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Le Guerrier intrépide
Aventuriers des Highlands – 3
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Wanda Morella
Milady Romance
À maman et papa. Vous m’avez appris
l’amour,
l’honnêteté, la bravoure et la
persévérance.
Je vous remercie d’être les meilleurs
parents du monde.
Chapitre premier
— Isobel ?
Pourquoi diable avait-elle ouvert la
porte, laissant ainsi le vent d’hiver
souffler violemment dans la chaumière,
surtout en étant simplement parée de ses
sous-vêtements ? Dirk traversa la pièce
en hâte, attira la fugitive vers l’intérieur,
et referma derrière lui.
— Que faites-vous ?
Elle avait les yeux ouverts, mais ne le
regardait pas. Dormait-elle ?
— Retournez vous coucher, poursuivit-
il.
Il la prit par le haut des bras, et la
dirigea délicatement vers le lit.
Elle résista et tendit la main vers la
porte.
— Rentrer à la maison.
Il pouvait la comprendre, puisque lui-
même souhaitait repartir chez lui. Mais
aucun d’eux n’était en mesure de le faire
à cet instant précis.
Sachant qu’elle ne lui obéirait pas, il la
souleva. Elle lui parut aussi légère qu’une
petite fleur de chardon, mais n’était en
rien aussi épineuse. Il l’avait aidé à
monter sur son cheval à quelques
reprises, mais ne l’avait jamais tenue de
cette manière, le corps plantureux de la
jeune femme appuyé contre le sien.
Lorsqu’il se tourna avec sa compagne,
celle-ci se mit à glousser. Ce rire
espiègle le parcourut dans un tourbillon
d’excitation fiévreuse. Elle lui glissa les
bras autour de la nuque et s’y suspendit
fermement tandis qu’il la portait jusqu’à
la couche. L’un de ses seins moelleux, au
téton durci, se frotta contre le torse du
guerrier, le fin tissu constituant le seul
rempart entre eux. Elle enfouit son nez au
creux du cou de MacKay, lui stimulant la
peau de sa chaude haleine.
Le désir déferla en lui, mais
lorsqu’elle lui embrassa la gorge, il
pensa qu’il allait littéralement
s’enflammer. Par tous les saints ! Il
voulait faire de même, lui déposer un
sillon de baisers qui descendrait jusqu’à
sa poitrine, dénouer sa blouse, et… Il
secoua la tête, s’échinant à débarrasser
son esprit de telles pensées.
Debout devant le lit, il demeura
immobile, malgré son instinct qui lui
intimait rageusement d’écraser ce corps
frêle contre le sien sur le matelas.
Il inspira profondément, luttant pour
calmer ses ardeurs.
— Êtes-vous réveillée ? murmura-t-il.
Elle émit un bourdonnement endormi et
lui déposa un nouveau baiser dans le cou.
Réprimant un gémissement, il baissa le
regard sur elle. Dans la pénombre, il ne
parvenait pas à voir si elle avait les yeux
ouverts ou fermés. Mais elle sentait
divinement bon, un parfum de lavande et
de féminité.
Remets-la simplement dans le lit et
laisse-la tranquille !
Il la posa sur la couche, mais elle resta
agrippée à sa nuque. Il savait qu’il
pouvait se contenter de se défaire lui-
même de la frêle jeune femme, mais
semblait ne pouvoir s’y résoudre. Le
souffle d’Isobel lui chatouillait le visage.
Sa bouche, à guère plus d’un pouce ou
deux de celle du guerrier, l’attirait, lui
donnait la pressante envie d’y goûter
seulement une fois.
Cédant à la tentation, il effleura de ses
lèvres celles de sa compagne… Elles se
révélèrent d’une douceur soyeuse et
chaude. Elle les pressa plus fermement
contre celles de Dirk, après avoir laissé
échapper un léger soupir. Il s’agissait
d’un chaste baiser, mais l’ardeur rageuse
que MacKay sentait gronder dans tout son
corps le poussa à rendre ce contact
charnel, et à écarter les lèvres de sa
protégée pour y glisser sa langue.
Non. Elle est endormie.
Relevant la tête, il lui retira les bras de
son cou et remonta les couvertures sur
elle. Elle protesta dans un grognement.
Damnation, elle paraissait animée de la
même envie que lui. Mais en était-il
l’objet, ou se serait-elle satisfaite de
n’importe quel homme ?
Cela ne faisait aucune différence.
— Rendormez-vous, dit-il d’une voix
basse mais ferme, même si elle somnolait
déjà.
Elle se retourna et sa respiration
s’approfondit.
Par tous les saints ! Pour cette fois, il
aurait préféré qu’elle fasse l’inverse de
ce qu’il lui demandait. La sensualité de
ses lèvres avait laissé sa marque brûlante
sur celles de MacKay.
Non. Il ne pouvait l’avoir. Ni
l’embrasser. Elle appartenait à un autre.
Elle ne bougeait plus et semblait
désormais complètement assoupie.
Il barricada de nouveau la porte et
plaça un lourd fauteuil devant en espérant
que cela empêcherait la fugitive de sortir
et de se geler le derrière pendant qu’il
dormait. Au moins, elle le réveillerait si
elle poussait le siège pour passer
l’embrasure.
Mais étant donné son état d’intense
excitation, il avait peu de chances de
trouver le sommeil cette nuit-là.
Déterminé à essayer, il s’allongea sur sa
couche. Il ne pouvait oublier combien il
lui avait paru parfaitement naturel de tenir
Isobel dans ses bras. Son instinct s’était
manifesté, et il avait presque l’impression
d’avoir capturé une femme pour son
propre compte. Comme il aurait voulu
pouvoir l’emporter loin de là et lui
montrer l’effet qu’avaient sur lui ses
baisers !
Mais puisqu’elle dormait, elle ne se
remémorerait sans doute pas l’incident.
Isobel.
Pour Dirk, la voir là dans ce cimetière
était si inattendu qu’il se trouva à court de
mots. Son corps était toujours sur le qui-
vive, en position d’attaque.
Lâchant la poignée de son épée, il se
sentit idiot pour cette soudaine montée
d’angoisse qui l’avait presque incité à
frapper avant d’identifier la personne qui
se tenait dans son dos. Il entendait son
cœur marteler dans ses oreilles comme un
tambour. Ce n’était pas la première fois
que cela se produisait. S’attendre à
tomber à tout moment dans une
embuscade pouvait avoir cet effet sur un
homme.
— Je vous prie de m’excuser. Je
n’avais pas l’intention de vous
surprendre, dit la jeune femme en
sourcillant. Vous allez bien ?
Il inspira profondément, puis souffla
pour évacuer la tension, s’efforçant de se
détendre.
— Oui. Que faites-vous à l’extérieur
des portes du château ? Le bandit de
grands chemins qui nous a attaqués
pourrait s’aventurer dans les parages.
Elle plissa les yeux et balaya les
alentours du regard.
— Il fallait simplement que je sorte
pendant que le temps était à peu près
convenable. Si cela peut vous rassurer,
j’ai une dague dans mon sac.
Cette précision ne dissipa guère les
inquiétudes de Dirk, mais cela valait
mieux que rien, supposa-t-il.
— Que faites-vous ici ? s’enquit-elle.
— Rien de plus qu’admirer ma plaque
funéraire, répondit-il d’un ton sec en la
lui montrant.
Elle s’approcha, scrutant la pierre
sculptée.
— Oh, lâcha-t-elle. « Brave et noble ».
Je suis d’accord.
Sa remarque le toucha plus qu’il
n’aurait su l’exprimer.
— Je vous remercie, murmura-t-il.
Lorsqu’elle releva ses yeux sombres
vers lui, ils étaient embués.
— Vous avez manqué aux membres de
votre clan.
— Pas plus que je ne me suis langui
d’eux.
— Mais vous saviez qu’ils étaient ici,
alors qu’ils vous pensaient parti… pour
toujours.
— Certes, il y a une différence, admit-
il.
Il n’en était que trop conscient, surtout
maintenant que son père était mort. Il se
sentait profondément ému que ce dernier
ait fait graver une si belle épitaphe en son
honneur.
Isobel la regarda de nouveau.
— Faraid Head… Où est-ce ?
— À plus de deux miles dans cette
direction.
Il pointa son doigt au-delà du mur, vers
la vaste étendue de terre de l’autre côté
de Balnakeil Bay.
— C’est un endroit inhospitalier qui ne
recèle rien d’autre que des dunes de sable
et des falaises, précisa-t-il.
— Que s’est-il passé ?
Le lui expliquer était trop éprouvant à
cet instant précis. Un tourbillon
d’émotions diverses et sinistres
s’abattaient sur lui, des souvenirs de ce
qu’il avait subi ce soir-là. Savoir que
lady MacKay était cupide au point de
vouloir tuer pour ce qui revenait
légitimement à son beau-fils… pendant
que celui-ci, à l’âge de quinze ans,
endurait la douleur provoquée par une
grave blessure, ainsi que la peur de se
retrouver suspendu au bord d’une falaise
des heures durant dans l’obscurité et le
vent, dans le fracas des vagues qui se
brisaient en contrebas, où son meilleur
ami était mort, ignorant s’il serait en
mesure de remonter sur la terre ferme, ou
s’il connaîtrait lui aussi une chute fatale.
Puis il y avait eu la gratitude d’avoir
survécu. Non, tout cela représentait trop à
revivre. Par ailleurs, il en parlait
rarement.
— Je vous raconterai tout, un jour,
répondit-il, les yeux rivés vers le sévère
promontoire, songeant à Will et souffrant
de son absence plus vivement maintenant
qu’il se tenait devant sa tombe.
Il ne souhaitait pas attirer l’attention
d’Isobel sur sa douleur, ni évoquer son
cousin pour le moment. Ils avaient
d’autres problèmes plus urgents à
aborder.
— Nous devons discuter, annonça-t-il.
— Je pensais que nous étions
précisément en train de le faire.
Elle se mordit la lèvre, mais laissa
échapper l’ébauche d’un sourire qui eut
pour effet de distraire le guerrier,
l’extirpant de l’abîme de ses sombres
tourments. Son passé se dissipa comme la
rosée du matin tandis qu’il se concentrait
pleinement sur le présent.
Isobel.
Des mèches défaites de cheveux foncés
avaient glissé de sa capuche et flottaient
au vent, invitant Dirk à les capturer pour
les enrouler autour de ses doigts. Elle
avait les joues et les lèvres rosies par
l’air frais… des yeux ténébreux et
enchanteurs…
Que le diable l’emporte, s’il ne
s’agissait pas là d’une petite séductrice.
Il détourna le regard pour mieux se
concentrer sur ce qu’il avait à dire.
— J’entendais évoquer un sujet
sérieux.
— Il n’existe rien de plus sérieux
qu’une plaque commémorative, rétorqua-
t-elle d’un air direct.
Il ne put réprimer un ricanement
accompagné d’un rictus, ne sachant
vraiment pas pourquoi la remarque de sa
compagne lui paraissait amusante. Il
secoua la tête.
— Je crois que nous devrions retourner
au château avant la tombée de la nuit. Il
fait plus frais dès que le soleil se couche.
Elle acquiesça et passa entre les
tombes pour sortir.
Il lui tint le portail en bois patiné par le
temps, puis se mit en route à côté d’elle
sur le sentier de sable mouillé et compact
qui remontait la colline en direction du
manoir.
— Je me demandais si vous aviez
envoyé une missive à mon frère pour le
prévenir que j’étais saine et sauve. Il va
s’inquiéter quand les MacLeod vont lui
révéler que j’ai disparu, dit-elle.
— J’en avais l’intention. Mais j’ai
ensuite pensé qu’ils intercepteraient peut-
être le messager ou la lettre, et
apprendraient où vous vous cachiez. Pour
votre sécurité, j’ai estimé préférable
d’attendre un peu.
Elle hocha la tête.
— Très bien. Je souhaite à tout prix
qu’ils ne me retrouvent pas.
— Je dois également vérifier quels
domestiques sont dignes de confiance et
qui ferait le meilleur coursier.
Il y avait presque deux cents miles à
parcourir jusqu’à Dornie. Il lui fallait
envoyer quelqu’un qui s’y était déjà
rendu, et qui jouissait d’une santé assez
vigoureuse pour supporter le froid. À dire
vrai, il devrait probablement faire appel
à deux serviteurs pour un trajet si long, si
ardu et si dangereux.
Par ailleurs, il détesterait que
quiconque, y compris le frère d’Isobel,
fasse irruption pour l’emmener si tôt loin
de lui. Ce serait pour le mieux,
évidemment, mais il n’était pas certain
d’être prêt à la laisser partir. Il se
montrait idiot, car il n’avait aucun avenir
avec elle. Néanmoins, il ne pouvait
s’empêcher d’apprécier le temps qu’ils
passaient à converser, même s’ils
n’abordaient que des sujets futiles.
— Vous marchiez au bord de la mer ?
demanda-t-il, curieux de savoir ce qui lui
avait pris de flâner au-dehors par ce
temps glacial.
— Oui, il fait meilleur aujourd’hui, et
le vent s’est calmé. De plus, je n’ai
jamais vu une plage aussi belle.
Elle marqua une pause l’espace d’un
instant pour jeter un coup d’œil sur
Balnakeil Bay, que teintait la douce lueur
du crépuscule.
— Il en existe de ravissantes autour de
Durness.
Et la plupart des dames ne se seraient
jamais risquées à sortir, que le paysage
soit magnifique ou pas. La résistance de
la jeune femme charma son sauveur.
— J’avais besoin d’air frais et de
lumière, répondit-elle. Ma chambre est
chaude et douillette, mais un peu sombre.
Il devrait veiller à lui trouver une
pièce plus agréable s’il était désigné chef
– ou plutôt quand il le deviendrait. Il ne
doutait pas de la décision du clan en sa
faveur, surtout si Aiden lui cédait la
place. Haldane protesterait, mais quel
bien en tirerait ce garçon ? Il était peut-
être d’un tempérament ombrageux, mais
se révélait impuissant au final. Ce qui
avait déclenché la colère de Dirk en
particulier était la façon dont il avait
parlé d’Isobel, en la qualifiant de traînée.
Le guerrier aurait toutefois l’occasion
d’apprendre à ce chien fou une leçon sur
le respect dû aux dames et autres
membres de la noble société.
— Et comment va votre doigt
aujourd’hui ? s’enquit-il.
— Il a un peu dégonflé.
Elle s’arrêta pour le lui montrer.
Il le prit délicatement, avide de tout
prétexte lui permettant de la toucher.
— Vous avez la main froide. Et elle
arbore un joli vert à présent.
Elle esquissa un sourire charmeur.
Il avait envie de baiser ce membre
blessé plus que tout au monde. Mais il
n’avait rien d’un galant ni d’une canaille
comme Lachlan, ou même Rebbie. Il
n’était pas de ceux qui provoquent les
femmes ou les font glousser. À son grand
regret. Il aurait souhaité changer et
devenir un peu plus comme ses amis.
Lorsqu’elle leva ses yeux envoûtants
vers lui, il se sentit presque ensorcelé. Il
ne désirait pas simplement la provoquer ;
il voulait l’embrasser. Sur les lèvres.
Mais il lui fallait se l’interdire, même si
la douceur de cette bouche contre la
sienne avait hanté ses rêves toute la nuit.
Elle était toujours promise à un autre.
Les fiançailles étaient un engagement par
contrat légal.
Il la lâcha et se remit à gravir la
colline d’un pas lent, attendant que sa
protégée le rejoigne.
— Lady Isobel, je me rends compte
que je vous dois des excuses pour ce qui
s’est passé dans l’écurie hier soir.
— Pour le baiser, ou pour m’avoir
rabrouée juste après ?
— Les deux.
Il en eut le visage embrasé malgré le
froid.
— Sottises. Je suis soulagée que vous
ne m’en vouliez pas. Peut-être est-ce à
moi de vous demander pardon.
— Non, c’est inutile.
— Tant mieux. Car je ne regrette rien.
Était-elle vraiment obligée de se
montrer si diablement sincère et attirante
à la fois ?
— Gratifiez-moi de l’œil le plus noir
qui vous plaira, ajouta-t-elle en souriant.
Nous avons cédé à un petit plaisir, non ?
Il riva de nouveau son attention droit
devant lui, déterminé à ne pas se laisser
entraîner dans ce jeu de séduction.
— Certes. Cela ne se reproduira plus.
— Quel dommage.
Elle avait marmonné, mais il l’avait
clairement entendue malgré la rafale de
vent qui lui avait presque renvoyé son
souffle au fond de la gorge.
Qu’il soit damné si elle n’avait pas
entrepris de le poursuivre. Avait-elle
perdu l’esprit ? Ou tentait-elle
d’échapper au mariage avec un MacLeod
? S’il la volait à leur laird, il en
découlerait une guerre de clans. Il ne
craignait personne, mais refusait que ses
propres désirs charnels mettent en péril la
vie de son peuple.
Si elle ne s’était révélée liée à un
autre, il n’aurait eu aucun problème à
fréquenter une veuve. En fait, les jeunes
femmes de cette catégorie étaient celles
qu’il préférait pour pratiquer les joies de
la chair. Elles jouissaient d’une certaine
expérience, et apparaissaient souvent en
manque – voire avides – de relations
intimes.
Isobel l’avait embrassé avec ce même
appétit la veille. Mais il ne s’autorisait
pas à badiner avec des créatures déjà
convoitées, même s’il était presque
impossible de leur résister.
— Y avait-il autre chose dont vous
souhaitiez me parler ? demanda-t-elle
lorsqu’ils regagnèrent la herse ouverte.
— Oui. Nous en discuterons dans la
bibliothèque.
« Vierge » ?
Que diable… ? Posté à côté du lit,
Dirk gardait les yeux rivés sur Isobel,
vêtue d’un simple drap et toujours
allongée de façon tentante sur la couche.
Il s’efforça de rester concentré sur cette
information qui ne se raccordait à aucun
autre élément.
— Vous prétendiez avoir été mariée !
Une veuve ! Est-ce un mensonge ?
— Cessez de hurler ! J’ai dit la vérité.
Elle continua de l’observer d’un œil
noir, mais reprit d’une voix plus douce :
— Mon époux était incapable
d’accomplir son devoir conjugal. Il a été
malade presque tout le temps où je l’ai
connu.
Il sourcilla. Tant d’émotions
contradictoires tourbillonnaient en lui
qu’il n’était pas sûr de savoir ce qu’il
éprouvait vraiment.
— Vous n’avez jamais fait l’amour
avec votre conjoint ?
Elle secoua la tête en guise de
dénégation.
— Tout le monde pensait pourtant que
c’était le cas. Il m’a suppliée de ne pas le
révéler, car il en avait honte. Le clan
l’aurait considéré comme un homme
faible. Ils ont donc tous supputé que
j’étais stérile.
Même si cela pouvait paraître
malveillant, une part du guerrier se
réjouissait que le vieux comte n’ait pu
remplir ses obligations maritales. Le côté
primitif de Dirk était plus qu’enchanté
d’avoir été le premier partenaire de la
jeune veuve. Mais sa raison avait
conscience que les ennuis se profilaient.
Un individu honorable ne se contentait
pas de passer son chemin après avoir
défloré une femme.
Comment était-il possible qu’une
innocente l’ait séduit ? Ou était-ce lui qui
l’avait charmée ? Comment diable avait-
il pu perdre ainsi son sang-froid et
prendre une créature qu’il n’avait jamais
envisagé de posséder ? Certes, il l’avait
voulu, mais avait été persuadé de pouvoir
résister. Était-il fou ? Non. Les herbes
médicinales, se souvint-il soudain. Isobel
l’avait-elle drogué avec l’aide de la
guérisseuse ?
— Mais comment est-ce que tout cela
est arrivé ? demanda-t-il en désignant
l’espace entre le matelas, sa compagne et
lui-même.
Elle était allongée sur le flanc, plus
qu’attirante, qu’elle en ait eu l’intention
ou pas, uniquement couverte du drap et
d’un plaid. Elle fit dériver son regard
sombre vers la poitrine de Dirk.
— Je croyais que vous aviez de
l’expérience en la matière.
Il poussa un soupir exaspéré.
— C’est le cas. Mais comment avons-
nous fini au lit ensemble, précisément ?
Je me rappelle que j’avais très froid et
que vous m’êtes montée dessus pour me
réchauffer.
Il s’était alors retrouvé au paradis.
— Oui. Vous étiez presque gelé après
votre chute à l’eau dans la grotte, puis la
longue marche dans le vent glacial.
— J’apprécie votre aide. Je me
souviens des élancements dans mon
crâne… Puis Nannag m’a donné une
tisane à boire. Qu’y avait-il dedans ?
— Elle m’a dit que cela apaisait la
douleur. Je ne suis pas guérisseuse et j’en
sais très peu sur les simples.
Il ne décelait aucune trahison dans ses
yeux. Peut-être se montrait-elle honnête et
n’avait-elle joué aucun rôle dans quelque
complot pour le droguer.
— Comment cela nous a-t-il menés
jusque-là ? interrogea-t-il en montrant la
couche.
— Eh bien… Je vous ai embrassé le
front et vous vous êtes emparé de moi.
— Vraiment ? Par tous les saints,
grommela-t-il en rougissant.
Il n’avait jamais été agressif envers les
femmes, sauf lorsqu’elles le réclamaient.
— Vous avez commencé à
m’embrasser, et… dieux du ciel…
l’atmosphère s’est réchauffée. Vous avez
ensuite passé votre bouche sur mes seins,
avant de les téter. La sensation était
époustouflante, et…
— Assez !
Damnation, il avait déjà
douloureusement envie d’elle. Inutile
d’attiser davantage le feu de sa passion.
Elle l’excitait comme aucune autre
partenaire auparavant, et à présent, le
rempart qu’il avait érigé autour de son
désir semblait avoir été abattu.
— Je pensais que vous vouliez des
explications de ma part, se défendit-elle.
— Il n’est pas nécessaire de donner
autant de détails. Cela fait remonter le
peu de souvenirs que j’en ai gardés. Et
vous pourriez être…
Un curieux mélange de peur et d’espoir
entrava le cours de ses propos. À quoi
songeait-il ? Il ne craignait rien. Mais tout
cela était si soudain et si bouleversant.
— Quoi ? demanda-t-elle.
Il expira un soupir réprimé.
— Vous pourriez être enceinte. Bon
sang ! Êtes-vous folle, jeune fille ?
— Ce n’était pas ma faute. Vous
m’avez fait succomber avec vos
irrésistibles baisers.
Des baisers. Certes, il aimait
l’embrasser, et en avait envie à cet instant
même. Il se força à lui tourner le dos et
s’éloigner à grandes enjambées.
— La plupart des chefs veulent une
descendance, vous savez, déclara-t-elle.
N’aurez-vous pas besoin d’un fils quand
vous reprendrez le titre ?
Il pivota sur ses talons.
— Vous êtes fiancée à un autre meneur
de clan !
Si elle portait son bébé, cet enfant
pourrait devenir son héritier – s’il
s’agissait d’un garçon – à la seule
condition que Dirk épouse Isobel.
Elle haussa les épaules.
— Cela m’importe peu.
— Vous devriez pourtant vous en
inquiéter. Cela pourrait déclencher une
guerre de clans.
Diable, il ne pouvait prendre un jour la
tête d’un peuple, puis mener celui-ci à la
bataille le lendemain, au simple motif
qu’il était incapable de maîtriser ses
pulsions avec la promise vierge de son
voisin. Ce comportement était plus
qu’irresponsable. Et MacKay n’avait
jamais fait preuve d’insouciance jusque-
là.
Elle sourcilla.
— Pensez-vous que les MacLeod
attaqueraient votre famille pour cela ? Ou
la mienne ?
— Peut-être. Votre frère devra
certainement négocier un arrangement
avec eux et leur faire un cadeau.
— S’il était disposé à leur céder les
terres, ils s’en verraient apaisés. Ils ne
voulaient rien d’autre de toute façon.
Il acquiesça.
— S’ils découvrent que vous êtes ici,
ils pourraient lancer l’assaut quoi qu’il
advienne, qu’ils aient conclu un accord
ou pas. On a entamé des conflits pour
bien moins que cela.
L’air maussade, elle riva les yeux au
sol.
— Je devrais retourner parmi les
miens.
Une lame d’effroi transperça Dirk en
plein estomac. Il avait peur de ne jamais
être capable de la laisser partir. Son
instinct de possession était avivé et il
n’imaginait pas son existence sans cette
femme.
— Non. Je ne puis vous ramener là-bas
pour l’instant. C’est l’hiver. Le vent
souffle trop violemment pour voyager par
la mer. Et traverser le territoire des
MacLeod serait du pur suicide sans une
armée pour contrer leur inévitable
attaque.
— Je suppose que je suis obligée de
rester jusqu’au printemps. D’ici là, nous
saurons si je suis enceinte.
Il serra les dents, imaginant ce corps
voluptueux arrondi par son enfant. Au-
delà du fait qu’il trouvait cette scène plus
que séduisante, il n’avait jamais pensé à
la paternité auparavant. Sa vie avait
toujours été trop instable. Durant les dix
dernières années, il n’avait guère fait plus
que voyager avec ses amis. Mais
désormais, tout cela était derrière lui. On
allait peut-être l’élire chef ce jour-là. Ce
qui induisait qu’il s’installerait, dirigerait
son clan et se marierait. Il n’avait pas
prévu de chercher une épouse aussi tôt.
Peut-être au bout d’un an ou deux, une
fois qu’il se serait accoutumé à sa
nouvelle fonction.
Mais si Isobel portait son bébé, il
devrait la prendre pour femme. Non que
cette pensée lui parût infernale une seule
seconde. S’unir à elle se révélerait
assurément édénique. Mais qu’en serait-il
de son fiancé ? La dernière chose que le
guerrier souhaitait était un affrontement
avec les MacLeod.
Elle était vierge jusque-là. Il secoua la
tête. S’était-il montré brusque avec elle ?
Il se rappelait à peine l’avoir prise. Ses
réminiscences ressemblaient davantage à
un rêve enfiévré, vague, mais le souvenir
demeurait. Il n’avait pas oublié le plaisir
éprouvé. Deux rapports étaient plus que
suffisants pour la mettre enceinte.
— Je vais devoir demander votre
main. Je n’aurai guère d’autre choix,
annonça-t-il.
Elle fronça les sourcils.
— C’est faux. Si vous ne voulez pas
m’épouser, alors ne le faites pas,
répondit-elle en lui tournant le dos.
Auriez-vous l’amabilité de quitter la
pièce, s’il vous plaît ? Je vais m’habiller
et vous laisser tranquille.
Damnation ! C’était donc fait : il
l’avait blessée. Il n’était pas habitué à la
sensibilité féminine.
— Je vous prie de m’excuser, reprit-il.
Mais comme vous le disiez, vous portez
peut-être mon enfant. Mon héritier.
Il fut pris de vertige. Cette sensation
résultait-elle de son coup sur la tête, des
herbes, ou de ces événements si
précipités ? Il avait du mal à croire
qu’elle avait peut-être déjà conçu son
premier fils avant même qu’il devienne
laird.
Elle haussa les épaules.
— Vous semblez y accorder peu
d’importance.
— J’y prête le plus grand intérêt,
soyez-en persuadée.
Elle se redressa en position assise,
dissimulée par la couverture, l’observant
furieusement de ses yeux sombres et
envoûtants.
— Vous me désiriez, l’accusa-t-elle.
— Oui, c’est vrai.
Et c’est encore le cas. À cet instant
précis. Il ne pouvait lui dire cela. Ils
n’avaient guère besoin d’une nouvelle
étreinte pour s’assurer qu’elle serait
enceinte. Il doutait de s’être retiré à
temps avant de jouir en elle, comme il
l’avait fait avec d’autres veuves.
— Vous m’avez attirée dans votre lit,
fulmina-t-elle en le pointant du doigt. Ne
me tenez donc pas responsable de tout
cela.
— Ce n’est pas votre faute. Je suis le
seul à blâmer.
Sans l’influence des plantes
médicinales, il aurait peut-être davantage
gardé son sang-froid, mais quand bien
même, il l’avait désirée depuis leur
première rencontre.
En son for intérieur, une voix soufflait
au guerrier que cette créature était
destinée à être sienne. Mais en même
temps, l’idée paraissait trop belle pour
être vraie. Ce qui le rendait méfiant.
Il fut pris d’un accès de rage et de
jalousie en imaginant Isobel avec
MacLeod. Non, il lui fallait l’épouser.
Mais il avait besoin d’obtenir la
permission de Cyrus ; dans le cas
contraire, il serait considéré comme un
voleur de promise et un ravisseur.
L’honneur n’était pas un vain mot pour
lui, et il ne s’était pas comporté de façon
respectable. À ses yeux, enlever la
fiancée de Torrin pour l’épouser n’avait
rien d’une offense mineure. Le clan de
son rival se vengerait. Dirk refusait
qu’une guerre éclate, que du sang soit
versé et que des vies soient sacrifiées
pour la stupide erreur qu’il avait
commise. Il devrait indubitablement
donner à son adversaire un présent de
grande valeur pour que la paix règne de
nouveau.
— Quel maudit désordre, marmonna-t-
il en frottant sa barbe naissante et drue.
— Je ne veux pas être un fardeau pour
vous, grommela Isobel en se glissant au
bord du lit. Elle tendit le bras pour
prendre sa blouse parmi le tas de
vêtements par terre, dans des gestes
brusques et empreints de courroux.
— Comme je vous l’ai déjà expliqué,
je souhaite un mari qui tienne à moi. Si
vous n’en êtes pas capable, alors je vais
prendre congé.
— Damnation, Isobel ! Je tiens à vous.
— Je ne vous crois pas. Je ne
représente qu’une contrariété à vos yeux.
— Pas vous, plutôt la situation.
— La situation avec moi.
— J’espère que vous pouvez me
pardonner, dit-il d’un ton plus doux. Je
dois faire preuve de diplomatie envers
MacLeod et votre frère, ou cette histoire
va m’éclater à la figure. Et je ne suis
même pas encore à la tête du clan. Je
voulais faire les choses dans un certain
ordre. À présent, c’est la confusion totale.
D’autres seigneurs remettront en question
mon honneur. Ils me considéreront comme
un hors-la-loi et un ravisseur pour avoir
enlevé la promise d’un chef voisin.
— Très bien. Je suis navrée d’avoir
souillé votre immaculée respectabilité et
votre réputation sans tache, monseigneur.
Qu’il soit damné si cette femme n’avait
pas le verbe impertinent. Il fut tenté de la
faire taire avec un baiser fougueux.
On frappa plusieurs coups à la porte.
— Dirk ? Vous sentez-vous mieux ?
lança Rebbie dans le couloir.
— Oui.
Le loquet cliqueta sans céder. Le
guerrier avait barricadé l’entrée un peu
plus tôt afin que personne ne fasse
irruption et trouve Isobel dans son lit. Il
espérait ne pas avoir été aperçu avec elle
pendant qu’ils dormaient.
— C’est l’heure de l’audience,
annonça MacInnis, la voix étouffée
derrière le vantail en bois. Tout le monde
est rassemblé dans la grande salle.
— Je serai là dans un instant. Je
m’habille.
Ou du moins, il s’y apprêtait. Il ne
souhaitait guère lâcher son tartan et
donner ainsi un aperçu de sa nudité à la
jeune femme. Il ne voulait pas non plus
lui montrer combien elle l’émouvait dès
qu’il était en sa présence. Il se languissait
d’elle, et les souvenirs brumeux de la
veille ne faisaient que le narguer et attiser
plus encore son envie. Il se retourna
furtivement vers Isobel tandis qu’elle
laçait son arisaid.
— Ne laissez surtout pas Maighread
découvrir ce qui s’est passé entre nous,
déclara-t-il.
— Pourquoi ? En auriez-vous honte ?
— Non, gronda-t-il. Elle s’en servira
contre moi. Elle fera absolument tout pour
m’atteindre, y compris vous blesser.
— Eh bien, vous vous rappelez
forcément que Haldane nous a vus au lit
ensemble hier soir pendant que je vous
réchauffais. Elle en conclura donc le pire.
Enfer ! Il avait oublié cela. Toutes les
images de la veille étaient floues.
— Elle ne me ferait pas de mal,
assurément, sachant qui était ma mère. Si
?
— Ne soyez pas aussi naïve, Isobel. Et
ne sous-estimez jamais cette harpie. C’est
un serpent venimeux rampant dans
l’herbe.
— Je ne révélerai évidemment rien sur
la nuit que nous avons passée ensemble,
ajouta-t-elle faiblement, les yeux rivés au
sol pour éviter son regard.
Il voulait lui demander de ne pas être
en colère à son encontre. Il faisait de son
mieux. Mais là encore, il tiendrait
probablement des propos confus. Elle
était la première femme avec laquelle il
avait partagé plus qu’une conversation
éphémère – ou une couche. Il savait
comment s’adresser aux hommes de façon
directe et franche, sans se soucier s’ils
appréciaient ou non ce qu’il leur disait.
Les dames réagissaient autrement.
Elles prenaient mal les choses et le
moindre affront les blessait. Il devrait
penser à soigneusement peser ses mots
avant de parler plus avant à sa compagne.
Diable, comme elle le tentait. Il ne
désirait rien plus que s’emparer d’elle, la
ramener sur le lit et dévorer ses lèvres
roses. Il mourait d’envie de se remémorer
le moindre détail voluptueux de ce qu’ils
avaient vécu, mais les herbes avaient
troublé ses souvenirs.
— Du pavot, lança-t-il.
— Pardon ?
— Nannag a dû en mettre dans cette
tisane.
Il se rappelait à présent les effets de
l’opium, car il en avait déjà consommé,
après une blessure au combat.
— J’ignorais qu’elle vous en
donnerait.
— Ne vous inquiétez pas de cela.
Il se réjouissait simplement de savoir
pourquoi il avait perdu son sang-froid
avec une telle facilité.
À présent habillée, elle s’approcha de
la porte, puis le regarda furtivement par-
dessus son épaule.
— Je vous verrai à l’audience.
Regrettant de ne pouvoir s’exprimer
davantage, il hocha la tête, l’observant
tandis qu’elle se retirait.
Elle serait à nouveau sienne, décida-t-
il. Mais il agirait convenablement la
prochaine fois. Il obtiendrait le
consentement de Cyrus, et épouserait
cette femme. Il ne pourrait la toucher
d’ici là.
— Je vous avais dit qu’Isobel était sa
traînée, déclara Haldane à sa mère dans
la salle supérieure, où se déversait le
soleil du matin.
— De quoi parlez-vous ? J’ai entendu
qu’elle essayait de le réchauffer parce
qu’il était tombé à l’eau.
Bien entendu, un tel comportement était
indécent, surtout parce que la veuve était
une lady, et non une guérisseuse.
— Eh bien, il a mis du temps à dégeler,
car elle n’a pas quitté la chambre de Dirk
et n’est jamais retournée dans la sienne
de toute la nuit.
— Comment savez-vous cela ?
demanda-t-elle avec autorité. Vous
l’espionnez ?
— Pas personnellement. Une des
bonnes garde un œil sur elle pour moi.
Il sourit, la laissant s’interroger sur les
autres services que cette domestique lui
rendait.
Plus important que cela, que diable
faisait Isobel MacKenzie ? Fiancée à un
chef, et maîtresse d’un autre ? Elle jouait
avec un feu susceptible de consumer les
MacKay et les MacLeod.
Dirk était-il amoureux d’elle ? Si cette
jeune femme n’avait été la fille de sa
meilleure amie, Maighread aurait envoyé
une missive à Torrin si rapidement qu’il
l’aurait crue soufflée jusqu’à lui par une
violente tempête.
Même si elle souhaitait que son beau-
fils se trouve de quelque manière en
danger, elle ne voulait pas mettre la
veuve en péril, mais cette dernière ne
faisait guère preuve de prudence – ni de
distinction.
— Je vous remercie de m’en avoir
informée, Haldane. Je m’occuperai d’eux.
Il acquiesça et quitta la pièce.
Aiden attendait toujours à la porte.
— Vous désiriez vous entretenir avec
moi ?
— Vous allez m’emmener voir
McMurdo, répondit-elle.
— Non, mère. Le donjon est un endroit
répugnant.
— Pensez-vous que cela m’importe ?
Vous allez ordonner aux geôliers de me
laisser entrer. Vous êtes encore le
seigneur… jusqu’à l’audience, du moins.
Le clan se ralliera peut-être du côté de
l’imposteur, mais la bataille n’est pas
terminée.
— Je ne crois pas que vous devriez
rencontrer cet individu ni lui parler. C’est
un dangereux criminel susceptible de
vous faire du mal.
— Il ne pourra pas me toucher !
Aiden plissa les yeux.
— Quels sont vos plans ?
Pourquoi son fils remettait-il ses
desseins en question à présent ? Il ne se
l’était jamais autorisé auparavant.
— Je ne vais pas le faire échapper. Il
mérite d’être enfermé. Après tout, c’est
un meurtrier, mais j’ai besoin de
m’entretenir avec lui quelques minutes au
sujet de la tombe qu’il s’est offerte, en
payant votre père et l’Église.
— Très bien, mais je dois vous
demander un service.
— Tout ce que vous voudrez, mon cher.
Ignorez-vous que je ferais n’importe quoi
pour votre bien ? roucoula-t-elle,
espérant que son naïf de garçon la
croirait.
— Je compterai donc sur votre parole.
Je souhaite que vous laissiez Dirk
tranquille. Que vous ne lui fassiez aucun
mal, ni n’engagiez qui que ce soit pour
s’en charger.
— Mais enfin, Aiden, s’indigna-t-elle
de la façon la plus théâtrale qu’elle
puisse feindre, n’étant pas le moins du
monde surprise qu’il prenne le parti de
son aîné. Quel genre de personne pensez-
vous que je sois ? Je ne m’en prendrais
jamais à quiconque, que ce soit un
usurpateur ou pas. Je refuse simplement
qu’il accapare ce qui vous revient de
droit.
— Je ne comprends pas comment vous
pouvez dire cela, en sachant qu’il est le
fils de père.
— Désolée, mais honnêtement, je ne
crois pas qu’il s’agisse de votre frère.
Il la dévisagea d’un regard empli
d’intelligence, et elle se demanda s’il
allait la croire. Peut-être n’avait-elle pas
eu l’air assez sincère.
Une choquante pensée vint à l’esprit de
Maighread. Était-ce lui qui avait
conseillé à MacKay et ses hommes de se
lancer à la poursuite de McMurdo ? Ils
avaient bien su d’une façon ou d’une autre
qu’elle devait rencontrer le bandit à
l’église. À son arrivée, les lieux étaient
déserts. Deux heures plus tard, son
complice se trouvait au cachot, tandis
qu’Aiden et Dirk étaient revenus trempés.
Ils avaient forcément été ensemble.
Son fils n’était qu’un petit traître.
Alors qu’elle courait tous les risques
pour lui ! N’avait-il donc pas conscience
qu’être chef était l’unique moyen de
garantir à son cadet et à lui-même un
avenir serein ? Il descendait d’une longue
lignée de puissants meneurs dans le nord
de l’Écosse, mais son seul rêve était de
devenir troubadour. Guère plus qu’un
domestique. Elle était horriblement déçue
à son sujet.
S’il ne voulait pas de ce titre, Haldane
le porterait volontiers. Peu lui importait
lequel, mais l’un de ses deux enfants
prendrait la tête du clan.
— Je ne toucherai pas un cheveu de
l’imposteur, ajouta-t-elle. Eh bien, allons-
y. Vous êtes un bon garçon.
Elle ouvrit le chemin dans le couloir, et
le jeune homme suivit.
Dans l’air venteux du matin, la figure
piquée par les flocons de neige glacials,
ils traversèrent ensemble l’enceinte
pavée. Malgré les regards curieux qu’ils
leur adressèrent, les gardes autorisèrent
Maighread et Aiden à entrer dans le
donjon sans contester. Après l’audience,
si Dirk devenait laird, il interdirait tout
contact entre sa belle-mère et McMurdo.
Son fils avait raison, l’endroit était
lugubre, dégoûtant et humide, mais cela
ne la dissuadait guère. Elle était vêtue de
sa plus vieille tenue.
Le geôlier posa la lanterne à
l’extérieur de la cellule, et la visiteuse
jeta un regard oblique vers celui qui s’y
trouvait enchaîné au mur.
— McMurdo ?
— Oui, milady.
— Allez me chercher Haldane, dit-elle
en se tournant vers son fils.
— Non, je ne vous laisserai pas seule
avec lui.
L’image du frêle Aiden protégeant sa
mère semblait déplacée.
— Il est attaché. Il ne peut pas
s’approcher de moi. Je dois parler à
votre cadet sur-le-champ.
Le jeune homme plissa les yeux, et
répondit en chuchotant :
— Si l’un de vous deux s’avise de
l’aider à s’enfuir, les gardes risquent de
vous blesser, voire vous tuer.
— Nous n’en avons aucune intention,
mon chéri. Me croyez-vous folle ? Je
vous ai dit qu’il méritait de se trouver
exactement là où il est. C’est un
meurtrier. Allez me chercher votre frère.
Il lui lança un dernier regard furieux et
partit d’un pas traînant exécuter les
ordres de sa mère comme il le faisait
toujours. Elle se réjouissait qu’il soit si
facile à manipuler malgré ses scrupules.
Elle se tourna vers le prisonnier.
— McMurdo, écoutez-moi bien. Êtes-
vous éveillé ?
Il grogna, et riva sur elle ses yeux noirs
et perçants.
— Oui.
— Je vous ai versé une grosse somme
pour accomplir une tâche il y a quelques
années. Mais vous n’avez pas terminé le
travail, n’est-ce pas ? Vous m’avez volé
ces mille livres. Vous avez payé à peu
près le même montant pour cette crypte
dans l’église, non ?
Les chaînes émirent un bruit de
ferraille.
— Je le croyais mort. Il est tombé de la
falaise. Je le jure. Je n’ai pas la moindre
idée de la façon dont il a pu en réchapper.
C’est un miracle.
— Mentez autant que vous le voulez. Je
vous fais une autre offre. Achevez votre
mission, ou je récupère mon argent.
— De quelle manière ? Je ne l’ai plus.
— Vous ne serez pas enterré dans votre
luxueuse tombe.
— Non, milady ! Comment vais-je finir
la besogne maintenant ? Je suis enchaîné
au fond d’un cachot.
— Je pourrais trouver quelqu’un pour
vous aider à vous sauver.
— Ah, je vous en supplie, milady.
Sortez-moi de cet enfer, et je ferai tout ce
que vous voudrez. Vous m’autoriserez à
conserver ma tombe, oui ?
— Certes, mais seulement quand
j’aurai vu de mes propres yeux que vous
avez rempli votre tâche. Et je vous
interdis de parler de notre arrangement à
qui que ce soit. Cet entretien n’a jamais
eu lieu.
— C’est d’accord. Je m’en occuperai.
Il baissa la voix et ajouta dans un
murmure :
— Je tuerai Dirk MacKay cette fois.
Chapitre 18
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Titre original : My Brave Highlander
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