Vous êtes sur la page 1sur 4

À l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière), on ne

numérise pas une carte ancienne comme n’importe quel autre document. Les
professionnels qui gèrent le fonds d'archives de l’institut ont adapté leurs
pratiques à la spécificité de ce support particulier et qui réside dans sa
composante géographique immédiate : la géolocalisation. Voici leur méthode de
numérisation de cartes historiques en 9 étapes :
La définition des priorités
La qualité des fichiers
Le matériel utilisé
L’opération de numérisation
La géolocalisation
La nomenclature
Le catalogage
L’archivage électronique
La diffusion en ligne
La collection de l’IGN est forte de 530 000 cartes remontant au 17e siècle, dont
environ un tiers sur le territoire français. Leur dématérialisation a débuté en
2007 en intégrant une géolocalisation, via des outils dédiés (systèmes
d’information géographique ou SIG). 

Afin de contourner cette difficulté, les professionnels de l’institution ont, dans


un premier temps, déterminé une méthodologie entièrement tournée vers la notion
géographique, s’appuyant sur les normes de ce secteur et s’affranchissant parfois
des méthodes et standards de description de producteurs, de fonctions et de
documents de l’archivage général.

>Lire aussi : Quelle réglementation pour les systèmes d’information géographique


(SIG) ?

Rappelons que l’IGN n’a pas de vocation « muséale » : l’institut ne cherche pas à
étendre sa collection de cartes, mais seulement à entretenir un outil de travail, à
disposition des utilisateurs.

« Ce savoir-faire a ses avantages et ses inconvénients », reconnaît Philippe


Truquin, délégué au patrimoine et chargé de la politique d’archivage de l’IGN ; «
notre méthodologie ne prétend ni être meilleure, ni moins bonne qu’une autre. Elle
tient seulement compte de notre spécificité ».
1. La définition des priorités

Numériser un fonds de cartes implique d’établir des priorités. À l’IGN, une équipe
de huit documentalistes est en charge de la conservation, de la gestion et de la
dématérialisation de ces documents qui concernent le territoire français, les
anciennes possessions françaises et le reste du monde.

Actuellement, l’équipe réalise la numérisation continue des cartes sur la France


(aujourd’hui dématérialisées à 90 %) et qui sera probablement terminée d’ici 2 à
4 ans.

L’IGN a planifié son programme de numérisation selon trois principes :


    •    commencer par les fonds les plus anciens et précieux (urgence de la
sauvegarde) ;
    •    numériser ce qui concerne la France métropolitaine et outremer (la mission
de service public de l’IGN porte sur le territoire national) ;
    •    s’imposer de travailler par collection (pour ne pas s’éparpiller).

À ces principes s’ajoute une démarche parallèle : la numérisation au fil de l’eau


des demandes d’utilisateurs. In fine, ce qui est le plus demandé entre alors
naturellement dans la planification et finit donc par être dématérialisé.
>Lire aussi : 4 outils gratuits pour créer vos propres cartes interactives

2. La qualité des fichiers

En matière de résolution de numérisation, l’IGN réalise un éternel compromis entre


la qualité des fichiers pour l’utilisation et la charge de stockage qu’elle
entraîne.

« Aujourd’hui, la numérisation que nous réalisons en interne est en 300 dpi, ce qui


permet une impression et une exploitation du fichier sans pixeliser jusqu’à 200 %
», explique Richard Basley, le responsable de la cartothèque ; « depuis quelques
années, le format adopté est le JPEG 2000 en compression de 50 % ».
Côté support, un restaurateur intervient sur certaines cartes anciennes dans un
esprit de conservation ou réalise juste un entoilage pour solidifier les cartes
abîmées avant numérisation.

Important : les cartes sont des documents à deux faces ! Au fil de leur histoire,
un certain nombre de mentions ont pu être portées sur leur dos, c’est pourquoi la
préservation de ces annotations, et donc la numérisation en double face, est
réalisée quand il y a lieu.

>Lire aussi : France Archives lance la carte des lieux d'archives pour découvrir
les sources liées à un territoire

3. Le matériel utilisé

L’IGN dispose de trois scanners à défilement A0, dont deux de 40 pouces et un de


44 pouces, en plus d’un scanner à plat au format A2 pour les formats réduits. Ce
choix du matériel tient évidemment à la teneur du fonds, composé de nombreux grands
documents.

Important : attention aux documents rugueux anciens qui peuvent rayer les vitres
des scanners très rapidement.

« Au bout d’une dizaine de documents, des rayures apparaissaient sur la vitre, et


donc dans les fichiers numérisés ensuite », signale Richard Basley ; « nous avons
été obligés de changer de scanner ».
>Lire aussi : Quand la cartographie devient un jeu d'enfant

4. L’opération de numérisation

À l’IGN, la numérisation prend 3 minutes par carte et 8 minutes s’il y a détramage


(des trames sont parfois ajoutées lors de la conception d’une carte pour réaliser
différentes couches de couleurs. Sans détramage, les aplats de couleurs peuvent se
dégrader à l’impression et des artefacts apparaître).

« En interne, nous pouvons numériser des documents allant jusqu’à 111 centimètres


de large sur toute la longueur du document », explique Richard Basley.
5. La géolocalisation

La géocalisation consiste à inscrire la carte dans un système géographique (via le


SIG), qui permet ensuite de la retrouver via une carte plus grande ou un tableau
d’assemblage, ou de la superposer à d’autres cartes ou photographies (ex. : Google
Maps ou Géoportail de l’IGN). Des coordonnées géographiques doivent donc être
associées à chaque coin de la carte.

« Cette géolocalisation a un impact considérable sur les instruments de recherche


que l’IGN développe, ainsi que sur l’utilisation qui sera faite ensuite des cartes
», s’enthousiasme Philippe Truquin ; « elle permettra aussi ensuite de géolocaliser
une multitude d’autres archives, non nécessairement cartographiques ; c’est tout
l’intérêt de ce qu’apporte l’IGN dans le domaine de l’archivage ».
>Lire aussi : 1 200 cartes en accès libre sur le site de La Documentation française

6. La nomenclature

La nomenclature utilisée pour nommer les fichiers créés intègre un certain nombre
de métadonnées facilitant leur recherche dans une arborescence de répertoire.

Cette convention qui précise le nommage, propre aux équipes en interne, mais
facilement compréhensible pour une personne de l’extérieur, contient notamment le
numéro de la carte, son échelle, sa date terrain (la date du levé, contrairement à
la date de publication, qui peut intervenir jusqu’à deux ans plus tard) ainsi que
des informations complémentaires s’il s’agit de cartes thématiques.

« Cette nomenclature est propre à la cartothèque de l’IGN », rappelle Richard


Basley ; « ce n’est pas une norme pour tous les organismes qui dématérialisent des
cartes ».
7. Le catalogage

Voici les champs utilisés par l’IGN pour enregistrer une carte numérisée dans sa
base de données :

Collection
Sous-collection
Pays
Série (liée à une échelle ou à une thématique)
Titre
Numéro
Échelle
Date terrain
Date du tirage
Producteur de la carte
Éditeur
Observations
Notes

« Nous n’avons pas développé la notion de thésaurus », précise Philippe Truquin, «


car elle ne nous était pas directement utile pour exercer notre métier ; mais nous
n’en faisons pas une position de principe et peut-être pourrions-nous être amenés à
en développer un, à l’occasion du développement de tel ou tel service ».
>Lire aussi : Old Maps Online : 280 000 cartes historiques gratuites sur votre
smartphone

8. L’archivage électronique

Au sein de l’IGN, il existe un service d’une vingtaine de personnes dédié à


l’archivage numérique de toutes les données produites par l’institut. Il existe
aussi une « équipe produit » d’une dizaine de personnes, essentiellement des
ingénieurs, qui met au point les méthodes et les outils tout en assurant la veille
technologique. C’est elle qui garantit notamment la pérennité de l’archivage.

Conformément au processus d’archivage de l’IGN, basé sur le modèle conceptuel OAIS,


la cartothèque transmet par lots successifs l’ensemble de ses cartes numérisées au
service d’archivage, selon les termes d’une convention « producteur – archiviste »
élaborée conjointement.

>Lire aussi : Comment mettre en place et gérer un système d'archivage électronique


et numérique
9. La diffusion en ligne

Depuis un an, le stockage des données destinées à la diffusion en ligne a migré sur
la toute nouvelle plateforme d’hébergement cloud interministériel Oshimae.

« Nous avons un accord pour y stocker toutes nos données de diffusion, mais aussi
pour servir de base de géolocalisation à toutes les informations qui y seront
hébergées », précise Philippe Truquin.
En pratique, deux modes de diffusion de l’information géographique produite par
l’IGN sont proposés à l’utilisateur :
    •    le téléchargement document par document, à une résolution élevée (gratuit)
;
    •    la navigation dans un flux géographique (via un protocole WMTS pour Web
Map Tile Service) qui permet d’afficher en streaming et de façon fluide une grande
quantité de données géographiques sous la forme de tuiles à des échelles
différentes (ex. : GoogleMaps ou Geoportail de l’IGN).

Ces fonctions sont notamment intégrées dans le site Remonter le temps.

Sur le même sujet: 


National Geographic numérise 130 années d'archives cartographiques
Wikia lance un service original et gratuit de cartographie collaborative et
interactive
Quelle réglementation pour les systèmes d’information géographique ?

Vous aimerez peut-être aussi