Vous êtes sur la page 1sur 6

REGARD

Les déserts, les montagnes


et les forêts, avec leurs
innombrables variations,
ont fait du pays l’un
des champions du monde
de la biodiversité.
La photographe Luisa
Dörr a été inspirée par
cette exceptionnelle
mosaïque de paysages,
tout en nuances colorées.
PAR JEAN ROMBIER (TEXTE)
ET LUISA DÖRR (PHOTOS)
Photos : Luisa Dörr / VII / Redux-Rea

3 600 bassins déclinent la gamme du blanc


au brun : ce sont les salines de Maras, sur
les monts près de Cuzco, l’ancienne capitale
inca. Elles sont exploitées depuis un millénaire.
GEO  49
REGARD

A l’occasion du carnaval, à la fin février, les habitants de la petite ville C’est loin de tout, à 2 400 m d’altitude, que trône le joyau de la civilisation inca : le Machu Picchu (en h. à g.). Depuis la chute de cet
de Maras se livrent au rituel de la yunza. Le but : abattre, à la hache empire, au XVIe siècle, le développement du pays s’est déporté sur la Côte pacifique, où se situe Lima, la capitale (en h. à d.).
et à la machette, un arbre préalablement décoré et chargé de cadeaux. Au-delà du versant oriental des Andes s’étend la forêt amazonienne (57 % du territoire), immense réservoir de biodiversité (ci-dessus).

50 GEO GEO  51
REGARD

Une route au milieu d’un décor lunaire. Avec ses dunes à perte de vue, le désert de Paracas, Après une journée de travail à Cuzco, cette paysanne et Linda, son lama,
qui borde l’océan Pacifique au sud de Lima, a des airs de Sahara. Depuis 1975, rentrent à la maison. En toile de fond, dans les verts pâturages,
cette péninsule, l’une des plus arides du Pérou, est protégée au sein d’une réserve nationale. on devine les vestiges de Sacsayhuamàn, une forteresse inca du XVe siècle.

52 GEO GEO  53
REGARD

Bienvenue à Padre Cocha, sur la rive gauche du Nanay, un affluent de l’Amazone. Sur le littoral, on trouve de grandes étendues sauvages, comme la réserve terrestre et marine de Paracas, refuge des pélicans, cormorans,
Avec ses cases en bois et ses habitants, de l’ethnie Cocama, cette petite localité attire sternes ou manchots de Humboldt (en h.)… La région andine, elle, est prisée des amateurs d’archéologie : ses vallées foisonnent de
les écotouristes en quête d’une immersion en douceur dans la forêt vierge. sites précolombiens, que l’on peut parfois rallier en train, comme ici, avec la ligne Cuzco-Aguas Calientes, terminus pour le Machu Picchu.

54 GEO GEO  55
REGARD

Connu dans l’Amazonie péruvienne sous le nom rassurant de lagarto («lézard» !), le crocodile Un animal de bât, mais aussi une source de laine et de viande : le lama est depuis
est un mets prisé. Sur les étals d’Iquitos, la plus grande ville de la jungle, il est vendu toujours indissociable des populations de l’Altiplano. La vigogne, une espèce
à la découpe. Les morceaux les plus appréciés ? Les filets situés de part et d’autre de la queue. cousine et tout aussi emblématique des Andes, figure même sur le drapeau péruvien.

56 GEO GEO  57
REGARD

JAUNE, VERT, BRUN : C’EST AINSI QU’ON

D
RÉSUME LA GÉOGRAPHIE DU PAYS

ans l’art de marier les extrêmes, Et lorsqu’on pénètre en Amazonie, on a le senti­


le Pérou est un virtuose. Som­ ment de s’enfoncer dans un océan de verts…» Une
mets andins couronnés de vision très simplifiée par rapport aux travaux du
neiges éternelles, déserts brû­ géographe péruvien Javier Pulgar Vidal. Dans une
lants parmi les plus arides du globe, jungles tropi­ thèse présentée en 1941 devant l’Institut pana­
cales mijotant dans une humidité record : derrière méricain de géographie, le chercheur avait dis­
ses 2 400 kilomètres de rivages qui filent, presque tingué quatre-vingt-seize types d’écosystèmes,
rectilignes, le long du Pacifique, ce territoire de qu’il avait ensuite regroupés en huit grandes éco­
1,3 million de kilomètres carrés – plus de deux régions fondées sur des différences d’altitude, de
fois la France – révèle une nature exubérante. Et climat, de flore, de faune et de culture : chala,
celle-ci déploie, comme tirée du chapeau d’un yunga, quechua, suni, puna, janca, omagua et
magicien, une infinité de paysages, que dévoile, rupa. «Symboliquement, Pulgar Vidal leur a donné
dans notre sujet, la photographe brésilienne Luisa des noms en quechua, explique Evelyne Mesclier,
Dörr. Dans ces décors majestueux cohabitent une spécialiste du Pérou à l’Institut de recherche pour
flore et une faune d’une variété que l’on retrouve le développement. Une manière de réhabiliter les
rarement dans un même pays : cactus et palétu­ populations andines et amazoniennes.»
viers, manchots et perroquets, ours et anacondas… Les Incas furent les premiers à tirer parti de ce
Un foisonnement où les conquistadors du qui ne s’appelait pas encore la biodiversité, et les
XVIe siècle ont distingué trois grands ensembles, conquistadors, quant à eux, furent sidérés par la
repris par la suite par les générosité de la nature. «La
géogra­p hes : la côte, la terre est extrêmement fer­
montagne et la forêt. Cinq tile et produit en abon­
siècles plus tard, c’est tou­ dance quantité de grains
jours ainsi que les écoliers qu’on y peut semer […], un
péruviens apprennent la boisseau de blé en peut
géographie de leur pays. produire jusqu’à […] 200»,
Souvent avec une couleur s’extasiait Augustin de
pour chaque zone : le jaune Zarate, le trésorier général
LUISA DÖRR | pour la bande désertique de la vice-royauté du
PHOTOGRAPHE du littoral, qui occupe 11 % Pérou, dans un livre qu’il
Portraitiste, cette de la su­perficie mais con­ publia en 1555, après son
Brésilienne de 29 ans centre l’essentiel de la retour en Espagne. Depuis,
a réalisé pour le population et de l’activité la science a confirmé ces
magazine américain économi­que ; le brun pour observations. Et, malgré de
Time un travail sur les An­des, qui couvrent un graves atteintes à l’environ­
les femmes les plus tiers du territoire ; et le nement (mines, déforesta­
influentes du monde. vert pour l’Amazonie, qui Ce bronze de l’empereur inca Pachacutec, qui a régné tion, marées noires…), sur­
Au Pérou, elle s’étend sur 57 % du pays au XVe siècle, trône sur la place d’Armes de Cuzco. tout en Amazonie, les
a immortalisé
mais n’est peuplée que par chiffres donnent le vertige :
les paysages avec
son Smartphone.
13 % des 31 millions d’habitants. «Aujourd’hui 25 000 espèces de plantes différentes, dont
encore, lorsque des Péruviens font connaissance, 5 500 endémiques, soit 10 % de la flore mondiale.
il arrive souvent qu’ils se présentent comme étant D’où l’abondance de ressources végétales :
originaires de la costa (“côte”), de la montaña 3 000 variétés de pomme de terre, 600 de fruits,
Retrouvez (“montagne”) ou de la selva (“forêt”)», indique 36 de maïs… Pour la faune, le tableau est tout aussi
ce sujet
dans «Echos Vincent Bos, spécialiste du Pérou à l’Institut des impressionnant, avec 460 espèces de mammi­
du monde» hautes études de l’Amérique latine. fères, 1 800 d’oiseaux, 4 000 de papillons… Des
la chronique de En arpentant le pays, Luisa Dörr a été frappée records qui placent le Pérou à la sixième position
Marie Mamgioglou,
début décembre sur par l’adéquation entre la nature et les teintes uti­ au palmarès mondial de la biodiversité. Et confir­
Télématin, présenté lisées sur les cartes du Pérou. «Près de la mer, le ment que le mariage de la jungle, de la montagne
par Laurent Bignolas, désert tire sur tous les tons de l’ocre jaune, dit- et du désert côtier est des plus féconds. L
du lundi au samedi,
sur France 2. elle. En montagne, avant les zones enneigées, c’est
bien la palette des marrons qui saute aux yeux. Jean Rombier

RETROUVEZ D’AUTRES IMAGES


SUR bit.ly/geo-regard-perou
58 GEO

Vous aimerez peut-être aussi