps, l’entreprise développa de
nombreuses technologies, dont une basée sur une découverte, due au hasard, qui modifia
notre compréhension des galaxies. C’est en essayant de comprendre ce qui créait les bruits
parasites dans les radios à ondes courtes que le physicien et ingénieur Karl Jansky
découvrit la radioastronomie. Ce domaine exploite les radiotélescopes pour observer le
cosmos et mesurer des entités comme les galaxies et les quasars et a apporté la preuve de
la théorie du Big Bang.

Shirley Ann Jackson.


Source : Forum économique mondial via Wikimedia Commons.

Quarante ans plus tard, une autre découverte capitale fut faite aux Bell Labs par la
chercheuse en physique Shirley Ann Jackson. Ses travaux sur les particules subatomiques
ouvrirent la voie à l’invention du fax, du téléphone à touches, des panneaux solaires, des
câbles en fibre optique, et aux techniques d’identification de l’appelant et de mise en
attente d’appels. Révélant des dons dès sa jeunesse, Shirley Ann Jackson fit de brillantes
études secondaires et fut la première femme afro-américaine à obtenir un doctorat du très
renommé MIT, le Massachusetts Institute of Technology. Un fait marquant concernant
cette femme, c’est qu’elle est sortie de son laboratoire pour partager ses connaissances et
faire avancer concrètement la science. Elle fut nommée par le président Bill Clinton
présidente de l’US Nuclear Regulatory Commission, la commission de réglementation
américaine pour le nucléaire, et elle est aujourd’hui la première afro-américaine présidente
du Rensselaer Polytechnic Institute, la plus ancienne université technique des États-Unis.
Un brevet à la cour suprême

Elisha Gray.
Source : Wikimedia Commons.

Bien que la plupart des gens n’aient jamais entendu parler d’Elisha Gray, certains pensent
que le brevet d’invention du téléphone aurait dû lui revenir. Le 14 février 1876, le jour de
la Saint-Valentin, Gray déposa au bureau des brevets des États-Unis un caveat, une sorte
déclaration officielle antérieure à la demande régulière de dépôt de brevet. Deux heures
plus tard, Alexander Graham Bell déposait le sien. Certains l’accusent d’avoir été informé
de l’invention de Gray et de lui avoir volé ses idées. D’autres répliquent que Bell travaillait
sur ses propres recherches depuis des années et que ses carnets en fournissent la preuve.
o
Brevet n US174465A pour une amélioration du télégraphe déposé par Alexander
Graham Bell.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

Toutes sortes d’histoires de pots-de-vin et d’avocats véreux ont circulé et, après de
nombreuses batailles judiciaires, l’affaire arriva devant la Cour suprême des États-Unis,
qui valida les brevets de Bell.
La chambre d’Ames était un projet tentant. On m’avait parlé de
l’illusion de Müller-Lyer en primaire et j’aimais bien les illusions d’optique,
parce qu’elles interviennent sur la façon dont on croit voir les choses.
L’illusion de Müller-Lyer paraît d’une simplicité enfantine, mais les
scientifiques ne sont pas tous du même avis sur le mécanisme de perception
qui la provoque. Certains pensent qu’il est lié à la manière dont notre
cerveau traite la profondeur et la distance ; d’autres le rapportent à nos
mouvements oculaires. L’illusion porte sur trois lignes de même longueur,
se terminant chacune par des flèches. Les deux flèches aux extrémités de la
première pointent vers l’extérieur, celles de la deuxième pointent vers
l’intérieur et celles de la troisième pointent toutes les deux vers la gauche.
Et ces flèches donnent l’illusion que les lignes sont de longueurs
différentes. J’ai reproduit l’illusion de Müller-Lyer avec une règle, et celle
dont les flèches pointaient vers l’extérieur semblait plus longue. J’ai
remesuré mes lignes pour en avoir le cœur net, et constaté qu’elles étaient
de longueur identique. J’en ai déduit que la première semblait plus longue
parce que son dessin en soi occupe davantage d’espace.
L’ILLUSION DE MÜLLER-LYER
Il vous faut :
• une règle
• un crayon
• une feuille de papier

Instructions :
1. À l’aide du crayon et de la règle, tracez sur la feuille deux lignes parallèles strictement de
la même longueur.

2. Terminez l’une de ces lignes par des flèches pointant vers l’intérieur, et l’autre par des
flèches pointant vers l’extérieur.
3. Demandez à vos amis laquelle est la plus longue. Faites-leur mesurer les deux lignes et
observez leur surprise lorsque vous leur prouvez qu’elles sont de longueur parfaitement
identique.

Dans le film qu’on nous a montré au lycée, la chambre d’Ames était une
pièce avec deux hommes, chacun se tenant à un bout de la pièce. L’un était
deux fois plus grand que l’autre. Or, lorsqu’ils sortaient de la pièce, nos
yeux les voyaient exactement de la même taille ! Je n’en croyais pas mes
yeux, et ça m’a obsédée. Je savais qu’il devait y avoir une ruse, mais je
n’arrivais pas à comprendre laquelle. Quand j’ai questionné mon professeur
de psychologie, il m’a mise au défi de fabriquer ma propre chambre
d’Ames. J’imaginais que cela me prendrait un jour ou deux ; après tout,
j’avais déjà réussi à réaliser une fenêtre d’Ames en forme de trapèze, ce qui
me faisait soupçonner que l’illusion avait un lien avec la perception de la
profondeur. Sauf que l’illusion de la fenêtre trapézoïdale n’a qu’une
dimension. Elle se présente comme une fenêtre rectangulaire classique,
mais une fois qu’on la fait tourner lentement sur elle-même, on a
l’impression qu’elle se balance d’avant en arrière (oscillation), alors qu’elle
tourne sur elle-même (rotation). On a beau savoir que cela ne se peut pas, la
perspective change la façon dont le cerveau perçoit le mouvement. C’est
tout le principe d’Ames.
LA FENÊTRE D’AMES

EN FORME DE TRAPÈZE

 
Il vous faut :
• du carton
• une règle
• un crayon
• des feutres (dont un noir) et/ou de la peinture acrylique
• des pinceaux
• une paire de ciseaux ou un cutter
• de la ficelle
• du ruban adhésif
 
1. Reproduisez le dessin ci-contre sur le carton à l’aide de la règle et du crayon (vous
pouvez l’agrandir au format de votre choix). Dessinez-le sur chaque face du carton.
(La première fois que j’ai réalisé une fenêtre d’Ames, j’avais comme seul élément le
souvenir du film des laboratoires Bell. Je vous mets au défi de ne jeter qu’un rapide
coup d’œil sur le dessin ci-contre et de le reproduire sans calque.)

2. Coloriez les dessins à l’aide des feutres et de la peinture. Insistez sur les contours
avec le feutre noir.
3. Découpez la fenêtre avec les ciseaux ou le cutter.
4. Servez-vous d’une ficelle pour suspendre la fenêtre à un objet situé en hauteur,
comme une lampe, et faites-la tourner sur elle-même. Cela donne l’illusion que les
fenêtres, au lieu de décrire un tour complet sur elles-mêmes, se balancent à un
rythme régulier, comme un pendule. Faites des essais en faisant tourner le carton à
des vitesses différentes pour observer la façon dont cela modifie l’illusion.
5. Pour tester un autre effet d’optique, scotchez un crayon à un angle du carreau du
milieu et faites de nouveau tourner le carton. Vous aurez l’impression qu’il passe à
travers la fenêtre.

Pour réaliser ma chambre d’Ames, j’ai commencé par effectuer des


essais sur la forme de la pièce. Comme celle que j’avais vue dans le film
ressemblait à une boîte à chaussures, j’ai commencé par faire une pièce
rectangulaire. J’ai supposé l’existence d’un faux plafond ou d’un sol incliné
pour expliquer la différence de taille entre les deux hommes. J’ai dû
dessiner dix chambres avec des plafonds et des sols différents, mais ça ne
fonctionnait toujours pas. Alors je suis allée vérifier la forme de la pièce
initiale, au cas où elle serait plutôt carrée. Puis je me suis demandé si
l’illusion n’avait pas un rapport avec la profondeur et j’ai dessiné une
chambre plus profonde que large. Ça ne marchait toujours pas. J’ai continué
à essayer, en accumulant des petites modifications. J’avais fini par baisser
les bras quand je suis retournée voir mon professeur, un mois plus tard, sans
avoir avancé. Il a eu pitié de moi et m’a permis de me replonger dans un
livre qui m’a fourni un indice unique, mais essentiel.
Le devant de la pièce avait la forme d’un trapèze !
Des visiteuses dans une chambre d’Ames à la Cité des sciences et de l’Industrie de la
Villette, à Paris.
Source : mosso via Wikimedia Commons.

J’aurais bien aimé pouvoir dire que la lumière a jailli dans ma tête dès
que mon professeur m’a fourni le fameux indice, mais il m’a encore fallu
tâtonner un peu. Lorsqu’on regarde une chambre d’Ames, on la regarde par
un petit trou avec un seul œil. Il faut en effet bloquer toutes les informations
qui nous sont habituellement fournies par la perception de la profondeur
pour que l’illusion fonctionne. C’est pourquoi on l’appelle officiellement
l’illusion monoculaire de la chambre déformée d’Ames.
Ci-dessus, la chambre d’Ames que j’ai réalisée pour ce livre.
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Les deux chevaux que j’ai utilisés pour la chambre d’Ames.


Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.
Le schéma de ma chambre d’Ames.
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.
L’amour est aveugle

Adelbert Ames Jr.


Source : Wikimedia Commons.

Adelbert Ames Jr était un scientifique et un ophtalmologiste pionnier dans le domaine de


l’optique physiologique. Après des études de droit à Harvard, il reçut une bourse pour
étudier l’optique physiologique, ce qui lui permit de découvrir l’aniséiconie, une affection
qui modifie la perception de la taille des choses que l’on regarde. Je trouve intéressant que
la plupart des expériences réalisées par Ames défient les perceptions du spectateur en les
déformant. Ames inventa des instruments pour diagnostiquer et tester la vision, dont
certains ont encore leur place dans les cabinets d’ophtalmologie. Roy R. Behrens,
professeur d’art à l’Université du Nord de l’Iowa, estime que les travaux d’Ames
présentent globalement plus d’intérêt pour les artistes que pour les scientifiques. En tant
que penseuse visuelle, je ne partage pas ce point de vue. Ames cherchait à découvrir s’il
pouvait modifier nos perceptions. Il a incontestablement changé la façon de regarder les
choses et m’a appris à les examiner plus attentivement, sans me fier aux apparences. À
vrai dire, une bonne part de mes aptitudes à travailler avec les animaux me vient de ma
capacité à percevoir ce que d’autres ne voient pas. Cela explique peut-être aussi pourquoi
j’ai été autant obsédée par Ames au lycée.

o
Brevet n US2238207A pour un système de contrôle de la vue déposé par
Adelbert Ames Jr.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

Avez-vous déjà entendu de la sonde Laserphaco ? Non, ce n’est pas un instrument du


vaisseau Enterprise, mais un instrument médical qui exploite le laser pour opérer les yeux
atteints de cataracte. La cataracte est une opacification du cristallin, la lentille de l’œil. Elle
peut être due à une blessure ou au vieillissement. En 1988, Patricia Bath fut le premier
médecin femme afro-américaine à recevoir un brevet dans le domaine de la médecine. Sa
sonde, qui permet d’éviter la cécité due à la cataracte, est depuis utilisée partout dans le
monde. Dès le lycée, Patricia Bath fut influencée par le travail humanitaire d’Albert
Schweitzer, qui avait soigné les lépreux au Congo. Cela l’incita plus tard à s’impliquer
dans l’ophtalmologie communautaire, qui consiste à donner l’accès aux soins oculaires au
plus grand nombre. Patricia Bath créa ensuite un institut spécialisé dans la prévention de la
cécité. Tout comme les membres de Médecins sans frontières, elle a parcouru le monde
entier. « La capacité de redonner la vue, a-t-elle déclaré, est la récompense suprême. »

Patricia Bath.
Source : Wikimedia Commons.

Adolescente, j’étais également fascinée par le stéréoscope, inventé par


Charles Wheatstone en 1838. Avec son illusion de la 3D, ce fut l’un des
jouets scientifiques les plus populaires de son temps. Contrairement à la
chambre d’Ames, qui repose sur la vision monoculaire (d’un seul œil), le
stéréoscope s’appuie sur la vision binoculaire (des deux yeux). Nos deux
yeux voient le monde chacun d’un angle légèrement différent, et notre
cerveau rassemble les deux images fournies en une seule, qui inclut la
perception de la profondeur. C’est ce qu’on appelle la vision binoculaire.
C’est ce principe qu’on applique aussi pour la 3D. Certaines lunettes 3D
présentent une lentille rouge et une bleue. L’écran affiche deux images et le
verre joue le rôle de filtre. Ainsi, chaque œil ne voit qu’une image et notre
cerveau les réunit de manière à ce qu’elles apparaissent tridimensionnelles.
Pour créer une image destinée à un stéréoscope, on prend deux photos avec
des appareils placés côte à côte. La distance qui sépare les lentilles des deux
appareils est à peu près de six centimètres et demi, la même distance que
celle qui sépare nos yeux. Lorsqu’on regarde les photos à travers les deux
lentilles du stéréoscope, l’image apparaît en 3D. On peut fabriquer son
propre stéréoscope. Quand j’étais étudiante, j’en ai acheté un dans une
brocante dans le New Hampshire, en même temps qu’une poignée de cartes
pour stéréoscope représentant des gens qui plongent d’une jetée, des enfants
qui allument des pétards et les chutes du Niagara.

Un exemple de vieilles images pour stéréoscope.


Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.
Un stéréoscope ancien que j’ai acheté.
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.
o
Brevet n US170749A pour l’amélioration des stéréoscopes déposé par William H. Lewis.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
LE STÉRÉOSCOPE

 
Il vous faut :
• des lunettes de lecture bon marché, avec pouvoir grossissant de 3.0 (en vente dans les
pharmacies)
• un rectangle de carton de 10 × 20 cm
• un crayon
• une paire de ciseaux
• de la colle universelle
• 2 vieux mètres gradués en bois que vous pouvez découper
• une petite scie
• de la colle à bois
• un marteau
• des clous de finition
• une bande de métal flexible ou de feuillard métallique de 1,2 × 12,5 cm
• de la Super Glue pour coller le métal
• un petit pince-notes
• un morceau de carton de 5 × 10 cm
• une pince crocodile de 5 cm
• des cartes pour stéréoscope (on en trouve dans les marchés aux puces ou les brocantes,
mais on peut aussi en créer en prenant des photos presque identiques que l’on imprime.
On peut utiliser deux appareils photo disposés à 6,5 cm de distance, correspondant à la
distance qui sépare nos deux yeux. Si l’on prend des scènes statiques, on utilise un seul
appareil qu’on déplace pour prendre la deuxième photo. Cela a plus de chances de
marcher si les personnages ou les objets sont séparés par une distance d’environ 20
centimètres).
 
Instructions :
1. Retirez les verres des lunettes de lecture.
2. Déposez les verres sur le morceau de carton de 10 x 20 cm, à la même distance
l’un de l’autre que sur les lunettes. Tracez leurs contours au crayon sur le carton (A).

3. Avec les ciseaux, découpez des trous à l’emplacement des verres, un peu plus
petits que les verres eux-mêmes. Le trou de gauche sera aligné sur la photographie
de gauche, et le trou droit s’alignera sur le centre de la photo de droite. Déposez de
la colle universelle sur la bordure arrière des verres et fixez-les sur les deux trous.
Laissez sécher plusieurs heures.
4. Découpez les mètres en bois avec la petite scie. Coupez le premier en trois parties,
respectivement de 10, 38 et 22 cm (B, C et D). Découpez une section de 38 cm (E)
dans l’autre mètre.
5. Créez maintenant la base de votre vue stéréoscopique. Avec la colle à bois, le
marteau et les clous de finition, fixez la section de mètre de 10 cm (B) à angle droit
au bout d’une des sections de 38 cm (C).

6. Créez une « ceinture » ou une « boucle » avec le métal flexible (F). Posez la
deuxième section de mètre de 38 cm (E) à plat sur la première (C) que vous venez
d’utiliser pour former le socle et entourez-les de métal flexible en faisant la boucle
(ne faites qu’un seul tour). Ne serrez pas trop ; il faut garder assez d’espace pour
que les deux éléments en bois puissent glisser. Retirez la boucle en marquant
l’endroit où elle se referme et maintenez-la fermée avec un point de colle Super
Glue. Pincez le point d’attaque avec le pince-notes le temps que la colle sèche. Une
fois que la colle a pris, retirez la pince et repassez de nouveau la boucle en métal
autour des deux sections du mètre posées l’une sur l’autre. Elle doit glisser
facilement.
7. À l’aide de la colle, fixez le bas du carton sur lequel vous avez collé les verres (A) à
2,5 cm du haut de la section de mètre de 10 cm (B) qui forme l’arrière du socle sur
le schéma final. Les verres doivent être tournés vers l’intérieur du stéréoscope.
Laissez sécher plusieurs heures.
8. Pour séparer la vision des deux yeux, prenez le carton muni des verres (A) et collez
le rectangle de carton (G) à angle droit sur l’avant du carton muni des verres (A), en
le centrant entre les deux verres (comme sur la photo de mon vieux stéréoscope).

9. Avec la colle à bois, le marteau et les clous de finition, fixez la section de mètre de 22
cm (D) à angle droit à l’extrémité de la section de 38 cm (E), en face de la section de 10
cm (B). Laissez sécher. Fixez la pince crocodile à environ 1,2 cm du haut de la baguette
en bois de 22 cm, du côté qui se trouve face aux verres. Collez-la à la colle universelle et
laissez sécher plusieurs heures. Cette pince servira à maintenir votre photo.
10. Placez votre montage photo dans la pince et regardez à travers les verres. Faites
coulisser le socle jusqu’à ce que l’image se trouve à la bonne distance pour obtenir un
effet 3D et que les deux images n’en fassent plus qu’une.
J’ai fini par trouver comment créer ma chambre d’Ames : c’est un
trapèze tridimensionnel. Le sol, le plafond et les murs sont TOUS des
trapèzes. Je n’avais pas réussi à m’en apercevoir sur les photos. J’aurais du
mal à expliquer comment j’en ai eu la révélation, mais c’est sans doute lié
au fait que je n’ai pensé à rien d’autre pendant un mois. On dit aussi que le
meilleur moyen de comprendre quelque chose est parfois d’arrêter d’y
penser. Mais j’ai finalement eu l’intuition qu’il fallait la construire sous la
forme d’un trapèze tridimensionnel. Une fois la clé du mystère découverte,
j’avais trop hâte de la faire !
L’une des leçons les plus bénéfiques que j’en ai tirées est que j’étais
capable d’aller au bout de quelque chose quelles que soient les difficultés
rencontrées. Mon professeur a eu raison de me pousser à trouver la solution
toute seule. J’étais super fière de moi lorsque mon projet a été sélectionné
pour être exposé lors de la visite du conseil d’administration du lycée. Ça
m’a donné le sentiment d’être quelqu’un d’important. Il m’arrive encore de
penser aux idées d’Ames sur la perception quand je travaille avec des
animaux et que j’essaie de comprendre ce qu’ils voient dans les ombres, les
éléments en hauteur et les différentes surfaces du sol. Si je parviens à
visualiser l’environnement de leur point de vue, je peux anticiper leurs
réactions. C’est entièrement une question de perception.
Quand j’ai décidé de recréer une chambre d’Ames à l’âge adulte, cela
s’est révélé assez facile parce que je n’avais pas oublié l’indice essentiel de
la forme en trapèze. Je dois dire que je me suis beaucoup amusée. J’ai
acheté du carton rigide, du ruban adhésif et deux petits chevaux en plastique
parfaitement identiques. Vous pouvez choisir les figurines que vous
voudrez, tant qu’elles sont de la même taille. J’ai cherché autour de moi et
j’ai retrouvé le matériel à dessin de mon grand-père. J’étais très fière
lorsqu’il me l’a légué avant sa mort. Pour créer une chambre d’Ames, il
vous suffit d’une règle, d’un rapporteur pour mesurer les angles et d’une
bonne paire de ciseaux ou d’un cutter. Pour renforcer l’illusion, on peut
ajouter des fenêtres qu’on dessinera en forme de trapèzes verticaux. Cela
revient à dessiner des fenêtres en perspective. Le sol en damier est lui aussi
dessiné en perspective, avec de grandes dalles dans la zone la plus large du
trapèze, qui diminuent à mesure qu’on va vers la partie la plus étroite. Vous
pouvez aussi renforcer l’illusion en faisant des essais avec toutes sortes de
décorations, qui apporteront des informations visuelles.
LA CHAMBRE À ILLUSIONS D’AMES

 
Il vous faut :
• un crayon
• une grande feuille de papier pour réaliser la chambre d’Ames présentée ici (prenez du
carton si vous préférez suivre le modèle plus grand présenté ici.)
• une paire de ciseaux
• des feutres
• du ruban adhésif
• deux figurines de même taille
• un petit bout de tissu
 
Instructions :
1. Reproduisez l’image ci-dessous sur la feuille de papier et découpez-la.
2. Avec les feutres, décorez le sol dans la zone indiquant « sol » et les murs dans les
zones indiquant « mur ». (J’ai créé deux fenêtres sur le mur incliné, comme sur le
dessin.)
3. Pliez le diagramme en suivant les lignes continues.
4. Commencez à fixer les différentes parties ensemble avec du scotch. Pour la zone
du mur le plus court, suivez les pointillés pour scotcher le sol et le plafond.
5. Lorsque tous les éléments sont maintenus par du ruban adhésif, il doit rester une
façade ouverte. Elle va constituer l’avant de votre chambre. Posez-la à plat et
ajoutez-y vos deux figurines. (J’y ai mis mes chevaux.)

6. Découpez votre morceau de tissu au même format que la façade ouverte pour
former un rideau. Découpez un petit trou au milieu. Fixez le rideau avec du ruban
adhésif à l’emplacement du mur qui manque.

7. Regardez à travers le trou. Vous remarquerez que les figurines semblent être de
tailles différentes !
J’adorais aussi créer des dioramas. La première fois que j’en ai vu un,
c’était au musée américain d’histoire naturelle à New York. Le diorama (un
nom qui vient du grec dia « à travers » et orama, « vision ») est devenu un
dispositif très apprécié dans les musées d’histoire naturelle qui se sont
beaucoup développés entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. L’objectif
était de donner aux visiteurs la représentation la plus scientifiquement
exacte de l’habitat et de la vie des animaux. Ces derniers étaient réalisés à
partir de vraies peaux d’animaux cousues sur les silhouettes. J’avais
souvent l’impression qu’ils étaient sur le point de bondir de leurs vitrines et
de s’animer, comme dans le film La Nuit au musée.
Même si j’ai toujours été avant tout intéressée par les animaux, je me
suis aussi demandé qui étaient les artistes qui avaient créé les mises en
scène. En tant que penseuse visuelle, j’étais curieuse de savoir comment ils
avaient peint les murs arrondis et les plafonds en dôme, et comment ils
avaient rendu les décors aussi réalistes.
LE DIORAMA DU SYSTÈME
SOLAIRE

 
Il vous faut :
• une grande boîte à chaussures
• de la peinture acrylique (noire, argentée, dorée et n’importe quelles autres couleurs de
votre choix)
• des pinceaux
• un « marqueur peinture » blanc
• des boules de polystyrène de différentes tailles
• des piques à brochettes en bambou
• de grands verres
• un compas
• du papier doré
• une paire de ciseaux
• de la colle repositionnable multiusage
• une grande aiguille
• du fil de nylon
• du ruban adhésif
2
• des feuilles de papier Canson noir 150 g/m
• une épingle
• une lampe-torche

Instructions :
1. Peignez en noir l’intérieur et l’extérieur de la boîte à chaussures et laissez sécher
complètement, toute une nuit si possible.
2. Parsemez dessus des points plus au moins gros avec le « marqueur peinture blanc
», pour figurer les étoiles.

3. Vérifiez la taille et la couleur des planètes dans un livre ou sur Internet. Choisissez
les boules de polystyrène correspondantes. Plantez-les sur les piques à brochettes
et peignez-les dans les bonnes couleurs. Déposez les brochettes à la verticale dans
les verres pour les faire sécher. Pour créer les anneaux de Saturne, servez-vous du
compas pour dessiner deux cercles l’un dans l’autre sur le papier doré. Le plus petit
doit être de la même circonférence que la boule de polystyrène que vous avez
choisie pour Saturne. Découpez l’anneau obtenu et fixez-le avec de la colle autour
de la planète.
4. Avec la grande aiguille, percez un trou passant au centre de chaque planète.
Passer dans chacune du fil de nylon et faites un nœud à la base de chaque boule.
Placez la boîte à chaussures sur son côté le plus long. Percez des trous sur le
dessus de la boîte pour y passer les fils de nylon et suspendre vos planètes. Fixez
les fils au-dessus de la boîte avec du ruban adhésif.

5. Couvrez le haut de la boîte avec du papier noir pour masquer les fils.
6. Percez de nombreux trous dans le fond de la boîte avec l’épingle. Placez la lampe
torche allumée derrière, face à vous, et regardez briller votre galaxie.

Dans sa contribution à un livre consacré aux dioramas en histoire


naturelle, Michael Anderson parle d’un peintre en particulier qui, dans les
années 1930, appliquait des principes scientifiques aux problèmes de
perspective posés par la peinture d’une pièce en forme de coupole.
S’inspirant de sa formation d’architecte, James Perry Wilson projetait des
grilles sur les murs du diorama, ce qui garantissait une plus grande
précision que la peinture à main levée. Sa méthode s’apparente à la
géométrie projective, branche des mathématiques qui mesure les effets de la
projection des images. Les ombres projetées sur un mur ou un film projeté
sur un écran sont deux exemples de base de géométrie projective. Vous
pouvez faire un test facile en projetant le rayon d’une lampe de poche sur
un mur. Si vous le faites à un angle de 90 °C, la circonférence du cercle de
lumière sur le mur sera proportionnelle à celle du hublot de la lampe. Ce qui
devient très intéressant, c’est de projeter la lumière à des angles variés.
Cherchez « géométrie projective » dans Google Images, les schémas sont
fascinants.

Exemple de géométrie projective.


Source : Snowy Weather via Wikimedia Commons.

Pour mes petits dioramas personnels, je collais des images de


magazines à l’intérieur d’un carton que je transformais en ranchs. Quand
j’étais petite, on trouvait encore des publicités pour les cigarettes dans les
journaux, et celles de Marlboro procuraient les meilleurs décors pour
l’Ouest. J’ajoutais des petites plantes pour faire les arbres, et des bâtons
formaient les barrières où attacher son cheval. Je fabriquais les abreuvoirs
avec de l’écorce. Comme notre chat perdait beaucoup de poils, je roulais de
petites pelotes pour figurer ces boules d’herbes séchées qui roulent au vent
dans le désert. Pour la terre, je collais tout simplement de la poussière de
notre jardin. Afin de donner un aspect tridimensionnel à la scène, je
dispersais quelques figurines sur le devant et sur le fond de la boîte. Enfin,
je fermais la boîte avec une serviette en guise de rideau, je perçais un trou
dedans comme pour une chambre d’Ames, et je regardais à l’intérieur. Le
fait de regarder le diorama d’un seul œil, en vision monoculaire, le rendait
tridimensionnel.
J’ai aussi créé des dioramas avec des personnages de la jungle, au
milieu d’un taillis de branches feuillues. J’ai réalisé des scènes de rue avec
des lampadaires et des bouches d’incendie. Le plus drôle était de chercher
comment donner un maximum de réalisme aux différents éléments. Chacun
de mes dioramas créait une nouvelle occasion de jouer avec la perception
de la profondeur et de la vision en trois dimensions. Je regrette de ne pas les
avoir gardés.

Le dessin industriel est la clé de la plupart des réalisations. La première


étape consiste à apprendre à lire les plans et les schémas techniques. Ma
première expérience en la matière remonte aux cours de dessin de l’école
primaire, où l’on apprenait à faire des rosaces. C’est d’une simplicité
enfantine. Il suffit d’un compas, d’un crayon et d’une feuille de papier.
Une rosace.
Source : Yves Baelde via Wikimedia Commons.
LA ROSACE
Il vous faut :
• une feuille de papier
• un compas
• des crayons de couleur ou des feutres
 
Instructions :
1. Tracez un cercle de la taille de votre choix au milieu de la feuille.
2. En gardant le même écartement du compas, placez la pointe sur un point
quelconque du cercle et tracez un arc de cercle à l’intérieur du cercle complet.

3. Placez la pointe du compas sur une des jonctions de cet arc avec le cercle complet
et tracez un deuxième arc de cercle de la même façon.
4. Continuez à déplacer le pic du compas autour du cercle complet à la jonction de
chaque nouvel arc de cercle, dans le sens des aiguilles d’une montre. Vous obtenez
les six pétales d’une fleur.
5. Coloriez votre fleur.
J’ai observé beaucoup d’erreurs sur des rosaces exécutées par
ordinateur, parce qu’il est difficile de déterminer le milieu du cercle sur
écran. Dessiner des cercles avec un compas permet de les expérimenter à la
fois avec les yeux et avec les mains. Pour tracer le cercle parfait, il ne faut
rien d’autre qu’un compas. Les possibilités de réalisation vont de la simple
fleur à des créations extrêmement complexes.
L’étape suivante dans le domaine du dessin et des plans techniques
consiste à savoir relier les tracés du schéma à la structure réelle. Je n’ai pas
dessiné de plans pour réaliser mes deux premières inventions, la barrière
pour le ranch de ma tante et la Machine à serrer. Je me suis lancée
directement. Pas de schémas, pas de plans, pas de notes sur la conception.
Je pense que cela tenait à mon mode de pensée visuelle, mais aussi au fait
qu’étant enfant j’ignorais qu’on pouvait procéder autrement.
Moi en train de dessiner une rosace.
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

La première fois que je suis tombée sur des plans de sol, c’était chez
Swift & Company, l’entreprise spécialisée dans le commerce de la viande.
Je préparais mon mémoire en sciences animales et j’étudiais le
comportement animal depuis des années, mais je ne savais pas lire un
schéma. On m’avait fourni un plan très détaillé de toute la future
installation et du domaine qui l’entourait. En m’y promenant, j’ai compris
tout de suite que le grand cercle qui y figurait était le château d’eau.
D’autres éléments étaient moins évidents, notamment certaines lignes
tracées sur un mur pour désigner l’emplacement d’une fenêtre, ou un carré
au sol pour représenter une colonne en béton qui soutenait le toit. Pour
apprendre, j’ai dû m’armer des plans d’un site déjà existant et faire le tour
de l’endroit avec la feuille à la main.
Les gens ont dû se demander ce que je fabriquais en me voyant arpenter
les lieux dans tous les sens. Mais au bout de deux jours, je pouvais associer
chaque trait dessiné sur les plans aux bâtiments eux-mêmes et à leur
équipement. À partir de là, les choses se sont éclaircies. Pour en apprendre
davantage, je me suis rendue dans le parc d’engraissement pour mesurer les
installations existantes. Je me suis basée sur ces mesures pour exécuter un
premier croquis, dont je suis retournée vérifier l’exactitude au parc
d’engraissement. Je ne me suis pas contentée de faire confiance à ma
mémoire. Cela a entraîné mon esprit à lire des plans et à visualiser
l’installation une fois achevée.
Juste pour le plaisir, prenez une feuille de papier (millimétré, si vous en
avez) et dessinez les contours de votre chambre. Ajoutez ensuite des carrés
et des rectangles pour représenter tous les meubles : lit, commode, bureau…
Veillez à respecter les proportions. Sur une autre feuille, dessinez les quatre
murs, sans oublier les portes et les fenêtres. Ceci est votre plan de sol. Vous
pouvez y ajouter les informations sur les connexions et les prises
électriques. N’oubliez pas d’y inclure les éclairages au plafond. Si vous
retiriez ensuite les meubles de votre chambre et que vous remettiez vos
plans à quelqu’un, la personne serait en mesure de tout remettre en place.
Fondamentalement, les plans architecturaux sont des instructions sur
l’emplacement des différents éléments.
Que la lumière soit

Lewis Latimer.
Source : Wikimedia Commons.

Lewis Latimer est considéré comme un héros pour sa contribution à deux inventions
majeures dont nous ne pourrions plus nous passer : le téléphone et l’ampoule. Ce fut lui
qui dessina les schémas utilisés pour le dépôt de brevet d’Alexander Graham Bell. Et il
révolutionna l’ampoule d’Edison, au filament de bambou, en créant une méthode de
production de filament de carbone qui la rendait beaucoup plus résistante et exploitable
chez les particuliers.
Fils d’esclaves noirs évadés, Latimer naquit libre dans le Massachusetts. À quinze ans, il
s’engagea pendant la guerre de Sécession dans l’armée de l’Union, en faveur de l’abolition
de l’esclavage. À la fin de la guerre, il s’installa à Boston où il fut embauché dans un
bureau de conseils en brevets et apprit à réaliser des plans en observant le travail des
dessinateurs. Son talent devait être exceptionnel, car il multiplia son salaire par sept entre
ses dix-sept et ses vingt-cinq ans.
Latimer se vit attribuer son premier brevet en 1874 pour une amélioration des toilettes
pour les trains. Il fit également breveter un système primitif d’air conditionné et un
système de portemanteau sécurisé pour manteaux et chapeaux, un système de sécurité pour
ascenseurs et le filament pour les ampoules d’Edison. Dans un article paru en 1988 en
hommage à cet inventeur oublié, le New York Times attribue aussi à Latimer l’installation
de l’éclairage électrique dans les rues et les immeubles de grandes villes comme New
York, Philadelphie, Montréal et Londres. Cet inventeur contribua à éclairer nos vies dehors
comme à la maison.

o
Brevet n US255212A pour un support pour lampe électrique déposé par John
Tregoning et Lewis H. Latimer.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.
o
Brevet n US252386A pour un procédé de fabrication de filaments de carbone
déposé par Lewis H. Latimer.
Reproduit avec l’aimable autorisation du United States Patent and Trademark Office.

Mes premiers dessins techniques étaient plutôt grossiers parce que je ne


savais pas utiliser correctement le matériel. Pour apprendre, j’ai observé un
dessinateur de talent du nom de Davy Jones. J’ai étudié sa manière de
dessiner un tuyau pour le faire apparaître en 3D, ou de restituer la texture
d’une dalle en béton grâce à des petits points. J’ai mis du temps à apprendre
à lire des plans, mais, une fois cette capacité acquise, il m’est devenu assez
facile de produire des dessins tout à fait satisfaisants. J’ai acheté le même
crayon et les mêmes instruments que ceux dont se servait Dave et je me suis
lancée en m’imaginant que j’étais lui.
On considère les dessins techniques comme un « langage universel »,
parce que des plans peuvent être compris par n’importe quel chef de
chantier, ingénieur, architecte ou designer. Comme nous l’avons vu, dans
tous les brevets brillants des trois derniers siècles, il est capital de savoir
présenter son invention sous la forme d’un dessin technique. C’est ce qui
permet aux autres de comprendre comment le fabriquer et le produire
industriellement. Le tout premier dessin que j’ai réalisé après avoir maîtrisé
les instruments de dessin fut une rampe pour faire monter le détail dans des
camions (on peut la voir ici). Je réalisais tous mes dessins à la main avec
des outils simples : planche à dessin, rapporteur, règle, compas, équerre en
T, et beaucoup de gommes. Maintenant, depuis les années 1990, la plupart
des dessins sont réalisés par ordinateur. Bien sûr, ceux-ci apportent de
nombreuses améliorations, mais il reste essentiel de savoir dessiner si on
veut faire réaliser ses créations.
Les plans de l’une de mes inventions, une cuve de trempage pour le bétail, visant à
améliorer la conception de l’entrée.
Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Au cours de ma carrière, j’ai appris que je ne pouvais me contenter de


penser visuellement si je n’étais pas capable de communiquer mes idées par
le dessin. J’ai gardé tous mes plans originaux chez moi dans un carton à
dessin, au cas où j’aurais besoin de les consulter ou de les montrer à un
collègue, mais aussi pour une autre raison : ils racontent l’histoire de la
découverte de ma vocation et du parcours qui a fait de moi une inventrice.
ÉPILOGUE

La Machine à serrer

Dans ma jeunesse, on pensait que l’autisme était un trouble


psychologique. Les médecins ignoraient qu’il est aussi lié à certains aspects
biologiques, y compris sur le plan de la sensibilité sensorielle. Quand j’étais
petite, mon hypersensibilité me forçait à m’envelopper dans des couvertures
et à me glisser sous les coussins du canapé. Ma mère voyait simplement
cela comme un comportement bizarre. Elle ne pouvait pas comprendre à
quel point j’avais besoin de me sentir enserrée. En revanche, pour beaucoup
d’autistes comme pour moi, être pris dans les bras par une autre personne
est trop perturbant pour notre système nerveux, voilà pourquoi nous
l’évitons. Cette réaction-là aussi était perçue comme étrange. Je rêvais
d’une machine à faire des câlins, d’une espèce de boîte tapissée d’un
revêtement qui gonflerait.
Jusqu’au jour où j’ai vu la machine de mes rêves dans le ranch de ma
tante Ann. Elle servait à immobilier les animaux le temps de les vacciner.
La pression exercée sur les flancs les relaxait. Comme je me souciais de ce
que ma tante pouvait penser de moi, j’hésitais à lui demander si je pouvais
l’essayer, et j’ai fini par lui écrire un mot. Elle l’a lue et m’a aussitôt
emmenée à la cage de contention. Dès que j’ai été à l’intérieur, la pression a
calmé mon anxiété, et l’effet a duré environ une heure. Pour la première
fois de ma vie, je me sentais vraiment moi-même.

Le modèle original de ma Machine à serrer.


Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

De retour au lycée, une grosse crise de panique m’a poussée à en


construire une pour me calmer. Je me suis servie de vieilles planches
trouvées dans le pick-up d’un chantier de construction. L’habitude de
construire des choses m’a aidée, et je m’y suis prise sans dessiner de plan.
À partir du moment où je pouvais visualiser la machine, j’étais capable de
la créer. Sa conception était déjà dans ma tête. Malheureusement, le
directeur et le psychologue du lycée ont trouvé ma création étrange, voire
dangereuse. Ils ont appelé ma mère et insisté pour que je la détruise.
Personne n’a compris à quel point j’avais besoin de soulager mon système
nerveux, à part M. Carlock, mon professeur de SVT, qui m’a proposé de
m’installer dans son atelier et m’a mise au défi de construire une machine
améliorée, que j’ai baptisée Machine à serrer. Le soutien de M. Carlock tout
au long de mes années de lycée m’a aidée à effectuer la transition avec
l’université. Dans le domaine des sciences comme dans celui de la vie, je
n’insisterai jamais assez sur l’importance des mentors, des guides et des
enseignants.
M. Carlock m’a aussi encouragée à exposer mes découvertes dans une
étude. Beaucoup plus tard, j’ai publié mes résultats dans un article pour le
Journal of Child and Adolescent Psychopharmacology, intitulé « Les effets
apaisants de la pression physique sur les patients atteints de troubles
autistiques, les étudiants et les animaux », manière un peu sophistiquée
d’expliquer le fonctionnement de ma Machine à serrer. Toute ma vie, j’ai
rédigé des articles pour garder une trace de mon travail dans les domaines
des animaux, de la construction de matériel, du comportement animal et de
l’autisme. Et j’incite tous mes étudiants à en faire autant. Voyez cela comme
une sorte de brevet intellectuel, un endroit où archiver vos connaissances.
Écrire des articles pour des revues scientifiques ne m’est pas venu
facilement mais, une fois que j’en ai eu compris la structure – une fois que
j’ai pu la visualiser –, j’ai pu me plier à l’exercice. Les étapes sont les
suivantes :
1. Commencez par lire les revues dans lesquels vous souhaitez publier
votre travail. Faites-vous une idée des articles qui les intéressent et
de leur longueur. Inutile de leur envoyer un papier de deux mille
mots s’ils ne publient que des histoires de cinq cents mots.
2. Cherchez des idées dans votre environnement. J’ai écrit par exemple
un article sur une laiterie en construction, et un autre sur ces
énormes taureaux charolais que l’on commençait à importer de
France.
3. Structurez votre article : introduction, développement, conclusion.
Cela aide de commencer par noter ses idées sur une fiche. Cela
permet d’organiser ses pensées et les différents éléments du texte.
Juste après le lycée, j’ai construit une troisième et dernière version de
Machine à serrer. Au fur et à mesure que j’avançais dessus, j’ai trouvé de
nouvelles manières de l’améliorer. Toute la conception avait lieu dans
l’atelier, où je pouvais la modifier à mesure que la construction progressait.
Plus tard dans ma carrière, j’ai dû m’habituer à réaliser toute la conception
sur papier. J’élaborais des structures en acier et en béton en trois dimensions
dans ma tête pendant que je dessinais. J’appelais cela « déménager l’atelier
» du monde physique au papier. Il était essentiel que j’y parvienne pour
permettre à quelqu’un d’autre de construire ce que j’avais conçu.
J’ai songé à faire breveter ma Machine à serrer. J’en ai discuté avec M.
Carlock, qui m’a expliqué que qu’elle ouvrait un nouvel usage à un système
déjà existant pour contenir le bétail, et que cela ne suffisait pas pour déposer
un brevet. Le bureau des brevets aux États-Unis, le United States Patent and
Trademark Office, dit que la découverte d’« une nouvelle fonction ou d’une
propriété inconnue, si elles sont présentes de façon intrinsèque dans une
œuvre antérieure, n’est pas nécessairement brevetable ». À la fin des années
1960, époque à laquelle nous nous sommes posé la question, cette
déclaration était prise dans un sens très large, qui s’est beaucoup restreint
depuis. Si j’inventais ma machine à serrer aujourd’hui, je pourrais sans
doute la faire breveter. Ensuite, la Cour suprême a estimé que les idées
abstraites et les processus naturels n’étaient pas brevetables. Parmi les
éléments non brevetables, citons ce qu’on appelle le savoir-faire ou le secret
de fabrication. Lorsqu’on dépose un brevet, on doit fournir toutes les
informations nécessaires à la réalisation de la machine ou du dispositif,
mais on n’a pas à révéler comment on le fabrique ni aucun des petits secrets
ou des raccourcis que l’on a imaginés pour qu’ils fonctionnent, ce qu’on
appelle officiellement la « propriété des procédés de fabrication ».
Autrement dit, le bureau des brevets peut sélectionner votre invention, mais
pas votre cerveau.
Ce qui me rend très heureuse, c’est de voir mon travail cité dans
d’autres brevets. Il en existe au moins vingt-trois qui font référence à mon
travail concernant les thérapies par pression corporelle des autistes ou le
matériel de contention pour les animaux. Je n’ai pas besoin d’un brevet
pour savoir que j’ai trouvé un moyen de soulager la panique et le stress
violents que j’éprouvais en permanence, et que j’ai par la suite créé des
systèmes qui ont éliminé la souffrance animale. Dans les deux cas, j’ai
observé une situation qui avait besoin d’être améliorée. Puis j’ai appris à
dessiner et à communiquer mes idées. Et cela, pour autant que j’aie pu le
constater, c’est l’essence de l’invention.
En double page suivante, voici le schéma que j’ai dessiné pour ma
Machine à serrer.

Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.


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Walker, J. R., Mathis, B. D., Exploring Drafting : Fundamentals of
Drafting Technology, Goodheart Willcox, 2007.
Remerciements

Je remercie les personnes suivantes pour l’aide qu’elles m’ont fournie


dans la réalisation de ce livre :
Mon éditrice Jill Santopolo, l’assistante d’édition Talia Benamy, la
décoratrice d’intérieur Ellice Lee, la maquettiste Lindsey Andrews,
l’éditeur Michael Green, la correctrice Chandra Wohleber, la relectrice
Elizabeth Lunn, ainsi que Jenn Loja et le reste de l’équipe de Penguin
Young Readers. Un merci tout particulier à Cheryl Miller.
DU MÊME AUTEUR

CHEZ ODILE JACOB

Ma vie d’autiste, 1994.


Penser en images et autres témoignages sur l’autisme, 1997.
L’Interprète des animaux, 2006.
Dans le cerveau des autistes (avec Richard Panek), 2014.
TABLE

Note aux lecteurs et à leurs parents

Introduction

CHAPITRE 1 - Objets en papier


CHAPITRE 2 - Leviers et poulies

CHAPITRE 3 - Objets en bois

CHAPITRE 4 - Objets volants

CHAPITRE 5 - Illusions d'optique

ÉPILOGUE - La Machine à serrer

Bibliographie

Remerciements

Du même auteur chez Odile Jacob


www.odilejacob.fr

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1.  Devise de la société Crayola.


1.  C’est le slogan de l’entreprise, totalement sexiste sur les jouets à fabriquer réservés aux
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